Vous êtes sur la page 1sur 16

ETIOLOGIE DU TERRORISME

Notre site a la chance d’être en contact direct avec un auteur prolifique et


reconnu, Emmanuel Leroy, qui nous propose de publier son article qu’il avait
déjà fait publier en début d’année.

C’est le texte d’une conférence, qu’il a prononcée à Moscou en février 2016,


dans le cadre d’un institut de géostratégie.

Merci à lui pour nous permettre de partager ses recherches.

Algarath

Pour aller directement au cœur du sujet, soyons clairs, la majorité des actes
terroristes commis dans le monde depuis la fin du siècle dernier ont une
référence principale, pour ne pas dire unique : l’Islam.

En effet, je n’ai jamais entendu parler d’actes de terrorisme orthodoxe ou


catholique, en tout cas revendiqués comme tels. Une fois que l’on a dit cela, on
a tapé les trois coups, on a levé les rideaux du théâtre, mais on n’a pas encore
vu les acteurs, on ne connait pas l’auteur de la pièce, ni le régisseur, ni le
metteur en scène, ni les producteurs, ni tous ceux qui dans les coulisses jouent
un rôle important pour faire fonctionner le spectacle… Les techniciens du son,
de la lumière, des effets spéciaux, surtout les effets spéciaux…

Donc, admettons que l’Islam soit le principal vecteur du terrorisme dans le


monde. Mais de quel Islam parle-t-on et qui se cache véritablement derrière
les marionnettes que l’on agite devant nos yeux : Ben Laden, Al Qaïda, Al
Nosra, l’Etat islamique, Daesh, Boko Haram…

Pour que les choses soient claires sur les véritables commanditaires de ces
organisations terroristes, je voudrais juste vous lire cet extrait du New-York
Times du 23 janvier 2016 :

« Lorsque le Président Obama a secrètement autorisé la Central Intelligence


Agency à commencer à armer les combattants rebelles de Syrie en 2013,
l’agence d’espionnage savait qu’elle aurait un partenaire disposé à aider à
financer l’opération clandestine. C’était le même partenaire sur lequel la CIA
s’est appuyée pendant des décennies pour son argent et sa discrétion dans les
conflits lointains : le royaume d’Arabie saoudite.

Depuis lors, la CIA et son homologue saoudien maintiennent un accord


inhabituel pour la mission d’entraînement des rebelles, à laquelle les
Américains ont donné le nom de code de Timber Sycamore. Avec cet accord,
selon d’actuels et anciens hauts fonctionnaires, les Saoudiens fournissent à la
fois des armes et de grosses sommes d’argent, et la CIA dirige l’entraînement
des rebelles au maniement des fusils d’assaut AK-47 et des missiles antichars.
Le soutien aux rebelles syriens n’est que le chapitre en cours d’une relation qui
dure depuis des dizaines d’années entre les services d’espionnage d’Arabie
saoudite et les États-Unis, une alliance qui a traversé le scandale Iran-Contra,
le soutien des moudjahidines contre les Soviétiques en Afghanistan et les
combats par procuration en Afrique…

… « Ils ont compris qu’ils ont besoin de nous, et nous comprenons que nous
avons besoin d’eux, » a déclaré Mike Rogers, originaire du Michigan, ancien
membre républicain du Congrès…

…Les hauts fonctionnaires n’ont pas révélé le montant de la contribution


saoudienne, bien plus importante que celle des autres nations, au programme
d’armement des rebelles contre l’armée du président Bachar el-Assad. Mais on
estime le coût total de l’armement et de l’entraînement à plusieurs milliards de
dollars… » Fin de citation.

Cela c’est de l’histoire récente alors remontons un peu plus loin dans l’histoire.

Les historiens savent quel est le rôle que les Britanniques ont joué dès le
XVIIIème siècle dans l’avènement de la dynastie des Séoud en favorisant son
alliance avec la famille Al Wahhab et cela dans le but de protéger la route des
Indes, et plus près de nous, mais c’est le même objectif géostratégique qui est
poursuivi, avec le pétrole en plus, des liens privilégiés que le Président
Roosevelt a tissés en 1945 entre les USA et le royaume wahhabite.

N’oublions pas non plus le rôle que les Anglais ont continué à jouer dans la
création des Frères musulmans en Egypte dans les années 20 du XXème siècle.
Et qu’est-ce que les Frères musulmans, si ce n’est une espèce de franc-
maçonnerie islamique destinée sinon à servir, du moins à appuyer les intérêts
anglo-saxons, partout où cette confrérie s’est installée. Dans les jeux subtils
d’équilibres et de retournements dans lesquels excellent les anglo-saxons, je
vous invite à observer ce qui s’est passé en Turquie ces dernières années, où
l’on a assisté au remplacement de l’état kémaliste maçonnique (pourtant pro-
occidental mais peut-être pas assez antirusse) par un état islamique dominé
par les Frères musulmans.

Les liens des Frères musulmans avec les puissances britannique et américaine
sont documentés, et il est évident que les réseaux de cette fraternité islamique
ont été utilisés de la Tunisie jusqu’en Syrie et en passant par la Lybie par les
services secrets américains et anglais durant les opérations du printemps
arabe.

Donc pour résumer tout ce qui précède, si l’Islam est bien au centre de ce qu’il
faut bien nommer un environnement terroriste, il est clair à mes yeux qu’il
n’en est nullement le vecteur, ni même la cause, mais qu’il en est l’instrument
docile et largement manipulé par ses parrains anglo-saxons et qu’il intègre des
visées géopolitiques, économiques, militaires, religieuses, culturelles et qui ont
pour finalité ultime la domination du monde par ceux qui s’estiment être les
seuls capables de le diriger.
Mais toutes ces actions terroristes, ces « révolutions de couleur», ces
renversements de régime, ce ne sont que les symptômes aigus d’une pathologie
bien plus grave et bien plus enkystée dans le monde et que j’ai baptisée
l’idéologie anglo-saxonne.

