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ÉCOLOGIE ET GÉOPOLITIQUE EN CORSE

Marianne Lefevre

La Découverte | « Hérodote »

2001/1 N°100 | pages 32 à 54


ISSN 0338-487X
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Écologie et géopolitique en Corse

Marianne Lefevre*
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Le premier rapport de synthèse des contributions et des débats au sein de la
commission des Affaires européennes de l’Assemblée de Corse, créée le 26 mars
1999 et présidée par Jean-Guy Talamoni, responsable du groupe nationaliste
Corsica Nazione, a été intégralement rendu public dans un opuscule hors série de
l’hebdomadaire indépendantiste U Ribumbu di a Corsica Nazione en juillet 2000.
Sa préface, intitulée « Pour une Corse exemplaire dans une Europe des régions »,
est réalisée par Alain Lipietz, responsable national des Verts, député européen et
directeur de recherches au CNRS, siégeant au Parlement de Strasbourg dans le
groupe Verts-Alliance libre européenne, qui rassemble des écologistes et des élus
des « peuples sans État » de régions autonomes comme les Basques espagnols, les
Flamands ou les Écossais.
Le titre de cet ouvrage, Une ambition européenne pour la Corse, et son sous-
titre, « Environnement et identité au cœur du développement », témoignent de choix
politiques régionaux incluant une dimension écologique similaire à celle que revêt
le plan de développement régional de 1993. Pourtant, dans cette île au patrimoine
naturel exceptionnel, où très tôt se sont mises en place dans les années soixante-dix,
sous l’impulsion du clan radical de gauche, des structures comme le parc naturel
régional de la Corse ou un Conseil des rivages, antenne du Conservatoire du littoral,
le mouvement écologiste I Verdi Corsi, rattaché au courant nationaliste et aux Verts
nationaux, n’ont obtenu que 1,2 % des suffrages aux élections territoriales de 1998.
Les partis politiques insulaires seraient-ils tous déjà écologistes ?
Le fait que ce document soit préfacé par un responsable national des Verts et
publié par le journal d’un mouvement politique nationaliste régional témoigne-t-il

1. Géographe, université de Perpignan, a publié Géopolitique de la Corse (L’Harmattan, 2000).

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de liens privilégiés entre l’Assemblée de Corse et les Verts, d’une part, ou entre indé-
pendantistes corses et Verts à échelle locale, nationale et européenne, d’autre part ?
Si les Verts nationaux qui condamnent régulièrement la violence en Corse sont
cependant à chaque élection européenne des alliés au sein de coalitions électorales
de formations politiques nationalistes parfois dotées d’un mouvement clandestin
politico-militaire, c’est la majorité régionale de la droite claniste et néo-claniste,
présidée par José Rossi, de Démocratie libérale, qui, par un vote groupé, a porté
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à la présidence de cette Commission des affaires européennes Talamoni, le respon-
sable de la Cuncolta Independentista, tête de file de Corsica Nazione.
La volonté commune à ces trois courants politiques de mettre en place une
Europe des régions, fédéraliste et supranationale, explique-t-elle à elle seule cette
politique consensuelle de repositionnement de l’île dans l’espace national et euro-
péen ? Comment la promotion d’une réforme institutionnelle accordant des pouvoirs
d’adaptation législative à des élus locaux revendiquant majoritairement une
« adaptation de la loi Littoral » dans l’île peut-elle avoir l’adhésion d’élus écolo-
gistes soucieux de la faire appliquer ? En quoi l’association écologie-nationalisme
peut-elle permettre de résoudre la contradiction entre exigence écologique et déve-
loppement économique ?

Les écologistes en Corse appartiennent majoritairement


à la mouvance nationaliste

Dans les années soixante-dix, vague écologiste et développement


des mouvements nationalistes

La prise de conscience qu’il fallait défendre l’environnement s’est faite préco-


cement et brutalement en Corse, indépendamment de toute idéologie, en avril
1960, lorsque le gouvernement Debré décide unilatéralement de créer un centre
d’expérimentations nucléaires souterraines dans les mines désaffectées de
l’Argentella, au sud de Calvi ; le mouvement de protestation unanime, à la mesure
de la nature et de l’ampleur du projet, est d’autant plus rapide qu’il est impulsé
par le mouvement du 29 novembre 1959, composé majoritairement et à échelle
régionale d’hommes politiques de gauche, communistes et radicaux, qui a déjà
organisé des grèves générales contre la menace de fermeture des lignes de chemin
de fer de la Corse.
En 1973, un deuxième mouvement massif de défense du patrimoine naturel
touche l’opinion publique insulaire et les Corses de l’extérieur en réaction à une
pollution marine au nord du cap Corse. Le déversement des déchets de fabrication

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du bioxyde de titane par la multinationale italienne Montedison est nocif pour les
fonds marins ; des comités anti-boues rouges fleurissent à Bastia et à Ajaccio ; une
manifestation unitaire en février 1973, avec à sa tête élus, hommes politiques,
autorités religieuses, dégénère et se termine par l’arrestation du responsable fédéral
du parti communiste, adjoint à la mairie de Bastia, et du porte-parole de l’Action
régionaliste corse. Cette mobilisation générale aboutit à la condamnation, en avril
1974, des responsables de la multinationale au procès de Livourne ; le plasticage
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du bateau de la Montedison, revendiqué par le FPCL, sera approuvé par l’opinion
publique insulaire.
Une prise de conscience du capital esthétique exceptionnel de la Corse se déve-
loppe en période de développement touristique dans les années soixante et
soixante-dix et se poursuit de nos jours. Si la « beauté écrasante » de l’île est souli-
gnée dans le rapport de l’Hudson Institute commandé par la DATAR en 1970, en
1995 la Direction générale des politiques régionales de la Commission européenne,
dans un document sur l’évolution prospective des régions de Méditerranée occi-
dentale, évalue ainsi les points forts de la Corse : variété et beauté des paysages,
richesse des écosystèmes, environnement préservé, richesse en eau, identité cultu-
relle forte, fort potentiel touristique, côte peu urbanisée.
La dimension environnementale prend place en Corse dans la politique d’amé-
nagement du territoire de certains élus du clan radical, dès la décennie soixante-
dix. Le « vieux clan » Giacobbi, originaire du Vénacais, dont l’aire d’influence est
l’intérieur de l’île, fait très tôt le choix de la conservation du milieu naturel et d’un
tourisme intégré. Le parc naturel régional de la Corse, créé en 1971, est l’œuvre
du sénateur Giacobbi, sur la base du rapport du Pr Molinier présenté le 7 février
1966 au conseil général sur « la protection et la sauvegarde des richesses naturelles
de la Corse ». Sa localisation préférentielle en zone de montagne témoigne de
cette tutelle, surtout en Haute-Corse. Il est aujourd’hui présenté comme un modèle
de « protection-développement » et de tourisme à échelle nationale et internatio-
nale. Le maire de Piana et conseiller général des Deux-Sevi, Nicolas Alfonsi,
président depuis 1976 du Conseil des rivages corse, antenne du Conservatoire du
littoral, a « fait ses preuves » : acquisitions entre autres du désert des Agriates, de
Scandola, devenue une réserve naturelle classée en 1983 au patrimoine mondial
de l’Unesco, du delta du Fango, des sites de Porto et de l’Ostriconi, de Palombaggia,
de Capo di Muro, Campomoro-Senetosa, Roccapina, du golfe de Ventilegne et des
falaises de Bonifacio, soit 14 000 hectares et 175 kilomètres de rivage (20 % du
linéaire côtier régional).
La défense de l’environnement devient un tremplin pour les nationalistes. Dans
les années soixante et soixante-dix, les régionalistes nationalistes de l’Action régio-
naliste corse, puis de l’Unione di u Populu Corsu (UPC), se déclarent attachés à

