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ULB DHC 175e

2010 – 1898
ULB DHC 175e
2010 – 1898

Édité par
Didier Devriese
Carole Masson
Anne Thomas-Lemoine
Remerciements

Les éditeurs adressent leurs vifs remerciements à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cet ouvrage et en particulier Valérie Bombaerts (Département
des Relations extérieures), Alain Dauchot (Département des Relations extérieures), Véronique Delannay (Archives et Bibliothèques de l’ULB), Françoise Delloye
(Archives et Bibliothèques de l’ULB), Pascale Delbarre (Archives et Bibliothèques de l’ULB), François Frédéric (Archives et Bibliothèques de l’ULB), Cécile Gass
(Archives et Bibliothèques de l’ULB), Christel Lejeune (Département des Relations extérieures) et Isabelle Pollet (Département des Relations extérieures).

Les notices biographiques des DHC ont fait l’objet d’un travail intermédiaire durant un séminaire d’Histoire contemporaine de BA2 à l’ULB dirigé par Kenneth Bertrams.
Nous tenons à remercier les étudiants Karim Attanjaoui, Maxime Badard, Johan Baise, Julie Bottu, John Claeys, Olivier Conti, Victoria Debry, Christophe De Coen, Fabien
De Moor, Romain Degen, Laure Delacroix, Hélène Delacroix, Stéphanie Demeuldre-Coché, Fabian De Moor, Anne-Catherine Dumont, Martin Eggermont, Ziad El Baroudi,
Sarah Erman, Jean-Louis François, Bruno Gérard, Joëlle Grevig, Philippe Halasz-Baradlay, Guillaume Henn, Thomas Hinnion, Elora Hotermans, Vicky Ioannidis, Audry
Lambert, Anne Lannoye, Félicie Lécrivain, Laura Lhoest, Alexandre Macha, Sven Mausen, Gilles Mertens, Rainier Minez, Adrien Moons, Pablo Nyns, Samuel Pauwels,
Noémie Picavet, Sandrine Pierrard, Axel Pletinckx, Sophie Richelle, Jonas Roland, Amélie Roucloux, Isabelle Schwartz, Julien Sohier, Nicolas Solonakis, Sandra Stevens,
Max Stockmans, Mathieu Triffaux, Charlotte Vahsen, Marjorie Vandervaeren, Amandine Verheylewegen, Quentin Wicquart, David Zanetti pour leur contribution.

Nous tenons également à remercier Michaël Amara, Catherine Gauthier, Pierre Goldschmidt, Pierre-David Kusman, Ivan Roisin et Laurence Schram
pour l’aide qu’ils nous ont apportée dans la rédaction des notices, ainsi que Roger Boin et Francisca Medel pour la recherche iconographique.

Cet ouvrage n’aurait pas vu le jour sans le professionnalisme et le dévouement d’Aurélie Deblon et de Serge Vandenput.

Édition du texte : Carole Masson et Anne Thomas-Lemoine


Traduction : Taal-ad-Visie
Iconographie : Flore Alix, Anne-Sophie Devriese-Marchant et Anne Thomas-Lemoine
Conception graphique : Tertio-design.be - Serge Vandenput
Mise en page : Tertio-design.be - Aurélie Deblon et Serge Vandenput
Scans : François Delvin et Amélie Marchal
Impression : Hayez.be
Sources photographiques : Agência Brasil, Archives et Bibliothèques de l’ULB, Centre d’études et de documentation Guerres et sociétés contemporaines
(Ceges-Soma), Centre des technologies au service de l’enseignement – Cellule Image (ULB), Collection Boin V., Collection Jadot J. / Rousseau J. J., Département
des Relations extérieures (ULB), Deutsches Bundesarchiv, Forum économique mondial, Fundación Salvador Allende, Getty Images, Kunsthistorisches
Museum (Vienne), Le Soir, ONU, Oranje Nassau Museum (Delft), Pressens Bild, Rijksmuseum (Amsterdam), The Heart Truth et UNESCO.

Le présent ouvrage est édité par les Archives et Bibliothèques de l’ULB à l’occasion de la célébration du 175e anniversaire de l’Université libre de Bruxelles.

Droits réservés : Malgré toutes les démarches entreprises, les éditeurs de cet ouvrage n’ont pas pu retrouver l’origine de certaines
photographies. S’ils se reconnaissent, les ayant-droit de ces photographies peuvent prendre contact avec les éditeurs.
Dépôt légal : D/2010/2032/1
©2010 - Archives et Bibliothèques de l’Université libre de Bruxelles.
Sommaire

Les Docteurs Honoris Causa de l’Université libre de Bruxelles 2010 – 1898

Chapitre I Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 9


Anne-Sophie Devriese-Marchant, Aude Rapatout et Chantal Zoller

Chapitre II Pour une histoire des DHC 137

Du balayeur de rue au président des États-Unis…


Caractère ambigu et genèse controversée du doctorat honoris causa 139
Pieter Dhondt

Relire l’histoire des DHC de l’Université libre de Bruxelles 150


Kenneth Bertrams, Didier Devriese et Kim Oosterlinck

Annexes Liste des DHC des Facultés 168

Index des notices 172

Crédits photographiques 173

Liste des souscripteurs 174

ULB DHC 175e Sommaire 


Préface

Au moment où l’Université libre de Bruxelles fête l’accomplissement de sa 175e année, il paraît naturel de se pencher sur l’histoire de notre communauté. Si notre his-
toire, notre ancrage philosophique – données essentielles de notre identité – donnent à notre Université une dimension particulière, cette identité ne se limite pas non plus
à ceux-ci : l’Université libre de Bruxelles est avant tout une université tournée vers l’avenir, moderne au sens où elle entend vivre avec son temps.

Relire l’histoire de l’ULB au travers de l’histoire de ses docteurs honoris causa, c’est y lire les rapports qu’elle entretient avec la société qui l’entoure, une histoire des
valeurs qu’elle défend et de la vision du monde qu’elle promeut… même si parfois, libre examen oblige, cela met en lumière et a posteriori quelques errements dus à l’air
du temps.

Libre examen, tolérance, droits humains, science et société sont autant de constantes dont nos docteurs honoris causa sont les étendards : elles nous portent vers le
futur.

Jean-Louis Vanherweghem, Philippe Vincke,


Président du Conseil d’administration. Recteur.

ULB DHC 175e Préface 


ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa de
l’Université libre de Bruxelles
2010 – 1898
Françoise Mario Capecchi
Barré-Sinoussi
Chercheuse en virologie à l’Institut Né à Vérone (Italie) en 1937, Mario
Pasteur à Paris, Françoise Barré- Capecchi émigre aux États-Unis
Sinoussi est corécipiendaire – avec en 1946 avec sa mère rescapée
Luc Montagnier – du prix Nobel de Dachau. Prix Wolf de médecine
de physiologie ou médecine en en 2003, il reçoit avec Evans et
2008 pour la découverte dès 1983 Smithies le prix Nobel de physiologie
du virus de l’immunodéficience ou médecine en 2007, pour avoir
humaine (VIH) à l’origine du sida. identifié les modifications génétiques
Françoise Barré-Sinoussi dirige de lignées de souris par intégration
l’Unité de régulation des infections de cellules souches embryonnaires.
rétrovirales du Département de
virologie de l’Institut Pasteur. Les travaux de Capecchi sur les
souris transgéniques ont contribué
Depuis 2007, elle est coprésidente à la connaissance des fonctions et
du comité d’éthique de l’Institut mécanismes de régulation des gènes,
Pasteur et est très impliquée dans la mais aussi à la création de nombreux
promotion de l’intégration entre la modèles d’étude de maladies.
recherche sur le sida et les actions
dans les pays pauvres, via le réseau
international de l’Institut. Elle dirige
également le site « Asie du Sud-est »
de l’Agence nationale de recherches
sur le sida et les hépatites virales.

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Alain Connes Christian de Duve

Né à Draguignan en 1947, Alain Né à Thames Ditton, près de Londres,


Connes fait ses études à l’École en 1917, Christian de Duve est
normale supérieure (ENS). Dans diplômé de l’Université catholique de
les années 1980, il est directeur de Louvain en médecine et en chimie.
recherche au CNRS et professeur au Perfectionnant les techniques
Collège de France, chaire Analyse de séparation des constituants
et géométrie, depuis 1984. Ses cellulaires par centrifugation
travaux de recherche révolutionnent mises au point par Albert Claude,
la théorie des algèbres de Von il décrit pour la première fois deux
Neumann et résolvent la plupart organites cellulaires inconnus
des problèmes, notamment la jusque là : le lysosome (1955) et
classification des facteurs de type le peroxysome dix ans plus tard. Il
III. Ils lui valent la médaille Fields réussit à montrer que les différentes
en 1982, le prix Crafoord en 2001 et structures visibles dans les cellules
la médaille d’or du CNRS en 2004. sont des entités fonctionnelles
limitées par une membrane et
Alain Connes a largement contribué qui concentrent en leur sein des
à la création d’une nouvelle branche enzymes spécifiques, véritables
des mathématiques : la géométrie marqueurs de ces structures.
différentielle non-commutative.
Son travail a permis de donner En 1974, il reçoit – avec Albert Claude
un cadre mathématique à des et George Emil Palade – le prix
problèmes de mécanique quantique Nobel de physiologie ou médecine
et à la théorie de la relativité. pour avoir découvert comment la
cellule peut absorber ou détruire les
substances, bonnes ou mauvaises,
sans altérer son fonctionnement.

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Pierre Deligne Ronald Dworkin

Né à Bruxelles en 1944, Pierre Deligne Philosophe du droit engagé, né


est diplômé en mathématiques de à Worcester (États-Unis) en 1931,
l’ULB. Récompensé par la médaille Ronald Dworkin fait ses études à
Fields en 1978 pour sa preuve des Harvard et à Oxford en philosophie
conjectures de Weil en géométrie et en droit. Il travaille pour le célèbre
algébrique, il utilise une nouvelle Learned Hand (juge américain
théorie de cohomologie appelée défenseur de la liberté d’expression)
« cohomologie étale » – fondée à la Cour d’appel des États-Unis et
sur les hypothèses d’Alexandre chez Sullivan & Cromwell. Il enseigne
Grothendieck – qu’il applique ensuite à Yale, où il occupe la chaire
avec succès aux conjectures de de jurisprudence, puis à Oxford,
Weil. Il reçoit également le prix Londres et New York, depuis la fin
Crafoord en 1988, le prix Balzan de la décennie 1970. Riche de sa
en 2004 et le prix Wolf en 2008. double formation, il développe sa
réflexion en philosophie politique et
Ses travaux concernent aussi la théorie du droit autour de deux axes
théorie de Hodge, les fonctions majeurs : la place de l’interprétation
modulaires, les conjectures en droit et la définition d’une forme
de Langlands et la théorie des de libéralisme éthique et politique,
représentations. Ils apportent un en rupture avec l’utilitarisme
éclairage nouveau sur la relation et le positivisme juridique.
entre géométrie algébrique et
théorie du nombre algébrique. Sa théorie l’amène à prendre
position sur des questions
politiques importantes telles que
la désobéissance civique ou la
discrimination positive au profit
des minorités défavorisées. Il a
reçu en 2007 le prix Holberg.

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Gao Xingjian David J. Gross

Écrivain, traducteur, dramaturge, Né à Washington en 1941, David


metteur en scène, critique et artiste, J. Gross est diplômé en physique
né en 1940 à Ganzhou (province de et mathématiques de l’Université
Jiangxi en Chine), Gao Xingjian est hébraïque de Jérusalem. En 1969, il
aujourd’hui citoyen français. Envoyé rejoint l’Université de Princeton où il
en camp de rééducation durant la reste 27 ans et travaille sur la théorie
Révolution culturelle (1966-76), Gao des cordes hétérotiques dont il est le
Xingjian ne peut rien publier avant codécouvreur avec Harvey, Martinec
1979. Ses premiers écrits paraissent et Rohm. Avec Politzer et Wilczek,
dans des magazines littéraires en deux de ses anciens étudiants, David
Chine entre 1980 et 1987. Un grand Gross découvre le fonctionnement
nombre de ses pièces expérimentales du noyau des atomes. Ils reçoivent
et pionnières, inspirées par Brecht, ensemble le prix Nobel de physique
Artaud et Beckett, sont jouées au en 2004 pour leurs travaux sur les
Théâtre d’art populaire de Pékin. particules fondamentales quarks.

Suite à sa condamnation durant Leur découverte rapproche la


la campagne contre la « pollution physique du rêve de pouvoir
intellectuelle » et à la censure qui formuler une théorie qui engloberait
frappe ses œuvres, il se réfugie à la gravité – une théorie du tout !
Paris en 1987. Déclaré persona non
grata par le régime, ses œuvres
sont interdites. Aujourd’hui traduit
dans de nombreuses langues et
joué partout dans le monde, Gao
Xingjian a reçu le prix Nobel de
littérature en 2000 pour « une œuvre
de portée universelle, marquée
d’une amère prise de conscience et
d’une ingéniosité langagière, qui a
ouvert des voies nouvelles à l’art
du roman et du théâtre chinois ».

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Ronald Inglehart Eric Maskin

Né dans le Wisconsin en 1934, Ronald Né en 1950 à New York, Eric


Inglehart se forme aux sciences Maskin fait ses études à Harvard
politiques à l’Université du Michigan. où il décroche un doctorat en
Il dirige le « World Values Survey » : mathématiques appliquées. Il rejoint
un réseau de 180 sociologues Cambridge en qualité de research
effectuant des sondages dans une fellow en 1976 et enseigne au MIT
centaine de pays afin de savoir de 1977 à 1984 et à Harvard de
comment les gens appréhendent 1985 à 2000, où il occupe la chaire
le monde. Ronald Inglehart a d’économie Louis Berkman. En 2000,
également analysé les changements il entre à l’Institute for Advanced
culturels et leurs impacts politiques Study de Princeton. En 2007, il reçoit,
et économiques lorsque de jeunes avec Hurwicz et Myerson, le prix
populations remplacent les aînés Nobel d’économie pour ses travaux
dans la population adulte. basés sur la théorie des jeux, dont
les mécanismes peuvent éclairer le
The Silent Revolution traite fonctionnement des marchés. Connu
des changements affectant pour ses positions tranchées contre
les sociétés industrielles les brevets logiciels à travers le
avancées. Modernization and concept d’innovation incrémentale,
Postmodernization défend l’idée ses recherches actuelles concernent
selon laquelle le développement la comparaison de règles électorales,
économique, les changements l’examen des causes d’inégalité
politiques et culturels vont de pair et la formation des coalitions.
et sont, dans une certaine mesure,
prédictibles. En 2004, il réexamine la
thèse de la sécularisation et souligne
que la religiosité persiste davantage
parmi les populations vulnérables
mais constate, paradoxalement,
qu’une part de plus en plus grande
de la population mondiale passe
du temps à réfléchir au sens de la
vie et à des questions spirituelles.

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Mario J. Molina Edmund Strother
Phelps
Né à Mexico en 1943, Mario J. Économiste américain reconnu
Molina se forme au Mexique, en pour ses travaux sur la croissance
Allemagne et à Paris pour finalement économique menés à la Cowles
reprendre des études de chimie Foundation de Yale dans les
à Berkeley en 1968. En 1995, il années 1960, Edmund S. Phelps
reçoit avec Sherwood Rowland, est notamment célèbre pour
entre autres, le prix Nobel de avoir introduit à cette époque
chimie, pour leurs apports dans une dimension microéconomique
la compréhension des dommages fondée sur les anticipations dans
causés à la couche d’ozone terrestre la théorie de la détermination
par les chlorofluorocarbones. de l’emploi et de la dynamique
Ils montrent que les équilibres prix-salaires. Son travail le plus
chimiques de l’atmosphère peuvent connu est probablement sa théorie
être perturbés par des éléments du taux de chômage naturel
en quantité infime dans l’air. développée avec Milton Friedman.

En prouvant la responsabilité L’Académie royale des sciences de


des polluants d’origine humaine, Suède a jugé que ses travaux sur les
ils ont contribué, souligne le arbitrages de politique économique
jury Nobel, à éviter un problème avaient permis « d’approfondir
écologique planétaire. Leurs notre compréhension des relations
travaux ont donné ses lettres de entre effets à court terme et à
noblesse à la climatologie. long terme » et « de changer notre
façon de percevoir l’interaction
entre inflation et chômage ».
Edmund S. Phelps a obtenu le prix
Nobel d’économie en 2006 pour
ses recherches sur les arbitrages
entre le long et le court terme des
politiques macroéconomiques. Ses
contributions ont été décisives, tant
pour la recherche en économie que
pour les politiques économiques.

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Rolf Zinkernagel

Né à Riehen (Suisse) en 1944, Rolf


Zinkernagel étudie la médecine à
l’Université de Bâle et poursuit des
études à Zurich. En 1996, il décroche
le prix Nobel de physiologie ou
médecine avec Peter Doherty.

Leurs travaux, centrés sur


des globules blancs, les
lymphocytes T cytotoxiques,
qui agissent en détruisant les
virus et les cellules infectées,
aboutissent à la découverte
du système de reconnaissance
par le système immunitaire des
cellules infectées par des virus,
parmi les cellules normales.

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Nawal El Saadawi
Docteur honoris causa 2007 supérieur de littérature et de sciences et y reste
jusqu’en 1978. En 1979, elle devient conseillère aux
Kafr Tahla, Égypte, 1931 Nations unies pour le programme d’aide aux femmes
en Afrique et au Moyen-Orient. Mais le 6 septembre
Nawal El Saadawi naît dans un petit village près 1981, elle est arrêtée à son domicile et envoyée à
du Caire. Son père, fonctionnaire au ministère la prison des femmes de Kanater pour deux mois
de l’Éducation, inscrit ses neuf enfants très tôt à et demi. Elle y rédige Mémoires de la prison des
l’école. Consciente de cette chance, elle s’investit femmes sur du papier toilette avec un crayon de
sérieusement dans ses études secondaires qu’elle maquillage donné par une prostituée détenue. Elle
termine brillamment avant d’entrer à la Faculté de doit sa libération à la mort du président Sadate en
médecine de l’Université d’Aïn Chams du Caire en octobre de la même année. Un an plus tard, elle fonde
1949. Six ans plus tard, fraîchement diplômée et l’Association arabe pour la solidarité des femmes
avec l’aide financière de ses parents, elle se rend à qui sera interdite par le gouvernement en 1991.
l’Université de Columbia où elle obtient une maîtrise
en santé publique. Elle rentre alors en Égypte et À partir de 1988, son nom figure sur une liste de
travaille comme médecin psychiatre à l’hôpital condamnés à mort des organisations religieuses
universitaire du Caire de 1955 à 1965. Parallèlement extrémistes. Elle décide alors de s’exiler aux États-
à son emploi à l’université, elle travaille au centre Unis avec son mari, Sherif Hetata, médecin et
de santé rurale de Tahla, son village d’origine où romancier qui lui permet d’être publiée en anglais.
vit encore une grande partie de sa famille. Grâce Elle enseigne dans plusieurs universités, puis rentre
à son travail, elle entre au ministère de la Santé en Égypte en 1996. Mais en 2001, trois de ses livres
et occupe de 1966 à 1972 le poste de directrice sont interdits à la foire du livre du Caire. L’année
générale de l’éducation à la santé publique. Elle suivante, l’Université al-Azhar l’accuse d’apostasie.
crée en même temps un magazine médical, Health, Elle se présente en 2004 comme candidate à l’élection
et devient la même année secrétaire générale présidentielle d’Égypte face à Hosni Moubarak,
auxiliaire de l’Association égyptienne de médecine. le président sortant. Elle souhaite ainsi montrer
publiquement les limites de la tolérance et de
Conjointement à ces activités, Nawal El Saadawi se l’ouverture affichées par le gouvernement sortant.
consacre également à l’écriture, à travers laquelle Le 28 janvier 2007, elle est accusée officiellement
elle dénonce la condition féminine et la société par la Cour de justice égyptienne d’acte d’apostasie
patriarcale en Égypte, les mariages forcés, l’excision et de manquement au respect des religions, puis elle
et l’exploitation néocolonialiste. Lorsqu’elle publie est interrogée par le procureur général du Caire. Ce
en 1969 son livre Les femmes et le sexe, qui étudie sont ses écrits, notamment sa pièce de théâtre Dieu
la place des femmes, de la sexualité et de la religion a démissionné au sommet, qui sont à l’origine de
dans la société , celui-ci est condamné par les ces accusations. À l’issue du procès qu’elle gagne
autorités politiques et religieuses. Le président l’année suivante, elle quitte l’Égypte et retourne
Anouar El Sadate la prive de son emploi au ministère aux États-Unis où elle enseigne actuellement.
de la Santé en 1972 et ses écrits sont censurés
officiellement en 1973. Elle entre alors à l’Institut

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Radhia Nasraoui
Docteur honoris causa 2005 et morales que subissent ses enfants. En 2003 et
2004, elle entreprend à nouveau des grèves de la
Tunisie, 1953 faim pour la défense de sa dignité en tant qu’avocate
et citoyenne. Avec Chokri Latif, Ali Ben Salem et Rida
Radhia Nasraoui est une avocate tunisienne du Barakati, elle crée en 2003 l’Association de lutte
barreau de Tunis spécialisée dans la défense contre la torture en Tunisie (ALTT), qui regroupe une
des droits humains. Déterminée à étendre la vingtaine de militants des droits de l’homme, des
liberté d’expression en Tunisie, elle défend divers avocats et des universitaires. L’ALTT, dont elle est
opposants tunisiens, du temps de Bourguiba présidente, défend toutes les victimes de tortures
comme aujourd’hui, sous Ben Ali, en plaidant pour et d’emprisonnements politiques ou idéologiques.
des syndicalistes, des islamistes, des militants Pour son dévouement, sa détermination en faveur de
d’extrême gauche ou des défenseurs des droits de l’émancipation des citoyens tunisiens et la promotion
l’homme. Elle est membre de la Ligue tunisienne des droits humains en Tunisie, ainsi que pour son
des droits de l’homme, de l’Association des femmes courage face à l’oppression qu’elle et sa famille
démocrates, d’Amnesty international Tunisie, de subissent, elle reçoit le titre de docteur honoris
l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). causa de l’Université libre de Bruxelles en 2005,
quelques mois après avoir été violemment attaquée
Issue d’une riche famille agricole, Radhia Nasraoui et défigurée par la police du président Ben Ali.
fait des études de droit de 1971 à 1976 à l’Université
de Tunis. En 1972, elle commence à militer au sein des
structures provisoires de l’UGET (Union générale des
étudiants de Tunisie) et dans une cellule d’El Amel
Tounsi dans le sillage du mouvement de février 1972.
Au début des années 1970, elle rencontre son futur
mari, Hamma Hammani, étudiant en philologie arabe
à l’Université de Tunis. Ils se marient en 1981, après
que son mari ait passé six ans en prison pour avoir
milité au sein d’une association non reconnue. Le
couple a trois filles : Nadia (1985), Oussaïma (1990)
et Sarah (1999). Dès le début de sa carrière d’avocate
en 1978, elle s’implique dans des procès politiques,
à commencer par ceux des syndicalistes de l’UGTT
(Union générale tunisienne du travail). Elle est dès lors
confrontée à diverses formes de harcèlement, dont de
multiples mises à sac de son bureau, l’intimidation de
ses clients, et la surveillance constante de sa famille
et d’elle-même. En 2002, elle entame une grève de la
faim afin d’obtenir la libération de son mari à nouveau
condamné, et pour que cessent les tortures physiques

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Robert Maistriau
Docteur honoris causa 2005 Après cette action, Robert Maistriau intègre les
rangs de la résistance. Actif au sein du Groupe G, né
Ixelles, Belgique, 1921 – au sein de l’ULB, il est responsable de la direction
Woluwe-Saint-Lambert, Belgique, 2008 nationale du recrutement et de l’organisation. Arrêté
à Bruxelles le 21 mars 1944, Robert Maistriau est
Robert Maistriau passe toute son enfance à interné successivement à Breendonk, à Buchenwald,
Bruxelles. Il fait ses humanités à l’athénée à Ellrich et Harzungen, camps de concentration
d’Uccle. C’est là qu’il rencontre Georges « Youra » annexes de Dora et enfin à Bergen-Belsen. Le
Livschitz, Jean Franklemon et Robert Leclercq. 15 avril 1945, très affaibli, il est libéré par les
Au printemps 1943, il retrouvera ses trois troupes britanniques et rapatrié en Belgique.
condisciples dans des conditions particulières.
Jean Franklemon est interné à Breendonk
Alors qu’enfle la rumeur concernant le génocide, puis à la prison de Saint-Gilles. Youra
Ghert Jospa, Maurits Bolle et Roger Van Praag, Livschitz est fusillé le 17 février 1944.
membres du Comité de défense des Juifs (CDJ),
imaginent une action contre un transport de En 1947, Robert Maistriau émigre au Congo. Après
déportation de Juifs. Mais le CDJ n’a pas les avoir travaillé comme gérant d’une chaîne de
moyens de mener ce type d’action tandis que le magasins, il entame un élevage de bovins et se
Front de l’indépendance (FI) refuse de s’engager consacre à un projet de reboisement. Contraint
dans une voie aussi téméraire. Youra Livschitz de rentrer en Belgique pour des raisons de santé,
décide de tenter le coup. Par le biais de Robert Robert Maistriau décède le 27 septembre 2008.
Leclercq, il recrute Jean Franklemon et Robert
Maistriau. L’attaque du XXe transport marque
l’entrée dans la résistance de Robert Maistriau.
Il est alors étudiant à l’ULB. Il a 22 ans.

Le 19 avril 1943, les trois amis quittent la place Meiser


à vélo jusqu’au tronçon Boortmeerbeek-Wespelaar,
à une dizaine de kilomètres de la caserne Dossin,
camp de rassemblement de Juifs. Munis d’une lampe-
tempête, d’une pince, d’un revolver et de quelques
balles, ils attendent l’arrivée des wagons à bestiaux.

Leur signal lumineux oblige le train à s’arrêter. Tandis


que Youra Livschitz et Jean Franklemon sont aux
prises avec les Schupos et que la fusillade éclate,
Maistriau parvient à ouvrir la porte d’un wagon
d’où s’enfuient 17 déportés. Des 1 636 déportés,
232 parviennent à s’évader, 26 sont abattus.

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Alpha Oumar Konaré
Docteur honoris causa 2005 démocratique qui s’affirme au Mali et qui conduit
au renversement du général Moussa Traoré.
Kayes, Mali, 1946
En 1990, il participe à la fondation de
Fils de Dougoukolo Konaré, enseignant, Alpha l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA),
Oumar Konaré naît à Kayes et fait ses études association pour la défense de la démocratie,
secondaires au collège moderne de Kayes puis au qui devient un parti en 1991 : l’ADEMA-PASJ
lycée Terrasson de Fougères à Bamako. Il poursuit (Parti africain pour la solidarité et la justice).
des études supérieures en histoire et géographie
à l’École normale supérieure de Bamako (1965- C’est à la tête de ce parti qu’il participe aux élections
1969) puis soutient une thèse de doctorat en dont il remporte les présidentielles en 1992. Il devient
archéologie à l’Université de Varsovie (1971-1975). le premier président élu de la troisième République
Après le coup d’État de Moussa Traoré en 1968, il du Mali. Hostile à la peine de mort, Alpha Oumar
devient militant du « Parti malien du travail », alors Konaré commue en peines de détention à perpétuité
clandestin. C’est au cours de ses études à l’École les peines de mort prononcées contre Moussa Traoré
normale supérieure de Bamako qu’il rencontre son et son épouse, puis les gracie en 2002. En 1997, Alpha
épouse, Adama Ba Konaré, historienne également. Oumar Konaré se représente pour un second mandat,
mais certains partis d’opposition dénoncent la
Alpha Oumar Konaré a tout d’abord enseigné, mauvaise organisation des élections et demandent la
comme son père, avant de devenir journaliste suspension des élections. Pour protester contre cette
puis libraire. En 1978, pratiquant une politique mauvaise organisation, reconnue par les autorités,
d’ouverture, le général Moussa Traoré l’invite à les 14 partis d’opposition boycottent les élections et
rejoindre son gouvernement en tant que ministre retirent leurs candidats, ne laissant qu’Alpha Oumar
de la Jeunesse, des Sports, de l’Art et de la Culture. Konaré en lice. Ces partis demandent sans succès
Il démissionne deux ans plus tard en raison de un report des élections. À la veille des élections,
désaccords politiques profonds avec le régime. Il deux candidats reviennent sur leur décision et se
retourne à sa carrière d’enseignant et de chercheur présentent face à Alpha Oumar Konaré, qui remporte
notamment dans le domaine de la muséologie. Il les élections au premier tour avec 84,4% des voix.
est élu à la présidence du Conseil international des La Constitution limitant l’exercice présidentiel à
musées en 1986. Sa vision d’un musée conçu par deux mandats, il ne peut se représenter en 2002.
et pour les Africains fait de lui une des références
internationales en matière de muséologie. Passionné Sa politique a pour objectifs le développement
de culture, il fonde en 1983 la coopérative culturelle culturel et économique du Mali et de l’Afrique,
Jamana, dont le but est la collecte et la diffusion la lutte contre la corruption, la délinquance
écrite des œuvres orales du patrimoine malien. financière et le trafic d’armes, dans le maintien
de la démocratie et de la paix. Il mène à bien une
Il maintient des actions politiques et syndicales politique de décentralisation et arrive à redresser
en lançant en 1989 un journal clandestin,  Les une économie en grande difficulté. Durant
Échos, qui devient le symbole du mouvement son premier mandat, il recherche une solution

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 21


Alpha Oumar Konaré
aux conflits avec les Touareg, solution qui se
concrétise par la cérémonie de la Flamme de la
paix en 1996, au cours de laquelle les armes de la
rébellion touareg sont brûlées symboliquement.

Il contribue au projet d’Union africaine, et


est nommé président de la commission de
l’Union africaine en juillet 2003. Panafricaniste
convaincu, il développe au sein de l’Union
africaine, la vision d’une Afrique où cohabitent
cultures, religions, philosophies, civilisations,
dans le respect des rapports homme-femme.

Sa vision d’une Afrique ouverte, la politique qu’il


a menée et sa volonté de préserver la paix et
la démocratie, conduisent l’Université libre de
Bruxelles à lui remettre, en 2005, le titre de docteur
honoris causa, après les universités du Michigan
(USA) en 1998 et de Rennes II (France) en 1999.

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Pierre Goldschmidt
Docteur honoris causa 2005 capacités de gestionnaire et le courage de
ses opinions, et est élu à la présidence de ces
Des études universitaires durant les Golden Sixties différentes institutions internationales.
bouillonnantes de contestation et de créativité,
un dîner en 1961 avec Werner Heisenberg pour En octobre 1998, c’est devant un tableau de
évoquer sa brève détention, en 1945, avec d’autres Matisse au musée de Nice que la carrière de
physiciens allemands dans la maison familiale, le Pierre Goldschmidt prend un nouveau tournant :
souhait exprimé par sa mère d’avoir un fils « savant il y rencontre Mohamed El Baradei qui assiste à la
atomiste », et la conviction des bienfaits potentiels même conférence internationale et qui lui signale
des sciences nucléaires : tous les ingrédients sont là la vacance du poste de directeur général adjoint
pour que Pierre Goldschmidt décide de s’orienter vers de l’Agence internationale de l’énergie atomique
les applications pacifiques de l’énergie nucléaire. (AIEA) en charge du contrôle des garanties. Deux
jours plus tard, Pierre Goldschmidt soumet sa
Ingénieur civil électromécanicien de l’Université candidature et est engagé dans un délai dont la
libre de Bruxelles en 1963, titulaire d’un Master of brièveté témoigne du soutien qu’il rencontre.
Science en ingénierie nucléaire de l’Université de
Berkeley en 1966, docteur en sciences appliquées de Arrivé à un âge où il aurait pu songer à une retraite
l’ULB en 1971, Pierre Goldschmidt abandonne cette bien méritée, il prend ses fonctions à Vienne le 1er
orientation scientifique pour se tourner vers une mai 1999 à la tête du département des garanties qui
carrière technico-commerciale à la Belgonucléaire compte 650 personnes de 86 nationalités différentes.
d’abord, au bureau d’études Electrabel ensuite. Il y est immédiatement confronté à plusieurs crises
En 1977, il participe à la création de Synatom, qui secouent alors le monde : l’ex-Yougoslavie,
une filiale du producteur belge d’électricité qui l’Irak et la Corée du Nord d’abord, puis l’Iran et la
deviendra l’une des entreprises européennes les Lybie, pour ne citer que les plus médiatiques.
plus performantes du cycle du combustible. Il y sera
confronté à des défis stratégiques et politiques tant C’est loin des médias pourtant que Pierre
nationaux qu’internationaux. Très tôt il prône, calculs Goldschmidt, préférant la diplomatie secrète
économiques à l’appui, l’utilisation du plutonium aux feux de la rampe, œuvre avec détermination
d’origine militaire pour la production d’électricité. et efficacité au renforcement du régime de non-
En 1987, il devient directeur général de Synatom, prolifération. C’est ce que mettra en exergue
et, en 1989, membre du directoire d’Eurodif, leader l’American Physical Society en lui décernant en 2008
mondial de l’enrichissement de l’uranium. le prestigieux Burton Award, « for transforming the
safeguards culture and procedures of the IAEA,
Mais son parcours ne s’arrête pas là : membre du greatly strengthening its ability to detect nuclear
comité consultatif de l’Agence d’approvisionnement proliferation activities, and for his courage and
d’EURATOM, de l’Organisation des producteurs integrity, especially in the period 2002 – 2003 ».
d’énergie nucléaire à Paris et de l’Uranium
Institute de Londres, il est reconnu par ses Son travail a contribué significativement à l’attribution
pairs pour ses connaissances, sa rigueur, ses du prix Nobel de la Paix à l’AIEA en octobre 2005.

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Pierre Goldschmidt
À son départ de l’AIEA quelques mois plus tôt,
Pierre Goldschmidt décide de rejoindre le think tank
américain Carnegie Endowment for International
Peace, dont il est senior associate. C’est dans ce cadre
qu’il continue à proposer des solutions originales
en vue de renforcer le régime de non-prolifération
des armes nucléaires et à influencer les décideurs
politiques de ce monde… dans l’ombre, bien entendu.

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Baltasar Garzón Real
Docteur honoris causa 2005 Cavallo et Adolfo Scilingo (2007). Baltasar Garzón
Real s’est fait connaître internationalement le 10
Torres, Espagne, 1955 octobre 1998 en lançant un mandat d’arrêt contre
l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet. Désirant
Issu d’une famille modeste originaire de la province l’entendre sur la torture et la mort de citoyens
de Jaén dans le sud de l’Espagne, Baltasar Garzón espagnols suite au coup d’État au Chili de 1973, il met
Real est le second de cinq enfants. Il passe son pour la première fois en application la juridiction de
baccalauréat dans une école catholique. Séminariste compétence universelle en Espagne en s’appuyant sur
pendant six ans, il est sur le point d’être ordonné le rapport de la commission chilienne pour la vérité.
prêtre lorsqu’il entre à l’Université de Séville en Selon cette même procédure, il tente d’entendre
1975 et en sort diplômé en droit en 1979. Il gravit les l’ancien secrétaire d’État américain, Henry Kissinger,
échelons de la magistrature provinciale de 1981 à 1986 sur ses relations avec les régimes autoritaires
avant de devenir inspecteur délégué de l’Andalousie installés dans les années 1970 en Amérique latine et
au Conseil général du pouvoir judiciaire en 1987 puis concernant ce que l’on a appelé l’opération Condor.
juge d’instruction à la Cour nationale (Audiencia Le Royaume-Uni refuse d’extrader Pinochet en
Nacional de España) en 1988. Il met sa carrière de alléguant une prétendue mauvaise santé. N’hésitant
magistrat entre parenthèses pour tenter de décrocher pas à enquêter sur les chefs d’État, Baltasar Garzón
un mandat sur la liste du PSOE à la chambre basse du Real demande en avril 2001, sans l’obtenir, la levée
Parlement espagnol en 1993. Son but avoué est de de l’immunité parlementaire du premier ministre
lutter contre la corruption qui s’est installée dans le italien Silvio Berlusconi auprès du Conseil de l’Europe
pays depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir. Suite dans le cadre de son instruction sur la Telecinco.
à la victoire de Felipe González, il est nommé chef
national du plan de lutte contre la drogue. Cependant,
il démissionne rapidement de ses fonctions en
pointant le manque de soutien qu’accorde le
gouvernement à la lutte contre la corruption et
reprend sa charge de magistrat instructeur. Ses
investigations en matière de terrorisme contribuent
à la condamnation en 1998 de José Barrionuevo
Peña, ministre de l’Intérieur du PSOE, dans l’affaire
des GAL (Groupes antiterroristes de libération), mais
aussi à la suspension pendant trois ans du parti
Batasuna (2002) et à la fermeture d’Egunkaria, le seul
journal édité entièrement en langue basque (2003),
pour leurs liens avec l’ETA. Les poursuites qu’il
engage contre des fonctionnaires argentins dans la
disparition de citoyens espagnols durant la dictature
argentine (1976-1983) ont mené à l’arrestation (1997)
et à la condamnation des militaires Miguel Angel

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Fadela Amara
Docteur honoris causa 2005 Seine, où la jeune fille a été assassinée, elle s’achève
à Paris le 8 mars 2003 par une manifestation de 20
Clermont-Ferrand, France, 1964 000 personnes, exigeant la fin de la loi du silence
et la liberté de parole pour toutes les femmes et
Fadela Amara, de son vrai nom Fatiha Amara, filles de la République. En mai 2003, une nouvelle
grandit avec ses dix frères et sœurs dans une association émanant de l’association Touche pas à
famille traditionnelle. Ses parents sont originaires mon pote voit le jour sous le nom de « Ni putes, ni
de Kabylie, en Algérie. Son père travaille comme soumises » dans le but de lutter pour l’émancipation
ouvrier dans le bâtiment et sa mère est femme des filles et des garçons, pour l’égalité des sexes,
au foyer, tous deux sont analphabètes. pour la laïcité et pour la mixité dans les quartiers.
On cherche une femme qui accepte de devenir
À 16 ans, elle s’engage dans la lutte contre la porte-parole de ce mouvement et qui s’affranchisse
destruction de son quartier en faisant du porte à des règles traditionnelles imposées aux femmes ;
porte. Elle poursuit parallèlement ses études  et Fadela Amara est candidate puis élue présidente de
obtient un CAP de comptabilité. Quelques années la nouvelle association. En 2005, elle reçoit le titre
plus tard, en 1986, elle milite pour l’association SOS honorifique de docteur honoris causa de l’ULB et,
Racisme. Elle y fait la rencontre de Mohammed Abdi ; un an plus tard, celui de la Manchester Metropolitan
ensemble, ils créent la première Maison des potes, University. Cette même année, Fadela Amara, membre
association dont elle deviendra présidente en 2000. du Parti socialiste, réagit vigoureusement aux
propos du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui
En 2001, elle est élue conseillère municipale de avait alors parlé de nettoyer les cités « au kärcher ».
Clermont-Ferrand sur la liste du parti socialiste. Un Néanmoins, en juin 2007, elle accepte un poste de
an plus tard, elle organise des états généraux à la secrétaire d’État dans le gouvernement présidé
Sorbonne sur la thématique des conditions de la femme par François Fillon sous la présidence de Nicolas
et de la jeunesse dans les quartiers de France. Cette Sarkozy. Elle est chargée de la politique de la ville.
réunion rassemble plus de 250 femmes qui rédigent
une pétition recueillant près de 20 000 signatures, et Son retournement politique, celui d’une femme
dont la synthèse devient le Manifeste de revendication d’origine étrangère engagée politiquement à gauche
des femmes des quartiers  adressé à tous les candidats et appartenant à des organisations populaires,
républicains à l’élection présidentielle de 2002. passant dans un gouvernement de centre-droite
provoque une vive polémique sur tous les fronts
En novembre 2002, la mort tragique de Sohanne, politiques, aussi bien à gauche qu’à droite. Elle-
une jeune fille brûlée vive par un garçon dont même justifie sa participation au gouvernement
elle a repoussé les avances, provoque un grand par l’état d’urgence qui règne dans les banlieues.
retentissement, d’autant que le garçon n’a pas agi Malheureusement, les plans Banlieue et Espoir
seul. Se pose la question de la violence dans les cités Banlieue, qu’elle confectionne et annonce à grands
urbaines et des inégalités entre filles et garçons. Une renforts médiatiques, s’avèrent bientôt insuffisants,
« Marche des femmes des quartiers pour l’égalité et aussi bien pour leurs solutions jugées simplistes,
contre les ghettos » est lancée. Partie de Vitry-sur- que pour la faiblesse des moyens mis en œuvre.

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Philippe Busquin
Docteur honoris causa 2004 mandat en tant que ministre des Affaires sociales
à partir de 1988, il s’implique personnellement et
Feluy, Belgique, 1941 farouchement dans les problèmes de société, et
devient un des personnages politiques les plus
Philippe Busquin naît dans une famille bourgeoise importants du pays. C’est donc presque naturellement
du Hainaut. Pendant son adolescence, la récession que tous se tournent vers lui lorsque la présidence
économique de sa région et les drames sociaux du PS est laissée vacante en 1992 après le départ de
qui l’accompagnent le marquent fortement surtout Guy Spitaels. Philippe Busquin accepte cette charge.
lorsque son père, cadre, est lui-même licencié. Son mandat est parsemé d’embûches : de l’assassinat
d’André Cools aux « affaires » de détournements
Après avoir obtenu sa licence en sciences physiques de fonds Agusta et Dassault, le PS et ses membres
à l’Université libre de Bruxelles, il devient professeur les plus influents sont régulièrement impliqués.
à l’École normale de Nivelles. Les années 1960 Lui-même n’est jamais inquiété par la justice, mais
marquent le début de son engagement politique : devient la cible de l’opposition et de certains médias.
Philippe Busquin s’affilie au Parti socialiste, entre
au Mouvement populaire wallon, et suit des stages Lassé alors par la politique belge, il quitte sa
de la CGSP. Il se fait remarquer dans le conflit fonction de président du PS en 1999, ainsi que celle
qui oppose la population de Feluy à une usine de bourgmestre de Seneffe qu’il avait obtenue
désireuse de créer un site pétrochimique dans la quatre ans plus tôt, pour rejoindre la Commission
région. En 1971, il devient président de la section européenne et il obtient le poste de commissaire
socialiste de Feluy ; sa progression s’accélère. chargé de la Recherche. Il s’implique activement
Successivement élu conseiller provincial, échevin en faveur d’une coopération européenne de
et député permanent du Hainaut à partir de 1977, financements pour la recherche, notamment par le
il se voit également confier par le président du PS biais d’un projet d’Espace européen de la recherche.
André Cools la présidence de la commission Énergie Il réussit ainsi à faire évoluer certaines mentalités et à
du parti. Après les élections législatives de 1980, lancer un réel développement de la science en Europe,
il devient ministre de l’Éducation nationale et de la obtenant ainsi la reconnaissance de nombreux
Communauté française, puis ministre de l’Intérieur observateurs et l’accès au titre de docteur honoris
quelques mois plus tard. Des postes qu’il ne conserve causa décerné par l’ULB, l’Université de Mons-Hainaut
pas longtemps : le remaniement du PS bouleverse et la Faculté polytechnique de Mons en mars 2004.
le gouvernement et l’envoie aux ministères de
la Région wallonne pour le Budget et l’Énergie, Il rejoint le Parlement européen en
où il œuvre vigoureusement pour les énergies 2004 pour un mandat de cinq années, et
renouvelables, démontrant ainsi son engagement redevient bourgmestre de Seneffe après les
en faveur de la recherche et de la science. élections communales d’octobre 2006.

Tout au long des années 1980, sa popularité dans


le parti ne cesse de croître, grâce à ce qu’il appelle
un « socialisme de cœur et de raison ». Lors de son

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Hywel Ceri Jones
Docteur honoris causa 2002 la coopération dans l’enseignement, ainsi que la
formation professionnelle des jeunes. En 1993, Hywel
Neath, Pays de Galles, 1937 Jones est en charge du poste de directeur général
adjoint pour l’emploi, les relations industrielles et les
Fils de pasteur, poète à ses heures, Hywel Ceri affaires sociales. Au cours de cette période, il lance
Jones est issu d’un milieu lettré. Originaire du Pays plusieurs initiatives communautaires dont EQUAL,
de Galles, il y fait son parcours scolaire. Il suit des New Opportunities for Women (NOW) et ADAPT.
études classiques et de français à l’Université Ces programmes ont pour objectif la lutte contre
d’Aberystwyth, où il est président des étudiants. toutes les formes de discriminations au travail, mais
Suite à l’obtention, en 1962, d’un diplôme en aussi la formation et l’adaptation des travailleurs
éducation, il commence une thèse sur la vie et aux changements et mutations industrielles.
l’œuvre de l’écrivain français Henri Barbusse. Mais
plus attiré par la politique que par l’enseignement, En 1998, il quitte la Commission européenne après
il ne l’achève pas. Au début des années 1960, Hywel vingt-cinq ans d’activité, pour occuper le poste,
Jones accepte d’entrer en fonction à l’Université du durant un an, de conseiller principal du secrétaire
Sussex. Durant douze ans, il occupe différents postes d’État du Pays de Galles. Il revient à Bruxelles,
éducatifs, notamment celui de conseiller principal au European Policy Centre entre 2000 et 2006.
du recteur pour le développement et la recherche. Parallèlement, il préside l’Institut européen pour
l’éducation et la politique sociale à Paris de 2001 à
À la suite de l’adhésion du Royaume-Uni à 2004. Depuis 2003, Hywel Jones travaille au Network
l’Union européenne en 1973, Hywel Jones entre of European Foundations où il occupe le poste de
à la Commission européenne en tant que chef du conseiller à la politique européenne, et ce jusqu’en
département pour l’éducation, l’enseignement juin 2009. Il est également membre du conseil franco-
(primaire, secondaire et supérieur) et la politique britannique pour la collaboration entre ces deux pays.
de la jeunesse. En 1976, il s’occupe également de la
formation des adultes et, en 1980, ajoute à la liste Soucieux de changements et d’améliorations,
de ses fonctions la promotion des correspondances Hywel Ceri Jones travaille à une meilleure formation
entre systèmes éducatifs, ainsi que l’éducation professionnelle pour tous, ainsi qu’ à faciliter
des migrants et des handicapés. En 1981, il les réseaux et les échanges entre les différents
devient directeur pour l’éducation, la formation systèmes éducatifs européens. Il s’investit dans
professionnelle et la politique de la jeunesse à la lutte contre la discrimination et en faveur de
la direction générale. En 1989, il est directeur du l’égalité pour tous et toutes, que ce soit au niveau
groupe de travail pour les ressources humaines, des formations ou de l’emploi. Il s’implique
l’éducation, la formation et la jeunesse. C’est à ce également dans les questions industrielles, au
poste qu’il crée, avec d’autres, différents programmes niveau des relations entre patrons et ouvriers.
parmi lesquels Erasmus, Tempus, Petra, Jeunesse
pour l’Europe, Eurydice. Ceux-ci ont pour but de Hywel Jones a reçu plusieurs distinctions honorifiques
faciliter certaines activités des différents systèmes dont le titre de docteur honoris causa des universités
et réseaux éducatifs, notamment la mobilité et du Sussex, d’Irlande, de Louvain, du Royaume-Uni

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et de l’ULB, en 2002, conjointement aux autres
promoteurs du programme Erasmus, Angélique
Verli, Domenico Lenarduzzi et Alan Smith. Il est
également titulaire d’une honoris fellowship des
universités de Westminster, Aberystwyth, Swansea,
Glamorgan et Glyndwr. Au vu de sa contribution à
l’édification d’une Europe démocratique et humaniste,
il a été récompensé par la reine d’Angleterre et a
reçu une médaille d’or de la République d’Italie.

Hywel Ceri Jones s’est impliqué dans la construction


européenne afin que la formation professionnelle y
soit accessible à tous, que la mobilité y soit favorisée
et facilitée et que les discriminations disparaissent.

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Domenico Lenarduzzi
Docteur honoris causa 2002 à mettre en œuvre pour générer ce sentiment. Il
propose un projet d’échanges des jeunes entre
Turin, Italie, 1936 universités avec une reconnaissance des diplômes
acquis. Le 30 juin 1985, le rapport est accepté.
Domenico Lenarduzzi est né le 19 mars 1936 à
Turin d’une famille frioulane. En 1943, suite aux Plusieurs programmes sont mis en place pour
bombardements, la famille retourne dans le Frioul ce projet éducatif : Erasmus (1987-1988),
et y attend le père militaire qui, dès son retour, qui permet un échange d’étudiants entre les
repart pour la Belgique et les mines de Charleroi. universités européennes participantes ; Lingua
Il revient chercher sa famille trois ans plus tard. À pour l’apprentissage de deux langues étrangères ;
douze ans, un prêtre permet à Lenarduzzi d’étudier et le programme Jeunesse pour l’Europe qui
au collège de Gerpinnes, lui évitant ainsi le dur métier permet les échanges de jeunes hors cadre
de mineur. À la veille de son entrée à l’université, scolaire (scouts, volontariat européen, formations
la poliomyélite conduit à la paralysie de ses deux professionnelles et formations pour adultes). Par
jambes. Malgré cela, il s’engage dans des études la suite, une rationalisation de ces programmes se
d’ingénieur commercial à l’UCL durant lesquelles il met en place, Socrates (réunion des programmes
réussit à obtenir une des premières bourses pour éducatifs) et Leonardo Da Vinci (réunion des
étudiants en difficulté financière. En 1959, ses études programmes professionnels) naissent en 1995.
terminées, il travaille en tant qu’assistant d’un de Parallèlement, Lenarduzzi s’est aussi beaucoup
ses professeurs, le doyen Urbain Vaes, par ailleurs battu pour scolariser les populations nomades,
commissaire à la Cour des comptes. Lenarduzzi entre marginalisées et rarement scolarisées.
alors à la Cour des comptes, s’installe à Bruxelles, et
entame des études de sciences politiques et sociales Retraité depuis 2001, il est président de nombreux
à l’ULB. Il aide alors à l’élaboration d’un statut pour comités et associations dont l’association frioulane,
les employés de la Commission européenne et est le Fogolar de Bruxelles. Passionné par ses origines
élu représentant du personnel lors de la création frioulannes, Domenico Lenarduzzi déclare que
de l’union syndicale. En 1965, il passe le concours c’est grâce à elles qu’il a acquis ses convictions
d’entrée à la Commission européenne où il est européennes. En effet, à force de subir sa nationalité
nommé à la direction générale des affaires sociales tel un fardeau dans cette période d’après-guerre, il
et de l’emploi. Il se fixe alors un objectif : changer de a rêvé d’une Europe sans frontière où chacun aurait
domaine tous les cinq ans, ce qu’il fait, passant par le sa place, sans différence d’origine. Il est titulaire de
social, la politique régionale (bras droit du directeur, nombreuses décorations et titres académiques, dont
il fut chargé de la régionalisation de l’ensemble celui de docteur honoris causa décerné par l’ULB
des politiques), l’élargissement de l’Europe, puis en 2002, avec les autres promoteurs d’Erasmus,
la direction générale de l’éducation. En 1984, les Angélique Verli, Hywel Ceri Jones et Alan Smith.
institutions européennes réalisent que la population
ne ressent aucun sentiment d’appartenance à
l’Europe. On demande alors à Lenarduzzi de
participer à la rédaction d’un rapport sur les moyens

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Angélique Verli
Docteur honoris causa 2002 Le programme cherche à toucher le plus grand
nombre, quitte à accorder un budget plus restreint
Athènes, Grèce, 1947 à chaque étudiant. Le financement communautaire,
pourtant modeste, a été le catalyseur permettant le
Angélique Verli grandit dans une famille succès exponentiel d’Erasmus : de 3 000 étudiants
multiethnique : son père est un Grec d’Albanie et et une centaine d’universités à 15 000 étudiants et
sa mère une Serbe d’origine autrichienne. Ils se 300 universités en deux ans. En 1995, elle participe
sont rencontrés en Allemagne où ils travaillaient à la création du European Center of Public Law
pendant la guerre. Elle fait ses études primaires (EPLC), directement issu du programme Erasmus
et secondaires à Cos, une île du Dodécanèse. qui promeut le droit et la démocratie dans les pays
Désireuse de faire ses études à l’étranger, de l’UE et les pays tiers. Quatre ans plus tard,
Angélique est candidate puis sélectionnée pour une lassée d’Erasmus, elle est nommée responsable du
bourse à l’Université de Columbia, offerte par la programme Socrates (englobant lui-même Erasmus)
communauté grecque des États-Unis, à la condition et du lancement du concept d’éducation tout au long
de disposer de 30 $ par mois. Or, cette somme de la vie. Elle s’implique notamment dans le système
représente à l’époque le salaire mensuel d’un Grec de transfert de crédits (European Credits Transfer
et la famille ne peut se le permettre. Angélique System), dans l’encadrement des compétences de
Verli part alors pour Athènes où elle travaille base dans l’enseignement et dans l’Institut européen
pour financer ses études de droit à l’Université d’innovation et de technologie. En 2002, avec Hywel
d’Athènes. C’est ainsi qu’elle intègre le Bureau Ceri Jones, Domenico Lenarduzzi et Alan Smith, autres
d’information européen d’Athènes : elle a 19 ans. promoteurs de la coopération universitaire et des
échanges estudiantins, elle est distinguée docteur
En 1981, la Grèce intègre l’Union européenne, honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. De
Angélique Verli quitte alors Athènes pour rejoindre 2002 à 2006, Angélique Verli s’occupe des objectifs
la section juridique de la direction générale des d’éducation de la stratégie de Lisbonne. Pendant
affaires sociales à Bruxelles. Elle y obtient en 1985 trois ans, elle enseigne au Collège d’Europe les
le diplôme de licenciée spéciale en droit européen modalités pratiques du processus de codécision
de l’Université libre de Bruxelles. La même année, à des étudiants post-universitaires. Angélique
sa section s’occupe de l’affaire Gravier, qui statue Verli est actuellement en charge de la coopération
sur l’égalité des droits universitaires entre nationaux internationale avec les pays industrialisés et des
et non-nationaux, et qui fait jurisprudence en programmes Erasmus Mundus et Tempus (le
matière de libre circulation des étudiants dans premier visant l’excellence globale des universités
l’UE, ouvrant ainsi la voie au programme Erasmus. européennes ; le second œuvrant aux réformes
Angélique Verli se tourne alors vers son aspiration universitaires dans les pays voisins de l’UE). Elle a
première, l’enseignement international. pris sa retraite fin 2008 et vit désormais en Grèce.

En 1987, Hywel Ceri Jones, directeur de l’Éducation


à la Commission européenne, lui confie la
responsabilité du programme Erasmus.

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Alan Smith
Docteur honoris causa 2002 responsable de la gestion de l’action Grundtvig
de la Commission (action pour l’enseignement
Halifax, Angleterre, 1947 général pour les adultes) et de la conception du
futur programme Grundtvig 2007-2013. Depuis cette
Alan Smith est né à Halifax, en Angleterre, d’un date, il est chef-adjoint de l’unité s’occupant de
père architecte et d’une mère bibliothécaire. Après l’éducation des adultes, où il est notamment chargé
ses études secondaires, il fait une partie de ses de la coordination de ce programme Grundtvig au
études supérieures à l’Université de Londres pour sein du programme d’éducation et de formation
étudier la littérature et la langue allemande, avant
de rejoindre la Philipps-Universität de Marbourg L’essentiel de son action consiste à élaborer une
en Allemagne. Diplômé, il travaille à la Conférence stratégie pour la promotion de l’enseignement
des recteurs de la Communauté européenne (basée supérieur européen dans le monde, et en particulier
en Allemagne de l’Ouest) en tant que secrétaire du pour le programme Erasmus Mundus, au sein de
comité de liaison. Par la suite, il intègre l’Institut l’unité Tempus et Erasmus Mundus qui fait partie de
européen de l’éducation et de la politique sociale la direction générale de l’éducation et de la culture de
à Paris, en tant que chercheur. En 1980, il s’installe la Commission européenne. Il est très investi dans les
à Bruxelles et travaille en collaboration avec programmes de coopération européenne en matière
la Commission européenne. Dans un premier d’éducation et de formation professionnelle et veut
temps, il s’intéresse au développement et à la contribuer à renforcer la dimension européenne
gestion « des programmes communs d’études » de l’éducation, par la promotion de l’innovation
(programme pré-Erasmus), puis dans un second pédagogique, l’encouragement au dialogue entre
temps, il travaille à la coopération de la Commission les nations européennes, le combat contre les
européenne dans l’enseignement supérieur et au préjugés et la lutte contre l’exclusion sociale. Alan
développement du nouveau programme Erasmus, Smith est l’auteur de nombreuses publications sur
dont il est directeur de 1987 à 1992. De 1993 à 1994, les questions concernant la coopération européenne
il est directeur de l’Association de la coopération et internationale en matière d’éducation.
académique (ACA). Il est également secrétaire
général de plusieurs associations européennes, C’est en tant que pionnier du programme Erasmus
dont l’ATEE (pour la formation des enseignants) et et grâce à sa contribution dans ce domaine
la SEFI (pour la formation des ingénieurs). En 1995, qu’il a reçu les insignes de docteur honoris
il devient fonctionnaire permanent des institutions causa de l’Université libre de Bruxelles. Il a reçu
européennes, ce qu’il est toujours aujourd’hui. les mêmes honneurs de l’University of Center
England de Birmingham pour sa contribution à la
Au cours des treize années de service auprès de la coopération européenne en matière d’éducation.
Commission, Alan Smith a occupé plusieurs postes,
tels que coordinateur du programme Socrates,
chef adjoint de la politique sur l’apprentissage à
vie, chef de l’unité responsable de Comenius (pour
l’enseignement scolaire). Entre 2000 et 2005, il est

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Toots Thielemans
Docteur honoris causa 2001 de jazz des années 1950 à nos jours. Référence
incontestable de l’harmonica, il a été soliste pour de
Bruxelles, Belgique, 1922 nombreuses musiques de films (Macadam Cowboy,
Guet-apens, Jean de Florette, Yakuza, etc.) et pour 1
Issu des Marolles où ses parents tiennent un café, rue Sésame à la télévision. Son talent sans équivalent
Jean-Baptiste Thielemans s’intéresse très tôt aux pour cet instrument l’a conduit à partager la scène
accordéonistes qui jouent dans l’établissement. avec les plus grands musiciens de son époque, de
Son père remarque son intérêt pour l’instrument et Charlie Parker à Quincy Jones en passant par Frank
lui fait apprendre l’accordéon diatonique dès l’âge Sinatra et Ella Fitzgerald. Il est d’ailleurs le vainqueur
de trois ans. À seize ans, il découvre l’harmonica récurrent de la catégorie « Instruments divers » pour
dans les films de Ray Ventura et en joue durant ses le magazine de jazz Down Beat. Toots Thielemans,
loisirs. Si le déclenchement de la seconde guerre le ket de Bruxelles dont la modestie et la gentillesse
mondiale interrompt ses études universitaires, c’est sont reconnues par tous a reçu le titre de baron
pendant l’occupation que naît sa passion pour le et un doctorat honoris causa de l’ULB en 2001.
jazz. Dans les clubs où il débute, on lui conseille de
s’orienter vers un instrument plus approprié. Il se
tourne alors vers la guitare. C’est en écoutant les
disques de Django Reinhardt, sa première idole,
qu’il apprendra à en jouer. Engagé à la libération
dans de petites formations, on le surnomme Toots,
d’après les musiciens célèbres de l’époque, Toots
Mondello et Toots Camarata. Ce nouveau prénom,
beaucoup plus swing que Jean-Baptise, lui colle à
la peau pour le reste de sa carrière. C’est lors de la
tournée européenne de Benny Goodman (1950) qu’il
fait ses premiers pas sur la scène internationale.
Lorsqu’il part aux États-Unis en 1952, ses premiers
concerts se déroulent avec le Charlie Parker’s All
Stars et le George Shearing Quintet. Toots Thielemans
compose un standard du jazz en 1962, Bluesette.
Dans ce morceau, devenu un succès international,
il siffle et joue de la guitare à l’unisson, créant ainsi
un nouveau son. Le sifflement est d’ailleurs, après
l’harmonica et la guitare, son troisième instrument
de prédilection. Dans les années 1980, il collabore
à de nombreux albums de jazz avec Jaco Pastoruis
et Billy Eckstine, de rock avec Billy Joel ou encore de
pop avec Julian Lennon. Mais Toots Thielemans est
surtout l’interprète principal de plus de trente albums

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Joaquim Chissano
Docteur honoris causa 2000 à plusieurs reprises dans les pays de l’Est et en
URSS. En 1974, il est nommé premier ministre d’un
Malehice, Mozambique, 1939 gouvernement provisoire à la suite des accords de
Lusaka. Le Mozambique est officiellement déclaré
Joaquim Alberto Chissano, président du Mozambique indépendant le 25 juin 1975 et Samora Machel devient
du 6 novembre 1986 au 2 février 2005, a accompagné le premier président de la République populaire du
son pays dans toutes les péripéties qu’une histoire Mozambique. Chissano devient ministre des Affaires
agitée lui a imposées depuis 1974. Décrit comme un étrangères, membre du comité central, du bureau
homme de compromis, il a mené son pays vers la politique et du secrétariat du FRELIMO, député et
paix, gravissant au long de sa carrière les marches membre de la commission permanente de l’Assemblée
du pouvoir avec une agilité certaine. Il a occupé les et major des forces armées. Le 19 octobre 1986,
postes de secrétaire de la sécurité, d’officier général, Samora Machel est victime d’un accident d’avion, et le
de ministre et, enfin, de président du Mozambique. 3 novembre de la même année, Chissano est nommé
à la tête du FRELIMO. En raison du monopartisme du
Né d’un pasteur méthodiste et instituteur le 22 pays, il devient de fait le président de la République
octobre 1939 dans le petit village de Malehice, il du Mozambique. Il organise les premières élections
passe son enfance dans la province de Gaza. Il est présidentielles et législatives pluralistes en 1994,
l’un des premiers étudiants noirs admis au lycée qui le donnent vainqueur avec 53,3 %. Il est de
Salazar de Lourenço Marques. C’est là qu’il rejoint nouveau élu en 1999 après une forte opposition
le NESMA (noyau d’élèves africains du secondaire), du parti  Résistance nationale du Mozambique
puis qu’il s’inscrit à l’association des Mozambicains. (Renamo) emmené par Afonso Dhlakama. Chissano
Ces premières implications ont marqué le début ne brigue pas de troisième mandat lors des élections
de son engagement politique pour l’indépendance de 2004. En octobre 2005, il est nommé conseiller
du Mozambique. En 1960, il entame des études à la Conférence des Nations unies sur le commerce
supérieures à l’Université de Lisbonne au Portugal, et le développement. Il s’occupe ensuite des
qu’il doit pourtant quitter clandestinement en 1961 négociations avec les acteurs de la crise malgache
en raison de ses activités nationalistes. Il est alors en tant que médiateur nommé par la Communauté de
arrêté et détenu à San Sebastian. À sa libération, il développement d’Afrique australe. Si son règne sur
s’inscrit à la Faculté de médecine de Poitiers. Il est le Mozambique est long, il n’en est pas moins marqué
à l’origine de la fondation de l’Union nationale des par de fortes agitations constatées tant à l’intérieur
étudiants mozambicains dont il devient le premier qu’à l’extérieur du pays. Toujours est-il que, si quelque
président. Cette responsabilité lui permet d’entrer chose différencie Chissano de ses adversaires, c’est
au Front de libération du Mozambique (FRELIMO) en sa reconnaissance sur la scène internationale où
1962, parti d’idéologie marxiste-léniniste qui se lance sa modération, son pragmatisme et ses qualités de
dans la lutte armée contre le colonialisme portugais gestionnaire en ont fait un représentant important de
à partir de 1964. Au FRELIMO, Chissano gravit un à l’Afrique dans le monde. Il est également apprécié en
un les échelons. Il est d’abord nommé secrétaire du Occident pour la bonne publicité que lui ont procurées
docteur Eduardo Mondlane, premier président du ses réformes libérales, l’abandon du marxisme-
parti, assassiné en 1969. Ce poste l’amène à voyager léninisme, l’instauration du pluralisme politique

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et l’ouverture vers une économie de marché. Il a
d’ailleurs été soutenu par les Nations unies et des pays
occidentaux lors des élections contestées de 1999.
Sur le plan sanitaire, il encourage les Mozambicains à
prendre toutes les mesures préventives nécessaires
face au sida et favorise la création d’usines de
fabrication de médicaments dans son pays . En
février 2000, il sollicite l’aide internationale suite
aux inondations catastrophiques qui touchent son
pays. Il se voit décerner, en 1997, le prix du leadership
en Afrique pour l’éradication durable de la faim
et, en 2007, le premier prix Ibrahim du leadership
d’excellence en Afrique. Malgré les polémiques, il est
perçu comme un modèle par les dirigeants africains.

