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ASKOUR Khadija
Résumé :
Dans le passé, la politique de la localisation des investissements se focalisait sur la
satisfaction d’une demande de terrains industriels. L’objectif étant de répondre à la forte
demande des entrepreneurs, cherchant des conditions favorables pour le développement de
leurs activités. A partir des années 2000, la situation s’est renversée. La place des territoires
est perçue dans les politiques publiques comme prioritaire à travers la recherche d’un
développement territorial. Elle s’est déclinée dans les différents programmes des ministères
marocains, qui désormais soulèvent la question des SPL, des territoires productifs ou des
pôles de compétitivité dans leurs plans d’action. La sensibilité est telle qu’elle interroge
toutefois la dichotomie espace/territoire, en lui adossant plusieurs concepts aussi confus que
diversifiés auxquels faudra t il peut être réfléchir à leur « contextualisation » !
Mots clés :
1 INTRODUCTION
Aborder la problématique de la localisation des activités économiques, c’est partir du constat
que les territoires sont de plus en plus compétitifs et qu’aujourd’hui l’enjeu de l’attractivité
des investissements est de taille vis-à-vis d’une économie de plus en plus mondialisée.
L’ouverture des frontières et les niveaux de compétitivité exigés poussent les entreprises à
s’implanter sur des espaces « pertinents », et de là à forger de nouveaux territoires
productifs. Ce schéma renvoie à l’émergence de mobilités économiques insaisissables.
Parallèlement à ce phénomène, l’Etat ambitionne l’outil « territoire » comme un instrument
de développement. La notion de territoire est alors façonnée et retravaillée de sorte à
pouvoir constituer un espace cohérent et structuré pour représenter la zone d’influence d’une
politique de développement territorial.
La dynamique des activités productives observée au Maroc invite ainsi à questionner les
politiques incitatives de localisation des investissements, lancées par l’Etat, dans la
perspective du développement et de l’attractivité des territoires. Le territoire se retrouve au
centre des interrogations. Le point de départ de notre analyse, sera de considérer le territoire
comme un lieu de coordination, de coopération et d’action, à travers lesquelles se
conjuguent les conditions d’un ancrage territorial. C’est également un lieu où se construisent
des configurations économiques territoriales spécifiques sous la forme de réseau de
coopération.
De telles configurations économiques territoriales se dessinent au Maroc notamment à
travers l’initiative étatique entamée dans la construction de système productif local (SPL) (la
filière du thuya à Essaouira et la filière poterie à Safi) ou le développement des pôles de
compétitivité (exemple du Technopolis de Rabat). Ainsi, dans quel paradigme peut-on
intégrer ce nouveau modèle institutionnel observé? Y a t-il une réelle perspective d’ancrage
territorial des activités économiques?
Les phénomènes d’agglomération industrielle, remonte à plus d’une centaine d’années.
L’économiste Alfred Marshall évoqua, dans les années 1920, la présence à Sheffield en
Angleterre, de phénomènes de « réseautage » dans la coutellerie. Il avança la notion
d’industries localisées pour dénommée le phénomène observé, pour ensuite avancer la
notion de district industriel, c'est-à-dire que l’ensemble de la zone profite des avantages en
termes de coûts de production du fait de la concentration d’activités qui s’y exercent (Courlet,
2001).
Ce type d’organisation se retrouve actuellement un peu partout dans le monde et concerne
les pays développés et également les pays en voie de développement. On revient à
supposer que les politiques étatiques engagées au Maroc, depuis les années 80, s’efforcent
à « restructurer » la localisation des investissements pour progressivement reprendre le
schéma à la marshallienne. Cette politique s’inscrirait dans le paradigme du « bannissement
de l’entreprise fordiste individuelle » vers un nouveau mode d’intervention basée sur la
promotion de la concentration industrielle et la coopération localisée.