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« leur terre », au patrimoine naturel et culturel de la Corse ; ils s’opposent publi-


quement au « tout-tourisme » : refus du complexe de la Testa-Vintilegne de cent
mille lits sur les communes de Figari et de Bonifacio (projet de plus de 1 milliard
de francs prévu par la société Finenco, filiale de La Paternelle, et encouragé par
la DATAR) et du complexe touristique de Pinia à côté de Ghisonaccia (vingt mille
lits) ; puis, avec virulence, opposition au schéma d’aménagement de 1971. Dénon-
çant le risque de « baléarisation de l’île », ils exploitent le fait que la population,
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attachée à son île et à son patrimoine foncier, se sent dépossédée de sa terre.
Leur rôle est actif durant l’affaire des boues rouges. Edmond Simeoni déclare
sur le port de Macinaggio, le 3 février 1973 : « Quand un pays est ainsi menacé dans
ses intérêts vitaux, c’est une cause pour laquelle on peut aller en prison. Nous en
faisons désormais un problème régional. » Des slogans antifrançais apparaissent
dans les manifestations contre un gouvernement qui n’intervient pas au niveau
international auprès des autorités italiennes. À cette occasion, les nationalistes pren-
nent à nouveau conscience qu’une défense de l’environnement peut faire l’unani-
mité dans l’île et mobiliser une grande partie de la population insulaire, à Bastia et
à Ajaccio, contre l’État central ; ces actions entraînent l’adhésion de la jeunesse.
Des comparaisons métaphoriques sont établies entre les idéaux nationalistes, qui se
veulent purs et désintéressés, et la beauté des paysages et du patrimoine naturel de
l’île. En décembre 1966, l’éditorial du premier numéro du journal régionaliste
ARRITI présente cette publication comme une « jeune poussée de la sève magique
qui coule dans nos veines, comme un torrent dans nos belles montagnes ».
Des nationalistes commencent à militer au sein d’associations écologistes. Un
des responsables du Comité anti-boues rouges à Paris, Norbert Laredo, qui
deviendra en 1988 le leader d’I Verdi Corsi, milite au sein du GARDE (Groupe-
ment d’Ajaccio et de sa région pour la défense de l’environnement) ; le collectif
Energia Corsa est créé par les animateurs du Comité anti-Vazzio qui avait
regroupé, dès 1979, une quarantaine d’organisations contre la centrale au fuel
d’Ajaccio-Vazzio, contre le câble Ico et pour onze barrages et la mise en valeur
de l’ensemble de l’énergie renouvelable insulaire. EDF est combattue en tant
qu’instrument de domination du pouvoir central, soucieuse de ses seuls intérêts.
L’association de sauvegarde de l’environnement U Levante, créée en 1986
dans le Cortenais pour la « protection des sites », en particulier celui de la vallée
de la Restonica, présidée par Michelle Salotti, enseignante de biologie à l’univer-
sité de Corse, accuse certaines associations d’être des émanations directes ou indi-
rectes soit de l’État, comme l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie, soit
des élus locaux, à travers l’« hégémonisme du parc naturel régional pour tout ce
qui concerne la nature ». Si cette association de sauvegarde de l’environnement
cortenaise très active et motivée se déclare indépendante de tous les pouvoirs et

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rassemble des personnes de sensibilités différentes, sa présidente se présentera en


1989 en tant que membre d’I Verdi Corsi sur la liste des écologistes d’Antoine
Waechter aux élections européennes, et en 1992 sur la liste de Corsica Nazione.
Des actions illicites des formations politico-militaires nationalistes participent
à cette politique « écologiste » de défense de l’environnement insulaire. Les clan-
destins revendiquent des attentats pour « sauvegarder » le littoral et lutter contre
la spéculation immobilière et la « spoliation » de la terre corse. Les plasticages
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freinent cette exploitation touristique spéculative et représentent dans un premier
temps, pour la mouvance nationaliste, un contre-pouvoir à la volonté de mainmise
économique sur l’île venue de l’extérieur. Sur le continent, certains intellectuels
vont jusqu’à justifier l’action violente des clandestins au nom de la protection
environnementale, tout en occultant d’autres réalités de la décennie quatre-vingt :
ces plasticages et parfois ces meurtres ont lieu au bénéfice d’intérêts particuliers
à base de racket et de rachat à bas prix de biens fonciers dans un processus de
mafiosisation. L’île de Cavallo appartient toujours à des propriétaires d’intérêts
financiers non insulaires, moyennant le paiement d’un « impôt révolutionnaire » à
une organisation politico-militaire clandestine, comme le reconnaît Pierre Poggioli
dans son journal de bord d’un nationaliste corse.

Fin des années quatre-vingt : les « écolo-régionalistes » de l’UPC

Les Verts sont la « force porteuse dont nous avons besoin », déclare Max
Simeoni, leader de l’UPC. Cette organisation, qui recrute majoritairement ses mili-
tants dans la bourgeoisie urbaine bastiaise et ajaccienne et dans la microrégion rurale
du Fiumorbo, est en position de recul électoral depuis 1984, et a perdu de nombreux
militants depuis 1976, date de création du FLNC. Elle compte se régénérer grâce à
un combat écologiste susceptible de mobiliser la population. Identité ethnique et
environnement sont associés dans le programme des Verts régionalistes.
Pour les élections européennes de 1989, les nationalistes s’allient avec les Verts
autour de la défense de l’environnement : « Le combat pour la terre est l’âme du
combat pour la Corse [...]. L’exemple de la mise en valeur de la côte orientale, qui
a abouti au drame d’Aléria, impose de réfléchir aux conséquences d’une spolia-
tion organisée et généralisée » (Kyrn, 8 décembre 1989). Ils occupent specta-
culairement le domaine de Sperone, voulant faire un rappel symbolique de l’action
d’occupation de la cave d’Aléria : Sperone, où se pratique un tourisme de
luxe parfaitement intégré dans le paysage, tandis que le journal de l’UPC dénonce
la spéculation immobilière dans l’extrême Sud et les « latifundia du tourisme ».
À l’occasion des élections présidentielles, des contacts sont établis en 1988
entre les responsables de l’UPC et les Verts d’Antoine Waechter. La Cuncolta et

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l’UPC « se sont donné comme objectif de nouer des contacts avec les représen-
tants de luttes nationalistes en Europe ». L’UPC accorde au candidat écologiste
divers parrainages d’élus nationalistes, parrainages nécessaires à sa candidature,
se jugeant « positionnée favorablement par rapport à tous les mouvements natio-
nalistes, autonomistes ou régionalistes au sein de l’État français et pouvant ainsi
ramener tout le monde, les Bretons (trois mouvements), les Occitans (deux
mouvements), les Basques (trois mouvements), les Alsaciens, les Catalans, les
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Flamands, etc., derrière la liste écologique. Ce positionnement provenait d’années
de travail politique, notamment au sein de l’Alliance libre européenne, et résul-
tait donc directement de l’action de l’UPC ». Cette candidature « d’ouverture »
devient celle du nationalisme corse dans son ensemble autour de deux revendi-
cations fondamentales : la reconnaissance constitutionnelle du peuple corse et
l’autonomie interne. Antoine Waechter, « écolo-régionaliste » crédité par les
sondages de 2 % à 2,5 % d’intentions de vote, présente à Ajaccio, aux présiden-
tielles de 1988, un programme en cinq points : lutte contre la fraude électorale,
politique énergétique visant à l’autosuffisance, enseignement du corse obligatoire
de la maternelle à l’université, lutte contre le saupoudrage économique qui
conforte les clans dans leur mainmise sur le destin de l’île et mise en œuvre d’un
plan de développement autour de trois axes principaux : agriculture, énergie et
tourisme. Les nationalistes corses gagnent une nouvelle tribune régionale, mais
aussi nationale et internationale.
Max Simeoni fait alors partie de la « bande des quatre », conseil associant
quatre élus insulaires de diverses sensibilités en liaison officieuse, secrète et
continue avec le ministère de l’Intérieur durant toute la phase d’élaboration du
statut Joxe : l’UDF José Rossi, le socialiste Laurent Croce, le RPR Henri Antona
et le nationaliste Max Simeoni ; le gouvernement joue la carte d’une « troisième
voie » moderne, d’origine politique diversifiée, contre les clans traditionnels unis
dans un front de refus du statut Joxe.
Max Simeoni, aux élections européennes de 1989, se présente en troisième posi-
tion sur la liste des Verts d’Antoine Waechter. Selon le leader de l’UPC, « les Verts
sont à la recherche d’un nouveau modèle de développement. Ils représentent une
force progressiste, une force porteuse dont nous avons besoin. Notre accord est
fondamental ». Devenu député européen, il siège au groupe Arc-en-ciel au
Parlement de Strasbourg pour une représentation régionaliste. « Il y a une dimen-
sion écologique dans le combat que mène le peuple corse », déclare François
Alfonsi, responsable du parti autonomiste. En 1991, une action commune est
menée par l’UPC et le Partito Sardo indépendant pour revendiquer l’arrêt du
passage des pétroliers dans le détroit de Bonifacio ; cette alliance interrégionale et
transfrontalière se concrétise avec l’envoi d’une délégation à Rome.

