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L’utilisation magique des 16 figures géomantiques

Sommaire
 Introduction
 Les origines de la géomancie
 Les procédés
 L’utilisation magique des (...)

Introduction

Le but de cet essai est de présenter les seize figures géomantiques et la


façon dont elles peuvent être utilisées pour l’expérimentation en
sorcellerie et dans les rituels d’évocation. Si le lecteur a déjà rencontré ces
figures, c’est sans doute en tant qu’outils de divination qu’elles se sont
présentées à lui. Toutefois, tout système divinatoire est un langage entre
l’opérateur et l’énergie cosmique / dieu / ange gardien / inconscient du
magicien, etc. Et, tout comme l’opérateur peut s’enquérir sur ce qu’il va
advenir de tel ou tel événement par le biais d’un système de symboles, il
peut également effectuer une requête magique et espérer des résultats en
utilisant le même langage.

Ce qui suit est le fruit de mes expériences personnelles avec les esprits de
la géomancie et comme tel, ce travail est entièrement subjectif ; j’espère
cependant qu’il permettra de fournir quelques repères au lecteur sur la
façon d’aborder ces figures. Comme toujours avec les symboles, plus
nous les utilisons et plus ils se mettent à nous parler. Les méthodes que
j’ai utilisées pour ce projet sont notamment le rêve d’incubation, le seidr,
l’évocation, le scrying et l’enchantement.

Il est important de noter que le terme « géomancie » dans cet essai fait
référence au système de 16 Figures composées chacune de quatre lignes
d’un ou deux points et non au Feng Shui ou à la géobiologie.

J’ai choisi de travailler avec ces énergies après les avoir utilisées de
temps en temps en divination et les avoir appréciées. Par ailleurs, je n’ai
pas connaissance d’autres travaux œuvrant dans ce sens à partir des
Figures elles-mêmes. Bien sûr, toutes les seize sont étroitement associées

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aux planètes et aux signes zodiacaux (dans la perspective de la
géomancie astrologique), mais je voulais expérimenter par moi-même ce
qu’elles étaient capables de faire. J’étais également désireux de me
familiariser avec un certain nombre d’outils pour ainsi dire prêts à
l’emploi, mais encore mal connus, qui pourraient se révéler très utiles
pour l’avenir de la pratique magique.

Les origines de la géomancie

Si l’origine des figures géomantiques demeure sujet à débat, la thèse la


plus probable est qu’elles aient fait leur apparition en d’Afrique du
Nord, et bien que certains veuillent trouver leur berceau en Grèce ou en
Inde, il n’existe que des indices allant dans ce sens.

Ce qui est certain, c’est que leur usage s’est répandu, lors de l’expansion
de l’Islam, à l’ouest de l’Afrique où la géomancie est connue sous le nom
d’Ifa, et au Dahomey sous le nom de Fa. En outre, la géomancie a
traversé la mer Rouge pour arriver à Madagascar où elle est devenue le
Sikidy, tout en gagnant par ailleurs le nord de l’Espagne pour donner
naissance à la géomancie européenne. Quant aux États-Unis, ils furent à
la fois peuplés d’Européens et d’esclaves africains qui ont chacun
apporté leurs propres cultures avec eux.

Les méthodes de tirage des figures et leurs significations varient selon les
contextes culturels. Dans le monde arabe, il est de coutume de tracer des
marques dans le sable, ce qui a valu à ce mode de divination son nom
« raml », qui signifie « sable ». C’est cette méthode qui a été transmise à
l’Europe, bien qu’ultérieurement le stylo et le papier aient remplacé le
bac à sable et le bâton. Dans l’Ifa et le Fa, ce sont 16 noix de palme qui
sont ramassées rapidement avec la main droite. Comme ces noix sont
assez volumineuses, inévitablement certaines chutent durant la
manœuvre. La Figure est obtenue en le nombre de fruits restants. Une
autre alternative consiste à utiliser un chapelet constitué d’une corde
d’une certaine longueur sur laquelle sont fixés des coquillages.

(Le détail de ces méthodes et un historique complet de la Géomancie se


trouvent dans l’ouvrage de Stephen Skinner, Terrestrial Astrology :
Divinination by Geomancy, Éditions Routledge Keegan Paul).

Les procédés

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Une figure géomantique est composée de quatre lignes d’un ou deux
points. Dans l’art du « raml » le devin, tout en se concentrant sur la
question, dessine avec un bâton une ligne de marques dans le sable. Il
considère ensuite le nombre de marques dans cette ligne. Un nombre
impair de marques donne un point, tandis qu’un nombre pair donne
deux points. Cette opération est répétée quatre fois de façon à produire
une figure composée de quatre lignes.

Dans le Fa et l’Ifa, le devin compte le nombre de noix de palme tombées


dans sa main gauche. Un nombre impair donnera deux marques et un
nombre pair, une marque. La raison de cette inversion au Dahomey est
que Legba est un dieu facétieux ayant tendance à vouloir tromper le
devin en livrant l’opposé de la véritable réponse !

En Europe, la géomancie préconise de déterminer quatre figures


« mères » par un tirage aléatoire, qui serviront à calculer un certain
nombre d’autres figures. La divination peut alors être effectuée
directement sur ces figures ou passer par un système de
correspondances astrologiques ; les figures sont alors reportées sur un
graphique qui sera interprété selon les règles de l’astrologie.

Les lecteurs qui le souhaitent peuvent trouver plus de détails sur ces
techniques dans l’ouvrage de Stephen Skinner déjà cité, ou dans A
Practical Guide to Geomantic Divination, d’Israël Regardie. Les médiévistes
peuvent consulter les traités d’auteurs tels que Cornélius Agrippa ou
Gérard de Crémone.

Les correspondances planétaires et zodiacales des 16 Figures sont les


suivantes :

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Ces correspondances sont celles de la Golden Dawn telle qu’Israël
Regardie les rapporte dans son ouvrage. Les attributions élémentaires
suivent celles des signes. Ainsi, Le Bélier étant associé au Feu, le Taureau
à la Terre, par conséquent Caput Draconis sera une figure de feu et
Cauda Draconis une figure de Terre.

Si vous lisez d’autres auteurs, vous noterez des différences plus ou


moins marquées dans le système de correspondances ; Agrippa, par
exemple se démarque concernant les attributions zodiacales bien les
correspondances planétaires soient les mêmes. Il en va de même avec
Gérard de Crémone. Pour mes propres travaux, j’ai conservé les
correspondances telles que définies par la Golden Dawn.

L’utilisation magique des Figures

Quand j’ai décidé d’entreprendre ce projet, j’avais l’intention d’utiliser


les figures de deux façons. Tout d’abord comme langage magique pour

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communiquer avec l’Éther/ l’Univers, mais également en tant qu’outils
prêts à l’emploi pour les talismans, sorts, etc.

Je les avais déjà employées pour la divination et j’en avais même fait
mon support favori, aussi bien pour répondre à des questions simples
appelant un « oui » ou un « non », qu’en mettant en œuvre les
sophistications de la géomancie astrologique pour obtenir des
informations.

J’ai les ai trouvées très fiables et leur symbolisme agréablement


« littéral ». Pour cette raison, plutôt que d’utiliser ma propre grille de
lecture, j’ai préféré adopter leurs significations usuelles. Le travail
d’Agrippa, notamment la liste des significations par maison me semble
très utile ici.

J’ai ensuite cherché à contacter l’esprit de chaque Figure. Pour cela, j’ai
utilisé le rêve d’incubation et un rituel évocatoire destiné à rendre visible
ce qui se trouve derrière les apparences. Comme vous pourrez le voir
dans la liste ci-dessous, ces travaux ont permis de mettre en évidence
certaines associations autres que les classiques attributions planétaires.

Il m’a également semblé que les figures devaient être appréhendées en


trois dimensions en accord avec leur nature géométrique et multi strates.

Certaines dialoguent facilement, elles communiquent des impressions,


sensations ou sollicitent l’intuition de l’opérateur pour livrer leur sens.
Elles vont pour ainsi dire « tout droit » et ne posent aucune difficulté.

Après une phase de siedr, j’ai utilisé des galets colorés pour dessiner les
Figures sur le sol et j’ai évoqué l’esprit de chaque Figure en vibrant
simplement son nom latin, en alternance avec de simples appels et/ou
une conjuration. Une fois cela effectué, je me suis contenté de fermer les
yeux et de contempler les images hypnagogiques qui se formaient
derrière mes paupières, en vibrant parfois le nom de la figure jusqu’à ce
que l’esprit se manifeste.

Pour tester sa présence, j’ai procédé de manière habituelle : j’ai visualisé


la Figure en train de toucher l’esprit et j’en ai vibré le nom, pour voir si la
manœuvre le faisait disparaître, affirmait davantage sa présence ou lui
permettait de se stabiliser.

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En général, les évocations montraient les différentes nuances de chaque
figure et les esprits semblaient satisfaits d’être sollicités. Ils peuvent être
très directs ! Lors de ces explorations, il est arrivé que je sois rapidement
informé que j’avais dessiné la figure la tête en bas ! J’ai ouvert les yeux et,
en effet, j’avais mal disposé les galets.

Après cette série d’évocations, j’ai utilisé scrying et le voyage en esprit


pour aller leur rendre visite…

PUER : Cette figure est positive pour les hommes qui désirent attirer le
désir sexuel ou ouvrir leur esprit à de nouveaux horizons érotiques. Elle
est également favorable à ceux qui aiment prendre des risques, la
concurrence, l’aventure, les escapades, etc.

Puer m’est apparu comme un petit garçon debout près de la mer, ses
cheveux coupés en frange retombant sur ses yeux. Il a cette hardiesse
typique de la jeunesse et l’envie de tout essayer. Il peut s’emporter mais
ne sera jamais ennuyeux.

AMISSIO – Cette figure peut être utilisée pour se débarrasser des


éléments indésirables, qui se perdront tout simplement ! Ce qui inclut la
capacité d’oublier les choses, de disparaître, peut-être même de devenir
invisible. L’esprit d’Amissio m’est apparu comme un lieu souterrain
chargé d’une atmosphère de perte, plutôt que comme une personne.

ALBUS - Son nom signifie « blanc » et comme telle, cette Figure régit
toute chose blanche, la neige, le lait, la farine, le sperme, etc. Elle
gouverne également ce qui est associé à des idées de Lumières, de clarté,
de légèreté et de dispersion des ténèbres. Son esprit m’est apparu comme
un ours polaire.

VIA – Cette Figure peut être inscrite au dos des billets de train ou
d’avion afin de faciliter les voyages (bien que je propose de le faire avant
de partir. J’ai tenté de recourir à cet esprit lors d’un retard en raison de
travaux sur la ligne London - Liverpool. L’esprit, plutôt exaspéré, m’a
déclaré qu’il était un peu trop tard… Pour être honnête, je pense que
même des esprits goétiques auraient du mal à accélérer les trains Virgin).
Via accorde la protection durant les voyages et sur les chemins, au sens
littéral comme métaphorique, y compris la purification des voies
énergétiques, etc.

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POPULUS - Cet esprit peut être utilisé pour créer ou renforcer l’esprit de
groupe d’une équipe ou d’une société ou pour solidariser des gens
autour d’un projet. Elle pourrait être utilisée pour influencer les opinions
ou les sentiments d’un groupe. Durant un rêve d’incubation, j’ai vu trois
bébés baptisés du même nom, ce qui révèle la tendance de cette figure à
entraîner la conformité à une norme.

FORTUNA MAJEUR - Cet esprit m’est apparu comme un cœur doré.


Son sens divinatoire souligne l’influence du destin ou du hasard. À ce
titre, il peut être utilisé pour invoquer la chance et des conditions
favorables à la réussite. De certaines expériences personnelles, j’ai déduit
qu’il pouvait également octroyer des connaissances en rapport avec la
science, en particulier des savoirs liés au cosmos et à la notion de
mesure.

FORTUNA MINOR – Si l’on considère que Fortuna Major agit au niveau


cosmique, cette figure agira plutôt au niveau humain. Elle peut être
utilisée là où une idée a besoin d’être concrétisée et qu’un sort de succès
est nécessaire.

CONJUNCTIO – Cette Figure peut être utilisée pour invoquer des entités
dans l’intention de s’identifier avec elles. Elle peut être également utilisée
pour retrouver des objets perdus, pour favoriser la mise en place de
relations entre des personnes, la transmission d’idées, d’impressions ou
d’informations à distance. Cette Figure m’est apparue comme une forme
géométrique comportant deux tétraédriques pyramidaux se touchant au
sommet.

PUELLA - Cet esprit m’est apparu comme une petite fille aux cheveux
blonds âgée d’environ 3-4 d’âge. Cette Figure peut être utilisée pour tous
les problèmes relatifs à la féminité. En outre, elle peut être employée
pour induire une aura de charisme ou de charme.

RUBEUS – Cette figure véhicule une énergie sombre liée à la guerre, aux
conflits, à la violence. Elle convient donc aux malédictions et aux
vengeances, ainsi que pour tout ce qui est considéré comme mauvais ou
pervers par l’opérateur. Elle peut également être utilisée pour des
problèmes relatifs à l’industrie lourde en particulier la métallurgie.

ACQUISITIO – Cette Figure peut être employée pour obtenir l’amour, la


richesse, la propriété ou tout objet matériel. Elle permet également de

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récupérer ou retrouver ce qui est perdu. A noter qu’elle est soumise aux
cycles du temps et des saisons.

CARCER - Cette figure peut être utilisée pour piéger les esprits dans le
but de fabriquer des talismans, des fétiches ou tout simplement pour les
confiner. Il peut servir à asseoir une nouvelle habitude, une convention,
une contrainte. Il peut également être employé pour les questions
relatives à la mort, il apparaît en effet sous la forme d’une tombe ou d’un
objet en forme de tombe.

TRISTITIA – Cette figure m’est apparue comme une femme sans visage.
Elle est manifeste dans les lieux mélancoliques et humides. Son esprit
régit les ruines, la nostalgie, le passé. Il peut être utilisé pour provoquer
un sentiment de tristesse ou déclencher un travail de deuil. Elle
décompose les choses complexes en leurs éléments les plus simples pour
qu’ils retournent la terre ; de là la forme de cette figure pointant vers le
bas.

LAETITIA – Cette Figure m’est apparue comme un homme âgé portant


une barbe et vêtu d’une robe longue. Elle évoque le ravissement,
l’élévation et la grâce, et peut être utilisée dans toute situation qui exige
de la légèreté, où la joie de vivre est à l’ordre du jour.

CAPUT DRACONIS – Cette Figure peut donner accès à un état


« céleste ». Les visions qu’elle induit sont d’un caractère presque
féerique. C’est une Figure qui peut être utilisée pour influer sur la cour
« d’en haut » (elle exprime l’intériorisation de valeurs venues d’en haut).

CAUDA DRACONIS – Cette Figure donne accès au monde de l’ombre,


son sens divinatoire est « porte vers le royaume d’en bas ». Elle peut
servir à explorer ce qui est avorté, refoulé ou dissimulé. Toutefois, il faut
mentionner qu’elle doit être utilisée avec prudence. La rencontre avec ces
contenus refoulés, si l’opérant n’est pas préparé, peut être très
douloureuse. Cette Figure peut-être utilisée pour libérer la part obscure
prisonnière en soi ou en l’autre.

Martin Goodson

Traduction française par Lysianne, 2008.

Suggestions de lecture :

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A Practical Guide to Geomantic Divination, Israel Regardie, Editions The
Aquarian Press

Terrestrial Astrology - Divination by Geomancy, Stephen Skinner Editions


Routledge & Kegan Paul

Of Geomancy, Cornelius Agrippa Von Netteshiem, consultable sur le


site Norton’s Imperium

On Astronomical Geomancy, Gerard of Cremona consultable sur le site


Norton’s Imperium

2 Messages de forum

 L’utilisation magique des 16 figures géomantiques

17 janvier 16:22, par nouhouai

Monsieur, j’ai lu le sujet sur la géomancie c’est à dire l’utilisation


des 16 figures.ma préoccupation est la suivante:Quel est le rituel
qui l’accompagne et comment utiliser ses figures pour résoudre les
problèmes de la vie courante telle que blocages,de travail ou
d’affection ?

o L’utilisation magique des 16 figures géomantiques 22


janvier 18:28

Bonjour,

La sensibilité de l’auteur étant « chaote », aucun rituel


particulier n’est associé à son exploration des figures, ou si
vous préférez, c’est à chacun de faire sa propre « cuisine ».
Les figures géomantiques n’ont d’ailleurs à l’origine qu’une
vocation divinatoire, mais ainsi que le dit Goodson, en tant
que symboles, au même titre que les signes planétaires,
angéliques, etc., ils peuvent être recyclés dans divers types
d’opérations magiques, comme la talismanie. C’est ce qu’a
fait par exemple la Golden Dawn, mais sans avouer cet
aspect « recyclage » de la démarche. Goodson me semble en
cela, plus honnête. Il assume tout à fait l’aspect
« expérimental » de sa recherche. Si vous désirez trouver des

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rituels plus traditionnels, avec mode d’emploi étape pat
étape et la bonne façon de pivoter sur un pied en chantant un
cantique à la lune, je vous conseille d’aller voir du côté de
l’occultisme - Cornélius Agrippa, Papus, Levi, etc.

Les popriétés occultes des lettres de l’alphabet

Prolégomènes, Troisième partie

vendredi 23 janvier 2009, par Ibn Khaldoun

Cette science s’appelle de nos jours sîmîa [1], terme qui, employé d’abord
dans l’art talismanique, fut détourné de son acception primitive pour
être introduit dans la technologie employée par cette classe de Soufis
qu’on appelle les gens qui ont le pouvoir (d’agir sur les êtres créés). On
l’a employé de cette manière, ainsi qu’on emploie l’universel pour
désigner le particulier. Cette science prit son origine, après la
promulgation de l’islamisme, quand les Soufis exaltés commencèrent à
paraître dans le monde et à montrer leur inclination pour les pratiques
qui servent à dégager l’âme des voiles des sens. Ils firent alors des choses
surnaturelles et exercèrent un pouvoir discrétionnaire sur le monde des
éléments ; ils composèrent des livres, inventèrent une technologie et
prétendirent reconnaître comment et dans quel ordre les êtres qui
existent procédèrent de (l’Être) unique. Ils enseignèrent que la perfection
(de la vertu) des noms provient du concours des esprits qui président
aux sphères et aux astres, que la nature des lettres et leurs propriétés
secrètes se communiquent aux noms (qui en sont formés) ; que les noms
font sentir de la même manière leurs vertus (secrètes) aux êtres créés, et
que ceux-ci parcourent, depuis leur création, les diverses phases de
l’existence et peuvent en indiquer les mystères. De là est sortie une
science, celle qui traite des vertus secrètes des lettres et qui forme une
subdivision de la magie naturelle (sîmîa). Il est impossible de désigner
exactement son objet ou d’énumérer tous les problèmes dont elle
s’occupe.

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Nous devons à El-Bouni [2], à Ibn el Arebi et à d’autres écrivains qui ont
marché sur leurs traces, un grand nombre d’ouvrages traitant de cette
science, et, d’après ce qu’ils y exposent, nous voyons qu’elle a pour fin et
pour résultat de donner, aux âmes parfaites en science et en religion, le
pouvoir d’agir sur le monde de la nature, et qu’elles y parviennent à
l’aide des noms excellents (ceux de Dieu) et de certains mots à vertus
divines, (mots) qui se composent de lettres renfermant des qualités
occultes lesquelles se communiquent aux êtres (créés).

Ils (les Soufis) ne s’accordent pas entre eux quand il s’agit d’expliquer
comment il se fait que les vertus secrètes des lettres puissent donner à
l’âme le pouvoir d’agir (sur les êtres). Les uns, supposant que cette
qualité dépend du tempérament même des lettres, les rangent en quatre
classes, correspondant aux (quatre) éléments. A chacun des
tempéraments naturels, ils assignent une partie de ces lettres, lesquelles
donnent (à l’âme) la faculté de s’immiscer, soit comme agent, soit comme
patient, dans la nature de l’élément qui leur correspond. D’après ce
système artificiel, qu’ils nomment teksîr (fractionnement) et qui
correspond aux (quatre) espèces d’éléments, ils divisent les lettres en
quatre classes : les ignées, les aériennes, les aqueuses et les terrestres.
Ainsi ils attribuent l’élif (‫ )ﺍ‬au feu, le ba (‫ )ﺐ‬à l’air, le djîm (‫ )ﺝ‬à l’eau, et le
dal (‫ )ﺪ‬à la terre. Prenant alors les autres lettres, ils continuent l’opération
jusqu’à la fin de l’alphabet. De cette manière, l’élément du feu obtient
sept lettres : l’élif (‫)ﺍ‬, le hé (‫)ﻩ‬, le tha (‫)ﻁ‬, le mêm (‫)ﻢ‬, le fa (‫)ﻒ‬, le sin (‫ )ﺲ‬et
le dhal (‫)ﺬ‬. L’air en reçoit autant ; ce sont : le ba (‫)ﺐ‬, le ouaou (‫)ﻮ‬, le ya (‫)ﻯ‬,
le noun (‫)ﻥ‬, le dhad (‫)ﺾ‬, le ta (‫ )ﺖ‬et le dha (‫)ﻅ‬. L’élément de l’eau en
ob¬tient sept : le djîm (‫)ﺝ‬, le za (‫)ﺯ‬, le kaf (‫)ﻚ‬, le sad (‫)ﺺ‬, le caf (‫)ﻖ‬, le tha (
‫ )ﺚ‬et le ghaïn (‫)ﻍ‬. A la terre en appartiennent sept : le dal (‫)ﺪ‬, le ha (‫)ﺡ‬, le
lam (‫)ﻞ‬, l’aïn (‫)ﻉ‬, le ra (‫)ﺮ‬, le kha (‫ )ﺥ‬et le chîn (‫)ﺶ‬.

Les lettres ignées éloignent les maladies froides et doublent, au besoin, la


force de la chaleur, soit effectivement, soit virtuellement ; de même
qu’elles donnent à (l’influence de la planète) Mars une double force pour
guerroyer, pour tuer et pour attaquer. Les lettres aqueuses chassent les
maladies chaudes, telles que fièvres, etc. et doublent, au besoin, soit
effectivement, soit virtuellement, les forces froides, comme celles de la
lune.

Selon d’autres, la puissance mystérieuse au moyen de laquelle les lettres


font agir l’âme (sur les êtres créés) dérive d’un rapport numérique : les
lettres de l’alphabet désignent certains nombres qui leur correspondent

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et dont la valeur a été déterminée conventionnellement, ou par leur
propre nature [3]. Or, puisque les nombres ont un rapport les uns avec
les autres, les lettres doivent en avoir aussi entre elles. Il y a un rapport
entre le ba, le kaf et le ra, vu qu’ils indiquent les deuxièmes des trois
premiers ordres ; car ba exprime deux dans l’ordre des unités ; kaf
indique deux dans celui des dizaines, et ra représente le deux de l’ordre
des centaines. Ces lettres ont encore un rapport avec le dal, le min et le ta,
puisque celles-ci désignent les quatrièmes (des trois premiers ordres), et
entre les deuxièmes et les quatrièmes il y a un rapport du double.

Les noms ainsi que les nombres ont servi à former des amulettes ; chaque
classe de lettres en fournit un qui lui correspond en ce qui regarde le
nombre, soit des chiffres [4], soit des lettres. Le rapport qui existe entre
les vertus secrètes des lettres et celles des nombres donne à la faculté
d’agir sur les êtres un tempérament particulier. On saisit difficilement les
rapports cachés qui existent entre les lettres et les tempéraments des
êtres, ou entre les lettres et les nombres ; de tels problèmes ne sont pas
du domaine des sciences positives et ne se laissent pas résoudre au
moyen de raisonnements syllogistiques. Selon les Soufis, il faut s’en
rapporter au goût et au sentiment éprouvé par l’âme quand elle se
dégage du voile des sens pour avoir la solution de ces questions. « Il ne
faut pas s’imaginer, dit El Bouni, qu’on puisse connaître les vertus des lettres
en se servant du raisonnement ; on n’y arrive que par la contemplation et par la
faveur divine. »

Les mots, ainsi que les lettres dont ils se composent, procurent à l’âme la
faculté d’agir sur le monde de la nature et, par conséquent, de faire des
impressions sur les êtres créés. C’est là une influence qu’on ne saurait
nier, puisque son existence est constatée par des récits authentiques qui
nous sont parvenus relativement à des prodiges opérés par beaucoup de
Soufis. On s’est imaginé, mais à tort, que l’action exercée sur les êtres de
ce monde par l’âme est identiquement la même chez les Soufis et chez les
gens qui opèrent avec des talismans. S’il faut s’en rapporter aux
vérifications que ceux-ci ont faites, l’influence des talismans dépend en
réalité de certaines puissances spirituelles (provenant) de la substance de
la force. Elle fait sentir sa domination et sa puissance à tout ce qui
consiste en une combinaison d’éléments, et cela au moyen des vertus
occultes qui se trouvent dans les sphères célestes, des rapports qui
existent entre les nombres et des fumigations qui attirent (en bas) la
spiritualité à laquelle le talisman est consacré. On lie (cette spiritualité)
au talisman par la puissance de la pensée, et l’on attache ainsi les natures

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du monde supérieur à celles du monde inférieur. « Le talisman, disent-ils,
est comme un levain composé des (mêmes) éléments terrestres, aériens, aqueux
et ignés qui se trouvent dans la totalité des (êtres composés, levain) capable de
changer toutes (les substances) dans lesquelles il entre, et d’agir sur elles de
manière à les convertir en sa propre essence et leur donner sa propre forme. On
peut l’assimiler à la pierre philosophale [5], levain qui transmue en sa propre
essence les corps minéraux dans lesquels on le fait entrer. »

Partant de ce principe, ils enseignent que l’objet de l’alchimie est (de faire
agir) un corps sur un autre, puisque toutes les parties élémentaires de
l’élixir sont corporelles, et que l’objet de l’art talismanique est (de faire
agir) un esprit sur un corps, puisque, par cet art, on lie les natures du
monde supérieur à celles du monde inférieur ; or les premières sont
spirituelles et les dernières corporelles.

Il y a, entre les gens qui pratiquent l’art talismanique et ceux qui mettent
en œuvre les vertus secrètes des noms, une différence réelle en ce qui
regarde la manière de faire agir l’âme (sur les êtres). Pour l’apprécier, il
faut d’abord se rappeler, que la faculté d’agir dans toute l’étendue du
monde de la nature appartient à l’âme humaine et à la pensée de
l’homme. Cette âme tient de son essence le pouvoir d’embrasser la
nature et de la dominer, mais son action, chez ceux qui opèrent au
moyen des talismans, se borne à tirer d’en haut la spiritualité des sphères
et de la lier à certaines figures ou à certains rapports numériques. De là
résulte une espèce de mélange qui, par sa nature, change et transmue ce
qu’il touche, ainsi qu’opère le levain sur les matières dans lesquelles on
l’introduit. Nous disons ensuite qu’il en est autrement de ceux qui, pour
donner à leur âme cette faculté d’agir, se servent des propriétés secrètes
des noms ; ils n’y parviennent qu’à la suite d’une grande contention
d’esprit ; ils doivent être éclairés par la lumière céleste et soutenus par le
secours divin. La nature (externe) se laisse alors dominer, sans offrir de
la résistance et sans qu’on ait recours aux influences des sphères ou à
d’autres moyens, vu que le secours divin est plus puissant qu’une
influence quelconque. Ceux qui opèrent avec des talismans n’ont besoin
que d’un très léger exercice préparatoire quand ils veulent procurer à
leur âme le pouvoir de faire descendre la spiritualité des sphères.
Combien il leur est facile de donner à leur esprit la direction convenable !
Combien leurs exercices sont peu fatigants, si on les compare avec les
exercices transcendants des hommes (les Soufis) qui emploient les vertus
mystérieuses des noms ! Les talismanistes ne cherchent pas à agir sur les
êtres au moyen de leur âme, parce qu’un voile s’y interpose (celui des

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impressions des sens) ; et, si cette faculté leur arrive, ce n’est que par
accident et comme une marque de la faveur divine. S’ils (les Soufis)
ignorent les secrets de Dieu et les vérités du royaume céleste, — ce qui
ne s’apprend que par la contemplation et après l’écartement (des voiles
des sens) ; — s’ils se bornent à étudier les rapports qui existent entre les
noms, les qualités des lettres et celles des mots ; si, dans le but qu’ils se
proposent, ils emploient (uniquement) ces rapports, c’est à-dire s’ils font
comme les personnes que l’on désigne ordinairement par le nom de gens
de la sîmîa (ou de la magie naturelle), — alors, rien ne les distinguera de
ceux qui opèrent au moyen de talismans ; et, en ce cas, nous devrions
accorder plus de confiance à ceux-ci, parce qu’ils s’appuient sur des
principes justifiés par la nature (des choses) et par la science, et qu’ils
suivent un système de doctrine bien ordonné.

Quant à ceux qui opèrent au moyen des vertus secrètes des noms, s’ils
n’ont pas pour les seconder la faculté d’écarter (les voiles des sens), afin
d’obtenir la connaissance des vertus réelles qui existent dans les mots et
des effets résultant des rapports (qui existent entre les noms, etc.), — ce
qui leur arrive quand ils n’y donnent pas toute leur attention, — s’ils
n’ont pas étudié les sciences d’après un système de règles qui soit digne
de confiance, — ces hommes occuperont toujours une place très
inférieure.

Celui qui opère au moyen de noms mêle quelquefois les influences des
mots et des noms à celles des astres ; il assigne aux noms excellents (ceux
de Dieu), ou aux amulettes qu’il a dressés avec ces noms, ou même à
tous les noms (indistinctement), des heures (favorables à leur emploi,
heures qui participent aux) qualités bienfaisantes de l’astre qui est en
rapport avec le nom (dont il s’occupe). El Bouni a suivi cette pratique
dans son ouvrage intitulé El Anmat. Selon (les Soufis), ces rapports
émanent de la présence amaïenne, laquelle est la même que celle du
berzekh de la perfection nominale [6], et ces vertus ne descendent des
sphères que pour être distribuées aux êtres, selon les rapports qu’elles
peuvent avoir avec eux. Ils disent aussi que, pour apprécier (les vertus
des mots), on doit avoir recours à la contemplation ; donc toute tentative
faite dans ce but par une personne qui, étant dépourvue de la faculté
contemplative, accepterait les opinions d’autrui à l’égard de ces rapports,
doit se mettre sur la même ligne que les opérations d’un talismaniste. On
peut même dire que celles-ci méritent plus de confiance, ainsi que nous
l’avons déjà fait observer.

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Les personnes qui dressent des talismans combinent quelquefois dans
leurs procédés les vertus des astres avec celles des invocations,
composées de paroles qui ont avec les astres un rapport spécial. Mais, à
leur avis, les rapports de ces paroles aux astres ne sont pas du même
genre que ceux dont les individus qui étudient les vertus secrètes des
noms prennent connaissance lorsqu’ils sont absorbés dans la
contemplation. Ils dépendent (disent-ils) des principes fondamentaux du
système des procédés magiques que nous employons dans le but de
déterminer la manière dont les influences des astres se répartissent
parmi les diverses catégories des êtres créés, c’est à-dire les substances,
les accidents, les essences et les minéraux ; à ces catégories il faut ajouter
les lettres et les mots. A chaque astre appartient spécialement une partie
de ces êtres.

On a fondé sur cette base un édifice aussi singulier que répréhensible :


les chapitres et les versets du Coran s’y trouvent distribués (et placés)
comme tout le reste sous l’influence des astres. C’est ainsi qu’a fait
Maslema el Madjrîti dans son Ghaïa. El Bouni a évidemment suivi le
même système dans son Anmat ; parcourez ce livre, examinez les
invocations qu’il renferme ; observez que l’auteur les a distribuées entre
les heures des sept astres ; prenez ensuite le Ghaïa et voyez-y les kîama
des astres, c’est à-dire les invocations qui leur sont particulières, et qui
sont nommées ainsi parce qu’on les prononce en se tenant debout [7] :
quand vous aurez examiné ces ouvrages, vous serez convaincu que le
fait est ainsi. Cet accord entre les deux ouvrages a dû résulter, soit de
l’identité des matières dont ils traitaient, soit du rapport qui existait entre
la formation primitive et le berzekh de la connaissance.

Il ne faut pas s’imaginer que toute science réprouvée par la loi doive être
regardée comme non existante ; la magie est défendue, mais sa réalité
n’en est pas moins certaine. Quoi qu’il en soit, les connaissances que
Dieu nous a enseignées suffisent à tout, et vous n’avez reçu, en fait de
science, qu’une bien faible portion. (Coran, sour. XVII, vers. 87.)

Établissement d’une vérité et discussion d’un point subtil. — La sîmîa (ou


magie naturelle) est réellement une branche de la magie, ainsi que nous
l’avons montré, et la faculté de s’en servir s’acquiert par l’emploi
d’exercices que la loi ne condamne pas. Nous avons déjà fait observer
que, chez deux classes d’hommes, l’âme peut agir sur le monde des êtres
créés. Les prophètes, qui formaient une de ces classes, y agissaient au
moyen d’une faculté divine que Dieu avait implantée dans leur nature ;

15
les magiciens (qui composent l’autre classe) opèrent au moyen d’une
faculté psychique qui leur est innée. Les hommes saints peuvent acquérir
cette faculté par la vertu de la profession de foi ; c’est, chez eux, un des
résultats amenés par le dépouillement (des sentiments mondains qui
préoccupent l’âme) ; elle leur naît sans qu’ils aient cherché à l’obtenir et
leur arrive comme un don inattendu. Ceux qui sont bien affermis (dans
les habitudes de la vie ascétique) tâchent d’éviter cette faveur quand elle
se présente à eux ; ils prient Dieu de les délivrer d’une faculté qu’ils
regardent comme une tentation. On raconte qu’Abou Yezîd el
Bestami [8], étant dans un état très misérable, arriva un soir au bord du
Tigre. Ayant voulu traverser le fleuve, il vit les deux rivages se
rapprocher jusqu’à se toucher devant lui. Au lieu de profiter de cette
faveur, il pria Dieu de le délivrer de la tentation : « Non ! s’écria t-il, je ne
veux pas abuser de mon crédit auprès du Seigneur dans le but d’économiser un
liard. » S’étant alors embarqué dans le bateau de passage, il traversa le
Tigre avec les bateliers.

La faculté innée d’exercer la magie ne passe jamais de la puissance à


l’acte, tant qu’on ne l’excite pas au moyen d’exercices préparatoires.
Celle qui n’est pas innée, mais acquise, est inférieure à l’autre, et l’emploi
d’exercices préparatoires est encore nécessaire pour l’activer. La nature
des exercices magiques est bien connue ; Maslema el Madjrîti en a
indiqué, dans son Ghaïa, les diverses espèces et la manière de les
accomplir. Djaber Ibn Haïyan les a mentionnés aussi dans ses traités, et
quelques autres écrivains ont laissé des ouvrages sur le même sujet.
L’étude de ces livres occupe une foule de gens qui espèrent acquérir une
connaissance de la magie en apprenant les règles et les conditions (qui
doivent s’observer dans la pratique) de cet art. Nous ferons observer
qu’autrefois les exercices magiques étaient un tissu d’impiétés : on
tournait son esprit vers les astres et on leur adressait des prières appelées
Hama, avec l’intention d’attirer en bas les spiritualités des corps célestes.
On croyait à des impressions provenant d’un autre que Dieu et servant à
établir une liaison entre l’acte (de la magie) et les ascendants stellaires ;
on observait les positions des planètes dans les signes du zodiaque, afin
d’obtenir l’influence dont on avait besoin.

Bien des personnes, ayant voulu procurer à leur âme la faculté d’agir sur
le monde des êtres créés, entreprirent d’acquérir cet art en suivant une
voie qui devait les éloigner des pratiques entachées d’impiété ; et, dans
ce but, elles donnèrent à leurs exercices un caractère légal, en y
remplaçant (tout ce qui blessait la religion) par des litanies et des

16
cantiques à la louange de Dieu, et par des invocations tirées du Coran et
des traditions sacrées. Ces individus, voulant connaître les prières qui
convenaient à leur but, se guidaient d’après une considération que nous
avons déjà indiquée, savoir, que le monde, avec tout ce qu’il renferme
d’essences (êtres), de qualités et d’actes, est partagé entre les sept
planètes et soumis à leurs influences. Avec cela, ils recherchaient
scrupuleusement les jours et les heures qui correspondaient aux
influences ainsi réparties, et, par l’emploi d’exercices autorisés par la loi,
ils s’abritaient contre les imputations auxquelles les pratiques de la
magie ordinaire les auraient exposés, pratiques qui, si elles ne sont pas
des actes d’infidélité, doivent nécessairement y porter. Ils s’attachaient à
suivre la voie légale, parce qu’elle était assez large et n’offrait rien de
répréhensible. C’est ainsi que fit El-Bouni dans plusieurs de ses
ouvrages, tels que l’Anmat, et d’autres écrivains adoptèrent le même
plan. Évitant avec un soin extrême de donner le nom de magie à l’art
qu’ils cultivent, ces gens l’appellent sîmîa (magie naturelle) ; mais, bien
qu’ils le pratiquent en suivant la voie légale, ils ne peuvent s’empêcher
de tomber dans l’emploi de la magie véritable. Malgré la direction licite
qu’ils donnent à leurs pensées, ils ne s’éloignent pas tout à fait de la
croyance en certaines influences qui ne procèdent pas de Dieu ; ils
cherchent aussi à se procurer la faculté d’agir sur le monde des êtres, ce
qui est défendu par le législateur divin.

