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11 Les analytismes
Abstract : La contribution prétend décrire les fonctions des analytismes dans les
1 Introduction
Un analytisme (AN) est la dissociation analytique d’une constituante (verbale ou
nominale) en deux unités, une unité fonctionnelle et une unité référentielle :
Dans les analytismes verbaux, les termes prédicatifs (ici : preuve) sont des dérivés
1 Les exemples discutés dans cette contribution sont donnés en français, mais représentent les
structures des langues romanes en général. Si les mécanismes et / ou les fonctions d’autres langues
romanes diffèrent de ceux du français, on donnera des exemples additionnels pour ces langues.
2 Aussi connu comme « verbe support ». Dans cette contribution, on préfère le terme « verbe fonction-
nel » pour indiquer qu’il s’agit d’un élément qui remplit des fonctions textuelles importantes.
Vivès 1993, 10) ainsi que l’indication de temps et d’aspect, respectivement l’aktions-
art3 du verbe :
(1) Jean aborde une étude du projet. Jean commence à étudier le projet.
(2) Jean mène une étude du projet. Jean est en train d’étudier le projet.
Les verbes fonctionnels des phrases (1) et (2) pourraient être remplacés par des
équivalents capables de changer la valeur aspectuelle de la construction. En effet,
selon Maurice Gross, la sélection de verbes fonctionnels acceptables dans un analy-
tisme reste illimitée tant et si bien que la relation entre le sujet et la nominalisation
reste invariable (cf. Gross 1981, 33). Or, comme le démontrent les exemples suivants,
ce ne sont pas seulement des verbes, mais aussi des substantifs qui peuvent subir une
dissociation analytique en deux unités :
Dans les deux cas, c’est le deuxième élément qui contient la signification lexicale,
mais, du point de vue syntaxique, cet élément constitue alors celui qui dépend du
premier élément. L’analogie entre les deux AN est évidente : le AN nominal consiste
Nx → Nf + de Nx
adjectif synonyme, par ex. : activité de production → activité productive.4 Les nomina-
3 L’aspect verbal se discute dans la littérature scientifique sous des dénominations divergentes :
Hamplová (1968), par ex., utilise le terme « aktionsart », tandis que Coseriu (1976) parle de « catégories
aspectuelles ». Chez Fernández de Castro (1999), on trouve le terme de « sens aspectuel ». Pollak (1960,
39) résume une distinction devenue généralement acceptée : « Les aktionsarten modifient le sens
lexical du verbe, tandis que l’aspect représente une catégorie nettement syntaxique ». Ainsi, « aktion-
sart » constitue une catégorie lexico-semantique désignant la manière dont se déroule l’action. Les
1974, 77).
4 Pour un corpus d’analytismes nominaux authentiques, cf. Forner (1998, 106).
lisations peuvent donc subir la transformation analytique et, en outre, une adjectiva-
tion :
plupart des cas, les verbes fonctionnels sont simplement supprimés, générant une
forme identique à la nominalisation du verbe de base : effectuer des corrections → les
corrections ; faire irruption → l’irruption etc. (Forner 1998, 89). Seuls les verbes
une décision → prise de décision. Ce résultat, étant nominal, est susceptible, à son
tour, de subir une transformation analytique nominale : prise de décision → processus
de prise de décision. Cette chaîne transformationnelle peut encore être élargie par une
adjectivisation (de Nx → Adj) ; l’adjectivation provoque normalement, si elle est
précédée de plusieurs noms (ici : processus + de prise …), une suppression du nom
intermédiaire (ici : de prise) (cf. Forner 1998, 90).5 – Une longue chaîne de transfor-
mations régulières qui risque d’en camoufler l’origine : décider → prendre une déci-
5 Pour la fonction des adjectifs relationnels et les problèmes de leur traduction, cf. Frevel (2002).
6 Ci-après abrégé par FVG. Schwall (1991) définit les FVG comme des syntagmes composés d’un
élément verbal et un élément nominal (éventuellement avec un complément prépositionnel). Ces
syntagmes représentent une unité sémantique, remplissant des fonctions prédicatives, par ex. unter
Beobachtung stehen (‘ȇtre placé sous surveillance’, cf. Schwall 1991, 173). Or, la définition des FVG
ressemble beaucoup à celle des analytismes ; FVG et AN ne sont cependant pas identiques, comme on
le verra par la suite. – Pour une définition et description des FVG, surtout discutés dans le cadre de la
philologie allemande, cf. par ex. von Polenz (1963) ; Heringer (1968) ; Schwall (1991) ; Detges (1996).
