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Aujourd’hui, mon avis n’a pas changé, le service militaire obligatoire, bien que décrié

par plusieurs sur la toile, reste à mon sens une chance incommensurable pour notre
jeunesse, et notre pays.

D’aucuns se mettent d’ores et déjà à juger, à prospecter sur les “dérives futures”, sur
les “passe-droit” qui seront accordés aux uns contre les autres, etc.

Je n’aimerai pas anticiper sur l’avenir ni me retrouver piégé dans un feuilleton de


politique-fiction duquel seule la mauvaise foi sortira gagnante, je me contenterai donc
d’expliquer en quoi le principe d’un service militaire obligatoire est à mes yeux une
décision en faveur de notre jeunesse.

Mon combat politique a toujours été celui de la mixité sociale, notre société se divise
dangereusement depuis quelques années, et risque de se retrouver, plus vite que ce
qu’on pense, scindée non seulement en plusieurs classes, mais en plusieurs
dimensions, qui se touchent mais ne se voient pas, sans plus rien partager.

Cette situation mènera immanquablement notre société à l’implosion, et les prémices


de la fracture sociale dont nous souffrons font notre actualité sur les réseaux sociaux
depuis plusieurs mois.

Notre jeunesse manque de repère, incontestablement; elle en a besoin: le service


militaire ou le service civil sont à même d’y répondre.

Le service militaire obligatoire annoncé sera l’occasion de créer une véritable mixité
sociale entre jeunes marocains, et ceux qui ne se croisent plus se retrouveront dans
une et même chambrée, ou une unité; iront en mission ensemble et vivront au
quotidien la difficulté d’être un défenseur de la nation.

Aussi, avoir l’occasion de défendre son pays est un honneur, et nul ne devrait en être
privé. Dans le monde, plusieurs pays, mêmes les plus développés, maintiennent un
service militaire obligatoire pour les jeunes, il s’agit là d’une école de la citoyenneté,
une école de respect et une école de valeurs.

A ceux qui rétorqueront que l’école doit être notre priorité, je réponds assurément,
l’une ne doit en aucun cas occulter l’autre.

Le service militaire obligatoire est l’occasion de bâtir cette communauté de destin,


ciment de toute société qui aspire au meilleur.
Parue dans le ventre mou et le foie fatigué de l'entre-deux fêtes, je réédite mon enquête sur l'éventuel retour du
service militaire(photo AFP). Pour ou contre ? On lira clairement que la question ne se situe plus en noir et blanc.
Les arguments favorables au rétablissement du service ne vont guère au-delà des réactions épidermiques prises
sous le coup de l'émotion post-attentats. Elevant finalement notre ancien service national au rang de "mythe"
fédérateur quand 50 % des garçons d'une classe d'âge étaient exemptés en 1995...
Mais cette vérité d'une autre époque n'empêche pas de réfléchir, comme au SGDSN (secrétariat général de la
défense et la sécurité nationale) à Matignon, à l'élaboration d'un plan global pour ramener nos jeunes dans le
giron de la République et de ses valeurs. Oui, la route est longue mais ça n'empêche pas d'avancer comme on dit
dans l'infanterie. Voici quelques pistes...

Pour ou contre le retour du service militaire ?