Quant à l’influence qu’il arrivait aux prophètes d’exercer et qui se


manifestait dans leurs miracles, ils ne la faisaient valoir que par l’ordre
de Dieu et par suite de sa décision. Chez les saints, cette influence
s’emploie aussi avec la permission de Dieu, et leur vient, soit par
inspiration et par l’opération de Dieu, qui crée (alors) en eux la science
qui leur est nécessaire, soit de quelque autre manière. Au reste, ils ne
s’en servent jamais sans y être autorisés.

Il ne faut pas se laisser tromper par le terme sîmîa que les magiciens
emploient pour dérouter le public. La sîmîa (chez eux) est réellement une
branche, une conséquence nécessaire de la magie, ainsi que nous l’avons
déjà déclaré. Dieu, dans sa bonté, (nous) dirige vers la vérité.

Selon les gens du métier, il y a une branche de la sîmîa qui consiste à


poser des questions, puis à en tirer des réponses au moyen de liaisons
qui existent entre des mots composés de lettres. Ils veulent (nous) faire
accroire que c’est là une des bases fondamentales (de l’art qui procure) la
connaissance des événements futurs ; mais leur procédé ne ressemble

17
qu’à une suite de casse-têtes et d’énigmes. Ils ont beaucoup discouru sur
cette matière, et ce qu’ils ont avancé de plus détaillé et de plus curieux se
rapporte à la zaïrdja (ou tableau circulaire) de l’univers, qui a pour
inventeur Es Sibti, et dont nous avons déjà parlé. Nous allons exposer ici
ce qu’ils ont dit sur la manière d’opérer avec la zaïrdja, et nous
reproduirons en entier la cacîda (ou poème) qui se rapporte à ce sujet, et
dont l’auteur, à ce qu’ils prétendent, fut Es Sibti lui-même. Nous
donnerons ensuite la description de la zaïrdja, avec ses cercles, son
tableau et tout ce qui s’y trouve inscrit ; nous indiquerons ensuite le
caractère de cette opération, laquelle n’a aucun rapport réel avec le
monde invisible et consiste uniquement à trouver une réponse qui soit
d’accord avec une question, et qui, étant prononcée, offre un sens
raisonnable. C’est un procédé très curieux : la réponse se tire de la
question au moyen d’une opération qui se pratique comme un art et
qu’on appelle tekcîr (décomposition) ; nous avons déjà donné des
indications au sujet de tout cela. Quant à la cacîda (qui accompagne la
zaïrdja), nous n’en possédons pas une copie dont l’authenticité nous
semble bien assurée ; le texte que nous en donnons ici est celui que nous
avons choisi entre plusieurs autres, parce que, d’après toutes les
apparences, il est le plus correct.

Ibn Khaldoun.

P.-S.

LES PROLÉGOMÈNES D’IBN KHALDOUN - traduits en Français et


commentés par W. MAC GUCKIN DE SLANE (1863) - Troisième partie.

Librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1938, 574 pages.

Un document produit en version numérique par Pierre Palpant,


collaborateur bénévole.

Notes

[1] Le mot sîmîa s’emploie ordinairement pour désigner la magie


naturelle et la fantasmagorie. L’auteur a déjà parlé de cet art, qu’il
regarde comme une branche de la magie proprement dite. (Voy. p. 175.)

[2] Abou ’l-Abbas Ahmed Ibn el Bouni composa un grand nombre


d’ouvrages sur la magie, les talismans et les sciences occultes. Son
ouvrage, intitulé El Anmat et cité plusieurs fois par Ibn Khaldoun, ne

18
nous est pas parvenu, mais tout ce que ce livre renfermait d’important se
trouve dans un autre livre du même auteur, le Chems el Maaref (soleil
des connaissances), dont la Bibliothèque impériale possède plusieurs
exemplaires. Cet auteur mourut, selon Haddji Khalifa, l’an 622 (1225-
1226 de J. C.). A en juger par son surnom, il était natif de Bône, ville de
l’Afrique septentrionale.

[3] Cela veut probablement dire, par leur ordre alphabétique

[4] En arabe chekl. Ce terme doit désigner ici les chiffres qui servent à
exprimer les nombres.

[5] En arabe el iksîr, c’est à-dire l’élixir.

[6] Cette expression paraît désigner le lieu (berzekh) qui est situé entre le
monde matériel et le monde spirituel, et dans lequel se trouve en
puissance la vertu complète et parfaite de chaque nom. C’est encore là
un résultat des rêveries auxquelles les Soufis se livrent en poursuivant
des chimères.

[7] Le mot kîama désigne l’acte de se lever et de se tenir debout.

[8] Ce célèbre thaumaturge mourut en l’an 261 (874 875 de J. C.). (Voyez
le Biographical Dictionary of Ibn Khallikân, vol. I, p. 662.)

Rabbi Tzayach et les Carrés Magiques

mercredi 11 février 2009, par Spartakus FreeMann

Rabbi Joseph Tzayach est né en 1505 et est mort en 1573. Il fut l’un des
kabbalistes les plus mystérieux du 16e siècle et nous disposons de peu
d’informations sur sa vie. Selon Aryeh Kaplan : « Rabbi Joseph Tzayach fut
influencé, semble-t-il, par l’école kabbalistique d’Aboulafia, et de nombreuses
idées discutées par lui semblent être reprises des écrits d’Aboulafia ». Il était
également un théologien et une figure majeure de l’enseignement
talmudique à Jérusalem et à Damas (même Joseph Caro invoque son
autorité dans son Abkat Rokel). Tzayach était un mystique porté, sans
doute sous l’influence des œuvres d’Aboulafia, vers le prophétisme.

Parmi les disciples de Tzayach on connaît Isaac Adarbi, Samuel di


Medina et Salomon Halevi Alkabetz.

19
Ses œuvres kabbalistiques principales sont : Even Hashoham (La Pierre
d’Onyx), Tzeror Hachaïm (Le Lien de la Vie), Tzaphanat Paneach et le Sherith
Yoseph.

Dans ses écrits kabbalistiques, Joseph Tzayach discourt des carrés


magiques et de leur utilisation dans la fabrication d’amulettes. Dans ses
Responsa, au sujet des carrés magiques, il affirme que les ensembles
numériques étaient déjà connus des anciens kabbalistes comme
possédant un lien symbolique et chronologique avec les planètes
(Saturne, Jupiter, Mars, Soleil, Vénus, Mercure et la Lune) que l’on
pouvait découvrir selon un système mathématique réintroduit en
Occident par Emmanuel Moshopoulos vers 1460.

Le premier de ces carrés est, bien sûr, celui d’ordre 3 dont chaque ligne
horizontale et verticale donne une somme de 15 (selon la formule
3*((3²+1)/2)=15). Il contient les 9 premiers nombres auxquels on associe
généralement des lettres :

Dans son système, cependant, Rabbi Tzayach ne s’arrête pas aux 7


planètes visibles et connues, mais il prolonge le système en associant des
carrés magiques au 10 Sephiroth de l’Arbre de Vie. Celles-ci sont alors
représentées par des carrés magiques d’ordre 10 à 20, comme suit :

Kether : carré en base 10 (10x10)


Hokhmah : carré en base 11
Binah : carré en base 12
Hessed : carré en base 13
Guebourah : carré en base 14
Tiphereth : carré en base 16
Netzach : carré en base 18
Hod : carré en base 18
Yesod : carré en base 19
Malkhuth : carré en base20.

Ces carrés étaient, semble-t-il, utilisés lors de méditations où chaque


rang horizontal devenait une « maison » tandis que chaque ligne
verticale devenait une « pièce ». Ainsi, dans le carré magique d’ordre 10,

20
qui représente Kether (la Couronne) en tant que Premier principe, ou
première cause, la première « pièce » de la première maison est « 1 », la
seconde est « 2 », la troisième est « 98 » et la quatrième est « 97 ».

Carré de Kether

Dans un de ses écrits, Tzayach nous dit : « si tu observes attentivement


l’ordre des nombres dans les maisons et les pièces, tu comprendras le
merveilleux concept concernant le mystère de l’ordre d’Atziluth. Mais je n’ai
pas l’autorité pour te révéler les raisons pour lesquelles les nombres sont
associés à chaque pièce » (Even Hashoshan, page 29ff). Il conclut que « cela
fait partie des plus profonds mystères de la très haute Merkhavah impliquant
l’utilisation des 72 anges portant le Nom mystique de Dieu Shemhamephorash.
Cela n’est décrit que par analogie dans des livres ou des rouleaux. La
mystérieuse raison à cela est que l’on dit qu’ils sont entourés par l’Aïn Soph où
aucun œil ne peut pénétrer » (Even Hashoshan, page 42a). D’ailleurs, Rabbi
Joseph nous met d’ailleurs en garde de ne jamais modifier ces carrés, car
ils sont intimement associés à la Gloire de Dieu.

Ce système, dans lequel de grands carrés magiques sont utilisés, rappelle


celui développé par les Arabes et, étant donné la région où vivait Rabbi
Joseph, on peut supposer que des échanges ont eu lieu lieu entre les
mystiques et soufis musulmans et les kabbalistes juifs. Bohak pose
d’ailleurs cette hypothèse dans son étude sur la magie juive : « les carrés
magiques ont pénétré la tradition magique juive sous l’influence musulmane »
(Gideon Bohak, Ancient Jewish Magic, Cambridge University Press, 2008).
Et, Tzayach écrira lui-même qu’il a reçu ces carrés de son « maître »,
probablement Abraham Castro, l’un des chefs de la communauté juive
en Égypte qui fut un membre influent de l’administration turque sous le
Sultan Selim Ier.

21
D’autres références aux carrés magiques concernant leur implication
dans les mystères de la Création peuvent également être trouvées dans
les écrits des contemporains de Tzayach tels Rabbi Joseph Tirshom et son
Shoshan Yesod Olam (la Rose, Fondement de l’Univers, 1550), Rabbi Eliahou
Baal Shem Tov et son Toledot Adam (Générations d’Adam) et Rabbi Isaïe
Horowitz et son Shneï Luchot HaBrit (Les Deux Tables d’Alliance). On en
trouvera encore dans le Shorsheï ha-Shemoth de Moïse Zacuto (voir
l’article de Jacobus Swart).

Spartakus FreeMann, février 2009 e.v.

Les amulettes arabes

dimanche 18 janvier 2009, par Paul Pallary

Les amulettes arabes sont des sachets de cuir ou de toile cousus avec du
fil généralement jaune ou vert dans lesquels se trouvent, enveloppés
dans un morceau de papier ou d’étoffe cirée, soit quelques grains de
sable ou de terre blanche, soit des versets du Coran ou des invocations à
Dieu.

Ces sachets servent à combattre les maladies, à conjurer les sorts, à


favoriser les joueurs et à préserver du mauvais œil et des blessures.

Les femmes arabes portent souvent aussi un collier de clous de girofle ou


de graines à odeur aromatique qui ont la vertu de guérir les gerçures des
seins, ou encore un petit sachet renfermant des feuilles d’un arbuste dont
la principale propriété est de protéger contre la morsure des serpents.

Les amulettes ne doivent pas être ouvertes devant un profane, car alors
l’influence du mauvais œil détruirait toutes leurs qualités. On ne peut les
ouvrir que lorsque l’on est seul, et dans ce cas le protégé doit réciter des
prières et faire des ablutions avant.

On accouple trois ou quatre de ces amulettes à un cordon que l’on porte


autour du cou ou des parties malades. On en attache au gland de soie de
la chéchia, et même dans l’intérieur de cette coiffure. On en porte
également dans les vêtements.

22
Les femmes arabes ornent les amulettes avec quelques grains d’ambre,
de verre, d’émail ou de corail, y ajoutent quelquefois des pendeloques en
argent, et s’en servent comme parures.

Les marabouts et les thalebs en ont la spécialité et les vendent aux


croyants. Lorsque le porteur des amulettes les égare, il fait ordinairement
l’aumône d’une bougie au marabout qui les lui a données.

Les caractères employés pour ces écrits sont un peu différents de ceux de
l’écriture ordinaire. Ils revêtent un caractère spécial, sacré. Aussi la
lecture de ces papiers est-elle très difficile et exige-t-elle beaucoup de
connaissances. La principale difficulté provient de l’omission de la
ponctuation.

II

Les amulettes portent différents noms suivant leur usage, leur grandeur
et les pays. Les plus connues portent le nom de Hourze ; elles servent à
guérir les maladies et renferment un verset du Coran.

Celle qui préserve des sorciers contient une terre blanchâtre provenant
de la tombe d’un marabout célèbre. On y ajoute aussi quelquefois un peu
de benjoin ou du musc.

Le Djedouil préserve des maladies contagieuses et du mauvais œil. Il


porte à sa surface extérieure gravée sur le cuir certaines figures magiques
en forme de rectangles et d’étoiles.

Le Tehellil (Tebrede el R’ssass, textuellement : refroidir la balle) est un


recueil plus ou moins étendu de versets choisis parmi les plus efficaces
du Coran, ou encore une série d’invocations ayant le mérite d’attirer, sur
celui qui en est porteur, la plénitude des grâces divines.

Le Tehellil se porte suspendu en sautoir et rend invulnérable celui qui le


porte. Il est fréquemment employé par les pèlerins en voyage qu’il
préserve des coups de feu et des mauvais borts. Pour essayer le tehellil,
on le suspend au cou d’un bœuf ou d’un âne, et on tire sur lui, à bout
portant, un coup de fusil ; si l’amulette est bien faite, la balle s’aplatit sur
la bête.

Le talisman d’Andarous contient les versets de la préservation que nous


citerons plus loin.

23
Le D’jouchan donne l’inspiration.

Le Mordj’ana est accompagné de sept carrés magiques.

L’Adjheub conserve la santé toujours florissante.

Les sachets destinés à guérir les maladies contiennent dans leur intérieur
une pâte de préparation spéciale étroitement enveloppée dans du
parchemin.

Sur ceux-ci se voient quelques lettres et signes magiques destinés à


éloigner les mauvais esprits qui ont provoqué la maladie.

Ces sachets sont luxueux : ils sont en soie verte à bandes jaunes et
rouges, et coûtent très cher.

Enfin signalons également les écrits enveloppés dans une chemise de fer-
blanc et destinés à préserver contre les accidents.

Quand un malade est arrivé in extremis, un thaleb éminent, réputé par sa


haute science, écrit avec une encre composée de laine brûlée et d’eau
quelques versets du Coran sur une assiette ; il verse ensuite de l’eau de
manière à délayer les caractères et administre ce médicament au malade :
s’il le supporte, c’est qu’il doit vivre ; s’il le rejette, c’est qu’au contraire il
mourra des suites de la maladie.

Le Mohaba se porte suspendu en sautoir et fait aimer des femmes celui


qui le porte.

Quand un jeune homme est repoussé par une femme, il s’empresse


d’aller voir un thaleb. Moyennant rétribution, ce dernier écrit sur la main
droite du jeune homme quelques lignes et caractères magiques. Après
quoi l’adepte, la main fermée, s’en va chez la rebelle ; arrive devant elle,
il lui présente la main en détournant la tête, et s’enfuit après quelques
instants.

Cinq jours après, le jeune homme peut revenir, la belle tombera dans ses
bras !

Certains signes jouissent de vertus particulières et sont souvent


reproduits sur les sachets en cuir, ce sont le triangle (fig. 1), le sceau de
Salomon ou étoile à six branches formée par la superposition de deux
triangles (fig. 2), une étoile à plusieurs rayons (fig. 3) et quelquefois le

24
carré et le rectangle. Je n’ai jamais vu le croissant (fig. 4) employé comme
préservatif.

L’encre la plus communément employée est l’encre noire, mais on se sert


aussi de l’encre bleue et de l’encre jaune ; cette dernière est préparée avec
du safran délayé avec un peu de musc.

Dans l’Asie Mineure et à Constantinople, beaucoup de monuments


possèdent des propriétés préservatrices : ce sont de véritables talismans.

Les réguliers d’Abd-el-Kader portaient une décoration en forme de


main : ce signe extérieur préservait du mauvais œil, des blessures, etc.

III

VERSETS DU CORAN EMPLOYÉS COMME AMULETTES.

Je reproduis ici les versets du Coran les plus généralement usités, et je les
fais suivre de la traduction de quelques amulettes qui m’ont été données
par des thalebs de Mascara et de Sidi-Bel-Abbès.

Coran. Chapitre CXIII. — L’Aube du jour. —

1. Dis : Je cherche un refuge, un préservatif auprès du Seigneur de l’Aube du jour.


2. Contre la méchanceté des êtres qu’il a créés.
3. Contre le mal de la nuit sombre quand elle nous surprend.
4. Contre la méchanceté de celles qui soufflent sur les nœuds.
5. Contre le mal de l’envieux qui nous porte envie.

Ce chapitre est destiné à prémunir contre les malheurs qui peuvent


atteindre le corps. Le chapitre suivant prémunit contre les dangers qui
menacent l’âme.

Chapitre CXIV. — Les Hommes. —

1. Dis : Je cherche un refuge auprès du Seigneur des Hommes.


2. Roi des Hommes.

25
3. Dieu des Hommes.
4. Contre la méchanceté de celui qui suggère les mauvaises actions et se dérobe.
5. Qui souffle le mal dans les cœurs des Hommes.
6. Contre les génies et contre les Hommes.

Les versets suivants également usités sont épars dans le Coran.

Sourate XVI. Verset 100. — Je cherche un refuge auprès de Dieu contre Satan
le lapidé.

Cette formule prémunit contre le danger de prononcer des blasphèmes.


On la prononce avant la prière pour écarter le Diable.

Sourate XXIII. Versets 100 et 101. — Dis : Seigneur, je cherche un refuge


auprès de toi contre les suggestions des démons. Je me réfugie vers toi afin qu’ils
n’aient aucun accès auprès de moi.

IV

TRADUCTION DE QUELQUES AMULETTES ARABES.

Dans la magie, disent les astrologues, c’est un esprit qui s’unit à un autre,
et, dans la talismanique, c’est un esprit qui s’unit à un corps.

1— Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Qu’il répande ses grâces sur


notre seigneur Mahomet, sur sa famille et ses compagnons, et qu’il leur accorde
le salut !

Dieu est lui-même témoin de ce qu’il n’y a point d’autre Dieu que lui ; les anges
et les hommes doués de science et de droiture répètent : Il n’y a point d’autre
Dieu que lui, le puissant, le sage (Coran, sourate III, verset 1 6.). La religion
de Dieu est l’Islam (Coran, sourate III, verset 17) ! l’Islam ! l’Islam !

Présentez-vous à la porte de la ville, dirent deux hommes craignant le Seigneur


et favorisés de ses grâces, vous ne serez pas plus tôt entres que vous serez
vainqueurs (Coran, sourate V, verset 26) ! vainqueurs ! vainqueurs !

Accordez protection et un solide appui, ô mon Dieu ! au porteur des


caractères que je trace, je vous le demande par (les mérites de ce verset) :

Celui qui était mort, et à qui nous avons donné la vie, à qui nous avons donné la
lumière pour marcher au milieu des hommes, sera-t-il semblable à celui qui
marche dans les ténèbres et qui n’en sortira point ? C’est ainsi que les actions

26
des infidèles ont été préparés d’avance (Coran, sourate VI,). Accordez votre aide
(ô mon Dieu !) à qui porte cet écrit.

Suit un carré de cinq cases sur cinq. Dans chacune est un fragment de ce
passage du Coran : « L’assistance vient de Dieu et la victoire est prochaine
(Coran, sourate LXI, verset 13) » Ce passage se trouve cinq fois répété
dans l’ensemble du carré.

En plus des mots que l’on lit dans la première rangée de cases, on
remarque dans chacune un chiffre. Groupés et lus de droite à gauche, ces
chiffres donnent : 56 247, ce qui signifie : L’assistance (appartient) à
(Dieu).

Au-dessous de ce carré sont les mots : « Talisman efficace. »

Au verso de la feuille, on lit : « Pour obtenir l’assistance », et au-dessous est


une grossière imitation du « sceau de Salomon ».

2. — L’amulette suivante m’a été communiquée par M. Bernard, de Sidi-


Bel-Abbès, un érudit en tout ce qui touche aux mœurs indigènes.

Dans un cadre carré :

Au nom de Dieu, De Dieu, de Dieu, de Dieu, de Dieu,

Du Dieu de Clémence, De Clémence, de Clémence, de Clémence, de Clémence

Et de Miséricorde.

O mon Dieu, ô Dieu tout-puissant ! exaucez la prière que je vous adresse en vue
des mérites des « oui îles El âjana et Ez-zelzala et des mérites aussi, des fidèles
croyants, qui, nuit et jour, courbait le front devant votre majesté, et couvrez-
moi du manteau de votre divine protection.

O Dieu, ô Dieu, ô Dieu, ô maître des maîtres et source première de toute chose.
O créateur des mers et trône de puissance, qui avez rendu Moïse à sa mère et
Joseph à Jacob, écoutez, je vous en conjure, mon humble prière.

Veuillez, par la vertu de ces caractères, ô mon Dieu ! m’accorder les richesses de
ce monde, écarter de moi les embûches, me mettre à l’abri des attaques
calomnieuses, me rendre invulnérable et encore éloigner toute catastrophe de
mon chemin.

27
Ne m’abandonnez pas, ô mon Dieu ! ne me faites pas périr et épargnez- moi le
châtiment et les tourments de l’enfer ; n’avez-vous pas la toute- puissance ?

Et que les grâces divines soient sur le Prophète, ses compagnons et les membres
de sa famille.

Sidi Krélid consacre le passage suivant aux vertus de l’amulette ci-


dessus :

Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! qu’il répande sa grâce sur notre


seigneur Mohammed, sur sa famille, ses compagnons, et leur accorde le salut !

Cette amulette a, par elle-même, des vertus magiques : elle préserve des atteintes
du fer des flèches et des canons, et met à l’abri des coups du sort ; au besoin
encore, elle rend invisible son heureux possesseur. Elle lui permet en outre de
braver sans crainte les ténèbres de la nuit, et le protège contre les événements.

Cette amulette, enfin, assure à celui qui la porte un bon accueil partout où il se
présente et a le pouvoir d’épargner toute disgrâce à celui-ci.

En un mot elle est si puissante, que son heureux possesseur est entièrement
sauvegardé, et dix mille canons seraient-ils braqués sur lui, qu’il n’aurait rien à
craindre.

Quand on veut éprouver ses vertus, il faut la suspendre à un âne, et choisir


pour cela une bête dont la robe n’ait aucune marque qui la fasse distinguer des
autres. Mais l’on ne doit en arriver là que si l’on traverse une période de
troubles.

Puisse Dieu nous épargner aux uns et aux autres la vue de semblables
malheurs, et déjouer les complots des méchants !

3. — Traduction d’une autre amulette :

Sidi Krélid dit, autre part, que l’on peut suspendre à une bête un papier
contenant le nom de Dieu, mais il ajoute qu’alors ce papier doit être
renfermé dans une étroite enveloppe.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Que Dieu répande ses grâces sur
notre seigneur Mahomet, sur sa famille et ses compagnons, et qu’il leur donne la
paix, la paix !

28
Louange à Dieu, maître de l’Univers, le clément, le miséricordieux, souverain
au jour de la rétribution.

C’est toi que nous adorons, c’est toi dont nous implorons le secours. Dirige-
nous dans le sentier droit, dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes
bienfaits, non pas de ceux qui ont encouru ta colère, ni de ceux qui s’égarent
(C’est la première sourate du Coran).

Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Dieu est le seul Dieu ; il n’y a


point d’autre Dieu que lui, le vivant, l’immuable. Ni l’assoupissement, ni le
sommeil n’ont de prise sur lui. Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre lui
appartient. Qui peut intercéder auprès de lui sans sa permission ?

Il connaît ce qui est devant eux et ce qui est derrière eux » et les hommes
n’embrassent de sa science que ce qu’il a voulu leur apprendre. Son trône
s’étend sur les cieux et sur la terre, et leur garde ne leur coûte aucune peine.

Il est le Très-Haut et le Grand (Verset 256 de la deuxième sourate du


Coran, La sourate CXII, « l’Unité de Dieu »).

Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Dis : Dieu est un. C’est le Dieu à
qui tous les êtres s’adressent dans leurs besoins. Il n’a point enfanté et n’a pas
été enfanté.

Il n’a pas d’égal en qui que ce soit.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Dis : Je cherche un refuge auprès


du Seigneur de l’Aube du jour, contre la méchanceté des êtres qu’il a créés,
contre le mal de la nuit sombre qui nous surprend, contre la méchanceté de ceux
qui soufflent sur les nœuds, contre le mal de l’envieux qui nous porte envie (La
sourate CXIII, « l’Aube du jour »).

Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Dis : Je cherche un refuge auprès


du Seigneur des Hommes, roi des Hommes, Dieu des Hommes ; contre la
méchanceté de celui qui suggère les mauvaises pensées et se dérobe, qui souffle le
mal dans le cœur des hommes ; contre les génies et contre les hommes (La
sourate CXIV, « les Hommes »).

Au dos, au-dessus d’une croix à cinq branches (« le Sceau de Salomon »)


tracée grossièrement, on remarque des lettres non groupées. En ajoutant
un ra, la lettre arabe, après la neuvième et un autre après la seizième, on
lit : Au nom de Dieu clément et miséricordieux !

29
L’usage des amulettes est universel : il se trouve dans tous les pays et à
toutes les époques. Chose curieuse, la forme des amulettes est aussi la
même partout à fort peu de chose près. Les sachets de cuir des Arabes
sont semblables à ceux des indigènes du Cap Vert, du Çomâl et de
l’Afrique centrale, Les campagnards français et les paysans espagnols
font aussi grand cas des amulettes religieuses avec cette différence que
sur l’enveloppe sont brodés des symboles chrétiens. Toutes ont les
mêmes usages et la même destination : ils servent à procurer les faveurs
divines.

Les amulettes magdaléniennes et surtout robenhausiennes ne sont-elles


pas les équivalents de celles que l’on rapporte des îles de l’Océanie ? Que
penser de cet esprit d’intuition qui se retrouve dans des conditions si
diverses. Il y aurait matière à écrire, si l’on voulait faire une étude
générale. Au point de vue ethnographique et philosophique, cette étude
serait intéressante, et j’espère bien qu’elle se fera.

Paul Pallary

PS : SÉANCE DU 3 JANVIER 1889, lu par M. A. de Morcillet. Pallary (P.).


Les amulettes arabes, Bulletins et Mémoires de la Société
d’Anthropologie de Paris, 1889, n° 1, pp. 26-34.

L’Aïq Bekar ou Kabbale des Neuf Chambres

dimanche 22 février 2009, par Spartakus FreeMann

Sommaire
 Chapitre XVI du Magus, p1
 Étude du système, p2
 Bibliographie pour aller (...), p5

Nous présentons ici une traduction du chapitre XVI du Magus [1] de


Francis Barrett discourant sur les différents alphabets magiques utilisés
par la Kabbale. Ce texte introduit la notion de « Kabbale des Neuf
Chambres » déjà présente dans la Philosophie Occulte d’Agrippa ainsi
que dans l’œuvre de Kircher. Francis Barrett, né probablement aux
alentours de 1770-1780 à Londres, était un occultiste ayant étudié
l’astrologie, l’alchimie et la magie. Passionné par les premiers

30
hermétistes de la Renaissance, il rédigera son The Magus qui est
largement inspiré par la Philosophie Occulte d’Agrippa. Ce livre, publié
à Londres en 1801, est une compilation des livres III et IV d’Agrippa
ainsi que de la traduction de l’Heptameron de Pierre d’Aban effectuée
par Robert Turner en 1655.

La « Kabbale des Neuf Chambres » est un procédé cabalistique et


cryptographique utilisé par les magiciens dont, aujourd’hui, l’existence
est généralement admise sans aucune question de la part les occultistes
œuvrant dans la talismanie ou dans la cabale chrétienne. Cependant,
l’affaire n’est pas si simple et une rapide recherche montre ce procédé
n’existe pas – sous cette forme précise du moins, comme nous le verrons
bientôt – dans les traités kabbalistiques. Après Agrippa et Barrett la seule
mention demeure dans l’introduction de Mathers à sa traduction
anglaise de la Kabbala Denudata de Knorr von Rosenroth et, à sa suite,
toute la cohorte des mages de la Golden Dawn et de la magie thélémite
d’Aleister Crowley.

Par les quelques pistes que nous offrons ici aux lecteurs, nous espérons à
nouveau éclairer l’occultisme contemporain et ses pratiques ataviques.
Car, comme l’écrit Donald Tyson : « Plus près de nous, l’Aïq Beker devint
une forme d’écriture secrète utilisée par les francs-maçons et les sociétés
ésotériques. Par son utilisation intensive, cette méthode devint si connue qu’elle
a aujourd’hui dégénéré en un jouet pour des enfants... Cependant, cette méthode
recèle un pouvoir immense et elle est toujours considérée avec sérieux par les
kabbalistes et les magiciens » [2].

Spartakus FreeMann, février 2009 e.v.

Chapitre XVI du Magus.

D’une autre manière de faire des caractères selon les Cabalistes.

Chez les Hébreux, je trouve encore d’autres types de caractères, dont


l’un est des plus anciens, il s’agit d’anciennes écritures que Moïse et les
Prophètes utilisaient ; les lettres qu’ils emploient à ce jour ayant été
instituées par Esdras (l’hébreu carré, NDT).

Il y a ainsi chez eux une écriture qu’ils appellent « céleste », car ils la
voyaient figurée et placée parmi les étoiles. Il y a une autre écriture qu’ils
appellent Malachim, ou Melachim, c’est-à-dire angélique ou royale ; il y

31
en a encore une autre qu’ils nomment « passage de la rivière ». Toutes
ces écritures sont visibles sur la planche qui suit.

Il existe encore une autre méthode chez les Cabalistes, autrefois tenue en
grande estime, mais aujourd’hui si commune qu’elle fait partie des
choses profanes, je veux parler de la répartition des vingt-sept lettres de
l’alphabet hébreu en trois classes dont chacune contient neuf lettres. La
première classe comprend ‫אבגדהוזחט‬, ces lettres étant les sceaux ou les
marques des nombres simples et des choses intellectuelles distribuées
selon les neuf ordres angéliques. La seconde contient ‫יכלמנסעפצ‬, les
marques des dizaines et des choses célestes dans les neufs orbes des
cieux. La troisième contient les autres lettres avec les finales, ‫קרשתףםןךץ‬,
qui sont les marques des centaines et des choses inférieures : les 4
éléments, les 5 sortes de composés parfaits.

Ils rangent ces trois classes dans neuf chambres. La première est celle des
unités. La seconde est celle des binômes, la troisième celle des trinômes

32
et ainsi de suite ; ces chambres sont compartimentées par l’intersection
de quatre lignes parallèles qui se croisent à angles droits comme on peut
le voir dans la Fig. A.

De ces lignes, que l’on divise en parties, procèdent neuf figures


particulières (Fig. B) qui sont les Neuf Chambres qui caractérisent les
lettres qu’elles contiennent par Notariqon : un point signifie la première
lettre de cette chambre, deux la seconde, trois la troisième lettre.

Si vous désirez produire le caractère de Michaël, ‫מיכאל‬, composé de cinq


figures (Fig. C) que l’on contracte en trois figures qui sont elles-mêmes
réduites en une seule. Cependant, ici, l’on omet les points du Notariqon
(comme cela est montré sur la Fig. D) et le caractère de Michaël apparaît
alors comme sur la Figure F.

33
(The Magus, page 65-67, par Francis Barrett, Londres, 1801. Traduction
française par Spartakus FreeMann, février 2009 e.v.)

12345

Notes

[1] Francis Barrett, Londres, 1801.

[2] http://www.donaldtyson.com/index.html

L’Aïq Bekar ou Kabbale des Neuf Chambres

dimanche 22 février 2009, par Spartakus FreeMann

 p5

Étude du système.

« Il y a une bonne raison pour laquelle le secret sort lorsque le vin entre. ‫ ײן‬le
vin a pour valeur numérique soixante-dix, de même que le mot ‫ סוד‬secret : 70
entrent, 70 sortent ». – Tanchum Sheminee.

« L’Aiq Beker était utilisée dans divers buts par les kabbalistes et les magiciens
hermétistes occidentaux. Essentiellement, il s’agit d’une manière de relier
occultement les lettres hébraïques. Les lettres de chaque cellule sont censées être
connectées à un certain niveau ésotérique et, par conséquent, être équivalentes
les unes aux autres. Lors de la manipulation kabbalistique des noms et mots de
pouvoir, une lettre dans une cellule peut être substituée à une autre, permettant
des interprétations différentes et des utilisations pratiques des mots ainsi
concernés » (Donald Tyson, « Aiq Beker »).

Le procédé décrit par Agrippa, Kircher et Barrett et appelé « Kabbale des


Neuf Chambres » est très difficile à retrouver dans la littérature
kabbalistique. La mystique hébraïque, et la Kabbale à sa suite, utilisent
des permutations de l’alphabet comme l’ATBASH (où l’on permute
Aleph et Tav et Beth et Shin et ainsi de suite) ou l’ALBAM (où l’on
permute Aleph et Lamed, Beth et Mem…) [3]. On semble déceler une

34
trace de l’Aïq Bekar dans le Midrash Tannaïm (Tanhumah) et dans les
procédés herméneutiques décrits par l’Haggadah.

Le Notariqon, dont découle cette méthode, fait partie des 32 règles de


Rabbi Eliezer ben Rabbi Yossi le Galiléen, dont « la liste apparaît pour la
première fois dans un texte du Xe siècle qui a pour auteur Abou Walid ibn
Janah. (...) Les principales nouveautés sont (...) la Guématria (...) et le procédé
appelé Notariqon (...). Ces deux derniers procédés sont directement inspirés de
procédés d’origine grecque. Dans l’Haggada talmudique et dans le Midrash, ce
sont essentiellement toutes les règles autres que celles de Hillel et de Rabbi
Ichmaël qui sont utilisées ».

On peut encore utiliser la table de l’Aïq Bekar comme méthode de


Temourah ou de Tserouf afin de permuter les lettres. Un Aleph peut ainsi
remplacer un Yod ou un Kaph ; un Zaïn un Ayin.

En Kabbale, cette transformation est connue (dans le Midrash Tannaïm)


sous le nom de « Couronne » – ‫( אי» ק בכ «ר‬Aïq Beker) et regroupe donc
les 27 lettres en 9 triplets de lettres :

‫איק בכר גלש דמת הנך וסם זען חפף טצץ‬

L’Aïq Bekar ou Kabbale des Neuf Chambres

Ces lettres sont disposées selon le schéma suivant qui fut utilisé, entre
autres, par Abraham Aboulafia dans ses écrits (comme dans le Sepher
ha-Oth ou le Imre Sepher) :

Nous trouvons plus tard une explication de ce système dans le Tzemach


Tzedek du Rabbi Menachem Mendel de Lubavitch (1789-1866).

L’explication est la suivante. Les nombres se réfèrent à différents degrés


d’influence divine qui peuvent s’écouler vers ce monde. Ainsi, le degré
de la spiritualité qui découle de Yod (‫ )י‬est dix fois plus grand que celui
découlant de l’Aleph (‫ )א‬et le degré du Qoph (‫ )ק‬est dix fois plus grand

35
que celui du Yod. Et ainsi de suite jusqu’aux milliers et dizaines de
milliers.

S’appliquant aux Sephiroth, les unités dénotent les attributs émotionnels,


les dizaines les attributs intellectuels, les centaines désignent le niveau de
la Divinité transcendant l’intellect divin tandis que les milliers et les
dizaines de milliers dénotent respectivement les niveaux de la Divinité
connue sous sa Ratzon (Volonté) et Taanug (Délice).

Concernant les degrés de l’âme, les cinq classes de nombres


correspondent aux cinq niveaux de l’âme Nephesh, Ruach, Neshamah,
Hayah et Yehidah.

En appliquant l’Aïq Bekar à la Tsedaka (charité), le Tzemach Tzedek


explique que les dons qui relèvent de l’unité n’illuminent les choses de ce
monde que par un niveau de spiritualité qui se réfère aux unités.

En fait, on utilise principalement l’Aïq Bekar dans la talismanie afin de


réduire la valeur des lettres et ainsi de faire « coller » les anges
gouvernant tel ou tel carré magique. Agiel qui est l’intelligence qui
gouverne le carré de Saturne ; le carré de Saturne a une valeur globale de
45 (addition des valeurs des lettres le composant) ; la guématria de Agiel (
‫ )אגיאל‬est de 45 (1+3+10+1+30) ; avec l’Aïq Bekar, on réduit la valeur des
lettres de Agiel : 1, 3, 1, 1, 3 ce qui nous donne 9 qui représente le nombre
de cases dans le carré de Saturne. Ainsi, nous avons une double identité
du carré talismanique et de l’intelligence avec la valeur globale et sa
réduction. En outre, puisque le carré de Saturne ne contient que les
nombre de 1 à 9, la réduction de la valeur numérique des anges,
intelligences, etc. est inévitable et devient possible grâce à la table de la
« Kabbale des Neuf Chambres ». Notons toutefois que la réduction
arithmosophique d’Agiel donnerait le même résultat puisque 45=4+5=9.
Si nous faisons de même avec le carré de Vénus de 49 cases (7x7), dont
l’intelligence est Hagiel (‫ )הגיאל‬nous avons un résultat de 49 pour la
guématria de Hagiel et en réduction par Aïq Bekar 5+3+1+1+3=13. Les
voies de la talismanie sont étranges et ce n’est pas là le sujet de notre
étude…

Kircher, dans son Oedipus Aegyptiacus (1652), donne, quant à lui, cet
arrangement :

36
Athanasius Kircher, Oedipus aegyptiacus (1652), CLASSIS IV - CABALA
HEBRAEORUM, Page 229.

L’Aïq Bekar ou Kabbale des Neuf Chambres

Cette répartition des lettres de l’alphabet hébraïque est donnée par


Reuchlin dans son De Arte Cabalistica (1517), mais là où Kircher donne
une tripartition, nous avons :

« Faisons donc quatre échelons des nombres. Le premier et celui des doigts, le
second des dizaines, le troisième des centaines, le quatrième des mille. Le
premier échelon de l’alphabet est marqué par les figures de Aleph à Teth ; il y a 9
signes référant chacun aux nombres 1 2 3 4 5 6 7 8 9. Etc. »

« De Aleph à Yod sont signifiés les ordres ou les chœurs angéliques que les
philosophes appellent intelligences séparées… De Caph à Tsadé sont désignés
les ordres des cieux, qui dotés par la vertu de leur créateur, sont gouvernés par
l’influx des anges. Puis, de Tsadé à Tav interviennent les quatre éléments avec
leurs formes, et, ensemble tous les mixtes, tant vivants que non vivants. »

Ainsi, les lettres de l’alphabet hébreu sont disposées de la manière


suivante :

1) Les lettres simples de valeur 1 à 9, ‫אבגדהוזחט‬. Elles représentent selon


Agrippa le plan mental et les 9 ordres des puissances angéliques.

