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www.armand-colin.com
ISBN : 978-2-200-61921-3
Sommaire
Introduction
A De Acceptabilité à Autonymie
E De Endocentrique à Extralinguistique
I De Idiolecte à Isotopie
S De Saillance à Syntaxe
Indications bibliographiques
Introduction
De Acceptabilité à Autonymie
Affixe. Comme la notion de base (voir Base), celle d’affixe connaît un sens
étroit et un sens large. L’affixe est un morphème lié, c’est-à-dire sans
autonomie graphique. Tantôt sa définition recouvre exclusivement les
morphèmes dérivationnels, préfixes et suffixes (voir Dérivation), tantôt elle
s’ouvre également aux morphèmes flexionnels, c’est-à-dire aux désinences
(voir Flexion). Cette dernière approche vise à faire ressortir le caractère lié,
qui est commun aux deux types de morphèmes. On parle alors d’affixes
dérivationnels et d’affixes flexionnels. Selon la place qu’ils occupent par
rapport à la base avec laquelle ils se combinent pour former un mot
nouveau, les morphèmes dérivationnels se répartissent en préfixes (avant la
base ex. : dé- dans déloyal), et en suffixes (après la base ex. : -ment dans
joliment). Ils peuvent entraîner une recatégorisation grammaticale de la
base (ex. : cour-, base verbale ; coureur, substantif), recatégorisation qui
s’accompagne bien sûr d’une modification des propriétés syntaxiques du
dérivé par rapport à celles de sa base. Mais leur apport est surtout d’ordre
sémantique (ex. : chanter = action ; chanteur = agent, etc.). On notera enfin
que les morphèmes dérivationnels ne présentent pas la prévisibilité de
combinaison qu’offrent les morphèmes flexionnels. Par exemple, si à partir
de cour- (courir) il est possible d’obtenir le dérivé nominal coureur, on ne
peut en inférer que ce type de dérivation suffixale s’applique effectivement
pour toute base verbale. On a là un procédé de formation lexicale virtuel,
que le discours n’atteste pas nécessairement (par exemple, le mot fermeur,
dérivé de ferm-, fermer, n’est pas usité). Enfin, il convient de mentionner
dans la catégorie affixale, avec les préfixes et les suffixes, le cas particulier
des infixes, inexistants en français, qui sont des affixes insérés dans la base.
Par exemple, en latin, l’infixe -n- transforme la base jug- dans jungere
(« joindre »).
Voir aussi : Base, Dérivation, Flexion, Grammème/lexème, Morphème.
Exemple
Soit le corpus suivant : illégal, illogique, inexact, inutile, irréaliste,
irresponsable. La segmentation et la commutation permettent aisément
d’isoler les unités [il], [in] et [iR]. Un premier examen de la distribution
fait apparaître dans les trois cas le même signifié négatif. Un examen
plus approfondi indique que ces trois formes sont des variantes
contextuelles, c’est-à-dire qu’elles véhiculent la même information
sémantique, qu’elles s’adjoignent au même type de base (un adjectif),
mais que selon la configuration morphophonologique de cette base, le
morphème négatif prendra la forme [il], [in] ou [iR]. Ces formes sont
donc en distribution complémentaire. Dans le corpus, [il] apparaît dans
un environnement où [in] et [iR] ne peuvent être réalisés (inlégal,
irlégal, inlogique, irlogique, etc.), [in] apparaît dans un environnement
où [il] et [iR] ne peuvent être réalisés (ilexact, irexact, ilutile,
irutile, etc.), et ainsi de suite. Cette distribution complémentaire
signale que ces trois formes sont trois réalisations concrètes (trois
variantes) d’un même morphème. On appelle ce phénomène
l’allomorphie. [il], [in] et [iR] sont trois allomorphes d’un même
morphème.
Les allomorphes (du grec allos « autre », et morphê « forme ») sont des
variantes contextuelles d’un morphème. Ils véhiculent la même information
sémantique mais présentent un signifiant qui varie selon l’environnement.
Ils sont donc en distribution complémentaire. Dans cette perspective, le
morphème apparaît comme une unité abstraite, et les allomorphes comme
des réalisations effectives de ce morphème dans un environnement donné.
Voir aussi : Conditionnement morphématique, Morphème.
Allotopie ☞ Isotopie.
Amuïssement. On appelle amuïssement l’effacement d’un phonème dans
la prononciation ex. : le phonème /s/, dans le participe du verbe être esté
[εste], qui a évolué en été [ete], s’est amui, c’est-à-dire qu’il est devenu
muet.
Voir aussi : Phonème.
Analycité. La notion d’analycité est principalement employée en
sémantique logique. Elle décrit un mode particulier de vérité exprimé par
des phrases définitionnelles. Si l’on cherche par exemple à déterminer les
conditions de vérité d’un énoncé comme Il neige, on doit en passer par une
confrontation avec le réel. Une vérification empirique (ouvrir la fenêtre et
observer le temps qu’il fait) permettra d’établir si cet énoncé est vrai ou
faux (voir Vériconditionnalité). En logique, ce type de proposition est
appelé synthétique. Sa vériconditionnalité est contingente, puisqu’elle
s’établit par rapport aux faits et qu’elle est ainsi susceptible de varier selon
les circonstances. La vérité d’une phrase comme Les chimpanzés sont des
singes (exemple emprunté à Robert Martin, Pour une logique du sens) est
d’une autre nature, puisque cette phrase ne peut être fausse. Dans la mesure
où le prédicat être un singe fait partie de la définition du mot chimpanzé, on
dit que cette phrase est vraie par définition, autrement dit vraie en vertu de
son contenu définitionnel. C’est une phrase analytique, donc une tautologie.
Elle est vraie dans tous les mondes possibles. En raison du fait que leur
vériconditionnalité n’est pas circonstancielle, les phrases analytiques sont
fréquemment sollicitées pour l’examen des relations sémantiques entre les
mots. Par exemple, la permutation des syntagmes sujet et attribut dans la
phrase donnée plus haut (Les singes sont des chimpanzés), qui, si l’on
maintient la valeur générique de l’article les, aboutit à une proposition
fausse, puisque tous les singes ne sont pas des chimpanzés, permet de noter
une relation de hiérarchie entre les deux substantifs, dite relation
d’hyperonymie : singe est l’hyperonyme de chimpanzé.
Voir aussi : Hyponymie/hyperonymie, Univers de croyance, Vériconditionnalité.
Exemple
L’ACI, qui indique non seulement les relations de dépendance entre les
unités syntagmatiques mais aussi leurs relations distributionnelles, offre
ainsi un modèle d’analyse des fonctions syntaxiques strictement formel,
c’est-à-dire positionnel. Par exemple, le sujet sera le constituant
immédiatement placé sous (P), en relation distributionnelle avec le SV
formant le second CI de (P) : ex. : Le barbier de Séville, en position de
premier CI de la phrase Le barbier de Séville rase les mélomanes, et donc
en relation distributionnelle avec rase les mélomanes, sera identifié comme
sujet, etc. On notera toutefois que la perspective asémantique de l’ACI,
indifférente au contexte, ne permet pas de traiter le cas des constructions
ambiguës, qu’elle analysera sans établir de distinction fonctionnelle : par
exemple l’homonymie dans la ville de Florence (« la capitale toscane », ou
bien « la ville où habite une femme nommée Florence »).
Voir aussi : Commutation, Distribution, Phrase, Récursivité, Stemma, Syntagme,
Transformation.
Apodose ☞ Protase/apodose.
Archisémème ☞ Sème.
Argument. Le mot argument a été emprunté au vocabulaire de la logique
formelle pour désigner les constituants généralement nominaux d’une
relation prédicative. Ainsi dans Arthur mange, le nom Arthur est un
argument en ce qu’il occupe la fonction sujet du verbe manger, autrement
dit en ce qu’il sature une des positions syntaxiques définies par la structure
argumentale de ce verbe. On utilise souvent, depuis les travaux de Lucien
Tesnière sur la valence verbale (voir Valence), la notion d’actant avec cette
valeur. Toutefois, il est nécessaire de ne pas confondre les fonctions
argumentales des syntagmes nominaux (ex. fonction sujet, fonction objet)
avec le rôle joué par le référent visé par ces syntagmes.
Voir aussi : Actant, Prédicat/ prédication, Saturation, Valence.
De Base à Coréférence
Classème ☞ Sème.
Classifiance/non-classifiance. Les notions de classifiance et de non-
classifiance ont été exposées par Jean-Claude Milner (De la syntaxe à
l’interprétation), dans le cadre d’une étude portant sur l’interprétation
exclamative des noms et des adjectifs. Cette opposition notionnelle est
généralement exploitée en sémantique lexicale, textuelle et discursive pour
l’analyse de la subjectivité énonciative, et particulièrement pour le
traitement des concepts flous et approximatifs.
Dans cette perspective, les noms dits ordinaires sont réputés classifiants
en ce qu’ils désignent une classe d’éléments précisément définie. Parmi les
caractéristiques des noms ordinaires, Jean-Claude Milner relève les
propriétés suivantes. Ils déterminent leur référent par eux-mêmes. En
fonction attributive, dans un énoncé en être, ils contribuent à marquer
l’appartenance d’un élément à une classe, laquelle peut être définie
indépendamment de l’acte énonciatif où elle apparaît (ex. : X est un député
d’opposition). Ce jugement d’appartenance à une classe, dans les assertions
attributives, peut être négativé (ex. : X n’est pas un député d’opposition),
mais, positives ou négatives, ces assertions ont les mêmes propriétés. Les
noms ordinaires peuvent être employés de manière oppositive pour
identifier dans un ensemble un sous-ensemble précis (ex. : Les élus
protestent, et plus particulièrement les députés). La substitution d’un nom
ordinaire par un autre affecte nécessairement l’interprétation de l’énoncé, ce
qui témoigne du fait qu’ils expriment un sens lexical très précisément
déterminé.
Cette approche des noms ordinaires peut être transposée à certains
adjectifs, qui, comme les adjectifs de couleur, manifestent un
fonctionnement classifiant. Soit l’adjectif bleu, permettant de délimiter la
classe des objets ayant la propriété être bleu. Cette propriété est définissable
objectivement, en dehors de toute énonciation singulière. L’emploi attributif
de l’adjectif énoncera donc, selon la forme positive ou négative de
l’assertion, un jugement d’appartenance ou de non-appartenance du référent
nominal à l’ensemble des objets bleus.