fortes similarités entre les deux types de construction verbale. Le terme de Funktions-
verbgefüge, FVG, fait l’objet de définitions différentes. Ainsi, par ex., Seifert (2004, 57)
le définit comme prototype des constructions verbales ayant une capacité prononcée
de produire « des séries de commutation avec toutes les composantes ».7 Au-delà de
telles « relations libres », Seifert étend ses analyses aux dits phraséolexèmes8 ainsi
qu’aux « constructions à verbe support en processus d’idiomatisation »,9 bien qu’il les
rale, permettant la commutation avec des verbes portant des significations plus
spécifiques, par ex. :
donner ü
effectuer ý des explications ….
…. þ
Ce sont cependant précisément ces constructions rallongées qui sont capables d’ap-
porter au texte des fonctions discursives centrales, par ex. la distinction d’aktionsart :
elles dérivent systématiquement d’un verbe de base et leur verbe fonctionnel peut être
généralement substitué par d’autres Vf. En plus, Köhler (1984, 123ss.) réussit à prou-
Pour des approches françaises, notamment celles du « lexique-grammaire », cf. Vivès (1984) ; Giry-
ligne de compte’ (= berücksichtigt werden ‘prendre qc en considération’), contre in Frage stellen ‘mettre
9 Par ex., Maßnahmen treffen (‘prendre des mesures’) qui n’est pas dérivé d’un verbe de base
*maßnehmen, etc.
ver que ce sont les constructions rallongées10 qui représentent un trait caractéristique
des textes LSP.11
Un analytisme provient en général d’un verbe de base simple, ce qui exclut les
« constructions à verbe support en processus d’idiomatisation », discutées par Sei-
fert.12 Les unités nominalisées (N°) des analytismes sont susceptibles d’admettre les
déterminants courants (article, pronoms démonstratifs, …) ou d’être amplifiées par
des adjectifs ou des compléments circonstanciels : réaliser une étude / des études / une
mécanisme syntaxique totalement divergent, cf. Patzelt (2007, 30s.) ; ↗10 Les verbes
3 L’expression de l’aktionsart
Les sections suivantes abordent les fonctions textuelles des AN susceptibles d’expli-
quer leur haute fréquence dans les textes de spécialité. Cette troisième section traitera
10 Comme Büttner, Köhler utilise le terme construction à verbe support comme désignant uniquement
des constructions idiomatiques, bien que celles-ci ne constituent pas nécessairement un trait caracté-
ristique de la langue de spécialité, comme le démontrent des exemples comme faire dodo au lieu de
dormir, etc. Bien au contraire : Köhler montre que le caractère nominal des textes de spécialité repose
avant tout sur les constructions verbo-nominales libres et non pas sur les constructions dénotées
communément comme constructions à verbe support. Selon Köhler, le rapport entre les FVG et des
constructions verbo-nominales libres dans des textes de spécialité est de 1:8 ; ↗13 La fréquence des
marques de spécialité.
11 Textes LSP = textes en langue de spécialité. Il faut distinguer entre des « textes spécialisés » et des
« textes (en langue) de spécialité ». Dans les textes LSP, un ensemble de règles syntactiques, dont les
analytismes font partie, constitue un microsystème particulier qui produit un style fonctionnel,
attribué généralement aux textes spécialisés. Or, la différence entre le style neutre et le style LSP ne
réside pas dans le contenu des textes, mais dans les opérations syntaxiques qui produisent l’impression
d’un texte spécialisé (cf. Patzelt 2007, 50ss.). Au contraire du style LSP, lequel souligne le contenu
scientifique d’un texte ou qui produit, au moins, l’illusion d’un contenu scientifique chez le lecteur, le
style neutre se définit par l’absence d’une impression stylistique spéciale (cf. Forner 1998, 17).
