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Novembre 2005
Introduction
Le présent projet scientifique s’inscrit dans la continuité des grandes orientations scientifiques de
l’IHTP. Toutefois le laboratoire ayant passé par des moments critiques, il dresse le constat de la
nécessité d’une actualisation de la politique générale de l’équipe et propose ensuite un aperçu
des principaux projets en cours d’élaboration. Au passage, il montre l’émergence d’une
définition nouvelle de la notion d’histoire du temps présent.
Diagnostic
Ce n’est un secret pour personne que, depuis deux ans, l’IHTP a traversé une pénible crise dont
les ressorts ont été pluriels. La première raison de cette crise est que la greffe au sein de l’ENS
Cachan commencée en 1998 n’a pas bien pris. L’ENS n’a pas répondu aux espoirs de
développement de l’histoire que portaient les membres de l’IHTP. La section d’histoire
initialement prévue par la direction de l’école n’a jamais vu le jour. Les projets de fusion de
l’IHTP avec d’autres laboratoires de cet établissement ont aussi échoué, rendant le maintien sur
place difficile. Il devint nécessaire de rechercher une nouvelle implantation et de réécrire le
projet du laboratoire. La tentative de créer une UMR avec l’université Paris X-Nanterre
s’inscrivait dans ce projet de renouvellement grâce au rapport à l’enseignement supérieur que
désiraient plusieurs membres de l’équipe. Elle s’est révélée un échec après de longues et
incertaines négociations, et cela moins à cause d’une opposition intellectuelle ou de désaccords
stratégiques des chercheurs concernés que par la faute d’un changement des conditions
matérielles d’implantation exigées par l’Université. Enfin se posait la question de la succession
d’Henry Rousso qui, douze années durant, a présidé aux destinées de l’équipe. Dans un contexte
de débat interne vif, ce dernier a remis sa démission en novembre 2004, afin de préserver
l’intégrité de l’équipe, ouvrant de fait une longue période de vacance de la direction. Christian
Henriot alors DSA, devait diriger le laboratoire formellement pendant près d’un an. Une
quinzaine de collègues sollicités pour cette tâche ont décliné l’offre, soit par crainte que le
contexte de crise ne leur soit préjudiciable, soit parce qu’ils préféraient privilégier d’autres
dimensions de leur carrière. Beaucoup ne croyait pas qu’il serait possible de redresser
l’établissement. Finalement, la mission fut proposée à des candidats plus jeunes, formant une
équipe de direction, car la charge risquait de décourager un seul individu. Christian Ingrao et
Fabrice d’Almeida ont donc été proposé respectivement comme Directeur adjoint et Directeur, à
l’équipe qui devait nous accorder sa confiance.
Les conséquences de cette crise sont multiples et leur rappel est nécessaire afin d’établir
un diagnostique aussi juste que possible de la situation du laboratoire. Du point de vue humain
d’abord, la crise a entraîné le démantèlement d’une partie du laboratoire. Trois chercheurs ont
ainsi demandé une autre affectation : Danièle Voldmann, Fabrice Virgili et Alain Beltran.
Chacun d’eux avait été un acteur important de la période de crise et de la phase de transition.
Leurs départs correspondaient donc à une volonté de sortir du conflit. Pour des motifs analogues,
depuis peu, Sylvie Thénault a émis le souhait d’être placée au CHS à compter du 1er septembre
2006. Du côté des ITA, la ponction n’a pas été moins douloureuse. Annie Edon, Christelle
Sansa, Eleonore Testa, Maryvonne Le Pulloch et Jacques Le Maguer ont été affectés dans
d’autres laboratoires.
Ensuite, la crise a eu pour conséquence un changement de localisation du laboratoire. Il a
dû quitter l’ENS Cachan et être installé sur le site de l’IRESCO, dans des locaux aménagés en
urgence par l’UPS. Le déménagement qui a été le premier temps fort de notre action n’est
d’ailleurs pas encore achevé. La bibliothèque ne dispose en effet pas d’espaces en suffisance
pour installer ses collections (des meubles et des documents sont encore au garde-meuble). Le
projet de la direction du CNRS auquel nous souscrivons est de permettre à la bibliothèque de
prendre à la fin de l’année 2006 l’emplacement laissé vacant par le départ de la bibliothèque de
sociologie vers l’université Paris V. Précisons que la bibliothèque de l’IHTP maintient son
activité, puisqu’il est possible d’accéder sur rendez-vous aux fonds relatif à la deuxième Guerre
mondiale et à la guerre d’Algérie. Une récente convention signée avec la bibliothèque de
sociologie permet au lecteur de profiter des avantages de la salle de lecture car l’IHTP n’en
dispose pas à l’heure actuelle.
De son côté, le personnel est logé dans six bureaux au premier étage et un septième au
troisième, où se trouvent le bibliothécaire et l’archiviste. Cette installation est peu satisfaisante.
D’une part, elle isole deux permanents de l’équipe et scinde un groupe déjà restreint. D’autre
part, elle limite les possibilités d’accueil à un moment où le laboratoire tente une audacieuse
politique d’ouverture vers des chercheurs associés et des collègues étrangers. Force est donc
d’espérer que la situation sera corrigée dans les mois qui viennent soit par affectation d’un
supplément d’espace soit par un relogement.
