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Ouvrage publié sous la direction de Claude Thomasset

Photographie de couverture : © Falko Müller-Riesa – Fotolia.com

© Armand Colin, 2017 pour la présente édition.


© Armand Colin, 2009, pour la 2e édition
© Éditions Nathan/HER, 2000

Armand Colin est une marque de


Dunod Éditeur, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff

www.armand-colin.com

ISBN : 978-2-200-61921-3
Sommaire

Introduction

A De Acceptabilité à Autonymie

B-C De Base à Coréférence

D De Défectivité à Double articulation

E De Endocentrique à Extralinguistique

F-G-H De Factif à Hypotaxe

I De Idiolecte à Isotopie

L-M-N-O De Langage à Opaque

P-R De Paradigme à Rôle

S De Saillance à Syntaxe

T-U-V-Z De Télique à Zéro

Indications bibliographiques
Introduction

Pensée et parole s’escomptent l’une l’autre. Elles se substituent


continuellement l’une à l’autre. Elles sont relais, stimulus l’une pour
l’autre. Toute pensée vient des paroles et y retourne, toute parole
est née dans les pensées et finit en elles. Il y a entre les hommes
et en chacun une incroyable végétation de paroles dont les « pensées »
sont la nervure.
Maurice Merleau-Ponty, Signes.

Pour celui qui s’initie à la discipline, la linguistique est d’abord une


question de mots. Des mots qui échappent en permanence à l’interprétation,
soit en raison d’une trop grande technicité et d’une forme qui ne laisse rien
apparaître de la valeur, soit parce qu’issus du langage ordinaire, leur
trompeuse familiarité semble indiquer une perspective qui se révèle à
l’usage erronée.
Que signifient les mots classifiance, diathèse, implicature, indexical,
méronymie, prédicativité, subduction ? Qu’est-ce qu’un sémème ? En quel
sens faut-il entendre des expressions comme désignateur rigide, morphème
zéro, référent opaque ? Quel peut être l’emploi des mots saillance ou
saturation ?
Il n’y a bien sûr dans ces énigmes sémantiques rien qui soit spécifique à
ce domaine de connaissances. La philosophie, la science juridique ou
physique, par exemple, sont également productrices d’une technologie
lexicale et conceptuelle foisonnante, dont la part d’ombre ne semble pas
moins impénétrable au néophyte. L’expérience de l’enseignement
linguistique conduit à cette certitude que la difficulté présumée de la
discipline, du moins dans sa phase d’initiation, est surtout le fait d’une
approche réflexive systématisée de la langue qui intervient trop tardivement
dans la formation. La linguistique est ainsi à l’université un éveil au
métalangage qui, légitimement, suscite tout à la fois dépit et vocations.
Ce lexique a été conçu pour faciliter cette découverte et aider au travail
d’information de l’étudiant confronté à une bibliographie abondante et
parfois d’accès incommode. Sont réunies plus de 200 notions
fondamentales, empruntées à des domaines très divers des sciences du
langage, et susceptibles de se prêter à de nombreuses applications dans les
cursus de langues et de lettres.
On a privilégié les notions descriptives, laissant à d’autres ouvrages,
particulièrement le Dictionnaire des sciences du langage, le soin de
présenter les théories, les écoles et les disciplines connexes.
Au terme de chaque entrée sont proposés des renvois à certains articles
du lexique destinés soit à l’explicitation d’une notion, soit à
l’approfondissement d’un domaine. Ce qui permet d’établir, derrière
l’ordonnancement alphabétique de l’ouvrage, des regroupements notionnels
cohérents. Mais les définitions et les descriptions ont été conçues de
manière à former des unités autonomes.

Le signe [ ] accompagnant un mot indique que la notion se trouve
définie dans une autre entrée. Cela concerne les couples de termes : par

exemple Position [ Place/position] signifie que le mot Position est défini
à l’article Place/position.
A

De Acceptabilité à Autonymie

Acceptabilité. Les jugements d’acceptabilité portés sur un énoncé ne


statuent pas sur la conformité de cet énoncé aux règles régissant la
grammaire d’une langue (voir Grammaticalité), ni sur la conformité aux
règles de la cohérence sémique (voir Interprétabilité), même si ces types de
conformité jouent un rôle important dans la formation du sentiment
linguistique, les jugements d’acceptabilité statuent sur l’accessibilité
sémantique de l’énoncé en question. Un énoncé acceptable est un énoncé
dont le sens est accessible dans les conditions courantes de la
communication verbale. La séquence suivante est une « brève » à effet
délibérément comique, extraite du quotidien Le Monde (29 janvier 2000) :
« Sitôt nommé président de la Cour suprême à la place du haut magistrat
Saeed uz Zaman Siddiqui, qui refusait de prêter serment devant le général
Pervez Musharraf, nouvel homme fort du Pakistan, le juge Irshad Hassan
Khan a prêté serment ». En dépit de sa publication, cet énoncé est
susceptible d’être unanimement jugé inacceptable, mais c’est précisément
en cela que réside son intérêt. Ni la grammaticalité, ni la cohérence sémique
ne sont ici en cause. L’inacceptabilité est provoquée par la longueur
excessive du détachement, relativement à la prédication principale, ainsi
que par son hétérogénéité actancielle. Mais elle est aussi le fait d’une
distorsion informationnelle. Le groupe détaché en tête de phrase présuppose
un support référentiellement identifiable, c’est-à-dire présumé accessible,
soit parce qu’il en a été question préalablement, soit parce qu’il s’agit d’un
référent connu. Or ce support (« le juge Irshad Hassan Khan ») n’a fait
l’objet d’aucune mention antécédente, et ne témoigne d’aucune notoriété
pour un lecteur français. Dès lors, le prédicat principal, de très faible
volume (« a prêté serment »), qui devrait pourtant former la partie de
l’énoncé la plus riche en informations, ne semble manifester aucune
pertinence informationnelle. Contrairement à la grammaticalité, dont les
critères ressortissent à la compétence du sujet, l’acceptabilité est déterminée
par des critères qui ressortissent à la performance, comme la capacité
d’attention, de mémorisation, de structuration cohérente et cohésive de
l’information, etc.
Voir aussi : Cohésion/cohérence, Compétence/performance, Grammaticalité,
Interprétabilité, Interprétation, Pertinence.

Actant. La notion d’actant a été définie par Lucien Tesnière (Éléments de


syntaxe structurale) comme désignant les « êtres et les choses qui, à un titre
quelconque et de quelque façon que ce soit, même au titre de simples
figurants et de la façon la plus passive participent au procès ». Partant d’une
description du nœud verbal qui établit une analogie avec le drame (le verbe,
comme le drame, comporte nécessairement un procès, c’est-à-dire une
action, des acteurs et des circonstances), Tesnière distingue trois
composants dans la phrase : le verbe, les actants et les circonstants. Le
nombre d’actants que les verbes sont susceptibles de régir définit leur mode
de construction, c’est-à-dire leur structure actancielle (voir Valence).
En dépit de son apparente limpidité, la notion d’actant – comme celle de
participation au procès – pose de sérieux problèmes de frontière entre le
niveau syntaxique et le niveau sémantique. Si l’on souhaite clarifier la
notion, d’une indéniable utilité dans l’analyse linguistique, on peut par
exemple l’opposer à celle d’argument (voir Argument). Un argument est un
constituant nominal d’une relation prédicative qui sature une des positions
syntaxiques définies par la structure du verbe (sujet, objet). Un actant, par
distinction, désigne un participant au procès ex. : dans Caroline cherche sa
voiture, Caroline et sa voiture forment à la fois deux arguments (sujet,
objet : plan syntaxique) et deux actants (agent, patient : plan sémantique) ;
dans Il neige, le signe il forme un argument, mais il n’y a pas d’actant. On
peut aussi, comme le suggère Gilbert Lazard (« Pour une terminologie
rigoureuse », Mémoires de la Société de Linguistique de Paris, nouvelle
série, tome VI), établir les correspondances suivantes : sémantique
(participants, circonstances, procès), morphosyntaxe (actants, circonstants,
verbe). Ce qui présente l’avantage d’éviter la notion d’argument, d’origine
logique, dont l’usage en syntaxe est également problématique puisqu’il est
susceptible d’aboutir à une confusion, d’ailleurs fréquente, entre
proposition logique, correspondant à l’universel du jugement, et proposition
grammaticale.
La notion d’actant connaît aussi depuis les travaux de Greimas un usage
dans l’analyse structurale des récits, où elle désigne un protagoniste de
l’action. Ces deux conceptions doivent être nettement distinguées.
Voir aussi : Argument, Prédicat/prédication, Saturation, Valence.

Acte de langage. La notion d’acte de langage est une des notions


fondatrices de la pragmatique (pragma signifie « action » en grec). Elle a
été développée dans le cadre des travaux de la philosophie analytique, vers
les années cinquante, plus particulièrement chez John Austin (Quand dire
c’est faire), puis approfondie par John Searle dans les années soixante-dix
(Les Actes de langage). Elle résulte de l’idée que dans la communication
effective, le langage n’a pas pour fonction de décrire le monde mais d’agir
sur le monde. On distingue depuis les travaux d’Austin trois types d’actes
de langage : l’acte locutoire (ou locutionnaire), qui est l’acte de parole
proprement dit, c’est-à-dire la production des sons et des morphèmes, et
leur organisation grammaticale, en conformité avec les structures de la
langue dans laquelle l’énoncé est proféré ; l’acte illocutoire (ou
illocutionnaire), qui est l’acte accompli en disant, c’est-à-dire par l’usage
conventionnel de tel ou tel type d’énoncé (par exemple un acte de menace,
un acte d’injonction, ou un acte de promesse) ; l’acte perlocutoire (ou
perlocutionnaire), accompli par le fait de dire, correspondant à l’effet qui
est dérivé de l’acte illocutoire, et qui est produit sur le coénonciateur (par
exemple, dans le cas de l’acte de langage indirect, constater qu’il fait chaud
pour signifier qu’il faudrait ouvrir la fenêtre) ; l’acte perlocutoire, non
conventionnel, n’est pas inscrit dans le système de la langue. Cette
typologie a été élaborée à partir d’une première distinction faite par Austin
entre les énoncés constatifs, à valeur descriptive (ex. : Il neige), et les
énoncés performatifs (de l’anglais to perform, « accomplir »), qui sont en
eux-mêmes l’accomplissement d’un acte (ex. Je te promets de t’appeler ;
Nous vous informons que le magasin sera fermé lundi).
Voir aussi : Contexte/cotexte, Coopération, Encodage/décodage, Implicature, Inférence,
Interprétation, Pertinence, Pragmatique, Rôle/valeur.