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Louise Arbour
Docteur honoris causa 2000 aux droits de l’homme le 1er juillet 2004. Affirmant
que la responsabilité criminelle des responsables du
Montréal, Canada, 1947 conflit israélo-libanais (juillet-août 2006) peut être
engagée, elle subit de fortes pressions visant à sa
Louise Arbour reçoit une éducation primaire et démission. Elle ne demande pas le renouvellement
secondaire dans une congrégation catholique. Elle de son mandat qui arrive à terme le 30 juin 2008.
est titulaire d’un baccalauréat ès arts de l’Université
de Montréal en 1967. Après une licence en droit Au cours de sa carrière Louise Arbour a publié
obtenue avec distinction (1970), elle poursuit l’étude de nombreux ouvrages dans le domaine du
du Common Law à l’Université d’Ottawa en parallèle droit pénal et de la procédure pénale. Louise
avec une fonction de commis aux affaires légales à la Arbour a reçu le titre de docteur honoris causa
Cour suprême du Canada (1971-1972). D’abord officier de 27 universités et a été décorée de l’Ordre du
de recherche pour la Commission sur la réforme du Canada, la plus haute distinction civile du pays.
droit au Canada (1972-1973), elle enseigne ensuite à
la Osgoode Hall Law School (1974-1987) avant d’être
la première femme et la première francophone à
être nommée à la Cour suprême de l’Ontario (1987).
En 1990, elle est nommée juge à la Cour d’appel
de l’Ontario, puis présidente de la commission
d’enquête ontarienne sur les événements survenus
à la prison de femmes de Kingston en Ontario.

Nommée procureur en chef du Tribunal pénal


international pour le Rwanda et du Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie en 1996, elle
est responsable de l’instruction des dossiers et
de l’exercice des poursuites contre les auteurs de
violations graves du droit international humanitaire
dans ces deux pays. C’est en cette capacité qu’elle
inculpe Slobodan Milosevic de crimes de guerre en
mai 1999. Il sera le premier chef d’État appelé à rendre
des comptes devant un tribunal pénal international.
Elle est remplacée à ces fonctions par Carla Del Ponte
en août 1999. Le 15 septembre 1999, Louise Arbour
est nommée juge à la Cour suprême du Canada
par le premier ministre Jean Chrétien, une fonction
qu’elle quitte volontairement le 30 juin 2004. Elle
remplace Sergio Vieira de Mello, tué dans un attentat
à Bagdad, au poste de haut commissaire de l’ONU

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Simone Susskind
Docteur honoris causa 2000 rencontre David Susskind, fondateur du Centre
communautaire laïc juif, une organisation judaïque
Bruxelles, Belgique, 1947 et laïque très influente dans la communauté juive
de Belgique. En se mariant, elle prend son nom, et
Simone Susskind (née Weinberger) naît à Bruxelles ils évoluent dès lors ensemble, intellectuellement,
en 1947. Son père est originaire de Pologne, sa mère politiquement et bientôt professionnellement. Ils
de Transylvanie (Roumanie). Tous deux émigrent reçoivent tout au long de leur vie de nombreuses
en Belgique au début des années 1930, fuyant la personnalités, israéliennes autant que palestiniennes,
misère et l’antisémitisme. Une grande partie des montrant, malgré leur engagement sioniste, une
membres de leurs familles sont exterminés pendant volonté de conciliation et de territorialité partagée.
le génocide. Elle mène des études de sciences Simone Susskind devient directrice du CCLJ de 1986 à
sociales puis de sciences économiques à l’ULB à 1996, à la suite de David. Elle continue sur sa lancée
la fin des années 1960. C’est là qu’elle entame son d’ouverture politique et milite au sein, du mouvement
parcours de militante. Jeune étudiante sioniste, elle y israélien Shalom Ah’shav (La Paix maintenant). Elle
rencontre Mony Elkaïm et Roger Lallemand, qui seront rencontre par exemple Issam Sartaoui en Israël. Celui-
déterminants dans l’affirmation de ses orientations ci est numéro 2 de l’OLP et partisan palestinien du
politiques. De son propre aveu, c’est au lendemain dialogue. Il le payera de sa vie en 1983. Elle codirige
de la guerre des Six Jours qu’elle et une partie des en 1988 l’ouvrage Judaïsme et laïcité, qui témoigne
militants sionistes qui la côtoient se rendent compte de son point de vue laïc sur la judéité. Simone
de la réalité de l’« autre » peuple, chassé de ses Susskind se retrouve au début de la première Intifada
terres. C’est aussi l’époque de l’émergence d’un à une réunion internationale de féministes juives à
mouvement national palestinien via l’Organisation Jérusalem. À cause du contexte politique explosif,
pour la libération de la Palestine, l’OLP, dont la elles se demandent ce qu’elles peuvent faire en tant
principale revendication est celle d’un État unique. que femmes pour agir. À partir de cette expérience,
Adoptant une position différente sur la question, elle elle organise dès 1988 toute une série de forums
participe à la création du Comité Israël-Palestine en ayant pour thème le conflit israélo-palestinien, et
1967, dont le but est de faire coexister pacifiquement plus spécifiquement le rôle des femmes dans celui-ci.
les deux populations, sous le slogan « Deux peuples, L’objectif est de créer des liens et des échanges entre
deux États ». Cette façon de voir va à contre-courant communautés opposées, par l’intermédiaire de la
à l’époque ; elle essuie les critiques des deux camps. solidarité féminine. Elle est ainsi à l’origine de Women
Lorsqu’elle prend la parole au Congrès juif mondial Speak Out, en 1989, auquel participe Leïla Shahid
de Jérusalem des années plus tard, elle provoque par exemple. Il y aura d’autres éditions de ce Women
une polémique en défendant cette position, en marge Speak Out, notamment en 1992 sous le patronage de
des discours sionistes de l’époque. Elle s’engage Simone Veil. Elle fait le pari que la paix passera par les
en parallèle de son combat pour le Proche-Orient femmes. On assiste aussi à la création de Jerusalem
dans la défense de la liberté des Juifs de l’URSS. Link – A Women’s Joint Venture for Peace, des
Ainsi, à la fin des années 1970, elle accueille Anatoli centres pour l’élaboration de ces échanges solidaires
Kouznetsov, écrivain et dissident soviétique, à la féminins, dans les deux parties de Jérusalem. Elle est
suite de son échange contre un espion russe. Elle élue Femme de l’année 1991 en Belgique, consécration

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Simone Susskind
de son engagement communautaire d’ouverture. Elle
participe en 1994 au sommet de Marrakech, première
conférence euro-méditerranéenne de femmes (plus
de 200 journalistes, militantes du monde associatif,
responsables politiques…) sur le thème Les femmes
et la paix. Simone Susskind crée en 1995 Actions in
the Mediterranean, une association entre femmes
des deux rives qui pensent que leur liberté et
leur espoir d’un monde meilleur ne pourront être
effectifs que par une collaboration directe. Sur le
modèle des forums israélo-palestiniens, elle élargit
le champ de ses actions avec les femmes. Ainsi
organise-t-elle en 1996 à Bruxelles une réunion de
femmes bosniaques, serbes et croates. Un an plus
tard, elle convie des Burundaises, des Hutus et des
Tutsis, puis des femmes chypriotes grecques et
turques, en présence de personnalités israéliennes
et palestiniennes. Sur le modèle de Jérusalem, c’est
un Cyprus Link qui voit le jour, ainsi qu’un Women
Speak Out in Cyprus. Parallèlement, elle s’engage en
politique sur les listes du Parti socialiste, notamment
lors des élections européennes de juin 2009.

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Nora Irma Morales de Cortiñas
Docteur honoris causa 2000 sociale. Elle est titulaire de la chaire libre « Pouvoir
économique et droits de l’homme » à la Faculté des
Nora Irma Morales de Cortiñas est la mère de Carlos sciences économiques de l’Université de Buenos
Gustave Cortiñas. Ce jeune militant péroniste, Aires. En 2000, elle reçoit le titre de docteur
opposant au régime, a disparu le 15 avril 1977, honoris causa de l’Université libre de Bruxelles.
pendant la dictature militaire au pouvoir en Argentine
suite au coup d’État de 1976. On estime le nombre
de disparus (probablement assassinés et torturés)
à 30 000 pendant cette période. Le 30 avril de cette
année-là, a lieu la première manifestation des mères
des disparus. Elles se réunissent sur la place de Mai,
en face du palais présidentiel à Buenos Aires. Elles
passent presque inaperçues mais continuent à se
réunir, chaque fois plus nombreuses. Ces mères,
d’origines ethniques, sociales ou économiques fort
différentes unissent leurs forces dans leur combat
pour retrouver leurs enfants. Nora Irma Morales
de Cortiñas est cofondatrice du Mouvement des
mères de la place de Mai. Le mouvement connaît
néanmoins une scission, trois ans après la chute de
la dictature. D’un côté, le Mouvement des mères de
la place de Mai-Línea Fundadora, lancé le 16 janvier
1986. Ces mères acceptent la reconnaissance et
l’aide du gouvernement pour la perte de leurs fils, et
leur principal combat s’effectue pour récupérer les
corps et amener devant la justice les responsables.
Elles participeront à beaucoup de commissions
des Nations unies sur les droits de l’homme avec
une approche pluraliste et non-partisane. De
l’autre, l’Asociacion Madrés de la Plaza de Mayo :
cette dernière association rejette le soutien du
gouvernement de 1983, estimant que celui-ci n’a
pas reconnu sa faute, ni les liens avec la guerre
sale ni les disparitions forcées. Les mères qui en
font partie continuent le combat socialiste des plus
radicaux de leurs fils, et à ce titre sont en marge
politiquement. Leur périodique est affilié au Réseau
Voltaire. Nora Cortiñas rejoint à sa création la Línea
Fundadora. En parallèle, elle étudie la psychologie

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Wassyla Tamzali
Docteur honoris causa 2000 des femmes à Pékin. Elle organise la participation de
l’UNESCO au Forum des ONG de cette conférence,
Algérie, 1941 conduit des activités sur l’exploitation sexuelle des
femmes et s’investit également dans le Parlement des
Wassyla Tamzali est née en Algérie en 1941, dans une femmes des pays islamiques. Loin de ne s’intéresser
famille de notables francophones. Sa famille est l’une des qu’aux problèmes du Maghreb, son universalité la
plus riches d’Algérie. Quand elle a 15 ans, son père est pousse à participer dès 1992 au mouvement des femmes
assassiné par un jeune membre du FLN, pour des raisons balkaniques pour la paix et le respect dans la région,
que la justice algérienne n’a jamais élucidées, mais par l’intermédiaire de l’Association interbalkanique des
probablement à cause des prétendues compromissions femmes pour la paix. En 1995, elle rédige le rapport de
de ses parents avec l’autorité coloniale. Loin d’être la l’UNESCO sur Le viol comme arme de guerre, eu égard à
seule famille à posséder une fortune impressionnante la situation en Bosnie-Herzégovine. Nommée directrice
pendant la période coloniale, sa particularité est du Programme pour la promotion de la condition des
son mode de vie moderne, à la française. Après femmes de Méditerranée en 1996, Wassyla Tamzali
l’indépendance algérienne, en 1962, les biens des Tamzali met en place des projets autour de la coopération
sont nationalisés. Ce drame, qui marque évidemment transméditerranéenne avec le sud, comme le Forum
la jeune Wassyla, ne l’empêche pas de s’enthousiasmer des femmes de Méditerranée, dont elle sera d’ailleurs
pour les promesses suscitées par l’indépendance élue vice-présidente en 2001. Elle reçoit de nombreuses
nationale. Elle exerce de 1966 à 1977 le métier d’avocate distinctions honorifiques pour son engagement. Ainsi
à la cour d’Alger, tout en menant en parallèle des activités se voit-elle décerner le Lifetime Achievement Award,
journalistiques et culturelles. Elle est rédactrice en chef lors de la commémoration du Xe anniversaire de la
du premier hebdomadaire maghrébin libre, Contact, de conférence globale organisée contre les violences
1970 à 1973. Au niveau culturel, elle écrit en 1975 un livre sexuelles à Dhaka, en 1999. Mais elle est également
sur le cinéma maghrébin, perçu comme un plaidoyer pour élevée au grade de chevalier de l’Ordre national du
la liberté d’expression, ainsi qu’un ouvrage d’art sur la mérite par Lionel Jospin, avant de recevoir un an plus tard
parure des femmes berbères. On voit déjà les combats le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de
de Wassyla Tamzali se dessiner : droits de la femme et Bruxelles, en février 2000. Elle occupe à partir de 2001
défense de la culture algérienne. En 1979, elle intègre un poste d’enseignante à l’Institut de la femme à Valence,
l’UNESCO, chargée du Programme sur les violations où elle donne des cours sur le dialogue interculturel
des droits des femmes, au sein de la division des droits et les droits de l’homme. En tant que membre de la
de l’homme et de la paix. De par ses origines, elle Commission des amis du manifeste des libertés, elle
s’engage plus spécifiquement dans la lutte des femmes prend part au Manifeste des libertés parisien qui critique
originaires des pays musulmans, mais aussi à un autre une certain propension liberticide de l’islam ; Wassyla
niveau contre la prostitution ou le trafic des femmes. Tamzali continue à être l’actrice de diverses initiatives
Elle commence en 1989 une relative carrière politique au pour les droits des femmes et l’ouverture culturelle.
sein du Front des forces socialistes, en occupant divers La parution en 2007 de son livre Une éducation
postes dans les instances du parti. Wassyla Tamzali algérienne, dans lequel elle mêle des étapes de l’histoire
est nommée en 1991 coordinatrice des activités pour algérienne à des éléments autobiographiques, la fait
les femmes dans le cadre de la 4e Conférence mondiale connaître davantage, en dehors des cercles habituels.

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Mary Robinson
Docteur honoris causa 2000 tenue à Vienne la même année. Mary Robinson est
le premier chef d’État à se rendre en Somalie à la
Ballina, Irlande, 1944 suite de la crise de 1992, et reçoit dans ce cadre
le prix humanitaire spécial de l’ONG Care. Elle est
Mary Robinson (de son nom irlandais Máire Mhic également la première à visiter le Rwanda après le
Róibín) naît le 21 mai 1944 à Ballina, dans le comté génocide de 1994 et retourne par la suite sur les lieux
de Mayo, en Irlande. Elle reçoit son éducation à à de nombreuses occasions. En 1997, Kofi Annan
Trinity College ainsi qu’à King’s Inns à Dublin, avant annonce sa nomination au poste de haut commissaire
de poursuivre ses études à Harvard, où elle étudie des Nations unies pour les droits de l’homme,
principalement le droit. Lors de son retour en Irlande, aboutissement logique de sa carrière politique mais
elle intègre le barreau en 1973 et entame une aussi de sa formation juridique. Elle y pratique une
fructueuse carrière d’avocate, tout en enseignant politique de promotion intensive de la démocratie et
le droit constitutionnel et pénal à Trinity College. des droits humains, en allant même là où aucun haut
Mary Robinson s’oriente petit à petit vers les droits commissaire aux droits de l’homme n’était allé avant,
de l’homme et leurs enjeux, et participe à plusieurs comme en Chine. Mary Robinson quitte son poste
institutions de la scène internationale, telle la en 2002. Elle devient présidente honoraire d’Oxfam
Commission internationale de juristes de Genève International, et retourne à ce titre dans des pays
(qu’elle intègre en 1987). En tant que représentante visités sous ses deux mandats précédents, comme
de Trinity College, elle siège au Seanad Éireann (sénat le Rwanda. Elle continue à s’engager en faveur des
irlandais ou chambre haute) à partir de 1969 et ce droits de l’homme et des droits des femmes, à travers
pendant 20 ans. Elle se présente sur les listes du Parti des plateformes, des clubs et autres organisations,
travailliste lors des élections de 1977 et de 1981, mais comme le Club de Madrid ou le Council of Women
ne réussit pas à intégrer le Dáil Éireann (chambre World Leaders. Mary Robinson s’intéresse tout autant
basse). Pendant cette période, elle occupe une série à l’éthique et à l’histoire particulière du tiers-monde.
de postes politiques (par exemple, membre du conseil Elle établit des liens entre l’histoire irlandaise – la
communal de Dublin de 1979 à 1983). Finalement famine et ses conditions – et les crises alimentaires
désignée comme candidate du Parti travailliste, qui traversent l’Afrique. Elle participe ainsi à l’Ethical
soutenue par le Parti vert et le Parti des travailleurs, Globalization Initiative, qui vise à incorporer les droits
Mary Robinson gagne les élections de 1990 et devient de l’homme dans le processus de mondialisation
la première présidente de la République d’Irlande. et à promouvoir une bonne gouvernance.
Le rôle du président acquiert sous son mandat une
place plus proéminente que jusqu’alors. Elle investit
le champ international et se sert de son expérience
du droit pour s’impliquer dans le combat des droits
de l’homme. Elle assure en 1993 les fonctions de
rapporteur spécial auprès de la réunion interrégionale
du Conseil de l’Europe sur le thème « Droits de
l’homme à l’aube du XXIe siècle », qui sera contributive
de la Conférence mondiale des droits de l’homme,

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Jean-Didier Vincent
Docteur honoris causa 1999 Jean-Didier Vincent a beaucoup contribué au
développement de la neuroendocrinologie
Libourne, France, 1935 qui comprend l’étude des interactions entre
hormones et système nerveux, le cerveau étant
À la fin de ses études à l’Université de Bordeaux, considéré comme une glande endocrine.
en 1965, Jean-Didier Vincent est reçu professeur
agrégé de physiologie. Il devient clinicien en
psychiatrie puis professeur titulaire en 1977 avant
de s’orienter vers la recherche. Il se concentre sur
l’électrophysiologie (l’étude de l’activité électrique
du cerveau), puis sur la neuroendocrinologie (étude
des hormones produites par le système nerveux).
Il dirige un laboratoire associé au CNRS de 1973
à 1978, puis une unité de recherche à l’INSERM
qu’il a créée en 1978, l’Unité de neurobiologie des
comportements. De 1974 à 1979, Jean-Didier Vincent
est doyen de la Faculté de médecine de l’Université
de Bordeaux II et, de 1979 à 1991, directeur de l’Unité
de neurobiologie des comportements de l’INSERM.
À partir de 1991 et jusqu’en 2004, il est directeur de
l’Institut de neurobiologie Alfred Fessard du CNRS.

De 1994 à 2002, il est vice-président du Conseil


national des programmes au ministère de la Jeunesse,
de l’Éducation nationale et de la Recherche et
président du conseil du département des sciences
de la vie du CNRS. En 2002, il devient président du
Conseil national des programmes au ministère de
l’Éducation nationale, membre du comité d’éthique
des sciences du CNRS et du comité d’éthique et de
précaution pour les applications de la recherche
agronomique de l’Institut scientifique de recherche
agricole (INRA). Membre du directoire de la Fondation
pour l’innovation politique, il préside depuis octobre
2005 l’Association pour l’université numérique
francophone mondiale.

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Claude Allègre
Docteur honoris causa 1998 À la même époque, précisément de 1981 à 1983, il
devient membre du conseil scientifique du CNRS
Paris, France, 1937 (Centre national de recherche scientifique) et fonde
en 1981 l’Union européenne des géosciences.
La famille de Claude Allègre est originaire du village Enfin, de 1992 à 1997, il préside le Bureau de
de Ceilhes dans l’Hérault, région du Languedoc- recherche géologiques et minières (BRGM).
Roussillon en France. Il est le fils d’une institutrice et Son parcours scientifique sera récompensé par
d’un professeur agrégé de physique-chimie. Durant l’attribution en 1994 d’une médaille d’or du CNRS,
sa jeunesse, il se lie d’amitié avec Lionel Jospin, avec certainement la distinction la plus prestigieuse
qui il réside à la cité universitaire Jean Zay d’Antony, pour un chercheur à l’échelle française. Sept ans
à l’époque la plus grande résidence universitaire auparavant, en 1987, il s’était vu décerné la médaille
en Europe. Claude Allègre restera un ami fidèle et Wollaston de la Geological Society of London.
un soutien politique du futur premier ministre.
Ancien militant du Parti socialiste unifié (PSU), Claude
À l’issue de ses études à l’Université de Paris, il Allègre entame une carrière politique active à partir
soutient en 1967 une thèse de doctorat en sciences de 1973 en rejoignant le Parti socialiste (PS). Membre
physiques intitulée Introduction à la géochronologie engagé, il en intègre le comité directeur en 1987 et est
des systèmes ouverts. Son parcours scientifique élu député européen de 1989 à 1994. Conseiller spécial
va ensuite s’axer sur la recherche en géochimie. de Lionel Jospin à l’Éducation nationale de 1998 à 1992,
Par ailleurs, il fonde l’école de géochimie qui est il est, entre autres, l’initiateur du plan Université 2000.
aujourd’hui de renommée internationale. Claude N’hésitant pas à aborder de front les sujets sensibles, il
Allègre est considéré comme un pionnier dans le propose une réforme profonde du système des classes
domaine de la géologie isotopique. Ses travaux de préparatoires, qui se heurte à une levée de bouclier. Il
recherches ont en effet permis de mieux comprendre fait, par ailleurs, partie des conseillers de Lionel Jospin
le fonctionnement global chimique de la terre. qui refusent le renvoi des jeunes filles musulmanes
voilées des écoles publiques et, par là même, il
À la fin des années 1960, il dirige une équipe de s’oppose au projet de loi sur le port du voile islamique
géochimie à Paris, qui rallie rapidement l’Institut de en France dans les établissements scolaires. Dans la
physique du globe de Paris (IPGP), dont il assume la même période, en 1990, il devient membre du bureau
direction de 1976 à 1986. Spécialisé en géophysique exécutif, mais en démissionnera deux ans plus tard.
et en géochimie, l’IPGP a pour mission d’observer
les phénomènes naturels (volcanologie, sismologie, Ceci n’empêchera pas Lionel Jospin, alors premier
géomagnétisme...) et d’assurer la recherche dans ministre d’un gouvernement de cohabitation, de confier
ce domaine sensible. Sous la direction de Claude à Claude Allègre le ministère de l’Éducation nationale,
Allègre, l’Institut fait des recommandations d’utilité de la Recherche et de la Technologie en juin 1997. À ce
publique, notamment en préconisant en 1976 poste, il est convaincu que les réformes d’ampleur au
l’évacuation d’urgence de la population installée aux sein de l’éducation nationale sont prioritaires. Sa petite
alentours du volcan la Soufrière en Guadeloupe. phrase – « il faut dégraisser le mammouth » – suscite
une vive polémique. Dès 1998, il est à l’initiative

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 43


Claude Allègre
des réunions et des conférences internationales qui
entraîneront la création d’un Espace européen de
l’enseignement supérieur, clé de voûte du « système
de Bologne ». Il reçoit cette même année le titre de
docteur honoris causa de l’ULB. En 2000, à la suite
de nombreuses manifestations, il est poussé à la
démission et est remplacé par l’incontournable Jack
Lang. Après l’échec de Lionel Jospin au premier tour
des élections présidentielles d’avril 2002 et de son
retrait de la vie politique, Claude Allègre se fait plus
discret au sein du PS, non sans avoir vivement critiqué
Ségolène Royal, candidate socialiste aux élections
présidentielles de 2007. Il décide finalement de ne
pas reprendre sa carte de militant du PS en 2008.

L’actualité le rattrape pourtant sur un autre terrain,


celui du réchauffement climatique. Dans une série
d’articles de presse, Claude Allègre fait état de son
scepticisme à l’égard des analyses et interprétations
de la majorité des climatologues sur la question du
réchauffement. Le débat vire à la polémique lorsqu’il
prend position contre le principe de précaution et la
mise en vigueur de la taxe carbone, qu’il considère
comme deux obstacles au progrès économique. La
controverse monte d’un cran avec la parution en
2010 d’un livre d’entretiens dont le titre ne cultive
pas l’ambiguïté : L’imposture climatique. L’ancien
ministre y dénonce avec véhémence le pouvoir
et l’interprétation des experts internationaux en
climatologie. D’un autre côté, le livre, fortement relayé
sur la scène médiatique, fait l’objet d’une série de
critiques pour ses erreurs et approximations factuelles.

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Marc Van Montagu
Docteur honoris causa 1997 biotechnologique. En 1984, il est le premier à produire
du tabac transgénique et à obtenir l’expression d’un
Gand, Belgique, 1933 gène étranger dans une plante.

Après avoir obtenu un diplôme de docteur en chimie à Actuellement, Marc Van Montagu est président de la
l’Université de Gand en 1965, Marc Van Montagu devient European Federation of Biotechnology, une ONG qui
professeur ordinaire ainsi que directeur du Laboratoire promeut les biotechnologies et il est, par ailleurs,
de génétique de l’Université de Gand. directeur scientifique du Département de génétique de
l’Institut de biotechnologies et professeur extraordinaire
Ses principaux domaines de recherche sont la biologie à la Vrije Universiteit Brussel (VUB). À ce titre, il intervient
cellulaire, la chimie, la virologie, la biotechnologie, dans le débat public pour souligner les apports du génie
l’ingénierie et la microbiologie. Il s’est rendu célèbre, génétique : la pollution serait endiguée et les plantes
dans les années 1970, par la découverte en collaboration génétiquement modifiées apporteraient une solution
avec Jozef Schell, scientifique anversois, de l’ingénierie à la famine et à la surpopulation dans le monde.
basée sur Agrobacterium tumefaciens, utilisée
dans le monde entier pour la production de plantes
génétiquement modifiées aux usages variés.

En 1982, son laboratoire crée les premières plantes


transgéniques. Marc Van Montagu et son équipe offrent
la possibilité de créer des plantes pouvant produire des
vaccins, des facteurs sanguins humains, des anticorps,
mais également de contrôler et d’améliorer la qualité
nutritive des plantes ou encore de créer des dérivés
industriels comme pour le colza. La même année, il crée
avec Jozef Schell l’entreprise Plant Genetic Systems,
une société biotechnologique localisée à Gand. Elle
fait partie de Bayer CropScience depuis 2002. Ses
activités se focalisent sur la génétique des plantes.
L’entreprise est surtout connue pour ses travaux
dans le développement de plantes transgéniques
résistantes aux insectes. PGS est la première entreprise
à développer des plantes obtenues par génie génétique
avec une tolérance aux insectes. Van Montagu est
directeur scientifique jusqu’en 1996, date du rachat de
la société par Hoechst. Il crée également un laboratoire
européen pour la valorisation de la forêt amazonienne
et l’étude de la biodiversité à Kourou (Guyane) et a aussi
participé à la fondation de CropDesign, une société

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André Capron
Docteur honoris causa 1997 immunitaires dans les affections parasitaires
humaines. Le fait qu’aujourd’hui il n’existe pas encore
Lens, France, 1930 de moyens immunologiques de prévention justifie les
recherches visant au développement d’une stratégie
André Capron effectue ses études secondaires vaccinale car ces maladies touchent plusieurs millions
aux lycées de Cambrai et de Laon et ses études de personnes. L’ensemble des travaux menés s’inscrit
universitaires aux facultés de médecine et des sciences à la fois dans le cadre des recherches de base en
de Lille. Étudiant passionné de recherche, il fréquente immunologie et parasitologie mais aussi dans le cadre
le Laboratoire de parasitologie de la Faculté de de programmes concernant la recherche scientifique
médecine comme préparateur, puis comme assistant pour les pays en développement. Le centre est
où il aide à l’identification de nouvelles espèces de actuellement composé de plus de 80 personnes
trématodes. En 1958, il obtient simultanément les titres dont 37 chercheurs. Il utilise grâce à un équipement
de docteur en médecine et de licencié en sciences de très varié les épistémologies les plus actuelles de
l’Université de Lille. Il effectue ensuite un voyage de l’immunologie et de la biologie cellulaire et moléculaire
deux ans, jusqu’en 1960, à Madagascar où il accomplit pour l’approche des différentes endémies parasitaires.
son service militaire tout en poursuivant ses travaux
de recherche à l’Institut Pasteur sur la schistosomiase. Activement engagé dans les actions de recherche en
faveur des pays en développement, André Capron
À son retour en France, il oriente ses travaux vers prend part aux principales actions nationales et
l’immunologie parasitaire, branche dont il est le internationales dans ce domaine, comme celle
fondateur, et devient maître de conférence. En 1970, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et
André Capron est titulaire de la chaire d’immunologie assure avec son équipe un rôle d’animation au
de la Faculté de médecine au Centre hospitalier sein de ces organismes. En 1978, André Capron
régional de Lille et devient professeur à l’Université de et son équipe découvrent les premiers anticorps
Lille, où il restera jusqu’en 2000. Il entame alors des monoclonaux antiparasitaires ainsi que plusieurs
recherches capitales qui conduisent à l’identification nouveaux mécanismes de cytoxicité et de régulation
d’une protéine vaccinante dans la schistosomiase. des réponses antiparasitaires au cours des années
À la même époque, il rencontre sa femme, Monique 1980 et 1990. De 1977 à 2000, il dirige l’unité
Capron, également chercheuse et aujourd’hui de recherche Inserm 167, intitulée depuis 1994
professeur d’immunologie à l’Université de Lille II. « Relation hôte-parasite et stratégies vaccinales ».

En 1975, son laboratoire devient le Centre En 1980, avec la venue de la biologie moléculaire,
d’immunologie et de biologie parasitaire de l’Institut André Capron développe avec son équipe des travaux
Pasteur de Lille et obtient le statut d’unité de l’Institut sur la génétique moléculaire des schistosomes qui
national de la santé et de la recherche médicale conduisent, en 1987, à la préparation des différentes
(INSERM) puis d’unité mixte INSERM-CNRS. Il en est protéines vaccinantes, demeurées au stade
le directeur jusqu’en 2001. Le Centre d’immunologie expérimental clinique depuis 1998. Il pourrait s’agir
et de biologie parasitaire consacre l’essentiel de d’un vaccin potentiel contre la bilharziose, seconde
son activité scientifique à l’étude des mécanismes endémie parasitaire mondiale après le paludisme.

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La même année, il devient président du Conseil
scientifique de l’INSERM, et ce jusqu’en 1991.

Parallèlement à ses recherches, il s’investit résolument


dans le développement de la recherche biologique
et médicale dans les pays en développement. Il crée
dans les années 1980 avec Pierre Aigrain (physicien
français, secrétaire d’État chargé de la recherche sous
Valéry Giscard d’Estaing) la première commission
nationale « Santé et développement », puis préside,
de 1983 à 1987, le premier programme européen des
sciences et techniques en faveur du développement. À
la même époque, il est président du programme sur la
schistosomiase de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) et, à l’issue de ce mandat, il devient membre
du groupe d’experts conseillers scientifiques de
l’OMS de 1987 à 1999 et membre du comité de conseil
scientifique et technique de l’OMS de 1988 à 1992.

Parallèlement, il a mis en œuvre le European


Special Program of Operational and Integrated
Research (ESPOIR) sous l’égide de l’Union
européenne. Très préoccupé par les maladies
qui sévissent dans les pays en développement,
il se rend régulièrement dans ces pays.

En 1994, André Capron devient directeur de


l’Institut Pasteur de Lille jusqu’en 2000. Il est
également professeur émérite à l’Université de
Lille et directeur honoraire de l’Institut Pasteur
de Lille. Depuis 2001, il est membre du conseil
scientifique de l’École normale supérieure.

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Marek Edelman
Docteur honoris causa 1996 Canada et en Israël mais lui décide de rester en
Pologne malgré de nouveaux pogroms en 1946. En
Homel, Biélorussie, 1919 – 1968, le parti communiste polonais organise une
Varsovie, Pologne, 2009 campagne antisémite. Marek Edelman est renvoyé
de l’hôpital, son épouse, la pédiatre Alina Margolis,
Marek Edelman est né à Homel (Biélorussie actuelle) rencontre des problèmes dans son travail et leurs
mais, rapidement, sa famille déménage à Varsovie. enfants subissent des brimades à l’école. En 1971,
Ses parents sont membres du Bund, l’association Alina Margolis décide de s’installer avec leurs enfants
juive animée par des principes socialistes, ainsi que en France (où elle sera l’une des fondatrices de
du mouvement ouvrier juif. Ils meurent alors que Médecins du monde). Marek reste fidèle à son credo
Marek n’est qu’un enfant, et celui-ci est recueilli et refuse de quitter la Pologne. Dans les années 1970,
et élevé par des amis bundistes également. Ces il est actif dans l’opposition au régime communiste et
derniers fuient la Pologne lors des bombardements travaille à la défense des ouvriers. En 1980, il prend
allemands en 1939. Marek a 20 ans et il reste à part à la création du syndicat Solidarnosc, il participe
Varsovie. Le 12 octobre 1940, il est sommé ainsi à ses fondements idéologiques et philosophiques.
que 380 000 autres Juifs d’aller s’installer dans Un an plus tard, il en est élu délégué et participe au
le ghetto. Il milite très jeune au SKIF et à Zukunft, premier congrès de Solidarnosc en y représentant
deux organisations de jeunesse affiliées au Bund. Il la ville de Lódz. Il quitte le syndicat dès son arrivée
participe aux actions de la résistance et travaille à au pouvoir mais continue son action en étant député
l’édition et à la distribution de journaux clandestins de l’Union démocratique de 1989 à 1993, lors de
dans le ghetto. Il entre très rapidement à la direction la phase de démocratisation de la Pologne.
du Bund et, en octobre 1942, il est un des fondateurs
de l’Organisation juive de combat, dont le but est Il réintègre alors l’hôpital et y travaille jusqu’en
de résister à l’occupation nazie durant la seconde 2007. Après la chute du communisme, il dénonce
guerre mondiale. Il y seconde Mordechaj Anielewicz. régulièrement le racisme et les conflits ethniques.
En 2002, en réaction au conflit israélo-palestinien,
Le 19 avril 1943, les nazis ordonnent la liquidation du il écrit une lettre aux groupes armés palestiniens
ghetto. Deux cents combattants résistent aux 2 000 pour leur demander d’arrêter les attentats-suicides.
soldats de la Wehrmacht pendant trois semaines. Le 8 Or ses relations avec Israël ne sont pas évidentes,
mai, Mordechaj Anielewicz est tué et Marek Edelman car il est resté fidèle aux idées du Bund, mouvement
devient le commandant du soulèvement du ghetto peu favorable au sionisme. Pour Élie Barnavi, « [en
de Varsovie. Seule une quarantaine de personnes Israël] Edelman n’a pas bonne presse. Il est un
réussirent à survivre aux combats acharnés. Parmi héros incontestable mais dans la mémoire collective
eux, Marek Edelman qui prend la fuite par les égouts. israélienne, il reste un juif diasporique. Dans le
En août 1944, il participe à l’insurrection de Varsovie. conflit idéologique qui structure le pays, le vrai héros
Après la guerre, il devient un cardiologue réputé soutient le projet sioniste. Le vrai héros du ghetto,
à l’hôpital Sterling de Lódz. Il est à l’origine de la pour Israël, c’est Anielewicz. » À la différence des
première transplantation cardiaque en Pologne. autres rescapés de la guerre, Marek Edelman n’a
Beaucoup de survivants émigrent notamment au jamais participé aux commémorations officielles de

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 48


l’insurrection du ghetto de Varsovie. Il a son propre
rituel de commémoration, chaque année, en arpentant
les rues de Varsovie en direction de l’ancien ghetto
juif et en se recueillant devant les monuments à la
mémoire des combattants du ghetto. Au départ seul,
il est rejoint au fur et à mesure des années, par des
proches puis par des personnalités (comme le pape
Jean-Paul II ou le vice-président américain Al Gore),
au rythme de chants yiddish et de l’hymne du Bund.

Marek Edelman porte le titre de Doctor of Humane


Letters de l’Université de Yale depuis 1989. Le
18 avril 2006, le titre de docteur honoris causa
de l’Université libre de Bruxelles lui est décerné
et le 15 avril 2008, Marek Edelman accepte de
recevoir l’insigne de commandeur de la Légion
d’honneur lors du passage du ministre des
Affaires étrangères français à Varsovie.

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Arthur Haulot
Docteur honoris causa 1996 repart en Allemagne durant huit mois en tant que
correspondant de guerre et témoigne de l’horreur
Angleur, Belgique, 1913 – des camps de concentration dans un livre intitulé
Bruxelles, Belgique, 2005 Dachau publié dès son retour. Afin de commenter
personnellement le procès de Nuremberg, il renoue
Arthur Haulot grandit dans un milieu d’sartisans (son avec le métier de journaliste pour Le Peuple,
père est ébéniste) socialistes. Il mène sa scolarité à quotidien syndicaliste socialiste bruxellois. Son action
l’école moyenne de la rue Jonfosse à Liège, grâce au pendant la guerre lui vaut de hautes distinctions
Fonds des mieux doués. Après avoir quitté l’école belges et étrangères comme, la Légion d’honneur
à 16 ans, Arthur travaille à la Fabrique nationale de et la Croix de guerre française avec palmes ainsi
Herstal puis dans une banque coopérative en tant que la médaille tchécoslovaque de la résistance.
que comptable. Travail peu épanouissant auquel
il échappe grâce à Isi Delvigne, orateur socialiste, En 1946, il devient commissaire général au Tourisme,
qui a remarqué ses articles dans Les Faucons et ce jusqu’au 1er décembre 1978. Il préside aux
rouges, le journal socialiste. Il est engagé en 1931 destinées de la Commission européenne du tourisme,
à La Wallonie, le quotidien syndical liégeois, où il puis de l’Organisation mondiale du tourisme. À partir
entame véritablement sa carrière de journaliste. de 1951, devenu codirecteur du Journal des poètes,
Quatre ans plus tard, il devient journaliste à l’INR il fonde avec Pierre-Louis Flouquet les Biennales
(Institut national de radiodiffusion) et ce jusqu’en internationales de poésie qui prennent place en
1937, date à laquelle il devient attaché de cabinet du premier lieu à Knokke puis à Liège. En 1973, Arthur
ministère des Communications. En 1938, deux ans Haulot crée le Bureau international du tourisme social
après l’instauration des congés payés en Belgique, dont il est secrétaire général jusqu’en 1988, année
il est nommé inspecteur à l’Office national des où il devient président de la Maison internationale
vacances ouvrières par le Parti ouvrier belge, pour de la poésie à Bruxelles. Entre 1992 et 2005, il se
collaborer avec le ministre Marcel Henri Jaspar auprès consacre essentiellement à la sociologie et à la
du fonctionnement de la Commission nationale des poésie en publiant de nombreux recueils. Il devient,
vacances ouvrières. Il fonde le commissariat général en 1992, président de l’ASBL Causes communes,
au tourisme avec son ami Henri Janne, sociologue une opération lancée pour secourir des victimes de
francophone. Durant cette même période, il entre l’ex-Yougoslavie et, en 1994, il y est chargé en tant
en poésie par le biais de textes militants composés qu’ancien prisonnier politique de présider le Comité
pour la société ouvrière. Son militantisme se de coordination du cinquantième anniversaire de la
poursuit durant la seconde guerre mondiale au sein libération des camps de concentration. Il est président
du Parti socialistebelge clandestin. Arthur Haulot de l’Amicale des anciens de Dachau et vice-président
est arrêté lors d’une opération clandestine en 1941 du Comité international de Dachau. Parallèlement il
par la Gestapo et, en raison d’un attentat commis préside et anime le groupe Mémoire. Arthur Haulot
dans un restaurant réservé aux officiers allemands, a, sa vie durant, beaucoup insisté sur le devoir de
il est incarcéré durant plus de trois ans dans des mémoire, et sur la nécessité de maintenir et de
camps de concentration, notamment Mauthausen faire évoluer les valeurs fondamentales, la liberté,
et Dachau. En 1945, à peine rentré en Belgique, il la tolérance, la démocratie, pour lesquelles ceux

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de sa génération se sont battus et pour lesquelles
beaucoup ont perdu la vie. En 1993, il est fait
baron par le roi Baudouin et en 1996, il reçoit les
insignes de docteur honoris causa de l’Université
libre de Bruxelles en hommage à ses actions de
résistance au cours de la seconde guerre mondiale.

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Immanuel Wallerstein
Docteur honoris causa 1996 comme un ensemble de processus historiques
systémiques à plusieurs temporalités. Il publie en
New York, États-Unis, 1930 1974 The modern world-system, ouvrage majeur
traduit dans 13 langues et augmenté de deux volumes
Immanuel Wallerstein naît dans une famille privilégiée supplémentaires en 1980 et 1989. La thèse principale
d’intellectuels de gauche. Il entre à l’Université de de Wallerstein est que le capitalisme est un système
Columbia à 17 ans et y obtient sa licence de sociologie socio-économique spécifique, caractérisé par une
en 1951. Il s’engage alors pour deux ans dans l’armée division axiale du travail résultant d’une forte inégalité
des États-Unis, en pleine guerre de Corée. des rapports marchands entre différentes zones.
Il participe au Youth International Congress en 1952 Il intègre en 1976 l’Université de Binghamton (New
à Dakar où il découvre les prémices des mouvements York), où il crée le Braudel Center for the Study of
indépendantistes. À son retour en 1953, il consacre son Economies, Historical Systems and Civilizations, ainsi
mémoire au maccarthysme, phénomène omniprésent que la revue associée à ce centre. Il est de 1994 à 1998
de la culture politique américaine. Il est alors considéré président de l’Association internationale de sociologie.
par ses pairs comme un sociologue politique mais Au cours de ce mandat, il est invité à recevoir le titre
décide de ne pas étudier la politique américaine. de docteur honoris causa de l’ULB. Sa conférence,
Depuis l’université, il s’intéresse en effet beaucoup faite conjointement avec Ilya Prigogine, illustre bien
au monde non-occidental. En 1955, il décroche la la nouvelle direction que prend sa réflexion : il se
bourse africaine de la Fondation Ford pour aller concentre sur les paradigmes inconscients du XIXe
étudier en Afrique, puis intègre l’Université d’Oxford siècle et vers une vision critique des structures de la
pour un an. En 1959, il soutient sa thèse sur la Côte production du savoir dans le paysage académique
d’Ivoire et la Côte-de-l’Or/Ghana, deux pays aux fortes du système-monde. Il participe dans ce cadre à la
revendications indépendantistes, thèse fortement Gulbenkian Commission on the Restructuring of the
influencée par le théoricien social Frantz Fanon. Il remet Social Sciences (1993-1995) et publie des ouvrages
en cause le concept d’État-nation dans ces régions où comme The Uncertainties of Knowledge (2004).
les structures sont la suite logique du colonialisme Wallerstein intègre l’Université de Yale en 2000, une
et de l’impérialisme. Bien que l’Afrique n’occupe plus reconnaissance de sa contribution intellectuelle
une place primordiale dans la suite de son parcours qui coïncide avec son engagement politique accru
intellectuel, ses études lui ont ouvert les yeux sur les (comme en témoigne sa participation à divers forums
conséquences politiques du monde contemporain et sociaux mondiaux ces dernières années, faisant
ont ouvert la voie à son analyse du système-monde. de lui une des grandes figures intellectuelles de
l’altermondialisme). En mars 2010, il est invité par
À la fin des années 1960, il s’engage aux côtés des l’ULB à prononcer une conférence intitulée « Crise
étudiants dans les protestations anti-Vietnam, face mondiale politico-économique : quels sont nos choix ? »
aux administrateurs d’université. Il témoigne de cette
expérience dans un livre (University in turmoil, 1969)
et quitte Columbia pour rejoindre l’Université McGill
de Montréal en 1971. Il y est influencé par la vision
historique de Fernand Braudel, concevant l’histoire

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Andrzej Wajda
Docteur honoris causa 1995 noces en 1973. Les années 1980 correspondent surtout
à son activité cinématographique à l’étranger, tel le
Suwałki, Pologne, 1926 Danton (1982) dans lequel il évoque les derniers jours
de l’homme politique. Wajda est l’homme des fresques,
Né d’un père officier de carrière (assassiné lors du des épopées, d’un cinéma baroque qui s’empare des
massacre de Katyn en 1940) et d’une mère institutrice, grands thèmes de l’Histoire, européenne en général
Wajda grandit dans un environnement militaire. Il ou polonaise en particulier. Il s’inspire régulièrement
s’engage à l’âge de 16 ans dans l’Armia Krajowa, de la société polonaise d’après 1945, mettant au
mouvement de résistance dirigé par le gouvernement jour le dilemme entre aspirations individuelles et
polonais en exil. Wajda passe son adolescence à engagement politique, entre le culte nationaliste
Radum, au sud de Varsovie, il continue à aller à l’école de l’héroïsme et la dénonciation de la bêtise, de la
tout en travaillant comme manœuvre chez un tonnelier haine, du mépris et de la compromission politique. Il
puis chez un serrurier. Il consacre son temps libre à la s’interroge sur le don de soi, l’abnégation personnelle
restauration de fresques d’églises. Après la guerre, au service des idées. En 1983, il tourne Un amour
il entre à l’Académie des beaux-arts, où il étudie la en Allemagne, drame sur les amours malheureuses
peinture jusqu’en 1949. À cette période, il adhère à d’une Allemande et d’un Polonais durant la seconde
l’Association de la jeunesse socialiste indépendante. guerre mondiale. À l’échelle nationale, il incarne l’élite
Il étudie ensuite pendant trois ans à l’école de cinéma artistique du mouvement libéral de Solidarnosc et il
de Lódz, parallèlement à la restauration de l’église de soutient Lech Wal˛esa pendant sa campagne. Lorsque
Saint-Bernardin. C’est à cette époque qu’il rencontre les réformateurs arrivent au pouvoir, Wajda préfère se
Roman Polanski, Jerzy Lipman (opérateur) et Bohdan consacrer aux arts qu’à la politique, pour devenir un
Czesko, scénariste de son premier film, Génération artiste-militant. En 1981, il reçoit la Palme d’or à Cannes
(1954). Son style se démarque par la beauté et la pour L’homme de fer, la suite de L’homme de marbre
violence des images, et par une rupture avec les canons de 1977. Ce diptyque, tourné au moment des premières
du réalisme socialiste. En 1957 sort son long-métrage actions de Solidarnosc, évoque une Pologne en crise
Ils aimaient la vie, qui obtient le Prix spécial du jury qui aspire à la démocratie et à la liberté. En 1988, il
du festival de Cannes. Ce film raconte l’histoire des adapte dans une production européenne Les Possédés
insurgés de Varsovie en 1944, dont Wajda ignorait de Fedor Dostoïevski. Wajda décide de participer à
tout au moment des faits. Cette démarche est une nouveau à la vie politique de son pays en 1991, date à
constante, Wajda cherchant à « réparer » son absence laquelle il devient sénateur. En 1995, avec Théodore
lors des atrocités subies par son pays pendant la Angelopoulos, André Delvaux, et Henri Storck, il est fait
guerre. Néanmoins, l’espoir et l’optimisme subsistent docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles.
dans toute son œuvre. Avec Cendres et diamants, En 2000, le cinéaste polonais reçoit un Oscar d’honneur
en 1958, Wajda atteint la consécration. Il mène pour l’ensemble de sa carrière et, en 2006, un Ours
parallèlement d’autres activités artistiques. Fervent d’honneur au festival de Berlin. En 2007, il réalise un
militant de la sauvegarde de l’identité du cinéma film sur le massacre qui l’a rendu orphelin de père, celui
européen, Wajda préside en 1972, l’Union des cinéastes des officiers et des élites polonaises par les soviétiques,
polonais et fonde le label de production X avec Katyn. Wajda vit aujourd’hui entre Cracovie et Varsovie.
Boleslaw Michalek, avec lequel il réalise notamment Les

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Henri Storck
Docteur honoris causa 1995 cinéaste. Henri Storck espère percer à Paris où il
fréquente les milieux artistiques communistes.
Ostende, Belgique, 1907 – Ses films amateurs d’actualité sur Ostende lui
Uccle, Belgique, 1999 valent le titre de « cinégraphiste officiel » de la ville
en 1930. Autodidacte, Henri Storck s’intéresse au
Henri Storck est considéré comme un pionnier surréalisme, à la psychanalyse, à Marx et à la Russie
du cinéma. Il s’investit non seulement dans le soviétique. Son esprit idéaliste s’adapte bien à
documentaire, mais aussi dans les domaines du film l’idéologie communiste de Paris, ce qui l’amène
sur l’art, de la fiction et du film anthropologique. en 1934 à fonder l’Association révolutionnaire
Il produit plus de septante films et a suivi toutes culturelle (ARC), section belge de l’Association des
les évolutions technologiques du cinéma. écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), selon
les directives de Louis Aragon, rencontré en 1933.
Issu d’une famille aisée d’artisans originaire Henri Storck continue à produire des films durant
d’Allemagne, Henri Storck poursuit ses études l’occupation nazie, ce qui a suscité des controverses.
secondaires dans la section française de l’athénée
d’Ostende. Son père décède en 1923 et Henri Storck Ses premières œuvres se classent dans le courant
renonce à ses études à Bruxelles pour aider sa surréaliste d’avant-garde. La plupart de ses films
mère au magasin familial de chaussures. Celle-ci sont des commandes, seul moyen de subsistance
se charge de poursuivre son éducation à domicile. à cette époque où rien n’était prévu pour un
À 17 ans, il devient président de l’Association des cinéma national. Il essaye donc de percer là où le
marchands de chaussures de la Flandre occidentale cinéma est le plus encouragé. Il tente plusieurs
et entre, comme son père, au Rotary de la section fois sa chance à Paris ou à Hollywood, mais une
d’Ostende. Sa mère, attentive aux aspirations collaboration avec Fritz Lang et un projet pour
artistiques de son fils, invite des artistes à la maison. le film Bula Matari ne se concrétisent pas.
Il rencontre ainsi son futur mentor, le docteur De
Knop, qui l’introduit dans les cercles artistiques En 1930, Henri Storck participe au deuxième Congrès
de sa ville. Il y côtoie Ensor, Permeke, Spilliaert et international du cinéma indépendant qui se tient
Labisse. Ce contact à l’art et surtout à la peinture à Bruxelles. Il y fait des rencontres décisives :
influence sa conception du cinéma, qu’il caractérise Joris Ivens, cinéaste néerlandais aux convictions
par le mouvement. Dès son enfance, les projections communistes marquées, avec qui il coproduit en
au Cinéma Palace de sa ville natale exercent sur 1933 Misère au borinage, Jean Vigo qui devient
lui une impression profonde et font de lui un par la suite un ami très proche, et Germaine Dulac,
cinéphile qui évolue en cinéaste professionnel. directrice de production du consortium parisien
de Gaumont qui l’engage dans la société Gaumont
La fondation et l’animation par Henri Storck en Franco-Film Aubert. Il y travaille auprès de Pierre
1928 du Club de cinéma d’Ostende marquent Billon et de Jean Grémillon. Il démissionne l’année
son entrée dans le monde du septième art. La suivante et rentre à Ostende où il fonde la maison
rédaction, l’année suivante, d’un manifeste intitulé de production Ankerfilm. En 1932, Storck est l’un
Eureka  ! révèle son intérêt pour la carrière de des animateurs du ciné-club révolutionnaire, le Club

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de l’écran, qui est à l’origine de la fondation de la
Cinémathèque de Belgique en 1938, et dont il est
l’un des piliers. Il crée ensuite avec René-Ghislain
Le Vaux la société Cinéma-Édition-Production.

Après 1945, grâce à son film Misère au Borinage,


Henri Storck fait son entrée dans l’histoire du
cinéma mondial et est reconnu comme cinéaste
professionnel. Dès lors, il poursuit des activités
multiples. Il porte son attention sur les jeunes
réalisateurs et leur enseigne son savoir. Tout au long
de sa vie, Henri Storck s’interroge sur l’essence du
cinéaste contemporain et s’investit pour faciliter
les réalisations cinématographiques en Belgique.
Dans ce but, il fonde différentes institutions
comme le Centre de l’audiovisuel à Bruxelles en
1978 et le Centre du film sur l’art en 1980. En plus
d’être reconnu dans son propre pays, Henri Storck
est aussi une figure internationale. Il s’implique
activement dans l’Association internationale des
documentaristes qu’il a fondée en 1964 ainsi que
dans la Fédération internationale des films sur
l’art. La Fondation internationale scientifique
et l’UNESCO lui commandent des films.

Henri Storck reçoit les titres de docteur honoris


causa de la VUB en 1978 et de l’ULB en 1995 dans le
cadre du centenaire du cinéma et conjointement à
Théodore Angelopoulos, André Delvaux et Andrzej
Wajda, pour souligner l’importance de sa place
dans le paysage cinématographique belge.

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André Delvaux
Docteur honoris causa 1995 de langage et de réalisation cinématographique,
cours qu’il donnera jusqu’en 1986.
Heverlee, Belgique, 1926 –
Valence, Espagne, 2002 Peu de temps après, il réalise son premier long-
métrage, L’homme au crâne rasé (1965) dont
Né en 1926 près de Louvain, André Delvaux est issu l’accueil fut mitigé en Belgique mais qui eut un grand
d’une famille néerlandophone ; il effectue néanmoins retentissement en France. Le cinéaste détonne,
ses études primaires et secondaires en français à car il n’est pas issu d’une formation classique, il a
Bruxelles. Après l’occupation allemande, il commence fait son apprentissage par la pratique, notamment
des études de philologie germanique à l’ULB et grâce au chef opérateur Ghislain Cloquet, avec
obtient une licence en 1948. Parallèlement, il étudie qui il a collaboré. Les premiers films de Delvaux
le piano et la composition au Conservatoire royal. s’inscrivent dans la lignée du réalisme magique
Il donne des cours de langues à l’athénée dont il (un mélange entre le réel et l’imaginaire), auquel
est issu, celui de Schaerbeek, tout en poursuivant son nom est le plus souvent associé. Il s’écarte
ses activités musiciennes. Il est invité par Jacques cependant de cette tendance vers 1975 et réalise
Ledoux à accompagner au piano les séances de films Femme entre chien et loup, un film qui marque un
muets de ce qui deviendra le Musée du cinéma. tournant dans ses préoccupations car il aborde un
Cette activité lui permet de rencontrer ceux qui sujet grave et lourd de conséquences en Belgique :
feront le cinéma belge des années à venir, ainsi la collaboration pendant la seconde guerre mondiale
que Denise Debbaut, qui deviendra sa femme mais et les excès de la résistance à la libération.
aussi une « collaboratrice de tous les instants ».
À la même époque, il commence à réaliser des Delvaux cultive son caractère belge, en adaptant
documentaires, notamment sur le cinéma. Il réalise des œuvres d’écrivains belges, et bicommunautaire
un court-métrage avec les élèves d’une de ses en étant soutenu financièrement par les deux
classes (Nous étions treize, 1956), ce qui fait de lui un communautés. Parmi ses nombreux collaborateurs
pionnier de l’enseignement du cinéma en Belgique. figurent Ivo Michiels, avec qui il a écrit plusieurs
Le ministère de l’Éducation nationale lui demande scénarios, et Frédéric Devreese, qui a composé
alors d’organiser les premiers stages de formation la musique de la plupart de ses long-métrages.
cinématographique destinés aux professeurs de André Delvaux a composé lui-même la musique de
l’enseignement secondaire. Il dirige aussi, à l’initiative plusieurs films de Jean Brismée et a aussi été acteur.
de Raymond Ravar, un séminaire d’étude du langage
cinématographique à l’Institut de sociologie de l’ULB. S’il est certainement le « père du cinéma belge », il
De l’activité de ce groupe naît en 1962 l’INSAS (Institut est également l’un des premiers réalisateurs belges
national supérieur des arts du spectacle) dont André à obtenir une reconnaissance internationale. En
Delvaux est l’un des cofondateurs et Raymond Ravar 1995, alors qu’il approche des 70 ans, il connaît la
le directeur. Cet institut vise à combler les lacunes consécration : il est fait baron par le roi des Belges ;
de la formation professionnelle aux métiers du il est choisi pour donner sa leçon de cinéma au
cinéma en Belgique. Delvaux y est chargé du cours festival de Cannes, et il reçoit les insignes de docteur
honoris causa à la fois de l’Université de Nancy et

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de celle de Bruxelles. Artiste consacré, il devient
alors artiste militant, en faveur de la culture et du
cinéma : il est président du Kunstenfestivaldesarts
et de la Cinémathèque royale de Belgique. Il se bat
non seulement pour sauver cette dernière mais il
participe également à de nombreuses manifestations
culturelles et réfléchit sur le rôle que la culture peut
et doit jouer dans nos sociétés. En 2002, à la création
de l’Association des réalisateurs et réalisatrices
de films (ARRF), il accepte d’en être le président
d’honneur, marquant ainsi sa solidarité avec les
autres cinéastes. André Delvaux meurt peu de temps
après, à 76 ans, alors qu’il venait de donner une
conférence sur « La responsabilité civique des arts ».

