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Annexe I Compte rendu du laboratoire

« Laboratoire de synthèse : Le monde n’arrête pas »1

Paula Rojas Amador

Introduction

Ce document est un compte rendu du laboratoire « Laboratoire de synthèse : Le monde


n’arrête pas », réalisé pendant la session d’hiver 2018. Ce laboratoire fait partie de la
recherche-création intitulée « Les médias numériques dès une écriture intermédiate
Suivie de Le monde n’arrête pas, scénario dramaturgique », réalisée dans le cadre du
programme de doctorat en Littérature et arts de la scène et de l’écran 2 de l’Université
Laval.

En résumé, ce laboratoire visait l’intégration et l’exploration des scènes du texte


dramaturgique « Le monde n’arrête pas : pièce inspirée du conte David de Julieta
Pinto », lequel a été conçu par un processus d’écriture intermédiale. C’est-à-dire que
dans la composition dramaturgique ont été intégrées les propositions sonores, visuelles
et spatiales qui donnent sens à l’ensemble. Dans ce laboratoire, nous avons exploré cette

1
Le laboratoire « Laboratoire de syntheè se : Le monde n’arreê te pas » fait partie du processus
meé thodologique de la recherche-creé ation intituleé e « Le monde n’arrête pas : Proposition d’une
eé criture intermeé diale. Recherche-creé ation inspireé e du conte David de Julieta Pinto » de l’eé tudiante
Paula Rojas Amador. Le directeur est M. Luis Thenon et le laboratoire est sous la tutelle du professeur
Robert Faguy. Nous avons aussi eu la preé cieuse collaboration pour l’installation, la deé sinstallation, le
mapping et la technique, de Harold Boivin, Keven Dubois, Fabio Wagner et Meghan Cipolat.
ÉÉ galement, nous avons eu la collaboration du professeur et marionnettiste Puma Freytag, de Maxime
Milhorat, Danielle De Garie et Mike Vallerand pour l’enregistrement des voix des personnages de
Michelle, de la meè re et de David respectivement, et pour ce qui est du dessin du cerf-volant, nous
avons eu la collaboration de notre nieè ce Keyla.
2
La reé alisation d’expeé riences meé diatiques au LANTISS est une partie essentielle de cette recherche-
creé ation. Ce travail pratique permettra de faire l’eé preuve directe de la probleé matique que suscite
l’inteé gration des technologies numeé riques aè la sceè ne et de la manieè re dont on construit une poeé tique
avec elles. De plus, la reé verbeé ration entre la pratique et la theé orie, produite au cours des laboratoires,
constitue un veé hicule indispensable pour la creé ation critique reé flexive et pour la veé rification et la
discrimination des explorations geé neé reé es, de meê me que pour la production de connaissance. Pour la
conception des laboratoires, nous prenons comme texte de reé feé rence « Pautas para un protocolo de
investigacioé n artíéstica » de Luis Thenon.
écriture intermédiale dans un contexte de mise en scène. L’espace scénique était
concentré sur la chambre de l’enfant. Pour ce qui est de la partie technique, ce laboratoire
avait comme objectif l’apprentissage technique du logiciel Adobe Character Animator et
la mise en pratique des connaissances acquises sur les logiciels utilisés dans les
laboratoires précédents pour la création vidéo et audio : Millumin 2, Adobe Audition et
Adobe After Effects.

Objectif principal :

Le « Laboratoire de synthèse : Le monde n’arrête pas » est centré sur le dialogue entre
toutes les ressources employées pour donner vie aux personnages et à leur situation
dramatique en partant de notre proposition d’écriture intermédiale. Pour ce faire, nous
avons employé une marionnette pour un des personnages, puis nous avons construit un
personnage virtuel, un personnage sonore et un personnage représenté à l’aide de l’image
et du son. Dans ce laboratoire, plus que dans les laboratoires précédents, la recherche
constante de relations et d’associations entre l’espace, les personnages, le texte, la
situation dramatique, l’image et le son a pris toute notre attention.

Objectifs spécifiques :

Apprentissage technique du logiciel Adobe Character Animator et mise en pratique


des connaissances acquises sur les logiciels utilisés dans les laboratoires précédents
pour la création vidéo et audio : Millumin 2, Adobe Audition et Adobe After Effects.

Activités
-Initiation au logiciel Adobe Character Animator et formation technique sur les
fonctionnalités les plus utilisées pour la réalisation d’un personnage virtuel avec le
logiciel Adobe Character Animator.