12 Chez Seifert, il est question de constructions telles que Maßnahmen treffen (‘prendre des mesures’)
en allemand dont il n’existe pas de verbe de base synonyme*maßnehmen (‘mesurer’). Par contre, des
constructions comme in Betrieb setzen / nehmen (‘mettre en service’) proviennent d’un verbe de base
correspondant, ici betreiben (‘pratiquer, soutenir’).
13 Or, la possibilité d’amplification des N° n’est pas une condition nécessaire à la définition des
analytismes ; exemple : contacter → être en contact (avec); * être en contacts / être en un contact (avec).
marque l’aktionsart de la construction verbale. C’est par ce trait que les analytismes
s’apparentent aux périphrases verbales.14 On verra que celles-ci expriment également
l’aktionsart,15 sans cependant se rattacher à un style spécifique. La quatrième section
examinera les possibilités et particularités du deuxième constituant des AN (verbaux
et nominaux).
sion de l’aktionsart du verbe, telle que [début, résultat, …] – fonction que les AN
partagent avec les périphrases verbales. Ainsi, le [début] d’une activité peut s’expri-
mer par les deux constructions :
Il est vrai que ces exemples expriment tous les deux un aspect verbal ingressif. En
plus, les deux constructions représentent une structure analytique très semblable :
Vf + verbe-en-état-transformé.
Cependant, la structure interne des deux types de construction manifeste aussi des
différences fondamentales qui offrent des indications importantes sur leur distribu-
tion dans les différents genres textuels. Cela concerne d’une part l’expression de la
dimension actionnelle, c’est-à-dire la distinction entre [dynamique] et [statique], ou
bien [+/- dynamique]. Cette opposition repose sur Vx dans la périphrase verbale (5–
6), tandis que dans les analytismes (7–10), elle est dictée par le verbe fonctionnel :
14 Pour une définition et discussion plus approfondie des périphrases verbales, cf. Dietrich (1997). La
terminologie utilisée ici est celle de Coseriu (1976).
15 Ce qui vaut pour toutes les langues romanes, bien que le système des périphrases verbales soit plus
complexe dans les langues ibéroromanes qu’en français ou en italien (cf. Patzelt 2007).
16 La technique des AN nominaux ne se discutera pas ici. Elle fera l’objet du §4. Pour plus de détails
concernant la technique et l’application du AN nominal, cf. Forner (1994 ; 1998).
Cette différence entre les AN et les périphrases verbales entraîne d’autres différences
(discutées en détail dans Patzelt 2007), alors que les phases de l’action verbale17
(commencement/durée/résultat/répétition) s’expriment le plus souvent – et de ma-
nière plus détaillée – par des périphrases verbales.
La raison de cette différence semble résider dans la répartition des fonctions
entre le verbe fonctionnel et le verbe de base (entre Vf et Vx). Les périphrases
verbales n’ont guère de restrictions quant à la différenciation des phases aspectuelles
d’un verbe de base. Évidemment, cette grande flexibilité quant aux possibilités de
combinaison est due au fait que les périphrases verbales disposent d’une distinction
simple mais stricte entre les fonctions remplies par le Vf et celles remplies par le Vx.
Ainsi, le contenu lexico-sémantique de Vx donne la dimension actionnelle de la
construction verbale, tandis que le cadre structurel [Vf + infinitif/ gérondif/ participe]
détermine la dimension du déroulement (= phase aspectuelle). Or, une construction
comme commencer à / se mettre à / procéder à écrire admet des Vf divers, procurant
même des variations dans une seule phase aspectuelle, (ici : le commencement de
dimension actionnelle ([+ dyn]) est déterminée par le sens lexical du verbe de base
(écrire). La variation du verbe fonctionnel n’apporte donc que des distinctions, même
fines, concernant la phase aspectuelle de l’action. Par contre, elle n’affecte pas la
dimension actionnelle de la construction verbale complète. La séparation stricte
entre la dimension actionnelle, donnée par Vx, et les phases aspectuelles, exprimées
par Vf, permet donc des combinaisons libres entre Vf et Vx. Cela ne vaut pas pour les
analytismes où le Vf ne sert pas seulement à exprimer ou à nuancer une phase
aspectuelle, mais est, à la fois, aussi porteur de la dimension actionnelle de la
construction.
