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CM 4

Eléments de morphologie – Les grands principes de création lexicale

Rappel (morphème/phonème) :
Chaque langue est constituée de morphèmes (plus petites unités de son et de sens lorsqu’on
découpe un signe linguistique pour tenter de mettre en évidence sa construction interne). Le
morphème est donc une petite unité à la fois formelle (matérielle, sensible et perceptible par
nos sens : ouïe et vue) et sémantique (puisqu’elle est associée à du sens).
Le sens d’un morphème peut être de nature lexicale (il fait référence à un être, un objet, une
notion renvoyant au monde, à l’environnement culturel, autrement dit à l’univers
extralinguistique) ou grammaticale (son sens fait alors référence à la langue elle-même et à
son fonctionnement). Dans le premier cas c’est un lexème, dans le second un grammème.
Ex. dans les mots suivants : flor/e/s, en/cabez/a-r, verde, com/e-r-é, trabajo, … , on retrouve
aisément les lexèmes indiqués en gras.
Le grammème, à la différence du lexème, ne renvoie pas à l’univers extra-linguistique (au
monde et aux idées et concepts liés à celui-ci) mais à l’univers linguistique lui-même, c’est-à-
dire au rapport entre les signes et aux règles qui les régissent (par exemple le fait d’indiquer
le pluriel des noms et adjectifs par un morphème « -s »).
Dans ‘cant/a-r’ par ex., on peut donc reconnaître 2 grammèmes ou « morphèmes
grammaticaux », la voyelle d’infinitif du verbe, permettant d’indiquer que celui-ci est un verbe
classé parmi les verbes espagnols du 1 er groupe, et le phonème « r » signifie que la forme
verbale est l’infinitif.
Dans ‘pre/dec/i-r’, on peut isoler le préfixe « pre » (= avant) et la terminaison d’infinitif en
séparant encore le –« r » et le –« i », voyelle permettant de classer le verbe dans le 3e groupe.

La double articulation du langage :


Les morphèmes sont également appelés unités de 1ère articulation ou encore unités
significatives, puisque ces unités permettent d’associer une unité de son à du sens
(« signification »).

Pourquoi « 1ère articulation » ?


On considère que chaque langue humaine (à la différence, semble-t-il, du langage animal, mais
les recherches sont encore très rudimentaires sur ce point-là) est constituée d’un nombre
limité d’éléments qui s’articulent à deux niveaux de découpage pour pouvoir évoluer
constamment et permettre à chaque langue d’adapter son lexique aux nouveaux besoins de
son Histoire et de sa culture. Ce petit nombre d’éléments qui constituent les différentes
langues du monde sont les phonèmes (les « sons » caractéristiques de chaque langue) et
l’association de phonèmes entre eux pour créer de petites unités de sens ou morphèmes.

Ainsi, on considère que l’un des points communs entre toutes les langues, autrement dit l’un
des « universaux de langage », consiste dans l’existence du principe de « double
articulation », constitué de morphèmes (à un 1er niveau) puis de phonèmes lorsqu’on
découpe le signe au-delà du morphème pour atteindre un 2nd niveau de découpage.
Ex. « vaca/s » est constitué de 2 morphèmes : le lexème « vaca » et le grammème « -s »
indiquant le pluriel des noms. Ce premier découpage permet de trouver à la fois du son et du
sens dans chacun de ces 2 morphèmes (sens lexical pour « vaca », sens grammatical pour le -
s indiquant que le lexème est mis au pluriel). Le morphème, rappelons-le, est donc une unité
« significative » puisqu’il est associé à du sens.
On peut donc découper encore les unités qui constituent la langue, puisque chaque
morphème peut être encore segmenté en unités plus petites qui ne sont constituées cette
fois que de « son » ; « casa » est constitué de 3 phonèmes différents (nous reviendrons sur les
symboles associés aux phonèmes ultérieurement) : /k/ /a/ /s/ /a/
Le phonème est une unité de 2e articulation. Au-delà du phonème, il n’est plus possible
d’opérer aucun découpage puisqu’on atteint déjà l’unité minimale de son.
Chaque langue est dotée de ses propres phonèmes qui sont en nombre limité (généralement
entre 15 et 30). Ce sont les plus petites unités possibles d’une langue. Ce sont des unités
« distinctives » car elles ont une fonction très importante : celle de permettre de différencier
donc « distinguer », d’où le terme choisi) des mots en permutant 2 phonèmes entre eux. Ex. :
caSa / caMa / caLa / caNa,…
Le phonème n’est donc pas limité à du son (les accents régionaux, par ex., relèvent de
différences de prononciation qui ne sont pas des « phonèmes » mais des « phones ».) : il est,
si on peut le formuler ainsi, un « son utile », un son « pertinent », un son qui a une
fonction puisqu’il peut, par permutation, distinguer au minimum 2 mots entre eux.