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En 1994, n’étant pas retenu sur la liste des Verts en position éligible à l’élection
européenne, Max Simeoni fonde la fédération « Régions et peuples solidaires »
et constitue une liste comprenant des Corses, des Occitans, des Bretons et des
Basques, qui ne conserve qu’une échelle locale. À l’échelle régionale, I Verdi
Corsi apparaissent vers 1988, année de la campagne présidentielle ; Norbert
Laredo prône l’union des autonomistes et des indépendantistes.
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Durant la décennie quatre-vingt-dix une alliance de fait s’établit
entre nationalistes autonomistes et indépendantistes

Une politique d’union des autonomistes et des indépendantistes s’est mise en


place depuis 1985, sur le terrain électoral, aux législatives et aux régionales de
1986. Norbert Laredo et Michelle Salotti, d’I Verdi Corsi, occupent respective-
ment la vingtième et la cinquante et unième position sur la liste des Verts aux euro-
péennes de 1989.
Ces nationalistes indépendantistes craignent pour 1993 un nivellement par le
bas des acquis sociaux, un poids grandissant des multinationales dictant leurs
conditions aux États de la CEE, et sont inquiets quant à l’avenir des « petits
peuples » et des « petites nations » ; ils dénoncent le danger d’un espace judiciaire
et policier européen et l’impossibilité d’assumer au plan international des options
de neutralité réelle du fait de la supranationalité et des choix idéologiques de
Bruxelles (Kyrn, 19 août 1988). Par ailleurs, les attachés parlementaires de Max
Simeoni ne sont autres que Jean-Guy Talamoni, de la Cuncolta, et François
Santoni, dirigeant du FLNC en Corse-du-Sud, qui déclare dans un récent ouvrage
que des dirigeants d’I Verdi Corsi sont au FLNC : « La réponse des Verts est acquise
[pour la formation de la coalition de Corsica Nazione]. Leurs cadres sont en effet
des militants du Front et, pour certains, à des postes de direction » (J.-M. Rossi-
François Santoni, Pour solde de tout compte, Denoël, p. 50). Cette alliance au sein
de Corsica Nazione traduit une radicalisation du mouvement écologiste.
I Verdi Corsi constituent une formation politique nationaliste satellite. Ils ne
prennent que rarement l’initiative d’une démarche, n’agissent jamais seuls et sont
toujours associés à d’autres mouvements nationalistes ou à l’intérieur d’associa-
tions. Membres de Corsica Nazione à partir de 1992, les leaders des Verts corses
figurent toujours en bonne position aux élections sur les listes de cette coalition
nationaliste composée entre autres de la Cuncolta Naziunalista et de l’UPC. Cette
alliance donne un label écologiste à cette formation, ainsi reconnue à l’échelle natio-
nale et européenne par les Verts. Elle sera inconditionnelle de 1992 à 1998. I Verdi
Corsi cautionnent ainsi la non-condamnation de la violence par leurs partenaires.

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Aux élections territoriales de mars 1999, I Verdi Corsi font partie de la coali-
tion Uniti, qui comprend des groupements nationalistes se proclamant démocra-
tiques, comme Corsica Viva, dont des responsables ont depuis été arrêtés,
présumés coupables des attentats réalisés en plein jour contre l’URSSAF et la
DDE à Ajaccio, qui ont fait sept blessés. Puis de la coalition Unita, réunissant neuf
organisations nationalistes, dont Corsica Nazione, la Cuncolta Independentista,
l’ANC et Corsica Viva, qui ont signé un accord en quinze points à Ajaccio le
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4 octobre 1999, dans lequel elles ne rejettent pas le principe de la lutte armée. Aux
élections municipales d’Ajaccio en septembre 2000, le candidat d’I Verdi Corsi
figure à nouveau sur une liste d’union nationaliste en quatrième position.
La seule fois qu’ils se sont présentés devant les électeurs sous le sigle I Verdi
Corsi, indépendamment des autres courants nationalistes, aux élections territo-
riales de 1998, ils n’ont obtenu que 1,2 % des voix.
I Verdi Corsi participent ou cautionnent de grandes campagnes médiatiques ou
d’explosifs pour la défense de l’environnement. Dans le discours, ils associent
désormais les concepts d’identité et d’environnement, reprenant ainsi à leur
compte les principes généraux des Verts ; mais cette parole se territorialise lors-
qu’il s’agit de revendications nationalistes, comme la reconnaissance juridique du
peuple corse ou l’enseignement obligatoire de la langue corse. Leur mode d’expres-
sion publique privilégie les petits communiqués événementiels. Norbert Laredo
déplore en quelques lignes et régulièrement dans la presse locale, au début des
années quatre-vingt-dix, l’absence de plan de développement global et de schéma
d’aménagement de l’île et une poussée de plus en plus pressante à la veille de 1992
de la part des grandes sociétés aux capitaux venus d’horizons divers. Il soulève le
problème du classement du site de Roccapina et de l’île de Cavallo, de la spécula-
tion, ou des élus locaux comme ceux de Bonifacio ou Porto-Vecchio. En fait, ce
sont les associations de défense de l’environnement animées par des nationalistes
écologistes militants qui agissent sur le terrain. Comme pour l’annulation par le
préfet de région de la délibération du conseil municipal de Bonifacio relative à
la révision du POS du secteur de Piantarella-Sperone pour non-application de la
loi Littoral.
Les écologistes verts s’attribuent ainsi une victoire sur les bords de
l’Ostriconi, arrachés par un classement « à la convoitise des spéculateurs ». Une
sortie est organisée par I Verdi Corsi et les associations de protection de l’envi-
ronnement de l’extrême Sud, sur la piste de Piantarella-Sperone et sur l’île de
Cavallo à l’occasion de la Journée mondiale de la Terre du 22 avril 1990. Selon
les organisateurs, l’île de Cavallo présente en miniature les problèmes qui se
posent à la Corse à la veille de 1993, comme le non-respect de la réglementation
en matière d’urbanisme et de loi Littoral ; ils relèvent le cas du port privé du P-DG

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de Pioneer France et dénoncent la fausse légalité de projet d’aménagement d’un


port de plaisance en plein cœur de la réserve naturelle des îles Lavezzi ; ce dernier,
avec ses deux cent trente anneaux, ne sera jamais plastiqué...
Nicolas Alfonsi, président du Conseil des rivages, s’élève contre ces manifesta-
tions publiques et médiatisées : « On ne peut qu’être surpris de constater qu’en 1990
des mouvements écologistes ou nationalistes, qui soit dit en passant ont la condam-
nation ou l’indulgence sélective, puissent donner l’impression qu’ils sont les
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premiers à s’occuper d’environnement. Et j’ai eu l’occasion de préciser en d’autres
temps que je n’avais pas attendu l’ex-FLNC pour m’occuper d’environnement. Si
je ne donne pas cette information en 1990, on finirait par penser dans cinq ou dix
ans que les terrains achetés par le Conservatoire depuis maintenant quinze ans
l’auraient été après les premières manifestations des nationalistes en matière d’envi-
ronnement, c’est-à-dire seulement à partir de 1990 » (Kyrn, 8 juin 1990).
Cette campagne de mobilisation des Verts nationalistes et des associations qu’ils
animent s’articule sur deux grands thèmes porteurs : le refus du passage des pétro-
liers dans le détroit des Bouches de Bonifaccio et la politique énergétique de la
collectivité territoriale de Corse ; Norbert Laredo intervient au nom du collectif
Energia Corsa : « Le gazoduc, le fuel ou Ico, c’est la même chose. [...] Nous inscri-
vons notre action dans le fil de celle du Comité anti-Vazzio, qui s’est battu pendant
une dizaine d’années pour que soit élaboré un plan de développement énergétique
basé sur les richesses de la Corse et notamment sur l’hydro-électricité. [Il faut] faire
de la Corse “l’île des énergies renouvelables” pour l’Europe » (Kyrn, 27 avril 1990).
Une action de protection environnementale est également menée en Balagne par
le FLNC-canal historique, qui déclare par un courrier assorti de menaces envoyé aux
maires et à des entrepreneurs du bâtiment que le littoral est « inconstructible » ; d’où
un conflit avec des responsables locaux du Muvimentu Per l’Autodeterminazione,
devenus des promoteurs et dont les lotissements sur le littoral balanin sont à leur tour
plastiqués (MPA : vitrine légale du FLNC-canal habituel). Le candidat de ce mouve-
ment aux législatives de 1993 s’interroge : « Est-ce que dans ce pays seuls les assu-
jettis à l’impôt révolutionnaire ont le droit de construire ? »