Ce fait conduit automatiquement à des restrictions de combinaison. Entrer en, par
ex., exprime toujours une action ingressive. Par conséquent, ce Vf ne peut être
combiné qu’avec des verbes remplissant le critère d’action [-ponctuel]. Un Vf comme
effectuer, à son tour, exclut d’avance la combinaison avec un nom d’état ([+stat]).
Ainsi, l’expression des phases aspectuelles subit plus de restrictions à l’intérieur des
analytismes que des périphrases verbales. La classe des constructions d’état [-dyn],
par contre, est beaucoup plus différenciée dans les analytismes que dans les périphra-
ses verbales (cf. Patzelt 2007). Les périphrases verbales n’englobent que des construc-
tions reflétant le verbe de base être, tandis que les analytismes sont aussi capables
17 C’est-à-dire les catégories des dimensions de déroulement par contraste aux dimensions actionnel-
les.
d’exprimer la signification des verbes de base être présent et avoir (avoir, présenter +
N° etc., cf. Patzelt 2007, 122s.). Les périphrases verbales sont donc capables d’accen-
tuer de manière détaillée une partie déterminée de l’action (« dimension de déroule-
ment »). Les analytismes, par contre, disposent d’autres fonctions qui semblent
Parmi les verbes qui peuvent, selon le contexte, exprimer tant une action qu’un état,
les analytismes offrent la possibilité d’indiquer de toute évidence l’une des deux
significations. Ainsi, apporter une preuve indique une action dans l’exemple (7), c’est-
à-dire qu’il s’agit d’une construction dynamique [+dyn], tandis que constituer une
preuve dans (8) indique un état [-dyn]. Il est évident que c’est le Vf qui est responsable
d’une telle distinction. Or, les analytismes explicitent une distinction que les verbes
de base ne peuvent indiquer que par le contexte :
action état
prouver
apporter une preuve
constituer une preuve
On lit que les constructions passives, fréquentes dans les textes de spécialité, en
représentent un trait caractéristique. Or, ce qui est représentatif du style LSP, ce sont
les verbes fonctionnels passivisants du type connaître, subir, faire l’objet de + N°, qui
sont d’une fréquence frappante.18
Par analogie avec les constructions de voix active déjà discutées, les analytismes
passifs sont aussi capables de résoudre la polysémie des verbes de base. Ce fait est
important, parce qu’il y a des langues comme le français, dans lesquelles il n’existe
qu’une seule voix passive (être + participe passif).19 Cette voix passive peut signaler
tant des actions que des états, ainsi que « la porte est fermée » peut signifier « qn
ferme la porte » ou bien « qn l’a fermée ».20 Les analytismes passifs, par contre,
permettent la différenciation entre action et état. La relation entre deux variantes peut
se représenter tant comme action ou processus (= [+dyn]) que comme état (= [-dyn]) :
18 Dans les textes LSP, les analytismes en voix passive ne remplacent pas simplement des formes en
voix passive neutres, mais ils semblent assumer des fonctions propres (cf. Patzelt 2007, 252).
19 Cela ne vaut pas pour l’espagnol, où on fait bien la différence entre ser + part. (action) et estar +
part. (état), ni pour l’italien qui différencie entre venire + part. et essere + part.
20 Une différenciation entre action et état n’est possible que par le contexte, par ex. à travers le choix
du temps grammatical ou le complément d’agent, ou aussi par le passif pronominal.
21 Phrases exemplaires citées d’après Forner (1998, 138). Sauf si indiqué autrement, les exemples de
ce paragraphe sont originaires des textes authentiques constituant le corpus de Forner (1998).
