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COLLOQUE

 INTERNATIONAL  
 
MIGRATIONS  ET  DYNAMIQUES  URBAINES  
«  EXOTISATION  »  DES  POPULATIONS  ET  «  FOLKLORISATION  »  DES  ESPACES  
 
8-­‐9  décembre  2011  
CRBC-­‐EHESS  (Groupe  de  travail  “Migrations  et  espaces  urbains”)  

Perdus,   marginaux   et   exotiques.   Narratives   filmiques   et   modes   de   représentation  


des  altérités  et  des  frontières    

Karla Bessai

Le cinéma est un média qui nous permet de voir, rêver et, dans certains cas, dévorer les
manières d’être de l’autre. Il participe activement des processus d’étrangeté et de
reconnaissance entre des cultures (RICHARDSON, 2010) originaires de groupes
sociaux, ethniques et nationaux dont la cohabitation quotidienne dans les grands centres
urbains s’impose, alors que la possibilité effective d’entendement et de partage doit
faire face à des barrières telles que: la langue, la religion, les formes politiques, le
rythme, l’organisation des relations de genre et sexualité, les modes de racialisation et
les conditions matérielles dans la logique capitaliste de production/consommation.
La période touchée par cette recherche est celle des flux postcoloniaux, qui ont gonflé
les villes européennes, comme Lisbonne et Londres, avec des populations originaires
des anciennes colonies, ainsi que São Paulo, avec une confluence de plusieurs
nationalités et des migrants venus du nord-est brésilien, et New York, considérée une
des villes les plus cosmopolites du globe à l’ère postcoloniale.
Le point de vue de cette communication sera de penser les films comme l’exposition
(entendue comme exhibition muséographique) de l’autre et de soi-même. J´ai choisi
m´appuyer sur la réflexion de Vernant sur l’exotisme et la familiarité. à partir de
d’Ulysse. – Au-delà d´Ulysse politique et navigateur Vernant exprime son intérêt - pour
un aspect qu’il considère essentiel : à savoir, “la question du moi” que ses aventures
révèlent pendant tous les modifications, déplacements et exploits du personnage. Ce qui
permet la cohésion de l´identité (du personnage Ulysse) n’est pas seulement le fait que,
malgré toutes les métamorphoses corporelles causées par la déesse Athéna en lui, une
essence intérieure serait restée. Vernant comprend que cette notion intérieure du « moi »
n’apparaissait pas dans le récit de l’épopée. L’importance du caractère relationnel de

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l’identité et le jeu entre le familier et l´exotique est suggéré dans la mesure où Ulysse
reprend son identité seulement au moment où il est reconnu par son père, son fils et
Penelope. C’est le regard de l’autre qui lui rend, par la reconnaissance sociale, son
pouvoir effectif. En plus de dépasser la frontière entre vie et mort et choisir la mortalité,
le pas la plus importante affranchi par Ulysse c’est celui du retour à son propre lieu
d’origine. Dans la condition précaire d’un autre ou d´un mendiant, revenir dans son
pays d’origine n’était pas suffisant. C’est seulement quand il reprend sa position de fils,
père et mari qu’il peut avoir à nouveau sa place de “Roi” restituée. Il faut qu’il perde les
caractéristiques obtenues pendant des années d’absence et de distance (ce qui le rend un
être totalement exotique) et démontre sa familiarité pour qu’il soit accepté à nouveau.
Ainsi, l’exotique ou l’identité dont parle Vernant introduit une différence dans le débat
qu’on propose ici, car elle n’est pas sujette à la question de la nationalité. Ce n’est pas la
manière d’être ni la langue, ni même le partage culturel ce qui est ici en jeu : c´est le
rapport entre étrangeté/reconnaissance dans la représentation vécue par Ulysse.
Le problème de l’identité c’est quelque chose intrinsèquement liée à l’histoire du
cinéma, en particulier celle des films produits à Hollywood. Les classiques du genre far-
west ont opéré des formes cinématographiques de mise à jour du mythe fondateur de la
séparation entre ce qui est de l´ordre du dedans et ce qui est de l´ordre du dehors
(sauvage, wildness). Que ce soient des indiens ou des étrangers, la frontière fonctionne
dans ce genre cinématographique comme le lieu qui jalonne la distance entre le
domestique et le sauvage et, comme le montre Richardson, elle jalonne surtout ce qui
est (ou pas) maîtrisé. Selon les termes de Richardson, “La frontière...The frontier, then,
marks the point which delineates where sameness ends and otherness begins, but it
constitutes a boundary that may be crossed and re-defined : it is no longer a fixed point
but a physical border that also has a metaphysical quality1». Pour développer la
réflexion ici proposée, j’utiliserai une approche d’étude de cas, fondée sur quatre
pellicules : Terra Estrangeira (Salles e Thomas, 1992); Dois perdidos numa noite suja
(José Joffily, 2002), Deserto Feliz (Pedro Caldas, 2007) e Olhos Azuis (José Joffily,
2009). Si l’on se tient au langage cinématographique, les récits appartiennent tous au
genre fiction, ils traitent de la question identitaire face à des frontières nationales et
culturelles et ils ont en commun des personnages qui ne sont pas intégrés dans la société
et qui sont soumis à des situations de conflits culturels importants.