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Theo Angelopoulos
Docteur honoris causa 1995 (La Reconstitution) est réalisé en 1970. L’année
suivante, le film est récompensé par le prix de la
Athènes, Grèce, 1935 Critique internationale au festival de Berlin. Suivront
un Lion d’or au festival de Venise pour Alexandre le
Theo Angelopoulos est né à Athènes de parents Grand en 1980 et une Palme d’or pour l’Éternité et
commerçants d’origine rurale, ce qui a un fort un jour à Cannes en 1998. Parallèlement, il reçoit en
impact sur lui, enfant de la ville. Son enfance est 1995, le titre de docteur honoris causa de l’Université
marquée par la dictature du général Metaxas, libre de Bruxelles en compagnie d’André Delvaux,
pendant laquelle son père est arrêté puis relâché Henri Storck et Andrzej Wajda. Sa filmographie, riche
plusieurs mois plus tard, sans explications. À la d’une quinzaine de longs métrages, se caractérise
dictature succède la seconde guerre mondiale et par la recherche d’identité, l’importance de l’histoire,
Angelopoulos, enfant, connaît la famine. Après la et la dénonciation des abus du pouvoir. Influencé
guerre et la guerre civile, Theo Angelopoulos suit par le poète Georges Séféris, ou les cinéastes
des cours de droit à l’Université d’Athènes de 1953 Michelangelo Antonioni et Kenji Mizoguchi, la poésie
à 1957. En 1961, il se rend en France et s’inscrit à la est omniprésente et s’exprime par de longs plans
Sorbonne où il étudie la littérature, l’anthropologie séquences et de très longs moments de silence.
et la filmologie. En 1962, il entre à l’IDHEC (Institut
des hautes études cinématographiques). Mais
son originalité ne plaît pas à ses professeurs.
Lorsqu’Angelopoulos tente d’expliquer son projet
à un de ses professeurs, ce dernier juge son travail
de la manière suivante : « Allez vendre votre génie
en Grèce ». Angelopoulos est renvoyé la même
année. Le cinéaste Jean Rouch, réalisateur de films
ethnographiques en « prise directe », le prend sous
son aile. Angelopoulos commence alors un premier
moyen-métrage, Noir et Blanc, dont la réalisation
n’aboutit pas, faute d’argent. De retour en Grèce, il
travaille comme critique de cinéma au quotidien de
gauche Dimokratiki Allagi. Il réalise un autre film
Forminx Story, racontant l’histoire du groupe pop du
même nom, mais ce film sera terminé par un autre
metteur en scène à la suite d’un désaccord avec le
producteur. Il reprend alors son activité de critique,
mais le quotidien pour lequel il travaille est fermé
lors du coup d’État de la junte militaire en 1967. Un
an plus tard, Angelopoulos parvient enfin à réaliser
son premier film, un court métrage intitulé Ekpombi
(L’Émission). Son premier long métrage, Anaparastasi

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Pierre Alechinsky
Docteur honoris causa 1994 Corneille). Il s’agit d’un mouvement très novateur
qui veut casser les traditions picturales de l’époque.
Bruxelles, Belgique, 1927 En effet, il est « contre le verbiage et le formalisme
et pour la spontanéité et l’expérimentation ». C’est
Pierre Alechinsky est le fils unique d’un immigré un mouvement « qui peint le poème et écrit le
russe, juif et athée venu de Crimée. Alexandre tableau ». D’ailleurs, Alechinsky utilise les signes
fuit les armées blanches dans les années 1920 et de l’écriture pour ses tableaux, qu’il nomme
devient médecin à Bruxelles. Sa mère, Germaine, « remarques marginales », que l’on peut retrouver
née en Wallonie, est médecin également. Celle- sur Central Park (1965) par exemple. Central Park
ci est, selon lui, « de souche libéralo-bourgeoise marque également le début du travail à l’acrylique
wallonne, flamande et lorraine ». Élève à l’école pour Alechinsky. La rencontre avec Dotremont est
Decroly d’Uccle, Alechinsky n’est pas considéré marquante et décisive pour lui ; c’est le début d’une
comme un élève brillant, c’est un gaucher contrarié, grande amitié et d’une longue collaboration entre
que l’on force à écrire de la main droite, ce qui lui les deux hommes. Enthousiasmé par le mouvement,
donne « une sinistre écriture de sa main scolarisée Alechinsky crée en 1949 un Centre de recherche pour
(la dextre) ». Dès lors, il est établi qu’Alechinsky est Cobra aux ateliers du marais de Bruxelles. C’est
un cancre et qu’il le restera, celui-ci ne faisant rien véritablement en 1947 que commence la carrière
pour réfuter cette affirmation. Pendant la guerre, artistique du peintre avec sa première exposition
la famille Alechinsky s’exile en France ; quand elle personnelle à la galerie Lou Cosyn de Bruxelles. À
revient en 1944, Alechinsky reçoit une lettre où on lui partir de ce moment, Alechinsky ne s’arrête plus,
annonce qu’il est « non réadmis » à l’école Decroly. exposant partout dans le monde dès le début des
Il décide de rentrer à l’École nationale supérieure années 1950, seul ou avec Cobra. À partir de 1969,
d’architecture et des arts décoratifs de La Cambre à les rétrospectives se succèdent, la première ayant
Bruxelles. Il s’inscrit d’abord en publicité, puis dans lieu au Palais des beaux-arts de Bruxelles, reprise
les ateliers d’illustration du livre et typographie. par la suite au Danemark et en Allemagne. Alechinsky
Il y réalise ses premières gravures, notamment cherche toujours à innover dans son art, il peint
en illustrant Les Fables d’Ésope. Sa main gauche, sur des supports variés : des cartes de navigation
libérée du carcan scolaire, peut enfin s’exprimer. Bien aérienne (Œil de glace en 1982, Murs et dunes d’Aden
que très influencé par l’art de son temps (cubisme, en 1983, etc.), des factures (Hôtel Chelsea et New
surréalisme, etc.), Alechinsky trouve et impose York en 1977, etc.), un registre de pharmacie datant
très vite un style qui lui est propre et qui trouve de la fin du XIXe siècle (Main courante en 2004), des
un écho dans le mouvement Cobra (Copenhague, estampages sur du mobilier urbain (Arène en 1985,
Bruxelles, Amsterdam) qu’Alechinsky découvre en etc.), de la porcelaine. Il peint également sur des
1949 lors de leur exposition à Bruxelles, La Fin et monuments comme la station Delta à Bruxelles en
les moyens. Cobra est fondé à Paris le 8 novembre 1976, décore plusieurs ministères, réalise un mural
1948 par les peintres et poètes belges Joseph dans le parc de l’ULg, etc. Parallèlement, Alechinsky
Noiret et Christian Dotremont, le danois Asger Jorn s’essaye au cinéma, il réalise Calligraphie japonaise
et les peintres hollandais Karel Appel, Constant en 1955, lors de son séjour au Japon, film récompensé
(Nieuwenhuys) et Cornelis Van Beverloo (Guillaume à plusieurs reprises. En 1962, il travaille avec la

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Pierre Alechinsky
Fédération internationale du film sur l’art, chargée
par l’Unesco d’établir un catalogue des films sur la
peinture et la sculpture de 1952 à 1962. Alechinsky
écrit également, Abstraction faite en 1951, Lettre suit
en 1989, Baluchon et ricochets en 1994, Remarques
marginales en 1997, etc. Il y pose la réflexion sur les
« interrogations et défis de l’art contemporain ». Son
titre de docteur honoris causa de l’Université libre
de Bruxelles, qu’il reçoit en 1994, lui est décerné
pour l’ensemble de son œuvre et pour son apport
novateur à l’art contemporain qui a permis « de rendre
manifeste la nouvelle « vision » [de notre] monde ».

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Albert II de Belgique
Docteur honoris causa 1994 précédente constitution, son action politique ne peut
s’exercer en dehors du concours de ses ministres,
Laeken, Belgique, 1934 c’est par l’avis et la suggestion que s’exerce son
pouvoir. À cette occasion, soucieux de soutenir
Albert de Belgique est le troisième enfant et second l’entente entre les différentes communautés, il
fils du roi Léopold III et de la reine Astrid de Suède. prône une meilleure connaissance des langues
Cadet de Joséphine-Charlotte et de Baudouin, son nationales et dénonce le « séparatisme explicite
enfance est marquée par le décès accidentel de ou feutré ». Catholique, le roi Albert II n’oppose
sa mère à l’âge de cinq ans. De sa jeunesse, il vit toutefois pas ses convictions religieuses aux
les années de guerre principalement en Belgique, décisions du parlement, il sanctionne aussi bien
alors que l’immédiat après-guerre, marqué par la la loi de dépénalisation de l’euthanasie (2001) que
question royale, voit la famille royale s’installer celle autorisant les mariages homosexuels (2003).
en Suisse jusqu’en juillet 1950. Les résultats et les Albert II est titulaire de nombreuses décorations et
événements qui suivent la consultation populaire distinctions, il a accepté le titre de docteur honoris
de mars 1950 contraignent Léopold III à se retirer. causa de l’Université libre de Bruxelles en 1994.
Baudouin devient le cinquième roi des Belges le
17 juillet 1951 suite à l’abdication de son père.

Après une formation militaire dans la force navale


belge, Albert obtient son premier rôle officiel en
1954, la présidence du conseil général de la Caisse
générale d’épargne et de retraite. Le prince de Liège
épouse le 2 juillet 1959 la princesse Paola Ruffo
di Calabria. Les trois enfants qui naissent de cette
union, Philippe (1960), Astrid (1962) et Laurent (1963),
assurent l’avenir de la dynastie belge en l’absence
de descendance chez Baudouin Ier. président de
la Croix-Rouge de Belgique, sénateur de droit et
président du Comité olympique et interfédéral belge
depuis 1958, c’est surtout en tant que président
d’honneur de l’Office belge du commerce extérieur
qu’il se fera connaître à l’étranger (1962-1993).

Le 9 août 1993, Albert prend la succession de


son frère Baudouin décédé et abandonne ses
autres charges. Depuis l’adoption de la nouvelle
constitution belge le 17 février 1994, il règne sur
un État fédéral composé de trois régions et trois
communautés. Comme c’était déjà le cas dans la

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Simon Wiesenthal
Docteur honoris causa 1994 prisonniers. Commence alors la retraite générale
vers l’ouest ; à pied et en wagons à bestiaux, les
Boutchatch, Ukraine, 1908 – détenus traversent les camps de Plaszów, Gross-
Vienne, Autriche, 2005 Rosen, Buchenwald, et finalement Mauthausen
en Autriche. Le 5 mai 1945, le camp est libéré
Simon Wiesenthal est né dans une petite bourgade par l’armée américaine. Wiesenthal retrouve son
majoritairement juive située près de Lviv, en Galicie épouse et leur fille, Paulinka, naît l’année suivante.
austro-hongroise. Son père, Asher Wiesenthal, Quelques semaines après avoir retrouvé la liberté,
commerçant, décède sur le front russe en 1915. Wiesenthal entame la tâche qui l’occupera pour le
Après un court passage à Vienne avec sa mère, restant de sa vie et commence à rassembler pour
ils reviennent et Simon termine sa scolarité au l’armée américaine des preuves et des documents
gymnasium de Boutchatch. Il est refusé à l’Institut accablants concernant les responsables de la Shoah.
polytechnique de Lviv à cause des quotas d’étudiants En 1947, il ouvre son propre centre de documentation,
juifs imposés et entreprend des études d’architecture le Centre de documentation historique juif, à
à Prague, où il obtient son diplôme en 1932. Il Linz en Autriche. Avec la guerre froide, l’intérêt
épouse en 1936 Cyla Mueller. Deux ans plus tard, que l’URSS et les USA portent à la recherche des
l’armée russe occupe Lviv et entame une purge criminels nazis diminue fortement. En 1954, le
des commerçants juifs. Wiesenthal devient alors bureau de documentation de Linz ferme et tous
mécanicien dans une usine de ressorts de sommiers les dossiers constitués sont légués à Yad Vashem,
et échappe à la déportation en soudoyant un sauf celui d’Eichmann. En 1947, déjà, Wiesenthal
commissaire du NKVD, la police secrète soviétique. avait empêché Veronika Eichmann d’obtenir pour
En 1941, après l’invasion nazie, un de ses anciens son époux un certificat de décès et de le rayer de
employés l’aide à échapper à l’exécution mais pas facto de la liste des personnes recherchées. Six
à l’incarcération ; il est assigné avec son épouse ans après, il localise Eichmann en Argentine et
aux travaux forcés sur les chemins de fer au camp transmet l’information à Nahum Goldman. Ce n’est
d’Ostbahn. La mère de Wiesenthal est déportée qu’après que l’Allemagne ait confirmé en 1959
à Belzec où elle meurt, avec quatre-vingts autres qu’Eichmann vit effectivement à Buenos Aires qu’il
membres de sa famille entre juillet et septembre est arrêté, jugé et mis à mort en Israël en 1961.
1942. Wiesenthal conclut un accord avec la résistance
polonaise et se procure une nouvelle identité pour En 1961, le centre de documentation est ré-ouvert,
sa femme. Cylla Mueller s’enfuit et passe deux ans à mais à Vienne cette fois, dans l’ objectif de localiser
Varsovie. Wiesenthal s’échappe du camp d’Ostbahn Karl Silberbauer, l’officier qui avait arrêté Anne Frank
en 1943, juste avant le début des exterminations. et qui sera interpellé et jugé en 1963. En 1967, se
Quelques mois plus tard, il est à nouveau arrêté et déroule à Stuttgart le procès de seize officiers SS
retourne à Janowska. Sa survie y est miraculeuse. accusés de participation à l’extermination des Juifs
En juillet 1944, les gardes SS décident de ne de Lviv ainsi que celui de Franz Stangl, commandant
pas tuer tous les prisonniers pour éviter d’être de Treblinka et de Sobibor. Neuf des accusés
envoyés sur le front russe. Wiesenthal fait partie ont été arrêtés grâce aux enquêtes menées par
des 34 juifs graciés sur un total initial de 14 900 Wiesenthal. La même année, il publie son premier

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livre, qui est aussi le plus célèbre, Les assassins
sont parmi nous. Wiesenthal a, par ailleurs, détaillé
les aléas de ses nombreuses enquêtes dans son
autobiographie Justice n’est pas vengeance (1989).

Les années 1980 et 1990 sont ponctuées d’épisodes


plus difficiles pour Wiesenthal. Une bombe est
posée sur le pas de sa porte en 1982 et il cristallise
la haine des néonazis. Il est accusé à deux reprises
de collaboration avec les nazis, d’abord par Bruno
Kreisky dans les années septante puis par Wim
Van Leer en 1986. Ces derniers sont tous deux
contraints de présenter des excuses publiques.
Les accusations ne s’arrêtent pas là. En 1993, Eli
Rosenbaum déclare que Wiesenthal a couvert Kurt
Waldheim, l’ancien secrétaire général de l’ONU, en
dissimulant des documents accablants concernant
son passé sous le IIIe Reich. Suite à des divergences
d’opinion au sein même de la communauté juive,
d’autres critiques ont été formulées par le World
Jewish Congress, par Isser Harel qui minimise, en
1991 et en 1996, l’importance de la contribution de
Wiesenthal dans l’affaire Eichmann, et enfin par
Beate et Serge Klarsfeld, eux aussi chasseurs de
nazis. Il fit également l’objet d’une violente campagne
menée contre lui dans les pays de l’ex-URSS.

Wiesenthal met fin à sa carrière en 2003, considérant


que son travail est achevé, puisqu’il « leur avait tous
survécu ». Sa succession est assurée par Efraim
Zuroff, qui lance en 2002 l’opération Dernière Chance,
une grande campagne de recherche des derniers
nazis vivants avant qu’ils ne diparaissent tous.

Simon Wiesenthal est décédé à Vienne en


2005, deux ans après son épouse. Après
un hommage au cimetière de Vienne, il
fut enterré en Israël, où vit sa fille.

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Edgar Morin
Docteur honoris causa 1993 l’Allemagne dans lequel il décrit la situation des
Allemands après la guerre. Cet ouvrage lui ouvre
Paris, France, 1921 les portes des cercles intellectuels français.

Edgar Morin, né Edgar Nahoum, est issu d’une famille De retour à Paris, il s’essaie au journalisme
juive séfarade athée de Salonique installée dans le et rédige des articles commandés par le Parti
Sentier à Paris. Ses parents ne lui transmettent pas la communiste. Mais progressivement, il remet en
culture juive ni la pratique religieuse ; il explique que question ses convictions et, en 1951, il est rejeté
ce « vide culturel originaire » a créé chez lui un appel du parti pour pratique antistalinienne. Un an plus
d’air pour la curiosité. Le décès de sa mère, quand il a tôt, il rentre au CNRS en tant que chercheur et,
neuf ans, le plonge dans une boulimie de lecture. À la en 1957, il est cofondateur de la revue Argument,
fin de son adolescence, sa passion littéraire l’amène à la tête de laquelle il demeure jusqu’en 1962.
à s’interroger sur le social, et de là sur le politique. Il
rentre à l’Université de Toulouse en septembre 1939 En 1961, il est nommé maître de recherche et directeur
et s’inscrit simultanément en histoire, à la Faculté de recherche au CNRS neuf ans plus tard. Son projet
de droit et en sciences politiques. Cependant, il se fondamental au CNRS est de « comprendre l’homme
pose essentiellement comme un autodidacte et se dans l’unité complexe de son être biologique et de
considère toujours comme un étudiant choisissant son être social en transgressant résolument les
ses éducateurs et butinant à la fois dans la culture frontières entre disciplines afin d’élargir la vision,
universitaire et parmi les auteurs exclus ou ignorés. intégrer les perspectives, frayer la voie vers une
anthropologie fondamentale ». Parallèlement,
Il a 19 ans lorsque la seconde guerre mondiale il crée une nouvelle revue Communication qui
éclate. Il intègre alors un petit noyau de solidarité : paraît toujours aujourd’hui. En 1973 il codirige le
le Centre d’accueil des étudiants réfugiés, il en Centre d’études transdisciplinaires, sociologie,
devient le secrétaire. Il entre officiellement au Parti anthropologie, sémiologie qui est rattaché au CNRS
communiste en 1942 en intégrant les Jeunesses et qui prend son nom en 2008, le Centre Edgar Morin.
communistes de Lyon. Il devient membre du En 1974, il entame le premier volume de son œuvre
mouvement de résistance des prisonniers et majeure La Méthode, il y en aura six au total.
déportés et crée un réseau de renseignements,
distribue des journaux clandestins et des faux Edgar Morin est l’auteur de plus d’une trentaine
papiers. Il adopte le patronyme de résistant Morin, en d’ouvrages ainsi que de plusieurs films. Il a reçu
référence à Malraux, et le gardera après la guerre. de multiples titres honorifiques : commandeur de
l’Ordre des arts et des lettres, officier de la Légion
En 1944, il se rend à Paris pour la libération et, à d’honneur. Il a également gagné le prix européen
la fin de la guerre, son travail au sein du parti ne de l’essai Charles Veillon 1987 et le prix Viareggio
l’intéressant plus, il part en Allemagne avec son international 1989. Edgar Morin est docteur
épouse. Il est rattaché à l’État-major de la première honoris causa de plus de quatorze universités dont
armée française en Allemagne. Sur place, un de celles de Genève, Bruxelles (1993) et Palerme.
ses amis lui commande un livre : L’an zéro de Actuellement il est directeur de recherche émérite

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au CNRS et il s’occupe de recherche axée sur
« l’Épistémologie de la complexité » et les mécanismes
sous-jacents d’une connaissance complexe.

Edgar Morin est qualifié souvent de


« penseur inclassable » qui touche à toutes
les disciplines. Il est président de l’Agence
européenne de la culture (UNESCO).

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Hubert Reeves
Docteur honoris causa 1992 développement de l’énergie libre dans le cosmos en
expansion ou encore la nucléo-synthèse stellaire.
Montréal, Canada, 1932 Conjointement à ces investigations de pointe dans la
recherche scientifique, Hubert Reeves s’implique très
Issu d’une famille très catholique de classe moyenne, fortement dans la vulgarisation scientifique, désireux
Hubert Reeves grandit dans la province francophone de diffuser et de transmettre ses connaissances
de Québec (Canada) où il fait ses études secondaires et de mettre à disposition de tout un chacun des
dans un collège jésuite. Initié aux sciences par un principes généraux et simplifiés concernant la genèse
prêtre botaniste ami de la famille, Hubert Reeves de notre univers et l’histoire de la vie par le biais de
intègre en 1950 la Faculté des sciences de l’Université conférences, d’émissions radiophoniques, télévisées
de Montréal. Trois ans plus tard, il obtient un ou encore par la voie littéraire dans laquelle il a su
baccalauréat en sciences physiques et poursuit présenter un contenu scientifique de haute qualité
son cursus à l’Université McGill de Montréal où par une approche pédagogique teintée de poésie.
il décroche, après deux ans d’études, un master Captivant son public, il parvient à stimuler l’intérêt
en physique atomique. Son parcours académique du public pour des matières ardues de prime abord,
n’est cependant couronné qu’en 1960 à l’Université révélant ainsi son talent d’orateur et de conteur. Son
Cornell de New York où Hubert Reeves soutient une travail de vulgarisation est principalement motivé par
thèse de doctorat sur les réactions thermonucléaires sa conception que la démarche et la connaissance
dans l’espace, thèse qui le fait accéder au grade de scientifiques n’ont de sens que lorsqu’elles sont
docteur en astrophysique nucléaire. Pendant les profitables au plus grand nombre. Selon lui, elles ne
quatre années qui suivent, Hubert Reeves enchaîne doivent pas demeurer l’apanage d’une minorité de
les postes de professeur assistant, de chercheur savants reclus sur eux-mêmes qui la thésauriseraient.
(notamment à la NASA) et de consultant. En 1964, Parmi son abondante bibliographie, on peut
il est nommé professeur invité au département de mentionner Patience dans l’azur (1981), Poussières
physique nucléaire de l’Université libre de Bruxelles. d’étoiles (1984) et La Première Seconde (1995).
C’est ainsi qu’il commence à tisser des liens avec la
Belgique et plus spécialement avec l’ULB. Hubert La polyvalence et les multiples domaines d’activités
Reeves est également très actif en France, pays d’Hubert Reeves ainsi que les fruits de ses recherches
qui devient sa patrie d’adoption puisqu’il occupe lui valent d’être récompensé par de nombreux prix
depuis 1965 les postes de conseiller scientifique au et titres honorifiques. Il est notamment fait chevalier
Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Saclay de l’Ordre du mérite en France (1976), membre de
et de directeur de recherches au Centre national la Société royale du Canada (1991) et reçoit le prix
de la recherche scientifique (CNRS). Parallèlement, Albert Einstein de la Société Albert Einstein de
il est nommé professeur titulaire dans de grandes Berne (juin 2001). Pour toutes ces raisons, le conseil
universités comme Berkeley, Montréal (UdM) ou d’administration de l’ULB décide de lui conférer le
Paris VII, établissements dans lesquels il enseigne titre de docteur honoris causa. Cette distinction vient
la cosmologie, l’astrophysique, et l’astronomie. souligner le fait que son œuvre est éminemment
Parmi ses nombreux travaux scientifiques, on peut empreinte de l’esprit qui caractérise l’Université libre
citer ses recherches sur la densité de l’univers, le de Bruxelles. La remise en question permanente

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 66


de son savoir, les liens intenses qu’il entretient
avec ses confrères de la discipline et globalement
avec l’internationale scientifique, ainsi que des
composantes fondamentales de la philosophie du
libre examen, à savoir « l’honnêteté intellectuelle,
la générosité, le partage des connaissances, des
enthousiasmes et des doutes, la fraternité », sont
les éléments déterminants qui motivèrent cette
décision. Durant la dernière décennie, il s’est investi
fortement dans les problèmes environnementaux.
Il fut président de la ligue ROC, qui se consacre à
la protection de la faune sauvage et prend parti
dans le débat sur le réchauffement climatique.
Peu enclin au fatalisme et au catastrophisme, il
préconise de développer le plus possible les énergies
renouvelables, thématique majeure de la recherche
scientifique actuelle. Enfin, en plus de s’aligner
en tant que scientifique sur les mouvements de
protection de la nature, Hubert Reeves, membre
du « comité de parrainage de la coordination
française pour la décennie de la culture de la paix
et de la non-violence », ne dissimule nullement ses
opinions politiques antimilitaristes et pacifistes.

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Federico Mayor Zaragoza
Docteur honoris causa 1992 et d’apathie politique, il est député au Parlement,
président de la Commission de l’éducation et des
Barcelone, Espagne, 1934 sciences de la Chambre des députés et conseiller
du premier ministre espagnol. C’est à cette même
Né à Barcelone le 27 janvier 1934, Federico Mayor période qu’il devient directeur adjoint de l’UNESCO. Il
hérite de la double culture catalane et castillane de est nommé ministre de l’Éducation et des Sciences en
ses parents et son enfance est marquée par la guerre 1981, moment de la transition entre le gouvernement
civile espagnole. Il effectue un parcours universitaire Suárez et le gouvernement Calvo-Sotelo. En 1982, il
et professionnel particulièrement brillant et dense. est directeur de l’Institut des sciences de l’homme
Scientifique dans l’âme, il est aussi particulièrement à Madrid et président scientifique du centre de
touché par l’homme et sa condition, ainsi que par l’art biologie moléculaire  Severo Ochoa. En 1987, il est
sous toutes ses formes. Il est l’auteur de publications nommé député espagnol au Parlement européen à
sur la science et la société ainsi que de nombreux Strasbourg et directeur général de l’UNESCO où il
ouvrages de poésie. À 22 ans, il obtient une licence en est réélu pour un deuxième mandat le 6 novembre
pharmacie à l’Universidad Complutense de Madrid, 1993. Sa nomination à la tête de l’UNESCO est
suivie, deux ans plus tard, par un doctorat accordé soutenue par une centaine de personnalités du
avec les félicitations du jury. De 1963 à 1973, il est monde entier, dont des scientifiques, des prix Nobel,
titulaire de la chaire de biochimie de la Faculté de des professeurs et universitaires, des écrivains.
pharmacie de l’Université de Grenade. On le nomme
en 1967 directeur du Département interfacultaire de Il s’investit dans de nombreuses associations et
pharmacie de l’Université de Grenade, puis il devient académies, scientifiques et artistiques. Il participe
recteur de cette même université un an plus tard à la création et au développement d’associations
avant d’en être nommé recteur honoraire en 1972. humanitaires ou luttant contre les violences dans
Au cours des vingt années qui suivent, il partage le monde. Il intègre le Club de Rome en 1981, et
son temps entre son activité dans le gouvernement devient membre du comité directeur de l’Interaction
espagnol, son engagement au sein de l’UNESCO Council en 1983. Il est également un des signataires,
et son attrait pour les sciences. Son parcours en 1986, du Manifeste de Séville sur la violence et
politique sur la scène nationale débute en 1974 il fait partie de l’Académie Europaea depuis 1993.
lorsqu’il est nommé sous-secrétaire du ministère de
l’Éducation et des Sciences et est élu, pour quatre Federico Mayor croit en la réforme du système
ans, président de la Commission consultative de la d’éducation et en la force que celui-ci pourrait avoir si
recherche scientifique et technique de la présidence on lui en donnait les moyens. Une partie de son travail
du gouvernement espagnol. Parallèlement il fait est tourné vers la diffusion de la science, et lors de
ses premiers pas dans l’organisation de l’UNESCO sa présidence à l’UNESCO, l’organisation fut mue
et devient membre de son comité consultatif sur par une volonté d’intégration de la science dans la
la recherche scientifique et les besoins humains. culture populaire. En effet, pour lui, l’alphabétisation
En 1977, année durant laquelle le gouvernement et l’éducation scientifique sont les solutions pour
Suárez remporte les premières élections libres et résoudre les problèmes des pays pauvres. Il insiste
démocratiques après quarante ans de dictature aussi sur leur rôle dans les pays développés ; selon

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 68


lui l’éducation est un moyen très puissant pour
lutter contre les différentes discriminations.

L’année 1995 est proclamée Année des Nations unies


pour la tolérance, et, sous sa présidence, l’UNESCO
est désignée comme l’organisation principale pour
faire de la tolérance un idéal partagé et une pratique
quotidienne. Federico Mayor voit ses efforts et son
investissement récompensés par de nombreuses
distinctions, notamment plusieurs doctorats honoris
causa dont celui décerné par l’ULB en 1992.

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Václav Havel
Docteur honoris causa 1991 devient membre de la rédaction de la revue littéraire
Tvár (Visage). Elle est interdite de publication en 1966
Prague, République tchèque, 1936 par le Parti communiste. Cette expérience marque
le début de l’activité véritablement dissidente de
Václav Havel est né à Prague le 5 octobre 1936. Sa Václav Havel. En janvier 1968, lors de l’élection
famille appartient à une classe bourgeoise très active d’Alexander Dubcek comme premier secrétaire du
économiquement. Il passe une partie de son enfance Parti communiste, une vague de libéralisation très
à la campagne et, dès son plus jeune âge, ressent importante, à laquelle Havel participe, se fait sentir
la barrière sociale qui le sépare de ses camarades en Tchécoslovaquie. Mais en avril 1969, Dubcek est
de classe. Ce sentiment d’exclusion participera destitué par l’intervention armée des chars du
plus tard à l’élaboration de ses idées. L’entourage pacte de Varsovie. De 1969 à 1977, Václav Havel
intellectuel familial et l’accès aux livres de grands applique sa technique des « pas concrets » en faisant
auteurs tchèques sont très importants et influencent tout ce qui lui est permis dans les limites de la loi
sa personnalité. En 1948, suite à la prise de pouvoir pour lutter contre le régime. La période est difficile
du Parti communiste, la famille de Václav Havel, pour les opposants qui ne sont pas organisés et
considérée comme bourgeoise et capitaliste, voit ses dont la plupart s’est exilée après le printemps de
deux fils, Václav et Ivan, interdits d’entreprendre des Prague. Havel est lui-même interdit de publication.
études. Václav Havel réussit néanmoins à obtenir un En 1975, il écrit une Lettre ouverte à Gustáv Husák
diplôme de baccalauréat grâce à des cours du soir. dans laquelle il expose les dangers et les dérives
De 1951 à 1953, Havel entreprend avec des amis la de la « normalisation » ainsi que la destruction du
création du Groupe 36, qui mêle ambitions littéraires domaine culturel où « la vraie culture est remplacée
et rôle politique. Entre 1957 et 1959, après avoir suivi par l’esthétique de la banalité ». En 1977, un
une formation de charpentier et s’être vu refuser mouvement d’une plus grande ampleur voit le jour
l’accès à l’université, il est enrôlé pour deux ans dans grâce à la Charte 77, véritable manifeste pour la
l’armée tchécoslovaque. Là, il va avoir ses premiers défense des droits de l’homme en Tchécoslovaquie.
contacts avec l’univers du théâtre. En effet, pour se Deux ans après, Václav Havel est arrêté et jugé pour
divertir, il écrit et réalise avec un ami La vie devant subversion contre l’État. Il reste presque quatre
soi, qui aborde entre autres les absurdités du service ans en prison où il écrit ses belles Lettres à Olga.
militaire. Très vite, il fréquente de plus petits théâtres De 1983 à 1989, Václav Havel continue autant qu’il
et rentre en 1960 au Théâtre sur la Balustrade en tant le peut la lutte, au fur et à mesure que sa notoriété
que machiniste. Il y reste huit ans et devient conseiller s’affirme et que le régime s’assouplit, Havel devient
puis dramaturge. Václav Havel considère le théâtre un personnage incontournable et intouchable. La
et particulièrement le théâtre de l’absurde comme un mobilisation à l’Ouest en faveur des dissidents et
outil de libération de l’homme moderne. En 1964, il se de leurs actions est de plus en plus importante et,
marie avec Olga Splíchalová qui travaillait au Théâtre bientôt, la Révolution de velours balaie le régime. Le
sur la Balustrade comme caissière. L’influence de sa 29 décembre 1989, Václav Havel est élu président
femme sur son travail, ses principes et ses décisions de la République tchécoslovaque jusqu’en 1990
en tant que dissident et ensuite comme président où il est réélu. En 1992, après la scission de la
a été considérable. L’année suivante, Václav Havel Tchécoslovaquie, il devient le premier président

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de la nouvelle République tchèque et le restera
pendant dix années. Sa manière de traiter certaines
problématiques nationales, comme la gestion du
passé communiste, le développement d’une nouvelle
politique économique ou encore la question des
rapports avec la Slovaquie, ne sera pas toujours
approuvée par l’ensemble de la population et de la
classe dirigeante. Au niveau international, il jouera
un rôle important dans le processus d’adhésion
de la République tchèque à l’Union européenne
et à l’OTAN. En 1996, sa femme Olga décède d’un
cancer. Il se remarie l’année suivante avec l’actrice
Dagmar Veskrnová. En 2005, il voyage aux États-
Unis pendant quelques mois et, à son retour, publie
À vrai dire… Livre de l’après-pouvoir. Depuis, il vit
à Prague et recommence à écrire du théâtre. Sa
dernière pièce, sortie en 2007, s’intitule Sur le départ.

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Árpád Göncz
Docteur honoris causa 1991 hongroise, notamment en envoyant à l’étranger le
manuscrit d’Imre Nagy, In Defence of the Hungarian
Budapest, Hongrie, 1922 People on Communism, en 1957. Il est arrêté en
mai par les forces soviétiques et accusé d’avoir
Árpád Göncz naît à Budapest le 10 février 1922 participé à l’envoi du message radio d’István Bibó
dans une famille cultivée. De 1939 à 1944, il suit (juriste et philosophe, ministre de Nagy) demandant
des études à l’Université Pázmány de Budapest l’aide des Nations unies pour contrer l’offensive
d’où il sort docteur en droit, il suit également des des chars soviétiques. Il est condamné à la prison
études en agronomie à l’Université de Gödöllo entre à vie le 2 août 1958. Il s’évade intellectuellement
1952 et 1956, études qu’il n’a jamais pu achever. de cet emprisonnement en apprenant l’anglais
et en se consacrant à la traduction d’œuvres de
Durant la seconde guerre mondiale, la Hongrie la littérature américaine et anglo-saxonne.
est alliée à l’Allemagne nazie, et Göncz, engagé
très tôt dans la résistance anti-fasciste, déserte Árpád Göncz est libéré en 1963 grâce à une amnistie
l’armée où il a été enrôlé de force afin de rejoindre générale et au relâchement des contraintes
la résistance locale, le bataillon Táncsics. À la politiques sous le gouvernement de János Kádár.
fin du conflit en 1945, il se lance en politique en Après sa sortie, il est rapidement engagé en tant
étant affilié au Parti paysan indépendant dans qu’interprète à l’Institut de recherche de l’industrie
lequel il œuvre pour la réforme agraire, ceci en chimique lourde de Veszprém. Il tente également
parallèle avec ses études en agronomie. de reprendre ses études en agronomie en 1964
mais est exclu de l’université. À partir de 1965, il
En 1948, après la dissolution du parti par le régime se lance dans une carrière d’auteur indépendant
stalinien mis en place en Hongrie, il travaille et de traducteur littéraire (il traduit de nombreux
comme soudeur en usine de 1949 à 1951, puis auteurs, parmis lesquels Hemingway, Faulkner, etc.).
comme ingénieur agronome de 1951 à 1956. Il devient membre de l’Union des écrivains hongrois
– dont il sera le président entre 1989 et 1990.
Le 17 octobre 1956, il expose sa vision de la réforme
agraire devant le Cercle Petöfi, centre important de Dans le courant des années 1970, Göncz reprend
diffusion critique et de débats. Une semaine plus ses activités politiques au sein du mouvement
tard, le peuple hongrois se soulève contre la présence dissident hongrois. En 1988, il est l’un des membres
soviétique. Le 4 novembre, les chars soviétiques fondateur et le vice-président de la Ligue pour
entrent dans Budapest, la répression fait 200 000 la justice historique (il avait pris part, en 1981 et
morts et oblige 160 000 personnes à fuir la Hongrie. pendant de nombreux mois, à des tables rondes
Le président du Conseil Imre Nagy, représentant de illégales sur l’histoire de la révolution). En mai 1988,
l’aile « réformatrice » du Parti communiste hongrois, il participe à la fondation du SZDSZ, l’Alliance des
qui avait pris la tête de la résistance anti-soviétique, démocrates libres, un parti libéral créé en opposition
est enlevé et déporté en Russie où il est condamné au Parti communiste. Il est le porte-parole de ce
à mort pour trahison (il sera pendu en 1958 en groupe entre 1988 et 1989 et membre du conseil
Roumanie). Árpád Göncz participe à la révolution national de ce parti entre 1989 et 1990. En 1989, il

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devient président de la section hongroise de la Ligue
des droits de l’homme. En 1991, il est fait docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles.

En mai 1990, il entre au Parlement hongrois, qui


l’élit président de la République en août. Il se
présente pour un second mandat en 1995. Il quitte
la présidence en août 2000. Pendant dix ans, il fut
l’homme politique le plus populaire de son pays
et son parcours est devenu un véritable idéal de
tolérance pour les démocrates du monde entier.
Sa fille, Kinga Göncz, membre du Parti socialiste,
est ministre de l’Égalité des chances, des Affaires
sociales et familiales, puis ministre des Affaires
étrangères de juin 2006 à avril 2009. Elle a été
élue députée européenne le 7 juin 2009.

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Bronisław Geremek
Docteur honoris causa 1991 Membre du Parti ouvrier unifié de 1950 à août
1968, il en démissionne à la suite de l’invasion de
Varsovie, Pologne, 1932 – la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de
Lubień, Pologne, 2008 Varsovie. Il passe à la dissidence et coopère avec le
Comité de défense des ouvriers (KOR), embryon de
Issu d’une famille juive de la capitale polonaise, fils de l’opposition démocratique, fondé en 1976. En 1975,
rabbin, Bronislaw Geremek parvient à quitter le ghetto il est le coauteur d’une lettre au leader du parti,
de Varsovie en 1943 avec sa mère, alors que son père Edward Gierek, demandant des transformations
est gazé à son arrivée au camp de concentration socio-politiques radicales en Pologne. Il organise des
d’Auschwitz. Bronislaw Geremek étudie l’histoire collectes de fonds pour venir en aide aux ouvriers
à l’Université de Varsovie dont il est diplômé en en grève. Geremek devient ensuite membre de TKN,
1954, il travaille à l’Institut historique de l’Académie une organisation d’opposition ayant un programme
polonaise des sciences avant d’intégrer l’École d’éducation. Il est emprisonné de nombreuses
pratique des hautes études et la Sorbonne à Paris. fois entre 1976 et 1980. Il soutient, à l’été 1980, les
Contemporanéiste en Pologne, il devient médiéviste ouvriers des chantiers navals de Gdansk en grève
en France, très proche de l’École des annales, élève de pour l’obtention d’un syndicat libre. Il rencontre
Fernand Braudel et ami de Georges Duby et Jacques leur porte-parole, Lech Wal˛esa, qui lui propose
Le Goff. Geremek est l’historien des pauvres et des de rester à leurs côtés. C’est ainsi qu’il participe
marginaux. Il s’intéresse d’abord aux luttes sociales à la fondation de Solidarność, le premier syndicat
dans les villes flamandes au XIVe siècle, puis dans libre du bloc soviétique. Pour la première fois, les
les bas-fonds de la société française au Moyen Âge. ouvriers et les intellectuels luttent côte à côte. Avec
Sa thèse porte sur les marginaux parisiens aux XIVe Tadeusz Mazowiecki, Adam Michnik et Jacek Kuroń,
et XVe siècles. Dans son dernier livre, paru en 1991, Bronislaw Geremek est le symbole de cette alliance
Le Fils de Caïn, il étudie l’image des pauvres et des qui fait si peur au pouvoir communiste. Délégué
vagabonds dans la littérature européenne du XVe au au 1er Congrès national de Solidarność à Gdansk en
XVIIe siècle. L’histoire lui permet ainsi d’exprimer son septembre 1981, il est interné sous le coup de la loi
engagement en faveur des sans-voix. Entre 1960 et martiale le 13 décembre de la même année et libéré
1965, il est chargé de cours à la Sorbonne et directeur un an plus tard. Il est à nouveau emprisonné de mai
du Centre culturel polonais à Paris, ce qui lui vaut à juillet 1983 pour avoir organisé un meeting illégal
en Pologne le surnom et la stature du « Professeur ». et avoir diffusé de « mauvaises » informations sur la
Il est promu directeur du Département de l’histoire Pologne. Geremek est démis de l’Académie polonaise
médiévale culturelle de l’Institut historique de des sciences le 26 avril 1985 et interdit de quitter
l’Académie polonaise des sciences au milieu des le pays en 1986. Mais sa lutte ne s’arrête pas pour
années 1960. C’est à Paris qu’il rencontre Hanna, autant. Conseiller écouté de Solidarność, c’est son
son épouse, éminente papyrologue, spécialiste de talent de médiateur qui fera de lui l’un des principaux
l’Égypte romaine et compagne de toute une vie de initiateurs de la « table ronde » qui prépare, début
combat intellectuel, jusqu’à sa disparition en 2004. 1989, un renversement complet de la situation. En
effet, les élections de juin marquent un triomphe total
pour Solidarność. Il est élu député et devient le chef

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du groupe parlementaire de Solidarność et de ce fait
un élément clé du nouveau gouvernement. L’ULB lui
confère le titre de docteur honoris causa le 19 mars
1991, avec árpád Göncz et Václav Havel. En 1993, il
est titulaire de la chaire internationale du Collège de
France « Histoire sociale : exclusions et solidarités ».

Geremek dirige la diplomatie polonaise de 1997 à 2000.


Après l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne
en mai 2004, il est élu député au Parlement européen
sur les listes d’un parti réformateur issu de Solidarność.
Le Parlement lui préfère comme président le socialiste
espagnol Josep Borrell. « Un petit bureaucrate contre
une figure historique ! » tonne alors Daniel Cohn-
Bendit. Mais Geremek et la Pologne ont soutenu
l’attaque américaine contre l’Irak, ce que la France et
l’Allemagne ne leur pardonnent pas. Il reste toutefois
un dissident dans l’âme. En 2007, seul contre toute
la classe politique polonaise, il rejette la loi de
« décommunisation » des frères Kaczyński qu’il traite
de « politique d’inquisition ». Il refuse que 700 000
personnes aient à faire l’historique de leur vie pendant
la période communiste et à signer une déclaration
certifiant qu’elles n’ont jamais collaboré avec les
services secrets de l’époque. Il est alors menacé d’être
déchu de son mandat, mais la Cour constitutionnelle
soutient son opposition à cette loi et la rejette en
très grande partie au moment de son examen. « [Mon
passé d’historien] me rend philosophe et me donne
une sorte de distance par rapport à l’événement »,
disait Geremek, isolé sur cette question dans son pays
mais soutenu par ses confrères européens. Il conserve
donc son siège d’eurodéputé, jusqu’au moment de
sa mort tragique, survenue dans un accident de
voiture le 13 juillet 2008 près de Lubień, en Pologne,
en route vers Bruxelles. Bronislaw Geremek est salué
internationalement comme un grand historien et un
champion de la démocratie en Pologne sous le régime
communiste, puis comme celui de l’unité européenne.

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Alexander Dubček
Docteur honoris causa 1990 tchécoslovaques inquiètent les dirigeants des pays
du pacte de Varsovie et notamment le nouveau
Uhrovec, Slovaquie, 1921 – dirigeant soviétique Leonid Brejnev qui y voit une
Prague, République tchèque, 1992 remise en cause de sa politique néostalinienne et de
l’autorité russe. Les chars soviétiques envahissent la
Alexander Dubc̆ek naît en 1921 dans une famille Tchécoslovaquie le 21 août 1968 et mettent violement
communiste slovaque qui émigre vers l’Union un terme à ce mouvement de libéralisation connu
soviétique trois ans plus tard. Élevé et éduqué au sous le nom de « Printemps de Prague ». Alexander
sein du régime, il retourne en Slovaquie en 1938 Dubc̆ek est arrêté, emmené de force à Moscou où
et devient ajusteur à l’usine S̆koda de Dubnica. on l’oblige à signer les accords de normalisation.
Quand la guerre éclate en 1939, il rejoint le Parti
communiste slovaque, alors illégal, et entre dans De retour en Tchécoslovaquie, il conserve son poste
la résistance. Lors de l’insurrection slovaque en de premier secrétaire du Parti communiste mais,
1944, il prend les armes contre les Allemands. refusant de faire son autocritique, il est contraint de
démissionner le 17 avril 1969 et est démis quelques
Après la guerre, il étudie le droit à l’Université mois plus tard de ses fonctions de membre du
Comenius de Bratislava, travaille au Parti communiste présidium du Parti et de président du Parlement
slovaque et devient député à l’Assemblée fédérale. fédéral. Il exerce alors le poste d’ambassadeur à
En 1955, Alexander Dubc̆ek est envoyé pour trois ans Ankara en Turquie et revient quelques temps après en
à Moscou à l’École supérieure de politique du Comité Tchécoslovaquie où il travaille comme simple employé
central du Parti communiste soviétique. des Eaux et forêts à Bratislava sous la surveillance
À son retour, il continue son parcours politique permanente de l’État. Interdit de toute activité
et devient en 1963 premier secrétaire du Parti politique, Alexander Dubc̆ek prend sa retraite en 1982.
communiste slovaque et membre du présidium
tchécoslovaque. Alexander Dubc̆ek, se rendant compte En 1988, l’Université de Bologne lui décerne le titre
de la situation des Slovaques dans son pays, décide de docteur honoris causa. L’année suivante, il fait un
d’agir dans l’intérêt du peuple slovaque jusqu’alors retour politique triomphant lors de la Révolution de
ignoré par le premier secrétaire du Parti communiste velours aux côtés de Václav Havel et accède au poste
tchécoslovaque, Antonín Novotny. Le 5 janvier 1968, de président de l’Assemblée fédérale tchécoslovaque,
il est élu premier secrétaire du Parti communiste fonction qu’il exerce jusqu’en 1992. En janvier 1990,
tchécoslovaque et succède ainsi à Novotny. il reçoit également le prix Sakharov du Parlement
européen pour son action en faveur de la défense
À 46 ans, il devient un symbole de changement pour des droits de l’homme et des libertés. La même
son pays. Son objectif est d’instaurer un « socialisme année, l’Université libre de Bruxelles lui attribue elle
à visage humain ». Tout en restant fidèle à ses idéaux aussi le titre de docteur honoris causa. En 1992, il
socialistes et à Moscou, il souhaite rendre son pays est élu président du Parti social démocrate mais,
plus indépendant et y établir une plus grande liberté peu de temps après, il est victime d’un accident de
d’expression caractérisée par la libéralisation de voiture et décède des suites de ses blessures.
la presse et l’abolition de la censure. Les réformes

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Fang Li-Zhi
Docteur honoris causa 1989 liberté de ton et de penser agace le pouvoir chinois : le
12 janvier 1987, il est exclu de son poste universitaire,
Pékin, Chine, 1936 puis du parti par la commission disciplinaire du Parti
communiste de la province d’Anhui le 17 janvier
Fang Li-Zhi est né à Pékin le 12 février 1936. De 1987 (c’est donc sa seconde exclusion du PCC). En
1946 à 1952, il est élève de l’école secondaire n°4 effet, dans son pays, le professeur Fang a contribué
de Pékin. Il entre ensuite à l’université, dans le à la confrontation entre la pratique de la discussion
Département de physique. En 1955, il est recruté critique telle que l’implique la recherche scientifique
par le Parti communiste et participe au congrès de et l’affirmation des principes de la discussion libre
la Ligue de la jeunesse présidée par Hu Qili qu’il en matière sociale et politique. Il n’a pas hésité à
rencontra à l’Université de Pékin. Cependant, deux défendre des idéaux d’émancipation humaine et
ans plus tard, il publie un article critiquant la position d’égalité sociale. Il a accepté de se faire publiquement
marxiste sur la physique, ce qui lui vaut d’être exclu l’écho des sentiments de déception et d’espérance
publiquement du Parti communiste chinois. Il a de ses étudiants (manifestations étudiantes de
alors 21 ans. Son calvaire commence : il est astreint décembre 1986 – janvier 1987). Il obtient le prix
à résidence pendant un an en 1966, au début de la de la New York Academy of Science en 1988.
Révolution culturelle, et est envoyé en rééducation Pendant les manifestations de la place Tiananmen,
par le travail dans une ferme en 1970, puis dans il est considéré par les autorités comme l’un des
les mines de charbon de l’Anhui. C’est lors de cette principaux instigateurs de l’agitation étudiante.
période d’isolement par rapport à la communauté Fang Li-Zhi et son épouse Li Shuxian, coauteur de
internationale que ses réflexions se tournent vers la plupart de leurs travaux de recherche, reçoivent
l’astronomie, la cosmologie et l’astrophysique. Il l’asile de l’ambassade américaine à Pékin, le 5 juin
devient d’abord assistant de recherche à l’Institut de 1989. Pendant cet asile, il reçoit le titre de docteur
physique de l’Academia Sinica ; puis à l’Université honoris causa de l’ULB (octroyé conjointement à
des sciences et de technologie de Hefei (province la dissidente roumaine Doina Cornea) ainsi que le
d’Anhui), où se déroule une grande partie de sa Robert F. Kennedy Award des droits de l’homme pour
carrière. Il y est nommé professeur en 1978 puis son combat pour la liberté et ses visions politiques.
directeur du Centre d’astrophysique (1980), avant de Après avoir obtenu l’autorisation officielle de quitter
devenir vice-président de cette université au milieu la Chine, le couple s’exile au Royaume-Uni le 25
des années 1980. Il obtient un prix de l’Academia juin 1990. Depuis 1991, Fang Li-Zhi enseigne et
Sinica en 1982, est fait membre de l’International poursuit ses recherches à l’Université d’Arizona.
Center for Theoretical Physics à Trieste en Italie en
1984, il reçoit le 1er prix de l’International Gravity
Research Foundation en 1985, nommé membre de
l’Institute for Advanced Physics de Princeton aux
États-Unis en 1986. À partir de 1987, il est promu
à la tête du groupe d’astrophysique théorique à
l’observatoire de Pékin, géré par l’Academia Sinica.
Malgré les honneurs que lui vaut son expertise, sa

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 77


Doina Cornea
Docteur honoris causa 1989 qui lui sont imposés. En août 1982, elle rédige et
envoie à RFE une première lettre ouverte intitulée
Braşov, Roumanie, 1929 Ceux qui n’ont pas arrêté de penser. La rédaction
pensant avoir affaire à un pseudonyme, divulgue
Doina Cornea naît le 30 mai 1929 à Braşov en son nom et ses coordonnées lors de la diffusion de
Roumanie, dans une famille de notables. Dans sa son texte. Doina Cornea entre en dissidence ouverte.
jeunesse, elle a été fortement marquée par les Elle écope d’une petite amende et d’une visite à la
humiliations publiques subies par les Juifs dans les police secrète, la Securitate, quelques mois plus tard,
années 1940. Pendant ses études à l’université de alors qu’elle continue à donner ses cours comme elle
Cluj, elle fait siennes les idées de ses professeurs l’entend. De fil en aiguille, elle est destituée de son
prônant l’ouverture d’esprit et la liberté de penser. poste d’assistante en septembre 1983. Un an plus
tard, elle touche sa pension. De 1983 à 1987, elle
En 1952, elle obtient sa licence en lettres françaises se consacre à la rédaction d’autres lettres ouvertes
et italiennes. Elle enseigne durant six ans dans le plus thématiques qu’elle envoie à RFE, ainsi qu’à la
lycée d’une petite ville, où elle s’applique à éveiller traduction en roumain d’ouvrages et textes français
la conscience de ses élèves, travaillant sur des interdits. Sa critique du régime se fait plus précise et
textes interdits par les programmes du régime. a pour conséquence sa mise sous surveillance étroite,
Entre-temps, elle se marie et donne naissance à de lourdes amendes à payer et des visites régulières
deux enfants. En 1958 elle devient assistante de à la Securitate où elle est à chaque fois interrogée.
lecture dans son ancienne université. Au milieu des
années 1960, elle refuse à nouveau de suivre le En octobre 1987, elle donne une interview à un
programme imposé, et se heurte à ses collègues et à journaliste français pour des médias de l’Ouest, puis
ses supérieurs. Son refus d’adhérer au parti et à son refuse de voter aux élections locales de novembre.
idéologie lui barre l’accès au statut de professeur. Le lendemain, lorsque des manifestations ont lieu
à Braşov, elle confectionne et distribue avec son
L’année 1968 arrive, porteuse de changements fils 160 tracts de solidarité avec les travailleurs
éphémères : Nicolae Ceauşescu est élu à la tête révoltés. Elle est alors incarcérée avec son fils et
du gouvernement et met en place des réformes soumise à des interrogatoires quotidiens pendant
libérales, qu’il abolit quelques années plus tard. cinq semaines. Elle est relâchée grâce à la diffusion
En 1975, il cumule plusieurs fonctions publiques à la mi-décembre de l’interview qu’elle avait donnée
et exige des institutions qu’elles lui jurent fidélité : deux mois auparavant : elle acquiert une certaine
la dictature s’installe, avec la répression amenant notoriété dans les démocraties de l’Ouest, ce qui
la peur. L’année suivante, quelques mois après lui confère une plus grande protection. La situation
l’exil volontaire de sa fille en France, Doina Cornea s’envenime vers mai 1988 : des représentants de
découvre l’action de contestation de penseurs dont syndicats « libres » entrent en contact avec elle,
les textes sont diffusés par Radio Free Europe. désireux de la soutenir. Cette nouvelle étape
Inspirée par leur initiative, elle décide elle aussi de franchie dans la dissidence entraîne des mesures
protester, à sa façon, par le biais de ses cours et en plus radicales : contrôle de l’accès à son domicile,
prenant la parole lors des séminaires idéologiques harcèlement moral, surveillance permanente.

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Son entourage subit des pressions énormes nommée « Domina Ordinis Sancti Sylvestri Papae »
et elle se retrouve de plus en plus isolée. par le Vatican en 2003. En effet, son combat politique
s’est doublé d’un combat religieux. Doina Cornea
En août 1988, Ceauşescu expose son « plan de de confession gréco-catholique, s’est battue pour
systématisation » aux Roumains, consistant en que son Église – qui avait été interdite et dont les
la destruction de plus de la moitié des villages lieux de culte avaient été confisqués au profit de
ruraux de Roumanie. Doina Cornea rédige une l’Église orthodoxe – retrouve sa liberté de culte, sans
lettre de dénonciation le 23 août, qu’elle réussit à être pour autant assimilée à l’Église catholique.
faire sortir du pays grâce au reporter Josy Dubié.
Le 21 décembre, à la veille de la révolution, une
foule de manifestants libère Doina Cornea et la
porte en triomphe. Quelques jours plus tard, un
gouvernement de transition, en réalité aux mains
de membres de l’ex-régime, se met en place et
Doina Cornea est appelée à y siéger. Lorsque ses
doutes sur la manipulation de la révolution s’avèrent
fondés, elle se retire de la politique fin janvier
1990. Elle reprend alors ses activités de militante
pour les droits de l’homme et leur émancipation.

Aujourd’hui, Doina Cornea constitue une figure isolée


de la dissidence roumaine. Elle se distingue en effet
par ses prises de position en soutien aux ouvriers,
dans un pays qui, contrairement à la Pologne ou à
la Hongrie par exemple, est marqué par un manque
de solidarité entre intellectuels et travailleurs
(à ce propos, elle soutient que « l’intellectuel
roumain est un peu snob. Il ne parlerait pas à un
ouvrier qui n’a pas lu Kant »). Elle est aussi parmi
les premiers intellectuels roumains à connaître la
prison, ayant pris position avant que l’évolution
politique de Moscou ne rende cela moins risqué.

Elle a reçu de nombreuses distinctions et honneurs


pour son engagement en faveur des droits de
l’homme et de la démocratie : elle est docteur honoris
causa de l’ULB en 1989 (avec le dissident chinois
Fang Li-Zhi), chevalier de la Légion d’honneur en
1999, elle reçoit la Mare Cruce en 2000, elle est

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Shimon Peres
Docteur honoris causa 1987 télécommunication en 1971), ministre de l’Information,
et enfin ministre de la Défense. Il participe à
Vishneva, Biélorussie, 1923 l’opération Jonathan (sur Entebbe) et au concept de
« Good Fence Policy » avec la population du sud du
Shimon Peres est issu d’une famille juive sioniste. Liban. En mai 1977, son parti passe dans l’opposition
Après la faillite de son commerce de bois en 1932, et Peres devient le leader du parti travailliste. La
son père émigre en Palestine, à Tel-Aviv. Sa famille même année, Yitzhak Rabin démissionne et Peres
le rejoint en 1934 et Shimon Peres est envoyé à assure le poste de premier ministre par intérim. En
l’école hébraïque de Geula. En 1937, il rejoint les 1978, lors du Congrès international socialiste, il est
mouvements de jeunesse socialiste, Hanoar Haoved élu vice-président de l’Internationale socialiste. En
et Haganah. En 1940, il participe à la fondation du juillet 1984, le Likoud s’associe au Parti travailliste
kibboutz Alumot à Ben Shemen qui accueille des pour former un gouvernement d’union nationale.
orphelins pour en faire des pionniers. Peres y étudie Peres en sera le premier ministre jusqu’à sa
l’agronomie. Il devient secrétaire de la Jeunesse dissolution en octobre 1986. Jusque fin 1988, il sera
travailliste à vingt ans. Le premier mai 1945, il épouse en alternance premier ministre et ministre des Affaires
Sonya Gelman, le couple a trois enfants. Deux ans étrangères. En novembre 1987, l’ULB lui décerne
plus tard, il rejoint le quartier général de la Haganah un doctorat honoris causa. De 1988 à 1995, il est
où il supervise la militarisation de l’État d’Israël. ministre des Finances puis à nouveau ministre des
Du 14 mai 1948 à juillet 1949, pendant la guerre Affaires étrangères et c’est alors qu’il entame les
d’indépendance, il est en charge de la réorganisation négociations avec l’OLP sur l’avenir des territoires
des services de ravitaillement et de recrutement de occupés. Le 20 août 1993, la déclaration de principes
l’armée. Après la guerre, il est envoyé en mission est signée à Oslo avec Yasser Arafat, puis avec l’OLP
aux États-Unis par le ministre de la Défense. Il le 13 septembre. Ces accords lui vaudront, avec Yasser
revient en Israël en 1952 et devient directeur général Arafat et Yitzhak Rabin, le prix Nobel de la paix le 14
adjoint, puis directeur général, auprès du ministre octobre 1994. En novembre 1995, Yitzhak Rabin est
de la Défense, David Ben Gourion. Il s’occupe alors assassiné et Peres assume à nouveau le poste de
principalement du développement militaire d’Israël premier ministre par intérim. En avril 1996, il donne le
en matière aéronautique, électronique et nucléaire, feu vert à l’opération « Raisins de la colère » contre le
en lien avec la France, et notamment contre l’Égypte. sud du Liban. Jusqu’en 2005, il intègre le cabinet du
En 1959, il est élu à la Knesset et nommé vice-premier premier ministre Ehud Barak, puis devient ministre
ministre de la Défense jusqu’en 1965. C’est alors des Affaires étrangères et vice-premier ministre du
qu’avec Ben Gourion, il quitte le Mapai pour former nouveau gouvernement d’union nationale. Il tente
le Rafi dont il deviendra le secrétaire général. En de reprendre les rênes du Parti travailliste mais,
1968, les deux partis travaillistes fusionnent. De 1969 défait dans une élection interne, s’éloigne puis quitte
à 1977, Shimon Peres est successivement ministre définitivement le Parti travailliste pour rejoindre
de l’Immigration et responsable du développement Kadima, le parti centriste créé par Ariel Sharon en
économique des territoires administrés, ministre de la vue des élections. Début 2005, il établit avec Ariel
Communication et du Transport (il se rend à Bruxelles Sharon le plan de retrait unilatéral des colonies de
pour y étudier les équipements postaux et de la Bande de Gaza. Le 5 janvier 2006, Ariel Sharon

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est hospitalisé, Peres refuse le poste de premier
ministre. Le parti Kadima remportant les élections
la même année, Shimon Peres devient vice-premier
ministre et reçoit le portefeuille du développement
régional de Galilée et du Néguev. Il est élu neuvième
président de l’État d’Israël le 13 juin 2007. Shimon
Peres a rarement remporté les élections et a été le
second de nombreux chefs d’État israéliens. Il a été
chargé des relations diplomatiques avec l’étranger
et a dit vouloir aboutir à un « Moyen-Orient, havre
de paix ». Il a créé le Cercle Peres pour la paix.

