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Dynamiques des activités productives et processus d’attraction des investissements

Association de Science Régionale De Langue Française

DYNAMIQUES DES ACTIVITES PRODUCTIVES ET PROCESSUS


D’ATTRACTION DES INVESTISSEMENTS

ASKOUR Khadija

Institut Supérieur International du


Tourisme de Tanger
Tanger (Maroc)
dija_12@yahoo.fr

Résumé :
Dans le passé, la politique de la localisation des investissements se focalisait sur la
satisfaction d’une demande de terrains industriels. L’objectif étant de répondre à la forte
demande des entrepreneurs, cherchant des conditions favorables pour le développement de
leurs activités. A partir des années 2000, la situation s’est renversée. La place des territoires
est perçue dans les politiques publiques comme prioritaire à travers la recherche d’un
développement territorial. Elle s’est déclinée dans les différents programmes des ministères
marocains, qui désormais soulèvent la question des SPL, des territoires productifs ou des
pôles de compétitivité dans leurs plans d’action. La sensibilité est telle qu’elle interroge
toutefois la dichotomie espace/territoire, en lui adossant plusieurs concepts aussi confus que
diversifiés auxquels faudra t il peut être réfléchir à leur « contextualisation » !

Mots clés :

Localisation des investissements, attractivité des territoires, SPL, développement territorial.

1 Colloque AISRe-ASRDLF 2010


Dynamiques des activités productives et processus d’attraction des investissements

DYNAMIQUES DES ACTIVITES PRODUCTIVES ET PROCESSUS


D’ATTRACTION DES INVESTISSEMENTS

1 INTRODUCTION
Aborder la problématique de la localisation des activités économiques, c’est partir du constat
que les territoires sont de plus en plus compétitifs et qu’aujourd’hui l’enjeu de l’attractivité
des investissements est de taille vis-à-vis d’une économie de plus en plus mondialisée.
L’ouverture des frontières et les niveaux de compétitivité exigés poussent les entreprises à
s’implanter sur des espaces « pertinents », et de là à forger de nouveaux territoires
productifs. Ce schéma renvoie à l’émergence de mobilités économiques insaisissables.
Parallèlement à ce phénomène, l’Etat ambitionne l’outil « territoire » comme un instrument
de développement. La notion de territoire est alors façonnée et retravaillée de sorte à
pouvoir constituer un espace cohérent et structuré pour représenter la zone d’influence d’une
politique de développement territorial.
La dynamique des activités productives observée au Maroc invite ainsi à questionner les
politiques incitatives de localisation des investissements, lancées par l’Etat, dans la
perspective du développement et de l’attractivité des territoires. Le territoire se retrouve au
centre des interrogations. Le point de départ de notre analyse, sera de considérer le territoire
comme un lieu de coordination, de coopération et d’action, à travers lesquelles se
conjuguent les conditions d’un ancrage territorial. C’est également un lieu où se construisent
des configurations économiques territoriales spécifiques sous la forme de réseau de
coopération.
De telles configurations économiques territoriales se dessinent au Maroc notamment à
travers l’initiative étatique entamée dans la construction de système productif local (SPL) (la
filière du thuya à Essaouira et la filière poterie à Safi) ou le développement des pôles de
compétitivité (exemple du Technopolis de Rabat). Ainsi, dans quel paradigme peut-on
intégrer ce nouveau modèle institutionnel observé? Y a t-il une réelle perspective d’ancrage
territorial des activités économiques?
Les phénomènes d’agglomération industrielle, remonte à plus d’une centaine d’années.
L’économiste Alfred Marshall évoqua, dans les années 1920, la présence à Sheffield en
Angleterre, de phénomènes de « réseautage » dans la coutellerie. Il avança la notion
d’industries localisées pour dénommée le phénomène observé, pour ensuite avancer la
notion de district industriel, c'est-à-dire que l’ensemble de la zone profite des avantages en
termes de coûts de production du fait de la concentration d’activités qui s’y exercent (Courlet,
2001).
Ce type d’organisation se retrouve actuellement un peu partout dans le monde et concerne
les pays développés et également les pays en voie de développement. On revient à
supposer que les politiques étatiques engagées au Maroc, depuis les années 80, s’efforcent
à « restructurer » la localisation des investissements pour progressivement reprendre le
schéma à la marshallienne. Cette politique s’inscrirait dans le paradigme du « bannissement
de l’entreprise fordiste individuelle » vers un nouveau mode d’intervention basée sur la
promotion de la concentration industrielle et la coopération localisée.
Pour répondre aux questionnements posés, on abordera les politiques d‘agglomération
industrielle, lancées par l’Etat marocain depuis les années 2000, dans une démarche de
valorisation et de promotion des activités économiques, et cela afin d’identifier les possibles
mécanismes mobilisés dans le développement des territoires. Il s’agit, de ce fait, de soulever
la problématique de la dichotomie espace/territoire au niveau des politiques publiques et
notamment de la politique industrielle.