Les propriétés des noms ordinaires s’opposent, selon Jean-Claude Milner,
à celles des noms dits de qualité, réputés non classifiants. Les noms de
qualité peuvent être employés de manière non autonome comme substituts,
et donc tenir leur référence d’un nom ordinaire antécédent. En fonction
attributive, ils n’expriment pas nécessairement une appartenance, ils
peuvent également énoncer une insulte, et manifester ainsi un
fonctionnement assimilable à celui des performatifs (ex. : nom ordinaire :
Tu es un avocat ; nom de qualité : Tu es un salaud). Ce qui fait dire à Milner
que les noms de qualité fonctionnent, relativement à l’acte de langage
qu’est l’insulte, comme la première personne du présent dans je promets,
relativement à l’acte de langage qu’est la promesse. Ils sont indissociables
de l’énonciation singulière où ils figurent (voir Acte de langage). Cette
performativité des noms de qualité se retrouve dans leur emploi en assertion
négative et dans le discours indirect. Si l’on confronte Tu es un salaud à Tu
n’es pas un salaud, on observe que l’assertion négative ne présente pas
davantage d’effets pragmatiques qu’une assertion attributive ordinaire, de
forme positive ou négative. Le fait qu’une fois négativé le nom de qualité
perde ses propriétés pragmatiques spécifiques permet d’établir une
distinction nette avec les noms ordinaires, qui, quelle que soit la forme de
l’énoncé, maintiennent leurs propriétés. Si l’on confronte à présent La
secrétaire m’a dit que le professeur X ne viendrait pas à La secrétaire m’a
dit que ce salaud ne viendrait pas, on observe que dans le cas de l’emploi
du nom ordinaire professeur deux interprétations sont envisageables : le
mot professeur est assumé par la secrétaire, dont on rapporte les propos, ou
bien il est assumé par le sujet de l’énonciation (je), et, dans ce cas, la
secrétaire peut ne pas l’avoir employé, par ignorance de la fonction occupée
par X, ou pour d’autres raisons. Une telle ambiguïté s’observe également
dans le cas de l’emploi du nom de qualité salaud, qui peut être une parole
de la secrétaire, rapportée en discours indirect, ou bien une insulte proférée
par l’énonciateur et introduite dans l’énoncé comme un commentaire
personnel. Mais, comme le note Milner, dans les deux cas, le sujet de
l’énonciation (je) assume l’insulte. D’où il ressort qu’on ne peut énoncer un
nom de qualité sans énoncer également, en la prenant à son compte, la
valeur affective de ce nom. Enfin, on notera que les noms de qualité ne
manifestent pas la capacité restrictive des noms ordinaires, et que leur
substitution ne bouleverse pas l’interprétation de l’énoncé. Si, dans
l’exemple donné plus haut, on substitue cet imbécile à ce salaud, la valeur
d’insulte de l’énoncé n’en est pas affectée.
Cette approche des noms de qualité peut être transposée à certains
adjectifs susceptibles de recevoir l’exclamation (ex. : admirable, ravissant,
sinistre, etc.), qui en emploi attributif ne marquent stricto sensu aucun
jugement d’appartenance. Il n’existe pas de classes précisément et
objectivement définies dont les constituants pourraient être qualifiés
d’admirables, de ravissants ou de sinistres en dehors de l’énonciation
singulière où ils figurent.
Voir aussi : Acte de langage, Énoncé/énonciation, Pragmatique, Référence/référent,
Sens/signification.
Compact ☞ Comptable/massif.
Compétence/performance. Le terme de compétence désigne un
ensemble structuré de connaissances et d’aptitudes linguistiques acquises au
cours de la période d’apprentissage et partagées par les locuteurs d’une
même langue. Ce savoir commun, appelé également grammaire
intériorisée, est ce qui permet aux sujets parlants de produire et de
comprendre un nombre théoriquement illimité de phrases. C’est la
compétence qui explique par exemple la capacité d’un locuteur à émettre un
jugement sur la grammaticalité d’un énoncé, c’est-à-dire sur sa conformité
aux règles qui régissent la grammaire de sa langue. À cette capacité
théorique, s’oppose la performance, qui correspond à la mise en application
effective de ces connaissances linguistiques, chez le sujet, au cours de la
production des énoncés dans des situations de communication spécifiques.
C’est la performance qui permet par exemple à un locuteur de statuer sur
l’acceptabilité d’un énoncé, c’est-à-dire sur son accessibilité sémantique.
Voir aussi : Acceptabilité, Grammaticalité, Langue/discours, Puissance/effet.
Exemple
La base du verbe coudre présente trois allomorphes, qui, dans la
conjugaison, alternent selon la désinence : coud- [ku], je couds, etc. ;
cous- [kuz], je cousais, etc. ; coud- [kud], je coudrai, etc. Le type de
désinence commande donc ici le signifiant de la base verbale.
Connexion ☞ Stemma.
Contenu propositionnel. Du point de vue sémantico-logique, le contenu
propositionnel d’un énoncé est défini par la vériconditionnalité de cet
énoncé, c’est-à-dire par l’ensemble de ses conditions de vérité,
indépendamment des faits liés à la perspective communicationnelle. Ainsi
les énoncés : Sans aide, Caroline n’y arrivera pas ; Caroline, sans aide, n’y
arrivera pas ; Caroline n’y arrivera pas sans aide, ne se distinguent que du
point de vue de la structure informationnelle. Ils présentent le même
contenu propositionnel : les conditions de vérité de la proposition qui les
constitue n’ont pas varié, car les relations entre les unités du réseau
sémantique (classes génériques, fonctions conceptuelles, référents) sont
identiques dans les trois cas. Seuls les symboles possédant des conditions
de vérité sont susceptibles d’être pourvus d’un contenu propositionnel.
Le philosophe John Ray Searle distingue, dans sa théorie des actes de
langage, le contenu propositionnel d’un énoncé de sa force illocutoire : par
exemple dans Je te promets que tu réussiras, la force illocutoire est énoncée
par le marqueur de promesse je te promets, et le contenu propositionnel par
le marqueur tu réussiras.
Voir aussi : Acte de langage, Vériconditionnalité.
De Défectivité à Double
articulation
Décodage ☞ Encodage/décodage.
Deixis ☞ Endophore/exophore, Indexal.
Défectivité. Dérivé de l’adjectif défectif, du latin defectivus, de deficere,
« faire défaut ». La notion de défectivité sert à rendre compte,
principalement d’un point de vue morphologique, de l’incomplétude des
réalisations formelles d’une structure linguistique. Elle vise notamment à
caractériser des paradigmes qui ne possèdent pas certaines formes fléchies
présentes dans d’autres paradigmes. Ainsi, par exemple, en français, les
verbes gésir ou quérir sont dits défectifs parce que leur conjugaison ne
comporte pas toutes les réalisations modales et temporelles qui se
rencontrent dans la conjugaison de la plupart des autres verbes français. De
même, l’impératif est un tiroir modal défectif, en ce qu’il ne connaît de
réalisations qu’à certaines personnes. En anglais, les verbes can, may shall,
will, par exemple, sont des verbes défectifs en ce qu’il leur manque les
formes de subjonctif et d’impératif.
Voir aussi : Flexion, Paradigme.
Dense ☞ Comptable/massif.
Dérivation. En morphologie, la dérivation est un procédé de formation des
mots qui consiste à adjoindre à une base un ou plusieurs affixes (préfixes
et/ou suffixes). Ex. : le verbe déceler est formé par dérivation préfixale sur
le verbe celer ; l’adjectif ogival est formé par dérivation suffixale sur le
substantif ogive.
On doit compter au nombre des faits de dérivation affixale ceux qui
relèvent de la parasynthèse. On appelle dérivation parasynthétique, un type
de dérivation qui agglutine simultanément à une base un préfixe et un
suffixe. Par exemple, encolure : dans ce dérivé de col, les formes préfixe
+ base et base + suffixe n’ont aucune existence en langue, car ni encol ni
colure ne sont attestés. La notion de dérivation parasynthétique n’est pas
aisée à mettre en application, particulièrement dans le cas des adjectifs
dérivés d’une base verbale comme imbattable, dont la forme base + suffixe
(battable), qui n’est pas attestée, présente un mode de formation des plus
courants qui pourrait l’amener à connaître des réalisations en discours, ce
qui conduirait à voir en synchronie dans imbattable une dérivation par
préfixation. Toutefois, si l’on fait prévaloir le critère sémantique
(imbattable, « qui ne peut pas être battu »), on observe que la dérivation
s’effectue à partir du verbe battre et non pas à partir de l’adjectif battable.
On compte encore souvent au nombre des faits de dérivation affixale le
procédé de formation appelé dérivation régressive (ou inverse, ou
rétrograde), qui consiste à obtenir à partir d’un verbe une unité nominale
plus courte par suppression de la désinence (noms dits déverbaux ou
postverbaux). L’orientation de cette dérivation n’est observable qu’en
diachronie (ex. : aider > aide, visiter > visite). En réalité, la suppression de
la désinence doit s’analyser comme un fait de recatégorisation
grammaticale de la base et non pas comme un cas de dérivation par
affixation.
Enfin, on notera le cas particulier de la dérivation dite impropre (ou
conversion, ou recatégorisation), qui n’a aucun caractère affixal, et à
proprement parler aucun caractère morphologique. Elle consiste à transférer
un mot d’une classe grammaticale à une autre sans opérer de modification
formelle. Ex. : un homme fort (adjectif), un homme fort aimable (adverbe).
Voir aussi : Affixe, Base, Morphème, Stemma (translation), Synchronie/diachronie.
Exemple
Diachronie ☞ Synchronie/diachronie.
Diastématique. L’adjectif diastématique est formé sur un mot d’origine
grecque, diastème, qui signifie « intervalle ». Gustave Guillaume appelle
partie de langue diastématique, une classe de mots dont l’incidence (voir
Incidence) ne s’exerce pas à l’égard d’un support mais à l’égard d’un
intervalle psychique entre supports. Ce qui, dans cette perspective
linguistique, est le propre de la préposition (ex. : de dans la leçon de
musique), qui est destinée à intervenir en discours entre deux mots (ex. :
leçon et musique), que sépare un intervalle non couvert par un mécanisme
d’incidence en fonctionnement : il n’y a pas d’incidence entre musique et
leçon dans la leçon [de] musique, c’est pourquoi la leçon musique est
agrammatical ; la préposition de sert donc à mettre en place ici un
mécanisme d’incidence qui sans elle serait inexistant.
Voir aussi : Incidence, Prédicativité.
Diathèse ☞ Valence.
Discours/langue ☞ Langue/discours.
Discours/texte. Les notions de discours et de texte entrent fréquemment
en concurrence dans l’analyse linguistique, qu’il s’agisse, par exemple, de
décrire les faits de cohésion et de cohérence, ou d’établir des typologies.
Cette concurrence s’est longtemps réglée au bénéfice du discours,
d’installation plus ancienne que le texte en linguistique, et employé avec
des valeurs très diverses et à différents niveaux d’analyse. On pensera entre
autres au discours comme langage mis en action, c’est-à-dire comme langue
assumée et actualisée par un sujet parlant, comme instance d’énonciation,
comme mécanisme conditionnant l’énoncé, comme énoncé de volume
supérieur à la phrase, comme échange conversationnel, ou encore comme
système de contraintes régissant la production des énoncés d’un point de
vue social ou idéologique, voire comme système de signes non verbal (voir
Georges-Elia Sarfati, Éléments d’analyse du discours). Quant au texte, on
l’a longtemps relégué au rôle de corpus.
