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Lettre ouverte à Monsieur Nicolas SARKOZY,

Président de la République française

Monsieur le Président,

Votre message annuel de vœux au corps diplomatique ce vendredi 16 janvier a


provoqué des sérieux points d’interrogation dans la tête de bon nombre de mes
compatriotes congolais quant aux préoccupations que vous avez exprimées au sujet
d’une part, de « l’avenir du Rwanda […] pays à la démographie dynamique et la
superficie petite » et d’autre part, de « la question de la République Démocratique du
Congo, pays à la superficie immense et à l’organisation étrange des richesses
frontalières » (C’est moi qui souligne les deux mots). Car ils choquent les esprits ! Ils
laissent croire, à tort ou à raison, que vous êtes préoccupé uniquement par l’avenir du
Rwanda et non par celui de la République Démocratique du Congo, qui est pourtant
plus sérieusement menacé par suite des affres de l’agression rwandaise.

En effet, une bonne partie de la population congolaise est décimée en 10 ans de guerre
(plus de six millions d’âmes !). Des femmes, des jeunes filles et des enfants qui sont
massivement violées chaque jour portent en elles les stigmates du virus du Sida, ce qui
compromet la croissance démographique des populations de cette région pour les
années à venir… Vos propos concernant la RDC, mon pays, ont donné à beaucoup de
Congolais l’impression que c’est la seule « question de l’organisation étrange des
richesses frontalières» (expression dont nous avons d’ailleurs du mal à cerner le
contour), qui constitue l’objet de vos préoccupations. Les crimes horribles que les
envahisseurs rwandais commettent quotidiennement contre les populations congolaises
ne semblent pas retenir votre attention dans cette démarche de la «recherche d’une
solution globale». Alors que beaucoup de Congolais s’interrogeaient encore sur
l’étrangéité de vos propositions suggérant un « dialogue structurel » qui examinerait les
voies et moyens de partager l’espace et les richesses de la République Démocratique du
Congo avec le Rwanda voisin selon, semble-t-il, « les lois de la géographie», le
quotidien français Le Monde est venu dissiper toutes les zones d’ombres qu’entretenait
encore l’ambiguïté du discours diplomatique.

Les «révélations» faites par la journaliste Nathalie Nougayrède pour expliciter


votre discours diplomatique, et qui n’ont pas été démenties par l’Elysée, ont exposé

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trois axes principaux de votre prochaine initiative dans la région des Grands Lacs :
premier axe, « l’exploitation en commun, pour la RDC et le Rwanda, des ressources
minières du Nord-Kivu » pour laquelle vous prônez « le partage des richesses »,
deuxième axe, « la question foncière » pour laquelle vous proposez « le partage de
l’espace », et enfin le troisième axe, la minorité tutsi en faveur de la quelle vous
plaidez pour sa «représentation politique […] au niveau local».

Par ailleurs, prétendre résoudre les problèmes de l’agression et du pillage de


notre pays par le partage de notre territoire et de nos richesses avec l’agresseur
rwandais, au seul motif que l’organisation des richesses de notre pays est «étrange»,
cela ressemble fort à un avocat qui, plaidant la cause de son client pris en flagrant délit
de vol , de viol et d’assassinat dans une famille, demande à la Cour que la victime
partage désormais ses biens avec son bourreau , parce que d’une part, le pauvre voleur
et assassin a beaucoup d’enfants qu’il n’arrive ni à nourrir, ni à loger, tandis que la
riche victime se montre négligente et ne ferme pas la porte de sa maison la nuit avant de
dormir ! Les Congolais auraient aimé voir un tel élan de générosité s’exprimer lors des
sommets de G8 où les riches pays industrialisés seraient invités à partager avec les
nombreux pays pauvres de l’hémisphère sud, des scandaleuses richesses qu’ils ont
accumulées à eux seuls! Mais quand on considère seulement l’énervement que
provoque en Europe le flux migratoire des pays pauvres du Sud, on est loin d’espérer ce
miracle.