Actualisation. L’actualisation est une opération linguistique par laquelle


on fait passer un mot, quelle que soit sa classe, de la langue au discours,
c’est-à-dire d’un stade virtuel à un stade actuel (voir Langue/discours).
L’actualisation est donc une opération de référenciation, puisqu’elle
consiste à placer le mot dans une situation linguistique où il est associé à un
référent (voir Référence/référent). On appelle actualisateurs les morphèmes
qui ont la fonction d’actualiser une unité linguistique. Par exemple, les
morphèmes de personne et de temps sont des morphèmes actualisateurs du
verbe. Dans le cas du nom, cette fonction est dévolue aux articles, et, plus
généralement, aux déterminants ex. : les noms enfant et couloir tels qu’ils
apparaissent dans le dictionnaire sont dépourvus de capacité référentielle, si
ce n’est d’ordre métalinguistique (ils ne renvoient qu’à eux-mêmes en tant
qu’ils sont des mots) ; dans un énoncé comme L’enfant attend dans le
couloir, ils sont dans une situation linguistique où ils peuvent accéder à un
référent. On ne confondra pas actualisation et détermination. Un nom peut
être actualisé et renvoyer à un référent indéterminé.
Voir aussi : Détermination, Langue/discours, Référence/référent.

Affixe. Comme la notion de base (voir Base), celle d’affixe connaît un sens
étroit et un sens large. L’affixe est un morphème lié, c’est-à-dire sans
autonomie graphique. Tantôt sa définition recouvre exclusivement les
morphèmes dérivationnels, préfixes et suffixes (voir Dérivation), tantôt elle
s’ouvre également aux morphèmes flexionnels, c’est-à-dire aux désinences
(voir Flexion). Cette dernière approche vise à faire ressortir le caractère lié,
qui est commun aux deux types de morphèmes. On parle alors d’affixes
dérivationnels et d’affixes flexionnels. Selon la place qu’ils occupent par
rapport à la base avec laquelle ils se combinent pour former un mot
nouveau, les morphèmes dérivationnels se répartissent en préfixes (avant la
base ex. : dé- dans déloyal), et en suffixes (après la base ex. : -ment dans
joliment). Ils peuvent entraîner une recatégorisation grammaticale de la
base (ex. : cour-, base verbale ; coureur, substantif), recatégorisation qui
s’accompagne bien sûr d’une modification des propriétés syntaxiques du
dérivé par rapport à celles de sa base. Mais leur apport est surtout d’ordre
sémantique (ex. : chanter = action ; chanteur = agent, etc.). On notera enfin
que les morphèmes dérivationnels ne présentent pas la prévisibilité de
combinaison qu’offrent les morphèmes flexionnels. Par exemple, si à partir
de cour- (courir) il est possible d’obtenir le dérivé nominal coureur, on ne
peut en inférer que ce type de dérivation suffixale s’applique effectivement
pour toute base verbale. On a là un procédé de formation lexicale virtuel,
que le discours n’atteste pas nécessairement (par exemple, le mot fermeur,
dérivé de ferm-, fermer, n’est pas usité). Enfin, il convient de mentionner
dans la catégorie affixale, avec les préfixes et les suffixes, le cas particulier
des infixes, inexistants en français, qui sont des affixes insérés dans la base.
Par exemple, en latin, l’infixe -n- transforme la base jug- dans jungere
(« joindre »).
Voir aussi : Base, Dérivation, Flexion, Grammème/lexème, Morphème.

Aktionsart. Mot allemand, de genre féminin, signifiant « mode d’action ».


Le terme d’Aktionsart a été forgé au début du XXe siècle pour désigner le
caractère aspectuel du procès, c’est-à-dire sa structure temporelle,
autrement dit la manière dont il occupe le temps. D’un point de vue
terminologique, le terme d’Aktionsart peut poser problème, dans la mesure
où la description du caractère aspectuel du procès et la classification des
verbes à laquelle elle aboutit n’ont pas, en principe, à prendre en compte la
présence ou non d’un agent.
Voir aussi : Aspect.

Allomorphe. Le fait qu’en morphologie un même signifié puisse avoir


plusieurs signifiants a conduit des linguistes américains à adopter le concept
de morphe. Le morphe est une unité phonique pourvue de signification qui
ne peut être segmentée en unités phoniques significatives de niveau
inférieur. Cette perspective conduit à définir le morphème, non pas
seulement comme la plus petite unité linguistique ayant une forme et un
sens, mais aussi comme un ensemble de morphes.

Exemple
Soit le corpus suivant : illégal, illogique, inexact, inutile, irréaliste,
irresponsable. La segmentation et la commutation permettent aisément
d’isoler les unités [il], [in] et [iR]. Un premier examen de la distribution
fait apparaître dans les trois cas le même signifié négatif. Un examen
plus approfondi indique que ces trois formes sont des variantes
contextuelles, c’est-à-dire qu’elles véhiculent la même information
sémantique, qu’elles s’adjoignent au même type de base (un adjectif),
mais que selon la configuration morphophonologique de cette base, le
morphème négatif prendra la forme [il], [in] ou [iR]. Ces formes sont
donc en distribution complémentaire. Dans le corpus, [il] apparaît dans
un environnement où [in] et [iR] ne peuvent être réalisés (inlégal,
irlégal, inlogique, irlogique, etc.), [in] apparaît dans un environnement
où [il] et [iR] ne peuvent être réalisés (ilexact, irexact, ilutile,
irutile, etc.), et ainsi de suite. Cette distribution complémentaire
signale que ces trois formes sont trois réalisations concrètes (trois
variantes) d’un même morphème. On appelle ce phénomène
l’allomorphie. [il], [in] et [iR] sont trois allomorphes d’un même
morphème.

Les allomorphes (du grec allos « autre », et morphê « forme ») sont des
variantes contextuelles d’un morphème. Ils véhiculent la même information
sémantique mais présentent un signifiant qui varie selon l’environnement.
Ils sont donc en distribution complémentaire. Dans cette perspective, le
morphème apparaît comme une unité abstraite, et les allomorphes comme
des réalisations effectives de ce morphème dans un environnement donné.
Voir aussi : Conditionnement morphématique, Morphème.

Allotopie ☞ Isotopie.
Amuïssement. On appelle amuïssement l’effacement d’un phonème dans
la prononciation ex. : le phonème /s/, dans le participe du verbe être esté
[εste], qui a évolué en été [ete], s’est amui, c’est-à-dire qu’il est devenu
muet.
Voir aussi : Phonème.
Analycité. La notion d’analycité est principalement employée en
sémantique logique. Elle décrit un mode particulier de vérité exprimé par
des phrases définitionnelles. Si l’on cherche par exemple à déterminer les
conditions de vérité d’un énoncé comme Il neige, on doit en passer par une
confrontation avec le réel. Une vérification empirique (ouvrir la fenêtre et
observer le temps qu’il fait) permettra d’établir si cet énoncé est vrai ou
faux (voir Vériconditionnalité). En logique, ce type de proposition est
appelé synthétique. Sa vériconditionnalité est contingente, puisqu’elle
s’établit par rapport aux faits et qu’elle est ainsi susceptible de varier selon
les circonstances. La vérité d’une phrase comme Les chimpanzés sont des
singes (exemple emprunté à Robert Martin, Pour une logique du sens) est
d’une autre nature, puisque cette phrase ne peut être fausse. Dans la mesure
où le prédicat être un singe fait partie de la définition du mot chimpanzé, on
dit que cette phrase est vraie par définition, autrement dit vraie en vertu de
son contenu définitionnel. C’est une phrase analytique, donc une tautologie.
Elle est vraie dans tous les mondes possibles. En raison du fait que leur
vériconditionnalité n’est pas circonstancielle, les phrases analytiques sont
fréquemment sollicitées pour l’examen des relations sémantiques entre les
mots. Par exemple, la permutation des syntagmes sujet et attribut dans la
phrase donnée plus haut (Les singes sont des chimpanzés), qui, si l’on
maintient la valeur générique de l’article les, aboutit à une proposition
fausse, puisque tous les singes ne sont pas des chimpanzés, permet de noter
une relation de hiérarchie entre les deux substantifs, dite relation
d’hyperonymie : singe est l’hyperonyme de chimpanzé.
Voir aussi : Hyponymie/hyperonymie, Univers de croyance, Vériconditionnalité.

Analyse componentielle ☞ Sème.


Analyse en constituants immédiats (ACI). L’ACI est une procédure
de description syntaxique consistant à décomposer une phrase (P) en ses
constituants directs, les CI majeurs, puis à décomposer ces derniers en leurs
propres CI, jusqu’à ce que la description parvienne au niveau des
constituants minimaux (les mots et les morphèmes). L’ACI permet ainsi de
faire apparaître l’organisation hiérarchique de la phrase, c’est-à-dire sa
structure par emboîtements. Elle repose donc sur un système d’inclusions
successives décrivant les dépendances syntaxiques entre les constituants.
Les règles syntagmatiques dégagées par cette analyse, au-delà de la
diversité des constructions et des unités qui peuvent être observées dans un
corpus, servent à établir des types formels destinés à expliquer la
grammaire d’une langue. L’ACI est ainsi un modèle génératif de règles de
réécriture : P → SN + SV (une phrase se réécrit en syntagme nominal plus
syntagme verbal), SN → Det + GN (un syntagme nominal se réécrit en
déterminant plus groupe nominal), SV → V + SN (un syntagme verbal se
réécrit en verbe plus syntagme nominal), etc.

