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La lettre de change :

La lettre de change a été définie comme un écrit par lequel une personne, appelée tireur (celui
qui émet la lettre de change), donne mandat à une autre personne, appelée tiré (débiteur de la
lettre de change), de payer à une troisième, appelée preneur ou bénéficiaire ou à l’ordre de
celle-ci, une certaine somme à une époque déterminée.
Cette définition classique a été critiquée par certains auteurs. Aussi, G.Ripert et R.Roblot ont
considéré que cette définition « ne correspond pas au véritable rôle de la lettre de change dans
l’économie moderne et elle a l’inconvénient de prendre l’expression de mandat dans un sens
juridique ancien ». G.Ripert et R.Roblot ont proposé de définir la lettre de change comme
« un titre, qui, remis par le tireur au bénéficiaire, donne à celui-ci, ou à celui qui est à son
ordre, le droit de se faire payer, à une date déterminée, une certaine somme d’argent ».
D’autres auteurs, ont proposé de définir la lettre de change, comme : « un écrit par lequel une
personne, appelée tireur, donne à une autre personne, appelée tiré, l’ordre de payer à une
époque déterminée une certaine somme d’argent à une troisième personne, appelée
bénéficiaire ou preneur, ou à l’ordre de celle-ci ».
La lettre de change est donc une opération à trois personnes, manifestant un rapport
triangulaire dans lequel le tiré est débiteur du tireur, le tireur débiteur du bénéficiaire et le tiré
en acceptant la lettre de change devient débiteur du bénéficiaire.
Exemple de ce rapport triangulaire :
1) Tiré débiteur du tireur :
C’est le cas par exemple d’un fournisseur « société Mohamed d’électroménager/tireur) » qui a
vendu à Karim un produit qui sera payable dans une échéance déterminée. Dans cette
première relation celui qui reçoit la marchandise (Karim, le débiteur « le tiré ») doit payer la
marchandise à l’échéance à la Sté Mohamed d’électroménager (Créancier de Mohamed
« tireur ») Cette créance initiale du tireur contre le tiré est appelée « provision ».
2) Tireur débiteur du bénéficiaire :
Dans le même temps, la Sté Mohamed d’électroménager est débitrice d’un fournisseur (Le
bénéficiaire) du montant d’une valeur qui lui aura été fournie. Cette créance est appelée
« valeur fournie ».
3) Relation tiré-Bénéficiaire :
En acceptant, la lettre de change, le tiré (Karim) s’engage à payer le bénéficiaire (le
fournisseur de la société Mohamed d’électroménager).
La lettre de change est un acte de commerce par la forme ; peu importe que le signataire est
une personne morale ou physique, peu importe son activité, et peu importe également sa
qualité (commerçant ou non). La lettre de change est aussi un titre négociable caractérisé par
son formalisme.
Ceci étant relevé, l’étude du régime juridique de la lettre de change exposée suivant les étapes
suivantes : La création de la lettre de change ; son acceptation et son aval son endossement et
son paiement.
Section 1 : La création de la lettre de change :
Paragraphe 1 : Conditions de forme de la lettre de change :
La création de la lettre de change doit répondre à des exigences de forme et de fond.
A) Mentions obligatoires :
Plusieurs mentions obligatoires sont énumérées par l’article 159 du code de commerce. Des
sanctions sont prévues pour non respect de ce formalisme.
1) Les mentions obligatoires :
Plusieurs mentions obligatoires sont prévues par la loi. Elles sont au nombre de huit :
- La dénomination de la lettre de change :
La dénomination expresse de la lettre de change assure l’information des différents signataires
de la lettre de change et leur sensibilisation sur la portée et la rigueur de leur engagement. La
dénomination de la lettre de change doit figurer dans l’intitulé même du titre et doit être
exprimée dans la langue employée pour sa rédaction.
- Mandat pur et simple de payer une somme déterminée :
Le titre doit comporter un mandat, c'est-à-dire un ordre donner au tiré de
payer une somme déterminée (exemple : « veuillez payer » ou simplement
« payer »). Le mandat de payer doit porter une somme déterminée : il ne
suffit pas que cette somme soit déterminable c'est-à-dire comportant les
éléments nécessaires à son calcule.
L’indication de la somme peut être faible indifféremment en chiffres ou en
lettres. En application de l’article 163 du code de commerce, la somme
inscrite en toutes lettres prévaut en cas de non concordance. Selon le
même texte, la lettre de change dont le montant est écrit plusieurs fois,
soit en toutes lettres, soit en chiffres, ne vaut, en cas de différence que
pour le moindre chiffre. Enfin, le mandat de payer doit être pur et simple.
Un ordre de payer conditionnel ne serait pas acceptable. Toutefois, rien ne
s’oppose à ce qu’une obligation soit imposée au porteur, telle la remise de
documents au tiré à l’échéance.
- Le nom de celui qui doit payer (le tiré) :
La désignation du tiré est indispensable puisque c’est à lui que le porteur à
l’échéance devra présenter l’effet au paiement. L’article 159 n’impose pas
la mention d’adresse du tiré mais son indication n’en est pas moins
nécessaire en pratique.
- L’indication de l’échéance :
L’indication de l’échéance est nécessaire en ce qu’il permettra au
bénéficiaire de connaître la date du paiement de la lettre de change.
L’article 181 du CC prévoit quatre modalités de paiement de la lettre de
change :
 La lettre de change payable à vue : C’est le cas où la lettre de
change comporte la mention « à vue » ou dans laquelle aucune
échéance n’est fixée : le bénéficiaire choisi librement la date à
laquelle la lettre de change sera présentée au paiement dans
l’année de sa création. Le tireur peut abréger ce délai ou en
stipuler un plus long. Ces délais peuvent être abrégés par les
endosseurs.