-Utilisation du logiciel Adobe Audition, interface et connectivité : positionnement des


haut-parleurs, numérotage, assignation de pistes et calibrage du son des haut-parleurs.
-Utilisation du logiciel Millumin 2, interface et connectivité : Positionnement des
projecteurs, installation, focus des projecteurs vidéo et définition de la résolution utilisée,
lien avec Adobe After Effects et Adobe Character Animator.

Créer un espace scénique partagé avec les spectateurs, où la proximité entre acteurs
et spectateurs est explorée en considérant les objets comme écrans, la spatialisation
et les trajectoires du son, ainsi que la place pour le manipulateur.

Activités

-Reconsidération et validation de l’espace scénique en partant de la proposition textuelle


et des expériences des laboratoires précédents : les besoins techniques, les actions des
personnages faites par la vidéo, le son ou par la marionnette.

-Identification de l’endroit adéquat pour que le marionnettiste puisse actionner la


marionnette, ainsi que des besoins techniques pour la manipuler.

-Création d’une marionnette prototype en considérant les actions du personnage.

-Création d’une maquette numérique qui comprend la définition provisoire de la quantité


et du positionnement des haut-parleurs, du projecteur-vidéo et des projecteurs
d’éclairage.

-Mise en œuvre de l’espace scénique, positionnement des écrans, positionnement des


haut-parleurs, du décor et des objets scénographiques.

Produire, en partant de la proposition de l’écriture intermédiale, une proposition


sonore, visuelle et d’éclairage pour qu’elle soit explorée d’une façon autonome, puis
dans l’ensemble de la mise en scène. Créer également une base de données visuelles
(vidéo et photographie) et sonores.

Activités
- Construction de la séquence sonore : enregistrement du texte, musique, bruitage.
-Élaboration de la séquence visuelle : explorations des personnages (Michelle et le chat),
explorations de la vidéo et du mapping dans l’espace selon la temporalité, la situation
dramatique et les sensations à produire.
-Production et enregistrement du son ainsi que création, traitement et production des
images vidéo.
-Assemblage exploratoire des séquences sonores, visuelles et des actions de la
marionnette et des personnages virtuels en vue d’engendrer des associations et liens
thématiques, sensoriels, matériaux, esthétiques et des signifiants possibles.

Faire une composition scénique qui entrelace la proposition dramaturgique


textuelle, l’espace, l’éclairage, le son, et l’image.

Activités
-Revoir la composition de l’espace.
-Faire une composition préliminaire des actions de la marionnette

-Reconsidérer les liens entre les personnages, leurs actions et la situation dramatique.
-Valider la relation de l’ensemble des écritures employées ainsi que les transitions.
-Proposer une composition de la mise en scène ainsi que des variantes, possibilités et
limites.
1) Apprentissage technique du logiciel Adobe Character Animator et mise en
pratique des connaissances acquises sur les logiciels utilisés dans les laboratoires
précédents pour la création vidéo et audio : Millumin 2, Adobe Audition et
Adobe After Effects.

Au niveau technique, l’attention a été concentrée sur l’utilisation et les possibilités


techniques des logiciels que nous avons explorés dans les laboratoires précédents, sauf
pour le logiciel Adobe Character Animator, que nous avons incorporé dans ce laboratoire.
Il s’agissait donc plus d’une révision et d’une mise en application des logiciels Millumin
2, Adobe Audition et Adobe After Effects pour concrétiser les idées créatives que nous
proposons dans la création dramaturgique. Plusieurs activités de cette phase sont
devenues habituelles et quelques-unes ont déjà été prises en considération lors de la
conception du dispositif, en élaborant la maquette numérique et la proposition
dramaturgique. C’est le cas, par exemple, de la vérification et de la validation de la
position des projecteurs vidéo : combien de projecteurs, quel type de projecteurs, installés
sur quel type de support et dans quelles positions. Il en est de même pour la relation entre
la dimension de l’objet projeté et la distance du projecteur, la superposition des objets, la
création des ombres. Ce qui concerne le son était aussi bien assimilé : combien de haut-
parleurs, quel type de haut-parleurs, les trajectoires qui seront faites avec les sons, les
types de bruit, de musique ou de voix utilisés, le numérotage, la connectivité avec
l’interface, puis avec le logiciel.