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Ainsi, dans un premier temps, nous évoquons les actions étatiques lancées dans le cadre
d’une politique industrielle diversifiée. Cette diversité nous amène à interroger leur origine
mais aussi leur nature. Ensuite, nous centrons l’analyse sur la tendance des politiques
publiques à s’orienter vers des actions de développement territorial. Ce constat invite à
réorienter l’analyse sur les réels objectifs du développement recherché, dans la polarisation
des investissements. Et enfin, dans un dernier point, nous proposons d’aborder la pluralité
des concepts avancés au Maroc pour nommer les nouvelles configurations économiques
territoriales, et de souligner la confusion dans la nomination du phénomène d’agglomération
apparent.

2 LA RESTRUCTURATION DE L’ESPACE INDUSTRIEL MAROCAIN : UNE PRIORITE


AFFICHEE DEPUIS UNE TRENTAINE D’ANNEES
L’économie mondiale se caractérise actuellement par une situation d’extrême instabilité. La
turbulence, qui s’en suit et qui frappe les pays développés et en voie de développement,
invite à l’émergence d’une certaine « agitation économique », par la présence de
phénomènes de localisation ou de délocalisation des activités productives, transformant ainsi
les économies locales, régionales voire nationales.
Durant ces trente dernières années, l’agglomération industrielle a représenté l’un des modes
de structuration par excellence de l’espace industriel marocain. Le quartier industriel, fût
néanmoins la première forme de concentration des industries, il regroupe majoritairement
des petites et moyennes entreprises (PME) et des toutes petites entreprises (TPE). On
recense plusieurs quartiers industriels au Maroc, certains d’entre eux ont marqué
profondément quelques villes, nous citons l’exemple de Fès avec le quartier industriel de
dokkarat. Ce quartier industriel regroupe des artisans du cuir, qui ont pu garder leur
renommée en matière d’authenticité des produits !
Toutefois, caractérisé par un anarchisme total en matière d’aménagement du territoire, la
présence de ces quartiers ne favorise nullement la décentralisation industrielle. Une
première tentative de réorganisation de l’espace industriel fut alors tentée par Michel
Ecochard, dans les années 40. L’idée a été de décongestionner les villes principales comme
Casablanca, en développant des pôles régionaux qui auraient comme effet de freiner
l’exode des migrants vers la ville de Casablanca (Adidi, 2009). Toutefois, ce n’est qu’à partir
des années 80, qu’on retrouve les premières formes d’espaces industriels, élaborées d’une
manière volontaire par les pouvoirs publics, et établies dans le cadre du programme national
d’aménagement des zones industriels (Pnazi). Ce programme propose des lots industriels
aux entrepreneurs ayant une volonté d’investir dans le secteur des industries ou des
services.
La zone industrielle représente une plateforme d’accueil des industries qui a pour objectif de
faire bénéficier les acteurs économiques d’avantages générés par le faible coût des terrains
proposés. Ces zones confient, de même, aux nouveaux investisseurs des lots viabilisés et
aménagés en matière de voiries, réseaux, énergie, etc.
Depuis 1980, et suite à un souci de structuration de l’espace industriel par l’Etat marocain, le
nombre des sites d’accueil des investissements prend ampleur et concerne différents
secteurs d’activité économique. Le dénombrement des espaces à vocation industrielle est
dans une commune mesure difficile à appréhender dans le cas où actuellement le processus
s’inscrit dans un effet boule de neige !
D’autres concepts sont venus enrichir la zone industrielle, il s’agit notamment de la zone
d’activité économique, la friche industrielle, les sites à vocation industrielle, la zone franche,
le Technoparc, etc.