Pour répondre aux questionnements posés, on abordera les politiques d‘agglomération
industrielle, lancées par l’Etat marocain depuis les années 2000, dans une démarche de
valorisation et de promotion des activités économiques, et cela afin d’identifier les possibles
mécanismes mobilisés dans le développement des territoires. Il s’agit, de ce fait, de soulever
la problématique de la dichotomie espace/territoire au niveau des politiques publiques et
notamment de la politique industrielle.
Ainsi, dans un premier temps, nous évoquons les actions étatiques lancées dans le cadre
d’une politique industrielle diversifiée. Cette diversité nous amène à interroger leur origine
mais aussi leur nature. Ensuite, nous centrons l’analyse sur la tendance des politiques
publiques à s’orienter vers des actions de développement territorial. Ce constat invite à
réorienter l’analyse sur les réels objectifs du développement recherché, dans la polarisation
des investissements. Et enfin, dans un dernier point, nous proposons d’aborder la pluralité
des concepts avancés au Maroc pour nommer les nouvelles configurations économiques
territoriales, et de souligner la confusion dans la nomination du phénomène d’agglomération
apparent.
Tableau 1 : Répartition des espaces industriels par région du Maroc au 31 mars 2007
zone
Région Zone Technoparc
industrielle, quartier unité et zone zone
d'activité technopole
administrative site ou industriel touristique franche
économique technopolis
friche
Oued
Ed Dahab
Laguouira 0
Laayoune
Boujdour Sakia
El hamra 1
Guelmim Es
Smara 4 1
Souss Massa
Draâ 5 3 3
Gharb Chrarda
Beni hssen 6
Chaouia
Ouardigha 7
Marrakech
Tensift Al Haouz 4 4 4
Région de
l'Oriental 5 1
Grand
Casablanca 50 2
Rabat Salé
Zemmour Zaër 13 1
Doukala Abda 5
Tadla Azilal 1
Meknès Tafilalet 10 7
Fès Boulemane 21
Taza Al
Hoceima
Taounate 4
Tanger Tétouan 6 2
Source : Direction des investissements
La localisation des zones et activités industrielles au niveau des régions au Maroc est très
disparate. Concernant la répartition des zones industrielles, la seule région du Grand
Casablanca accapare près de 50 zones industrielles. Cette dominance s’explique par la
vocation de la « capitale économique » attribuée à la ville de Casablanca, de même que la
forte demande adressée à ce territoire par les investisseurs qui y voient un territoire
pertinent.
1
D’après l’étude de la Direction de l’Aménagement du Territoire, sur les bassins d’emploi et les SPL au Maroc.
métiers industriels ou tertiaires. Les entreprises entretiennent des relations entre elles et
avec le milieu socio-culturel d’insertion. Ces relations ne sont pas seulement marchandes,
elles sont aussi informelles et produisent des externalités positives pour l’ensemble des
entreprises. Le métier industriel dominant n’exclut pas la possibilité de l’existence (au sein
d’un SPL) de plusieurs branches industrielles. Souvent, on fait référence à des systèmes de
PME ; cependant, il existe aussi des relations très territorialisées entre grandes entreprises
et PME (dans un rapport autre que celui de la sous-traitance traditionnelle)» (Courlet, 2001).
Depuis les années 90, l’Etat marocain donne une importance à la promotion des PME, qui
représente plus de 90% du tissu productif, notamment avec des mesures et actions d’appui
et d’assistance à la « construction » des réseaux de coopération. On constate ainsi la prise
de conscience d’impulser une dynamique territoriale qui assure au territoire un
développement endogène. L’action conjointe du ministère du commerce et de l’industrie en
collaboration avec l’ONUDI propose aux acteurs locaux une meilleure organisation de la
filière de production ainsi que de la chaîne de valeur. C’est le cas des filières du thuya à
Essaouira, de la poterie à Safi et de l’artisanat du cuir à Fès.