Le tireur peut prescrire qu’une lettre de change payable à vue
ne doit pas être présentée au paiement avant un terme
indiqué. Dans ce cas, le délai de présentation part de ce terme
(art. 182 al. 1 du CC).
 La lettre de change payable à un certain délai de vue : Le
porteur ne peut exiger le paiement qu’à l’expiration d’un délai
prévu, à compter de l’acceptation ou du protêt (si le tiré refuse
d’accepter).
Dans ce cas la lettre de change devra être présentée deux fois
au tiré, une première fois pour faire courir le délai (présentation
à l’acceptation) et une seconde fois pour obtenir le paiement.
 Lettre de change payable à jour fixe : le jour de paiement est
fixé par le tireur. Exemple (le 15 avril 2012). La lettre de
change payable à jour fixe est la plus fréquente dans la
pratique.
 Lettre de change payable à un certain délai de date : Ici
l’échéance s’exprime par une certaine période de temps
mentionné ex : à 90 jours ; le décompte de ce délai suppose un
point de départ qui est la date de création du titre.
- Indication du lieu de paiement :
L’indication du lieu de paiement est nécessaire pour le
bénéficiaire pour qu’il puisse connaître où il doit effectuer la
présentation. Dans la pratique, les lettres de changes sont
souvent rendues payables aux caisses d’un établissement
bancaire par une clause dite de « domiciliation ».
- Nom du bénéficiaire :
Le nom du bénéficiaire doit figurer sur le titre. La lettre de
change ne peut être émise au porteur ou en blanc. Dans ce
dernier cas, la lettre de change pourra toujours être
régularisée : il suffira que le nom du bénéficiaire soit inscrit
avant la présentation au paiement. De même, l’absence du
nom du bénéficiaire a été jugée utilement palliée par la
mention du nom du premier endosseur.
La lettre de change peut être à l’ordre du tireur lui-même,
comme elle peut être tirée en faveur d’un tiers.
- Date et lieu de la création de la lettre de change :
* Date de création : La mention de la date de la création revêt
une grande utilité. Elle permet de vérifier la capacité et,
éventuellement, les pouvoirs du tireur. La date d’émission
commande, par ailleurs, l’échéance pour l’effet payable à un
certain délai de date.
* Lieu de création : L’indication du lieu d’émission n’a guère
d’intérêt dans les relations internes. A défaut de son indication,
le lieu indiqué à côté du nom du tireur vaut comme lieu de
création.
- Nom et signature du tireur :
Le nom du tireur et sa signature de la lettre de change
matérialise son engagement cambiaire. En leur absence la
lettre de change ne sera pas considérée comme un titre
cambiaire. La loi ne précise pas l’emplacement de la signature
dans la lettre de change. Elle est généralement apposée en bas
du titre.
2) Sanction du nom respect du
formalisme :
La lettre de change ne comportant pas l’ensemble des énonciations
obligatoires énumérées à l’article 159 est en principe frappée de nullité.
Par exemple, le tiré, même acceptant, peut refuser de payer une lettre de
change présentée sans indication du bénéficiaire.
Toutefois, la loi (art. 160 du CC) apporte certaines dérogations à ce
principe de la nullité de la lettre de change. Il s’agit en l’occurrence de
l’absence d’indication : de l’échéance ; du lieu de paiement ; de la date et
le lieu de la création du titre.
- Absence d’échéance : La lettre de change dont l’échéance
n’est pas indiquée est considérée comme payable à vue.
- Absence d’indication du lieu de paiement : A défaut
d’indication spéciale, le lieu désigné à côté du nom du tiré est réputé être
le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du tiré. Si le
lieu n’est pas indiqué à côté du nom du tiré, le lieu de paiement est celui
où le tiré exerce son activité ou celui où il est domicilié.
- Absence d’indication de la date et du lieu de
création :
o A défaut d’indication spéciale, la date de création de la lettre de
change est considérée être celle de la remise du titre au
bénéficiaire.
o La lettre de change, n’indiquant pas le lieu de sa création, est
considérée comme souscrite dans le lieu désigné à côté du nom du
tireur. Si le lieu n’est pas indiqué à côté du nom du tireur, la lettre de
change est considérée comme suscrite dans le lieu du domicile du
tireur.
B) Mentions facultatives :
La lettre de change peut comporter des mentions facultatives. Il en est
ainsi des stipulations suivantes :
- La clause de domiciliation : la clause de domiciliation est la
plus fréquente dans la pratique. Son importance a augmenté avec la lettre
de change normalisée qui impose une domiciliation bancaire. La
stipulation d’une domiciliation consiste à indiquer que le paiement sera
fait au domicile d’un tiers (la banque) ce dernier est mandataire du tiré,
qui lui donne ordre de payer ou de ne pas payer ;
- La clause de dispense de protêt dite aussi clause de
« retour sans frais » ou « sans frais ».
- La clause non à ordre interdisant l’endossement ;
- Clause non acceptable qui interdit de présenter la lettre de
change à l’acceptation ;
- La clause « contre document » qui transforme la lettre de
change en effet documentaire, le tiré ne payant que contre remise des
documents détenus par le porteur ;
- La clause d’aval qui garantit le paiement de la lettre de
change par le tiré.
- La clause indiquant la cause de la création de la lettre de
change (ex : en paiement d’une telle catégorie de marchandise)
C) Emission de la lettre de change en plusieurs
exemplaires ou copies :
Dans la pratique la lettre de change est crée en un seul exemplaire. Le
code de commerce permet en outre de créer la lettre de change en
plusieurs exemplaires originaux.