Et souvent le silence

I Verdi Corsi se mobilisent rarement dans le discours et sur le terrain pour des
problèmes écologiques à forts enjeux politiques, comme lors de la vente aux
enchères de l’étang de Biguglia, au sud de Bastia, d’une étendue de 1 500 hectares,
pour la somme modique de 16,5 millions de francs, que convoite un industriel et
promoteur immobilier italien ; ou lors de la vente aux enchères de lots de la

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ÉCOLOGIE ET GÉOPOLITIQUE EN CORSE

caserne Montlaur, au cœur de la citadelle de Bonifacio, vente qui sera refusée par
le préfet Érignac, d’éventuels acquéreurs devant y investir des capitaux douteux.
Ces nationalistes écologistes restent remarquablement silencieux sur le problème
de la chasse, l’origine des incendies ou les risques d’inondations : 80 % de la popu-
lation insulaire vit dans des zones inondables (dossier de Corse Matin du
3 octobre 2000 intitulé « Une région à hauts risques ») ; un tiers des communes de
Corse, dont celles de Bastia et d’Ajaccio, sont concernées. Seulement une dizaine
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de plans de prévention des risques (PPR) pour toute la Corse sont allés au terme
de la procédure.
Lors de la campagne électorale de Corsica Nazione à l’occasion des élections
territoriales de 1992, les écologistes nationalistes ont cautionné la plus grande
pollution par bombages, affiches et inscriptions souillant le patrimoine naturel et
historique de l’île, y compris les arbres, rochers et murs des citadelles.
Le 11 mars 2000, une assemblée générale à Corte rassemble une « quarantaine
de militants présents ou représentés » (Corse Matin, 23 mars 2000). Un nouvel
exécutif se met en place, comportant dix-sept membres. Aucune précision n’est
donnée sur un programme ou sur les actions engagées ; le mouvement affirme son
« attachement à la loi Littoral » et son « soutien à la motion adoptée le 10 mars dernier
par vingt-deux élus de l’Assemblée de Corse, motion qui reconnaît l’existence du
peuple corse, communauté de destins, et revendique un pouvoir législatif corse ».

Contre l’État-nation républicain français et pour l’Europe des régions

Des revendications identitaires et institutionnelles


à la remise en question d’un aménagement à l’échelle nationale

Les revendications identitaires des écologistes nationalistes sont opposées au


concept de nation française : aux européennes de 1989, leur campagne porte sur
la défense de l’environnement avec le slogan « Pour la terre, pour la vie, pour le
peuple ». Toute la mouvance nationaliste, y compris les Verts, revendique la
reconnaissance juridique du peuple corse défini sur des bases ethnoculturelles, sur
la terre, la langue, la culture. Dans une lettre adressée le 4 juillet 1991 au ministre
des Affaires étrangères, Max Simeoni affirme que, « ethniquement, linguistique-
ment et culturellement parlant, la France est une véritable “Yougoslavie occiden-
tale” ». Demandant à Roland Dumas que la France reconnaisse les républiques
souveraines de Slovénie et de Croatie et tire profit elle-même de l’exemple yougo-
slave, il souligne qu’« il y a là, d’ailleurs, matière à réflexion pour l’État français

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HÉRODOTE

et ses gouvernants, qui continuent de nier l’évidence, l’existence des peuples


corse, breton, basque, occitan, catalan, alsacien, flamand et savoyard » (Corse
Matin, 5 juillet 1991). L’UPC s’allie avec le Partito Sardo d’Azione, dont les prin-
cipaux élus européens siègent au groupe Arc-en-ciel. Le mouvement autonomiste
tend à européaniser le problème corse et se déclare très favorable à une confédé-
ration corso-sarde.
La pétition pour la reconnaissance juridique du peuple corse, « Corses d’origine
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et Corses d’adoption », a été signée par Jean-Luc Bennahmias, secrétaire général des
Verts. Quels sont les critères qui autorisent une définition des « Corses d’origine » ?
Corses « de souche » ? Droit du sang ? Par cette alliance, les Verts cautionnent le
nationalisme d’exclusion de la Cuncolta et de Corsica Nazione, qui dans sa présen-
tation sur Internet utilise toujours le terme d’électorat « allogène ». Cette notion de
peuple et de nation est différente de celle de la France où la nation est une commu-
nauté de citoyens unis par des valeurs communes et universelles de liberté, d’éga-
lité, de fraternité.
En conséquence, les revendications institutionnelles des nationalistes reposent
sur un critère de spécificité à l’échelle de l’île. Les nationalistes verts revendiquent
au sein de Corsica Nazione l’indépendance de la Corse ; le statut particulier de
1982 et celui de Joxe en 1991 sont insuffisants : « Le projet Joxe ne correspond pas
à ce que la Corse est en droit d’attendre. En effet, le texte du projet se situe très
en retrait au regard de la situation institutionnelle des grandes îles rattachées à des
États membres de la CEE » (Kyrn, 30 novembre 1990). Pour Norbert Laredo,
qui se présente aux élections législatives de 1993 sur la liste de Corsica Nazione,
dans une circonscription de Corse-du-Sud, « l’écologie globale est étroitement liée
à la notion d’autodétermination. Elle est inséparable du développement autocentré
qui est basé sur la mise en valeur prioritaire des ressources locales dans l’intérêt
de la population du pays considéré. Notre participation à Corsica Nazione est donc
naturelle. Parallèlement, les Verts sont un mouvement qui dépasse les frontières ».
Le cadre institutionnel de la Corse doit comprendre des espaces de souveraineté
conséquents en s’inspirant des autres pays de l’Union.
Tous les organismes de décision doivent être régionaux ; une des cibles privilé-
giées des écologistes nationalistes est l’entreprise nationale de service public EDF ;
les membres d’Energia déclarent : « La mise en valeur des richesses énergétiques
locales doit être la priorité absolue dans une perspective de développement global et
de réduction de la dépendance économique. » EDF, dans leur représentation, est un
symbole du pouvoir de l’État, d’où une lutte virulente contre la centrale thermique
au fuel du Vazzio au début de la décennie quatre-vingt (un rotor destiné à la centrale
est jeté dans le port d’Ajaccio avec son camion par un commando masqué). Inver-

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ÉCOLOGIE ET GÉOPOLITIQUE EN CORSE

