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Ces réserves étaient passées de 7,5 mois d’importations en juin 2014 à 2,3 mois à fin décembre
2015, et à 1,9 mois au 30 juin 2017.
La reconstitution des réserves de changes était donc le premier objectif en matière de politique
monétaire, en vue de la préservation de l’équilibre extérieur des économies de la CEMAC, dans un
monde ou les échanges internationaux se développent à une vitesse exponentielle. A cet objectif
général, la commission s’était assignée deux objectifs spécifiques, à savoir renforcer l’application de
la réglementation des changes en vigueur et faire aboutir la réforme de la révision de la
réglementation des changes.
Si les opérateurs économiques ont déjà pu constater la réalisation effective du premier objectif
spécifique, la réforme de la réglementation des changes restait attendue.
La confirmation du rôle central de la BEAC dans l’élaboration des règles relatives à la mise en
œuvre de la politique de change, notamment par ses instructions, et dans le respect de la
réglementation des changes ;
L’interdiction de l’ouverture d’un compte de devises dans la CEMAC au profit d’une personne
morale résidente, sauf autorisation exceptionnelle de la BEAC ;
L’institution d’un délai de 150 jours pour l’encaissement et le rapatriement des recettes
d’exportation de biens résultant de ventes fermes ;
La possibilité de réaliser des contrôles sur place des opérateurs économiques par le
Ministère des Finances ;
L’application d’une pénalité de 5% par jour de retard pour non-respect du délai de paiement
des amendes ou de régularisation des opérations en cause.
La nouvelle réglementation des changes est entrée en vigueur le 1er mars 2019. Un délai de six mois
est reconnu aux agents économiques pour se mettre en conformité avec ses dispositions.
Nous ne manquerons pas de commenter de façon plus approfondie ces nouvelles dispositions qui
seront complétées par des Instructions de la BEAC en cours d’adoption.
L'empreinte fiscale de la nouvelle règlementation des changes de la CEMAC [Tribune]
Par Magueye Gueye, avocat au Barreau de Paris - Cabinet Gide Loyrette Nouel | 13/06/2019, 11:30
| 1042 mots
Magueye Gueye est collaborateur sénior au sein de l'équipe Projets Finance Infrastructures de Gide.
Il est spécialisé en projets internationaux, partenariats public-privé, et en fiscalité française et
internationale des entreprises et des particuliers. (Crédits : DR.) Le Règlement
n° 02/18/CEMAC/UMAC/CM du 21 décembre 2018 portant sur la règlementation des changes dans
la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) est entré en vigueur le 1er
mars 2019. Si ce nouveau règlement est marqué en premier lieu par la forte volonté des autorités
monétaires régionales de reconstituer les réserves en devises de la Banque centrale des Etats de
l'Afrique centrale (BEAC), elle présente une certaine originalité se traduisant par une prise en compte
des problématiques fiscales.
Il est intéressant de se pencher sur la manière dont la nouvelle règlementation des changes a été
influencée par les dispositions de lutte contre l'évasion fiscale, en particulier celles encadrant les
transactions entre les entités d'un même groupe. Les rédacteurs du nouveau règlement sur les
changes ont fait le constat que les cas de détention de devises à l'étranger par des résidents, souvent
en violation de la règlementation des changes, pouvaient s'accompagner ou faciliter des infractions à
la législation fiscale.
En effet, avec le développement du phénomène de détention des devises à l'étranger, les Etats de la
zone CEMAC sont de plus en plus exposés au risque que des sociétés résidentes, souvent filiales de
groupes internationaux, fassent un usage abusif de ces comptes dans le cadre de montages fiscaux se
traduisant par des transferts indirects de bénéfices à l'étranger. Ces comptes bancaires peuvent
notamment être utilisés pour accumuler des sommes hors du champ de supervision de la BEAC ou
difficilement contrôlables par les administrations fiscales des pays de la CEMAC.