Si l’on ne comprend pas les racines des dérèglements profonds que propage la
conception du monde occidentale, on se met dans la même position que le
médecin qui traite les symptômes sans essayer de comprendre l’étiologie de la
maladie. Ce que fait le Docteur Poutine en ce moment en Syrie, et nous
sommes tous conscients qu’il est obligé de le faire, c’est d’administrer un
traitement chimiothérapique massif pour éviter la mort du patient.

Mais nous savons très bien, que les métastases de ce cancer peuvent se
retrouver demain n’importe où dans le monde, par exemple en Macédoine ou
au Monténégro, dans le Caucase du Nord ou en Moldavie, en Transnistrie ou
en Ossétie.

Essayons de comprendre maintenant comment est née cette idéologie anglo-


saxonne.

Il est un fait admis que de tout temps, les hommes ont fait la guerre et que les
conquêtes, les invasions, les massacres sont inhérents à la nature humaine et
aucun peuple sur la terre ne peut se vanter d’être exempt de toute reproche
dans ce domaine. Que ce soit pour conquérir des territoires ou pour défendre
le sien, les hommes font la guerre depuis que le monde est monde et tant qu’on
n’aura pas changé la nature des hommes, on ne changera pas cet état de fait.

Ce préalable étant posé, cela ne doit pas nous empêcher d’avoir un regard
aiguisé sur les réalités historiques et géopolitiques de ces dernières décennies et
d’y observer que la plupart des guerres, des coups d’état, des crises ou des
révolutions qui se sont déroulés sur la terre entière avaient une origine
clairement anglo-saxonne. De la guerre de Corée à celle de Syrie en passant
par le Vietnam, l’Iran, l’Angola, le Panama, l’Afghanistan, l’Irak, la Géorgie,
l’Ukraine et bien d’autres, l’idéologie anglo-saxonne est là et bien là et les
questions cruciales qu’il faut alors se poser sont : qu’est-ce que l’idéologie
anglo-saxonne ? D’où vient-elle ?

Qu’est-ce que l’idéologie anglo-saxonne et comment est-elle née ?


Il faut pour cela à mon avis remonter à la période élisabéthaine de la
monarchie anglaise, à la fin du XVIème siècle et au début du XVIIème. Cette
époque est marquée par les guerres de religion, initiées par l’irruption du
protestantisme et par l’affrontement de la monarchie française avec la dynastie
des Habsbourg sur la scène européenne.

En 1600, l’Angleterre ne compte que 4 millions d’habitants quand la France en


compte près de 20 millions. Cette faiblesse démographique comparée aux
puissances continentales de l’époque, France et empire des Habsbourg et la
menace extrême qu’a représentée la tentative d’invasion de l’Angleterre par
l’Invincible Armada du roi d’Espagne Philippe II est probablement à l’origine
de la politique suivie depuis lors par les élites britanniques (politique du faible
au fort), à savoir provoquer la division et l’affrontement chez tous leurs
ennemis potentiels. Leur seul atout est la puissance maritime et il leur faudra
l’exploiter à fond, par tous les moyens, notamment la piraterie et le commerce
(nous savons avec l’expérience des Varègues que les deux sont souvent liés).
Le grand rêve de puissance et d’hégémonie mondiale des Anglais est né, selon
moi, au retour de l’expédition autour du monde du pirate Francis Drake, le 26
septembre 1580 où la part du butin volé aux Espagnols est réservée à la reine
Elisabeth, qui représentait selon certaines sources une fois et demie le budget
annuel du royaume. Pour que vous compreniez bien l’énormité de ce que cela
représentait à l’époque, imaginez aujourd’hui, un oligarque russe allant faire
des razzias financières sur toutes les places boursières du monde, revenant
avec un trésor de 3000 milliards de dollars et l’offrant au Président Poutine en
lui disant : « Tenez Vladimir Vladimirovitch ! C’est pour la Sainte Russie !
Faites-en bon usage ! ».

C’est un peu, toutes choses égales par ailleurs, ce qui s’est passé en cette fin du
XVIème siècle avec la dernière représentante de la dynastie des Tudor.
Imaginez l’exemple auprès des « gentlemen » anglais de voir ce Francis Drake,
ce roturier, cette espèce de moujik de la mer, devenir l’un des hommes les plus
riches d’Angleterre et qui fut anobli par la reine, après avoir pillé les trésors du
royaume d’Espagne. Francis Drake est probablement devenu après ses exploits
le modèle à suivre et parmi ses nombreux admirateurs, un en particulier
mérite d’être retenu, William Raleigh (cf. controverse Ecole de la nuit), car il
est le premier, selon les sources dont je dispose, à avoir conceptualisé
l’hégémonie anglo-saxonne sur le monde. En effet, ce gentilhomme, un peu
pirate lui aussi, un peu aventurier et qui finit décapité à la tour de Londres, eut
le temps d’écrire avant sa mort un ouvrage intitulé en toute simplicité
l’Histoire du monde et dans lequel il affirme : « Qui tient la mer tient le
commerce du monde, qui tient le commerce tient la richesse, qui tient la
richesse du monde tient le monde lui-même ».

Donc c’est là, à mon avis, à partir de cet exploit de piraterie exceptionnel,
qu’est née cette idée de parvenir à la suprématie mondiale par la puissance
maritime et l’accaparement des richesses d’autrui.