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Tableau 1 : Répartition des espaces industriels par région du Maroc au 31 mars 2007

zone
Région Zone Technoparc
industrielle, quartier unité et zone zone
d'activité technopole
administrative site ou industriel touristique franche
économique technopolis
friche

Oued
Ed Dahab
Laguouira 0
Laayoune
Boujdour Sakia
El hamra 1
Guelmim Es
Smara 4 1
Souss Massa
Draâ 5 3 3
Gharb Chrarda
Beni hssen 6
Chaouia
Ouardigha 7
Marrakech
Tensift Al Haouz 4 4 4
Région de
l'Oriental 5 1

Grand
Casablanca 50 2

Rabat Salé
Zemmour Zaër 13 1
Doukala Abda 5
Tadla Azilal 1
Meknès Tafilalet 10 7
Fès Boulemane 21
Taza Al
Hoceima
Taounate 4
Tanger Tétouan 6 2
Source : Direction des investissements

La localisation des zones et activités industrielles au niveau des régions au Maroc est très
disparate. Concernant la répartition des zones industrielles, la seule région du Grand
Casablanca accapare près de 50 zones industrielles. Cette dominance s’explique par la
vocation de la « capitale économique » attribuée à la ville de Casablanca, de même que la
forte demande adressée à ce territoire par les investisseurs qui y voient un territoire
pertinent.

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Sur le plan de la spécialisation territoriale, un autre classement se présente, dégageant


plusieurs agglomérations d’activités économiques1 qui naissent d’une d’histoire productive
différente selon les territoires, et sont repérées au niveau des villes et des filières suivantes :
- Agadir : pour les agglomérés et le ciment, la transformation des produits de la pêche
et la réparation navale ;
- Guelaia : pour les articles dérivés du fil de machine ;
- Fès : pour la céramique, le tannage et la production de chaussures en cuir, pour la
filature de coton et autres fibres et la confection de vêtements moderne ;
- Nador : pour la transformation des produits de la mer, les matériaux de construction
en terre cuite ;
- Safi : pour la transformation des produits de la mer ;
- Marrakech : pour les conserves de fruits et légumes, les farines de semoule et de
céréales ;
- Meknès : pour les farines de semoule et de céréales, et pour la confection de
vêtements ;
- Casa Aïn Chock Hay Hassani : pour la bonneterie et la confection de vêtements ;
- Casa Aïn Sbaâ Hay Mohammadi : pour la confection de lingerie et celle des
vêtements ;
- Casa Al Fida Berb Sultan : pour la confection de lingerie et d’étoffes ;
- Casa Ben Msik Sidi Othmane : pour la bonneterie et la confection de vêtements ;
- Casa Anfa : pour la maroquinerie de voyage et les chaussures en cuir, la bonneterie,
la lingerie, chemiserie et vêtements ;
- Casa Sidi Bernoussi : pour la fabrication de chaussures en cuir, la bonneterie, la
confection de lingerie et de vêtements, la chaudronnerie tôlerie ;
- Rabat : pour la confection de vêtement ;
- Salé : pour la confection de vêtements ;
- Kénitra : pour les agglomérés et le ciment ;
- Tanger : pour les articles d’ameublement et lingerie, le tissage du coton et autres
fibres, la bonneterie et la confection de vêtements, la fabrication de chaussures en
cuir ;
- Tétouan : pour les agglomérés et le ciment, les matériaux de construction et terre
cuite.

3 DES PROGRAMMES INDUSTRIELS ORIENTES VERS LE DEVELOPPEMENT


TERRITORIAL ET UNE SPECIALISATION PRODUCTIVE
La politique industrielle représente l’ensemble des mesures élaborées par un gouvernement
pour améliorer la compétitivité des entreprises. Cette politique diffère selon que l’on opte ou
non pour la valorisation des potentiels territoriaux pour impulser une dynamique fiable au
développement des territoires. Dans le cas du Maroc, cet enjeu a progressivement fait sa
place dans les plans d’action, en affirmant la nécessité de constituer des îlots de
compétitivité spécialisés.