Au-delà de ces constructions, il existe aussi des constructions comme faire l’objet de +
N° pour l’expression de l’action. Les processus, par contre, s’expriment par d’autres
constructions comme subir + N°, connaître + N°, etc. :
tisme pronominal permet l’élimination des deux agents nominaux, amenant une
concentration sur l’action, et il transpose la différenciation des phases de l’action, en
analogie avec la voix active :
(verbales ou même prépositionnelles) comportant être ; tandis que les bases formées
avec y avoir ou avoir, relèvent de la compétence des Vf apporter, donner (ou leurs
synonymes) (Forner 1998, 129ss.) :
énoncé en style LSP : → « Cette transformation met à leur disposition le trait [+causatif]
qui est indispensable pour exprimer la relation Cause~Effet » (pour les présupposés
sémantiques des verbes relateurs, voir ↗10 Les verbes relateurs et l’enchâssement
nominal).
Les analytismes ne peuvent pas seulement limiter l’espace sémantique d’un verbe de
base, mais ils sont aussi capables de l’enrichir, une capacité qui concerne les verbes
de changement d’état :
entrer en [action] ü
contacter (action) → établir (un) [processus] ý contact (cf. Patzelt 2007, 203)
être en [état] þ
Comme le démontre l’exemple du verbe contacter, les verbes de base qui sont limités
à une seule configuration de signification (dans le cas de contacter : [action +
(avec) cependant exprime un état [-dyn]. Par conséquent, les analytismes servent à
amplifier systématiquement les possibilités d’expression de l’aktionsart de l’action
verbale. C’est grâce au verbe fonctionnel et au contraire du verbe de base que les
analytismes sont capables de préciser si la construction verbale indique un processus
ou un état, ou dans quelle phase du processus se trouve l’action verbale, et, en plus,
la diathèse passive ou factitive. Or, les analytismes sont capables de rendre explicite
toutes les constellations de sens possibles. Cela vaut, comme démontré, tant pour la
précision de champs sémantiques non différenciés par le verbe de base (limitation),
que pour l’ouverture de nouveaux champs pas inclus dans le sémantisme de base.
Dans le premier cas, celui d’une limitation de l’espace sémantique,23 les analytismes
réduisent le caractère polysémique de leur verbe de base à une des dimensions
possibles (action ou état).
23 L’espace sémantique rempli par les analytismes est discuté par ex. par Forner (1998, 108ss.).
(19) L’équipe réalisa la construction du pont. construction terminée, point de vue rétrospectif
(20) L’équipe réalisera la construction du pont. construction envisagée, point de vue prospectif
(21) Les ingénieurs étaient en train de construire le pont pendant / *en 2 ans.
réalisèrent la construction du pont ?pendant / en 2 ans.24
Évidemment, les deux phrases contiennent un aspect verbal duratif, parce que
sinon des combinaisons avec pendant / en ne seraient pas possibles. Cependant, les
verbes téliques (ici : construire qc) perdent leur propriété télique dans la périphrase
24 Pour une discussion plus détaillée de l’exemple ainsi que d’autres phrases exemplaires, cf. Patzelt
(2007, 103ss.).
phase spécifique de l’action. Une telle différenciation de phase peut cependant avoir
lieu dans un deuxième temps :
Contrairement au contexte des exemples (23)/(23’), il est ici question d’une action
contemplée dans son déroulement temporel et progressif (= perspective intérieure). Il
n’est pas question d’un projet envisagé (= perspective extérieure).