sement, lorsque l’Assemblée de Corse décide d’implanter une centrale thermique


au gaz dans le Fiumorbo, il est vrai moins polluante, à 90 kilomètres de l’agglo-
mération bastiaise, centre de consommation principal, I Verdi Corsi restent silen-
cieux, occultant toutes les règles rationnelles d’aménagement du territoire. Ce
vote, qui a eu lieu alors que les élus avouent être mal informés, est le résultat d’une
alliance dont la logique repose sur l’origine microrégionale des élus de la majo-
rité régionale, de la droite corsiste et des nationalistes.
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Durant la décennie quatre-vingt-dix, les prises de position politiques des écolo-
gistes nationalistes sur le processus de construction européenne mettent en
exergue un concept de spécificité de la Corse au sein de l’Union européenne ;
Corsica Nazione et donc I Verdi Corsi appellent de concert à l’abstention au réfé-
rendum portant sur la ratification du traité de Maastricht, estimant que ce vote est
franco-français, le particularisme corse n’étant pas pris en compte comme celui
des Açores ou de Madère. Ils revendiquent la reconnaissance d’une spécificité
insulaire corse garante de mesures dérogatoires au droit européen. Leur proposi-
tion commune aux autres forces politiques locales d’une mise en place d’un
POSEI (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) est
refusée par la Commission européenne, pour qui la Corse est la plus « pauvre » des
régions françaises mais la plus « riche » des îles de Méditerranée. Cette volonté de
se dissocier du continent à partir de critères de spécificité et d’identité transparaît
aujourd’hui dans toutes ses dimensions avec le projet de mise en place d’un parc
national marin au nord-ouest de l’île, entre Calvi et Piana.
La création d’un parc national marin, structure généralement appréciée de tous
les écologistes, suscite une opposition virulente de la part des élus nationalistes de
Corsica Nazione : « Voudrait-on, en créant cette enclave de 125 kilomètres sur
notre côte occidentale, nous spolier de nos plus beaux fleurons de notre patri-
moine national ? [Ces sites remarquables,] héritage de nos ancêtres, constituent,
pour les Corses et les générations futures, une richesse écologique inestimable et
inaliénable. Ils sont notre propriété » (Corse Matin, 6 avril 2000). En conséquence,
des moyens supplémentaires doivent être alloués au parc naturel régional. À l’ori-
gine du projet, en 1994, il y a unanimité des élus communaux, départementaux et
régionaux pour la création d’une telle structure, avec la promesse informelle de
l’État d’une représentation majoritaire des élus locaux au sein du conseil d’admi-
nistration et d’une intégration du parc régional au sein du parc national ; l’enquête
publique révèle au printemps 2000, en plein processus de Matignon, une opposi-
tion de la majorité des communes, excepté celle de Piana, de Nicolas Alfonsi et
du maire d’Osani. Selon une enquête de L’Express, les militants nationalistes « ont
fait le tour des registres d’utilité publique ouverts dans les communes. Celui

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HÉRODOTE

d’Osani a ainsi enregistré 280 oppositions, alors qu’il n’y a que 91 habitants
permanents. À Calvi, sur plus de 500 signatures, une seule est favorable au parc
national ». La gestion du parc national et celle du parc régional devant être disso-
ciées, les responsables du parc naturel régional, qui ont pourtant parrainé ce projet,
s’y opposent à leur tour, déclarant que « les parcs nationaux ne favorisent pas le
développement » ; le nouveau président du PNRC accuse : « L’État dit vouloir
améliorer le projet, nous on en veut plus ! Le ministère de l’Environnement
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prévoyait un budget de 20 millions de francs pour son parc : qu’il nous en donne
10 et on fera un meilleur boulot que lui » (L’Express, 20 juillet 2000). Les commu-
nes favorables à la création du parc national marin, constituant la majeure partie
du linéaire côtier de Capo Rosso à Galéria, ont quitté le parc naturel régional,
désormais dépourvu de façade maritime.
Les responsables locaux de l’environnement font ainsi le choix de confier à une
gestion écologique régionale le plus grand parc marin prévu en Méditerranée, soit
un aménagement environnemental d’intérêt national, voire mondial ; les rivalités de
pouvoir sur fond de développement d’activités touristiques et de clientélisme local
seront-elles occultées dans ce parti pris politique d’aménagement du territoire ?

Nationalistes et Verts misent sur deux nouveaux niveaux de pouvoir :


la région et l’Europe

Les écologistes corses jouent Bruxelles contre Paris : dès le temps des écolo-
gistes de l’UPC, un discours ni droite-ni gauche est commun à Antoine Waechter
et à Max Simeoni. « Tout d’abord, le problème sera de trouver des convergences
avec d’autres forces, d’autres situations identiques. Et il y en a beaucoup. Il y a
deux axes, l’axe des îles et l’axe des peuples. Les régions et les peuples sans État
n’ont pas encore réussi à se regrouper. C’est pour moi une action capitale »,
explique Max Simeoni dans Kyrn du 3 février 1989. Les membres de son mouve-
ment prônent une politique écologiste et économique dans le cadre d’une Europe
des régions, au sein de l’Alliance libre européenne, dans laquelle il siège de 1989
à 1994.
Pour ce leader nationaliste, les Verts ont la volonté d’intégrer les thèmes iden-
titaires : « L’Europe des peuples et des régions naturelles [sic] est une réalité pour
eux. L’Europe des solidarités qu’ils proposent est la seule viable. » Solidarité qui
se traduit par les FEDER à partir de 1975, et les Programmes intégrés méditerra-
néens : cet intérêt envers l’Europe se renforce à partir du moment où des fonds struc-
turels européens sont attribués à la région Corse, les membres de la Commission
européenne ayant fait de la région le lieu privilégié de l’intervention financière.

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ÉCOLOGIE ET GÉOPOLITIQUE EN CORSE

Or la collectivité de Corse est la région qui a reçu les financements structurels


européens par habitant les plus élevés de France, bénéficiant jusqu’en 1999 de
l’objectif n° 1 au même titre que les îles italiennes ou la totalité du territoire grec.
Regroupés au sein de Corsica Nazione à partir de 1992, les nationalistes
occultent l’espace étatique national, se définissant toujours dans un contexte médi-
terranéen, européen et mondial en pleine évolution. La représentation de l’Europe
des indépendantistes s’est modifiée dans la décennie quatre-vingt-dix : tout
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d’abord méfiants à l’égard de l’« Europe des marchands », contre le marché unique
européen et la libre circulation des capitaux, ils défendent l’instauration d’un
« code des investissements » devant permettre aux zones marginales de garder la
maîtrise du foncier. En revanche, dans La Corse du 10 juin 1999, Norbert Laredo
affirme, à la veille des élections européennes, sa volonté de construire une Europe
des peuples et des régions solidaires, demandant une solution politique adaptée
pour l’île, en dehors du face-à-face stérile avec Paris : « La situation des îles doit
naturellement être appréhendée de manière spécifique. Concernant la Corse et les
DOM-TOM, les Verts proposent que soit favorisé un cadre institutionnel compre-
nant des espaces de souveraineté conséquents en s’inspirant des autres pays de
l’Union (Catalogne et Baléares en Espagne, Länder allemands, Écosse...) et cela
en conformité avec les désirs spécifiques des différents peuples concernés... » Il est
à noter qu’ils ne prennent jamais comme exemple le Pays basque espagnol, qui allie
violence et autonomie dans le contexte d’un gouvernement local nationaliste.
En conséquence, les nationalistes et les Verts revendiquent pour la collectivité
territoriale de Corse un pouvoir législatif qui alignerait son statut sur celui des
grandes îles voisines de Méditerranée occidentale. Dans le projet de « Coopération
pour l’aménagement du territoire européen » de la Commission européenne de
1994, la Corse est intégrée avec les Baléares et la Sardaigne dans le modèle des îles
de l’« Arc latin », et ainsi dissociée de la « façade maritime française » formée des
régions PACA et Languedoc-Roussillon. La structure Imédoc – Îles de Méditerranée
occidentale – est créée en 1995 à partir de ce regroupement de la Corse, de la
Sardaigne et des Baléares ; cette entité territoriale plus conséquente veut « s’inven-
ter un destin commun ». En l’absence d’un projet commun, le « lobby » des îles de
Méditerranée occidentale, auquel vient d’adhérer en avril 2000 la Sicile, forme un
ensemble territorial de près de 8 millions d’insulaires.
La volonté des instances de Bruxelles de favoriser l’émergence de grands
ensembles régionaux à échelle européenne coïncide avec la mobilisation crois-
sante des dirigeants des îles de Méditerranée occidentale pour un statut particulier
insulaire au sein de l’UE. La Commission européenne joue désormais un rôle
d’arbitre en matière fiscale et dans le domaine des transports maritimes et aériens.

