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Principes généraux de la transcription phonétique

La notation adoptée est celle de l'Association Phonétique internationale; tous les mots traités dans le
dictionnaire sont transcrits. Quand un mot peut se rencontrer sous différentes formes, une transcription suit
chacune de ses formes. Les variations morphologiques du nom et de l'adjectif sont présentées sans reprise
de la racine (ex. : Journ-al, -aux : [ʒurnal, o]). Le pronom des verbes pronominaux, qui varie selon les
personnes, n'est pas transcrit. Enfin, nous nous sommes efforcés de noter les variations importantes de la
prononciation d'un mot dans certains syntagmes (ex. : huit).

Nous avons considéré la prononciation du mot isolé. C'est pourquoi nous n'avons pas noté la prononciation
des éléments (ex. : aéro-), qui n'existent pas isolément.

Les variations des mots dans les syntagmes sont indiquées en remarque. Ainsi nous avons transcrit dix [dis],
puisqu'en disant le mot isolé, c'est la seule prononciation attestée. Par contre, dans l'article, des explications
sont données pour dix garçons [digarsɔ̃;] et dix enfants [dizɑ̃fɑ̃].

Syllabation

La division des mots en syllabes n'offre pas d'intérêt majeur; comme elle alourdit et complique la
transcription phonétique, nous ne l'avons pas indiquée. Il suffira de noter ici que deux consonnes différentes
se séparent (acteur [ak-tœr]; exemple [ɛg-zɑ̃pl]), mais que deux consonnes dont la deuxième est une liquide [l, r]
forment un groupe explosif avant lequel se fait la division (après [a-prɛ]).

Accent

Nous n'avons pas noté l'accent tonique qui, dans le mot isolé, est fixé régulièrement sur la dernière voyelle
prononcée. Dans la chaîne parlée, le mot peut perdre son accent; par exemple, dans « Il est grand », grand
est accentué, mais dans « C'est un grand enfant », grand est inaccentué. L'accent porte sur la dernière
syllabe du groupe rythmique.

Longueur des voyelles

La longueur des voyelles en français ne sert pas à distinguer des mots — sauf pour [ɛ] dans quelques cas
(ex. : mètre [ɛ], et maître [ɛ:]) —; encore cette distinction a-t-elle tendance à disparaître. C'est pourquoi nous
n'avons pas noté la longueur des voyelles. Il suffira de signaler qu'en français contemporain, les voyelles
s'allongent dans certaines positions et selon des lois précises. Tout d'abord, seules les voyelles accentuées
peuvent être longues. Parmi ces voyelles, seules s'allongent : 1° les voyelles nasales [ɑ̃, ɔ̃, ɛ̃, œ̃ ] et les voyelles
[ɑ, o, ø] suivies d'une consonne prononcée (ex. : chance [ʃɑ̃:s]; émeute [emø:t]); 2° les voyelles accentuées
suivies des consonnes [r, z, v, ʒ], et du groupe consonantique [vr] (ex. : chèvre [ʃɛ:vr]; bonheur [bɔnœ:r]).
L'allongement de la voyelle dépendant de son accentuation, la dernière syllabe d'un mot pourra être allongée
ou non suivant la position du mot (ex. : il parle fort [fɔ:r], mais : il est fort beau [fɔrbo]).

Variations de prononciation

De nombreux mots sont soumis à des variations de prononciation, qui se manifestent surtout dans les
points du système où des changements sont en cours. Elles dépendent des caractéristiques des locuteurs
(âge, sexe, profession) et du style (soutenu, familier) : mais un même sujet peut, dans une même phrase,
prononcer le même mot de deux façons différentes en hésitant entre l'usage ancien et l'usage récent.

Nous avons voulu donner la description la plus exacte des usages actuels dans leur variété, tout en tenant
compte de la prononciation que la norme phonétique recommande. Nous avons donc indiqué ces variations
en donnant le plus souvent possible toutes les prononciations attestées d'un mot, sans pour autant
multiplier inutilement les transcriptions phonétiques. Quand deux prononciations ont la même valeur
d'usage, la première transcription correspond à la prononciation la plus fréquente (ex. : auréole [ɔreɔl; oreɔl]).
Quand la prononciation dépend du style, des marques précisent la valeur d'emploi.