Exemple

Soit la phrase (P) : Le barbier de Séville rase les mélomanes. Elle se


décompose en deux CI majeurs : le SN (Le barbier de Séville) + le SV
(rase les mélomanes). Chacun de ces constituants se décompose à son
tour en CI : le SN est formé d’un déterminant Det (le) + un groupe
nominal GN (barbier de Séville), lequel se décompose en un nom N
(barbier) et un syntagme prépositionnel SP (de Séville), de structure
minimale préposition Prep (de) + nom N (Séville) ; le SV est formé
d’un verbe V (rase) + un SN (les mélomanes), de structure minimale
Det (les) + N (mélomanes). Ce qui peut être représenté par un
indicateur syntagmatique arborescent (prenant la forme d’un arbre
renversé) :
Cette analyse, qui est une application des principes distributionnalistes,
adopte une démarche comparative. Il s’agit, à partir d’un corpus de
phrases, d’examiner l’ensemble des environnements d’un constituant
(sa distribution). Les constituants ayant la même distribution forment
des classes distributionnelles. On procède initialement au test de la
segmentation, puis à celui de la commutation afin de vérifier
l’hypothèse de segmentation, comme en morphologie. Imaginons à
titre d’exemple que la phrase (P) Le barbier de Séville rase les
mélomanes, à propos de laquelle nous formulons l’hypothèse d’une
segmentation en deux CI majeurs (Le barbier de Séville) + (rase les
mélomanes), soit intégrée à un corpus comprenant entre autres la
phrase Figaro chante, qui ne peut se prêter qu’à une segmentation
(Figaro) + (chante). La comparaison des deux phrases fera ressortir la
commutation possible de (Figaro) avec (Le barbier de Séville) :
(Figaro rase les mélomanes), et la commutation possible de (chante)
avec (rase les mélomanes) : (Le barbier de Séville chante). Ces
commutations auront validé l’hypothèse de segmentation puisque les
constituants comparés appartiennent à la même classe
distributionnelle. Une telle analyse doit être effectuée pour chaque CI
de la phrase jusqu’aux unités minimales. L’indicateur syntagmatique
arborescent ci-dessus fournit donc le résultat de l’analyse. L’intérêt de
ce type de représentation est sa grande lisibilité, puisqu’il autorise une
visualisation immédiate de la structure.

L’ACI, qui indique non seulement les relations de dépendance entre les
unités syntagmatiques mais aussi leurs relations distributionnelles, offre
ainsi un modèle d’analyse des fonctions syntaxiques strictement formel,
c’est-à-dire positionnel. Par exemple, le sujet sera le constituant
immédiatement placé sous (P), en relation distributionnelle avec le SV
formant le second CI de (P) : ex. : Le barbier de Séville, en position de
premier CI de la phrase Le barbier de Séville rase les mélomanes, et donc
en relation distributionnelle avec rase les mélomanes, sera identifié comme
sujet, etc. On notera toutefois que la perspective asémantique de l’ACI,
indifférente au contexte, ne permet pas de traiter le cas des constructions
ambiguës, qu’elle analysera sans établir de distinction fonctionnelle : par
exemple l’homonymie dans la ville de Florence (« la capitale toscane », ou
bien « la ville où habite une femme nommée Florence »).
Voir aussi : Commutation, Distribution, Phrase, Récursivité, Stemma, Syntagme,
Transformation.

Antonymie. La notion d’antonymie désigne une opposition sémantique


entre deux lexèmes. Les antonymes sont des contraires, c’est-à-dire des
lexèmes renvoyant à un même univers référentiel mais sémantiquement
incompatibles. On distingue traditionnellement, des antonymes dits
complémentaires ou polaires, lorsque l’énoncé d’un des deux lexèmes
équivaut à la négation de l’autre, les deux mots ne pouvant être niés
simultanément (ex. : mâle/femelle, vivant/mort) ; des antonymes dits
scalaires ou gradables, lorsqu’ils prennent place dans une série marquant
une gradation et accueillant des lexèmes qui énoncent des degrés
intermédiaires, les deux mots pouvant être niés simultanément puisque la
négation de l’un n’entraîne pas l’affirmation de l’autre (ex. : beau/laid,
grand/petit, chaud/ froid) ; des antonymes dits réciproques ou converses,
lorsque l’affirmation d’une des deux propriétés appariées implique
l’affirmation de l’autre avec permutation des arguments (ex. :
prêter/emprunter, acheter/vendre, mari/ femme, etc. : si Gordon est le mari
de Nelly, alors Nelly est la femme de Gordon).
Voir aussi : Synonymie.

Aphérèse. Variété de métaplasme réalisée par la suppression d’un groupe


de phonèmes au début d’un mot. Ex. : troquet est formé par aphérèse sur
mastroquet.
Voir aussi : Apocope, Métaplasme, Phonème, Syncope.

Apocope. Variété de métaplasme réalisée par la suppression d’un ou


plusieurs phonèmes à la fin d’un mot. Ex. : métro est formé par apocope sur
métropolitain.
Voir aussi : Aphérèse, Métaplasme, Phonème, Syncope.

Apodose ☞ Protase/apodose.
Archisémème ☞ Sème.
Argument. Le mot argument a été emprunté au vocabulaire de la logique
formelle pour désigner les constituants généralement nominaux d’une
relation prédicative. Ainsi dans Arthur mange, le nom Arthur est un
argument en ce qu’il occupe la fonction sujet du verbe manger, autrement
dit en ce qu’il sature une des positions syntaxiques définies par la structure
argumentale de ce verbe. On utilise souvent, depuis les travaux de Lucien
Tesnière sur la valence verbale (voir Valence), la notion d’actant avec cette
valeur. Toutefois, il est nécessaire de ne pas confondre les fonctions
argumentales des syntagmes nominaux (ex. fonction sujet, fonction objet)
avec le rôle joué par le référent visé par ces syntagmes.
Voir aussi : Actant, Prédicat/ prédication, Saturation, Valence.

Aspect. Catégorie grammaticale associée au verbe qui peut être définie,


avec Gustave Guillaume, comme le temps du procès saisi du point de vue
de son déroulement interne.
Les grammaires portant sur les langues qui disposent de la catégorie de
l’aspect retiennent fréquemment trois types de réalisations susceptibles de
rendre compte de son fonctionnement : l’aspect « grammatical », marquant
la durée interne (ou tension) du verbe, autrement dit le passage d’un point
d’origine à un point d’aboutissement du procès (accompli/inaccompli) ;
l’aspect « sémantique », largement déterminé par l’auxiliarisation, qui fait
apparaître une variation de signification selon les lexèmes verbaux
(perfectif/imperfectif) ; l’aspect « lexical », exprimé pour l’essentiel par les
périphrases, qui opère une subdivision de la durée inhérente du verbe
(inchoatif, progressif, terminatif), ou une saisie par l’avant ou par l’arrière
du procès (être sur le point de/venir de).
C’est sans doute la dimension lexicale de l’aspect, par ce que désigne le
terme allemand aktionsart (« mode d’action »), qui a principalement retenu
l’attention des linguistes contemporains, en particulier de Zeno Vendler
(1967), qui a proposé une typologie fondée sur la distinction des états, des
activités, des accomplissements et des achèvements, où sont développés les
critères de la dynamicité, du bornage, et de la ponctualité.
Voir aussi : Aktionsart, Statif, Télique.
Assimilation. En phonétique, l’assimilation décrit le cas d’un phonème
qui adopte un ou plusieurs traits articulatoires d’un phonème environnant.
Par exemple, quand deux consonnes contiguës sont dans des positions
syllabiques différentes, la seconde, qui est explosive et donc forte, assimile
la première, qui est implosive et donc faible : ex. dans anecdote [ɑnεgdƆt],
le son consonantique sourd [k] se sonorise en [g] au contact du son
consonantique [d].
Voir aussi : Dissimilation, Phonème, Son, Syllabe.

Autonymie. L’autonymie désigne l’emploi d’un signe linguistique en


mention, c’est-à-dire en contexte métalinguistique, et non pas en usage,
c’est-à-dire conformément aux règles d’utilisation standard de ce signe. Par
exemple, l’emploi autonymique d’un nom (ex. Le substantif enfant est
épicène) bloque le processus de désignation extralinguistique de ce nom,
qui s’observe dans l’emploi standard (ex. Elle est une très jeune enfant) ;
l’emploi autonymique d’un adjectif (ex. Municipal est un adjectif
relationnel) bloque le processus de caractérisation du nom, qui s’observe
dans l’emploi standard (ex. Le conseil municipal se réunit mardi prochain),
etc. Ainsi, par exemple, les entrées d’un dictionnaire sont-elles constituées
de mots de nature fort diverses, figurant en contexte autonymique ; placés
hors discours, ils se désignent comme signes linguistiques, c’est-à-dire ici
comme mots.
Voir aussi : Extralinguistique, Fonctions du langage, Métalangue, Référence/référent.
B-C

De Base à Coréférence

Base. En morphologie, la notion de base connaît une extension variable


qui ne facilite pas son emploi. On la définit tantôt comme le mot dont
dérive un autre mot. Par exemple, la base du substantif coureur est le verbe
courir, la base de l’adjectif pardonnable est le verbe pardonner, la base de
l’adjectif imbuvable est l’adjectif buvable. Dans cette perspective, c’est à la
notion de radical qu’il revient généralement de désigner le morphème
lexical que l’on obtient après suppression de tous les affixes, dérivationnels
et flexionnels (ex. cour- dans coureur). Tantôt la notion de base sert à
désigner tout à la fois le morphème lexical et/ou le mot sur lequel est formé
un mot dérivé ou fléchi. Dans cette perspective, pens- dans pensable, parl-
dans parlons, buvable et buv- dans imbuvable entrent dans le champ
d’application de la notion de base. Cela implique de recourir à la notion de
base minimale pour identifier le morphème lexical restant après suppression
de tous les affixes, dans les mots formés sur plus de deux morphèmes où la
segmentation fait apparaître deux types de bases (ex. imbuvable). Le choix
de telle ou telle approche dépend de l’orientation diachronique ou
synchronique de l’étude, et de la place que l’on réserve à la signification
des morphèmes dans l’analyse.
Voir aussi : Affixe, Dérivation, Flexion, Grammème/lexème, Morphème,
Synchronie/diachronie.
Caractérisation. La caractérisation est une opération linguistique
consistant à énoncer les propriétés d’un objet ou d’un procès. Elle est
réalisée par les adjectifs (ex. un couloir sombre), les adverbes (ex. Caroline
travaille méticuleusement), les syntagmes prépositionnels (ex. un véhicule à
deux roues), les propositions relatives (ex. : Caroline, que tu ne connais
pas, sera à la soirée). Les unités linguistiques susceptibles de réaliser cette
opération peuvent être également engagées dans un mécanisme de
détermination, et contribuer à l’identification d’un référent.
Voir aussi : Détermination.