2) Les lettres de valeur numérique 10 à 90, ‫יכלמנסעפצ‬. Elles représentent


les choses célestes et les neufs sphères célestes, selon Agrippa et Barrett.

3) Les lettres de valeur 100 à 900, ‫קרשתףםןךץ‬. Elles représentent les choses
inférieures.

Dans son introduction à la Kabbalah Denudata de Knorr von Rosenroth,


Mathers explique : « Il y a encore une autre forme importante appelée
« Kabbale des Neuf Chambres » ou ‫ איק בכר‬, Aïq Bekar. Elle est formée ainsi :

37
J’ai inscrit la numération de chaque lettre au-dessus pour montrer les affinités
entre les lettres dans chaque chambre. Parfois, elle est utilisée comme code en
prenant les chiffres pour montrer les lettres qu’elles contiennent, en mettant un
point pour la première lettre, deux pour la deuxième, etc. Ainsi, l’angle droit,
contenant ‫איק‬, répondra pour la lettre ‫ ק‬s’il y a trois points dedans. De la même
manière, un carré répondra pour ‫ נ‬,‫ ה‬ou ‫ ך‬selon qu’il y ait un, deux ou trois
points placés respectivement dedans. Mais il y a bien d’autres façons d’utiliser
la Kabbale des Neuf Chambres que je n’ai pas le temps de décrire ici » [4].

« Cette grille a également été utilisée comme outil de cryptage. Les magiciens
représentaient les lettres dans les cellules au moyen des lignes cloisonnant les
cellules. Par exemple, une lettre dans la cellule centrale aurait été substituée par
un carré fermé ; une lettre dans la cellule supérieure gauche aurait été
substituée par un angle ouvert sur la gauche ; et ainsi de suite. On indiquait
laquelle des trois lettres de la cellule l’on voulait signifier par ce symbole
graphique à l’aide de points placés au-dessus et aux angles. Un point signifiait
la lettre à droite, deux points la lettre du milieu et trois points la lettre du côté
gauche dans la cellule en question. ». (« Aiq Beker » par Donald Tyson ).

Un autre système n’utilise que deux points : la première lettre du triplet


est signifié par la figure sans point ; la seconde par un point au-dessus et
la troisième par deux points placés au-dessus de la figure. Ce qui est plus
clair si nous regardons le tableau suivant :

Nous ne pouvons achever notre voyage dans les neuf chambres sans
parler de Blaise de Vigenère qui, dans son Traicté des Chiffres (1586) page

38
276 nous dit (nous modernisons la langue) : « Il ne faut point encore oublier
cette invention que touche Agrippa dans son livre 3, chapitre 30, autrefois en
très grande recommandation envers les anciens Cabalistes ; depuis l’on en a fait
« lictiere » (bassine de toilette ou pot de chambre). Ce sont quatre lignes
s’entrecroisant à angles droits ; deux sont perpendiculaires, et deux traversières,
qui par ce moyen viennent à établir neuf caractères différents, qu’on accommode
à autant de lettres que l’on diversifie par un point assis au milieu, des autres
neuf qui en sont vides, en résulteront dix huit lettres de cette manière.

MAIS vous pouvez les transposer : et si, gardant néanmoins toujours leur
figure, vous voulez varier l’étendue des lignes en chaque caractère de deux
manières, comme il se peut voir, et non davantage, vous aurez pour chacun trois
lettres ; qui avec les espaces d’entredeux, comme dessus, seront quatre. Ajoutez
des nombres, ou autres notes servant de lettres dans les espaces, ce sera un
chiffre à cinq ententes toutes ensemble ; dont vous révélerez, et réserverez ce
qu’il vous plaira » [5].

12345

Notes

[4] Introduction de Mathers à sa traduction anglaise de la Kabbalah


Denudata de Knorr von Rosenroth. Traduction française par Spartakus
FreeMann : http://www.esoblogs.net/-La-Kabbalah-Denudata-de-
Knorr-von-.html.

[5] Blaise de Vigenère, Traicté des Chiffres (1586).

Mais peut-être est-il temps d’exposer notre découverte majeure. Il


semble que la « Kabbale des Neufs Chambres » soit en fait influencée ou
copiée du « pythmen » (« fondement » en grec) mathématique grec et
gnostique. Kieren Barry nous définit ce procédé comme suit : « Le
pythmen est la réduction de la valeur numérique de chaque lettre à sa racine de

39
nombre 1 à 9 » [6]. Le pseudo Hippolyte dans ses Réfutations de toutes les
hérésies (IV, 14) nous expose, en effet, une méthode utilisée afin de
découvrir la « racine » d’un mot à partir de sa valeur numérique. On
répartit les lettres selon neuf « monades » afin d’en extraire la valeur
unitaire. Par ce procédé, que l’on peut rapprocher de la « règle de neuf »,
on obtient une valeur numérique d’un mot que l’on peut réduire encore
à l’unité (de 1 à 9) en se référant à la table ci-après (reprenant les lettres
grecques). Ce procédé est encore utilisé aujourd’hui dans ce que l’on
nomme la « réduction arithmosophique » où l’on réduit la valeur d’un
mot à un nombre unitaire.

Afin d’éclairer le lecteur, nous proposons un exemple. Prenons le mot


grec AGAPE (ἀγάπη) : 1 + 3 + 1 + 80 + 8 = 93. Par cette méthode, nous
réduisons à la monade : 1 + 3 +1 + 8 + 8 ce qui nous donne 21 monades ;
20 que l’on réduit à la monade 2 et la monade 1. Le résultat est la
monade 3 (2+1).

Dans la Grèce Antique, les 24 lettres de l’alphabet plus trois signes


additionnels étaient utilisés afin de signifier des nombres. Ces 27 signes
étaient répartis dans les 3 ennéades du système numérique grec qui fut
utilisé en Europe jusqu’au 13e siècle. Ainsi, l’on retrouverait dans ce
système grec la répartition de la « Kabbale des Neuf Chambres » : les 27
lettres de l’alphabet hébraïque réparties par groupe de 3 dans les 9
chambres, ou les ennéades. Ne pouvant aller plus loin, qu’il nous soit
loisible d’imaginer une influence grecque sur la Kabbale, ce dont on ne
doute plus depuis Gershom Scholem et les autres spécialistes de la chose.

Et nous trouvons une possible confirmation de ce fait dans les œuvres du


Baal ha-Turim . En effet, dans son Rimze Baal ha-Turim (Constantinople,
1500), il rédige un commentaire concis du Pentateuque constitué de
références mystiques et symboliques du texte de la Torah souvent
étayées par l’utilisation de la guématria et du notariqon. Le Baal ha-Turim
semble avoir utilisé là un procédé de réduction des nombres selon la
table de l’Aïq Bekar par lequel les lettres placées dans une même

40
« chambre » (par exemple Aleph, Yod et Qoph) pouvaient être
interchangées. Ainsi, le Qoph de valeur 100 ou la Yod de valeur 10
pouvaient être réduits à 1. Les mots ainsi réduits aux unités permettaient
de trouver des sympathies entre des mots de faible valeur numérique.
Nous retrouvons ici une forme du pythmen grec. Ainsi, si l’on peut être
redevable à Barrett et Agrippa pour avoir transmis dans leurs écrits une
forme de procédé kabbalistique, mêlé possiblement à la mystique des
chiffres pythagoricienne, il ne faut pas oublier que « la place d’honneur
accordée à la Kabbale pratique dans l’imposant compendium d’Agrippa
qu’est le De Occulta Philosophia… fut largement responsable de
l’association erronée de la Kabbale avec la numérologie et de la
sorcellerie dans le monde chrétien. » et que « le troisième livre du De
Occulta Philosophia contient, en fait, un si grand nombre de références à
des idées prétendument kabbalistiques qu’il n’est pas approprié de
considérer ce livre comme étant une « somme » de ces idées » . Ces mises
en garde à l’esprit, nul ne peut douter de l’apport et de l’utilité de la
« Kabbale des Neuf Chambres » dans les matières hermétiques et nous
espérons l’avoir dépouillée par cette ébauche historique de certains
fantasmes inutiles.

Introduction, traduction française et note par Spartakus FreeMann,


février 2009 e.v.

Bibliographie pour aller plus loin :

Francis Barrett, The Magus, Londres (1801) ;

Henri-Corneille Agrippa, De la Philosophie Occulte ;

Athanasius Kircher, Oedipus Aegyptiacus (1652) ;

Jean Reuchlin, De Arte Cabalistica (1517)

Blaise de Vigenère, Traicté des Chiffres (1586) ;

Baal ha-Turim, Rimze Baal ha-Turim (Constantinople, 1500) ;

Abraham Aboulafia, Sepher ha-Oth, Sepher Hayye Olam ha-Ba et Imre


Sepher ;

Kieren Barry, Greek Qabalah, Weiser ;

41
François Secret, Les Kabbalistes Chrétiens de la Renaissance, Arma Artis &
Archè, 1985

Christopher I. Lehrich, The Language of Demons and Angels, Brill, 2003 ;

Joshua Trachtenberg et Moshe Idel, Jewish Magic and Superstition : A


Study in Folk

Les carrés magiques d’après Enel

Dans la Rota, j’ai donné une idée de la formation des carrés magiques
que l’on trouve également dans la Philosophie Occulte d’Agrippa ainsi
que dans différents ouvrages sur la Magie. Comme je l’ai déjà dit, pour
qu’un carré soit réellement magique, c’est-à-dire pour qu’on puisse en
tirer des combinaisons déterminées, il ne suffit pas qu’il réponde
seulement aux conditions mathématiques exigées de ce genre de figures.
De tels carrés sont nombreux pour chaque planète et ces combinaisons
augmentent avec la quantité de chiffres qui les composent. L’appellation
« magique » ne saurait s’appliquer à ces carrés. Il serait plus correct de
les nommer autrement. Ils sont curieux, mais c’est tout. Le seul « carré
magique » qui, d’ailleurs, présente les mêmes particularités
mathématiques que les autres, est formé d’après une loi précise dont le
schéma est indiqué par Agrippa et reproduit par les occultistes qui ont
suivi cet auteur, mais sans y rien comprendre.

Ce carré « magique » construit, on en dégage les nombres nécessaires


formant une somme et constituant des racines qui réalisent un nom ou
une phrase générateurs d’une force précise et déterminée. Il ne faut pas
oublier que, dans la langue sacrée, le nombre et la lettre sont une seule et
même chose.

Les lettres-nombres à retenir dans le carré magique pour donner


naissance au nom voulu sont représentées schématiquement par les
signes du Génie ou du Daïmon, selon le but que l’on se propose. Je laisse
à la sagacité de l’étudiant le soin de trouver ces noms, car il ne m’est pas
permis de donner la solution de ce problème d’ordre occulte. Je me
borne ici à faire comprendre la construction des carrés en faisant
observer que le procédé qui permet de dégager le nom d’un carré est
analogue à celui qui sert à l’établir.

Dans les carrés ci-après, j’ai employé des chiffres et non des lettres
hébraïques pour faciliter l’application de la loi et les transpositions

42
qu’elle comporte. Mais il faut toujours se rappeler que le nombre n’est
qu’une expression de la lettre hébraïque et que pour pouvoir sortir le
nom (combinaisons des forces particulières à ces carrés) il faut remplacer
les chiffres par les lettres qui leur correspondent.

CARRÉ DE SATURNE

L’axe AB (4, 5, 6) n’est pas modifié et les transpositions se font


symétriquement dans le sens des flèches de la figure.

CARRÉ DE JUPITER

Les transpositions consécutives s’accomplissent sur les lignes AB et CD


indiquées sur le schéma. La circonférence passe par tous les chiffres qui
ne changent pas de place, sauf ceux qui se trouvent sur les deux axes de
la figure.

CARRÉ DE MARS

Les chiffres placés sur les axes AB et CD ne bougent pas (13, nombre à
l’intersection de AB et CD est inscrit dans un petit cercle). Les demi-
circonférences E F G H indiquent les trois nombres qui se transposent
symétriquement. Leur mode de placement est indiqué par la demi-
circonférence E.

43
CARRÉ DU SOLEIL

Les transpositions s’effectuent le long des diagonales AB et CD et sur les


courbes E, F, G, H. Les nombres 3, 33, 13 et 18 sont déplacés comme
l’indique le schéma.

CARRÉ DE VÉNUS

Les transpositions sont effectuées d’après le schéma de Vénus. Les axes


AB et CD ne subissent aucune modification (le nombre 25 lui ne bouge
pas est marqué dans le schéma par un petit cercle).

Quatre groupes de six chiffres débordent le carré et se placent ensuite


suivant les lignes E, F, G, H, en se transposant deux à deux
conformément à la figure E du schéma.

44
CARRÉ DE MERCURE

Les nombres qui se trouvent sur les diagonales AB et CD se transposent


le long de la ligne en commençant par les extrémités, ceux qui se lisent
sur EF et HG se remplacent mutuellement, de même pour les éléments
appartenant aux lignes IK et LM. Enfin, les quatre nombres qui
appartiennent aux quatre petits cercles restent à leur place.

CARRÉ DE LA LUNE

Les nombres placés sur les diagonales restent en place ainsi que le
nombre central, entouré d’un petit cercle.

Les arcs triples montrent que les trois rangées de chiffres débordant
chaque coté du carré changent respectivement de place en gardant entre
eux leur ordre relatif.

45
De ce qui précède, le lecteur se rendra compte que les figures nommées
(« Intelligence du carré ») n’ont aucune force symbolique. Elles ne
représentent que des schémas de transposition et seraient sans valeur
aucune si on les adaptait à des pantacles ou des talismans. Elles se
rapportent uniquement au mécanisme de la construction des carrés.

Ainsi que je l’ai dit ailleurs, le carré magique étant constitué d’après son
schéma, on en tire une force bonne ou mauvaise susceptible d’être
utilisée dans une opération magique.

La succession des opérations qui précèdent est basée sur l’ordre des
planètes tel que l’indique le Sepher Yetsirah et non sur celui adopté par
Ptolémée et le Talmud (voir Essai sur l’Astrologie Cabbalistique, IIIe
partie, chap. IV, 6).

C est pourquoi la première planète envisagée est Saturne dont le nombre


est 3, radical du carré représentant le nombre de cases d’une ligne.

La planète qui suit, Jupiter, a pour nombre 4 et ainsi de suite jusqu’à la


Lune dont le nombre est 9.

Enel.

Extrait de La Trilogie de la Rota ou Roue Céleste par Enel, éditions Dervy,


1973, pages 291-295.

Portfolio

46
L’Astrologie

Les détracteurs de l’astrologie l’opposent toujours à l’astronomie, ce qui


est une approche complètement fausse. En astronomie, la Terre tourne
autour du soleil ; c’est le mode héliocentrique dans lequel la Terre est
objective, temporelle, relativement physique ; en astrologie la Terre est
au centre du monde et elle ne bouge pas, c’est le système géocentrique
où la Terre est subjective, intemporelle, absolue et métaphysique. La
Terre au centre du monde est celle du Brahmane, la Terre qui tourne
autour du Soleil est celle du Guerrier. Le drame de la conscience, le
drame de l’être, c’est d’être à la fois sur l’une et l’autre Terre, qui sont
pourtant la même Terre.

Il y a l’univers avec lequel la Terre coïncide, il y a le zodiaque avec les


signes, et il y a le Soleil. Soit trois valeurs qui sont analogues aux
androgynats de l’être : androgynat dans la complémentarité de l’amour
avec l’autre, androgynat de l’homme avec le monde, androgynat avec
soi-même qui est l’androgynat divin.

LE SENS PROFOND

Le témoignage de l’astrologie est représenté par le thème astrologique,


carte du ciel pour l’instant et le lieu de la naissance. Dite de cette façon,
cette définition est encore une habitude, une banalité mais qui va
prendre son vrai visage. Pour l’instant et le lieu de la naissance, le thème
astrologique est l’analogue de la scène d’un théâtre avec une mise en
scène préparée pour l’entrée de l’acteur. Ce sont, au moment de sa
naissance, l’instant et le lieu d’entrée de l’acteur. Or l’instant n’appartient
pas au temps, l’instant est une étincelle d’éternité. Il se trouve donc que

47
le thème est l’instant promis au déroulement du courant des instants
dans l’actualité qui conduit vers l’éternité. C’est tout le problème de
l’astrologie, du thème astrologique qui n’est pas du tout quelque chose
qui appartient à l’histoire avec quoi on doit faire des compromis ; mais le
thème astrologique est le thème de l’instant qui va circuler avec son
personnage à travers l’actualité vers l’éternité, c’est-à-dire le passage par
la mort. L’instant est ici l’entrée en scène. Cet instant, cette actualité ne
sont pas dans l’histoire et le thème astrologique n’appartient en rien au
temps historique de la personne. On ne peut donc rien prédire avec
l’astrologie sur le plan du temps historique. Car le temps historique
appartient à la conscience, c’est-à-dire aux choix, au conditionnement de
la personne dans son milieu social et dans son existence. L’instant n’est
donc pas un moment ni LE moment, ce n’est pas non plus un instant,
mais L’instant ; c’est le visage comme étincelle de l’éternité dans le
présent ici/maintenant.

On sait maintenant que l’instant est une étincelle d’éternité, mais quelle
est la définition exacte du lieu ? Le lieu non plus n’est pas un endroit, le
lieu est une étincelle fixe d’infini.

Dans le thème astrologique nous avons affaire au visage de l’étincelle


d’éternité dans l’étincelle de l’infini. Dans ces visages qui sont un
témoignage va se déclencher non pas le déroulement de l’histoire, mais
un voyage de la personne dans son éternité qui est aussi l’éternité du
monde. L’instant de ce déclenchement contient dans sa démesure la
mesure de l’actualité et la démesure de l’éternité.

Le lieu n’est pas comme l’endroit, quelque chose qui appartient à


l’espace ; il est une étincelle d’infini, une étincelle fixe d’infini, alors que
l’instant est une étincelle d’éternité, une étincelle volatile. Cette jonction
de l’éternité et de l’infini dans ce visage, cet instant, ce lieu de l’absolu
sont donc, comme dit André Breton, l’explosante fixe. Autrement dit, le
thème est le témoignage absolu de la poésie.

Cet instant de l’explosante fixe est l’instant du naître qui contient tout le
voyage, jusqu’à la mort par-delà le mourir. Comme il y a en-deçà du
naître, la naissance. Par rapport à la mort, visage de tout ce qui bouge le
plus dans ce qui ne bouge pas (la momie) qui est la présence de
l’absence, la naissance est la présence tout court. La naissance est le
voyage de la présence qui atterrit dans le naître.

48
La carte astrologique du naître, on l’appelle le thème. Or un thème est le
passage d’une langue d’ici à une langue du lointain et le thème
astrologique est le passage de l’existence qui a commencé au naître, et
qui passe par le mourir vers la mort. Le thème astrologique est
l’explosante fixe de l’entrée dans l’existence qui conduit à la mort qu’il
faut épouser.

On peut se demander pourquoi le thème astrologique part de l’instant de


l’accouchement plutôt que de celui de la conception. Il faut voir, en se
basant sur le langage, qu’on parle de la “mise au monde“. Quand un
enfant est conçu, il est dans le ventre de la mère et s’il est quand même
dans le monde, il est séparé du monde par un humain, donc il y a une
distance. Lors de l’accouchement s’établit le passage de la distance à la
coïncidence et au terme de cette coïncidence qui est l’accouchement, il y
a vraiment une mise au monde alors qu’auparavant il y avait une
présence dans le monde, mais séparée du monde par le ventre de la
mère, donc par un contenant humain. L’enfant qui était contenu dans un
contenant va devenir sur terre revêtement d’un support qui est la terre,
et contenu dans un contenant qui est le ciel.

S’il y a au-delà du mourir la mort et en-deçà du naître la naissance, il y a


en-deçà du thème la version qui est le passage du lointain dans le ici ; si
bien que la naissance est le voyage du lointain dans le ici/maintenant
dont le visage est dans le thème que nous devons “traduire“ par notre
existence comme voyage sur terre à partir du naître qui conduit
naturellement et surnaturellement par l’existence au mourir et à la mort.

L’astrologie, à l’insu de l’astrologue, est bien un témoignage du langage


puisque les astrologues parlent tous de l’instant et du lieu ; et que ce
serait une faute, non seulement une faute de français, mais une faute de
Verbe, que de parler du moment et de l’endroit. Le moment et l’endroit
sont par rapport à l’instant et au lieu la vulgarité d’une diminution, le
témoignage d’une mesure de mesure alors que l’instant et le lieu sont
tous les deux la mesure de la démesure. A ce moment-là, soit par les
termes de lieux, soit par les termes d’instants, soit par les termes de
thèmes astrologiques, on a affaire au langage puisque lieu, instant, thème
(et conséquemment version) ont permis de situer l’astrologie, qui n’est
pas dans le temps mais qui est le voyage de l’être à travers l’infini et
l’éternité, dans un passage sur terre. C’est-à-dire entre l’en-deçà de la
terre et l’au-delà de la terre qui est la réalité métaphysique naturellement

49
et surnaturellement épouse de la réalité physique de la Terre et de
l’homme.

PRATIQUE DE L’ASTROLOGIE

Il y a d’une part “l’astrologie“, mais il y a d’autre part “apprendre


l’astrologie“. “Apprendre l’astrologie“, c’est naturellement une ascèse.
Comme on peut dire ascèse le fait de monter à bicyclette ou de piloter un
avion. Le problème est qu’il s’agit pour l’astrologue de se dépasser dans
la rencontre avec l’explosante fixe de l’éternité dans l’infini.

La différence entre le langage et l’objet est que si le langage est une


réalité métaphysique, l’objet est une réalité physique : l’objet est
communication et le langage est communion. Etant communion, le
langage doit donc se dépasser en communication. Or l’astrologie est
langage par rapport à l’astronomie qui est objet, et le langage étant
communion, les astrologues se servent de l’astrologie sur le plan de la
communion. Ce qui les amène à ne pas prendre conscience du langage
de l’astrologie. Ils sont le langage de l’astrologie en tant qu’êtres et ils
fonctionnent dans l’obéissance aux règles ou dans l’intuition.

L’intuition est aussi logique que l’expérience, mais jusqu’à présent on


envisageait l’expérience comme le seul mode d’efficacité. L’expérience
est certes efficace sur le plan physique de réalité et l’intuition ne peut
alors être valable que si elle est authentique ; mais sur le plan
métaphysique, l’intuition est l’efficacité du mode métaphysique alors
que l’expérience est l’authenticité du métaphysique.

Il faut, dans l’astrologie, dégager le langage de la communion, pour en


faire un élément de communication. Ce dégagement est le passage de
l’intuition à l’expérience entendue, à l’expérience du langage. Il est donc
nécessaire si l’astrologie est langage-communion que l’astrologue
devienne astrologie-communication. L’intuition, subjective, va avec la
communion et l’expérience, objective, avec la communication. Si
l’intuition est subjective, c’est au niveau de la subjectivité globale que
l’intuition est créatrice, mais si l’intuition reste au niveau de la
subjectivité locale, c’est l’intuition de la voyante, l’intuition de la -mancie
et non de la -logie.

La conception de l’astrologie comme ordonnance du monde, d’un


langage, c’est ce à quoi on arrivera quand on aura dans un cerveau

50
électronique avec l’analogue de l’ordonnance du monde, le minimum de
polarité et un maximum d’efficacité.

Dans un thème, il est primordial de considérer les situations critiques,


c’est-à-dire de situations complexes de valeur où les choses sont tendues
à un point de crise. Il y a toujours dans un thème une situation critique,
avec le Dragon, ou Proserpine, ou la Lune Noire ou une planète à
l’Ascendant... il y a des thèmes où certaines positions semblent se
contredire ou semblent intensifier tellement qu’on ne sait pas à quoi on a
affaire. On peut rencontrer un idiot et un génie qui sont nés en même
temps ; et le comportement de l’idiot sera analogue au comportement de
l’homme génial. Pour connaître les valeurs, il ne faudra pas se baser sur
les faits, mais sur les rapports que l’idiot a avec les choses. Ce qui
compte, ce n’est pas ce que les choses font de l’idiot, mais ce que l’idiot
fait avec les choses qui l’ont fait. Exactement comme pour l’homme le
plus génial. Mais ce domaine-là n’est pas celui de la psychologie banale,
il est celui d’une psychologie plus que transcendante, une psychologie
immanente.

Il faut remarquer également que pour chaque sujet il faut faire une
confrontation entre le thème qui part de la terre (qui part du Bélier et de
la 1ère Maison) et le thème de l’esprit (qui part du Capricorne et de la
Maison X). Il y a donc 4 thèmes qui sont à considérer, qui sont depuis le
Bélier, depuis le Capricorne : la maison 1 et la maison X. Ce sont les
quatre thèmes de la proportion du Logos.

Le thème astral est l’ordonnance de l’être du monde, mais il n’est dedans


rien de la conscience, il ne représente que le déterminisme, la conscience
étant au contraire la part de liberté (la liberté est le contraire de
l’indépendance, elle est un engagement à la fois dans ce-qui-nous-
concerne et dans ce-que-nous-concernons, alors que l’indépendance est
un dégagement). Le thème astral dit ce-qui-nous-concerne dans un
langage très global et la liberté met l’accent sur ce-que-nous-concernons.
Mais il est d’abord utile d’établir le rapport concerné/concernant :
étymologiquement, le mot concerné est lié au mot certain, et à la
certitude. Or la certitude est une démesure, tandis que la sécurité est une
mesure, c’est pourquoi la sécurité a un rapport avec la condition et la
préférence, alors que la certitude a un rapport avec ce-qui-nous-concerne
et ce-que-nous-concernons sur le plan du choix. Il y a un dérivé de la
sécurité et de la certitude qui est la sûreté, mais la sécurité est physique,
la certitude métaphysique, et la sûreté est la relation des deux. Elle est en

51
demeure, et son expression est : l’assurance. La certitude est l’essence
dégagée à travers l’existence, et la sécurité est l’existence dégagée d’une
essence. La certitude se trouve être en rapport avec l’infra et l’ultra,
l’infra-rouge aux Gémeaux et l’ultra-violet au Sagittaire, l’infra-son aux
Poissons et l’ultra-son à la Vierge.

Ce-qui-nous-concerne, c’est ce en quoi la voyante développe son thème


alors que ce-que-nous-concernons relève du domaine du prophète. En
définitive, tout ce-qui-nous-concerne, ce sont les valeurs du monde dans
leur relation avec nous, relation qui n’est jamais n’importe quoi, (car,
quand l’être différent du non-être est dans le n’importe quoi, c’est le
chaos, alors que quand le non-être est dans le Tout, c’est le Néant).

Dans l’existence, ce-qui-nous-concerne s’appelle : le déterminisme, et ce-


que-nous-concernons : le choix. Dans l’existence, ce qui veut la mesure et
qui conquiert la démesure, c’est la détermination et le choix ; dans la
métaphysique qui est le domaine de la vie et de l’esprit, ce-qui-nous-
détermine c’est ce-qui-nous-concerne, et ce-que-nous-concernons c’est
notre choix. Ainsi la cartomancienne puise dans ce-qui-la-concerne pour
projeter. Son contraire, le prophète, est capable de voir ce que l’autre
concerne et pas ce qui concerne l’autre. Le prophète contient
qualitativement le terme.

Le déterminé par rapport au choix est la Lune par rapport au Soleil. Et


ce-qui-nous-concerne est le Soleil Noir qui symbolise la masse et la
plénitude, alors que ce-que-nous-concernons est une situation lointaine
et apparemment statique par rapport à nous qui est représentée par la
Lune Noire, symbole de la cime inaccessible, de l’intégrité. Les rapports
plénitude/intégrité sont des rapports d’état ou de situation, et les
rapports dynamiques d’action sont les rapports authenticité/efficacité.
Le problème de l’authenticité est en état actif dans le choix et l’efficacité y
est dans l’action active. Mais dans le déterminé, l’authenticité et
l’efficacité sont subies. On a donc 4 pôles : authenticité et efficacité en
agent dans le choix, authenticité et efficacité en patient dans le
déterminisme. Dans le domaine de ce-qui-nous-concerne et de ce-que-
nous-concernons, on trouve deux valeurs d’état : l’intégrité et la
plénitude.

L’intégrité est positive dans ce-que-nous-concernons et négative dans ce-


qui-nous-concerne, alors que la plénitude positive dans ce-qui-nous-
concerne est négative dans ce-que-nous-concernons. C’est tout le
problème de la pauvreté (“Quitte tout et suis-moi“), c’est tout le

52
problème de se débarrasser pour se perfectionner (une chose est parfaite
quand il n’y a plus rien à enlever). Ce-qui-nous-concerne, c’est le thème
astrologique, et ce-que-nous-concernons c’est le choix ; mais le choix
dans la démesure. Alors que ce-qui-nous-concerne c’est le déterminisme
dans la démesure.

On ne pourrait pas tout le temps choisir, s’il fallait choisir dans la


démesure. La qualification du rapport du choix par rapport au
déterminisme fait déjà une proportion, et cette proportion vécue permet
déjà de toucher à l’autre. Certains êtres ne vivront qu’en mettant l’accent
du déterminisme et du choix où le choix aura plus d’importance que le
déterminisme, domineront les rapports de ce-qui-nous-concerne et de ce-
que-nous-concernons, et dans ce cas-là, une réalisation dominera un
accomplissement, parce que la réalisation, la réalité, est un phénomène
d’existence. Au contraire quand ce-qui-nous-concerne et ce-que-nous-
concernons contiendront ce-qui-nous-détermine et sur ce-que-nous-
choisissons, il y aura un accomplissement, et dans l’accomplissement la
valeur n’est plut objective, elle est subjective et globale.

Dans le Guerrier, par opposition au Brahmane, le déterminisme et le


choix l’emportent sur ce-qui-nous-concerne et sur ce-que-nous-
concernons, et dans le Brahmane ce-qui-nous-concerne et ce-que-nous-
concernons l’emportent sur le déterminisme et sur le choix. Voilà
pourquoi le Brahmane quelque part est au-dessus du Guerrier, du point
de vue du monde. Alors que du point de vue de la réalité, c’est le
Guerrier qui s’impose.

Le passage de l’existence à l’essence peut se faire selon les quatre modes :


en mode d’intégrité ou de plénitude, en mode d’efficacité ou
d’authenticité. Dans leurs noces, la plénitude et l’intégrité s’appellent la
globalité, et l’authenticité dans les noces avec l’efficacité donne
l’opération ; la rencontre de l’opération avec la globalité qui donne
l’œuvre, la globalité étant le globe terrestre et l’opération étant l’homme.
Là, nous sommes en pleine alchimie, mais on peut dire que l’Alchimie
dans son œuvre représente les noces de ce-qui-nous-concerne et de ce-
que-nous-concernons, c’est pourquoi il y a dans l’œuvre de l’alchimiste
une part libre, une part inconnue. Dans ce sens-là, le monde nous
contient dans ce-qui-nous-concerne et l’humain contient le monde dans
ce-que-nous-concernons - en tant qu’époux, comme transformation du
monde.

53
Il ne faut pas oublier, en résumé, que ce-qui-nous-concerne c’est la
naissance et que ce-que-nous-concernons c’est la mort. Ce qui montre
assez qu’il s’agit d’une architecture où ce-qui-nous-concerne et ce-que-
nous-concernons sont donnés en même temps mais qu’il ne s’agit que
d’un rapport d’idées, car il y a entre les deux propositions un
changement de plan.

MANCIE ET LOGIE.

Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais deux fois le même ciel. Infinité de
l’astrologie à laquelle s’oppose une certaine rigidité dans le Tarot avec le
nombre limité d’arcanes et dans le Y-King avec les 64 combinaisons.

L’astrologie est une qualification, alors que le maniement du Y-King


concerne la qualité du demandeur. Puisque les corps célestes se
déplacent et que les relations changent, il y a dans l’astrologie non
seulement l’ordonnance, mais il y a aussi l’orientation, tandis que dans le
Y-King il y a une ordonnance (l’orientation étant faite par celui qui s’en
sert). Le Y-King est une méthode d’ordonnance du langage.
L’ordonnance est à l’orientation ce que la mise en scène est au jeu des
acteurs. Dans l’orientation, il y a un problème de choix et dans
l’ordonnance, il y a un problème de condition. Il y a dans l’ordonnance
ce-qui-nous-concerne et dans l’orientation ce-que-nous-concernons. Le
côté occidental de l’astrologie vient de ce que l’orientation (qui en
Occident va jusqu’à la translation) l’emporte sur l’ordonnance ; à tel
point que l’Occident n’est plus dans l’orientation, mais dans la direction.
En somme, l’astrologie est ce qui permet de sortir de chez soi pour se
retrouver devant soi. Quand on pense à un signe, au Bélier par exemple,
on sait qu’il y a une harmonique du Bélier dans le Scorpion parce que le
Scorpion est la partie nocturne du Bélier et comme le Bélier est un angle
il fait penser au Cancer, au Capricorne, à la Balance qui sont des angles,
et ainsi de suite... On n’en finit pas, c’est un ensemble de relations et de
références qui s’appellent l’une l’autre, mais c’est ce qui fait surgir
dedans soi une justesse du langage. Il y a dans l’astrologie les signes qui
sont des demeures et les planètes qui sont des véhicules. Les signes sont
le langage de la psyché à l’état de demeure (parce que le zodiaque ne
change jamais) ; au contraire les planètes sont l’action, elles sont le
rapport de la psyché et du langage (mais un rapport s’effectue dans le
véhicule et non dans la demeure).

Puisque l’astrologie nous la sommes et que nous la portons en nous,


l’éveiller c’est éveiller des rapports dialectiques, c’est se constituer au

54
degré le plus simple comme un cerveau électronique de polarité et
l’astrologie est alors le contraire de la magie.

Si le Y-King est le théâtre No, le Tarot est le théâtre populaire et


l’astrologie est le Living Theater ou le Happening. Avec toutes ses
possibilités, l’astrologie est le monde lui-même, la psyché du monde,
mais il n’y a pas d’humain en elle et c’est l’astrologue qui introduit
l’humain dans l’astrologie, tandis que le Y-King n’est ni le monde ni
l’humain, c’est une mécanique parfaitement indifférente : la mécanique
des rapports. Pour le Y-King, l’être contient le devenir, tandis que pour
l’astrologie c’est le devenir qui contient l’être. Par principe, l’astrologie
est plus proche de l’interprétation alors que dans le Tarot il y a déjà
presque une mancie.

On trouve bien dans le Tarot, comme dans le Y-King, un alphabet ; mais


celui-ci est resté à l’état de figure non représentative dans le Y-King
tandis que le Tarot présente tout un théâtre dans lequel jouent à la fois :
le Nom, le Nombre, l’Image et l’Idée. Le Y-King est essentiellement le
Nombre de l’Idée mais il n’y a pas d’image et pas de nom (les noms
donnés aux différents hexagrammes ne sont pas partie intégrante du Y-
King).

Il y a, au fond, au cœur du Y-King, une nécessité tandis que l’astrologie


laisse une possibilité d’arriver à une liberté ; et la nécessité du
maniement permet la liberté du langage.

P.-S.

[ texte paru in “Horizons du Fantastique“ n°20, 1972 ]

La magie et la science des talismans

Ces sciences consistent en la connaissance de la manière dont on fait


certains préparatifs au moyen desquels l’âme humaine acquiert le
pouvoir d’exercer des influences sur le monde des éléments, soit
directement, soit à l’aide de choses célestes. Cela s’appelle, dans le
premier cas, magie ; et dans le second, science talismanique. Comme ces
genres de connaissances ont été condamnés par les lois des divers
peuples à cause du mal qu’ils produisent et de la condition imposée à
ceux qui les cultivent de diriger leur esprit vers un astre ou quelque
autre objet plutôt que vers Dieu, les ouvrages qui en traitent sont

55
extrêmement rares. Ce qui reste de ces sciences ne se trouve que dans les
livres composés par les Nabatéens, les Chaldéens et autres peuples qui
existaient avant la mission du prophète Moïse ; car les prophètes qui
parurent avant lui ne promulguèrent pas de lois et n’apportèrent pas aux
hommes des maximes de droit ; ils se bornèrent, dans leurs écrits, à faire
des exhortations, à enseigner l’unité de Dieu et à parler du paradis et de
l’enfer.