Distinctions en régression

La tendance générale du français est de supprimer certaines distinctions. Ainsi [œ̃ ] tend à se prononcer
comme [ɛ̃]. On entend souvent un chat [ɛ̃ʃa] et non [œ̃ ʃa], et brun comme brin [brɛ̃]. On observe de même une
régression de la distinction entre [a] et [ɑ], au profit d'une voyelle ouverte centrale intermédiaire entre le a
antérieur [a] et le a postérieur [ɑ], ce qui entraîne une confusion entre patte [pat] et pâte [pɑt], là [la] et las [lɑ]. On
peut remarquer que les termes en [ɑ] ont tendance à disparaître de la langue courante.

Pour ces voyelles, nous avons en général transcrit la prononciation correspondant à l'usage qui maintient la
distinction, en ne mettant deux transcriptions que dans les cas où même les locuteurs qui pratiquent ces
distinctions ont un usage hésitant.

Ouverture des voyelles

Le cas des voyelles [e], [ɛ], [ø], [œ], [o], [ɔ] est plus complexe. La distinction entre voyelle ouverte et voyelle
fermée se maintient dans l'usage parisien. L'opposition [ø]/[œ] sert à distinguer uniquement les mots jeûne
[ʒøn], jeune [ʒœn], et veule [vøl], veulent [vœl], mais l'alternance vocalique pratiquée dans les adjectifs du type
menteur [mɑ̃tœr], menteuse [mɑ̃tøz] contribue au maintien de l'opposition. Ces oppositions ne se rencontrent
pas pour toutes les positions de la voyelle dans le mot.

En syllabe finale accentuée, [e] s'oppose à [ɛ] en syllabe ouverte, c'est-à-dire terminée par la prononciation de
la voyelle (ex. : ré [re], raie [rɛ]), et [o] s'oppose à [ɔ] en syllabe fermée, c'est-à-dire terminée par une consonne
prononcée (ex. : saule [sol], sol [sɔl]). En syllabe ouverte, on prononce uniformément [o] et [ø], et en syllabe
fermée [ɛ].

En syllabe non finale de mot, l'opposition entre voyelle ouverte et fermée ne se fait plus guère que pour
l'opposition [o]/[ɔ] dans quelques mots (ex. : beauté [bote], botté [bɔte]).

1° Cas de [e] et [ɛ] en syllabe non finale. Si la norme donne les prononciations pécheur [peʃœr] et pêcheur
[pɛʃœr], la majorité des locuteurs ne pratique plus cette distinction. Il aurait été possible de transcrire [E],
symbole utilisé par les linguistes pour transcrire l'archiphonème (V. ce mot dans le dictionnaire), et
manifester ainsi que la distinction [e]/[ɛ] ne se pratique plus souvent en syllabe non finale de mot. Mais nous
n'avons pas voulu mélanger les symboles utilisés en transcription phonétique et phonologique. Nous avons
choisi de transcrire selon la norme et de n'introduire de variations de prononciation que dans les cas où cela
s'imposait.

Selon la règle de l'harmonisation vocalique, quand un [ɛ] en syllabe ouverte subit l'influence d'un [i], [y] ou [e]
dans la syllabe suivante, il se ferme (ex. : je vêtais [vɛtɛ], mais vêtez [vete], je vêtis [veti], vêtu [vety]). Cependant,
des enquêtes récentes ont montré que les locuteurs appliquaient fort inégalement cette règle. Quand
l'usage était en contradiction avec cette règle, nous avons transcrit les deux prononciations possibles (ex. :
embêter [ɑ̃bɛte; ɑ̃bete]).
2° Cas de o non final. En général, le o non final se prononce [ɔ] (ex. : joli [ʒɔli]), mais lorsque le radical initial
est terminé par o, plusieurs cas peuvent se présenter : a) le mot est perçu comme une unité; dans ce cas, on
prononce o ouvert [ɔ] (ex. : photographie [fɔtɔgrafi]); b) le mot est nettement perçu comme composé de deux
morphèmes; dans ce cas, on prononce o fermé [o] (ex. : photonucléaire [fɔtonykleɛr]).