Pour l’élaboration technique de ce dispositif, nous avons opté pour trois projecteurs
vidéo, un pour le toit, deux pour projeter sur les objets de l’installation et un écran pour
créer la fenêtre. Ce dernier est équivalent à un projecteur vidéo au niveau de la
connexion. Nous avons aussi utilisé onze haut-parleurs : un pour le son extérieur, un autre
pour le son à l’intérieur du couloir et neuf dans la chambre, plus précisément, un pour la
porte, deux pour la bibliothèque, un sur une boite, l’autre pour la radio, deux dans le lit,
un dans la tête du lit utilisé principalement pour la voix de David et l’autre en bas du lit,
un autre dans l’armoire pour l’horloge, un au-dessous de la chaise et deux au plafond
pour instaurer des atmosphères sonores. Ce positionnement est montré sur les images 1, 2
et 3.

Dans cette expérience, nous avons noté quelques éléments importants qui sont souvent
oubliés ou ne sont pas traités avec assez d’importance, par exemple, parfois, le mapping
sort du lieu à cause du calibrage ou du focus des projecteurs. Pour éviter cela et assurer la
synchronisation au moment de continuer le travail ou de faire la présentation, nous
devons d’abord allumer l’ordinateur, puis le logiciel Millumin, placer une couche de
couleur blanche, puis allumer les projecteurs. Par ailleurs, pour faire les détails du
mapping, il nous a été plus facile d’utiliser une couleur plus claire au fond pour faire les
détails du mapping sur les objets. Ainsi, par exemple, si les lignes créées sont bleues,
nous pouvons adopter un fond rouge, ce qui nous aide à placer le mapping, puis on enlève
cette couleur et la précision du mapping est adéquate. Nous avons aussi utilisé, dans un
premier temps, des projecteurs BenQ, puis dans notre test, nous avons réalisé que la
précision que nous voulions atteindre n’était pas possible avec le type de projecteurs
choisi à cause de la grandeur du pixel, alors nous les avons changés pour des projecteurs
Epson. Cette décision nous a obligée à rapetisser la superficie projetée en fonction du
détail désiré. Le calibrage du volume des haut-parleurs est un autre élément à ne pas
négliger : il faut le faire avant de commencer à distribuer les sons de la composition, car
chacun des haut-parleurs a son volume et il faut régler l’ensemble à un niveau semblable
afin que les changements de volume des sons de la composition soient faits à l’intérieur
du logiciel plutôt que dans les haut-parleurs. Également, dans la production des vidéos,
nous utilisons fréquemment la transparence pour jouer avec les couches des images, mais
quand on fait l’exportation de ce type de vidéo, le choix du codec3 est très important pour
ne pas causer de bogue au disque dur à cause de la lourdeur du fichier.

Le logiciel Adobe Character Animator sert à animer des personnages pour créer une sorte
de dessin animé. Des modèles déjà existants sont fournis sur le logiciel Photoshop avec

3
Le codec est défini, selon le dictionnaire Antidote, comme un « dispositif électronique convertissant un signal
audio ou vidéo analogique en signal numérique et vice versa ».
les calques qui indiquent chacune des parties de la structure du personnage (tête, bras,
visage, corps, etc.) pour l’animer. Ces modèles sont importés dans Adobe Character
Animator, puis à l’aide de la webcam et du microphone, il est possible de les
personnaliser. Dans notre cas, nous avons utilisé un modèle déjà existant, ensuite, nous
avons fait l’enregistrement de la voix du personnage de Michelle sur Adobe Audition et
nous l’avons synchronisée avec le personnage, de telle sorte qu’au moment où le
personnage parle, nous percevons le mouvement des lèvres. Pour ce qui est de
l’animation du visage et du mouvement du corps, nous l’avons fait avec la webcam, puis
nous avons fait un enregistrement pour le mouvement de bras. Par la suite, tous ces
calques ont été rassemblés et le personnage s’est animé. Les images 4, 5 et 6 témoignent
de ce processus.

Nous avons exporté la vidéo du personnage de Michelle et nous l’avons placée dans le
logiciel Millumin. Dans ce logiciel, nous avons travaillé la position et la taille de la vidéo
selon la surface de projection, ainsi que la distance et la position du projecteur. Cela est
montré dans les images 7, 8 et 9.

2) Créer un espace scénique partagé avec les spectateurs, où la proximité entre


acteurs et spectateurs est explorée en considérant les objets comme écrans, la
spatialisation et les trajectoires du son, ainsi que la place pour le manipulateur.