1
Richardson, Michael. The Mith of the Frontier. In: Otherness in Hollywood Cinema. London:
Continuum Publishing Group. 2010. P. 32

2
Cet exposé se concentre donc tant sur les films eux mêmes en tant qu’œuvres
artistiques/culturelles que sur les représentations, sur les usages de l’imaginaire et sur
les sensibilités politiques exprimées dans les créations filmiques autour des questions
qui affectent aujourd’hui les déplacements des hommes, femmes, et groupes ethniques.

En ce qui concerne le débat sur migration et exotisme, ma contribution est axée sur
l’expérience de notre culture visuelle, les modes de spectacularisation de l’image que
nous avons de nous mêmes ainsi que de celle que nous faisons de l’autre.

Analyse des films

Il y a, au Brésil a plusieurs films dont le scénario expose des aspects distincts des
mouvements migratoires des diverses nationalités qui sont allés vivre au Brésil. Ce sont
des conflits culturels qui se déroulent en particulier dans le sud et le sud-est du pays.
Ces films suggèrent des grands moments de joie et de déception au long d’une vie vécue
entre ce qui a été (la tradition) et les possibilités de nouveaux arrangements, qui
proviennent du processus subjectif de dépaysement et de réarrangement dans le “foreign
land”. Quand les films renvoient au début du XXe siècle, ce sont des récits
d’Allemands, d’Italiens, et ultérieurement d’Asiatiques et d’Arabes. Dans les siècles
précédents, ni Africains ni Portugais faisaient partie de la catégorie « immigrants »,
puisque ceux-ci sont des colonisateurs et ceux-là ont vécu une condition d’esclavage.
Jusqu’à la fin des années 1970 du XXe siècle, le Brésil est représenté dans le cinéma
comme un pays aux portes grand ouvertes pour recevoir. Les déplacements de brésiliens
sont alors majoritairement internes, des migrations de la campagne à la ville, du nord-
est/nord au sud-est du pays. L’altérité exotique du nord-est et de ses habitants conquiert
alors les écrans. L’intérieur du pays, le wilderness (le sertão – la brousse) aride,
mystique et pauvre est présenté en contraste avec le sud-est verdoyant, lieu de
prospérité, rationalité et progrès.
Le manifeste de « l’Esthétique de la Faim » de Glauber Rocha représente l’effort de
prendre une position positive et créative face à la critique dichotomique de la gauche
brésilienne sur la pauvreté du pays, en particulier sur celle du nord-est, cette tentative
d’ouvrir une voie onirique et libre du regard tutélaire européen en ce qui concerne le
Brésil. Il a débouché sur une proposition riche, qui a été mal digérée par la génération
ultérieure de cinéastes qui se sont plus intéressés par la conception néo-réaliste de

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cinéma et se rapprochèrent ainsi d’une grammaire cinématique des films d’action, du
genre policier ou des drames, dont les histoires révèlent ce qu’Ivana Bentes a appelé une
“cosmétique” de la faim. (Cosmética da Fome)
L’intérêt des films de Glauber Rocha est surtout qu’ils n’ont pas des héros, qu’ils soient
de l’intérieur du pays ou de la favela. De ce fait, le film perd le statut de dénonciation et
gagne, avec la métamorphose poétique, le statut de possibilité de sortie. Il ne s´agit pas
de marginaux à la dérive, sans vie, ni but, bien au contraire. Glauber Rocha repère à
juste titre la force de changement, ce que certains ont inerpreté comme étant un projet
révolutionnaire du cinéaste. Mais cette perspective qui charge une vision utopique de
possibilité de sortie et de changement donne lieu, les décennies suivantes, à une vision
moins critique et beaucoup plus nihiliste.