Installé dans de nouveaux locaux, dans une situation dont il ne faut pas cacher l’évidente
précarité, en termes d’espace notamment, l’IHTP a mené depuis le mois de novembre un intense
travail de redéfinition de ses objectifs et des moyens de les atteindre, redéfinition qui ne pouvait
faire l’économie d’aborder tout à la fois les dimensions scientifiques, institutionnelles et
stratégiques.
Le mandat1, à nous confié par la Direction scientifique d’alors, Gérard Lenclud et
Christian Henriot, mandat sur la base duquel le laboratoire a ratifié notre nomination à la tête du
laboratoire est clair : il s’agissait en premier lieu de remobiliser une équipe ayant gravement pâti,
au plan humain, d’une crise ayant duré près de dix-huit mois. Il s’agissait en deuxième lieu de
préparer le déménagement de l’équipe dans les nouveaux locaux. Il s’agissait enfin, à plus long
terme, de repenser la stratégie d’alliance et d’insertion de l’Unité dans le paysage universitaire et
académique parisien et international. C’est à ce triple mandat que nous nous sommes consacrés
dans les premiers mois, officiels et officieux, de notre activité.
En ce qui concerne la re-mobilisation de l’équipe, les efforts ont porté dans trois
directions principales. En premier lieu, il s’est agi de réinvestir les chercheurs titulaires dans le
fonctionnement interne du laboratoire. L’hémorragie de personnel ITA d’encadrement a rendu
urgente la mise en autonomie des chercheurs dans des domaines aussi divers que l’organisation
et la mise en place de la Collection Histoire du temps présent (aux éditions complexe), du
Bulletin de l’IHTP ou l’organisation — y compris financière et logistique— des divers
séminaires, et notamment d’un séminaire interne rénové, destiné à devenir l’instrument de la
communication et du débat scientifique à l’intérieur même du laboratoire. Devenu l’agora des
historiens de l’IHTP, le séminaire interne est en train de devenir un instrument d’élargissement
de l’activité du laboratoire.
En second lieu, l’IHTP s’est appuyé depuis sa création sur un ensemble de personnels
chercheurs d’horizon divers. L’un des choix fondamentaux opérés depuis notre installation
consiste à donner une place importante aux chercheurs associés, pour la plupart universitaires, et
aux doctorants. À ce choix fondamental se combinait un impératif de réforme du fonctionnement
1
Ce mandat de direction de l’Unité propre de recherche a été publié dans la Décision
n° 05A002DSI du 6 décembre 2005 portant renouvellement des unités propres de recherche et
des unités propres de service et de recherche. Sa durée est de quatre ans. Cette nommination a
été effectuée sous réserve de l’acception de l’équipe de direction par le Comité national.
intérieur du laboratoire, qui vise à impliquer plus étroitement à la gestion et à la direction de
l’unité. Nous avons donc réuni le 17 janvier 2006 les quelque 40 chercheurs et doctorants affiliés
pour les associer à la nouvelle impulsion du laboratoire. Il a été convenu de mettre en place un
dispositif comportant trois types de réunions : d’une part, donc, un séminaire interne mensuel,
qui réunirait l’ensemble des personnels de chercheurs, autour de débats actuels et
d’interrogations épistémologiques ayant trait à l’histoire du temps présent. Le séminaire se
comprend par ailleurs comme un instrument de formation doctorale dont l’importance est
centrale dans la nouvelle configuration du laboratoire. Viennent ensuite, en alternance, tous les
deux mois respectivement, une réunion de laboratoire où siègent les personnels titulaires du
CNRS, ainsi que des représentants des chercheurs associés et des doctorants, réunion dans
lesquelles le fonctionnement et l’administration quotidiens font l’objet de comptes-rendus
réguliers. En alternance, enfin, des réunions à caractère plus plénier permettent, tous les deux
mois de régulariser la transmission de l’activité scientifique, en rendant compte de l’activité des
quelque 16 groupes de travail qui structurent les trois axes de recherche de l’Institut.
L’activité du laboratoire a ainsi gagné en intensité, les chercheurs associés et les
doctorants prenant une part de plus en plus active à la vie interne du laboratoire, et à l’heure où
l’on écrit ces lignes, la notification de la dotation de base permet de mettre en place les premières
planifications de réalisation de manifestation pour 2006. Il s’agit ici tout à la fois de financer les
recherches des personnels titulaires, mais aussi d’apporter un soutien logistique et financier,
notamment en termes de mission à l’ensemble des personnels — enseignants-chercheurs et
doctorants- qui s’associent aux activités du laboratoire. La mise en place de ce soutien logistique
combiné à l’augmentation nette de projets de manifestation conduira sans aucun doute à des
arbitrages et à l’étalement sur deux années au moins des manifestations prévues.
Le dynamisme de ce système, s’il se confirme, implique une augmentation nette de
l’activité d’un laboratoire qui si l’on excepte les dix-huit mois de crise et de déménagement,
comptait déjà parmi les plus dynamiques en histoire contemporaine. Il implique nécessairement,
par ailleurs, une montée puissance des ressources du laboratoire qui se comporte dans ce
nouveau système non plus simplement comme une unité CNRS classique – ce que d’ailleurs il
n’a jamais été—, mais comme un lieu de fédération de la recherche sur quelques objets très
particuliers, comme une fédération de moyens, en quelque sorte, pour une équipe fonctionnant
de manière élargie. Car la perspective désormais est européenne voire mondiale.
