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Phonétique

L'analogie désigne la force de nivellement inconsciente et prégnante qui pousse les locuteurs, par souci
d'économie de la mémoire, à rendre un système quelconque moins irrégulier. On parle aussi de quatrième
proportionnelle. L'explication par l'analogie permet très souvent de justifier, en phonétique historique,
l'existence de formes régulières selon les paradigmes de conjugaison ou déclinaison, mais contredisant les
lois de changement phonétique. Par exemple, selon l'exemple de Ferdinand de Saussure, la forme du latin
honor est créée par analogie selon le modèle : actorem : actor :: honorem : x ⇒ x = honor. Honor se
substitue à honos, seule forme originelle non touchée par le changement phonétique du /s/ en /r/
(rhotacisme, /s/ intervocalique se change en /r/) qui a affecté toute la déclinaison de ce mot (honosem →
honorem, honosis → honoris, etc.). En français moderne, nous aimons, nous trouvons ont supplanté nous
amons, nous treuvons, résultats du changement phonétique, par réalignement par analogie avec les autres
formes en aim-, trouv-. L'analogie donne donc naissance à des formes intégrées à la langue remplaçant des
formes plus anciennes ou, au contraire, des formes d'abord senties comme des erreurs qui ont
éventuellement vocation à devenir la norme.

On dit que telle forme B a été créée par analogie avec une autre C quand cette forme nouvelle B remplace
une plus ancienne A qui semble inattendue et irrégulière (quoique souvent régulière d'un point de vue
diachronique). Par exemple, le participe passé passif du verbe cocer (« cuire ») en espagnol n'est pas *cocho,
qu'on attendrait selon le respect de l'évolution phonétique depuis le latin dans cette langue (coctu(m) devrant
donner *cocho, comme nocte(m) donne noche et pectu(m) donne pecho, le groupe latin ct passant en effet
à ch) mais cocido, sur le modèle de nombreux autres verbes (beber → bebido, vivir → vivido, etc.). On dit
que cocido, forme contredisant les règles d'évolution phonétique, a été créé par analogie avec les autres
participes passé, ce qui rend la flexion du verbe moins irrégulière en regard d'autres modèles. On peut
expliquer cela ainsi :

beb-er : beb-ido :: coc-er : x ⇒ x = coc-ido.


Inversement, le verbe hacer fait bien son participe passé en hecho, forme normale d'après l'évolution
phonétique mais irrégulière en regard des autres participes passés. En effet, es formes les plus fréquentes
sont le moins susceptibles d'être modifiées par analogie (Kuryłowicz, Mańczak). Ainsi, pour reprendre
l'exemple de l'espagnol, les participes passés verbes hacer (faire) ou decir (dire) n'ont pas subi l'effet de
l'analogie, parce qu'ils sont beaucoup plus fréquents que le verbe cocer. Un enfant ou un locuteur débutant
utilisant une forme analogique (*hacido ou *decido) a en effet beaucoup plus de chance d'être corrigé et de
retenir les formes « correctes » hecho et dicho, vu la fréquence de ces deux verbes, que dans le cas de cocer.

Le nivellement analogique ne touche pas les seuls aspects phonétiques d'une langue.

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