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Sandro Pertini
Docteur honoris causa 1987 des fascistes et se réfugie à Milan chez Carlo Rosselli.
En décembre, des lois antifascistes le condamnent à
Stella San Giovanni, Italie, 1896 – cinq ans d’expulsion. Il rencontre l’un des fondateurs
Rome, Italie, 1990 du PSU, Filippo Turati, avec qui il s’exile en France
grâce à l’aide d’autres militants. Cette expatriation les
Alessandro Pertini naît à Stella, province de Savone, condamne à dix mois de réclusion supplémentaire.
dans une famille aisée de propriétaires terriens. Au
cours de ses études, son professeur de philosophie Durant son exil, Pertini vit à Paris et à Nice de « petits
Adelchi Baratano lui offre ses premiers contacts avec boulots ». Contestant toujours le fascisme, le tribunal
le socialisme. En 1917, il part pour le front et, après la de Nice le condamne pour avoir propagé ses opinions
guerre, il obtient son diplôme de droit à l’Université politiques sur les ondes d’une station de radio. Après
de Gênes. Il rejoint le Parti socialiste italien en 1918. trois ans d’exil, et sous un faux nom, il retourne en
Italie et reprend ses activités antifascistes au sein
Pertini s’installe à Florence et s’inscrit en sciences d’une organisation clandestine du Parti socialiste,
politiques à l’Institut Cesare Alfieri. Il y défend mais il est très vite arrêté et condamné. Pertini est
une thèse sur La Coopération et est diplômé en alors enfermé et confiné pour quatorze années, ce qui
1924. À Florence, Pertini va également entrer n’affecte pas ses convictions et sa détermination mais
en contact avec des milieux interventionnistes a des conséquences certaines sur sa santé physique.
démocratiques et socialistes et rencontrer des
activistes comme l’historien Gaetano Salvemini, Après la chute du régime fasciste, en août 1943,
les militants antifascistes Carlo et son frère Nello Pertini est enfin libéré et rejoint le Parti socialiste qui
Rosselli et le futur fondateur du Parti radical, Ernesto lutte contre les nazis qui occupent le pays. En octobre,
Rossi. C’est pendant cette période qu’il adhère au il est arrêté et condamné à mort par les forces
mouvement antifasciste Italia Libera et connaît ses allemandes mais il réussit à s’évader et rejoint Milan
premiers ennuis avec les squadristi fascistes. pour participer activement à la libération du pays. Il
se joint aux activités du CLNAI (Comité national de
Après l’assassinat du député socialiste Giacomo libération de l’Italie du nord) et prend part à la bataille
Matteotti, il rejoint le PSU (Parti socialiste unifié) pour la libération de Florence. Il réorganise également
pour exprimer ses opinions politiques axées le Parti socialiste dont il deviendra le secrétaire.
sur le socialisme et la liberté et pour s’opposer
activement au fascisme. Il connaît alors sa première La guerre finie, Pertini consacre son temps à la
condamnation à huit mois de prison pour avoir politique et au journalisme. Il devient secrétaire du
publié une brochure clandestine sous le titre : Sotto PSI en 1945 et député de l’Assemblée constituante
il barbaro dominio fascista, une brochure accusant en 1946. Deux ans plus tard, il est sénateur de la
notamment la monarchie et le Sénat d’être en partie République et président du groupe socialiste au
responsable de la montée du fascisme. Libéré, il Sénat. Il est également à la direction du quotidien
reprend ses actions mais, en novembre 1926, après la Avanti ! (journal du PSI) de 1945 à 1946 et de 1950 à
tentative échouée d’assassinat sur Mussolini, il doit 1952 et du journal gênois Il Lavoro en 1947. Après les
quitter Savone pour échapper à la violente répression élections de 1953, il siège à la Chambre des députés

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en tant que vice-président de la commission des
Affaires intérieures et de la commission des Affaires
constitutionnelles. La même année, il est désigné
vice-président du groupe parlementaire et membre de
la direction du Parti socialiste et reçoit la médaille d’or
militaire pour sa participation à la guerre partisane.
En 1963, il est élu vice-président de la Chambre puis
président de la Chambre en 1968 et en 1972, jusque sa
dissolution en 1976. Enfin, en 1978, il est élu président
de la République : il doit faire face à une crise
économique, à une crise politico-parlementaire et aux
« années de plomb » marquées par le terrorisme et la
corruption. Après son mandat présidentiel, il devient
sénateur à vie. Il est également à la présidence de
la Fondation d’études historiques Filippo Turati de
Florence, constituée en 1985 dans le but de conserver
le patrimoine de la documentation sur le socialisme
italien. Pertini est aujourd’hui encore considéré par
tous comme un fervent acteur de la lutte antifasciste
et un défenseur des droits de l’homme. C’est pour
ces raisons que Pertini a reçu des diplômes honoris
causa de différentes universités et notamment de
l’Université libre de Bruxelles en novembre 1987 ;
il fut également élu à l’Académie française. Malgré
une santé fragile tout au long de sa vie à cause de
ses conditions de détention, Sandro Pertini meurt
presque centenaire à Rome le 24 février 1990.

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Mário Soares
Docteur honoris causa 1987 à nouveau emprisonné de manière arbitraire et dans
des conditions si mauvaises qu’il demande l’habeas
Lisbonne, Portugal, 1924 corpus. Il est finalement déporté l’année suivante
sur l’île de São Tomé pour un an afin d’être oublié.
Mário Soares est un homme politique portugais. En 1969, peu après son retour d’exil, il dénonce la
Né dans une famille bourgeoise, il fait partie guerre coloniale lors d’une conférence de presse en
des Jeunesses communistes de 1942 à 1945. En Amérique du Nord. Une formidable entreprise de
octobre 1945, l’opposition démocrate fonde un propagande sera alors élaborée par le gouvernement
mouvement politique : le Movimento de Unidade dans le but de le faire passer pour un traître. Il sera
Democrática (MUD), mouvement dont la section finalement obligé de s’exiler en France. Lorsque son
jeunesse, fondée par Mário Soares, est très proche père meurt en 1970, Mário Soares rentre au Portugal
du Parti communiste. Deux ans plus tard, ses pour ses obsèques, sans avertir le gouvernement ni la
nombreux conflits avec le PC le poussent à quitter police de son retour. Il est arrêté quelques jours plus
le parti. Mário Soares participe alors à la lutte tard et de nouveau expulsé en France. Durant son exil,
interne où il devient secrétaire de la commission il est chargé de cours aux universités de Vincennes
centrale pour la candidature du général Norton et de la Sorbonne (Paris) et professeur associé à
de Matos à la présidence de la République. la Faculté de philosophie et lettres de l’Université
de Haute-Bretagne à Rennes. De plus, il devient le
Licencié en histoire et en philosophie par la Faculté secrétaire général en exil du PS lorsque celui-ci est
de philosophie et lettres de Lisbonne en 1951, ainsi reconnu officiellement en 1973 ainsi que le vice-
qu’en droit par la Faculté de droit de Lisbonne en 1957, président de l’Internationale socialiste jusqu’en 1986.
il lui est interdit d’enseigner en raison de ses idées
politiques. De plus, les différentes activités politiques Il rentre au Portugal après le 25 avril 1974 et la
qu’il a menées au cours de ses années d’université lui Révolution des œillets, où il est accueilli en héros. Il
valent d’être emprisonné trois fois. Il dirige ensuite consacre le reste de l’année 1974 à faire le tour des
le Colegio Moderno, qui avait été fondé vingt ans différentes capitales européennes pour obtenir la
plus tôt par son père, mais le quitte en 1959 pour reconnaissance du nouveau régime portugais. De
finalement s’inscrire au barreau de Lisbonne où il se 1974 jusqu’au début 1975, il participe aux Ier, IIe et
spécialise dans la défense des prisonniers politiques. IIIe gouvernements provisoires en tant que ministre
En 1964, il crée l’Action socialiste portugaise qui des Affaires étrangères. Puis, il est ministre sans
pose les bases d’un véritable parti socialiste même si portefeuille du IVe gouvernement provisoire. C’est
celui-ci ne fut officiellement créé qu’en 1973 lors d’un lors de ce mandat qu’il commence officiellement le
congrès qu’il réunit avec l’aide des socio-démocrates processus de décolonisation des colonies africaines.
allemands à Bonn. L’année suivante, il est l’avocat de
la famille du général Humberto Delgado, assassiné En 1976, la victoire du PS aux premières élections
par la PIDE (police politique du gouvernement). législatives le place comme premier ministre du
Durant son enquête, il est emprisonné deux fois et Ier gouvernement constitutionnel, fonction qu’il
est considéré comme l’ennemi numéro un du régime exerce par deux fois jusqu’en 1978. Il entame alors
de Salazar. De septembre à mars 1967, il se retrouve le processus permettant l’intégration du Portugal

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dans la Communauté économique européenne,
même si, économiquement, il doit faire face
à une situation de quasi rupture financière et
de paralysie des activités économiques.

Il dirige l’opposition de 1978 jusqu’en 1983, puis est


de nouveau premier ministre du IXe gouvernement
constitutionnel et il signe le traité d’adhésion du
Portugal à la CEE le 12 Juin 1985. En 1986, Mário
Soares est le premier président civil élu directement
par le peuple. Il exerce deux mandats jusqu’en 1996.
C’est durant cette période que lui est décerné le titre
de docteur honoris causa de l’Université libre de
Bruxelles, en hommage à ses nombreuses années
de lutte contre la dictature et à son désir d’intégrer
le Portugal dans l’Union européenne. En 1991, il crée
la Fondation Mário Soares et en devient le président
à la fin de l’année 1996. L’année suivante, il est
nommé à la présidence de la Fondation « Portugal
África », à la présidence du Mouvement européen
international ainsi qu’à la présidence du Comité
des sages du Conseil de l’Europe. Il dirige la liste
socialiste aux élections européennes en 1999 et
est élu au Parlement européen jusqu’en 2004.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 85


Abdou Diouf
Docteur honoris causa 1987 soupçons de fraudes électorales. En 2000, alors qu’il
se présente pour un quatrième mandat après dix-neuf
Louga, Sénégal, 1935 années au pouvoir, il est battu à la présidentielle
par Abdoulaye Wade, élu à une forte majorité.
Abdou Diouf est un homme politique sénégalais né
à Louga (Sénégal) le 7 septembre 1935. Il est élevé Commence alors pour lui une seconde carrière
par sa grand-mère à Saint-Louis et par les femmes politique, internationale. Abdou Diouf s’efforce
de la famille, dont une est militante politique et de faire dialoguer entre elles les différentes
représentante du parti de Léopold Sédar Senghor. cultures dans le but d’améliorer l’entente et la
Sa jeunesse baigne dans un milieu d’action politique cohésion entre les nations. Il travaille aussi à
et d’apprentissage de la tolérance. Il suit ses études une plus grande unité africaine en assumant les
primaires et secondaires dans les meilleures écoles fonctions de président de l’OUA (Organisation
sénégalaises, parallèlement à sa formation dans de l’unité africaine) et plus tard, de la CEDEAO
une école coranique. Il entame des études de droit (Communauté économique des États de l’Afrique
à l’Université de Dakar et les poursuit à Paris, de l’Ouest). En 2002, il est élu secrétaire général de
à l’École nationale de la France d’outre-mer. En l’organisation internationale de la francophonie.
1960, il est diplômé et sort major de sa promotion.
Certains le surnomment « Abdou sans faute » pour « Je suis fier du fonctionnement de la démocratie,
le parcours impeccable de ses études. Diplômé, du respect des droits de l’homme, et si demain
il retourne à Dakar, devient adjoint au secrétaire le peuple sénégalais ne me choisit pas, je me
général du gouvernement et gouverneur de la région rangerai derrière le nouveau président. »
du Siné Saloum jusqu’en 1962. En 1963, Léopold
Sédar Senghor le prend sous son aile et le nomme
directeur de son cabinet. Il a 28 ans, et dès lors,
ne quitte plus les fonctions politiques. En 1964,
il devient secrétaire général du gouvernement
puis en 1968, ministre du Plan et de l’Industrie. Il
accède au poste de premier ministre en 1970, poste
qu’il occupe pendant une décennie. En 1981, après
la démission de Senghor, il devient président de
la République du Sénégal. Il est élu puis réélu à
la présidence en 1983, 1988 et 1993. Démocrate
convaincu, Abdou Diouf place ses différents
mandats sous le signe d’une politique d’ouverture
au multipartisme et fait alors entrer plusieurs de
ses opposants au gouvernement. Il travaille aussi
à la libéralisation progressive de l’économie et à
la décentralisation. En 1993, il est à nouveau réélu
malgré des troubles sérieux en Casamance et des

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Altiero Spinelli
Docteur honoris causa 1984 En juillet 1939, Spinelli est transféré sur l’île de
Ventotene, au large de la Campanie. Durant cette
Rome, Italie, 1907 – Rome, Italie, 1986 période, il finit par adhérer complètement, après
plusieurs années de remise en question, aux idées
Issu d’une famille laïque et élevé par un père fédéralistes d’Einaudi. Il écrit, en 1941, avec l’aide de
aux idées socialistes ancrées, Altiero Spinelli son ami Ernesto Rossi, son ouvrage le plus célèbre,
s’intéresse très tôt à la politique et aux problèmes le Manifeste pour une Europe libre et unie, plus
de la société italienne. Adolescent, il commence par connu sous l’appellation de Manifeste de Ventotene.
discuter avec son père qui lui explique les idéaux Il y exprime l’idée d’une Europe fédérale, à bâtir
et les valeurs socialistes ainsi que la question de lors de la reconstruction d’après-guerre, comme
la lutte des classes. Spinelli lit Engels, Lassalle, seul rempart contre les États souverains et, par
Marx, il découvre Trotsky et Lénine. Profondément conséquent, contre les nationalismes, à ses yeux
influencé par ces idées, il s’implique dans la cause de tous les maux européens. Le manifeste
vie politique, non pas dans un but de politique parvient à être diffusé grâce aux réseaux clandestins.
nationale, mais dans l’espoir de participer à une
révolution mondiale. À 17 ans seulement, en 1924, En 1943, Spinelli et quelques amis codétenus rédigent
il rentre à l’Université de Rome, en Faculté de les Tesi Federaliste et, lors de sa libération, il rentre
droit, participe à ses premières manifestations dans la résistance. Le 27 août 1943, juste après
antifascistes et adhère au Parti communiste. l’effondrement du régime de Mussolini, ils fondent
le Mouvement fédéraliste européen (MFE), dont la
En 1926, l’Italie prend un tournant totalitaire, et base idéologique est établie sur ces Tesi Federaliste.
Spinelli est obligé de fuir à Milan. Il y continue Il souhaite, par la création de ce mouvement, générer
la lutte et prend la tête des organisations de un appui à la passation des pouvoirs nationaux vers
Lombardie, du Piémont et de Ligurie. Il est arrêté des institutions supranationales afin de permettre
le 3 juin 1927 par la police fasciste et condamné à la fédération européenne d’administrer la paix
par le tribunal spécial à 16 ans de réclusion. et la liberté sur le territoire européen. Spinelli crée
un mouvement et non un parti car sa volonté est
En prison, Spinelli continue sa formation de rassembler au-delà des limites frontalières
intellectuelle ; il découvre, par ses lectures, la dans une vision d’unification. Durant la guerre,
pensée de Luigi Einaudi, père fondateur de la pensée les réunions du MFE se font clandestinement,
fédéraliste d’inspiration libérale au XXe siècle, les la première se déroulant le 20 mai 1944 et étant
philosophes tels que Hegel ou Kant. L’évolution présidée par Spinelli, Einaudi et Ernesto Rossi.
politique de la Russie le déçoit fortement et l’amène
à critiquer violemment la ligne de conduite de Après la guerre, les idées fédéralistes spinelliennes
Staline, ce qui lui vaut d’être exclu du PC italien. se heurtent aux idées fonctionnalistes. Plusieurs
Il reste néanmoins fidèle à l’idéal communiste projets sont débattus, notamment la création d’une
mais prône une liberté totale, ce qui l’oppose aux force armée commune, mais lors de la conférence
dirigeants aussi bien fascistes que communistes. de Londres en 1954, des alliances, traités et
pactes sont signés entre différentes puissances

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Altiero Spinelli
européennes marquant l’échec du fédéralisme par
le retour au premier plan des États souverains.
Spinelli change alors de tactique dans son action
politique et se concentre sur la mobilisation des
peuples des démocraties européennes. Il devient
ainsi contestataire et non plus conseiller.

En 1970, Spinelli intègre la Commission européenne


en tant que commissaire aux Affaires industrielles et
technologiques et à la Recherche. Poursuivant son
idéal de former des États-Unis d’Europe, il cherche
ainsi à agir de l’intérieur. Malheureusement, ces six
années ne lui permettent pas de faire progresser ses
idées, c’est pourquoi il démissionne avant la fin de
son mandat. Il est élu au premier Parlement européen
désigné au suffrage universel en 1976, en tant
qu’indépendant de gauche, c’est-à-dire non-affilié
à un parti politique, mais proche des idées de ceux
qu’il considère comme la force politique (le socialisme
et le communisme) la plus proche de son combat
d’unification. Il devient ainsi parlementaire européen
et son expérience et sa force ont beaucoup plus
d’impact. Son œuvre majeure est le projet d’Union
européenne qui est approuvée par le Parlement en
1984. Cependant, le résultat final de ce projet est bien
maigre aux yeux de Spinelli, puisque cela débouche
sur l’Acte unique, signé en 1986, qu’il qualifie lui-
même d’« une souris dont la montagne a accouché ».

En 1984, l’ULB a voulu saluer, en lui remettant sa


plus haute distinction, un homme qui ne s’est jamais
découragé dans son combat, malgré ses nombreuses
défaites, un homme qui a toujours considéré la liberté
comme l’aspect le plus précieux d’un être humain.

Il est décédé peu de temps après, le 23 mai


1986, et, bien que son combat soit poursuivi par
d’autres, il n’en aura pas vu l’accomplissement.

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Andreï Sakharov
Docteur honoris causa 1984 libertés politiques. Il critiquera d’ailleurs Soljenitsyne
pour son manque de confiance envers la science, la
Moscou, Russie, 1921 – Moscou, Russie, 1989 démocratie ou le multipartisme. En 1971, il épouse
la médecin et militante Elena Bonner, qui devient
Andreï Dimitrievitch Sakharov, brillant cerveau, entre sa compagne de lutte pour le reste de sa vie.
à l’Université de Moscou à 17 ans. Suivant les traces
de son père, il entame une carrière de physicien. En En 1974, il entame sa première grève de la faim pour
1942, il obtient sa licence ès sciences et est envoyé obtenir la libération de prisonniers politiques et pour le
comme ingénieur dans une usine d’armement. En 1947, droit à l’émigration. Il devient alors le premier soviétique
il participe à l’équipe de recherches sur la bombe H à obtenir le prix Nobel de la paix en 1975, mais c’est
soviétique dans laquelle il joue un rôle majeur. En 1953, à Elena que le comité remet le prix, car lui n’a pas été
à 32 ans, il devient le plus jeune membre de l’Académie autorisé à quitter le territoire russe. Il continue à mener
des sciences de l’URSS et reçoit les plus hautes une lutte très éprouvante contre le pouvoir en place,
distinctions soviétiques (il est trois fois médaillé Héros par le biais de plusieurs grèves de la faim et malgré
du travail socialiste, en 1954, 1956 et 1962). En 1958, il les humiliations, les brimades du KGB et l’exil à Gorki
émet des inquiétudes face à la course aux armements (aujourd’hui Nijni-Novgorod), ville située à 400km à
et rédige une lettre adressée à Khrouchtchev. À ce l’est de Moscou et totalement interdite aux étrangers.
moment, il demande une déstalinisation plus poussée C’est pendant cet exil qu’il est fait docteur honoris
et, en 1966, il signe une lettre collective opposée à causa de l’Université libre de Bruxelles, en 1984.
la réhabilitation de Staline dans le cadre du XXIIIe
congrès du Parti communiste d’Union soviétique. Il subit cet exil jusqu’en 1986. À sa libération, il est
réintégré à l’Académie des sciences puis élu député
1968 voit sa rupture vis-à-vis des autorités à l’assemblée soviétique où il lance un mouvement
soviétiques : il rédige un mémorandum intitulé d’opposition de gauche au travers du Groupe
Réflexions sur le progrès, la coexistence pacifique et interrégional des députés progressistes. Il continue au
la liberté intellectuelle qui demande, entre autres, sein du Congrès des députés à stigmatiser le manque
plus de liberté d’expression et la fin de la course à de liberté, la répression politique du régime et prône un
l’armement nucléaire. Parallèlement, il condamne retour au pouvoir des Soviets plutôt qu’à celui du Parti
sans appel l’intervention soviétique et l’écrasement communiste. Il fait de l’Assemblée un vrai champ de
du Printemps de Prague, ce qui lui vaut d’être bataille des idées. Il devient le symbole de la défense des
empêché de poursuivre ses travaux scientifiques. droits de l’homme. En 1988, son nom est donné au prix
du Parlement européen distinguant les personnes ou les
En 1970, il fonde un comité des droits de l’homme organisations qui ont consacré leur action aux libertés
qui dénonce les arrestations et les internements et aux droits de l’homme. Il meurt brusquement d’une
des dissidents au régime. Contrairement à d’autres crise cardiaque, le 14 décembre 1989, dans son bureau.
dissidents, il est athée, fait une différence entre Ses derniers mots avant de se retirer dans son bureau
Staline et Lénine et surtout défend les minorités furent «  Il y aura un dur combat demain  », annonçant une
soviétiques (Tatars, Arméniens, Juifs, etc.) avec une nouvelle offensive au Congrès des députés du peuple.
approche mondiale et universelle de la lutte pour les

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Nelson Mandela
Docteur honoris causa 1984 certain nombre de partis, y compris l’ANC, Mandela,
désormais clandestin, décide avec ses compagnons
Mvezo, Afrique du Sud, 1918 de passer à la lutte armée au sein de l’Umkhonto we
Sizwe. Ils sont arrêtés et condamnés à cinq ans de
Natif d’une famille de chefs liée à la famille royale, prison en 1961. Mais en 1964, suite à la découverte de
Rolihlahla Mandela, de son prénom anglais Nelson, nouvelles preuves comme la charte de liberté signée
est né en 1918 dans un petit village d’Afrique du Sud. de sa main, il est condamné à la prison à perpétuité
Après le décès de son père en 1927, il bénéficie de échappant de peu à la peine de mort. Il n’arrête pas
l’aisance financière de son tuteur, ce qui lui permet pour autant la lutte. Dans la seconde moitié des
à la fois de recevoir une éducation européenne mais années 1980, les nombreux problèmes économiques
aussi de faire un parcours scolaire remarquable en et politiques liés aux révoltes orchestrées contre
Afrique du Sud qui le mène de l’école de Clarkebury l’apartheid, poussent le gouvernement du président
en passant par le lycée de Healdtown jusqu’à d’Afrique du Sud, Frederik de Klerk, à la négociation.
l’Université de Fort Hare où il étudie le droit et C’est dans ces années, en 1984, que l’ULB lui
rencontre Oliver Tambo qui le suivra tout au long de décerne le titre de docteur honoris causa, alors qu’il
sa carrière politique. Suite à son renvoi de Fort Hare est toujours emprisonné. Il est finalement libéré
pour avoir osé défendre les droits des Noirs et à son en 1990 après avoir obtenu la certitude que les
refus d’un mariage arrangé, il s’enfuit à Johannesburg Noirs obtiendraient de plus en plus de droits, qu’ils
où il rencontre Walter Sisulu qui allait non seulement pourraient dès lors être élus au pouvoir et que les
devenir son mentor mais aussi influencer tous ses interdictions liées aux partis politiques seraient
choix politiques notamment en ce qui concerne son levées. En 1994, les premières élections multiraciales
adhésion à l’African National Congress (ANC) dont le portent au pouvoir. Il est le premier président
lui-même est membre. Il continue par la suite ses noir élu d’Afrique du Sud. Dès son élection, il met
études de droit par correspondance mais également en place une constitution provisoire. Il se retire en
à l’université de Wittwatersrand. Sa carrière politique 1999 après un seul mandat. Il crée la Fondation
commence dès les années 1940 à la suite de son Mandela  consacrée à la commémoration de cette
adhésion à l’ANC, parti majeur prônant l’idée de lutte pour l’égalité. Actuellement, il consacre son
non-violence et luttant contre l’apartheid, concept existence à la lutte contre le sida, virus auquel son
politique imaginé et soutenu par le gouvernement, fils a succombé. À l’échelle internationale, Mandela
reposant sur la suprématie de la race blanche et la reste toujours le symbole de cette lutte pour le
ségrégation des races dans tous les domaines. Il respect des droits et du combat pour une Afrique
fonde, la même année, avec Walter Sisulu et Oliver du Sud démocratique, matérialisés par le prix
Tambo la Ligue de la jeunesse et participe à de Nobel de la paix avec Frederik de Klerk en 1993.
nombreuses révoltes pacifiques, notamment celle
de 1952 durant laquelle il monte une campagne de
défiance contre le gouvernement, ce qui lui vaut
d’être jugé la même année. Après le massacre de
Sharpeville qui voit, en 1960, la mort de nombreux
manifestants pacifiques ainsi que l’interdiction d’un

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Willy Brandt
Docteur honoris causa 1984 capitale étant alors divisée en quatre parties. Il fait déjà
preuve d’ouverture vers l’Est mais aussi vers l’Ouest
Lübeck, Allemagne, 1913 – Unkel, Allemagne, 1992 avec en tête les États-Unis, position qui se renforce
en 1966 quand Brandt devient ministre des Affaires
Issu du milieu ouvrier des faubourgs de Lübeck, étrangères dans le gouvernement de grande coalition
l’enfance de Karl Herbert Frahm est pauvre et solitaire. de Kiesinger. Évidemment, Brandt, menant une
De 1919 à 1926, il fréquente l’école secondaire et politique très humaine et à l’instar de John F. Kennedy,
poursuit ses études au lycée grâce à une bourse, est aussi conscient de l’importance de la question
obtenant son baccalauréat en 1932. Le jeune Frahm intra-allemande à laquelle il se consacre spécialement
fait très tôt preuve de ses qualités de militant au en tant que chancelier de la RFA entre 1969 et 1974.
sein du mouvement de jeunesse socialiste et comme À partir de 1969, Brandt est à la tête d’un
chroniqueur du Volksbote, de sorte qu’il adhère à gouvernement de coalition libéral-socialiste et mène
l’âge de dix-sept ans et sous la protection de son avec l’aide d’Egon Bahr son Ostpolitik, politique
mentor Julius Leber au SPD (Sozialdemokratische d’ouverture vers la RDA et vers l’Est en général.
Partei Deutschland). Sa grande idole reste néanmoins L’Ostpolitik a sans aucun doute contribué en grande
August Bebel, président du SPD avant la première partie à la chute du Mur en 1989. Cet engagement
guerre mondiale. En 1933, Frahm, antinazi recherché exemplaire en vue d’une paix européenne voire
par la Gestapo, prend le nom de Willy Brandt et part en mondiale lui vaut entre autre l’attribution du prix
exil en Norvège où il commence des études d’histoire Nobel de la paix en 1971. Les mêmes raisons amènent
à Oslo. Deux ans plus tôt, suite à la capitulation du l’ULB à lui attribuer le titre de docteur honoris causa
SPD devant la montée de Hitler, Frahm avait quitté les en 1984. Le geste marquant par lequel il s’excuse
sociaux-démocrates et rejoint le SAP (Sozialistische au nom de l’Allemagne pour son passé nazi est son
Arbeiterpartei). En 1939, une année avant de s’exiler agenouillement devant le monument aux morts du
en Suède, le journaliste Brandt adopte la nationalité ghetto de Varsovie en décembre 1970. En mai 1974, la
norvégienne. Brandt revient en Allemagne après la carrière de Brandt, alors au sommet de sa popularité,
guerre pour assister au procès de Nuremberg en tant prend brutalement fin avec sa démission suite à
que correspondant de la presse norvégienne. Trois l’affaire d’espionnage Guillaume. À la fois chef de
ans plus tard, il reprend la nationalité allemande et cabinet de Brandt et membre des services secrets
s’installe définitivement à Berlin. C’est le début d’une de la RDA, Günter Guillaume profitait en effet de la
brillante mais difficile carrière politique. Victime confiance du chancelier, qui perd alors toute crédibilité
de campagnes de diffamation, on lui reproche un dans cette affaire. De 1976 à 1992, Brandt, auteur de
hypothétique combat contre sa patrie lors de l’entrée nombreux ouvrages politiques et autobiographiques,
des troupes hitlériennes en Norvège en 1940. Le occupe le poste de président de l’Internationale
parcours de Brandt débute lentement en 1948 quand socialiste. En 1987, il quitte définitivement le SPD
il devient représentant du bureau du parti social- suite à des querelles internes mais en reste le
démocrate à Berlin. Il siège parallèlement de 1949 président honoraire jusqu’à sa mort en 1992.
à 1957 au Bundestag et de 1951 à 1971 à la chambre
des députés de Berlin. Sa période faste commence en
1957 avec le poste de bourgmestre de Berlin-Ouest, la

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Simone Veil
Docteur honoris causa 1984 technique, mais elle démissionne rapidement. Le
14 mars 1970, elle est nommée secrétaire générale
Nice, France, 1927 du Conseil supérieur de la magistrature. Quatre ans
plus tard, le président Valéry Giscard d’Estaing la
Simone Veil, née Simone Jacob, est la fille cadette nomme ministre de la Santé. Simone travaille sur
d’une famille juive de quatre enfants. Son père plusieurs réformes, notamment les lois incluant les
André Jacob est architecte. Elle passe son enfance contraceptifs dans les médicaments remboursés par
dans le sud de la France, à Nice. Pendant la seconde la sécurité sociale en 1974, les lois sur la pharmacie
guerre mondiale, le 30 mars 1944, une patrouille vétérinaire, sur les personnes handicapées et sur
de la Gestapo l’arrête et l’envoie avec sa famille à les cosmétiques en 1975, sur la politique familiale et
Auschwitz-Birkenau. Elle n’a que seize ans quand le tabagisme en 1976, sur le prélèvement d’organes
elle entre dans le camp avec sa mère et une de ses en 1977 et sur la protection de la maternité en 1978,
deux sœurs. Elle ne reverra plus jamais son père mais celle qui lui importe le plus est la législation
ni son frère. Elle est ensuite envoyée dans le camp sur l’avortement. Après une longue lutte pour faire
de Bergen-Belsen lors des « marches de la mort ». adopter le projet sur l’avortement, le texte est adopté
Sa mère y meurt le 25 mars 1945, ce qui marque le 15 janvier 1975 et porte le nom de « loi Veil » même
Simone Veil pour le reste de sa vie. À son retour si elle s’y est opposée à plusieurs reprises. Deux ans
en France, on annonce à Simone Veil qu’elle a été plus tard, elle réforme la sécurité sociale. En 1979,
reçue aux épreuves de baccalauréat qu’elle avait Simone Veil quitte le gouvernement pour conduire
passées avant sa déportation. Elle s’inscrit en la liste centriste aux élections européennes. Elle est
sciences politiques à l’Institut d’études politiques élue députée et devient la première présidente du
de Paris ainsi qu’en droit à la Sorbonne. Elle Parlement européen pour trois ans. Puis de 1982 à
rencontre Antoine Veil en février 1946 et l’épouse 1984, elle est présidente de la commission juridique
en octobre, le couple a rapidement deux enfants, du Parlement. En 1984, elle parvient à imposer et à
Jean et Nicolas, puis Pierre-François en 1954. mener une liste unique de l’opposition aux élections
européennes, qui recueille 43% des voix. Elle-même
Simone Veil est nommée attachée titulaire à la est réélue députée. En 1993, Édouard Balladur propose
direction de l’administration pénitentiaire au ministère à Simone Veil le poste de ministre de la Santé, des
de la Justice en 1957 dans le gouvernement de Guy Affaires sociales et de la Ville, poste qu’elle occupe
Mollet. Elle visite un grand nombre de prisons pour jusqu’aux présidentielles suivantes. Elle devient
vérifier les conditions de détention des prisonniers. ensuite membre du Conseil constitutionnel de 1998 à
Elle est dépêchée en Algérie lors du conflit franco- 2007. Simone Veil est également présidente d’honneur
algérien pour inspecter les prisons algériennes de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Dans la
et faire un rapport. Elle est affectée en 1964 à la foulée de la publication de ses mémoires, sobrement
direction des affaires civiles où elle s’occupe de la intitulés Une Vie, elle est élue à l’Académie française
réforme sur le texte de loi de l’adoption. En 1969, elle en novembre 2008. La même année, elle accepte la
intègre le cabinet du garde des sceaux René Pleven présidence du conseil de direction du fonds au profit
membre du parti CDP (Centre démocratie et progrès), des victimes de la Cour pénale internationale.
alors ministre de la Justice, en tant que conseillère

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Paul Delvaux
Docteur honoris causa 1979 grande influence qui s’exerce sur lui dans les années
1930 est celle du musée du docteur Spitzner à la foire
Antheit, Belgique, 1897 – Furnes, Belgique, 1994 du Midi, dont il s’inspire pour un certain nombre de
ses œuvres, notamment ses travaux consacrés aux
Issu d’une famille modeste, Paul Delvaux est né dans squelettes. Ce n’est qu’à la découverte des peintures
un petit village près de Huy. Son père, Jean Delvaux de De Chirico et de Magritte à l’exposition Minotaure
est avocat et poursuit sa carrière à Bruxelles, où Paul qu’il développe le genre surréaliste. Ses œuvres seront
passe toute sa jeunesse, éduqué par sa mère Laure constamment influencées par la littérature de Jules
Jamotte. À l’école primaire, au cours de musique, il a Verne, mais aussi par le souci de représenter des choses
pour camarade Robert Giron, futur peintre également qui lui étaient familières et qui lui rappelaient son
et ami de toute une vie. Ses humanités achevées, ses enfance. C’est ainsi que, parmi celles-ci, on retrouvera
parents, conscients qu’il ne deviendra jamais avocat, toujours des gares semi-désertes, des architectures
l’inscrivent à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles en à colonnes dues à une influence de l’Antiquité, des
section architecture. Mais Paul Delvaux qui a développé femmes répétées à l’identique et à l’infini, nues errant
une véritable passion pour le dessin, désapprouve ce et ne se regardant jamais, passant à côté d’hommes
choix et, à la suite de son échec dans cette section, habillés qui ne semblent jamais les voir. On retrouvera
décide d’arrêter et part faire son service militaire. À la aussi des squelettes. Ces thèmes lui permettent ainsi de
fin de la guerre, après avoir travaillé dans une firme de développer un univers onirique fait d’images de rêveries
navigation fluviale, il part avec ses parents à Zeebrugge où règne un érotisme distancié, teinté d’une poésie,
où il rencontre un peintre de grande notoriété, Constant qui permet au spectateur de rentrer dans un univers
Montald, dont il reprendra les compositions de nus et parallèle à celui du temps présent, où prime la vérité
l’importance du paysage. Celui-ci voyant son talent, et la recherche d’un réel et dans lequel tout le monde
convainc ses parents de l’inscrire à l’Académie des pourrait lire le message qu’il veut et s’y retrouver sans
beaux-arts de Bruxelles en section peinture. C’est pour autant oublier la réalité de notre monde. Professeur
là qu’il poursuit ses études de 1920 à 1924 et reçoit à l’École nationale supérieure d’arts et d’architecture de
une formation de peinture classique. Au cours de ces Bruxelles de 1950 à 1962, il participe à de nombreuses
dernières années d’enseignement, il suit les cours du expositions qui lui permettent de faire connaître ses
soir de Jean Delville et peint de nombreuses œuvres œuvres à travers le monde. En 1983, ne voyant plus
au Rouge-Cloître, abbaye près de la forêt de Soignes, les couleurs, il réalise sa dernière œuvre. Il est nommé
où il rencontre Alfred Zastien qui allait devenir son chef de gare honoraire de Louvain-la-Neuve en 1984.
maître. Après ces quelques années de formation, Paul
Delvaux, au contact d’un certain nombre d’artistes, C’est pour la création d’un tout autre univers
développe divers styles picturaux tout en gardant qui permettait de rêver que Paul Delvaux a reçu
des thèmes constants. Dans ses débuts, il décide de nombreux honneurs et prix comme celui de
de prendre part au style néo-impressionniste dont la Légion d’honneur en 1976 et celui de docteur
il ne gardera aucune œuvre. Par la suite, subissant honoris causa de l’Université libre de Bruxelles
l’influence de peintres flamands de grande notoriété en 1979. Une fondation Paul Delvaux, regroupant
tels que Permeke et De Smet, il s’impose dans la toutes ses œuvres, fut également créée à Saint-
peinture expressionniste flamande. Cependant, la Idesbald, près de Coxyde, en 1979-1980.

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Maurice Béjart
Docteur honoris causa 1979 cours. Apprenant qu’on cherche des danseurs à
Vichy, il s’y rend et obtient un tout petit rôle dans
Marseille, France, 1927 – Lausanne, Suisse, 2007 un ballet. Il y fait la rencontre de Jean Laurent,
organisateur de spectacles de danse mais également
Issu d’une famille modeste d’ascendance sénégalaise, de galas dans toute la France. Sur ses conseils, il
Maurice Berger (de son nom de scène Maurice se dirige à Paris où il rencontre d’innombrables
Béjart, en hommage à la femme de Molière, Armande professeurs avec lesquels il acquiert les principes
Béjart) est né dans un petit quartier de Marseille fondamentaux de la danse académique.
où il passera toute sa jeunesse. À la suite du décès
de sa mère en 1934, il est élevé par son père, le En 1948, il fait la connaissance de Roland Petit,
philosophe, Gaston Berger. Rêvant d’être metteur en créateur des Ballets de Paris, qui lui donne sa
scène, il réalise déjà enfant de petites mises en scène chance. Il poursuit son chemin à Londres, où il
qui seront non seulement le point de départ de ses intègre la troupe de l’International Ballet de Mona
grandes œuvres mais aussi des espaces de rencontre Inglesby. Il participe dès lors à d’innombrables
qui lui permettent de se lier d’amitié avec des gens représentations à travers le monde notamment en
qui le suivront toute sa vie, comme sa cousine Suède où il prend part à la réalisation d’un film.
Joëlle Berger qui devient par la suite responsable Après avoir rempli ses obligations militaires, il
des costumes et des décors de tous ses ballets. décide de fonder à Paris les Ballets Romantiques qui
deviendront en 1954, les Ballets de l’Étoile, troupe
Au cours de son parcours scolaire, Maurice Béjart avec laquelle il fera de grandes tournées. En 1957,
fréquente différents établissements qui lui donnent les Ballets de l’Étoile deviennent le Ballet-Théâtre
l’occasion de développer de nombreuses passions de Maurice Béjart. C’est à cette date que Béjart
mais également de suivre un certain nombre de décide d’arrêter sa collaboration avec Jean Laurent
cours. C’est ainsi que, dans un premier temps, il et de prendre comme agent le comte Pimentel qui
étudie le théâtre mais aussi le chant. Il effectue, par va provoquer la banqueroute de la compagnie.
la suite, ses études à l’école et au lycée du Sacré-
Cœur de Marseille où il obtient son baccalauréat. Endetté, Béjart quitte Paris pour Bruxelles. La
Néanmoins, voulant faire honneur à son père, il rencontre avec Maurice Huisman, directeur du Théâtre
s’inscrit à la Faculté d’Aix-en-Provence où il décroche, royal de la Monnaie, s’avère décisive ; ce dernier lui
en 1945, deux certificats de licence de philosophie. propose d’y créer des chorégraphies. Béjart crée
C’est durant ces années d’études, sur les conseils alors la compagnie du Ballet du XXe siècle, qui va
de son médecin et en raison de sa maigreur, qu’il donner lieu à un rayonnement important pour la
suit en parallèle des cours de danse privés, dans danse en Belgique, pendant les vingt-sept années
le quartier du Vieux-Port, à la suite desquels il qu’il y demeure. Metteur en scène et danseur à
intègre le corps de ballet de l’Opéra de Marseille. la fois, il réussit à créer par sa danse un nouveau
monde où se mélangent danse et paroles tirées de
Quelques temps plus tard, déterminé à quitter musiques contemporaines. C’est également sur
Marseille, il part à Monte-Carlo. À défaut de faire base de sa connaissance des mythes occidentaux
partie de la troupe, il suit un certain nombre de et orientaux, acquise le long de son parcours à

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travers le monde, qu’il puise ses idées pour créer un
univers onirique, au sein duquel se retrouvent ses
thèmes de prédilection : l’amour sous sa forme la
plus absolue, la liberté de l’esprit et du mouvement.

En 1987, après le départ de Maurice Huisman,


Béjart quitte Bruxelles avec sa troupe et s’installe
à Lausanne où il crée le Béjart Ballet Lausanne.
Il y fonde également l’École Rudra pour jeunes
danseurs qui avait été précédée par celle de
Bruxelles, l’École Mudra, mise sur pied en 1970 et
par celle de Dakar appelée Mudra-Afrique. Pour
sa contribution artistique universelle, Maurice
Béjart reçoit en 1979 le titre de docteur honoris
causa de l’Université libre de Bruxelles.

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Salvador Allende
Docteur honoris causa 1975 rédacteur du Bulletin médical du Chili. En 1933, il
participe à la fondation du Parti socialiste, dont il
Valparaiso, Chili, 1908 – Santiago, Chili, 1973 est élu député de sa circonscription natale en 1937.
Un an plus tard, il est désigné ministre de la Santé
Issu d’une famille modeste et d’un milieu imprégné et il œuvre à la production et à la distribution de
de politique, Salvador Allende est né dans un petit médicaments contre les maladies vénériennes,
village du Chili où il passe toute sa jeunesse et une la réduction du nombre de morts liés au typhus,
bonne partie de sa carrière d’homme politique. l’allocation de deux millions de pesos aux centres
Initié dès son plus jeune âge aux idées libérales et d’hygiène publique, l’extension du service dentaire
progressistes propres à son grand-père et à son père, dans les écoles et la mise en place de restaurants
il est très vite attiré par les principes du socialisme universitaires pour les étudiants, ainsi qu’à la création
marxiste qu’il développe et défend tout au long de d’un comité d’aide aux républicains espagnols.
sa vie. Il réalise un parcours scolaire remarquable,
le menant de l’école primaire de Valparaiso au lycée Élu du Parti socialiste, il se consacre pendant deux
de l’Institut national de Santiago où, après y avoir décennies au travail de sénateur de plusieurs
réussi ses études secondaires, il accomplit son régions, entre sa première élection en 1945 et
service militaire dans la cavalerie. Par la suite, décidé 1966, lorsqu’il est nommé président du Sénat. En
à mener à bien des études de médecine, il s’inscrit à 1970, il est élu président du Chili sous l’étiquette
l’Université du Chili où il participe à des cours du soir de l’Unité populaire, la coalition de gauche. Il lance
donnés par la Fédération des étudiants à laquelle il un programme de réformes sociales basé sur une
adhère et dont il deviendra le vice-président. Pendant réforme agraire et une nationalisation des entreprises
ces années, il se distingue comme un membre ainsi que sur une amélioration du mode de vie du
actif, très engagé dans la vie estudiantine. Il est élu peuple chilien. Son ambition est de permettre une
président des étudiants en médecine, et se passionne redistribution équitable de la terre, d’augmenter
pour les idées nouvelles du marxisme à travers la la production agricole, de récupérer les richesses
révolution d’Octobre et la fréquentation d’un vieux nationales aux mains du capital étranger et de relever
cordonnier d’origine italiennne, Juan Demarck. Ces le niveau de vie des travailleurs pour défendre leurs
idées l’amènent à diriger un groupe d’étudiants intérêts de manière à ce que ceux-ci puissent avoir
d’orientation marxiste appelé Avance. Mais à la suite un revenu plus élevé qui leur permettrait de vivre
de nombreuses manifestations – dont l’une entraîne selon la dignité humaine. Mais, ayant réalisé ces
la chute du général président Carlos Ibáñez en réformes et rétabli les relations diplomatiques avec
1931 –, il est arrêté et expulsé de l’université. Malgré Cuba et Pékin, il se heurte de plein fouet aux États-
cela, ses bons résultats et ses nombreux stages Unis – qui ont investi beaucoup d’argent dans les
internes lui permettent d’obtenir son diplôme. entreprises chiliennes et qui craignent que l’arrivée
d’un président communiste au pouvoir influence
Ne trouvant pas de place dans les hôpitaux, il d’autres pays d’Amérique latine –, ainsi qu’aux
débute sa carrière comme assistant d’anatomie classes moyennes et bourgeoises qui perdent non
pathologique et organise la Revue de médecine seulement leur pouvoir mais aussi leurs avantages.
sociale à Valparaiso où, par la suite, il devient

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Afin de sauvegarder de leurs intérêts, les États-
Unis décident le blocus économique du pays, ce qui
provoque une inflation galopante, difficile à endiguer
car la productivité chute et le gouvernement est
incapable de maîtriser le déficit budgétaire qu’il
avait laissé filer pour financer les réformes. Des
révoltes et des grèves éclatent, notamment celle des
camionneurs, ce qui n’empêche pas Allende d’obtenir
la majorité au suffrage de 1972. L’année suivante, la
démission du général de l’armée Prats pousse Allende
à nommer Augusto Pinochet à la tête de l’armée. Le
11 septembre 1973 à 9h du matin, Pinochet, piloté,
soutenu et financé par les États-Unis, tente un coup
d’État militaire contre le président ; l’armée assiège le
palais présidentiel, que l’aviation bombarde. Allende
s’adresse une dernière fois au peuple chilien, clamant
son refus de démissionner face à la force. Conscient
que toute tentative d’échapper du palais se solderait
par un assassinat déguisé en accident, il se suicide
dans le bureau présidentiel du palais de la Moneda.

C’est pour son idéal de démocratie politique et


pour sa volonté de transformer par des voies
pacifiques la société chilienne qu’il reçoit à titre
posthume, le titre de docteur honoris causa
de l’Université libre de Bruxelles en 1975.

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U Thant
Docteur honoris causa 1967 d’emblée comme médiateur entre les États-Unis et
l’Union soviétique. À la même époque, il participe
Pantanaw, Birmanie, 1909 – à la résolution de la crise congolaise, puis établit
New York, États-Unis, 1974 le cessez-le-feu de Chypre l’année suivante. Lors
du conflit indo-pakistanais en 1965, il instaure un
Maha Thray Sithu U Thant étudie à l’école secondaire cessez-le-feu et envoie une mission d’observation.
nationale de Pantanaw et poursuit ses études d’art et Pendant la guerre du Vietnam, il essaye de stabiliser
de sciences à l’Université de Rangoon. Lorsque son les rapports entre les deux gouvernements mais
père meurt en 1928, il décide de devenir professeur son intervention échoue. Il est réélu pour un second
à l’école où il avait été élève. Il devient directeur mandat en tant que secrétaire des Nations unies sous
de cette même école en 1931 après avoir passé un la recommandation du Conseil de sécurité en 1966.
concours du professorat du second degré. Avant En 1967, l’Égypte demande au Nations unies de retirer
la seconde guerre mondiale, il est membre du les casques bleus de son territoire. U Thant s’exécute
Comité birman des manuels scolaires, du Conseil craignant pour la sécurité des soldats de l’ONU. En
national de l’éducation et du comité exécutif de 1971, au terme de son second mandat, il décide de ne
l’Association des directeurs d’école. Il est nommé plus poursuivre. U Thant décède à l’âge de soixante-
secrétaire du Comité birman pour la réorganisation de cinq ans des suites d’un cancer. Quand son corps est
l’enseignement en 1942 mais reprend son travail de rapatrié en Birmanie, des étudiants s’en emparent
directeur de l’École secondaire nationale un an après et l’enterrent dans un mausolée de l’Université de
pour une période de quatre ans. Faisant valoir ses Rangoon avant que la police ne déplace le corps dans
notions de journalisme, il devient en 1947 directeur une tombe privée et scellée. Bien qu’U Thant ait usé
des services de presse du gouvernement. Il exerce de son influence de secrétaire général, il est souvent
ensuite la fonction de directeur de la radiodiffusion apparu neutre, voire effacé dans certains moments,
en 1948. Sa carrière professionnelle est très riche. hésitant souvent à rentrer en conflit avec une des
Après un passage au ministère de l’Information, il grandes puissances membres de l’organisation.
devient en 1957 le représentant birman permanent Bouddhiste de religion, il est reconnu comme étant
à l’ONU en tant qu’ambassadeur. Il mène aussi un homme calme et méditant quotidiennement.
la délégation birmane à l’assemblée générale et,
en 1959, il est le vice-président de la quatorzième
assemblée générale. Deux ans plus tard, il est
nommé président de la commission de conciliation
des Nations unies pour le Congo et président du
Comité pour un fonds d’équipement des Nations
unies. Il est nommé secrétaire général par un vote
de l’assemblée générale le 30 novembre 1962 et
reprend le mandat inachevé de Dag Hammarskjöld
dans un contexte international marqué par la guerre
froide. Il s’efforce de trouver des solutions à la
crise des missiles de Cuba en 1962 où il s’impose

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Baudouin de Belgique
Docteur honoris causa 1959 de l’unité du pays, la structure de l’État belge sera
profondément modifiée au fil de son règne. Les
Laeken, Belgique, 1930 – Motril, Espagne, 1993 querelles linguistiques ont conduit l’État unitaire
à se doter d’une frontière linguistique, de trois
Baudouin de Belgique est le deuxième enfant et régions et de trois communautés. La constitution
premier fils du roi Léopold III et de la reine Astrid de de la Belgique, monarchie parlementaire, exige
Suède. Cadet de Joséphine-Charlotte et aîné d’Albert, que les actes officiels du roi soient soumis au
son enfance est marquée par le décès accidentel de contrôle du gouvernement. Cependant, loin de
sa mère à l’âge de cinq ans. Dans sa jeunesse, il vit considérer sa fonction comme protocolaire, le roi
les années de guerre principalement en Belgique, Baudouin a exercé une forte influence sur le monde
alors que l’immédiat après-guerre, marqué par la politique au cours de ses quarante-deux ans de
question royale, voit la famille royale s’installer règne. Il a, par exemple, régulièrement dénoncé le
en Suisse jusqu’en juillet 1950. Les résultats et les racisme et la xénophobie dans ses discours, s’est
événements qui suivent la consultation populaire toujours refusé à recevoir quelque représentant
de mars 1950 contraignent Léopold III à se retirer. de l’extrême-droite (Front national et Vlaams
Blok). Le roi meurt d’un arrêt cardiaque à l’âge de
Nommé prince royal le 11 août 1950, Baudouin devient 63 ans. Sans héritier direct, son frère Albert lui
le cinquième roi des Belges le 17 juillet 1951, au succède sur le trône de Belgique le 9 août 1993.
moment de l’abdication de son père. Politiquement,
les dix premières années de règne du jeune roi sont
marquées tour à tour par la question scolaire (1954-
1958), la création de la CECA (1951) et de la CEE
(1957), l’exposition universelle de Bruxelles (1958)
et l’indépendance du Congo belge (1960). Sur le
plan familial, Baudouin épouse le 15 décembre 1960
doña Fabiola de Mora y Aragon, union dont ne naîtra
aucun enfant. En 1976, à l’occasion des célébrations
de ses vingt-cinq ans de règne, le souverain crée la
Fondation Roi-Baudouin. Gérant encore de nos jours
de nombreux fonds d’entreprises et fonds nominatifs,
son objet est l’amélioration des conditions de vie
de la population sur les plans économique, social,
culturel et scientifique, tant à court qu’à long terme.
Ses fortes convictions catholiques conduisent le roi
Baudouin à refuser de sanctionner la loi proposant la
dépénalisation de l’avortement en 1990. Une astuce
constitutionnelle permet toutefois au conseil des
ministres, constatant son impossibilité de régner
du 3 au 5 avril, d’avaliser la loi. Bien que défenseur

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 99


William Fulbright
Docteur honoris causa 1958 Fulbright resolution, une proposition de mise en
place d’un organisme international de maintien de la
Sumner, États-Unis, 1905 – paix, précurseur des Nations unies. En 1944, il est élu
Washington, États-Unis, 1995 sénateur de l’Arkansas, supplantant Homer Adkins, le
gouverneur à l’origine de son éviction de l’Université
Le père de William, Jay Fulbright, est un banquier, d’Arkansas. Sa carrière au Sénat se poursuit jusqu’en
un homme d’affaires, un fermier prospère et le 1974. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, il
propriétaire d’un journal pour lequel sa mère, propose une loi organisant un programme d’échanges
Roberta Waugh, est chroniqueuse. William grandit scolaires et scientifiques internationaux qui est
à Fayetteville en Arkansas. Il entre à l’université à acceptée à l’unanimité et signée par le président
l’âge de 15 ans et en sort muni d’un Bachelor of Arts Truman en août 1946. Le programme démarre la même
en sciences politiques en 1925. Ayant obtenu une année et rencontre instantanément un franc succès.
bourse afin de poursuivre ses études à l’étranger, il Dès ce moment et jusqu’en 1995, plus de 250 000
choisit l’Université d’Oxford, où il obtient un Master personnes ont bénéficié des aides du programme
of Arts trois ans plus tard. Ce séjour à l’étranger allait Fulbright. En 1949, William Fulbright intègre la
considérablement inspirer la suite de sa carrière. commission des affaires étrangères du Sénat et en
À son retour, William Fulbright étudie le droit à devient le président de 1959 à 1974, établissant ainsi
l’Université George Washington de Washington DC. Il un record de longévité. Sa carrière sénatoriale est
y rencontre Elizabeth Williams, une militante socialiste marquée par quelques actes en rupture avec la ligne
originaire de Philadelphie, qu’il épouse en 1932. de conduite politique américaine de l’époque. Tout
Deux ans plus tard, William Fulbright décroche son en soutenant la politique du président Truman, il
diplôme de droit et est engagé à la division antitrust fait en effet clairement part de ses idées. En 1950,
du département de la Justice. Il occupe également craignant un nouveau conflit mondial, il s’oppose
un poste de professeur de droit à l’Université de vainement à l’intervention des États-Unis en Corée et
Washington. À partir de 1936, il enseigne le droit au début de l’année suivante demande le retrait des
à l’Université d’Arkansas. De 1939 à 1941, il est forces armées. En 1954, il vote contre le financement
président de cette université. Âgé d’à peine 34 ans, il de la commission McCarthy, un programme de
est le plus jeune recteur d’université de tous les États- localisation d’éventuels espions communistes au sein
Unis. En 1941, le nouveau gouverneur de l’Arkansas, de l’administration américaine. C’est d’ailleurs lui qui
Homer Adkins, assouvissant une vengeance rédigea la motion de censure qui mit un terme définitif
personnelle, persuade le conseil d’administration à la carrière du sénateur Joseph McCarthy. Enfin,
de demander la démission de Fulbright dont la mère il s’oppose activement à l’invasion de la Baie des
avait discrédité Adkins dans le journal familial. Cochons proposée par le président J.F. Kennedy en
William Fulbright refuse et est démis de ses fonctions 1961. Opposé à toute idée de guerre, Fulbright admire
le 9 juin de la même année. Il entame sa carrière la prudence du président Dwight D. Eisenhower
politique l’année suivante en décrochant un mandat et recommande à ses successeurs J.F. Kennedy et
à la Chambre des représentants. En janvier 1943, il Lyndon B. Johnson d’adopter la même attitude.
entre au Congrès. Il fait parler de lui en septembre Lorsque la guerre du Vietnam éclate, il introduit, à
de la même année lorsque la Chambre adopte la la demande du président, une motion approuvant le

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bombardement du Vietnam, un geste qu’il sera amené
à regretter devant l’imbroglio qui devait suivre. Il joue
aussi un rôle crucial comme président des auditions
du Sénat sur la politique américaine et la conduite du
conflit. Après cinq mandats de sénateur de l’Arkansas,
William Fulbright perd les élections primaires de 1974
au profit de Dale Bumpers. Il devient alors conseiller
pour le cabinet d’avocats Hogan & Hartson et se
consacre activement au programme d’échanges qu’il
a mis en place. Il reçoit entre autres le titre de docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles en
1958 et, en 1993, la Presidential Medal of Freedom
des mains du président Bill Clinton qui n’a jamais
caché son admiration pour celui qui a été, comme
lui, gouverneur de l’Arkansas. Il quitte le cabinet
d’avocats Hogan & Hartson en octobre 1994. Un
an auparavant avait été créé le prix Fulbright pour
la compréhension internationale (Nelson Mandela
en est le premier lauréat). William Fulbright s’éteint
à son domicile de Washington le 9 février 1995.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 101
Trygve Lie
Docteur honoris causa 1951 de ministre des Affaires étrangères en octobre 1945.
C’est en cette qualité qu’il préside la délégation
Oslo, Norvège, 1896 – Geilo, Norvège, 1968 norvégienne à la première session de l’Assemblée
générale des Nations unies qui se tient à Londres, en
Trygve Lie est le fils de Martin Lie et de Hulda 1946. Le 1er février 1946, il est élu premier secrétaire
Arnesen. Il grandit dans une famille modeste, son général de l’ONU, pour une période de 5 ans. Le
père est charpentier et décède très jeune. Lie adhère 1er novembre 1950, l’assemblée générale décide
à l’Organisation de la jeunesse du Parti travailliste de prolonger son mandat de 3 ans. Mais, le 10
en 1911. À l’âge de seize ans, il est élu, au lycée, novembre 1952, il remet sa démission de secrétaire
président de la section d’Aker (un faubourg d’Oslo) général sous la pression soviétique à cause de ses
du Parti et ce, de 1914 à 1919. Il fait des études de positions pendant la guerre de Corée. Le suicide de
droit à l’Université d’Oslo avec l’aide d’une bourse son conseiller juridique, à la suite d’investigations
et d’un travail de coursier pour financer ses études auprès du personnel de siège de l’ONU à New York,
qu’il termine en 1919. Cette année-là, il est secrétaire influence également sa décision. Le 10 avril 1953,
adjoint du Parti travailliste norvégien jusqu’en Dag Hammarskjöld, un diplomate suédois, prend
1922. De 1922 à 1935, il est conseiller juridique de sa succession. Rentré en Norvège, Trygve Lie y
la fédération des syndicats. Il est nommé secrétaire assume successivement les fonctions de ministre
exécutif du parti en 1926. Il résout de nombreux de l’Industrie (1963) puis du Commerce (1964-1965).
conflits sociaux, entre patronat et ouvriers. Il Il décède à l’âge de 72 ans, le 30 décembre 1968.
permet à Léon Trotski de se réfugier en Norvège
après que celui-ci ait été expulsé d’URSS et de
France. De 1935 à 1939, il est ministre de la Justice
dans le gouvernement de Johan Nygaardsvold,
du Parti travailliste. De 1939 à 1940, il obtient le
portefeuille de l’Industrie, de la Marine marchande
et des Pêcheries. Lors de l’invasion allemande de la
Norvège, le gouvernement norvégien se réfugie à
Londres et Trygve Lie est nommé ministre des Affaires
étrangères en exil, par intérim en 1940 puis en titre
un an plus tard. Il se distingue comme diplomate
pendant la guerre grâce à ses bons rapports avec
les Anglais, les Américains et les Soviétiques. En
tant que ministre des Affaires étrangères, il préside
la délégation norvégienne à la Conférence des
Nations unies de San Francisco (avril – juin 1945), où
est signée la Charte des Nations unies. Il y préside
la commission chargée de rédiger le chapitre de
la Charte traitant du Conseil de sécurité. Après la
libération de son pays, il est confirmé à son poste

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 102
William Lyon Mackenzie King
Docteur honoris causa 1947 de 22 ans, record jusqu’ici inégalé au Canada. Ses
différents mandats se confondent avec l’histoire de
Berlin, Canada, 1874 – Kingsmere, Canada, 1950 son pays. Aux prises avec les répercussions de la
crise économique de 1929, il élabore un programme
Issu d’une famille libérale et aisée, William Lyon de lutte contre le chômage fortement inspiré du
Mackenzie King est certainement l’un des hommes New Deal de Roosevelt. En politique intérieure, il
politiques canadiens les plus importants du XXe siècle. penche pour une autonomie accrue du Canada, mais
Son grand-père maternel, William Lyon Mackenzie, sans aller cependant jusqu’à soutenir explicitement
fut le premier maire de Toronto et le fer de lance de la l’indépendance du pays au sein du Commonwealth,
Rébellion des patriotes qui souleva le Haut-Canada ce que d’aucuns lui reprochent amèrement. Sa ligne
contre les colons britanniques en 1837-1838. Comme de conduite hésitante en la matière est illustrée par
son père, le jeune King s’oriente vers les études de droit l’entrée en guerre du Canada en 1939 : d’un côté, il
et décroche en 1896 un diplôme de Osgoode Hall, une procède hâtivement à une mobilisation des troupes,
école de droit liée à l’Université de Toronto. Il poursuit de l’autre, il s’en remet à la souveraineté du Parlement
sa formation à l’Université de Harvard où il obtient un pour voter la déclaration de guerre officielle, qui
Master of Arts en économie politique en 1898. Il rédige intervient une semaine après celle de la Grande-
l’année suivante une thèse de doctorat sur les relations Bretagne. Partisan d’une politique de neutralité et
de travail dans l’industrie textile aux États-Unis, au d’apaisement avec l’Allemagne, il tente à plusieurs
Canada et en Angleterre, qui ne sera soutenue qu’en reprises d’éviter la conscription généralisée, laquelle
1909 à l’Université de Harvard. Entre-temps, il devient cristallisait les oppositions entre francophones
journaliste mais préfère rapidement embrasser une et anglophones et avait déjà précipité sa défaite
carrière politique au sein du Parti libéral. Élu député en électorale en 1917. Il finit toutefois par l’adopter en
1908, il obtient dans la foulée le portefeuille du Travail avril 1942 en limitant sa portée à l’échelle nationale.
au sein d’un gouvernement dirigé par son mentor, le Fin 1944, il fait voter un décret de conscription
francophone Sir Wilfried Laurier. Défait aux élections généralisée qui écorne sa popularité mais a peu
générales de 1911, King abandonne provisoirement la d’effets concrets du fait de la fin de la guerre.
politique et devient expert en relations industrielles
auprès de la Fondation Rockefeller, prodiguant des Instigateur d’un programme de reconstruction du
conseils de conciliation pour la gestion des grèves. pays marqué par les principes interventionnistes de
C’est à cette époque qu’il rédige un ouvrage tiré de son l’État-providence, King se détache progressivement
expérience de consultant et perçu plus tard comme un de la vie politique après la guerre non sans s’être
livre-programme : Industry and Humanity: A Study in assuré de la stabilité économique et de l’unité
the Principles Underlying Industrial Reconstruction. politique du pays. Il décède d’une pneumonie
dans sa résidence d’été de Kingsmere en 1950.
King entame son retour en politique en 1919 en prenant
la succession de Wilfried Laurier à la tête du Parti
libéral. C’est le début d’une carrière au sommet qui ne
s’achèvera que par sa retraite en 1948. Il est nommé
premier ministre à six reprises pour une durée totale

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 103
Franklin D. Roosevelt
Docteur honoris causa 1945 fin de la guerre, il se rend en Europe pour assurer
la démobilisation de la Marine et il participe aux
New York, États-Unis, 1882 – conférences de paix avec le président Wilson. En
Warm Springs, États-Unis, 1945 1920, le Parti démocrate propose sa nomination
à la vice-présidence et il tente dès lors de faire
Issu d’un milieu aisé, Franklin Delano Roosevelt est rentrer les États-Unis dans la Société des nations.
le fils unique de James Roosevelt, fervent démocrate, Cette proposition est rejetée par le Sénat et, après
vice-président des chemins de fer de l’Hudson et de la nomination du président républicain Harding,
Sarah Delano, riche new-yorkaise. Ceux-ci éduquent Roosevelt s’éloigne de la vie publique. Terrassé par
leur fils unique dans la tradition aristocratique une grave crise de poliomyélite, il entame un long
anglaise, en lui adjoignant un précepteur et en processus en vue de recouvrer l’usage de ses jambes.
l’emmenant avec eux dans leurs voyages à travers Malgré son handicap, et sur les conseils de sa femme,
l’Europe. Le jeune Franklin évolue dans un univers il décide en 1924 de faire son retour sur la scène
dominé par des adultes jusqu’à ses 14 ans, quand il politique en soutenant la candidature d’ Al Smith au
entre dans la très stricte école privée de Groton, dans poste de gouverneur de l’État de New York. En 1928
le Massachusetts. Il fait son entrée à l’Université de le poste est à nouveau vaquant et les démocrates
Harvard en 1900, et devient rapidement l’éditeur du poussent Roosevelt à se présenter. Il l’emporte à
journal universitaire. À cette période, il rencontre une courte majorité et figure désormais en bonne
Eleanor Roosevelt, une cousine éloignée avec qui il place sur la liste des nominés démocrates pour la
se fiance en 1904 et qu’il l’épouse l’année suivante, présidence. Quand, en 1929, la Grande Dépression
raison pour laquelle il ne finit pas le cursus qu’il a s’abat sur les États-Unis, Roosevelt sait se montrer
entamé à la Columbia Law School. Une fois passé plus habile que le président Herbert Hoover en
son examen au barreau, il est reçu avocat en 1907 mobilisant les ressources de son État pour assurer
et entre dans un cabinet new-yorkais. Il fait ses une sécurité minimum aux nécessiteux. Candidat du
débuts en politique en 1910, quand les démocrates Parti démocrate, il est élu avec une majorité écrasante
du Dutchess County le poussent à présenter sa lors des élections du mois de novembre et entame son
candidature au Sénat. Il remporte les élections et le premier mandat le 4 mars 1933. Épaulé par ce qu’il
siège de l’État de New York, où il s’impose comme le appelle son Brain Trust, sa première action consiste
leader de l’opposition démocrate. Lors des élections à décréter un congé national pour toutes les banques
de 1912, il tombe malade, ce qui l’exclut de la et à les placer sous contrôle fédéral. Dans les mois
campagne. L’année suivante, le nouveau président et les années qui suivent, il met en place un train
Woodrow Wilson, que Roosevelt avait énergiquement de réformes (le New Deal) qui visent à redynamiser
soutenu, lui offre le poste d’assistant secrétaire l’économie américaine. Elles sont une réussite sur le
à la Marine. Cette nouvelle affectation l’amène à plan social, ce qui lui vaut d’être réélu le 3 novembre
s’installer à Washington, où il acquiert la réputation 1936. En 1939, alors que l’Europe est au bord du
d’un démocrate progressiste prometteur. Bien qu’il chaos, Roosevelt est partagé entre l’isolationnisme et
soit battu par le Tammany Hall lors des élections l’implication directe dans la guerre. Après l’invasion
sénatoriales de 1914, il se consacre à sa fonction de la France, il choisit le compromis en fournissant
qui consiste à préparer la Marine à la guerre. Àla une aide logistique à la Grande-Bretagne. Cette

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politique de « neutralité active » se développe lors
de son troisième mandat entamé en 1941 avec l’envoi
de destroyers en Atlantique et l’afflux de matériels
militaires aux pays alliés. Il impose un embargo
sur le Japon, espérant que la diminution de leurs
réserves de carburant arrêterait l’avancée des armées
nippones en Chine. Cette décision conduit à l’attaque
surprise de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, au
cours de laquelle la flotte américaine du Pacifique
est pratiquement réduite à néant. Roosevelt, comme
l’opinion américaine, est furieux et choqué. Rompant
totalement avec la tradition isolationniste, il ordonne
dès le lendemain au Congrès de décréter l’état de
guerre. Après une année 1943 difficile, les succès
remportés par les Alliés en Italie provoquent la chute
du régime de Mussolini, laissant la possibilité de
planifier la libération de l’Europe. L’opération Overlord
a lieu le 6 juin 1944, réalisant le vœu de Staline
de voir s’ouvrir un second front à l’Ouest. Après la
conférence de Yalta en février 1945, Roosevelt, qui
avait remporté un quatrième et exceptionnel mandat
présidentiel au début de l’année, retourne faire une
cure à Warm Springs en Georgie au mois de mars. Il
est terrassé, victime d’une hémorragie cérébrale.