Chaîne de référence. On appelle chaîne de référence une suite


d’expressions linguistiques qui, dans un texte, désignent le même référent,
ou, plus précisément, entre lesquelles l’interprétation établit une identité
référentielle. Les chaînes de référence peuvent être formées par des
relations anaphoriques. En ce cas, le lien entre les expressions marque une
dépendance linguistique entre un antécédent et des formes de rappel. Ex. :
Une jeune fille entra. Cette jeune fille portait un chapeau bleu. Elle
semblait pressée. Les chaînes de référence peuvent être formées par des
expressions entretenant entre elles des relations non spécifiquement
linguistiques, établies sur la base d’un savoir présumé partagé entre
l’énonciateur et le coénonciateur. Ex. : Une jeune fille entra. Caroline
portait un chapeau bleu.
Voir aussi : Coréférence, Endophore/exophore, Progression thématique,
Référence/référent.

Champ sémantique. La notion de champ sémantique résulte de la


tentative de structuration du vocabulaire en microsystèmes. On doit
distinguer deux approches de la question, correspondant à deux types
d’analyse des combinaisons lexicales : l’approche onomasiologique, qui
part du concept pour atteindre le signe linguistique qui lui correspond, et
l’approche sémasiologique, qui part du signe pour accéder au concept.
Les champs onomasiologiques opèrent des regroupements lexicaux
déterminés en fonction de l’univers référentiel auquel renvoient les unités
en question. Il s’agit donc de champs conceptuels, ou notionnels, marquant
un domaine d’expérience, auxquels on fait correspondre un ensemble
structuré de mots. Cet ensemble est appelé champ lexical si les lexèmes qui
le constituent appartiennent à une même classe grammaticale (substantifs,
adjectifs, verbes, etc.), et champ associatif si on l’ouvre à l’hétérogénéité
catégorielle. Par exemple, si l’on cherche à étudier les mots correspondant
au domaine notionnel de l’enseignement, on peut constituer une partie de ce
champ lexical avec des unités comme professeur, étudiant, université,
diplôme, etc., et un champ associatif avec formation, apprendre, culturel,
débouché, etc.
Les champs sémasiologiques se construisent sur des critères
linguistiques. Il s’agit de procéder à l’étude sémantique à partir de
similarités morphologiques ou syntaxiques. On examine les diverses
distributions du mot, comment il s’intègre dans des syntagmes ou des
locutions, on détermine les relations de synonymie, d’antonymie qu’il
entretient avec ses co-occurrents, avant de le référer à un champ conceptuel.
On peut ainsi dégager, en diachronie, des familles de mots à partir d’un
étymon (ex. : à partir du latin fabula on peut établir la série fable,
fabulateur, fabulation, fabuler, fabuleux, etc.), ou bien, en synchronie, des
champs dérivationnels, en faisant porter l’examen sur l’affixation d’un
même lexème (ex. : courageux, courageusement, encourager, etc.). On peut
aussi construire des champs affixaux par l’étude des lexèmes qui se forment
avec tel ou tel préfixe ou suffixe (ex. : lexèmes préfixés en dé-, lexèmes
suffixés en -ard, etc.). Enfin, on peut s’intéresser, dans une perspective
sémantique, aux propriétés syntaxiques des mots (transitivité,
intransitivité, etc.).
Voir aussi : Affixe, Antonymie, Base, Dérivation, Étymon, Grammème/lexème, Isotopie,
Référence/référent, Sème, Sens/signification, Signe/signifiant/ signifié,
Synchronie/diachronie, Synonymie, Valence.

Changement. La notion de changement est requise dans trois domaines


de la science du langage qui ne connaissent entre eux, sur ce point, aucune
forme de cloisonnement.
En linguistique générale, tout d’abord, elle sert à décrire la mutabilité du
signe linguistique, longuement exposée par Ferdinand de Saussure. La
notion de changement définit en effet, en corrélation dialectique avec celle
de continuité, une condition nécessaire à l’existence de la langue. Il n’y a
pas de système de signes linguistiques possible sans une stabilité qui
permette à ce système de se maintenir, de se transmettre, de figurer dans le
champ de l’observable. Mais de cette matérialité irréductible résulte
l’inscription de la langue dans le temps. Le changement réside donc dans le
nécessaire croisement du paramètre structurel et du paramètre temporel.
Dans cette perspective, il est susceptible d’affecter tout à la fois la
configuration formelle et la configuration sémantique des signes.
La science du langage retient deux types d’approches de la dynamique
permanente des langues : en diachronie et en synchronie. En diachronie, par
la comparaison de différents états temporels d’une langue et par l’étude de
ses évolutions, en synchronie, notamment par l’étude de la variabilité. Elle
réserve traditionnellement l’usage du terme de changement à la première
approche, qui est celle de la linguistique historique, et le terme de variation
à la seconde approche, qui est celle de la sociolinguistique, tranchant pour
des raisons méthodologiques dans un processus qui mériterait sans doute
d’être pensé comme un continuum.
Voir aussi : Grammaticalisation, Synchronie/diachronie.

Classème ☞ Sème.
Classifiance/non-classifiance. Les notions de classifiance et de non-
classifiance ont été exposées par Jean-Claude Milner (De la syntaxe à
l’interprétation), dans le cadre d’une étude portant sur l’interprétation
exclamative des noms et des adjectifs. Cette opposition notionnelle est
généralement exploitée en sémantique lexicale, textuelle et discursive pour
l’analyse de la subjectivité énonciative, et particulièrement pour le
traitement des concepts flous et approximatifs.
Dans cette perspective, les noms dits ordinaires sont réputés classifiants
en ce qu’ils désignent une classe d’éléments précisément définie. Parmi les
caractéristiques des noms ordinaires, Jean-Claude Milner relève les
propriétés suivantes. Ils déterminent leur référent par eux-mêmes. En
fonction attributive, dans un énoncé en être, ils contribuent à marquer
l’appartenance d’un élément à une classe, laquelle peut être définie
indépendamment de l’acte énonciatif où elle apparaît (ex. : X est un député
d’opposition). Ce jugement d’appartenance à une classe, dans les assertions
attributives, peut être négativé (ex. : X n’est pas un député d’opposition),
mais, positives ou négatives, ces assertions ont les mêmes propriétés. Les
noms ordinaires peuvent être employés de manière oppositive pour
identifier dans un ensemble un sous-ensemble précis (ex. : Les élus
protestent, et plus particulièrement les députés). La substitution d’un nom
ordinaire par un autre affecte nécessairement l’interprétation de l’énoncé, ce
qui témoigne du fait qu’ils expriment un sens lexical très précisément
déterminé.
Cette approche des noms ordinaires peut être transposée à certains
adjectifs, qui, comme les adjectifs de couleur, manifestent un
fonctionnement classifiant. Soit l’adjectif bleu, permettant de délimiter la
classe des objets ayant la propriété être bleu. Cette propriété est définissable
objectivement, en dehors de toute énonciation singulière. L’emploi attributif
de l’adjectif énoncera donc, selon la forme positive ou négative de
l’assertion, un jugement d’appartenance ou de non-appartenance du référent
nominal à l’ensemble des objets bleus.
Les propriétés des noms ordinaires s’opposent, selon Jean-Claude Milner,
à celles des noms dits de qualité, réputés non classifiants. Les noms de
qualité peuvent être employés de manière non autonome comme substituts,
et donc tenir leur référence d’un nom ordinaire antécédent. En fonction
attributive, ils n’expriment pas nécessairement une appartenance, ils
peuvent également énoncer une insulte, et manifester ainsi un
fonctionnement assimilable à celui des performatifs (ex. : nom ordinaire :
Tu es un avocat ; nom de qualité : Tu es un salaud). Ce qui fait dire à Milner
que les noms de qualité fonctionnent, relativement à l’acte de langage
qu’est l’insulte, comme la première personne du présent dans je promets,
relativement à l’acte de langage qu’est la promesse. Ils sont indissociables
de l’énonciation singulière où ils figurent (voir Acte de langage). Cette
performativité des noms de qualité se retrouve dans leur emploi en assertion
négative et dans le discours indirect. Si l’on confronte Tu es un salaud à Tu
n’es pas un salaud, on observe que l’assertion négative ne présente pas
davantage d’effets pragmatiques qu’une assertion attributive ordinaire, de
forme positive ou négative. Le fait qu’une fois négativé le nom de qualité
perde ses propriétés pragmatiques spécifiques permet d’établir une
distinction nette avec les noms ordinaires, qui, quelle que soit la forme de
l’énoncé, maintiennent leurs propriétés. Si l’on confronte à présent La
secrétaire m’a dit que le professeur X ne viendrait pas à La secrétaire m’a
dit que ce salaud ne viendrait pas, on observe que dans le cas de l’emploi
du nom ordinaire professeur deux interprétations sont envisageables : le
mot professeur est assumé par la secrétaire, dont on rapporte les propos, ou
bien il est assumé par le sujet de l’énonciation (je), et, dans ce cas, la
secrétaire peut ne pas l’avoir employé, par ignorance de la fonction occupée
par X, ou pour d’autres raisons. Une telle ambiguïté s’observe également
dans le cas de l’emploi du nom de qualité salaud, qui peut être une parole
de la secrétaire, rapportée en discours indirect, ou bien une insulte proférée
par l’énonciateur et introduite dans l’énoncé comme un commentaire
personnel. Mais, comme le note Milner, dans les deux cas, le sujet de
l’énonciation (je) assume l’insulte. D’où il ressort qu’on ne peut énoncer un
nom de qualité sans énoncer également, en la prenant à son compte, la
valeur affective de ce nom. Enfin, on notera que les noms de qualité ne
manifestent pas la capacité restrictive des noms ordinaires, et que leur
substitution ne bouleverse pas l’interprétation de l’énoncé. Si, dans
l’exemple donné plus haut, on substitue cet imbécile à ce salaud, la valeur
d’insulte de l’énoncé n’en est pas affectée.
Cette approche des noms de qualité peut être transposée à certains
adjectifs susceptibles de recevoir l’exclamation (ex. : admirable, ravissant,
sinistre, etc.), qui en emploi attributif ne marquent stricto sensu aucun
jugement d’appartenance. Il n’existe pas de classes précisément et
objectivement définies dont les constituants pourraient être qualifiés
d’admirables, de ravissants ou de sinistres en dehors de l’énonciation
singulière où ils figurent.
Voir aussi : Acte de langage, Énoncé/énonciation, Pragmatique, Référence/référent,
Sens/signification.