Mais cette idée s’est transmise de génération en génération à travers les siècles
dans le monde anglo-saxon (par deux sources, souvent liées : source
exotérique universitaire et source ésotérique franc-maçonnerie), notamment
chez le Britannique Mackinder dont la formule maîtresse est « qui tient
l’Europe orientale tient le heartland, qui tient le heartland domine l’île
mondiale, qui domine l’île mondiale domine le monde » et qui s’est
transformée chez l’Américain Spykman dans la formule plus ramassée « Qui
contrôle le rimland gouverne l’Eurasie ; qui gouverne l’Eurasie contrôle les
destinées du monde ».

Ce qui est extraordinaire c’est qu’à trois siècles de distance, ces trois
personnages partagent tous l’idée de domination du monde et c’est là
véritablement qu’il faut comprendre la nature profonde de cette idéologie
anglo-saxonne :
C’est en toute simplicité l’hégémonie totale sur les affaires du monde, ce qu’ils
appellent aujourd’hui avec la morgue qui les caractérise la gouvernance
mondiale qui n’est que la continuation du Grand jeu dont parlait Kipling,
grand franc-maçon devant l’Eternel, au XIXème siècle.

Et dans ce Grand jeu, la plupart des grands acteurs de la scène mondiale ont
été vaincus, les uns après les autres, par le petit peuple britannique qui ne
comptait que 4 millions d’individus, il y à peine 4 siècles et qui a essaimé à
travers le monde avec les pseudopodes du Commonwealth et de la grande
Amérique : ce qu’ils appellent eux-mêmes les Fives eyes (Royaume-Uni, USA,
Australie, Canada et Nouvelle Zélande).

Donc, pour résumer mon propos, le terrorisme instrumenté par les anglo-
saxons (grande finance, mafias, services secrets et cercles de réflexion) auquel
le monde est aujourd’hui confronté, est soit un instrument de déstabilisation
partiel (World Trade Center, Charlie Hebdo, attentats de Paris du 13
novembre…) créé pour choquer les populations et leur faire accepter des
transformations ou des mutations de société qu’elles n’accepteraient pas dans
un contexte normal, soit un instrument de déstabilisation total (Libye, Syrie…)
destiné à provoquer un changement de régime ou un éclatement d’un pays en
plusieurs structures. Les mêmes méthodes de terrorisme « modéré » peuvent
être utilisées aussi en manipulant des esprits faibles (Anders Breiviks), pour
punir un Etat dont les orientations de politique internationale sont estimées
contraires à ce qui devrait être suivi. Il est clair que les attentats que la Russie a
connus ces dernières années appartiennent aussi à cette catégorie.

Tant que la matrice de l’idéologie anglo-saxonne existera, ne nous leurrons


pas, le monde continuera d’être agité par ces turbulences incessantes.

Face à l’idéologie anglo-saxonne et à son fantasme de domination totale, les


peuples libres ne peuvent opposer qu’une altérité totale. Mais il n’y a plus
beaucoup de peuples libres sur la terre, car le cancer occidental a touché déjà
de nombreuses régions du monde.

La Russie fait partie de ces peuples encore libres qui peuvent faire basculer le
monde en dehors de l’hégémonie anglo-saxonne.

A condition qu’elle le veuille !

Et pour le vouloir, encore faudrait-il qu’elle développe une vision du monde,


puisqu’elle n’aime pas le mot idéologie, une conception du monde qui soit une
véritable alternative au système à tuer les peuples. Cette alternative,
conservatrice évidemment, doit être énoncée, formulée, développée et proposée
au monde dans une perspective séparée et antagoniste du mode de vie
occidental, enfermé dans ses contradictions et son idéologie délétère.

La Russie doit trouver en elle-même ses propres ressources, et elle les a, pour se
reconstruire selon ses propres valeurs, tourner le dos à tous les matérialismes,
qu’ils soient marxiste ou libéral et remettre les puissances de l’argent à leur
place. Peut-être est-il temps de fermer la fenêtre ouverte par Pierre le Grand ?
La Russie n’est pas en retard par rapport à l’occident.
Elle est, tout simplement, parce qu’elle est la Terre-mère, la matrice, la terre
des origines.

Mais pour accomplir cette révolution, bénéfique celle-là, il faudra d’abord que
la Russie se débarrasse des scories du système occidental et des nombreux virus
que ce dernier a semé ici et que certains appellent la 5èmecolonne.

J’ai été très surpris l’année dernière de découvrir à Moscou, sur les bords de la
Moskva, dans l’hôtel où nous étions invités avant de partir avec quelques amis
dans le Donbass, l’existence d’un World Trade Center ! Un centre mondial du
commerce ? Ça intéresse qui ? Les Russes ou les escrocs de la City ou de Wall
Street ?

Et les diableries du Système occidental se nichent parfois dans les détails,


notamment juridiques d’une Constitution.

Prenons l’exemple de l’art. 13 de la Constitution russe de 1993 dont le


paragraphe 1 dit que « Le pluralisme idéologique est reconnu dans la
Fédération de Russie » (je ne suis pas certain que l’idéologie de Navalny ou
celle des Femen apportent des choses positives à la Russie) mais dont le
paragraphe 2 affirme que, je cite « Aucune idéologie ne peut s’instaurer en
qualité d’idéologie d’Etat ».

Autrement dit que la Russie s’interdit d’avoir une vue du monde. Et quand un
pays s’interdit d’avoir une vue du monde, c’est-à-dire en clair, d’avoir sa
propre vision du monde, cela signifie qu’il suivra, bon gré, mal gré, l’idéologie
dominante, c’est-à-dire celle qui prévaut aujourd’hui, celle de la toute-
puissance de l’argent.

Je crois intimement, au plus profond de moi-même, que la Russie a un rôle


essentiel à jouer dans les années qui viennent pour restaurer un équilibre dans
le monde. C’est un message qui est difficile à faire passer car l’âme russe, d’un
naturel à la fois introverti et modeste, est assurément peu portée à l’universel,
du moins tel que le conçoivent les Français ou les anglo-saxons.