1
D’après l’étude de la Direction de l’Aménagement du Territoire, sur les bassins d’emploi et les SPL au Maroc.

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La trajectoire de la politique industrielle au Maroc, depuis l’indépendance, montre qu’au


départ, le point dominant des stratégies proposées se confine dans une approche purement
réceptacle des investissements ou d’amélioration de la compétitivité économique. Trois
tournants majeurs caractérisent cette politique : il s’agit, en premier lieu, des actions basées
sur les industries de base, ensuite une politique d’importation-substitution, et enfin une
politique de diversification des exportations. Il s’ensuit de ces politiques, une prolifération de
la « plantation » de sites d’accueil des investissements à vocation industrielle au niveau de
l’ensemble du Maroc.
Pendant longtemps, cette politique de masse s’est accentuée sur la satisfaction de la
demande de plus en plus importante des investisseurs, croisée à un déficit en lots
disponibles à l’investissement. L’élément géographique et économique, sont les deux
arguments de cette politique industrielle, en accordant une large distribution régionale des
terrains à un prix compétitif.
Le programme national d’aménagement industriel (Pnazi), lancé dans les années 80, avait
comme objectif de proposer les pré-requis nécessaires pour investir dans les meilleures
conditions. L’analyse du Pnazi permet toutefois de constater l’existence d’un système
régulateur défaillant du dispositif institutionnel. Les zones industrielles proposées sont
souvent dans un état dérisoire ou se confrontent à plusieurs obstacles. Le résultat a été des
manipulations illégales et spéculatives sur les terrains à la limite du chaos. Les lots
industriels étaient reconduits en zones d’habitation ou soit à la réalisation d’opportunités
financières comme l’hypothèque des terrains par les investisseurs. De même que les lots,
proposés par le programme d’aménagement des zones industrielles, ne répondaient que
partiellement à la demande effective dans les régions attractives du Maroc (l’axe altantique,
les deux pôles de Tanger et de Kénitra- Rabat- Casablanca-El Jadida) (Piermay, 2009).
La recherche d’économies en termes de coût de transport ou d’agglomération, qui poussent
les entrepreneurs à se rapprocher les uns des autres ou à constituer des pôles de
concentration, engendrent un aménagement du territoire traçant de nouvelles configurations
économiques territoriales. Cette « agitation économique » est aujourd’hui soulignée. La
régulation industrielle s’est faite à travers des plans d’actions successives qui invitent à
constater le manque d’actions qui visent en effet à freiner les dynamiques d’activités ou les
phénomènes de délocalisation probables.
La nouvelle ère du territoire ou la revanche des territoires s’illustrent, au Maroc, par des
actions de spécialisation productive en faveur des petites et moyennes entreprises, dans le
cadre du pacte national de l’émergence industrielle ou de la politique de construction des
SPL. Le pacte national de l’émergence industrielle, et avant lui le plan émergence, invitent à
une recomposition des territoires selon la logique des spécialisations productives :
l’automobile, l’agro-alimentaire, les produits de la mer, l’offshoring, etc, dans la perspective
d’un développement territorial.
Vu la phase encore embryonnaire de la mise en application de cette politique d’action, il est
difficile d’estimer les éventuels retombées du projet sur les territoires. Toutefois, quelques
questionnements s’imposent. Avec le pacte de l’émergence, le Maroc s’est engagé dans une
politique d’aménagement des pôles de compétitivité (exemple du Technopolis de Rabat qui
intègre le secteur des nouvelles technologies) avec la volonté d’affirmer sa place dans le
secteur des industries de la connaissance. La recherche d’une attractivité du territoire, et à
travers elle une compétitivité territoriale, représenterait in facto les soubassements de cette
approche par la polarisation des activités. Ainsi pour assurer la dialectique, attractivité et
développement, ce projet propose quatre piliers essentiels de «l’économie de la
connaissance », il s’agit notamment :
• Des technologies de l’information et de la communication (e-development, e-
administration, e-sourcing, e-procurement, etc.) ;
• Des systèmes d’innovation (R&D, articles scientifiques et techniques publiés, dépôt
de brevets et de marques, etc.) ;