La création lexicale : les grands principes


Rappel :
Nous avons déjà évoqué, dans le CM3 consacré essentiellement au « nom » ou « substantif »,
le principe de « dérivation affixale » (préfixe, infixe, suffixe) et de transfert (glissement,
changement) de catégorie (ex. l’adjectif « alumbrado », lui-même issu d’un participe passé du
verbe « alumbrar », change de catégorie pour former le substantif « el alumbrado » =
l’éclairage).

Exemples de dérivation propre :


Rappelons que le terme qui est utilisé pour une dérivation propre peut ou non changer de
catégorie (Ex. un substantif auquel on rajoute un suffixe peut rester substantif).

Ex. :
Terme de base terme dérivé
Enfermo (adjectif) enferm-ar (verbe, tomber malade)
Palpar (verbe) palp-able (adjectif, obtenu par ajout du suffixe –able)
Lejos (adverbe) lej-ísim-o(s), a(s) (adjectif, obtenu par ajout de l’infixe –
ísim- )
bien (adverbe) requete-bien (adverbe, obtenu par préfixation)

Un mot obtenu par dérivation propre peut à son tour devenir terme de base et être soumis à
de nouvelles dérivations :
Ex. constitución > constitucional > anticonstitucional > anticonstitucionalismo
’’ > anticonstitucionalmente ...
Exemples de transfert de catégorie :
La substantivation :
Comme l’indique le mot, la substantivation désigne la formation d’un substantif par transfert
de catégorie ; le mot choisi au départ peut être un verbe, un adjectif, un adverbe.
Ex. verbe > substantif : comer > el comer ; beber > el beber ; andar > un andar ; pagaré > un
pagaré (= un billet à ordre) ; mentís > un mentís (=un démenti) ...
Ex. adjectif > substantif :
Negro > un negro ; natural > un natural ; líquido > el líquido, ...
Ex. Adverbe > substantif :
Ahora > el ahora ; ayer > el ayer ; más allá > el más allá ; ...

L’adjectivation :
La formation d’adjectifs par transfert de catégorie concerne surtout les substantifs, mais pas
exclusivement.
Clave > una palabra clave ; cumbre > una obra cumbre ; esmeralda > verde esmeralda ; ...
L’adverbe « demasiado », comme en français l’adverbe « trop », il y a quelques années, ont
été massivement utilisés comme adjectif dans le discours oral, dans le sens de « hors norme »,
« étonnant », « exagéré »... :
Ex. : Ese tío es demasiado.
En français : Il est trop; il est vache ; c’est tendance ; c’est galère ; ...

L’adverbialisation :
La catégorie de mots la plus utilisée pour former des adverbes est l’adjectif, mais on trouve
également quelques substantifs affectés par le mécanisme. Lorsqu’ils sont utilisés comme
adverbes, ils ne portent jamais de marque de genre et de nombre.
Ex.
Ser alto (adjectif) > hablar alto (parler à haute voix ; adverbe)
Ser duro (adjectif) > pegar duro (frapper de façon violente, violemment ; adverbe)
Un cielo claro (adjectif) > hablar claro (clairement ; adverbe)
Cantidad (substantif) > Los tíos se han pasado cantidad (=mucho ; “ils ont dépassé les bornes”)
De même, à l’exemple déjà cité de « bomba » , on peut ajouter –dans un emploi familier-
celui des substantifs « pipa » et « fenómeno » dans le sens de « estupendamente » :
Ex. : Pasarlo bomba / pipa / fenómeno = pasarlo muy bien