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HÉRODOTE

Les demandes du député européen sicilien Viola en matière de financement, de


taux d’intervention, de fiscalité ou de transport deviennent en mai 1998 une réso-
lution du Parlement européen relative aux régions insulaires. Parlement européen
qui se déclare ouvertement favorable à une Europe des régions ; les élus nationa-
listes souhaitent que les prérogatives des îles soient étendues par rapport à l’État
central. Leur représentant, président de la commission des Affaires européennes
de Corse, défend à ce titre, lors de la présidence française du Conseil européen
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dont il espère « profiter », un statut dérogatoire au droit européen pour la Corse
reprenant les orientations du rapport Viola.
La mise en place du parc international marin de Bonifacio à l’échelle inter-
régionale et transfrontalière, menée au plan international dans le cadre du
programme européen Interreg, est ainsi approuvée sans réserve par les écologistes
nationalistes. En sont membres l’Italie et la France, mais aussi la Sardaigne et la
Corse. Le projet a été supervisé en Corse par une structure du pouvoir régional,
l’Office de l’environnement.
Écologistes et nationalistes régionaux siègent dans les mêmes formations à
l’Assemblée de Corse et au Parlement européen. Les Verts et les nationalistes
corses partagent une vision fédéraliste des futures institutions européennes. Pour
Norbert Laredo, « la présence d’un groupe vert au Parlement européen peut débou-
cher sur une véritable alternative pour la Corse. L’île se trouve aujourd’hui dans
une situation d’impasse et de face-à-face stérile et lourd de tensions avec l’État.
Efforçons-nous de construire un avenir de paix et de dignité » (Corse Matin, 12 mai
1999). La campagne d’Alain Lipietz, numéro trois de la liste des Verts, est placée
à Ajaccio le 17 mai 1999 sous le signe de la « révolution démocratique euro-
péenne », alliant la défense de l’environnement à une conception fédérale de la
gestion politique et à un concept de justice sociale au plan européen (Corse Matin,
14 mai 1999). La Charte des langues minoritaires doit être ratifiée par tous les
États membres de l’Union. I Verdi Corsi proposent d’adopter « une Constitution
fédérale européenne avec création d’un sénat représentant les régions et les
peuples d’Europe dans toute leur diversité ».
I Verdi Corsi avec Uniti et l’UPC se rendent de concert au conseil national
interrégional des Verts à Lorient, où ils posent « le problème corse au plan euro-
péen ». Cette démarche est ainsi justifiée par le leader des Verts corses : « Dans le
paysage politique français, les Verts sont actuellement la seule formation poli-
tique auprès de laquelle nous pouvons trouver un écho. Il suffit de se référer à leur
programme pour les élections européennes. Mais aussi à leur philosophie, qui,
depuis des années, leur fait considérer le problème corse sous l’angle d’une
Europe des régions. » La motion des écologistes corses, adoptée à l’unanimité par

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ÉCOLOGIE ET GÉOPOLITIQUE EN CORSE

le conseil national interrégional, demande au collège exécutif de « mettre en place


une méthodologie et un calendrier permettant de déboucher dans les meilleurs délais
sur des positions concrètes propres à construire une solution politique véritable
pour le problème corse... » (Corse Matin, 16 septembre 1999). C’est pourquoi
I Verdi Corsi et l’UPC soutiennent aux élections européennes de juin 1999 la liste
des Verts de Daniel Cohn-Bendit, où sont présents deux membres d’I Verdi.
Dans le numéro du Ribumbu de juillet 2000, Alain Lipietz intitule sans ambi-
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guïté sa préface « Pour une Corse exemplaire dans une Europe des régions ». Attri-
buant à sa qualité de « spécialiste des conditions d’un développement régional
réussi » le fait de préfacer le premier rapport de la commission des Affaires euro-
péennes de l’Assemblée de Corse, il relève qu’« en s’affirmant ainsi comme région
au sein d’un ensemble, l’Europe, la Corse se fraie une voie qui non seulement la
met de plain-pied avec le siècle qui s’ouvre, mais peut-être aussi lui permettra de
sortir “par en haut” des impasses des deux siècles écoulés » (sic). « Identité et excel-
lence écologique sont les deux réponses que peut offrir la Corse à cet espace
d’appartenances multiples qu’est l’Europe. Une Corse partant avec un avantage
significatif dans la course au développement soutenable, à l’excellence écolo-
gique. » Le député européen vert conclut ainsi : « La Corse n’affirmera sa place de
joyau européen de la Méditerranée que si le peuple corse lui-même s’empare de la
question de son propre destin, du développement de son propre territoire. »
Les divisions des Verts au niveau national se reproduisent au niveau local : aux
européennes de 1999, le courant écologiste d’Antoine Waechter présente dans sa
liste des nationalistes « durs » de la Cuncolta Independentista, vitrine légale du
FLNC-canal historique.
I Verdi Corsi et les nationalistes, en jouant cette carte écologiste, se différencient
des partis traditionnels : ils forment un parti européen, renforcé par les élus verts
régionalistes et fédéralistes. Norbert Laredo, lors des élections européennes de
1999, déclare qu’« il y a l’opportunité de situer notre groupe au troisième rang
européen » (La Corse, 12 mai 1999). Reconnus ainsi par des formations politiques
qui ont une légitimité européenne, ils ne sont plus isolés en tant que nationalistes
sur l’échiquier politique français et régional où ils ne font pas partie de la gauche
plurielle. L’UPC appartient à l’Alliance libre européenne, coalition représentant les
« peuples sans État », composée d’élus basques, occitans et bretons et de l’Alliance
radicale européenne dont sont membres des partis nationalistes européens comme
le Scottish National Party, l’Union démocratique bretonne et Unitat Catalana.

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HÉRODOTE

Accords avec les « rossistes » de Démocratie libérale,


parti favorable à une Europe fédéraliste

Les Verts nationaux, comme Démocratie libérale, conservent leur alliance avec
la mouvance nationaliste, quelle que soit la situation de violence en Corse.
Les membres de la commission se déclarent, dans le document de la commis-
sion des Affaires européennes de l’Assemblée de Corse, favorables à une « écono-
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mie écologique ». Ils reprennent en cela les propositions du président de l’université
de Corte, qui a l’ambition de faire de la Corse la « terre de référence mondiale de
l’économie écologique et identitaire » ; si cette image de terre de référence est
acquise dans l’opinion internationale, en conséquence, « les secteurs économiques
actuels de l’île, convenablement orientés, vont être propulsés par cette image
mondiale, leur permettant de rentrer dans l’économie-monde ». Or, pour être une
« terre de référence », il faut « remplir certaines conditions : être une communauté à
l’identité forte ; nous le sommes. Être un lieu esthétiquement exceptionnel : nous le
sommes. Être un lieu dont l’environnement soit particulièrement préservé : nous
ne le sommes qu’en partie seulement ».
La deuxième composante du discours du président de l’université n’est pas
reprise par le texte de la Commission européenne : « pour protéger nos côtes, cibles
privilégiées d’appétits divers », il faut donc « appliquer strictement la loi
Littoral », « protéger l’ensemble de l’île par un schéma d’aménagement qui évite
le “mitage” du territoire et favorise l’urbanisation uniquement dans les centres
existants ». Et « réaliser un plan régional de lutte contre les pollutions, de traite-
ment des déchets, de gestion de l’eau, des espaces et des espèces, et de promotion
des énergies renouvelables » (Corse Matin, 27 mai 2000).
Cette ambition d’un développement local reposant sur l’environnement et
l’identité doit être replacée dans un contexte de croissance des pouvoirs régionaux
souhaitée à la fois par la droite libérale locale, les nationalistes, la gauche « giron-
dine » et les Verts : d’où la revendication d’un pouvoir législatif à échelle régio-
nale. Dans la motion minoritaire des vingt-deux, des élus de l’Assemblée de Corse
regroupant ces trois courants demandent de plus larges compétences sur le fonc-
tionnement du principe de subsidiarité et de « fixer le cadre d’un nouveau statut
de l’île donnant lieu aux transferts de blocs cohérents de compétences assortis de
pouvoirs législatifs et réglementaires ». La compétence proposée en exemple est
celle concernant les domaines transférés du patrimoine et de l’environnement, de
la culture et de la langue, de l’aménagement du territoire et du développement. Le
principe de subsidiarité, contrairement à celui de la légitimité démocratique, est
ici retenu, sur le modèle des pays fédéraux. Or le système relationnel vertical
organisé autour de ce principe, les compétences s’exerçant à la base, à l’exception

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ÉCOLOGIE ET GÉOPOLITIQUE EN CORSE

de celles qui sont retenues au niveau supérieur, véhicule un utilitarisme institu-


tionnel et une forte référence aux appartenances sociologiques. Il est contraire au
principe français de la décentralisation, qui instaure une répartition horizontale des
compétences en fonction de la nature de l’intérêt, national ou local, dont elles
relèvent : « L’administration territoriale de la République est assurée par les collec-
tivités territoriales et par les services déconcentrés de l’État. »
Les partisans d’Alain Madelin soutiennent officiellement le courant de la
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motion des vingt-deux : « J’ai soutenu la démarche de José Rossi, je ne le regrette
pas, avec l’idée que c’était un avant-goût, mais qu’il ne fallait pas faire une
démarche isolée pour la Corse, qu’il fallait faire une politique de régionalisation
pour l’ensemble des régions françaises » (Grand Jury RTL/Le Monde/LCI,
10 décembre 2000). Tandis que la ministre de l’Environnement et de l’Aménagement
du territoire, Dominique Voynet, trouve que le mot « autonomie » est « un des plus
beaux mots de la langue française ». Déclarant que « les Verts corses sont proches
de la mouvance nationaliste » et que ces liens sont « anciens », elle se dit favorable
« à une simplification et surtout à une démocratisation de la vie locale et régio-
nale » (Le Nouvel Observateur, 23-30 août 2000).