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• Des institutions économiques et politiques (diminution des barrières douanières, état


de droit, respect de la propriété intellectuelle, etc.) ;
• D’éducation (alphabétisation, enseignement secondaire et supérieur, etc.).
L’état actuel montre un faible taux de présence des investissements au niveau du
Technopolis, 18 entreprises seulement. Ainsi, se pose la question de leur capacité à
propulser une dynamique de l’agglomération de Rabat Salé ? La spécialisation des territoires
soulève la question de la compétitivité et, par là, la capacité des territoires à attirer les
investissements et à limiter les délocalisations. Depuis longtemps, la ville de Casablanca,
occupe la première place dans le classement des industries manufacturières au Maroc,
considérée alors comme le pôle par excellence de l’économie marocaine. Ce nouveau pôle
de compétitivité va-t-il pouvoir freiner la fuite des investissements vers cette métropole ?
En outre, le tissu productif, moteur de croissance de l’économie locale, intéresse
massivement les pouvoirs publics. Actuellement, le développement territorial est recherché
souvent comme objectif des projets structurants du pays comme cela est le cas de Tanger
Med. Située au Nord du Maroc, dans la région de Tanger-Tétouan, le projet Tanger Med, se
caractérise par la création d’un territoire qui lui est totalement dédié, à savoir une zone
spéciale de développement. Cette zone est gérée par l’Agence Spéciale Tanger
Méditerranée (TMSA) qui a une parfaite autonomie vis-à-vis des objectifs lui étant assignés.
La zone spéciale de développement est située sur deux provinces de créations récentes
dans la province de Fahs Anjra et celle de M’Diq Fnidq, occupant une superficie de 500 km2.
Cette zone regroupe les communes rurales de Malloussa, Ksar Sghir, Ksar El Majaz et
Taghramt.
Le projet Tanger Med propose de développer « des zones spécialement aménagées pour
les activités touristiques, à réaliser ses missions dans le respect de l’environnement, de la
biodiversité et des normes du développement durable et à mener des actions de promotion
sociale et culturelle au profit des collectivités locales et des populations de la zone
d’intervention ». Le projet évoque une ambition de réaliser un développement territorial
intégré. Ce concept implique la participation active de l’ensemble des acteurs locaux dans le
processus de développement, ce qui n’est pas le cas de Tanger Med. Selon certains
auteurs, il évolue sans une véritable connexion aux territoires concernés (kadiri, 2010).

4 DES PROGRAMMES INDUSTRIELS LAISSANT TOUTEFOIS PLACE A LA


CONTROVERSE
4.1 Localisation des activités et approche par les SPL
Les enjeux auxquels les territoires sont confrontés aujourd’hui, appellent à une
reconfiguration des relations entre entreprises sous la forme de SPL, des synergies
s’imposent et demeurent comme le montrent bon nombre d’exemples étrangers (districts
industriels italien), une issue vers la réussite économique. Benko et lipietz (2000) parlent,
dans ce cas, de territoires gagnants.
Le SPL permet, en effet, un ancrage territorial, de même qu’il représente généralement un
catalyseur du développement et de la performance économique des entreprises qui le
forment. En Italie par exemple, il a été prouvé que l’appartenance à un district accroissait la
rentabilité des entreprises de 2 à 4%, en moyenne, du fait des économies d’agglomération
créées par les SPL (OCDE., DATAR, 2001, p.8). Les entreprises d’un SPL profitent de
bassins de main d’œuvre spécialisée, de services aux entreprises et d’idées, etc. Ce qui
n’est pas le cas d’entreprises isolées les unes des autres.
Il est toutefois réducteur de dire qu’il s’agit de la manière la plus adéquate pour préserver les
investissements des effets de délocalisation. Le système productif local représente le
concept le plus sollicité par l’intervention des pouvoirs publics marocain dans le cadre des
politiques de développement territorial. Selon Courlet, il représente : « une configuration
d’entreprises regroupées dans un espace de proximité autour d’un métier, voire de plusieurs