Après les attentats commis par des « ennemis de l’intérieur », l’idée d’un retour du service national est apparue.
Comme gage de mixité sociale et de cohésion nationale. C’est oublier qu’il a été suspendu en 1997 parce qu’il ne
répondait plus aux besoins et à ces enjeux.
Perte de valeurs, rejet de la cohésion nationale, oubli d’une appartenance à la communauté pour « x » facteurs
sociaux, économiques, culturels, géographiques, politiques, religieux, scolaires, mafieux… Les attentats de 2015,
commis par « des enfants perdus » de la République (aussi par des Belges et des gens issus du Moyen-Orient),
interrogent notre société.
Attention, réfléchir à des manquements ne signifie pas excuser des terroristes (hélas, il faut placer un point sur le
«i» de patrie sous peine d’être jugé bien-pensant, comme si c’était une tare de bien penser).
Des voix relancent l’idée d’une résurgence du service militaire. En creux, on dénonce la suspension (pas la
suppression, on ne sait jamais, hein) du service national, décidée par Jacques Chirac en 1996 et votée en 1997,
insuffisamment remplacé par les parcours de citoyenneté d’aujourd’hui, dont la fameuse et dérisoire JDC
(Journée défense et citoyenneté).
Marianne Dubois, députée Les Républicains du Loiret, et co-auteur d’un rapport d’information sur les dispositifs
citoyens du ministère de la Défense, est catégorique : « C’est parce qu’il ne répondait plus aux besoins des
armées ni aux impératifs de cohésion nationale que le service militaire a été suspendu. » Avec la disparition d’un
ennemi potentiel direct à nos frontières (allemand, russe…) et une bonne moitié d’exemptés en 1995… « Il
faudrait créer une véritable armée d’instruction au côté de l’armée actuelle. Est-ce vraiment la priorité ? »,
demande le co-rapporteur socialiste Joaquim Pueyo.
Un budget de 4 milliards d’euros serait probablement nécessaire pour un service national universel d’un an
composé de près de 800 000 garçons et filles. Certains proposent des temps plus courts. Peut-on sérieusement
former un militaire ou un citoyen en trois ou six mois ?
Vingt ans après la suspension, on table sur une multiplicité de dispositifs (militaires, humanitaires, associatifs),
sur la base du volontariat (comment contraindre à un engagement civique ?). Avec un programme de cadets (de
12 à 18 ans), la suppression de la JDC pour renforcer l’enseignement de la défense au sein du secondaire, une
réserve renouvelée avec une Garde nationale pour la protection du territoire et une réserve honoraire pour le
rayonnement, enfin, un service militaire pour l’insertion… Une convergence qui a du sens.
Pour
Après les attentats de janvier, puis ceux de novembre, des politiques d’horizons très divers (de gauche à droite,
le PS Eduardo Rihan-Cypel, l’UDI Hervé Morin, le LR Xavier Bertrand, la FN Marine Le Pen) ont relancé l’idée
d’un rétablissement du service militaire comme ferment de la citoyenneté et du sentiment d’appartenance à la
nation. Plutôt au jugé, à l’instinct, sans viser la pertinence ni le coût : près de 800 000 jeunes dans une classe
d’âge, ce n’est quand même pas rien à encadrer et à organiser.
Le nouveau président de la région Nord - Pas-de-Calais - Picardie, Xavier Bertrand, plonge le dimanche 22
novembre dans le journal de 13 h de France 2. « On n’a pas pensé à remplacer ce qui faisait un peu un creuset
de l’identité nationale. Un endroit où les jeunes se retrouvaient quelles que soient les idées politiques, les idées
religieuses, les milieux sociaux. On était tous ensemble. Moi, je garde le souvenir d’un service national qui m’a
apporté beaucoup. » Il préconise un service obligatoire de trois à six mois pour garçons et filles. « Où l’on
apprend le civisme, le drapeau, ce qu’il représente, les valeurs de la République. » Il souhaite « remettre au goût
du jour l’autorité, l’ordre mais surtout, les valeurs républicaines».
Ressouder la jeunesse
Guillaume Bigot, auteur en 2006 avec Stéphane Berthomet de Le Jour où la France tremblera, terrorisme
islamiste : les vrais risques pour l’Hexagone (éditions Ramsay), garde cette vision idéale : « Jeunes banlieusards
et enfants des beaux quartiers porteraient le même uniforme et seraient placés dans un même cadre. Dans
identité, il y a identique. Dans notre devise, il y a aussi égalité et fraternité. Nombre d’études en attestent, là où le
service militaire a été maintenu, les jihadistes sont proportionnellement moins nombreux (on aimerait lire ces
études, NDLR). Ce rétablissement du service militaire peut s’opérer en un an (les officiers et les sous-officiers
sont à recruter). Cette décision audacieuse mais réaliste réduirait le risque jihadiste, casserait la dynamique
communautariste et ressouderait la jeunesse. »
Contre
Sébastien Jakubowski est chercheur au CLERSÉ (Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et
économiques, à la fois CNRS et université de Lille I). Spécialiste de l’organisation des institutions militaires, il est
notamment l’auteur de La Professionnalisation de l’armée française (éditions L’Harmattan).
« Avec la recrudescence des candidats dans les CIRFA (Centres d’information et de recrutement des forces
armées) depuis les attentats, on voit une volonté de reconstruire un vivre-ensemble en France et d’exprimer un
sentiment d’appartenance à la communauté nationale. Le service l’était à une époque même si on retrouve là un
mythe, puisqu’en 1995, le service national était profondément inégalitaire avec 50 % d’une classe d’âge qui y
échappait.
Un retour du service est donc peu plausible sur le plan politique et social. De plus, le modèle d’armée a trop
évolué avec la professionnalisation et l’engagement, notamment extérieur, pour repartir vers l’encadrement des
jeunes.
Aujourd’hui, les armées n’ont ni les moyens ni les infrastructures pour rétablir un service national universel.
L’explosion des opérations extérieures (OPEX), dans une configuration de guerre, exige un outil mieux configuré,
mieux équipé et un soldat très spécialisé. Le risque majeur d’une armée de conscription, c’est qu’elle ne réponde
pas aux exigences et contraintes.
« Une réponse protéiforme »
Il faut plutôt envisager d’autres pistes. Le service militaire adapté en outre-mer, le service militaire volontaire,
n’ont pas de finalité militaire mais un rôle social comme les ÉPIDE (établissements pour l’insertion dans l’emploi)
ou le service civique. Pour moi, il n’y a pas de solution miracle mais une réponse protéiforme à apporter, à l’aide
de ces outils, pour retrouver l’idée d’appartenance à la communauté nationale.
Le problème plus global de la société concerne d’abord le politique et sa vision. Ce délitement provient depuis
une vingtaine d’années de l’érosion stratégique de l’État et du politique, de la capacité à proposer un commun. La
vraie question de l’intégration est donc : est-ce que l’État impose ou pas, qu’à un moment donné de sa vie, on
doive donner du temps à la communauté nationale ? »