Parte I- Terra Estrangeira

A partir de la fin des années 1980 jusqu’à la fin des années 1990 le Brésil est représenté
comme un pays qui émigre à la quête du rêve de bonheur. Terra Estrangeira, de Walter
Salles Jr. et Daniela Thomas, est considéré le film qui exprime le mieux deux
mouvements importants dans l’histoire du cinéma brésilien. D’une part, la reprise après
la faillite des institutions qui finançaient et orientaient la production de films au Brésil
et qui ont été fermées pendant l’ère Collor (le gouvernement du Président Fernando
Collor de Melo). D’autre part, le mouvement de centraliser les récits sur le thème de la
sortie des brésiliens, maintenant exilés d’une économie en faillite - il ne s´agit plus d´un
exil politique. Riche en images très bien éclairés, ayant recours à la poétique du Noir et
Blanc, avec photographie du renommé Walter Carvalho, Terra Estrangeira annonçait
alors, par des images de l’immensité de la mer et de la terre à vue, que le rêve d’une vie
à l’étranger en tant qu’immigrant marginal, sans emploi, s’avérait une aventure
destituée de gloire.
Même si le sujet central est ou semble être la rencontre entre Alex et Paco, le film
expose en réalité les éloignements, intrigues et méfiances qui construisent le fait d’être
un « autre », stigmatisé dans la terre de l’ancien colonisateur. Selon Stuart Hall, les
diasporas révèlent les dimensions cruelles des nouveaux affrontements dans le post
colonialisme. Des positions de pouvoir, des jeux de superiorité/inferiorité. En revanche,
le film constitue une lamentation (un fado?) qui va au-delà de la dénonciation des
situations difficiles vécues par les citoyens brésiliens en dehors des frontières de leur

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propre pays. Ce n’est pas par hasard que le Portugal est le décor principal du film. Il
s’agit d’une mention directe à ce que le Portugal a représenté en tant que métropole qui
a eu et que d’une certaine manière ne cesse pas d’avoir une responsabilité - entendue
comme quelque chose d’intemporel - sur ce qui est devenu le Brésil, en ce qui concerne
la constitution d’une possible Identité National. Mais qu’est-ce qu’on regrette dans
Terra Estrangeira? Ce n’est pas la manière hostile avec laquelle Portugal et quelques
Portugais reçoivent des brésiliens dans leur territoire, et qui apparaît comme une grande
violence capable de transformer des personnages communs en marginaux. La marge est
mise en scène de façon fantasmagorique à travers des images floues d’un escalier étroit,
des mortes violentes et à travers le sentiment de deuil et de désorientation provoqués par
un pays-nation qui ne protège, ni accueille, ni reconnaît et ni ouvre les portes.
À mon avis, la grande souffrance présente dans Terra Estrangeira se lève envers le
Brésil lui même. En conséquence, les images de São Paulo qui apparaissent renvoient
toujours à une terre hostile, aride, pleine de désirs non réalisés, traversée par des plans
courts, dépourvus de profondeur, des fragments d’images. São Paulo nous apparaît
déchirant, du béton qui blesse ses habitants. Cette question constitue, en vérité, une
tentative de comprendre la « culture nationale », la brasilidade, comme s’il y avait
quelque chose qui, essentiellement, au-delà de l’apparence de diversité, hybridisme ou
métissage, confluait à constituer l’Identité du peuple brésilien. Cela serait une identité
que la littérature (des chercheurs en sciences sociales, historiens, hommes de lettres,
artistes, parmi d’autres voix) réitère comme marquée par l’infériorité, par
l’inachèvement. Les historiennes Márcia Naxara et M. Stella Bresciani ont bien
souligné qu’il est possible aujourd’hui de faire une « généalogie de la disqualification
du brésilien2 » par ses propres interprètes.
Ainsi, je pose la question suivante: qu’est-ce que les interprètes cinéastes sont en train
de mettre à l´œuvre quand ils représentent le Brésil ? D’une part, le jeu proposé par les
images/récit de Terra Estrangeira est, d’une part, une continuation de ce même projet
moderniste, tout en entamant un dialogue sinon avec l’ensemble du mouvement
« cinema novo », au moins avec son grand exposant, Glauber Rocha. D’autre part, le

2
NAXARA, M. Natureza e civilização: sensibilidades românticas em representações do Brasil no
século XIX. In: Stella Bresciani & Márcia Naxara (Orgs.), Memória e (res) sentimento: indagações sobre
uma questão sensível, Campinas, Ed.Unicamp, 2001, p.427-451. Publicado com o título La nostalgie du
futur – la sensibilité romantique dans les représentations du Brésil au XIXe. Siècle. In: Pierre Ansart
(Dir.), Le Ressentiment. Bruxelles, Bruylant, 2002, p.193-209.Maria Stella Bresciani. O charme da
ciência e a sedução da objetividade. Oliveira Vianna entre intérpretes do Brasil, São Paulo, Ed.UNESP,
2005.