Clause. Le mot clause signifie en anglais « membre de phrase », c’est-à-


dire « proposition » au sens non pas logique mais grammatical. Le mot est
passé en français dans le vocabulaire linguistique, où il connaît des emplois
différents selon qu’il apparaît dans un cadre d’étude narratologique ou
macrosyntaxique. En narratologie, la clause est une unité narrative définie
de manière strictement formelle. On distingue des clauses narratives
élémentaires de niveau syntagmatique, qui ne peuvent être déplacées par
rapport aux unités qui les environnent sans modification de l’organisation
des faits relatés ; des clauses libres, qui peuvent occuper toute position dans
la suite narrative, sans effet sur la structure du récit ; et des clauses
coordonnées, qui peuvent échanger leur position, sans que cette
modification n’affecte le déroulement de l’histoire.
En macrosyntaxe, la clause, telle qu’elle est définie par Alain
Berrendonner, sert à l’accomplissement d’un acte énonciatif. Elle
correspond à un acte langagier élémentaire (une énonciation atomique). Il
peut s’agir d’actes énonciatifs de forme syntagmatique, ex. : malgré l’orage
(acte de concession), ou de forme propositionnelle, ex. : Il se promène (acte
de constat). Ainsi, ce que la grammaire traditionnelle identifierait comme
une unité phrastique ou propositionnelle (Malgré l’orage, il se promène),
apparaît dans cette perspective comme étant constitué de deux clauses. Est
considérée comme clause toute unité syntagmatique ou propositionnelle
dont les constituants présentent des relations reposant sur des contraintes
d’enchaînement, liées à la linéarité du discours, ainsi que sur des contraintes
de rection (accords, liage, etc.), et qui ne se trouve pas elle-même
dépendante sur le plan morphosyntaxique d’un ensemble plus important.
Dans un discours, les clauses qui se suivent entretiennent entre elles des
rapports sémantiques d’inférence, et non pas des rapports de dépendance
morphosyntaxique.
La clause constitue donc un seuil entre deux niveaux syntaxiques. Elle
est l’unité la plus large de la microsyntaxe, et l’unité la plus étroite de la
macrosyntaxe (voir Macrosyntaxe). Les ensembles formés par ces unités,
décrits par Alain Berrendonner comme de micro-programmes discursifs,
sont appelés périodes (voir Période). Ainsi, Malgré l’orage, il se promène
est une période binaire, c’est-à-dire composée de deux clauses.
L’enchaînement des périodes définit quant à lui un niveau d’organisation de
nature textuelle. En macrosyntaxe, le recours aux notions de clause et de
période doit être compris comme une critique de la notion de phrase, qui est
fondée sur des critères essentiellement graphiques, donc flous, et dont le
rôle majeur est de permettre une catégorisation pratique et utilitaire du
discours en cloisonnant artificiellement le domaine syntaxique et le
domaine textuel.
Voir aussi : Inférence, Macrosyntaxe, Période, Phrase, Pointage.

Clitique. Les clitiques sont des morphèmes grammaticaux atones, c’est-à-


dire inaccentués. Ils peuvent appartenir à la classe de l’adverbe, de la
conjonction, du déterminant, de la préposition, du pronom. Le terme de
clitique est principalement employé comme adjectif pour décrire la forme
faible et l’emploi conjoint au verbe des pronoms et adverbes pronominaux
personnels (je, tu, il(s), elle(s), on, nous, vous, me, te, se, le, la, les, lui, leur,
en, y), par opposition aux formes fortes (toniques) et disjointes (moi, toi,
soi, lui, elle(s), eux, soi). Selon le mode de rattachement de ces morphèmes
aux unités accentogènes qui les entourent, on observe un phénomène
d’enclise ou de proclise. Les enclitiques prennent appui sur l’unité
accentogène qui précède (ex. : je dans Que sais-je ?). Les proclitiques
prennent appui sur l’unité accentogène qui suit (ex. : s’ dans Caroline
s’amuse). L’enclise et la proclise donnent lieu dans certaines langues à des
faits de liaison graphique des morphèmes, voire de soudure, qui
s’expliquent par la formation d’une unité accentuelle. C’est le cas, par
exemple, en anglais, de not dans I can’t (« je ne peux pas »), en latin, de
cum dans mecum (« avec moi »), en italien de si dans arrovellarsi (« se
tourmenter, s’évertuer »).
Voir aussi : Grammème/lexème, Morphème, Prosodie.

Clivage. À partir du néerlandais klieven, « fendre ». Opération d’extraction


et de focalisation réalisée grammaticalement par une construction
présentative discontinue encadrant le focus : par exemple c’est/il y a X
qui/que (c’est lui qui l’a dit ; c’est ça que je veux ; il y a le train qui part).
On appelle constructions clivées (transposition de l’anglais cleft sentence)
les séquences qui présentent cette configuration. Certaines analyses
proposent une interprétation dérivationnelle des constructions clivées
associant l’extraction caractéristique de l’opération de clivage à un
déplacement en tête de phrase du constituant ainsi focalisé.
La notion de clivage s’ouvre également aux constructions dites pseudo-
clivées, qui présentent une certaine homologie grammaticale avec les
constructions clivées en dépit d’un fonctionnement distinct : par exemple
ce/celui qui/que… c’est X (ce que je veux dire, c’est que ça pourrait être
pire. À proprement parler le terme de clivage est ici abusif, dans la mesure
où la discontinuité ne procède pas par encadrement du focus mais par
détachement et juxtaposition de deux segments en relation de spécification
réciproque.
Voir aussi : Focalisation.
Cohérence ☞ Cohésion/cohérence.
Cohésion/cohérence. Dans l’étude linguistique des textes, on oppose
fréquemment la cohésion et la cohérence. La notion de cohésion désigne les
faits de continuité et de progression sémantiques et référentielles produits
dans un texte par un dispositif spécifiquement linguistique. Entrent dans ce
dispositif, pour l’essentiel, les connecteurs (conjonctions et adverbes
servant à marquer les relations sémantiques entre les phrases et entre les
séquences textuelles, autrement dit servant à la connexité), les chaînes de
référence, et les progressions thématiques. Il s’agit là de procédés de
structuration textuelle. La notion de cohérence désigne des propriétés
pragmatiques qui assurent l’interprétabilité d’un texte, par exemple des
données informationnelles, portant sur des actions ou des situations, qui
sont susceptibles d’être congruentes avec le monde de celui qui évalue ces
données. Entrent dans ces propriétés, des connaissances culturelles, des
valeurs morales ou idéologiques, des lieux communs, etc., c’est-à-dire un
savoir présumé partagé.
Voir aussi : Chaîne de référence, Discours/texte, Inférence, Pragmatique, Progression
thématique.

Commutation. La commutation est une opération visant à vérifier la


validité d’une hypothèse d’identification d’une unité linguistique. Cette
hypothèse est formulée par une segmentation de la chaîne parlée. La
commutation s’applique aux différents niveaux de l’analyse : le niveau du
phonème, du morphème, du mot, du syntagme, de la proposition. Elle
consiste, sans remettre en cause la grammaticalité des segments examinés,
et sans modifier l’environnement linguistique, à substituer un constituant à
un autre. Soit la forme parleur, permettant d’émettre l’hypothèse d’une
segmentation du mot en deux morphèmes, parl- et -eur ; la commutation de
parl- avec cour-, ou de -eur avec -er valide, dans l’ordre morphologique,
l’identification des unités, formulée empiriquement par la segmentation.
Soit la phrase Caroline joue bruyamment ; la commutation de Caroline avec
elle, la petite fille, l’enfant, etc., permet de valider, dans l’ordre syntaxique,
l’hypothèse de segmentation. Les unités mutuellement commutables
forment un paradigme.
Voir aussi : Allomorphe, Distribution, Morphème, Paradigme, Phonème, Syntagme.