Les développements de l’analyse de discours et de la linguistique des
textes ont permis de clarifier quelque peu les champs d’application
respectifs de chacune des deux notions. Partant des travaux de François
Rastier (Sens et textualité), on réservera la notion de discours à un ensemble
d’usages linguistiques codifiés, ensemble qui est subordonné à une pratique
sociale (discours juridique, religieux, scientifique, etc.), et on réservera la
notion de texte à une suite linguistique autonome, qu’elle soit orale ou
écrite, constituant un objet empirique, cohésif et cohérent, et produite par
un énonciateur dans le cadre d’une pratique sociale spécifique. Dans cette
perspective, il apparaît que le système linguistique ne saurait produire à lui
seul un texte. D’autres codifications sociales entrent en jeu, et notamment le
genre. Un discours est donc articulé en divers genres correspondant à autant
de pratiques sociales. Si bien que, comme le suggère François Rastier, un
genre est ce qui rattache un texte à un discours.
Voir aussi : Cohésion/cohérence, Contexte/cotexte, Énoncé/ énonciation, Interprétation,
Langue/discours, Progression thématique, Sémantique.
De Endocentrique
à Extralinguistique
Énonciation ☞ Énoncé/énonciation
Épenthèse. Variété de métaplasme réalisée par l’addition dans un mot
d’un phonème non étymologique. Ex. : le phonème /b/ dans le mot nombre,
qui vient du latin numerus.
Voir aussi : Métaplasme, Phonème, Prothèse.
Exophore ☞ Endophore/exophore.
Explétif. Du latin explere, « remplir ». L’adjectif explétif est employé le
plus souvent pour caractériser le fonctionnement d’un constituant de la
phrase qui n’est nécessaire ni sur le plan sémantique, ni sur le plan
grammatical, et qui est par conséquent tenu pour facultatif. Ainsi, en
français, l’adverbe ne dans Elle redoute qu’il ne parte ne présente-t-il
aucune valeur de négation. Ce que montre sa possible suppression (Elle
redoute qu’il parte), qui ne modifie pas le sens de l’énoncé, ou bien l’usage
de la négation dans la subordonnée (Elle redoute qu’il ne parte pas), qui au
contraire inverse le sens de l’énoncé.
➲ Remarque
L’emploi de l’adjectif explétif s’étend parfois aux constituants de la phrase strictement
formels, qui sont dénués de valeur sémantique mais qui sont indispensables à l’intégrité
syntaxique, comme le pseudo-sujet il de la tournure impersonnelle en français (Il gèle).
De Factif à Hypotaxe
Factif. Les verbes dits factifs sont des verbes qui présupposent la vérité de
la subordonnée qu’ils introduisent (déplorer que, ignorer que, regretter que,
savoir que, etc.). Par exemple, dans Claire sait que Paul est pianiste, le
contenu propositionnel de la subordonnée que Paul est pianiste est
présupposé vrai, tout à la fois dans l’univers de Claire et dans celui de
l’énonciateur. Les verbes factifs figurent, notamment avec les verbes
d’attitude propositionnelle et les verbes de parole, parmi les facteurs
d’opacité contextuelle.
➲ Remarque
Le terme factif s’est également appliqué au cas des langues finno-ougriennes exprimant
un changement d’état. Il est concurrencé dans cet emploi par le terme translatif.
Glose ☞ Épilinguistique.
Grammaticalisation. La notion de grammaticalisation désigne, en
linguistique diachronique, le processus par lequel un mot, au cours de
l’évolution historique d’une même langue, ou bien en passant d’une langue
à une autre, se voit conférer le statut de morphème grammatical (ou
grammème). Phénomène qui s’observe par exemple pour malgré,
préposition formée, par composition et grammaticalisation, sur l’adjectif
mal (au sens de « mauvais ») et sur le substantif gré ; point, adverbe de
négation formé par grammaticalisation du substantif point ; le suffixe
adverbial -ment, formé par grammaticalisation de l’ablatif du substantif
latin mens, mentis (« esprit ») ; le suffixe verbal -(i) fier (ex. : cocufier,
dragéifier, momifier, etc.), formé par grammaticalisation du verbe latin
facere (« faire »), etc. La grammaticalisation s’accompagne nécessairement
d’une désémantisation.
Voir aussi : Grammème/lexème, Prédicativité (subduction), Synchronie/diachronie.
Grammaticalité. Tout sujet parlant dispose, sans nécessairement en avoir
conscience, d’une grammaire intériorisée de sa propre langue, qui lui
permet de produire et d’interpréter des énoncés. C’est en vertu de cette
grammaire intériorisée, qui relève de sa compétence linguistique (voir
Compétence/performance), qu’il juge de manière intuitive si l’énoncé est
grammatical ou non. La grammaticalité est la conformité d’une phrase aux
règles (morphologiques et syntaxiques) qui régissent la grammaire d’une
langue. À ce titre, elle est un des facteurs qui permettent de déterminer
l’acceptabilité d’un énoncé (voir Acceptabilité). La phrase Gordon se rend
au Royal Palace est conforme au code de la langue française. Elle est
grammaticale. La phrase *Gordon rend se au Royal Palace est
agrammaticale car elle est impossible ; elle n’appartient pas à la langue
française. Cette agrammaticalité est indiquée par le signe [*]. On ne
confondra pas l’agrammaticalité, qui statue sur l’impossibilité d’une phrase,
avec l’incorrection, qui proscrit une construction pour des raisons de
bienséances langagières, soumises à variation en fonction des contextes et
des époques (ex. : Arthur n’est pas allé au pain. Il s’est fait crier), ni avec
l’inacceptabilité, qui frappe par exemple les phrases présentant de trop
nombreux enchâssements syntaxiques.
Voir aussi : Acceptabilité, Compétence/performance, Interprétabilité.
Hyperonymie ☞ Hyponymie/hyperonymie.
Hyponymie/hyperonymie. L’hyponymie est une relation sémantique de
hiérarchie entre deux lexèmes. L’hyponyme est un lexème subordonné à un
autre lexème, qui lui est superordonné, et qui est appelé hyperonyme. Par
exemple : caniche, siamois, golden, saule sont des hyponymes de chien,
chat, pomme, arbre dans la mesure où tous les sèmes de chien, chat,
pomme, arbre sont des composants du signifié de caniche, siamois, golden,
saule. On désigne par le terme de co-hyponymes des lexèmes partageant le
même hyperonyme et se distinguant entre eux par un ou plusieurs sèmes
spécifiques (ex. : caniche et teckel partagent le même hyperonyme, chien,
ils sont co-hyponymes).
Voir aussi : Extension/intension, Holonymie/méronymie, Sème.
De Idiolecte à Isotopie
Implication ☞ Inférence.
Implicature. La notion pragmatique d’implicature, développée par le
philosophe Paul Grice (Communications no 30), repose sur la distinction
entre ce qui est dit et ce qui est implicité dans le discours. Ce qui est dit
manifeste les aspects vériconditionnels de l’énoncé. Ce qui est implicité
manifeste les aspects non vériconditionnels, car dans ce cas, ce qui se
trouve communiqué par l’énoncé excède ce que la structure linguistique de
cet énoncé, dans l’ordre lexical et syntaxique, est susceptible de signifier
(voir Véricontionnalité). La thèse de Grice repose donc sur l’idée qu’un
énoncé, dans certaines situations de discours, peut transmettre infiniment
plus d’informations au destinataire du message que son sens littéral ne le
laisse penser. L’implicature permet ainsi de rendre compte de certains types
d’inférences qui ne peuvent être réduits au strict mécanisme logique de
l’implication (voir Inférence).
Grice distingue deux types d’implicatures, selon que le processus
inférentiel est déclenché par le matériel linguistique (particulièrement,
d’ordre lexical) ou bien par des données situationnelles de la
communication, autrement dit par des données non exclusivement
linguistiques. Les premières sont dites implicatures conventionnelles, elles
correspondent au processus inférentiel du présupposé. Par exemple, on
infère de la proposition Caroline a interrompu ses études supérieures la
proposition Caroline a commencé des études supérieures. Les secondes sont
dites implicatures conversationnelles, elles correspondent au processus
inférentiel du sous-entendu. Par exemple, dans l’échange suivant – Vous
viendrez nous voir en juillet ? – Claire doit remplacer un de ses collègues,
l’énonciateur de la question, en dépit du fait que la réponse qui lui est faite
est littéralement inappropriée, inférera de ce sens littéral que son
interlocuteur et la personne nommée Claire ne pourront pas venir le voir à
cette période de l’année, présumant ainsi que l’énonciateur de la réponse
maîtrise les lois du discours et qu’il ne répond pas « à côté ».
Grice a dégagé quatre critères permettant de distinguer les implicatures
conversationnelles. Contrairement aux conventionnelles, ces implicatures
sont calculées sur la base du principe de coopération (voir Coopération) ;
elles sont annulables (l’annulation d’une implicature conversationnelle ne
produit aucune contradiction) ; elles sont non détachables (l’inférence est
associée au sens de l’expression et non à sa forme, on ne peut donc la
détacher de l’énoncé en substituant à l’expression concernée un de ses
synonymes) ; elles sont indéterminées, dans la mesure où leur dépendance
contextuelle est grande, c’est-à-dire qu’elles ne reçoivent aucune
détermination en dehors du contexte (par exemple, plus une métaphore est
figée, autrement dit porteuse d’une inférence décontextualisée et fixée par
une expression linguistique, moins elle est susceptible de recevoir une
analyse en termes d’implicature conversationnelle).
Voir aussi : Acte de langage, Coopération, Énoncé/énonciation, Inférence, Interaction
verbale, Pertinence, Pragmatique, Rôle/valeur, Vériconditionnalité.
Implicite ☞ Inférence.
Incidence. La notion d’incidence a été développée par Gustave
Guillaume, d’une part dans le cadre d’une théorie du temps verbal
(l’opposition incidence/décadence se rapporte à la manière dont on se
représente le procès dans le temps), d’autre part dans le cadre de l’étude des
mécanismes syntaxiques qui régissent le fonctionnement dans la phrase des
parties du discours prédicatives (voir Prédicativité). On ne retiendra ici que
ce deuxième aspect de la notion. L’incidence syntaxique repose sur l’idée
que tout mot constitue un apport de signification qui doit être référé à un
support. Cette relation entre les éléments apports et supports, désignée par
le terme d’incidence, est ce qui règle l’assemblage des constituants
syntaxiques. Par exemple, l’incidence du substantif est une incidence dite
interne car l’apport et le support de signification ne sont pas dissociables.