5
film exprime une vision moins romantique des gens qui ont été laissés en marge. Le
« national », « l’identité brésilienne », la « nation » sont des termes présents dans le film
pour faire le contrepoint ou sous la forme qu’on peut appeler extracampo, c’est-à-dire
quelque chose qui est présent, qui s’avère fondamental pour la trame mais qu’on ne voit
pas dans l’écran. Au contraire, c’est précisément le revers, le drame qui chacun, à sa
manière, vit dans le film.
La situation des personnages Paco, Alex et Miguel au Portugal (comme celle de
beaucoup d’autres immigrants qui jouent le rôle de figurant dans le film – des Angolais,
des Cap-verdiens, et d’autres) est précaire. Les aventures en outre-mer ne séduisent plus
les sens au point de permettre de cultiver le désir de rester. Les stigmates et
discriminations réglées par des valeurs culturels d’un passé éloigné gagnent des
couleurs et de la vivacité dans les relations actuelles et c’est cette représentation
d’étrangeté et de confrontation entre une nouvelle condition sociopolitique et la
persistance de valeurs traditionnelles un des points essentiels de tension du film. À la fin
du récit, avec la mort de Paco (l’acteur qui n’a pas eu du succès), on entend un fado joué
par un aveugle portugais, pendant qu’on marche, dans le métro, sur des diamants venus
du Brésil (raison des morts et des conflits du film). Ce qui reste comme interrogation, en
plus du triste destin du personnage, peut être formulé de la manière suivante : est-ce que
la destinée brésilienne c’est celle d’un peuple qui n’arrive pas à dépasser sa condition de
porteur de richesses, mais continuellement exploré dans ses possibilités de
développement et de croissance culturelle? Serons-nous toujours bloqués à la frontière,
exclus de la fête?

Le succès a la couleur bleue

Après plus d’une décade, le film Olhos Azuis (2009) met à nouveau en scène l’angoisse
de se sentir et d’être brésilien, sud-américain à la frontière. José Joffili, ainsi que D.
Thomas et Walter Salles Jr., construisent des récits dans lesquelles les conflits culturels,
les relations intersubjectives et les affrontements entre nationalités et frontières
constituent l´axe. L’antagonisme qui définit le ton de Olhos Azuis se produit entre le
videur (un boull-dog comme il s’appelle lui-même) de la police de migration aux EUA,
Marshall (David Rasche), et un professeur d’histoire brésilien (Nonato, Irandhir Santos)
qui vit à New York en tant que cadre dans la branche de l’alimentation, en condition
illégale. Un des points importants de ce film de Joffily c’est le fait que la question

