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Le « tawakkoul

Nous allons parler aujourd’hui d’une nouvelle station


d’épuration spirituelle, à savoir, le « tawakkoul ». Le
« tawakkoul » constitue l’une des branches de la foi. Le
« tawakkoul » signifie le fait de placer ta confiance en Dieu, de
t’en remettre à Lui dans tout ce que tu entreprends ; de Lui
déléguer toutes tes affaires. Le « tawakkoul » est une action du
cœur ; une qualité fondamentale de la foi ; l’une des plus
importantes dimensions de la religion, au point où l’imam Ibn
al-Qayyim l’ait qualifié de la moitié de la religion ; la deuxième
moitié étant « al-inaba », c’est-à-dire, le repentir ; et ce,
conformément au verset coranique : « En Lui, je place ma
confiance, et c’est vers Lui que je reviens repentant » (Coran
11 :88). En effet, la religion est constituée de l’adoration
« ‘ibada » et de l’imploration du secours de Dieu « isti’ana »
comme le signifie le verset « C’est Toi Seul que nous adorons,
et c’est Toi Seul dont nous implorons secours » (Coran 1 :5),
or, revenir repentant à Dieu est un acte d’adoration et le
« tawakkoul » est une imploration du secours de Dieu.
Le « tawakkoul » est donc une imploration du soutien divin ; un
refuge vers Dieu pour faire face aux différentes adversités que
peut connaître l’homme.

Le « tawakkoul » consiste à déléguer à Dieu le soin de gérer tes


affaires, de la même façon que l’enfant qui n’a pas atteint l’âge
du discernement s’en remet à ses parents pour gérer ses
affaires partant du fait qu’il est convaincu qu’ils sont plus

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compétents que lui, plus prévoyants, plus attentifs à son intérêt
que lui-même.
Dans plusieurs versets, Dieu ordonne à Son Messager de faire
preuve de « tawakkoul » à Son égard. Il dit : « Et place ta
confiance en Dieu et Dieu suffit comme protecteur » (Coran
33 :48), « Place ta confiance en Dieu, car tu es de toute
évidence dans la vérité et le bon droit » (Coran 27 :79), « Le
Seigneur du levant et du couchant. Il n’y a point de divinité
à part Lui. Prends-le donc comme protecteur « wakil » »
(Coran 73 :9) …

Le « tawakkoul » est une qualité des prophètes. En effet, ils ont


fait face aux persécutions de leurs détracteurs en plaçant leur
confiance en Dieu et en se remettant à Lui. Dieu
dit : « Raconte leur l’histoire de Noé, quand il dit à son
peuple « Ô mon peuple, si mon séjour parmi vous et mon
rappel des signes de Dieu vous pèsent trop, alors c’est en
Dieu que je place ma confiance. Concertez-vous avec vos
associés et ne cachez pas vos plans. Puis, décidez de moi et
ne me donnez pas de répit » » (Coran 10 :71).
Lorsque le prophète Houd, que la Paix soit sur lui, fut menacé
par son peuple, il répondit : « Rusez donc tous contre moi et
ne me donnez pas de répit, je place ma confiance en Dieu,
mon Seigneur et le vôtre » (Coran 11 : 55-56).

Quand à Ibrahim, que la Paix soit sur lui, lorsqu’il fut jeté au
feu, ses derniers mots furent : « Dieu me suffit et c’est le
meilleur des garants et protecteurs ». L’Ange Gabriel vint
alors le voir alors qu’il était dans les airs (avant d’atterrir dans
le feu) et lui dit : « As-tu besoin de quelque chose ? ». Ibrahim,

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que la Paix soit sur lui, répondit : « Venant de toi, non ! ». Le
résultat fut tel que Dieu ordonna au feu : « Ô feu, sois, pour
Abraham une fraicheur salutaire » (Coran 21 :69).

Le « tawakkoul » fait également partie des qualités des


croyants. Dieu nous parle dans le Coran de l’après-Ouhoud, Il
dit : « Certes, ceux auxquels l’on disait : « Les gens se sont
rassemblés contre vous ; craignez-les, cela accrut leur foi et
ils dirent : « Dieu nous suffit, Il est notre meilleur
garant » » (Coran 3 :176). Quel était la conséquence ? « Ils
revinrent donc avec un bienfait de la part de Dieu et une
grâce. Nul mal ne les toucha » (3 : 177).
Ibrahim, que la Paix soit sur lui, prit son épouse Hajar et son fils
Ismaïl, les laissa dans ou oued sans végétation, puis,
commença à partir. C’est alors que Hajar le suivit et lui
dit : « Où pars-tu en nous laissant dans un oued sans eau, ni
végétation ni compagnie ? ». Ibrahim que la Paix soit sur lui
continua sa route sans se retourner. Elle lui réitéra la question
plusieurs fois mais celui-ci ne répondit pas. Hajar dit
alors : « Est-ce Dieu qui te l’ait ordonné ? » « Oui » dit-il. Hajar
répondit alors telle une croyante dont l’âme est imprégnée par
le sens du « tawakkoul » : « Alors, Il nous abandonnera
jamais ». Puis, apaisée, elle retourna auprès de son fils.