Entre ces deux cas extrêmes, des hésitations d'usage peuvent se rencontrer; nous avons souvent transcrit
les deux prononciations en usage.

Les consonnes

1° Les consonnes doubles ou géminées. Les consonnes géminées peuvent ou non être prononcées, selon
les cas. Elle se prononcent souvent dans certains mots savants ou étrangers, et à l'articulation d'un préfixe
avec un radical (illégal). Mais, dans de nombreux mots courants, la géminée ne se fait pas sentir : accolage,
accueil, appétit, cannibale, effet, collage, colline, erreur, etc.

2° L'assimilation. À l'intérieur d'un mot, une consonne sourde se sonorise devant une consonne sonore, une
consonne sonore s'assourdit devant une consonne sourde. Parfois l'assimilation est incomplète. Dans le
mot médecin, d est assourdi mais reste une consonne douce [mɛdsɛ̃]. Parfois, il y a assimilation de surdité et
de force. On peut alors transcrire un [p] (qui correspond au b) et un [t] (ex. : adsorption [atsɔrpsjɔ̃]).

Les semi-voyelles

Les voyelles i, u, ou, suivies d'une voyelle se prononcent [j], [ɥ], [w] (ex. : pied [pje]), sauf quand elles sont
précédées d'un groupe liquide (consonne + [r] ou [l]), auquel cas elles se prononcent [ij], [y], [u]; ex. : crier [krije],
cruel [kryɛl]. Mais en poésie, on peut toujours faire la diérèse (ex. : « Les violons [vijɔlɔ̃;] mêlaient leur rire au
chant des flûtes » [Verlaine]).

Le h « aspiré »

Le h à l'initiale d'un mot ne correspond pas à un souffle, sauf dans certaines interjections. Mais quand il est
dit « aspiré », il empêche la liaison et l'élision. Nous avons noté ce fait par une apostrophe ['] devant la
transcription. Si les mots commençant par h « aspiré » sont détachés de la chaîne parlée, ils peuvent être
homonymes d'autres mots ne commençant pas par h, quoique dans la chaîne parlée on ne puisse pas les
confondre (ex. : haut ['o] et eau [o] qui deviennent le haut et l'eau : [ləo] et [lo]).

Les mots étrangers

Les mots étrangers ont parfois deux prononciations différentes, l'une où la graphie du mot est interprétée
selon les habitudes françaises, et l'autre où la prononciation est simplement adaptée au système
phonétique français en restant le plus près possible du modèle étranger. Dans ces cas-là, nous avons mis
les deux transcriptions (ex. : gas-oil [gazɔjl; gazwal]). La terminaison anglaise -ing a été transcrite [iŋ], le signe [ŋ]
représentant un [g] nasalisé. Il est cependant fréquent d'entendre [iɲ], comme dans ligne (nasale palatale).

Le e muet (ou « instable ») [ə]

À l'intérieur des mots, le e instable [ə] précédé d'une seule consonne prononcée tombe toujours (ex. :
émeraude [ɛmrod]; follement [fɔlmɑ̃]). Nous avons noté uniquement cette prononciation. Cependant, en
versification régulière, le e instable se conserve pour des raisons d'euphonie. Ainsi : « J'ai plus de souvenirs
[suvənir] que si j'avais mille ans » (Baudelaire). Ce e est aussi prononcé dans une grande partie du Midi de la
France (ex. : samedi [samdi] prononcé [samədi]).
Comme nous avons considéré la prononciation du mot isolé, nous n'avons jamais transcrit le e instable en
fin de mot (ex. : table [tabl]), sauf dans les monosyllabes (ex. : me [mə]). Cependant, nous avons transcrit [(ə)]
dans la première syllabe des mots pour distinguer les mots où le e instable peut tomber (ex. : fenêtre
[f(ə)nɛtr]) et ceux où il se maintient toujours (ex. : belette [bəlɛt]).