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d’identité qui est en jeu n’est pas spécifiquement la brésilienne elle-même, mais ce qui
nous rend des égaux dans la frontière des EUA aux autres Latino-Américains, en
particulier après la panique du 11 septembre. La supposée spécificité brésilienne est
soumise à un mot qui encadre tous les dépossédés : les autres (les barbares qui viennent
occuper les villes et endommager, par leurs incivilités, les magnifiques (infra)structures
urbaines).
Le scénario de Olhos Azuis présente une structure assez schématique dans la
composition des personnages et, en conséquence il est plutôt prévisible dans son
argument et dans le choix esthétique des registres stéréotypés d’images sur des femmes
et paysages du nord-est ; Le film présente le multiculturalisme vide de contenu
politique ; et permet de penser les affrontements migratoires quoique renvoyant à des
clichés, aux représentations classiques de ce que est entendu comme l’antithèse urbaine
sud-américaine (l’intérieur du pays apparaît pendant le trajet parcouru par Marshall
entre Pernambuco et Petrolina) par rapport à la ville cosmopolite de New York, dont les
images on ne peut pas voir à l’écran, mais qu’on peut sous-entendre par les dialogues.
La frontière comme lieu de traversée et de désirs relève d’une part la quête de l’autre
(l’autre côté du pont) et, au même temps, la peur. Peur de ne pas réussir à survivre à ce
qui est nouveau et inattendu, mais encore peur d’être rejeté, refusé. Le turning point du
film c’est l’interrogatoire violent auquel les « possibles émigrés » sont soumis. Quels
contrastes ont été formulés dans ce jeu de la représentation ?
D’abord, il faut remarquer que les contrastes dans la salle d’interrogatoire sont de nature
moins spectaculaire que ceux qui apparaîtront dans la suite du film quand Marshall se
trouve confronté avec le soi-disant « réel et profond » Brésil. Ce n’est pas par
l’esthétique que se construit le jeu que les images reflètent. Dans la salle d’immigration,
les antagonismes sont moins de l’ordre de l’imagerie et plus centrés dans la sphère des
affrontements politiques et idéologiques présents dans les dialogues.
La stratégie de l’interrogateur est celle de l’invasion de l’espace privé, diminution des
frontières entre le public et le privé et, avec ça, la réalisation d’un vrai rituel
d’humiliation. Arrogante, la caméra bouge de façon presque toujours objective dans le
but de rendre l’ambiance de l’immigration encore plus claustrophobe.
Au Brésil, on voit les yeux bleus de Marshall vis à vis de l’exotique, le carnaval
d’Olinda, la jeune fille habillée en jupe courte parlant anglais et qui, malgré le fait d’être
pauvre et prostituée, agit honnêtement. Le comportement de Marshall envers la fille est
méprisable. Elle, à son tour, garde comme registre de réserve l’attitude de refuser à

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l’appeler par son nom ; elle l’appelle tout le temps « gringo » (étranger). Dans cette
représentation de Joffili d’un étranger dans l’intérieur du pays, la liste des clichés est
complète. Les vêtements qui ne couvrent pas totalement la prostituée, les visages vieillis
et punis par le soleil des personnages figurants. L’effacement de la temporalité, comme
si le Brésil vivait un décalage. Les personnages féminins à l'exception seulement de la
policière Sandra, sont sensuels et séduisants, comme si la sensualité était un trait
caractéristique du caractère des latino-américaines, ce qu’on appelle « la latinité ».
Marshall découvre en Bia (Cristina Lago) son ange gardien – aux fesses nues. Bien
qu’elle vende ce qui apporte du plaisir sexuel à des hommes qu’elle ne connaît même
pas, sa conduite est orientée par la solidarité. Cette solidarité du subalterne, de la pègre
du nord-est brésilien semble être, avec le rayonnement excessif du soleil, le guide dans
la saga de purification du personnage.
Dans ce film, comme dans la majorité des représentations cinématographiques
analysées, « l’autre » est presque toujours traité à partir de l’esthétique de l’exagération,
de l’étrangeté marquée par l’exotique.

Agreste feliz

Deserto Feliz (2007), film de Paulo Caldas, a pris la route du cinéma national qui a
connu un grand succès dans la première décade du XXI siècle. Le film concerne le
drame de la prostitution des enfants dans le nord-est brésilien, dans une perspective
réaliste-sociale. Caldas utilise une esthétique documentaire, surtout dans les premiers
moments du récit, avec laquelle il a essayé d’associer la vie rurale et urbaine, par les
difficultés d’une gamine qui, habitant « l’agreste » devient forcément femme et qui,
violée par le beau-père et à peine remarquée par la mère, entame son chemin de
prostitution et de déplacement en sortant de l’intérieur de Pernambuco vers la capitale
de l’état, Recife. Décidée et consciente des plaisirs et défis de la profession du sexe,
cette jeune fille de 15 ans à peine voit en un Allemand rouge de soleil une double
possibilité de changement. Dépasser les limites de son existence considérée médiocre
par elle-même et débroussailler les mondes d’outre mer. Se marier, quitter Recife,
apprendre autre langue, connaître les beautés de la vie en couple et au même temps se
sentir insérée dans un monde plein de possibilités.
Au milieu de cette ambiance qui la pousse à déchiffrer les problèmes de la grande ville