L’espace a été conçu en prenant comme point de départ les laboratoires précédents, qui
ont été inspirés à la fois de la trame, de la thématique et des stimuli sensoriels portés par
le conte David de Julieta Pinto. Pour ce qui est des matériaux, nous avons conservé le
bois comme un des éléments unificateurs, les objets anciens, les livres, les jeux, le lit, la
bibliothèque, l’armoire, une petite table, une sorte de boite pour ranger les jeux, une
étagère suspendue, une chaise, une fenêtre et une porte, tel que cela est montré sur
l’image 10.

Cette fois, le personnage de Michelle a nécessité que nous réfléchissions aux surfaces où
elle est projetée. Quelques propositions ont pris forme, par exemple, le drap qui recouvre
le lit est blanc pour que le personnage soit projeté, de même, le ballon est blanc ainsi que
la face de la porte. La seule surface qui n’est pas blanche est la boite, mais il est quand
même possible d’y apercevoir la projection. Les images 11, 12, 13 et 14 en rendent
compte. Dans le même sens, pour la projection du chat, le coussin est blanc, et le chat
noir et blanc, ce qui facilite la perception. L’image 15 le montre.

En préparant le laboratoire, nous avions planifié de travailler dans le studio 1, qui est plus
grand, mais à la dernière minute, nous avons décidé de le faire dans le studio 2 : celui-ci
est plus petit et il est plus simple d’y faire soi-même l’installation du dispositif. C’est
pourquoi quelques détails de la proposition initiale ont été changés, par exemple, dans la
planification, nous avions envisagé une chambre sans murs, alors que dans cet espace, les
murs existent et il est impossible de les ignorer. Nous avons tout de même exploré les
surfaces des objets, nous avons utilisé les rideaux noirs autour de l’espace et n’avons
donc pas utilisé les murs en tant que surfaces. Également, l’entrée des spectateurs a été
raccourcie à cause de l’espace ; l’idée est restée la même, mais à une échelle réduite.

Pour ce qui est du manipulateur, il avait besoin d’un espace confortable et techniquement
approprié pour manipuler la marionnette. Le lit a donc été adapté à la participation du
marionnettiste de David. Celui-ci s’est installé derrière le lit pour manipuler David.
Cependant, pendant l’exploration et les tests, il a été constaté qu’une surface d’appui de
la marionnette était nécessaire pour appuyer la tête de la marionnette et ainsi libérer les
mains du manipulateur, qui devaient plutôt s’occuper des mains de la marionnette. Ce
type de manipulation aurait normalement exigé au moins deux personnes. Ce besoin nous
a amenée à penser à diverses options pour placer la tête de la marionnette dans une
position adéquate selon le moment de la pièce. La tête de lit rectangulaire est ainsi passée
à une forme plus organique, comme cela apparaît sur l’image 16. Il a également fallu
confectionner la marionnette. Au préalable, nous avons dû dresser une liste des actions
que fait le personnage et élaborer une marionnette prototype qui nous a permis de tester
et choisir le type de manipulation pour en venir enfin à concevoir la marionnette idéale
pour le spectacle. Ainsi, par exemple, le fait que le personnage lance des balles, hausse
les épaules, joue à des jeux vidéo ou prenne son téléphone exigeait que nous prévoyions
le mouvement des mains, une articulation dans son bras, dans son tronc et une main qui
puisse attraper des objets. En effet, une relation étroite s’est affirmée entre la marionnette
de David, les actions qu’il réalise, l’espace et les objets. Ce travail a été soutenu par
l’expertise de Patrice Freytag (Puma) dans ce laboratoire.

Pour définir la place du spectateur dans cet espace, nous avons pris comme point de
départ notre intérêt pour un espace partagé avec le spectateur. Dans l’exploration, il a été
possible de constater que si la scène était placée au fond de l’espace et face à la porte, la
distance entre la scène et les spectateurs était plus grande et qu’une fois le spectateur
entré par la porte, il trouverait immédiatement une place pour s’asseoir, ce qui
l’empêcherait de vraiment pénétrer dans la chambre (voir l’image 16). C’est pourquoi
nous avons décidé de placer les spectateurs sur toute la largeur de l’espace. Une fois
entrés par la porte, ils doivent pénétrer dans la chambre avant de trouver un endroit pour
s’asseoir. Dans ce sens, l’expérience est différente et l’impression que l’on s’interpose
dans un espace intime est plus probable que dans le premier cas.

