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Première

Introduction à la
philosophie
économique/7
< Première Introduction à la philosophie économique

Nicolas Baudeau
Première Introduction à la philosophie
économique
ou analyse des États policés (1767)
Texte établi par Auguste Dubois, Paul
Geuthner, 1910 (p. 183-187).
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RÉSUMÉ GÉNÉRAL

Rassemblons dans l’ordre le plus clair qu’il nous sera possible les principes économiques,
dont l’évidence doit être désormais assez frappante pour saisir tous les esprits attentifs.

N° Premier.
Le droit naturel et la philosophie morale.

1° Desirer sa conservation, son bien-être, c’est l’attrait naturel de tous les hommes.

2° Pourvoir à cette conservation, à ce bien-être, c’est le devoir naturel de tous les hommes.

3° Pour que tous les hommes puissent suivre cet attrait, et remplir ce devoir naturel de mieux
en mieux, autant qu’il est possible, il faut nécessairement deux conditions ; la premiere, que
nul homme n’opere jamais sa conservation et son bien-être, en empêchant la conservation et
le bien-être d’autres hommes ; la seconde, que tout homme opere le plus qu’il est possible sa
conservation et son bien-être, en procurant la conservation et le bien-être de quelques autres
hommes.

Ces trois vérités indubitables renferment la loi naturelle, l’ordre social, le droit des gens ; c’est
une illusion très absurde et très dangereuse de les chercher ailleurs.

Il est souverainement évident que s’il s’offre à un homme, à plusieurs hommes deux moyens
de procurer leur conservation et leur bien-être, que l’un de ces moyens soit destructif de la
conservation et du bien-être d’un ou de plusieurs autres hommes, que l’autre soit conservatif
et augmentatif de ce bien-être ; s’ils choisissent le premier et rejettent le second, l’attrait
naturel sera d’autant moins suivi, le devoir naturel sera d’autant moins rempli, le vœu de la
nature pour la prospérité de l’espece sera moins accompli.

De là naissent évidemment les idées de justice, de crime ou délit, et de bienfaisance par


essence.

Ne pas empêcher la conservation et le bien-être des autres hommes, c’est justice.

Les empêcher, c’est crime ou délit.


Au contraire, les procurer, c’est bienfaisance.

Et ce, par l’ordre éternel, immuable, irrésistible de la nature et de son auteur suprême,
indépendamment de tout ce que les hommes peuvent faire, dire ou penser ; et ce avant toute
convention humaine, tout pacte, toute société ; et ce dans tous les cas, dans tous les lieux,
dans toutes les circonstances.

Voilà le droit naturel et la philosophie morale, qui sont d’une certitude supérieure à tout.

N° II.
La loi sociale et le droit des gens.

1° La conservation et le bien-être de l’espece humaine et de chacun des individus qui la


composent, dépendent des jouissances utiles ou agréables.

2° Ces jouissances utiles ou agréables sont attachées à l’usage des productions naturelles
plus ou moins façonnées par l’art.

Donc la bienfaisance consiste à multiplier les productions naturelles, et à perfectionner les arts
qui les rendent propres aux jouissances utiles ou agréables, qui font la conservation, le bien-
être des individus, la propagation et la prospérité de l’espece.

Donc la justice consiste à ne pas diminuer la masse de ces productions naturelles, à ne pas
empêcher son accroissement, à ne pas détériorer l’art qui les rend propres aux jouissances, à
ne pas empêcher sa perfection progressive et continuelle.

Donc le crime ou le délit consiste à diminuer cette masse de productions, à empêcher son
accroissement, à détériorer l’art, à empêcher sa perfection.

Voilà la loi sociale et le droit des gens

de par la nature, et son ordre évident.


N° III.
La constitution économique des États policés.

1° Pour éviter de mieux en mieux autant qu’il est possible les crimes ou délits, pour accomplir
de mieux en mieux toute justice, pour suivre le plus possible l’ordre de bienfaisance, il faut
une société économique entre les hommes.