Une histoire du service


– 1798 : la patrie révolutionnaire est en danger, le service militaire de 5 ans devient obligatoire.
– 1804 : introduction du tirage au sort (30 à 35 % de conscrits).
– 1905 : tous les hommes sont appelables 2 ans (3 ans en 1913).
– 1946 : une conscription d’un an est rétablie mais remonte à 18, puis 30 mois pendant la guerre d’Algérie.
– 1965 : le service militaire devient national. Création des centres de sélection et des « trois jours ».
– 1970 : le service national est ouvert aux femmes volontaires.
– 1997 : la loi 97-1019 suspend la conscription pour tous les jeunes nés après 1979. Lancement de la JAPD (journée d’appel
de préparation à la défense) remplacée en 2011 par la JDC (journée défense et citoyenneté).
– 2001 : un décret anticipe d’un an la transition et libère tous les conscrits au 30 novembre.

La Voix d’Olivier Berger: «Collectif»


Soyons honnêtes, on ne garde pas un souvenir forcément ému de notre année de service national. Entre ennui sidéral et perte
de temps intellectuelle, sans idée vraiment directrice au service de la nation. Il y a moyen de faire mieux aujourd’hui, susciter
et donner du sens à un engagement pour le pays.
Répéter sous la contrainte des défilés au pas sous la pluie battante empêcherait-il un jeune ébranlé de trouver une cause, si
folle soit-elle, dans le jihadisme et le suicide terroriste ? On caricature à dessein car l’heure est grave et on sent confusément
la nécessité de retrouver un socle commun. C’est à la France de redevenir une cause. Avant que ça ne dégénère pour de bon,
que des pyromanes emplis de « kéroz-haine » réussissent à nous monter les uns contre les autres.
pour
Adopté en Conseil de gouvernement ce lundi 20 août, avant de passer par le
Conseil des ministres le même jour, le projet de loi instaurant le service militaire
au Maroc dans une parfaite parité entre hommes et femmes fait d'ores et déjà
débat. Voici pourquoi il faut le défendre.