Cette impulsion et ces choix fondamentaux ne doivent cependant pas apparaître trop
brusques : ils se situent dans les faits dans la continuité de l’élan donné par François Bédarida,
Robert Franck et Henry Rousso. L’IHTP a en effet toujours joué un rôle de catalyseur des
recherches sur le temps présent, et s’est ouvert, dans les huit dernières années, aux doctorants en
quête d’accueil et de formation. Il n’en reste pas mois qu’un pas plus avant vient d’être franchi
avec l’association plus étroite des personnels non-titulaires dans l’administration et la vie
scientifiques du laboratoire, notamment par l’octroi d’une représentation au sein du conseil de
laboratoire et d’un droit de vote aux assemblées.
Au-delà de son évident intérêt scientifique, cette association plus étroite a deux
conséquences : d’une part, les collaborations qui se dessinent entre chercheurs sont autant de
liens noués avec des institutions académiques, liens qui ne manqueront pas de s’avérer utiles au
moment où l’IHTP devra se pencher sur son inscription institutionnelle dans le paysage
universitaire français et européen. En second lieu, et c’est là sans doute le point le plus
important, l’IHTP en assumant un rôle de formation des doctorants, fédère une partie non
négligeable de la recherche en devenir, se constitue un vivier dont la capacité d’innovation et
l’enthousiasme est l’un des gages de la pérennité du laboratoire, tant en termes démographiques
qu’en termes de renouvellement des interrogations.
II - Le projet scientifique : histoire du temps présent, histoire partagée
L’histoire du temps présent a fait l’objet de plusieurs définitions successives qui ont chacune été
le reflet de l’évolution du débat historiographique. La première est bien sûr celle que proposa
François Bédarida2. Il l’entendait dans un sens proche de celui que les Allemands donnent à
l’expression Zeitgeschichte, à savoir une histoire contemporaine qui s’intéresse aux faits les plus
récents et en particulier à la série d’événements consécutifs à l’accession du nazisme au pouvoir.
De fait, l’Institut für Zeitgeschichte de Munich avait servi de modèle pour créer un centre de
recherche équivalent en France.
Comme le souligne Pieter Lagrou dans un article méthodologique sur ce thème, la
définition de François Bédarida reposait sur l’idée qu’il existait une grande cohérence d’époque
entre les années 1930 et le début des années 1980 moment qui vit la naissance de l’IHTP3. Au
fond, ce qui importait c’était de reprendre et d’élargir l’héritage du Comité d’histoire de la
Seconde Guerre mondiale et de montrer comment cette même guerre avait façonné les esprits,
tant par la lente crise qui y avait conduit qu’à travers son souvenir. Bien que spécialiste reconnu
de l’histoire de la Grande-Bretagne, Bédarida avait surtout à cœur d’implanter cette réflexion sur
le temps présent dans un cadre national en se dotant d’un instrument essentiel pour la vie du
laboratoire, son groupe de correspondants départementaux4. Le laboratoire entrepris aussi de
créer une série de coopération internationale qui le plus souvent ont débouché sur des rapports
par pays, manière de faire une comparaison qui ne reposait guère sur une identité théorique.
Au même moment, l’équipe de René Rémond à l’université de Paris X-Nanterre et à
Sciences Po progressait dans la même direction avec une légère variante. Le temps présent
courait de 1870 à 1970, ce que l’on appelait entre soi le « siècle Rémond ». Pourtant, René
Rémond devait publier en 1988 un ouvrage Notre siècle qui débutait en 1918, année de sa
naissance5. Une parenthèse insistait sur ce lapse de soixante-dix ans, dont l’introduction justifiait
l’existence non pas par un exposé épistémologique mais tout simplement en soulignant le
chaînage événementiel de ces années6. Comment ne pas s’étonner de cette étrange prescience
d’avoir publié un tel livre un an avant la chute du mur de Berlin ? Rémond n’insistait pourtant
pas sur l’idée d’une période finie et pensait son livre comme le récit d’une histoire inachevée, un
travail de synthèse destiné aux historiens du futur, seuls capables de rendre à l’époque son
véritable sens.
L’avantage évident qu’offraient les définitions souples de François Bédarida et René
Rémond est de pouvoir intégrer toutes les recherches en histoire qui allait au-delà de 1945, tant
existait alors une certaine défiance envers ceux qui tentaient d’écrire l’histoire de phénomènes
pas totalement passés, digérés. Leurs apports risquaient d’être contestés par les protagonistes des
événements, et, il faut bien le dire, la durée moyenne des existences connut après les années
1960 un formidable bond en avant. Tant d’acteurs de la Seconde Guerre mondiale hantaient
encore la vie publique, distillant leur témoignage au gré des besoins.
2
Voir les articles sur ce thème dans François Bédarida, Histoire, critique et responsabilité, Paris,
Complexe, coll. Histoire du temps présent, 2003.
3
Pieter Lagrou, « De l’actualité de l’histoire du temps présent », Bulletin de l'IHTP, n° 75, juin 2000,
pp. 5-15.