La magie et la talismanique existèrent chez les Assyriens et les


Chaldéens qui habitèrent Babel, et chez les Coptes de l’Égypte. Ces
peuples et d’autres encore possédaient des ouvrages qui en traitaient et
laissèrent des monuments (qui s’y rapportent), mais un très petit nombre
seulement de leurs écrits a été traduit (en arabe). Nous n’en possédons
que le livre de l’Agriculture nabatéenne, rédigé par Ibn Ouahchiya d’après
des traités composés par les gens de Babel. Ce fut à cette source qu’on
puisa la connaissance de ces arts, et ce fut là qu’on les suivit dans leurs
diverses ramifications. Plus tard on composa des ouvrages, sur cette
matière, tels que les Volumes des sept astres, les livres de Tomtom
l’Indien sur les Figures des degrés et des astres, etc. Ensuite parut en Orient
Djaber Ibn Haïyan, le plus savant musulman qui ait étudié la magie. Il
feuilleta les écrits composés par les gens du métier, obtint la
connaissance de leur art, et, l’ayant bien approfondi, en tira la partie
essentielle. On a de lui plusieurs ouvrages, dans lesquels il s’étend
longuement sur la magie et même sur l’alchimie, parce que cet art est
une branche de la magie. En effet, les corps dont se composent les
espèces ne se laissent transmuer d’une forme en une autre que par des
puissances psychiques ; l’art pratique n’y sert de rien. L’alchimie est
donc une branche de la magie, ainsi que nous le ferons voir encore dans
un chapitre spécial.

Après Djaber Ibn Haïyan parut Maslema Ibn Ahmed el Madjrîti (de
Madrid), le plus grand maître, en fait de mathématiques et d’opérations
magiques, qui ait existé chez les musulmans espagnols. Il résuma le
contenu de tous ces livres, en rédigea les principes dans un ordre
systématique et réunit ensemble les divers procédés qu’ils renferment.
De cette manière il forma le volume qu’il intitula Ghaïat el-Hakîm.
Personne après lui n’a écrit sur ces matières.

Je dois maintenant soumettre au lecteur quelques observations


préliminaires, afin qu’il comprenne la véritable nature de la magie. Les
âmes humaines, bien qu’elles forment une unité quant à l’espèce, se

56
distinguent les unes des autres par leurs qualités individuelles. On peut
donc les classer par catégories ayant chacune son caractère spécial et
devant à une organisation naturelle et primitive les qualités qui la
distinguent. Dans la classe des prophètes, les âmes ont la faculté de
pouvoir [se dégager de la spiritualité humaine, afin d’entrer dans la
spiritualité angélique et de devenir ange pendant l’instant passager que
dure cet état de dégagement. Voilà en quoi consiste la révélation, ainsi
que nous l’avons indiqué en son lieu. L’âme qui se trouve dans cet état
possède la faculté de] participer aux connaissances propres à Dieu, de
converser avec les anges, et d’obtenir, par une conséquence nécessaire, le
pouvoir d’exercer une certaine influence sur les êtres créés. Chez les
magiciens, l’âme a pour caractère distinctif la faculté d’influer sur ces
êtres et d’attirer en bas la spiritualité des astres afin de s’en servir pour
l’accomplissement de ses desseins. Cette influence s’exerce soit par une
puissance appartenant à l’âme, soit par une puissance satanique : tandis
que, chez les prophètes, elle dérive du Seigneur et se distingue par son
caractère divin. Quant aux gens qui pratiquent la divination, leurs âmes
ont, de même, un caractère spécial, celui de connaître les choses du
monde invisible au moyen d’une puissance satanique. Ainsi chacune de
ces classes a sa marque distinctive.

Les âmes de ceux qui pratiquent la magie peuvent se ranger en trois


classes : la première comprend celles qui exercent une influence par la
seule application de la pensée, sans avoir recours à aucun instrument ni
à aucun secours (extérieur). C’est là ce que les philosophes désignent par
le terme magie. Les âmes de la seconde classe agissent au moyen des
secours qu’elles tirent du tempérament des sphères célestes et des
éléments, ou bien au moyen des propriétés des nombres ; cela s’appelle
l’art talismanique ; il occupe un degré inférieur à celui de la magie. Les
âmes de la troisième classe exercent une influence sur les facultés de
l’imagination : l’homme qui possède ce talent s’adresse à l’imagination
du spectateur, et, agissant sur elle jusqu’à un certain point, lui fournit
des idées fantastiques, des images et des formes ayant toutes quelque
rapport avec le projet qu’il a en vue. Ensuite il fait descendre ces notions
de l’imagination aux organes des sens, et cela au moyen de l’influence
que son âme exerce sur ces (organes). Le résultat en est que les
spectateurs voient ces formes paraître en dehors d’eux, bien qu’elles n’y
soient pas. On raconte qu’un magicien faisait paraître des jardins, des
ruisseaux et des kiosques dans un endroit où il n’en existait pas. Les
philosophes désignent cette branche de l’art par les noms de prestige et
de fantasmagorie.

57
Les qualités distinctives que nous venons d’énumérer existent
virtuellement chez les magiciens, de même que toute faculté humaine
existe virtuellement dans chaque homme ; mais, pour les mettre en
activité, il faut avoir recours à des exercices préparatoires. Dans la magie,
ces exercices se bornent à diriger la pensée vers les sphères, les astres, les
mondes supérieurs et les démons, en leur donnant diverses marques de
vénération, d’adoration, de soumission et d’humiliation. Cette direction
de l’esprit vers un objet qui n’est pas Dieu, ces marques d’adoration
qu’on donne à cet objet, sont des actes d’infidélité. Pratiquer la magie est
donc un acte d’infidélité, car l’infidélité est une des matières, un des
moyens que cet art met en œuvre.

D’après ce que nous venons d’exposer on comprendra une question que


les casuistes ont souvent agitée : « La peine de mort infligée à un magicien
est-elle la conséquence de l’infidélité qui précède l’acte de magie, ou bien de la
conduite perverse qu’il a tenue et du mal qui en est résulté pour les êtres ? » Car
le magicien commet également ces deux crimes. Une autre question a
suscité une diversité d’opinions chez les casuistes, savoir, la réalité de la
magie. On sait que cet art, tel que les personnes des deux premières
classes l’exercent, a une existence réelle et extrinsèque, tandis que celle
de la troisième classe est sans réalité. Or quelques docteurs, ayant
regardé aux deux premières classes seulement, ont admis la réalité de la
magie ; d’autres, n’ayant observé que la troisième classe, ont été d’avis
que cet art n’était qu’une illusion. Dans le fond, ils avaient tous raison,
puisque la différence de leurs opinions provenait d’un malentendu ; ils
n’avaient pas bien reconnu les caractères distinctifs de chaque classe.

Nous assurons le lecteur que les hommes les plus intelligents n’ont
jamais eu le moindre doute relativement à l’existence de la magie. Ils ont
remarqué les effets qu’elle produit et que nous avons indiqués.
D’ailleurs, il en est question dans le Coran (sour. II, vers. 96), où Dieu
parle en ces termes : Mais les démons furent infidèles : ils enseignèrent
aux hommes la magie et ce qui avait été révélé aux deux anges de Babel,
Harout et Marout. Ceux-ci n’instruisent personne sans dire : « Certes,
nous sommes ici pour te tenter ; ne sois donc pas infidèle. » On apprend d’eux
les moyens de mettre la désunion entre la femme et son mari, mais ils
sont incapables de nuire à personne sans la permission de Dieu. Nous
lisons aussi dans le Sahîh que le Prophète avait été ensorcelé au point de
s’imaginer qu’il faisait ce qu’en réalité il ne faisait pas. Pour le fasciner
ainsi on avait mis un charme dans un peigne, dans un flocon de laine et
dans une spathe de dattier, et on l’avait caché dans le puits de Derouan

58
(à Médine). Dieu envoya alors au Prophète les deux sourates
préservatrices (la CXIIIe et la CXIVe), avec le verset : Et contre la
méchanceté des (sorcières) qui soufflent sur des nœuds. — « Il prononça
cette formule, dit Aïcha, sur chacun des nœuds qui avaient servi à l’ensorceler,
et chaque nœud se défit aussitôt de lui-même. »

La pratique de la magie était très répandue chez les Chaldéens de la race


nabatéenne et chez les Assyriens, peuples qui formaient la population de
Babel. Le Coran en parle souvent, ainsi que l’histoire. Lors de la mission
de Moïse, la magie jouissait d’un grand crédit à Babel et en Égypte ; aussi
les miracles opérés par ce prophète étaient-ils du même genre que ceux
dont les magiciens s’attribuaient la faculté et dont ils s’occupaient à
l’envi. Les Berbi (anciens temples) de la haute Égypte offrent encore des
traces de cet art et fournissent de nombreux témoignages de son
existence. Nous avons vu, de nos propres yeux, un de ces individus
fabriquer l’image d’une personne qu’il voulait ensorceler. (Ces images se
composent) de choses dont les qualités ont un certain rapport avec les
intentions et les projets de l’opérateur et qui représentent
symboliquement, et dans le but d’unir et de désunir, les noms et les
qualités de celui qui doit être sa victime. Le magicien prononce ensuite
quelques paroles sur l’image qu’il vient de poser (devant lui), et qui offre
la représentation réelle ou symbolique de la personne qu’il veut
ensorceler ; puis il souffle et lance hors de sa bouche une portion de
salive qui s’y était ramassée et fait vibrer en même temps les organes qui
servent à énoncer les lettres de cette formule malfaisante ; alors il tend
au-dessus de cette image symbolique une corde qu’il a apprêtée pour cet
objet, et y met un nœud, pour signifier (qu’il agit avec) résolution et
persistance, qu’il fait un pacte avec le démon qui était son associé dans
l’opération, au moment où il crachait, et pour montrer qu’il agit avec
l’intention bien arrêtée de consolider le charme. A ces procédés et à ces
paroles malfaisantes est attaché un mauvais esprit qui, enveloppé de
salive, sort de la bouche de l’opérateur. Plusieurs mauvais esprits en
descendent alors, et le résultat en est que le magicien fait tomber sur sa
victime le mal qu’il lui souhaite. Nous avons vu une personne qui
pratiquait la magie, et qui n’avait qu’à diriger son doigt vers un habit ou
une peau et marmotter quelques paroles, pour que cet objet se déchirât
en morceaux. S’il faisait le même signe à des moutons dans un champ,
leurs ventres crevaient à l’instant et les intestins tombaient par terre. On
m’a raconté qu’il y a maintenant dans l’Inde des gens qui n’ont qu’à
désigner un homme avec le doigt pour lui enlever le cœur ; cet homme
tombe mort, on ouvre le corps pour y chercher le cœur ; mais il a

59
disparu. Ils font le même geste en regardant une grenade ; on ouvre
ensuite le fruit et l’on n’y trouve pas un seul grain. Nous avons entendu
dire aussi que, dans le pays des Noirs et dans celui des Turcs, il y a des
enchanteurs qui obligent les nuages à verser leurs pluies sur tel endroit
qu’on veut.

Disons encore que la pratique de l’art talismanique nous a fait


reconnaître les vertus merveilleuses des nombres amiables (ou
sympathiques). Ces nombres sont ‫ ﻚﺭ‬et ‫ ﺪﻓﺮ‬, dont le premier est deux cent
vingt et le second deux cent quatre-vingt-quatre [1]. On les nomme
amiables parce que les parties aliquotes de l’un, c’est à-dire la moitié, le
quart, le sixième, le cinquième, etc. étant additionnées, donnent une
somme égale à l’autre nombre [2]. Les personnes qui s’occupent des
talismans assurent que ces nombres ont une influence (particulière, celle)
d’établir une union et une amitié étroite entre deux individus. Pour cela,
on dresse un thème pour chaque individu, l’un sous l’ascendant de
Vénus, pendant que cette planète est dans sa maison [3] ou dans son
exaltation [4] et qu’elle présente à la lune un aspect d’amour et de
bienveillance. Dans le second thème, l’ascendant doit être dans le
septième (de l’ascendant) du premier individu [5]. Sur chacun de ces
thèmes on inscrit un des nombres déjà indiqués, mais en attribuant le
nombre le plus fort à la personne dont on cherche à gagner l’amitié, c’est-
à-dire à l’objet aimé. Je ne sais si, par le nombre le plus fort on veut
désigner celui qui énonce la plus grande quantité ou celui qui renferme
le plus de parties (aliquotes). Il en résultera une liaison si étroite entre les
deux personnes qu’on ne saurait les détacher l’une de l’autre. L’auteur
du Ghaïa et autres grands maîtres en cet art déclarent que cela s’est vu
confirmer par l’expérience.

Le sceau du lion, autrement appelé le sceau du caillou, produit le même


effet. Pour le fabriquer, on dessine sur un moule (ou coin fait avec) du
hind asbâ [6] la figure d’un lion qui dresse la queue et qui mord sur un
caillou de manière à le casser en deux morceaux ; un serpent glisse
d’entre ses jambes de devant et se retourne, la gueule béante, vers la
bouche du lion ; sur le dos du quadrupède on met la figure d’un
scorpion qui rampe. Pour fabriquer ce talisman, on attend que le soleil
soit entré dans la première ou dans la troisième face [7] du (signe du)
Lion, et que les deux grands luminaires se trouvent en bonne disposition
et soient dépourvus de toute influence sinistre. Quand le moment
favorable se présente, on frappe (avec ce coin) un (flan d’)or gros comme
un mithcal ou même d’une moindre dimension ; on plonge (ensuite cette

60
pièce) dans de l’eau de rose saturée avec du safran, (puis) on (la) retire
(après l’avoir enveloppée) dans un chiffon de soie jaune. Selon les gens
du métier, celui qui tient ce talisman (dans la main) acquiert sur l’esprit
du prince qu’il sert une influence sans bornes, s’empare de son affection
et l’assujettit à sa volonté ; les princes acquièrent, par le même moyen,
une influence énorme sur leurs sujets. Il est fait mention de ce talisman
dans le Ghaïa et dans d’autres ouvrages qui traitent de ces matières.
L’exactitude du fait est, du reste, constatée par l’expérience.

Il en est de même de l’amulette [8] sextuple qui se rapporte spécialement


au soleil. Voici ce qu’en disent les maîtres de l’art talismanique : « On le
dresse au moment où le soleil, arrivé dans son exaltation [9], est dépourvu de
toute influence nuisible, et que la lune, dépourvue aussi de toute mauvaise
influence, est dans un ascendant royal, où l’on remarque que le seigneur du
dixième regarde le seigneur de l’ascendant avec un aspect d’amour et de
bienveillance. (C’est le moment) où les nobles indications, celles qui concernent
les nativités royales, sont exactes. Qu’il (l’amulette) soit plongé dans de l’eau
parfumée et enlevé dans un chiffon de soie jaune. » — « Cet amulette, disent-ils,
influe sur les courtisans d’un souverain, sur ses serviteurs et sur ceux qui ont
des rapports avec lui. »

Il y a beaucoup d’autres charmes de ce genre. Le Kitab el Ghaïa de


Maslema Ibn Ahmed el Madjrîti en offre le recueil le plus complet : il
indique les amulettes de toutes les espèces et discute les divers
problèmes qui s’y rattachent. Nous avons entendu dire que l’imam Fakhr
ed Dîn Ibn el Khatîb composa, sur ce sujet, un ouvrage qu’il intitula Es
Sirr el Mektoum (le secret caché). Ce volume, que nous n’avons jamais pu
rencontrer, est, dit-on, d’un emploi général en Orient, chez les gens qui
s’occupent de talismans. On croit que l’imam n’était pas très habile dans
cet art, mais il est possible qu’on se trompe.

On trouve dans le Maghreb une classe de gens qui se livrent aux


pratiques de la magie et que l’on désigne par le nom de baadjîn
(creveurs). Nous avons déjà mentionné que, pour déchirer un habit ou
une peau, ils n’ont qu’à les désigner avec le doigt. Ils crèvent de la même
manière le ventre des moutons. Il y a, de nos jours, un de ces hommes ;
on l’appelle El Baadj, parce qu’il emploie ordinairement la magie dans le
but de tuer le bétail. Il cherche ainsi à se faire craindre, afin d’obtenir des
propriétaires une part du produit de leurs troupeaux. Ceux qui lui font
des cadeaux se gardent bien d’en parler pour ne pas encourir la sévérité
du magistrat. J’ai rencontré plusieurs de ces sorciers ; j’ai été témoin de

61
leurs méfaits et je tiens d’eux-mêmes qu’ils donnent à leur pensée une
direction particulière et se livrent à des exercices d’un genre spécial, tels
que des invocations impies et des tentatives pour associera leur œuvre la
spiritualité des génies et des astres. Ils étudient un livre qui traite de leur
métier et qui porte le titre d’El Khanzeriya (porcinarium). Au moyen de
ces exercices et de la direction qu’ils donnent à leur pensée, ils
parviennent à faire les actes dont nous venons de parler. Leur pouvoir ne
s’étend pas sur l’homme libre, mais il atteint les effets mobiliers, les
bestiaux et les esclaves. Ils désignent ces objets par l’expression les
choses pour lesquelles l’argent a cours, c’est à-dire les diverses espèces
de propriétés qui peuvent se vendre et s’acheter. Je tiens ces
renseignements de quelques-uns de ceux que j’ai interrogés. Leurs actes
sont manifestes et réels ; en ayant vu un grand nombre, je ne conserve
pas le moindre doute à cet égard. Voilà pour ce qui regarde la magie, les
talismans et leur influence sur les choses de ce monde.

Les philosophes distinguent la magie de l’art talismanique, tout en


affirmant que (les effets de l’un et de l’autre) sont également des
impressions produites par l’âme humaine. Pour démontrer que la faculté
de faire ces impressions existe dans les âmes, ils font observer que l’âme
agit d’une manière surnaturelle, et sans l’emploi d’aucun moyen
matériel, sur le corps qui la renferme. « Et de plus, disent-ils, la nature de
ces impressions dépend de l’état de l’âme ; tantôt, c’est la chaleur qui se produit
dans le corps par suite d’un accès de joie et de gaieté ; tantôt, c’est la formation
de certaines pensées dans l’esprit, ainsi que cela arrive par l’opération de la
faculté qui forme des opinions. Ainsi l’homme qui se promène sur le haut d’un
mur ou d’une montagne escarpée tombera bien certainement si l’opinion que ce
malheur va lui arriver prend chez lui une certaine force. Aussi voyons nous
beaucoup de gens se livrer à des exercices périlleux, afin de s’habituer au danger
et de se garantir contre l’influence de l’imagination. On les voit marcher sur le
haut d’un mur ou sur le bord d’un précipice sans crainte de tomber. Il y a donc
là une impression faite par l’âme qui, en subissant l’influence de la faculté qui
forme les opinions, s’est figuré l’idée de tomber. Or, puisque l’âme peut agir de
cette manière sur le corps auquel elle est jointe, et cela sans employer des
moyens matériels et naturels, il est permis de croire qu’elle exerce une influence
semblable sur d’autres corps que le sien. En effet, le rapport de l’âme à tous les
corps, en ce qui regarde ce genre d’impression, est un et le même, car elle n’est
pas fixée et scellée dans son propre corps (de manière à ne pas s’en détacher).
Donc elle peut agir sur les autres corps. »

62
Voici, selon les philosophes, comment la magie se distingue de l’art
talismanique : le magicien n’a pas besoin, dans ses opérations, d’un
secours (extérieur), tandis que le talismaniste est obligé de se faire aider
par les spiritualités des astres, les vertus occultes des nombres, les
qualités essentielles des êtres et les positions de la sphère céleste, qui,
selon les astrologues, exercent des influences sur le monde des éléments.
« Dans la magie, disent ils encore, c’est un esprit qui s’unit à un autre, et
dans l’art talismanique, c’est un esprit qui s’unit à un corps. » Par ces
mots, ils donnent à entendre que les natures supérieures et célestes se
lient avec les natures inférieures. Les natures supérieures, ce sont les
spiritualités des astres ; aussi, les personnes qui composent des talismans
ont elles ordinairement recours aux pratiques de l’astrologie.

Les mêmes philosophes enseignent que l’art de la magie ne s’acquiert


pas ; au contraire, disent ils, le magicien est créé avec une disposition
spéciale pour l’exercice de ce genre d’influence. « Voici, ajoutent ils,
comment un miracle opéré par un prophète peut se distinguer d’un effet
de magie : chez le prophète, la puissance divine excite dans l’âme la
faculté de faire (sur les êtres) une impression miraculeuse ; il est donc
aidé, dans cette opération, par l’esprit de Dieu. Le magicien, au contraire,
agit de lui-même, par la puissance de sa propre âme, et, dans certains
cas, avec le secours des démons. Il y a donc entre ces deux (classes
d’hommes) une différence intelligible, réelle et essentielle. De notre côté,
nous indiquerons comment on peut distinguer entre un prophète et un
magicien au moyen de signes extérieurs. Un miracle ne peut s’opérer que
par un homme de bien et dans une bonne intention ; il ne peut procéder
que d’une âme prédisposée à la vertu et doit être annoncé d’avance par
le prophète comme preuve de sa mission. Quant à la magie, elle ne
s’exerce que, par des hommes méchants, des âmes portées naturellement
vers le mal, et elle produit ordinairement des effets nuisibles, comme,
par exemple, la désunion mise entre deux époux ou le préjudice porté à
ceux dont on est l’ennemi. Voilà, selon les philosophes théologiens,
comment le miracle se distingue de l’acte de magie.

On trouve quelquefois chez les Soufis qui opèrent des prodiges par la
faveur de Dieu, la faculté d’exercer une influence sur les choses de ce
monde, influence qu’il ne faut pas confondre avec la magie. Elle se
manifeste avec le concours de la divinité, vu que la profession et la voie
(ou pratique) du soufisme est un reste et une suite du prophétisme. Dieu
accorde aux Soufis un abondant secours ; il les aide selon la hauteur
qu’ils ont atteinte dans la vie mystique, selon l’intensité de leur foi et leur

63
attachement à la parole divine. Si quelqu’un d’entre eux avait le pouvoir
de mal faire, il ne l’exercerait pas : soit qu’il agisse, soit qu’il s’abstienne,
il est lié par l’ordre de Dieu. Le Soufi ne fait jamais rien sans en avoir
reçu l’autorisation ; s’il agissait autrement, il s’écarterait du sentier de la
vérité et, décherait très probablement du degré de spiritualisme auquel il
était parvenu.

Puisque tout miracle s’opère avec le secours de l’esprit de Dieu et au


moyen des influences divines, aucun effet de magie ne peut lui résister.
Voyez, par exemple, ce qui arriva aux magiciens de Pharaon dans leur
lutte avec Moïse : Son bâton avala ce qu’ils avaient contrefait. (Coran,
sour. VII, vers. 114). Leur magie disparut, anéantie comme si elle n’avait
jamais existé. Pensez aussi au verset que le Prophète reçut de Dieu avec
les deux sourates préservatrices : Et (délivre-nous) de la méchanceté des
(sorcières) qui soufflent sur des nœuds. — « Il récita cette formule, dit
Aïcha, sur chacun des nœuds qui avaient servi à l’ensorceler, et chaque nœud se
défit de lui-même. » La magie ne tient pas devant le nom de Dieu, pourvu
qu’on l’invoque avec une foi sincère.

Les historiens racontent que, sur le Direfch Kavian [10], ou oriflamme de


Chosroès (roi de Perse), on voyait l’amulette centuple formé de
nombres [11]. On y avait brodé ce symbole sous certains ascendants de la
sphère céleste, ascendants dont on avait attendu l’apparition avant de
commencer le travail. Lors de la déroute totale de l’armée persane à
Cadéciya et la mort de Rostem sur le champ de bataille, on trouva
l’étendard, qui était tombé par terre. Selon les personnes qui s’occupent
de talismans et d’amulettes, cette figure avait pour but d’assurer la
victoire à l’étendard qui la porterait ou qui serait auprès d’elle ; jamais
cet étendard ne devait reculer. Cette fois-ci, il rencontra un obstacle dans
la puissance divine, dans la foi qui animait les anciens Compagnons du
Prophète et dans leur attachement à la parole de Dieu. Par cette parole,
chaque nœud de la magie fut brisé et ce qu’on avait opéré demeura
anéanti. (Coran, sour. VII, vers. 115.)

La loi divine ne fait aucune distinction entre la magie, l’art talismanique


et celui des prestiges ; elle les range tous dans la catégorie des choses
défendues. Le législateur autorise tout ce qui dirige nos pensées vers la
religion, parce qu’elle nous assure le bonheur dans l’autre vie ; il permet
les actes qui, en nous procurant la nourriture, assurent notre bien-être en
ce monde. Quant aux actes qui ne nous regardent pas sous ces deux
rapports, ils peuvent se classer ainsi ceux qui sont plus ou moins

64
nuisibles, la magie, par exemple, qui produit réellement le mal ; l’art des
talismans, dont les effets sont identiques avec ceux de la magie ; et
l’astrologie, art dangereux par son caractère parce qu’il enseigne à croire
aux influences (des astres) et porte atteinte aux dogmes de la foi en
attribuant les événements (de ce monde) à un autre que Dieu. Toutes ces
pratiques sont condamnées par la loi à cause de leur affinité avec le mal.
Quant aux actes qui ne nous intéressent pas et qui ne renferment rien de
mal, l’homme qui s’en abstient ne s’éloigne pas de la faveur divine : le
meilleur témoignage qu’on puisse donner de sa soumission à la volonté
de Dieu, c’est de s’abstenir des actes qu’on n’a aucun intérêt à accomplir.
La loi a donc rangé la magie, les talismans et les prestiges dans une seule
catégorie, à cause du mal qui leur est inhérent ; elle les a spécialement
défendus et condamnés.

A la manière dont les philosophes prétendent distinguer entre un


miracle et un effet de magie, on peut opposer celle des théologiens
scolastiques : « Voyez, disent-ils, s’il y a un tahaddi », c’est à-dire une
déclaration préalable de l’arrivée d’un miracle conforme à ce qu’on
annonce. Ils enseignent aussi l’impossibilité d’un miracle qui viendrait
confirmer un mensonge : « La simple raison, disent-ils, nous indique que la
qualité essentielle d’un miracle, c’est de confirmer une vérité ; si un miracle
avait lieu pour appuyer un mensonge, le (prophète) véridique serait changé en
menteur ; ce qui est absurde. Il faut donc admettre, comme un principe absolu,
qu’un miracle ne peut jamais s’opérer pour accréditer un mensonge. »

Nous avons déjà mentionné que les philosophes (musulmans) mettent


entre les miracles et les effets de la magie la même distance qui sépare les
deux extrêmes du bien et du mal. Le magicien est donc incapable de
produire le bien ou d’employer son art dans une bonne intention ; celui,
au contraire, qui fait des miracles n’a pas le pouvoir d’opérer le mal, ni
de faire usage des moyens qui puissent le causer. Donc les prophètes et
les magiciens se trouvent placés, par leur caractère inné, à deux
extrémités opposées, dont l’une est le bien et l’autre le mal.

Les effets produits par le mauvais œil se rangent parmi les impressions
qui résultent de l’influence de l’âme. Ils procèdent de l’âme de l’individu
doué de la faculté du mauvais œil et ont lieu quand il voit une qualité ou
un objet dont l’aspect lui fait plaisir. Son admiration devient si forte
qu’elle fait naître chez lui un sentiment d’envie joint au désir d’enlever
cette qualité ou cet objet à celui qui le possède. Alors paraissent les effets
pernicieux de cette faculté, c’est à-dire du mauvais œil, faculté innée, qui

65
tient à l’organisation de l’individu. Ces effets diffèrent de tous les autres
qui se produisent par l’influence de l’âme : ils dérivent d’une faculté
innée qui ne reste pas inerte, qui n’obéit pas à la volonté de celui qui la
possède, et qui ne s’acquiert pas. Les autres impressions produites par
l’âme dépendent de la volonté de celui qui les opère, bien qu’elles
procèdent d’une faculté non acquise (c’est à-dire innée). La disposition
innée (de l’individu) est (donc) capable de produire certaines
impressions, mais elle n’est pas (toujours) la puissance qui les effectue.
Voilà pourquoi l’homme dont le mauvais œil a causé la mort de
quelqu’un n’encourt pas la peine capitale, tandis que celui qui ôte la vie à
son semblable par l’emploi de la magie ou des talismans est condamné
au dernier supplice. En effet, un malheur causé par le mauvais œil ne
provient pas de l’intention de l’individu, ni de sa volonté, ni même de sa
négligence ; cet homme est formé par la nature de manière que ces
impressions procèdent de lui (sans le concours de sa volonté). Au reste,
Dieu le Très Haut en sait plus que nous.

P.-S.

Une édition électronique réalisée à partir du texte d’Ibn Khaldoun, Les


prolégomènes. Troisième partie (1863). Traduits en Français et
commentés par William MAC GUCKIN, Baron DE SLANE, membre de
l’Institut. (1801-1878).Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant,
bénévole, Paris.

Notes

[1] On sait que les Arabes représentent quelquefois les nombres par des
lettres de l’alphabet. Dans un de leurs systèmes, celui qu’on a suivi ici, la
lettre ‫ ﺮ‬vaut 200, ‫ ﻚ‬vaut 20, 80 ‫ ﻒ‬et 4 ‫ﺪ‬.

[2] Les parties aliquotes de 220 sont 110, 55, 44, 22, 20, 11, 10, 5, 4, 2 et 1.
La somme de ces nombres est 284. Les parties aliquotes de 284 sont : 142,
71, 4, 2 et 1. Ces nombres additionnés donnent 220. Thabet Ibn Corra fut
le premier qui signala cette propriété de certains nombres ; Descartes en
a parlé et Euler y a consacré un traité spécial dans son recueil intitulé
Opuscula varii argamenti, t. II. M. Wœpcke a abordé le même sujet dans
le Journal asiatique d’octobre novembre 1852

[3] Vénus a deux maisons, l’une située dans le signe du Taureau, et


l’autre dans celui de la Balance.

66
[4] Vénus est dans son exaltation et jouit de toute son influence quand
elle est dans le vingt-septième degré du Poisson.

[5] L’ascendant est le premier signe à partir de l’horizon oriental ; son


septième est le signe qui est alors à l’horizon occidental, son dixième est
celui qui est au zénith et son quatrième celui qui est au nadir.

[6] Le mot hind s’emploie dans le dialecte arabe marocain pour désigner
l’acier. Le mot asbâ signifie doigt. Je ne sais à quelle substance les
alchimistes ont donné le nom de hind asbâ. Il désigne peut-être l’espèce
d’acier indien qui, dans le commerce, s’appelle wootz.

[7] Les astrologues partagent chaque signe du zodiaque en trois faces, de


dix degrés chacune. Les trente six faces sont assignées, chacune, à une
des planètes, ou au soleil, ou à la lune.

[8] Le mot ‫ « ﻖﻓﻮ‬ouifk », que je rends ici par amulette, désigne plus
particulièrement ces tableaux numériques qui s’appellent carrés
magiques. Chacune des sept planètes avait son ouifk particulier. Le
Chems el Maaref d’El Bouni fournit un grand nombre d’indications sur
cette matière et sur les procédés de la magie.

[9] Le soleil est dans son exaltation quand il entre dans le dix-neuvième
degré du Bélier. Les équivalents français des termes astrologiques
employés dans ce chapitre m’ont été fournis par l’ouvrage intitulé
l’Usage des Ephémérides par Villon, 2 vol. petit in 8°, Paris, 1624.

[10] Ces mots sont persans et signifient l’étendard de Gavé, forgeron qui
délivra la Perse de la tyrannie de Zohâk. (Voy. les mots Dirfech et Gao
dans la Bibliothèque orientale de d’Herbelot.)

[11] La leçon ‫ ﻰﻨﻳﺋﻣ‬se trouve dans le manuscrit D, dans l’édition de Boulac


et dans la traduction turque. Je suppose que c’est un adjectif relatif formé
de ‫ ﻥﻳﺋﻣ‬ou de ‫ ﻥﻮﺌﻣ‬pluriel de ‫( ﺔﻴﺎﻣ‬cent). Cet amulette, ou carré magique
(ouifk), se composait probablement des mille premiers nombres. Je dois
faire observer, pour justifier la signification assignée au mot ‫ ﻰﻨﻳﺋﻣ‬, que le
carré magique à base de trois s’appelle, dans le Chems el Maaref, ‫ﻯﺪﺪﻌﻠﺍ‬
‫ « ﺙﻠﺛﻤﻠﺍ ﻕﻓﻭﻠﺍ‬le ouifk ternaire numérique », et celui qui est de quatre ‫ﻯﺪﺪﻌﻠﺍ‬
‫ « ﻊﺒﺮﻤﻠﺍ ﻕﻓﻭﻠﺍ‬le ouifk quaternaire numérique », etc.

67
 La magie et la science des talismans

18 mars 23:46, par rayan

J ai lu atentivement vos 2 articles mais je n’ai malheuresmeent pas


trouver réponse a ma question. Je préfere vous la poser :

Que pensez vous des guérisseur « taleb » qui sont répendus au


maghreb ? Je parle des cheikh soufis qui connaissent parfaitement
le coran la jurisprudence mais qui donnent des talisman , qui
demande le nom et la date de naissance pour parler sur le patient
de son mal atteint ... Et qui stipulent travailler avec des djinn
musulman qu ils apellent el awliaa ( les alliés de ALLAH swt)....
Est ce que ces pratiques sont en contradictions avec L UNICITE
DIVINE ? commet on le péché capital en consultant ces gens ... j
espere sincerement que vous me repondrez cordialement

Les carrés magiques dans la Talismanie d’Agrippa

Agrippa et les carrés planétaires

« Les Mages nous ont transmis les sceaux et les nombres des sept planètes que
l’on appelle aussi tables sacrées, car elles possèdent de grandes et nombreuses
vertus célestes dans la mesure où elles représentent l’harmonie des nombres
célestes. Ces nombres, nous l’avons vu, sont communiqués aux choses célestes
par l’esprit divin au moyen de l’âme du monde. Il faut y ajouter l’harmonie
parfaite des rayons célestes qui descendent, captés par les signes, les nombres ou
proportions attribués aux Intelligences célestes. Cette harmonie ne peut
s’exprimer que par des chiffres et des caractères. En effet, la représentation
matérielle des nombres et des signes n’est rien d’autre dans les mystères des
choses cachées que la représentation des figures et des nombres essentiels qui

68
dirigent et forment les choses à partir des nombres divins par l’intermédiaire des
Intelligences.

Ces signes contribuent à unir la matière à l’esprit et à l’âme pourvu qu’elle soit
animée d’une forte volonté et d’une grande concentration. Ainsi, par la vertu de
l’opération des corps célestes, il est possible d’arriver à Dieu à travers l’âme de
l’univers et les aspects célestes. Il est possible de fixer cette énergie sur une
matière de forme convenable, préparée selon les règles de la science et de l’art
magiques » .

Agrippa poursuit en indiquant le carré associé à chaque planète ainsi


que les signes ou caractères de leur intelligence et génie (esprit) en nous
avertissant que : « le chercheur patient qui comprendra la clé de la
construction de ces tables trouvera facilement comment on peut en tirer les
signes et les caractères des étoiles comme des génies stellaires ».

Examinons à présent chaque carré magique, et les sceaux des


intelligences et génies qui leur sont associés, selon les indications
d’Agrippa. Nous insérons ici les carrés reproduits de l’ouvrage
d’Agrippa mais pour une plus grande lisibilité des caractères hébreux
nous vous renvoyons aux annexes où vous les trouverez retravaillés.

Le carré de Saturne.

Agrippa nous dit : « La première est la table de Saturne, c’est un carré divisé
en trois colonnes contenant trois nombres dans chaque colonne et en trois
registres horizontaux. Ces nombres ont la propriété de donner toujours une
somme égale à quinze, quel que soit le sens dans lequel on les additionne. Leur
somme totale est de quarante-cinq. Les noms formés par ces nombres font partie
des noms divins avec une Intelligence pour le bien et un génie pour le mal ».

De ces nombres seront également déduits le signe ou caractère de


Saturne et celui de son génie, tels que nous les présentons plus bas.

69
Noms divins correspondant au nombre de Saturne tels que donnés par
Agrippa :

3 Ab (‫ – )אב‬Aleph et Beth = 1+2=3

9 Hod (‫ – )הד‬He et Daleth = 5+4=9

15 Iah (’‫ – )ה‬Yod et He = 10+5=15

15 Hod (‫ – )הוד‬He, Vav et Daleth = 5+6+4=15

45 Tétragrammaton extensum : Le procédé d’extension consiste à


développer chaque lettre en écrivant son nom intégralement, ainsi la
lettre « iod » sera écrite « iod vav daleth » ; le tétragramme YHVH (‫)יהוה‬
sera développé en : ‫ – יוד הא ואו הא‬He, Aleph, Vav, Aleph, Vav, He, Aleph,
Yod, Vav et Daleth = 5+1+6+1+6+5+1+10+6+4=45

45 Agiel (‫ )אגיאל‬Intelligence de Saturne – Aleph, Guimel, Yod, Aleph et


Lamed = 1+3+10+1+30=45

45 Zazel (‫ )זזאל‬Génie de Saturne – Zaïn, Aleph, Zaïn et Lamed =


7+1+7+30=45.

70
Les Sceaux ou Caractères de Saturne.

Sceau de Saturne

Sceau de l’Intelligence de Saturne : Sceau du Génie de Saturne :


AGIEL ZAZEL
1234

Les carrés magiques dans la Talismanie d’Agrippa

Agrippa et les carrés planétaires

Le carré de Jupiter.

« C’est un carré contenant seize nombres répartis en quatre registres verticaux


et quatre horizontaux. L’addition des nombres dans chaque registre est de
trente-quatre, leur somme totale est de cent trente-six. Des noms divins y
correspondent ainsi qu’une Intelligence pour le bien et un génie pour le mal.
L’on en tire aussi le caractère de Jupiter et de son esprit ».