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Winston Churchill
Docteur honoris causa 1945 La guerre terminée, son itinéraire politique
devient plus sinueux. Ses changements
Blenheim, Angleterre, 1874 – d’allégeance (il repasse en 1924 des libéraux aux
Londres, Angleterre, 1965 conservateurs) et sa versatilité ne contribuent
pas à convaincre les électeurs. En 1938, sa
Winston Churchill est le fils d’un descendant du duc popularité et sa crédibilité sont au plus bas.
de Marlborough et de la fille du propriétaire du New La situation s’inversera deux ans plus tard.
York Times. Américain par sa mère, il cultive ce goût
des liens transatlantiques tout en appartenant à En mai 1940, au terme de la Drôle de Guerre, le
l’aristocratie britannique la plus titrée. C’est un élève roi fait appel à Winston Churchill pour former un
très moyen, admis de justesse à l’école de Sandhurst, gouvernement d’union nationale. Du printemps à
le Saint-Cyr britannique, en 1893. Il rêve d’aventures, l’automne 1940, Churchill galvanise les troupes,
part sur le théâtre des opérations extérieures (Cuba, définit les objectifs de la nation dans des discours
Inde, Soudan), et en tire des livres de reportages. magnifiques et intrépides (« (…) we shall never
Après une défaite électorale dans le district d’Oldham, surrender »). Il organise partout la lutte contre
il repart en Afrique du Sud, comme correspondant l’Allemagne hitlérienne : en Grande-Bretagne, contre
de guerre. Fait prisonnier par les Boers, il s’échappe l’offensive aérienne de la Luftwaffe (la « bataille
et parvient à câbler à son journal le récit de ses d’Angleterre ») et les menaces d’invasion ; en
exploits. Toute l’Angleterre apprend d’un coup Afrique, contre les Italiens ; du côté de l’Amérique, en
à connaître l’aventureux descendant du grand resserrant les liens économiques et diplomatiques
Marlborough. Auréolé de cette soudaine notoriété, avec Franklin D. Roosevelt (avec la charte de
il n’hésite pas à l’exploiter et se lance à nouveau en l’Atlantique le 14 août 1941). En 1941, l’Angleterre sort
politique. Il est élu député conservateur en 1900. de son isolement grâce à l’entrée en guerre de l’URSS
Toutefois, il ne reste pas longtemps conservateur en juin et des États-Unis en décembre. Mais elle doit
et se rapproche des libéraux à partir de 1904. Élu affronter un nouvel et redoutable adversaire, le Japon,
député libéral de Manchester en 1906, il obtient un qui s’empare de toutes les positions britanniques en
sous-secrétariat d’État. En 1908, le premier ministre Extrême-Orient. Une étroite collaboration se met en
Lloyd George lui confie le portefeuille du Commerce place entre les trois nations en guerre, entre Churchill,
et de l’Industrie. Churchill, qui a rallié le camp du Roosevelt et Staline. L’ouverture d’un deuxième front
radicalisme et de la démocratie sociale, s’emploie à l’ouest a lieu le 6 juin 1944 sur les côtes normandes :
à limiter la journée de travail dans les mines, à les armées britanniques participent à la reconquête
lutter contre le sweating system et le chômage. de l’Europe. Le 11 novembre 1944, Churchill, aux côtés
Ministre de l’Intérieur en 1910-1911, il se pose en de Charles de Gaulle, est acclamé à Paris. Le « V » de la
protecteur intrépide de l’ordre public. Désigné victoire, symbole de la silhouette churchillienne tout
premier lord de l’Amirauté en 1911, il prépare la flotte autant que son éternel cigare, est devenu une réalité.
britannique à la guerre en prenant des mesures
radicales. Il est en partie responsable du terrible À partir de la conférence de Yalta (février 1945),
échec de la campagne des Dardanelles en 1915. l’alliance avec la Russie stalinienne craque. Churchill
stigmatise « le rideau de fer » qui est en train de

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diviser l’Europe. Il fait tirer les troupes britanniques
sur les communistes de la résistance grecque.
Sur le plan national, Churchill, au firmament de
sa popularité, s’attend à remporter facilement
les élections législatives de juillet 1945. Mais les
conservateurs subissent une défaite cuisante :
215 sièges seulement contre 399 aux travaillistes.
Ulcéré d’être ainsi « congédié par le corps électoral
britannique », le vieux lion quitte la scène politique
en plein milieu de la conférence de Potsdam et laisse
la place à son adversaire et éternel rival Clement
Attlee. Devenu leader de l’opposition, Winston
Churchill ronge son frein. Entre plusieurs hobbies,
il se consacre à la rédaction de ses Mémoires
(qui lui vaudront le prix Nobel de littérature en
1953). Aux élections de 1951, le camp travailliste
subit un désaveu et Churchill redevient premier
ministre. Son gouvernement pratique une politique
d’assouplissement prudente du dirigisme travailliste
et prône, à l’extérieur, une alliance étroite avec
les États-Unis et une politique d’apaisement
international. Son âge avancé ne lui permet
cependant pas de réaliser tous ses espoirs. Après
une célébration émouvante de son 80 e anniversaire
qui lui vaut une multitude d’hommages (novembre
1954), Churchill se résigne à abandonner le pouvoir
en confiant sa succession à Anthony Eden (avril 1955).
Churchill aura eu la plus longue carrière politique de
l’histoire du Royaume-Uni, mais, paradoxalement,
sans les cinq années de guerre, elle aurait été
marginale, sinon anecdotique. En 1953, fait chevalier
de la Jarretière, il devient « Sir » Winston Churchill.
Il passe les dix dernières années de son existence
dans la retraite de sa maison de campagne du Kent, à
Chartwell, ou dans le midi de la France. Ses obsèques,
en présence de la reine, seront triomphales.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 107
Tchang Kaï-chek
Docteur honoris causa 1945 au sein du gouvernement. Élu au comité central lors
du second Congrès national du Guomindang, il se
Xikou, Chine, 1887 – Taipei, Taiwan, 1975 retrouve à la tête du parti tout en bénéficiant de l’aide
logistique de Moscou. Cependant Tchang Kaï-chek
Fils d’un marchand de sel, Jiang Jieshi, dit Tchang se retourne contre les communistes en décrétant la
Kaï-chek, voit le jour dans la province de Fenghua, loi martiale à Zongshan le 20 mars 1926. Il fait aussi
où il est élevé par sa mère, veuve. En 1905, il part arrêter un grand nombre de conseillers soviétiques,
à Ningbo où il étudie la philosophie et s’intéresse ainsi que des cadres du Parti communiste chinois.
aux anciens textes guerriers. Il décide alors de Aidé financièrement par les sociétés capitalistes de
suivre une formation militaire au Japon après un Shanghai, il se lance également dans l’Expédition
bref passage au collège de Lungshin. Il est accepté du Nord, croisade politique visant à mater les
en 1908 à l’Académie Shimbu Gakkô de Tokyo et seigneurs de guerre et les communistes et qui
entame sa carrière politique l’année suivante en s’achève avec la prise de Pékin en juin 1928. Un autre
adhérant à l’Alliance révolutionnaire de Sun Yat-sen front s’ouvre avec la lutte contre les envahisseurs
qu’il découvre grâce à un ami. Il participe ainsi à la japonais ; la stratégie des nationalistes consiste à
révolution de 1911 en combattant à Shanghai et aide opérer des replis stratégiques, tandis que la guérilla
à asseoir Sun Yat-Sen à la tête du gouvernement communiste harcelait les troupes japonaises. Quand
provisoire de Nankin. Il rejoint ensuite le Parti en décembre 1941, les États-Unis entrent en guerre,
nationaliste chinois Guomindang et retourne Roosevelt et Churchill le nomment commandant
à Shanghai pour mener une campagne contre suprême des forces chinoises et il reçoit dès lors le
Yuan. Il fréquente les sociétés secrètes de la ville soutien logistique du gouvernement américain. Dans
composées de l’élite capitaliste et est placé sous les années qui suivent, la popularité de Kaï-chek
les ordres de Chen Jionming, principal allié militaire auprès des leaders occidentaux est grandissante. En
du gouvernement que Sun Yat-sen avait récemment décembre 1943, il se rend au Caire pour rencontrer
installé à Canton. Le Guomindang est cependant Roosevelt et Churchill. Ces derniers s’accordent
expulsé de la ville en 1922, forçant Sun Yat-sen à se sur l’abolition des juridictions consulaires, des
tourner vers le Kominterm pour réorganiser le parti. concessions et des droits de navigations fluviales
C’est ainsi que le 16 août 1923, Tchang Kaï-chek et définissent en même temps les conditions de
quitte la Chine pour diriger une délégation envoyée victoire sur l’empire japonais. L’Université libre de
à Moscou avec pour mission d’étudier l’organisation Bruxelles décerne le titre de docteur honoris causa
de l’Armée rouge. À son retour, le 16 janvier 1924, le au généralissime Kaï-chek le 30 décembre 1944.
Guomindang est complètement réorganisé. Il devient Ne pouvant se rendre à Bruxelles, son diplôme
peu de temps après membre du conseil militaire du et ses insignes lui seront remis en personne par
Guomindang et est nommé à la tête de l’académie l’ambassadeur de la République de Chine au
militaire de Whampoa. Il se lance alors dans une mois de janvier 1946. La reddition des Japonais
série de campagnes militaires visant à mater les ne marque cependant pas l’arrêt des dissensions
révoltes des riches commerçants cantonnais et entre nationalistes et communistes. Avec l’appui
gagne en renommée. La mort de Sun Yat-sen au de l’Union soviétique, les communistes lancent une
mois de mars 1925, entraîne une série de troubles série d’offensives à partir du nord de la Chine. Ils

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 108
s’emparent de Pékin le 22 janvier 1949 et chassent
les nationalistes de Nankin dans le courant du mois
d’avril. Suite à la proclamation de la République
populaire de Chine, le 1er octobre 1949, Tchang
Kaï-chek est contraint de fuir à Taiwan avec son
gouvernement et une partie de son armée. Il
installe son gouvernement à parti unique à Taipei et
entame son mandat de président de la République
de Chine le 1er mars 1950. La République populaire
de Chine revendique cependant la souveraineté
sur l’île, forçant Tchang Kaï-chek à chercher un
appui auprès des Américains. Ces derniers, bien
qu’hésitants dans un premier temps, changent de
stratégie quand éclate la guerre de Corée. Dès lors,
Taiwan, qui occupe une position stratégique dans
la conduite du conflit, bénéficie d’une aide militaire
massive de la part de Washington qui reconnaît le
régime de Tchang Kaï-chek comme étant le régime
officiel de la Chine jusqu’en 1972. Tchang Kaï-
chek est président jusqu’en 1975, date à laquelle
il est terrassé par un arrêt cardiaque à Taipei.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 109
Charles de Gaulle
Docteur honoris causa 1945 une division qui réussit momentanément à arrêter
l’avancée allemande près de Laon. Le 5 juin, le
Lille, France, 1890 – président du Conseil, Paul Reynaud, lui confie le poste
Colombey-les-Deux-Églises, France, 1970 de sous-secrétaire d’État à la Défense nationale.
Mais quand il apprend la démission de Reynaud
Charles de Gaulle naît le 22 novembre 1890 à Lille. et son remplacement par le maréchal Pétain, il
Issu d’une famille monarchiste, catholique et libérale, s’envole pour l’Angleterre et prononce, le lendemain
il est le troisième enfant d’Henri de Gaulle, professeur de l’annonce de l’armistice par Pétain, un vibrant
de littérature, d’histoire et de mathématiques et de appel à la résistance – le célèbre appel du 18 juin.
Jeanne Maillot, fille d’un industriel textile lillois. Ayant Une semaine plus tard, de Gaulle forme et préside le
débuté ses études à Lille, il achève son cursus à Paris Comité national français et est reconnu publiquement
avant de poser sa candidature à l’École militaire de chef des Français par le gouvernement britannique.
Saint-Cyr en 1909. Il y suit une formation d’officier Il se rend en Afrique au mois de septembre et rallie à
de 1910 à 1912, est nommé lieutenant en 1913, la France plusieurs territoires d’outre-mer. Il installe
incorporé au 33e régiment d’infanterie à Arras, sous à Brazzaville le Conseil de défense de l’Empire et
les ordres du colonel Pétain. Au cours de la première crée l’Ordre de la libération le 16 novembre 1940.
guerre mondiale, de Gaulle est blessé à trois reprises Dès lors, les Forces françaises libres se battent aux
avant d’être capturé par les Allemands en février côtés des Britanniques et mettent fin à l’avancée des
1916. Interné à Freyberg, il tente de s’évader à cinq Allemands vers le canal de Suez. La détérioration
reprises avant d’être transféré au fort d’Inglestadt des relations entre de Gaulle et Winston Churchill
où il reste jusqu’à l’armistice. Dès sa libération, de a lieu en 1942. Le premier ministre, influencé par le
Gaulle reprend la carrière militaire. Il est envoyé président américain Roosevelt, lui interdit désormais
en Pologne pour combattre l’Armée rouge puis est de quitter l’Angleterre. Exclu de l’organisation du
rappelé à Paris, pour un poste de professeur adjoint débarquement anglo-américain en Afrique du Nord,
d’histoire militaire à Saint-Cyr. Il entre en 1922 à il apprend que les Alliés ont entamé des négociations
l’École supérieure de guerre pour deux ans avant avec l’amiral Darlan, membre du gouvernement
d’être affecté à l’État-major des armées du Rhin. Il de Vichy. Après l’assassinat de Darlan, le Comité
est appelé au cabinet du maréchal Pétain en 1923. français de libération nationale est créé le 3 juin
Après un bref passage à la tête du 19e bataillon de 1943 à Alger sous la coprésidence de Giraud et
chasseurs, il est envoyé à Beyrouth où il est affecté de Gaulle. Suite au débarquement de Normandie,
à l’État-major des armées du Levant de 1929 à Paris est libéré le 25 août 1944 et le général peut
1931. Au terme de son séjour, il est rappelé à Paris descendre triomphalement les Champs Élysées. Il
pour être affecté au secrétariat général du conseil transfère son gouvernement provisoire à Paris. De
supérieur de la défense nationale. Quand, en 1939, Gaulle, qui n’est pas invité aux conférences de Yalta
la France se prépare à la mobilisation générale, et de Postdam, assiste au partage du monde entre
on lui confie le commandement des chars de la Ve Churchill, Staline et Roosevelt. L’Université libre de
armée jusqu’à sa nomination au grade de général Bruxelles le considère toutefois comme un de ses
de brigade à titre temporaire le 15 mai 1940. Il reçoit libérateurs, raison pour laquelle elle lui décerne
alors le commandement de la 4e division cuirassée, ainsi qu’aux autres le titre de docteur honoris

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 110
causa le 30 décembre 1944. Le général reçoit le solution aux troubles, il quitte le territoire français le
diplôme et les insignes que lui remet le recteur lors 29 mai. Il réapparaît dans un message radiodiffusé le
d’une cérémonie solennelle le 11 octobre 1945. lendemain, pour annoncer qu’il dissout l’Assemblée
nationale. Après une victoire écrasante aux élections
Le 13 novembre 1945, le général est élu président législatives de 1969, il propose deux référendums, l’un
du gouvernement de la République par l’Assemblée. traitant de la transformation du Sénat en assemblée
Mais il est en désaccord avec le projet de constitution consultative et l’autre de la régionalisation.
de la IVe République et démissionne dès janvier. Essuyant un refus, il démissionne le 27 avril,
Pensant que sa popularité pousserait les Français laissant l’intérim à Alain Poher jusqu’à l’élection de
à le rappeler très vite, il se retire dans sa résidence Georges Pompidou. Il passe les derniers mois de
de Colombey-les-Deux-Églises. Sa retraite prend en sa vie à écrire ses mémoires et s’éteint subitement
réalité fin le 30 mai 1958, quand la détérioration de suite à une rupture d’anévrisme. Ses obsèques se
la situation en Algérie, pousse le président Coty à sont déroulées dans une stricte intimité voulue.
faire appel à lui pour former le gouvernement. Après
s’être fait accorder les pleins pouvoirs, il préside
le Conseil des ministres et est élu président de la
République le 21 décembre 1958. Il s’installe à l’Élysée
le 8 janvier et entame les premiers dossiers de son
mandat. Sur le plan extérieur, il comprend très vite
que la pacification de l’Algérie n’est envisageable que
si elle reçoit son indépendance. Cette politique, qui
mène à la signature des accords d’Évian, n’a pas que
des partisans et donne lieu à une série d’attentats
aussi bien en Algérie qu’en métropole. Sur le plan
intérieur, il dissout l’Assemblée nationale en octobre
1962 et procède à un référendum pour que l’élection
présidentielle soit au suffrage universel. Cette
pratique du référendum est rapidement considérée
comme anticonstitutionnelle. Aux élections de
1965, le général de Gaulle est élu au second tour
avec seulement 54,5% des voix contre 45,5% pour
François Mitterrand, qui a forcé le général à un second
tour de scrutin. Ayant entamé son second mandat,
le président de Gaulle se lance dans une série de
voyages diplomatiques en Allemagne, en Pologne et
à Montréal où il prononce un discours en faveur du
Québec libre. Il est en voyage quand les événements
de mai 1968 le poussent à rentrer. Incapable dans
un premier temps de comprendre et de trouver une

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 111
Joseph Staline
Docteur honoris causa 1945 et prend la direction du journal Pravda. Il devient
rapidement l’un des proches collaborateurs de
Gori, Géorgie, 1879 – Moscou, Russie, 1953 Lénine, si bien que ce dernier le nomme commissaire
du peuple aux Nationalités au mois d’octobre, poste
Joseph Staline, de son vrai nom lossif Djougachvili qu’il conservera jusqu’en 1922. Il est également fait
est le quatrième enfant de Vissarion Djougachvili, un membre du bureau politique du Parti bolchevique,
modeste cordonnier ossète au tempérament violent, puis commissaire du peuple à l’inspection ouvrière et
et d’Ekaterina Gueladzé. Son enfance est marquée paysanne en février 1919. Il y développe son réseau
par la faim et la violence. Poussé par sa mère qui d’informateurs et devient le personnage le mieux
désire le voir épouser une carrière religieuse, le jeune renseigné du Parti. En avril 1922, Lénine propose sa
Joseph entre au collège théologique de Gori en 1888 nomination au poste de secrétaire général du comité
et poursuit ses études au séminaire orthodoxe de central. Craignant que Staline ne canalise entre ses
Tiflis (aujourd’hui Tbilissi) où son adhésion au groupe mains des pouvoirs trop importants, Lénine l’avait
clandestin social-démocrate Messame Dassy lui vaut relégué à un poste purement administratif. Suivant
d’être expulsé en 1899 pour activité révolutionnaire. dans un premier temps la politique de son dirigeant,
En décembre 1899, il entre à l’observatoire Staline, qui a su tirer avantage de la bureaucratisation
géophysique de Tiflis sous le pseudonyme de Koba. du Parti, bâtit très vite un pouvoir personnel et
Alors que le début du XXe siècle en Russie est marqué profite de ses attributions pour se débarrasser de
par une importante crise économique qui entraîne ses opposants. La situation entre les deux hommes
des mouvements de grèves à travers tous le pays, il dégénère tant et si bien qu’en janvier 1923, Lénine
quitte l’observatoire géophysique et se lance dans l’exclut de sa succession dans son testament, lui
l’organisation d’une série de manifestations comme préférant les méthodes de Trotski. À la mort de
celle du 22 avril 1901, qui réunit 3 000 ouvriers à Lénine, Staline tisse une série d’alliances en vue de
Batoumi. Son implication dans les événements lui s’octroyer la place. Ainsi, lors du XIVe congrès du
vaut d’être arrêté par la police tsariste et interné Parti, en décembre 1925, il écrase l’opposition de
mais il réapparaît dès 1902 et reprend ses activités gauche qui rassemblait Trotski, Zinoviev et Kamenev
clandestines. Il est arrêté une seconde fois au mois et les fait exclure du parti au mois de novembre
de novembre et est envoyé en exil en Sibérie, d’où 1927. Il fera de même avec l’opposition de droite
il parvient à s’enfuir avant de revenir à Tiflis en en décembre 1929, achevant ainsi d’installer des
1904. Dans les années qui suivent, il sera encore hommes de confiance aux postes clés de l’État. Dès
incarcéré et déporté à deux reprises. Coopté au lors, l’Union soviétique glisse vers un État totalitaire.
comité central du Parti bolchevique en février 1912, il Les purges (notamment la Grande Purge de 1937),
prend le pseudonyme de Staline, l’homme d’acier. Il les jugements expéditifs d’« opposants », les mises
s’investit alors dans la presse bolchevique de Saint- à mort ou les envois dans les camps de travail du
Pétersbourg et écrit son premier ouvrage théorique. goulag constituent la charpente de son règne de
Il est cependant arrêté une fois encore en mars 1913 terreur. En décembre 1938, il nomme à la tête de la
et envoyé en Sibérie où il demeure quatre ans. Libéré police secrète, le NKVD, Lavrenti Beria, qui l’aide à
par la révolution de février 1917, il regagne alors achever les purges. En politique intérieure, Staline
Saint-Pétersbourg, entre-temps devenue Petrograd, lance une campagne d’industrialisation massive qui

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 112
s’appuie sur des plans quinquennaux. À l’extérieur, il dès 1947, il s’oppose à la Yougoslavie du maréchal
se rapproche de l’Allemagne nazie, pensant qu’une Tito, qu’il juge trop indépendante et tente en 1950
alliance lui permettrait de ne pas avoir à s’engager d’humilier Mao Zedong lors de sa visite au Kremlin.
dans une guerre européenne. Le pacte de non Alors qu’il préparait de nouvelles purges et une féroce
agression germano-soviétique est signé en août 1939. campagne antisémite, Staline s’éteint dans sa datcha
Quand en juin 1941, la Wehrmacht envahit l’Union à Moscou le 5 mars 1953, victime d’une attaque. Sa
soviétique, Staline est pris de court. Profitant de dépouille est alors exposée dans le mausolée de
la désorganisation ambiante, l’avancée fulgurante Lénine jusqu’à ce qu’elle soit déplacée et enterrée
des Allemands entraîne la capture de milliers de sous les murs du Kremlin après la déstalinisation.
soldats de l’Armée rouge. Staline, commandant
en chef du quartier général depuis le mois d’août,
entreprend alors des revirements dans sa politique :
les slogans marxistes sont remplacés par un fervent
patriotisme. Il lance également une campagne contre
ce qu’il appelle les « traîtres ». Les minorités tatares
et tchétchènes sont déportées par le NKVD et des
groupes de partisans sont créés afin de combattre
les Allemands et les anticommunistes. Sa victoire sur
l’armée allemande à Stalingrad, véritable tournant
de la guerre, le confirme comme un allié de poids
pour Roosevelt et Churchill, qu’il rencontre pour la
première fois à Téhéran en novembre 1943. Suivront
les conférences de Yalta (janvier 1945) et de Postdam
(mai 1945) au cours desquelles seront posées les
bases du découpage du monde d’après-guerre. Bien
que l’Université libre de Bruxelles, lui ait conféré le
titre de docteur honoris causa en décembre 1944, il
faudra attendre le 220e anniversaire de la fondation
de l’Académie des sciences de Moscou pour que
le président de la Faculté des sciences lui remette
en personne le diplôme et ses insignes. À la fin du
conflit, Staline, au sommet de sa puissance, place
sous contrôle soviétique la plupart des États d’Europe
orientale et centrale, les soumettant au modèle
soviétique. L’émergence du « rideau de fer » préfigure
la guerre froide et la course à l’armement qui n’aura
de cesse de miner l’économie du pays. Persistant dans
une volonté de contrôle et d’obéissance totale, Staline
se retourne contre ses alliés communistes. Ainsi,

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 113
Joseph E. Davies
Docteur honoris causa 1939 Davies remplace William C. Bullitt au poste
d’ambassadeur auprès de l’Union soviétique fin 1936,
Watertown, États-Unis, 1876 – poste qu’il avait refusé lorsque le président Wilson
Washington, États-Unis, 1958 le lui avait proposé au temps de la Russie tsariste. La
manière dont il assure sa fonction d’ambassadeur est
Son père, Edward Davies, émigré du pays de Galles, souvent critiquée par ceux qui ne partagent pas sa
est un prospère fabricant de chariots et sa mère, Rahel vision du système soviétique. Pendant qu’il négocie le
Paynter, une poétesse connue sous le pseudonyme de renouvellement d’un accord commercial, Davies rédige
Rahel o Fôn. Après des études secondaires au collège un rapport détaillé sur l’économie soviétique. Il estime
de Watertown, Davies entre à l’Université du Wisconsin que le système soviétique est une force industrielle
pour y étudier le droit. Il est diplômé avec mention en pleine de vitalité alors que bon nombre de ses
1901 et est admis au barreau du Wisconsin la même contemporains le trouvent inefficace et répressif. Bien
année. De retour à Watertown, Davies est nommé qu’un microphone ait été retrouvé dans son bureau
procureur d’État du comté de Jefferson. En 1906, à l’ambassade, il continue de présenter les Russes
Davies part pour Madison où il devient un brillant comme des amis potentiels et cela même pendant les
avocat et un membre actif du Parti démocrate. En 1912, grandes purges staliniennes qu’il interprète selon le
à la veille des élections présidentielles, il est promu point de vue soviétique, ne voyant que ce que Joseph
chef du quartier général du Parti démocrate à Chicago. Staline veut bien lui montrer. Il soutient donc la mise
De là, il dirige la campagne de Woodrow Wilson dans en place d’une alliance de sécurité collective entre
l’État du Wisconsin. Au niveau économique, même s’il Washington, Paris, Londres et Moscou pour contrer
est opposé à l’idée de monopole, Davies n’en est pas l’axe Berlin-Rome-Tokyo. Avant de quitter Moscou
moins partisan du capitalisme modéré et réprouve les pour prendre les fonctions d’ambassadeur en Belgique
interventions du gouvernement lorsqu’elles ne sont et au Luxembourg, sa dévotion à la cause d’une amitié
pas nécessaires. En 1913, il est nommé commissioner américano-soviétique lui vaut une audience privée
of corporations avant de devenir président de la sans précédent avec Joseph Staline. Davies est nommé
Commission fédérale du commerce de 1915 à 1916. ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en
Ensuite il travaille au War Industries Board dont il Belgique le 2 juin 1938. Il reçoit le titre de docteur
démissionne à la fin de la première guerre mondiale. honoris causa de l’Université libre de Bruxelles le 9
Il brigue alors le poste de sénateur du Wisconsin mais décembre de l’année suivante. Officiellement, Davies
perd l’élection. Après avoir accompagné le président est honoré pour son mécénat et son amour de l’art.
Wilson à la conférence de paix de Paris en 1919 Officieusement, il s’agit surtout de poser un geste de
comme conseiller économique, Davies démissionne rapprochement entre la Belgique et les États-Unis à la
de ses fonctions au service du gouvernement l’année veille de la seconde guerre mondiale. Après la défaite
suivante pour établir un cabinet privé d’avocat à de la Belgique au printemps 1940, Davies regagne
Washington. Pendant les années vingt et le début des les États-Unis et continue de servir Roosevelt. Quand
années trente, il est conseiller aux affaires étrangères, l’Allemagne envahit l’Union soviétique en juin 1941, il
notamment pour le Mexique, le Pérou et le Chili. est un des rares conseillers du président à exprimer
sa confiance en l’Armée rouge. Davies publie, fin de
la même année, ses mémoires d’ambassadeur en

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URSS sous le titre de Mission to Moscow. Ce compte-
rendu bienveillant de l’Union soviétique est un réel
best-seller adapté au cinéma dès 1943. Il rend son
auteur sympathique aux yeux des Moscovites mais
le discrédite auprès de ses concitoyens. En mai 1945,
il est nommé émissaire spécial du président Truman
auprès de Winston Churchill et, deux mois plus tard,
il fait partie des conseillers personnels du président
à la conférence de Potsdam. L’année suivante, le
président Truman lui attribue la Medal of Honor, la
plus haute distinction civile américaine. Davies passe
les dernières années de sa vie à travailler comme
avocat privé. Ses cendres sont placées à côté de celles
de Woodrow Wilson dans la cathédrale nationale.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 115
Dave Hennen Morris
Docteur honoris causa 1934 de New York et assure la vice-présidence de
l’École postgraduate de médecine de l’Université
Nouvelle-Orléans, États-Unis, 1872 – de Columbia ainsi que la présidence de la Josiah
New York, États-Unis, 1944 Macy Jr. Foundation. À la fin de sa vie, il gère le
bureau américain pour l’aide médicale à la Chine.
David Hennen Morris naît à la Nouvelle-Orléans,
d’un père originaire du comté de New York. Personnage aux multiples facettes, il mène un
Poursuivant sa scolarité en France et en Allemagne, combat pour l’éducation en tant qu’administrateur
il passe les examens d’admission à l’Université de de la National Foundation for Education in America
Harvard avec succès dès 1890, mais n’y entre pas Citizenship et président de l’Edwin Gould Foundation.
avant 1892. Durant ces deux années, il s’inscrit à Son épouse, linguiste, élabore l’International
l’Université de médecine homéopathique de New Auxiliary Language Association, association
York et devient assistant-chirurgien. En 1896, il qui aspire à la compréhension entre les peuples
est diplômé magna cum laude de l’Université de par la création d’une langue internationale.
Harvard, où il fait la rencontre de celle qui deviendra
sa femme, Alice Vanderbilt Shepard. Il obtient deux Philanthrope, soucieux des inégalités sociales
diplômes supplémentaires ; le premier en 1901, et de la condition féminine, Dave Hennen Morris
à l’École de droit de l’Université de New York, le préside le conseil d’administration de la Young
second, en droit constitutionnel à l’Université de Women’s Christian Association Retirement Fund et
Columbia, huit ans plus tard. Il entreprend alors de la Legal Aid Society, toutes deux militant pour
une brillante carrière d’avocat de 1901 à 1933, ce plus d’égalité dans leurs domaines respectifs.
qui ne l’empêche pas de siéger à la vice-présidence
de la St. Louis Southwestern Railway Company En 1933, Franklin D. Roosevelt le désigne pour
(plus connue sous le nom de Cotton Belt), mais occuper le poste d’ambassadeur en Belgique
aussi, sur le plan des loisirs et de la sociabilité, de et de ministre plénipotentiaire des États-Unis
s’investir dans des domaines aussi variés que le d’Amérique au grand-duché de Luxembourg.
dressage de chevaux avec son frère Alfred Hennen
Morris et de prendre part à la fondation du club Le gouvernement belge l’accueille avec
automobile des États-Unis d’Amérique. Ami de enthousiasme, un enthousiasme partagé par la
longue date de Franklin D. Roosevelt, il organise la reine Élisabeth qui découvre en ce diplomate un
pré-convention qui permet la nomination de celui-ci violoniste talentueux. En 1934, au cours d’une
à la convention démocrate de Chicago de 1932 et cérémonie célébrant le centenaire de l’Université
devient consultant au département du Trésor ainsi libre de Bruxelles, l’ambassadeur se voit accorder le
que président de la Diplomacy Affairs Foundation. titre de docteur honoris causa. Trois ans plus tard,
c’est au tour de la Faculté de médecine de l’Université
Il s’implique activement dans le secteur médical de Gand de lui conférer ce titre ; il obtient aussi de
en tant que président de l’Université de médecine diverses universités américaines le grade honorifique
de New York et de l’Hôpital pour femmes, dirige de docteur en droit. Dave Hennen Morris quitte son
le comité exécutif du Dispensaire orthopédique poste d’ambassadeur au cours de l’année 1937, mais

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 116
maintient des liens avec la Belgique. Au moment de
sa mort, il dirige la Belgian-American Educational
Foundation et la Belgium War Relief Society et se
trouve à la tête de la Belgium American Associates.

La Belgium War Relief Society est un organisme


philanthropique fondé par Herbert Hoover, alors
ingénieur lors de la première guerre mondiale,
et destiné à lutter contre la famine qui guette la
population belge. Cette aide venue des États-
Unis d’Amérique va contribuer à tisser des liens
étroits entre les deux nations et débouche sur
la création en 1920 de la Belgian-American
Educational Foundation, née de la collaboration
d’Herbert Hoover avec des sommités belges
telles qu’Émile Francqui. Cette fondation permet
de procéder à des échanges universitaires et
de financer la construction de bâtiments pour
des lieux d’études prestigieux comme l’ULB.

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Léopold III de Belgique
Docteur honoris causa 1934 En 1936, l’Allemagne se réarme, et Léopold, fortement
convaincu et en accord avec son gouvernement,
Bruxelles, Belgique, 1901 – annonce que la Belgique suivra une politique de
Woluwe-Saint-Lambert, Belgique, 1983 neutralité. Mais le 10 mai 1940, l’Allemagne envahit le
royaume. Le 28 mai, le roi des Belges, chef suprême
Léopold est le premier fils d’Albert Ier et de la reine de l’armée, capitule et regagne le château de Laeken,
Élisabeth de Belgique. Son frère Charles naît en tandis que des membres de son gouvernement,
1903 et sa sœur Marie-José en 1906. Son enfance est présidés par le catholique Hubert Pierlot (1939-
calme et sa scolarité est assurée par des précepteurs 1945), partent pour Londres d’où ils dirigeront la
choisis par Albert Ier. En 1909, le roi Léopold II résistance belge. La Belgique est désormais sans
meurt et laisse le royaume à son neveu Albert Ier. gouvernement. Le roi décide de rester dans son
royaume, il se constitue prisonnier de guerre et se
Lorsque la première guerre mondiale éclate, Léopold tient à l’écart de la vie publique. Le règne de Léopold
est très attiré par l’armée. À force d’arguments, il est marqué par la forte mésentente entre lui et son
est autorisé à intégrer celle-ci et devient, à 13 ans, gouvernement. Accusé de trahison par le Conseil
le plus jeune fantassin belge. Mais, six mois plus français, il est radié de l’Ordre de la légion d’honneur.
tard, ses parents décident de l’envoyer au collège Sa rencontre avec Adolf Hitler, le 19 novembre 1940,
d’Eton en Angleterre pour poursuivre son instruction. entre dans l’histoire comme un geste de trahison, un
Lorsqu’il achève sa scolarité, la guerre n’est pas symbole de collaboration. Beaucoup de Belges ont
finie et il rejoint l’armée, puis, en 1920, continue présent à l’esprit l’image et l’action d’Albert Ier, le « roi
son éducation à l’école militaire de Bruxelles. Par chevalier », et ils espèrent voir Léopold III prendre
après, il suit des cours à l’Université de Gand et à la tête de la Belgique face à l’Allemagne. Mais Hitler
celle de Liège. Parallèlement à cette activité militaire, prend les devants. Au début de l’occupation, Léopold
Léopold effectue des voyages au long cours, aux III est encore populaire et profite du soutien de
États-Unis d’Amérique en 1919 et au Congo en 1928. l’Église. Néanmoins, le roi reste sans réaction face aux
En 1926, il épouse Astrid de Suède, fille du prince actes de l’armée allemande. Il ne collabore pas non
Charles de Suède. Ils ont trois enfants : Joséphine- plus avec le gouvernement Pierlot en exil, de sorte
Charlotte (1927), Baudouin (1930) et Albert (1934). que sa « non-action » est de plus en plus mal perçue.

Le 23 février 1934, le roi Albert Ier meurt En septembre 1941, il épouse Mary Lilian Baels,
accidentellement. Léopold monte sur le trône et qu’il titre princesse de Réthy. Ils ont trois enfants :
devient le quatrième roi de Belgique. Son épouse, Alexandre (1942), Marie-Christine (1951) et Marie-
la reine Astrid, meurt le 29 août 1935 dans un Esméralda (1956). Ce mariage lui porte préjudice.
accident de voiture lors d’un voyage en Suisse. La En effet, au déclenchement des hostilités, il avait
sympathie populaire, choquée par la mort de cette solennellement lié sa vie à son armée en jurant
reine jeune, belle et active, se reporte sur ce jeune que « mon sort sera le vôtre ». En se constituant
roi père de trois enfants et veuf inconsolable. prisonnier, il soutenait ses soldats. Or, ce mariage,
alors que ses soldats sont défaits et prisonniers,
est très mal vécu par les Belges. Comment le

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 118
roi peut-il dire partager le sort de ses soldats Léopold III se consacre désormais aux voyages. Il
alors qu’il convole en justes et libres noces ? visite à nouveau le Congo et les États-Unis en 1957,
puis la Colombie, l’Inde, l’Extrême-Orient, le Chili,
En juin 1944, le roi est emmené en Allemagne par l’Indonésie, etc. Ses voyages sont souvent à but
les hommes du Reich. Au même moment, éclate scientifique. Passionné par la recherche, Léopold
une polémique à propos du testament politique III accepte en 1957 la présidence de la commission
du roi. Léopold III donne à son gouvernement des nationale qui étudie des problèmes que posent
indications pour diriger le pays en son absence. Mais les progrès des sciences et leurs répercussions
il demande aussi des excuses publiques aux ministres économiques et sociales à la Belgique et aux
ayant contesté ses choix en 1940 (« Le prestige de la territoires d’outre-mer. Il n’hésite pas non plus à
Couronne et l’honneur du pays s’opposent à ce que pourvoir au financement de certains projets qui lui
les auteurs de ces discours exercent quelque autorité tiennent particulièrement à cœur, comme ce fut le
que ce soit en Belgique libérée aussi longtemps qu’ils cas pour le Centre de biologie marine de l’île de Laing
n’auront pas répudié leur erreur et fait réparation (Papouasie Nouvelle-Guinée). Le 8 juin 1972, le Fonds
solennelle et entière »). Par ailleurs, dans ce testament Léopold III pour l’exploration et la conservation de la
politique, on ne trouve aucune trace d’un hommage nature est créé ; il a pour ambition de se consacrer à
aux soldats du pays, ce qui choque l’opinion publique. la nature, tant par sa conservation que par son étude.
Cette affaire, conjointement à sa mésentente avec
le gouvernement, nuit encore plus à son image. Depuis le début des années 1960, l’ancien roi vit
à Argenteuil. Il se refuse à toute réconciliation
Le roi étant prisonnier et « dans l’impossibilité de avec son frère Charles, refusant tout d’abord
régner », son frère, le prince Charles, dirige le pays de le voir alors que celui-ci est hospitalisé et
en devenant prince régent le 21 septembre 1944. Le malade, puis de se rendre à ses obsèques royales
roi Léopold et sa famille sont libérés en mai 1945 et en 1983. Léopold III meurt la même année, le
partent s’installer en Suisse. Un an après sa libération, 25 septembre, à Woluwe-Saint-Lambert.
le roi demande un référendum, mais ce n’est pas
permis par la Constitution belge. En 1948, il demande
une consultation populaire. La tension est palpable,
une entrevue a enfin lieu le 25 avril 1949 entre les
deux frères, le régent et le roi. Le 12 mars 1950, les
Belges sont appelés à aller voter. Les résultats de la
consultation populaire sont ambivalents : 57,68%
des Belges se prononcent pour le retour du roi mais
si la Flandre a voté « oui » à 72%, la Wallonie est
contre à 58% et Bruxelles à 52%. Face à ces résultats
partagés, aux émeutes qui secouent violemment
le pays, et la pression des politiques, Léopold III
accepte d’abdiquer en faveur de son fils, Baudouin.
Le 17 juillet 1951, la Belgique a un nouveau roi.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 119
Élisabeth de Belgique
Docteur honoris causa 1930 Les années d’après-guerre sont des années de
voyages, qu’elle accomplit seule ou avec son époux
Possenhofen, Allemagne, 1876 – en mission officielle. À l’automne 1919, Élisabeth
Bruxelles, Belgique, 1965 et Albert font un voyage triomphal aux États-
Unis. Le 16 février 1922, Élisabeth, passionnée
Née à Possenhofen en Allemagne le 25 juillet 1876, d’égyptologie, est aux côtés du roi Fouad pour
Élisabeth von Wittelsbach est la fille du duc Charles- assister à l’ouverture de la tombe de Toutankhamon
Théodore en Bavière, ophtalmologue de renom, et (suivie de la création de la Fondation égyptologique
de l’infante Marie-José de Portugal. Sa marraine Reine Élisabeth). Trois ans plus tard, elle voyage
est sa tante, l’impératrice Élisabeth d’Autriche, dite en Inde. En 1928, elle visite le Congo pour la
Sissi. Elle effectue ses études au pensionnat Saint- première fois et crée le Fonds Reine Élisabeth pour
Joseph à Zandberg, parle l’allemand, le français l’assistance médicale aux indigènes du Congo belge.
et l’anglais, et apprend le piano et le violon.
Le 4 novembre 1926, le prince Léopold
Elle rencontre le prince Albert de Belgique en épouse la princesse Astrid de Suède, et
1897 et l’épouse trois ans plus tard à Munich. Le trois ans plus tard, Marie-José épouse le
couple a trois enfants : Léopold (futur Léopold prince Umberto d’Italie, le 8 janvier.
III), Charles (futur prince régent) et Marie-José.
Élisabeth est une passionnée de la connaissance
Fin 1909, le roi Léopold II meurt et son neveu en général, et plus précisément des sciences et
Albert lui succède, son épouse à ses côtés. La des arts. Elle fréquente une pléiade de savants
troisième reine des Belges se donne un rôle public, et d’artistes de renom : Albert Schweitzer, Albert
quand celles qui l’ont précédée se cantonnaient Einstein, Romain Rolland, ou encore Émile
à un rôle privé. Élisabeth s’occupe d’œuvres de Verhaeren, Maurice Maeterlinck, Colette, Eugène
bienfaisance et de lutte contre les maladies, tout Ysaÿe, Yehudi Menuhin, André Gide, Jean Cocteau
en s’intéressant à la vie musicale, artistique et et Pablo Casals. Elle convainc les responsables
intellectuelle du pays (le peintre Eugène Laermans, politiques de construire le Palais des beaux-arts
le poète Émile Verhaeren, le célèbre violoniste de Bruxelles, construction confiée à l’architecte
Eugène Ysaÿe sont des familiers de la cour). Victor Horta (1928). L’année suivante est créée
la Fondation musicale Reine Élisabeth. Lors du
En 1914, le roi Albert Ier et la reine Élisabeth, d’origine centenaire de la Belgique, l’Université libre de
allemande, refusent de quitter la Belgique, pays Bruxelles la nomme docteur honoris causa en raison
neutre envahi illégalement par les Allemands. Ils de ses efforts pour la promotion des savoirs.
restent quatre ans avec l’armée belge derrière les
tranchées de l’Yser, lui à la tête de ses troupes (le roi Le 17 février 1934, Albert Ier fait une mauvaise chute
chevalier), elle en créant et en visitant régulièrement et en meurt à Marche-les-Dames. Leur fils Léopold lui
l’hôpital de l’Océan à La Panne (la reine infirmière). succède et Astrid devient la nouvelle reine. Élisabeth
Quand la guerre s’achève, le couple royal est au faîte se retire mais un an plus tard, le 29 août, la reine
de sa popularité, en Belgique comme à l’étranger. Astrid décède dans un accident de voiture et Élisabeth

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 120
doit reprendre ses fonctions officielles tout en veillant
à l’éducation de ses trois petits-enfants orphelins.

À l’image de son attitude pendant la première guerre


mondiale, Élisabeth reste en Belgique, au château
de Laeken, pendant l’intégralité de la seconde
guerre. Elle est sous la surveillance permanente de
l’occupant mais bénéficie d’une certaine liberté de
mouvement, en Belgique comme à l’étranger. La fin
de la guerre voit l’émergence de la question royale.
Élisabeth soutient en privé Léopold III mais reste
neutre publiquement car son second fils, Charles,
est alors prince régent. En 1951, Léopold abdique
en faveur de son fils et Baudouin prête serment
le 16 juillet 1951. La même année, le concours
musical international Eugène Ysaÿe est créé (qui
prendra par la suite le nom de Reine Élisabeth).

Désormais sans responsabilités officielles, Élisabeth


peut voyager à son gré dans des pays communistes
et socialistes (Pologne, pour le concours Chopin de
Varsovie, Union soviétique, Yougoslavie et Chine,
mais aussi Israël), ce qui lui vaut le surnom de
« Reine rouge » et la colère du gouvernement belge.
Elle soutient différentes initiatives en faveur de la
paix durant la guerre froide entre l’Ouest et l’Est.

Elle succombe à l’âge de 89 ans, le 23


novembre 1965, au château du Stuyvenberg
à Bruxelles. Ses funérailles nationales sont
marquées par l’importante présence d’anciens
combattants des deux conflits mondiaux.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 121
Albert Ier de Belgique
Docteur honoris causa 1930 démission du ministère et l’appel du roi à Charles
de Broqueville pour diriger le gouvernement.
Bruxelles, Belgique, 1875 –
Marche-les-Dames, Belgique, 1934 En 1913, Albert instaure le service militaire généralisé
obligatoire. Il voyage entre la France et l’Allemagne
Albert est le fils du comte Philippe de Flandre pour réaffirmer la neutralité belge. À partir du
et de Marie, princesse de Hohenzollern, il est le déclenchement de la guerre en 1914 et pendant
petit-fils de Léopold Ier et le neveu de Léopold II. quatre longues années, le roi est à la tête de son
armée. Le gouvernement va suivre le souverain
Son éducation est conduite par des précepteurs. et résister à l’Allemagne qui a violé la neutralité
C’est un enfant timide qui montre une nette belge. Cette résistance surprend l’Europe entière.
préférence pour la mécanique et les sciences En effet, les princes belges étaient vus comme
exactes face à l’apprentissage de l’éloquence. Il des princes allemands de cœur. En même temps,
entre à l’École royale militaire à l’âge de seize ans. cette résistance donne naissance au mythe du roi
chevalier. Le fait que le roi soit resté avec son armée
Lorsque le prince Baudouin meurt le 23 janvier dans les tranchées sur l’Yser est aussi un symbole
1892, Albert est appelé à diriger le royaume. Il prête fort du roi, proche du peuple et courageux. Ce
serment en 1892, il est alors sous-lieutenant. En symbole restera ancré dans la mémoire collective.
1895 et 1898, il visite les États-Unis d’Amérique.
Onze jours après l’armistice, le suffrage universel
Le 2 octobre 1900 à Munich, Albert Ier épouse est instauré, à la grande joie des socialistes. C’est
Élisabeth de Bavière. Ils ont trois enfants, à ce moment là qu’a lieu l’entrevue de Loppem.
Léopold en 1901, Charles deux ans plus tard, Cette entrevue a lieu entre le roi, Gérard Cooreman,
puis Marie-José en 1906. La popularité du roi Paul-Émile Janson et Édouard Anseele. Elle a
repose en partie sur l’image de vie simple et de pour but de constituer un gouvernement qui doit
bonheur familial que donne le couple princier. reconstruire le pays, réformer la constitution et
établir un enseignement supérieur en néerlandais.
En 1909, Albert effectue un voyage au Congo, Ce qui fut appelé par la presse conservatrice « le
son dernier voyage en tant que prince car le 17 coup de Loppem », c’est le vote d’une loi qui organise
décembre son oncle Léopold II meurt sans héritier l’élection immédiate d’une constituante au suffrage
direct. Albert est intronisé cinq jours plus tard. universel. Les élections se déroulent en 1919, mais
Il est le premier roi à prêter serment en français les votants ne respectent pas strictement la loi.
et en néerlandais. Le roi remet les discours En effet, il aurait fallu que les élections se fassent
du trône à l’honneur le 8 novembre 1910. au suffrage plural, mais cela aurait pris trop de
temps. Ainsi, ce qui fut critiqué est le caractère
L’année suivante est moins calme, on retiendra inconstitutionnel de l’octroi du suffrage universel
surtout l’affaire Schollaert, affaire d’un projet de ainsi que la création de l’université flamande de Gand.
loi sur l’enseignement, qui divise le gouvernement. Les patriotiques voient là un signe de séparatisme.
L’intervention du roi aura pour conséquences la

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 122
En 1919, lors du traité de Versailles, Albert négocie fort appréciée. L’opinion publique soutient
et obtient le retour des cantons de l’Est. Il s’oppose à le roi, son prestige ne diminue pas, ce qui lui
la politique d’humiliation de l’Allemagne, mais sans permet d’intervenir souvent, notamment en
succès. Il pense aux relations économiques futures 1933, pour régler le sort des collaborateurs
qu’il faudra reprendre un jour. Il n’est pas partisan de avec l’Allemagne lors de la Grande Guerre.
réparations lourdes. La vie d’Albert, après la première
guerre mondiale, est marquée par ses interventions Le roi Albert meurt le 17 février 1934 à Marche-
sur la scène politique, il s’investit souvent pour les-Dames des suites d’une mauvaise chute.
défendre son peuple. Son prestige d’après-guerre lui Son fils aîné, Léopold, lui succède.
permet de ne pas être accusé d’ambition personnelle.
Un an après le traité de Versailles, la Belgique conclut
un accord militaire avec la France. L’Angleterre
est approchée, mais aucun accord n’est signé.
On remarque qu’après la guerre, le roi s’implique
beaucoup en politique. Il reste neutre mais donne son
avis et lors des différentes crises gouvernementales,
il intervient rapidement pour qu’un gouvernement
se reforme. En 1920, il visite le Brésil et cinq années
plus tard, le couple fête ses noces d’argent en Inde.

En 1928, Albert visite le Congo pour la deuxième


fois. C’est aussi l’année de la fondation du FNRS
(Fonds national pour la recherche scientifique) dont
Albert avait lancé la création l’année précédente
lors d’une allocution faite à Seraing à l’occasion
du 110e anniversaire des établissements Cockerill.
L’année 1928 marque aussi l’inauguration
par le roi du Palais des beaux-arts.

En 1930, année du centenaire de l’indépendance de


la Belgique, Albert reçoit les insignes de docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. C’est
l’année de l’inauguration des travaux du canal Albert,
élément de la politique de grands travaux mise en
place pour répondre à la crise de 1929, ainsi que dans
les chantiers des ports d’Anvers et de Zeebrugge.

En 1932, il rédige et rend publique une lettre


appelant à la solidarité internationale, qui est

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 123
Fouad d’Égypte
Docteur honoris causa 1925 En 1922, l’indépendance de l’Égypte conforte le
système monarchique. Le Journal officiel du 15 mars
Gizeh, Égypte, 1868 – Le Caire, Égypte, 1936 publie le premier discours de Fouad en tant que
chef d’État : « Nous proclamons hautement que dès
Fouad, né sous le nom d’Ahmed Fouad le 26 aujourd’hui l’Égypte constitue un état souverain
mars 1868, quitte son pays à l’âge de 11 ans ; et indépendant. Nous prenons désormais les titres
son père, le khédive Ismaïl, est détrôné par le de « Majesté » et de « Roi d’Égypte ». » La révolution
sultan ottoman Abdülhamid. Après la présence des années 1920 a apporté des changements en
ottomane, la domination anglaise s’étend de Égypte, à commencer par une ouverture dans
1882 à 1922 et se traduit par la présence massive l’accès à la vie publique pour les femmes.
de troupes armées britanniques. En 1914,
l’Angleterre impose à l’Égypte un protectorat, en Le 2 mai 1925, lors d’une visite en Belgique, le roi
mettant sur le trône Hussein. Cinq ans plus tard, Fouad devient docteur honoris causa de l’Université
l’Angleterre se voit confirmer par la conférence libre de Bruxelles. Il revient en Belgique en 1927,
de la paix son protectorat sur l’Égypte. Après année où il visite la Fondation égyptologique
plusieurs émeutes et révolutions, l’indépendance reine Élisabeth en compagnie de sa fondatrice.
de l’Égypte est proclamée le 28 février 1922, la
« mission » britannique est désormais terminée. Le roi Fouad est connu pour son rôle de mécène. Il
a, en effet, grandement contribué à la diffusion de
Fouad passe la plus grande part de son enfance la connaissance dans son pays. En 1930, commence
à l’étranger. Il fait sa scolarité à Genève puis à la parution d’une Histoire de la nation égyptienne.
Turin. À 17 ans, il entre à l’académie militaire. Il Deux ans plus tard, il crée un Institut royal de la
rentre en Égypte en 1892, où il reçoit la fonction musique arabe. Il vient aussi en aide aux jeunes
de premier aide de camp, qu’il occupe trois ans. filles sans ressources. Pour elles, il crée à Alexandrie
En 1895, il décide de travailler exclusivement au l’œuvre des Industries féminines. Il encourage
développement intellectuel, scientifique et social aussi les sports et aide à l’ouverture d’esprit par le
de l’Égypte, il s’y consacre pendant une vingtaine développement d’institutions diverses et variées.
d’années. En septembre 1908, l’Université du Caire
est reconnue d’utilité publique et est inaugurée Le roi s’éteint le 28 avril 1936 au Caire,
trois mois plus tard, elle deviendra une université son fils Farouk lui succède.
d’État en 1925. En 1911, Fouad entreprend une série
de voyages afin d’observer le fonctionnement des
universités en Europe. Le 9 octobre 1917, le prince
Fouad accède au trône du sultanat. Il succède à
son frère Hussein Kamal et devient Fouad Pacha.
Deux ans plus tard, le 26 mai 1919, il se marie
avec Nazli Sabri, fille d’Abdu’r-Rahim Pacha
Sabri (alors ministre de l’Agriculture). L’année
suivante, son épouse donne naissance à Farouk.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 124
Charles Evans Hughes
Docteur honoris causa 1924 de docteur honoris causa de l’Université libre de
Bruxelles et de l’Université catholique de Louvain.
Glens Falls, États-Unis, 1862 –
Osterville, États-Unis, 1948 Un an plus tard, il quitte son poste de secrétaire
d’État mais revient à la vie politique en 1930, lorsqu’il
Charles Evans Hughes est né le 11 avril 1862 à est nommé Chief Justice (juge en chef) des États-
Glens Falls dans l’État de New York. Il est le fils d’un Unis d’Amérique par le président Herbert Hoover,
prêcheur gallois David Charles Evans Hughes et de une fonction prestigieuse réservée au doyen des
Mary Catherine Connelly Hughes. Avant d’entrer juges de la Cour suprême. C’est devant Charles
à l’Université de Madison en 1876, il reçoit une Evans Hughes que Franklin D. Roosevelt prêta
éducation chrétienne à domicile. De l’Université de serment lorsqu’il accéda à la présidence. Pourtant,
Madison, il va à l’Université de Brown dont il sort les relations avec Roosevelt furent extrêmement
diplômé à 19 ans. Quelques années plus tard, il tendues, particulièrement lorsque le président
entre à l’Université de Columbia. Il en sort en 1884, décida de faire de la limitation des compétences
muni de son diplôme de droit, avec les honneurs. du pouvoir judiciaire une pièce maîtresse (et peu
Il pratique le droit durant une vingtaine d’années, connue) de son programme de réorganisation des
tout en enseignant régulièrement à l’Université structures institutionnelles des États-Unis. Dans
de Cornell. Il épouse en 1888 Antoinette Carter, ce cadre, Roosevelt se heurta à une résistance
fille de l’avocat de renom pour lequel il travaille. sans bornes de Hughes, en tant que représentant
principal du système judiciaire fédéral. Onzième
Sa vie publique commence en 1905 alors qu’il est Chief Justice de l’histoire de son pays, Charles Evans
choisi par une commission parlementaire pour Hughes occupera ce poste jusqu’à sa démission
contrôler des sociétés de gaz et d’électricité de New pour raisons de santé en 1941. Il meurt d’une crise
York. Il est remarqué à l’époque pour sa détermination cardiaque sept ans plus tard, à l’âge de 86 ans.
en tant qu’avocat et devient gouverneur de l’État
de New York l’année suivante, poste qu’il occupe
jusqu’en 1910, après sa réélection en 1908. En octobre
1910, il est nommé juge à la Cour suprême par le
président des États-Unis, William Howard Taft.