Compact ☞ Comptable/massif.
Compétence/performance. Le terme de compétence désigne un
ensemble structuré de connaissances et d’aptitudes linguistiques acquises au
cours de la période d’apprentissage et partagées par les locuteurs d’une
même langue. Ce savoir commun, appelé également grammaire
intériorisée, est ce qui permet aux sujets parlants de produire et de
comprendre un nombre théoriquement illimité de phrases. C’est la
compétence qui explique par exemple la capacité d’un locuteur à émettre un
jugement sur la grammaticalité d’un énoncé, c’est-à-dire sur sa conformité
aux règles qui régissent la grammaire de sa langue. À cette capacité
théorique, s’oppose la performance, qui correspond à la mise en application
effective de ces connaissances linguistiques, chez le sujet, au cours de la
production des énoncés dans des situations de communication spécifiques.
C’est la performance qui permet par exemple à un locuteur de statuer sur
l’acceptabilité d’un énoncé, c’est-à-dire sur son accessibilité sémantique.
Voir aussi : Acceptabilité, Grammaticalité, Langue/discours, Puissance/effet.

Composition. La composition est un procédé morphologique qui consiste,


à partir de la juxtaposition de plusieurs morphèmes libres (lexicaux ou
grammaticaux), à créer une unité lexicale. Les mots composés connaissent
diverses formes de réalisation graphique : la soudure (ex. : clairvoyant,
portefeuille, vinaigre) ou la liaison avec un séparateur, qu’il s’agisse d’un
blanc ou d’un trait d’union (ex. : chaise longue, grille-pain, pomme de
terre). La réalisation graphique d’un mot composé est assez aléatoire, et
peut connaître des variations dans un même état de langue (ex. : contre-
pied/contrepied, mot-clé/mot clé, tire-bouchon/tirebouchon). Les mots
composés non soudés forment des unités polylexicales. Cette polylexicalité
est marquée par le fait que des constituants de la séquence voient certaines
de leurs propriétés syntaxiques et sémantiques neutralisées, en particulier la
capacité à faire l’objet d’une caractérisation ou d’une détermination (ex. :
une pomme de bonne terre, un permis de bien conduire).
Voir aussi : Dérivation, Double articulation, Grammème/lexème, Interfixation.
Compositionnalité. Le principe de compositionnalité a été développé
notamment par le philosophe et logicien Gottlob Frege (1879-1925). Il
repose sur la thèse selon laquelle le sens d’une expression est fonction du
sens de ses composants.
Le sens est compositionnel dans la phrase Il a pris la clé du garage, car il
est facteur du sens du prédicat et de celui de ses arguments. Le sens est non-
compositionnel dans Il a pris la clé des champs, car il ne saurait être déduit
du sens du composant prédicatif et de celui des composants argumentaux :
il s’agit d’une clé qui permet de sortir de l’endroit où l’on est pour aller en
terrain libre, et non pas d’une clé ouvrant des champs clos. La non-
compositionnalité se caractérise par une opacité sémantique variable,
notamment en fonction du degré de figement des expressions, et par des
restrictions syntaxiques.
L’analyse compositionnelle vise à identifier des unités de signification et
à étudier leurs modes d’agencement dans les phrases et les textes. Les
composants sémantiques d’une unité phrastique ou textuelle sont obtenus
par la mise en place d’opérations de déduction et de paraphrase, et par
l’examen des relations d’implication et de présupposition.
Le paradigme logique où s’inscrit le principe de compositionnalité se
heurte toutefois à la notion de textualité, qui définit le texte comme un
palier de complexité linguistique non réductible à une suite de phrases :
[…] ou bien la textualité n’existe pas car le sens du texte se réduit à celui de ses phrases (qui
correspondent à des propositions susceptibles de valeurs de vérité). Ou bien elle existe, mais on
ne peut calculer strictement le sens du texte, car il n’existe pas de règles syntaxiques qui
permettraient de le faire. C’est précisément l’impossibilité de définir des règles au sens fort qui a
conduit à l’abandon des grammaires de textes fondées sur le paradigme formel […]. C’est au
palier du texte que la conception commune de la compositionnalité laisse apparaître le plus
clairement ses lacunes : le global y détermine le local et le recompose. C’est pourquoi une
phrase et a fortiori un mot peuvent changer de sens quand se modifie leur contexte immédiat et
lointain.
F. Rastier & alii, Sémantique pour l’analyse, Masson, 1994.

Voir aussi : Opaque/transparent.

Comptable/massif. Les adjectifs comptable et massif servent à


caractériser des propriétés sémantiques de noms (ou de verbes), analysées
en termes de traits distinctifs ou de sèmes (voir Sème). Cette bipartition
s’applique d’une part, pour les noms comptables (ou discrets), aux
substances discontinues, donc dénombrables, qui définissent des classes
d’occurrences, puisqu’il y a par définition des occurrences distinctes de
chaque substance (ex. : assiette, cuiller, lampe, professeur, rhinocéros).
D’autre part, cette bipartition s’applique, pour les noms massifs, aux
substances continues, qui ne peuvent être dénombrées (ex. : du beurre, du
lait, de la patience, du sable, de la sagesse). Dans cette dernière catégorie,
on peut opérer une distinction entre les noms dits denses et ceux dits
compacts. Le trait /dense/ caractérise la propriété des substances qui
relèvent du continu sécable et quantifiable (ex. : du beurre, du lait, du
sable : un morceau de beurre, un litre de lait, une tonne de sable) ; il s’agit
de noms concrets. Le trait /compact/ caractérise la propriété des substances
qui relèvent du continu au sens strict, c’est-à-dire insécable et non
quantifiable (ex. : de la patience, de la sagesse) ; il s’agit de noms abstraits.
Contrairement aux noms comptables, les massifs acceptent l’article partitif,
qui spécifie d’ailleurs leur mode d’actualisation. Par le jeu des
déterminants, des recatégorisations de comptables en massifs (ex. : vendre
du meuble) ou de massifs en comptables (ex. avoir une tendresse pour
quelqu’un) peuvent être fréquemment observées en discours.
Voir aussi : Référence/référent, Sème, Sens/signification, Signe/signifiant/signifié.

Conditionnement morphématique. Le signifiant d’un morphème peut


être dit conditionné dans la mesure où il obéit à des facteurs qui sont
étrangers à sa nature propre, et donc dans la mesure où il subit l’influence
de son entourage. C’est ce qu’illustre le phénomène de l’allomorphie (voir
Allomorphe). Le conditionnement des morphèmes peut être d’ordre
phonologique. C’est le cas lorsque la sélection de la variante contextuelle
dépend de la structure phonologique de l’unité avec laquelle il entre en
contact. Par exemple : en morphologie orale, le morphème ces présentera le
signifiant [sε] dans ces femmes [sεfɑm], et le signifiant [sεz] dans ces
enfants [sεzɑ˜fɑ˜]. À l’oral, [sε] et [sεz] sont deux allomorphes de l’adjectif
démonstratif ces : la liaison entre un déterminant et son support substantif à
initiale vocalique est obligatoire. Le conditionnement des morphèmes peut
être d’ordre morphologique. C’est le cas lorsque la sélection de la variante
contextuelle dépend du morphème avec lequel il se combine.

Exemple
La base du verbe coudre présente trois allomorphes, qui, dans la
conjugaison, alternent selon la désinence : coud- [ku], je couds, etc. ;
cous- [kuz], je cousais, etc. ; coud- [kud], je coudrai, etc. Le type de
désinence commande donc ici le signifiant de la base verbale.

Voir aussi : Allomorphe, Morphème.

Connecteur. Le terme de connecteur connaît trois principaux types


d’emplois en sciences du langage, étroitement corrélés. Le premier lui vient
de la logique, où le terme peut être défini, par distinction avec le terme
d’opérateur, comme un foncteur ayant pour argument une paire ordonnée de
propositions :
Syntaxiquement, un connecteur logique (noté ici *) est une fonction qui a pour argument un
ensemble ordonné de propositions (P, Q) et pour valeur une nouvelle proposition (S), ce que l’on
peut représenter par la notation suivante : *(P, Q) → S. La sémantique d’un connecteur consiste
à attribuer une valeur de vérité à la proposition S relativement aux valeurs de vérité assignées
aux propositions P et Q.
J. Moeschler & A. Reboul,
Dictionnaire encyclopédique de pragmatique, Éditions du Seuil, 1994.

Le deuxième emploi s’est développé en pragmatique, par les diverses


approches non formalistes des connecteurs en langue naturelle (Grice,
Gazdar, Ducrot, Anscombre), destinées à rendre compte des processus
inférentiels déclenchés par l’usage de mots comme et, mais, si.
Le troisième emploi, nettement englobant, s’est développé en sémantique
discursive et textuelle pour désigner des mots ou des expressions
(conjonctions, adverbes, syntagmes prépositionnels, etc.) dont la fonction
est de lier des séquences discursives de nature phrastique ou textuelle à des
fins de cohésion et de cohérence du discours. La notion s’ouvre en ce cas,
comme l’a montré Jean-Michel Adam (1989, 1990), (i) d’une part aux
expressions qui assurent une simple fonction de connexion (organisateurs
spatio-temporels, par exemple : à droite, à gauche, d’un côté, de l’autre, la
veille, le lendemain, plus tard, ensuite, etc. ; organisateurs additifs et
intégratifs procédant fréquemment de manière énumérative, par exemple :
et, d’une part, d’autre part, de même, également, en premier lieu, par
ailleurs, etc.), (ii) d’autre part aux expressions qui combinent une fonction
de connexion et une fonction de prise en charge énonciative (connecteurs de
reformulation, par exemple : en somme, bref, finalement, au bout du
compte, enfin, etc. ; connecteurs de structuration conversationnelle, par
exemple : ben, alors, euh, tu sais, etc.) ; (iii) et enfin aux expressions qui
combinent fonction de connexion, fonction de prise en charge énonciative
et fonction d’orientation argumentative (connecteurs argumentatifs, par
exemple : pourtant, cependant, toutefois, certes, car, parce que, puisque, si,
etc.).
Voir aussi : Cohésion/cohérence.