On peut donc utiliser l’affixation (l’utilisation de la dérivation propre) pour créer de nouveaux
mots (néologismes) : ex. « ministro » > « ministr-able » (celui qui pourrait avoir des chances
d’être nommé ministre). Il s’agit, lorsque la presse politique invente ce terme, d’un
néologisme « de forme » (on crée un nouveau signe en créant un nouveau signifiant, une
nouvelle « forme », à partir d’unités du lexique).
De même, le transfert de catégorie permet de former des néologismes. Un usage néologique
relativement récent et massif (à échelle de la langue) est celui de l’adjectif « móvil » (plus
fréquent en Espagne) ou « celular » (plutôt en Amérique hispanique) pour désigner le
« portable », autrement dit le téléphone portable (plus encore que l’ordinateur). On remarque
qu’en français et en espagnol, c’est l’adjectif (même s’il est différent) substantivé qui a permis
de nommer ce nouvel objet quotidien incontournable. On retrouve au passage la « loi du
moindre effort » puisque par simplification, on ne retient que l’adjectif (au lieu de dire
« téléphone portable »).
Outre la dérivation affixale et le transfert de catégorie grammaticale qui sont fondamentaux
dans la création de nouveaux signes, il existe d’autres procédés permettant de créer de
nouveaux mots pour enrichir le lexique.

Le concept de néologisme et de lexicalisation

Lorsque l’on forme un mot nouveau (qui n’est par définition pas en encore entré dans le
lexique, dans le dictionnaire), on est en présence d’un « néologisme ».
Au fil du temps et de l’usage, si celui-ci persiste et est très utilisé par une majorité de locuteurs,
il peut se produire un phénomène de « lexicalisation » (autrement dit, le mot finit par entrer
officiellement dans le lexique de la langue). L’usage massif permet donc l’évolution de la
« norme » en permettant l’intégration officielle d’un nouveau signe dans le lexique.

Si la création d’un nouveau signe passe souvent par la création d’un nouveau signifiant
(néologisme de « forme »), il est possible de créer aussi de nouveaux signes en modifiant (en
ajoutant) un nouveau signifié à un signe déjà existant (néologisme de « sens »).

Certains types d’emprunts aboutissent par exemple à une « adaptation sémantique » dans la
langue d’arrivée : il s’agit de signes qui existent dans les deux langues et qui ont la même
origine ; toutefois, bien que dotés au départ d’un signifiant proche ou identique, ils ont évolué
dans chaque langue en fonction du système lexical, et peuvent avoir développé des signifiés
différents. Ainsi, se produit à un moment donné une « contamination sémantique » du signe
qui, influencé par l’autre langue, aboutit à un « néologisme de sens » ; c’est le cas du verbe
français « réaliser » qui signifiait « effectuer », « faire », « fabriquer », et qui –sous l’influence
du signifié de son correspondant anglais (« to realize ») a pris également le sens de « se rendre
compte ». On appelle couramment ce type d’emprunt, des « faux-amis ».
Exemples de néologisme de forme :
A partir du modèle fourni par des formes comme : vía > viable, amigo > amigable, ...,
l’espagnol moderne a créé –sans doute aussi par l’influence du français- les adjectifs :

alcaldable < alcalde, ministrable < ministro, presidenciable < presidente, ...
Ces néologismes permettent d’éviter de longues périphrases du type : « candidat qui aspire à
la fonction de Président », etc...

Exemples de néologisme de sens (sémantique) :


Le mot « conllevar », qui signifie au départ « soportar, padecer, sufrir » (ex. : « conllevar una
enfermedad con paciencia ») a depuis quelques années pris le sens de « acarrear, implicar,
traer consigo », impliquant une extension du signifié attesté dans les dictionnaires. Cette
extension sémantique fait de « conllevar » un néologisme de sens.
De même, avec l’arrivée d’internet, le mot « buscador » (moteur de recherche) enrichit le sens
du substantif.