Les SPL donnent au territoire un nouveau rôle. Dans une économie de plus en plus
globalisée, marquée par la concurrence internationale, la proximité des individus et/ou des
firmes dans un espace déterminé, constitue la composante essentielle du processus de
développement local. Si l’on considère le caractère socioéconomique du SPL, comme le
souligne Desjardins (2009), « Le caractère « socio-économique » des districts industriels et
des Systèmes Productifs Locaux (SPL) aboutit à considérer un recouvrement du territoire et
de l’organisation productive formé par les réseaux de petites entreprises, puisque ceux-ci
sont issus de réseaux sociaux basés sur une identité partagée à l’échelle d’un territoire.
L’étape suivante du raisonnement peut être l’assimilation du territoire à une forme
d’organisation productive marquée par des règles partagées par tous les acteurs d’un
territoire et l’existence d’un dedans et d’un dehors, d’une « frontière » territoriale de cette
organisation en réseau », on constate clairement qu’au Maroc, l’identité culturelle ou encore
les valeurs locales, sont évincées dans les critères d’identification et de construction de SPL.
Ce concept projette le développement d’espaces identifiés selon des indicateurs qui ne
répondent pas toujours aux pré-requis de la notion avancée. En effet, l’identification des
agglomérations porte sur des lieux où une activité est exercée dans 5 établissements
productifs au moins; représente au niveau local 100 emplois au moins; représente 5% au
moins de l’emploi de l’activité au niveau du Maroc; et enfin représente 5% au moins de
l’emploi industriel local. Sur cette base, il est identifié un modèle chiffré d’organisation
industrielle localisée, éventuel outil des politiques publiques mais ne remplissant que
partiellement les caractéristiques propres à un SPL.
La problématique de l’attractivité des territoires est la donne privilégiée de ce nouveau siècle.
De sa définition, il représente la capacité à pouvoir attirer les différents facteurs de
production comme les investissements ou la main d’œuvre, les acteurs économiques
recherchent, dans ce cas, un avantage concurrentiel. Les critères d'attractivité sont des
variables de localisation qui agissent sur les décisions de localisation des entreprises.
Garder les nouvelles localisations dans un contexte de mondialisation des échanges et des
territoires, représente un enjeu de taille. Il apparaît parallèlement avec la reconnaissance du
local comme maillon central des politiques d’appui étatique au Maroc.
Les nouvelles configurations productives territoriales qui émergent au Maroc, sont
« issues », d’une politique volontariste étatique d’agglomération et de polarisation des
activités économiques qui adopte le concept SPL sans pour autant l’adapter. Ce qui n’aboutit
généralement pas aux résultats escomptés. Les comportements relationnels de coopération
locale « réussis » sont issus des volontés de solidarité et d’entraide entre les populations
d’une même localité. Ils figurent dans certaines régions, comme le Souss Massa Draâ, parmi
les arrangements sociaux des sociétés tribales. Les institutions traditionnelles ont été
reprises dans les nouvelles configurations productives, avec l’émergence des coopératives
productives (Askour, 2009).
4.2 SPL, territoires productifs : autant de concepts en mal d’appréhension !
La notion de territoire propose un large spectre de conceptions, il signifie notamment un
territoire politique, un territoire administratif, un territoire de vie, ou un territoire de projet.
Mais, le territoire représente également un espace de structuration de relations de
connexions entre agents économiques. Il est définit comme : «une construction aléatoire
d'agents localisés structurés en un réseau de relation » (Rallet, 1993, p.370).
La reconnaissance du rôle du territoire s’est faite avec l’émergence de formes
d’organisations localisées spécifiques dans les pays développés mais également en voie de
développement. C’est dans les années 80, que le territoire apparaît pour la première fois
dans la science économique avec notamment l’école néo-marshallienne représentée par des
économistes italiens. Au niveau de ce paradigme, la conception de l’espace limitée à une
distance entre les lieux se voit substituer par une conception plus large à savoir une
composante du territoire.