Connexion ☞ Stemma.
Contenu propositionnel. Du point de vue sémantico-logique, le contenu
propositionnel d’un énoncé est défini par la vériconditionnalité de cet
énoncé, c’est-à-dire par l’ensemble de ses conditions de vérité,
indépendamment des faits liés à la perspective communicationnelle. Ainsi
les énoncés : Sans aide, Caroline n’y arrivera pas ; Caroline, sans aide, n’y
arrivera pas ; Caroline n’y arrivera pas sans aide, ne se distinguent que du
point de vue de la structure informationnelle. Ils présentent le même
contenu propositionnel : les conditions de vérité de la proposition qui les
constitue n’ont pas varié, car les relations entre les unités du réseau
sémantique (classes génériques, fonctions conceptuelles, référents) sont
identiques dans les trois cas. Seuls les symboles possédant des conditions
de vérité sont susceptibles d’être pourvus d’un contenu propositionnel.
Le philosophe John Ray Searle distingue, dans sa théorie des actes de
langage, le contenu propositionnel d’un énoncé de sa force illocutoire : par
exemple dans Je te promets que tu réussiras, la force illocutoire est énoncée
par le marqueur de promesse je te promets, et le contenu propositionnel par
le marqueur tu réussiras.
Voir aussi : Acte de langage, Vériconditionnalité.

Contexte/cotexte. L’opposition contexte/cotexte sert à distinguer d’une


part, pour le contexte, les déterminations extralinguistiques ou non
spécifiquement linguistiques du discours, c’est-à-dire l’ensemble des
composants de la situation d’énonciation (pour l’essentiel, les participants à
l’échange conversationnel, leurs savoirs, leur rôle institutionnel et discursif,
le cadre spatio-temporel, l’objectif de la communication, le genre du
discours, le mode d’interaction verbale) ; d’autre part, pour le cotexte,
l’environnement linguistique d’un constituant verbal ou d’un ensemble de
constituants (l’environnement d’un mot, d’un syntagme, d’une phrase,
d’une séquence textuelle). Cette opposition notionnelle peut donner lieu à
d’autres dénominations : contexte situationnel/contexte linguistique,
situation/contexte, etc. On doit toujours veiller, dans l’usage comme dans
l’interprétation des analyses, à la très forte polysémie du mot contexte, qui
le rend faiblement opératoire bien qu’il soit omniprésent dans le discours
linguistique. Il faut comprendre que l’instabilité notionnelle et
terminologique résulte ici d’une opposition qui paraît méthodologiquement
nécessaire mais qui dans les faits se révèle simpliste et artificielle.
On notera que la pragmatique, dans le cadre de la théorie de la pertinence
(voir Pertinence) utilise la notion de contexte pour désigner l’ensemble des
informations dont dispose le coénonciateur (ou allocutaire) pour interpréter
le discours dans l’échange conversationnel.
Voir aussi : Coopération, Discours/texte, Endophore/exophore, Énoncé/énonciation,
Implicature, Inférence, Interaction verbale, Interprétation, Pertinence, Pragmatique,
Progression thématique, Référence/référent, Saillance.

Contrôle. La notion de contrôle est généralement employée dans l’analyse


syntaxique pour décrire le sujet zéro de l’infinitif (voir Zéro). Dans cette
perspective, on appelle contrôle la relation entre un syntagme nominal de la
prédication principale et un élément appelé PRO en grammaire générative
(abréviation de pronom), sujet pronominal sous-entendu de l’infinitif,
phonétiquement vide. Par exemple, l’énoncé Caroline veut le voir sera
transcrit ainsi : Caroline veut [PRO le voir]. Le sujet pronominal sous-
entendu de voir requiert un antécédent pour désigner un référent. Dans cet
exemple, c’est le sujet du verbe principal (Caroline) qui constitue cet
antécédent, et qui donc contrôle le sujet zéro de l’infinitif voir. Dans Il
reproche à Claire d’être sortie trop vite, le morphème de féminin du
participe sortie signale que le contrôleur du sujet zéro de l’infinitif être
sortie est le nom sujet Claire. Autrement dit l’interprétation du sujet sous-
jacent de cet infinitif est conditionnée par le syntagme nominal occupant la
position de complément d’objet indirect du verbe reprocher.
La notion de contrôle est également employée en macrosyntaxe, dans une
perspective sémantique, pour désigner les relations qui s’établissent entre
deux signes linguistiques désignant dans deux clauses différentes un même
référent de discours (voir Clause). C’est entre autres le cas de la relation
anaphorique. Ainsi, dans Arthur est en retard, il va rater son train, le nom
Arthur introduit dans l’énoncé un référent repris par le pronom il. Ce
pronom est donc contrôlé par le nom Arthur, c’est-à-dire qu’il en est
référentiellement dépendant.
Voir aussi : Clause, Coréférence, Endophore/exophore, Macrosyntaxe, Période, Pointage,
Zéro.

Co-occurrence. La co-occurrence (ou cooccurrence) est la relation entre


deux ou plusieurs éléments linguistiques (morphèmes, mots, syntagmes,
propositions) figurant ensemble dans un même énoncé. Par exemple, dans
Caroline joue bruyamment, joue a pour co-occurrents Caroline et
bruyamment, qui constituent, de par leur position relativement à ce verbe,
son environnement (voir Distribution). La condition nécessaire de la co-
occurrence entre des éléments linguistiques est la compatibilité de ces
éléments. Ainsi le verbe jouer appelle-t-il un co-occurrent nominal sujet
auquel se trouve associée la propriété /animé/. Les faits de co-occurrence
permettent de dégager des régularités distributionnelles qui témoignent des
relations linguistiques susceptibles de s’établir entre divers constituants du
discours.
Voir aussi : Distribution, Occurrence/type.

Coopération. La notion de coopération a été élaborée par le philosophe


Paul Grice (Communications no 30) pour faire apparaître un aspect crucial
de l’échange conversationnel, selon lequel chaque participant d’une
interaction verbale (voir Interaction verbale), au moment où intervient sa
contribution à l’échange, se conforme à l’objectif reconnu ou à la direction
acceptée de la conversation dans laquelle il est engagé. Le principe de
coopération, qui s’inscrit dans le cadre d’une théorie de l’interprétation des
énoncés, est exemplifié par quatre maximes conversationnelles, qui
spécifient les champs d’application de ce principe : les maximes de
quantité, selon lesquelles la contribution à l’échange doit énoncer autant
d’informations que la conversation le requiert, mais pas davantage ; les
maximes de qualité, selon lesquelles la contribution ne doit énoncer que le
vrai, et proscrire ce que l’on croit faux et ce pour quoi les preuves font
défaut ; les maximes de relation, selon lesquelles la contribution doit être
appropriée à l’objectif de la conversation, et donc pertinente ; les maximes
de manière (ou de modalité), selon lesquelles, la contribution doit être
claire, non ambiguë, brève et ordonnée. Le non-respect de ces lois du
discours, ou de certaines d’entre elles, manifeste une conduite
conversationnelle non coopérative. Mais le respect du principe qu’elles
illustrent n’a nullement pour corollaire l’harmonie de l’échange ou la mise
en place d’un quelconque consensus entre les interactants. Le principe de
coopération s’applique aussi aux situations conversationnelles de
controverse.
Voir aussi : Acte de langage, Énoncé/énonciation, Implicature, Inférence, Interaction
verbale, Pertinence, Pragmatique.