Il est officiel et il vient d’être adopté ce lundi 20 août par le Conseil de gouvernement en attendant le
Conseil des ministres qui se tient aujourd'hui même sous la présidence du roi Mohammed VI. Ce sera
le début de son introduction pour adoption dans les deux chambres du Parlement. Et ce sera une
révolution qui, le hasard n'existant pas, tombe le jour de la célébration par le Maroc de la Révolution
du roi du peuple, marquant la réaction unanime des Marocains contre la décision de l'occupant
français d'exiler feu Mohammed V et la famille royale.

Au delà de la symbolique, le service militaire, autrefois optionnel mais désormais obligatoire,


participe de plusieurs valeurs, principes et règles qui dépassent le simple cadre de l'exercice militaire
pour s'étendre à la construction du citoyen et de la société de demain. Ce dispositif concerne aussi
bien les Marocains que les Marocaines, âgés de 19 à 25 ans, établissant ainsi une parité totale autant
dans son esprit que dans le cadre de son application. Voici, point par point, les arguments plaidant
pour l'instauration de ce régime.

- Un principe constitutionnel
De par le timing, et ne figurant ni dans le programme gouvernemental voté au moment de la montée
au pouvoir de l'équipe El Othmani, ni dans le plan 2018-2019 de l'Exécutif, et encore moins dans la
lettre de cadrage de la loi des Finances 2018, la mesure a de quoi surprendre. D'autant plus que le
précédant régime de service militaire, instauré en 1966, a été aboli sine die. "N'empêche qu'une telle
option figure noir sur blanc dans la Constitution de 2011, tout comme elle a toujours été précisée
dans toutes les constitution du Maroc depuis 1962", nous précise le politologue Mustapha Sehimi.
Dans son article 38, la loi suprême indique en effet que "Tous les citoyens et les citoyennes
contribuent à la défense de la patrie et de son intégrité territoriale contre toute agression ou
menace". Les préparer à cette fin n'est donc que pure logique.

- Une question de cohésion nationale


La question du Sahara, les menaces étrangères, émanant notamment de pays voisins lourdement
armés, le spectre du terrorisme islamiste… les risques en tous genres auxquels le Maroc fait face sont
aussi nombreux que réels. Un dispositif tel que le service militaire n'est donc pas un luxe si l'on veut
fédérer les jeunes énergies, au-delà de leurs origines, appartenances géographiques ou sociales et
niveaux d'instruction pour faire corps avec la Nation et défendre les idéaux de sécurité, de paix et de
tolérance que prône le Maroc. Ailleurs, cette formule a de tout temps fait ses preuves. Dans un pays
comme la France, le sociologue des organisations, Sébastien Jakubowski, explique dans un article
publié dans Cnews que «la conscription était historiquement un moyen pour l’Etat de transmettre les
valeurs de la Nation, et pour le citoyen d’être versé dans un pot commun, et donc de s’incorporer à
ses semblables». La même théorie est parfaitement applicable au contexte marocain.

- Eduquer-former...
D'après les premiers éléments, le nouveau service militaire au Maroc ne devrait aucunement se
limiter aux seules techniques de l'armée, mais s'élargir à bien d'autres domaines… civils. Nous
sommes ainsi dans une logique d'éducation aux valeurs citoyennes, mais aussi de formation
professionnelle et technique, doublées de ces soft skills ô combien nécessaires à une insertion réussie
dans la vie active. "Il me semble que nous nous acheminons ainsi vers un mix entre le service
militaire et le service civil, l'objectif n'étant autre que social. Ceci, dans la mesure où la finalité est
d'offrir aux jeunes des formations supplémentaires dans un cadre où la rigueur est loi. Il s'agit ainsi
d'un creuset visant également à inculquer les sens de la discipline, de l'abnégation et de
l'organisation. Pour cela, l'armée est un cadre structurant, voire institutionnel", souligne Sehimi.