Quant à la représentation de ce que vous appelez « minorité tutsi », il convient


de vous signaler que sociologiquement ou ethnologiquement (c’est selon), la
République Démocratique du Congo compte plus de 500 minorités. Dès lors une
question mérite d’être posée : pourquoi le problème de la représentativité politique ne
se pose pas pour toutes les autres minorités, et l’est uniquement pour la seule « minorité
tutsi » ? Poser cette question, c’est y répondre.

Car, Monsieur le Président, il est erroné de prétendre que la cause première de


la guerre qui a été déclenchée contre le Zaïre en 1996 et qui a décimé les populations
congolaises de l’Est de la République et détruit tout l’écosystème de la région ainsi que
toutes les infrastructures économiques, politiques, administratives, militaires, sanitaires,
touristiques et sociales, que cette cause première réside dans la seule problématique de
l’exiguïté du Rwanda et de sa démographie galopante. Tous les historiens sérieux
reconnaissent unanimement que c’est bien le conflit interne entre les communautés
sœurs hutu et tutsi au Rwanda qui est à la base des différents mouvements migratoires
des tutsi ou des hutus rwandais vers les pays voisins dont principalement la République
Démocratique du Congo. Dès lors, les Congolais se demandent pourquoi les autres pays
voisins du Rwanda dont la Tanzanie et l’Ouganda ne partageraient-ils pas leurs terres et

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leurs richesses avec le Rwanda, si tant est que l’exiguïté du territoire rwandais soit la
vraie raison du problème.

Monsieur le Président,

Ce n’est pas vous flatter que de vous dire que depuis le déclenchement des
hostilités dans cette région des Grands Lacs en 1990 par le Front Patriotique Rwandais
(FPR) de Paul Kagamé, appuyé par l’armée ougandaise de Yoweri Museveni, la France
a joué un rôle indéniable pour endiguer les différentes vagues de violence qui
menaçaient dangereusement les populations civiles sans défense. Et depuis l’agression
du Zaïre en 1996 par une vaste coalition des armées du Rwanda, de l’Ouganda, du
Burundi, de l’Angola et de l’Erythrée, le peuple congolais a chaque fois apprécié la
position du gouvernement français qui a toujours défendu sa juste cause et ses intérêts.
Contrairement à d’autres pays occidentaux. Deux cas retiennent la mémoire collective
des congolais. Lorsqu’en 1990, le gouvernement zaïrois a répondu à l’appel du
gouvernement rwandais pour stopper et repousser l’assaut des troupes rebelles du FPR
de Paul Kagamé contre Kigali, les troupes zaïroises avaient bénéficié d’une aide
logistique substantielle de la France pour accomplir leur mission. Et tout au début de
l’agression du Zaïre en 1996, pour éviter le massacre des réfugiés rwandais et des
populations congolaises du Kivu suite à la progression des troupes coalisées suscitées
appuyées par les Etats-Unis et certains pays occidentaux, la France avait
courageusement demandé à l’ONU et obtenu l’envoi des forces internationales
d’interposition dans le Kivu. Malheureusement, l’application de cette mesure fut
sabotée par les Etats-Unis d’Amérique, et la conséquence néfaste de ce geste américain
fut le massacre des centaines de milliers de réfugiés rwandais et des déplacés congolais
à travers la vaste jungle équatoriale.

Monsieur le Président,

Vous avez souvent dit, avec raison, que les vrais amis ont le devoir et
l’avantage de se dire la vérité en face. Nous comprenons que la présence française et
ses différentes interventions dans la région des Grands Lacs aient été mal vécues par le
régime de Monsieur Kagamé qui accuse, à tort ou à raison, votre pays d’avoir soutenu
les perdants ou d’avoir joué un rôle négatif dans le règlement de conflit interne au
Rwanda. Nous comprenons également que la France qui a perdu la main dans cette
région depuis l’échec de l’Opération Turquoise très controversée, cherche légitimement
à reprendre sa place dans cette région très convoitée à cause de ses nombreuses
richesses. Mais nous ne pouvons pas comprendre ni accepter que dans le souci de
normaliser les rapports diplomatiques avec le Rwanda, comme l’explique le journal Le
Monde, et ce qui est votre droit le plus strict, la République Démocratique du Congo et
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son peuple puissent servir de rançon ou de monnaie d’échange. La souveraineté d’un
pays ne peut ni se négocier, ni se déléguer. C’est ainsi que l’un de vos illustres
prédécesseurs, le Général De Gaulle, qui n’a jamais lésiné sur ce sacro-saint principe
avait dit en 1959, dans son adresse aux stagiaires de l’Ecole de guerre : « Il faut que la
défense de la France soit française, […] un pays comme la France, s’il lui arrive de
faire la guerre, il faut que ce soit sa guerre ».