4
Sur l’histoire de ce réseau voir Denis Peschanski, « L'enquête de réseau: les correspondants
départementaux de l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP). Une modalité de la recherche
collective en histoire du très contemporain », Cahiers du CRH, n° 36, oct. 2005.
5
René Rémond, Notre siècle 1918-1988, Paris, Fayard, coll. Histoire de France, 1988, 1012 p.
6
Idem, p. 13.
La notion de témoin occupa une place centrale. Elle explique la pratique et la défense
précoces de l’histoire orale contrôlée, à l’IHTP7. Il ne s’agissait pas ici de se couler dans le
moule de l’Oral history par le bas mais plutôt de chercher avec l’aide de personnalités
importante à reconstituer des traits souvent occultes voir secrets des relations au sein des
institutions publiques, car l’histoire du temps présent s’appuyait encore beaucoup sur la politique
pour structurer ses avancées, encore faut-il souligner que l’histoire économique et sociale n’en
était pas absente. Mais ces dernières intervenaient en contrepoint. Enfin commençait à avancer
après 1986 une histoire culturelle vouée au succès que l’on sait.
La souplesse de la définition théorique permit un vaste rayonnement de la notion
d’histoire du temps présent, au point que le terme fut repris par d’autres équipes en France et à
l’étranger. Le laboratoire connut à cette époque une croissance importante et mis en place un
centre de documentation et une bibliothèque dont les fonds spécialisés n’ont pas d’équivalent en
France.
7
Sur ce point voir le numéro suivant du Bulletin, Danièle Voldman (dir.), La Bouche de la vérité? La
recherche historique et les sources orales, Cahiers de l'IHTP, n° 21, novembre 1992.
8
Parmi les contributions de Henry Rousso sur l’histoire du temps présent et plus largement les
questions épistémologiques, voir son livre avec Philippe Petit, La Hantise du passé, Paris,
Textuel, 1998. Pour sa définition la plus récente voir Henry Rousso, « Histoire du temps présent
», in Dictionnaire des idées, Encyclopædia Universalis, 2005, p. 380-382.
9
Michel Trebitsch, Marie-Christine Granjon (dir.), Pour une histoire comparée des intellectuels,
Bruxelles, Complexe, coll. Histoire du temps présent, 1998.
Toutes ces raisons expliquent qu’au moment où le laboratoire a traversé une crise,
quelques belles âmes ont pu penser que sa mission étant au moins partiellement accomplie, il
pouvait se retirer avec les honneurs d’un vieux grognard. C’était ignorer la réalité des évolutions
historiographiques qui nécessitent un nouvel ajustement de la notion d’histoire du temps présent
et la préservation du seul lieu susceptible de porter ce questionnement.
Pour bien situer ce débat, il convient de rappeler le constat fait voici quelques années par
François Hartog10. Depuis la Révolution française s’est ouvert un nouvel ordre du temps qu’il
qualifie de moderne et qui se serait prolongé symboliquement deux siècle durant. En 1989,
presque symboliquement ce régime d’historicité aurait lui-m constaté sa propre fin à travers la
logique de commémoration et de patrimoine, signe de l’incapacité à observer le passé pour lui-
même. Si bien que nos sociétés seraient entrées dans un régime d’historicité qui se caractérise
par la réduction du futur et du passé au seul présent. Ce présentisme, comme il l’appelle a pour
effet de limiter la compréhension du monde car le passé n’est plus étudié qu’à partir de l’intérêt
qu’il peut revêtir dans un dispositif de luttes ou de communions actuelles. D’où une
multiplication des intrusions de la mémoire dans l’histoire et une parcellisation du discours sur le
passé afin que son instrumentalisation soit plus aisée. Certes, ce temps social n’est pas vraiment
celui des historiens de profession, mais, son message ne peut être isolé de celui des critiques
venues des promoteurs du Linguistic Turn et du Rhetorical Turn11.
Pour des personnalités comme Hayden White l’histoire est un récit qui manifeste
davantage les préoccupations de l’historien qu’un discours objectif sur le passé, une rhétorique
en somme dont le lien au passé est ténu. Ce subjectivisme a eu pour effet de rompre le statut
d’extra-temporalité de l’historien et de diffuser très largement les préceptes selon lesquels « il
n’est d’histoire que contemporaine » et que « toute histoire se conjugue au présent ».
Généralisation abusive, certes, mais qui traduisent tout de même un embarras des historiens face
au statut épistémologique de leur travail, particulièrement quand l’objet de recherche porte sur
leur propre époque. Les échanges vifs lors des débats sur les lois mémorielles, en 2005, illustrent
ce constat. Modernistes et contemporanéistes se refusent à « écrire sous la dictée de l’actualité »,
mais n’hésitent pas à intervenir dans l’espace public et à produire de l’actualité, tantôt au nom
d’un impératif de vérité qui les positionne en expert, tantôt en raison de leur volonté de défendre
une position, au nom de leur engagement dans la vie de la cité. Cette tension semble d’ailleurs
constitutive de la nouvelle fonction sociale des historiens, si l’on en croit le travail d’Olivier
Dumoulin12.