En vérité, le « tawakkoul » est une caractéristique indissociable


de la foi. Dieu dit : « Les vrais croyants sont ceux dont les
cœurs frémissent quand on mentionne Dieu. Et quand Ses
versets leur sont récités, cela fait augmenter leur foi. Et ils
placent leur confiance (tawakkoul) en leur Seigneur »
(Coran 8 :2). Il dit également : « Et c’est en Dieu qu’il faut

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placer la confiance, si vous êtes croyants » (Coran 5 :23).
Cela signifie que si le « tawakkoul » est inexistant, la foi est
inexistante, et point de foi sans placer totalement sa confiance
en Dieu et sans se remettre entièrement à Lui.
De plus, le « tawakkoul » est à même de garantir le sentiment
de quiétude et de sérénité. En effet, les gens ont l’habitude de
s’inquiéter pour deux choses : les biens matériels et la durée de
vie. Or, la subsistance est écrite, et le terme de la vie est
déterminé. Nul ne peut te retirer une partie de ta subsistance,
aussi minime qu’elle soit, de même que tu ne sauras retirer une
partie de la subsistance destinée à une tierce personne. Quant
au terme de la vie, il ne peut être ni précipité ni retardé. Ainsi,
quiconque place sa confiance en Dieu et se remet totalement à
Lui, ne s’inquiètera ni pour sa subsistance ni pour sa vie.

Par conséquent, le « tawakkoul » est une source de force pour


le croyant, car celui qui n’a peur ni pour sa subsistance ni pour
la durée de sa vie ne saurait s’humilier. Il fournit certes des
efforts, mais sans s’humilier pour autant, sans se rabaisser. Il
est dit dans un hadith : « Celui qui aime être le plus noble
parmi les gens qu’il craigne Dieu. Celui qui aime être le plus
fort, qu’il place sa confiance en Dieu, et celui qui désire être
celui qui se passe le plus des autres, qu’il place sa certitude en
ce que Dieu possède plus qu’il ne la place en ce qu’il détient
entre ses deux mains ».

Il importe de préciser qu’il ne faut pas comprendre que le


« tawakkoul » est un appel à la négligence des causes. Voulant
rentrer dans la mosquée, un homme demanda au Prophète
(saws) : « Dois-je laisser ma chamelle en liberté et placer ma
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confiance en Dieu, ou dois-je l’attacher et faire preuve de
« tawakkoul » ? ». Le Prophète (saws) répondit : « Attache-la,
plutôt, et fais preuve de « tawakkoul » » (at-Tirmidhi). Nous
avons là un texte explicite quant à l’obligation de la prise en
considération des causes. C’est ainsi que le « tawakkoul » est
défini comme étant le fait de fournir l’effort pour la réalisation
des causes, puis s’en remettre à Dieu, contrairement à ce que
pensent certains soufis (non orthodoxes), à savoir, que le
« tawakkoul » ne peut se réaliser qu’en faisant abstraction
totale des causes, au point de s’aventurer dans le désert sans
eau ! Certaines personnes, influencées par cette
compréhension erronée, n’équipent pas leurs voitures de roue
de secours sous prétexte que ceci contredirait le
« tawakkoul » !!!
Les pieux prédécesseurs disaient : « L’abandon des causes est
un péché, mais s’en remettre aux causes est de l’idolâtrie ».
Ainsi, le croyant qui fait preuve de « tawakkoul » tient compte
des causes sans s’en remettre pas à celles-ci. Il s’en remet à
Celui qui est à l’origine des causes. Ce n’est pas les causes qui
te garantissent le succès. Seul Dieu peut de te l’accorder. Tu ne
réussis pas grâce à ton effort, même si celui-ci est nécessaire.
Tu réussis grâce à Dieu. Ainsi, les causes sont nécessaires mais
pas suffisantes !

D’autres ont dit : « Se remettre exclusivement aux causes est


une transgression du monothéisme ; se détourner
complètement des causes est une transgression de la Sunna et
de la législation musulmane. »
En effet, le Prophète (saws) tenait compte des causes. Il
consultait ses compagnons en essayant de parvenir à la

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meilleure position, après quoi, il plaçait sa confiance en Dieu et
passait à l’action conformément à la parole de Dieu : « Et
consulte-les à propos des affaires ; puis une fois que tu t’es
décidé, confie-toi donc à Dieu » (Coran 3 :159).