La création onomatopéique :
L’onomatopée est un signe particulier dont le signifiant imite ou tente de se rapprocher d’un
son lié au signifié (ex. cris d’animaux : « miaou » (fr) / « miau » (esp), etc.)
L’onomatopée est considérée comme un signe qui contredit le principe d’arbitraire du signe
(et du langage en général), puisque dans le cas de cette catégorie très particulière, le signifiant
est « motivé », il est dicté en quelque sorte par le réel, et le signifiant ne pourrait pas s’éloigner
radicalement de la forme que l’on connaît. On pourrait en effet difficilement concevoir que le
cri du chien soit associé à « cui-cui », par ex. La réalité impose en quelque sorte le signifiant.
On remarque d’ailleurs que malgré des différences, les onomatopées sont souvent proches
voire identiques d’une langue à l’autre, comme c’est souvent le cas entre le français et
l’espagnol)

A partir d’onomatopées (zigzag, tictac, clic,…) il est possible de former de nouveaux signes,
par dérivation affixale ou en formant un verbe, par ex. : « clicar » (ou « hacer clic »)

La composition
Le lexème peut être sommairement défini comme une unité minimale de signification
appartenant au lexique. Dans le cas de la composition, le néologisme consiste à former de
nouveaux mots (néologismes) en juxtaposant plusieurs lexèmes (le plus souvent deux, mais
parfois davantage).
Par rapport à la dérivation (propre et impropre), la composition se distingue de la façon
suivante :

Chacune des deux unités lexicales (lexèmes) qui constituent le mot-composé, à la différence
de ce qui se produit dans la dérivation, peut avoir un emploi autonome dans le discours. En
l’occurrence, le verbe « sacar » ou le substantif « corcho(s) » peuvent être utilisés seuls dans
un énoncé.
La composition est un mécanisme particulièrement productif, et permet de créer notamment
de nombreux substantifs.

On trouve plusieurs formes de composition : les lexèmes juxtaposés peuvent être « soudés »
(ex. : tragaperras, metepatas (= un gaffeur, familier), un girasol ...), reliés par un trait d’union
(castellano-leonés, político-social, ...), ou encore se présenter avec un espace typographique
(un sauce llorón, la mala hierba, ...).
A partir du moment où le mot-composé existe en discours, chacun des éléments perd
totalement son unité syntaxique dans l’énoncé considéré. Cela signifie qu’il n’est plus possible
de considérer les lexèmes de départ comme deux entités sémantiques et syntaxiques
autonomes : ils n’existent que liés l’un à l’autre, quelle que soit leur orthographe
typographique.
Par exemple, il n’est évidemment pas possible d’inverser l’ordre de chaque unité du mot-
composé « sauce llorón » (« llorón sauce »), ou de les séparer par l’adjonction d’un élément
intercalé entre eux ( « un sauce enorme llorón »).

Les lexies complexes (syntagmes figés ou lexies figées )


La composition peut aboutir à de véritables « syntagmes figés » (encore appelées « lexies
figées », ou encore « unités syntagmatiques ») qui forment une nouvelle unité de
signification, même si chaque élément peut fonctionner dans le discours de façon autonome.
Lorsqu’ils sont employés ensemble, ils constituent une nouvelle unité, comme dans la
composition : il n’est pas possible de modifier l’ordre des unités qui la composent, d’éliminer
l’une d’entre elles, ou d’intercaler d’autres éléments au sein de cette nouvelle « lexie ».
Ex. : une faim de loup, prendre une veste, une colère noire, des comptes d’apothicaire… ; de
même en espagnol : baño de multitud, relación precio calidad, poner en órbita, huelga de
celo, devolver la pelota (=renvoyer l’ascenseur), la cesta de la compra (=le panier de la
ménagère), la manzana de la discordia, un lavado de cerebro, etc...