En 1916, à l’âge de 54 ans, il démissionne de ce poste


pour être le candidat républicain à la présidence
des États-Unis d’Amérique, poste auquel est élu
le candidat démocrate Woodrow Wilson. En 1921
il contourne le travail diplomatique de Wilson et
négocie une paix séparée avec l’Allemagne. Il devient
secrétaire d’État sous la présidence de Warren G.
Harding jusqu’en 1923, puis sous celle de Calvin
Coolidge jusqu’en 1925. En 1924, il reçoit les insignes

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 125
Jean Jadot
Docteur honoris causa 1921 pour le plus grand profit de sa société et des intérêts
belges en Chine. La ligne inaugurée en 1905, Jean
On-lez-Jemelle, Belgique, 1862 – Jadot peut bientôt quitter la Chine en triomphateur. À
Bruxelles, Belgique, 1932 son retour, il est convié chez le roi qui l’associe à ses
projets de mise en valeur du Congo. Il participe ainsi
Jean Jadot naît dans une famille d’ingénieurs de la de manière déterminante à l’élaboration des « Sociétés
province du Luxembourg. À 20 ans à peine, il obtient de 1906 » – l’Union minière du Haut-Katanga, la
avec grande distinction le grade d’ingénieur des Arts et Compagnie du chemin de fer du Bas-Congo au Katanga,
manufactures, du Génie civil et des Mines à l’Université la Société internationale forestière et minière du Congo
de Louvain. Il débute sa carrière à la Société des – en obtenant notamment une grande partie de leur
chemins de fer vicinaux de la province de Liège. Trois financement par la Société générale. Entré au conseil
ans plus tard, il est ingénieur en chef des Chemins de de direction de cette dernière, il oriente de manière
fer vicinaux de la province du Luxembourg. Orphelin décisive son activité vers les affaires coloniales.
de père en 1887, Jean Jadot doit assurer l’avenir de Nommé vice-gouverneur en 1912, il succède l’année
ses frères et sœurs. Aussi accepte-t-il en 1894 le suivante au gouverneur Baeyens. Sa fonction centrale
poste de directeur des Tramways du Caire qu’on lui l’amène à détenir des mandats d’administration de
propose. Il arrive en Égypte et fait face avec efficacité multiples sociétés. Resté en Belgique pendant la
aux difficultés du chantier : il termine en 13 mois ces guerre, il représente les banquiers face à l’occupant
« impossibles » travaux de l’empire industriel du tandis que les banques bruxelloises s’organisent en un
baron Empain. Il se voit alors confier la construction consortium que préside la Société générale. Par son
du chemin de fer de Basse-Égypte, où il brille à rôle décisif au sein du Comité national de secours et
nouveau par ses compétences. C’est là que la Société d’alimentation dirigé par Émile Francqui, il devient le
d’étude de chemins de fer en Chine, patronnée par la directeur de conscience des milieux d’affaires, où on
Société générale de Belgique, le recrute pour diriger le consulte pour toute décision importante. Peu après
la construction de la ligne Pékin-Hankow. Après un la guerre, il se consacre personnellement à la collecte
court passage en Belgique, au cours duquel il épouse de fonds pour rééquiper les laboratoires des écoles
sa cousine Maria, Jean Jadot appareille pour la Chine. d’ingénieurs des universités de Bruxelles et de Louvain,
Il y fait la connaissance d’Émile Francqui, avec qui il se ce qui lui vaut le titre de docteur honoris causa de
lie rapidement d’amitié. Pendant huit ans, Jean Jadot ces deux universités. Son action se poursuivra en
se consacre à l’établissement de plus de 1 200 km de 1928 avec la constitution du Fonds national de la
voie ferrée, dont un pont de 4 km sur le fleuve Jaune, recherche scientifique. En 1931, le principal centre
le plus long du monde à cette époque. Il surmonte industriel du Katanga reçoit le nom de Jadotville. Jean
efficacement les nombreux défis qui jalonnent son Jadot s’éteint à Bruxelles l’année de ses 70 ans.
parcours : révolte des Boxers, relations avec les
travailleurs chinois, négociations avec les autorités
locales, lutte d’influence avec les administrateurs
français de la Société d’étude. Fort apprécié du
directeur de la Compagnie impériale des chemins de fer
chinois, il s’introduit dans les milieux officiels chinois

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 126
Raymond Poincaré
Docteur honoris causa 1919 la « loi de trois ans » peu de temps avant la guerre et
impose l’Union sacrée au peuple français le 3 août
Bar-le-Duc, France, 1860 – Paris, France, 1934 1914. Toutefois, les prérogatives dont jouissent les
militaires restreignent considérablement l’autonomie
Raymond Poincaré est le fils unique d’un couple du président. Ce dernier intervient désormais pour
bourgeois de Bar-le-Duc. Menant une existence assez empêcher les gouvernements de songer à des paix
insouciante dans la France du Second Empire, le séparées et pour maintenir l’unité du pays, raison
conflit franco-prussien et la défaite de 1870 l’obligent pour laquelle il interdira aux socialistes de participer
à trouver refuge en Belgique avec sa mère. Au terme au congrès pacifiste de Stockholm en 1917. N’arrivant
de son cursus secondaire, il commence des études de plus à maintenir l’unité, il appelle son grand ennemi
droit à la Sorbonne et à Nancy. Il reçoit son diplôme politique, Georges Clémenceau, au gouvernement le
de droit et entre au barreau de Paris en 1882. Il exerce 13 novembre de la même année. L’arrivée du « Tigre »
jusqu’en 1886, date à laquelle un ami de la famille signifie la fin de l’Union sacrée et la prise de mesures
alors ministre de l’Agriculture le fait entrer en politique. sévères pour mettre fin aux grèves et aux mutineries.
Il est élu député de la Meuse l’année suivante en se À la fin du conflit, les deux hommes s’opposent sur
présentant sous l’étiquette progressiste. Il entre à les conditions de paix, Poincaré voulant faire occuper
la commission du budget de la Chambre en 1890, la rive gauche du Rhin, Clémenceau souhaitant un
devient rapporteur général du budget en 1892, puis compromis pour ne pas perdre l’appui des Alliés. En
ministre de l’Instruction publique et des Beaux- 1920, considérant son septennat comme un échec, il
arts l’année suivante. En 1894, durant neuf mois, il ne se représente pas. Il est par contre élu sénateur
occupe le poste de ministre des Finances avant de de la Meuse cette même année. Du 15 janvier 1922
redevenir ministre de l’Instruction publique, et d’être au 8 juin 1924, il est à nouveau président du Conseil
ensuite élu vice-président de la Chambre des députés. et ministre des Affaires étrangères. Décidé à faire
Il décide toutefois d’abandonner toute fonction appliquer entièrement le traité de Versailles, il procède
gouvernementale pendant dix ans suite à l’affaire à l’occupation militaire de la Ruhr avec l’appui de
Dreyfus, sur laquelle il ne prend pas position. Au terme l’armée belge, ce qui pousse les Anglais à spéculer en
de cette retraite, il accepte de reprendre le portefeuille bourse contre le franc. Poincaré, en augmentant les
des Finances en 1906, pour finalement encore se impôts de 20 %, redresse la situation financière mais
retirer suite à un désaccord. Après la dissolution du cette décision impopulaire amène au pouvoir le Cartel
cabinet Caillaux en 1912, le président Fallières fait des gauches en 1924. Toutefois, deux ans plus tard, la
appel à Poincaré pour reformer le gouvernement. fuite des capitaux et la spéculation financière mettent
Nommé président du Conseil, il se réserve les Affaires à nouveau le franc en péril. Poincaré, en sa qualité
étrangères et resserre les liens diplomatiques de de président du Conseil et de ministre des Finances
la France avec la Russie et la Grande-Bretagne. redresse la situation en proposant une alternative
Enhardi par les succès de sa politique, il présente sa au franc germinal. En 1929, malade, il se retire du
candidature à la présidence de la République l’année pouvoir. Il reprend toutefois son siège de sénateur en
suivante et remporte les élections grâce à l’électorat 1930, mais refuse, trop affaibli, de former un nouveau
de droite. Il prend alors des mesures pour préparer la gouvernement au mois de novembre. Il décède chez lui,
France à une guerre qu’il juge inévitable. Il fait voter à Paris, après une nouvelle attaque à l’âge de 74 ans.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 127
Thomas Woodrow Wilson
Docteur honoris causa 1919 Il est élu président des États-Unis en 1912 contre
Théodore Roosevelt, soutenu par les républicains
Staunton, États-Unis, 1856 – libéraux, et William Howard Taft, président sortant, à
Washington, États-Unis, 1924 l’issue d’une élection triangulaire disputée. Il est réélu
à la présidence des États-Unis en 1916 en défendant
Thomas Woodrow Wilson, homme politique américain un programme de paix, cette fois contre Charles
devient à l’âge de 56 ans, en 1912, le vingt-huitième Evans Hughes, qui se verra lui aussi octroyer un DHC
président des États-Unis. Il est le fils d’un pasteur par l’Université libre de Bruxelles. Au cours de ses
presbytérien et d’une émigrée presbytérienne deux mandats, Wilson entreprend de nombreuses
originaire du nord de l’Angleterre. La religion tient réformes ; il renforce le pouvoir du gouvernement
une place importante dans sa vie, tant d’un point fédéral et fait voter trois amendements majeurs à la
de vue privé que du point de vue politique. Constitution (élection au suffrage universel direct des
sénateurs, prohibition et droit de votes des femmes).
Il étudie à l’Université de Virginie bien que diverses
maladies l’empêchent de commencer l’école avant Dans la mémoire collective, ses deux mandats
l’âge de 13 ans. À l’université même, il fait une sont marqués par la première guerre mondiale.
dépression. En 1882, il fonde un cabinet d’avocats à Dans un premier temps, Wilson demeure fidèle à la
Atlanta mais il ne plaidera jamais, faute de clients ; tradition américaine de non-intervention au-delà
il abandonne cette voie dès le printemps 1883. de la zone géographique naturelle des États-Unis.
Il signe d’ailleurs la proclamation de neutralité le
Il étudie ensuite l’économie et l’histoire à l’Université 4 août 1914. Le 18 août, il invite ses concitoyens à
Johns Hopkins. En 1885, alors qu’il a 28 ans, il rester neutres « en actes comme en pensées ». Mais
épouse Ellen Louise Axson, qui décède le 6 août lorsque les Allemands inaugurent la guerre sous-
1914. Il enseigne à Bryn Mawr, en Pennsylvanie, marine, s’attaquant aux bateaux battant pavillon
et devient ensuite professeur à la Wesleyan des pays neutres, il décide de la participation des
University du Connecticut de 1888 à 1890. Sa États-Unis à la guerre. Le 6 avril 1917, sa résolution
carrière académique se poursuit à l’Université de est adoptée par le Congrès. Bien qu’ayant rompu les
Princeton de 1890 à 1902, après quoi il en devient relations diplomatiques avec Berlin, il ne désespère
le président pendant huit années. Au cours de pas d’arracher une solution pacifique au conflit.
cette présidence, il entreprend des réformes qui Le 22 janvier 1917, il propose aux belligérants de
finissent par susciter de farouches résistances. conclure une « paix sans victoire ». Le 8 janvier 1918,
Wilson élabore ses « 14 points pour la paix » sur la
Il fait son entrée dans la vie politique en 1910. Il opte base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
pour le Parti démocrate dont il était proche depuis en se réclamant des aspirations nationales et de
de nombreuses années. Il brigue et obtient le poste la reconnaissance des minorités. Les principes
de gouverneur du New Jersey. Il mène des réformes wilsoniens d’inspiration idéaliste constituent un
dans le cadre de son mandat de gouverneur qui lui tournant de la politique étrangère des États-Unis,
assurent une grande popularité et lui permettent de même qu’au niveau des relations internationales
d’être élu comme candidat démocrate à la présidence. en général. Le dernier des « 14 points pour la paix »

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 128
appelle à la création d’une Société des nations,
lointain ancêtre de l’ONU, qui défend le principe
de la sécurité collective. Le Congrès ne suivra
pas les vues de Wilson et la Société des nations
se bâtira sans le concours des États-Unis.

C’est durant cette année 1918 que la popularité de


Wilson atteint son apogée, surtout du côté de la
gauche européenne. Il prend une part prépondérante
à l’élaboration du traité de Versailles – que le
Congrès des États-Unis refusera de ratifier. Il promet
également un traité de défense anglo-américano-
français, mais celui-ci est, une fois encore, rejeté par
les parlementaires. Pour tous ses efforts de paix, il
reçoit en 1919 le prix Nobel de la paix. Frappé d’une
hémiplégie en octobre 1919, Thomas Woodrow Wilson
meurt en 1924, après s’être retiré de la vie politique.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 129
Émile Francqui
Docteur honoris causa 1919 questions politiques nationales et internationales. À
cette occasion, il croise à nouveau Herbert Hoover qui,
Bruxelles, Belgique, 1863 – depuis Londres, a créé l’équivalent américain du CNSA,
Overijse, Belgique, 1935 à savoir le Committee for Relief in Belgium (CRB). Au
prix de quelques affrontements à fleurets mouchetés,
On peut dire d’Émile Francqui qu’il a eu plusieurs Francqui et Hoover parviennent à sauvegarder
vies. Issu de la petite bourgeoisie bruxelloise, il l’autonomie et la mission humanitaire de leurs
s’engage à 15 ans dans l’armée et poursuit sa carrière organismes respectifs. Après la guerre, ils s’accordent
militaire dans l’État indépendant du Congo, alors pour en affecter le solde budgétaire au développement
propriété personnelle du roi Léopold II. Sa capacité des universités, à la création d’instituts de recherche
d’organisation est remarquée au cours des diverses scientifique (fondation universitaire) ou encore à un
expéditions qu’il commande. En 1896, il abandonne programme d’échanges universitaires belgo-américain
l’armée et embrasse une carrière consulaire qui – la CRB Educational Foundation (devenue, en 1938,
le mène en Chine (Hankou et Shanghai). Il y fait la la Belgian American Educational Foundation). Bien
rencontre de Herbert Hoover, alors jeune ingénieur des qu’il n’ait jamais voulu s’affilier à un parti politique ni
mines, ainsi que du poète et dramaturge Paul Claudel, se voir conférer officiellement un mandat ministériel
consul de France à Tianjin. Avec plusieurs succès qui l’aurait trop exposé, Francqui prend une part
diplomatiques à son actif, Francqui est pressenti pour active dans la négociation des réparations imposées à
devenir agent général de la Compagnie internationale l’Allemagne. Plus tard, il s’illustre par son implication
d’Orient, filiale de la Banque d’outre-mer belge dont il dans la chute du gouvernement de centre-gauche
finit par assumer la direction en 1910. Son ascension Poullet-Vandervelde en 1926 et propose un plan
dans les milieux d’affaires et financiers est fulgurante. alternatif de stabilisation du franc belge au sein
Elle est facilitée par son entrée, en 1912, au conseil d’un gouvernement qu’il a lui-même suscité. Hostile
de direction de la Société générale de Belgique, qui à une dévaluation du franc belge, il préconise en
détient des participations croisées dans de nombreux 1934 l’adoption d’une politique déflationniste pour
secteurs industriels. Il en est successivement vice- juguler la crise financière. Il meurt quelques mois
gouverneur (1923) puis gouverneur (1932), succédant après avoir mis un terme à son mandat de gouverneur
à l’ingénieur Jean Jadot, également docteur honoris de la Société générale. Ses admirateurs comme
causa de l’ULB. On ne compte plus, après la guerre, ses détracteurs sont unanimes pour le considérer
le nombre de mandats d’administrateur de sociétés comme l’un des hommes politiques belges les plus
dont il dispose. D’un autre côté, c’est par le biais de influents de la première moitié du XXe siècle.
son action au sein du Comité national de secours et
d’alimentation (CNSA), initié par les industriels Ernest
Solvay, Emmanuel Janssen et Dannie Heineman durant
la première guerre mondiale, que Francqui déploie
l’étendue de ses talents d’organisation et de gestion.
En tant que président de son comité exécutif, il impose
son leadership et transforme bientôt le CNSA en un
« second gouvernement » chargé de résoudre les

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 130
Herbert Hoover
Docteur honoris causa 1919 Homme politique accompli, il devient secrétaire
d’État au Commerce entre 1921 et 1928, puis
West Branch, États-Unis, 1874 – se présente comme candidat républicain à la
New York, États-Unis, 1964 présidence et est élu 31e président des États-
Unis entre 1928 et 1932. C’est sous son mandat
Cadet d’une famille de trois enfants, Herbert qu’éclate la crise économique de 1929.
Clark Hoover est issu d’une famille modeste de
confession quaker. Il est orphelin de père à 6 Herbert Hoover est un personnage controversé, car
ans et de mère à 10 ans. Il parvient à terminer considéré à la fois comme un sauveur de l’Europe,
l’école et entame des études dans plusieurs surtout pour la Belgique, mais aussi comme
disciplines scientifiques : en géologie, en génie responsable des conséquences de la dépression
minier, en paléontologie et en minéralogie à économique de 1929, n’ayant pas réussi à mettre en
l’Université de Stanford entre 1891 et 1898. place les réformes qui auraient pu juguler la crise.
Ses réformes se caractérisent par l’augmentation
Ses premières expériences professionnelles sont la des travaux publics, l’augmentation des droits de
direction de mines d’or (notamment en Australie). Il douanes et aussi par une politique de subventions
se retrouve à la tête de la gestion du ravitaillement aux banques et aux agriculteurs. Fidèle aux thèses
en Chine, durant la révolte des Boxers en 1900. du Parti républicain, il est sympathisant de la
théorie du « laisser faire », ce qui ne peut résoudre
La première guerre mondiale permet à Herbert Hoover le taux de chômage, d’autant plus que sa politique
d’acquérir une expérience politique, notamment par réformatrice nécessite une augmentation des
ses relations avec le gouvernement belge, dans son impôts. C’est sur ce thème, et avec son concept
association avec le Comité national de secours et du New Deal, que Franklin Delano Roosevelt bat
d’alimentation dirigé par l’homme politique belge Herbert Hoover aux élections de 1932. Après sa
Émile Francqui (dans le cadre de la Commission for carrière politique, Herbert Hoover est encore sollicité
Relief in Belgium, ayant pour objectif de s’occuper comme conseiller auprès des présidents Truman et
du ravitaillement de la Belgique occupée). Il est l’un Eisenhower. Il décéde le 20 octobre 1964 à New York.
des artisans à l’élaboration du traité de Versailles
et participe au refinancement de la Belgique
notamment avec l’industriel Ernest Solvay.

C’est dans ce cadre d’aide humanitaire qu’Herbert


Hoover est décoré plusieurs fois des insignes
de docteur honoris causa notamment à l’ULB,
où Herbert Hoover est nommé docteur honoris
causa de la Faculté des sciences appliquées
une première fois le 23 novembre 1918 et de
l’ULB une seconde fois le 11 septembre 1919.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 131
Charles Buls
Docteur honoris causa 1898 ville de Bruxelles, et devient cette année-là président
du conseil d’administration de l’ULB. Pendant tout
Bruxelles, Belgique, 1837 – son mandat, il se bat pour que le suffrage (censitaire
Bruxelles, Belgique, 1914 à cette époque) devienne universel et pour que
l’enseignement devienne gratuit, obligatoire et laïque.
Issu d’une famille d’origine provinciale aisée – son
père était orfèvre – Charles Buls est flamand par Mais la tâche n’est pas aisée et il doit faire
ses ascendants paternels et maternels. De santé face en 1884 au retour des catholiques au
fragile, il fait ses études à l’athénée de Bruxelles en gouvernement, proposant un projet de loi favorisant
section professionnelle, dont il sort en 1855. Son le développement de l’enseignement catholique.
père, qui le prépare à sa succession, l’envoie chez le En 1879, les libéraux avaient gagné les élections,
peintre Léonard ainsi qu’à Paris de novembre 1858 créé un ministère de l’Instruction publique et
à novembre 1859, et en Italie l’année suivante. Ces promulgué une loi obligeant chaque commune à
voyages lui permettent de s’instruire et de prendre avoir au moins une école primaire laïque et neutre,
goût aux arts. De retour en Belgique, il comprend revenant sur la loi de 1842 confiant l’enseignement
que le métier d’orfèvre n’est pas fait pour lui et il primaire aux religieux. C’est donc cette année-là,
commence à fréquenter des cercles intellectuels en 1884, que Charles Buls et d’autres bourgmestres
libéraux. En 1862, il devient franc-maçon et entre lancent le Compromis des communes réunissant
comme compagnon à la Loge des vrais amis de l’union près de 820 représentants de communes dont
et du progrès réunis. Il crée avec notamment Léon 200 bourgmestres et qui eut pour effet d’inciter le
Vanderkindere (son ami d’enfance qui deviendra gouvernement catholique à modérer ses réformes.
plus tard un grand historien de l’ULB), le Cercle
littéraire. En 1863, alors qu’il assiste avec Auguste En 1886, il coopère à la création d’une Bourse
Couvreur (franc-maçon lui aussi) au Congrès des du travail (un lieu où employeurs et demandeurs
sciences sociales d’Amsterdam, il est frappé par d’emploi peuvent se rencontrer), suite logique de
la neutralité politique des écoles. Il fonde alors en l’intérêt pour le sort des ouvriers (sur la question
1864 la Ligue de l’enseignement dont les objectifs du salaire minimum par exemple) qu’il a porté tout
sont d’améliorer l’éducation et l’instruction. Il en au long de sa vie. En 1895, lors de l’inauguration
est le secrétaire une bonne partie de sa vie. Il crée des instituts du parc Léopold financés par Ernest
aussi le Denier des écoles et un musée populaire, Solvay et d’autres mécènes, il confie la gestion des
mais surtout, en 1875, l’École modèle qui est, à établissements scientifiques à l’Université libre
l’époque, un exemple en matière d’enseignement. de Bruxelles. Il reçoit le titre de docteur honoris
Il en devient secrétaire jusqu’en 1878. causa de l’ULB en 1898 et reste membre permanent
de son conseil d’administration jusqu’à sa mort.
En 1877, il est nommé conseiller communal Il est également membre de la Chambre des
de Bruxelles et, en 1879, il devient échevin de représentants de 1882 à 1884 et de 1886 à 1894.
l’instruction publique et entre dans le conseil
d’administration de l’ULB. Enfin, en 1881, il succède Alors qu’il a réussi à restaurer les maisons de la
à Félix Vanderstraeten en tant que bourgmestre de la Grand-Place et l’église de Notre-Dame du Sablon,

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 132
ainsi qu’à transformer le quartier de la Vierge
noire, un conflit éclate entre lui et Léopold II sur la
modification du Mont des Arts, ce qui le pousse
à démissionner de ses fonctions de bourgmestre
en 1899. À plus de 60 ans, il adopte une nouvelle
vie, il voyage (en Afrique australe, au Siam, aux
États-Unis, etc.), il en rapporte des croquis et écrit
sur ses préoccupations comme l’urbanisme. En
1909, il est docteur honoris causa de l’Université de
Genève. En 1914, alors qu’il est à Florence, il tombe
subitement malade et rentre immédiatement à
Bruxelles, où il décède le 13 juillet, à presque 77 ans.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 133
Ernest Solvay
Docteur honoris causa 1898 pour ce faire de l’aide (juridique et financière)
d’alliés de la famille, dont la famille Pirmez.
Rebecq-Rognon, Belgique, 1838 –
Ixelles, Belgique, 1922 Malgré de nombreux aléas, et grâce au soutien
de la famille Solvay, l’implantation industrielle
Ernest Solvay incarne la réussite industrielle belge se poursuit, concrétisée par la mise au point de
de la seconde moitié du XIXe siècle. Devenu une la colonne Solvay en 1869. Le succès du procédé
figure véritablement mythique, il associe son nom se confirme, symbolisé par les prix obtenus aux
à la fois au monde des affaires (les entreprises expositions universelles de Paris (1867) et de Vienne
Solvay), à la sphère des sciences (les instituts de (1873). Mais surtout, la soude Solvay gagne la partie
recherche et d’enseignement qui portent son nom) qui l’oppose sur le terrain commercial à la soude
et enfin à l’identité nationale belge, à la fois par Leblanc. Au cours de la même période la société
ses liens avec une autre figure mythique belge, le Solvay s’est développée sur le plan international:
roi Albert Ier, et par ses actions philanthropiques. implantations en France (Dombasle), accords avec
Ludwig Mond et implantations en Allemagne (Wyhl,
Ernest Solvay est le deuxième enfant d’Alexandre Bernbourg…), en Angleterre (Norwich), aux États-
Solvay, négociant, maître de carrière et conseiller Unis (Syracuse, Detroit), en Autriche (Ebensee), en
communal de Rebecq, et d’Adèle Hulin. Il a un frère, Russie (Berezniki…), puis encore en Europe (Espagne,
Alfred, étroitement associé à la réussite industrielle Pologne, Italie…). D’autre part, la société Solvay
familiale, et trois sœurs qui concourront à la diversifie ses activités (les fours à coke), ses produits
réussite sociale de la famille par leurs mariages. et ses techniques de fabrication: une étape décisive
en sera la production de soude caustique et de chlore
Atteint de pleurésie à l’âge de 16 ans, Ernest par électrolyse du sel (brevet de la cellule à cathode
Solvay doit interrompre le cours de ses études. Il de mercure, dite cellule Solvay, en 1898). La réussite
se passionne pour les sciences en autodidacte, industrielle se double d’une gestion avisée au plan
effectue un stage auprès d’une maison de financier: en témoigne la constitution, en 1914, de la
commerce anversoise et s’initie à la comptabilité. Mutuelle mobilière et immobilière, banque d’industrie
Il devient sous-directeur à la Compagnie du gaz destinée à gérer une partie des avoirs du groupe
de Saint-Josse-ten-Noode (1859) et y (re)découvre et à diversifier les investissements. Cette dernière
le procédé de fabrication de la soude. Ce procédé prend ainsi part à la diversification du groupe et
de Solvay présente de nombreux avantages investit notamment dans les domaines de l’acier
industriels et notamment celui d’être plus rentable et du verre, des avoirs miniers et dans le secteur
que le procédé Leblanc répandu sur le marché. bancaire proprement dit. Le succès des industries
Solvay entreprend alors l’exploitation industrielle Solvay a ainsi placé Ernest Solvay au rang des plus
de son procédé et en dépose le brevet en 1861. importantes fortunes belges et européennes.
Après une tentative infructueuse à Schaerbeek,
il s’établit avec son frère et un camarade, Louis La fortune d’Ernest Solvay va lui permettre de réaliser
Philippe Acheroy, en 1864 à Couillet; il bénéficie ses rêves scientifiques et philanthropiques. Intéressé
au mouvement des sciences depuis son adolescence,

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 134
Ernest Solvay développe un corps de théories
politiques, scientifiques, économiques et sociales
original. Sur le plan philosophique, il glorifie la science
déterministe et les vertus de l’enseignement pour tous,
s’oppose au « dogmatisme religieux ». Il appelle, sur
le plan économique et social, à une suppression des
inégalités héréditaires et à une plus grande rentabilité
sociale et économique, pour lesquelles il propose des
projets originaux. Devenu sénateur libéral en 1892,
il entretient de multiples relations aussi bien avec
les milieux socialistes qu’avec la maison royale. La
diversité de son mécénat surprend : au parc Léopold,
il crée successivement les Instituts scientifiques de
physiologie (1893), l’Institut de sociologie (1902), qui
prend le relais de l’Institut des sciences sociales (1894),
l’École de commerce (1904), les Conseils et Instituts
de physique et de chimie (1911 -1913) ; il subsidie
aussi l’Université libre de Bruxelles, l’Université du
travail à Charleroi, les universités de Nancy, Paris,
Genève… et encore la Maison du peuple de Bruxelles,
la Centrale d’éducation ouvrière du POB ou encore
le Touring Club de Belgique! Il joue aussi un rôle
prépondérant dans la mise sur pied du Comité de
secours et d’alimentation au cours de la première
guerre mondiale et aura soutenu les visées coloniales
de Léopold II, participant en 1908 à l’élaboration du
traité de cession de l’État indépendant du Congo à la
Belgique. Ernest Solvay aura aussi financé le quotidien
L’Indépendance belge. Ernest Solvay est nommé
ministre d’État le 21 novembre 1918 et titulaire de
nombreuses distinctions honorifiques académiques.

Sur le plan privé, il épouse en 1863 Pauline Adèle


Winderickx (1845-1928) ; ils auront quatre enfants
Jeanne, Armand, Hélène et Edmond. La famille
occupera plusieurs demeures, dont les plus célèbres
sont la demeure urbaine de la rue des Champs-
Élysées, à Ixelles, et le château de la Hulpe.

ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 135
ULB DHC 175e
Pour une histoire des DHC
Du balayeur de rue au président des États-Unis… l’origine même des universités. On outrepassait alors régulièrement l’une ou l’autre
Pieter Dhondt des caractéristiques nécessaires à l’attribution d’un doctorat. Ce diplôme fut ainsi
Caractère ambigu et genèse controversée du doctorat parfois conféré à la demande du candidat ou contre paiement des coûts normaux de
honoris causa promotion. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les docteurs s’étant vus décerner un tel di-
plôme sur base de leurs mérites jouirent en outre des mêmes droits et privilèges que
En juillet 2009, l’Université de Cambridge décernait un diplôme honoris causa les docteurs ordinaires, ce qui n’est plus le cas de nos jours. Enfin, les initiatives de
à un certain Allan Brigham. Pour arrondir ses fins de mois, ce balayeur de rue orga- ces promotions émanaient souvent des mandataires politiques ou religieux, plutôt
nisait régulièrement des visites historiques lui valant aujourd’hui cette distinction. que de l’université même.
Quelques mois plus tard, l’Université McGill de Montréal octroyait à l’ancien prési-
dent des États-Unis, Bill Clinton, un doctorat honoris causa pour l’excellence de sa Il y a une logique certaine à cette situation : le pape et l’empereur du Saint
présidence. On peut donc dire que les personnalités honorées par un tel diplôme Empire romain ont été progressivement réputés à l’origine de tous les doctorats, Bill Clinton, 1993
sont de natures extrêmement différentes, tout comme les circonstances et les motifs comme on le verra dans la première partie de cette contribution. Essentiellement
de telles promotions. Il est arrivé que l’on privilégie des considérations politiques par glissement de la signification du doctorat vers un titre honorifique, le pape et
et idéologiques comme pour le diplôme honoris causa décerné en 1479 par l’Uni- l’empereur s’arrogèrent, comme fondateurs des universités, le droit de conférer des
versité d’Oxford à Lionel Woodville, doyen de la cathédrale d’Exeter et beau-frère grades académiques non seulement de manière indirecte (par les universités ou
d’Édouard IV. Ou que l’on fasse valoir des considérations plus scientifiques, comme autres institutions érudites), mais aussi de manière directe, et même celui d’hono-
pour le titre décerné par l’Université de Bonn en 1868 à Louis Pasteur, chimiste et rer des personnalités (méritantes) en leur conférant un doctorat honorifique. Et l’on
biologiste. On a également pu avancer des motifs sociaux et culturels. Témoin, le s’écarta donc très souvent des conditions normales de promotion, tout comme pour
titre de Honorary Doctorate of Philosophy décerné à Sheryl Crow au début du XXIe les promotions in absentia.
siècle par la Southeast Missouri State University à Cape Girardeau, dans le Missouri.
Le contexte politique et les circonstances concrètes furent donc – et sont toujours La deuxième partie explique pourquoi certains doctorats honorifiques peuvent
– déterminantes. C’est ainsi qu’en 1806, l’Université d’Iéna décerna des doctorats être considérés comme une promotion Nous verrons dans un troisième temps que
honoris causa à quelques officiers français en hommage à la victoire militaire de Na- l’octroi de doctorats sur base de mérites, sans pour autant satisfaire à toutes les
poléon ainsi qu’en remerciement pour la protection spéciale dont profita l’université conditions statutaires, répondait parfois à une nécessité pratique, notamment pour
pendant les jours chaotiques qui suivirent la bataille. Cependant, moins de deux ans les professeurs ne détenant encore aucun doctorat au moment de leur nomination. Louis Pasteur, par Nadar, 1878

plus tard, cette même université organisa des conférences sur l’histoire allemande, Nous aborderons ensuite un autre besoin que l’on a pu satisfaire grâce à ces pro-
ayant pour but la préparation idéologique des guerres de libération visant à se dé- motions honorifiques, celui des cérémonies académiques. Avec la « scientifisation »
barrasser du joug français. du diplôme de docteur dès le début du XIXe siècle, la cérémonie promotionnelle or-
dinaire de certains pays eut tendance à perdre de son lustre, un manque que l’on a
De nos jours, un doctorat honoris causa se définit comme un grade académi- souvent pallié par la remise solennelle et parfois pompeuse de doctorats honorifi-
que conféré gratuitement, à titre honorifique, par une institution de nature univer- ques à l’occasion, par exemple, du jubilé de l’université en question. La jeunesse
sitaire agissant de sa propre initiative à une personne renommée pour ses travaux des universités belges, et donc l’absence de tels jubilés au XIXe siècle, peut ainsi
ou ses mérites sur le plan scientifique, culturel, politique, économique, religieux expliquer la tradition plutôt récente des promotions honorifiques en Belgique, sur
ou militaire, sans l’exigence d’aucune prestation scientifique de sa part, mais si- laquelle on reviendra dans la cinquième et dernière section de cette contribution.
multanément, sans aucun droit lié au titre. Le doctorat honoris causa qui satisfait à
toutes ces conditions n’existe que depuis le début du XIXe siècle, mais son origine
remonte à des temps bien plus anciens. La tendance à s’écarter des règles et condi-
tions préalables pour décerner un doctorat et conférer de la sorte un titre en vertu
de certains mérites (de quelque nature qu’ils soient) remonte très probablement à Sheryl Crow, 2008

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 139


Le pape et l’empereur du Saint Empire romain à l’origine De surcroît, ces « docteurs » étaient exonérés d’impôts
de tous les doctorats personnels, jouissaient de quelques privilèges ves-
timentaires (notamment en matière de port d’armes)
Le titre de docteur (en droit) fut conféré pour la première fois par l’Université de et se voyaient accorder l’accès à certains ministères
Bologne avant 1219. À Paris également, le doctorat était réservé à l’origine à des pro- publics, prébendes religieuses ou canonicats. La va-
fesseurs de droit, alors que leurs collègues en théologie étaient qualifiés de « maî- lorisation croissante du titre de docteur a engendré la
tres » (magisters). Progressivement, on en vint à réserver le titre de docteur à toutes transformation de la promotion en un rituel officiel et
les facultés supérieures (de théologie, de droit et de médecine), tout en réservant parfois pompeux accompagné de processions, de mu-
le titre de maître aux enseignants de la faculté préparatoire des arts (une coutume sique, de banquets, le tout à très grands frais. La ma-
qui donnera même le titre anglais de Master of Arts). Dans certains pays toutefois, gnificence de ces promotions avait pour but de refléter
comme en Allemagne, les deux titres étaient fréquemment confondus. le statut du tout nouveau docteur, qui montait dans
l’échelle sociale.
La procédure générale pour obtenir le titre de maître ou docteur impliquait que
l’étudiant ait réussi une première phase préparatoire des études universitaires, en L’octroi d’un tel titre honorifique et l’ascension
décrochant le grade de bachelier. Suivaient alors d’autres années d’études tournées sociale correspondante dépendaient toutefois du bon
vers l’obtention de la licentia docendi. Pour obtenir cette licence d’enseigner, le vouloir du pape ou de l’empereur du Saint Empire ro-
candidat devait passer un examen devant un jury composé de docteurs ou de ma- main germanique. Du temps de l’empire romain, l’oc-
gisters, présidé par le recteur de l’université. Habituellement, cet examen se com- troi de titres et honneurs revenait à l’empereur. Ce droit
posait d’une série de questions intrinsèques. Puis le candidat devait défendre une fut transféré au Moyen Âge au pape et aux souverains
position donnée dans le cadre d’une question prédéfinie. Si l’étudiant réussissait séculiers, au premier rang desquels figurait l’empereur Le pape Honorius III, 13e siècle
cette épreuve, il se voyait conférer le titre de licencié et obtenait l’autorisation d’en- du Saint Empire romain (bien que certains historiens
seigner à l’université. Si, par ailleurs, il exerçait déjà cette fonction de professeur, il aient également souligné le rôle des rois de France,
se voyait enfin décerner, lors d’une cérémonie officielle appelée inceptio, le titre de d’Angleterre, de Suède et autres). Étant donné que le
docteur ou de maître, qui signifiait tout simplement qu’il était habilité à enseigner pape et l’empereur germanique ont été les fondateurs
à l’université. des universités, ceci n’a fait que conforter progressi-
vement l’idée que lors d’une telle fondation, ils ont à
Au cours du XIIIe siècle, il a progressivement fallu, pour obtenir un doctorat, pas- leur tour transmis ce droit de promotion (qu’ils héri-
ser une épreuve complémentaire prenant la forme d’un examen public ayant géné- taient eux-mêmes de l’empereur romain) à la nouvelle
ralement lieu peu après l’obtention de la licence. Par le truchement d’une conférence institution. C’est donc dans ce cadre que, dès le début
ou d’une défense inaugurale, le candidat pénétrait par cette cérémonie dans le cer- du XIIIe siècle, le pape s’est arrogé l’ensemble du sys-
cle des érudits. Et le prestige croissant allant de pair pour le groupe des docteurs tème promotionnel. Il fit dépendre la délivrance de la
se traduisait par l’octroi de nombreux privilèges. Ce qui, à son tour, entraîna un glis- licentia docendi de l’autorisation de son représentant.
sement sémantique du doctorat, de la fonction d’enseignant à l’université à un titre Simultanément, il s’assura aussi personnellement que
purement honorifique. la validité du doctorat ne se limite plus à l’université
concernée, mais revête désormais un caractère univer-
Le privilège le plus important était très certainement la promotion sociale : le sel et soit donc reconnue par toutes les universités du
docteur passait ainsi dans un autre « état », celui de la noblesse, fût-ce dans certai- monde chrétien. En attachant de nombreux privilèges
nes limites. Ce titre de noblesse, par exemple, n’était pas héréditaire. S’il est admis à cet état de docteur, le pape et l’empereur sortaient
dans la noblesse, un docteur n’est, en d’autres termes, pas pour autant un « noble ». également le doctorat du cadre exclusif de l’université,

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contribuant de la sorte à la naissance d’une noblesse intellectuelle parallèlement à frais correspondants. L’examen, largement inspiré des
la noblesse héréditaire. examens de licence et de doctorat normaux, était orga-
nisé à la cour en présence d’au moins trois docteurs de
Découlant essentiellement de la conviction que seuls le pape et l’empereur la faculté. Pour éluder tout doute quant à la valeur du
allemand étaient habilités à anoblir quelqu’un, on en vint progressivement à pen- diplôme de doctorat impérial ou papal, on mentionnait
ser que ces deux pouvoirs universels avaient le droit de conférer de tels honneurs parfois sur le diplôme le nom des examinateurs et/ou
sans l’intervention des universités et pouvaient donc octroyer des doctorats non les questions. La plupart de ces remises de grades se
seulement indirectement (via les universités), mais aussi directement. En outre, ils faisaient en outre à la demande des candidats eux-mê-
déléguèrent également ce droit à leurs représentants par le truchement de l’octroi mes pour différentes raisons, notamment parce qu’ils
d’un grand ou d’un petit palatinat. Ce sont surtout les comtes palatins impériaux qui n’avaient pas pu suivre régulièrement les cours (ce
firent grand usage des droits qu’impliquait leur palatinat : la nomination de notaires, qui était une des conditions de l’octroi), parce qu’ils
la reconnaissance légale d’enfants extraconjugaux, la libération de serfs, l’émanci- avaient perdu leur diplôme universitaire ou encore
pation de mineurs, l’élévation à la noblesse, l’octroi de blasons et celui de grades pour obtenir un titre de doctorat rehaussé d’un cachet
académiques. L’ampleur des privilèges pouvait différer entre palatinats. Parfois, ils complémentaire.
ne pouvaient pas conférer de grades académiques, parfois on en limitait le nombre,
parfois on ne les accordait que pour certains secteurs scientifiques. C’est ainsi qu’en À ce titre, ces doctorats s’éloignaient bien entendu
principe, le droit de conférer des grades théologiques était réservé aux palatinats très fort des doctorats honorifiques que l’on a définis
les plus importants, souvent héréditaires et accordés uniquement aux personnes de plus haut. Quand le pape, l’empereur ou les comtes pa-
souche royale. latins pouvaient se faire une image des connaissances
du candidat autrement que par un examen (par exem-
Souvent, un grand palatinat avait le droit d’en créer de plus petits en témoigna- ple sur base de ses publications), ils s’arrogeaient le
ge d’estime à des personnes privées, mais aussi à des institutions ou des sociétés droit de conférer des doctorats sans examen préala-
érudites. Cela fit que par ailleurs, à partir du XVIe siècle, on en vint à se plaindre ble ni frais de promotion. Dans de tels cas, le manda-
d’une certaine inflation tant de l’octroi des palatinats eux-mêmes que de l’utilisation taire politique ou religieux n’avait qu’à s’en remettre Le pape Pie V, 16e siècle
des privilèges correspondants. En conséquence, le pape Pie V réagit en retirant com- à sa propre conscience pour ne pas conférer ce titre à
plètement, aux environs de 1550, le privilège de conférer des grades académiques des incompétents. Les doctorats conférés de la sorte
reconnus à ses représentants. L’empereur germanique lui aussi prit certaines me- étaient réputés récompenser plus particulièrement
sures pour répondre à l’insatisfaction croissante. Il sanctionna de la sorte quelques des mérites ou des prestations scientifiques et exer-
professeurs de Leipzig pour avoir abusé à ses yeux de leur prérogative de comtes çaient clairement une fonction exemplative pour les
palatins en conférant des grades académiques hors des cercles universitaires. Pa- étudiants à venir. L’importance, en l’occurrence, était
reillement, à partir de 1721, aucun notaire ne put plus ouvrir sa propre étude sans de ne pas créer trop de distance entre la valeur pré-
avoir réussi un examen, ce qui limitait dans les faits le droit palatin de nommer des sente du candidat et l’élévation de statut qu’il obtenait
notaires. par un doctorat.

Mais les limitations ainsi visées furent moins grandes qu’elles ne parurent à Quelques exemples montrent clairement en quoi
première vue. Les candidats à qui le titre de notaire ou le grade de docteur (bul- ces doctorats sont très proches de notre perception
latus, pour les distinguer des docteurs ordinaires) fut conféré par l’empereur, les actuelle du doctorat honoris causa. Ainsi, bien que
comtes palatins agissant en qualité de représentants de ce dernier, le pape ou ses l’étudiant en droit Johann Georg Kauffer ait pu sou-
délégués devaient tous, en principe, passer un examen et supporter eux-mêmes les mettre une attestation de l’Université de Prague, l’em-

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pereur Ferdinand III lui conféra le titre de docteur en premier lieu pour ses actions sant la valeur du doctorat et le cercle symbolisant la perfection de la science), et
patriotiques exemplaires comme chef des étudiants pendant le siège de Prague par l’accolade fraternelle (qui fait référence à l’admission dans la communauté univer-
la Suède en 1648. Pour Arnold Froon, ultérieurement secrétaire du service postal sitaire). Toutefois, de l’une ou l’autre manière, on limita de plus en plus certains des
impérial, il a suffi de trois attestations de présence aux cours qu’il avait suivis à privilèges liés au diplôme de docteur . Et plus particulièrement, l’admission dans la
Dillingen en Bavière et une attestation de quatre docteurs en droit de Vienne pour communauté et le droit de faire passer des examens, et donc de créer eux-mêmes
témoigner de sa compétence. Les mérites militaires de son grand-père contribuèrent des docteurs, furent de moins en moins concédés aux bullati.
certainement à persuader l’empereur Léopold Ier de lui conférer le titre de docteur
honoris causa dans les deux droits en 1697. Quant à Caspar Paul Van de Cruys, ce En conséquence de toutes ces limitations aux remises de doctorat sur base d’un
furent aussi, très certainement, ses performances militaires qui l’emportèrent. Ori- grand ou d’un petit palatinat (le fait que les bullati ne jouissaient pas toujours des
ginaire de Peer, il étudia le droit à l’Université de Louvain mais, pendant la guerre de mêmes privilèges et qu’ils avaient généralement obtenu leur diplôme à leurs pro-
succession espagnole, il fut contraint de revenir dans sa ville natale pour défendre le pres frais, à leur demande et après un examen), la concession même d’un palatinat
L’empereur Léopold Ier,
sol de ses ancêtres. Lors d’un choc avec les troupes espagnoles, il fut si gravement et donc l’obtention du droit de décerner des grades académiques pourraient plutôt par Benjamin von Block, 1672
blessé qu’il lui fut impossible de poursuivre ses études. En compensation, Frédéric, être considérées comme une reconnaissance de mérites scientifiques ou sociaux et
de la famille aristocratique italienne des Sforza et prince du Saint Empire romain, donc comme une sorte de doctorat honoris causa.
lui conféra en 1709 le titre de docteur dans les deux droits à Rome. Van de Cruys fut
ensuite commissaire du prince évêque à Peer, siégea comme échevin à Grote-Brogel Une autre forme spéciale de reconnaissance que l’empereur et les comtes pala-
et acheva sa carrière comme bourgmestre de Peer. tins pouvaient décerner était le sacre de poètes. L’exemple le plus célèbre, c’est l’oc-
troi de ce titre à Pétrarque en 1341. S’il est vrai qu’on n’utilisait pas la dénomination
La seule condition pour pouvoir jouir de tous les privilèges liés à son titre de de docteur honoris causa, la cause en était très semblable. La similitude avec le di-
doctorat était que Van de Cruys prête dans son propre pays son serment de docto- plôme honorifique que décerna l’Université d’Oxford au poète John Skelton en 1488
rat devant un dignitaire religieux. Ce qui ne s’est jamais produit, de sorte que son est à cet égard révélatrice. La popularité croissante des sacres de poètes à partir de
diplôme resta un titre honorifique étranger. Le fait que ces bullati jouissaient des la seconde moitié du XVe siècle sous le règne de Maximilien Ier (entraînant à nouveau
mêmes droits que les simples docteurs exaspérait considérablement les nouveaux des conséquences inflationnistes) correspond à l’avènement de l’humanisme et à la
promus qui avaient obtenu leur diplôme après de longues études et de sévères exa- redécouverte des poètes et dramaturges anciens.
mens. Alors que pour les docteurs académiques, le rehaussement du statut social
et les nombreux privilèges qui y étaient liés constituaient un complément agréable La dissolution du Saint Empire romain en 1806 consacra simultanément la fin des Les insignes de l’ULB remis à
Simone Susskind en 2000
mais accidentel de leur diplôme, il s’agissait pour les bullati du cœur même de la droits palatins. Toutefois, et notamment en Autriche-Hongrie, l’empereur continua à
question. La conséquence logique fut qu’ils ne jouirent jamais d’une pleine estime. exercer une influence importante sur l’octroi des grades académiques. Quand bien
Le terme de « bullatus » avait par ailleurs une double signification. Il faisait référence même il avait perdu le droit de décerner lui-même des doctorats, celui de reconnaître
au diplôme même de doctorat (la bulle), tandis qu’aux yeux de ses adversaires, il des institutions investies de ce droit était encore entre ses mains : il était donc tou-
fut souvent traduit par « vain », « creux » ou « présomptueux ». Comme ces bullati jours à la source de tous les doctorats. En second lieu, on concevait, jusqu’à la fin de
avaient généralement obtenu ce titre à leurs frais et à leur propre demande, on af- l’empire austro-hongrois en 1918, que les universités avaient besoin de l’autorisation
firma souvent (et pas toujours à tort) qu’ils l’avaient acheté plutôt que mérité. de l’empereur pour décerner des doctorats honoris causa. Une expression particulière
de cet intérêt impérial pour l’octroi de grades académiques était la promotion dite sub
Sur le plan cérémoniel, leur promotion se passait généralement de la même ma- auspiciis Imperatoris qui, à partir du milieu du XVIIIe siècle, avait lieu tous les six ans.
nière qu’une promotion de doctorat académique avec la remise des mêmes insignes Cette promotion était réservée à des candidats docteurs en médecine de très haut
(insignia) de docteur  : la coiffe de docteur (qui fait référence au rite initiatique et rang recevant à cette occasion des mains de l’impératrice Marie-Thérèse une médaille
à l’admission dans le monde des adultes de la Rome ancienne), l’anneau en or (qui d’or. La tradition a été abrogée en 1918, avant d’être réintroduite à partir de 1952 en
fait référence au mariage platonique avec Sophia, déesse de la sagesse, l’or tradui- réponse à la résurgence du besoin de cérémonies académiques. Pétrarque, ca. 1450

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Le doctorat honoris causa dans sa forme la plus extrême de n’aient pas été accordées facilement. Lionel Woodville, que l’on a déjà cité, et John
promotion in absentia Bourchier, archevêque de Canterbury, se virent décerner au XVe siècle par l’Univer-
sité d’Oxford de tels degrees by creation (des grades accordés sans suivre les cours
Des promotions d’autre nature présentant dans certains cas de frappantes si- et sans passer les exercices ou examens correspondants).
militudes avec le doctorat honoris causa moderne étaient les promotions dites in
absentia. Les promotions in absentia étaient liées à l’habitude prémoderne d’adap- Mais on ne tarda pas à abuser de ces pratiques, surtout parce que les revenus
ter les examens aux capacités et aux ambitions des candidats. Cela avait peu de des professeurs et des facultés dépendaient pour une grande part du paiement des
sens d’exiger une thèse doctorale personnelle approfondie – en latin de surcroît – de frais de promotion. Les universités d’Iéna, Halle, Giessen, Rostock et Göttingen, no-
personnes dont on savait pertinemment qu’elles n’aspiraient en rien à une position tamment, abusèrent considérablement de leurs prérogatives à la fin du XVIIIe siècle
universitaire. En effet, loin de représenter des discussions scientifiques de haut ni- et lors de la première moitié du XIXe siècle, en abaissant constamment les exigences
veau, ces défenses dégénéraient souvent en débats feints, convenus jusque dans le qui régissaient l’octroi des promotions in absentia. Comme les candidats eurent tôt
détail. En toute logique, nombreux furent ceux qui commencèrent à se demander si fait de comprendre que les facultés se souciaient avant tout d’argent, ils n’hésitèrent
Theodor Mommsen, ca. 1870
l’examen intrinsèque ne suffisait pas, quitte à oublier quelque peu la défense. Puis pas à négocier les tarifs en vigueur. C’est ainsi qu’un véritable et florissant commer-
on se dirigea vers un examen écrit passé à distance, ce qui justifia progressivement ce de diplômes de docteur prit son essor. À l’époque, même au sein d’autres univer-
l’apparition de promotions « en absence », dont le succès allait grandissant à partir sités n’accordant pas de promotion in absentia (telles que l’ancienne Université de
du XVIIIe siècle dans les universités allemandes. Louvain supprimée par les révolutionnaires français en 1797), on critiquait vigoureu-
sement l’assouplissement des conditions d’octroi en stigmatisant la vénalité de ces
En théorie, et comme pour les bullati, la plupart de ces promotions en absence titres qui ne récompensaient pas de réelles performances scientifiques.
se faisait à la demande des candidats après avoir passé un examen (écrit) et payé
les frais de doctorat. Mais on dérogea également souvent à ces principes, notam- L’historien allemand Theodor Mommsen réagit dès 1860 contre ce qu’il appelait
ment quand les mérites sociaux ou les prestations d’un candidat étaient tels que le « phénomène des pseudo-docteurs ». Ce faisant, il visait non seulement les trop
ce diplôme était octroyé sans pour autant passer un examen. Un examen aurait été faciles promotions in absentia, mais aussi un grand nombre de docteurs ayant ob-
inutile, voire vexant, pour les candidats ayant déjà des années de pratique et sou- tenu, ou plutôt acheté, leur diplôme auprès d’universités américaines « boîtes pos-
haitant cette promotion pour améliorer leur position sociale. Ils avaient en effet déjà tales ». Cette coutume, bien installée, a surtout envahi le milieu des dentistes. En
largement eu l’occasion de prouver leur valeur. Le titre de doctorat prémoderne était effet, les dentistes allemands formés en Amérique jouissaient d’une considération
en réalité bien plus qu’un diplôme couronnant une formation. Chaque promotion supérieure aux autres et gagnaient donc bien mieux leur vie. Mais comme ils ne pou-
consacrait une valorisation sociale dont le candidat pouvait bénéficier partiellement vaient pas tous parachever leurs études à l’étranger, on vit ainsi progressivement
pour ses prestations académiques et partiellement, voire uniquement dans les cas apparaître des institutions « bidon » se mettant à vendre des diplômes de dentiste,
les plus extrêmes, pour des mérites sociaux ou scientifiques précédents. Le docto- y compris à des personnes n’ayant suivi aucune formation. En réaction, Mommsen
rat honoris causa représentait de la sorte la forme la plus extrême de promotion in lança en 1876 une gigantesque campagne de presse visant à imposer – d’ailleurs
absentia. À nouveau, il ne fallait pas créer trop de distance entre la valeur présente avec succès – les normes très sévères des examens prussiens à toutes les universi-
du candidat et le rehaussement de statut et de prestige qu’il acquérait grâce à un tés allemandes, non sans succès. Aux environs de 1900, tous les candidats docteurs
doctorat. durent passer les mêmes examens et rédiger une dissertation en latin. Ce faisant,
on renonçait à l’habitude prémoderne d’adapter les critères d’examen aux qualités
La différence entre l’octroi du doctorat comme titre honorifique à part entière et aux capacités du candidat. Les promotions in absentia furent interdites et, dans
et le simple octroi d’exceptions aux conditions statutaires conditionnant une telle la foulée des statuts de l’université berlinoise de 1810, remplacées d’une certaine
promotion n’était pas toujours très claire. Même pour les plus anciens honorary de- manière par le doctorat honoris causa.
grees décernés par les universités d’Oxford et de Cambridge, il s’agissait plutôt d’ac-
corder des dispenses que des grades à titre honorifique, bien que ces exceptions

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Conséquemment, différents recteurs d’universités se rendirent compte que l’on promus (qui étaient, il est vrai, comme d’habitude dispensés de passer l’examen) se (1) « La motivation de l’octroi

pouvait rattacher à ces promotions d’autres avantages qu’uniquement pécuniaires. mit à baisser parmi les théologiens diplômés, de sorte qu’il fallut encore accorder du doctorat honoris

Quand la notoriété du candidat était supérieure à l’effet social que lui apportait le des doctorats honorifiques à de nouveaux professeurs en théologie à nommer. causa est essentiellement

titre, la promotion pouvait flatter la faculté qui se voyait ainsi auréolée d’une telle différente de celle du

notoriété, capable d’accroître à son tour la sienne. Dans de tels cas, il paraissait Au bout de quelque temps, le cercle des candidats à de tels doctorats honorifi- doctorat sur candidature.