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et du monde dangereux de bars, on arrive au personnage Alemão Mark (Peter Ketnath).
La scène gêne parce qu’il s’agit visiblement d’un cliché. Elle est construite avec la
plage, des boissons, drogues et des commentaires des Allemands qui démontrent avoir à
la fois peur et méprise pour le désert de béton qu’ils voient dans les filles avec
lesquelles ils essaient de passer des heures de plaisir et de excès. Ils sont de touristes à
la recherche de d’exotisme et de l’authenticité (PISCITELLI, 2002). Après quelques
nuits de sexe et drogues, la relation entre Jessica et Mark atteint peu à peu des airs d’une
relation sérieuse, ce qui efface la froideur du lien client/consommateur. Après une coupe
courte, la scène change. Nous trouvons Jéssica en Allemagne, marchant le dos tourné à
la caméra, dans une ambiance glaciale, marqué par le silence et la solitude. La routine
du nouveau couple se développe dans l’ennui. Décalée, à la merci de Mark, ne
maîtrisant pas la langue allemande, Jéssica voit ce nouveau monde comme un grand
vide sans but. Mark la voit manger de la mangue avec les mains et son regard révèle
qu’il pense être dans un zoo, face à un animal en extinction. Les modes d’incivilité
auxquels il assiste lui donnent la mesure de la distance culturelle qui rend leur relation
impossible. Il y a un fossé infranchissable entre les deux mondes, malgré toute la
technologie qui les rapproche.

Considérations finales

Qu’est-ce qu’il y a de commun dans les quatre films ? Être hors de chez soi, se sentir
dépaysé, avec une quête qui semble ne pas avoir du sens, mais qu’au même temps
révèle un regard différent sur son lieu d’origine. Le déplacement, comme une tentative
de s’en fuir d’un pays qui n’a pas de futur. Dans le Nord archaïque et misérable, ses
personnages marginaux, perdus et dépourvus de perspectives se désenchantent du Sud
aussi, une région dont la prospérité leur paraît inaccessible. Le rêve de la migration
comme rédemption, comme stratégie de création d’un autre monde possible ou fuite de
la réalité s’effondre. Les personnages marchent, sans bouger, ils veulent retourner, mais
ils n’ont plus de place au Brésil non plus.

Le choix des films présentés ici a suivi un critère important: ils ont été produits
délibérément comme des films du genre fiction. Le destin des personnages en question
ici aurait pu être différent, mais la vision désenchantée a dominé. Pour qu’il soit
possible de savoir ci cela dépasse la scène cinématographique brésilienne, on aurait

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besoin d’un échantillon de plus grande taille.
Je ne crois pas que les films représentent seulement une lecture d’un Brésil qui n’a pas
réussi et qui ne le fera pas, mais ils montrent aussi, je le crois, une vision de comment le
multiculturalisme diffusé par l’immersion dans les échanges culturels, s’est désenchanté
malgré la vitesse du va-et-vient produit par les moyens de transport plus accessibles aux
travailleurs de différents pays européens, qui voient dans le tourisme une manière de se
rapprocher de « l’autre ».
Le modernisme comme critique aux merveilles annoncées du développement urbain et
technologique dans le XIXe siècle a passé par ce chemin, a laissé des traces et, à mon
avis, le désenchantement du XXIe siècle me semble encore plus amer. Dans les
représentations que j’ai apporté ici à la réflexion, le futur est obscur, non seulement
parce que les choses ne marchent pas maintenant, mais il semble être incertain comme
une unité plus grande que la politique de l’État, les abus du capital, la violence des
villes. Les films essayent de montrer que les aller-retour ne sont pas que des
déplacements dans le temps-espace, mais des déracinements culturels, une relativisation
forcée parfois, de laquelle même avec toutes les techniques d’(auto)contrôle on n’arrive
pas à sortir intact.
La culture de la différence a crée la sensibilité de l’indifférence polie. On peut réaliser
une rapproche entre les personnages Marshall de Olhos Azuis et Mark de Deserto Feliz.
Tous les deux sont représentés en tant que « des êtres du premier monde », même si l’un
est plus jeune que l’autre, l’abus de l’alcool et la vision déçue de la vie de ces deux
personnages insinuent que ceux qui regrettent la vie qu’ils vivent ne sont pas seulement
les atteints par la barbarie ou la misère, les marginaux et les exclus. S’il y a quelque
chose qui ces mondes si distincts partagent c’est le malheur. La consommation du corps
étranger (les belles filles), des plages et des beautés du nord-est brésilien est aussi
frustrant et illusoire que la consommation du mari étranger, de la botte (la chaussure de
Paco) et la veste d’hiver (de Jéssica), ou le tampon dans le passeport (de Nonato). La
solitude n’échappe à l’horizon, ni de ceux du sud, ni de ceux du nord. Pourtant, cette
situation partagée ne les rend pas des égaux. Au contraire, les films n’élaborent pas un
discours cinématographique de l’égalité ou similarité dans des termes d’une perspective
humaniste. Ils indiquent une permanence d’inégalités et différences ; les distances
historiques et culturelles, bien que réduites par la mondialisation, sont souvent
insurmontables.
En ayant comme un des buts celui de présenter de quelle manière une certaine