Présentisme et influence de l’actualité ont exercé une influence en deux temps sur
l’écriture de l’histoire très contemporaine. Naguère, les principaux doutes portaient sur la
validité des témoignages écrits et oraux, sources importantes de la connaissance historique. Il
fallait en user avec précaution car le difficile accès aux archives limité par la loi rendait
complexe le contrôle des informations. Il fallait aussi se méfier du spontanéisme des témoins,
trop enclins à transformer le passé pour se donner le beau rôle. Les apports des nouveaux fonds
d’archives consécutifs à l’ouverture à l’Est tout comme l’utilisation de sources publiques
longtemps négligées ont pourtant débouché sur la possibilité nouvelle de croiser les sources et
d’encadrer le témoignage dans une étoffe factuelle plus dense. L’esquisse d’une forme de
10
François Hartog, Régimes d'historicité - Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil,
coll. La librairie du XXème siècle, 2003.
11
Hayden White, Metahistory - The Historical Imagination in Nineteenth-Century Europe,
Baltimore and London, Johns Hopkins University Press, 1973 ; voir les critiques de Carlo
Ginzburg, Rapports de force. Histoire, rhétorique, preuve, Hautes Études/Gallimard/Seuil, 2002.
12
Olivier Dumoulin, Le rôle social de l’historien – De la chaire au prétoire, Paris, Albin
Michel, 2002.
néopositivisme, rendu nécessaire par les polémiques nées des révisions de l’histoire communiste
et post-communiste, rejeta le trouble de la relation avec le témoin au second plan. Désormais la
méfiance allait porter sur l’historien et passer sur le terrain plus biaisé encore de son rapport à sa
propre époque, à sa subjectivité.
Sur ce point, les propositions de l’historien d’Oxford, Timothy Garton-Ash apportent un
éclairage original13. Garton-Ash, en effet, par du principe que l’histoire du temps présent
(History of the Present) secaractérise par la possibilité pour l’historien de pratiquer une
immersion totale (Full Immersion) dans son sujet. Vivant la période qu’il étudie le savant doit se
confronter en tant qu’acteur à son objet. Pour illustrer son propos, il prenait l’exemple des
événements d’Europe de l’Est où il s’était rendu alors même que se déroulait la révolution
postcommuniste. Pour cette raison, Garton-Ash considère que la véritable histoire du temps
présent démarre avec l’effondrement du mur de Berlin. Reprenant cette idée, Pieter Lagrou
insistait sur le fait que seul l’historien du temps présent est face à cette tension d’un sujet
embrassé par son objet et contraint de thématiser ce lien.
La perspective ouverte par ces deux réflexions a le mérite de retourner l’ancienne
question épistémologique de l’objectivité de l’histoire. S’esquisse une nouvelle définition du
temps présent qui nécessite selon nous un complément afin de mieux cerner les risques
spécifiques qui pèsent sur le métier de ces historiens d’un genre particulier. Le temps présent est
celui dans lequel l’historien construit son expérience existentielle. Sa personnalité et, partant, son
travail est influencé par ses modalités d’accès à la conscience historique. D’évidence, deux
logiques s’imposent à lui. La première est celle perçue par Garton Ash : le vécu comme insertion
directe dans une époque dont il reçoit les coups, les empreintes et les discours en tant qu’acteur
conscient. L’éveil de la conscience historique toucherait ici la question subtile des générations
dont Jean-François Sirinelli à montrer l’importance dans le conditionnement intellectuel14. S’y
ajoute selon nous un ensemble d’expériences qui ont fortement pesé sur ses affects, qui
façonnent sa perception des événements passés, présents et à venir. Ces expériences, il ne les a
pas vécu, mais elle lui ont été transmises par la mémoire de ses groupes de références, familles,
pays… Cette mémoire à forte connotation affective n’a pas une durée de vie très longue. Les
psychologues et les psychanalystes considèrent qu’elle peut s’étaler sur trois ou quatre
générations et qu’ensuite, le poids des émotions s’amenuise dans la narration15. Faire l’histoire
du temps présent revient donc à s’intéresser à une époque, dont la limite chronologique pour être
relativement instable n’en est pas moins réelle en termes d’affects. Elle correspond à un long
siècle, pour l’heure partant de la Belle Epoque et courant jusqu’à nos jours.
L’historien du temps présent subit donc une double pression. La première provient de
l’héritage des générations antérieures qui ont façonné son regard l’ont chargé de stéréotype et de
croyances, au point que ces préjugés peuvent l’empêcher de percevoir des phénomènes de fonds.
Dans un récent ouvrage, Eva Hoffman a montré comment cette transmission recouvre des
émotions et des comportements qui restent à l’état inconscient, voire latents, avant d’être
réactivés lors d’une expérience personnelle par les récipiendaires de ce savoir terrible16. Une
telle remarque ne signifie pas tant s’en faut que l’histoire soit réductible à un travail de mémoire
parmi d’autres. Au contraire, son lourd travail d’objectivation à pour visée de sortir le récit des
événements de cette logique de transmission préjugés sur le passé.
13
Timothy Garton Ash, History of the Present. Essays, sketches and despaches from Europe in
the 1990s, Londres, Allen lane/Penguin Book, 1999.
14
Jean-François Sirinelli, Khâgneux et normaliens dans l’entre-deux-guerres, Fayard, Paris,
1988.