Ces unités à la fois lexicales et syntaxiques (elles forment une unité de sens, un nouveau
« signifié » qui résulte de leur combinaison syntaxtique) peuvent être figées, lexicalisées,
c’est-à-dire constituer une expression attestée en tant que lexie complexe dans la langue (elles
figurent alors dans les dictionnaires de référence de la langue et font partie du lexique de
celle-ci).
On peut considérer les proverbes comme des cas particuliers de lexies figées (Tel père, tel fils ;
De tal palo, tal astilla ) ainsi que les unité phraséologiques que l’on orthographie parfois sous
la forme de tirets ou en un seul mot afin de souligner leur « figement » ; bien que répandus
dans l’usage, ces différentes lexies ne sont pas toujours attestées dans les dictionnaires, ou
figurent parfois parmi les « exemples » cités par ceux-ci, sans faire l’objet d’une véritable
entrée spécifique.
Un je-m’en-foutiste, un je-ne-sais-quoi de…, un monsieur-je-sais-tout, …
Un métomeentodo, el quedirán, etc…
Dans la presse, la publicité ou la littérature, il est relativement fréquent de trouver ce genre
de néologismes, déjà attestés en langue ou souvent usitées dans le discours, comme on le voit
dans le paragraphe suivant, ou au contraire, créées de toute pièce pour les besoins expressifs
d’un discours unique.
Ex. « Comment va « monsieur-je-suis-toujours-de-mauvaise-humeur ? »
Le mot-valise :
Le mot-valise est un procédé de création lexicale exploité notamment dans la presse, en
poésie et en publicité. C’est un procédé qui combine deux lexèmes (parfois plus) non plus en
se contentant de les juxtaposer mais en les superposant, en les entremêlant en partie. Ce
phénomène relève donc du croisement, de la fusion partielle des éléments qui le constituent.
Pour qu’il puisse y avoir croisement, cela suppose qu’il y ait au moins quelques phonèmes en
commun qui facilitent la fusion. L’un des exemples les plus simples et les plus classiques est le
mot « tragicómico » qui implique la superposition de deux adjectifs dont une syllabe
(idéalement placée : la dernière de l’un, la première de l’autre) permet le croisement :

TRÁGI [ CO ] MICO

Dans ce cas, une même syllabe constitue à la fois la fin d'un mot et le début d'un autre, et le
procédé consiste alors à les accoler sans répéter cette partie commune ; d'autres fois, le
téléscopage entre les deux mots se fait grâce une « troncation » (une coupure) de l’un d’entre
eux au moins, destinée à faciliter la soudure entre les termes. L’essentiel est que l’on
reconnaisse les termes de départ pour comprendre pleinement le sens qui se dégage de la
nouvelle unité qui les associe. Dans certains cas, le croisement s’avère relativement
complexe : les phonèmes communs peuvent être très limités, c’est la reconnaissance de
chaque terme qui compte ; dans les exemples ci-dessous, le soulignement permet de
retrouver la trace du premier terme, l’encadrement celle du second (les formes initiales sont
parfois conservées intactes dans le terme final, tantôt tronquées ou altérées en partie) :

Ex. : E U R O C O P A

< europa + copa

APR ETUJAR
< apretar ( = serrer) + e(s)t(r)ujar (=presser)

DESPARRAMAR
< derramar (verser, renverser) + espar(ci)r (= répandre)

MOTEL

<mot(or) + (h)otel
Ex. En France, la marque Nescafé, issue du croisement entre « Nestlé » (nom de la marque
« mère ») et « café ».
En Espagne, à propos de la marque d’alcool FERNET BRANCA, on trouve dans le slogan destiné
à promouvoir le produit le mot-valise : « digestimulante », qui fait fusionner [digestivo] +
[estimulante].
Le mot « spanglish » (emprunté à l’anglais et adapté en « espanglish »), qui désigne un
phénomène d’hybridation, de croisement entre deux langues, est représentatif dans son
signifiant de ce qu’il exprime dans son signifié : le signifiant est en effet constitué du
croisement de deux mots qui réfèrent aux deux langues « croisées » :