2° Trois arts caractéristiques forment cette société : l’art social, qui fait naître, qui maintient,
qui perfectionne le savoir, le vouloir, le pouvoir, par le moyen de l’instruction, de la protection,
de l’administration, et qui dispose ainsi la terre et les hommes à conserver et augmenter sans
cesse la masse des productions, la somme des jouissances.

L’art productif qui prépare et qui opere les récoltes des productions naturelles dans l’état de
simplicité primitive.

L’art stérile qui les façonne, les unit, les incorpore l’une à l’autre pour en former des
subsistances qui se consomment subitement, ou des ouvrages de durée qui s’usent
lentement.

Tout ce qui maintient et perfectionne ces trois arts est bien, tout ce qui les dégrade est mal,
en tout temps, en tout lieu, en toute circonstance de par la nature, soit que les hommes
quelconques le sachent et le veulent, soit qu’ils l’ignorent et ne le veulent pas.

Voilà toute la législation économique ; elle est unique, éternelle, invariable, universelle ; elle est
évidemment divine et essentielle.

N° IV.
Les règles générales et particulières.

1° Désirer la multiplication des hommes sur la terre, des hommes éclairés, justes et
bienfaisants, heureux et dignes de l’être, c’est-à-dire, la perfection des arts sociaux, des arts
productifs, des arts stériles ; c’est à dire l’amélioration progressive et continuelle des
propriétés, l’extention et la perfection des libertés ; non seulement le désirer, mais y
contribuer de son mieux, et ce par sentiment intérieur de respect et d’amour pour l’ordre
bienfaisant de la nature.

Sur-tout ne jamais usurper aucune propriété, n’en jamais empêcher l’acquisition, la perfection,
la jouissance, c’est-à-dire, ne violer jamais aucune liberté, et ce par obéissance à la loi de
justice par essence.

Telle est la règle générale, éternelle et universelle de tous les hommes quelconques, sans
nulle exception en tout état et en toute circonstance.

2° Perfectionner de plus en plus principalement et en premier lieu l’instruction morale


économique, c’est-à-dire l’enseignement de la loi naturelle de justice par essence, de l’ordre
naturel de bienfaisance sociale, et de tout ce qui peut contribuer au maintien et aux progrès
continuels des trois arts caractéristiques des sociétés policées : en second lieu, la protection
tant intérieure qu’extérieure, contre les usurpateurs des propriétés et les violateurs des
libertés ; c’est-à-dire la justice civile et criminelle, les bonnes et sages relations politiques
d’alliances défensives, la force militaire contre les invasions et les ravages de la barbarie
seulement : en troisième lieu, la bonne et sage administration publique, c’est-à-dire la
perception directe des seuls vrais revenus de la souveraineté, qui consistent dans une portion
du produit net parfaitement disponible, telle que la classe productive ait toujours prélevé
largement ses reprises, et les propriétaires largement la double portion qui leur appartient,
sur la valeur de la production totale (perception qui procure sans injustice et sans délits à
l’autorité souveraine les moyens de remplir les fonctions augustes et sacrées de son
ministère) ; user de ces moyens avec sagesse pour améliorer non seulement l’instruction et la
protection, mais encore les grandes propriétés publiques et communes, qui font valoir toutes
les propriétés privées.

Telles sont les règles éternelles immuables universelles des dépositaires quelconques de
l’Autorité suprême.

3° Améliorer ses propriétés foncières sans attenter à la portion de revenu qui forme le
patrimoine de la souveraineté, sans subjuguer, sans dépouiller, sans avilir la classe
cultivatrice, sans usurper nulles propriétés, sans violer nulle liberté de nul individu : c’est la
règle des propriétaires fonciers.

4° Améliorer les exploitations productives, épargner les hommes, les hommes, travaux, les
avances, le sol, en multipliant les productions naturelles, en les bonifiant dans leur espèce, en
observant d’ailleurs toute justice et dans l’augmentation de ses avances primitives, et dans la
jouissance des fruits qu’on en retire : c’est la règle de la classe productive.

5° Exercer ses talents acquis ou naturels, sans lésion de personne : c’est la règle de la classe
stérile.

En un seul mot, être vraiment amis des hommes : voilà toute la Philosophie Morale, et toute
l’Économie Politique.

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