évident d’accorder un tel doctorat gracieusement, et bien sûr sans examen préala- ques se mit à s’élargir. Quand, en 1682, l’Université d’Utrecht conféra un doctorat Par cette pratique, les

ble, à l’initiative éventuelle de la faculté ou de l’université. On doit y voir d’ailleurs honoris causa à un pasteur de Rotterdam et à un pasteur de La Haye qui n’avaient facultés ne veulent pas

une seconde origine du doctorat honoris causa moderne. Il se vérifie toujours qu’en pourtant pas été nommés professeurs, les professeurs des autres facultés n’y seulement faire un geste

décernant un tel doctorat, l’université s’honore autant elle-même, si pas plus, que consentirent qu’à la condition expresse qu’ils pourraient procéder pareillement si honorifique, elles veulent

le héros du jour. Le recteur de l’Université de Tübingen, Gustav Rümelin, l’exprima l’occasion se présentait, en proposant ce titre de doctorat honorifique à d’autres se mettre à l’honneur et se

clairement dans son discours aux docteurs honoris causa à l’occasion du quatrième personnes ayant prouvé certains mérites dans l’une ou l’autre discipline de leur fa- distinguer elles-mêmes

centenaire de l’Université de Tübingen en 1877. culté. Lorsqu’en 1730, sur proposition de la faculté de théologie, un doctorat honoris en intégrant des hommes

causa fut aussi décerné à quelqu’un qui avait été nommé pasteur à Brême, le sénat dans leurs rangs, avec

« Das Verhältnis des Ehrendoctors ist wesentlich Verschiedenes von dem des académique se mit à craindre que, si l’on poursuivait en ce sens, ces distinctions lesquels elles se voient

Doctors auf Bewerbung. Die Fakultäten wollen damit nicht bloss eine Ehre erweisen, augmenteraient certainement en nombre mais pas en considération. Aussi décida- établir un lien spirituel

sondern sie wollen auch sich selbst ehren und schmücken, indem sie Männer in ihre t-il de réserver le doctorat honoris causa aux candidats déjà nommés professeurs. et communautaire à

Reihen aufnehmen, denen sie sich mit Befriedigung und Stolz durch ein geistiges Toutefois, cette inflation ne fut finalement pas aussi importante que ce que l’on re- leur grande fierté et

Band der Genossenschaft verbunden sehen. » (1) doutait (surtout en comparaison des chiffres actuels). Entre 1640 et 1780, les facul- satisfaction. »

tés autres que celle de théologie ne décernèrent au total que quelque dix doctorats
La nécessité pratique des promotions honorifiques pour les honoris causa.
professeurs sans doctorat
Une promotion honorifique quelque peu comparable à ces promotions de pro-
Une troisième origine du doctorat honoris causa est à situer dans les promotions fesseurs sans doctorat eut lieu à l’Université d’Utrecht en 1841. Deux étudiants re-
avec dispense d’examen et paiement de droits qui ont été accordées à des profes- fusèrent cette année-là de suivre des cours pour lesquels ils ne manifestaient aucun
seurs sans doctorat pour leur permettre de faire passer eux-mêmes des examens de intérêt, s’excluant de la sorte des possibilités de postuler à un tel doctorat. En lieu et
niveau doctoral et de conférer des doctorats. Alors que jusqu’au XIIe siècle, le terme place, ils défendirent un specimen academicum sub praeside, à savoir la défense pu-
de docteur était uniquement réservé aux professeurs d’université, le titre est pro- blique d’un mémoire ou d’une thèse sans qu’on puisse conférer pour cela le grade de
gressivement devenu un titre honorifique. Inversement, par le découplage de l’exa- docteur . Mais ils le firent avec tant de verve et de persuasion que plusieurs profes-
men de licence et du doctorat, des licenciés ne possédant pas de doctorat pouvaient seurs suggérèrent de leur conférer quand même le titre de docteur honoris causa, ce
enseigner à l’université. Comme il fallait être docteur pour en nommer d’autres, il qui fut fait malgré les protestations de Johan Rudolf Thorbecke, un des professeurs
leur fut donc décerné le titre de docteur honoris causa. dont les cours étaient visés. Tout comme pour les professeurs sans doctorat, on
utilisa dans ce cas le doctorat honorifique pour contourner quelque peu une régle-
Dès le milieu du XVIIe siècle, les Pays-Bas eurent massivement recours à de tel- mentation très stricte. Toutefois, pour éviter de susciter un tel émoi à l’avenir, il fut
les promotions honorifiques, surtout dans les facultés de théologie. Suite à diffé- décidé de ne plus décerner de doctorats honorifiques à des étudiants.
rents conflits doctrinaux sur la prédestination à l’Université de Leyde et en réaction
au manque de pasteurs réformés dû à la sévérité de la sélection des facultés, les
autorités ecclésiastiques s’arrogèrent de plus en plus l’initiative des examens. En
Johan Rudolf Thorbecke,
conséquence, la plupart des candidats à la prêtrise écourtèrent le plus possible par Johan Heinrich Neuman,
leurs études universitaires pour passer ensuite l’examen. De ce fait, le nombre de 1852

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Un grand besoin de cérémonies académiques tir de la définition du doctorat comme grade scientifique dès le début du XIXe siècle
que s’accéléra cette évolution. La fin de l’ancien régime coïncida avec la fin des privi-
S’il est une chose à laquelle les promotions honorifiques de professeurs sans lèges liés au titre de docteur depuis le XIIIe siècle. Comme la promotion n’entraînait
doctorat ne donnèrent pas de réponse claire, c’est bien au besoin irrépressible de plus automatiquement de rehaussement symbolique, elle eut un caractère de moins
cérémonies académiques. Jusqu’au XVIIIe siècle, les promotions ordinaires com- en moins cérémoniel. Bien sûr, pour le candidat, cela restait un événement extrême-
blèrent grandement ce besoin. L’élévation du statut social qu’entraînait le doctorat ment festif. Mais pour la communauté universitaire, c’était bien moins qu’aupara-
avait en effet conduit à rehausser le prestige et le côté festif de la cérémonie. Le vant un jour exceptionnel, notamment car le doctorat était entièrement découplé de
rituel promotionnel se rapprochait beaucoup de celui de l’adoubement. Mais les la fonction d’enseignant à l’université et l’accolade qui symbolisait l’admission de la
coûts, bien sûr proportionnels, connurent au fil du temps une inflation galopante : communauté universitaire perdait donc tout son sens.
frais d’inscription aux examens, frais d’impression de la dissertation, achat de vête-
François Rabelais, 17e siècle
ments et de cadeaux adaptés pour le promoteur, et enfin, financement d’un banquet Les recteurs et autres autorités académiques ont donc été contraints de cher-
exubérant pour une importante et joyeuse compagnie. De nombreuses universités cher d’autres opportunités permettant à l’Université de s’exprimer lors d’occasions
y allèrent de leur petite touche et conçurent des insignes doctoraux qui leur étaient spéciales. En 1850 déjà, à l’occasion de l’inauguration du nouveau bâtiment acadé-
propres : une chaîne en or, une médaille, une épée… voire une salve de coups de mique, l’Université de Groningue décerna un doctorat honoris causa à 12 scientifi-
canon donnant à la cérémonie un petit extra. À Salamanque, on organisa même des ques, politiciens et enseignants. Mais la promotion traditionnelle more majorum fut
corridas pour rehausser les festivités. À Montpellier, chaque nouveau docteur de- écarté. L’Université de Leyde suivit le même exemple lorsqu’elle fêta son troisième
vait revêtir la Robe de Rabelais, la toge doctorale qui habillait le célèbre candidat, centenaire en 1875. Un an plus tard, la promotion en toge fut elle aussi écartée. Son
docteur et écrivain français François Rabelais en 1537. recteur Buys tenta de réfuter dans son allocution la critique voulant que l’on avait
privé le public d’une promotion more majorum que les anciens évoquaient comme
Dès le milieu du XVIIe siècle, on se mit à protester vivement contre l’inflation de bien divertissante, et que les jeunes ne connaissaient plus que par tradition.
ces coûts et de l’aristocratisation découlant de la cérémonie de promotion, toujours
plus riche et pompeuse. Les rituels accompagnant la cérémonie étaient de plus en Il lui fallut argumenter que les promotions en toge ne se justifiaient plus dans les Guillaume d’Orange,
plus considérés comme des manifestations irritantes éloignant l’attention du conte- conditions actuelles. Lors du centenaire précédent de l’université en 1775, expliquait par Johann Georg Ziesenis, 18e
siècle
nu scientifique. Aux Pays-Bas, l’opposition des étudiants, spécialement contre le Buys, le vieux monde, bien que chancelant, était encore debout. C’était une époque de
coût élevé de ces promotions, incita les autorités académiques à faire la différence particularismes où les classes sociales étaient très nettement séparées et où l’Église
entre les promotions privées, au rituel plus sobre, plus confidentielles et donc plus et l’Université étaient entièrement isolées de la société. En organisant ces fastueu-
économiques, et les promotions en toge, répondant aux anciennes traditions des ses cérémonies more majorum, poursuivait Buys, l’université souhaitait avant tout
more majorum, avec tout le rituel qui les accompagne. Au XVIIIe siècle déjà, les pro- délimiter clairement la frontière qui la séparait du monde extérieur et se distancier du
motions privées constituaient la procédure normale, les promotions en toge étant reste de la communauté. Cent ans plus tard, précisait encore Buys, la situation était
réservées aux occasions spéciales. Il en fut ainsi à Oxford où, lors de la visite du roi tout autre : « Le travail de fusion – entrepris sur le plan intellectuel par la Révolution
Jacques Ier en 1605, on conféra 43 degrees by creation. De même, un étudiant passa française et poursuivi depuis sur le plan matériel par l’énergie de la vapeur – a entraîné
sa promotion de more majorum à l’occasion de la visite du stadhouder Guillaume V, un retournement dont les conséquences sont en effet vertigineuses. » L’université a
prince d’Orange, en 1773. Cet acte public, bien sûr, honorait davantage le prince et compris elle aussi « que ce n’est pas dans l’isolement total mais dans la rencontre fruc-
l’université que le doctorandus. tueuse avec les gens qu’une telle devise (la science pour la science) peut se réaliser. »
Il considère l’octroi de doctorats honoris causa comme « la reconnaissance de ce que
Dans les autres pays également, ces cérémonies furent considérablement dé- le monde scientifique néerlandais doit à l’étranger ; la reconnaissance plus particu-
mystifiées et simplifiées au cours du XVIIIe siècle. On finit par en réduire drastique- lière du fait que chaque science doit une bonne partie de son développement à ses
ment les coûts pour les limiter aux frais d’examen, que l’on devait d’ailleurs verser à sœurs ; et enfin, la reconnaissance de l’université à la société au sens large. »
la faculté et non plus au seul promoteur (afin d’éviter tout abus). C’est surtout à par- Blason de l’université de Leyde

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 145


Cette motivation permit aux doctorats octroyés à titre honorifique de prendre
progressivement la place des promotions en toge comme manière idéale de donner
quelque lustre aux occasions solennelles. Le nombre de titres honorifiques conférés
est allé grandissant : de 12 en 1850 à Groningue à quelque 48 en 1875 à Leyde et
38 en 1936 à Utrecht. Certes, ce n’était que du « menu fretin » comparé à certaines
universités américaines : en 1936, dans le cadre des festivités de son troisième cen-
tenaire, Harvard octroya 86 honorary doctorates ; Princeton célébra son 150e anni-
versaire en 1896 en conférant 79 doctorats honoris causa et Columbia fit encore plus
fort en 1929 en remettant quelque 134 doctorats honoris causa à l’occasion de son
175e anniversaire. Contrairement aux titres honorifiques des bullati, aux docteurs
promus in absentia ou aux professeurs ayant obtenu leur doctorat après leur nomi-
nation, ces titres honoraires n’étaient assortis d’aucun privilège. Comme l’exprimait
l’évangéliste américain Samuel C. Gipp : « Académiquement, un doctorat honorifi-
que est comme une ceinture noire honorifique au karaté. Portez-la dans votre mai-
son, mais n’essayez pas de l’utiliser, cela vous serait fatal. »

Au cours du XIXe siècle, dans le cadre de festivités fastueuses, certains pays no-
tamment en Europe du Nord ont combiné la promotion solennelle de docteurs hono-
ris causa à la forme très cérémonieuse et traditionnelle des promotions de doctorats
ordinaires (en groupe). L’un des moments forts à cet égard fut incontestablement
le quatrième centenaire de l’Université d’Uppsala en 1877, regroupant un nombre
impressionnant de représentants étrangers. Chacune de ces deux solennités avait
sa propre fonction : alors que les promotions honorifiques avaient essentiellement
un caractère international, exprimant le rayonnement panscandinave de l’université Université de Princeton, 2006
(servant donc très clairement à s’afficher soi-même), la promotion des doctorats or-
dinaires était surtout conçue comme une fête nationale, devant des représentants
du pays entier (en ce compris le roi et le prince héritier), et comme une ode à la
science nationale et aux héros de la patrie.

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 146


La tradition encore jeune des promotions honorifiques en ce qu’on a appelé les diplômes scientifiques (que l’on
Belgique obtenait après un examen scientifique, mais auxquels
n’était assorti aucun droit social comme pour les doc-
À l’ancienne Université de Louvain, la remise des prix répondait notamment à torats honorifiques). Les arrêtés d’exécution de 1838
un besoin de cérémonies académiques. Les quatre pédagogies pour les étudiants et 1869, portant sur cet article issu de la loi organique
des facultés préparatoires des arts entraient en compétition mutuelle en vue de sa- sur l’enseignement supérieur, ne concernaient, dans la
voir laquelle avait « produit » le meilleur étudiant de l’année. Le lauréat en question pratique, que les diplômes scientifiques. Le manque
n’était pas uniquement fêté dans sa propre pédagogie, mais aussi par l’ensemble d’intérêt pour les doctorats honorifiques se reflétait
de l’université et même par sa ville natale qui participait à la fête en organisant une aussi dans leur faible nombre. Entre 1830 et 1884, on
joyeuse entrée et autres manifestations. Après la Révolution française, cette tradi- ne conféra en Belgique que douze doctorats honoris
tion tomba entièrement en désuétude et ne fut pas directement remplacée. causa : trois à l’Université de Liège, deux à Gand et
sept à Louvain (pour cette dernière, tous après 1880).
Après un vide de quelque 20 ans, Guillaume Ier, roi du Royaume-Uni des Pays-
Bas, fonda trois nouvelles universités d’État en 1817 à Gand, Louvain et Liège. Le L’une des causes expliquant ce manque flagrant
règlement encadrant la création de ces universités, pour lequel Guillaume Ier s’était de promotions honorifiques était indubitablement
largement inspiré de quelques universités allemandes (dont celle de Berlin), reprend le manque de fêtes jubilaires et, partant, celui de cé-
notamment l’article suivant : « Il sera permis aux universités de conférer à des hom- rémonies académiques. Gand et Liège ont fêté assez
mes d’un mérite extraordinaire, tant étrangers qu’indigènes, le titre de docteur, ou modestement leur 50 e anniversaire. Seule l’Université
de le leur offrir, comme une preuve d’estime ; mais dans ce cas, l’affaire, sur la pro- de Louvain considéra son jubilé en 1884 comme une
position de la faculté qui confère le grade, sera traitée par tout le sénat spécialement occasion de se rattacher à la tradition des autres insti-
convoqué à cet effet. On n’exigera, des docteurs créés de cette manière, ni les exa- tutions européennes. Une compagnie bigarrée de plus
mens ni les droits d’usage. » De la même façon que l’instauration du doctorat hono- de 30 docteurs honoris causa se rassembla en séance
ris causa visait partiellement, dans les statuts de l’Université de Berlin, à remplacer académique : Arthur Verhaegen, ingénieur honoraire Guillaume Ier, roi des Pays-Bas,
les promotions in absentia, ici aussi, une des intentions sous-jacentes visait à éviter des ponts et chaussées, August Snieders, le grand par Joseph Paelinck, 1819
toute « vénalité » des diplômes telle qu’on l’avait connue dans le cadre de l’ancienne romancier flamand, M. Schaepman, membre de la se-
Université de Louvain à la fin du XVIIIe siècle. Si l’on voulait rendre hommage à des conde Chambre des Pays-Bas, et surtout le comte de
personnes méritantes en leur offrant des dispenses, on avait ici la possibilité expli- Villeneuve, ministre du Brésil, qui reçut son diplôme
cite de leur conférer un doctorat honorifique, exempt toutefois des droits sociaux des mains de l’empereur Pedro II du Brésil. En 1909,
liés au titre de docteur. Un autre motif avancé était que, dans un contexte de sim- dans le cadre du 75e anniversaire, on remit cela, mais
plification des cérémonies, il paraissait impossible d’organiser des promotions en cette fois avec 55 promus. Il fallut néanmoins attendre
toge dans les universités du sud telles qu’elles existaient dans le nord des Pays-Bas. l’entre-deux-guerres pour institutionnaliser véritable-
L’alternative fut donc un doctorat honoris causa. ment les promotions honorifiques, fût-ce essentielle-
ment à l’occasion de circonstances spéciales telles que
Mais finalement, on ne fit de cette possibilité qu’une utilisation très modeste. la célébration du 500e anniversaire de l’Université de
L’Université de Liège fut la seule à considérer cette pratique comme une manière de Louvain en 1927 (après la première guerre mondiale,
rattacher aux universités des Pays-Bas, par des liens plus étroits, les hommes dis- l’Université de Louvain renoua avec la tradition de l’an-
tingués dont les sympathies leur étaient déjà acquises. En conséquence, elle conféra cienne université) ou à l’occasion de l’exposition uni-
ce titre honorifique à cinq scientifiques à la suite d’une procédure très sévère. L’ar- verselle de 1930 à Liège. Bibliothèque de l’Université
ticle précédent, largement repris dans la loi de 1835, fut simultanément enrichi de catholique de Louvain, 2005

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 147


Le rattachement devenu entre-temps « traditionnel » des doctorats honoris cau- public. Le conflit a finalement pris tant d’ampleur qu’un
sa au dies natalis de l’université concernée ne date finalement que du milieu des vote au sein de la commission responsable est apparu
années 1950 (à Louvain) ou du début des années 1960 (à Gand et à Liège). Honoré inéluctable, lequel a débouché sur la défaite des parti-
Van Waeyenbergh, recteur de l’Université de Louvain, entendait par là redorer le sans et entraîné bien sûr le discrédit total de Thatcher
blason aussi bien de la fête votive que de la cérémonie doctorale. Les promotions (exploité immédiatement par le Parti travailliste). À
honorifiques facultaires, relativement intimes, passèrent souvent inaperçues dans Oxford, la réaction fut immédiate : on resserra la pro-
la presse et la fête de la Sedes Sapientiae manquait de contenu pour en faire un cédure pour éviter de tels conflits à l’avenir.
grand événement. Mais ensemble, elles allaient constituer un couple parfait. La fête
votive permettait aux recteurs de donner à la remise des doctorats honorifiques un Le concert de sifflets des étudiants louvanistes qui
caractère académique, et inversement, la promotion donnait aux journalistes un peu a accompagné en 1988 la remise du doctorat honoris
de matière à écrire. L’Université de Louvain, imitée par les autres universités belges, causa à André Leysen, ancien président de la Fédéra-
a suivi en cela une tendance internationale visant à décerner les doctorats honori- tion des entreprises de Belgique, président d’Agfa-Ge-
fiques chaque année, lors des fêtes votives ou des anniversaires de l’université, et vaert, fondateur du groupe de Coudenberg, et qui se
non plus uniquement lors des célébrations des 50, 75 ou 100 ans de l’une ou l’autre voyait récompensé pour son « leadership d’entreprise
institution. à caractère humain », a entraîné une réaction très sem-
blable. Le recteur Roger Dillemans fit alors remarquer
L’une des questions les plus récurrentes dans le système des doctorats honori- que l’Université catholique de Louvain ferait mieux
fiques fut de savoir dans quelle mesure il importait ou non de les réserver pour des de se contenter de décerner à l’avenir des doctorats
mérites scientifiques. Les puristes sont généralement enclins à les attribuer au seul à des académiciens, ce qui susciterait moins de réac-
monde scientifique. Toutefois, d’autres considérations tentent de se faire entendre : tions. Dans la pratique, ce fut impossible. Mais de tels
rendre – à juste titre – honneur à une personne méritante, espérer un effet boome- propos montrent bien que l’université souhaite éviter
rang de la part des récipiendaires, tirer bénéfice des relations que peut ainsi enga- d’être compromise par une telle politique.
ger, renforcer ou poursuivre l’université, et enfin tirer profit des nouvelles relations,
nationales comme internationales, qui peuvent se tisser entre l’université et les Albert Michotte, professeur à Louvain, a suggéré
personnalités honorées. Les doctorats honoris causa sans doute les plus contestés aux environs de 1950 une solution qui revient souvent :
en Belgique furent ceux accordés par l’Université de Louvain à la famille royale. Le réserver les doctorats honoris causa à des scientifi-
plus critiqué fut indubitablement la promotion du prince héritier Philippe en 2002. ques particulièrement méritants, tandis qu’aux amis Remise du doctorat honoris causa
Les opposants ont parlé de « caricature » du prestige intellectuel de l’université. La et bienfaiteurs de l’université, on décernerait « une au roi Léopold III l’année du
communauté étudiante s’est par ailleurs exprimée en termes particulièrement crus. médaille de reconnaissance ou quelque chose de sem- centenaire de l’ULB, 1934

« Peut-on être nommé docteur honoris causa à la suite d’un pur hasard vaginal ? », blable ». Dans un pamphlet qu’il édita en 2002, Blaise
s’est demandé la rédaction du magazine étudiant Veto. Cronin, professeur d’informatique à l’Indiana Univer-
sity de Bloomington, suggérait lui aussi de faire une
En 1985, l’Université d’Oxford a également suscité une commotion nationale en différence entre une liste prioritaire de chercheurs,
proposant de décerner de tels honneurs à Margaret Thatcher. Tout comme à Lou- hommes d’État et autres icônes des arts méritant bien
vain, les partisans ont tenté de motiver leur décision en évoquant la (jeune) tradition un doctorat honoris causa et une liste secondaire de
de décerner un doctorat honoris causa à des premiers ministres diplômés d’Oxford. personnalités plus modestes pour qui une médaille
À ce titre, c’est donc plus la fonction que la personne à qui l’on rend hommage. Les devrait s’avérer suffisante. Dans la foulée, il ne mé-
adversaires ont plutôt critiqué la politique de Thatcher qui a, à leurs yeux, causé des nagea pas ses critiques pour les doctorats honoris
dommages systématiques et profonds à l’ensemble du réseau de l’enseignement causa décernés à des figures telles que Sheryl Crow,

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 148


J.K. Rowling, Tiger Woods et George Best (footballeur légendaire de Manchester Uni- relle, économique, religieuse ou militaire. En outre, et dans une certaine mesure,
ted). Pourquoi récompenser des performances qui n’ont rien d’académique par des ces doctorats honorent presque toujours, au-delà du promu, l’université elle-même.
honneurs académiques, se demandait-il ? En poursuivant : « On voit mal pourquoi Parfois très subtilement, parfois plus directement, ces titres sont une manière de se
l’on récompenserait les recherches de Stephen Hawking par un Oscar qu’il faut plu- donner une bonne image et de se mettre en avant. Et s’ils sont en principe toujours
tôt réserver aux acteurs, ou par un Grammy à réserver aux musiciens ! » accordés de manière désintéressée, il n’en reste pas moins qu’ils instaurent une
relation de dépendance constante et mutuelle entre les doctorants et ceux qui les
Pour Cronin, l’origine de ce conflit réside dans l’inflation des remises de doctorats honorent, à savoir l’université, le pape, l’empereur ou leurs représentants.
honorifiques et la dévaluation conséquente de ces distinctions, un phénomène dont
on se plaignait déjà du temps des premiers palatinats au XIVe siècle. Les doctorats Quant à l’origine même du doctorat honoris causa, les avis continuent à diver-
honoris causa illustrent parfaitement à cet égard ce qu’on appelle l’effet Matthieu : ger. Pour certains, il ne faut pas chercher plus loin que le début du XIXe siècle. Pour
« On ne prête qu’aux riches ». Ceux qui ont reçoivent encore plus. Ceux qui n’ont pas, d’autres, la tendance à s’écarter des strictes règles et conditions pour décerner un
on leur enlève ce qui leur reste. Les précurseurs à cet égard sont notamment les doctorat et conférer de la sorte un titre en vertu de certains mérites (de quelque
présidents américains Dwight Eisenhower et Herbert Hoover, avec respectivement nature qu’ils soient) remonte très probablement à l’origine même des universités. En Tiger Woods, 2007
plus de 70 et 80 titres honorifiques, ou le révérend Theodore M. Hesburgh, rector guise de conclusion, nous pouvons dire que, tant du côté des doctores bullati que
emeritus de l’Université Notre-Dame dont le compteur dépasse déjà les 150 titres. des promus in absentia ou des professeurs ayant décroché leur doctorat après leur
Certains, comme l’écrivain allemand Günter Grass, ont tenté de s’y opposer en re- nomination, on peut trouver de nombreux exemples correspondant à la définition
fusant de nouveaux doctorats honoris causa, comme celui de l’Université de Liège, actuelle du doctorat honoris causa, à savoir conférer le plus haut grade universitaire
mais sans grande chance de succès. Les estimations divergent, mais rien qu’aux non pas sur base de prestations scientifiques, mais sur base de mérites scientifi-
États-Unis, on distribuerait chaque année quelque 10 000 titres honorifiques. ques ou sociaux préalables. La popularité croissante du doctorat honoris causa au
cours du XIXe siècle s’explique pour une grande part parce qu’il compensait un man-
Quoi qu’il en soit, décerner un tel doctorat semble toujours, aux yeux des univer- que croissant de solennité et de festivité des promotions ordinaires, et un besoin
sités, une manière idéale d’honorer ou de remercier des personnalités méritantes. corollaire de cérémonies académiques. Les jeunes universités belges s’inscrivent
Toutefois, pour chaque titre honorifique, il y a lieu d’examiner les circonstances po- également dans ce scénario à partir du 50 e anniversaire de l’Université de Louvain
litiques et sociales concrètes si l’on veut en évaluer la réelle pertinence. Le fait que en 1884. Après la seconde guerre mondiale, elles ont renoué avec la tradition de
l’Université de Louvain ait honoré des « héros coloniaux », tels que les ingénieurs conférer des doctorats honoris causa à l’occasion du dies natalis de l’université et
Hubert Biermans, Nicolas Cito et Firmin van Brée à l’occasion du 50 e anniversaire contribué involontairement de la sorte au retour de l’hyperinflation tant critiquée du George Best, 1968

des chemins de fer coloniaux en 1948, semble ne pouvoir s’expliquer que par la pas- doctorat honoris causa.
sion qui animait le recteur Van Waeyenbergh pour le Congo. Ou s’agissait-il plutôt
d’un diplôme octroyé à ces puissants hommes d’affaires gravitant dans le giron de
la Société générale de Belgique dans l’attente d’un éventuel « retour d’ascenseur » ?
Le refus de l’Université d’Oxford de conférer, au début des années 1950, un doctorat
honoris causa à l’écrivain et critique russe Boris Pasternak s’explique moins par un
manque d’appréciation de son travail (courageusement, le recteur a signalé ne pas
savoir du tout qui était Pasternak), que par un rejet systématique de tous les candi-
dats provenant de l’autre côté du rideau de fer en pleine guerre froide.

Ces deux exemples montrent bien le caractère polyvalent du doctorat honoris


Herbert Hoover, docteur honoris
causa moderne, permettant d’honorer (ou de rejeter) des candidats non seulement causa de l’ULB,
pour leurs mérites scientifiques mais aussi pour leur signification politique, cultu- ca. 1928

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 149


Relire l’histoire des DHC de l’Université libre La séance solennelle s’achève et le nouveau lau- (1) Document non signé

de Bruxelles Kenneth Bertrams, Didier Devriese et Kim Oosterlinck réat fait désormais partie à part entière de la commu- du 19 novembre 1992

nauté universitaire bruxelloise. »(1)


Être fait docteur honoris causa :
du rituel et de la cérémonie D’emblée, deux points doivent être soulignés.
L’éloge en latin « réservé certes à de trop rares initiés »,
Comme tout rituel symbolique, être fait docteur honoris causa d’une université dépasse les clivages et les frontières et renvoie à un
suppose que ce titre soit décerné publiquement aux récipiendaires lors d’une céré- universalisme subtil : rassemblant dans une même
monie ad hoc. Cette cérémonie se déroule donc selon un rituel qui lui est propre et figure l’Antiquité gréco-romaine, la modernité de la
diffère en cela des remises de diplômes et autres manifestations académiques telles Renaissance, les Lumières et l’humanisme contempo-
que l’ouverture de l’année académique. On notera ici que ces rituels ne diffèrent que rain, il figure aussi la tradition médiévale, ancrant ainsi
fort peu d’une université à l’autre : les « grands rituels » académiques s’inspirent peu la cérémonie dans une tradition multiséculaire, toute
ou prou d’une trame commune, forgée notamment au XIXe siècle. imaginaire qu’elle soit.

À l’Université libre de Bruxelles, le cérémonial de la remise des diplômes est dé- C’est pourquoi la cérémonie requiert en principe
crit, dans un document interne que l’on peut dater de l’immédiat après-guerre, avec la la présence du récipiendaire : c’est par la remise so-
plus grande des précisions ; ce document établit un rituel fixe : « Le cérémonial . Selon lennelle en séance que le docteur honoris causa « fait
la définition du Larousse, l’épitoge est une bande d’étoffe distincte que les profes- désormais partie à part entière de la communauté uni-
seurs, les magistrats, les avocats en robe, portent sur l’épaule. Celle de l’ULB est en versitaire bruxelloise ». Rituel d’appartenance, donc Cérémonie de remise du titre de
docteur honoris causa à Louise
soie bleue, rehaussée de fourrure blanche d’un Saint-Michel brodé en or, et d’un cor- (dont on se demandera ici si cette appartenance sup- Arbour, Nora Irma Morales de
don vert et rouge qui précise les liens privilégiés et confiants qui lient l’ULB et la Ville pose que le récipiendaire adhère aux valeurs de l’Uni- Cortiñas, Simone Susskind et
de Bruxelles. C’est le recteur de l’Université, secondé en séance par le pro-recteur, versité ?) mais aussi affirmation publique des titres et Wassyla Tamzali (de g. à d.), 2000

l’ancien recteur et les recteurs honoraires, qui décerne et ajuste les épitoges. mérites du DHC : ceux-ci se doivent d’être mis en valeur
et justifient le choix de la personnalité honorée.
Qui dit épitoge dit toge. Celle de l’Université libre de Bruxelles est sobre : noire re-
haussée de fourrure pour le président de l’Université et les recteurs, d’une bande de Bien qu’en principe le titre de DHC soit donc
couleur distincte pour les représentants facultaires ; la toge s’accompagne d’un bonnet consubstantiel de la remise de diplôme, des circons-
et tous deux sont inspirés du portrait d’Érasme par Holbein le Jeune. Hommage est donc tances tragiques ou particulières font que le titre peut
rendu au passage au grand humaniste hollandais d’expression latine, dont l’esprit en- être décerné en l’absence du récipiendaire. Ceci prend
cyclopédique et la liberté de pensée s’accordent avec les principes fondamentaux de alors une valeur tout aussi symbolique : F. D. Roosevelt
l’Université du libre examen. disparaît peu avant la cérémonie prévue à son égard
mais il est néanmoins honoré au même titre que les
La séance qui a été soigneusement répétée et minutée dure plus ou moins 2 heu- autres grands vainqueurs de la seconde guerre mon-
res, car, outre l’épitoge, chaque docteur reçoit un diplôme rédigé et lu en latin et une diale ; Salvador Allende est honoré à titre posthume
médaille frappée à l’effigie de Saint-Michel. L’éloge qui retrace la carrière et les mérites et le choix du héros chilien se veut un message clair.
de chaque lauréat est prononcé, lui, en français. Soulignons au passage combien l’éloge Enfin, dans plusieurs cas, des contraintes physiques
en latin réservé certes à de trop rares initiés, est tout à l’honneur des philologues de empêchent la venue de la personne honorée : on songe
Churchill, Roosevelt et Staline
l’ULB qui prouvent à cette occasion la pérennité et l’universalisme d’une langue capable notamment aux personnalités retenues pour leurs ac- (de g. à d.) à la conférence de
d’appréhender toutes les subtilités du monde contemporain. tions de résistance et encore assignées à résidence ou Yalta, 1945

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 150


détenues lors de la cérémonie comme ce sera le cas de Nelson Mandela ou Andreï On s’étonnera alors que ces valeurs ne sont que ra- (2) U
 LB Info, n°55,

Sakharov. D’autres DHC ne pourront être présents à titre exceptionnel, dans des rement mentionnées in extenso. Au sein d’une même janvier 1995

circonstances sur lesquelles nous reviendrons, tels Tchang Kaï-chek ou Staline qui cérémonie, l’Université est tout à la fois décrite comme
ne peuvent assister à la cérémonie : le diplôme leur sera donc décerné par le biais une université « francophone, européenne, éprise de (3) M
 . B., « Le Roi honoré par

d’une adresse ou d’un émissaire officiel de l’Université. liberté et adversaire de toutes les formes de totalitaris- l’ULB, 35 ans après son

me »(6) et comme une université « laïque engagée »(7). frère », La Lanterne, 14

Une occasion cérémonielle est aussi un lieu d’expression pour d’éventuels contes- Dans un autre texte, c’est l’engagement philosophique décembre 1994

tataires : la cérémonie des DHC connaît donc parfois quelques perturbations, au cha- de l’Université qui se traduit par « la promotion de la
pitre desquelles on retiendra ici la manifestation bon enfant qui perturbe la remise de libre pensée, de la tolérance et la haine du racisme »(8), (4) Hervé Hasquin,

diplôme à Albert II (13 décembre 1994), où « pour l’anecdote : un groupe d’étudiants laquelle est mise en exergue. Allocution prononcée à

s’était coiffé d’une couronne de galette des rois pour l’occasion. L’un d’entre eux a très l’occasion de la remise

légèrement perturbé la cérémonie »(2) ou encore « La séance fut émaillée par un bref À la lecture des biographies des différents réci- des insignes de docteur

incident : un étudiant coiffé comme une trentaine d’autres d’une couronne en carton a piendaires, et à de très rares exceptions près, il appa- honoris causa du 19

lancé : “ Vive le roi des c…” avant de se faire expulser manu militari »(3). raît que les valeurs principales défendues par l’Univer- novembre 1987, ULB,

sité demeurent des plus constantes. La défense d’un 1988

Des motivations idéal démocratique, la résistance aux autoritarismes,


la promotion du progrès social, de la paix, de la to- (5) Robert Pinson, « L’ULB

Par définition même, l’octroi du titre de docteur honoris causa vise à honorer lérance et de la liberté constituent autant de théma- nommera Andreï

le récipiendaire. Dans le cas de l’Université libre de Bruxelles, l’hommage rendu au tiques récurrentes. Ceci n’est pas incompatible avec Sakharov docteur honoris

récipiendaire se veut en principe la mise en évidence des hauts faits du personnage des axes plus particuliers : lors des cérémonies, les causa. Pourra-t-il quitter

honoré et de l’adéquation entre ces titres de gloire et les valeurs de l’institution. valeurs mises en avant par l’institution semblent mar- l’URSS à cette occasion ? »,

quées par des préoccupations propres à ceux qui ont La Dernière Heure,

L’Université distingue deux types de docteur honoris causa : ceux de l’Université proposé les personnalités honorées. Apparaît donc 16 septembre 1983

et ceux des facultés ; le premier DHC de l’Université est celui décerné à Ernest Sol- un élément contextuel : l’octroi du diplôme semble se
vay en 1898 tandis que ceux des facultés apparaissent en 1884, le premier diplôme faire par « vagues », lesquelles mettent en évidence (6) H
 ervé Hasquin, Discours

recensé des facultés étant attribué au comte Eugène Goblet d’Alviella par la Faculté l’implication de l’Université dans un problème de so- du 19 novembre 1987

de philosophie et lettres en 1894. ciété bien spécifique ; à titre d’exemple, l’année 1979
sera marquée par une vague de reconnaissance pour (7) Georges Verhaegen,

Si les DHC facultaires reflètent les mérites scientifiques, ceux de l’Université les « artistes créateurs » tandis que 1995 célèbre les Discours du 19 novembre

rendent hommage à l’action publique des récipiendaires. Le choix de proposer un cinéastes. 1987

titre de docteur honoris causa de l’Université n’est donc pas anodin. Bien que les
archives de l’Université soient pour l’essentiel muettes quant au processus menant Déterminé par le contexte, ce qui régit l’attribution (8) H
 ervé Hasquin, Discours

à la proposition d’octroyer le titre de DHC, les discours prononcés à l’occasion de la des diplômes de DHC change donc selon les périodes. du 5 novembre 1990

remise proprement dite nous offrent une grille de lecture intéressante. Ainsi, comme À cet égard, on peut y lire non seulement une « certaine
le mentionne Hervé Hasquin, « ce choix est en harmonie avec les grands axes et les histoire de l’Université » mais aussi et surtout une his- 1. Le roi Albert II à l’occasion
de la remise de son doctorat
valeurs qui guident et ont guidé l’évolution de notre Université »(4). La presse, dans toire des rapports qu’elle entretient avec le monde qui honoris causa, 1994
les rares occasions où elle mentionne l’attribution d’un titre de DHC à l’ULB, repro- l’entoure. 2. Ernest Solvay
duit cette vision. Les choix de l’Université sont en effet censés illustrer « sa propre 3. Bronisław Geremek, discours
lors de la cérémonie des DHC,
image de marque de défenseur des libertés »(5). 1991

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 151


Des premières heures Les représentants de la sphère publique

L’ULB et ses « bienfaiteurs » Que des personnalités politiques ou, plus précisé-
ment, des représentants de la sphère publique, aient
Jusqu’à la seconde guerre mondiale, l’ULB n’a conféré que treize diplômes de fait l’objet d’une distinction de la part d’une université
docteur honoris causa à titre institutionnel. Ce nombre, relativement restreint et n’étonnera personne. L’Université libre de Bruxelles,
aléatoire au vu des pratiques d’autres établissements universitaires, n’est cepen- établissement de droit privé essentiellement financé
dant ni le fruit du hasard ni la résultante d’une absence de politique. Il consacre par des fonds privés jusqu’à l’avènement de l’État-
des personnalités qui, par leur action ou à travers leur fonction, ont été des relais providence, n’en a pas moins bénéficié d’interventions
efficaces de l’ULB au sein de ce qu’on appellera plus tard la « société civile ». La justi- publiques, ponctuelles puis récurrentes, pour assurer
fication essentielle de leur distinction réside dans la contribution des récipiendaires son maintien et promouvoir son expansion. La Ville
– ou des institutions qu’ils représentent ex officio – au développement de l’ULB. de Bruxelles et ses « satellites » (Conseil des hospi-
ces, collèges municipaux), les communes de l’agglo-
Un nouveau régime de distinction, qui ne vise plus à proprement parler les par- mération bruxelloise, les provinces du Brabant et du
rains et marraines de l’ULB, prévaut à partir de 1945. Il marque le rôle des femmes Hainaut étaient régulièrement sollicités pour subvenir
et des hommes que l’ULB souhaite honorer pour les valeurs qu’ils incarnent et aux- à certains besoins matériels et fournir des services ap-
quelles l’ULB entend être institutionnellement associée. Il semble donc qu’il y ait, propriés. À titre d’exemple, l’Université prélève sur le
de part et d’autre de la seconde guerre mondiale, deux registres distincts justifiant budget récurrent que lui alloue la Ville de Bruxelles jus-
l’octroi d’un DHC : l’action d’individualités et/ou d’entités œuvrant à la pérennité de qu’à la seconde guerre mondiale les appointements du
Charles Buls
l’ULB, d’une part, la contribution d’individualités au bien-être de la collectivité géné- personnel en activité dans certains instituts de recher-
rale, de l’autre. On voit dans quelle mesure les logiques d’échelle qui sous-tendent che, ainsi que les dépenses de consommation d’éner-
ces deux régimes ont évolué : la logique spécifique avant 1945, la logique générale gie (eau, gaz, électricité). Qui plus est, le concours des
par la suite. entités publiques dépasse de loin le cadre strictement
budgétaire. Il faudra attendre la loi du 12 août 1911 pour
Certes, dans les deux registres, le rayonnement de l’ULB peut faire figure de dé- que l’ULB soit dotée de la personnalité juridique lui
nominateur commun. Mais là encore, les contrastes semblent émerger : tandis qu’il permettant, notamment, d’effectuer des transactions
s’agit d’une cause nécessaire (quoique non suffisante) dans la première période, le immobilières. Jusque-là, c’est la Ville de Bruxelles qui
rayonnement de l’ULB semble davantage constituer une conséquence ou un élément agit en tant que prête-nom dans la gestion adminis-
collatéral dans la seconde. Dans la phase plus contemporaine, l’ULB se projette (ou trative des dossiers juridiques liés à l’acquisition et la
projette ses valeurs, ses conceptions, etc.) dans l’environnement social à travers les vente de terrains ou de bâtiments. De ce fait, il était
DHC qu’elle octroie. C’est un message que l’institution envoie par procuration. On fondamental pour l’ULB d’entretenir d’excellents relais
peut également parler de mise en scène pour les treize DHC distingués avant la se- avec l’équipe municipale bruxelloise, premier échelon
conde guerre mondiale. Le décor et le rituel cérémoniel sont assez semblables mais d’un système politico-administratif complexe. Le maïo-
l’enjeu paraît bien plus local : l’ULB assure l’opération théâtrale tout en incarnant le rat de Charles Buls, qui coïncide avec une période cru-
théâtre des opérations. ciale du développement de l’ULB (1881-1899), explique
partiellement l’attribution d’un DHC au bourgmestre
Si l’on braque les projecteurs sur le groupe des treize DHC mis à l’honneur avant de Bruxelles. Son intervention personnelle dans les
1940, trois catégories principales sautent aux yeux : les représentants de l’État, les conventions liant les instituts scientifiques du parc
acteurs du secteur privé, les Américains. Léopold à l’ULB par la Ville de Bruxelles (voir plus bas),

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 152


de même que ses sensibilités philosophiques proches du milieu laïc et libéral de Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (9) R. Halleux et G. Xhayet,

l’ULB, fournissent des éléments complémentaires. (ONU) arrêtée en 1946. Toujours à propos de l’ONU, no- La liberté de chercher :

tons, au passage, l’attribution d’un DHC à deux de ses histoire du Fonds national

Par-delà le niveau local, l’ULB aura également distingué les chefs d’État belges secrétaires généraux, à savoir le norvégien Trygve Lie belge de la recherche

et étrangers. Les dates, ici aussi, ont leur importance : pour lier l’Université aux com- en 1951 (dont le mandat s’est exercé de 1946 à 1952) et scientifique, Liège : Ed.

mémorations du centenaire de la Belgique, les autorités de l’ULB attribuent un DHC le birman U Thant en 1967 (1961-1971). de l’Université de Liège,

à la reine Élisabeth. Ce n’est pas seulement une manière élégante de saluer le roi Al- 2007, p.12

bert Ier, qui avait suscité un courant d’opinions favorables en faisant la promotion de Les acteurs du « secteur privé »
la recherche scientifique lors de son célèbre discours de Seraing (1er octobre 1927) : (10) Andrée Despy-Meyer et

« Le public ne comprend pas assez, chez nous, que la science pure est la condition La contribution des industriels, financiers et autres Didier Devriese (éds.),

indispensable de la science appliquée et que le sort des nations qui négligeront la philanthropes issus du secteur privé à l’existence, la Ernest Solvay et son

science et les savants est marqué par la décadence. »(9) Il s’agit aussi de distinguer survie et, enfin, à la croissance de l’ULB est un phé- temps, Bruxelles, Ed.

celle qui n’avait jamais caché sa passion pour la musique, les arts, les lettres et les nomène à la fois connu et largement sous-estimé. La Archives de l’Université

sciences. Son intérêt marqué pour l’archéologie et les études égyptiennes l’a ame- figure d’Ernest Solvay, l’incontournable « bienfaiteur » libre de Bruxelles, 1997

née à inspirer la création de la Fondation égyptologique Reine Élisabeth en 1923 et à de l’ULB, vient immédiatement à l’esprit dans cette
aiguiller le mécénat du roi Fouad d’Égypte, auquel l’ULB attribue un DHC en 1925. En catégorie de personnalités.(10) Le DHC qui lui est at- (11) Liliane Viré, « La “Cité

associant Léopold III au centenaire de l’ULB en 1934, l’objectif est double : il consis- tribué en 1898, en même temps que Charles Buls, fait scientifique” du parc

te, d’une part, à souligner l’importance et la continuité du rôle de la famille royale clairement référence aux instituts scientifiques du Léopold », Cahiers

dans le développement des universités et de la recherche scientifique en Belgique, parc Léopold déjà évoqués et dont le mécanisme a été bruxellois, n° 19, 1974,

et, d’autre part, à conforter l’adhésion de l’ULB au modèle national d’une monarchie décrit par l’historienne L. Viré.(11) On y apprend qu’Er- pp. 86-180

parlementaire, tout juste ébranlé par le décès accidentel d’Albert Ier. nest Solvay a essentiellement financé l’Institut de phy-
siologie, tandis que son frère cadet, Alfred, a pourvu
La fidélité de l’institution aux prescrits de l’idéal national, réitérée à travers les aux fonds nécessaires à la construction de l’Institut
DHC octroyés aux souverains en exercice (Baudouin en 1959, Albert II en 1994), a d’hygiène, de bactériologie et de thérapeutique. L’an- 1. La reine Élisabeth
été validée pour la première fois en 1919 par la distinction accordée à deux chefs née suivante, c’est au tour de Raoul Warocqué, riche 2. Le roi Fouad d’Égypte en visite
d’État – de République – étrangers : le président français Raymond Poincaré et son héritier des sociétés de charbonnages, d’intervenir en Belgique, 1939
3. Le roi Léopold III
homologue américain Woodrow Wilson. Tous deux incarnent, au sortir de la guerre, massivement dans la création de l’Institut d’anatomie
la pérennité de l’esprit national démocratique, teinté d’une ardente fibre patriotique et d’histologie. Parmi les mécènes, il faut également
chez l’un – ce qui n’est pas sans résonnance dans un pays marqué par quatre années rendre justice à l’apport de trois financiers – Georges
d’occupation – et d’un souci du dialogue international et du respect des minorités Brugmann, Fernand Jamar et Léon Lambert – dans la
chez l’autre. Poincaré et Wilson ont aussi ceci en commun qu’ils sont alors au faîte réalisation de l’Institut d’hygiène, de bactériologie et
de leur popularité sur le plan international tout en étant fortement contestés dans de thérapeutique. La part de l’investissement du sec-
leur pays respectif. La reconnaissance par l’ULB du rôle des vainqueurs de la premiè- teur public, c’est-à-dire exclusivement celle de la Ville
re guerre mondiale (quoiqu’on puisse s’interroger sur l’absence d’un représentant de Bruxelles, on l’a vu, n’est pas négligeable non plus.
britannique, comme Lloyd George) fait irrémédiablement penser au « tir groupé » de Quoi qu’il en soit du financement, la « première vague »
1945 rassemblant les chefs d’État des principaux pays alliés – Roosevelt, Churchill, des instituts scientifiques rêvés par Paul Héger, profes-
De Gaulle, Staline et Tchang Kaï-chek. Si cette liste paraît insolite aujourd’hui, elle seur de physiologie et futur président de l’ULB, pouvait
n’en est pas moins un reflet, somme toute logique, de la réalité de l’immédiat après- ainsi s’achever en 1894. Elle sera suivie par la création,
guerre. À ce titre, elle préfigure la composition initiale des membres permanents du entre 1900 et 1913, d’un second groupe d’instituts de

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 153


recherche et d’établissements d’enseignement largement financés par Ernest Sol- ple. Vous lui procurez aujourd’hui l’aliment intellectuel. (12) Liane Ranieri, Émile

vay : l’Institut de sociologie, l’École de Commerce, les Instituts internationaux de La dotation universitaire est un geste digne de la noble Francqui ou l’intelligence

physique et de chimie. Et ceci sans compter les largesses qui émaneront de la famille Amérique. Nous remercions aussi tous ceux qui ont créatrice, Paris-

Solvay ou de l’entreprise familiale tout au long du XXe siècle et jusqu’à ce jour. collaboré à cette grande œuvre. » Bruxelles, Duculot, 1985,
pp. 292-312 ; Kenneth

Avec l’industriel Dannie Heineman, Ernest Solvay va également susciter la Émile Francqui, cependant, n’était pas en reste. Le Bertrams, Universités

création du Comité national de secours et d’alimentation (CNSA) qui va centraliser même jour, sans qu’on sache si la même proposition fut et entreprises. Milieux

l’approvisionnement de vivres et de produits de première nécessité en Belgique oc- faite à Hoover, Héger fit savoir à Francqui que le conseil académiques et

cupée durant la première guerre mondiale. Le comité exécutif du CNSA sera pré- d’administration de l’ULB lui décernait le titre de « doc- industriels en Belgique,

sidé d’une main de maître par Émile Francqui, l’inclassable directeur de la Société teur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles » 1880-1970, Bruxelles, Le

générale. Le CNSA sera épaulé dans son action par une structure similaire pensée et espérait qu’il voulût bien « accepter ce témoignage Cri, 2006, pp. 183-187

et organisée par l’ingénieur américain Herbert Hoover – le Committee for Relief in d’admiration et de sympathie ». La réponse de Francqui
Belgium (CRB). La gestion du tandem Hoover-Francqui fera des merveilles pour la est intéressante pour notre propos : (13) Archives générales du

population belge mais aussi, une fois la guerre terminée, pour les universités.(12) Le royaume, Fonds Comité

boni cumulé du CNSA-CRB (150 millions de francs belges en 1919, soit près de 152 « (…) le titre de docteur honoris causa me remplit national de secours et

millions d’euros actuels) sera affecté, pour un tiers, à la Fondation universitaire dont de confusion, car je sais trop que je ne mérite pas cet d’alimentation,

l’objectif est d’ouvrir les « institutions d’enseignement supérieur aux fils et aux filles honneur. Je ne le dois manifestement qu’à votre amitié, dossier 209

de ceux qui n’ont pas les moyens de faire les dépenses de cet ordre » (se référant à qui aura inspiré la décision de vos collègues. (…) Dites-
la cible, Francqui préférait parler de « jeunes gens peu fortunés et bien doués »). Le leur bien que nul plus que moi n’est dévoué à la cause
solde du montant fut, quant à lui, directement versé aux universités selon une clé de de l’enseignement supérieur »(13).
répartition favorisant les universités complètes, qu’elles soient privées (Bruxelles et
Louvain) ou publiques (Gand et Liège). Nul doute que ces paroles, Jean Jadot, l’ami et su-
périeur hiérarchique de Francqui à la Société générale, 1. Herbert C. Hoover, 1925
Même s’il prenait soin de préciser aux recteurs d’université que, comme pour aurait également pu les prononcer lorsqu’il se vit attri- 2. Émile Francqui
chaque fondation,« en principe, les revenus et non le capital de la dotation » devai- buer un DHC de l’ULB et de l’Université catholique de 3. Jean Jadot et la princesse
Astrid visitent les chantiers
ent faire l’objet des dépenses, Francqui qualifiera lui-même de « princière » cette do- Louvain en 1921. Ingénieur diplômé de l’UCL, Jadot a navals de Hoboken, 1929
nation historique. Elle stupéfia tous les contemporains, à commencer par les mem- profité du courant favorable suscité par les « intentions 4. Conseil général de la Société
bres du gouvernement qui n’y voyaient plus très clair dans la comptabilité créative généreuses » du don CNSA-CRB pour mettre sur pied un générale, auquel assistent les
DHC Émile Francqui (1er rg,
qui la justifiait. Pour Francqui, l’origine du projet était pourtant très simple. Il s’en « Comité Bruxelles-Louvain » destiné à lever les fonds 3e depuis la g.) et Jean Jadot
ouvrait de la sorte au premier ministre Léon Delacroix : nécessaires au rééquipement des écoles d’ingénieurs (4e), 1931
des deux universités libres. Le projet était ambitieux ; il
« Fréquemment, depuis le début de la guerre, nous avions étudié et discuté ces fallait convaincre à l’unisson les patronats catholique
propositions avec nos amis américains et des professeurs de nos quatre grandes et libéral, encore sous le coup de la guerre. Mais en
universités ; nous sommes heureux de voir le projet auquel nous nous étions arrêtés se plaçant précisément sur le terrain du décalage tech-
dans la voie des réalisations ». nologique et du nécessaire catching-up de l’industrie
nationale, Jadot sut affûter des arguments économico-
Le 11 septembre 1919, le président Paul Héger adressait à Herbert Hoover un patriotiques qui allaient faire mouche. Figure morale
« câblogramme » dans les termes suivants : « L’Université de Bruxelles vous exprime incontestée des milieux d’affaires belges, il signa lui-
sa profonde reconnaissance. Pendant la guerre vous avez assuré le pain à notre peu- même la lettre d’accompagnement de la souscription :

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 154


« La réforme est d’une urgente nécessité car la modernisation de nos instituts Shaler et Tuck interviendront plus spécifiquement (14) Voir ULB-USA : passé,

techniques supérieurs doit précéder celle de nos méthodes industrielles. Or, notre pour l’ULB en coordonnant la participation financière de présent et futur d’une

industrie ne peut attendre longtemps des hommes nouveaux sous peine de repren- la CRB Educational Foundation dans le transfert de l’ULB fructueuse collaboration,

dre la vieille ornière que ses grands concurrents étrangers ont quitté [sic] depuis vers le plateau du Solbosch. Les dépenses consacrées à Bruxelles, Université

longtemps. Elle doit cesser au plus tôt de recourir à ces spécialistes du dehors. Pour la construction des bâtiments néo-renaissance érigés libre de Bruxelles, 1996

réussir (…), il faut avant tout et sans délai pourvoir nos écoles techniques de vastes avenue des Nations (future avenue Roosevelt) et censés
laboratoires parfaitement outillés, d’ateliers suffisants et de riches collections, sou- regrouper la Faculté de droit, la Faculté de philosophie
tiens d’un enseignement à la fois scientifique et intuitif ». et lettres, l’administration et la bibliothèque seront cou-
vertes par la fondation à raison de 20 millions de francs
L’axe Solvay-Francqui-Jadot et l’intégralité du réseau d’industriels et de finan- belges. L’inauguration de l’ensemble aura finalement
ciers structuré autour du CNSA occupent une place de choix dans l’histoire de l’ULB. lieu en juin 1930, en même temps que la nouvelle École
Le président Héger n’avait pas tort de dire que le don CNSA-CRB, au vu des effets de médecine, annexée à l’Hôpital Saint-Pierre, entière-
d’entraînement qu’il a pu susciter, allait avoir des « répercussions incalculables » ment reconstruit lui aussi. Il faut savoir que ce nouveau
sur le paysage académique de la Belgique. Pour l’ULB, poursuivait-il, « c’est une ère complexe médical est notamment le fait d’un réseau
nouvelle qui commence ». De fait, elle allait être marquée par l’installation de l’Uni- américain parallèle – la prestigieuse Fondation Rocke-
versité sur le site du Solbosch en prenant pour appui les principes en vigueur du feller – qui avait vu l’intermédiation efficace de Jules
campus américain. Bordet, Antoine Depage et Paul Héger.

Les « amis américains » Compte tenu de ces éléments, il n’est pas étonnant
que l’ULB ait voulu, à l’instar d’autres universités bel-
Intentionnellement ou non, Herbert Hoover avait dégagé pour les universités ges, mettre à l’honneur ses bienfaiteurs américains
belges, et l’ULB en particulier, une véritable « fenêtre d’opportunité »(14). Tandis qu’il par l’octroi d’un DHC distinguant successivement le
s’orientait décisivement vers une carrière politique nationale qui allait le porter vers secrétaire d’État Charles Evans Hughes (1924) et les La promotion des DHC
les sommets – il sera nommé secrétaire d’État au Commerce durant les présidences ambassadeurs des États-Unis en Belgique, Dave Hen- 2005 : Fadela Amara et
de Warren G. Harding et de Calvin Coolidge avant d’être le 31e président des États- nen Morris (1934) et Joseph Edward Davies (1939). Radhia Nasraoui (à g.), Pierre
Goldschmidt et Baltasar Garzón
Unis durant une des périodes les plus sombres du siècle (1929-1933) –, l’action de Real (à d.), 2005
ses hommes de terrain au sein du CRB se poursuivait en Belgique. Une des forces
de l’organisation de Hoover en Europe durant la guerre avait été de s’appuyer sur
un maillage serré d’hommes d’action, ingénieurs pour la plupart. Parmi eux, il im-
porte de mentionner les noms de Perrin Galpin, Edgar Rickard, Millard K. Shaler et
W. Hallam Tuck. Ceux-ci étaient demeurés en Belgique pour leurs affaires – Shaler
était notamment lié à la Forminière (Société internationale forestière et minière du
Congo) et Tuck à Solvay & Cie – mais aussi pour gérer la CRB Educational Founda-
tion. Portée sur les fonts baptismaux en avril 1920 avec une autre portion du solde
positif de la CRB, la CRB Educational Foundation (qui deviendra, en 1938, la Belgian
American Educational Foundation – BAEF) avait pour mission d’établir un program-
me d’échanges de niveau universitaire entre les États-Unis et la Belgique. Parmi les
1 500 fellows bénéficiaires du programme depuis son existence, on retrouve le nom 1. Charles E. Hughes, 1908
d’un certain Pierre Goldschmidt (DHC en 2005). 2. Joseph E. Davies

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 155


Des Valeurs « grands triomphateurs de la guerre mondiale », la première le 11 octobre 1945 pour de (15) B
 ulletin de l’UAE,

Gaulle, la seconde le 15 novembre 1945 pour Churchill. n°141-142, octobre/

Les triomphateurs de la guerre novembre 1945

Les discours prononcés à l’occasion des deux cérémonies mettent essentielle-


L’analyse des discours prononcés lors de la remise des insignes de docteur ho- ment en relief l’implication des deux hommes d’État dans la victoire finale même (16) Charles Frerichs,

noris causa montre sans équivoque la volonté de l’institution d’honorer des défen- si les autorités de l’ULB ne manquent pas de mentionner les autres qualités mar- Discours de

seurs d’une forme d’idéal démocratique. Plus précisément, l’Université aura très tôt quantes des récipiendaires. Ainsi, parlant au nom de l’ULB, le président du conseil novembre 1947

à cœur d’honorer ceux qui se sont battus contre les totalitarismes de tous bords. d’administration exprime « toute son admiration pour la part qu’il [de Gaulle] a prise
La remise du titre doit évidemment être comprise dans son contexte. En décembre dans la libération des territoires occupés et dans le succès final des armées al- (17) (18) Didier Devriese ULB

1944, l’Université s’associe aux « grands triomphateurs de la guerre mondiale, le liées »(19) . La libération de l’Université elle-même sera saluée lors de la cérémonie Info, novembre 2005

président Franklin Roosevelt, le premier ministre Winston Churchill, le maréchal en hommage à Winston Churchill, le président du conseil d’administration préci-
Staline, le général de Gaulle, le général Tchang Kaï-chek, [en leur décernant] le titre sant à l’assemblée que « l’Université n’oubliera jamais que, sur les instructions de (19) Charles Frerichs,

de DHC de l’Université »(15) . À cette liste s’ajoutera en novembre 1947, William Lyon monsieur Winston Churchill, les divisions britanniques et alliées, avec la brigade Discours du

Mackenzie King, le premier ministre canadien de l’époque, personnification de « la Piron, ont avancé d’un bond d’Amiens à Bruxelles et ont ainsi délivré la capitale et 11 octobre 1945

noble nation canadienne qui a pris, sous sa direction, une si grande part à la vic- l’Université »(20) .
toire des Nations unies et à la libération de la Belgique »(16) . (20) Charles Frerichs,

En dehors de la victoire, l’Université se réclame d’avoir voulu honorer l’exemple Discours du

Le choix opéré en décembre 1944, alors que la victoire n’était pas encore défini- donné par les opposants de la première heure au régime nazi. Les qualités propres 15 novembre 1945

tivement scellée, a légitimement pu mener à des débats. Ex post, il semble en effet des deux chefs d’État sont mises en avant : de Gaulle fait revivre à la fois l’âme al-
évident que tant Staline que Tchang Kaï-chek ne sont pas des exemples parfaits tière de Foch et l’âme passionnée de Clémenceau mais incarne aussi l’âme immor- (21) Jacques Cox, Discours

de défense des idéaux démocratiques. Dès 1944, des voix s’élevèrent quant à la telle de la France(21) tandis que Churchill est présenté comme l’homme qui a montré du 11 octobre 1945

pertinence de décerner les insignes de DHC à tous les vainqueurs de la guerre(17) . au monde entier durant l’été 1940 que la liberté, l’honneur et le devoir étaient plus
Mais un certain pragmatisme va prévaloir : la guerre étant encore en cours, il serait précieux que la vie même(22) . Pour le recteur Cox, le courage britannique, person- (22) Jacques Cox, Discours

malvenu de décrier l’une ou l’autre composante des armées alliées, et ce d’autant nifié par Winston Churchill, ne sera pas étranger à la décision de l’Université de du 15 novembre 1945

plus qu’au cours de l’occupation, des mouvements de résistance politiquement op- fermer ses portes sous l’occupation.(23) Résistance et défense d’idéaux tels que
posés avaient combattu un ennemi commun. la démocratie ou la liberté(24) sont ici fortement mises en évidence : elles demeu- (23) « May I say that if they

reront désormais au cœur des préoccupations de l’Université et l’amèneront par decided in those grim

La situation politique de l’immédiat après-guerre se reflète dans les cérémonies après à décerner le titre de docteur honoris causa à de nombreuses personnalités days of December, 1941

d’attribution des insignes. Alors que le regroupement de ces personnalités semble emblématiques dans ces domaines. to risk not only their own

initialement avoir été effectué pour signifier une victoire commune sur le nazisme, la lives, which were of little

remise des insignes montrera comment, en un an à peine, un revirement drastique Résistance, défense de la démocratie et droits de l’homme import, but also the lives

s’est opéré. Pour des raisons purement politiques, la présence de Staline comme celle of those most dear to

de Tchang Kaï-chek en Belgique deviennent impensables. Le décès de F. D. Roosevelt Dans de nombreux cas, l’ULB entend, par l’octroi du titre de docteur honoris them, it was because you

en avril 1945 annule de facto la présence d’un des protagonistes des cérémonies à ve- causa, honorer des personnalités ayant œuvré pour la défense de la démocratie. Ces and your nation, arrayed

nir. In fine donc en 1945, sur les cinq récipiendaires d’origine, seuls deux d’entre eux, personnalités seront tantôt des opposants à des dictatures de gauche ou de droi- in battle beside you, had

Charles de Gaulle et Winston Churchill, sont encore à même de participer à une céré- tedroite, tantôt des hommes politiques ayant eu à cœur de renforcer le processus set them the first and

monie en leur hommage. Le refus de Charles de Gaulle d’entrer dans « une “série” de démocratique au sein de leur pays. most inspiring

nominations »(18) amènera l’Université à organiser deux hommages distincts pour ces example ? », J. Cox
Discours du 15 novembre
1945.