D’autres considérations nous ont été utiles pour l’élaboration de l’espace pendant tous les
laboratoires, notamment l’étroite relation entre l’espace et la technique. Ce thème a
toujours été gardé vivant dans le choix de l’élaboration esthétique de l’espace scénique,
de ce qu’on veut faire et dans les enjeux de la technique. Dès l’élaboration de la maquette
et de la dramaturgie, il fallait trouver un équilibre entre ces deux éléments : l’espace et la
technique, et dans ce contexte, des idées créatrices ont été explorées, de telle sorte que les
propositions sensibles soient enrichies et non réduites par la technique ou vice-versa.

3) Produire, en partant de la proposition de l’écriture intermédiale, une


proposition sonore, visuelle et d’éclairage pour qu’elle soit explorée d’une façon
autonome, puis dans l’ensemble de la mise en scène. Créer également une base
de données visuelles (vidéo et photographie) et sonores.

Pour l’élaboration de la séquence de base, nous sommes partie de la proposition


d’écriture intermédiale que nous avions déjà élaborée. Pour ce qui est du son, nous avons
fait l’enregistrement de la voix des personnages de la première partie de la proposition
dramaturgique, ainsi que la recherche ou l’enregistrement de tous les sons : la musique et
les bruits de cette première partie. Ainsi, nous avons établi notre timeline en accord avec
le texte dramaturgique et la séquence sonore, ce qui nous a servi de guide pour
l’élaboration de la séquence vidéo. Ce timeline a été modifié également pour le temps
d’action et de réaction de la marionnette aux stimuli sonores et visuels.

Pour ce qui est de l’image, nous avons établi deux moments distincts : un comme
introduction et une quand la scène commence. Dans le premier moment, la vidéo reprend
les lignes bleues sur les contours des objets, que nous avions travaillées dans les
laboratoires précédents et qui permettaient au spectateur de découvrir peu à peu l’espace,
les objets et les personnages. Dans le deuxième moment, la scène est remplie de couleurs
et le décor devient celui de la chambre de David. Cela est présenté sur les images 17 et
18.

Pour la production de la séquence vidéo, diverses phases ont été traversées, parmi
lesquelles : la recherche ou la production des images et vidéos qui seront intégrées, la
création des vidéos en rapport avec le positionnement des écrans dans l’espace, ce qui
demande avant tout la réalisation d’un mapping de base pour savoir où les vidéos seront
projetées, ainsi que des tests, car le lieu de projection dépend à la fois de la distance du
projecteur, qui peut changer, de la qualité, de l’échelle et de la définition des images.
Quand le mapping est fait, il suffit de faire une capture d’écran pour travailler la vidéo.
C’est pourquoi nous avons pris ces images de Millumin, puis les avons importées sur
After Effects pour faciliter l’orientation spatiale au moment de l’élaboration des vidéos. Il
faut souligner aussi que nous utilisons la fonction d’input ( l’entrée) After Effects dans
Millumin, ce qui nous permet de travailler simultanément avec les deux logiciels pour
projeter les images dans l’espace. Cet outil est apparu fondamental pour la précision et la
validation de l’animation en direct.

Également, diverses vidéos ont été faites séparément, puis entrecroisées dans la séquence,
par exemple, la vidéo de la fenêtre dans laquelle nous voulions produire l’effet de la
pluie, celle de Michelle, qui a été travaillée séparément avec Adobe Character Animator,
et celle du chat, travaillée avec After Effects et Millumin.

Dans cette phase, l’exploration sonore et visuelle a été faite à l’intérieur de chacune des
séquences plutôt queque dans l’ensemble. C’est-à-dire qu’en travaillant avec la séquence
sonore, on a pu varier le son, employer des effets sonores, changer le volume, mixer les
sons, faire des transitions, enlever un son ou bien le changer pour un autre. La séquence
visuelle a été faite de manière semblable, en variant l’échelle, l’opacité, la position, la
rapidité. Il est important de rappeler que nous gardons constamment en tête la relation
entre les parties, leur point de rencontre et leurs associations, même quand elles ont été
élaborées dans des logiciels différents ; le timeline, la situation du personnage, ce qu’il
dit, ce qu’il fait, l’espace et le temps sont reliés et en constant dialogue, ce qui est déjà
présent dans l’écriture intermédiale.