Le paradoxe vert : pour l’application de la loi Littoral


et l’instauration d’un pouvoir législatif régional en Corse

Difficulté des élus locaux à prendre en charge l’aménagement de leur île

Il n’y a pas de schéma d’aménagement établi par le pouvoir régional. Ce sont


les acteurs politiques insulaires qui doivent définir leur stratégie de développement
dans un plan de développement et un schéma d’aménagement, tous deux garants
d’un projet politique global pour la Corse. En effet, le statut particulier de 1982 et
le statut Joxe d’autonomie interne de 1991 ont accordé des pouvoirs accrus aux
responsables régionaux ; le schéma d’aménagement régional doit définir les orien-
tations fondamentales en matière d’aménagement de l’espace, de protection et de
mise en valeur du territoire insulaire ; ont été transférées à la région, dès 1982, les
compétences en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Or ce schéma
n’a jamais été mis en place. Alors qu’il est adopté par les élus régionaux le
14 décembre 1989, Pierre Joxe, en janvier 1990, dessaisit l’Assemblée de Corse de
ce document car il a été voté hors du délai fixé par la loi. Le Livre blanc prépara-
toire au nouveau schéma d’aménagement, qui sera approuvé le 16 janvier 1992 par
la seule administration, sans consultation publique faute pour la région d’y avoir
répondu dans les délais impartis, désavoue le texte et la cartographie réalisés par

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l’exécutif de l’Assemblée de Corse ; il y est écrit que « pour lutter contre les dérives
constatées, ce Livre blanc doit commencer par définir quelques principes simples,
compatibles avec la loi Littoral, qui formeront la doctrine de base de l’urbanisme
littoral en Corse. Une urbanisation mieux hiérarchisée : mettre en valeur le concept
de station ; une urbanisation à partir de l’existant : refuser le mitage et renoncer à
la création d’unités touristiques nouvelles ; une urbanisation en profondeur :
renouer avec les anciennes solidarités littoral-piémont ». S’il convient d’« établir
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une typologie fine du littoral » et d’« énoncer les règles adaptées à chaque type »,
l’échelle et la portée générale de ce document « imposent, pour le respect et l’appli-
cation de ces principes, l’établissement de documents d’urbanisme locaux » (Livre
blanc préparatoire au schéma d’aménagement de la Corse, décembre 1990).
Le schéma d’aménagement de la Corse de 1992 est encore appliqué faute de
nouvelle élaboration par les élus de l’Assemblée régionale, qui ont pourtant béné-
ficié à nouveau de cette compétence avec le statut Joxe de 1991 ; il s’impose pour
l’élaboration des POS ou PLU et des cartes communales et commande l’appli-
cation de la loi Littoral, qui concerne quatre-vingt-dix-huit communes, soit plus de
la moitié du territoire insulaire. D’autant qu’il y a souvent absence de schémas
directeurs et de POS dans les communes littorales, comme Porto-Vecchio, troi-
sième agglomération de l’île située au cœur de l’extrême Sud, principal pôle touris-
tique de l’île. En effet, le nouveau schéma, préparé par le Conseil exécutif et adopté
le 22 septembre 1997 par l’Assemblée de Corse, a reçu un avis défavorable en
décembre 1997 du Conseil des sites et du Conseil économique, social et culturel ;
ce dernier affirme que ce projet de schéma « n’est pas conforme au plan de déve-
loppement et que l’interprétation extensive des lois qu’il comporte présente un
grave danger pour le littoral insulaire » ; il souligne « ce qu’il considère comme
des carences dans le traitement des modalités d’application des lois Littoral et
Montagne » (Corse Matin, 17 décembre 1997).
Transmis fin 1997 aux services régionaux de l’État, ce schéma reçoit égale-
ment un avis défavorable du préfet Claude Érignac le 19 janvier 1998, les dispo-
sitions relatives à la partie du schéma d’aménagement de la mer n’étant pas
conformes aux objectifs de la loi Littoral ; il est à noter que c’est à la demande de
l’Assemblée de Corse que la loi du 25 janvier 1985 a décidé que le schéma
de mise en valeur de la mer, au lieu d’être élaboré par l’État, suivant la règle géné-
rale, le serait par la Région et constituerait un chapitre spécial, compte tenu de son
rattachement au domaine public maritime. Le futur statut en préparation dans le
processus de Matignon prévoit désormais l’élaboration par la collectivité territo-
riale de Corse d’un « plan d’aménagement et de développement durable de
Corse » ; par délibération particulière et motivée de l’Assemblée de Corse, il peut

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fixer la liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou


caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et des milieux néces-
saires au maintien des équilibres biologiques à préserver ; il vaut directive territo-
riale d’aménagement et à ce titre peut préciser, pour les territoires concernés, les
modalités d’application des dispositions particulières relatives aux zones de
montagne et du littoral, adaptées aux particularités géographiques locales ; il vaut,
pour les secteurs qu’il détermine, schéma de mise en valeur de la mer.
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En conséquence, ce nouveau transfert de compétences en matière d’aménage-
ment du territoire aux pouvoirs régionaux, désormais sans contrôle de la puissance
publique nationale déconcentrée, peut susciter une certaine perplexité quant à l’effi-
cacité des choix politiques en matière d’environnement et de développement
« soutenable ». Par ailleurs, y aurait-il des critères différenciés de délimitation de
« sites et paysages remarquables » à l’échelle nationale et à l’échelle régionale ?

Problème de l’« adaptation » de la loi Littoral


et sa méconnaissance par les acteurs locaux, publics et privés

Une application stricte de la loi Littoral est la condition pour le président de


l’université de Corte d’une protection de « nos côtes » ; pour la ministre de l’Envi-
ronnement et de l’Aménagement du territoire, « la loi Littoral est excellente pour
la Corse comme pour le reste du littoral français » (Le Monde, 23 mai 2000). Au
mois de mai 1999, une campagne de presse remet en question l’application de la
loi Littoral à l’échelle régionale et nationale. Tandis que le journal La Corse titre
une page entière « La Corse sous le carcan de la loi Littoral » – « Sois belle et tais-
toi. C’est l’injonction de l’État à la Corse en l’enserrant dans le corset de fer de la
loi Littoral » – le 3 mai 1999, un article du Monde du 23 mai 2000 est intitulé « La
loi Littoral devrait être “aménagée” en Corse ». La plupart des élus insulaires
« souhaiteraient une adaptation pour favoriser le développement touristique ».
Pour Camille de Rocca Serra, maire de la ville de Porto-Vecchio, par ailleurs
dépourvue de POS, « la Corse souffre d’un retard de développement ; cette loi ne
doit pas être une loi de stérilisation des espaces ».
Il y a consensus des acteurs locaux pour une méconnaissance de la loi Littoral.
À aucun moment les élus favorables à une adaptation de cette loi ne viennent
expliquer à l’opinion publique insulaire, par voie de presse écrite ou télévisée, les
contraintes d’application d’une telle loi. Elle est toujours condamnée dans sa
globalité, jamais sur son contenu. La loi Montagne quant à elle est rarement
mentionnée, les mêmes responsables politiques étant moins sensibles à ses
contraintes, leur commune s’étendant jusqu’au littoral.