Selon la position d'un mot dans la phrase, le e instable [ə] se prononce ou tombe. a) À la fin d'un mot :
précédé d'une seule consonne, [ə] tombe toujours; précédé de deux consonnes, il tombe à la pause ou
devant une voyelle (ex. : à table ! [atabl]; la table à repasser [tablarpɑse]). Par contre, il se prononce dans un
groupe rythmique, devant consonne (ex. : table ronde [tablərɔ̃d]). b) Au début du mot : dans un mot
commençant par deux consonnes, [ə] se conserve; dans un mot commençant par une seule consonne, [ə]
tombe après une seule consonne et se conserve après deux consonnes (ex. : la fenêtre [lafnɛtr]; une fenêtre
[ynfənɛtr]). c) Dans les monosyllabes : on a tendance à prononcer les [ə] dans la lecture. Dans la conversation,
à l'intérieur du groupe rythmique, [ə] tombe après une seule consonne prononcée.

Le cas de succession de e instables. En général, le premier e se conserve, le deuxième (précédé d'une seule
consonne) tombe, le troisième (précédé de deux consonnes) se conserve, etc. (ex. : je le recevais [ʒəlrəsvɛ] —
mais on entend aussi [ʒlərsəvɛ] —; je ne le recevais pas [ʒənlərsəvɛpɑ].

La liaison

Devant un mot commençant par une voyelle ou un h « muet », la consonne finale et normalement muette du
mot précédent peut se prononcer. Ce phénomène de la liaison entraîne alors la modification de quelques
consonnes finales (s et x se prononcent [z], d se prononce [t]); il provoque aussi la dénasalisation de
certaines voyelles nasales, en particulier après bon (ex. : un bon ami [œ̃ bɔnami]) et la plupart des adjectifs en
[ɛ̃] (ex. : moyen âge [mwajɛnaʒ], plein air [plɛnɛr]), mais la dénasalisation est rare après mon, ton, son, et elle ne
se produit pas après un (ex. : un ami [œ̃ nami]), aucun (ex. : aucun ami [okœ̃ nami]), en (ex. : en allant [ɑ̃nalɑ̃]), bien
et rien (ex. : bien arrivé [bjɛ̃narive]).

Les prononciations régionales

La tendance à l'uniformisation du sytème phonétique s'accentue aujourd'hui sous l'influence des médias qui
diffusent, en général, un modèle standardisé. Mais dans chaque région, des habitudes phonétiques se
maintiennent et peuvent s'écarter sensiblement de la prononciation parisienne. Nous invitons les lecteurs à
reconnaître ces différences qui font partie de la richesse du français.

Aliette Lucot.

N. B. : La conjugaison des verbes français pose de nombreux problèmes phonétiques qui sont traités dans
les Remarques phonétiques des tableaux des conjugaisons, à la fin du tome VI.

Nous avons tenu compte des précieuses indications d'usage données dans l'ouvrage de A. Martinet et
H. Walter, Dictionnaire de la prononciation française dans son usage réel, Paris, France Expansion, 1973, et du
résultat des enquêtes réalisées auprès de deux cents locuteurs parisiens consigné dans la thèse de
doctorat de 3e cycle « Méthodologie d'une enquête sociolinguistique auprès de sujets parisiens », par Aliette
Boumendil-Lucot. — On pourra consulter également : P. Delattre, Studies in French and comparative
phonetics, La Haye, Mouton, 1966; P. Léon, Prononciation du français standard : Aide-mémoire d'orthoépie à
l'usage des étudiants étrangers, Paris-Bruxelles-Montréal, Didier, 1967; B. Malmberg, Manuel de Phonétique
générale, Paris, Picard, 1974; Phonétique française, Malmö, 1969; A. Martinet, la Prononciation du français
contemporain, Genève, Droz, 1971.

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