- Rattraper le temps perdu


Dans sa formule mixte, le dispositif figurait également dans un autre texte de référence: le rapport
sur le cinquantenaire demandé par le roi et qui a fait le bilan des cinquante premières années du
Maroc indépendant. Un de ses auteurs et grand défenseur d'un tel dispositif, Hassan Benaddi, dit se
"réjouir" de cette nouvelle. "Je n'ai pas encore les détails du rétablissement du service militaire et, sur
le principe, il fait partie des principales recommandations du rapport (du cinquantenaire) et n'ai
cessé de le défendre. A situation exceptionnelle, il faut des solutions exceptionnelles. Les Etats-Unis
ont réussi leur sortie de la crise de 1929 avec le New Deal, l'Europe avec le Plan Marshal au
lendemain de la Deuxième guerre", explique-t-il. Pour le Maroc, "et notamment après les événements
d'Al Hoceima, le mouvement d'une jeunesse majoritairement mal formée mais bien informée et,
surtout, la faille des partis et des syndicats dans son encadrement, ce service peut être le début d'une
solution. Ceci, dans la mesure où il permettra de rattraper une jeunesse dont on ne s'est pas occupée.
Avec toute la bonne volonté du monde, le système actuel de formation ne peut absorber aujourd’hui
que 100.000 jeunes. Or, il en sort 300.000 chaque année. Nous nous retrouvons ainsi, et tous les 5
ans, avec 1 million de Marocains totalement livrés à eux-mêmes. Or, en les canalisant, on peut en faire
une véritable force à même de réussir le tournant politique, économique et social que nous
négocions", poursuit le syndicaliste et ancien responsable politique.

- Du civisme et des valeurs citoyennes


Autres valeurs, et non des moindres, à faire valoir: le sens du civisme, du respect de l'autre et de la
citoyenneté. Un service militaire ne peut en cela que servir d'exemple. Sociologue, Mohcine
Benzakour abonde dans ce sens. Lui qui ne cesse de tirer la sonnette d'alarme quant à la perte en
grande vitesse des valeurs citoyennes et d'appartenance et la tendance grandissante à la délinquance
et à la violence chez les jeunes. Le phénomène tcharmil n'est qu'un exemple parmi d'autres. Il pointe
en cela le rôle de la famille qui va en s'amenuisant. "La famille est aujourd'hui réduite à assurer le
confort plus au moins nécessaire à l'enfant et au jeune. Elle est là pour donner et non plus pour fixer
un cadre et instaurer les bases d'une éducation saine et constructive. Or, on sait qu'un jeune habitué
à seulement recevoir ne peut donner. On sait également que la citoyenneté suppose des droits, mais
aussi des devoirs. La situation est pour le moins paradoxale", constate-il. Pour lui, un service militaire
ou hybride (avec une composante civile) peut pallier ce dysfonctionnement, en recardant les jeunes
qui en ont besoin. "Des valeurs telles que la rigueur, le sérieux, le travail en équipe sont et plus que
jamais nécessaires dans une société où la facilité et la triche sont aujourd'hui la grande mode",
affirme-il. Mais est-ce assez? "Il est clair que cela ne peut être que le début. Un nouveau citoyen
suppose tout un nouveau système, avec de bons exemples à suivre", conclut-il. Une chose est sûre
selon lui: un service militaire à l'ancienne, la violence et les tramatismes qui vont avec, sera
totalement inutile, voire contre-productif.

Si le rétablissement du service militaire obligatoire pour les hommes et les femmes, âgés de 19 à 25
ans, est une mesure qui est largement saluée, il n’en demeure pas moins qu’elle fera face aux défis
mêmes inhérents à son ambition. Le coût d’un tel dispositif sera très probablement assumé par les
FAR et nécessitera des ponctions dans le budget de l’Etat. Sans parler des défis logistiques et le
nombre d’instructeurs censés encadrer les jeunes. Notre vaillante armée a été confrontée à d’autres
défis et elle a toujours réussi à les relever.
Certains y voient une mesure pour « dompter » les jeunes et contrecarrer les
mouvements de protestation, d’autres une façon d’encadrer une jeunesse
oubliée du développement: au Maroc, le rétablissement du service militaire
obligatoire divise.