Parmi les compagnons, il y avait des agriculteurs, des


commerçants, des artisans, le Prophète (saws) n’a jamais exigé
d’eux de renoncer à leurs métiers. ‘Omar trouva un jour des
gens à la mosquée après la Prière du vendredi, il leur
demanda : « Qui êtes-vous ? ». « Des gens qui placent leur
confiance en Dieu (moutawakkiloun) » répondirent-ils. Il leur
dit : « Vous êtes plutôt des gens qui se laissent aller. Que l’un
de vous ne cesse de faire des efforts pour rechercher sa
subsistance, d’autant plus que le ciel ne fait tomber ni or ni
argent ! Dieu pourvoit à la subsistance des gens en faisant en
sorte qu’ils le sollicitent les uns des autres. N’avez-vous pas
entendu la parole de Dieu : « Puis quand la salat est achevée,
dispersez-vous sur terre, et recherchez quelque effet de la
grâce de Dieu » (Coran 62 :10) ?!
Partant pour un voyage commercial, un homme vint un jour
voir Ibrahim ibn al-Ad-ham (un pieux prédécesseur réputé
pour sa sagesse et sa piété). Après quelques jours, il rentra de
son voyage plus vite que prévu. Le voyant, Ibrahim ibn al-Ad-
ham lui dit : « Pourquoi es-tu rentré si vite ? ». L’homme
répondit : « J’ai vu en chemin quelque chose d’étonnant ».
« Qu’as-tu vu ? » dit Ibn al-Ad-ham. Il dit : « J’ai vu un oiseau
blessé, paralysé des pattes. Je me suis dit alors : Qui pourvoit à
la nourriture de cet oiseau ? Je restai l’observer pendant un
temps, c’est alors qu’un autre oiseau arriva en lui apportant de
la nourriture et se mit à le nourrir. Je me dis alors que Celui qui

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a garanti la nourriture de cet oiseau blessé et paralysé est à
même de me nourrir ! Ibn al-Ad-ham lui alors : « Pourquoi te
contenterais-tu d’être l’oiseau blessé et paralysé plutôt que
l’autre ?! »

Lorsque Dieu voulu sauver Noé, que la Paix soit sur lui, ainsi
que ceux qui crurent en lui, Il leur ordonna la construction
d’une arche, alors qu’Il pouvait tout à fait les sauver en se
passant de l’arche. En vérité, Dieu a voulu leur enseigner le
sens du « tawakkoul », à savoir, fournir l’effort nécessaire, puis
s’en remettre à Dieu.
Quand Marie enfanta ‘Issa, que la Paix soit sur lui, sous un
palmier, Dieu lui dit : « Et secoue vers toi le tronc du palmier,
il fera tomber sur toi des dattes fraîches et mures » (Coran
19 :25). Pourquoi Dieu lui aurait-Il demandé une telle chose
alors qu’elle est si faible après l’accouchement ; une chose que
même un homme fort ne pourrait réaliser. Il voulait par là nous
enseigner le sens du « tawakkoul » ; fais un effort ; fais ce que
tu peux ; puis implore l’aide de Dieu !

Ainsi, il incombe au musulman de déployer tous ses efforts,


c’est alors qu’il remettra son affaire à Dieu. Lorsque Moïse, que
la Paix soit sur lui, arriva avec son peuple à la mer rouge, il fut
face à la mer, dos à l’ennemi. Voyant Pharaon et ses soldats, les
compagnons de Moïse dirent : « Nous allons être rejoints »
(Coran 26 :61). Plaçant toute sa confiance en Dieu et s’en
remettant complètement à Lui, Moïse fit preuve de
« tawakkoul » et dit : « Jamais, car j’ai avec moi mon
Seigneur qui va me guider » (Coran 26 :62).

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Le sens du « tawakkoul » se manifeste clairement lors de
l’émigration du Prophète (saws) à Médine. Il déploya tous ses
efforts de planification et d’organisation. En dépit de toutes ses
précautions minutieuses, les idolâtres ne cessèrent de le
chercher jusqu’à parvenir à la grotte où il se cachait en
compagnie de Abou Bakr (rad). Ils étaient si proches qu’Abou
Bakr dit au Prophète (saws) : « Si l’un d’eux baissait la tête, il
pourrait nous voir ». Le Prophète (saws) répondit en toute
sérénité : « Abou Bakr ! Que penses-tu de deux dont Dieu est le
troisième ! N’ai pas peur, Dieu est avec nous ».
Ainsi, lorsque l’effort humain nécessaire arrive à ses limites,
l’attention divine intervient ; c’est là le sens du « tawakkoul ».

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