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Selon Danielle Schirmann-Duclos, la loi Littoral énonce un certain nombre de


principes généraux d’aménagement du littoral, qui, en l’absence de définitions
précises des concepts employés, ont été la source de multiples contentieux. Le
concept de « hameaux nouveaux » intégrés à l’environnement est ambigu. La
direction régionale de l’Équipement de Corse a publié en 1996 un fascicule inti-
tulé Le Hameau nouveau intégré à l’environnement, qui décrit les particularités du
hameau corse et la manière dont les programmes de lotissement devraient les
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prendre en compte ; le ministère de l’Équipement aurait été questionné à propos
d’un hameau de vingt-cinq mille lits en projet à Port-Vendres, dans les Pyrénées-
Orientales (La France et la mer, PUF, 1999).
L’alliance des écologistes et de la droite libérale régionale est-elle durable ? Le
courant de la droite libérale se positionnant clairement pour une exploitation
économique du littoral, son alliance avec les écologistes n’est-elle pas porteuse de
contradictions à long terme ?
En Corse, l’affaire de « la paillote » est exemplaire dans cet enjeu de pouvoirs
s’exprimant à tous les niveaux : ce type de construction très localisée cristallise les
enjeux de pouvoir des forces politiques locales, clanistes ou nationalistes, et la
vision politique de l’État. Sur une plage magnifique, milieu littoral fragile d’un
capital écologique exceptionnel, soit une portion du domaine public maritime,
un acteur privé construit en toute illégalité une paillote ; d’où une atteinte au patri-
moine naturel et à l’environnement. Le littoral étant un espace limité très convoité,
pour que cette construction soit édifiée et exploitée, il faut un accord du pouvoir
claniste ou néo-claniste, des nationalistes et, jusqu’en 1998, du représentant de
l’État déconcentré, le préfet de région. La rupture de cette entente tacite par le
préfet Bonnet eut des conséquences considérables : un président de l’Assemblée
de la collectivité territoriale de Corse, José Rossi, accompagné d’un autre ancien
ministre de la République, François Léotard, se déplaçant de manière impromptue
sur une plage pour défendre le propriétaire d’une construction illégale, et le
renversement d’un préfet de la République accusé par des militaires d’un corps
d’élite d’avoir donné l’ordre d’incendier cette paillote. La mise en valeur du
littoral en Corse demeure une entreprise complexe.

Les organisations nationalistes sont partagées sur la défense du littoral en Corse

Des responsables politiques nationalistes sont devenus des investisseurs sur le


littoral : ils ne se soucient plus de défense du patrimoine, de préservation ou de
développement durable. Leurs rivalités pour la mise en valeur du littoral s’inscri-
vent parfois dans un contexte plus large comprenant le « milieu » local, à antennes
nationale et internationale, s’opposant entre Haute-Corse et Corse-du-Sud. Il y a

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interpénétration des milieux nationalistes et des milieux d’affaires, pour la mise


en valeur du littoral. Un pouvoir autonome de la collectivité de Corse sera-t-il en
mesure de faire face à une telle clientèle ?
Le projet d’André Guelfi, homme d’affaires qui prétend « avoir réussi à ouvrir
le marché russe à la société ELF », prévoit un aménagement touristique global de
la ville de Bonifacio en collaboration avec un ancien dirigeant du FLNC-canal
historique ; il déclare dans la presse nationale et régionale vouloir aménager à
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Bonifacio un port pour yachts, un hôtel cinq étoiles, des pavillons « haut de
gamme », des boutiques de luxe et un parking de trois mille cinq cents places
« avec des investisseurs américains et brésiliens ». Ces déclarations publiques ont
ému et inquiètent les associations de défense du littoral. Sur le terrain, les actions
de défense de l’environnement sont le fait d’associations et de divers collectifs
désormais affaiblis et isolés, qui rassemblent des écologistes et des nationalistes :
Collectif contre les incendies, Collectif des associations de protection de l’envi-
ronnement et des pêcheurs, Collectif pour l’application de la loi Littoral en Corse,
Coordination des associations de protection de l’environnement de l’extrême Sud,
Collectif régional d’associations pour la protection de la nature et de l’environne-
ment de la Corse ; il y a entrée de la société civile et disparition du projet politique.
I Verdi Corsi n’apparaissent que par leur sigle : pourquoi une telle passivité ?
Leur communiqué sur les paillotes est un modèle d’ambiguïté : l’examen du dossier
des paillotes doit s’effectuer « dans le respect des lois et réglementations relatives
au littoral et au domaine public maritime. L’ensemble des parties concernées doit
s’impliquer de façon concertée : pouvoirs publics, élus, associations, scientifiques
et exploitants. Un schéma d’aménagement doit être élaboré pour chaque plage
après que les services de l’État, dont c’est la compétence, ont délimité le DPM. Ce
schéma de plage doit déterminer le seuil maximal d’aménagements démontables
que le site peut supporter. Un cahier des charges devra préciser les conditions
d’exploitation des établissements de plage aux niveaux fiscal, social et environne-
mental. Tout bétonnage devra donc être sanctionné. Pour I Verdi Corsi, il n’est pas
acceptable que notre littoral soit livré à une “paillotisation” débridée » (Corse
Matin, 26 septembre 1999).
Inversement, le Collectif pour l’application de la loi Littoral en Corse joue un
rôle actif pour la défense de l’environnement dans l’île. Il est essentiellement
composé d’une dizaine d’associations, dont U Levante, du mouvement nationa-
liste « de gauche » Manca Naziunale, de Corse sociale-démocrate, de Simon
Renucci (gauche plurielle), et d’I Verdi Corsi. Michelle Salotti, au nom du
collectif, confie à la ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire
en visite en Corse, à Corte, son inquiétude à propos de la « nécessaire adaptation
de la loi Littoral », relevant que « dans le dernier schéma d’aménagement de la

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Corse préparé par la collectivité territoriale, la loi Littoral n’y était pas appliquée ».
Selon la porte-parole, « le laxisme de l’État est hélas trop souvent indéniable » : sur
le DPM, 509 occupations sont répertoriées, soit 400 en Corse-du-Sud et 109 en
Haute-Corse (Corse Matin, 26 septembre 1999). C’est ce collectif qui a publié à
cinquante mille exemplaires, à l’échelle régionale, une plaquette pédagogique très
documentée sur la loi Littoral.
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Au niveau national, le paradoxe Voynet

La ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire se posi-


tionne clairement en Corse dans le camp des partisans d’un pouvoir autonome
dévolu aux élus de la collectivité territoriale. Au journal télévisé de France 3
Corse, le 25 septembre, elle déclare : « Je n’ai aucune gêne à parler d’autonomie.
C’est un sujet traité de manière sérieuse par la plupart des gouvernements euro-
péens, et c’est un sujet que la France aborde elle-même dans bien des territoires. »
Inversement, au niveau national, et allant ainsi à l’encontre des revendications des
mouvements nationalistes de Corsica Nazione, avec lesquels elle est politiquement
alliée à l’échelle régionale et européenne, la ministre multiplie ses déclarations
publiques en faveur d’une application stricte de la loi Littoral en Corse : elle dissocie,
alors qu’ils sont concordants, le fait d’accorder un pouvoir d’adaptation législative
aux élus de l’Assemblée de Corse et l’application stricte de la loi nationale dans l’île.
Dans une lettre adressée au Premier ministre, Dominique Voynet fait savoir le
22 novembre 2000 qu’elle « ne pouvait accepter » les propositions de dérogation
à la loi Littoral évoquées dans l’avant-projet de loi sur la Corse soumis le
24 novembre à Lionel Jospin (Le Monde, 24 novembre 2000) ; d’où un discours
contradictoire, « une éventuelle autonomie ne devant pas s’exercer au détriment de
l’environnement » (Le Monde, 23 mai 2000). Peut-on prôner l’autonomie...
excepté en matière d’environnement ?
Le « pari » du Premier ministre en Corse en matière d’écologie est de vouloir
prouver que le pouvoir régional est plus apte à satisfaire les exigences d’une poli-
tique environnementale que le pouvoir national, et cela dans une île en crise
économique, sociale, politique et civique. La majorité des élus territoriaux, dans
l’avis de l’Assemblée de Corse sur l’avant-projet de loi modifiant et complétant
le statut de la collectivité territoriale, s’est prononcée pour le principe d’un large
bloc de compétences cohérent pour l’environnement. Est-ce que le pouvoir de la
collectivité territoriale de Corse sera en mesure de maîtriser l’aménagement de son
potentiel environnemental sur le plan des exigences écologiques ?

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