A 19 ans, Hassan trouve « normal de défendre son pays ». Employé dans un


restaurant populaire du centre de Rabat, la capitale du Royaume, il se dit « prêt
à rejoindre l’armée en cas de besoin ».

Kenza, une étudiante de 19 ans, se dit « très surprise » par le retour de la


conscription, annoncée mi-août par un communiqué du Palais Royal. Pour elle,
« c’est une bonne chose par rapport à la jeunesse délinquante » mais qui
« n’apporterait pas beaucoup aux étudiants ».

Comme Hassan et Kenza, des millions de jeunes Marocains et Marocaines,


entre 19 et 25 ans, sont susceptibles d’être appelés sous les Drapeaux pendant
un an, d’après le Projet de Loi pour le rétablissement du service militaire
obligatoire.

Présenté 12 ans après la suppression de la conscription, le texte a été adopté


par le gouvernement et doit être débattu au Parlement la semaine prochaine.

Des peines allant d’un mois à un an de prison sanctionneront ceux refusant de


répondre à l’appel. Des exemptions sont prévues en cas d’inaptitude physique,
d’études ou pour celles qui élèvent des enfants.

L’annonce a suscité un flot de commentaires, au Maroc comme à l’étranger,


avec des interrogations sur le sort des nombreux binationaux, les motivations
du projet ou son adéquation avec les besoins des jeunes.
Certains ont créé une page Facebook regroupant près de 4.000 membres. Le
but est de dire leur « refus » d’un Projet de Loi « annoncé sans qu’il n’y ait eu
le moindre débat », explique Abdellah, 24 ans, un des modérateurs.

D’autres mettent en corrélation le rétablissement du service militaire


obligatoire et la prolifération de mouvements de protestation.

Le service militaire obligatoire avait été instauré en 1966 –il était alors facultatif
pour les filles ;

Le retour sous les Drapeaux fait suite à la publication de plusieurs rapports


alarmants sur la jeunesse. Le dernier, publié par le Conseil Economique, Social
et Environnemental du Maroc, un Organisme consultatif officiel, s’inquiète du
fossé « vertigineux » séparant les 11 millions de jeunes Marocains (de 15 à 34
ans) du reste de la population.
Nous avons interrogé dix jeunes de différents milieux, dont nous avons gardé sept
avis. Sur les dix, un seul s’est dit prêt à répondre présent. Certains témoignages,
très poignants, révèlent l’ampleur de la souffrance que vit une large partie de la
jeunesse marocaine issue de milieux défavorisés. Une jeunesse marginalisée et qui
en veut à la terre entière.

■ «Investir dans les besoins élémentaires d’abord»