De même, rien n’empêche le porteur d’une lettre de change d’en faire des
copies.
Toutefois, il convient de signaler que la création de la lettre de change en
plusieurs exemplaires originaux ou en copies et très rare dans la pratique.
1) Pluralité d’exemplaires :
L’article 222 du CC permet la création de la lettre de change en plusieurs
exemplaires originaux. La création de la lettre de change en plusieurs
exemplaires présente une double utilité. Elle permet, en cas de perte ou
de vol d’un exemplaire, de présenter l’autre. Elle permet au porteur
d’envoyer un des exemplaires à l’acceptation du tiré tout en conservant
l’autre.
Le code de commerce soumet l’émission de plusieurs exemplaires à
certaines conditions ; les exemplaires doivent avoir le même contenu
(mêmes énonciations, même signatures originales). Ils doivent être
numérotés dans le texte même, faute de quoi ils seraient considérés
comme des lettres de change distinctes. Le paiement effectué sur un des
exemplaires est libératoire alors même qu’il n’est pas stipulé que ce
paiement annule l’effet des autres exemplaires. Toutefois, le tiré reste tenu
à raison de chaque exemplaire accepté dont il n’a pas obtenu la
restitution.
Le résultat pratique est que le tiré ne paie, le cas échéant, que sur
présentation de l’exemplaire accepté, ou de tous les exemplaires
acceptés par lui.
2) Pluralités de copies :
Au lieu de demander l’établissement des exemplaires originaux de la lettre
de change, le porteur peut, en application de l’article 225 du CC, en établir
des copies. La copie doit reproduire exactement l’original avec toutes les
mentions qui y figurent et doit désigner le détenteur dudit titre original, et
ce pour permettre de résoudre les conflits qui peuvent s’élever entre le
porteur de l’original et le porteur de la copie.
La copie peut circuler comme l’original, et les endossements et avals
qu’elle porte ont la même valeur que ceux qui y figurent sur l’original.
Toutefois, à la différence de l’exemplaire, la copie ne permet pas à son
détenteur d’exiger le paiement au tiré. Le détenteur doit s’adresser à la
personne qui détient l’original et dont le nom figure sur la copie ; cette
personne est tenue de remettre ledit titre au porteur légitime de la copie.
S’il y refuse, le porteur ne peut exercer le recours contre les personnes qui
ont endossé ou avalisé la copie qu’après avoir fait constater par un protêt
que l’original ne lui a pas été remis sur sa demande.
Paragraphe 2 : Les conditions de fond :
Les conditions de fond concernent aussi bien les parties que la cause de
l’émission de la lettre de change.
A) Les parties :
Lors de l’émission de la lettre de change, seul le tireur s’engage, même si
cela n’apparaît pas dans les termes de la lettre puisqu’il donne à une autre
personne, le tiré, l’ordre de payer. Portant dès l’émission, le tireur est
garant du paiement, sans qu’il lui soit possible de déroger à ses
engagements. Chaque personne apposant sa signature sur la lettre de
change s’engage personnellement. La validité de chaque engagement doit
dès lors être appréciée en tant que telle, abstraction faite des autres
obligations constatées par la lettre de change. Aussi, il y a lieu de traiter le
consentement des différents signataires de la lettre de change, la capacité
et les pouvoirs.
1) Consentement :
Comme tout acte juridique, la signature de la lettre de change suppose le
consentement de l’intéressé. Aussi, le consentement du tireur est
nécessaire et s’exprime par sa signature.
En l’absence totale du consentement, si par exemple la signature de
l’intéressé a été imitée ou falsifiée, il n’est pas obligé (exception de défaut
total de consentement) même si le porteur est de bonne foi. En cas de
vice de consentement, ce vice est invocable à l’encontre de son auteur
(ex : le tiré peut opposer au tireur le dol que ce dernier a commis), mais il
ne l’est pas à l’encontre du porteur de bonne foi.
2) Capacité :
La lettre de change est un acte de commerce qui requiert la capacité, et
ce conformément à l’article 164 du CC qui considère que « la lettre de
change souscrite par un mineur non-commerçant est nulle à son égard,
sauf les droits des parties conformément au droit commun ».
Si la lettre de change porte des signatures de personnes incapables de
s’obliger, des signatures fausses ou des signatures de personnes
imaginaires ou des signatures qui, pour toute autre raison, ne sauraient
obliger les personnes qui ont signé la lettre de change, ou du nom
desquelles elle a été signée, les obligations des autres signataires n’en
sont pas moins valables.
3) Pouvoirs :
La personne qui souscrit une lettre de change au nom d’une autre
personne tient son pouvoir soit de la loi, tel le dirigeant d’une société, soit
d’un mandat. Etant entendu que la personne qui signe la lettre de change
pour le compte d’une autre sans avoir de mandat à cet effet ou en
excédant son mandat s’engage personnellement.
B) Cause :
Les engagements cambiaires sont souscrits par les différentes parties
dans la lettre de change en considération de leurs rapports juridiques, qui
sont les causes des engagements pris par les signataires. Ainsi, si le tireur
émet la lettre de change et si le tiré l’accepte ensuite, c’est parce que le
premier a sur le second une créance, dite « la provision ». De même, si le
tireur crée l’effet au profit du bénéficiaire, c’est parce qu’il est débiteur de
ce dernier, la créance du bénéficiaire étant dénommée la « valeur
fournie ».