15
Voir par exemple le travail Didier Dumas, Hantise et clinique de l’autre, Paris, Aubier, 1989
ou d’Anne Ancelin Schützenberger, Aïe mes aïeux !, Paris, Desclée de Brouwer, 1993.
16
Eva Hoffman, Après un tel savoir… La Shoah en héritage, Paris, Calmann-Lévy, Mémorial de
la Shoah, 2005.
La seconde pression a pour origine les médias qui ne cessent de déverser un flot de
nouvelles dont le caractère spectaculaire pèse sur sa conscience historique et contribue à
façonner une forme de demande sociale pour sa parole. Ici, l’historien devient acteur, car sa
tribune focalise l’attention et ses choix engagent l’opinion17. La tentation est grande d’écrire
précisément de descendre dans l’arène partisane pour soutenir ou contester une décision
politique grâce à l’écho que confère la chair. Cette modalité fut particulièrement exploitée à
l’âge de l’engagement, quand l’éthique de parti tenait lieu de vérité universelle. Aujourd’hui son
recul favorise des interventions plus ponctuelles mais non moins provoquées par les
affrontements propres au monde politique.
Pour échapper à ces conditionnements du regard, l’historien ne peut se contenter
d’appliquer ses techniques usuelles de mise à distance, d’objectivation : critique de la
documentation, élaboration d’un questionnement systématique et mise en forme d’un discours en
relation avec la production historique antérieure. Il doit compléter l’opération historiographique
par la confrontation avec un regard étranger susceptible de faire saillir ses préjugés et de pointer
les biais inhérents à la structuration de ses affects.
De fait, l’histoire comparée a exercé une fonction de ce type pour une première
génération d’historiens qui avait été sensible au propos de Marc Bloch puis à ceux de l’école de
Bielefeld18. L’histoire comparée entre des sociétés limitrophes mais distinctes, effectuée à l’aide
de source primaire permit de délimiter de nouveau sujet, des problématiques inédites et de mettre
au point des techniques de recherche à l’échelle européenne. La notion d’histoire croisée forgée
plus récemment montrait la nécessité de rapprocher encore davantage les points de vie et les
perspectives en observant depuis des territoires transfrontalier l’histoire des hommes, et en
focalisant l’attention sur les périodes de rencontre et de frictions entre les peuples.
Ces premières expériences ont été d’une grande valeur pour favoriser une écriture
dépassionnée de phénomènes à fortes colorations affectives comme les guerres mondiales. Elles
ont permis une objectivation de certains biais. D’abord, la nécessité de se confronter à des
sources primaires a poussé les chercheurs à faire l’expérience d’un autre terrain et des réactions
qu’il provoquait en eux. Le cas de l’Allemagne est sans doute le plus révélateur de ces prises de
conscience des stéréotypes imprégnant profondément les individus, en particulier pour ceux dont
les familles ont vécu douloureusement les conflits mondiaux. Dans une ville comme Berlin, il est
vrai que les strates accumulées provoquent la raison, comme la montré le beau livre de Régine
Robin19. Ensuite, la confrontation à une historiographie étrangère a été l’occasion d’apport
intellectuel remettant en cause des traits culturels nationaux20. Il en fut ainsi du changement de
perspective facilité par la réflexion sur des Etats peu centralisés où les travaux d’histoire locale
revêtaient une coloration différente de celle d’une érudition classique21.
17
Ces deux canaux chargés d’affects engagent la conscience historique de l’historien et
expliquent pourquoi les phénomènes de transfert et de contre-transfert avec les témoins sont des
moments forts dans lesquels, il est confronté à ses propres représentations. Cela explique
largement la place accordée précédemment au témoin dans la définition même de ce qu’était
l’histoire du temps présent.
18
Voir Marc Bloch, pour une histoire comparée ; sur l’histoire comparée Hartmut Kaelble, Der
historische Vergleich – Eine Einführung zum 19. und 20. Jahrundert, Frankfurt, Campus, 1999
voir aussi Heinz-Gerhard Haupt, Jürgen Kocka (dir.), Geschichte und Vergleich, Frankfurt,
Campus, 1996.
19
Voir Régine Robin, Berlin Chantiers. Essai sur les passés fragiles, Paris, Stock, 2001.
20
Voir par exemple Fabrice d’Almeida, Histoire et politique en France et en Italie, Rome, EFR,
BEFAR, 1998,
21
Nous pensons ici aux apports hexagonaux de la Micro storia et de l’Alltagsgeschichte. Pour
une introduction à ces concepts Giovanni Levi, "Il piccolo, il grande e il piccolo", Meridiana, n°
10, 1990 ; Jacques Revel (dir.), Jeux d'échelles - La micro-analyse à l'expérience, Paris,
Malgré cette avancée, restait ouverte la question de la construction des problématiques et
de la fabrication des interprétations, le second niveau de l’opération historiographique selon
Ricœur, si complexe à élaborer22. Pour sortir des habitudes et des pratiques usuelles des
historiens enfermés dans leurs contextes académiques nationaux, il est nécessaire aujourd’hui
d’entrer dans ce que l’on se propose de nommer « histoire partagée ». Seule la possibilité de
travailler régulièrement avec des collègues étrangers, de choisir ensemble des thèmes et des
objets de recherche, de conduire parallèlement des enquêtes et d’effectuer une écriture collective
de ces phénomènes permettra de proposer des interprétations moins soumises aux affects des
historiens, ou à tout le moins de gérer la saillance des préjugés.