Notre première séquence de base a pris comme point de départ le timeline sonore, puis a
intégré la marionnette et finalement la création visuelle. Ce que nous avons voulu faire,
c’est observer l’ensemble de la proposition textuelle concrétisée, identifier ce qui y est
dit, ce qui manque, ce qu’on ne comprend pas et les ajustements à faire. Cette séquence a
été présentée aux professeurs pour recevoir leurs observations, parmi lesquelles sont
ressorties : incorporer certains sons pour attirer l’attention sur l’apparition de Michelle,
du chat et de la fenêtre ; changer le type de texture de la surface choisie à un des
moments pour éviter que l’image soit floue ; et ajuster le volume de certains passages
sonores pour qu’ils soient plus clairs.

Un élément problématique dans cette première séquence a été la synchronisation de la


voix du personnage de Michelle et de la vidéo. Dans ce laboratoire, nous n’utilisions pas
de logiciel de régie des contenus multimédias, mais plutôt deux ordinateurs, un pour le
son et un autre pour la vidéo et l’éclairage. Au début, la vidéo de Michelle incluait le son
et l’image, mais pour notre dispositif, il était important que quand Michelle se déplace
dans l’espace, sa voix l’accompagne, c’est la raison pour laquelle notre dispositif
comporte plusieurs haut-parleurs dans l’espace et c’est aussi pourquoi nous avons séparé
l’image et le son. Après plusieurs tentatives, nous avons réussi à synchroniser l’image et
le son en prenant des points de repère visuels et sonores pour les faire coïncider. Nous
avons également laissé quelques secondes avant le début de la séquence de la vidéo et du
son pour faire l’ajustement au besoin. C’est-à-dire que la séquence a une durée de
10 minutes 30 secondes, et nous nous sommes référée, par exemple, au texte dit en
6 minutes 16 secondes, nous avons pris note de la position, du geste et du moment
lorsque le personnage parle afin de faire coïncider le tout avec l’audio. Dans une
expérience future semblable, un point de repère devrait être déterminé ainsi qu’un temps
précis pour faire les ajustements requis. Cette prévention dans la préproduction nous fera
économiser du temps et facilitera la tâche.

4) Faire une composition scénique qui entrelace la proposition dramaturgique


textuelle, l’espace, l’éclairage, le son, et l’image.

Dans cette étape, le travail était concentré sur la précision des transitions pour atteindre
une cohérence dramaturgique entre les sons, les voix, les personnages, l’espace, le temps
et la situation dramatique. Nous avons introduit certains sons qui puissent aider le
spectateur à comprendre les actions exécutées par les personnages et les réactions
produites. Il faut dire qu’il s’agit d’une relation entre une marionnette, deux personnages
représentés par la vidéo (Michelle et le chat), et un autre représenté par le son : la mère.
Cette diversification des présences nous incite à faire ressortir la corporalité, les relations
entre les présences et les moyens de manifester leurs actions et leurs gestes. Un des
exemples les plus clairs pour nous survient quand Michelle entre dans l’espace. Dans le
texte, nous avons proposé que Michelle commence à toucher les affaires de David, que
David mette le jeu sur pause pour demander à Michelle d’arrêter de bouger pour le laisser
se concentrer sur son jeu. Concrètement, il a été constaté que le marionnettiste ne
réagissait pas parce que les indices du déplacement de Michelle dans l’espace n’étaient
pas assez clairs et suffisants. Alors nous avons placé un petit ballon de basketball à
l’endroit où joue Michelle, nous l’avons accompagné d’un son de ballon qui rebondit et
d’un éclairage qui va et vient chaque fois que Michelle lance le ballon sur le sol. Cet
ensemble de ressources vient à donner vie à une des actions, ce qui clarifie la situation
proposée au spectateur.
Également, nous avons intégré et validé l’efficacité des autres sons, tels que celui de la
pluie, celui de Michelle qui frappe à la porte et celui de la porte qu’elle ouvre, ainsi que
plus de sons de miaulement. Dans le cas du chat, par exemple, le chat se déplaçait d’un
endroit à un autre et l’on pouvait suivre son parcours en observant les traces de pattes,
mais cette action s’est révélée difficile à percevoir et pas suffisamment claire, c’est
pourquoi nous avons ajouté quelques miaulements avant et pendant le déplacement pour
mettre l’action en évidence. Ainsi, pendant ce processus d’ajustement du temps, nous
avons constaté que ce qui est fondamental, c’est la relation entre la vidéo, les sons et les
actions des personnages pour que la scène fonctionne aux niveaux sensoriel, esthétique et
significatif.