Aussi, il y a lieu de présenter la cause essentielle de l’émission de la lettre
de change, à savoir la provision, la sanction de l’illicéité de la cause et son
application aux effets de complaisance.
1) Une cause essentielle : la provision :
La cause essentielle de la lettre de change est la provision, c'est-à-dire la
créance du tireur sur le tiré. Conformément à l’article 166 du CC : « il y a
provision si, à l’échéance de la lettre de change, celui sur qui elle est
fournie est redevable au tireur, ou à celui pour le compte de qui elle est
tirée, d’une somme au moins égale au montant de la lettre de change ».
La provision est donc une créance de somme d’argent du tireur sur le tiré
au moins égal au montant de l’effet. Cette créance doit, conformément au
même article, être certaine, liquide et exigible.
La provision revêt une grande importance : aussi bien pour le tiré, qui
n’acceptera, en général, que s’il a provision ; que pour le porteur puisqu’il
acquiert la propriété de la provision ; et pour le tireur en cas de recours
d’un porteur impayé.
2) Sanction du défaut de cause ou son illicéité :
L’émission de la lettre de change doit avoir une cause, qui doit en outre
être licite.
Toutefois, le défaut de cause (ex : absence de provision) ou encore son
illicéité (par ex : provision née d’une vente contraire à l’ordre public ou
aux bonnes mœurs) sont inopposables au porteur de bonne foi. Il en
résulte que le tiré ne peut invoquer ces moyens de défense que dans ses
relations directes avec le tireur (vendeur) et si le porteur est de mauvaise
foi.
3) Effet de complaisance-effet de cavalerie-tirage
croisé :
Le cas le plus patent de la nullité d’un engagement cambiaire pour cause
illicite est celui des effets de complaisance. L’hypothèse typique est celle
d’un commerçant (Tireur-complu) qui connait des difficultés financières et
décide, pour obtenir un crédit de la part de sa banque, de tirer une traite
sur un ami (Tiré-complaisant) ne correspondant à aucune opération
commerciale. Dans l’esprit des parties, cette lettre de complaisance ne
doit donc pas être payée à l’échéance mais sert uniquement à tromper les
tiers, en particulier la banque qui acceptera de l’escompter.
Pour retarder la découverte de ces manœuvres, les tirages sont
renouvelés à l’échéance par un nouvel effet de complaisance d’un
montant suffisant pour couvrir la première lettre de change et la
rémunération du banquier escompter (effet de cavalerie). En pratique,
l’opération donne lieu à une transaction au sens inverse par laquelle le
premier tireur intervient par complaisance au profit du tiré (tirage croisé).
Section 2 : Acceptation et aval de la lettre de
change :
La garantie de la lettre de change résulte aussi bien de son acceptation
par le tiré que de son aval.
Paragraphe 1: Acceptation de la lettre de
change :
L’acceptation consiste dans l’opposition de la signature du tiré sur la lettre
de change. Elle fait présumer l’existence de la provision et crée un
engagement de la part du tiré à payer le porteur à l’échéance : tant que le
tiré n’a pas donné son acceptation, il n’est pas obligé en vertu de la lettre
de change. Aussi, il y a lieu d’examiner les formes de l’acceptation et ses
effets.
A- Les formes de l’acceptation :
On examinera les clauses relatives à l’acceptation, la présentation à
l’acceptation son caractère et ses formes.
1) Clauses liées à l’acceptation:
Des clauses relatives à l’acceptation peuvent être insérées par les parties
ces clauses sont de deux sortes.
- Clauses imposant au porteur la présentation : ex. clause « contre
acceptation » ou « à présenter à l’acceptation avant telle date ». Ces
clauses sont, surtout utiles lorsque le tireur a des doutes sur l’intention du
tiré de payer et préfère être fixé avant l’échéance.
- A l’inverse, une clause peut interdire la présentation à
l’acceptation « non acceptable » ou l’interdire avant une certaine date « à
ne pas présenter à l’acceptation avant une date déterminée » de telles
clauses sont particulièrement utiles lorsque la provision n’existe pas
encore ou lorsque le tireur ne veut pas ennuyer un bon client, surtout si la
lettre de change est d’un faible montant.
Toutefois, la liberté des parties d’insérer des clauses interdisant
l’acceptation n’est pas totale. Ces clauses sont prohibées par la loi
(art.174 du CC) dans deux situations :
 S’il s’agit d’une lettre de change payable à un certain délai de
vue, puisque l’acceptation fait courir le délai de présentation
pour ce type de lettre de change ;
 Si la lettre de change est domiciliée chez un banquier, comme
c’est souvent le cas, l’acceptation permettra au tiré de
provisionner son compte bancaire.
2) Présentation à l’acceptation :
La lettre de change peut être présentée à l’acceptation soit par le tireur,
soit par le porteur. Elle peut être présentée au domicile du tiré, à n’importe
quel moment avant l’échéance.
Le tiré peut ne pas accepter la lettre de change au moment de sa
présentation et demander qu’une seconde présentation lui soit faite le
lendemain. Ce délai lui permettra de vérifier s’il a envers le tireur une
dette égale au montant de la lettre de change.
3) Caractère de l’acceptation :
En principe, le tiré n’est pas tenu d’accepter une lettre de change, même
s’il est débiteur d’une provision. Cependant, la liberté du tiré d’accepter la
lettre de change connaît deux limites :
- Une limite de fait : si le tiré refuse d’accepter les lettres de
change tirée sur lui par le tireur, il aura du mal à conserver ses relations
commerciales avec ce dernier ;
- Une limite de droit : l’article 174 du CC considère que
l’acceptation est obligatoire lorsque l’effet a été émis à partir d’un contrat
de fourniture de marchandises passé entre commerçants et que le tireur a
bien fourni la provision.