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 156


Pensée libre, lutte contre les totalitarismes, antifascisme forment une cohorte (notamment maçonniques) qui soutiennent la résis- (24) Paradoxalement,

« infernale » souvent associée, comme le rappelle l’auteur du discours prononcé tance chilienne, la mobilisation en faveur des réfugiés l’Université qui se veut

en l’honneur de Simon Wiesenthal (1994) : « Dès sa fondation, l’Université libre de politiques se déploie bien au-delà des sphères impli- à l’époque à la pointe

Bruxelles se posa donc en ardent défenseur de la liberté d’enseignement – bientôt quées dans l’entourage d’Allende. Le choix du nom de la défense des

appelée libre examen – et de la pensée libre, de sorte que son existence fut toujours d’Allende pour baptiser la « salle culturelle » au cœur idéaux démocratiques

intimement associée à ceux qui défendent ces mêmes principes. Ensuite ses prises de l’Université le reflète assez… On sait moins que le reste marquée par le

de positions devant la montée des régimes totalitaires dans l’entre-deux-guerres. conseil d’administration décide de « réserver » des contexte de l’immédiat

Avec un enracinement aussi profond de défense de la liberté et de la tolérance, il mandats à des chercheurs ou professeurs : trois d’en- après-guerre et se

était fatal que l’Université réagisse à l’égard de ces événements. (…) Mais aussi et tre eux seront destinés à des « universitaires chiliens prend à féliciter Charles

surtout sa détermination durant la période d’occupation allemande, où en raison de ayant été emprisonnés »(30). Quant à Sakharov, il est de Gaulle comme « le

ses prises de position courageuses, l’ULB allait être exposée à de constantes repré- l’incarnation d’un triple engagement en faveur de la mainteneur de la France

sailles de la part du pouvoir allemand. »(25) science au service de l’humanité, des droits de l’hom- et de son Empire ».

me et de la résistance à la dictature, sanctifié par le Jacques Cox, Discours

L’octroi, à titre posthume du titre de DHC à Salvador Allende (1975), président de prix Nobel de la paix en 1975. du 11 octobre 1945

la République du Chili, en témoigne : il s’agit de « rendre hommage au chef de l’État


qui a entendu assurer par des voies pacifiques l’évolution et le progrès économique, L’image publique d’Altiero Spinelli (1984) est plus (25) Hervé Hasquin, Discours

social et culturel de son pays, dans le respect des libertés individuelles et désirant complexe : résistant, coauteur du Manifeste pour une du 28 février 1994

honorer – sans porter de jugement sur ses opinions politiques – l’homme qui a as- Europe libre et unie aujourd’hui connu sous le nom de
sumé jusqu’aux plus lourdes conséquences un idéal de démocratie politique »(26). Manifeste de Ventotene, homme politique européen (26) André Jaumotte,

convaincu et notamment promoteur du projet de traité Discours du

C’est évidemment aussi le cas pour Nelson Mandela (1984) : en effet, « tel est d’Union européenne adopté le 14 février 1984, il est cé- 31 janvier 1975

l’homme [Nelson Mandela] que le régime raciste d’Afrique du Sud s’est arrogé le lébré comme « le défenseur de la liberté, l’adversaire
droit de condamner à la prison à vie et que l’Université de Bruxelles s’enorgueillit de tous les dogmatismes, l’homme chaleureux, le (27) (28) Hervé Hasquin,

aujourd’hui d’honorer, car la lutte de Nelson Mandela et celle de son peuple pour combattant courageux, que l’Université veut honorer Discours de 1984

l’égalité raciale, pour la justice et la liberté en Afrique du Sud, est aussi celle de en vous conférant aujourd’hui sa plus haute distinc-
notre Université et celle de l’humanité »(27). La même année, on honore Andreï tion »(31). Quant à Simone Veil (1984), « s’il fallait vous (29) Prise de position du

Sakharov qui, « comme Gandhi et Martin Luther King, (…) mène un combat à la fois caractériser en quelques mots, nous dirions : le cou- gouvernement belge,

politique, humaniste et social. Mais là s’arrêtent les ressemblances car si les deux rage dans l’épreuve, une totale indépendance d’esprit, Conseil des ministres du

premiers ont devant eux et parfois avec eux une presse libre, des institutions indé- le sentiment que la vérité n’est jamais toute entière 14 septembre 1973

pendantes, une opinion publique qui s’exprime, Andreï Sakharov est condamné à du même côté ». Personnalité symbolisant le drame
un combat solitaire avec pour protection fragile sa renommée mondiale de savant de la Shoah, elle est aussi et surtout perçue comme (30) Rapport annuel, 1973-74

et d’humaniste et comme réconfort l’amour anonyme des humbles, et peut-être, si une femme de conviction qui fera adopter « contre son et 1975-76, pp. 58 et sv.

la nouvelle lui parvient un jour, le diplôme de docteur honoris causa de l’Université camp » – elle est alors ministre de la Santé nommé par
du libre examen. »(28) Valéry Giscard d’Estaing – la « loi Veil », promulguée (31) Hervé Hasquin,

le 17 janvier 1975, qui autorise l’avortement en France Discours de 1984

Allende, Mandela, Sakharov sont des figures aisément identifiables, des éten- sous certaines conditions. Première femme à présider
dards symboliques. La chute d’Allende suscite une vague d’émotion et de soutien au le Parlement européen élu au suffrage universel, Si- 1. Mur de Berlin, 1991 : « Merci
Andreï Sakharov »
sein des mouvements progressistes et démocrates en Europe notamment, et débou- mone Veil est porteuse de valeurs à la fois éthiques 2. Salvador Allende (à g.) et Pablo
che sur des prises de position gouvernementale ;(29) outre les réseaux constitués et sociales. Neruda, ca. 1970

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 157


Le combat contre les fascismes revient sans cesse dans les motivations du choix qui coiffe l’aboutissement normal de ces notions : la paix »(39). Il en va évidemment (32) Hervé Hasquin, Discours

de personnalités symboliques : membre actif de la résistance à Mussolini, président de même pour Shimon Peres, le (futur) prix Nobel de la paix 1994, dont l’Université du 19 novembre 1987

de la République italienne, Sandro Pertini (1987) est salué comme celui « dont le souligne, à l’occasion de son cent-cinquantième anniversaire en 1984, « [le] courage
nom est attaché au combat antifasciste et symbolise l’attachement aux valeurs dans la recherche de la paix et [les] efforts constants pour que se développe une (33) (34) Georges Verhaegen,

démocratiques »(32). Il en va de même pour Doina Cornea, résistante pacifique à la tolérance mutuelle entre les États »(40). Discours de 1989

dictature de la famille Ceauşescu, au modèle de société stalinien « à la roumaine »,


cette création de « l’homme nouveau » que l’autocrate président et son épouse veu- Mais on ne négligera pas pour autant le progrès social. Mackenzie King, honoré (35) Françoise Thys-Clément,

lent imposer à leur pays tout entier,(33) ou encore pour Fang Li-Zhi, défenseur de un peu tardivement parmi les vainqueurs de la guerre, est aussi célébré comme Discours du 5 novembre 1990

la liberté d’expression tant en termes de politique que pour les problèmes de so- « la grande figure de celui que l’Université libre de Bruxelles a voulu honorer, en lui
ciété.(34) C’est d’ailleurs ce qui justifie, dans un mouvement de continuité le choix conférant la plus haute distinction académique qu’elle peut accorder et que mérite, à (36) Hervé Hasquin, Discours

du « président Alexander Dubc̆ek, l’un des plus illustres précurseurs du printemps tous égards, l’infatigable défenseur de la liberté, du progrès social et de la paix »(41). du 5 novembre 1990

des peuples de 1989, le père du “printemps de Prague”, qui en 1968 déjà prêchait Quant à Allende, il catalyse les valeurs de l’Université car il est « l’homme qui, tout
la liberté d’expression et la démocratie »(35) … et, comme le dit explicitement le dis- au long de sa vie, a été guidé par un idéal qui est aussi celui de notre institution et (37) Albert Mingelgrün,

cours de réception, il s’agit d’un choix qui « prolonge le geste qu’elle avait posé l’an qui peut s’énoncer en quelques mots : liberté, justice, démocratie et progrès »(42). Discours, « Hommage au

dernier envers Doina Cornea et Fang Li-Zhi et réaffirme l’attachement particulier cinéma européen »

qu’elle porte à ceux qui expriment et symbolisent dans leurs actes et leur pensée Du libre examen et de la liberté de la recherche
la valeur de la liberté »(36). Il faut rajouter ici les figures d’Arthur Haulot, honoré en (38) Charles Frerichs,

1996 en compagnie de Marek Edelman, ou encore celle de Robert Maistriau, l’auteur Mais il s’agit aussi de mettre en évidence le libre examen. « Salvadore Allende Discours du

de l’arrêt du XXe convoi de déportation la nuit du 19 au 20 avril 1943. C’est aussi ce l’avait affirmé clairement lors de ses entretiens avec Régis Debray : “J’appartiens 10 novembre 1947

que symbolisent les « dissidents de l’Est » que sont Borislaw Geremek, Árpád Göncz personnellement à une tradition maçonnique. Mon grand-père, le docteur Allende
et Václav Havel : la dislocation des régimes communistes d’Europe centrale met à Padin, a été grand maître de l’Ordre maçonnique au siècle dernier, à une époque où (39) Hervé Hasquin,

l’honneur en 1991 les hommes résistants politiques et démocrates est-européens être franc-maçon signifiait lutter. Les Loges maçonniques (…) ont été les piliers de Discours de 1984

polonais, tchèques et hongrois. On peut y associer encore l’hommage rendu à An- l’indépendance et de la lutte contre l’Espagne”. Ajoutons que ce grand-père était
drzej Wajda (1995), celui d’un « cinéma poétique engagé contre la dictature » tout sénateur du Parti radical et qu’il avait fondé en 1871 la première école laïque du Chili. (40) Hervé Hasquin, Discours

comme l’est celui de Théodore Angelopoulos (1995) « depuis Jours de 36 dont nous Son père avocat était libre penseur. Allende est ainsi l’héritier de toute une tradition du 19 novembre 1987

avons salué le courage autant que le pouvoir enchanteur de leurs images »(37). libérale progressiste qui, au Chili, s’est souvent incarnée dans la franc-maçonne-
rie et le radicalisme. »(43) Quant à Willy Brandt, on dira de lui que « l’homme rejette (41) Charles Frerichs,

De l’idéal de tolérance, de la défense de la paix et de la démocratie, du progrès le dogmatisme, ne prétend jamais avoir l’apanage de la seule vérité intangible. Le Discours du

social et de la société libre-examinisme qui l’anime le range parmi les meilleurs d’entre nous. »(44) Cette 10 novembre 1947

qualité de la pensée, prise au sens strict, est mise en évidence par Françoise Thys-
Il peut sembler vain de distinguer lutte contre les fascismes et défense de la Clément en 1992, lorsque l’Université honore Hubert Reeves dont il est souligné que (42) (43) André Jaumotte,

démocratie mais l’accent des discours prend parfois une connotation plus marquée « tant dans la parole que dans les écrits, votre message est empreint de l’esprit et discours du 31 janvier 1975

en faveur de la tolérance et de la paix : ainsi d’Allende « [qui] a cherché à faire de la des exigences du libre examen qui allie l’honnêteté intellectuelle, la générosité, le
tolérance et de la modération les principes directeurs de son activité, s’exprime- partage des connaissances, des enthousiasmes et des doutes, et la fraternité »(45). (44) Hervé Hasquin,

t-il autrement que l’ont fait, depuis 1834, à cette tribune, Théodore Verhaegen, le Cette qualité surpasserait-elle même l’action publique : à propos de Federico Mayor, Discours de 1984

fondateur de l’Université et ses successeurs ? »(38) Ou encore de Willy Brandt (1984) « en vous remettant ce jour les insignes de docteur honoris causa qui font de vous un
dont « l’attachement opiniâtre au socialisme humaniste s’inscrit dans la continuité des membres de notre communauté, l’Université se réjouit d’accueillir et d’honorer (45) Françoise Thys-Clément,

des principes fondamentaux de la social-démocratie allemande qui, depuis plus plus encore que le directeur général de l’UNESCO, un intellectuel du questionnement Discours du

d’un siècle, entend promouvoir la liberté, l’équité ; vous y avez ajouté la dimension et de l’action solidaire, un “cœur conscient”, œuvrant pour le rapprochement », un 19 novembre 1992

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 158


homme dont « Théodore Verhaegen aurait sans conteste trouvé un éminent repré- grands créateurs de cet art contemporain qui s’est développé après la seconde (46) Hervé Hasquin, Discours
sentant de cet idéal [le libre examen] »(46). C’est également le cas pour Edgar Morin guerre mondiale » (53) . du 12 mars 1992
(1993), dont « l’œuvre incomparable par son ampleur et sa lucidité, son perpétuel
souci du destin des hommes, [montre] la valeur qu’elle attache au principe du libre En 1995, quatre cinéastes, Theo Angelopoulos, André Delvaux, Henri Storck et (47) (49) Françoise Thys-
examen »(47). Toutefois comment une recherche existerait-elle sans libre examen ? Andrzej Wajda sont mis à l’honneur. La qualité de leur travail artistique, reconnue Clément, Discours du
À intervalles réguliers, on rappelle l’importance de celle-ci : ainsi d’Hubert Reeves, mondialement, ainsi que leur engagement sont évoqués au cours de la cérémonie 20 janvier 1993
auquel, « pour vos qualités de recherche, pour vos travaux de vulgarisation scientifi- qui leur est consacrée.(54) Dans le même temps, l’Université profite de l’occasion
que (…) l’Université libre de Bruxelles est particulièrement heureuse de (…) décerner pour rappeler l’existence en son sein d’un programme d’études, ELICIT, consacré (48) Françoise Thys-Clément,
le titre de docteur honoris causa »,(48) tandis qu’on souligne chez Edgar Morin « le spécifiquement à l’écriture et à l’analyse cinématographique. Discours du
scientifique, le philosophe, l’érudit, le penseur engagé mais aussi, tout simplement, 19 novembre 1992
l’homme »(49).
(50) (51) André Jaumotte,
De la création et des arts Discours du
26 janvier 1979
L’octroi du titre de DHC à des artistes pourrait peut-être paraître incongru au
premier abord. Si l’on s’en tient au choix de personnalités de la sphère publique à (52) « Car vous êtes bien plus
connotation politique, d’autre choix s’imposent plus immédiatement. Mais cette et bien mieux, vous êtes le
présence s’explique de plusieurs manières : le désir d’honorer des artistes consti- créateur d’un autre univers.
tue, d’une part, une prise de position visant à affirmer l’importance que l’Univer- Et c’est là votre gloire,
sité attache aux arts et à la culture, et d’autre part, un moyen efficace de montrer personne aujourd’hui en
les liens unissant artistes et chercheurs. Les arts et la culture sont perçus alors effet ne conteste l’existence
comme un espace de liberté par excellence, liberté souvent mise à mal notamment de celui-ci et refuse d’y
par les régimes totalitaires. À la figure du libre examen répond celle de la liberté adhérer. ». Paul Foriers,
artistique, comme le souligne l’Université en rappelant le « droit au blasphème » Discours du 26 janvier 1979
et à la caricature lors de l’affaire des « caricatures de Mahomet » parues dans le
Jyllands-Posten. À l’instar de l’artiste, créateur par définition, le chercheur doit (53) Discours du recteur repris
parvenir à domestiquer son inspiration, à transformer sa créativité en recherche dans « Le Roi Albert II
originale et disposer da la plus grande des libertés. Comme le signale André Jau- devient docteur honoris
motte « l’acte créateur, en art comme en science, reste le fait de rapprochements causa de l’ULB », La
originaux mais en art tous les rapprochements sont possibles et le critère de l’idée Lanterne 14/12/1994
féconde est un jugement esthétique subjectif tandis qu’en science il réside dans la
sanction expérimentale, objective » (50) . (54) Françoise Thys-Clément,
Discours
L’importance de la notion de création est donc fortement soulignée tant dans
le discours relatif à Maurice Béjart (51) qu’à celui consacré à Paul Delvaux (52) . Dans
ces deux cas, l’ULB en tant que telle est à peine mentionnée dans les discours.
Concernant Paul Delvaux, on fait pourtant le lien avec le portrait de Jules Bordet 1. Maurice Béjart, 1979
réalisé par l’artiste. Quant à Pierre Alechinsky, il est salué comme « l’un des plus 2. Pierre Alechinsky, 1994
3. André Delvaux, 1995
4. Henri Storck, 1995

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 159


L’Europe… et la Francophonie sion aux messages principaux que celle-ci entend dé- (55) Hervé Hasquin, Discours

fendre. Dans certains cas, le récipiendaire considèrera du 5 novembre 1990

Au début des années 1980, l’Université marque son ancrage dans le terrain de que la distinction honorifique ne lui revient pas à titre
la construction européenne car « particulièrement attentive au devenir de l’Europe personnel mais bien au pays(60) ou au combat(61) qu’il (56) Hervé Hasquin, Discours

en raison même de sa situation au cœur de la capitale de l’Europe des douze, l’Uni- représente. du 19 novembre 1987

versité libre de Bruxelles ne peut être indifférente à la dimension nouvelle que revêt
le concept européen à la suite des bouleversements géopolitiques extraordinaires Les archives de l’ULB ne permettent malheureuse- (57) Hervé Hasquin,

dont nous avons été les témoins cette année. C’est pourquoi l’Université participe ment pas de reconstituer une liste des récipiendaires Discours de 1984

entre autres activement aux programmes d’échange mis sur pied par la Communau- pressentis qui auraient refusé le titre (si tant est qu’il
té européenne en direction des pays de l’Europe centrale et de l’Est. »(55) y en ait eu). En revanche les discours de certains réci- (58) (59) Hervé Hasquin,

piendaires ont été conservés. À leur lecture, il est pos- Discours du 19 novembre

Plusieurs personnalités ayant contribué à la construction européenne sont sible de dégager l’image perçue(62) par les personnes 1987

alors honorées. Les discours prononcés par les autorités académiques servent par honorées par l’institution. De manière assez logique
ailleurs à rappeler l’existence de l’Institut d’études européennes, présenté comme certains points pour lesquels l’Université a jugé impor- (60) Le Canada pour

partie prenante au développement européen (56) tandis que la position de l’ULB en tant de décerner un titre de docteur honoris causa sont Mackenzie King, le

tant qu’université la plus « internationaliste » de Belgique est soulignée. Apparaît perçus comme représentatifs de l’Université par les Portugal pour Mário

bien sûr la personnalité d’Altiero Spinelli : « Comme la construction européenne ne récipiendaires. Parmi les thématiques fréquemment Soares, le Sénégal pour

peut et ne doit se faire ni par l’insurrection ni par la conquête militaire, mais par un mentionnées plusieurs ne sont pas spécifiques à l’ULB Abdou Diouf

contrat social entre les États qui décident librement de mettre ensemble une partie (excellence de l’enseignement ou de la recherche par
de leur souveraineté, il y a lieu de créer au niveau de l’Europe une volonté générale exemple), tandis que d’autres semblent plus propres à (61) Alexander Dubček

communautaire. Cette volonté, le Parlement européen doit en être le creuset et l’ex- l’ULB même (libre examen, résistance sous l’occupa- évoquant les autres

pression. Promoteur de l’idée fédéraliste, vous pourfendez l’illusion confédérale, tion). Nous nous attarderons sur ces dernières. réformateurs du

que vous qualifiez de “système anarchique, donc inefficace”. »(57) Il faut y ajouter Printemps de Prague

« Mário Soares, homme de liberté et de l’intégration dans la Communauté européen- Libre examen
ne d’un pays soucieux de s’ancrer solidement dans l’Europe démocratique »(58) ou (62) Cette image est

encore, bien évidemment, Willy Brandt et Simone Veil. Pour l’Université, le libre examen constitue une naturellement biaisée

pierre angulaire de son histoire et des ses combats et puisqu’elle est le

Au-delà de la construction européenne, l’ULB aura aussi a cœur de montrer son pour certains récipiendaires, cette spécificité propre à reflet des positions de

ancrage linguistique en honorant des personnalités dont l’action a permis de pro- l’ULB mérite d’être soulignée. Elle prend dans certains personnalités ayant

mouvoir et de défendre la langue française, comme c’est le cas pour « Abdou Diouf discours une place centrale et le concept de libre exa- accepté de recevoir

dont le pays a toujours joué, en Afrique, un rôle moteur dans la promotion de la men même est mis en avant comme l’une des valeurs le titre de DHC de

langue française. »(59) distinctives de l’ULB. La réinterprétation du concept, l’Université

ou sa présentation par des personnalités extérieures


Les discours de réception offre une lecture intéressante.

Si les discours prononcés par les autorités académiques permettent d’entrevoir Pour Charles de Gaulle, la défense du libre examen
les motivations déclarées de l’ULB, les discours prononcés par les récipiendaires paraît devenir une prérogative de l’ULB : « elle [l’Uni-
offrent un éclairage tout aussi intéressant quoique parfois fort différent. Accepter versité libre de Bruxelles] a su mener son combat, je
un honneur d’une institution quelle qu’elle soit suppose à tout le moins une adhé- veux dire le combat sur le domaine dont elle avait la Abdou Diouf

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 160


garde, le domaine du libre examen, elle a su le mener, elle a finalement su le gagner de vos activités : la liberté par rapport au dogme, à tous les dogmes, la liberté de (63) Charles de Gaulle,

car on gagne toujours, en définitive, quand on ne se met pas dans le parti de la ser- l’esprit qui examine, en toute indépendance, en toute sérénité, en toute “conscien- Discours du

vitude »(63). Churchill pour sa part mentionne le libre examen essentiellement pour ce”. » (69) 11 octobre 1945

mettre en contexte la situation de l’Université sous l’occupation.(64) Sans utiliser


le terme lui-même, le discours d’Abdou Diouf fait ressortir l’esprit du libre examen Défense de la démocratie, des droits de l’homme (64) « (...) that one of the

lorsqu’il évoque les hommes et les femmes qui ont œuvré pour que la liberté de principles for which the

jugement dans l’enseignement puisse s’imposer.(65) À l’inverse, Shimon Peres dé- Les valeurs mises en avant par l’Université dans ses choix concernant les per- University stands was

bute son allocution en annonçant qu’il est « fier d’entrer dans la maison du libre exa- sonnalités honorées lui sont souvent renvoyées lors des discours de réception. “the free examination

men »(66). Edgar Morin rappelle « [qu’]en 1834 une poussée libérale et démocratique Mário Soares louera ainsi « l’université qui à l’instar de Jean Jaurès, Léon Blum ou of thoughts and ideas” ».

amène à la création de l’ULB à Bruxelles. La laïcisation est à la base de la réforme ; Émile Vandervelde a toujours été ouverte aux idéaux civiques et à la promotion Winston Churchill,

elle établit l’autonomie de l’université vis-à-vis de la religion et du pouvoir ; elle ins- humaine et sociale » (70) . De même Shimon Peres placera-t-il l’ULB à la pointe du Discours du 15 novembre

taure la liberté intérieure (le principe du libre examen), elle installe de façon centrale combat pour la démocratie en la louant de s’être dressée avec courage et lucidité 1945

la problématisation. »(67) contre toutes les formes de racisme. (71)


(65) Abdou Diouf, Discours

Résistance et liberté du 19 novembre 1987

La position de l’Université sous l’occupation semble avoir particulièrement mar- (66) Shimon Peres, Discours

qué les esprits. La cohérence entre le discours libre-exaministe et la décision de du 19 novembre 1987

fermer l’Université en novembre 1941 crédibilise les prises de position de celle-ci


sur les questions de liberté ou de résistance. La plupart des récipiendaires honorés (67) Edgar Morin, Discours

pour des actions visant à promouvoir la liberté ne manqueront pas de rappeler le du 20 janvier 1993

passé de l’ULB.
(68) Charles de Gaulle,

Que ce soit Charles de Gaulle : « sa résistance jointe à toutes ses actions in- Discours du

citèrent notre résistance ; sa résistance fut en effet un des piliers autour de quoi 11 octobre 1945

purent s’accrocher les esprits et les cœurs, contre un adversaire qui avait su utili-
ser tout ce que les moyens mécaniques du moment pouvaient donner d’avantages (69) Federico Mayor,

initiaux à la surprise et à la terreur, mais contre lequel l’opposition des hommes Discours du

libres a réalisé ceci : que d’oppresseur il ne put jamais devenir conquérant. » (68) 12 mars 1992

Ou Winston Churchill : « Let us be thankful that there were institutions like Brus-
sels, like Leiden, like Prague, where the tradition of liberty was so firmly rooted (70) Mário Soares, Discours

that no thought of compromise could be entertained. The waves of totalitarianism du 19 novembre 1987

beat against them in vain and the example they set was soon followed by the rest
of their fellow-countrymen. » Pour les vainqueurs de la seconde guerre mondiale, (71) Shimon Peres, Discours

la résistance victorieuse de l’Université à l’occupant servit d’exemple durant le du 19 novembre 1987

conflit. Quant à Federico Mayor, il rappelle : « Quelle fierté pour le directeur géné-
ral d’une organisation assimilée dès l’origine au foyer de l’esprit, d’être honoré
1. Edgar Morin
par une institution dont la liberté est la raison d’être ! (…) Il est sain de revenir à 2. Federico Mayor et Catherine
celle qui fonde votre Université, est inscrite dans vos statuts et inspire chacune Deneuve, 1994

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 161


Prises de position de technologie, l’ouverture de l’université sur l’extérieur, le dialogue des cultures (72) « But, ladies and

ou encore la démocratie.(78) L’allocution d’Edgar Morin quelques mois plus tard po- gentlemen, the champions

Dans certains cas, la réception du titre de docteur honoris causa servira de pla- sera la question de la place de l’université dans la société, « L’université doit-elle of freedom can never afford

teforme pour faire passer un message. Ces messages auront parfois un lien direct s’adapter à la société ? ». Simon Wiesenthal prendra lui la parole pour insister sur to sleep. (…) Institutions

avec les motivations ayant amené l’octroi du titre (on songe par exemple au discours l’importance de la lutte contre l’oubli, la justice et l’expiation du plus grand crime like Brussels University

de Winston Churchill incitant à rester en garde contre toutes les formes de totalita- de l’histoire humaine. Il rappellera que « la liberté n’est pas un don du ciel, il faut se which have so manfully

risme(72)) mais pourront parfois sembler tout à fait étrangers à la cérémonie même. battre pour elle chaque jour de notre vie »(79). withstood the assaults

Pour certains DHC, le discours s’adresse directement au public naturel d’une univer- of Nazidom have special

sité à savoir les jeunes étudiants. Ainsi Mackenzie King termine-t-il sa présentation En guise de conclusion provisoire… importance, therefore in

en recommandant aux étudiants d’embrasser une carrière diplomatique. Sandro a Europe emerging from

Pertini profitera pour sa part de la tribune offerte par la cérémonie pour lancer un Cette première approche de l’histoire des DHC de l’Université mériterait un véri- a long, terrible affliction

plaidoyer en faveur de la réalisation d’une constitution politique pour l’Europe par table approfondissement. Nous en tracerons ici quelques pistes. Il serait notamment and illness. Always be on

les jeunes.(73) intéressant d’étudier dans quelle mesure les récipiendaires s’approprient le titre de guard against tyranny

DHC de l’ULB. Dans la plupart des cas, aucune mention explicite n’y est faite dans in whatever shape it

L’intervention du roi Baudouin présentera pour sa part une réelle dimension po- les discours, à quelques exceptions près. C’est le cas de Winston Churchill qui pré- may assume. » Winston

litique.(74) Après un bref rappel des liens tissés entre la dynastie et la science, son cise sa nouvelle appartenance et les implications de celle-ci lors de son discours, (80) Churchill, Discours du 15

exposé se voit entièrement consacré à la question congolaise. La date de remise ou bien de Sandro Pertini qui affirme sa fierté d’appartenir désormais à la commu- novembre 1945

des insignes n’est évidemment pas étrangère à la tonalité du discours qui se veut nauté d’études et de vie académique de l’ULB,(81) ou encore de Federico Mayor qui
un appel pour « résoudre avec unanimité le problème du Congo » et un rappel pour mentionne sa joie et sa fierté d’appartenir suite à la cérémonie à une communauté (73) Sandro Pertini, Discours du

que le Congo reste « le champ d’élection pour une action vitale des forces jeunes, universitaire prestigieuse.(82) Si pour certains, la « communauté de valeurs » justi- 19 novembre 1987

compréhensives et généreuses de la Belgique », les valeurs de l’ULB se présentant fie sincèrement une adhésion à cette communauté particulière qu’est l’ULB, pour
comme les grandes absentes de ce texte. d’autres la question se pose. Qu’en est-il alors de cet hommage : ne s’agit-il que de (74) Roi Baudouin, Discours du

la manifestation de reconnaissance publique de mérites tout aussi publics ? 20 Novembre 1959

Pour certains DHC, essentiellement des hommes politiques, le fait d’accepter


le titre honorifique peut aussi servir à marquer un rapprochement entre leur pays Quant aux modalités et au processus de choix, l’enquête historique montre que (75) Le Canada pour Mackenzie

d’origine et la Belgique ou à confirmer des liens d’amitiés de longue date.(75) Abdou ceux-ci ne sont pas formalisés et relèvent de la coutume et non pas de la « loi » (ou King, le Portugal pour

Diouf souligne en revanche l’importance des rapports entretenus par l’Europe et du règlement en l’occurrence). Ceci nous amène à poser la question de l’existence Mário Soares

l’Afrique.(76) À ses yeux, la cérémonie est un symbole éloquent du dialogue Nord- d’une « ligne de faîte » déterminant l’octroi du diplôme. Si errements il y eut – il ne
Sud, un dialogue qu’il convient d’approfondir et de pérenniser pour le bien commun ; s’agit pas ici de justifier ou de condamner –, on peut aisément les comprendre au (76) Abdou Diouf, Discours du

quant à Shimon Peres, il « rêve d’un Bénélux proche-oriental, d’un marché commun vu du contexte, comme ce sera le cas de l’un ou l’autre vainqueur de la seconde 19 novembre 1987

moyen-oriental. Et même si cela ne doit jamais se réaliser que progressivement, ne guerre mondiale. Encore faut-il préciser que, dans le cas de Staline par exemple, la
cessons jamais de considérer combien est préférable cette association à la longue condamnation du dirigeant soviétique relève d’une lecture a posteriori qui était loin (77) Shimon Peres, Discours du

épreuve qui l’a précédée. Au Moyen-Orient aussi, il est permis de rêver. Car même de faire l’unanimité en 1945. Dès lors, on peut s’interroger sur l’étonnante constance 19 novembre 1987

au Moyen-Orient, le pire n’est pas toujours inéluctable. »(77) des « valeurs » que partagent les récipiendaires, a fortiori lorsque l’on sait, comme
nous le soulignions en introduction, que ces valeurs ne sont pas mises en évidence (78) Federico Mayor, Discours

En 1992, l’opportunité d’utiliser la cérémonie de remise des DHC pour faire pas- comme présidant aux choix des personnalités distinguées. Les motivations particu- du 12 mars 1992

ser un message de fond est intégrée à un tel point qu’à l’issue de celle-ci, un dis- lières dans le choix des DHC relèvent donc de l’air du temps et d’un contexte qu’il ne
cours du récipiendaire est programmé. Federico Mayor prendra ainsi la parole sur convient pas de juger et qui demeure, par définition, imprévisible. (79) Simon Wiesenthal,

le thème de « L’université en son temps de transition » pour aborder les transferts Discours du 28 février 1994

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 162


(80) « Remember the cause of
Freedom for which your
heroes died. Thus, and
thus alone, will you be
worthy of the University
to which you, and now
I, have the honour
to belong. » Winston
Churchill, Discours du
15 novembre 1945.

(81) Sandro Pertini, Discours


du 19 novembre 1987

(82) Federico Mayor,


Discours du
12 mars 1992

1. Le musicien Toots Thielemans,


DHC 2001
2. Les responsables du
programme Erasmus, Alan
Smith, Angélique Verli et
Domenico Lenarduzzi (1er rg de
g. à d.), DHC 2002
3. Remise du prix Houphouët-
Boigny à Mandela et De Klerk.
Frederik De Klerk, Abdou
Diouf, Nelson Mandela, Henry
Kissinger, Federico Mayor (de
g. à d.), 1992.

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 163


ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 164
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KERCKHOF, Ward, De geschiedenis van het Leuvense eredoctoraat tot 1968, mé-
moire de licence non publié, Katholieke Universiteit Leuven, 2002.

RASCHE, Ulrich, « Geschichte der Promotion in absentia. Eine Studie zum Mode-
rinisierungsprozess der deutschen Universitäten im 18. und 19. Jahrhundert », dans
Examen, Titel, Promotionen. Akademisches und staatliches Qualifikationswesen
vom 13. bis zum 21. Jahrhundert, Marie-Claude Schöpfer Pfaffen (éd.), Veröffentli-

ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 165


ULB DHC 175e
Annexes
Liste des docteurs honoris causa Baekeland Léon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sca Cartan Élie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1946 Sc
des Facultés Balandier Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Soco Castex Pierre-Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . 1984 Philo
Bardon Henry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1985 Philo Cattier Félicien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1936 Dr
Liste des abréviations Bastien Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Sca Caullery Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc
Bataillon Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Med Cayeux Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc
Dr Faculté de Droit Baubérot Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Philo Cazeneuve Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Soco
Esp École de Santé publique Bauer Edmond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Sc Cerulli Enrico . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Philo
Iee Institut d’Études européennes Bedjaoui Mohammed . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1994 Dr Chabert Catherine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Psy
Isepk Institut supérieur d’Éducation physique et de Kinésithérapie Bell Harold Idris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Philo Chadwick John . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Philo
Med Faculté de Médecine Bernhard Wilhem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Med Chagas Carlos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Med
Pharm Institut de Pharmacie Berthélémy Henry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Dr Chambon Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Med
Philo Faculté de Philosophie et Lettres Berthelot René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo Chatzidakis Manolis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Philo
Psy Faculté des Sciences psychologiques et de l’Éducation Beveridge William Henry . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Soco Chaudron Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1946 Sca
Sc Faculté des Sciences Bianchi-Bandinelli Ranuccio . . . . . . . . . . . . 1962 Philo Chodat Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc
Sca Faculté des Sciences appliquées Bidez Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Philo Cohen-Tannoudji Claude . . . . . . . . . . . . . . . 1999 Sca
Soco Faculté des Sciences sociales et politiques Biezeno Cornelis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Sca Coing Helmut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Dr
Socio Institut de sociologie Blanchard Francis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1985 Trav Condurachi Emil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Philo
Stat Institut de statistique Bloch Henry Simon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Soco Contini Gianfranco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Philo
Trav Institut du travail Bockaert Joël . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2005 Med Cormack John Dewar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sca
Bohr Niels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1961 Sc Cotton Aimé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc
Liste des DHC Bonger Willem Adriaan . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Dr Cournand André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Med
Borel Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc Courrier Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Med
Abi-Saab Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 Dr Born Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1961 Sc Crismer Léon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc
Adam Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo Boulanger Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Med Crum Lawrence A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1997 Sca
Adrian Edgar Douglas . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Med Bragg William Laurence . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Sc Cumont Franz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo
Aftalion Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Dr Braudel Fernand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Soco Cushing Harvey Williams . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Med
Albe-Fessard Denise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Med Braunstein Alexandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Sc Dale Henry Hallett . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Med
Albert Ier, Prince de Monaco . . . . . . . . . . . . . 1910 Sc Brédas Jean-Luc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 Sc Darwin Francis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc
Anzieu Didier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1989 Psy Briner Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Sc Daubechies Ingrid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2000 Sc
Appleton Edward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1946 Sca Broadbent Donald . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1985 Psy Dausset Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Med
Arambourg Camille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1954 Sc Bronk Detlev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1963 Med Daux Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Philo
Aron Raymond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Soco Brunot Ferdinand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo David René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Dr
Ascarelli Tullio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Dr Burdeau Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Soco Davy Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Philo
Ashenfelter Orley . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 Soco Burgers Johannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Sca De Broglie Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Sc
Åstrand, Per-Olof . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1987 Isepk Burgers Wilhelm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Sca De Gennes Pierre-Gilles . . . . . . . . . . . . . . . . 1999 Sca
Ayer Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Philo Calogero Guido . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Philo De Muralt Alexandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Med
Aymard André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Philo Campus Ferdinand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Sca DeBakey Michael . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Med
Bachelard Gaston . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Philo Candel Sébastien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2005 Sca Debré Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Med
Badinter Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1984 Dr Caquot Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Sca Debye Peter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sca

ULB DHC 175e Annexes 168


Delacroix Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo Gibson Hugh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Dr Hubert Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1921 Philo
Demoulin Alphonse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc Giddens Anthony . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1994 Soco Isermann Rolf . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1989 Sca
Dewar James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc Ginzburg Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 Philo Jackson Robert H. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1946 Dr
Diehl Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo Gley Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Med Jacob François . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Sc
Donadoni Sergio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1992 Philo Gluckman Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Soco Jaeger Frans-Maurits . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1936 Sc
Droz Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Soco Goblet d’Alviella Eugène . . . . . . . . . . . . . . . 1894 Philo Janet Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sca
Drucker Peter F. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Soco Godeaux Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Sc Jankélévitch Vladimir . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Philo
Druyvesteyn Mari Johann . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Sca Goldin Abraham . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Med Janot Maurice-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Med
Duclaux Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Sc Goubert Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Philo Jeanneney Jean-Noël . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2005 Philo
Eckstein Otto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Soco Grassé Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Sc Jestaz Philippe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2005 Dr
Eells James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1997 Sc Grelot Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1953 Sca Jèze Gaston . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Dr
Einstein Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1933 Sc Grenier Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Philo Johnson Alvin Saunders . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Soco
Ephrussi Boris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Sc Grignard Victor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc Jones Harold Spencer . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Sc
Erlanger Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Med Guillemin Roger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Med Josserand Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1932 Dr
Escarpit Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Philo Gurvitch Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Soco Jouguet Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Philo
Evarts Edward V. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Med Hadamard Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc Jouzel Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1997 Sc
Fabre Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Philo Hamson Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Dr Kac Marc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1984 Sc
Fabre René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Med Hanoune Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1994 Med Kaës René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2000 Psy
Febvre Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Philo Hardy Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1939 Philo Kahn-Freund Otto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Dr
Fenn Wallace O. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1963 Med Harr Milton Edward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1987 Sca Karrer Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Sc
Finch George Ingle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1938 Sc Hart Oliver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1992 Soco Katzir-Katchalsky Aharon . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Sc
Fischer Hermann Emil . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc Hedvall Johan Arvid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Sca Kazatchkine Michel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 Med
Flajolet Philippe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1994 Sc Heisenberg Werner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1961 Sc Keilin David . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1946 Sc
Fleming Alexander . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1945 Med Held Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1984 Psy Kenyon Frederic George . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo
Flexner Abraham . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Med Hérissey Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Med Kirkwood John G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Sc
Flexner Simon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Med Héritier-Augé Françoise . . . . . . . . . . . . . . . . 1994 Socio Klein Lawrence R. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Soco
Forestier Hubert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Sca Hers Henri-Géry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1992 Med Kling Rob . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1987 Soco
Fredericq Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo Herzfeld Michael . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2005 Soco Kocher Theodore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Med
Fredericq Léon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Med Heurgon Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Philo Komi Paavo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 Isepk
Freyssinet Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1946 Sca Hijmans Van Den Bergh Albert . . . . . . . . . . 1934 Med Kornhuber Hans H. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1985 Med
Froehly Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 Sca Hill Archibald Vivian . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Med Kotarbinski Thadee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Philo
Galpin Perrin C. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo Hinde Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Psy Kovar Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1985 Iee
Garin Eugenio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Philo Holland Thomas Erskine . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Dr Kranenburg Roelof . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Dr
Garrels Robert M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Sca Hopf Heinz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Sc Kristeva Julia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2000 Philo
Gasser Herbert S. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Med Hopkins Frederick Gowland . . . . . . . . . . . . . 1934 Med Kroll William Justin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Sca
Genestal Du Chaumeil Robert . . . . . . . . . . . 1930 Dr Hopt Klaus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1997 Dr Kronecker Hugo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Med
Gény François . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Dr Houin Roger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Dr Kroto Harold . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1992 Sc
Germain Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1984 Sca Houssay Bernardo Alberto . . . . . . . . . . . . . . 1949 Med Krueger Alan B. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2005 Trav
Ghestin Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2000 Dr Hubble Edwin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1937 Sc Lachs Manfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Dr

ULB DHC 175e Annexes 169


Lacroix Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc Lyon-Caen Gérard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1985 Dr Nenci Giuseppe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Philo
Ladevèze Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2000 Sca McClelland James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2005 Psy Nicolet Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1997 Philo
Lalive d’Épinay Pierre-André . . . . . . . . . . . . 1989 Dr McNair Arnold Duncan . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Dr Nicolle Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Med
Lambert Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Dr Macklem Peter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1987 Med Nogaro Bertrand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Soco
Lambotte Albin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1932 Med Maeterlinck Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo Oberling Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Med
Lamotte Maxime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Sc Malavard Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Sca Occhialini Giuseppe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Sc
Landsteiner Karl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Med Marchal Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc Offerhaus Johannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Dr
Langevin Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc Marinelli Giorgio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Sca Oort Jan H. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Sc
Lanson Gustave . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo Marmot Michael . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Esp Pascher Adolphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc
Lapierre Jean William . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1984 Soco Martin Victor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Philo Pauling Linus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Sc
Lavedan Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Sca Maruani Margaret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2000 Trav Pavlov Ivan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Med
Lavisse Ernest . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo Maurain Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc Pelsenner Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc
Le Cam Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1997 Stat Mayer Hans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Philo Pérès Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1954 Sca
Le Dantec Félix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc Mayer Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Sc Pérez Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc
Le Douarin Nicole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2000 Med Mayer Nonna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2000 Soco Perrin Jean Baptiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc
Leclercq Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1938 Dr Mayor Michel G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Sc Perroy Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Philo
Ledoux Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Sc Mazon Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo Peters Norbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1994 Sca
Lefebvre Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Philo Medawar Peter Bryan . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Med Pettazzoni Raffaele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1954 Philo
Lehn Jean-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1987 Sc Mehler Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1997 Psy Piaget Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Philo
Lehn Jean-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1999 Sca Meijers Eduard M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Dr Picard Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1950 Philo
Lenègre Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Med Meillet Antoine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1932 Philo Pictet Aimé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc
Leone Giovanni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1973 Dr Meirieu Philippe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 Psy Pirenne Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo
Leontief Wassily . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Soco Menéndez-Pidal Ramón . . . . . . . . . . . . . . . . 1932 Philo Platrier Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Sca
Leray Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Sc Metchnikoff Elie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Med Poincaré Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc
Lescure Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Dr Millet Gabriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1932 Philo Pommier Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Philo
Lespagnol Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Med Minorsky Vladimir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Philo Ponte Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Sca
Lévi-Strauss Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Soco Monod Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Sc Pope William Jackson . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc
Lewis William Arthur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Soco Montel Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1951 Sc Portes Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2000 Iee
Liberman Alvin M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Psy Montreuil Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1989 Phar Portevin Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1937 Sca
Lieftinck Gerard Isaac . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Philo Moore Stanford . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1954 Med Pottier Edmond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo
Linderstrom-Lang Kaj . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Sc Morduch Jonathan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Soco Praeger Cheryl Elisabeth . . . . . . . . . . . . . . . 2005 Sc
Loisy Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo Moret Alexandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1936 Philo Prager William . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Sca
Lotman Iouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1989 Philo Mornet Daniel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Philo Prelog Vladimir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Sc
Louria Alexandre Romanovitch . . . . . . . . . . 1975 Psy Moscovici Serge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1994 Psy Puisieux Francis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1997 Pharm
Lowry Thomas Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc Mosler Hermann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Dr Radhakrishnan Sarvepalli . . . . . . . . . . . . . . 1956 Philo
Lugeon Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Sc Mosso Angelo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc Rall Joseph Edward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Med
Lundberg Anders . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Med Mutt Viktor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1984 Med Ramón y Gajal Santiago . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Med
Lwoff André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Sc Myers Stewart C. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1997 Soco Rasmussen Grant L. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Med
Lyon Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo Needham Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1954 Sc Reed Thomas Harrison . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Dr

ULB DHC 175e Annexes 170


Refetoff Samuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1989 Med Simon Denys . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 Iee Vidal-Naquet Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1987 Philo
Regaud Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1925 Med Smith Alexander . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Dr Vincent George E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Med
Renold Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Med Somorjai Gabor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1992 Sca Vincent Hyacinthe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1946 Med
Reuchlin Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1987 Psy Sorm Frantisek . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Sca Volterra Edoardo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Dr
Rheinstein Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Dr Southwell Richard Vynne . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Sca Von Karman Theodore . . . . . . . . . . . . . . . . . 1937 Sca
Richet Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1914 Med Spencer Jones Harold . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1947 Sc Von Mises Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sca
Rickard Edgar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Dr Spring Walthere . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc Von Wartburg Walter . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Philo
Ripert Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Dr Starobinski Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Philo Wachspress Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1985 Sca
Rist Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Soco Stein Eric . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Dr Waldeyer Wilhelm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Med
Rivero Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Dr Stone Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Soco Wallace William . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1992 Iee
Robinson Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Sc Stoufflet Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1992 Dr Walmsley Ian A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Sca
Rocard Yves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Sca Strassburger Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc Wasserburg Gerald Joseph . . . . . . . . . . . . . 1985 Sc
Rockefeller John D. Junior . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Med Swarts Frédéric . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc Werner Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1937 Philo
Roelofs Wendell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1989 Sc Tabatoni Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Soco Westlake John . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Dr
Rosenfeld Léon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Sc Teirlinck Herman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1938 Philo Whitlock Brand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1919 Dr
Rotondi Mario . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Dr Teirlinck Isidore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1932 Philo Wiggers Carl J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Med
Roux Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Med Teissier Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1954 Sc Wilmotte Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1935 Philo
Roy Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1956 Sca Tenekides Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1969 Dr Wilson Edgar Bright . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Sc
Saadé Leila . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Dr Theorell Hugo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Med Wittelsbach, Charles Théodore . . . . . . . . . . 1909 Med
Sahama Thure G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Sc Tinbergen Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Soco Zazzo Rene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Psy
Sahlins Marshall . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1985 Soco Tirole Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1989 Soco Zeeman Pieter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sc
Salverda De Grave Jean J. . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo Torres-Bodet Jaime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Philo Zielinski Thaddee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo
Samkalden Ivo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Dr Trefouel Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Med
Saura Pedro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1918 Dr Truhaut René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1975 Med
Sauvy Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Soco Tschebotarioff Gregory P. . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Sca
Savatier Rene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1951 Dr Tuck William Hallam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sca
Scelle Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Dr Tunc André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1959 Dr
Schmidt Vivien Ann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Iee Turner Eric G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Philo
Schricker Gerhard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1987 Dr Ubbelhode Alfred R. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Sc
Schwartz Laurent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Sca Ullman Jeffrey . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Sca
Sedov Leonide Ivanovitch . . . . . . . . . . . . . . 1969 Sca Vaccaro Jean-Michel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1994 Philo
Sellin Thorsten . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1979 Dr Van Bambeke Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Med
Semenov Nicolai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Sc Van Beneden Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Sc
Sforza Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1949 Soco Van Biesbroeck Georges . . . . . . . . . . . . . . . 1934 Sc
Shaler Millard King . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Sca Van Hamel G. a. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Dr
Shallice Thimothy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1992 Psy Vannerus Jules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 Philo
Sherrington Charles Scott . . . . . . . . . . . . . . 1930 Med Vedel Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Dr
Siegfried André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1948 Soco Vening Meinesz Felix Andries . . . . . . . . . . . 1949 Sc
Siestrunck Raymond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1962 Sca Verhaeren Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1909 Philo

ULB DHC 175e Annexes 171


Index des notices Garzón Real. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Storck Henri. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Geremek Bronislaw. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Susskind Simone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Albert Ier de Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 Goldschmidt Pierre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Tamzali Wassyla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
Albert II de Belgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Göncz Árpád . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 Tchang Kaï-chek . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Alechinsky Pierre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Gross David J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Thielemans Toots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Allègre Claude. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Haulot Arthur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 U Thant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Allende Salvador. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 Havel Václav. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Van Montagu Marc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Angelopoulos Theo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Hoover Herbert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Veil Simone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Amara Fadela. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Hughes Charles Evans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Verli Angélique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Arbour Louise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Inglehart Ronald. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Vincent Jean-Didier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
Barré-Sinoussi Françoise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Jadot Jean. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 Wajda Andrzej. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Baudouin de Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Jones Hywel Ceri. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Wallerstein Immanuel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Béjart Maurice. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Konaré Alpha Oumar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Wiesenthal Simon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Brandt Willy. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 Lenarduzzi Domenico. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Wilson Thomas Woodrow . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
Buls Charles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 Léopold III de Belgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 Zinkernagel Rolf. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Busquin Philippe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Lie Trygve. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
Capecchi Mario. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Mackenzie King William Lyon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Capron André. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 Maistriau Robert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Chissano Joaquim. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Mandela Nelson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
Churchill Winston . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 Maskin Eric. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Connes Alain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Mayor Zaragoza Federico. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Cornea Doina. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Molina Mario J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Davies Joseph E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 Morales de Cortiñas Nora Irma. . . . . . . . . . . . . . . . . 39
De Duve Christian. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Morin Edgar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
De Gaulle Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110 Morris Dave Hennen. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Deligne Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Nasraoui Radhia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Delvaux André. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 Peres Shimon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Delvaux Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 Pertini Sandro. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
Diouf Abdou. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 Phelps Edmund Strother . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Dubc̆ek Alexander. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 Poincaré Raymond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127
Dworkin Ronald. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Reeves Hubert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
Edelman Marek. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Robinson Mary . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
El Saadawi Nawal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Roosevelt Franklin D. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
Élisabeth de Belgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 Sakharov Andreï . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
Fang Li-Zhi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 Smith Alan. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Fouad d’Égypte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 Soares Mário. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Francqui Émile. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 Solvay Ernest. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Fulbright William. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 Spinelli Altiero. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
Gao Xingjian. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Staline Joseph. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

ULB DHC 175e Annexes 172


Crédits photographiques Oranje Nassau Museum, Delft :
- 145
Agência Brasil :
- Fábio Pozzebom : 21 Organisation des Nations unies :
- 102
Collection Victor Boin : - Teddy Chen : 98
- 122, 153/1 - Michel Claude : 86
- Eskinder Debebe : 41
Collection Ceges-Bruxelles :
- n° 40731 : 124 Pressens Bild :
- n° 40736 : 153/2 - 149/2
- n° 41170 : 116
- n° 54020 : 127 Rijksmuseum, Amsterdam :
- n° 148892 : 112 - 144, 147
- n° 163991 : 153/3
- n° 230927 : 125 Rossel & Cie SA / Le Soir, PhoDoc, Bruxelles, DR :
- n° 231205 : 104 - 53

Collection J. Jadot / J. J. Rousseau : The Heart Truth :


- 154/4 - 139/3

Deutsches Bundesarchiv : UNESCO :


- Engelbert Reineke : 91 - Michel Claude : 163/3
- Joachim F. Thurm : 157/1 - Inez Forbes : 68, 161/2

Fundación Salvador Allende, Chili : Université libre de Bruxelles :


- 96, 157/2 - Archives et Bibliothèques de l’ULB : 54, 80, 82, 84, 87, 89,
92, 93, 94, 99, 100, 106, 110, 118, 120, 130, 131, 132, 134, 148,
Getty Images / TIME & LIFE Images : 151/2, 152, 160, 161/1
- Forrest Anderson : 77 - Département des relations extérieures : 11-17, 25, 28, 33, 37,
40, 42, 43, 56, 58, 62, 70, 72, 76, 78, 159/3, 163/1
Alfred Hutter : - Jean Jottard : 18, 19, 20, 23, 26, 27, 30, 31, 32, 34, 36, 39, 45,
- 146 46, 50, 52, 59, 61, 74, 64, 66, 90, 142, 150/1, 151/1, 151/3,
155/3, 159/1, 159/2, 159/4, 163/2
Mariusz Kubik :
- 48

Kunsthistorisches Museum, Vienne :


- 142/1

ULB DHC 175e Annexes 173


Liste des souscripteurs M. Patrick Debouverie (Bruxelles) M. Patrick Genin (Charleroi)
M. et Mme Gilbert Debusscher (Bruxelles) M. Pierre-Alain Gevenois (Bruxelles)
M. Henri Alexandre (Havre) M. Jan De Candries (Bonheiden) M. Michel Godart (Bruxelles)
Archives et Bibliothèques de M. Renaud Decock (Anderlues) M. Francis Godaux (Bruxelles)
l’Université libre de Bruxelles (Bruxelles) M. Jean Marie De Deken (Saint Ghislain) Docteur Jean Claude Goffin (Bruxelles)
Mme Monique Asiel (Bruxelles) M. Francis Degreve (Saint-Aupré, France) M. et Mme P. Goldschmiddt Contempre (Bruxelles)
Mme Gisèle Auquit (Glabais) M. Ghislain Dehez (Bonnert) M. Jacques Goldsteinas (Bruxelles)
M. et Mme Balaes-Fauconnier (Seneffe) M. N. de la Kethulle de Ryhove (Bruxelles) M. R. Gonze (Bruxelles)
Mme Danielle Baleriaux (Bruxelles) Mme Pascale Delbarre (Bruxelles) Mme Michèle Grégoire (Rhode-Saint-Genèse)
M. G. Beart (Gozée) Mme Françoise Delloye (Bruxelles) M. David Guilardian (Bruxelles)
Bartholomeeusen SPRL (Bruxelles) M. Pierre Delvoye (Ath) M M. Hervé Hasquin (Graty)
M. Jacques Beeckmans de West-Meerbeeck (Chastre) M. Pierre-Jean Delvoye (Bruxelles) M. Paul Hatry (Bruxelles)
M. et Mme Beernaerts-Courtois (Rhode-Saint-Genèse) M. Pascal Delwit (Bruxelles) M. Lucien Heilporn (Bruxelles)
M. Gilbert Bejjani (Bruxelles) M. Pierre de Maret (Bruxelles) M. Luc Helen (Bruxelles)
Fondation Bernheim FUP (Bruxelles) M. Raymond Demousselle (Bruxelles) Mme Anne-Marie Helvétius & M. Michel Kaplan (Paris)
M. Henri Bier (Bruxelles) M. et Mme Denis-Hupez (Quaregnon) Docteur Philippe Hennart (Court-Saint-Étienne)
Mme Claire Billen Perissino (Bruxelles) Mme Alice Deridder (Bruxelles) M. Maurice Hinsenkamp (Bruxelles)
M. Jean-Pierre Bizet (Paris) M et Mme Didier Devriese -Marchant (Bruxelles) Mlle Nadine Hollasky (Bruxelles)
M. Serge Bodson (La Hulpe) M. et Mme Jean-Pierre Devroey-Zoller (Bruxelles) Mme Viviane Hooghe (Tubize)
M. et Mme René Bontemps (Bruxelles) M. Christian De Waay (Knokke-Heist) Mme Nadine Houssa (Bruxelles)
M. Claude Bosseloir (Hennuyeres) M. René De Wael (Lasne) M. Jean Huet (Bruxelles)
M. Émile Bottin (Bruxelles) M. Alain Dierkens (Bruxelles) M. Edouard Jacobs (Bruxelles)
Mme Catherine Bouland (Bruxelles) M. Angelo Di Paolo (Chatelet) M. Lucien Janson (Bruxelles)
M. Guy Bricart (Tournai) Mme Audry Drapier (Boussu) M. Daniel Janssen (La Hulpe)
Docteur Bruneau (Bruxelles) M. Henri Drymael (Bruxelles) M. Nicolas Janssen (La Hulpe)
M. André Bruyneel (Rhode-Saint-Genèse) M. et Mme L. Capette Brasseur (Elouges) JDT Consult SPRL (Bruxelles)
Mlle Anne Caby (Bruxelles) M. Yvan De Jaraczewski (Bruxelles) Mme Huguette Joly (Bruxelles)
M. Jan Candries (Bonheiden) M. Pol Dupont (Dour) M. et Mme Jean-Louis Joris (Bruxelles)
Mme Béatrice Carbonnelle (Bruxelles) M. Freddy Eggermont (Nimy) M. Paul Keymolen (Waterloo)
M. Jean-Luc Carpentier (Beersel) M. Jean Ettinger (Rhode-Saint-Genèse) Mme Emilie Kleiren (Silly)
Cedom (Bruxelles) Faculté de droit (Bruxelles) M. André Koeckelenbergh (Rognée)
Mme Françoise Chatelain (Charleroi) Faculté de philosophie et lettres (Bruxelles) M. Louis Kovari (Bruxelles)
M. Baudouin Contzen (Bruxelles) Faculté des sciences psychologiques et de l’éducation M. Jean-Claude Laes (Bruxelles)
M. Jean-Luc Cornet (Bruxelles) M. et Mme Famaey-Fontaine (Bruxelles) M. et Mme J.-P. Langhendries-Destexhe (Soignies)
Mme Marcelle Crem (Bruxelles) Fondation Jaumotte-Demoulin (Bruxelles) M. Gregory Lewkowicz (Bruxelles)
M. Guy Crevecoeur (Lasne) M. Jacques Fontaine (Walcourt) Mlle Eloise Lagrenee (Bruxelles)
M. Philippe Cullus (Bruxelles) M. Pierre Galand (Bruxelles) M. et Mme Lamant Debiesme (Wiers)
M. Philippe Darge (Latour) Mme Nadine Galland (Court-Saint-Étienne) M. et Mme Lambros Couloubaritsis Tselentis (Bruxelles)
M. Jean-Jacques Dawance (Comblain-Pont) Gastrospace SPRL (Bruxelles) M. Alain Laudet (Namur)

ULB DHC 175e Annexes 174


M. Alex Lefebvre (Bruxelles) M. Georges Preseau (Bruxelles)
Mme Maggy Lemaire Gibon (Bruxelles) M. et Mme J. Puissant Gubin (Bruxelles)
Mme Jeanne Lemoine (Rotheux-Rimière) M. Georges Reichenberg (Bruxelles)
M. Cedric Libert (Bruxelles) M. Michel Roeykens (Bruxelles)
M. Silvain Loccufier (Hekelgem) Docteur Alexandre K. Samii (Knokke)
Mme Isabelle Loeb (Woluwe-Saint-Étienne) Sanofi-Aventis Belgium SA (Diegem)
Mme Micheline Loijens (Bruxelles) M. Jean Sauwen (Bruxelles)
Mme Chantal Leitz (Saint-Hubert) M. Yves Schlesser (Luxembourg)
M. et Mme Paul Mahieu Bottemanne (Bruxelles) M. Serge Schiffmann (Bruxelles)
Mme Anne Marchal (Bruxelles) M. S chnek (Bruxelles)
Mme Huguette Marien (Bruxelles) M. Jean Paul Sculier (Bruxelles)
M. Luc Massaer (Bruxelles) M. Jean Spreutels (Bruxelles)
M. Thierry Massart (Bruxelles) M. et Mme V. Stiennon Gourni (Mont-Sainte-Aldegonde)
Mme Carole Masson (Bruxelles) M. A. Swinnen (Nieuwerkerken)
M. Pierre Mathieu (Spy) M. P. Thery (Virginal-Samme)
Medi-Grippelotte (Sambreville) M. J.-M. Thomas (Bruxelles)
Medigal SA (Acoz) Mme Françoise Thys-Clément (Bruxelles)
Mme Benedicte Meekers (Bruxelles) M. Raymond Tilte (Couillet)
Mme Andrée Meyer (Bruxelles) M. et Mme Robert et Nicole Tollet-Orban (Bruxelles)
M. et Mme Minne-Breulet (Genval) M. Emmanuel Toussaint (Bruxelles)
M. John Moedbeck (Drogenbos) Mme Samantha Turner (Bruxelles)
M. Fernand Moeykens (Knokke-Heist) Mme Anne Vandecauter (Neder-Over-Heembeek)
M. et Mme Claude Monnier Pierard (Chastre) M. Eric Vanderbeck (Bruxelles)
Mme Carmen Moriame (Bruxelles) M. Frederic Vander Sande (Bruxelles)
Mme Michèle Nahum Hasquin (Bruxelles) M. Henri Van Dierdonck (Courtrai)
M. Denis Nanga Na Kayika (Rhode-Saint-Genèse) Mme Marie-Antoinette Van Durme (Bruxelles)
M. Jonathan Nayigiziki (Lincent) Docteur Michel Vanhaeverbeek (Montigny)
Docteur Pierre Nokerman (Bruxelles) Mme Régine Van Hentenryk (Bruxelles)
M. Pierre Papleux (Ath) Mme R. Vercauteren Drubbel (Bruxelles)
M. Guy Patris-Moreau (Gembloux) Mme Monique Verdoodt (Bruxelles)
M. et Mme Penneman Vanhaverbeke (Machelen) M. Philippe Vincke (Marcq)
M. Christian Peeters (Bruxelles) M. Marcel Voisin (Mons)
People and Places (Bruxelles) M. et Mme Bernard Vray Dedister (Bruxelles)
Mlle C. Pierard (Mons) M. et Mme M. et D. Wajs-Waks (Bruxelles)
M. Pierre Pierart (Bruxelles) Mlle Edith Weemaels (Bruxelles)
M. et Mme Poblete Garces-Poblete Gal (Liège) M. et Mme John Werenne Dekens (Grez-Doiceau)
M. Roland Pochet (Bruxelles) XLAND SPRL (Bruxelles)
M. Karel Poma (Wilrijk) SPRL Xland (Woluwe-Saint-Pierre)
M. Roland Potvliege (Bruxelles)

ULB DHC 175e Annexes 175

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