Pourtant la Russie a déjà par deux fois dans son existence, proclamé sa vérité
dans le monde. La première fois, c’était au nom de la Sainte Alliance quand le
Tsar Alexandre 1er tentait d’élever une digue contre les idées destructrices de la
Révolution française. La deuxième fois, et c’est un paradoxe, c’est au nom des
idéaux de cette même Révolution française que les bolcheviques répandront
sur la terre l’idéal prolétarien, qui pourrait se concevoir en dernière analyse,
comme une résistance à l’idéologie bourgeoise et à la puissance de l’argent-roi.
Tout n’est pas à rejeter chez Marx. En dehors de ces courtes périodes dans
l’histoire, l’ours russe préfère rester dans sa tanière, veillant à ce qu’on ne lui
vole pas son miel et décochant des coups de griffes de temps à autre quand on
le serre de trop près.
Toutefois, si l’on accepte l’idée du moine Philothée selon laquelle Moscou,
depuis la chute de Tsargrad, serait la 3ème Rome et qu’elle aurait pour mission
de protéger la foi orthodoxe – c’est-à-dire la doctrine droite -, Moscou ne peut
dès lors se contenter de protéger sa foi sur son sol.

En épousant Zoé Paléologue, nièce du dernier empereur romain d’Orient, Ivan


III a rendu la Russie héritière de l’aigle bicéphale, symbole de l’Harmonie,
unissant le spirituel et le temporel. Ce symbole puissant, regardant aussi bien à
l’orient qu’à l’occident, que la Russie porte à nouveau fièrement dans ses
armoiries, oblige les héritiers de Vladimir Monomaque à porter un regard sur
le monde au-delà de vos frontières.

La Russie du XXIème siècle, confrontée à cette idéologie occidentale d’essence


anglo-saxonne, qui peut se définir aujourd’hui par la laideur, le nihilisme et
par l’absence de tout repère moral, doit proposer aujourd’hui devant la tribune
des Nations unies, une nouvelle Sainte Alliance, afin de faire renaître l’espoir
d’un monde meilleur.

L’idéologie du Système visant à faire disparaître les nations et les peuples pour
fondre l’humanité entière dans un magma informe d’individus déracinés et
décérébrés, c’est au nom de la défense de toutes les patries, et donc bien au-
delà des BRICS ou de l’Organisation de Coopération de Shanghai, que la Russie
nouvelle doit faire entendre son message.

Vous connaissez tous par cœur la dernière phrase du Manifeste du Parti


communiste : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » eh bien, le
nouveau slogan d’une Russie libérant le monde de ses oppresseurs pourrait
être : « Patriotes de tous les pays, unissez-vous ! ». Voilà ce que devrait-être le
message d’une Russie fière d’elle-même, débarrassée de tous ses complexes à
l’égard de l’occident. Oui la Russie a autre chose à apporter au monde que son
gaz ou son pétrole. Ses vertus intrinsèques, son amour de la liberté, ses
innombrables martyrs qui sont tombés contre le fascisme ou le bolchevisme lui
donnent le droit, et même le devoir de se lever aujourd’hui pour débarrasser le
monde du libéralisme anglo-saxon, dernier avatar des idéologies des siècles
passés.

C’est dans « L’idiot » de Dostoïevski que l’on retrouve cette phrase


extraordinaire : « C’est la beauté qui sauvera le monde ».

Dostoïevski avait raison : la beauté est la vertu qui sauvera le monde en


s’opposant à la laideur d’une société dominée par l’argent. La Russie est-elle
prête aujourd’hui à accomplir le rêve du Prince Mychkine et à forger son
destin de grande puissance, en s’opposant au règne de Mammon ?

L’avenir nous le dira.

Emmanuel Leroy

Moscou, le 12 février 2016


POURQUOI LES ANGLO-SAXONS HAÏSSENT-ILS LA RUSSIE ?

Par Emmanuel Leroy − le 7 Juillet 2018

Pour entrer directement dans le cœur du sujet, j’irai au fait et je dirai que si
l’on ne prend pas conscience que la guerre en cours contre la Russie
aujourd’hui, est la même guerre que l’oligarchie anglo-saxonne a mené depuis
l’époque élisabéthaine contre l’Espagne et le Portugal, puis contre la Hollande,
puis contre la France, définitivement vaincue à Waterloo, puis contre
l’Autriche-Hongrie vaincue en 1918 et enfin contre l’Allemagne vaincue en
1945, on ne peut comprendre intimement aucun des grands événements qui
se sont déroulés sur le continent européen, depuis la fin de la seconde guerre
mondiale. Tous ces peuples européens ont courbé la tête et leurs élites sont
passées sous les fourches caudines de la City, aujourd’hui renforcée par Wall
Street.

Dans cette lecture rapide de l’histoire de l’Europe des 5 derniers siècles, force
est de constater qu’il ne reste qu’un peuple sur le continent eurasiatique qui
n’a jamais été vaincu définitivement par les puissances anglo-saxonnes et c’est
le peuple russe. Voilà pourquoi ce que les Anglais ont appelé « Le Grand jeu »
continue et il continuera jusqu’à ce que la Russie s’incline à son tour ou
jusqu’à ce que Mammon tombe de son piédestal.

Si l’on ne rentre pas dans cette logique, on ne peut rien comprendre à la chute
du mur de Berlin en 1989, ni aux sécessions programmées des pays baltes, de
la Biélorussie, de l’Ukraine et des régions d’Asie centrale, ni aux révolutions de
couleur en Yougoslavie, ni à celle de la Géorgie en 2008, ni bien sûr à la crise
ukrainienne que nous connaissons aujourd’hui.