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métiers industriels ou tertiaires. Les entreprises entretiennent des relations entre elles et
avec le milieu socio-culturel d’insertion. Ces relations ne sont pas seulement marchandes,
elles sont aussi informelles et produisent des externalités positives pour l’ensemble des
entreprises. Le métier industriel dominant n’exclut pas la possibilité de l’existence (au sein
d’un SPL) de plusieurs branches industrielles. Souvent, on fait référence à des systèmes de
PME ; cependant, il existe aussi des relations très territorialisées entre grandes entreprises
et PME (dans un rapport autre que celui de la sous-traitance traditionnelle)» (Courlet, 2001).
Depuis les années 90, l’Etat marocain donne une importance à la promotion des PME, qui
représente plus de 90% du tissu productif, notamment avec des mesures et actions d’appui
et d’assistance à la « construction » des réseaux de coopération. On constate ainsi la prise
de conscience d’impulser une dynamique territoriale qui assure au territoire un
développement endogène. L’action conjointe du ministère du commerce et de l’industrie en
collaboration avec l’ONUDI propose aux acteurs locaux une meilleure organisation de la
filière de production ainsi que de la chaîne de valeur. C’est le cas des filières du thuya à
Essaouira, de la poterie à Safi et de l’artisanat du cuir à Fès.
Les SPL donnent au territoire un nouveau rôle. Dans une économie de plus en plus
globalisée, marquée par la concurrence internationale, la proximité des individus et/ou des
firmes dans un espace déterminé, constitue la composante essentielle du processus de
développement local. Si l’on considère le caractère socioéconomique du SPL, comme le
souligne Desjardins (2009), « Le caractère « socio-économique » des districts industriels et
des Systèmes Productifs Locaux (SPL) aboutit à considérer un recouvrement du territoire et
de l’organisation productive formé par les réseaux de petites entreprises, puisque ceux-ci
sont issus de réseaux sociaux basés sur une identité partagée à l’échelle d’un territoire.
L’étape suivante du raisonnement peut être l’assimilation du territoire à une forme
d’organisation productive marquée par des règles partagées par tous les acteurs d’un
territoire et l’existence d’un dedans et d’un dehors, d’une « frontière » territoriale de cette
organisation en réseau », on constate clairement qu’au Maroc, l’identité culturelle ou encore
les valeurs locales, sont évincées dans les critères d’identification et de construction de SPL.
Ce concept projette le développement d’espaces identifiés selon des indicateurs qui ne
répondent pas toujours aux pré-requis de la notion avancée. En effet, l’identification des
agglomérations porte sur des lieux où une activité est exercée dans 5 établissements
productifs au moins; représente au niveau local 100 emplois au moins; représente 5% au
moins de l’emploi de l’activité au niveau du Maroc; et enfin représente 5% au moins de
l’emploi industriel local. Sur cette base, il est identifié un modèle chiffré d’organisation
industrielle localisée, éventuel outil des politiques publiques mais ne remplissant que
partiellement les caractéristiques propres à un SPL.
La problématique de l’attractivité des territoires est la donne privilégiée de ce nouveau siècle.
De sa définition, il représente la capacité à pouvoir attirer les différents facteurs de
production comme les investissements ou la main d’œuvre, les acteurs économiques
recherchent, dans ce cas, un avantage concurrentiel. Les critères d'attractivité sont des
variables de localisation qui agissent sur les décisions de localisation des entreprises.
Garder les nouvelles localisations dans un contexte de mondialisation des échanges et des
territoires, représente un enjeu de taille. Il apparaît parallèlement avec la reconnaissance du
local comme maillon central des politiques d’appui étatique au Maroc.
Les nouvelles configurations productives territoriales qui émergent au Maroc, sont
« issues », d’une politique volontariste étatique d’agglomération et de polarisation des
activités économiques qui adopte le concept SPL sans pour autant l’adapter. Ce qui n’aboutit
généralement pas aux résultats escomptés. Les comportements relationnels de coopération
locale « réussis » sont issus des volontés de solidarité et d’entraide entre les populations
d’une même localité. Ils figurent dans certaines régions, comme le Souss Massa Draâ, parmi
les arrangements sociaux des sociétés tribales. Les institutions traditionnelles ont été