Dans Le train passe, le substantif train ne manifeste aucune dépendance
syntacticosémantique. L’incidence de l’adjectif qualificatif est dite externe
car le mot adjectival n’est pas en lui-même pourvu d’un support. Par
conséquent, il le requiert, et cet appui syntaxique lui est fourni en discours
par un constituant nominal de son entourage. Par exemple, dans Le vélo
rouge a disparu, l’incidence externe de l’adjectif rouge se manifeste par la
dépendance syntaxique de l’épithète à l’égard du syntagme nominal le vélo,
qui lui fournit le support dont il a besoin. Le mécanisme d’incidence des
parties du discours est fixé dès la langue, mais cela n’empêche nullement
les phénomènes de recatégorisation en discours. Ainsi, un substantif, bien
que relevant d’une classe définie en langue par un régime d’incidence
interne, pourra manifester en discours une incidence externe, mais au prix
d’une adjectivation (ex. : une phrase type). Le phénomène de l’incidence ne
se borne pas à régler l’assemblage des constituants à l’intérieur du
syntagme, il règle également l’organisation des syntagmes dans l’énoncé. À
ce niveau, on veillera à ne pas confondre l’incidence avec la portée.
Voir aussi : Portée, Prédicativité.
Infixe ☞ Affixe.
Intension ☞ Extension/intension.
Interaction verbale. La notion d’interaction verbale est employée en
analyse du discours pour désigner la relation entre des participants à un
échange communicatif de type interlocutif. Il y a interaction dans la mesure
où les participants (ou interactants) exercent les uns sur les autres des
influences mutuelles qui déterminent leur comportement au cours de
l’échange. Comme l’expose Catherine Kerbrat-Orecchioni (Les Interactions
verbales, I), l’échange ne saurait être réduit à la prise de parole alternée de
chacun des partenaires. Pour qu’il y ait interaction verbale, il faut que les
participants s’engagent mutuellement dans l’échange, non seulement qu’ils
parlent mais qu’ils se parlent. Pour ce faire, ils doivent user de procédés
phatiques et régulateurs (voir Fonctions du langage).
Les procédés phatiques, auxquels recourt le locuteur, sont destinés à
maintenir attentive l’écoute de l’allocutaire, qu’il s’agisse de signaux non
verbaux – comme la position du corps, le regard, les mimiques, de signaux
paraverbaux – comme l’intensité articulatoire, le débit, les pauses, ou qu’il
s’agisse de signaux verbaux fonctionnant comme des capteurs d’attention
(ex. : Tu comprends, Tu sais, Tu vois, Je vais te dire, etc.).
Les procédés régulateurs sont des contributions langagières produites par
le récepteur, souvent en réponse aux sollicitations du locuteur. Ces
contributions ne peuvent être assimilées aux tours de parole, elles
n’interrompent donc pas l’intervention du partenaire. Il peut s’agir, là
encore, de signaux non verbaux (hochements de tête, sourires, etc.),
paraverbaux, au moyen de diverses vocalisations (ex. : mmh), ou bien
verbaux (ex. : tiens, ah bon, ah oui, etc.). La fonction des régulateurs peut
être selon les cas d’encourager le locuteur à poursuivre son tour de parole,
de lui signaler un doute, une obscurité dans son discours, etc.
Catherine Kerbrat-Orecchioni rappelle que les procédés phatiques et
régulateurs sont en permanente corrélation dans l’interaction verbale, ils ne
jouissent donc d’aucune indépendance, mais forment plutôt un ensemble de
signaux qui doit être pensé comme un système de synchronisation
interactionnelle. Par exemple, si le locuteur manifeste une élocution
défaillante, son partenaire multipliera les signaux régulateurs ; inversement,
si l’allocutaire manifeste une volonté de désengagement de l’échange, le
locuteur multipliera les signaux phatiques.
Partant de l’hypothèse que la conversation constitue un ensemble
hiérarchisé de niveaux d’organisation, les conversationnalistes distinguent
cinq rangs dans l’interaction verbale, dont la dénomination peut varier selon
les cadres théoriques : d’une part, l’interaction (ou incursion), la séquence
(ou transaction) et l’échange, qui forment des unités dialogales ; d’autre
part, l’intervention (ou contribution) et l’acte de langage, qui forment des
unités monologales.
L’interaction est l’unité conversationnelle de rang supérieur. Les
principaux critères servant à sa délimitation sont : le schéma
participationnel, selon lequel une interaction est identifiée par la rencontre
et la séparation des interlocuteurs, l’unité spatio-temporelle, l’homogénéité
thématique, et les marqueurs conversationnels d’ouverture et de clôture,
autrement dit des échanges démarcatifs servant à l’encadrement de l’unité.
Erving Goffman (La Mise en scène de la vie quotidienne) a montré que ces
échanges démarcatifs sont généralement de type confirmatif, en ce qu’ils
ont pour fonction de confirmer les relations sociales des interactants.
Exemple d’échange démarcatif de clôture : locuteur 1 – Allez, au revoir.
Locuteur 2 – Au revoir, à bientôt.
La séquence, constituant immédiat de l’interaction, est décrite en général
comme un ensemble d’échanges liés par une forte cohérence sémantique ou
pragmatique. Les linguistes de l’École de Genève la définissent comme le
domaine de l’organisation de l’information dans l’interaction. C’est une
macro-structure actionnelle, correspondant à un seul objet transactionnel,
c’est-à-dire à une seule tâche. On mentionne fréquemment cet exemple :
dans une librairie, une interaction pourra se développer en plusieurs
séquences (ou transactions) simultanées ou successives, comme la demande
d’achat d’un livre, la demande d’informations sur le prix, l’offre de
commande, de vente, etc.
L’échange est la plus petite unité dialogale. Ex. : locuteur 1 – C’est toi
qui as appelé ce matin ? Locuteur 2 – Non. D’ailleurs, aujourd’hui je ne me
suis pas servi du téléphone. Pour définir l’échange, les linguistes mettent
tantôt l’accent sur l’alternance des tours de parole, tantôt sur la cohérence
pragmatique du regroupement des interventions. Ainsi, dans l’exemple
précédent, l’addition de l’intervention du locuteur 1 – Tiens, c’est curieux,
pourrait-elle donner lieu à des analyses distinctes : l’intervention serait
considérée comme constitutive d’un seul échange, ou bien ces trois
interventions seraient analysées comme formant deux échanges.
L’intervention du locuteur 2 participerait en ce cas de chacun des deux
échanges.
L’intervention est la plus grande unité monologale de l’interaction. Elle
forme la contribution d’un locuteur à l’échange, dont elle est un constituant
immédiat. Dans l’exemple précédent, selon que l’on procède ou non à
l’addition de l’intervention du locuteur 1 – Tiens, c’est curieux, on a affaire
à trois ou deux interventions. On ne confondra pas l’intervention avec le
tour de parole. Une frontière d’échanges peut segmenter un tour de parole
en deux interventions. Par exemple, dans locuteur 1 – Comment vas-tu ?
Locuteur 2 – Très bien. Et toi ?, le dernier tour de parole (locuteur 2) est
formé de deux interventions : la première (Très bien) est une intervention
réactive à la question du locuteur 1 ; la seconde (Et toi ?) est une
intervention initiative, appelant une intervention réactive du locuteur 1.
Enfin, l’acte de langage (voir Acte de langage) forme l’unité minimale de
l’interaction. Une intervention est dite simple lorsqu’elle se compose d’un
seul acte de langage, ex. : Où vas-tu ? Elle est dite complexe lorsqu’elle se
compose de plusieurs actes de langage, ex. : C’est bien volontiers que
j’accepte, et je vous remercie de cette proposition.
Voir aussi : Acte de langage, Coopération, Fonctions du langage, Paraverbal,
Pragmatique.
Interfixation. L’interfixation est un procédé de formation des mots qui
doit être distingué de la dérivation et de la composition en ce qu’il ne
manifeste à proprement parler ni affixation, ni juxtaposition de morphèmes
libres. Les morphèmes lexicaux constitutifs, appelés interfixes, sont en fait
des calques de bases latines ou grecques, lesquelles, en passant en français,
ont perdu leur autonomie et ont subi une modification
morphophonologique. Par exemple, gastralgie, « douleur d’estomac », est
un mot formé par interfixation, dont la segmentation fait ressortir la
présence de deux morphèmes : gastr-, du grec gastêr, gastros, « ventre »,
« estomac », et -algie, du grec algos, « douleur ». Aucun de ces deux
morphèmes ne peut être tenu pour un affixe ni pour un morphème libre, en
dépit d’une forme algie, attestée dans les années cinquante au sens de
« douleur diffuse », qui doit être analysée comme un cas d’autonomisation
secondaire puisqu’elle a été isolée à partir de formations interfixales du type
gastralgie, névralgie, etc., qui sont bien antérieures. Ce mode de formation
lexicale connaît des dénominations variées (composition savante,
recomposition, confixation).
Voir aussi : Affixe, Base, Composition, Dérivation, Morphème.
De Langage à Opaque
Langage ☞ Langue/langage.
Langue/discours. L’opposition langue/discours, fondamentale en
linguistique, vise à distinguer d’une part un ensemble systématisé de signes
non actualisés, existant en quelque sorte à l’état virtuel, un ensemble
socialement institué, dont la fonction est de mettre en permanence à la
disposition du sujet parlant les moyens de l’expression de sa pensée (la
langue), d’autre part la mise en œuvre effective par le locuteur de cet
ensemble de signes, autrement dit son actualisation et sa réalisation
individuelle (le discours). De cette opposition, développée tout d’abord par
Ferdinand de Saussure au moyen de la distinction langue/parole,
systématisée dans une perspective quelque peu différente par Gustave
Guillaume, on doit surtout retenir le fait que la langue est un objet qui,
contrairement au discours, n’est pas donné mais construit, et même
reconstruit de manière théorique à partir du domaine observable qui lui est
fourni par la matérialité du discours. Un objet, qui d’ailleurs, à trop pousser
l’investigation dans le sens exclusif de l’invariance, tend à devenir
introuvable. Trois ordres de distinctions entre la langue et le discours,
rendus explicites par Guillaume, méritent attention pour finir : en
synchronie, la langue préexiste nécessairement au discours, c’est-à-dire à
son emploi ; la langue est une donnée permanente et continue, le discours
une mise en œuvre momentanée et discontinue ; la langue est la condition
linguistique du discours, en cela elle le régit, et l’opposition langue/discours
apparaît comme une opposition de puissance et d’effet.
Voir aussi : Actualisation, Langue/langage, Puissance/effet, Signe/signifiant/signifié,
Synchronie/diachronie.
Lexème ☞ Grammème/lexème.
Lexicographie. La lexicographie a pour objet l’élaboration des
dictionnaires de langue. Elle recense et analyse les formes et les
significations des unités du lexique observées dans leurs emplois en
discours. La lexicographie se distingue d’une part de la lexicologie, qui
décrit les relations grammaticales et sémantiques entre les unités du lexique,
d’autre part de la dictionnairique, qui forme un domaine de la
métalexicographie consacré à l’étude des conditions d’élaboration des
dictionnaires pris comme objets contraints par la demande sociale.
Voir aussi : Lexicologie, Lexique.
