Vous êtes sur la page 1sur 3

Introduction

L'ARGUMENTATION DANS LA
COMMUNICATION POLITIQUE

Tous les articles de cette section portent sur divers aspects complémentaires de l'argu-
mentation dans la communication politique.
Il faut dire, cependant, que les deux termes de cette thématique sont ici traités dans leur
vaste polysémie. L'« argumentation » et la « communication politique » ne sont pas préalable-
ment définies et chacun des auteurs a dû spécifier le sens et l'extension suivant lesquels il entend
l'un et l'autre concepts. C'est ainsi que l'argumentation recouvre un certain nombre d'éléments
différents mais tout de même apparentés : des procédés discursifs, des références idéologiques,
des types particuliers de messages médiatiques, des énonciations justificatrices et différents
autres aspects discursifs à finalité persuasive. De même, la communication politique désigne tout
aussi bien le discours politique proprement dit, le texte journalistique et les interventions de
nature politique de différents autres intervenants sociaux.
En dépit de cet éclatement, les textes possèdent un certain nombre de caractéristiques
communes. D'abord, ils émanent tous de chercheurs québécois. Leur présence au sein du
présent numéro d'Hermès illustre clairement l'intérêt que suscite la communication politique au
Québec : un groupe déjà nombreux de chercheurs — analystes de la communication publique,
politologues ou autres — étudient les diverses formes de ce qui peut maintenant être considéré
comme le « tournant communicationnel en politique ». Ces recherches concernent tout autant le
recours toujours plus poussé aux techniques communicationnelles en politique que, plus
fondamentalement, la définition ou la caractérisation de la politique comme pratique de
communication.

HERMÈS 16, 1995 149


Gilles Gauthier

Les textes de cette section adoptent également une approche commune : tous procèdent,
peu ou prou, par « analyse de cas » ou à partir d'un exemple illustrant particulièrement bien
la question étudiée. Il y a là, vraisemblablement, influence des méthodes anglo-saxonnes de
recherche marquées par un grand souci empirique. Ces textes ne se limitent cependant pas à
une analyse descriptive des situations dont ils traitent ; tout au contraire, ces dernières ne
servent finalement que de prétextes à la formulation de propositions théoriques plus systéma-
tiques.
Les quatre premiers articles traitent de l'argumentation politique en tant que telle,
c'est-à-dire de certains types d'arguments utilisés par les hommes et les femmes politiques.
Dans son texte d'ouverture, André Gosselin montre que les attributions causales exercent
dans le discours politique une fonction aussi importante que les arguments de conséquence.
Ce faisant, il jette les bases d'une analyse globale de ce que l'on pourrait appeler l'argu-
mentation « nucléaire » (ou « idéologique ») de la communication politique. Un autre type
d'argumentation est mis en lumière par Gilles Gauthier : l'argumentation dite « périphé-
rique » comportant des arguments comme l'attaque ad hominem qui ont trait à la nature
conflictuelle de la communication politique. Anne-Marie Gingras explore le même filon en
analysant les fallacies utilisées lors des débats ayant mis aux prises les candidats à la dernière
élection présidentielle américaine. Quant à Martin David-Biais, il cherche, d'un point de vue
relevant davantage de la science politique et en se référant au cas de la Pologne, à démontrer
que l'argumentation nationaliste n'est pas nécessairement irrationnelle.
Deux autres textes abordent la communication politique journalistique. François Demers
analyse les « raccourcis » argumentatifs utilisés par les médias de masse dans leur traitement
de l'information politique. Jean Charron s'intéresse, pour sa part, aux rhétoriques d'objecti-
vité et d'expertise critique développées par les journalistes en vue de faire valoir leur vision
du monde dans le jeu de la communication politique.
Les deux derniers articles traitent de la communication politique relevant d'autres
secteurs. Michel Beauchamp et Louise Pettigrew cherchent à déterminer l'usage argumentatif
que font de différents facteurs contextuels, institutionnels et individuels les porte-parole
d'organisations et d'institutions sociales. Enfin, Alain Lavigne s'attarde sur les particularités
de la communication politique locale des trois grands groupes concernés : les élus, les
communicateurs et les publics.
Chacun à leur façon, ces huit articles caractérisent donc des arguments d'une forme « ou
l'autre » de communication politique. Sur un plan plus global, ces textes mettent en évidence
la place relativement importante de l'argumentation dans l'ensemble de la communication
politique. Cette prise en compte pourrait permettre de mieux comprendre comment s'arti-
culent la forme et le contenu de la communication politique. Cette dernière, dit-on souvent,
privilégie la seule image au détriment de la discussion d'idées. L'analyse de l'argumentation
peut contribuer à réintroduire l'étude du contenu dans l'analyse de la communication
politique.

150
Introduction. Vargumentation dans la communication politique

La communication politique au Québec diffère sensiblement de la communication


politique en France ; elle est certes marquée par le contexte nord-américain mais s'en
démarque néanmoins de façon nette. Des chercheurs français et québécois sont actuellement
en train d'établir le dialogue. La présente série de textes constitue la première manifestation
d'une collaboration qui est appelée à prendre de l'ampleur.

Gilles GAUTHIER

151

Vous aimerez peut-être aussi