La crise ukrainienne

Dans une première analyse, on pourrait dire que la cause première de la


guerre résulte de la chute du Président Viktor Yanoukovitch, à la suite des
manifestations de Maïdan, qui a conduit à la mise en place d’un régime néo-
bandériste à la solde de l’occident. Puis de manière concertée et volontariste, ce
régime manipulé et tenu à bout de bras par le FMI, les USA et la Commission
européenne, a créé délibérément les conditions d’une sécession dans l’est de
l’Ukraine, comme si on avait voulu créer un abcès purulent aux frontières de
la Russie.

Première question : l’agression contre la Russie en Ukraine, est-elle une mesure


de rétorsion consécutive aux défaites successives, subies par les terroristes
islamistes manipulés par l’occident sur le front syrien, depuis l’intervention
russe à l’automne 2015 ? Peut-être, sans doute même, mais cela n’a pas une
grande importance dans l’analyse des causes profondes de cette guerre, car
ceux qui font la guerre à la Russie aujourd’hui, je ne parle pas des
marionnettes de Kiev bien entendu, la font depuis très longtemps et ils n’ont
pas besoin d’un prétexte aussi futile qu’une défaite marginale au Moyen-
Orient, pour poursuivre inexorablement le but qu’ils poursuivent depuis des
siècles. Nous reviendrons sur cet aspect en détail un peu plus loin.

Alors remontons plus avant dans l’analyse des causes de cette guerre. Le
magazine russe, Zavtra, a publié le 15 mars 2015, le compte rendu d’une table
ronde organisée autour de la situation actuelle en Russie et en Ukraine, de ses
causes et de son impact pour l’avenir. Alexander Nagorny, Secrétaire exécutif
du club d’Izborsk implique la perestroïka de Gobatchev dans la genèse de la
guerre civile en Ukraine. Il a parfaitement raison d’intégrer cette période de
l’histoire russe comme une des causes de la situation de crise qui existe
aujourd’hui dans le Donbass, mais à la condition de ne pas oublier d’analyser
la pérestroïka et la glasnost gorbatchévienne pour ce qu’elles étaient, à savoir
des mesures de déstabilisation et de réorientation politique suscitées par
l’occident.
Si l’on se refuse à admettre cette hypothèse, on ne peut rien comprendre aux
conditions de la dislocation du régime soviétique et au pillage généralisé qui a
suivi durant l’ère Eltsine.

Si l’on remonte encore plus loin dans le temps, on peut considérer que le
financement pendant la première guerre mondiale de Trotsky par la City et
certaines banques new-yorkaises d’une part et de Lénine par l’Allemagne de
Guillaume II d’autre part, afin de renverser la dynastie des Romanov et
d’établir un régime totalitaire et spécifiquement antichrétien, constituent là
encore, une cause ancienne mais probable de la guerre en Ukraine.

Et enfin, si l’on remonte encore un peu le fleuve de l’histoire, on peut


considérer que la guerre de Crimée de 1853 s’inscrit aussi dans la même
logique, avec les mêmes motivations, que la guerre d’Ukraine qui se déroule
actuellement dans le bassin du Don. Que peut-on retenir de significatif dans
cette guerre de Crimée menée au XIXème siècle, au-delà du prétexte fallacieux
de la question des lieux saints de Jérusalem et du contrôle de la mer Noire,
pour lequel, la France n’avait aucun intérêt stratégique ni même commercial ?
Qu’il s’agit là de la première guerre que la France fit au service exclusif des
intérêts anglo-saxons, car depuis Waterloo, une grande partie des élites
françaises, aristocratie et bourgeoisie confondues, se sont progressivement
détournées de l’intérêt national, pour servir la cause du maître dominant de
l’époque, hier Londres et aujourd’hui Washington.

D’une manière différente, mais toujours en poursuivant le même but, la


finance anglo-saxonne, après avoir soutenu l’émergence du nazisme en
Allemagne, comme elle avait soutenu la révolution bolchevique en Russie, est
parvenue à l’un de ses buts, en brisant les reins de la puissance germanique, et
là encore en amenant les élites allemandes à Canossa, à réduire un autre grand
peuple européen au servage idéologique et à le priver de sa souveraineté.

Autrement dit, et pour résumer mon propos, depuis la fin du XVIème siècle au
moins, l’oligarchie anglaise, c’est-à-dire aristocratie et finance réunies, a
conçu le projet de dominer le monde par tous les moyens, y compris légaux : la
guerre, le vol, la corruption, la subversion, le boycott, le blocus, les sanctions
économiques, l’assassinat, le chantage, la désinformation… La liste n’est pas
exhaustive.
Lorsque certains historiens qualifient de volonté d’équilibre entre grandes
puissances, la politique de Londres depuis Henry VIII jusqu’à la première
guerre mondiale, ils n’ont que partiellement raison. Derrière le jeu des
alliances successives avec l’Autriche, la Prusse, la Russie, la France, la Suède ou
d’autres, se dessinait toujours la volonté de faire tomber, l’une après l’autre
toutes les puissances qui dominaient le continent européen et qui pouvaient
compromettre le grand projet thalassocratique. D’abord, il fallut briser
l’empire de Charles Quint et sa suprématie maritime dans le commerce des
Amériques, puis briser la puissance française qui domina l’Europe de la fin du
XVIIème siècle jusqu’à Waterloo.

