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L’intelligibilité des choses ne pouvant être assurée qu’en surcroît de la stabilisation opérée du
langage. Il nous a semblé convenable, en guise de considération préliminaire de sacrifier au
bon vieux préceptes du durkheimien qui veut qu’au préalable l’on définissent les mots dont on
se servira. Dans le cas d’espèce, nous nous attacherons principalement à la
délimitation/définition du concept de «géopolitique» au travers duquel se bâtir ou construire
le contenu de notre exposé et autour duquel s’organiseront par conséquence nos analyses.
Chemin faisant, s’il advienne de concepts connexes nécessaires pour la compréhension
adéquate de notre exposé, nous sacrifierons pareillement au même rituel définitionnel.
Section 1 : La notion de géopolitique :
La notion de «géopolitique» recouvre principalement deux (2) choses : d’une part un
tempérament de recherche (une discipline académique) ; d’autre part un type de conduite
spécifique des acteurs de la scène internationale. L’on peut donc séparer analytiquement les
savoirs théoriques des savoirs pratiques. Reflet de l’évolution de la conception du rôle de la
science dans la société depuis le 19e siècle, la géopolitique se caractérise par la spécificité
mouvante de sa définition, de ses objectifs et de fondements épistémologiques qui sont
siennes. Elle (géopô) est tout d’abord conçue comme un outil autant que comme une science
en quête des «lois» de l’histoire. Outil au service d’un progrès dans la défense de ses intérêts,
elle incarne d’autant mieux ce rôle qu’elle en paraît d’une vertu, d’une analyse complète et
prédictive.
P1 : La géopolitique entre savoirs théoriques et savoirs pratiques :
Comme corpus (science) de savoirs théoriques, la géopolitique renvoie à une pratique
académique. Elle s’entend alors d’une méthode ‘‘d’analyse des politiques étrangères fondées
sur la valeur explicative et «prédictive» des variables géographiques’’. Perspective d’analyse
des conduites d’acteurs orientées vers la quête de la grandeur politique, elle (géopô) a pour
postulat matriciel l’idée selon laquelle dans les rapports de ‘‘concurrence’’ ou de
‘‘collaboration’’ qu’ils nouent, les protagonistes de la scène internationale développent de la
stratégie (fondée sur les variables géographiques) en vue de maximiser leurs chances des
puissances.
Comme ensemble des savoirs pratiques, la géopolitique est concernée par des aptitudes, des
habiletés et compétences déployés par des acteurs soucieux de maximiser leurs chances des
puissances face à leurs protagonistes. Elle se manifeste essentiellement sous la forme d’une
projection par l’Etat de ‘‘sa situation de puissance hors de ses frontières’’.
1- La notion de puissance :
Théoriquement et conceptuellement proche de la notion du pouvoir, la notion de la puissance
doit néanmoins en être distingué. Suivant l’enseignement de Max Weber, la puissance
s’apparente à la force qu’au pouvoir. En effet, le pouvoir suppose une prédisposition mentale
ou psychologique de ce sur lequel il (pouvoir) s’exerce à consentir à la domination. Max
Weber le définit comme la chance de trouver les agents sociaux prêts à obéir à un ordre de
contenu déterminé. Par conséquent, bien que dans son exercice le pouvoir recours
ordinairement à la force manifestant dans le même mouvement la puissance qui lui est propre.
Il ne peut demeurer constant dans sa nature qu’à condition que, ceux sur lesquels il se déploie
lui assure délibérément leur consentement ou lui résiste. L’efficacité de la domination n’a
donc rien de naturel. Au contraire, elle repose sur l’adhésion active des dominés et la
possibilité constamment assurée de ceux-ci de remettre en cause la relation établie. Chez Max
Weber c’est cette possibilité qui fournit un fondement à la légitimité de la domination.