Lexique. Du grec lexikon, de lexis, « mot ». Ensemble non clos des unités
lexicales d’une langue. Il revient à la lexicologie d’établir la nature
grammaticale et sémantique de ces unités, qui constituent des objets non
pas donnés mais construits, c’est-à-dire catégorisés. À l’intérieur du
lexique, ces unités sont structurées en sous-ensembles. On distingue
notamment un lexique général ou commun, défini comme un ensemble de
connaissances lexicales susceptibles d’être partagées par tous les locuteurs
d’une même langue, et des lexiques spécialisés, liés à un domaine de
connaissances spécifique (langues de spécialité ou technolectes),
constituant l’objet d’étude la terminologie.
Du point du vue grammatical, notamment dans la tradition des
grammaires génératives, le lexique est décrit comme une composante de
base de la syntaxe. On appelle lexique-grammaire, dans le cadre théorique
défini par Zellig S. Harris, une description des propriétés distributionnelles
et transformationnelles des unités lexicales dans la phrase simple.
Le terme de lexique est également utilisé pour désigner un répertoire de
termes propres à un domaine ou à un auteur.
Voir aussi : Grammème/lexème, Lexicographie, Lexicologie, Lexicométrie, Lexie.
Méronymie ☞ Holonymie/méronymie.
Métalangue. La métalangue est la terminologie (ou langue technique) de
la science du langage. Comme d’autres langues spécialisées, la métalangue,
idéalement, devrait être formée de termes en nombre limité, univoques, et
exclusivement destinés à l’étude d’un domaine spécifique. En fait, loin
d’être réservée à l’analyse des énoncés des diverses langues (ou langages
naturels), la métalangue n’est le plus souvent qu’un usage technique de la
langue commune. Par exemple, le mot apposition désigne tout à la fois
l’action d’apposer quelque chose – une affiche, un sceau, etc. – sur un
support, et une fonction syntaxique : des remarques semblables pourraient
être faites sur des notions grammaticales comme l’aspect, l’attribut, le
complément, le mode, la proposition, le temps, etc., qui sont désignées par
des mots connaissant un emploi différent dans la langue courante. Si bien
que l’on peut élargir la définition de la notion de métalangue à tout type de
discours tenu sur les langues, ce qui coïncide avec le champ de la fonction
métalinguistique du langage telle que l’a définie Roman Jakobson. Ainsi, le
langage grammatical et lexicographique s’inscrit-il dans le cadre de cette
réflexivité linguistique que l’on appelle métalangue.
➲ Remarque
Contrairement à ce que laissent entendre les grammaires traditionnelles, la métalangue
n’est jamais complètement fixée, c’est-à-dire finalisée, car elle s’élabore à partir de cadres
théoriques (implicites en grammaire, explicites en linguistique) qui sont susceptibles de
connaître de profondes modifications au cours de l’histoire.
Voir aussi : Autonymie, Épilinguistique, Fonctions du langage, Grammatisation.
Métalexicographie ☞ Lexicographie.
Métaplasme. Le métaplasme est la modification du signifiant d’un mot.
Cette modification peut être réalisée par addition, suppression, altération ou
permutation d’un phonème ou d’un groupe de phonèmes. Ex. : troquet, qui
est issu de mastroquet est formé par aphérèse, c’est-à-dire par la chute d’un
groupe de phonèmes à l’initiale du mot.
Voir aussi : Aphérèse, Assimilation, Dissimilation, Épenthèse, Métathèse, Phonème,
Prothèse, Syncope.
Exemple
Mot. Le mot est l’unité du lexique. Son identité est déterminée par une
forme, par un sens, et par une classe grammaticale. Pour la plupart des
usagers de la langue, le mot présente un caractère d’évidence qui tendrait
presque à rendre superflue toute discussion sur son statut d’unité
linguistique (voir Épilinguistique). Et pourtant la notion de mot résiste aux
entreprises de délimitation et de définition linguistiques. Car dans une
perspective scientifique, il ne suffit pas d’affirmer l’existence d’un objet. Il
faut prouver cette existence.
Le mot, dont le morphème est un constituant immédiat (voir Morphème),
peut être tenu pour une unité significative empirique de la grammaire
traditionnelle. Si cette notion, qui est considérée en général par la
linguistique contemporaine comme préthéorique, est infiniment
plus délicate à circonscrire que celle de morphème, c’est parce qu’elle
n’autorise pas la même précision dans la segmentation de la chaîne
syntagmatique. Le mot est en général décrit comme un segment de discours
compris entre deux espaces blancs. Au plan lexicographique, la notion
semble opératoire, puisque le mot est l’unité de description des
dictionnaires. Elle présente en outre une indéniable utilité dans le traitement
informatique des textes. Mais dans une perspective systématique adoptée
sur la langue, il en va tout autrement. Il existe de nombreux systèmes
d’écriture qui ne marquent pas les frontières du mot par des blancs. En
outre le mot graphique, pour ce qui concerne les langues d’Europe
occidentale, ne s’est répandu que vers la fin du Moyen Âge, l’imprimerie
ayant très largement contribué à le fixer. D’autre part, le critère de
séparabilité fonctionnelle qui permet l’identification des unités de la langue
s’applique mal au mot, dans la mesure où il n’y a pas de procédure
véritablement décisive pour l’identifier. Certes la commutation dans une
classe paradigmatique (voir Paradigme) fait ressortir le fait qu’un mot ne
peut en principe être remplacé que par un autre de la même classe. Par
exemple, dans Ce soir-là, Caroline portait une robe bleue, robe peut
commuter avec veste, écharpe, etc., et bleue avec rouge, élégante, etc. Mais
se pose le problème des groupements solidaires du type à rayures, en biais,
à la mode, de travers, etc., et celui de ce que la grammaire traditionnelle
appelle les mots composés (voir Composition), qui présentent un signifiant
complexe pour désigner un référent simple, du type arc-en-ciel, gorge-de-
pigeon, bonheur-du-jour, clair de lune, etc. Que, par opposition à la notion
d’ailleurs floue de mots simples, l’on parle de mots composés, d’unités
phraséologiques (Charles Bally), de lexies (Bernard Pottier), de synthèmes
(André Martinet), ou encore de mots polylexicaux (Gaston Gross), la
difficulté théorique de la notion de mot demeure. Elle s’accroît d’ailleurs à
l’oral, puisque le critère de la délimitation intonative ne permet pas de
dégager un mot phonétique qui soit coïncident avec le mot graphique. Car
dans de nombreuses langues, dont le français et l’anglais, ce n’est pas
l’unité mot qui est dégagée par l’accentuation, même s’il y a en principe un
accent par mot, mais c’est plutôt le groupe de mots. En effet, certaines
unités lexicales, du fait de la prosodie globale de l’énoncé (voir Prosodie),
ne sont pas accentogènes (ne portent pas l’accent). C’est le cas des clitiques
(voir Clitique), qui prennent appui sur l’unité accentogène qui précède (les
enclitiques : ex. : Où vais-je ?) ou qui prennent appui sur l’unité
accentogène qui suit (les proclitiques : ex. : Il se renseigne). Faire du mot
une unité accentuelle reviendrait donc à exclure les clitiques de la catégorie
du mot. Il semble donc que dans la conscience linguistique, la notion de
mot soit liée à la réalisation exclusivement écrite de la langue.
➲ Remarque
On pourra objecter que cet argument prosodique, qui paraît récuser la pertinence
linguistique du mot pour certaines langues, peut jouer en sa faveur pour d’autres, où
l’accent est nettement un accent de mot, avec des placements très contraints (c’est le cas
du latin). Il en va de même pour l’argument graphique, qui peut là encore jouer en faveur
du mot (en grec ancien, la lettre sigma est notée différemment selon qu’elle est située en
début, à l’intérieur ou en fin de mot).
Non-classifiance ☞ Classifiance/non-classifiance.
Occurrence/type. Dans le domaine linguistique, la notion de type relève
de la langue, ou de la compétence, et la notion d’occurrence du discours, ou
de la performance (voir Compétence/performance, Langue/discours). Au
niveau du morphème ou du mot, cette opposition permet de distinguer, dans
l’ordre phonique ou graphique, une forme normée (type) d’une réalisation
particulière de cette forme en discours (occurrence), réalisation qui peut
prendre l’aspect d’une variante contextuelle (voir Allomorphe). Par
exemple, un phonème ou un graphème transcrivant un morphème de
nombre, de personne, de temps, etc., marquent, à l’oral et/ou à l’écrit, une
réalisation particulière d’une forme type, qui témoigne d’un rapport
morphosyntaxique entre les constituants d’un énoncé. Au niveau
morphématique ou lexical, cette opposition permet également de distinguer
un signifié canonique d’une réalisation contextuelle de ce signifié. Par
exemple, les acceptions d’un mot observées en contexte seront autant
d’occurrences sémantiques d’une signification type. Au niveau phrastique,
l’opposition entre le type et l’occurrence permet de distinguer entre la
phrase, qui se prête à une interprétation littérale, et l’énoncé, qui,
nécessairement contextualisé, peut se prêter à une interprétation dérivée et
susciter une paraphrase pragmatique. Ex. : Il pleut peut recevoir
l’interprétation « Restons à la maison ». Au niveau du texte, cette
opposition peut être illustrée par les genres du discours, qui sont, comme le
propose François Rastier, des types dont relèvent les occurrences textuelles.
Voir aussi : Allomorphe, Compétence/performance, Discours/texte, Énoncé/énonciation,
Langue/discours, Paraphrase, Phrase, Sens/signification.
De Paradigme à Rôle
Parasynthèse ☞ Dérivation.
Parataxe. La parataxe est, avec l’hypotaxe, un mode d’organisation
fondamental de la syntaxe. La notion désigne le procédé de coordination
des groupes syntaxiques dans la phrase. Cette coordination peut être
réalisée avec un mot coordonnant. On parle en ce cas de parataxe
syndétique, c’est-à-dire avec liaison (ex. : Elle part car elle est pressée). La
coordination peut être uniquement sémantique et ne faire apparaître aucun
mot coordonnant. On parle alors de parataxe asyndétique, c’est-à-dire sans
terme de liaison, ce qui correspond à la juxtaposition (ex. : Elle part, elle est
pressée). On notera toutefois que le terme de parataxe voit son usage
fréquemment et abusivement limité à l’asyndète, particulièrement dans le
cadre de l’analyse stylistique de la phrase. Enfin, on précisera que sont
souvent soulignées en linguistique la tendance parataxique du français
parlé, qui compense l’absence de coordonnant par une intonation
spécifique, et la tendance hypotaxique du français écrit.
Voir aussi : Hypotaxe, Phrase, Syntaxe.
Performance ☞ Compétence/performance.