Puis, il fallut à l’oligarchie anglo-saxonne, deux guerres mondiales pour


réduire, à néant, la puissance germanique ; en mobilisant pour cela toutes les
énergies des nations qu’elle avait subjuguées. Pour abattre la puissance
allemande, il était vital dans le plan des anglo-saxons que l’URSS s’oppose à
l’Allemagne nazie et que ces deux géants de la scène européenne s’affrontent et
s’épuisent dans une lutte mortelle, ce qui advint. Cet éclairage permet avec le
recul, de mieux comprendre l’intelligence politique du pacte Molotov-
Ribbentrop, dont Hitler et les dirigeants nazis n’ont pas compris la réelle
portée, ainsi que l’a montré l’expédition à Londres que fit Rudolf Hess en 1941.

Alors aujourd’hui, où en est-on ?

L’oligarchie anglo-saxonne a gagné la guerre idéologique, puisque depuis la


fin de l’Union soviétique, aucune puissance dans le monde n’offre d’alternative
à son discours libéral et libertaire. Or, il s’agit d’une lutte à mort dont l’enjeu,
le Grand Enjeu, est la domination mondiale ; ce dont les néoconservateurs
américains ne se cachent même plus. Le monde unipolaire qu’ils souhaitent
instaurer est celui que George Orwell dénonçait dans son roman 1984. Ces
gens-là rêvent d’une humanité réduite en esclavage et dont ils seront les
maîtres tous puissants.

La dernière forteresse qu’il leur reste à conquérir se trouve sur les rives de la
Moskova. Et la guerre qu’ils feront, qu’ils font, pour conquérir le Kremlin est
une guerre totale: Idéologique, culturelle, religieuse, économique,
technologique et bien sûr militaire.

Ils se serviront des centaines d’organisations non-gouvernementales, comme


celles de Monsieur Soros et de ses amis, ils appliqueront la politique des
sanctions, ils achèteront les esprits et les âmes et ils donneront leurs directives
aux agents de la 5ème colonne, afin de saboter et d’affaiblir la puissance slave.
Ils paieront des Femen, des Pussy Riot ou des Navalny pour salir et faire tomber
la Sainte Russie.

Face à cette volonté de conquête de la part du monde anglo-saxon et de son


oligarchie financière, face à des êtres pour qui la Russie traditionnelle
représente tout ce qu’ils haïssent et qu’ils veulent voir disparaître, les Russes ne
peuvent se contenter de contester leurs mensonges à la tribune de l’ONU. La
responsabilité de la Russie aujourd’hui est historique et l’enjeu va bien au-delà
d’une Sainte Alliance telle que celle dont rêvait le Tsar Alexandre 1er, car si la
Russie tombe demain, c’est toute l’humanité qui tombera avec elle sous la
férule du monde abject de l’argent.

En conclusion, je dirais que le courage et la volonté ne suffiront pas pour


gagner cette guerre. Cette fois-ci, il ne faudra pas compter sur le général Hiver
pour l’emporter. Car l’arme principale utilisée par nos ennemis est l’arme
culturelle et les batailles qu’ils sont en train de livrer se déroulent déjà depuis
un quart de siècle de Pskov à Vladivostok. Le cinéma, la musique, les concerts
de rock, la peinture, le théâtre, la littérature, l’enseignement, les médias,
Internet, tous ces vecteurs sont utilisés pour transformer l’âme du peuple russe
et le subvertir, comme ils sont toujours utilisés en occident pour maintenir les
populations dans l’adoration de leurs maîtres et des régimes pseudo
démocratiques qu’ils nous ont imposés.

Il découle de cela que le pragmatisme et le bon sens utilisés comme moyens de


défense en réplique aux attaques que la Russie subit de manière croissante ne
sont pas des armes suffisantes face à l’hégémonie idéologique et culturelle de
notre adversaire commun. Contre l’idéologie des droits de l’homme et du libre
marché il faut opposer une vision du monde alternative qui démontre la
nocivité des buts poursuivis par l’oligarchie anglo-saxonne. Pour contrer cette
idéologie mortifère qui se sert de l’individualisme pour tuer les peuples et les
asservir, il faut promouvoir la liberté des peuples et la pluralité des cultures
contre le totalitarisme rampant de l’hégémon anglo-saxon. Le conservatisme et
le patriotisme sont sans doute des armes qu’il faudra utiliser, mais je ne suis
pas certain qu’elles seront suffisantes pour l’emporter. C’est une guerre de
religion que mène le Système et l’un de ses buts primordiaux est d’achever
l’éradication de la religion chrétienne sur le continent européen. Et la Russie
est l’un des lieux où renaît cette foi. Voilà un crime impardonnable.

Emmanuel Leroy

Président de l’Association Humanitaire


Urgence Enfants du Donbass
L’Iran n’est pas seul visé
Réseau International

11-14 minutes

Les Etats-Unis d’Amérique avaient déjà, en 2005 et 2006, proclamé avec


insistance leur intention d’attaquer l’Iran, et leur décision d’utiliser pour ce
faire des armes nucléaires.

La raison était bien sûr que ce pays envisageait (comme le Venezuela) de


coter et vendre son pétrole en euros et plus en dollars depuis que l’OPEP en
avait parlé début 2004, mais le prétexte était un prétendu programme
nucléaire militaire dont les Etats-Unis connaissaient pourtant l’état
embryonnaire et volontairement avorté, comme ils le reconnaîtront fin 2007.
Finalement la bourse iranienne du pétrole n’ouvrirait qu’en février 2008, et en
rials. Pour des raisons diverses les Etats-Unis ont différé l’attaque de l’Iran, tout
en cherchant à l’affaiblir préalablement. Ce faisant ils ont commis l’énorme
faute stratégique d’interdire à l’Iran de commercer dans la devise imposée
en 1944 comme monnaie des échanges internationaux, et ont menacé la
Belgique pour que son gouvernement oblige l’entreprise de communication
interbancaire mondiale Swift à refuser toute transaction avec l’Iran. Ce
dernier s’est alors tourné vers un pays prêt à payer le pétrole en euros, en or
et en yuans renminbi, la Chine, précédent dangereux qui a finalement
amené les Etats-Unis à supplier piteusement l’Iran, fin 2013, de revenir dans le
système dollar et d’accepter la levée des mesures de coercition (et une
dot de cent milliards de dollars), moyennant un simulacre de négociation,
sans concession attendue de la part de l’Iran.