SPANGLISH > espanglish

Siglaison et troncation :
La troncation est une abréviation essentiellement motivée par des raisons d’ « économie »,
de loi du moindre effort, dans le parler familier le plus souvent, mais pas nécessairement. Ces
troncations peuvent ensuite passer dans le lexique (= être « lexicalisées »). C’est le cas de
nombreux mots en français comme en espagnol. Certains sont lexicalisés depuis longtemps et
ne sont plus perçus comme des troncations familières (le bus, le métro, la moto, le cinéma –
qui vient de « cinématographe »-, la photo...), d’autres sont encore associés au registre
familier (le ciné –nouvelle troncation de la forme déjà tronquée « cinéma »-, la télé, une auto,
le prof, la manif...)
Lorsque la fin du mot est tronquée, il s’agit d’une apocope (comme dans le phénomène
gramatical : tanto / tan, primero / primer, etc.). Lorsque c’est le debut du mot qui est éliminé,
il s’agit d’une aphérèse : ex. autobús > bus
En español : el cine, la tele, un auto, la bici, la moto, un boli (bolígrafo), la mili, el profe, la
mani, el cole, el metro, el taxi...
On remarque ici au passage que la troncation met en évidence un principe d’accentuation et
de constitution “modèle” du mot espagnol que le linguiste Robert Omnès appelle le “modèle
syllabique castillan” : des études ont en effet mis en évidence qu’il existe une sorte de
structure idéale représentative du mot “typique” du point de vue de sa morphologie et de son
accentuation dans le lexique espagnol : le mot le plus fréquent est un mot d’accentuation
“llana”, c’est-à-dire avec l’accent placé sur l’avant-dernière syllabe (mot paroxyton), constitué
de 2 syllabes et d’une alternance consonne/voyelle/consonne/voyelle. Autrement dit, comme
les mots “casa”, “lobo”, “coma”, etc.
Or on remarque que lors d’une troncation par apocope (lorsque la fin du mot est tronquée),
par exemple, le procédé d’apocope permet souvent de retrouver ce modèle syllabique (et
accentuel), même lorsque le mot de départ y échappe, comme dans le cas de “bolígrafo” (qui
est long et avec un accent irrégulier, “esdrújulo”, donc proparoxyton). Avec la troncation, on
retrouve le modèle syllabique et l’accentuation majoritaire qui lui est associée, à savoir
l’accentuation paroxytone (“llana”) : > “boli”

L’usage des abréviations (de la troncation) est souvent caractéristique de certains « parlers »
associés à certains groupes de population, en particulier les jeunes.

La siglaison est le procédé de formation de mots nouveaux par sigles, en exploitant selon les
cas les initiales ou la (les) première(s) lettre(s) ou syllabe(s) de différents mots de façon à
reconstituer un sigle ; il s’agit donc d’une abréviation ( troncation) initiale suivie d’une réunion
des différentes formes abrégées. En France, on épelle en général les lettres qui composent le
sigle obtenu (ex. pour les partis politiques : l’U.M.P., le P.S., le P.C., ...; pour les syndicats : la
C.G.T., F.O., etc... : ou encore la S.N.C.F., la R.A.T.P., ...) ; en Espagne, le plus souvent, on lit le
sigle obtenu sans épeler).

Ex. : RENFE < REd Nacional de Ferrocarriles Españoles (prononcé [renfe] )


S.O.S. < anglais “Save Our Souls” (= Sauvez nos âmes), (prononcé tantôt [eseoése], tantôt
[sos])
Un sigle est la réduction graphique d’un groupe de mots, formée de la suite de leurs initiales
(toutes ou certaines d’entre elles) et s’accompagnant d’une réduction à l’oral et à l'écrit (SNCF,
RENFE, PC, PSOE...) : selon les cas, la prononciation du sigle est alphabétique (lettres épelées)
ou syllabique (lecture linéaire du mot, comme un mot ordinaire).