Période. En rhétorique, la période est un type de phrase complexe
développée, formant une unité de syntaxe, de sens, de souffle, dont le
mouvement est circulaire, et dont les membres sont agencés de manière à
produire un effet mélodique. En macrosyntaxe, et plus particulièrement
dans les travaux d’Alain Berrendonner, la période est définie comme une
unité informationnelle regroupant des segments discursifs appelés clauses
(voir Clause), qui entretiennent entre eux des relations de présupposition,
ou plus généralement d’inférence. Est donc considérée comme période
toute séquence discursive dont les segments n’entrent en relation que par
l’intermédiaire de savoirs partagés par l’énonciateur et le coénonciateur. Par
exemple, dans cette perspective, un énoncé segmenté comme Les fraises, il
faut du sucre est décrit comme une période binaire, c’est-à-dire composée
de deux clauses : Les fraises et il faut du sucre. Ces deux clauses
n’entretiennent entre elles aucune relation de dépendance
morphosyntaxique. Leur connexité, autrement dit leur regroupement dans
une même unité de discours, se réalise sur la base d’un rapport
exclusivement sémantique et implicite, selon lequel le second segment
asserte quelque chose à propos du référent du premier.
Voir aussi : Clause, Inférence, Macrosyntaxe.
Pertinence. La notion de pertinence connaît des emplois très différents en
linguistique. Une unité linguistique est dite pertinente si sa présence ou son
absence influe notablement sur l’interprétation. En phonologie, la
pertinence d’un trait décrit sa fonction distinctive. Par exemple, les
phonèmes /p/ et /b/ partagent plusieurs traits : il s’agit de consonnes
occlusives, labiales, orales. Seul le trait /sonorité/ les distingue, puisqu’il est
absent de /p/ mais présent dans /b/. C’est un trait pertinent. L’analyse
sémique utilise également la notion de pertinence dans l’étude du sens
lexical (voir Sème). Dans cette perspective, la pertinence est une propriété
distinctive, et donc fonctionnelle.
La notion de pertinence est également employée en pragmatique. On la
rencontre chez le philosophe Paul Grice (Communications no 30), qui en fait
une des maximes conversationnelles du principe de coopération (voir
Coopération). La maxime dite de relation développe le postulat selon
lequel la contribution à l’échange doit être appropriée à l’objectif de la
conversation, c’est-à-dire pertinente.
Mais la notion de pertinence a surtout été développée par Dan Sperber et
Deirdre Wilson (La Pertinence). Elle repose sur l’idée que tout énonciateur
requiert l’attention de l’autre, et lui donne à entendre par là même que son
discours est pertinent. La tâche du coénonciateur consiste alors à construire
une interprétation du discours qui lui est tenu qui soit susceptible de
confirmer cette présomption de pertinence. La notion de pertinence se
définit principalement ici en termes d’effets et d’efforts. Plus un énoncé
produit d’effets et plus il modifie le contexte et gagne en pertinence. Par
exemple, un énoncé comme Les négociations sur les 35 heures sont dans
une impasse aura beau être informatif, c’est-à-dire chargé d’une information
nouvelle, il ne sera pertinent que s’il peut être corrélé à d’autres
informations actualisées dans le contexte. Si tel est le cas, son effet sur le
contexte sera notable. Si tel n’est pas le cas, l’énoncé demandera un effort
d’interprétation qui révélera sa non-pertinence. Dans cette perspective,
chaque énoncé est interprété par rapport à un contexte qui n’est pas donné
mais construit au fil du discours, énoncé après énoncé, et qui est formé de
propositions qui se dégagent de l’interprétation des énoncés qui précèdent.
Il est également constitué des connaissances sur le monde dont dispose le
sujet.
Voir aussi : Contexte/cotexte, Coopération, Inférence, Implicature, Phonème, Phonologie,
Pragmatique, Sème.
Voyelles
i vie [vi]
e blé [ble]
ε raie [Rε]
a plat [pla]
ɑ pâte [pɑt]
ɔ sort [sɔR]
o mot [mo]
u bout [bu]
y vue [vy]
Ø feu [fØ]
œ peur [pœR]
ə petit [pəti]
ε sein [sε]
ɑ˜ vent [vɑ˜]
ɔ˜ son [sɔ˜]
œ˜ un [œ˜ ]
Consonnes
p père [pεR]
b beau [bo]
t table [tabl]
d dé [de]
g gare [gaR]
f farine [faRin]
v valise [valiz]
s souris [suRi]
z zéro [zeRo]
∫ chapeau [∫apo]
k car [kaR]
ʒ joue [ʒu]
m mille [mil]
n nu [ny]
ɲ pagne [paɲ]
η parking [paRkiη]
l la [la]
R rue [Ry]
Semi-voyelles
j pied [pje]
w oui [wi]
ų huit [ųit]
Polysémie ☞ Homonymie/polysémie.
Portée. La portée d’un opérateur linguistique est le point précis de
l’énoncé (tel ou tel constituant) sur lequel s’exerce le fonctionnement
sémantique de cet opérateur en discours. Pour comprendre la complexité de
ce fonctionnement, il est indispensable de distinguer entre portée et
incidence (voir Incidence).
La notion de portée peut être utilisée pour décrire le mécanisme
sémantique des opérations linguistiques fondamentales que sont la négation,
la restriction et l’interrogation. Par exemple, dans Caroline ne collectionne
pas les livres d’art, si la négation ne… pas prend pour point d’application le
lexème verbal qu’elle encadre, elle peut porter aussi bien sur le verbe
collectionner (« Caroline ne collectionne pas les livres d’art, elle les
vend »), sur livres d’art (« Caroline ne collectionne pas les livres d’art, elle
collectionne les masques vénitiens »), sur d’art (« Caroline ne collectionne
pas les livres d’art, elle collectionne les livres de cuisine »), sur
collectionner les livres d’art (« Caroline ne collectionne pas les livres d’art,
elle écrit des romans historiques »). À l’oral, dans cet énoncé, l’énonciateur
pourra fixer la portée de la négation au moyen d’une intonation contrastive.
À l’écrit, c’est le contexte verbal qui permettra d’assigner à la négation sa
portée. Sans contexte, comme c’est ici le cas, l’énoncé restera ambigu.
La notion de portée permet également de décrire le fonctionnement de
l’opération de caractérisation, telle qu’elle s’exerce, entre autres, au moyen
des adverbes en -ment ou des constructions détachées.
Pour ce qui concerne l’adverbe, comme l’a montré Claude Guimier (Les
Adverbes du français), l’incidence au verbe ne saurait suffire à décrire le
fonctionnement sémantique de ces unités. Soit les trois phrases : 1/ Caroline
travaille manuellement ; 2/ Caroline travaille gaiement ; 3/ Caroline
travaille méticuleusement. Dans les trois cas, l’incidence de l’adverbe en -
ment s’exerce sur le verbe travaille. Toutefois, en 1/ manuellement porte sur
le verbe (« Caroline fait un travail manuel »), en 2/ gaiement porte sur le
sujet (« Caroline est gaie »), en 3/ méticuleusement porte tout à la fois sur le
verbe et sur le sujet (« Caroline est méticuleuse » ; « Le travail de Caroline
est méticuleux »). On observe encore qu’à une même incidence peuvent
correspondre des portées très différentes, variant ici selon le sens lexical des
adverbes.
Par ailleurs, on note que dans un énoncé comme Les mains dans les
poches, Caroline se rend au Royal Palace, la construction détachée Les
mains dans les poches ne manifeste pas d’autre valeur circonstancielle que
celle d’une caractérisation d’attitude exprimée par le seul signifié du
segment Les mains dans les poches, et que pourrait exprimer tout prédicat
qualificatif du même ordre (ex. : Décontractée/Soucieuse/L’air hagard, etc.,
Caroline se rend au Royal Palace). En revanche, dans Les mains dans les
poches, Caroline n’a pu faire le geste qui l’aurait sauvée, cette
caractérisation comportementale marquée par la construction détachée
s’enrichit d’une circonstance de cause (« C’est parce qu’elle avait les mains
dans les poches que Caroline n’a pu faire le geste qui l’aurait sauvée »). La
circonstance n’est pas ici une valeur sémantique intégrée à la construction,
elle est construite par le contexte de l’énoncé, dont l’interprétation
sélectionne naturellement la causalité, parmi les valeurs possibles, comme
relation sémantique entre Les mains dans les poches et la prédication
principale. Dans ces deux exemples, l’incidence de la construction détachée
n’a pas varié. Celle-ci a pour support Caroline, comme en témoigne sa
substitution possible par un adjectif au féminin. Mais, il apparaît clairement
que dans le second cas la portée de cette construction s’exerce sur
l’ensemble de la prédication principale, puisque c’est le syntagme verbal de
cette prédication qui appelle une interprétation causale du procès.
La portée d’une construction détachée peut être toutefois plus complexe.
Dans cette phrase, extraite des Mots de Jean-Paul Sartre, Clandestin, je fus
vrai, on note que, décontextualisé, Clandestin semble diriger
l’interprétation vers la concession de manière à éviter le paradoxe (« bien
que clandestin »). Replacé dans le contexte de l’œuvre, Clandestin appelle
pourtant une interprétation orientée vers la causalité paradoxale (« parce
que j’étais clandestin »). La portée est donc ici nettement bilatérale. Elle
s’exerce à la fois vers la droite (vers la prédication principale) et vers la
gauche (vers le contexte verbal qui précède cet énoncé).
Le mécanisme sémantique de la portée, comme pourrait également en
témoigner le fonctionnement des connecteurs (et, mais, car, quant à, etc.),
ne saurait donc être réduit au seul cadre phrastique. Contrairement à
l’incidence, que l’on détermine grâce à des marques de dépendance
morphosyntaxique, la portée, à proprement parler, n’a pas de réalité
formelle. Elle peut résulter du sens lexical des unités concernées, de leur
environnement prédicatif, ou d’un choix de parcours interprétatif.
Voir aussi : Incidence, Prédicat/prédication.
Position ☞ Place/position.
Pragmatique. La pragmatique est un domaine qui occupe une place
particulière dans les sciences du langage, dans la mesure où elle est tout à la
fois un carrefour de disciplines (un point de rencontre de la linguistique
énonciative, de la sémantique textuelle, de la sémiotique, de l’analyse
conversationnelle, des sciences de la communication, des sciences
cognitives) et une composante du système de signes que forme la langue.
On peut définir très simplement et de manière générale la pragmatique, à la
suite de Jacques Moeschler et Anne Reboul (Dictionnaire encyclopédique
de pragmatique), comme l’étude de l’usage du langage par les locuteurs,
par distinction avec l’étude du système linguistique. Elle s’intéresse, par
exemple, aux signes qui ne peuvent recevoir d’interprétation qu’en
contexte, aux aspects non vériconditionnels de l’énoncé, à la fonction
actionnelle du langage, par l’étude de ce que la philosophie analytique a
appelé les actes de langage, donc à ce qui est signifié par le langage verbal
au-delà de ce que littéralement les mots signifient, ainsi qu’aux stratégies
interprétatives de l’allocutaire. On mesure ainsi la complexité des relations
de la pragmatique avec la linguistique, et plus particulièrement avec la
sémantique, qui a donné lieu au développement parallèle de deux
conceptions du domaine, une pragmatique dite intégrée à la sémantique, et
une pragmatique dite radicale, c’est-à-dire autonome.
Voir aussi : Acte de langage, Contexte/cotexte, Coopération, Encodage/décodage,
Implicature, Inférence, Interprétation, Pertinence, Rôle/valeur.