71
Noms divins correspondant au nombre de Jupiter

4 Abba (‫ – )אבא‬Aleph, Beth, Aleph = 1+2+1=4

34 El Ab (‫ – )אב אל‬Aleph, Beth, Aleph et Lamed = 1+2+1+30=34

136 Yohphiel Intelligence de Jupiter (‫ – )יהפיאל‬Yod, He, Phe, Yod, Aleph,


Lamed = 10+5+80+10+1+30=136

136 Hismael Génie de Jupiter (‫ – )מאלהס‬He, Samekh, Mem, Aleph et


Lamed = 5+60+40+1+30=136

Les Sceaux ou Caractères de Jupiter.

Sceau de Jupiter

Sceau de l’Intelligence de Jupiter : Sceau du Génie de Jupiter :


YOHPHIEL HISMAEL

72
Le carré de Mars.

« La troisième est la table de Mars. C’est un carré de vingt-cinq chiffres disposés


entre cinq colonnes verticales et cinq registres horizontaux. Leur total par
colonne ou registre est de soixante-cinq, leur somme totale trois cent vingt-cinq.
Des noms divins lui correspondent ainsi qu’une Intelligence pour le bien et un
génie pour le mal. On peut en tirer le caractère de Mars et de son esprit ».

Noms divins correspondant au nombre de Mars

5 Hé (‫ – )ה‬He=5

25 Yéhi (‫ – )יהי‬Yod, He, Yod = 10+5+10=25

65 Adonaï (‫ – )אדני‬Aleph, Daleth, Noun et Yod = 1+4+50+10=65

73
325 Graphiel Intelligence de Mars (‫ – )גראפיאל‬Guimel, Resh, Aleph, Phe,
Yod, Aleph et Lamed = 3+200+1+80+10+1+30=325.

325 Barzabel Génie de Mars (‫ – )ברצאבאל‬Beth, Resh, Tsadé, Aleph, Beth,


Aleph et Lamed = 2+200+90+1+2+1+30=326 ! Dans la version originale
latine d’Agrippa, il y a donc une erreur puisque l’on devrait arriver à
325. On peut supposer qu’un Aleph est en trop dans ce nom. Cette même
erreur se retrouve chez Barret et chez tous les occultistes apparemment
trop las pour refaire le calcul .

Les Sceaux ou Caractères de Mars.

Sceau de Mars

Sceau de l’Intelligence : GRAPHIEL Sceau du Génie : BARZABEL

Une solution arabe du problème des carrés magiques

Sommaire
 I. Carrés pairs
 II. — Carrés impairs

Il y a quelques années je reçus de Tunis plusieurs livres arabes, parmi


lesquels un traité d’el-Bouni intitulé Sharh ismellah el-a’zam, commentaire
sur le grand Nom de Dieu. El-Bouni est un auteur bien connu des
occultistes, originaire de Bône (Algérie), mort en 622 de l’hégire, 1225 du

74
Christ. Son traité était édité au Caire à la Librairie commerciale
Mahmoudieh, sans date. Il contenait une solution générale du problème
des carrés magiques ; on sait en effet que ces carrés sont appréciés des
Orientaux comme talismans.

La solution d’el-Bouni est de celles que l’on a appelées « à enceintes ».


Elle peut paraître d’abord compliquée ; elle n’a pas l’élégance et la
rapidité de celle que La Loubère a naguère rapportée d’après des Indiens
de Sourate ; mais je crois qu’en définitive on doit la juger fort belle, parce
qu’elle établit une répartition très nette des nombres composant le carré
entre les enceintes successives. Je vais la donner en suivant de près le
texte ; nous verrons ensuite ce que l’on peut penser de son origine.

On remarquera que pour passer de la position d’un nombre à celle du


nombre suivant, l’auteur se sert volontiers de la marche des pièces au jeu
d’échecs.

I. Carrés pairs

El-Bouni commence par former le noyau central, c’est-à-dire le carré


intérieur de 4 cases de côté. Il place 1 dans la case à gauche de l’angle
supérieur droit, et passe à 2 selon la marche du cavalier, puis place 3 et 4
symétriquement à 2 et 1 par rapport au centre. Il repart de l’angle
inférieur droit, y met 5, passe à 6 en marche de cavalier, et dispose 7 et 8
symétriquement à 6 et 5.

Les 8 premiers nombres garderont cette position quel que soit le nombre
n des côtés du carré à construire. Dans les 8 autres cases viendront se
placer d’une façon analogue les 8 plus hauts chiffres du carré : n², n²-1,...
n²-7, pris en descendant.

75
Cela fait, on construit la première « enceinte » ou le premier pourtour (le
mot arabe est tauq, collier) qui aura 6 cases de côté. On part de l’angle
supérieur droit où l’on met le 9, nombre impair ; on passe à l’angle
opposé en haut où l’on met ce dernier nombre augmenté du nombre des
cotés de l’enceinte moins 1, soit 9+6-1 ou 14, un pair. On descend à la
case à gauche de l’angle inférieur droit, et l’on y met l’impair qui suit le
9 : 11. On remonte en haut à l’opposé de la case du roi (la voisine du 11)
où l’on inscrit le 13 ; on redescend à l’opposé de la case voisine où l’on
place le 15. (C’est le mouvement de zigzag.) Ainsi l’on continue jusqu’à
ce que les nombres d’impairs placés soit égal an nombre du côté du
pourtour moins 2 : ici 6-2 ou 4 ; pour le second pourtour 8-2 ou 6, etc.

Alors l’auteur passe à la case à gauche de la dernière qu’il vient de


meubler, et il y met le nombre qui suit celui de l’angle supérieur droit, ici
10. Il se porte « en marche du fou », c’est-à-dire obliquement sur le côté
gauche du pourtour, où il inscrit le pair suivant, 12. Il recommence le
mouvement de zigzag, mais cette fois horizontalement, de pair en pair,
et continue jusqu’à ce que le nombre des pairs placés égale aussi le
nombre du côté du pourtour moins 2.

En disposant ainsi les pairs on rencontre celui qui est déjà placé à l’angle
supérieur gauche (ici 14) ; il ne faut pas le répéter : on passe au pair
suivant (16) qui prend sa place dans le zigzag.

76
Les deux derniers nombres à placer donnent lieu à une distinction : « Si
le nombre du pourtour est pair-impair, (6, 10, 14...), tu continues à disposer les
pairs dans le pourtour, à droite et à gauche, jusqu’à ce que tu arrives au dernier
pair à placer, que tu mettras au-dessus du pair précédent, qui est toujours à
droite.

« Si le côté du pourtour est pair-pair (8, 12. 16...) tu places le pair qui suit celui
de la case supérieure gauche dans la case indiquée par le zigzag, qui est toujours
du côté gauche, puis tu mets le pair suivant dans la case voisine au-dessus, sur
ce même côté gauche ; ensuite tu te transportes à l’opposé de la case du roi (la
case voisine à droite. tu y mets le pair suivant puis le suivant dans la case
voisine au-dessus sur ce même côté droit ; s’il te reste des pairs à placer,
tu te transportes à l’opposé de la case du roi, à gauche à la manière
ordinaire, jusqu’à ce que tu en aies placé le nombre du côté du pourtour
(n) moins 2 comme nous l’avons dit.

« Enfin tu places l’impair qui précède le dernier pair, sur le côté du


pourtour où la moitié des rases n’est pas encore meublée, soit à droite,
soit à gauche ; mais ne le mets pas en face d’une case habitée. »

Ayant ainsi rempli la moitié des cases du pourtour, on complète leurs


vis-à-vis en n²+1. Le vis-à-vis d’un angle est l’angle diagonalement
opposé ; le vis-à-vis des autres cases est celui de la tour.

II. — Carrés impairs

La méthode pour les carrés impairs est moins nette dans le texte publié
d’el-Bouni, mais il est facile de la rétablir en partant du carré de 3 et en
procédant par la différence de carrés.

A la diagonale composée des chiffres médians on ajoute

aux autres chiffres supérieurs ou chiffre médian on ajoute lu différence


des carrés n’² - n² ; et les chiffres inférieurs au chiffre médian sont laissés
à leur place sans changement. On complète en n’² + 1.

Ainsi pour passer du carré de 3 où 5 est le chiffre médian, au carré de 5,


on ajoute à la diagonale 4, 5, 6 la demi-différence 25-2/9 ou 8. Aux autres

77
chiffres supérieurs à 5, on ajoute la différence 25 - 9 ou 16 ; les 3 premiers
chiffres ne sont pas touchés.

Je complète la série diagonale par 11 et 15. Je mets 10 près de l’angle 15 à


gauche, et je fais le zigzag vertical 10, 17, 18. Je mets 19 dans l’angle
inférieur droit, et je fais le zigzag horizontal 19, 20, 21, 22. Puis je
complète les opposés en 26 : 16-10, 17-9, etc.

On ferait de même pour passer du carré de 5 au carré de 7, qui est donné


incorrectement dans le texte arabe.

Somme totale des nombres :

Somme de chaque ligne ou colonne : 505.

78
Deux nombres placés vis-à-vis l’un de l’autre sur un même pourtour
donnent ensemble 101.

Le carré central contient les nombres de 1 à 8 et de 100 à 93 ; Le premier


pourtour contient les nombres de 9 à 18 et de 92 à 83 ; Le second
pourtour contient les nombres de 19 à 32 et de 82 à 69 ; Le troisième
pourtour contient les nombres de 33 à 50 et de 68 à 51.

Somme de chaque ligne ou colonne :

Somme de deux vis-à-vis sur le même pourtour : n²+1=82. Une diagonale


contient les 9 nombres médians de 37 à 45 dans leur ordre.

Le carré central de 3 contient les nombres de 1 à 3 et de 81 à 79.

79
Le premier pourtour les nombres de 1 à 10 et de 78 à 72.

Le deuxième pourtour les nombres de 11 à 21 et de 71 à 61.

Le troisième pourtour les nombres de 22 à 36 et de 60 à 46.

J’ai appelé cette solution « arabe » parce que je l’ai trouvée dans un livre
arabe ; mais est-elle vraiment d’el-Bouni lui-même ? Je ne le pense pas.
D’abord il ne le prétend pas ; ensuite cet auteur est surtout connu pour
des travaux sur les talismans, la cabbale, les vertus des noms divins ou
d’oraisons diverses : il est peu probable qu’un « spécialiste » de ce genre
ait été capable de résoudre un problème aussi difficile et exigeant une si
rare ingéniosité.

La rédaction peut être d’El-Bouni. Il a dû avoir une source persane à en


juger par les allusions nombreuses au jeu d’échecs qui était fort en
honneur en Perse. Les pièces de ce jeu sont désignées par leurs noms

80
persans : skâk, le Roi ; roh-h. la Tour ; ferzâneh, l’intelligent, le sage, chez
nous le fou.

Faut-il aller plus loin H des Persans remonter jusqu’aux Grecs, comme
on a souvent occasion de le faire quand on s’occupe des sciences
orientales ? El-Bouni lui-même semble nous y inviter. Il a des
expressions comme wa gis, et mesure, et compare, à la fin d’une
explication, que l’on trouve dans des traités grecs antiques. Plus
précisément il termine son chapitre sur les carrés magiques par cette
recommandation : « Sache que le mieux est d’écrire ces carré numériques avec
le qalam naturel, car c’est le qalam des sages antérieurs, et tous leurs livres et
toutes leurs œuvres sont tracés avec lui. »

Le mot pour sages est hukama qui s’applique d’ordinaire aux savants de
la Grèce antique ; l’épithète motakaddimount précédents, antérieur, nous
reporte à la même époque. La solution des carrés magiques a dû être
tenue secrète dans quelque société de savants, car à la fin de l’opuscule
on relève cette apostrophe : ajuhâ lakha, ô frère !

Ozanam dans ses Récréations mathématiques et physiques (Paris, 1778, t. 1,


ch. XII) a un long chapitre sur les carrés magiques. Pour les carrés
impairs il donne la méthode de La Loubère ; pour les carrés pairs il
donne 3 méthodes dues à des chercheurs « modernes » c’est-à-dire du
XVIIe ou du XVIIIe siècle, comme Frenele et La Hire. La troisième de ces
méthodes est à « enceinte », mais très différente de celle d’El-Bouni.
Selon Ozanam, l’origine grecque antique des carrés magiques est
certaine : « Les anciens, dit-il, ne nous ont transmis aucune règle
générale, mais seulement quelques exemples de quarrés pairs rangés
magiquement, comme ceux de 10, de 30, de 64 cases ».

Pour les Byzantins, on peut voir le mémoire de Paul Tannery sur Nicolas
Rabdas (t. IV de ses Mémoires).

Carra de Vaux.

Revue d’histoire des sciences, Année 1948, Volume 1, Numéro 3 p. 206-212

1 Message

 Une solution arabe du problème des carrés magiques

81
20 janvier 09:19, par bouziane lakhdar

LA SCIENCE DES CARRES EST UNE SCIENCE EXACTE


SEULEMENT IL FAUT CONNAITRE SES SECRETS IL NE SUFFIT
PAS SEULEMENT DE REMPLIR LES CARRES IL FAUT AVOIR
UN MAITRE CAR C’EST UNE SCIENCE QUI S’APPREND DE
BOUCHE A OREILLE

Les carrés magiques dans la Talismanie d’Agrippa

Agrippa et les carrés planétaires

Le carré du Soleil.

« La quatrième table est celle du Soleil : c’est un carré de trente-six


nombres divisé en six colonnes et six registres. Ces nombres additionnés
verticalement ou horizontalement donnent cent onze et leur somme
totale est de six cent soixante-six. Des noms divins lui correspondent
ainsi qu’une Intelligence pour le bien et un génie pour le mal : l’on peut
tirer de ces nombres les caractères du Soleil et de ses génies ».

82
Noms divins correspondant
au nombre du Soleil

6 Vau (lettre du Saint Nom ‫ – )ו‬Vau a une valeur de 6.

6 Hé (développé, lettre du Saint Nom) (‫ – )הא‬He et Aleph = 5+1=6 36


Eloh (‫ – )אלה‬Aleph, Lamed et He = 1+30+5=36

111 Nachiel Intelligence du Soleil (‫ – )נכיאל‬Noun, Caph, Yod, Aleph et


Lamed = 50+20+10+1+30=111

83
666 Sorath Génie du Soleil (‫ – )סורת‬Samekh, Vav, Resh et Tav =
60+6+200+400=666.

Les Sceaux ou Caractères du Soleil.

Sceau du Soleil

Sceau de l’Intelligence : NACHIEL Sceau du Génie : SORATH

Le carré de Vénus.

« La cinquième table est celle de Vénus, elle comprend quarante-neuf nombres


répartis selon sept colonnes et sept registres. Leur addition par colonne ou
registre donne cent soixante-quinze, la somme totale en est mille deux cent
vingt-cinq. Des noms divins lui correspondent ainsi qu’une Intelligence pour le
bien et un génie pour le mal. De ces nombres on peut tirer les caractères de
Vénus et de son esprit ».

84
Noms divins correspondant au nombre de Vénus

7 (‫ – )אהא‬Aleph, He et Aleph = 1+5+1=7

49 Hagiel Intelligence de Vénus (‫ – )הגיאל‬He, Guimel, Yod, Aleph et


Lamed = 5+3+10+1+30=49

85
175 Kedemel Génie de Vénus (‫ – )קדמאל‬Qoph, Daleth, Mem, Aleph et
Lamed = 100+4+40+1+30=175

1252 Bne Seraphim Intelligence de Vénus (‫ – )שרפים בני‬Beth, Noun, Yod,


Shin, Resh, Phe, Yod et Mem = 2+50+10+300+200+80+10+600=1252 .

Les Sceaux ou Caractères de Vénus.

Sceau de Vénus

Sceau de l’Intelligence : HAGIEL Sceau du Génie : KEDEMIEL

Sceaux de l’Intelligence des Intelligences : BNE SERAPHIM

 Aleister Crowley (9/162)

86
Les carrés magiques dans la Talismanie d’Agrippa

Agrippa et les carrés planétaires

Le carré de Mercure.

« La sixième table est celle de Mercure consacrée au nombre huit : c’est un carré
divisé en soixante-quatorze cases, les nombres qui y figurent additionnés par
colonne ou par registre donnent deux cent soixante, leur total est de deux mille
quatre-vingts. Des noms divins y correspondent ainsi qu’une Intelligence pour
le bien et un génie pour le mal. De ces nombres l’on peut tirer les caractères de
Mercure et de son génie ».

87
Noms divins correspondant au nombre de Mercure

8 Asboga (huit développé) (‫ – )אזבוגה‬Aleph, Zaïn, Beth, Vav, Guimel et


He = 1+7+2+6+3+5=24

64 Din (‫ – )דין‬Daleth, Yod et Noun = 4+10+50=64

64 Doni (‫ – )דני‬Daleth, Noun et Yod = 4+50+10=64

260 Tiriel Intelligence de Mercure (‫ – )טיריאל‬Teth, Yod, Resh, Yod, Aleph


et Lamed = 9+10+200+10+1+30=260

2080 Taphthartharath Génie de Mercure (‫ – )תפתרתרת‬Tav, Phe, Tav, Resh,


Tav, Resh et Tav = 400+80+400+200+400+200+400=2080.

Les Sceaux ou Caractères de Mercure.

88
Sceau de Mercure

Sceau de l’Intelligence : TIRIEL Sceau du Génie : TAPHTHARTHARATH

Le carré de la Lune.

« La septième table est celle de la Lune, c’est un carré basé sur l’ennéade
divisé en quatre-vingt-une cases et portant des nombres qui, additionnés
par colonne ou registre donnent trois cent soixante-neuf : leur somme est
de trois mille trois cent vingt-et-un. Des noms divins lui correspondent
avec une Intelligence pour le bien et un génie pour le mal. De ces
nombres on peut tirer les caractères de la Lune et de son esprit ».

89
90
Noms divins correspondant au nombre de la Lune

9 Hod (‫ – )הד‬He et Daleth = 5+4=9

81 Elim (‫ – )אלים‬Aleph, Lamed, Yod et Mem = 1+30+10+40=81. 369


Hasmodai Génie de la Lune (‫ – )חשמודאי‬Heth, Shin, Mem, Vav, Daleth,
Aleph et Yod = 8+300+40+6+4+1+30=369.

3321 Schedbarschemoth Schartathan Génie des génies de la Lune ( ‫שרתתן‬


‫ – )שדברשהמעת‬Shin, Daleth, Beth, Resh, Shin, He, Mem, Ayin, et Tav =
300+4+2+200+300+5+40+70+400= 1321 et Shin, Resh, Tav, Tav et Noun =
300+200+400+400+700=2000 – La somme fait 3321.

3321 Malcha Betharsisim Hed Beruah Schehakim Intelligence des


intelligences de la Lune (‫ – )שחקים ברוח עד בתרשישים מלכא‬Mem, Lamed,
Caph et Aleph = 40+30+20+1=91 – Beth, Tav, Resh, Shin, Yod, Shin, Yod
et Mem = 2+400+200+300+10+300+10+600=1822 – Ayin et Daleth =
70+4=74 – Beth, Resh, Vav et Heth = 2+200+6+8=216 – Shin, Heth, Qoph,
Yod et Mem = 300+8+100+10+600=1018 – La somme de

91
91+1822+74+216+1018=3221. Une remarque est ici nécessaire. Notre
résultat est de 3221 au lieu de 3321. Il nous faut examiner le manuscrit
d’Agrippa pour comprendre. Il nous donne « Malkha betharsiSim hed
beruah shehakim » que nous avons rendu fidèlement en hébreu ci-
dessus. Cependant, si nous regardons de plus près la version en lettres
hébraïques donnée par Agrippa nous lisons : ‫שחקים ברוח עד בתרשיתים מלכא‬.
Nous lisons donc BetharshiTim en lieu et place de betharsisim. En
remplaçant le Shin par un Tav nous obtenons alors bien le résultat de
3321. Nous ne pouvons déterminer ici s’il s’agit d’une erreur volontaire
ou non de la part d’Agrippa.

Les Sceaux ou Caractères de la Lune.

Sceau de la Lune

Sceau de l’Intelligence des Intelligences : HED Sceau du Génie :


BERUACH SCHEHAKTIM HASMODAI

92
Sceau du Génie des Génies : SCHEDBARSCHEMOTH SCHARTATHAN

Spartakus FreeMann, mars 2009 e.v.

Cet article est issu de l’ouvrage Les Carrés Magiques dans la Talismanie
d’Agrippa disponible à l’achat :

Le Pendu - L’Esclavage Magique

Chapitre V de la Clé de la Magie Noire.

TOURNONS un feuillet du Livre des Arcanes. C’est une déconcertante et


bizarre énigme que nous propose sa douzième clef. La légende, au bas de
l’emblème, naïve et brutale, ne nous apprendra rien : LE PENDU.

Mais quel étrange pendu !

Sur un tertre s’élève le gibet improvisé, en forme de Thau hébraïque. Il se


réduit à une traverse horizontale, que maintiennent à hauteur voulue
deux supports verticaux, fichés en terre. Ce sont de jeunes troncs d’arbre,
encore munis de leur écorce et grossièrement ébranchés : six rameaux,
abattus d’un coup de hache à leur naissance, forment autant de nœuds

93
artificiels sur chaque support. En tout, cela fait douze nœuds, le nombre
du feuillet.

A la poutre transversale, un homme, la tête en bas, et suspendu par le


pied gauche. La jambe droite repliée forme la croix avec l’autre jambe.
Deux sacs d’argent pendent de chaque côté, sous l’aisselle ; il s’en
échappe des écus. Les bras du patient semblent liés derrière son dos, en
sorte que les coudes dessinent, avec le chef renversé, un triangle la
pointe en bas, triangle que la croix des jambes surmonte...

La douzième clef du Tarot nous initie aux gloires et aux misères de


l’Esclavage magique.

C’est qu’il y a, en magie, deux sortes d’esclavages, le bon et le mauvais,


celui de l’Esprit et celui de la Matière : — l’esclavage du devoir, de
l’altruisme et du dévouement ; l’esclavage des passions, de l’égoïsme et
de la routine.

L’adepte de la haute science est ce supplicié symbolique. Retenu entre


ciel et terre par les exigences de la mission qu’il s’est choisie, il reste exilé
du Ciel à cause du corps périssable qui le soumet à l’attraction physique ;
et ses pieds ne fouleront plus, les avenues de l’Illusion terrestre, dont les
doux mirages lui sont interdits désormais : car la discipline qu’il pratique
a dessillé ses yeux. Il ne peut plus de bonne foi s’enivrer aux caresses de

94
la charmeuse Maïa, si éblouissante dans l’éclat de sa parure mensongère,
et si désirable aux : hommes dans l’imposture de sa souriante beauté !

C’est l’adepte parfait que nous peignons lu, l’être surhumain qui,
parvenu au sommet du triangle de sapience, n’a plus rien à recevoir de la
terre, mais peut avoir encore beaucoup à lui donner : ce que figurent les
pièces d’argent, tombant en pluie sur le sol. Ses bras, liés pour le mal,
sont encore libres pour la bienfaisance et l’amour.

Si rare est le mage véritable, surtout à notre époque d’initiés spéculatifs


ou incomplets et de médiums douteux, que celte interprétation marque
plutôt un idéal à poursuivre, qu’une réalité fréquente à inscrire au livre
d’or des fils de la Science et de la Volonté.

L’esclave de la matière pullule, en revanche.

Pour lire la suite de ce chapitre :

 La Roue du Devenir
 L’Équilibre et son Agent

La Force

Chapitre IV

La volonté ! Le Tarot des bohémiens porte inscrit, sur son feuillet onze, le
simple et majestueux emblème de cette déesse.

On y voit une jeune fille, debout dans les plis d’un manteau d’apparat, et
coiffée du signe cyclique de la Vie universelle, dompter sans le moindre
effort un lion en fureur, dont elle clôt des deux mains la gueule
rugissante. Sur son, visage transparaît la sérénité de la Force consciente
d’elle-même ; l’attitude est si calme qu’on y lirait l’indolence, si la virilité
de l’acte n’infligeait un démenti à l’expression placide des traits.

Son genou fait saillie sous la robe, il semble ployé1. Cet indice donne à
penser que l’hiéroglyphe original la peignait assise. Sans doute un cartier
malhabile, reproduisant l’emblème primitif, aura cru pouvoir supprimer

95
le fauteuil, sans prendre soin de redresser entièrement la posture du su-
jet.

Ce détail fautif se trouve corrigé dans le Tarot d’Etteilla, qui date de la


fin du xviie siècle. La déesse y est peinte sur un trône ; contre son genou
repose la tête du lion apaisé, qui va s’endormir. Une fois, par hasard,
Etteilla nous semble avoir vu juste.

96
Qui ne connaît, au moins de nom, ce perruquier gendelettres,
contemporain de Mesmer et de Cagliostro ? Peu enthousiaste de son
gagne-pain cosmétique, il s’en élut un autre, et cultiva fructueusement
les hautes sciences, en particulier celle du Tarot, que le savant Court de
Gébelin venait de mettre à la mode : bref, le digne coiffeur, qui se nom-
mait tout simplement Alliette, s’établit astrologue, devin et philosophe
hermétique, sous son nom inversé d’Etteilla. Il ne manquait ni de
clairvoyance naturelle, ni d’une certaine érudition tumultueuse et mal
digérée. En son domicile de la rue de l’Oseille, au Marais, Etteilla,
« professeur d’Algèbre (comme il s’intitulait), astrophilastre et
restaurateur de la cartomancie pratiquée chez les Égyptiens, » donna,
moyennant salaire honnête, des consultations et des leçons particulières.
La vogue lui fut bientôt acquise ; il fit fortune et roula carrosse. Mal-
heureusement, il se mêla d’écrire, et ses œuvres, — qu’on réunit
d’ordinaire en deux forts volumes, ornés de figures en taille douce, — ne
donnent pas l’idée de ce que pouvaient être ces fameuses consultations
divinatoires, qui ont fait courir tout Paris. — Doué d’une perspicacité
peu commune, et d’une grande aisance dans le maniement des nombres
et des figures, il étonnait chez lui, le crayon ou le compas à la main,
parmi les bizarreries de ses diagrammes et le bariolage de ses tarots.
Mais l’illusion tombe, en face de son œuvre écrite. Cette pénible
compilation, sans ordre ni clarté, trahit le, manque d’instruction
première et ne soutient pas la lecture... Etteilla fit pis encore : il publia
une édition expurgée du Tarot ! On peut dire que la fantaisie laborieuse
mais biscornue de ce singulier correcteur a bouleversé de fond en comble
les arcanes du Livre de Thoth, intervertissant l’ordre des lames, et
parfois substituant aux vieux symboles magiques les caprices d’une
imagination superlativement brouillonne et déréglée. Une fois ou deux,
néanmoins, il a rencontré juste, — et c’est, en vérité, le cas du feuillet qui
nous occupe.

La onzième clef du Tarot s’explique et se commente d’elle-même. La


déesse, assise ou debout, signifie toujours la Volonté vivante, dont la
vertu, décuplée par l’entraînement, dompte sans effort la rébellion des
forces instinctives et passionnelles.

Le lion, qui symbolise ces dernières, figure aussi leur milieu nourricier,
la lumière astrale, dont il est un des plus antiques hiéroglyphes. À ce
point de vue, le pentacle exprime l’empire qu’exerce la Volonté sur les
fluides hyperphysiques, les Esprits élémentaires et les Lémures qui
hantent la région sans limite.

97
L’apocryphe des Oracles de Zoroastre, que nous avons déjà cité, à
propos des mirages errants, désigne le lion comme la figure synthétique
en quoi se résument, quand le voyant prolonge son extase, toutes les
Puissances hallucinantes du royaume astral. « Cernes omnia leonem2 »,
dit le texte latin.

« Le signe [zodiacal] du lion (peut-on lire au très estimable traité de


Light of Egypt), symbolise la force, le courage et le feu...
Kabbalistiquement, le signe du Lion figure le cœur du Grand Homme, et
représente le centre vital du système circulatoire fluidique de l’humanité,
C’est aussi le tourbillon de feu de la vie physique3. »

Telles sont les forces, également insurrectionnelles dans le monde et chez


l’homme (dans les sphères du Macrocosme et du Microcosme), et que la
Volonté domine et dirige magiquement, — comme l’adepte des mystères
chaldéens faisait des lions sacrés, nourris dans le temple en vue des
épreuves, et qu’il devait rendre dociles au magnétisme du geste et de la
voix.

Quant à l’Héroïne symbolique de l’emblème, nous la préférons assise,


car elle représente alors la Volonté robuste, sur le trône de l’inébranlable
Raison. Et le fauve, vaincu par le double prestige de la majesté jointe a la
douceur, repose son animal apprivoisé sur les genoux de l’Immortelle.

L’indication n’est point négligeable encore, que fournit le signe, vital


universel placé sur la tête de la déesse. Il proclame, — ce huai renversé,
— qu’en tous lieux de l’univers eu la vie étend son empire, la Volonté
humaine peut saisir le sceptre, et que sa sphère d’action n’a pas d’autres
frontières que celles mêmes de l’existence, soit occulte soit manifestée.

Volonté de l’homme, ainsi que Fabre d’Olivet l’a magistralement établi,


constitue l’une des trois grandes Puissances qui régissent l’Univers.

Dans l’individu, comme dans l’être collectif humain, la Volonté embrasse


et maîtrise de son étreinte unitaire les trois vies instinctive, animique et
spirituelle, qui alimentent et soutiennent trois modifications de la
Psyché : l’âme sensitive, l’âme passionnelle et l’âme intelligente. Le siège
central de la Volonté réside en la partie médiane de l’Être humain ; mais
cette faculté peut s’amoindrir ou s’accroître, descendre dans l’instinct ou
ascendre dans l’intelligence, pour y séjourner plus ou moins à demeure.

98
Ces choses remémorées succinctement, car le Lecteur les connaît déjà,
notifions encore ce fait que nous atteste l’unanimité des traditions
sacerdotales : qu’en la sphère d’Eden, avant la chute, la volonté d’Adam-
Eve était créatrice, sans restriction ni tempérament à ce pouvoir quasi-
divin. L’homme universel exerçait la souveraineté dans toute l’étendue
de l’enceinte organique dont il occupait le centre ; il y régnait au même
titre que les autres dieux, — consubstantiels au Verbe comme lui, — ré-
gnaient chacun dans sa sphère propre ; au même titre enfin, s’il le faut
dire, que ce Verbe divin lui-même régnait au plérôme intégral de la
Divinité.

Pour la suite du texte :

La Roue du Devenir

Chapitre III

Une solide plate-forme, où siège le sphinx impassible.

Plus bas, une vaste roue, entée sur un axe mobile, que deux supports
maintiennent à la hauteur voulue.

Deux monstres — les Génies antagonistes du Mal et du Bien, —


cramponnés à cette roue, de gauche et de droite : là descend un démon
cornu, la tête en bas, la fourche au point sénestre ; il entortille au volant
ses jambes incertaines et squameuses. Ici, c’est un cynocéphale qui
remonte ; sa tête est près d’atteindre à la plate-forme du sphinx, et sa
droite lève un caducée...

99
Tel est l’admirable emblème que nous présente la dixième lame du Livre
de Thoth.

En haut, l’Absolu manifesté, le Verbe, potentiel d’une inépuisable


création. C’est le sphinx égyptien, qui résume en sa forme synthétique
celles des quatre animaux sacrés de la Kabbale (Haïoth hakkadosch),
figuratifs des quatre lettres de l’incommunicable Iod-hé-vau-hé ‫יהוה‬.

100
Typhon, descendant à gauche, symbolise l’exode involutif des sous-
multiples verbaux, qui sombrent dans la matière, entraînés au poids de
leur chute, et qui donnent ainsi le branle à la grande roue du Devenir.

A droite, Hermanubis emblématise, en remontant, l’évolution des formes


progressives de cette matière même, réactionnée par l’Esprit, et le retour
des sous-multiples à l’intarissable Unité-mère d’où ils furent émanés.

C’est, d’une part, le daïmon de l’Involution, qui, dans sa chute


grimaçante, n’a pu perdre entièrement la figure humaine, — similaire de
l’image divine, — cette figure que ne parviennent point à dénaturer les
cornes de la rébellion, de l’égoïsme et de l’orgueil. — D’autre part, le
daïmon de l’Évolution ascendante, qui, brandissant le caducée de la
science et de l’équilibre, et sur le point d’escalader la plate-forme
sphingienne, garde encore sur son visage le stigmate infamant de
l’animalité, symbole des règnes inférieurs d’où il émerge... Quel
contraste plus grandiose et plus significatif ?

Les deux silhouettes monstrueuses figurent, en dernière analyse, un seul


et même personnage, — l’Adam Cosmique, — sous les deux aspects
complémentaires de la chute et de l’ascension, ou, si l’on veut, dans les
deux tendances inverses de l’Analyse et de la Synthèse, de la
différenciation et de l’intégration universelles.

Mais que dire de la conséquence immédiate de ce mouvement double : le


branle imprimé à la roue du Temps sans borne, qui va multiplier ses
tours, embrassant l’Espace illimité dans la sphère de sa rotation ? N’est-
ce point qu’elle touche au sublime, l’éloquence hiéroglyphique des
auteurs du Tarot, habiles à préciser, en cette simple image, le Comment
et le Pourquoi du rapport mystérieux et profond qui lie à la déchéance
de l’Adam céleste, la création de l’univers physique et l’ouverture du
cycle temporel ?

Au point de vue du total Cosmos, envisagé non plus dans les principes
de sa genèse, mais dans le fait de son gouvernement et les ressorts de son
déterminisme occulte, notre pentacle ne sera pas moins significatif : le
sphinx deviendra l’emblème de la Providence, le cynocéphale, celui de la
Volonté, et le démon celui du Destin.

Or, ces trois Puissances lectrices du Cosmos constituant en vérité sa


triple nature, intellectuelle, psychique et instinctive, — voilà la transition
logique entre les vues qui précèdent et un autre ordre de

101
correspondances non moins essentielles. Que si nous passons en effet de
la Cosmogonie à l’Ontologie, la dixième clef du Tarot nous révélera la
constitution ternaire de tout être : Esprit, Âme, Corps.

Le sphinx symbolisera l’élément spirituel, actif et mâle, ou le soufre-


principe des Alchimistes ; Typhon, l’élément corporel, passif et féminin,
ou le sel des alchimistes ; — Hermanubis, enfin, figurera le moyen terme
entre l’Esprit et le Corps : l’élément animique, ou Mercure des
alchimistes, qui est androgyne, c’est-à-dire actif relativement au Corps et
passif à l’égard de l’Esprit1.

Ceci nous donne la polarisation générale de chaque être : pôle positif, +,


l’Esprit ; pôle négatif, -, le Corps ; centre d’équilibre, l’Âme.

D’ailleurs, l’Esprit, l’Âme et le Corps, envisagés séparément, présentent


chacun son ternaire de polarisation bien distinct : pôle positif, pôle
négatif, et neutre équilibré ; — ainsi qu’on peut s’en rendre compte en
étudiant à ce point de vue le magnifique schéma publié par Fabre
d’Olivet, dans son Histoire philosophique du Genre humain2, en une
planche hors texte3, et qui fait malheureusement défaut dans un grand
nombre d’exemplaires.

Mais c’est loin d’être tout. — Nous sommes amené à faire connaître ici
les principes d’un système de polarisation double et sextuple, applicable
à tous les êtres vivants, depuis les Puissances constitutives de l’Univers
envisagé comme tel, jusqu’au plus humble exemplaire individuel qu’on
veuille choisir, soit chez l’homme, soit même dans la série animale4.

Cette loi d’universelle polarisation des êtres constitue l’un des arcanes
les plus occultes de la Magie. Sa révélation précise s’adresse aux seuls
initiés... C’est un joyau qu’on détache en leur faveur de cet écrin
magnifique où l’Antiquité sacerdotale entassa les trésors de son
ésotérisme : profonde réserve scientifique du passé, où l’avenir peut
longtemps puiser à mains pleines, sans nul risque d’en tarir les richesses.

Nous ne sachions pas que cette théorie ait jamais été divulguée. Le
docteur Adrien Péladan lui-même n’en fait pas mention dans son livre
génial de l’Anatomie homologique5. Du moins est-il certain qu’il la
connaissait. Joséphin Péladan transcrit en effet, dans l’introduction qu’il
a mise en tête du livre posthume de son frère, une page très remarquable
d’une brochure antérieure, où le docteur Adrien fait une allusion directe
à la loi de polarité cérébro-sexuelle, et déduit ingénieusement l’une de

102
ses conséquences. Quant aux autres ouvrages du même genre que nous
avons pu consulter, il ne s’y trouve pas vestige de cette théorie.

Nous parcourions naguère la collection du Lotus, excellente revue


d’occultisme, qu’une disparition prématurée empêcha seule de tenir ce
qu’elle promettait, et ce qu’un bon lexique des matières collationnées par
ordre en eût fait à coup sûr : l’encyclopédie théosophique des études
boudhistes en France. La page 102 du premier tome mit sous nos yeux
un article (reproduit du Theosophist), où se trouve posé, sous la
signature N. C, le problème de la polarité humaine, à propos de deux
livres parus quelques mois auparavant, l’un de M. le docteur Chazarin6,
l’autre de M. le Professeur Durville7.

Tout en rendant justice au mérite comme à la courageuse initiative dont


firent preuve ces deux explorateurs d’un monde assez nouveau, M. N. C.
aborde, au nom de la science occulte, la critique des deux ouvrages. Ce
n’est guère le lieu de résumer ces opinions. Bien que le censeur nous
paraisse, à vrai dire, sinon partial en faveur du docteur Chazarin, du
moins un peu sévère pour M. Durville, dont l’ouvrage est des plus
remarquables, nous ne prétendons point décider à qui revient la palme
de la découverte, ni même examiner si découverte il y a.