Si en dépit de la réunion de ces conditions, le tiré refuse d’accepter la
lettre de change, il encourt la déchéance du terme de sa créance
fondamentale et le vendeur (tireur) peut exiger le paiement immédiat de
la marchandise vendue.
4) Forme de l’acceptation :
L’acceptation est exprimée par le mot « accepté » ou tout autre terme
« équivalent » et elle doit être suivie de la signature du tiré (art. 176 al du
CC), elle peut même résulter de la seule signature de la lettre de change
par le tiré.
La signature du tiré doit être apposée sur la lettre de change elle-même.
L’acceptation par acte séparé n’est qu’une reconnaissance de dette
ordinaire et n’a pas d’effet cambiaire.
Aussi, la signature doit être pure et simple et ne comporter ni terme, ni
condition (exemple : Elle est interdite l’acceptation suivie de la clause « à
condition que la marchandise soit livrée »). De même, l’acceptation ne doit
pas être datée, sauf si une telle indication fait courir le délai de vue pour le
paiement ou si une autre clause avait prescrit que l’acceptation devrait
intervenir avant ou après une certaine date.
B- Conséquences du mécanisme de l’acceptation
sur le porteur de la lettre de change :
Ces conséquences varient selon qu’on est en présence d’un refus
d’acceptation ou d’une acceptation.
1) Refus d’acceptation :
Si le tiré a refusé d’accepter la lettre de change, il n’y est pas tenu
cambiairement. Face à cette situation, le bénéficiaire, qui peut
légitimement avoir des doutes sur la valeur de la lettre de change dont le
paiement a été refusé, peut immédiatement faire dresser protêt (à moins
qu’il n’en soit dispensé par une clause expresse ou par la loi) et exercer
avant l’échéance les recours appropriés à l’encontre des différents
signataires de la lettre de change (les règles sont les mêmes qu’en cas de
recours faute de paiement).
2) Les effets de l’acceptation :
L’acceptation a pour principal effet de rendre le tiré débiteur de la lettre
de change. Par l’acceptation le tiré s’oblige à payer la lettre de change à
son échéance.
Il ne peut de ce fait opposer au porteur de bonne foi les exceptions qu’il
pouvait opposer au tireur pour refuser le paiement de sa dette.
Le tiré ne peut donc refuser de payer un porteur de bonne foi en
prétendant, par exemple, la nullité ou l’extinction de sa créance envers le
tireur.
En plus de cet effet principal, l’acceptation entraîne, notamment, les
conséquences suivantes :
- L’acceptation fait présumer la provision dans les rapports entre le
tireur et le tiré ;
- L’acceptation fixe les droits du porteur sur la provision, le tireur ne
pouvant plus, dès lors, en disposer.
- L’acceptation permet au porteur d’exercer les recours cambiaires à
l’encontre du tiré.
Paragraphe 2 : L’aval de la lettre de change :
L’aval est l’engagement pris par une personne de payer une lettre de
change à son échéance.
La personne qui prend un tel engagement s’appelle donneur d’aval ou
avaliseur.
L’aval n’est pas forcément donné pour le compte du tiré : il peut être pour
le compte du tireur, ou encore un endosseur. En principe le donneur d’aval
doit désigner la personne garantie : à défaut, l’aval est réputé être donné
pour le compte du tireur.
Aussi, on examinera la forme de l’aval et ses effets.
A) Forme de l’aval :
L’aval peut être exprimé par les mots « bon pour aval » ou par toutes
autres formules équivalentes et doit être signé par le donneur d’aval.
L’aval peut être donné suivant deux modalités :
- L’aval peut être donné sur la lettre de change ;
- Il peut être sonné sur un acte séparé, en indiquant le lieu
où il est intervenu : cette modalité n’est pas sans intérêt, puisqu’il
permettra au donneur d’aval de s’engager uniquement envers un
créancier déterminé alors que l’aval porté sur la lettre de change oblige
l’avaliseur envers le porteur et les signataires postérieurs à son
engagement.
B) Effets de l’aval :
Le donneur d’aval est tenu cambiairement de payer la lettre de change :
son engagement est commercial, unilatéral et solidaire (l’avaliseur d’une
lettre de change n’a droit ni au bénéfice de division, ni au bénéfice de
discussion).
Comme en matière de chèque, l’avaliseur d’une lettre de change est
soumis à deux règles :
- Indépendances des signatures :
 L’engagement de l’avaliseur est valable, alors même que
l’obligation qu’il garantit serait nulle pour toutes autres causes
qu’un vice de forme (Ex. Le donneur d’aval reste obligé même
en cas d’incapacité ou de vice du consentement du débiteur
garanti, à moins que le paiement ne soit réclamé par un
porteur de mauvaise foi).
 De même, le donneur d’aval ne peut pas opposer au porteur
de bonne foi, les exceptions provenant de ses rapports
personnels avec celui pour le compte de qui il a donné son
aval.
- Engagement accessoire :
Dès lors que le moyen de défense est autre que la nullité de l’obligation
garantie précitée, le donneur d’aval, considéré comme une caution, est
tenu de la même manière que la signataire pour le compte duquel il s’est
engagé ; il pourra donc opposer au porteur les exceptions que ce
signataire aurait-pu lui-même opposer (ex : il peut se prévaloir de la
prescription que pourrait invoquer le débiteur garanti ; il peut opposer le
défaut de provision au tireur…etc.). Par ailleurs, à l’instar du chèque le
donneur d’aval qui règle une lettre de change en exécution de son aval
acquiert, par subrogation, tous les droits résultant de la lettre de change
contre le garant et contre tous les signataires qui seraient tenus envers ce
dernier.