Pour rappel, les transferts indirects de bénéfices à l'étranger se matérialisent souvent dans le cadre
des prix de transfert. La notion de prix de transfert désigne les prix pratiqués entre entités d'un
même groupe établies dans des pays différents. Les prix de transfert concernent toutes les catégories
d'opérations susceptibles de donner lieu au paiement d'un prix : ventes, prestations de services,
prêts à intérêts, investissements en capital, réorganisations d'entreprises, etc.
L'encadrement des prix de transfert par le droit fiscal consiste à lutter contre les transferts indirects
de bénéfices en veillant à ce que les transactions entre entités du même groupe soient conformes au
principe de pleine concurrence, c'est-à-dire les prix intragroupes doivent être les mêmes que ceux
qui auraient été pratiqués entre deux entités indépendantes dans le cadre d'une relation
commerciale réalisée dans des circonstances économiques similaires.
Par ailleurs, l'article 73 du nouveau règlement pose une obligation de respecter le principe de pleine
concurrence pour toute assistance technique ou importation de services intra-groupe, ainsi que pour
toute contribution financière des sociétés résidentes aux frais de gestion et de recherche-
développement engagés par leurs maisons mères ou actionnaires. A cet égard, l'article 74 rappelle
que les importations de services sont effectuées sous la responsabilité de l'entité (résidente)
concernée et doivent consister en des prestations de services effectives correspondant à des besoins
réels des entités résidentes et rémunérées à leur juste prix sous peine de rejet des règlements des
transferts y afférents.
Le non-respect par l'agent économique du principe de pleine concurrence dans les importations de
services intragroupes est puni d'une amende de 10% du montant de l'importation de service. On
notera également que le défaut de domiciliation par l'agent économique des opérations
d'importation de biens ou services est puni d'une amende de 10% du montant de la transaction et la
non-effectivité de l'importation de services est punie d'une amende de 100% du montant en cause.
On notera qu'en voulant s'aventurer dans les méandres de la fiscalité internationale, les rédacteurs
de la nouvelle règlementation des changes ont sans doute oublié qu'en droit fiscal, le diable est dans
les détails. Ainsi, les articles 73 et 74 du nouveau règlement des changes ne visent que les
importations de services en ce qui concerne l'obligation de respecter le principe de pleine
concurrence. Les importations de biens ou encore les opérations de prêts ne sont pas visées par ces
dispositions alors que le principe de pleine concurrence auquel il est fait référence en matière de prix
de transfert vise aussi bien les transactions immatérielles que matérielles.
Si la prise en compte des problématiques fiscales dans la règlementation des changes peut être
saluée en ce qu'elle contribue à lutter contre les transferts indirects de bénéfices, il n'en demeure
pas moins qu'on peut s'interroger sur leur efficacité.
En l'état actuel des dispositions des articles 73 et 74 visés ci-dessus, il y a lieu de considérer que le
nouveau règlement sur les changes n'autorise pas les autorités monétaires de la CEMAC à
sanctionner un non-respect du principe de pleine concurrence et la non-effectivité de l'importation
de services dans le cadre de transactions avec l'extérieur portant sur des biens ou des emprunts.
Le principe d'interprétation stricte des lois répressives devrait conduire à limiter l'application des
amendes pour non-respect du principe de pleine concurrence et non-effectivité de l'importation de
services aux seules opérations portant sur des services. La faculté pour la BEAC d'étendre, dans le
cadre de son pouvoir d'interprétation, ces amendes au-delà des transactions portant sur les services
reste ainsi incertaine.
Par ailleurs, le fait que les législations fiscales des Etats de la CEMAC sanctionnent déjà les transferts
indirects de bénéfices soulève des interrogations sur l'application des sanctions prévues par le
nouveau règlement pour les mêmes faits. Il sera intéressant de voir comment le juge communautaire
de la CEMAC statuera sur ce cumul des sanctions au regard notamment du principe d'interdiction du
cumul des peines.