Malgré son jeune âge, Rania, 17 ans, élève en terminale dans un lycée français, a la
tête bien sur les épaules. La question du service militaire obligatoire, qu’elle a
d’abord prise pour une blague sur les réseaux sociaux, elle l’a retournée dans tous
les sens. Elle ne nie pas le côté positif du projet. Les jeunes pourraient s’imprégner
de valeurs, comme la citoyenneté, le patriotisme, le respect… apprendre la
discipline, la rigueur… Mais pour elle, la théorie c’est une chose, et le terrain, c’en
est une autre. «L’Etat pourra-t-il assurer de bonnes conditions d’accueil à tout le
monde?» s’interroge-t-elle. «Le Maroc est un pays jeune, et l’opération coûtera trop
cher. Il faudra augmenter les capacités d’accueil, fournir un encadrement adéquat…
cet argent, nous pourrions l’investir ailleurs. Nous devons d’abord répondre aux
besoins élémentaires de la population», estime-t-elle. La jeune élève pense
notamment à la santé et à l’éducation. «Il existe des agglomérations sans hôpitaux,
des femmes qui accouchent dans les rues, des écoles reculées sans rien, des classes
à 60 élèves, un déficit de profs… beaucoup de jeunes ne seraient pas aujourd’hui à
la rue s’ils avaient été bien formés et bien orientés», fustige-t-elle. A ses yeux, le
service militaire reste secondaire pour un pays comme le Maroc qui, en plus, n’est
pas en guerre. Il serait «injuste» de le rendre obligatoire et de punir de prison ceux
qui ne l’accepteraient pas. Si l’on devait l’introduire, il devrait être optionnel.
■ «Qu’est-ce que mon pays a fait pour moi?»
«Aujourd’hui, je vois tout en noir. J’ai l’impression d’être emprisonné dans un
cercle vicieux sans aucune chance de m’en sortir… Je n’ai aucun espoir en l’avenir,
et je pense sérieusement à quitter ce pays. C’est la seule option qui me reste», confie
Abdelmajid, stagiaire dans une formation professionnelle de l’association Al Ikram.
A 27 ans, il n’est pas concerné par le service militaire. Mais il tient quand même à
donner son avis. Le projet, il ne l’a pas pris comme une solution pour les jeunes. Il
l’a ressenti comme une «tentative de répression», une manière de «dompter une
génération rebelle». «A quoi sert-il de nous envoyer un an en service militaire.
Nous avons d’abord besoin de travailler et de vivre dans des conditions dignes.
Personne ne s’intéresse aux jeunes au Maroc. Même si j’avais moins de 25 ans, je
n’aurais pas accepté ce service. Car qu’est-ce que mon pays a fait pour moi?» estime
le jeune homme. Le comble de l’ironie, c’est qu’il a déjà postulé une fois pour
l’armée, et deux fois pour les services auxiliaires, sans succès.
Depuis tout petit, Abdelmajid, élevé par sa grand-mère, n’a connu que la souffrance
et la hogra (injustice), selon ses propres mots. Sorti de l’école avant le bac, il a suivi
une formation de deux ans en tôlerie à l’OFPPT. Le diplôme en poche, il a envoyé
son CV partout, en vain. Pour survivre, il a fini porteur dans un marché. Parfois, il
gagnait 20 DH par jour. Il a ensuite travaillé dans la peinture, la maçonnerie, le
repassage de vêtements... Sa santé en a sérieusement pâti. Chassé par sa famille, il
loue actuellement une chambre dans un quartier populaire.
■ «Une perte de temps!»
Hala, 18 ans, étudiante en première année physique, a un avis bien tranché sur la
question. Pour elle, le service militaire ne serait pas plus qu’une «perte de temps».
«Après le bac, les jeunes pensent aux études supérieures. Et après le diplôme, leur
priorité est de chercher un emploi. Partir passer un an dans une caserne ne leur
serait d’aucune utilité. D’autant plus qu’à la fin du service, ils retourneront à la case
départ», estime-t-elle. Quant aux vertus que l’on attribue à ce service, comme
l’apprentissage de valeurs, la mixité sociale, le brassage culturel… pour Hala, ce
n’est pas l’apanage de l’armée. «Dans ma faculté des sciences, je peux côtoyer des
gens de différents horizons, de plusieurs régions et pays, du Sénégal, du Japon… En
m’inscrivant à la cité universitaire, j’apprendrai à vivre loin de ma famille, à
compter sur moi-même et à traiter avec des jeunes de différentes cultures», argue
la jeune étudiante.
■ «Ma vie ressemble déjà à une prison!»
«Pour faire la guerre, pas besoin de partir à l’armée. La guerre je la mène déjà chez
moi, au quotidien», ironise Abdelaziz, 24 ans. Le jeune homme dit se battre tous les
jours pour survivre et se faire une place dans la société. Lui imposer en plus un