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filmographie a recrée une vision de réalité et a manipulé des stéréotypes non seulement
sur les propres brésiliens au Brésil ou sur ceux qui habitent à l’étranger, mais encore
comment elle utilise des archétypes et mobilise un imaginaire (stéréotypé ou pas) pour
décrire des altérités, j’aurai encore à ajouter dans cette courte conclusion que je n’ai pas
remarqué dans les films le souci en mettre en évidence les singularités des personnages
étrangers. Par exemple, si on veut construire une liste de différences culturelles entre
l’allemand Mark et l’américain Marshall, on arrivera à la formule « des yeux bleus »,
« gringo » un étranger, c’est-à-dire, qu’il domine dans les films un mode plat de les
représenter qui uniformise et vide. La représentation cinématographique remet sans
critique la catégorie générique ‘gringo’ utilisé dans les rues de Recife, sans construire
d’autres angles avec le jeu scénique.
Ainsi, j’ai pu comprendre que dans les œuvres analysées ce problème ne se limite aux
topiques sur la formation multiethnique, racial et culturelle du peuple brésilien. Ce qui
semble être en jeu c’est quelque chose moins perpétuelle que les migrations qui ont
formé le Brésil, qui ont crée des récits sur groupes familiers qui se sont installés ici. Ce
qui vient à l’écran ce sont des déplacements plus fluides, mouvements de gens (qui
laissent leurs familles) et rencontres culturels fugaces, mais qui changent les directions
de la vie. Cette condition postmoderne des flux et circulation de gens et objets culturels
paraît gêner et provoquer la direction des objectifs. En conséquence, le débat politique
qu’ils incitent est conceptuel aussi, dans la mesure où la notion de migration elle-même
(qui, d’où à où, comme, ainsi que les motivations) semble souffrir d’inconscience, et ne
pas réussir à comprendre la dynamique des continuels aller-retour et affrontements
transnationaux hors et dans les écrans.

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PISCITELLI, Adriana. Exotismo e Autenticidade. Relatos de Viajantes à procura de
Sexo. Cadernos Pagu 19 (2002) PP: 195-231. Campinas, Brasil.
ROCHA, João Cezar de Castro. Dialética da marginalidade: caracterização da cultura
brasileira contemporânea. Folha de S. Paulo. São Paulo: 29 fev. 2004, Caderno Mais!
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Características do cinema nacional a partir dos anos 90 - 03-25-2009 Revista

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Universitária do Audiovisual - www.rua.ufscar.br
SARTRE, Jean Paul. A imaginação. São Paulo: Difel, 1980. SODRÉ, Muniz. O
Monopólio da fala; função e linguagem da televisão no Brasil. Petrópolis: Vozes,
1977.
UTE, Hermanns. O Brasil na berlinale. Oito produções novas mostraram ao público do
festival que o cinema brasileiro renasceu em toda a sua variedade depois de um período
de entraves estatais. Humboldt. Alemanha, v. 39 No 75 p. 58-63, 1997.
XAVIER, Ismail. O olhar e a cena. São Paulo: Cosac & Naif, 2003.
O cinema brasileiro dos anos 90. Praga - Revista de estudos marxistas. São Paulo,
Hucitec - No 9, p.97-138. Jun. de 2000.

Filmografia Consultada:
Caminho das Nuvens, O. Vicente Amorim. Distribuição: Buena Vista International.
Produção: Lucy & Luiz Carlos Barreto. Co-Produção: Miravista, Globo Filmes,
Riofilme, Megacolor, Quanta e Lereby Produções. Brasil: 2003.
Deus e o diabo na terra do sol. Glauber Rocha. Distribuição e Produção: Copacabana
Filmes. Brasil: 1964.
Eu tu eles. Andrucha Waddington Distribuição: Sony Pictures Classics Produção:
Flávio R. Tambellini, Andrucha Waddington, Leonardo Monteiro de Barros e Pedro
Buarque de Hollanda. Brasil: 2000.
Pagador de promessas, O. Ancelmo Duarte. Distribuição: Lionex Films e Embrafilme.
Brasil: 1962. Terra em transe. Glauber Rocha. Distribuição: Difilm. Produtoras: Mapa
filmes e Difilm. Brasil, 1967.
Vidas Secas. Nelson Pereira dos Santos Distribuição: Sino Filmes, Riofilme e Sagres
Vídeo. Produção: Luis Carlos Barreto, Herbert Richers Nelson Pereira dos Santos e
Danilo Trelles. Brasil: 1963.