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reprises dans les nouvelles configurations productives, avec l’émergence des coopératives
productives (Askour, 2009).
4.2 SPL, territoires productifs : autant de concepts en mal d’appréhension !
La notion de territoire propose un large spectre de conceptions, il signifie notamment un
territoire politique, un territoire administratif, un territoire de vie, ou un territoire de projet.
Mais, le territoire représente également un espace de structuration de relations de
connexions entre agents économiques. Il est définit comme : «une construction aléatoire
d'agents localisés structurés en un réseau de relation » (Rallet, 1993, p.370).
La reconnaissance du rôle du territoire s’est faite avec l’émergence de formes
d’organisations localisées spécifiques dans les pays développés mais également en voie de
développement. C’est dans les années 80, que le territoire apparaît pour la première fois
dans la science économique avec notamment l’école néo-marshallienne représentée par des
économistes italiens. Au niveau de ce paradigme, la conception de l’espace limitée à une
distance entre les lieux se voit substituer par une conception plus large à savoir une
composante du territoire.
La problématique de la localisation des investissements impose de questionner la
signification donnée au territoire, et par lequel le Maroc est passé d’un modèle centré sur
une action d’aménagement des sites d’accueil industriel à un système basé sur
l’encouragement à des synergies entre acteurs locaux dans la perspective d’impulser un
développement territorial.
L’application de cette définition au cas marocain révèle un constat mitigé. En effet, une
polysémie de la notion de territoire se retrouve dans les outils d’intervention mobilisés. Le fait
est que les institutionnels se prête souvent à une démarche qui omet parfaitement les
soubassements et caractéristiques de la notion de territoire, à savoir les trois composantes
suivantes : l’activité, la population et l’espace, pour la confiner à une proximité géographique.
La situation est telle, qu’aujourd’hui on assiste à une confusion au niveau des concepts
avancés au Maroc. On parle de territoire de projet, de territoire pertinent, de SPL, de réseaux
de coopération productive, de pôle de compétitivité et actuellement de territoire productif. La
problématique est moins celle des contenus accordés aux concepts que celle des cas
similaires dénommés différemment. Le débordement existerait également sur le plan des
concepts « approuvés » par la littérature scientifique ! Le SPL, le district industriel, le district
technologique, les milieux innovateurs, les aires de spécialisation sont des variantes du SPL
mais ayant des caractéristiques similaires dans l’approche retenue pour les catégoriser à
savoir une proximité organisationnelle et une proximité institutionnelle. Autant de définitions
qui rendent difficile la détermination des réels contours des phénomènes de coopération
localisée au Maroc et ailleurs.
Afin d’éviter cette déperdition du cadre conceptuel, qui risque de s’étendre sur
l’appréhension du phénomène d’agglomération, certains chercheurs préfèrent s’abstenir de
donner un concept supplémentaire en plus de la pléiade de concepts déjà proposés, mais
d’identifier les écarts par rapport au concept de district marshallien.

5 CONCLUSION
Les changements dans les politiques d’action industrielles que connaît le Maroc
actuellement confirment l’hypothèse d’un renversement du modèle économique cantonnée
dans l’argument économique vers un modèle centré sur la réalisation d’un développement
territorial.
La logique territoriale « entreprise » par les pouvoirs publics au Maroc dessine une nouvelle
configuration de l’action étatique décentralisée. On peut alors parler d’un renversement du
modèle dominant, de l’Etat régulateur vers un Etat accompagnateur notamment dans la
construction des SPL au Maroc.

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Le territoire semble prendre sa revanche au fil des ans. Le développement territorial revêt
l’un des objectifs prioritaires visés par ce nouveau modèle en place. Toutefois, la polémique
s’installe, à l’issue de cette analyse, nous avons fait le constat que les logiques de
développement territorial, tirée des objectifs avancées par les politiques publiques au Maroc,
inscrivent des confusions conceptuels non forcement voulues. Tantôt, il suppose
l’émergence de territoires émergents (territoire productif), tantôt des initiatives territoriales
proposées et construites par les acteurs locaux (projet de territoire), et tantôt la coopération
des acteurs locaux dans la valorisation des filières de production (pôle de compétitivité,
SPL).

6 BIBLIOGRAPHIE
• Articles
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