Section 3 : Endossement et paiement de la lettre
de change :
On examinera successivement l’endossement de la lettre de change et
son paiement.
Sous-section 1 : Endossement de la lettre de
change :
Il existe 3 sortes d’endossement de la lettre de change : l’endossement
translatif qui fait passer à l’endossataire tous les droits attachés à la lettre
de change ; l’endossement pignoratif ou de garantie qui lui donne un droit
de gage sur la lettre de change et l’endossement de procuration qui ne
confère à l’endossataire qu’un mandat d’encaissement.
Paragraphe 1 : Endossement translatif :
Cet endossement a pour objet de transmettre à l’endossataire tous les
droits résultant de la lettre de change. Il permettra, notamment au porteur
de faire escompter la lettre de change par une banque. Il convient
d’examiner les conditions et les effets de l’endossement translatif.
A- Conditions de l’endossement translatif :
1) Conditions de forme :
Trois formes d’endossement translatif sont possibles :
- Endossement nominatif : C'est-à-dire avec désignation expresse du
bénéficiaire (ex : veuillez payer à M.X), suivi de la date et de la signature.
- L’endossement au porteur (ex : veuillez payer au porteur), suivi de
la date et de la signature. Dans ce cas la lettre devient un titre au porteur
qui peut être transmis par tradition, de la main à la main ;
- Endossement en blanc : il résulte de la seule signature de
l’endosseur. La lettre de change devient un titre au porteur comme le cas
précédant.
Les endossements sont généralement apposés au dos de la lettre de
change, d’où leur nom ; s’il n’y a plus de place sur la lettre on lui ajoute au
besoin « une allonge ».
2) Conditions de fond :
Ils sont les mêmes que celles exigées pour l’émission de la lettre de
change ; notamment l’endosseur doit avoir la capacité. Par ailleurs,
l’endossement doit être total ; l’endossement partiel est nul ; à la
différence de l’acceptation ou de l’aval. Il doit être pur et simple : toute
condition est réputée non-écrite. L’endossement peut intervenir jusqu'au
protêt. Après cette date, l’endossement ainsi effectué ne peut produire
que les effets d’une cession ordinaire de créance.
B- Effets de l’endossement translatif :
L’endossataire, en tant que nouveau porteur devient titulaire de
l’ensemble des droits résultants de la lettre de change.
L’endossement translatif entraîne le transfert de la propriété de la
provision : celle-ci est transmise de droit aux porteurs successifs de la
lettre de change.
L’autre important effet de la lettre de change est l’inopposabilité des
exceptions : c'est-à-dire que les personnes poursuivies en paiement de la
lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur de bonne foi les
exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur et avec les
porteurs antérieurs. Ce principe connaît cependant certaines limites.
1) Principe d’inopposabilité des
exceptions :
Contrairement à une cession de créance dans laquelle le cessionnaire
ne saurait avoir une meilleure créance que celle de son cédant et pourrait
alors se voir opposer toutes les exceptions que le débiteur cédé pouvait
opposer au cédant, le droit de change connaît un principe opposé. Il
prévoit que la personne actionnée en vertu de la lettre de change ne peut
pas opposer au porteur de bonne foi les exceptions fondées sur ses
rapports personnels avec le tireur ou avec le porteurs antérieurs (art.171
du CC). On parle de purge des exceptions.
Il s’agit, en l’occurrence des exceptions fondées sur les rapports suivants :
 Des exceptions tirées de la nullité du rapport fondamental :
nullité pour vice du consentement, de cause illicite. Exemple :
le tireur a émis la lettre de change par suite de dol ou de violence
sur le tiré, si le porteur est de bonne foi, le tiré ne peut pas refuser le
paiement en se retranchant derrière cette exception de nullité ;
 Exceptions liées à la disparition du rapport fondamental.
Exemple : le tiré ne pourra pas invoquer la compensation ou la
résolution du contrat initial conclu avec le tireur pour refuser de
payer un porteur de bonne foi ;
 Exceptions nées d’un événement postérieur à la naissance du
titre ou encore une erreur sur la cause de l’acceptation. Le
tiré ne peut pas refuser de payer un porteur de bonne foi en
invoquant par exemple une erreur d’acceptation de la lettre de
change.
2) Les limites de l’inopposabilité des
exceptions :
Sont opposables à tout porteur, même de bonne foi, les exceptions
qui résultent de :
 L’apparence du vice : une irrégularité de forme, un vice
apparent de la lettre de change, tel que le défaut d’une
mention obligatoire de la lettre de change sont opposable
au porteur, même de bonne foi ;
 Défaut de consentement : Exemple, le tiré dont on a
imité la signature ne sera pas tenu de payer même si le
porteur est de bonne foi. Les autres signataires ne peuvent
pas refuser de payer sur cette base.
 Le souci de protection d’une personne peut l’emporter
sur la sécurité du titre pourtant régulier en apparence.
Aussi, l’exception d’incapacité peut être opposée par
l’incapable au porteur même de bonne foi. Mais cette
exception ne peut être invoquée que par l’incapacité lui-
même ou par son représentant. Les autres signataires ne
peuvent pas refuser le paiement sur cette base, et ce en
raison du principe de l’indépendance des signatures.
Paragraphe 2 : Endossement pignoratif ou de
garantie :
Cet endossement permet de remettre l’effet en gage à un créancier dans
les conditions plus simples que celle du droit civil. L’endossement
pignoratif est exprimé par la formule inscrite au dos de la lettre de
change : « valeur en garantie » ou « valeur en gage ».