Présupposé ☞ Inférence.
Proclise ☞ Clitique.
Progression thématique. Un texte n’est pas une suite de phrases, c’est
une séquence linguistique formant une unité informationnelle, qui, pour être
reconnue comme telle par l’interprétation, doit satisfaire au moins à deux
règles fondamentales de la cohésion discursive (voir Cohésion/cohérence) :
la règle de continuité référentielle, qui assure une forme de permanence
thématique minimale dans le texte (voir Thème/rhème), et la règle de
progression des informations. Un texte ne saurait en effet, sans rompre avec
ce principe de cohésion, développer la même information d’une phrase à
l’autre, pas plus qu’il ne saurait faire varier l’objet du discours à chaque
phrase, puisque dans ce dernier cas les éléments informatifs, ancrés sur un
support informationnel sans cesse renouvelé, interdiraient toute dynamique
et donc toute progression. La notion de progression thématique, telle qu’elle
a été développée par Bernard Combettes (Pour une grammaire textuelle –
La progression thématique), recouvre ces deux règles de la cohésion du
texte.
On recense le plus souvent trois schémas de progressions thématiques,
que des masses textuelles étendues peuvent solliciter en alternance. Dans la
progression linéaire (ou évolutive) tout ou partie du rhème (Rh) d’une
phrase ou d’un groupe propositionnel autonome constitue l’origine du
thème (Th) de l’unité suivante, selon le modèle : Phrase 1 : Th1 → Rh1 ;
Phrase 2 : Th2 (= Rh1) → Rh2 ; Phrase 3 : Th3 (= Rh2) → Rh3, etc. (ex. :
Dans le jardin, il y a un arbre. Sur l’arbre, il y a des feuilles. Sous les
feuilles, il y a des oiseaux). Cette structure, très marquée, souligne
l’enchaînement des faits narrés ou décrits, mais elle se rencontre aussi dans
un cadre argumentatif.
La progression à thème constant se caractérise par la reprise d’un même
référent en poste thématique de phrases ou de propositions successives,
selon le modèle : Phrase 1 : Th1 → Rh1 ; Phrase 2 : Th1 → Rh2 ; Phrase 3 :
Th1 → Rh3, etc. (ex. : Les choucas sont voisins de la corneille. Ces
corvidés sont de taille moyenne. Ils vivent surtout en montagne). Ici, la
chaîne de référence, qui en général s’agence textuellement en chaîne
anaphorique (voir Chaîne de référence), est constituée par les unités les
choucas, ces corvidés, ils.
La progression à thèmes dérivés fait jouer un hyperthème, qui occupe
soit un poste thématique (Th = hyperthème), soit un poste rhématique (Rh
= hyperrhème), et qui est soit explicite, soit contextuellement inférable. Cet
hyperthème constitue le point d’ancrage d’une chaîne de sous-thèmes (Th),
selon le modèle : Phrase 1 : Th1 (= hyperthème) → Rh1 (ou Th1 → Rh1
= hyperthème) ; Phrase 2 : Th2 → Rh2 ; Phrase 3 : Th3 → Rh3, etc. (ex. :
Cadet Rousselle a trois garçons. L’un est voleur. L’autre est fripon. Le
troisième est un peu ficelle).
Voir aussi : Cohésion/cohérence, Thème/rhème.
Exemple
Radical ☞ Base.
Récursivité. La récursivité est la propriété de ce qui peut être répété de
façon indéfinie. En morphologie et en syntaxe, par exemple, qui sont deux
domaines linguistiques où la notion est fréquemment exploitée, la
récursivité désigne plus particulièrement la possibilité de réitérer la même
règle de construction sur le résultat qu’elle vient de produire. En
morphologie lexicale, la récursivité s’observe dans la formation par
dérivation et par composition. Par exemple, la série profession
> professionnel >professionnaliser > professionnalisation est un cas de
dérivation récursive ; le mot informatique (« traitement automatique de
l’information »), qui est à l’origine un mot-valise formé par le télescopage
des mots information et automatique, a donné naissance au verbe
informatiser, sur lequel a été formé le substantif informatisation. Dans tous
ces cas, un même phénomène s’observe : l’unité lexicale, une fois
construite (par dérivation ou composition), fournit, comme le ferait un mot
simple, la base d’une autre unité lexicale dérivée ou composée. En syntaxe,
certaines structures manifestent cette propriété récursive, comme la
coordination, la subordination relative, la détermination nominale par le
syntagme prépositionnel : ex. : le libraire → la femme [du libraire] → la
sœur [de la femme [du libraire]], etc.; la femme [du frère [du libraire [de
l’avenue Foch]], etc. En syntaxe formelle (générative), la récursivité
permet d’engendrer un nombre a priori infini de phrases.
➲ Remarque
On notera que si le nombre des constituants enchâssés dans les structures dotées d’un
mécanisme récursif est a priori infini, il ne l’est pas de fait. Cette impossibilité s’explique
par les limites que fixe, implicitement, le principe d’économie sur lequel repose la
communication linguistique. Il ne faut pas confondre la récursivité avec la récursion, qui
désigne un mode particulier d’articulation des consonnes.
Voir aussi : Acceptabilité, Compétence/performance, Composition, Dérivation.
De Saillance à Syntaxe
Sémantème ☞ Sème.
Sémantique. Le substantif sémantique désigne un domaine de la
linguistique qui prend pour objet d’étude le sens et les interprétations des
unités significatives de la langue et de leur combinaison dans le discours.
On parle, par exemple, de sémantique lexicale, de sémantique phrastique,
de sémantique textuelle, etc., pour distinguer les différents niveaux
d’analyse où s’exerce cette étude. L’adjectif sémantique qualifie, quant à
lui, tout ce qui a trait au sens et aux interprétations des unités significatives
et de leur combinaison. Dans sa présentation du domaine de la sémantique
(Vocabulaire des sciences cognitives, article « Sémantique »), François
Rastier distingue quatre approches dominantes de la problématique du sens,
correspondant à diverses étapes dans l’évolution de la discipline. La
sémantique logique étudie les conditions de vérité des énoncés (voir
Vériconditionnalité), et définit le sens comme une relation de dénotation
entre des signes linguistiques et des entités du monde, qu’il s’agisse d’un
monde réel ou d’un monde possible. Elle s’exerce principalement au niveau
de la phrase. La sémantique logique, qui a évolué en sémantique formelle,
décrit le sens en langue à partir des langages formels de la logique. La
sémantique linguistique autonome définit le sens comme une relation
linguistique entre des signifiés, qu’elle explore entre autres au moyen de la
notion de trait distinctif empruntée à la phonologie structurale (voir Sème).
La sémantique psychologique définit le sens comme une relation entre des
signes linguistiques et des opérations mentales. Ses applications ont, entre
autres, abouti à des théories de la compréhension des textes, et de la
typicalité (voir Prototype). La sémantique cognitive adopte également un
point de vue mentaliste, mais elle oriente surtout l’étude du sens vers des
questions relatives à l’expérience et à la conscience, en cela elle rejoint la
phénoménologie. On notera que la question du sens et de l’interprétation ne
saurait être réduite à la combinatoire des unités significatives, car, sur ce
point, le système linguistique n’est pas séparable de l’usage qui en est fait
par les locuteurs. En cela, dans le champ des disciplines du langage, la
sémantique se trouve nécessairement dans une relation d’étroite connexité
avec la pragmatique.
Voir aussi : Analycité, Antonymie, Autonymie, Classifiance/ non-classifiance, Champ
sémantique, Coréférence, Désignateur rigide, Encodage/décodage, Endophore/exophore,
Énoncé/énonciation, Extension/intension, Extralinguistique, Holonymie/méronymie,
Homonymie/ polysémie, Hyponymie/hyperonymie, Inférence, Interprétabilité, Interprétation,
Isotopie, Pragmatique, Référence/référent, Rôle/valeur, Sème, Sens/ signification,
Vériconditionnalité.
Signifiant ☞ Signe/signifiant/signifié.
Signification ☞ Sens/signification.
Signifié ☞ Signe/signifiant/signifié.
Sociolecte. La notion de sociolecte sert à désigner les normes sociales qui
sont à l’œuvre dans la production du discours. En sémantique des textes,
particulièrement dans les travaux de François Rastier, on appelle sociolectes
des types de discours instaurés par ces normes. Dans cette perspective, un
sociolecte correspond à une pratique sociale du langage verbal (judiciaire,
politique, religieux, etc.), que matérialisent un lexique et un type textuel
spécifiques (par exemple, la plaidoirie).
Voir aussi : Idiolecte.
Son. Un son est une onde en déplacement qui provoque une sensation
perçue par l’oreille. Dans le cas de la production des sons du langage (ou
phonation, c’est-à-dire émission des phones), cette sensation est produite
par la vibration des cordes vocales.
Les critères d’évaluation d’un son sont la durée de son émission, son
intensité, qui est déterminée par l’amplitude du mouvement vibratoire, sa
hauteur, qui est déterminée par la fréquence de la vibration (une fréquence
rapide produit un son perçu comme aigu, une fréquence lente un son perçu
comme grave), et son timbre, c’est-à-dire sa qualité ou encore sa couleur.
Selon le mode de vibration, un son peut être simple ou complexe,
périodique ou non périodique. Le son simple est en fait un son pur, dénué
de couleur spécifique. C’est, par exemple, le cas du son produit par le
diapason. Le son complexe est composé d’une part, de ce que l’on appelle
le fondamental, c’est-à-dire le son qui est produit par la vibration du corps
vibrant dans son entier (c’est le son le plus grave de la série dans un son
complexe) ; d’autre part, de ce que l’on appelle les harmoniques ou
partiels, c’est-à-dire les sons qui sont produits par la vibration des
différentes parties du corps vibrant. Les sons de la parole sont des sons
complexes. Certains sont produits par des vibrations périodiques, lorsque
l’onde manifeste une certaine rythmicité, ce qui est le cas des sons
vocaliques (ou voyelles). Certains sont produits par des vibrations non
périodiques, c’est-à-dire aléatoires, ce qui est le cas des sons
consonantiques (ou consonnes).
Les sons de la parole constituent l’objet d’étude de la phonétique.
Voir aussi : Phonème, Phonétique, Phonologie.
Sous-entendu ☞ Inférence.
Statif. Du latin stativus, « qui reste en place », de stare, « être debout,
immobile », « être maintenu ». Le terme statif sert à décrire principalement
une propriété aspectuelle des verbes, caractérisée par la dénotation d’un
état. Les verbes statifs, par distinction avec les verbes dynamiques, dénotant
une action (verbes d’activité, d’accomplissement et d’achèvement, dans la
classification de Zeno Vendler), sont incompatibles avec les périphrases
progressives du type être en train de, par exemple Elle connaît la solution
(*Elle est en train de connaître la solution).
Voir aussi : Aktionsart, Aspect, Télique.