accord signé à Vienne en 2015

Telle est l’origine de l’accord signé à Vienne en 2015, que les Etats-Unis ont
quitté sans justification crédible, pour reprendre un programme de mesures
de coercition, le 8 mai 2018. Il est vrai que l’Iran, qui avait déjà annoncé en
février 2016 vendre désormais son pétrole en euros, venait de déclarer le 18
avril 2018 que tout son commerce international serait prochainement
effectué en euros. A peine vingt jours plus tard, les Etats-Unis ont donc quitté
l’accord de Vienne et repris les hostilités envers l’Iran, mettant en difficulté les
autres pays signataires de ce traité.

Car les Etats-Unis, gouvernés par les représentants d’intérêts parfois


contradictoires oublieux de la nécessité vitale du maintien du rôle
international du dollar, utilisent de plus en plus souvent le prétexte que le
dollar est leur monnaie soumise dans le monde entier à leurs lois internes et
restrictions arbitraires d’utilisation, pour imposer leurs orientations politiques au
reste du monde. Celui-ci n’oubliera pas « l’amende » de neuf milliards
prononcée par la justice étatsunienne, hors de sa juridiction de compétence,
en juin 2014 envers la BNP qui n’avait enfreint aucune norme de droit
applicable. Cette pénalité arbitraire était alors de très loin un record
historique mondial, jusqu’à celle de quatorze milliards prononcée plus
récemment, toujours par la justice étatsunienne, envers la Deutsche Bank
pour avoir révélé les manipulations du cours de l’or par huit grandes banques
(les fameuses « golden five » plus depuis 2015 trois chinoises), une amende
équivalente à sa valeur comptable qui l’a menée à sa banqueroute en
cours.

Les grandes puissances européennes encaissent silencieusement ces


attaques, se refusent à contre-attaquer, et s’abstiennent même de riposter
sur le terrain juridique ou économique, quitte à devoir faire sauver
temporairement leurs banques par leurs contribuables. Mais elles sont
dépendantes, comme les puissances asiatiques, du pétrole du Golfe
Persique, et leurs gouvernements sont dépendants de quelques grands
groupes financiers intéressés à la liberté des échanges internationaux. Face
aux prétentions et velléités croissantes, de la part des Etats-Unis, d’asservir le
commerce international entre acteurs de pays tiers à leur politique étrangère
agressive et contraire au droit international, il a été recherché des modalités
techniques basées sur l’argumentation étatsunienne. Pour mémoire cette
argumentation, certes incohérente avec leurs intérêts monétaires et
stratégiques, est que leur législation interne a dorénavant vocation à
s’appliquer à toute opération libellée, n’importe où dans le monde, dans
l’ancienne monnaie de règlements internationaux qui redevient leur monnaie
exclusivement nationale.

Après le retrait des Etats-Unis de


l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, et la réintroduction de mesures
coercitives étatsuniennes contre toute entreprise ou pays commerçant avec
l’Iran (au prétexte de l’utilisation du dollar dans ce commerce), trois pays
européens signataires de cet accord ont donc travaillé à la mise en place
d’un système de compensation multipartite en euros et en rials. Il s’agit de
l’instrument de soutien aux échanges commerciaux, connu sous l’abréviation
INSTEX, né d’une initiative franco-germano-britannique mais soutenu par
l’Union Européenne. C’est d’ailleurs le service extérieur de l’UE qui a annoncé
l’entrée en service d’INSTEX, le 28 juin 2019, en appelant les autres pays
membres de l’Union Européenne à y participer, afin que les parties
européennes puissent respecter leurs engagements, notamment
commerciaux, envers l’Iran dans le cadre de l’accord de Vienne.
Parmi les premiers pays participants se trouve le Royaume-Uni, qui d’une part
n’est pas membre de la zone euro et d’autre part est en train de quitter
l’Union Européenne, ce qui ne lui interdit pas d’utiliser l’euro pour des
transactions internationales, comme le dollar ou autre devise. Par ailleurs la
Russie, pays européen signataire de l’accord de Vienne mais non membre
de l’UE ni de la zone euro, avait entamé dès janvier des consultations pour
participer à l’INSTEX. A l’autre bout du dispositif, on peut deviner que d’autres
pays asiatiques victimes ou menacés de mesures coercitives étatsuniennes
par exemple en raison de l’achat de systèmes de défense antiaérienne
russes, à savoir au moins la Turquie et l’Inde obligés de régler la Russie en
euros, seront intéressés à participer à l’INSTEX.

Les Etats-Unis ont instamment demandé aux pays européens d’abandonner


ce projet, tant par la voix du président Trump que par au moins une lettre du
sous-secrétaire d’Etat Mandelker chargé du terrorisme et du renseignement
financier, datée du 7 mai. Puis les 12 mai et 13 juin ont eu lieu des attaques
anonymes contre des pétroliers dans le golfe d’Oman (dont les Etats-Unis
accusent l’Iran), le 20 juin un avion de lutte antisousmarine et un avion sans
pilote (alors abattu par l’Iran) ont violé l’espace aérien iranien, et le 21 le
président a procédé à ses fameuses gesticulations touitées au sujet d’une
attaque de l’Iran ordonnée (ou autorisée) puis suspendue in extremis par ses
soins.