L’endossement n’acquiert pas la propriété de la provision ; il ne peut pas
valablement la transmettre à titre translatif ou à titre pignoratif mais il
peut la réendosser à titre de procuration pour la faire encaisser.
L’endossataire a les droits d’un créancier gagiste ; si à l’échéance il n’est
pas remboursé de sa créance par l’endosseur, il peut se faire payer la
lettre par le tiré.
Toutefois, il convient de signaler que dans la pratique ces règles ne sont
pas observées ; l’endossement pignoratif se réalise au moyen d’un
endossement en blanc, de sorte qu’à l’égard des tiers, le gagiste à tous les
droits d’un endossataire à titre translatif ; mais entre les parties, un acte
séparé précise qu’il ne s’agit que d’un gage.
Paragraphe 3 : Endossement par procuration :
L’endossement de procuration est un mandat de recouvrement de la lettre
de change. Le nouveau porteur agit en tant que simple mandataire de
l’endosseur pour encaissement de la lettre de change. L’endossement de
procuration s’exprime par la mention « valeur en recouvrement » ou
« pour encaissement » ou « par procuration ».
Sous-section 2 : Paiement de la lettre de change :
Il convient d’examiner les modalités de paiement de la lettre de change,
les conséquences du défaut de paiement et la prescription des recours
cambiaires.
Paragraphe 1 : Modalités de paiement de la
lettre de change :
On examinera la date de présentation au paiement, le lieu de paiement les
modes de paiement, et l’opposition au paiement de la lettre de change.
A- La date de présentation au paiement :
La date de présentation au paiement est celle indiquée sur la lettre de
change en tant qu’échéance. Avant cette date le porteur ne peut pas
réclamer le paiement de la lettre de change (sauf en cas d’escompte ou si
le tiré a refusé d’accepter la lettre de change).
Aussi, si la lettre de change est à échéance fixe, ou à un certain délai de
date ou à un certain délai de vue, cette présentation doit être faite le jour
de l’échéance ou l’un des cinq jours ouvrables qui suivent (art.184 du CC).
Si la lettre de change est à vue, elle doit être présentée au paiement dans
l’année qui suit sa création (art. 182 su CC).
B- Le lieu de paiement :
La lettre de change doit être présentée au paiement dans le lieu indiqué à
cet effet sur la lettre de change, ou à défaut au domicile du tiré. En
général, le lieu de paiement est fixé par une clause dite de
« domiciliation » chez une banque.
Dans ce cas, la banque n’est pas engagée par une obligation cambiaire au
paiement d’une lettre de change, mais seulement par l’ordre de payer
reçu de son client (le tiré). Elle n’agit que comme mandataire du tiré et
doit suivre ses instructions.
C- Mode de paiement :
Le paiement des lettres de change peut intervenir en espèce ou par
chèque. Le plus souvent les lettres de change sont payées entre
banquiers, par compensation, ce qui est expressément prévu par l’article
184 du CC qui considère que la présentation d’une lettre de change à une
chambre de compensation équivaut à une présentation au paiement.
Le paiement peut être total ou partiel. Si le paiement est total le tiré peut
exiger que la lettre de change lui soit remise acquittée par le porteur.
Etant précisé qu’une restitution du titre même non acquitté par le porteur
vaut présomption de paiement en vertu de l’article 341 du DOC. Enfin, il y
a lieu de signaler que le paiement fait au porteur légitime par le tiré
accepteur a pour effet d’éteindre définitivement :
1) Les rapports cambiaires : tous les signataires sont libérés ;
2) Le rapport fondamental, sauf le recours du tiré contre le tireur
lorsqu’il n’a pas reçu provision.
Le paiement fait par un autre obligé (ex : un avaliseur) laisse à ce dernier
un recours contre les obligés antérieurs.
D- Oppositions au paiement :
En vue de faciliter la circulation de la lettre de change, la loi (art. 189 du
CC) interdit, en principe, les oppositions à leur paiement. Deux
dérogations sont apportées à cette règle, et l’opposition peut être faite
dans deux cas :
- Si la lettre de change a été perdue ou volée ;
- Si le porteur est en redressement ou en liquidation judiciaire, le
syndic peut faire opposition et demander que la lettre de change lui soit
payée.
Paragraphe 2 : Recours cambiaire faute de
paiement :
Le porteur peut exercer des recours à l’encontre des différents obligés si le
tiré ne paie pas à l’échéance. Il peut même exercer des recours, sans
attendre l’échéance, dans les cas suivants :
- Si le tiré a refusé d’accepter la lettre de change ;
- En cas de cessation de paiement du tiré ;
- En cas de cessation de paiement du tireur d’une lettre de change
non acceptable.
A l’échéance, si le paiement n’a pas été effectué par le tiré, le porteur a un
recours contre tous les signataires de la lettre de change. Mais ce recours
suppose le respect de certaines formalités. Aussi, il y a lieu de présenter
les formalités préalables au recours cambiaires, l’exercice et la
prescription de ces recours.
A- Formalités préalables au recours
cambiaires :
Préalablement à l’exercice des recours cambiaires, le porteur doit
accomplir certaines formalités. A cet égard la loi prévoit deux types de
formalités : le protêt et les avis.
1) Le protêt :
- Etablissement du protêt :
Le protêt est un acte authentique constatant le défaut d’acceptation ou
de paiement de la lettre de change. En principe, le refus de paiement doit
obligatoirement être dressé par le protêt. Toutefois, ce principe connaît
d’importantes dérogations.