Sigles à prononciation alphabétique (ex. en français) :

produit intérieur brut → P.I.B. [péibé] parfois lu également et prononcé /pib/


interruption volontaire de grossesse → I.V.G. [ivéZé]
organisme génétiquement modifié → O.G.M. [oZéèm]
offre publique d’achat → O.P.A. [opéa]
sans domicile fixe → S.D.F. [èsdéèf]
Comité international olympique → C.I.O. [séio]
Fonds monétaire international → F.M.I. [èfèmi]

Sigles à prononciation syllabique :

objet volant non identifié → ovni [òvni]


syndrome d’immuno déficience acquise → sida [sida]

numéro d’identification personnel → NIP [nip]

Organisation du traité de l’Atlantique Nord → OTAN [òtâ]


United Nations International Children’s Emergency Fund → UNICEF [ynisèf]
Les sigles de la première catégorie sont parfois appelés sigles épelés et ceux de la deuxième
catégorie sigles acronymiques. Ce qui nous amène à la définition suivante.

Un acronyme est un type de sigle particulier, c’est un mot prononcé linéairement (comme les
autres mots de la langue) et formé de la suite des éléments initiaux (initiale, premières lettres
ou syllabes) d’un groupe de mots.

On voit donc que les "sigles à prononciation syllabique" ci-dessus peuvent aussi être
considérés comme des acronymes.

Les acronymes qui suivent sont quant à eux formés de syllabes ou groupe quelconque de
lettres initiales des mots qui constituent le syntagme :

modulator-demodulator (ou modulateur-démodulateur) → modem


bourgeois bohemian (ou bourgeois bohème) → bobo
Ouvroir de littérature potentielle → Oulipo
Belgique Nederland Luxembourg → Benelux

Voici enfin des exemples d’acronymes hybrides, composés à la fois d’initiales et de syllabes
initiales :

radio detecting and ranging → radar


pacte civil de solidarité → pacs
société d’investissement à capital variable → sicav
Association française de normalisation → Afnor

Bien qu’ils soient souvent rangés parmi les « abréviations » au sens large, les sigles et
acronymes ne sont pas des abréviations au sens strict, car ces dernières sont des réductions
purement graphiques qui ne s’accompagnent pas d’une réduction à l’oral : par exemple,
l’expression c’est-à-dire a pour abréviation c.-⁠à-⁠d., dont la prononciation demeure [sètadir]
et ne se réduit donc ni à [séadé] ni à [kad].

Signalons enfin que les sigles et acronymes peuvent à leur tour donner naissance à des mots
dérivés :

vélo tout-terrain → V.T.T. → vététiste (« adepte du V.T.T. »)


pacte civil de solidarité → pacs → (se) pacser (« conclure un pacs »)

En espagnol : le nom du syndicat UGT (sigle épelé), donne lieu à une dérivation propre pour
nommer ses adhérents : "un ugetista"

L’usage de sigles, du point de vue des intentions discursives, est également intéressant à
analyser (dans les médias, par ex.). remarquons par exemple qu’en France comme en Espagne,
dans certains secteurs jugés sensibles à un moment donné comme la contraception ou les
maladies sexuellement transmissibles, le sigle fonctionne comme un « euphémisme » (figure
de discours destinée à atténuer le choc, l’impact produit par une désignation trop directe).
Ainsi, le terme I.V.G. (Interruption Volontaire de Grossesse) permet d’éviter « avortement »,
tout comme M.S.T. (Maladies Sexuellement Transmissibles). En espagnol, le sigle D.I.U.
(Dispositivo Intra Uterino = le stérilet) permet d’éviter de nommer directement le moyen
contraceptif, et E.T.S. permet quant à lui de ne pas référer explicitement à enfermedades de
Transmisión Sexual.