Cette démarche est d’autant plus nécessaire que le principal défi pour l’histoire du temps
présent est le rapport à l’actualité. Il ne s’agit plus d’effectuer un travail de clarification sur des
phénomènes historiques que l’on pensait encore vivants, à cause de leur caractère récent, en
utilisant la durée afin de souligner l’existence de tendances et de facteurs d’évolution. Il ne s’agit
pas non plus de mettre en perspective l’actualité comme pouvaient le proposer universités et
instituts d’études politiques dans les années 1980. Cet exercice consistait à prendre une nouvelle
et à la commenter grâce à la chronologie et à quelques notions générales, permettant de dégager
quelques traits récurrents. Il se justifie encore en terme utilitaire puisqu’une partie des étudiants
désireux d’intégrer des écoles de journalistes doivent préparer une épreuve d’actualité construite
selon ce schéma. Mais sur le plan intellectuel, cette pratique n’a guère fait progresser la
connaissance du passé ou la conscience historique. Il serait même l’archétype du présentisme. Le
projet de l’histoire du temps présent tente au contraire de disjoindre ce lien artificiel entre le
passé et la nouvelle qu’il devrait anticiper, afin d’éviter toute tentation téléologique. L’objectif
est de cerner la rupture qui sépare un événement ou un fait actuels d’un autre devenu inactuel.
Cette distinction ne se situe pas sur la même ligne de faille que celle naguère distinguant le passé
du présent et qui fut à l’origine même du travail historique. Il s’agit davantage de partir de
l’activité sociale de production de nouvelles et de saisir comment le mécanisme de désuétude
opère, entraînant l’oubli ou induisant des mécanismes de refoulement, laissant les acteurs dans la
semi conscience de leurs pratiques. L’histoire du temps présent occupe ainsi une étrange position
qui consiste plus souvent à reprendre ce qui a été su pour y donner un sens, ce sens caché que
dévoile la mise en série et le travail systématique de sources pléthoriques que les citoyens
ordinaires ne sauraient prendre le temps de compulser. La question de l’achèvement du
processus historique est donc secondaire dans cette réflexion qui comme toute histoire possède
une dimension expérimentale23, et donc des limites indispensables à l’établissement d’un
système de falsifiabilité. La confrontation avec des collègues étrangers est là encore essentielle
car ces derniers sont confrontés à un autre calendrier d’information et à un système médiatique
reflétant d’autres logiques de déformations du savoir. Partager la recherche historique c’est
affronter véritablement ce regard.
Quels territoires ?
La confrontation à l’altérité ne doit pas apparaître comme une sorte de fétichisme cosmopolite.
Le projet de l’IHTP n’est pas de créer une théorie de l’histoire totalement déracinée et sans
compréhension de la vie des hommes dans leur environnement. Il suppose une analyse des
implications du territoire et des solidarités humaines à la hauteur de l’exigence posée dans
l’étude des régimes d’historicité.
EHESS/Gallimard/Seuil, 1996 ; Martin Sabrow, Ralph Jessen, Klaus Große Kracht (dir.),
Zeitgeschichte als Streitgeschichte – Grosse Kontroversen seit 1945, Munich, Beck, 2003.
22
Paul Ricœur, La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli, Paris, Le Seuil, 2000.
23
Alain Boureau, Daniel S. Milo, Alter histoire. Essais d'histoire expérimentale, Paris, Les
Belles Lettres, 1991.
Quatre échelles d’analyse se superposent donc dans le projet ici présenté qui révèlent la
volonté de maintenir les savoirs faire essentiels du laboratoire. En premier lieu vient l’échelle
locale. À ce niveau, les échantillons varient de la ville à la région en passant bien sûr par le
département. Plusieurs outils sont constitués pour travailler le terrain. Le réseau des
correspondants a été ravivé par l’étude sur la réception de la guerre d’Algérie en métropole,
conduite par Sylvie Thénault et Raphaël Branche. Il restera sous la direction de ces deux
chercheuses même après le changement d’affectation de Mme Thénault. Le laboratoire conserve
la gestion de la convention avec la direction des affaires scolaires qui devrait faire l’objet d’une
actualisation du fait de la déconcentration financière au ministère de l’éducation nationale.
L’étude parviendra à terme en dans le courant de l’année 2008, l’ACI qui la finance prenant fin
en juillet 2007, après réalisation de l’enquête locale. Lors de la dernière réunion des
correspondants vers le mois d’avril 2007 un nouveau thème de recherche sera proposé, afin de
tenter d’obtenir avant son lancement un financement supplémentaire (ANR, FMS…). Plusieurs
thèmes sont à l’étude.