C’est le critique lui-même que nous mettrons sur la sellette.

Il cueille et nous offre, avec la curiosité consciencieuse d’un érudit


herboriseur du Mystère, un certain nombre de détails d’un réel intérêt ;
mais qu’il nous permette de lui marquer notre surprise, —puisqu’il
prend la parole au nom de l’Occultisme, de le voir négliger les grandes
avenues de la science, pour battre les buissons à la recherche de ses
fleurettes.

Sans doute, les amateurs de physiologie secrète seront heureux


d’apprendre (s’ils ne le savent déjà) que dans l’homme il y a sept forces,
correspondant aux sept principes analytiques de M. Sinnett, et que
chacune de ces forces se polarise à part sur son plan spécial d’activité ;
que la moitié droite du corps est positive, l’autre négative ; que les ar-
tères et les nerfs moteurs sont de nature positive, les veines et les nerfs
sensitifs de nature négative ; que deux liquides de caractère chimique
différent, séparés par une cloison poreuse, génèrent, ainsi que l’a
démontré M. John Trowbridge, un courant d’électricité : d’où il résulte
que l’endosmose, s’exerçant à travers les tissus de l’organisme, doit
donner naissance à un courant ; — qu’enfin, le coude est légèrement

103
positif pour la poitrine, et la main quelquefois négative pour le pied,
quelquefois positive.

Pour lire la suite du chapitre :

L’Équilibre et son Agent

Chapitre I

Ouvrez le Livre de Thoth au huitième feuillet [1]. Thémis qui, trônant


entre deux colonnes, tient ferme en sa droite le glaive et les balances
dans sa main gauche, vous révélera l’arcane de l’universel équilibre.

Les deux plateaux qui se font contrepoids symboliseront pour vous :

1 — Dans le monde divin, les nuptiales harmonies de la Sagesse et de


l’Intelligence [2] ;

2 — Dans le monde psychique, l’union salutaire et féconde de la


Miséricorde et de la Justice ;

3 — Enfin, dans le monde hylique [3] ou astral (substratum du monde


matériel), ces deux plateaux seront pour vous l’emblème des deux
Puissances mâle et femelle génératrices du Cosmos, lui-même
androgyne ; c’est à savoir d’Hereb et d’IônahPour rester fidèle à la
terminologie des Kabbalistes zoharites (en suspendant la balance
séphirothique dans le troisième monde au clou de Yésod, ‫יסוד‬,comme
nous l’avons fait dans les deux premiers aux clous de Kether et de
Thiphereth), il nous faudrait écrire Hod, ‫הוד‬, et Netzach, ‫נצח‬, au lieu
d’Hereb, ‫ערב‬, et d’Iônah, ‫יונה‬. Mais aux mots sacrés de la Kabbale, nous
préférerons toujours, quand l’occasion se présentera d’en faire usage, les
hiérogrammes originaux de Moïse, d’une précision ésotérique bien
supérieure. Ne mettons jamais en oubli ce fait, que le Zohar, livre
fondamental et sacré de la Kabbalah, n’est (si sublime soit-il et
révélateur) qu’un humble commentaire du Pentateuque mosaïque, et
principalement de la Genèse. Il est écrit d’ailleurs en dialecte de
Jérusalem, c’est-à-dire en hébreu dégénéré., principes des deux forces
centripète et centrifuge, qui se manifestent : la première par le Temps,
créateur et dévorateur des formes transitoires ; l’autre, par l’Étendue
éthérée. L’Étendue est Rhéa, (épouse de cet implacable Kronos, dont le
rôle est d’évertuer sans trêve la substance plastique qui est en elle, de

104
l’élaborer et de la condenser en d’éphémères modes de matière
diversement spécifiée, vivante et protéenne à l’infini).

Ce que de pareilles notions peuvent offrir d’étrange et d’énigmatique à


l’esprit, sera tiré au clair par la suite.

Quant au glaive qui charge la main droite de Thémis, il symbolise la


Puissance et ses moyens d’action, à tous les degrés et dans tous les
Mondes. — Pour nous en tenir au plan astral, qui nous occupe ici, ce
glaive est celui du collectif Kéroubîm, image de l’Éther instrumental et
potentiel, qui détermine et maintient l’équilibre cosmique.

Ce mystérieux agent compte ses noms par centaines. — C’est, au dire des
Kabbalistes, le serpent fluidique d’Asiah. — Les vieux platoniciens y
voyaient l’âme physique du monde, qui tient enclose la semence de tous
les êtres, et les Gnostiques Valentiniens le personnifiaient en Démiurge,
« l’ouvrier inconscient des mondes d’en bas ». — Au gré des
hermétiques, c’est, suivant le point de vue, la ), ouQuintessence des
éléments, l’Azoth des Sages (ou 3 fécondé par encore le Feu Secret,
vivant et philosophal. — C’est, pour les magiciens, l’Intermédiaire des
deux natures ; c’est le Médiateur convertible, indifférent au Bien comme
au Mal, et qu’une volonté ferme peut plier à l’un comme à l’autre. —
C’est le diable enfin, si l’on veut ; c’est-à-dire la Force substantielle que
les sorciers mettent en œuvre pour leurs maléfices.

Puissance inconsciente par elle-même, mais propre à réfléchir toutes les


pensées ; Puissance impersonnelle, mais susceptible de revêtir toutes les
personnalités ; Puissance envahissante et dominatrice, que l’adepte peut
néanmoins pénétrer, contraindre et subjuguer, — et ce, dans une mesure
plus stupéfiante encore que ne l’imaginait le populaire superstitieux au
beau temps des Lancre et des Michaelis : c’est, en un mot, la lumière
astrale, ou Médiateur plastique universel.

Ce chapitre fera connaître au Lecteur averti la nature déconcertante et les


modes d’activité de cet agent effectif de l’équilibre de ce mysticum robur
que les scélérats de la Goëtie ont personnifié monstrueux à leur propre
image, avec les stigmates distinctifs de l’animalité, vers laquelle eux-
mêmes régressent. Si bien que le poète Piron a pu, pour leur plus grande
joie, crayonner, en huit vers drolatiques, le portrait du Diable d’enfer, —
sans le flatter, il est vrai ; mais sans qu’il ait droit aussi de récuser la
ressemblance :

105
Il a la peau d’un rôt qui brûle,
Le front cornu,
Le nez fait comme une virgule,
Le pied crochu,
Le fuseau dont filoit Hercule
Noir et tordu,
Et, pour comble de ridicule,
La queue au cu.

Pour lire la suite :

L’équilibre et son agent

Notes

[1] Huitième clef du Tarot : la Justice.

[2] Le français n’étant pas une langue sacrée, la plupart des mots de cet
idiome sont arbitrairement dévolus aux genres masculin ou féminin ; or
le hasard et l’intuition vague ne peuvent toujours tomber juste. Il ne faut
donc pas trop s’étonner qu’il soit question des noces de la Sagesse et de
l’Intelligence, et plus bas, de l’union féconde de la Miséricorde et de la
Justice. Ce sont là termes kabbalistiques. Or, dans la classification des
ternaires séphirothiques polarisés, que nous visons en ce passage,
Hochmah, ‫חכמה‬, (la Sagesse) est marquée du signe mâle et positif, comme
aussi Hesed ‫( חסד‬la Miséricorde) ; — et ce, par opposition à Binah, ‫בינה‬
(l’Intelligence) et à Geburah ‫( גבורמ‬la Rigueur, la Justice), qui sont
marquées du signe féminin et négatif. (Voir n’importe quel traité de
Kabbale).

[3] Ésotériquement, Hylé, Υλη,veut pas dire matière brute, sens très
restreint qui lui est vulgairement dévolu. — Hylé des philosophes grecs,
et des rabbins initiés, signifie : substance en fermentation, matière subtile
en travail. (Consulter Fabre d’Olivet, La Lang. hébr. rest., II, 77 ; —
Drach : l’Harmonie entre l’Église et la Synagogue, I. 56 — et l’Hist. du
Manichéisme de Beausobre, II, 268).

L’Ermite

Chapitre II LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE

106
La neuvième clef du Tarot ouvre à l’intelligence affranchie les mystères
de la solitude.

Un ermite à barbe inculte, la main gauche appuyée sur sa canne, se guide


aux clartés d’une lanterne qu’il soulève de la droite et dissimule un peu
sous les plis de son large manteau. — Voilà l’emblème.

Le sens en est multiple, comme celui de tous les hiéroglyphes. Nous


nous attacherons à la signification moyenne, celle qui se propose
naturellement à l’esprit. Néanmoins, dans la sphère même où notre
interprétation se limite, le pentacle peut s’éclairer de deux jours très
différents, selon qu’on l’envisage de deux points de vue opposés.

L’ermite symbolisera toujours le solitaire ; mais cet ermite peut être un


sage, — ou un fou.

Sage, il s’isole dans sa science et sa pureté ; drapé de la bure de sa vertu


sereine, il brave toutes les contagions du dehors. Mais plein de
sollicitude envers ce monde imparfait d’où il s’exile, et par égard pour
les yeux faibles qu’aveuglerait une trop éblouissante lumière, il cache
aux trois quarts le flambeau du Vrai sous son manteau de prêtre, qui
n’en laisse prudemment filtrer que des rayons affaiblis. Son bâton à sept
nœuds, — emblème du critérium infaillible que confère à l’initié l’intelli-
gence du Grand Arcane, — son bâton représente la verge de Moïse, la
baguette des miracles, la crosse du parfait épiscope : c’est le sceptre de
l’unité-synthèse.

Autre version : le fou protège à grand peine la flamme vacillante de sa


pauvre lanterne, lumière illusoire et décevante, qu’éteindrait le moindre
souffle de cet instinct collectif des foules, qui a nom le sens commun.
C’est que l’insensé a peuplé sa solitude d’hallucinations fugitives comme
le rêve, et de mensongères créatures, auxquelles son vouloir peut seul
prêter un semblant d’existence, son obstination une apparence de
durée... Il végète ainsi, cloîtré dans un séminaire de formes vaines et
vides, qu’il prend pour la réalité ; se fiant au faux jour de son système à
priori, dont la lanterne est le symbole. La canne ? ne figure-t-elle point,
sa logique de maniaque, puissante encore que dévoyée ; sa déraison
toujours systématique, et les artifices où son imagination se dépense,
sans s’épuiser jamais, pour prolonger l’illusion et pouvoir se mentir à
elle-même avec une conviction de jour en jour plus affermie ?...

Parlons du fou d’abord, nous voulons dire — du sorcier.

107
Cet homme vit seul d’habitude. Redouté des uns, bafoué des autres,
odieux à tous, la vie commune lui est un supplice ; il s’en affranchit le
plus qu’il peut.

Mais l’état de société étant pour l’homme une condition normale,


organique, presque absolue de l’existence, le sorcier ne fuit guère ses
voisins, parmi lesquels il serait une exception monstrueuse, que pour se
créer à l’écart une compagnie d’êtres décriés, suspects et hideux comme
lui.

Là se révèle la raison majeure de ces assemblées toujours excentriques,


parfois criminelles, que nous avons dépeintes d’après la légende1.

On ne saurait mettre en doute l’effective réalité de ces nocturnes


réunions de malfaiteurs et de nigromans ; maintes fois la sorcellerie y
servait de prétexte et de couverture à des forfaits moins pittoresques,
ainsi qu’ailleurs nous l’avons noté2. Mais les adeptes qui ne pouvaient se
rendre en corps à la synagogue y allaient en esprit : tel sorcier fréquentait
communément les sabbats, sans quitter son lit ou son fauteuil.

A l’appui de cette opinion, le philosophe Gassendi nous a conservé le


souvenir d’une aventure bien remarquable3 et dont la portée
n’échappera sans doute à personne.

Comme il se promenait par la campagne, il aperçut un groupe de


manants furieux qui traînaient brutalement un malheureux berger, ligoté
dans d’étroites courroies. Gassendi s’en émut et s’informa. — C’est un
sorcier, lui dit-on, redouté de tous pour les maléfices qu’il exerce sur les
hommes et sur les troupeaux. Nous l’avons surpris en flagrant délit de
sortilège ; de ce pas nous allions livrer au magistrat.

L’homme de science les en dissuada vivement :

— Conduisez le gaillard chez moi : je veux voir... je veux l’interroger seul


à seul.

Les paysans vénéraient Gassendi, connu pour ses bienfaits dans tout le
pays d’alentour. Ils n’eurent garde de rien objecter à cet ordre, et quand
ils se furent retirés :

— Fais ton choix, dit Gassendi : tu vas tout avouer et je te baille la clef
des champs. Si tu refuses, la justice aura son cours...

108
L’homme, tout tremblant d’une si chaude alerte, ne témoigna nul goût à
lier connaissance avec Nosseigneurs du Parlement : on brûlait encore, à
cette époque-là, pour crime de sorcellerie. Il commença donc, sans
hésiter, la plus étrange confession.

Je suis sorcier depuis trois ans, Monsieur, et deux fois la semaine je me


rends au Sabbat... C’est affaire d’avaler si peu que rien d’un extrait balsa-
mique. Vers minuit, paraît le Malin, sous l’apparence d’un bouc
monstrueux ou d’un chat géant aux ailes de ténèbres ; il s’envole par la
cheminée, après vous avoir chargé sur ses épaules...

Tu me donneras de ce baume, répliqua Gassendi sans s’émouvoir.


L’expérience paraît originale ; j’en veux courir la chance... bref, je compte
te suivre au Sabbat.

Qu’à cela ne tienne, mon maître ! J’y dois aller ce soir-même ; nous
cheminerons de compagnie.

En attendant l’heure fatidique de la medianoche, le berger, plus à son


aise, fit au savant la description circonstanciée des lieux incultes où
Satanas convoquait ses féaux ; il avoua les plus innommables débauches,
peignit d’ignobles accouplements et de sauvages agapes. Nous ferons
grâce au Lecteur des détails qu’il a pu lire au chapitre II du Temple de
Satan : une réédition de ce genre paraît inopportune ; c’est vraiment
assez d’une fois. Au sabbat, — et surtout dans l’imagination polluée de
ceux qui s’y rendent, de fait ou en esprit, — l’obscène le dispute au
grotesque et l’horrible au pitoyable.

A l’heure dite, le sagace philosophe reçut sans broncher sa part du


balsamique électuaire, qu’il fit mine de prendre, au même instant qu’il
l’escamotait. Son compagnon absorba la sienne en conscience, et tous
deux s’étendirent à terre, auprès de la cheminée. Le berger ne tarda point
à s’endormir d’un sommeil rauque et fort agité. Sa face se congestionna
vivement, d’incompréhensibles paroles s’exhalèrent de ses lèvres,
entrecoupant par saccades sa respiration sifflante et pénible. Entre
temps, des soubresauts convulsifs marquaient l’intention bien nette de
s’élancer par les airs... Gassendi observait et notait à mesure.

Au réveil, le pauvre hère félicita celui que désormais il saluait son


complice, et l’interpellant avec une volubilité comique : — N’êtes-vous
point ravi de l’accueil du bouc Léonard ? Il faut qu’il vous ait de suite

109
reconnu grand clerc, pour vous avoir, dès la première fois, concédé
l’insigne honneur de lui baiser le derrière...

Pour lire la suite du texte :

Le Temple de Satan - Le Serpent de la Genèse.

Le Diable de Stanislas de Guaita

Le texte qui suit provient du « Serpent de la Genèse - Première Septaine -


Le Temple de Satan », Hector et Henri Durville éditeurs, Paris, 1915.
Nous offrons au lecteur la reproduction du premier chapitre : LE
DIABLE. "Au sens vulgaire - familier à tous ceux que la Science divine ne
compte pas au nombre de ses adeptes - le Serpent de la Genèse
symbolise le Diable, l’Esprit du mal personnifié dans Satan. Satan ? le
Diable ? le Malin ?... Allons, vous voulez rire ! Qui donc l’a vu jamais, ce
spectre fait de fumée ? Où se montre-t-il, si ce n’est dans le brouillard des
imaginations troubles et malsaines, ou dans le kaléidoscope obscur des
âmes faibles et timorées ?... A-t-il jamais pris une forme accessible à mes
sens, au témoignage exclusif desquels je fais profession de croire ? - Non.
Pas plus que Dieu, son tyrannique antagoniste, pas plus que Dieu, son
bourreau sans merci, Satan ne manifeste sa présence dans l’Univers... Le
Diable, Monsieur ! vous plairait-il m’enseigner où il habite ?

Au matérialiste qui parle ainsi, nul ne s’avise d’objecter une réplique


assez simple : - Il habite en vous.

Partout où les ténèbres fétides de la négation, offusquant l’intelligence de


l’homme, abolissent en lui la vie spirituelle et peuvent oblitérer ce sens
intérieur qui donne l’intuition du divin et l’assentiment de l’éternel, - en
vérité, Satan est là sous sa forme métaphysique : l’Erreur.

110
Partout où la perversité corrode les pauvres âmes jusqu’à dissoudre les
liens intimes de solidarité qui les rattachent l’une à l’autre ; partout où le
scepticisme déprave les consciences, jusqu’à confondre en elles les
notions du juste et de l’injuste, - en vérité, Satan est là sous la forme
psychique : l’Egoïsme.

Partout enfin où la libre volonté de l’homme, induisant la Nature (ce


miroir du divin) au plus épouvantable mensonge, la force de renier la
gloire de son type céleste, en substituant la discordance arbitraire des
mauvais vouloirs individuels à la sage harmonie des lois générales, - en
vérité, Satan est là sous la forme sensible : la Laideur. Erreur, cécité des
esprits ! Egoïsme, mauvaise haleine des âmes ! Laideur, difformité des
corps !... C’est toujours la silhouette infâme de Satan, reflétée dans les
trois mondes de la pensée, du sentiment et des choses sensibles."

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Le Diable
Tiré du Temple de Satan de Stanislas de Guaita.

Le Temple de Satan - Chapitre II - Le Serpent de la Genèse

Le Sorcier - Stanislas de Guaita

De tous temps, il s’est rencontré des hommes superstitieux et méchants,


curieux des mystères pour les profaner, jaloux de la Science pour en faire
abus, ambitieux du pouvoir pour régner dans le désordre et par le crime.
La Magie est apparue à ces pervers comme un triple instrument de
tyrannie, de jouissance et d’intimidation - et ce rêve impie d’un
despotisme sans frein ni contrôle, étayé sur le monopole des
connaissances interdites au vulgaire les a séduits, trompés et perdus. Car
là Science est de droit divin : qui convoite ses trésors dans un espoir de
prévarication impunie, s’égare dans le souterrain qui mène au secret
caveau ; il s’enfonce dans les profondeurs s’il croit remonter, et la clarté

111
lointaine qu’il prend pour la lampe du seuil n’est que le reflet anticipé du
bûcher d’expiation.

Cependant, la Nature, respectueuse du libre arbitre, a doué l’homme de


moyens d’action dans l’iniquité comme dans la vertu ; l’agent occulte
obéit à toute volonté, sainte ou perverse, et si l’égoïste est inapte à la
conquête du Vrai, du moins il peut le Mal.

Dans quelles circonstances le qualificatif de sorcier lui est-il applicable ?


La question paraît délicate. En effet, les êtres supérieurs qui font servir la
science à des œuvres de ténèbres ne sont pas à proprement parler des
sorciers, encore qu’ils accomplissent des rites maudits. Les bateleurs non
plus ne sont pas forcément des sorciers, quoique bien des bateleurs
soient sorciers, ou si l’on préfère, quoique bien des sorciers soient
bateleurs.

Expliquons-nous. - On s’accorde assez communément pour voir dans les


sorciers d’audacieux charlatans : je me garde bien de dire qu’on a
toujours tort. L’histoire est là pour attester leur dégradation morale ; elle
les fait voir trempés dans la lie des crimes, et de tels hommes ne peuvent
être que des hypocrites. En mainte occurrence, à force de mystifier
autrui, n’ont-ils pas fini par se mystifier eux-mêmes ? Je le veux bien.

Il messiérait pourtant de généraliser cette hypothèse. S’il y a des sorciers


plus ou moins charlatans, il est sûr que nul d’entre eux n’est un
sceptique absolu. Leur déchéance intellectuelle et morale - les incitant à
croire ce qui est absurde à l’exclusion des choses qu’avoue la raison -
nous fournit la clef de cette anomalie.

Parlons-nous du classique sorcier ? du ténébreux adepte de la magie


noire ? Celui-là croit éperdument à sa propre puissance. Il n’a pas tort,
car elle est réelle ; mais il n’en soupçonne pas plus la cause médiate qu’il
en discerne l’agent médiateur.

Parlons-nous des médiums et autres sorciers contemporains ? - Elle est


sujette à des intermittences, cette Force qu’ils prétendent diriger et qui
les mène, déchaîner à leur gré et qui les enchaîne à la fatalité de son
propre mouvement : en sorte qu’ils se trouvent réduits au rôle
d’escamoteurs, dès qu’elle vient à leur manquer.

112
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Bonjour , quelqu un pourrait il me donner la date de l’édition


originale de l ouvrage « le serpent de la Genèse » 1 ere septaine
« Le temple de Satan » En vs remerciant d’avance

Salut,

Henri et Hector Durville Editeurs, Paris, 1915.

Amitiés

Spartakus

Répondre à ce message

 Le Sorcier - Stanislas de Guaita

11 janvier 2008 07:25, par captain sheridan

Les éditions originale

# Première septaine, Le Temple de Satan, Paris, Carré, 1891.

# Deuxième septaine, La Clef de la Magie Noire, Paris, Carré, 1897.

# Troisième septaine, Le Problème du Mal (inachevé, en partie


poursuivi brillamment par Oswald Wirth, et « achevé » de façon
fort décevante par Marius Lepage), Ed. Guy Trédaniel

113
Temple de Satan - Chapitre III - Le Serpent de la Genèse

Les Oeuvres de Sorcellerie par S. de Guaita

Mais le Mage n’est point en cause : il ne s’agit que du Sorcier. - L’ouvrier


nous étant connu, il est temps d’en venir à l’œuvre. Elle fournira le sujet
de ce chapitre ni. Nous abordons la sorcellerie, qu’on peut définir la mise
en action, pour le mal, des forces occultes de la nature.

Déjà tout à l’heure, esquissant la silhouette du Diable et le portrait du


sorcier, nous avons plus qu’effleuré le thème du présent discours. Il le
fallait ainsi pour l’agrément de nos premières pages. Le tableau du
Sabbat, en particulier, a synthétisé et concrète sur le vif le cérémonial
d’un certain nombre de maléfices, accomplis dans l’ordre traditionnel de
leur groupement.

Mais après la synthèse, dont le rôle est de noyer les détails dans
l’harmonieuse fusion d’une vue d’ensemble, doit venir l’analyse qui,
ramenant ces objets divers l’un après l’autre au premier plan, restitue à
leurs contours la fermeté, le trait ; à leurs surfaces, la variété des teintes
qui les nuancent... Bref, nous avons dû réserver pour cette heure
l’examen des sortilèges par le menu et la spécification scrupuleuse des
rites usuels au magicien noir.

Ce n’est point lecture folâtre que celle d’un Rituel, - et résumer le rituel
du plus triste des pontifes, telle est, en somme, notre tâche présente.
Faisons des vœux pour que la bienveillante attention du public ne se
lasse pas trop à l’implacable monotonie d’une telle nomenclature. Du
moins tâcherons-nous d’en rompre l’ennui didactique, au hasard de
quelques anecdotes.

114
Est-il besoin de rappeler que nous répudions pour l’instant tout
commentaire explicatif ? La Clef de la Magie noire (1) ouvrira pour nous
ces arcanes : nous distinguerons alors ce qu’il peut y avoir de réel et de
terrible dans le pouvoir presque illimité que le consensus unanime des
peuples a prêté constamment aux sinistres praticiens de la Goëtie ; la
raison d’être de ce pouvoir nous sera révélée en même temps que le
mécanisme de ses effets.

C’est alors seulement qu’un lecteur judicieux s’estimera en mesure de


prononcer et le pourra sans présomption, en confrontant les documents
fournis à son loyal examen et les explications proposées à son sagace
arbitrage.

II semble que d’ici là, toute réserve s’impose à lui. Il n’en saurait être de
même pour l’écrivain, dont le premier devoir est de sacrifier la logique
même de son plan à l’intérêt et sur toutes choses à la clarté.

Que si, dans cette première septaine, où le sommaire des opinions


communément admises devrait seul trouver place en regard des faits
allégués, l’auteur laisse préjuger parfois son propre sentiment, ou trahit
d’aventure ses préférences doctrinales, il s’en excuse assurément comme
d’un vice de forme. Mais la correction du fond dogmatique, voilà
l’essentiel. Du moins le croit-il ainsi et le but qu’il a visé sera sans doute
atteint, si ses conclusions, prématurément devinées ou pressenties à
contre-temps, trouvent deux fois leur justification, et dans l’éloquent
plaidoyer des faits eux-mêmes, et dans l’enchaînement rationnel des
hypothèses explicatives de ces faits.

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Les Oeuvres de Sorcellerie


Troisième chapitre du Temple de Satan, première septaine du
Serpent de la Genèse.

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115
A l’heure où nous traçons ces lignes, le monde intellectuel est en plein
désarroi. Le triomphe de la pire épidémie - l’Agnosticisme - se laisse
augurer par trois symptômes alarmants entre tous : le délire de
l’irrespect, la monomanie du relatif et la fièvre de l’individualisme.

Si, pieux à recueillir les enseignements du passé, comme un fils


accomplit les dernières volontés de son père, le Docteur moderne
interrogeait avec déférence le testament des sages primitifs ;

Si le Savant, sans négliger l’étude patiente des faits accomplis, ni


suspendre la grande enquête ana lytique, veillait au triage progressif de
tant d’élé- ment épars, en vue d’édifier une synthèse universelle - où se
rangeassent, en quatre hiérarchies éta- gées, les sciences physiques,
morales, intellectuelles et divines ;

Si le Penseur, enfin, moins soucieux de paraître original que sincère et


véridique se montrait aussi moins prompt à récuser toute autorité
traditionnelle, qu’à s’enquérir avec loyauté des principes éternellement
absolus, qu’ils aient été formulés ou non par un autre que lui ;

Si tels étaient théologiens, savants et philosophes, alors le xixe siècle


serait en vérité le siècle-lumière et Paris la ville-soleil.

Mais non. - A part les minutieux investigateurs du positivisme, qui


entassent, infatigablement et sans conclure, sur des Ossas de menues
constatations, des Pelions de remarques scrupuleuses ; - à part les dévots
mais aveugles partisans de la lettre qui tue, dragons de la sainte caverne
et dont le seul mérite est de conserver intact le trésor symbolique du
dogme, à jamais fermé pour eux : que dire de ceux-là que tient encore le
souci des vues d’ensemble ?

Comme leur ambition se borne à estampiller de leur nom un système


d’ailleurs quelconque - mais qui paraisse bien à eux - ils contestent a
priori ta doctrine de leurs devanciers et poussent l’émulation entre
collègues jusqu’aux plus mesquins dénigrements. Nul ne veut être le
dernier à dénoncer son voisin, comme envisageant les choses d’un point
de vue inexact, erroné, trompeur... Comme si le rôle de ta synthèse
n’était pas d’embrasser tous les points de vue relatifs, dans une même et
absolue contemplation du vrai ! C’est la Haute Science, que celle-là, et

116
Spinosa l’a magnifiquement définie, en disant qu’elle envisage les objets
sous un caractère d’éternité.

Néanmoins, quelque désespérée que puisse paraitre à cette heure la


cause sainte de l’Intégrale Vérité, il est loisible à l’observateur attentif de
percevoir, à côté des symptômes de décomposition et de mort, d’autres
indices non moins certains de restauration et de renaissance. Toutes ces
choses sont providentielles. Des scories se dégage au creuset le noble
métal - et le monde nouveau, dans son œuvre de laborieuse réédification,
utilisera les- infimes débris du vieux monde, dissocié, désorganisé fort à
point, pour fournir des matériaux tout prêts aux architectes de l’avenir.

Ainsi, le Futur s’alimente du Passé ; ainsi notre Mère Céleste fait germer
et fleurir la vie incorruptible sur le fumier de la mort - terreau fertile et
qu’engraisse l’universelle voirie des existences éphémères, accumulées-
de jour en jour.

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Introduction du Temple de Satan


Serpent de la Genèse, première septaine par S. de Guaita.

Le Temple de Satan - chapitre VII (fin) - Le Serpent de la Genèse

Fleurs de l’Abîme par Stanislas. de Guaita

UN dernier mot aux curieux de la Magie noire. Penchés avec nous sur
l’abîme, dont ils ont pu saisir l’escarpement et sonder la nuit
vertigineuse, peut-être n’ont-ils pas vu sans surprise s’épanouir, sur-les
bords et jusque dans la ravine qui mène au gouffre, certaines fleurs
d’une beauté sauvage et fatale, d’un capiteux et troublant parfum...
Ignorent-ils que le Mal a sa poésie ? - Du mystère d’abomination même
se dégage un idéal fantastique, attrayant et funeste, où plusieurs se sont
laissés séduire de tout temps.

117
Que les curieux y prennent garde ! C’est là le grand péril des excursions
excentriques, dans les mondes interdits aux caprices profanes. Qui
s’aventure sans guide sur la piste des émotions inédites foule déjà le
sentier de sa perdition prochaine : tout, autour de lui, conspire sa ruine
et la présage. Sur la porte qu’il va franchir, Dante aurait pu graver le
tercet menaçant de l’Inferno :

Per me si va nella citta dolente ;

Per me si va nell’ eterno dolore :

Per me si va tra la perduta gente !...

Tels, il est vrai, ne demandent à la Sorcellerie que le charme d’art qui lui
est inhérent (2) : pour ceux-là, bien moindre est le danger. Ils s’en
tiennent au pittoresque assez superficiel du Grimoire ; leur dent ne mord
qu’à l’écorce du fruit défendu.

Mais d’autres, téméraires, savourent à même la poésie intime du Mal. La


tentation pour eux fut trop forte ; ils n’ont pas su réagir. L’esprit de
malice les a séduits, qui maintenant les possède. Ils vogueront désormais
au torrent fluidique de la perversité, vers, l’abîme d’inconscience qui doit
un jour les engloutir. Ce suicide est l’aboutissement de leur destin : de
gré ou non, tous y convergent ; quelques-uns, par des voies très
détournées. Tels n’abolissent même leur individu qu’à force de l’exalter :
dût la fièvre d’un égotisme intraitable décevoir ceux-là en d’inédites
pérégrinations, à la conquête d’une originalité exclusive, - efforts stériles,
illusoire conquête, - ils succomberont. Loin de se créer un Moi factice, ils
n’auront peiné qu’à dissoudre en eux le Moi réel.

Le gouffre de l’Inconscient ! Voilà le Maëlstrom où le grand Séducteur


attire insensiblement leurs pauvres nefs, en fascinant les yeux du pilote à
la fantasmagorie de ses mirages imposteurs. Un sourd murmure s’élève,
qui bientôt s’accroît et gronde ; mais le marinier, à peine distrait de sa
rêverie, ne s’aperçoit pas que le navire évolue en cercle, à l’en-tour d’un
remous encore lointain ; que sa marche s’accélère ; qu’il penche à bâbord,
décrivant une spirale dont le diamètre se rétrécit à vue d’œil....
Cependant l’illusion magique a redoublé de captivants prestiges... Le
gouffre tonne à quelques encablures ; mais le pilote n’a rien entendu.
Déjà l’entonnoir béant a reçu la frêle embarcation, qui vole, emportée
comme une plume au pivot de la paroi interne ; mais le pilote n’a rien
vu, - et le voici disparaître au fond du vortex, l’esprit toujours en extase

118
et les yeux perdus dans l’azur de son rêve ! Les initiés savent pourquoi
l’inconscience est l’élément propre de Satan-Panthée, le point central où -
fatalement - l’inflexible, logique de la Goëtie ramène ses fidèles directs
ou indirects, ses sectateurs de faits ou d’intention. Que si l’on nous
invitait à préciser par quels symptômes se manifeste, chez les adeptes de
la Goëtie - conscients ou non - ce processus vers l’inconscience, nous
répondions qu’il se décèle d’abord par l’abolition des facultés logiques ;
par le prosélytisme des philo-phies négatives du libre arbitre et de
l’immortalité ; enfin, après la mort, par la rétrogression vers les formes
les plus infimes de la nature élémentaire.

Le satanisme pur, avoué, voulu et militant (si l’on peut dire), est un mal
d’exception. Les Gilles de Laval, les David de Louviers, les chanoines
Docre (1) sont très rares, Dieu merci ! Mais les cas de sorcellerie indirecte
ne se nombrent pas.

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Fleurs de l’abime

Cet article est écrit sous la forme d’une plaisanterie, comme une sorte de
checklist de sociologie basée sur un ordre magique, plutôt qu’une société
secrète au sens large. Il est à noter que cet article est basé sur une
véritable Organisation de Training Occulte qui existe dans le milieu de la
magie. Mais ils ont tendance à intenter des procès…

Sommaire
 De quoi une société secrète
 Comment une société secrète
 Pourquoi certains groupes (...)
 Qu’est-ce qui peut causer (...)
 Un société secrète est-elle
 Quelle est la relation de (...)
 Quel est le but premier (...)

119
De quoi une société secrète est-elle constituée ?

D’une multitude d’unités plus petites ; de groupes divers réunis par un


lien quelconque, tel un secret détenu en commun (ou, comme certains le
soutiendraient, une blague cosmique que l’on vous communiquerait par
degrés). Quelle que soit la nature des petites unités, elles sont toutes
constituées par l’élément de base de toute construction sociétale : des
ETRES HUMAINS INDIVIDUELS.

Comment une société secrète opère-t-elle ou fonctionne-t-elle ?

La réponse cynique est : elle ne fonctionne pas. En mettant mes


croyances de côté pendant un instant, je peux dire qu’une société secrète
fonctionne comme le résultat des interactions coopératives (ou du moins
non obstructives) entre divers groupes et/ou individus. Simple truisme...

Pourquoi certains groupes au sein de sociétés secrètes sont-ils plus


puissants que d’autres ?

En utilisant la métaphore d’une meute de loups, il y aura toujours des


mâles dominants suffisamment forts & avec la volonté & l’intelligence
nécessaires pour assumer (ou se battre pour) le leadership. Dans le cas
des loups, c’est l’intérêt du groupe que le leader soit le plus fort etc.
comme ce seront principalement ses gènes à lui qui implanteront les
générations futures afin d’assurer la survie du groupe. Il n’en est pas
nécessairement de même pour les humains ; comme le pouvoir dans une
société secrète repose aussi sur le capital, à savoir, qui a les livres &
outils magiques, les Chartes pour diriger le groupe (qui sont
généralement toutes hiérarchiques plutôt qu’héritées génétiquement), la
capacité à manipuler le visage public de l’ordre & d’être en charge de
décider qui sera ou non initié & quand - chacune de ces capacités étant
enseignées. Une alternative peut être que, pour une raison quelconque,
une famille donnée ou tout autre groupe d’individus puisse détenir une
position de leadership, comme d’avoir un individu qui a été initié par
« X », un ancien grand leader... alors celles-ci deviennent des positions
pseudo-héréditaires en l’absence d’un changement dû à une révolution.

Qu’est-ce qui peut causer un changement social dans une société


secrète ?

Le désir d’un ou plusieurs éléments dirigeants de la société ou de ceux


qui sont dirigés d’opérer des changements. Si les dirigeants ont un

120
contrôle effectif ou que les dirigés ont une volonté collective
suffisamment forte, alors, le changement se produira. Lent, le
changement pacifique est évolutionnaire ; soudain, le changement
violent est révolutionnaire. Des batailles juridiques pour les copyrights
des rituels, des diffamations, des calomnies, des guerres magiques & des
bagarres de rues sont tout aussi possibles.

Un société secrète est-elle normalement en équilibre ou en conflit ?

Regardez l’histoire. Aucun des deux. La meilleure métaphore est celle de


la chimie... avec deux éléments chimiques en état d’équilibre, l’état est
donc équilibré mais d’une manière dynamique : toutes les molécules
sont en état de changement, mais cet état est, en moyenne, équilibré par
les changements opposés dans les autres molécules. Bien sûr, toutes les
métaphores ne se valent pas, & l’appartenance à un groupe magique est
rarement aussi simple.

Quelle est la relation de l’individu à la société secrète ?

L’individu n’est pas dépendant de la société pour son existence. La


société secrète est entièrement dépendante de l’individu, car elle n’a
aucune existence en soit, mais n’existe qu’au travers des individus, & de
l’héritage supposé dont elle est dépositaire. Une société secrète est un
amalgame des qualités, d’actions & de pensées d’individus membres,
passés & présents, & comme telle elle peut devenir plus ou moins
déshumanisante. Du fait de sa nature collective, la société semble plus
« grande » que l’individu, i.e. plus puissante. Un résumé de cette relation
pourrait se formuler ainsi : une « suspicion tacite » habituelle & des
périodes occasionnelles de tolérance générale.

Quel est le but premier d’une étude sociologique d’une société


secrète ?

Tout d’abord donner du travail aux sociologues. Mais aussi afin


d’investiguer & de comprendre les nombreux aspects différents du
comportement humain, heureusement d’une manière qui permet
l’utilisation d’une information fiable afin de faire de la vie quelque chose
de plus que ce qu’elle est (subjectif !). Afin de comprendre ce qu’est
l’occultisme pour celui qui y participe. Et de réaliser une étude sous un
angle qui ne donne pas l’occasion à quelque agence de protection de la
loi de trouver des langues arrachées sur des plages & des corps pendus
par le cou sous un pont avec les poches pleines de cailloux.