L’emprunt :
L’emprunt est un mot d’origine étrangère utilisé dans le discours. Différents facteurs justifient
le recours à des emprunts dans une langue donnée : dépendance politique, économique,
culturelle, avancées technologiques, phénomènes de mode, « snobisme », etc...
Principalement, ce sont les médias qui favorisent le recours aux emprunts et permettent leur
diffusion. C’est un secteur particulièrement dynamique et intéressant à analyser.
Dans une première phase, le terme étranger est introduit en référence à un signifié propre à
la langue étrangère (ex. « internet », signe importé tel quel en français comme en espagnol,
lié à l’avancée technologique américaine) Le mot est alors souvent utilisé en tant que
« xénisme »(= mot perçu comme étranger et utilisé avec des signes qui permettent de
l’identifier comme tel et de le démarquer du reste du discours : italiques, guillemets,
traduction entre parenthèse, etc... )

En espagnol, la plupart des emprunts sont d’origine anglo- américaine, et dans une moindre
mesure française, mais chaque langue génère des emprunts dans des domaines qui lui sont
propres.

Les emprunts à l’anglo-américain concernent très souvent le commerce, les affaires,


l’industrie, le spectacle, la médecine, les nouvelles technologies, le sport, etc... ; les emprunts
au français concernent plutôt la culture, la gastronomie (« fin gourmet », « de bon goût »,
« mousse », « crêpe », « chef », « foie gras »...), la vie mondaine et les arts du spectacle, la
mode, la référence à une certaine liberté de moeurs (« enfant terrible », « voyeur », ...).
Il arrive que certains emprunts correspondent plutôt à des mots ou expressions qui
fonctionnent comme des « ornements » du discours, sans aucune justification pour le sens
global du message, et ne semblent être utilisés que pour permettre à celui qui les emploie de
faire état d’un certain statut socio-culturel. En ce sens, ils sont plus révélateurs du locuteur
lui-même et de l’image qu’il veut donner par son discours que véritablement du sens du
message énoncé.
L’intégration des emprunts (lorsqu’un usage nouveau entre officiellement dans le système
lexical de la langue, il est dit « lexicalisé ») est un phénomène intéressant et permet de
repérer un certain décalage entre les systèmes français et espagnol. Le plus souvent, le
français, lorsqu’il choisit d’intégrer les emprunts à son lexique, le fait sans en modifier le
signifiant : « stress », « football », etc...). En espagnol, l’intégration d’un emprunt peut générer
trois cas de figure : l’intégration sans modification, il s’agit d’un emrpunt « brut » (comme le
français), l’intégration avec modification orthographique pour faire en sorte que le mot soit
davantage perçu comme étant en accord avec le système phonologique et orthographique
espagnol (el fútbol), voire même une véritable transformation morphologique : la forme du
mot peut être légèrement modifiée de façon à mieux « coller » avec les paradigmes lexicaux
et/ou morphologiques espagnols (par ex. le féminin en –a), et à ressembler à certaines séries
lexicales déjà attestées (ex. el estrés, el reportero). L’hispanisation des mots étrangers, même
si elle tend à perdre du terrain ces dernières années au profit d’une « importation » telle
quelle (« standing », « camping », ...), est une tendance plus forte en espagnol qu’en français
où les emprunts sont assez peu « francisés ».

• Ex. :
• Terme de départ Terme lexicalisé
• Anglais/français espagnol
• Internet internet
• Buffet bufé
• Entrecôte entrecot
• Avalanche avalancha
• Sweater suéter
• Reporter reportero

Les emprunts peuvent aussi s’accompagner d’un changement de genre (une entrecôte > un
entrecot ), et très souvent, d’une modification sémantique (restriction ou extension du sens,
en fonction d’un domaine très particulier : ex. l’emprunt au français « debut » concerne
exclusivement en espagnol le monde du spectacle ). Nous reviendrons dans le cours suivant
sur l’aspect sémantique de la création lexicale.

Lorsqu’on traduit littéralement un mot composé ou dérivé étranger, on produit un « calque


lexical (morphématique )1» Le mot anglais skyscraper a donné des calques exacts [(fr) gratte-
ciel, (es) rascacielos

1
Vous n’êtes pas obligés de retenir le terme « morphématique », mais je l’indique pour information. Nous
n’entrerons pas dans le détail ici.

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