Le peuple congolais qui connaît et admire l’histoire glorieuse du peuple français


qui a livré la guerre de 100 ans pour sa souveraineté, qui a vaillamment combattu lors
de la bataille de Verdun et versé son sang pour défendre l’intégrité de son pays, en
gardant jalousement sous sa souveraineté cette portion de son territoire, le peuple
congolais disais-je, ne comprendrait pas que les dirigeants politiques de ce vaillant
peuple français viennent lui proposer aujourd’hui le partage de son territoire et de ses
richesses avec les ennemis qui ont agressé son pays, qui l’occupent encore et le pillent
dans le but de le balkaniser.

Monsieur le Président,

C’est justement pour éviter la spirale incontrôlable des conflits frontaliers


conséquents aux convoitises des voisins que ce principe incarné dans le « droit à
l’autodétermination » des peuples, formulé pour la première fois par le Président
Wilson dans ses quatorze points à la fin de la deuxième guerre mondiale fut l’une des
bases du traité de Versailles pour la définition des frontières en Europe de l’Est et pour
la décolonisation de l’Afrique. C’est sur base de ce principe que l’Assemblée Générale
des Nations Unies a pris la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960. Cette résolution
relative à l’autodétermination a consacré aussi le principe de l’intégrité territoriale des
Etats membres. Ce même principe a été repris par les « Pères fondateurs » de
l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) comme uti possidetis-juris. Il y consacre le
principe sacro-saint de l’intangibilité des territoires hérités de la colonisation. C’est
pour cela que le point 6 de la déclaration de la Résolution 1514 souligne sans ambages
que « toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale ou
l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la
Charte des Nations Unies ». Votre proposition d’imposer à la RDC le partage de son
territoire et de ses richesses avec le Rwanda, si elle est réelle, viole le principe de base
de l’ONU dont votre pays est garant des principes en tant que membre permanent du
Conseil de Sécurité. Elle ouvre la boîte de Pandore et donne voie à une série de
violences dont personne ne pourra prédire ni l’ampleur, ni la durée.

Que votre « tentative, qui a déjà fait l’objet de consultation avec le régime
congolais » s’inscrive, comme l’a dit Nathalie Nougaydère, « dans le cadre de la
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volonté de Paris de normaliser sa relation avec le Rwanda », cela ne peut justifier ni
expliquer qu’on sacrifie la souveraineté du peuple congolais et l’intégrité de son
territoire sur l’autel des négociations entre Paris et Kigali. Que « Joseph Kabila » ait
« marqué son intérêt à ces propositions », cela n’étonne aucun congolais. Car le peuple
congolais sait que celui qui se fait appeler «Joseph Kabila» n’est qu’un pion du Rwanda
que Kigali a réussi à placer, avec l’aide de ses complices et alliés en occident, à la tête
des institutions de la RDC pour accomplir son projet d’occupation et de balkanisation
de notre pays en vue de l’annexion des riches terres du Kivu. Ce n’est plus un secret
pour personne.

Voilà pourquoi, Monsieur le Président, au nom des patriotes et résistants


congolais qui sont déterminés à se battre au sein de l’Alliance des Patriotes pour la
Refondation du Congo (APARECO) jusqu’à la libération de notre pays, la République
Démocratique du Congo, je vous demande de renoncer à cette initiative dangereuse
et malheureuse, et cela, pour l’avenir de la République Démocratique du Congo, et
pour la promotion de la paix dans toute la région des Grands Lacs. Tout le peuple
congolais vous en saura gré.

Paris, le 20 janvier 2009

Honoré Ngbanda-Nzambo Ko Atumba

Président National de l’APARECO

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