121
Machiavel avait raison : (Un prince,) « doit examiner en profondeur
toutes les peines qu’il peut être nécessaire d’infliger, & de les infliger
toutes en un seul coup afin de ne point avoir à les répéter journellement,
& donc en ne brusquant pas les hommes il sera capable de les rassurer &
de se les gagner à sa propre personne pour son bénéfice. »
Réciproquement, John Stuart Mill qui n’aurait jamais pu diriger un
groupe de tricot, si ce n’est un groupe magique : « l’individu n’est pas
redevable à la société de ses actions pour autant qu’elles ne concernent
que ses propres intérêts. Des avis, des instructions, de la persuasion & la
mise à l’écart par les autres personnes si cela leur semble nécessaire pour
leur propre bien, sont les seules mesures par lesquelles la société peut
exprimer de manière justifiable sa désapprobation ou son aversion de sa
conduite. »

Un exemple de la manière dont un groupe se forme pourrait se trouver


dans les premiers jours de notre système politique actuel, quand un
groupe d’individus s’est rassemblé avec un but commun & qui a choisi
un chef qui a participé à un rassemblement régional ou national des
chefs des autres groupes. Ce système est reconnaissable comme étant
celui que nous connaissons en Grande-Bretagne, avec des groupes
politiques locaux choisissant un candidat au parlement, qui, s’il est élu
ira siéger à la Commune pour représenter sa localité. Le système
parlementaire est donc basé initialement sur les actions d’individus ; &
en retour il peut contrôler les vies de ces mêmes personnes. Comme dans
un ordre magique... Des analogies avec le monstre de Frankenstein ont
été dessinées & c’est une proposition valable que de dire que la création
devient souvent plus importante que le(s) créateur(s). J’ignore si un
ordre magique marxiste véritablement égalitaire existe quelque part -
peut-être que quelqu’un pourra m’éclairer là-dessus ? Les contributions
sont les bienvenues dans le forum qui se trouve à la suite de cet article.

Une des principales prémisses de Durkheim est que la société reste en


cohésion grâce à la volonté consensuelle de la majorité. C’est à dire, que
les membres d’une société secrète détiennent & exhibent un ensemble de
valeurs (traditionnelles, religieuses, morales, etc.) qui sont acceptées
comme un comportement normal & acceptable, & qui permet à la société
secrète de vivre dans la paix. Il y a des individus & des groupes qui font
exception à cette règle, mais pour la majorité, la société secrète continue à
fonctionner comme elle l’a toujours fait, avec des changements majeurs
qui se déroulent lentement sur plusieurs générations. Avec le consensus
vient la vision qu’une société secrète qui est tellement grande, puissante

122
& (sur une base journalière) immuable peut modeler les individus. Ceci
n’est pas une nouvelle perspective, plus de 2000 ans avant Durkheim,
Aristote était arrivé aux mêmes conclusions au sujet des besoins du
groupe : « Toutes les communautés sont comme des parties de la
communauté politique... on croit également que les associations
politiques ont été constituées & continuent à être en activité pour le bien
de tous, car c’est cela que les légistes ont pour objet, & le peuple dit que
ce qui est pour le bien commun est juste. »

La principale implication est qu’une société secrète est une « chose » très
statique avec des séparations entre elle & les individus ; d’où il y a peu
de chance que quelqu’un puisse avoir un impact sur elle... au pire cela se
résume à une science de l’inaction & à des attentes réduites. Comme avec
toutes théories sociétales, une grande part dépend de l’opérateur qui le
premier les a mises en application ; peut-être que les russes ont été
malchanceux d’avoir Staline comme développeur du marxisme de la
même manière que l’Aube Dorée avait à la fois Mathers & Yeats en
compétition, quand advint Crowley. D’une certaine manière, il y a des
corollaires avec le voyage inaugural du Titanic ; un navire similairement
insubmersible & un ensemble similaire de formidables moyens de
libération pour la majorité de l’humanité. Et un résultat similaire dans
tous les cas.

En y repensant, ceci n’est pas vraiment une plaisanterie...

P.-S.

Traduction française, Spartakus FreeMann, Libertalia, juillet 2002 e.v.

Les Sceaux des Douze Signes du Zodiaques

Livre II de l’Archidoxe Magique

LES SCEAUX DES DOUZE SIGNES DU ZODIAQUE ET DES


SECRETS QU’ILS RENFERMENT

BÉLIER

Le mouvement du Ciel s’accomplit circulairement d’après les douze


signes qui forment autour du ciel une ceinture comme un cercle
entourant un corps : cette ceinture, cette sorte de voie, nous l’appelons

123
Zodiaque. Le premier signe est le Bélier ; onze autres le suivent dans
l’ordre suivant :

On fabrique le sceau du Bélier avec les matières suivantes, savoir :

Ces quatre métaux doivent être fondus ensemble, le Soleil entrant dans
le Bélier - cela arrive le dix mars - au point d’entrée du Soleil ; il faut
opérer la fusion avec un feu puissant et fort. II est nécessaire que les
métaux soient réduits en limaille, autrement leur liquéfaction s’opérerait
moins bien. Toutes les matières fondues et préparées, le jour de Mars, la
Lune dans le signe du Bélier (ce qui n’arrive qu’une fois) aux environs
du neuvième ou dixième degré du Bélier, il faut graver et achever ce
sceau dans la même heure, et le suspendre enfin quand Mars se trouve le
neuvième jour du domicile céleste dans le huitième ciel. Ce sont les sceau
et caractères ci-dessus.

Ce sceau est un remède assuré contre tous écoulements descendant de la


tête sur la nuque et les épaules. Son effet est de purger le cerveau et de
dessécher entièrement son phlegme. On obtient ces résultats en le
portant jour et nuit en contact avec la tête, le signe du Bélier tourné au-
dessous du cerveau.

TAUREAU

Ce sceau se fabrique avec les métaux ci-après indiqués :

124
Ces métaux doivent être réunis et liquéfiés ensemble, à l’entrée du Soleil
dans le Taureau, chaque année aux environs du 8 d’avril. Il faut le faire
directement à l’entrée du Soleil dans ce signe. Au même instant, il faut
avoir commencé, gravé et entièrement achevé ce sceau. Autrement, il
serait sans efficacité. La Lune dans 10° du Taureau, c’est l’heure de
suspendre ce sceau. Il faut fabriquer des matrices de fer semblables à
celles dont on se sert pour frapper les monnaies. Sur ces matrices seront
gravés les signes qui conviennent : c’est afin que, de suite après la fonte
du sceau, en quelque sorte sur le moment, l’on puisse imprimer les
caractères ci-dessous prescrits. De la sorte, l’œuvre avance plus vite. On
peut faire de même pour les autres sceaux. Les heures, en effet, coulent
quelquefois trop rapidement pour pouvoir préparer les sceaux. D’où
résulte un grave inconvénient : il faut tenir compte que le moment précis
est d’une très grande efficacité en ces matières.

Figure :

Par sa nature et sa propriété, ce sceau est un remède efficace pour ceux


qui se sont vu enlever la virilité. Suspendu de manière à toucher le
nombril et à faire toucher le corps au signe du Taureau, il est d’une aide
assurée tant aux hommes qu’aux femmes.

GÉMEAUX

Le sceau des Gémeaux doit se préparer avec les métaux : Or et Argent !


poids égal 3j ; au travers du sceau, il faut passer un roseau court de la
dimension d’une plume d’écrivain. Voici comment il faut qu’il passe : les
figures de la pièce dans le sens vertical, on y passera le roseau que l’on
obturera de l’autre côté par du mastic et que l’on emplira de mercure vif
avant d’obturer l’orifice supérieur. Il faut d’abord faire cela, une fois la
mise en œuvre de la pièce. L’or et l’argent susdits seront liquéfiés

125
ensemble, à l’entrée du Soleil dans le signe des Gémeaux, suivant
l’année, vers le 10e ou 11e de mai, date qui peut varier. On fera donc
attention à la condition (astrologique) de l’année, pour l’exécuter
efficacement. Tu graveras les signes et les caractères suivants, quand la
Lune traversera le signe du Lion et des Poissons.

Tu le suspendras à l’entrée de la Planète Mercure dans la première


maison du ciel ; le même ciel se présentant clair, pur, limpide. Quand on
le portera, le signe des Gémeaux sera tourné du côté du corps. Le
Mercure devra être versé dans le roseau le jour , à l’heure du même, la
Lune en décours.

CANCER

Ce sceau se fabrique, avec du bon argent, choisi et fin, de la grandeur


que tu voudras, à l’heure de l’entrée du Soleil dans le signe du Cancer.
Cela arrive vers le 10e ou 12e de juin. S’il ne tombe aucun mauvais
aspect entre la Lune et les autres Planètes, tu graveras ce signe à l’heure
de la Lune. Il faut le faire en ascendance de la Lune, et la même heure
doit en voir le commencement et la fin. Autrement cela serait inutile.

Tu suspendras ce signe, à l’heure de la Lune en décours, le jour de la


Lune. Il faut le conserver et le porter proprement. C’est pour le pèlerin
un fidèle compagnon, un sûr remède pour l’hydropique. Il sert dans
toutes les affections du corps causées par l’excès des humeurs et du
phlegme.

126
LION

Le sceau du Lion se fait d’or pur et fin pendant le seul mois de juillet et,
quand le Soleil entre dans sa propre maison, à savoir celle du Lion et
vers le 13e ou 14e du dit mois : il convient toutefois de le fondre dans le
premier degré dudit signe et dans la même heure. Puis, la planète Jupiter
étant dans sa propre maison, à savoir dans les Poissons, ces figures
doivent être gravées d’un seul côté. Mais, dans ce cas, la signature de
l’autre côté doit être faite, la Lune versant dans la maison de , savoir les
Poissons. Il convient d’y veiller avec soin afin de ne pas remettre de
nouveau au feu le sceau après la fusion. Autrement les opérations et le
travail seront inutiles.

L’autre côté doit être marqué de la manière prescrite sur la figure. On


suspendra ce sceau au cou, à l’heure et au jour du Soleil. Il donne à celui
qui le porte une force admirable dans tous les jugements, et lui concilie la
faveur et la grâce tant des hommes que des femmes. C’est un singulier
secours contre les fièvres quartes. On peut aussi prendre de la boisson
versée sur lui ; elle fait œuvre admirable contre la peste, surtout contre
celle qui tue par une marche interne. Il sert aussi pour l’inflammation
des yeux et des autres ardeurs du corps que nos excès et nos
inconstances ont coutume de provoquer. Dans les cas de brûlures, le
sceau doit être imposé contre la partie douloureuse, et son aide
admirable chassera la douleur ; c’est ainsi que nous avons guéri la
brûlure de l’épouse de Nicolas Scherer, notre compatriote, à Villach. Des
matières métalliques en ébullition l’avaient brûlée ; nous n’avons utilisé
aucun autre remède, et nous avons agi de telle sorte que le lieu affecté
n’a subi aucune inflammation ou suppuration. Ajoutons qu’elle a porté
ce sceau jusqu’à la fin de sa convalescence.

LA VIERGE

Le sceau de la Vierge se prépare avec du cuivre : . Ces métaux sont à


fondre les 12e, 13e, 14e d’août à l’heure de l’entrée du Soleil dans le signe

127
de la Vierge, et à battre au marteau en lame mince à la même heure, de
suite après la fusion. S’il y a un bon aspect de Mercure avec quelque
autre des Planètes et que, de plus, ce soit son heure selon l’indice des
heures inégales des Planètes dans le ciel, tu graveras sur le sceau susdit
ces figures et ces noms, de telle façon que cela soit achevé dans la même
heure.

La planète Mercure dans la première maison du ciel, par un temps


agréable, pur etc1air pour qu’elle ait toute sa force (c’est en effet
préférable), tu suspendras ce sceau. Pour le suspendre, il faudra attendre
l’heure de Mercure, pourvu que le mouvement du ciel le place dans sa
première maison. Sinon il n’y a aucun autre moment favorable à la
même heure. Il serait plus avantageux de faire coïncider sa suspension
avec l’heure de Mercure.

LA BALANCE

Voici la formule de la Balance, figures et sceaux. On fond et on coule du


cuivre pur et choisi, à l’heure où le Soleil entre dans la Balance. Cette
entrée du Soleil dans la Balance a 1ieu au mois de septembre, les 12e, 13e
et 14e après le commencement de l’année. Mais faire attention : si Vénus
est cette année-là maître ou réservateur, la force admirable de ce sceau
disparaît pour ceux qui le portent gravé et préparé comme ci-dessus
(surtout s’ils sont sujets de Vénus). Vénus entrant dans le signe de la
Balance, ces caractères, mots et signes doivent être gravés et suspendus à
l’heure de Vénus vers la 9e ou 10e heure du même jour (elles sont
dominées par Vénus), comme suit :

128
Ce sceau est fort efficace contre toutes incantations féminines qui
enlèvent aux hommes leur virilité. Il sert même contre toutes maladies
des parties honteuses, etc.

SCORPION

Le sceau du Scorpion se fait de fer pur à l’heure et au jour de l’entrée du


Soleil dans le Scorpion ; chaque année vers les 12, 13, 14e d’octobre. Une
face est à marquer de suite. Puis à l’entrée du Soleil dans le Bélier, grave
l’autre face et suspends-le quand tu voudras.

Ce remède a grande force contre toutes maladies vénéneuses. Il a des


vertus admirables pour tous ceux qui le portent au cou, soldats,
capitaines, et ceux qui sont en butte à de perpétuelles guerres ou
querelles. Dans cette occurrence, il a une puissance extraordinaire.
Comme je l’ai dit, ce sceau est en fer et fabriqué suivant la formule ci-
dessus, si Mars est maitre de l’année et s’il entre dans le premier degré
du Scorpion. Puis à l’entrée de Mars dans sa propre maison, celle du
Bélier, grave comme ci-dessus et appends à l’heure de Mars. Si on place
ce sceau dans une maison, nul scorpion n’y pourra vivre. C’est un
puissant remède contre la blessure du scorpion. Il donne aux militaires
une grande force dans les combats. Il est aussi de grande utilité aux
lépreux qui le portent, et s’ils boivent en même temps de l’or où il a
trempé. Voici ce que l’on grave sur un côté :

Un anneau d’or pur doit être fixé à l’extrémité de la queue afin de le


suspendre, de manière à ce que la tète soit en bas. C’est un expédient
excellent contre les punaises, si on le fixe au bord du lit.

129
LE SAGITTAIRE

La préparation du sceau du Sagittaire se fait au moment de l’entrée du


Soleil dans le Sagittaire (annuellement vers le 12 ou 13 novembre) et
dans le 1er degré dudit Sagittaire. Marque-le à l’heure de Jupiter et
suspends-le à la même heure, la Lune en ascendant.

J’ai découvert ce sceau après de longues années et l’ai expérimenté


suivant l’art.

Je me suis servi souvent de ce sceau pour la confusion de mes ennemis ;


ils restèrent, devant sa puissance, stupéfiés comme des onagres ; ils
n’osaient pas même ouvrir la bouche. Son anneau doit être d’argent,
mais le sceau tout entier d’étain sans aucun alliage. Il peut être gardé et
porté en état de pureté : car s’il est gardé pendant le temps du commerce,
il perd sa force et son efficacité.

CAPRICORNE

Ce signe nous met en rapport avec Saturne, et son sceau se fait avec de
l’or. Le plomb ne donne aucune puissance d’opération aux autres
métaux. L’anneau doit être de cuivre.

Prépare-le à l’heure de l’entrée du Soleil dans le Capricorne, le Soleil à


grande distance de nous. Grave au jour de Saturne et à l’heure du même.
Puis si, par hasard, Saturne est rendu influent par un bon aspect avec les
autres astres, suspends-le à l’heure de la conjonction et la Lune en
découle. Peu importe que ce soit la Lune ou une autre planète. Cette
pièce peut de bon droit se dire favorable au peuple.

130
Ce sceau guérit totalement - c’est certain - ce qu’on appelle un lupus aux
jambes. Les anciens l’ont ignoré : ils tenaient pour assuré qu’il n’y avait
aucun remède contre cette maladie, et pourtant il était un remède assuré
en dehors de tout autre.

VERSEAU

À l’entrée du Soleil dans le Verseau au mois de janvier, tu feras ce sceau


avec l’alliage suivant :

Qu’à l’heure susdite, il soit fondu, gravé, ciselé. À l’entrée de la planète


Saturne dans la neuvième maison du ciel, grave rapidement les figures et
les paroles dans l’ordre. Tu ne dois le suspendre qu’au moment où le
Soleil est couché. Il faut observer aussi l’heure de Saturne. Ce sceau te
servira contre la paralysie, la goutte froide, la tension des nerfs et des
tendons.

Il sert à conserver la mémoire et met ceux qui le portent en faveur auprès


des hommes. Il sert d’antidote à tous les poisons. Ce modèle est utile
contre les araignées. Si on met le sceau près d’elles, elles s’éloignent
rapidement et ne reviennent plus.

POISSONS

Le sceau des Poissons se fait au mois de février, à l’entrée du Soleil dans


le signe des Poissons. On se sert des métaux suivants : Or 3 j. Argent 3 ij.
Etain 3 iiij. Fer 3 j. Cuivre 3 j.

131
La même heure doit le voir fondre et apprêter. Puis, quand Jupiter est
favorable dans la huitième maison du ciel, on suspendra ce sceau au jour
et à l’heure de Jupiter. Cet objet est d’une très grande efficacité pour
réprimer et dompter la colère, qui occasionne les Paralysies, l’Apoplexie,
la Colique et autres maladies. Le port de ce sceau détourne toutes ces
choses, chez l’homme comme chez la femme. Il adoucit la goutte, le
spasme et les autres douleurs des pieds.

Ce sceau doit prendre assez bas pour adhérer au-dessous du nombril,


contre le ventre.

Et ainsi finit le livre des douze signes et de leurs secrets.

Tiré de l’Archidoxe Magique de Paracelse, traduit en français par Marc


Haven, 1909.

L’Ordre du Temple - Histoire (2)

samedi 26 juillet 2008, par Spartakus FreeMann

1.2. Organisation du Temple

Les territoires où s’exercent les activités du Temple sont divisés en


Provinces. En 1294, on en comptait 22 (5 en France, 4 en Espagne, 3 en
Italie, 2 en Allemagne, 1 en Angleterre, 1 en Hongrie, 6 en Orient).

Les Templiers formaient une armée permanente de quelques milliers


d’hommes encadrée par 500 chevaliers et 1000 sergents. L’ensemble
obéissait au Maître et à son état-major.

132
Hiérarchie

L’état-major du Temple est constitué par :

• Le Maître de l’Ordre : assimilé à un Abbé ou, plutôt, à un souverain. Il


ne peut prendre aucune décision sans l’accord du Chapitre.

• Le Sénéchal de l’Ordre : il détient le sceau de l’Ordre.

• Le Maréchal : chef militaire et responsable de la discipline.

• Le Commandeur de la Terre et du Royaume de Jérusalem : trésorier du


Temple et chef de la marine.

• Le Commandeur de Tripoli et d’Antioche.

• Le Drapier : intendant des fournitures de l’Ordre.

• Le Turcopolier.

• Le Sous-Maréchal.

• Le Gonfanonier.

• Le Commandeur de Jérusalem : gardien des pèlerins, de la Sainte-


Croix et Ambassadeur de l’Ordre.

Le Maître du Temple, qui ne sera que tardivement appelé Grand Maître,


avait l’autorité d’un chef suprême, mais il ne pouvait prendre une
décision qu’après consultation du chapitre. Il ne pouvait donner ou
prêter les biens de l’ordre et ne pouvait commencer ou finir une guerre.
En fait, le Grand-Maître faisait figure d’un président contrôlé par le
chapitre. Il devait d’ailleurs se conformer obligatoirement aux décisions
de celui-ci. « Tous les Frères doivent obéir au Maître et le Maître doit obéir à
son Convent. » (Statuts hiérarchiques).

À la mort du Maître, les fonctions sont assurées par le Maréchal qui


réunit tous les dignitaires de l’Ordre. Ceux-ci désignent le Grand
Commandeur qui fera fonction jusqu’à l’élection du nouveau maître. Le
Grand Commandeur forme un conseil restreint qui fixe le jour de
l’élection. Ce jour, il rassemble un chapitre restreint qui choisit trois
frères dont l’un est nommé Commandeur de l’Élection. Le Chapitre lui
choisit un adjoint. Le Commandeur de l’Élection et son adjoint se retirent

133
à la chapelle où ils prient jusqu’au lever du soleil. Au matin, le
Commandeur de l’Élection et son adjoint désignent deux autres Frères.
Ils élisent alors deux autres Frères et ainsi de suite jusqu’au nombre de
12 (en rappel des Apôtres) puis un treizième qui doit être un chapelain
de l’Ordre. Parmi ce Chapitre, il doit y avoir 8 Chevaliers et 4 Sergents.
Les treize électeurs se retirent et quand l’accord semble se faire sur deux
noms, le Commandeur met aux voix et c’est celui qui recueille la majorité
qui est désigné en tant que nouveau Maître de l’Ordre.

Le reste des membres du Temple se répartissaient de la manière


suivante : les Chevaliers, les Écuyers, les Sergents, les Chapelains et les
Frères de Métiers.

De plus, on comptait trois catégories de personnes qui faisaient un


service d’une durée déterminée dans l’Ordre : les Chevaliers clients, les
Écuyers clients et les Turcopoles.

1.3. La vie du Temple

Le trousseau des chevaliers se composait de deux chemises, deux paires


de chausses, deux braies, d’un justaucorps, d’une pelisse, d’une chape,
de deux manteaux, d’une tunique et d’une large ceinture de cuir. À ces
vêtements, s’ajoutent deux serviettes : une pour la table la deuxième
pour la toilette.

Le trousseau militaire comprend : un haubert, une paire de chausses de


fer, un chapeau de fer, un heaume, des souliers et une cotte d’arme.
L’armement consistait en une épée, une lance et un écu.

Outre leurs occupations civiles et du service militaire, leur existence est


celle de moines. Quand sonne campane de matines, les templiers se
rendent à la chapelle où ils doivent dire 13 paters pour Notre-Dame et 13
pour le saint du jour. Après matines, ils doivent se rendre aux écuries. À
prime, les chevaliers se rendent à nouveau à la messe. Les Templiers ne
peuvent pas manger sans avoir entendu ou récité 60 paters. Avant les
repas, on récite le bénédicité et un pater. Les grâces à la chapelle au sortir
du réfectoire, puis les vêpres, les heures de none et complies.

Chacune des heures s’accompagne de 13 ou 18 paters. À cela s’ajoute


toute la gamme des obligations lors des fêtes catholiques. À la tombée de
la nuit, les frères prennent une collation puis se rendent à la chapelle.

134
1.4. Liste des Grands-Maîtres

Attention, la liste donnée ici est indicative et n’est qu’une des


nombreuses listes émises par des historiens. En effet, il semble que les
historiens ne soient pas d’accord quant au nombre et aux noms des
grands maîtres de l’Ordre...

1. Hugues de Payens

2. Robert le Bourgignon

3. Evrard des Barres

4. Bernard de Tramelay

135
5. Bertrand de Blanquefort

6. Philippe de Napelouse

7. Odon de Saint-Amand

8. Arnaud de Toroge

9. Terrie (ou Thierry ou Therence)

10. Gérard de Riddeford

11. Robert de Sablé

12. Gilbert Horal

13. Philippe de Plessiez

14. Guillaume de Chartres

15. Pierre de Montaigu

16. Armand de Périgord

17. Guillaume de Tonnac

18. Renaud de Vichiers

19. Thomas Beraut

20. Guillaume de Beaujeu

21. Le moine Gaudin

22. Jacques de Molay

L’Église Catholique Gnostique, plus catholique que le Pape

 HOMÉLIE DE S.G. + JOAHNNÈS, p2


 Les Statuts publiés dans (...), p2

Jean Bricaud, né le 11 février 1881 à Neuville sur Ain, a été élevé dans un
séminaire catholique où il étudia pour devenir prêtre, mais il renonça à
sa poursuite religieuse conventionnelle dès l’âge de 16 ans pour suivre la

136
voie de l’occultisme mystique. Il s’impliqua dans divers mouvements
chrétiens et rencontra Papus en 1899 pour entrer ensuite dans son Ordre
Martiniste.

En 1907, sous les encouragements (si ce n’est sous la pression) de Papus,


Bricaud rompit avec Fabre des Essarts (Synesius) pour fonder sa branche
schismatique de l’Église Gnostique. Fugairon décida de rejoindre
Bricaud. Bricaud publie cette année même son « Cathéchisme
gnostique » à l’usage des fidèles de l’Église Catholique Gnostique,
exposant la doctrine secrète du Christ, et très vite fonde sa revue « Le
Réveil Gnostique », organe du catholicisme gnostique dont le numéro 1
verra le jour en mars 1907. Le motif de base à ce schisme semble avoir été
de créer une branche de l’Église Gnostique dont les structures et la
doctrine auraient été plus proches de l’Église Catholique Romaine que
de l’Église Gnostique (par exemple, elle comprenait un ordre de prêtrise
et un baptême) ; et qui aurait été plus liée à l’Ordre

137
Martiniste. Doinel était un Martiniste,
Bricaud était un Martiniste, mais Fabre des Essarts ne l’était pas. Bricaud,
Fugairon et Encausse, dans une première tentative, nommèrent leur
branche de l’Église « l’Église Catholique Gnostique ». On l’annonça
comme la fusion de trois églises « gnostiques » existantes en France :
l’Église Gnostique de Doinel, l’Église Carmélite de Vintras et l’Église
Johannite de Fabré-Palaprat.

En février 1908, le synode épiscopal de l’Église Catholique Gnostique se


réunit et élit Bricaud comme Patriarche sous le nom de Jean II. Après
1907, afin de clairement distinguer les deux branches de l’Église
Gnostique, celle de Fabre des Essarts fût connue sous le nom d’Église
Gnostique de France.

La Conférence de Paris de 1908

Le 24 juin 1908, Encausse organisa la Conférence Maçonnique et


Spiritualiste Internationale à Paris, au cours de laquelle il reçut, sans
contrepartie en argent, une patente de Théodore Reuss (Merlin
Peregrinus, 1855-1923), chef de l’Ordo Templi Orientis, pour établir un
« Suprême Grand Conseil Général des Rites Unifiés de l’Ancienne et
Primitive Maçonnerie pour le Grand Orient de France et ses
dépendances ». Dans la même année, l’Église Catholique Gnostique voit
son nom changer en Église Gnostique Universelle.

« L’Église Gnostique a pour but essentiel de restituer à l’humanité son unité


religieuse primitive, c’est-à-dire, en lui faisant rejeter les erreurs d’où sont

138
sorties les différentes religions, d’établir et de répandre une Religion conforme à
la tradition universelle et par là véritablement catholique.

L’Église Gnostique prétend ne s’imposer aux consciences, ni par la force du


pouvoir civil ou militaire, ni par de vaines menaces de châtiments d’outre-
tombe, ni par de fallacieuses promesses de récompensés futures.

Basée, d’une part, sur la tradition universelle (de tous les peuples civilisés) et
non pas seulement sur la tradition hébraïque de la bible, et, d’autre part sur la
philosophie et la science moderne, ses vérités ne se présentent pas comme objets
de foi, mais comme objets de démonstration philosophique et scientifique ; elle ne
s’adresse qu’à la raison qui est la même chez tous les hommes.

L’Église Gnostique est large et tolérante. Elle respecte les coutumes et les lois de
tous les peuples, ce qui lui permet d’admettre tous les hommes, de toutes
nationalités, de toutes langues, de toutes races, nés et élevés dans n’importe
quelle religion.

Elle recommande à ses adeptes que dans toutes les circonstances de la vie, ils se
prêtent un mutuel appui et se traitent en frères.

L’Église Gnostique est divisée en deux sections la section exotérique et la section


ésotérique.

Cette dernière a pour but de donner aux membres de la section exotérique


l’Initiation gnostique.

Seuls les membres de la section exotérique peuvent y être reçus et à certaines


conditions.

ADMISSION

Pour être reçu membre de l’Église Gnostique (section exotérique) il suffit d’en
faire la demande à la direction du RÉVEIL GNOSTIQUE, 8, rue Bugeaud, à
LYON.

Le droit d’entrée dans l’Église est de 5 francs.

La cotisation annuelle est de 6 francs et donne droit à recevoir gratuitement le


Réveil Gnostique, organe de l’Église Gnostique Universelle. »

Joanny Bricaud

139
Le « Réveil gnostique » paraissait tous les deux mois. C’est dans sa revue
qu’il donne une version assez étonnante quant à l’originalité de son
Église : « Nous devons dire aussi que nous ne sommes en aucune façon le
successeur de S.G. Doinel qui sous le nom mystique de Valentin II tenta de
rénover une Église gnostique Néo-valentinienne. Nous n’avons jamais connu le
patriarche Valentin II. Sa tentative de rénovation Valentinienne ne donna pas
de résultat pratique et fut en grande partie désorganisée par suite de sa
conversion à l’Église romaine... Quant à l’Église Gnostique Universelle
(catholique gnostique), qui date de trois ans à peine, elle n’a par conséquent
jamais eu aucun rapport avec l’ancienne Église Néo-Valentinienne. » Voilà
donc, prenons acte, l’Église de Bricaud est originale et se démarque ainsi
de Doinel et de sa filiation spirite.

Le but essentiel de l’Église Gnostique Universelle vise à restituer, selon


Bricaud, à l’humanité son unité religieuse primitive en lui faisant rejeter
les erreurs dont sont issues les diverses religions.

La profession de foi des membres du Haut Synode de l’Église Gnostique


Universelle s’exprime ainsi :

1 - Nous croyons au divin Proarché et Propator éternel, être infini et tout


puissant, passé de la puissance à l’acte en un être parfait, Dieu un et
triple ;

2 - En un premier tridyname le Père, suscitateur et attracteur de tous les


êtres visibles et invisibles ;

3 - En un second tridyname le Fils, logos divin manifesté par Christos,


lumière intellectuelle et physique, vrai Dieu comme le Père et
consubstantiel à lui, sans qui aucune chose n ’a été faite ;

4 - Qui s’est concentré sur la terre dans la personne de Jésus, esprit


supérieur descendu ici-bas pour nous, où il s’est uni à une âme et un
corps semblables aux nôtres, dans le sein de Marie ;

5 - Qui s’est manifesté en Jésus depuis le moment de son baptême


jusqu’au moment de sa passion ;

6 - Qui nous a parlé par sa bouche et nous a enseigné la gnose et la vie


sainte, afin de nous délivrer de l’esclavage du Démiurge et de son

140
Archon terrestre, et ainsi de permettre notre retour au monde
pneumatique notre patrie, comme lui même y est retourné après sa mort.

7 - Nous croyons en un troisième tridyname l’Amour qui procède du


Père parallèlement au Fils et se manifeste par pneuma-agion (l’Esprit-
Saint) ;

8 - Qui donne l’amour avec la vie, qui nous met sur la voie de la vérité et
de la sainteté, qui unifie tous les êtres, et qui est adoré et glorifié avec le
Père et le Fils ;

9 - Nous croyons en un univers pneumatique, Église immense des


esprits, aussi ancienne que Dieu lui-même et antérieure à l’univers
hylique, mais dont une colonie est venue habiter la périsphère de notre
globe et d’où sont descendus les hommes en tant qu’esprits ;

10 - Nous confessons les deux baptêmes et les trois autres mystères pour
la purification et la transmutation de l’homme ;

11 - Nous attendons sur terre l’établissement du royaume du ciel et le


rétablissement de l’homme dans son état primitif ;

12 - Et, à la fin, la réapparition des morts avec Jésus, chef de l’Église


terrestre ; l’ascension et la réintégration de cette assemblée dans le ciel ;
la dissolution des esprits réfractaires à toute conversion, en même temps
que la dissolution de l’univers hylique, œuvre du Démiurge.

Plus ou moins 4 ans plus tard, deux documents importants furent


publiés : le Manifeste de la M.M.M. (section britannique de l’O.T.O.), qui
incluait l’Église Catholique Gnostique dans la liste des organisations
dont la sagesse et les connaissances sont concentrées au sein de l’O.T.O. ;
et l’Édition du Jubilée de l’Oriflamme, l’organe officiel de l’O.T.O. de
Reuss, qui annonça que « l’Initiation », le journal d’Encausse, était à
présent l’organe officiel pour les Rites de Memphis-Misraïm et de
l’O.T.O. en France.

Les détails précis de la transaction de la conférence de Paris de 1908 sont


inconnus, mais en se basant sur le cours des événements qui suivirent, la
conclusion logique est qu’Encausse et Reuss s’engagèrent dans un
échange fraternel d’autorités : Reuss recevant l’autorité primatiale et
épiscopale dans l’Église Catholique Gnostique et Encausse recevant
l’autorité dans les Rites de Memphis-Misraïm.

141
En 1911, Bricaud, Fugairon et Encausse déclarèrent que l’Église
Gnostique Universelle est l’Église officielle du Martinisme. Cette même
année, Bricaud était initié au Rite ancien et primitif de Memphis-
Misraïm, et était signé entre le suprême Conseil de l’Ordre Martiniste de
Papus et le Suprême Conseil du Haut Synode de l’Église Gnostique
Universelle un traité d’alliance entre les deux puissances.

Après la mort de Fabre des Essarts en 1917, le Patriarcat de l’Église


Gnostique sera assumé par Léon Champrenaud (Tau Théophane).
Champrenaud sera suivi par Patrice Genty en 1921 qui mettra l’Église
Gnostique de France en sommeil en 1926 en faveur de l’Église Gnostique
Universelle de Jean Bricaud.

Quand Bricaud meurt, le 21 février 1934, Constant Chevillon (1880-1944)


prend sa succession au sein des organisations suivantes :

1 S.O.I. ou Société Occulte Internationale (Collège d’Occultisme)

2 L’ÉGLISE GNOSTIQUE UNIVERSELLE

3 ORDRE DES CHEVALIERS MACONS ELUS COHEN DE L’UNIVERS

4 RITE ANCIEN ET PRIMITIF DE MEMPHIS MISRAIM

5 ORDRE DU SAINT GRAAL

6 ORDRE KABBALISTIQUE DE LA ROSE CROIX GNOSTIQUE

7 ORDO TEMPLI ORIENTIS pour la France.

142
Constant Chevillon devint le patriarche de
l’E.G.U. sous le nom de « Tau Harmonius » (« Patriarche néo-gnostique
Tau Harmonius »). Chevillon sera assassiné par la milice en mars 1944.

Ligne de la succession de l’E.G.U. :

• 1907-1916, Jean Bricaud (Tau Jean II)

• 1934-1944, Constant Chevillon ( 1870-1944, Tau Harmonius) Antoine


Fayolle, consécrateur de Dupont – 15 avril 1948.

• 1944 ? 1948 ?-1960, Charles-Henri Dupont (1877-1961, Tau Charles-


Henri)

• 1960, Robert Ambelain (1907-1997, Tau Jean III) ; Ambelain change


alors le nom d’« Église Gnostique Universelle » en « Église Gnostique
Apostolique ». En fait, Ambelain fera plus que ça car ce fut une véritable
mise en sommeil de l’E.G.U. au profit de sa propre organisation
gnostique. À partir de cette date, l’histoire de l’E.G.U. se confond alors
avec celle des Églises apostoliques dont nous parlerons dans le prochain
chapitre.

Spartakus freeMann, nadir de Libertalia, juillet 2008 e.v.

L’Église Catholique Gnostique, plus catholique que le Pape

Seconde partie

143
HOMÉLIE DE S.G. + JOAHNNÈS BRICAUD (JEAN II)

Très chers Coopérateurs, Très chers Frères, Et très chères Sœurs,

Par vos désirs et par le vouloir du très Saint Plérôme, me voici élevé au rang
suprême de la hiérarchie gnostique. Je viens de gravir les marches du siège
patriarcal de la Sainte Église du Paraclet.

C’est, j’aime à le croire, davantage à mon zèle religieux qu’à mon expérience de
la vie que je dois d’avoir été désigné par vos suffrages.

Bien lourde est la tâche qui m’incombe !

Je l’accepte cependant avec d’autant plus d’allégresse que j’ai l’inébranlable


conviction que l’œuvre de Dieu s’accomplit en dépit de toutes les faiblesses
humaines.

Vous m’aiderez, très chers coopérateurs, en vous groupant fraternellement


autour de votre Patriarche et en multipliant les oeuvres d’apostolique
propagande.

Tous ceux qui voient clair dans la situation religieuse des peuples européens ont
pu se persuader que le catholicisme tel qu’il est compris et enseigné aujourd’hui
ne répond plus aux besoins de la société moderne. Il leur apparaît comme une
force oppressive qui retient le peuple dans l’ignorance pour le dominer. Aussi,
répudient-ils l’héritage religieux de leurs pères, et l’on peut prévoir le moment
où l’orthodoxie catholique sera morte parce que désertée par tous les esprits
religieux qui osent penser, quelles que soient d’ailleurs les quelques exceptions
qu’on puisse citer. Et si les penseurs religieux, si les hommes de science
abandonnent l’orthodoxie catholique, celle-ci doit infailliblement tomber, car
c’est d’eux que relève le mouvement des esprits. Qu’est d’ailleurs, une
confession religieuse qui s’attire le mépris de tout ce qu’il y a d’intelligence dans
la société moderne ?

L’évolution religieuse à laquelle nous assistons nous montre qu’il faut une
religion nouvelle.