La problématique de la localisation des investissements impose de questionner la
signification donnée au territoire, et par lequel le Maroc est passé d’un modèle centré sur
une action d’aménagement des sites d’accueil industriel à un système basé sur
l’encouragement à des synergies entre acteurs locaux dans la perspective d’impulser un
développement territorial.
L’application de cette définition au cas marocain révèle un constat mitigé. En effet, une
polysémie de la notion de territoire se retrouve dans les outils d’intervention mobilisés. Le fait
est que les institutionnels se prête souvent à une démarche qui omet parfaitement les
soubassements et caractéristiques de la notion de territoire, à savoir les trois composantes
suivantes : l’activité, la population et l’espace, pour la confiner à une proximité géographique.
La situation est telle, qu’aujourd’hui on assiste à une confusion au niveau des concepts
avancés au Maroc. On parle de territoire de projet, de territoire pertinent, de SPL, de réseaux
de coopération productive, de pôle de compétitivité et actuellement de territoire productif. La
problématique est moins celle des contenus accordés aux concepts que celle des cas
similaires dénommés différemment. Le débordement existerait également sur le plan des
concepts « approuvés » par la littérature scientifique ! Le SPL, le district industriel, le district
technologique, les milieux innovateurs, les aires de spécialisation sont des variantes du SPL
mais ayant des caractéristiques similaires dans l’approche retenue pour les catégoriser à
savoir une proximité organisationnelle et une proximité institutionnelle. Autant de définitions
qui rendent difficile la détermination des réels contours des phénomènes de coopération
localisée au Maroc et ailleurs.
Afin d’éviter cette déperdition du cadre conceptuel, qui risque de s’étendre sur
l’appréhension du phénomène d’agglomération, certains chercheurs préfèrent s’abstenir de
donner un concept supplémentaire en plus de la pléiade de concepts déjà proposés, mais
d’identifier les écarts par rapport au concept de district marshallien.
5 CONCLUSION
Les changements dans les politiques d’action industrielles que connaît le Maroc
actuellement confirment l’hypothèse d’un renversement du modèle économique cantonnée
dans l’argument économique vers un modèle centré sur la réalisation d’un développement
territorial.
La logique territoriale « entreprise » par les pouvoirs publics au Maroc dessine une nouvelle
configuration de l’action étatique décentralisée. On peut alors parler d’un renversement du
modèle dominant, de l’Etat régulateur vers un Etat accompagnateur notamment dans la
construction des SPL au Maroc.
Le territoire semble prendre sa revanche au fil des ans. Le développement territorial revêt
l’un des objectifs prioritaires visés par ce nouveau modèle en place. Toutefois, la polémique
s’installe, à l’issue de cette analyse, nous avons fait le constat que les logiques de
développement territorial, tirée des objectifs avancées par les politiques publiques au Maroc,
inscrivent des confusions conceptuels non forcement voulues. Tantôt, il suppose
l’émergence de territoires émergents (territoire productif), tantôt des initiatives territoriales
proposées et construites par les acteurs locaux (projet de territoire), et tantôt la coopération
des acteurs locaux dans la valorisation des filières de production (pôle de compétitivité,
SPL).
6 BIBLIOGRAPHIE
• Articles
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Développement durable et territoires [En ligne], Dossier 12: Identités, patrimoines collectifs
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http://developpementdurable.revues.org/index7852.html
PIERMAY J.-L., 2009, De nouveaux lieux de frontières au Maroc : la production d’espaces
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Revue Critique Economique, n°25, pp. 41-54.
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occidentales et situations maghrébines, Revue Alfa. Maghreb et sciences sociales, n°3, pp.
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• Ouvrages
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socioéconomique, Economie en liberté, PUF, Paris, 564 p.
• Communications aux colloques
10 Colloque AISRe-ASRDLF
2010
Dynamiques des activités productives et processus d’attraction des investissements
11 Colloque AISRe-ASRDLF
2010