service militaire serait une «injustice». Quant à la sanction prévue pour les
déserteurs, elle ne lui fait pas peur. «Ma vie ressemble déjà à une prison!» lance-t-
il. «Ce n’est pas ce qui va régler les problèmes des jeunes qui ont bien d’autres
attentes, et dont beaucoup ressentent de la haine contre la société et le monde
entier», pense-t-il. Abdelaziz a perçu la décision comme une «punition», voire une
vengeance, contre une génération qui a osé réclamer des droits, et mener une
campagne inédite de boycott. Il pense, en outre, que ce sont au final des jeunes
comme lui, issus de milieux difficiles, ne pouvant se permettre de poursuivre leurs
études, qui seront obligés de s’y plier. Tandis que d’autres pourront aisément y
échapper.
Très jeune, Abdelaziz a dû travailler pour s’acheter des livres et fournitures
scolaires. Par manque de moyens, il a fini par quitter l’école et opter pour un
diplôme de technicien de cuisine à l’OFPPT.
Au début, il travaille dans des hôtels et restaurants en centre-ville et sur la côte
casablancaise. Mais se déplacer chaque jour des environs de Douar Sekouila
(Anassi) à Aïn Diab ou au centre-ville, relevait du parcours du combattant. Cela lui
coûtait 50 à 70 DH par jour. Trop pour son maigre budget. Il a ensuite fait des
bricoles à gauche et à droite et travaillé dans des usines, toujours au noir. Mais il
ne se voit pas continuer ainsi. Surtout que sa famille a aussi besoin de lui. Son père,
ancien fonctionnaire retraité, touche une pension de 550 DH. Actuellement, il suit
une formation à l’Heure Joyeuse, qui l’accompagnera ensuite dans la recherche
d’un emploi. Il aspire à devenir, à terme, auto-entrepreneur.
■ «Et après le service, que va-t-on nous offrir?»
Comme beaucoup de jeunes, Nada, 23 ans, licenciée en géographie et aménagement
du territoire, se pose plein de questions. «Je ne suis pas prête à effectuer un service
militaire, ni physiquement, ni psychiquement. Et si je suis obligée de le faire, dans
quelles conditions serais-je accueillie? Accepterais-je d’être mal traitée ou de
recevoir des ordres de quelqu’un de moins diplômé que moi?» confie-t-elle.
Pour Nada, le service militaire ne serait pas utile, si ce n’est pour une catégorie
d’inactifs ou de chômeurs, qui n’ont aucune autre alternative dans la vie. «Les
diplômés qui aspirent à un master où il y a une limitation d’âge, ou qui cherchent
du travail, pourraient rater de précieuses opportunités. A leur retour, que va-t-on
leur offrir? Ils auront perdu leur temps», explique la jeune étudiante, qui estime
que l’investissement à consacrer à ce service devrait bénéficier en priorité à la
santé et à l’éducation.
■ «Un plus sur mon CV»
Parmi les jeunes questionnés par L’Economiste, il est le seul à se dire favorable au
service militaire. Achraf, 25 ans, licencié en littérature arabe, serait même heureux
de l’effectuer. Non pas par vocation. Il pense simplement que ce serait un plus sur
son CV. «Je bénéficierais d’une année d’entraînement, j’apprendrais des
compétences techniques et humaines et je serais, en plus, payé 2.000 DH par mois.
Que veut le peuple!» explique-t-il.
«Ce serait surtout une bonne chose pour ceux qui n’ont aucun diplôme ni aucune
occupation, et qui pensent à l’émigration clandestine», ajoute-t-il. Achraf
comprend que des jeunes aient des appréhensions par rapport à ce service
militaire, car ils «pensent, à tort, automatiquement à la guerre». Mais lui, il est prêt
à tenter l’aventure.
■ «Non au caractère obligatoire»
Les jeunes sont loin d’être une catégorie homogène. Si certains pourraient tirer
bénéfice du service militaire, d’autres non. C’est ce que pense Hamza, 23 ans,
stagiaire dans une formation professionnelle de l’association Al Ikram, en
recyclage papier. «La priorité des nouveaux diplômés, par exemple, est de
construire leur avenir, et non de partir faire un service d’un an et, au retour,
recommencer à zéro», pense-t-il. «En revanche, le dispositif pourrait convenir à
ceux qui n’ont ni diplôme, ni emploi. La mesure servirait à réduire les taux de
chômage et de criminalité», ajoute-t-il. Même à leur retour, «ces jeunes ne
trouveront toujours pas d’opportunités et seront encore plus revendicatifs
qu’avant». Hamza suggère un service militaire facultatif. Cependant, avant de
l’officialiser, il conviendrait de bien préparer le projet en amont, et surtout,
d’étudier la population cible.

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