Le gnosticisme s’offre comme la religion désirée. La Gnose est la synthèse


complète et définitive de toutes les croyances et de toutes les idées dont
l’humanité a besoin pour se rendre compte de son origine, de son passé, de sa
fin, de sa nature, de son avenir, des contradictions de l’existence et des
problèmes de la vie.

144
Savoir cela, c’est savoir les seules choses nécessaires.

La Gnose est la perle de l’Évangile pour laquelle l’Homme vraiment digne de ce


nom doit vendre et donner tout ce qu’il a.

« Mon âme, d’où viens-t-il ? Disait Saint-Basile. Qui t’a chargée de porter un
cadavre ? Si tu es quelque chose de céleste, ô mon âme ! apprends-le-moi. »

Et la Gnose répond : « En contemplant le Plérôme, tu connaîtras toutes


choses. »

« La Gnose, a dit Éphrem le Syrien, tresse une couronne à ceux qui l’aiment et
elle les fait asseoir sur un trône de Roi. »

Les docteurs et les évêques de cette Gnose ont reçu en dépôt le sens ésotérique du
christianisme.

C’est à nous, pontifes selon l’ordre de Melchisedech, que les anges ont confié le
pectoral où flamboient l’Urim et le Thumin.

C’est nous qui lisons dans le livre de la vraie loi. C’est de nous qu’il est écrit :
« Ceux qui sont revêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où sont-ils venus ?
Ce sont ceux qui ont souffert de la Grande Tribulation et qui ont lavé leurs
tuniques dans le sang spirituel de l’Agneau, et qui sont vierges des superstitions
et des souillures du monde Hylique ! »

La Gnose est l’essence même du Christianisme. Voilà, nos bien aimés, la plus
juste définition du Gnosticisme.

Mais, par Christianisme, nous n’entendons pas seulement la doctrine enseignée


depuis la venue du divin Sauveur, mais encore celle enseignée avant la venue de
Jésus, dans les temples anciens, la doctrine de la Vérité Éternelle !

Notre Église est l’antinomie de celle de Rome. Le nom de celle-ci est Force ; le
nom de la nôtre est Charité.

Notre Souverain Patriarche n’est pas Pierre, l’impulsif, qui renia trois fois son
maître et usa de l’épée, mais Jean, l’ami du Sauveur, l’apôtre qui reposa sur son
cœur et en connut le mieux le sentiment immortel, l’oracle de la lumière,
l’auteur de l’Évangile Éternel, qui n’usa que de la Parole et de l’Amour.

Notre Église est la Cité Céleste sur terre et dans les cieux, ce royaume de la
Justice dont il est parlé dans le livre de la Révélation.

145
Elle est aussi l’Église du Paraclet dont elle a les vertus. Elle est pure et
pacificatrice, sainte et sanctifiante, consolante et consolée dans l’exil du monde.

Avec votre concours, très chers Coopérateurs et Frères, notre Sainte Église
s’épanouira et développera ses branches, comme le grain de sénevé dont parle
l’Évangile, et deviendra un arbre immense sur lequel les oiseaux du ciel
viendront se reposer.

Mais pour que l’œuvre de Dieu s’accomplisse, il faut que nous restions unis
dans l’amour de la Gnose, comme les Saints Eons sont unis dans la volonté du
Père. Il faut que dispersés à travers le monde, nous ne laissions fuir aucune
occasion de faire éclater la vérité, de détourner nos frères égarés du chemin des
ténèbres, d’affirmer qui nous sommes, ce que nous voulons et où nous allons.

Les temps sont difficiles, nous le savons ; les forces occultes sont liguées contre
nous, nous ne l’ignorons pas. Mais il ne se peut que l’idée pour laquelle tant de
martyrs sont morts demeure improductive. Aussi, mes très chers Frères, levez
vos yeux vers les hauteurs, tournez vos regards du côté de la vraie Lumière,
enivrez-vous des ineffables délices du Plérôme spirituel, et vous acquerrez la
force de parachever l’œuvre sainte, l’œuvre véritable, l’œuvre divine.

Ah, mes Frères, à travers toutes les tempêtes et tous les orages qui sont
déchaînés sur notre monde hylique, alors que les fausses doctrines essaient de
perdre les âmes, ne perdez pas de vue les hautes cimes, et si vous touchez terre,
que ce ne soit comme la colombe de l’Arche que pour y rester un instant et y
cueillir le pacifique rameau d’olivier !

Á vous, mes très chères Soeurs, j’adresse un appel plus particulier. Je sais
combien est précieux votre concours en matière d’apostolat et je sais combien
notre monde féminin cache dans ses salons et ses retraites mystiques de nobles et
courageuses émules des Maximille et des Ésclarmonde de Foix.

Mieux que nous, vous savez trouver le chemin des âmes ! Nous ne sommes,
nous autres, que le verbe qui convainc ; vous êtes, vous, le cœur qui persuade.

Unissez-vous à nos frères pour rétablir sur de fortes et profondes assises la


communauté, l’Église visible des Pneumatiques que les manifestations d’En-
Haut nous annoncent et nous promettent.

Et maintenant, Très Chers Coopérateurs, Bénédiction sur vous ! Bénédiction


sur vous, Très Chers Frères et Très Chères Soeurs ! Bénédiction sur tous ceux
qui travaillent avec nous dans les champs du Seigneur ! Bénédiction sur tous

146
ceux que dévore le zèle de la maison de Dieux ! Et Bénédiction aussi sur nos
ennemis, afin que la lumière d’en haut les éclaire et qu’ils sachent qui nous
sommes, et que par ainsi ils se prennent à nous aimer, comme nous les aimons.
Amen.

+ JEAN II, Évêque Primat en France, Patriarche de l’Église Gnostique


Universelle

Les Statuts publiés dans La Gnose, Organe officiel de l’Église


Gnostique Universelle, fondé et dirigé par René Guénon (1909-
1912) : l’Église de Fabre des Essarts / Synésius.

ÉGLISE GNOSTIQUE UNIVERSELLE

STATUTS

I - Le gnosticisme est une doctrine philosophique et traditionnelle. Il a


pour but de restituer l’unité primitive religieuse.

II - Le gnosticisme ne s’impose aux consciences ni par la violence ni par


la menace de châtiments après la mort.

III - Il professe, conformément à son titre, que la religion véritable est la


Science Intégrale ; de ce fait, son enseignement comporte le doctrine
évolutive, qui s’ouvre toujours aux progrès successifs et définis de
l’intelligence humaine.

IV - Il est accessible à tous les hommes, sans distinction de nationalité, de


langues ou de races.

V - On est admis à la plénitude de la connaissance des vérités gnostiques


par des grades successifs qui ne sont conférés qu’au mérite et à la valeur
intellectuelle des aspirants.

VI - Les cérémonies gnostiques, les dogmes, les rites sont expressément


respectueux des lois de la République.

VII - L’Église gnostique de France est sous la haute direction d’un


patriarche, qui a Paris pour résidence épiscopale et qui s’intitule évêque
de Montségur, en souvenir du massacre des derniers Albigeois. Mais ces
titres ne confèrent au chef de l’Église aucune suprématie dogmatique. Il

147
est simplement primus inter pares et il ne peut prendre aucune décision
importante sans l’approbation du Saint-Synode.

VIII - Le Saint-Synode est composé de tous les évêques gnostiques.

IX - La caractéristique de l’Église gnostique est de représenter de


restituer l’ancienne Église chrétienne, démocratique et égalitaire.

La Table d’Emeraude

Introduction

Dans nos recherches sur la Table d’Émeraude, nous avons collecté de


nombreuses informations que nous désirons à présent partager. Nous espérons
que ce petit dossier sera utile aux cherchants.

La Table d’Émeraude est un texte très court anciennement attribué à


Hermès Trismégiste et exposant un condensé des opérations alchimiques
du Grand Œuvre. On sait aujourd’hui que la « Tabula Smaragdina », fait
partie d’un traité nommé « Le livre du secret de la création et technique
de la Nature » (Balînus, Kitab Sirr al-Khaliqa wa San ’at al-Tabi’a), rédigé
sous le règne du Khalife Ma’Mûn en 833.

« Voici ce que le prêtre Sagijus de Naplouse a dicté concernant l’entrée de


Balinus dans la chambre cachée »

« Après mon entrée dans la chambre, où le talisman reposait, je me dirigeai vers


un vieil homme assis sur un trône d’or qui tenait une tablette d’émeraude dans
une main. Et sur celle-ci était écrit – en syriaque, le language primordial - :

Voici la véritable explication, sur laquelle il ne peut y avoir aucun doute. Elle
atteste : l’en-haut est comme l’en bas, et l’en bas est comme l’en-haut – l’œuvre
du miracle de l’Unique. Et les choses sont émanées de de cette substance
primordiale par un acte unique. Combien merveilleuse est cette œuvre ! C’est le
principe majeur du monde et son conservateur. Son père est le soleil et sa mère
est la lune. Le vent l’a porté en son sein, et la terre l’a nourri. Le père du
talisman et le protecteur des miracles dont les pouvoirs sont parfaits, et dont les
lumière sont homologuées ( ?). Un feu qui vient de la terre. Sépare la terre du
feu, et tu atteindra le subtil encore plus inhérent que le grossier, avec soin et
sagacité. Il s’élève de la terre jusqu’aux cieux, afin de tirer les lumières des
hauteurs à lui, et les descendre jusqu’à la terre ; ainsi en son sein sont les forces
de l’en-haut et de l’en bas : du fait de la lumière des lumières en son sein, ainsi

148
les ténèbres s’enfuient à son approche. La force des forces, qui vainc toute chose
subtile et pénètre dans toute chose grossière. La structure du microcosme est en
accord avec la structure du macrocosme. Et de la même manière procède
l’intelligible.

Et à cela a aspiré Hermès qui fut trois fois grand en sagesse. Et ceci est son livre
qui est dissimulé dans la chambre. » - Apollonius de Tyane : Le Livre du Secret
de la Création et de l’Art de la Nature ou Livre de Balinus le sage sur les causes,
vers 650 - 813 de notre ère.

Dans le Journal des Savants (1709) ceci : « Hermès Trismégiste vient à son
rang dans la liste. L’inscription de la Table d’Émeraude n’est pas un des
moindres morceaux qui nous soient restés de lui, si l’on en veut croire les
alchimistes. Ce précieux monument fut trouvé, disent-ils, par Sara femme
d’Abraham dans le sépulcre d’Hermès qui était dans la vallée d’Hebron. Le
cadavre d’Hermès tenait l’émeraude dans ses mains, et l’inscription phénicienne
qui y était gravée, se voit ici en latin. L’auteur convient qu’elle est très
ancienne, et répond avec Borrichius à une partie des objections de ceux qui la
croient supposée ».

Hermès.

Hermès est assimilé au dieu lunaire égyptien Thot et les néo-platoniciens


ont fait de lui l’Illuminateur, le guide, le dieu du mystère et des
révélations sous le nom d’Hermès Trismégiste, le trois fois grand car roi,
législateur et prêtre. Ce terme désignerait dont à la fois un homme
(Hermès initiateur de l’Égypte), une caste (le sacerdoce) et un dieu
(Mercure, sphère des esprit).

Au IIIè siècle de notre ère, on parlait beaucoup de sa doctrine, basée sur


la science occulte, expliquée dans une quarantaine de livres grecs qui
renfermaient l’essence de l’antique théogonie qui avait été à la base de
l’initiation égyptienne. Ces documents ont servi aux alchimistes et
occultistes pour leurs recherches. Le plus célèbre de ces document étant
la Table d’Émeraude car elle fut gravée sur une grosse émeraude portée
au doigt par le grand-prêtre du collège des mages égyptiens.

La doctrine d’Hermès, qui procède par analogies, suppose des


correspondances intimes et mystérieuses entre toutes les parties de
l’univers visible et invisible. C’est elle qui a donné naissance à
l’hermétisme, doctrine embrassant toutes les branches du savoir occulte
et universel : l’alchimie, l’astrologie, la magie, l’ésotérisme, ...

149
Selon le Dictionnaire de Dom Pernetty il est « Mercure ou Hermès
Trismégiste. Le plus ancien des Philosophes connus. C’est de son nom grec
Hermès que ceux qui savent le Grand Œuvre, ont pris le nom de Philosophes
Hermétiques ».

Ferdinand Hoefer, dans son Histoire de la chimie : « Nous avons déjà eu


plusieurs fois l’occasion de nommer Hermès Trismégiste, que les alchimistes
invoquent comme un oracle, et auquel ils font remonter l’origine de leur art.
Mercure était, par une tradition universellement répandue, vénéré comme
l’inventeur de tous les arts, chez les peuples les plus divers, chez les égyptiens
comme chez les Gaulois. Cicéron ne compte pas moins de sept Mercures, qui
tous recevaient un culte divin [De natura Deorum, III]. Vulcain, Thoth ou
Thath, et Cadmus, passent également pour avoir inventé plusieurs arts, qu’on
mit plus tard sur le compte de Mercure ou d’Hermès. Vulcain ou Phtha,
symbole du feu, était l’objet d’un culte particulier chez les prêtres d’Égypte.
Thath, dont parle Platon est, selon quelques auteurs, le même que Hermès,
portant le surnom de trois fois grand. Quant à Cadmos, que les Grecs font venir
de la Phénicie, son nom sémitique grécisé signifie du côté de l’orient. Il est à
remarquer que toutes les fois qu’il est question, dans les livres anciens, sacrés ou
profanes, de quelque art jusqu’alors inconnu, on le fait venir des pays de
l’orient, comme de la source primitive de toute science. Faut-il voir là une
simple métaphore du soleil levant, et du culte de cet astre considéré comme la
source de toute vie ? ou bien serait-ce un indice vague d’une communication
fort ancienne de la nation la plus reculée de l’orient, des Chinois, avec les
Assyriens, avec les Perses et les Égyptiens ? Ces questions, d’un intérêt
historique immense, nous paraissent à peu près insolubles. Hermès, tout à la fois
dieu du ciel et de l’enfer, symbole de la vie et de la mort, évoquait, d’après les
croyances mythologiques, les âmes des décédés, et opérait, avec son caducée, des
transmutations et des miracles. C’est pourquoi les philosophes mystiques, les
magiciens et les alchimistes, ne pouvaient et ne devaient choisir pour patron
d’autre dieu qu’Hermès. De là, l’art transmutatoire des alchimistes reçut le nom
d’art hermétique ; et il n’est pas étonnant que le métal, si utile à l’affineur et à
l’orfèvre, que les Anciens appelaient eau-argent, et les Adeptes, l’essence du
grand œuvre, fût consacré à cette divinité, dont il porte encore aujourd’hui le
nom. Une fois engagé dans cette voie, on ne pouvait pas s’arrêter à demi chemin.
Il était impossible que des hommes qui avaient voué à Hermès un culte aussi
exclusif ne lui supposassent pas des écrits, afin de donner plus d’autorité aux
leurs ; car la gloire du maître se réfléchit toujours sur celle du disciple. En effet,
pendant que l’Antiquité garde un silence absolu sur les prétendus écrits
d’Hermès, les philosophes de l’école d’Alexandrie, les disciples de l’art sacré,

150
parlent sans cesse des œuvres d’Hermès, comme de la source de toute science.
voici comment s’explique Jamblique :

« Hermès Trismégiste a écrit, selon Séleucus, vingt mille volumes sur les
principes universels. Mais selon Manethon, c’est trente-six mille cinq cent
vingt-cinq volumes qu’il a composés sur toutes les sciences ». [Jambl., de
Mysteriis Aegypt., VIII, 1] ».

Un peu d’histoire

Selon Eliphas Lévi, il faut comprendre la légende allégoriquement. La


Table d’Émeraude en tant qu’objet n’a sans doute jamais existé, elle
constitue un symbole : Émeraude des Sages est en effet l’un des noms du
Mercure des alchimistes, allusion à la couleur verte mentionnée par la
plupart des auteurs sérieux.

Préambule d’Eliphas Lévi. Dogme et Rituel de la Haute Magie. P 127

« Nous signalons aux recherches de nos lecteurs un admirable traité attribué à


Hermès Trismégiste, et qui porte le titre de Minerva Mundi. Ce traité se trouve
seulement dans quelques éditions d’Hermès et contient, sous des allégories
pleines de profondeur, le dogme de la création des êtres par eux-mêmes, ou de la
loi de création qui résulte de l’accord de deux forces, de celles que les alchimistes
appelaient le fixe et le volatil et qui sont, dans l’absolu, la nécessité et la liberté.
On y explique les formes répandues dans la nature par la diversité des esprits et
les monstruosités par la divergence des efforts. La lecture et la méditation de cet
ouvrage sont indispensables à tous les adeptes qui veulent approfondir les
mystères de la nature et se livrer sérieusement à la recherche du Grand
Œuvre. »

Et dans son « Histoire de la Magie » (pages 77 et 78) : « C’est en Égypte


que la magie se complète comme science universelle et se formule en dogme
parfait. Rien ne surpasse et rien n’égale comme résumé de toutes les doctrines
du vieux monde les quelques sentences gravées sur une pierre précieuse par
Hermès et connues sous le nom de table d’émeraude ; l’unité de l’être et l’unité
des harmonies, soit ascendantes, soit descendantes, l’échelle progressive et
proportionnelle du Verbe ; la loi immuable de l’équilibre et le progrès
proportionnel des analogies universelles, le rapport de l’idée au Verbe donnant
la mesure du rapport entre le créateur et le créé ; les mathématiques nécessaires
de l’infini, prouvées par les mesures d’un seul coin du fini ; tout cela est exprimé
par cette seule proposition du grand hiérophante égyptien : « Ce qui est
supérieur est comme ce qui est inférieur, et ce qui est en bas est comme ce qui est

151
en haut pour former les merveilles de la chose unique. » Puis vient la révélation
et la description savante de l’agent créateur, du feu pantomorphe, du grand
moyen de la puissance occulte, de la lumière astrale en un mot. « Le soleil est
son père, la lune est sa mère, le vent l’a porté dans son ventre. » Ainsi cette
lumière est émanée du soleil, elle reçoit sa forme et son mouvement régulier des
influences de la lune, elle a l’atmosphère pour réceptacle et pour prison. « La
terre est sa nourrice. » C’est-à-dire qu’elle est équilibrée et mise en mouvement
par la chaleur centrale de la terre. « C’est le principe universel, le TELESMA du
monde. » Hermès enseigne ensuite comment de cette lumière, qui est aussi une
force, on peut faire un levier et un dissolvant universel, puis aussi un agent
formateur et coagulateur. Comment il faut tirer des corps où elle est latente,
cette lumière à l’état de feu, de mouvement, de splendeur, de gaz lumineux,
d’eau ardente, et enfin de terre ignée, pour imiter, à l’aide de ces diverses
substances, toutes les créations de la nature. La table d’émeraude, c’est toute la
magie en une seule page ».

Fulcanelli voyait aussi le mot Kloros, qui signifie vert dans les lettres Khi
(Χ) et Rho (Ρ) du Chrisme. Il est à remarquer que si le texte est censé être
d’origine grecque ou égyptienne, jamais la version originale n’a été
retrouvée.

Fulcanelli, extrait du chapitre des Demeures Philosophales sur le cadran


solaire du Palais Holyrood : « À notre avis, le cadran solaire écossais est une
réplique moderne, à la fois plus concise et plus savante, de l’antique Table
smaragdine. Celle-ci se composait de deux colonnes de marbre vert, selon
certains, ou d’une plaque d’émeraude artificielle, selon d’autres, sur lesquelles
l’ouvre solaire était gravé en termes cabalistiques. La tradition l’attribue au Père
des philosophes, Hermès Trismégiste, qui s’en déclare l’auteur, quoique sa
personnalité, fort obscure, ne permet pas de savoir si l’homme appartient à la
fable ou à l’histoire. D’aucuns prétendent que ce témoignage de la science
sacrée, écrit primitivement en grec, fut découvert après le Déluge dans une
grotte rocheuse de la vallée d’Hébron. Ce détail, dépourvu même d’authenticité,
nous aide à mieux comprendre la signification secrète de cette fameuse Table,
qui pourrait bien n’avoir jamais existé ailleurs que dans l’imagination, subtile et
malicieuse, des vieux maîtres. On nous dit qu’elle est verte, - ainsi que la rosée
de printemps, appelée pour cette raison Émeraude des philosophes, - première
analogie avec la matière saline des sages ; qu’elle fut rédigée par Hermès,
seconde analogie, puisque cette matière porte le nom de Mercure, divinité
romaine correspondant à l’Hermès des Grecs. Enfin, troisième analogie, ce
mercure vert servant pour les trois Œuvres on le qualifie de triple, d’où
l’épithète Trismégiste [...] ajoutée au nom d’Hermès. La Table d’Émeraude

152
prend ainsi le caractère d’un discours prononcé par le mercure des sages sur la
manière dont s’élabore l’Œuvre philosophal. Ce n’est pas Hermès, le Thoth
égyptien, qui parle, mais bien l’Émeraude des philosophes ou la Table isiaque
elle-même ».

Dans son Dogme et Rituel de la Haute Magie notamment, Eliphas Lévi


en commente des passages. On trouve aussi un commentaire ésotérique
de la Table d’émeraude dans le second tome du Serpent de la Genèse de
Guaita.

TABULA SMARAGDINA HERMETIS VERBA SECRETORUM


HERMETIS

Il est vrai, certain et sans mensonge, que tout ce qui est en bas est comme
ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas :
pour accomplir le miracle d’une seule chose. De même que toutes choses
tirent leur origine de la Chose Unique Seule, par la volonté et le verbe de
l’Un, Seul et Unique qui l’a créée dans Son Esprit de même toutes les
choses doivent leur existence à cet Un par ordre de la Nature et peuvent
être améliorées par l’Harmonie avec cet Esprit.

Son Père est le Soleil, sa Mère la Lune, le Vent le porte dans son sein et sa
nourrice est la Terre. Cette Chose est le Père de tout ce qui est parfait
dans le monde. Son pouvoir est le plus parfait. Lorsqu’elle a été changée
en Terre, sépare la Terre du Feu, le subtil de l’épais, mais soigneusement
et avec beaucoup d’intelligence et d’industrie.

Elle monte de la terre vers le ciel et redescend, nouveau-né sur la terre


entraînant ainsi en elle la puissance du Supérieur et de l’Inférieur. Ainsi,
la splendeur du monde entier sera tienne et toute obscurité te fuira.

C’est le plus puissant de tous les pouvoirs, l’Énergie entre toutes les
énergies, car il triomphe de toutes les choses subtiles et pénètre tout ce
qui est solide. Car, c’est ainsi que le monde fut créé et que sont réalisées
des combinaisons rares et des merveilles de toutes sortes.

C’est pourquoi on m’appelle HERMES TRISMEGISTUS, car je me suis


rendu maître des trois parties de la sagesse du monde entier. Ce que j’ai
à dire sur le chef-d’œuvre de l’art alchimique, l’Œuvre Solaire, est
maintenant achevé.

Le dossier complet :

153
Dossier Table d’Emeraude
Un dossier sur la Table d’Emeraude avec divers documents et
diverses versions

Une note sur Ibn Ezra et les carrés


magiques
Si l’on attribue généralement l’origine des carrés magique à la Chine, et particulièrement au I-
Ching et au « Luoshu », la façon dont ils sont apparus en Europe est plus incertaine. On pense
cependant que la transmission ait été faite par les Juifs et passant par l’Inde et les Arabes.
Ainsi, Frank Swetz, dans son Legacy of the Luoshu, attribue à Ibn Ezra (Abenezra ou
Abraham ben Meïr ibn Ezra) l’introduction des carrés magiques en Europe au Moyen-âge.
D’autres universitaires abondent dans ce sens.

« L’introduction du carré magique de 3 sur 3 en Europe, écrit en lettres-nombres hébraïques


et sans doute transmis du monde méditerranéen par des marchands juifs, a été attribuée à
Abraham ibn Ezra, un érudit juif du douzième siècle issu de Tolède ». (Schuyler Camman,
Islamic and Indian Magic Squares, pts. 1 and 2, History of Religions 8, no. 3 (1969) : 181-
209, and no. 5 : 271-99).

« Le seul exemple connu de carré magique en hébreu est celui qui est attribué à Abraham ben
Meïr ibn Ezra » (Fishwick, Sur l’Origine du Carré ROTAS-SATOR, 1964).

Abraham ben Meir ibn Ezra, né vers 1090 à Tolède, dans l’émirat de Saragosse, décédé vers
1165 à Calahorra, était rabbin, poète, grammairien, traducteur, commentateur, philosophe,
mathématicien et astronome. Il fut l’un des plus éminents érudits juifs de l’Âge d’Or
espagnol, et l’une des sources d’inspiration de Baruch Spinoza (source Wikipedia).

George Sarton (1884-1956), le fondateur d’History of Science, dit d’Ibn Ezra que son « esprit
était un étrange mélange de rationalisme et de mysticisme. Ses écrits montrent son profond
intérêt dans les carrés magiques et dans les propriétés magiques des nombres ».

Extrait du Sepher ha-Mispar

154
C’est par son Sepher ha-Mispar qu’Abraham ibn Ezra a introduit le système numérique indo-
arabe en Europe. Il y utilise des lettres hébraïques – de Aleph à Teth – comme équivalent des
chiffres arabes de 1 à 9, et se sert du cercle afin de marquer le zéro. Les autres chapitres
traitent des opérations mathématiques ainsi que de la résolution des carrés magiques simples.
On retrouve d’autres références aux carrés magiques dans son Sepher ha-Echad (page 25), et
dans son Sepher ha-Shem (page 49) où il discute du carré d’ordre 3 et en fait quelques
commentaires mystiques.

Le premier carré magique connu en Europe était le carré de rang 3 (voir Cammann, Schuyler
(1969) Islamic and Indian Magic Squares, Part II. History of Religions 8(4) : pages 271–299).
C’est le « Zahlenquadrat » ou carré magique formé par une série de nombres selon une
progression arithmétique, disposés en rang et en ligne dont les sommes horizontales,
verticales et diagonales sont identiques (Jewish Magic and Superstition, Joshua Trachtenberg,
1939, page 142).

On remarquera que la somme de ce carré est 5. Nombre associé au nom divin YAH (Yod He)
dont la valeur en guématria est 15. En outre, le nombre 5 – qui représente la lettre He qui est
une forme raccourcie du Nom de Dieu – est toujours au centre de ce carré.

Voici, pour conclure cette note, deux palindromes – qui constituent un carré magique -
attribués à ibn Ezra :

‫פרשנו רעבתן שבדבש נתבער ונשרף‬

parasnu ra`avtan sheba’dvash nitba’er venisraf

« Nous avons expliqué que le glouton qui est dans le miel a été brûlé et incinéré ».

Une question sous forme de palindrome-carré magique :

‫אבי אל חי שמך למה מלך משיח לא יבא‬

« Mon Père, tu es un Dieu vivant, pourquoi le Roi-Messie ne vient-il pas ? »

155
A laquelle ibn Ezra répond par un palindrome-carré magique :

‫דעו מאביכם כי לא בוש אבוש שוב אשוב אליכם כי בא מועד‬

« Sache de ton père : je ne serai pas en retard, je reviendrai car les temps sont venus ».

Spartakus FreeMann, février 2009 e.v.

Haut du formulaire

Introduction

Soit que la question les a réellement obsédés, soit que la postérité n’a conservé d’eux que cet
acte de bravoure, les philosophes présocratiques sont célèbres pour avoir essayé de deviner
l’essence de l’univers, ou si vous préférez la materia prima à l’origine de tout le reste.

Pour résoudre l’énigme, chacun y va de son élément. Héraclite pense que le feu pourrait bien
être à la source de tout, Anaximène y verrait plutôt l’air, pour Thalès, ce sera l’eau, puis c’est

156
au tour d’Empédocle, au début du Ve siècle avant notre ère, de postuler que le feu, l’eau, la
terre et l’air se serrent les coudes pour composer l’univers. Et voilà, plus d’jaloux.

Malgré la concurrence, notamment celle de Démocrite qui pense que la matière pourrait être
bien être constituée de trucs tout petits tournant dans le vide [1], la théorie des quatre éléments
va passer à la postérité.

Reprise par Platon, puis Aristote, elle inspirera à la médecine sa doctrine des humeurs,
gagnera à sa cause l’astronomie, la physique, la philosophie & tandis qu’elle est passée de
mode en science, nos modernes ésotériciens continuent d’ajouter des saveurs élémentales
dans tous leurs exposés en son honneur.

Pourquoi un tel succès ? Chez les historiens des sciences, la théorie est couramment présentée
comme une simple fausse note dans la symphonie du progrès. Si Empédocle n’avait pas
ramené ses 4 éléments, peut-être que Démocrite, leur poulain à posteriori, aurait eu plus de
suffrages dans la pensée grecque. La galerie d’ancêtres aurait eu meilleure figure.

Mais voilà, Empédocle est passé par là & surtout, malgré ce que répètent les manuels, sa
théorie n’est pas une simple erreur d’aiguillage d’une vingtaine de siècles, si elle a bénéficié
d’autant de crédit, c’est qu’elle a séduit son monde par ses implications mystiques,
implications qui flottent toujours dans l’air dès lors que l’on passe la porte de l’ésotérisme.

1. Empédocle d’Agrigente (-484 à -424 environ)

Empédocle d’Agrigente est un disciple de Pythagore. Qu’il se soit fait éjecter à coups de pieds
de l’école du maître pour une histoire de vol de discours est un détail. D’ailleurs ne dit-il pas
lui-même que tout est mélange et qu’aucune génération de substance n’est possible ? Il
applique son postulat à la lettre : il touille.

Chez Pythagore, il prend la manie du quaternaire de même que cette conviction que le monde
est « cosmos », c’est-à-dire ordonné.

A Parménide, il emprunte l’immance. Ces 4 principes, qu’Empédocle appelle « les racines de


toutes choses », le terme « éléments » n’apparaîssant que plus tard, chez Platon, sont
qualitativement immuables, de toute éternité & ils occupent tout l’espace.

Tandis que Démocrite discourt sur le rien qui entoure les particules, Empédocle refuse par
principe les trous du gruyère. L’idée de bouts de matière tournoyant dans le vide plus ou
moins au hasard, lui déplaît considérablement. Les constituants de la matière sont incréés,
impérissables et ils remplissent tout. Voilà.

Et pour être bien sûr que ses éléments-racines ne soient pas confondus avec de vulgaires sacs
de sable ou une bouteille de Badoit, il les associe à des divinités : Le feu sera Zeus, la terre
Héra, l’eau Nestis et l’air Aïdoné.

157
« Apprends d’abord les quatre racines de toutes choses, Zeus le luminescent, Héra porteuse de
vie, puis Aidoneus et Nestis enfin qui nourrit les mortels par ses larmes.

... Non-engendrés.

Je te dirai encore : il n’y a de naissance pour personne parmi tous les mortels et pas non plus
de fin en relation avec la mort pernicieuse, mais seulement mixtion puis réconciliation de ce
qui a été mélangé. En ce qui concerne les hommes, on parle de naissance » [2].

Cependant, il faut bien rendre compte du caractère changeant du monde terrestre, Empédocle
va donc invoquer des lois d’affinités et d’inimitiés entre les choses. Si les 4 racines ne se
modifient en rien, par contre elles se réunissent ou se séparent sous l’influence de forces
cosmiques, le duo Amour & Haine :

« Aucun de ces échanges continus ne cessent, Tantôt sous l’effet de l’Amour, tout converge
vers l’Un, Tantôt au contraire chaque chose est emmenée séparément par la haine de
Discorde » [3].

Au Veme siècle, la théorie des quatre racines est encore une hypothèse parmi d’autres, qui
vaut bien celle de Thalès où l’on apprend que la terre est une bulle posée sur un immense
océan ou celle d’Héraclite postulant une guerre totale de la matière, appuyée sur le feu.

Sur celles-là cependant, elle a l’avantage du quaternaire, un nombre qui marque des points au
box office mystique notamment grâce à Pythagore, & celui de fournir une explication
unificatrice du monde assaisonnée d’immanence.

Ainsi que l’écrit Jean-Pierre Riffard, « Empédocle est une synthèse. Il résume l’ésotérisme
passé, en intégrant dans sa pensée les Mystères, Pythagore, Héraclite ; il annonce le futur en
donnant, en quelques vers, les bases de la pensée ésotérique » [4].

Mais si on y trouve en germe tout ce qui fera plus tard les joies de l’ésotérisme, à savoir l’idée
d’un monde ordonné, d’essences communes à toutes les manifestations, les lois d’affinités et
de sympathies & même le panpsychisme (« Toute chose a conscience et part à la pensée »,
nous dit Empédocle), son plus grand mérite sera de séduire les philosophes de la génération
suivante, Platon et Aristote, qui vont la faire passer à la postérité en la modifiant quelque peu.

2. Platon (-427 à -347 environ)

La théorie d’Empédocle sera d’abord récupérée par Platon qui nous expose sa cosmogonie
dans le Timée : Le Démiurge aurait créé l’univers à partir des 4 éléments puis l’aurait doté
d’une âme pour mouvoir le tout :

« Le Dieu a disposé ces éléments les uns à l’égard des autres, autant qu’il était possible dans
le même rapport, de telle sorte que ce que le feu est à l’air, l’air le fût à l’eau, et que ce que
l’air est à l’eau, l’eau le fût à la terre. De la sorte, il a uni et façonné un Ciel à la fois visible
et tangible » [5].

Il apparie ensuite ces éléments à des polyèdres connus pour leurs propriétés géométriques
remarquables, le tétraède, l’icosaèdre, le cube, l’hectaèdre et le dodécaèdre, qui sont dits
« réguliers » car toutes leurs faces sont des polygones réguliers identiques.

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Pythagore en a lui-même découvert un, le dodécaèdre. Plus tard Euclide démontrera qu’ils
sont bien 5 et pas un de plus. C’est néanmoins au nom de Platon que la postérité les associera
sous l’appellation de « solides de Platon » (solide = figure en trois dimensions).

Le rapprochement est ainsi justifié dans le texte :

« D’abord, que le feu, la terre, l’eau et l’air soient des corps, cela est sans doute évident pour
quiconque. Or, l’essence du corps possède aussi toujours l’épaisseur. Mais toute épaisseur
enveloppe nécessairement la nature de la surface. Et toute surface de formation rectiligne est
composée de triangles » [6].

Laissons à Platon la responsabilité de son argumentation. Contentons-nous de constater


qu’une fois de plus plane l’ombre de Pythagore qui nous murmure que tout est nombre, que
les choses sensibles possèdent des essences parfaites et abstraites. Le Démiurge de Platon est
avant tout un dieu mathématicien.

Les 4 premiers solides seront associés aux 4 éléments. Pour cela, Platon s’appuie sur leur
physionomie :

« A la terre attribuons certes la figure cubique. Car la terre est la plus difficile à mouvoir des
quatre espèces et c’est de tous les corps le plus tenace. Et il est très nécessaire que ce qui a
de telles propriétés ait reçu, en naissant, les bases les plus solides. Or, entre les triangles que
nous avons supposés à l’origine, la base formée par des côtés égaux est naturellement plus
stable que celle qui est formée par des côtés inégaux. Et la surface équilatère quadrangulaire
composée de deux équilatères est nécessairement plus stable, soit dans ses parties, soit dans
sa totalité, qu’une surface triangulaire. Par suite, en attribuant cette surface à la terre nous
nous conformons à la vraisemblance.

De même en attribuant à l’eau la figure la moins mobile, au feu la plus mobile, et la figure
intermédiaire à l’air. Et le corps le plus petit au feu, le plus grand à l’eau, l’intermédiaire à
l’air. Et le plus aigu au feu, le second par ce caractère à l’air, et le troisième à l’eau. Ainsi,
entre toutes ces figures, celle qui a les bases les plus petites doit avoir forcément la nature la
plus mobile : c’est toujours la plus coupante, la plus aiguë de toutes, et en outre la plus
légère, puisqu’elle est composée du plus petit nombre des mêmes parties.

Et la seconde doit tenir le second rang en ce qui touche ces mêmes propriétés, et la troisième,
le troisième rang. En conséquence, à la fois selon la droite logique et selon la vraisemblance,
la figure solide de la pyramide est l’élément et le germe du feu ; la seconde selon l’ordre de la
naissance, disons que c’est l’élément de l’air et la troisième, celui de l’eau.

Or, toutes ces figures, il convient de les concevoir si petites, que dans chaque genre, aucune
ne puisse jamais, à cause de sa petitesse, être perçue par nous individuellement. Au contraire,
lorsqu’elles se groupent, les masses qu’elles forment sont visibles.

Et, pour ce qui touche les rapports numériques concernant leur nombre, leurs mouvements et
leurs autres propriétés, il faut toujours considérer que le Dieu, dans la mesure où l’être de la
nécessité se laissait spontanément persuader, les a partout réalisés de façon exacte et a ainsi
harmonisé mathématiquement les éléments » [7].

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Quant au cinquième polyèdre, on lui délègue l’univers : « Il restait encore une seule et
dernière combinaison ; le Dieu s’en est servi pour le Tout, quand il en a dessiné
l’arrangement final ».

Oui, moi aussi, quand je monte un meuble en kit, il me reste toujours un ou deux boulons.

©Lysianne 2008

Notes
[1] Hypothèse faisant de lui, si on réfléchit, le digne inventeur du bidule.

[2] Empédocle, Fragments VII & VIII, traduction de Robin Delisle.

[3] Empédocle, Fragments XVII, traduction de Robin Delisle.

[4] Jean-Pierre Riffard, L’ésotérisme, Robert Laffont, 1991.

[5] Platon, Timée, Traduction Émile Chambry

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[6] Platon, Timée, Traduction Émile Chambry

[7] Platon, Timée, Traduction Émile Chambry

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