Resenhas Fílmicas consultadas

http://cinema.virgula.uol.com.br/filmes/olhos-azuis.html

FICHA TÉCNICA DOS FILMES TRABALHADOS:

TERRA ESTRANGEIRA: Direção: Walter Salles e Daniela Thomas Elenco: Fernanda Torres
(Alex); Fernando Alves Pinto (Paco) Luis Melo (Igor); Alexandre Borges (Miguel); Laura Cardoso
(Manuela); João Lagarto (Pedro); Participação especial Tcheky Karyo (Kraft). Roteiro original:
Daniela Thomas, Marcos Berstein e Walter Salles Diálogos adicionais: Millör Fernandes
Direção de fotografia: Walter Carvalho Montagem: Walter Salles e Felipe Lacerda Somdireto:
Geraldo Ribeiro Música: José Miguel Wisnick Direção de arte: Daniela Thomas Figurino:
Cristina Camargo Produção executiva: Flávio Tambellini Co-produção Brasil: Paulo Dantas e
Movie-Art Co-produção Portugal: Antônio da Cunha Telles e Maria João Mayer Ano de
produção: 1995 Duração: 102 minutos Distribuição em vídeo: Riofilme e Sagres Vídeo

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Título Original: Dois Perdidos Numa Noite Suja
Gênero: Drama
Tempo de Duração: 100 minutos
Ano de Lançamento (Brasil): 2003
Site Oficial: www.doisperdidos.com.br
Distribuição: Riofilme
Direção: José Joffily
Roteiro: Paulo Halm, baseado em peça teatral de Plínio Marcos
Produção: Alvarina Souza Silva
Fotografia: Nonato Estrela
Desenho de Produção:
Direção de Arte: Cláudio Amaral Peixoto
Figurino: Ellen Milet
Edição: Eduardo Escorel
Prêmios e indicações
Prêmios e indicações
Festival de Brasília (2002)
•Vencedor (Troféu Candango) nas categorias:
Melhor atriz (Débora Falabella)
Melhor diretor (José Joffily)
Melhor roteiro (Paulo Halm)
Grande Prêmio Cinema Brasil (2004)
•Vencedor na categoria
Melhor atriz (Débora Falabella)
•Indicado nas categorias
Melhor montagem (Eduardo Escorel)
Melhor roteiro adaptado (Paulo Halm)
Festival de Gramado (2002)
•Vencedor nas categorias:
Melhor montagem (Eduardo Escorel)
Melhor trilha sonora (David Tygel)
Cine-PE (2003)
•Vencedor na categoria:
Melhor fotografia (Nonato Estrela)

Ficha Técnica de Deserto Feliz:


título original:Deserto Feliz
gênero:Drama
duração:1 hr 28 min
ano de lançamento: 2007
site oficial: http://www.desertofeliz.com.br
estúdio: Camará Filmes Ltda. / noirfilme
distribuidora: Paulo Caldas
direção: Paulo Caldas

i
Pesquisadora do Núcleo de Estudos de Gênero Pagu/UNICAMP. Professora do Programa de Pós-
graduação em Ciências Sociais/Unicamp. kbessa@unicamp.br

2- Bentes, Ivana. Sertões e favelas no cinema brasileiro contemporâneo: estética e cosmética da fome.
ALCEU - v.8 - n.15 - p. 242 a 255 - jul./dez. 2007
3- HALL, Stuart. Pensando a Diáspora. Reflexões Sobre a Terra No Exterior. In: Da Diáspora.

14
Identidades e Mediações Culturais. Belo Horizonte: Editora da UFMG. 2006.
4- Como acontece na cena do apartamento, na qual Paco encontra a mãe morta antes de realizar seus
sonhos. Água escorre e inunda Paco de ressentimentos e tristezas.
5- FARIA, D. O Mito Modernista. Uberlândia: EDUFU. 2006.

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