 En cas de redressement ou liquidation judiciaire du tiré, accepteur
ou non, ou du tireur d’une traite non acceptable, le jugement
ouvrant la procédure suffit pour permettre l’exercice des recours
(art.197 al.6 du CC).
 Le protêt établi pour refus d’acceptation, dispense de la
présentation au paiement et du protêt faute de paiement (art.197
al.4 du CC).
 La clause de « retour sans frais » ou « sans protêt » apposée sur la
lettre de change dispense le porteur de cette formalité. Mais il
reste tenu de présenter la lettre de change au paiement dans le
délai prescrit et donner les différents avis requis (art.200du CC).
Le protêt contient, notamment, la transcription, littérale de la lettre de
change (y compris les endos et avals), une sommation de payer et les
raisons du refus de paiement (art.210 du CC).
- Défaut de protêt :
Le porteur qui n’a pas fait dresser protêt faute d’acceptation ou de
paiement dans les délais requis par la loi est considéré comme négligent.
Il est, en principe déchu de ces recours cambiaires contre les signataires
de la lettre de change.
Toutefois, malgré cette négligence, le porteur conserve des recours
cambiaires contre :
 Le tiré accepteur ;
 Contre le tireur qui ne justifie pas avoir constitué la provision à
l’échéance de la lettre.
Etant entendu que le porteur peut toujours exercer les recours de droit
commun dans les conditions propres à ces recours.
2) Les avis :
Conformément à l’article 199 du CC, le porteur doit aviser son endosseur
du refus de paiement (ou d’acceptation) dans les six jours ouvrables
suivant le protêt ou la présentation au paiement en cas de clause de
dispense du protêt.
Celui qui a été avisé doit lui-même, dans les trois jours de la réception de
l’avis, en informer son propre endosseur et ainsi de suite jusqu’au tireur.
L’obligation d’information pèse également sur le greffier lorsque la lettre
de change indique le nom et domicile du tireur. Comme en matière de
chèque, les avis n’ont aucun impact sur les recours cambiaires. Celui qui
n’a pas donné avis n’encourt pas la perte des recours cambiaires, mais
risque d’être tenu responsable du préjudice causé par sa négligence, sans
que les dommages-intérêts puissent dépasser le montant de la lettre de
change.
B- L’exercice des recours cambiaires :
On traitera successivement le montant pouvant être réclamé lors d’un
recours cambiaire, la portée de ce recours, les procédures et délais des
recours cambiaires.
1) Montant et portée des recours :
a. Montant :
Conformément à l’article 202 du CC, le porteur peut réclamer à celui
contre lequel exerce son recours :
 Le montant de la lettre de change ;
 Les intérêts aux taux légal à partir de l’échéance ;
 Les frais du protêt, d’avis et d’autres frais.
Ces dispositions sont d’ordre public, il n’est pas possible d’obtenir, au titre
du recours cambiaires, la réparation d’autres dommages.
b. Portée des recours cambiaires :
L’exercice des recours cambiaires diffère selon la situation du porteur
diligent ou négligent.
b.1. Porteur diligent :
Si le porteur a respecté les formalités et les délais requis en matière de
présentation et de protêt, il est considéré comme un porteur diligent et
peut donc exercer ses recours cambiaires contre tous ceux qui ont tiré,
accepté, endossé ou avalisé une lettre de change.
Tous ces signataires sont tenus solidairement envers le porteur, qui peut
agir contre toutes ces personnes, individuellement ou collectivement, sans
être astreint à observer l’ordre dans lequel elles sont obligées. De même,
celui qui a payé le porteur dispose d’une action récursoire contre les
signataires antérieurs et leurs garants dans les mêmes conditions de
solidarité précitées. Etant rappelé que le recours ne peut être exercé à
l’encontre du tiré non-accepteur qui n’est pas engagé à titre cambiaire.
Les recours ne peuvent être exercés contre lui que sur le fondement du
droit commun.
b.2. Porteur négligent :

Le porteur négligent, n’ayant pas accompli dans les délais les formalités
de présentation et de protêt, est considéré comme négligent et ne peut de
ce fait exercer les recours cambiaires.
Deux exceptions sont apportées à cette règle, et le porteur négligent
conserve ses recours cambiaire à l’encontre du :
 Tiré accepteur ;
 Tireur qui ne justifie pas avoir constitué la provision à
l’échéance de la lettre de change.
2) Procédures du recours cambiaires :
Le porteur demeuré impayé peut exercer une action en paiement (action
au fond) devant le tribunal de commerce. Comme il peut utiliser la
procédure plus rapide de l’injonction au paiement et demander au
président de ce tribunal de condamner le débiteur au paiement du
montant de la lettre de change et des frais. Il obtiendra ainsi un titre
exécutoire lui permettant de saisir les biens de son débiteur.
C- Prescriptions des recours cambiaires :
La loi soumet les recours cambiaires à des brefs délais de prescription. Ces
délais sont :
 De trois ans, à compter de l’échéance pour le recours du porteur
contre le tiré ayant accepté la lettre de change ;
 D’un an, à compter du protêt ou, en cas de dispense, à compter
de l’échéance, pour le recours du porteur contre les endosseurs
ou le tireur ;
 Six mois, à compter du paiement ou de l’assignation en
paiement, pour le recours d’un signataire contre un autre
signataire.
Enfin, il convient de signaler que la prescription des recours cambiaires
laisse subsister les recours fondés sur le droit commun résultant des
différents rapports entre les parties : exemple le porteur peut exercer un
recours de droit commun sur la base de sa créance à l’encontre du tireur.

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