D’autres liens ont été établis entre le son et l’image, par exemple, quand le son de
l’horloge commence et que celle-ci s’illumine, de même pour la boite à musique et la
radio. Il faut considérer que le dispositif proposé et la disposition des haut-parleurs nous
ont aidée à jouer avec la place des objets et le son qui vient d’eux. Ainsi, le lien entre son
et image crée une référence pour le spectateur, attire leur attention et ainsi commence à
s’établir une logique ou une convention pour eux, qui assure la relation du son et de
l’image proposés dans la création.

Pour ce qui touche Michelle, nous avons traité ce personnage presque avec les mêmes
principes que le théâtre d’animation : nous avons d’abord identifié les actions que
Michelle doit faire pour concevoir sa matérialité. En partant de quelques principes du
théâtre d’animation, Michelle a une respiration, une échelle, un axe et un rythme gestuel
qui la construisent en tant que personnage et qu’il faut respecter à tout moment de la
présentation pour que cela soit crédible, dans la convention théâtrale établie. De plus,
Michelle prend vie grâce à la relation entre le son, le texte, l’image et la marionnette, car
le fait qu’elle parle, qu’elle bouge son corps et ses bras lui donne une caractérisation,
mais ne suffit pas : il faut la mettre en situation.

Pour ce qui est du travail du marionnettiste, il faut d’abord considérer que son travail est
le seul qui ne soit pas automatisé. Le reste des éléments respectent un timeline : ils
commencent et se terminent exactement au même moment à chaque représentation, alors
le marionnettiste doit faire preuve de précision ou assurer une certaine improvisation.
Pour ce faire, il s’est familiarisé avec le texte, il a étudié les didascalies, il a observé et
écouté l’ensemble de la séquence sans son intervention, puis a fait des répétitions. Les
répétitions nous ont parfois amenée à faire des changements de temps dans le texte, c’est-
à-dire raccourcir ou augmenter le temps pour que les actions soient efficaces, ou parfois à
intégrer une action, comme ce fut le cas du ballon de Michelle.

Quand on commence à regarder la séquence, on se rend compte des détails à ajuster ou à


justifier, tels que : pourquoi la manifestation de l’horloge n’est pas présente pendant toute
la séquence alors que la pluie reste? Le son du ballon avec lequel joue Michelle doit
arrêter après la parole de David et pas avant, de même pour le son de la radio. De plus,
entre certaines répliques, il y avait des délais qui brisaient la dynamique de la situation
dramatique ou au contraire, parfois, un peu plus de temps aurait pu appuyer la situation.

Un jour avant la présentation publique de ce laboratoire, nous avons eu un problème avec


le son et diverses fiches de sons étaient introuvables, si bien qu’il y a eu un empressement
et un travail important à fournir au dernier moment. Cela nous rappelle que nous devons
constamment faire une sauvegarde de notre travail à plusieurs endroits, assurer
l’organisation des fichiers et avoir un timeline actualisé pour faire face à des situations
inattendues comme celle-ci.

Pendant la présentation publique, le travail a été reçu d’une façon très positive. Les
enfants présents ont été captivés. En parlant avec eux après la présentation, il a été
évident que l’histoire leur a paru claire. Ils ont facilement répondu à mes questions : À
quoi joue David? À des jeux vidéo. Que veut faire Michelle? Jouer à autre chose. Que se
passe-t-il dehors? Il pleut. Une enfant a exprimé que selon elle, malgré que la petite fille
ne sourie pas beaucoup, elle était certaine de sa gentillesse. Pour quelques spectateurs, la
marionnette a beaucoup attiré l’attention. Pour d’autres, l’ensemble était remarquable et
pour d’autres encore, c’est la petite fille qui ressortait. Dans le cas des enfants, bien que
nous ne puissions le vérifier dans notre travail, il est intéressant de se demander comment
eux qui sont habitués au contexte numérique ont vécu et reçu la présence de la
marionnette qui bougeait en direct par rapport à l’image virtuelle qui bougeait aussi, mais
dont ils savent que c’est une simple image. Les personnes qui connaissaient notre
processus ont également parlé de la relation avec le dernier laboratoire, elles ont posé des
questions sur les raisons des changements, ont demandé pourquoi ce n’était pas un
parcours et ce qu’était le cœur de ce laboratoire. D’autres personnes étaient intéressées à
connaître la suite de l’histoire : qu’est-ce qui se passe après? D’autres encore se sont
intéressées à la complexité de l’orchestration des divers langages employés. Aussi,
certaines personnes se sont souvent interrogées sur le statut du personnage de Michelle,
elle est réelle? Cela nous fait penser au processus de création du texte dramaturgique.
Dans une des versions, Michelle était une amie invisible de David, créée après la mort de
sa grand-mère en substitut de sa présence. Possiblement, des traces de cette version ont
été ressenties. D’ailleurs, cette interprétation justifiait la présentation de Michelle sous
forme d’image virtuelle.