Comme la force, la puissance consiste en une simple disposition instrumentale. Elle relève
seulement de ce que l’on est ou possède départ des dispositions naturelles (innés) ou
structurelles (acquises). Elle révèle également de ce que l’on est capable de faire où de faire
faire à autrui. Cette capacité est envisagée indépendamment de la question de savoir si l’usage
que l’on en fait est ou n’est pas licite, autorisé, acceptable etc.
La manifestation de la puissance est de l’ordre de ce que Céline Spector appelle ‘‘la
possibilité réelle’’ c’est-à-dire la possession ou détention «d’une disposition naturelle ou
d’une technique artificielle qui rend possible un certain nombre d’actions».
Il y a donc dans la quête de puissance un élément d’internationalité qui laisse transparaître la
manifestation d’une volonté de déterminer les règles du jeu où à tout le moins de ne pas se
faire imposer les règles du jeu. L’on comprend alors que bien souvent prévale une approche
substantialiste de la puissance.
Cette approche substantialiste met l’accent sur les attributs tangibles de la puissance desquels
sont entre autres (la langue, l’étendu du territoire, la richesse, la démographie, la culture, la
position géographique, ressources naturelles, territoire, armée ou nucléaire, etc) toute chose
que Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Duroselle rangent sous l’enseigne des «des facteurs»
des relations internationales. Dans cette perspective des attributs tangible de la puissance,
l’approche réaliste de la géopolitique fait de la capacité militaire la variable essentielle de la
puissance.
2- La mesure de la puissance :
Guillaume Devin souligne le caractère essentiellement problématique de la mesure de la
puissance. Suggérant la distinction entre puissance potentielle et [..] il faut observer que l’une
et l’autre ne sont pas nécessairement superposables. Il en est ainsi pour deux (2) principales
raisons :
● La 1ère est que, les ressources des puissances n’ont de valeurs que lorsqu’elles sont
rapportées à un contexte et à des conditions historiques bien déterminées. Cela veut dire que
les ressorts de la puissance n’ont pas une valeur absolue, étant entendu que cette valeur est
susceptible de varier en fonction du temps, du lieu, de la conjoncture voire des circonstances.
Le poids décisif de la «configuration» internationale (pour emprunter le concept de Norbert
Elias) fait de la puissance un phénomène/élément essentiellement contingent.
● La 2ème raison avancée par G. Devin tient au caractère ambivalent des ressources. En
effet, tel attribut décisif à un certain égard peut s’avérer un handicap à un autre. L’importance
de la démographie par exemple dans le cas d’une guerre conventionnelle peut s’avérer être
comme un facteur de complexité où d’affaiblissement surtout dans un contexte de précarité
économique dans la mesure où il faut soutenir l’effort d’une guerre et continuer de nourrir
population, gage du maintien d’un minimum de cohésion sociale. Philippe Moreau Defarges
souligne à cet égard que «la puissance n’est jamais une affaire d’accumulation, mais le
produit d’une combinaison des facteurs qui, par eux-mêmes peuvent agir aussi bien comme
des atouts que comme des handicaps, mais qui, sous l’effet d’une configuration internationale
s’épanouissent en un atout cohérent, se cristallisant en une volonté collective».
Comme donc tout facteur est au moins potentiellement à la fois atout et handicap, la volonté
de la puissance peut tout aussi bien débouché sur la réussite que sur l’échec. Faute de reposer
sur quelque chose de parfaitement assignable ou stable, étant en revanche étroitement
tributaire des déterminations d’ordre et de nature variés, la puissance s’avère comme l’affirme
Moreau Defarges le produit précaire d’une sorte d’alchimie stable. Elle est beaucoup plus
rationnelle que substantielle, or une approche relationnelle de la puissance revient à la
manière de l’école dite réaliste de géopolitique, à envisager les conduites internationales dans
une perspective pragmatique, c’est-à-dire dans un sens tel que chaque protagoniste tient
compte de manière constante (au même moment) de son propre désir de puissance et du désir
de puissance des autres Etats ; de ses propres forces et faiblesses et de celles des autres. Le
territoire constitue à cet égard précisément l’une des variables structuratrices du calcul
géopolitique.