Exemple
Soit la phrase : Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Son ordre
structural est décrit par le stemma suivant :
De Télique à Zéro
Texte ☞ Discours/texte.
Thème/rhème. L’opposition thème/rhème est une opposition de nature
informationnelle, qui vise à distinguer dans l’énoncé, d’une part le support
de l’information (le thème), ou encore, dans une perspective
psycholinguistique, ce qui au moment de l’énonciation appartient déjà au
champ de la conscience et figure comme « donné », d’autre part
l’information qui est communiquée à propos de ce support (le rhème).
Thème et rhème opposent donc des degrés informationnels très différents :
le thème, informationnellement faible, correspond au constituant de
l’énoncé qui reçoit le degré le moins élevé de la dynamique
communicationnelle ; le rhème, informationnellement fort, est la partie de
l’énoncé qui reçoit le degré le plus élevé de cette dynamique. Soit l’énoncé
À huit heures, Caroline est allée au théâtre, formant une réponse à la
question Que s’est-il passé à huit heures ? Le degré le plus élevé de
l’information porte sur la section Caroline est allée au théâtre, qui forme
par conséquent la partie rhématique de l’énoncé, en appui sur un support
thématique (À huit heures), qui évoque une réalité déjà actualisée dans la
conscience des partenaires de l’échange, et qui à cet égard ne produit pas
d’informations. Toutefois, pour être véritablement opératoire, l’opposition
thème/rhème doit être évaluée en contexte. Imaginons que l’énoncé
précédent réponde à la question Qu’a fait Caroline à huit heures ? La
répartition des informations dans l’énoncé sera nécessairement interprétée
de manière différente, et seule la section est allée au théâtre sera analysée
comme rhématique.
L’intérêt de cette approche informationnelle de l’énoncé, développée
principalement par les linguistes du Cercle de Prague vers les années
soixante, dans le cadre de la « Perspective Fonctionnelle de la Phrase », ne
doit pas dissimuler les sérieuses difficultés d’identification des éléments
thématiques et rhématiques. On notera en outre que la terminologie sur
cette question est des plus instables (thème/rhème, thème/propos, thème/
commentaire, topique/commentaire, donné/nouveau, etc.). L’usage actuel
(voir Anne-Claude Berthoud, Paroles à propos) semble réserver la notion
de thème à l’analyse informationnelle conduite au niveau phrastique (thème
phrastique), et celle de topique à l’analyse conduite au niveau discursif
(thème discursif). On veillera à ne pas confondre l’opposition thème/ rhème
avec l’opposition sujet/prédicat, de nature grammaticale.
Voir aussi : Cohésion/cohérence, Contexte/cotexte, Discours/texte, Énoncé/énonciation,
Phrase, Prédicat/prédication, Progression thématique.
Translation ☞ Stemma.
Transparent ☞ Opaque/transparent.
Type ☞ Occurrence/type.
Univers de croyance. La notion sémantique d’univers de croyance
repose sur l’idée que la vérité langagière (par distinction avec la vérité
objective) est une vérité prise en charge par un sujet parlant. C’est donc une
vérité relative. Ce qui est vrai pour un locuteur ne l’est pas nécessairement
pour un autre. Quel que soit le degré d’adéquation entre son contenu
propositionnel et le réel, toute assertion manifeste ainsi sa propre vérité, qui
prend sa valeur à l’intérieur d’un univers dont le locuteur est le garant. La
notion d’univers de croyance est donc une notion purement théorique, que
l’on peut définir comme l’ensemble des propositions, explicitées ou non,
que le locuteur tient pour vraies, pour plus ou moins vraies, voire pour
possiblement vraies au moment de l’énonciation. Cet univers peut être
actuel ou virtuel. Une proposition appartient à mon univers de croyance
actuel si je peux effectivement lui attribuer une valeur de vérité. Ainsi, si je
me suis penché sur la question, la proposition Le 14 juillet 2050 est un
mardi appartient à mon univers de croyance actuel dans la mesure où je
peux dire qu’elle est vraie ou fausse (exemple emprunté à Robert Martin,
Pour une logique du sens). Une proposition appartient à mon univers de
croyance virtuel si, bien que ne pouvant effectivement lui attribuer une
valeur de vérité, je peux néanmoins déterminer ses conditions de vérité.
Ainsi, dans le cas de la proposition précédente, si je ne me suis jamais
penché sur la question, je ne peux pas dire si cette proposition est vraie ou
fausse. Toutefois, elle est pour moi tout à fait intelligible, et je peux
aisément préciser ce qui permettrait de dire qu’elle est vraie ou fausse (si le
quatorzième jour de juillet 2050 tombe le deuxième jour de la semaine, elle
est vraie). Cette proposition appartient à mon univers de croyance virtuel,
mais elle n’appartient pas à mon univers de croyance actuel. Les
propositions qui n’appartiennent ni à l’univers actuel ni à l’univers virtuel
du locuteur sont des propositions inintelligibles ou absurdes. Si je ne
connais rien au langage informatique, la proposition Un octet est une unité
d’information de 8 bits est pour moi inintelligible. La proposition Pour
s’envoler, le pigeon prend appui sur ses pattes de derrière est absurde parce
qu’elle présuppose une proposition analytiquement fausse dans tous les
mondes possibles, Les pigeons sont quadrupèdes.
Voir aussi : Acceptabilité, Analycité, Interprétabilité, Vériconditionnalité.
Valeur ☞ Rôle/valeur.
Variation. On observe des différences dans l’usage d’une langue qui
s’expliquent par des déterminations politiques, géographiques ou
socioculturelles. Par exemple, la prosodie et les structures syntaxiques
usuelles du discours d’un paysan de la Drôme sont susceptibles d’être assez
distinctes de celles qui s’expriment dans le discours d’un lycéen de la
banlieue parisienne. Ce sont ces différences (phonologiques,
morphologiques, syntaxiques, lexicosémantiques), fréquemment classées en
registres de langue, qui sont visées par la notion de variation linguistique.
Certains sujets parlants sont amenés à pratiquer des systèmes linguistiques
différents. Ce que la science du langage identifie par exemple au moyen des
notions de bilinguisme (deux langues sont pratiquées sans prééminence de
l’une sur l’autre) et de diglossie (deux langues sont pratiquées mais elles
sont hiérarchisées pour des raisons sociopolitiques : l’une est véhiculaire,
c’est la langue officielle, d’usage public, culturellement valorisée, l’autre
est vernaculaire, c’est une langue d’usage privé, d’emploi restreint, moins
valorisée culturellement). Cette situation de bilinguisme ou de diglossie
peut conduire, par la mise en contact de systèmes linguistiques différents
chez un locuteur, à des interférences touchant la prononciation, le
vocabulaire, la syntaxe. La variation linguistique peut donc être motivée par
de telles interférences. Elle peut aussi être étrangère à ce phénomène et
trouver sa justification dans des déterminations plus spécifiquement
culturelles ou sociales. Mais, pour autant, elle ne saurait être limitée aux
différences langagières intersubjectives. Tout sujet parlant manifeste cette
capacité de variation linguistique, qu’il met en œuvre selon les besoins de la
communication. À cet égard, on doit toujours être attentif dans l’analyse
aux nuances sémantiques et pragmatiques des variantes utilisées. Dans cette
perspective, il convient de distinguer entre la variation et le changement,
qui désigne l’évolution diachronique d’un fait de langue.
Voir aussi : Synchronie/ diachronie.
Zéro. Le mot zéro est utilisé comme caractérisant (ex. : déterminant zéro,
forme zéro, marque zéro, morphème zéro, signifiant zéro, etc.) pour décrire
l’absence significative d’un élément linguistique, absence fréquemment
notée [Ø]. Cette notion ne peut s’appliquer qu’à des unités formant un
système, et dont la liste est close. Elle est donc irrecevable dans les cas
d’absence d’éléments linguistiques formant des séries ouvertes. Par
exemple, on ne parlera pas d’adjectif zéro ou d’épithète zéro dans L’enfant
joue. L’absence d’adjectif qualifiant enfant n’est pas un mode spécifique de
qualification nominale s’opposant à tel ou tel autre mode de qualification
nominale. Il n’y a donc pas ici à proprement parler d’absence significative
d’élément linguistique. On parle, en revanche, de morphème zéro ou de
marque zéro en morphologie flexionnelle (voir Flexion), pour décrire, par
exemple, la réalisation de certaines désinences verbales. Ainsi, le présent de
l’indicatif, par opposition avec l’imparfait, fait-il apparaître une désinence
temporelle zéro : ex. : vous parlez [pɑRle], base verbale + morphème de
personne ; vous parliez [pɑRlje], base verbale + morphème de temps
+ morphème de personne. De même, la notion de désinence zéro, dans la
catégorie du genre, peut-elle être employée parfois pour décrire la
morphologie orale et/ou écrite de certains adjectifs au masculin : ex. : un
volet clos [klo] ; une porte close [kloz].
La notion de morphème zéro est également requise pour décrire le
fonctionnement des déterminants. Elle implique l’hypothèse selon laquelle
le déterminant zéro a une fonction spécifique en syntaxe, qui le distingue,
par exemple, de l’article un. Soit la paire lexicale sauveur/sauveteur,
généralement analysée de la manière suivante : un sauveur est une personne
qui a nécessairement sauvé quelqu’un, un sauveteur peut n’avoir sauvé
personne car sauveteur décrit une fonction selon laquelle se trouve
reconnue la capacité d’une personne à sauver quelqu’un. Sauveur désigne
donc une propriété qui entre dans la définition même du sujet à qui cette
dénomination s’applique. C’est une propriété interne, marquant une durée,
un état permanent. Le mot reçoit donc une interprétation stative. Sauveteur
désigne une propriété externe donnée au sujet. C’est une étiquette marquant
un état non permanent, subordonné à un événement. Le mot reçoit donc une
interprétation agentive. Lélia Picabia (dans Langue française no 125), à qui
nous empruntons les exemples suivants, a montré que cette opposition de
propriétés (interne/externe) est marquée en français par l’opposition des
déterminants Ø et un. Les noms qui désignent des propriétés internes,
stables, s’actualisent plutôt avec un (ex. : Paul est un sauveur/Paul est
sauveur). Les noms qui désignent des propriétés externes, contingentes,
s’actualisent plutôt avec Ø (ex. : Paul est un sauveteur/Paul est sauveteur).
Ceci se confirme dans les cas où le prédicat nominal est expansé par un
adjectif. Un prédicat nominal marquant une propriété externe, et recevant
une expansion adjectivale (ou équivalente) à valeur distinctive, s’actualise
avec le déterminant zéro (ex. : Paul est sauveteur alpin/en mer). Si ce
même prédicat nominal est expansé par un adjectif à valeur non plus
distinctive mais descriptive (évaluative), le déterminant zéro est impossible,
la propriété sera interprétée comme interne et donc comme définitionnelle
du sujet (ex. : Paul est un sauveteur émérite/ *Paul est sauveteur émérite).
Voir aussi : Flexion, Langue/discours, Morphème, Référence/référent.
Indications bibliographiques