Conclusion

Ce laboratoire représente pour nous le premier dans lequel nous avons eu la sensation de
faire de vrais tests, de vrais essais, mais il faut relativiser… En fait, c’est le premier
laboratoire de création dans lequel nous utilisons nos connaissances spécifiques, qui
viennent d’autres laboratoires, pour élaborer une situation dramatique et ainsi nous
approcher davantage du théâtre ou bien de ce que nous faisions auparavant avec d’autres
ressources moins techniques. Chacun des laboratoires a répondu à des questionnements;
dans celui-ci, nous avons essayé de mettre en scène notre écriture intermédiale et l’on
peut estimer que cela a bien fonctionné, avec la flexibilité nécessaire pour adapter ou
modifier la proposition initiale selon nos besoins, d’un point de vue de metteure en scène,
pour rendre la scène efficace en considérant le spectateur, la technique, la relation spatiale
ainsi que la situation dramatique. Alors, même si dans le texte, il était prévu, par exemple,
que le personnage bouge de la porte à l’armoire, nous avons pu enlever cet élément selon
les besoins de la situation. L’attention des spectateurs était très importante, dans cette
démarche : il fallait construire une convention pour eux, élaborer des codes faisant partie
du jeu, ainsi qu’un espace et une situation scénique cohérente.

Ce travail nous a fait réfléchir sur la relation de la marionnette et du monde virtuel, les
rêves de Gordon Craig, la non-présence des acteurs vivants en train de construire des
personnages émotifs et de l’autre côté, le fait de rendre pertinente, adéquate, la technique
de l’acteur, de même que le geste, la marionnette. Nous avons pensé, par exemple, à une
scène où un objet réel tomberait sur la scène. David ne peut pas bouger et Michelle ne
peut pas le prendre, alors, nous nous dirigeons vers le public, qui peut le faire; il y a alors
une sorte de conflit de réalités. Nous pensons qu’il est possible de mettre en évidence le
corps et les présences de ces personnages dans la scène. Pourtant, pendant notre
processus de création, nous avons pensé qu’un acteur pourrait représenter David, puis
nous avons décidé d’opter pour la marionnette. Cette décision peut-elle changer le travail
esthétique, technique ou de la mise en scène, et si oui, dans quelle mesure? Mais pensons
aussi à la marionnette et à l’intermédialité qu’elle fait naître dans la scène entre l’objet, le
manipulateur, l’illusion produite.

Dans notre travail précisément, il faudrait discuter de cette relation entre les personnages,
leur matérialité, leur présence dans un univers numérique, la réalité de notre culture
numérique et les rôles des enfants en tant que spectateurs devant le virtuel. Pour les
enfants, y a-t-il une perception différente de la réalité de la marionnette par rapport à celle
du personnage virtuel? Nous sommes aussi amenée à réfléchir à l’attrait qu’exercent les
personnages représentés par des marionnettes et les personnages virtuels dans un texte
qui ne s’éloigne pas d’une structure dramatique conventionnelle. Ces personnages
peuvent-ils rester intéressants pendant 40 minutes? La parole peut-elle devenir lourde? Le
fait d’opter pour un langage plus gestuel avec moins de parole pourrait-il favoriser
l’attention du spectateur?

En résume, ce laboratoire a cherché à mettre en scène une partie de la proposition


textuelle et à faire vivre la situation dramatique, avec les langages numériques, les
personnages sonores, visuels et la marionnette. D’un point de vue théâtral, l’expérience a
bien fonctionné ; il nous reste à la reporter au niveau théorique pour réfléchir aux
relations présentielles qui y ont surgi.

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