En somme, dans les analytismes, le groupe des verbes d’action téliques est
capable de former une succession complète de phases (commencement – ø – résul-
tat), mais cette succession n’est pas comparable à celle formée par les périphrases
verbales, parce que la différenciation affecte la perspective extérieure sur les actions
décrites.25
La définition des analytismes verbaux (Vx = Vf+Nx) évoque la supposition que les
noms (Nx) soient toujours des dérivés d’un verbe de base (Vx) et que chaque Vx puisse
se transformer en Nx. Ceci n’est pas toujours le cas. Il y a des verbes Vx dont il n’existe
pas de nom Nx correspondant, et ce déséquilibre est encore plus fréquent en sens
inverse. La technique du AN verbal est souvent empêchée par des lacunes lexicales ;
surtout les termes techniques présentent normalement la forme nominale sans équi-
valent verbal. Cette tendance nominale est encore plus accusée dans les langues
romanes qu’en allemand ou en anglais. Ainsi, par ex., le verbe manager, dérivé du
nom management, est peu commun en français. Et s’il existe un verbe correspondant,
comme le verbe projeter du nom projet, sa signification va plus loin que la description
technique du déroulement d’un procès.26 Par conséquent, si on veut placer en posi-
tion de prédicat le processus d’un management ou projet, on est condamné à se servir
d’un analytisme. On voit que le AN verbal assume une fonction textuelle importante,
comme dans (24) :
La dualité de l’AN verbal (verbe + nom) réunit les avantages stylistiques des deux
classes de mots. L’élément nominal facilite l’attribution et permet des distinctions
propres aux noms :
25 Pour une discussion plus détaillée concernant l’adoption d’une perspective extérieure par les
analytismes, cf. Patzelt (2007, 190ss.).
26 Projeter peut exprimer n’importe quel procès de planification, etc.
– L’attribution (par un adjectif, aussi par un nom, par une proposition relative)
(25) ;
Le style LSP se caractérise par certaines transformations (parmi lesquelles on note les
AN), dont le plus important est l’expression des relations circonstancielles par des
connecteurs verbaux, les verbes relateurs (↗10 Les verbes relateurs et l’enchâssement
nominal). La plupart du temps, il s’agit de verbes de consécution ; et nous savons déjà
que les verbes relateurs sont transformables en AN (§1), ou qu’ils peuvent être obtenus
par les Vf factitifs (§3.1.2). À côté de la consécution, il y a aussi la deixis temporelle qui
peut s’exprimer par des verbes relateurs. La preuve est l’exemple LSP du tableau 4
(extrait du corpus Forner 1998) : le verbe démarrer signifie l’antériorité (forme équiva-
lente : au départ), le verbe être suivi de marque la postériorité (tout comme : ensuite).
C’est bien le mérite des deux verbes relateurs (démarrer, être suivi de) que les deux
verbes du style neutre (vendre, s’écrouler) ont pu subir l’enchâssement nominal.
Ensuite, c’est le mérite de la transformation analytique, avec la forme nominale
démarrage, que la postériorité a pu être exprimée par le verbe relateur être suivi de,
entraînant à son tour l’option de nominaliser le verbe s’écrouler. C’est cette option qui
autorise la chute du sujet, qu’il a fallu, cependant, inventer (avec un air de mauvaise
conscience) pour formuler une équivalence en style neutre. En plus, la qualité
« excellente » du commencement n’aurait pas pu s’exprimer par un adjectif (cf. §4.2).
Finalement, c’est notre grammaire LSP qui permet de juxtaposer les deux indications
de temps et d’en souligner ainsi le contraste.
Le AN nominal n’est pas aussi fréquent que le AN verbal. D’une part, le nom
fonctionnel (Nf) sert de point d’orientation pour le lecteur. Or, Nf remplit avant tout
une fonction explicative. D’autre part, Nf peut avoir une valeur syntaxique impor-
tante : des expressions génériques comme « toute opération de » peuvent épargner des
nel opération évite une énumération incommode de processus divers (par ex., « […] à
réalisation : […], les activités de maintenance : […], les activités discrétionnaires : […],
etc. (cf. Forner 1998, 97). Dans ce cas-là, la fonction « renseignante » du nom fonction-
gestion.
5 Résumé
Plusieurs études ont démontré la fréquence des analytismes verbaux dans les textes
LSP (cf. Köhler 1984 ; Wilde 1994 ; Patzelt 2007). L’analyse de leurs fonctions
entières soit de phases aspectuelles possibles (par ex. étudier), soit de l’opposition
action/état (par ex. prouver). D’autre part, leur signification peut être limitée à une
seule constellation sémantique (contacter : action + commencement). Les analytis-
mes sont susceptibles de remédier à ces états de déficience ; ils maîtrisent même la
de focaliser – au même titre que les voix verbales – l’un ou l’autre des actants de la
proposition de base.
6 Bibliographie
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