Le 4 juillet, sur demande étatsunienne la marine britannique a ‘arraisonné à


Gibraltar le pétrolier panaméen Grace1 venant d’Iran. Il est à noter que si le
Panama, peu suspect de persophilie car militairement occupé et
monétairement annexé par les Etats-Unis, n’a pas protesté, il n’a pas non plus
accusé son pétrolier d’infraction, alors que le 19 juillet il allait retirer son
pavillon au pétrolier Riah arraisonné le 14 par l’Iran pour contrebande. Le Riah
transportait clandestinement un million de litres de pétrole, peut-être volé
dans l’est de la Syrie occupé par les Etats-Unis et exfiltré par l’Irak compte
tenu de la fermeture de le route turque. L’Iran et le Panama lui reprochent
formellement d’avoir éteint ses systèmes automatisés de localisation, en
infraction au droit maritime international. En comparaison la capture du
Grace 1 en Méditerranée, sous un prétexte de suspicion de contournement
d’un blocus déclaré unilatéralement par les Etats-Unis, semble un signal
adressé aux pays européens (ou autres) tentés d’acheter, même sans le
payer en dollars, du pétrole iranien. Les pays signataires de l’accord de
Vienne, et maintenant opérateurs de l’INSTEX, peuvent se sentir visés. Quant
au cas du Royaume-Uni qui semble jouer un double jeu, il n’est pas sans
rappeler la réputation de perfidie d’un pays connu pour entrer dans les
mécanismes qu’il projette de paralyser ou saborder.

Les motifs des Etats-Unis débordent donc largement leur inimitié éculée pour
l’Iran avec lequel ils ont su s’allier en Bosnie et Herzégovine douze ans après
la prise en otage de leur ambassade et quatre ans après leur destruction du
vol 655. Surtout, ils ont clairement montré par leur volte-face de 2013 qu’ils
étaient prêts à tout, y compris à perdre l’Arabie Séoudite (aux réserves
bientôt épuisées), pour réincorporer l’Iran au système dollar. Il est cependant
vrai qu’au-delà de leur ridicule annonce de l’envoi de cinq cents militaires en
Arabie Séoudite, leur reprise de la base aérienne Prince Sultan pourrait
montrer l’intention d’un déploiement plus important et de longue durée. Or
les Etats-Unis annoncent depuis une douzaine d’années que les frappes
nucléaires qu’ils planifient contre quinze à vingt cibles leur assureront la
reddition de l’Iran en quelques heures, aussi ce n’est pas pour combattre
l’Iran qu’ils s’installent en Arabie.

Mais ils pourraient aussi simplement avoir l’intention de tenter de prendre le


contrôle du détroit d’Ormuz, dans lequel ils poussent leurs alliés européens à
protéger des « eaux internationales » imaginaires entre les 22 kilomètres
d’eaux territoriales iraniennes et les 22 kilomètres d’eaux territoriales omanies
dans le détroit d’Ormuz large de 40 kilomètres (les couloirs de navigation sont
dans les eaux omanies plus profondes). Cette prise de contrôle du détroit par
lequel transite près d’un tiers du commerce mondial de pétrole n’est pas
justifié pour les importations étatsuniennes, qui proviennent essentiellement de
pays américains, ni pour le détournement du pétrole syrien, qui n’a pas
d’importance stratégique pour les Etats-Unis. Le principal intérêt stratégique
que ce pays ait dans le Golfe Persique est la capacité d’y provoquer à tout
moment un bond des prix du pétrole (bon pour la demande de dollars) ou
une crise internationale (bon pour la demande de placements dits sûrs), voire
d’y déclencher un événement de force majeure de type guerre mondiale
(bon pour l’effacement des dettes).

En effet il faut distinguer entre la stratégie et l’actualité, les décisions


longuement préparées et les enchaînements circonstanciels. Faute de
continuité en matière de relations internationales basées sur la réciprocité, les
Etats-Unis peuvent faire volte-face de multiples fois (on l’a vu aussi vis-à-vis de
la Corée du Nord). Seule compte leur stratégie et peu leur importe face à
quel pays ils la mettront en œuvre. S’il leur faut couver en permanence
plusieurs conflits prêts à l’escalade, et en avoir toujours au moins un en phase
active, c’est qu’il ignorent à quel moment ils se trouveront devant l’obligation
d’asséner sous quelques heures l’assertion ultime qu’on expose dans le
Onzième Coup de Minuit de l’Avant-guerre
(http://www.lulu.com/content/livre-à-couverture-souple/le-onzième-
coup/24888474).

Le conflit contre l’Iran est, pour les Etats-Unis, secondaire de par la nature et
la carrure du pays en question. Attaquer l’Iran serait (ou sera) pour eux une
guerre parmi d’autres, pas nécessairement la dernière, et en tout cas pas la
première avec le même objectif. Car l’objectif de cette confrontation, où
l’Iran ne joue le rôle que de l’ennemi visible, c’est de dissuader le commerce
international affranchi du dollar. Quant à la véritable opération d’assertion
ultime, elle ne sera assénée que le jour, certain mais imprévisible, où le dollar
sera sur le point d’être renvoyé à sa véritable valeur économique et
arithmétique, que ce soit du fait d’une décision étatsunienne (elles ne sont
pas toutes stratégiquement heureuses pour leur futur), d’une décision
chinoise, ou d’une circonstance économique fortuite.

Et plus le pays qu’ils auront osé vitrifier sera important, plus le message au
reste du monde aura du poids. Les circonstances du moment désigneront
peut-être l’Iran, mais c’est aux préparatifs contre la Russie que les Etats-Unis
consacrent le plus d’énergie, en ce moment même.
Source:http://stratediplo.blogspot.com/2019/07/liran-nest-pas-seul-vise.html

Vous aimerez peut-être aussi