Outre le réseau le traditionnel réseau des correspondants de l’IHTP, une seconde
structure décentralisée est en cours d’élaboration. Sous la direction de Christian Delacroix,
François Dosse et Patrick Garcia, a débuté depuis le mois de février la mise en place d’un réseau
de référence en épistémologie et historiographie du temps présent. Ce groupe s’est déjà réuni
sous l’impulsion de l’Inspection générale de l’éducation nationale et de l’ESEN. Pour l’heure, il
rassemble une vingtaine d’enseignants chercheurs spécialistes de cette discipline. Le projet est
de mettre en place des outils permettant une discussion régulière des questions d’écriture et
d’enseignement de l’histoire, avec le désir de penser les différents registres discursifs de la
discipline, de l’enseignement primaire, à la recherche de pointe.Ce groupe fait le lien entre le
niveau local et les exigences nationales et internationales de l’histoire du temps présent puisqu’il
devrait sert déjà de support pour des collaborations avec des théoriciens de l’histoire en Europe
et en Amérique latine
La deuxième échelle est nationale, c’est la mieux étudié en histoire du temps présent
puisque des laboratoires de recherche comme le Centre d’histoire sociale de l’Université de Paris
I, le Centre de recherche historique à l’EHESS ou le Centre d’historie de Sciences Po s’en sont
fait une spécialité depuis longtemps. L’IHTP n’est pas absent de ce débat, mais en insère
l’analyse dans les dimensions moins fouillées de la connaissance historique que permettent les
changements d’échelle.
Au troisième niveau se trouve l’Europe au sens large. Le passage à cette échelle s’est
effectué progressivement, mais il affecte désormais toutes les activités, soit que les recherches
soient d’emblée comparatives soit que travaillant sur un pays, les chercheurs soient amenés à
tisser une collaboration internationale pour ce faire. Illustre cette ouverture la mise en place sous
l’impulsion d’Henry Rousso du réseau Eurhist XX qui regroupe des centres issus de dix pays
d’Europe qui travaillent sur une problématique générale européanisation de l’histoire du
temps.L’ambition de notre direction est de consolider la position unique du laboratoire en
matière d’histoire comparée de l’Europe et d’approfondir les liens avec un nombre de partenaires
bien choisi afin de promouvoir le projet d'histoire partagée que nous appelons de nos vœux.Dans
cette perspective, le laboratoire jouit d’avantages importants car la très grande majorité de ses
chercheurs possèdent une bonne maîtrise des langues étrangères et ont effectué des séjours de
longue durée à l’étranger.
Enfin s’impose l’ultime échelle d’analyse, celle de la globalité. Le laboratoire travaille en
effet à échelle intercontinentale pour quelques sujets tests, mais il faudra bien songer
prochainement à une réflexion sur le temps à cette échelle, comme ont pu tenter de le faire, non
sans faiblesse des figures aussi éminente qu'Eric Hobsbawm, Lutz Raphaël ou Emilio Gentile.
L’IHTP pour l’heure a entamé quelques collaborations.Grâce à l’impulsion de Malika Rahal, une
réflexion sur la vie politique dans les pays colonisés, en particulier à travers l’étude des partis
politiques « indigènes », face aux techniques de censure et au processus électoral fera l’objet
d’un colloque coorganisé avec l’université d’Alger ainsi que d’une coopération avec le Centre
d’histoire sociale de l’Université de Tunis. Autre exemple de cette réflexion intercontinentale le
projet « Colonialism and Postcolonialism fascism » animé en collaboration avec Alain Delissen
du Centre Corée (EHESS). Il s’agit de comparer les expériences coloniales de l’Allemagne
nazie, de l’Italie fasciste et du militarisme japonais et d’évaluer jusqu’à quel point les politiques
coloniales participaient de la conception génocidaire et de l’idéologie eschatologique de ces
régimes. Ce projet inédit se propose de mener la première analyse systématique des colons
pendant la phase de conquête et après les défaites. C’est un autre terrain où se pose la question
des sorties de guerre et des transitions politiques et judiciaires.
Partant de cette nouvelle définition de l’histoire du temps présent l’IHTP a choisi d’orienter son
action en consolidant son implantation internationale et sa coopération régulière avec des
collègues étrangers. Cette dimension de pôle européen de recherche en histoire très
contemporaine est constitutive de son activité. Désormais, pratiquement tous ses groupes de
travail sont inscrits dans une perspective comparative et devraient, à terme, faire l’objet de
conventions afin de mettre en acte le projet d’histoire partagée. Cette réflexion est structurée en 4
axes qui ne prétendent pas traiter toutes les questions de l’histoire du temps présent mais sont
autant de terrains essentiels ou la définition que nous avons proposée et ses enjeux majeurs
peuvent être testés. La présentation ici donnée est rapide compte tenu de la demande du Comité
national de fournir un texte bref. Nous avons donc mis en liste les groupes de travail par axe de
recherche en indiquant à chaque fois les personnels du laboratoire et les chercheurs associés qui
s’y impliquent, sans détailler pas les diverses manifestations prévues (journées d’études,
séminaires, colloques). Le but est de montrer une thématique plutôt qu’un calendrier. On
constate ainsi que le travail collectif a largement repris au sein du laboratoire.
Sur cette base, l’équipe de direction envisage d’approfondir les relations avec les partenaires
étrangers par le biais de relations contractuelles, et de renforcer les liens, déjà nombreux, avec le
monde académique français, notamment par l’intermédiaire de ses réseaux institutionnels de
recherche et d’ouvrir grand l’activité à ceux qui de tradition ont permis son rayonnement, les
doctorants et post-doctorants, en qui nous voyons l’avenir du laboratoire et, plus généralement,
de la recherche. Tels seront les enjeux des quatre années à venir.