Coréférence. La coréférence est la relation qu’entretiennent des


expressions linguistiques qui, en discours, désignent le même référent. On
tient généralement la relation anaphorique, et plus largement, la relation
endophorique, pour le prototype de la coréférence, en ce qu’elle manifeste
dans la plupart des cas cette identité référentielle entre deux termes (voir
Endophore/exophore). Ainsi, dans L’avion devait atterrir vers 10 heures,
mais il n’a pas pu décoller en raison des intempéries, le pronom il rappelle
le syntagme l’avion, qui forme son antécédent, et il adopte sa référence. La
relation entre ces deux expressions est à la fois une relation de rappel (ou
reprise), marquant donc une dépendance interprétative, et une relation de
coréférence.
En fait, l’anaphore peut parfois échapper à la relation coréférentielle,
particulièrement dans le cas de l’anaphore dite associative, qui présente son
référent comme identifiable, et donc comme déjà introduit dans le discours,
alors qu’il n’a fait l’objet d’aucune mention directe préalable. Ce qui
s’observe, par exemple, dans On est arrivé dans un village, l’église était
fermée (voir Saillance), où l’église fonctionne comme une expression
associée au référent du syntagme indéfini un village, lequel joue le rôle, non
pas d’antécédent à proprement parler, puisqu’il n’y a pas reprise d’un
segment de discours, mais de déclencheur de la dépendance interprétative
entre les deux termes. La relation référentielle, nullement ambiguë, entre un
village et l’église s’établit sur la base d’une représentation du monde
présumée partagée, selon laquelle un village a une église. C’est donc une
relation référentielle générique, qui ne peut en aucune manière être décrite
par la notion de coréférence (une église n’est pas un village).
On notera encore que le lien de solidarité souvent établi entre coréférence
et anaphore résiste au cas des pronoms dits de paresse, illustrant des faits de
référence croisée (voir Gilles Fauconnier, La Coréférence : syntaxe ou
sémantique ?). Ainsi, dans l’exemple suivant, emprunté à Denis Apothéloz
(Rôle et fonctionnement de l’anaphore dans la dynamique textuelle) : Je
vais mettre ma voiture dans le garage. Toi, tu peux la laisser devant la
maison, le pronom la, qui désigne une voiture, ne peut être pourtant en
coréférence avec le syntagme ma voiture. On a affaire ici à ce que certains
linguistes ont appelé un fait de cosignifiance. Le fonctionnement du pronom
de paresse la consiste, en faisant l’économie de l’emploi du mot, à exploiter
le signifié du lexème voiture, introduit préalablement dans l’énoncé, pour
référer à un objet autre que celui qui est désigné par le syntagme ma voiture.
Jean-Claude Milner, dans Ordres et raisons de langue, parle dans ce cas
d’un fait de coréférence virtuelle sans coréférence actuelle (voir
Référence/référent).
Enfin, s’il demeure que la coréférence est fréquemment manifestée par la
relation endophorique, on ne saurait l’y réduire. D’autres structures
linguistiques sont susceptibles de faire apparaître des faits de coréférence.
L’apposition, par exemple, est une catégorie fonctionnelle qui, dès le
Moyen Âge, est décrite comme la relation syntaxique entre deux noms
désignant une même réalité extralinguistique. Ce qui est illustré dans les
grammaires latines par des tours du type animal homo (« l’animal
homme »), urbs Roma (« la ville de Rome »), Caesar vir magno ingenio
(« César, homme de grand esprit »), etc. Une telle approche de la notion
d’apposition s’est maintenue dans la description grammaticale jusqu’à une
époque très récente. L’analyse approfondie de ces constructions (voir
Langue française no 125), et plus particulièrement des constructions
détachées, qui sont les seules à pouvoir prétendre à l’étiquette d’apposition,
a fait apparaître que le détachement et la prédication seconde, qui les
caractérisent, bloquent toute possibilité de fonctionnement référentiel
séparé de l’élément détaché. Ce qui explique que l’on soit fondé à regrouper
dans la catégorie appositive tout à la fois des syntagmes nominaux et
adjectivaux. L’élément détaché, qu’il soit pourvu d’un déterminant ou non,
ne désigne pas le même référent que celui de son support, car il n’est pas
dans une position syntaxique qui lui permette de réaliser un acte de
désignation. Il prédique, à la manière d’un caractérisant non déterminatif,
une ou plusieurs propriétés de ce support, et forme, avec cet élément,
autrement dit dans sa dépendance, une cellule référentielle et
informationnelle.
Dans le cas de l’apposition, la coréférence apparaît bien comme une
illusion explicative. La longévité de cette illusion dans la description
grammaticale se comprend, entre autres, par le fait que fréquemment les
usages de la notion de coréférence mêlent indistinctement des phénomènes
relatifs à la concordance morphosyntaxique entre deux segments de
discours, et des phénomènes relatifs à l’identité référentielle entre deux
groupes. La dimension référentielle de la coréférence se trouve ainsi
occultée au bénéfice d’une approche grammaticale de la notion, et les
conditions syntaxiques des mécanismes référentiels à l’œuvre dans le
discours négligées au profit de la configuration morpholexicale des
syntagmes. La notion de coréférence, on le voit, pose finalement plus de
problèmes qu’on ne souhaitait lui en voir résoudre.
Voir aussi : Chaîne de référence, Contexte/cotexte, Endophore/exophore,
Référence/référent, Saillance.
D

De Défectivité à Double
articulation

Décodage ☞ Encodage/décodage.
Deixis ☞ Endophore/exophore, Indexal.
Défectivité. Dérivé de l’adjectif défectif, du latin defectivus, de deficere,
« faire défaut ». La notion de défectivité sert à rendre compte,
principalement d’un point de vue morphologique, de l’incomplétude des
réalisations formelles d’une structure linguistique. Elle vise notamment à
caractériser des paradigmes qui ne possèdent pas certaines formes fléchies
présentes dans d’autres paradigmes. Ainsi, par exemple, en français, les
verbes gésir ou quérir sont dits défectifs parce que leur conjugaison ne
comporte pas toutes les réalisations modales et temporelles qui se
rencontrent dans la conjugaison de la plupart des autres verbes français. De
même, l’impératif est un tiroir modal défectif, en ce qu’il ne connaît de
réalisations qu’à certaines personnes. En anglais, les verbes can, may shall,
will, par exemple, sont des verbes défectifs en ce qu’il leur manque les
formes de subjonctif et d’impératif.
Voir aussi : Flexion, Paradigme.
Dense ☞ Comptable/massif.
Dérivation. En morphologie, la dérivation est un procédé de formation des
mots qui consiste à adjoindre à une base un ou plusieurs affixes (préfixes
et/ou suffixes). Ex. : le verbe déceler est formé par dérivation préfixale sur
le verbe celer ; l’adjectif ogival est formé par dérivation suffixale sur le
substantif ogive.
On doit compter au nombre des faits de dérivation affixale ceux qui
relèvent de la parasynthèse. On appelle dérivation parasynthétique, un type
de dérivation qui agglutine simultanément à une base un préfixe et un
suffixe. Par exemple, encolure : dans ce dérivé de col, les formes préfixe
+ base et base + suffixe n’ont aucune existence en langue, car ni encol ni
colure ne sont attestés. La notion de dérivation parasynthétique n’est pas
aisée à mettre en application, particulièrement dans le cas des adjectifs
dérivés d’une base verbale comme imbattable, dont la forme base + suffixe
(battable), qui n’est pas attestée, présente un mode de formation des plus
courants qui pourrait l’amener à connaître des réalisations en discours, ce
qui conduirait à voir en synchronie dans imbattable une dérivation par
préfixation. Toutefois, si l’on fait prévaloir le critère sémantique
(imbattable, « qui ne peut pas être battu »), on observe que la dérivation
s’effectue à partir du verbe battre et non pas à partir de l’adjectif battable.
On compte encore souvent au nombre des faits de dérivation affixale le
procédé de formation appelé dérivation régressive (ou inverse, ou
rétrograde), qui consiste à obtenir à partir d’un verbe une unité nominale
plus courte par suppression de la désinence (noms dits déverbaux ou
postverbaux). L’orientation de cette dérivation n’est observable qu’en
diachronie (ex. : aider > aide, visiter > visite). En réalité, la suppression de
la désinence doit s’analyser comme un fait de recatégorisation
grammaticale de la base et non pas comme un cas de dérivation par
affixation.
Enfin, on notera le cas particulier de la dérivation dite impropre (ou
conversion, ou recatégorisation), qui n’a aucun caractère affixal, et à
proprement parler aucun caractère morphologique. Elle consiste à transférer
un mot d’une classe grammaticale à une autre sans opérer de modification
formelle. Ex. : un homme fort (adjectif), un homme fort aimable (adverbe).
Voir aussi : Affixe, Base, Morphème, Stemma (translation), Synchronie/diachronie.

Description définie. Depuis les travaux de Bertrand Russell, au début du


XX siècle, on appelle description définie une expression nominale pourvue
e

d’un déterminant défini (article ou adjectif possessif), autrement dit un


syntagme nominal, expansé ou non par un modificateur (adjectif, syntagme
prépositionnel, relative, etc.). Ex. : la voiture, la voiture noire, la voiture de
Marie, la voiture qui est garée derrière l’église, etc.
La particularité de ces expressions est qu’elles peuvent tout à la fois
désigner et décrire le référent qu’elles visent. Et c’est en cela qu’elles
intéressent les logiciens et les linguistes, puisque leur emploi pose le
problème du savoir dont il faut disposer pour faire coïncider ces termes
avec le référent. Les cas sont en effet fréquents où un locuteur énonçant une
description définie vise un référent qui ne coïncide pas avec les propriétés
décrites par cette expression. Dans une telle situation de communication,
c’est la prise en compte des croyances du locuteur, voire de divers autres
facteurs extralinguistiques, qui permet au destinataire du message
d’attribuer le bon référent à la description définie.

Exemple

Étudiant les emplois référentiel et prédicatif des descriptions définies,


John Searle (Sens et expression), rappelle, pour en faire la base d’une
discussion critique, cet exemple emprunté au linguiste et logicien
K. Donnellan. Après avoir découvert le corps sans vie d’un nommé
Dupont, assassiné par un inconnu, un individu s’exclame « Le
meurtrier de Dupont est fou » pour désigner non pas un individu
particulier, mais l’individu, quel qu’il soit, qui a tué Dupont. Cet usage
de la description définie, servant à la désignation d’un référent quel
qu’il soit est dit emploi attributif. Supposons à présent un procès
d’assises où se trouve jugé Durand pour l’assassinat de Dupont, et au
cours duquel un locuteur, trouvant bizarre le comportement de
l’accusé, s’exclame « Le meurtrier de Dupont est fou » pour désigner
l’accusé Durand. Cet usage de la description définie, servant à la
désignation d’un référent particulier est dit emploi référentiel. La
différence entre les deux emplois s’établit par la relation de la
description définie à la vérité. Dans le cas de l’emploi référentiel,
Searle rapporte qu’il importe peu de savoir si l’énoncé est vrai du
référent visé. Si Dupont n’a pas été assassiné mais s’est suicidé,
Durand ne peut être son meurtrier. La description définie reste
toutefois vraie si Durand est fou. D’où il ressort que dans l’emploi
référentiel, la question de la vérité de l’énoncé, c’est-à-dire
l’adéquation du contenu descriptif avec le référent, est effectivement
secondaire car il s’agit avant tout de désigner un individu ou un objet
afin d’énoncer une propriété de cet individu ou de cet objet. Dans
l’emploi attributif, si la description définie s’applique à un référent
quel qu’il soit, autrement dit si elle n’identifie rien ni personne,
l’énoncé ne peut être vrai. Cet exemple, rapporté par Searle, fait
ressortir toute la dimension pragmatique de l’interprétation des
descriptions définies.

Voir aussi : Acte de langage, Désignateur rigide, Énoncé/énonciation, Pragmatique,


Référence/référent, Rôle/valeur.

Désignateur rigide. Un désignateur est une expression référentielle (un


nom, un syntagme nominal, un pronom), c’est-à-dire un terme employé
pour identifier un référent. On distingue, à la suite des travaux du
philosophe Saul Kripke (La Logique des noms propres), d’une part des
désignateurs rigides, par exemple les noms propres, qui désignent le même
référent dans tous les mondes possibles. Etant entendu, comme l’a fait
apparaître Marie-Noëlle Gary-Prieur (Grammaire du nom propre), que pour
Kripke les mondes possibles sont construits par les énoncés. Autrement dit
un nom propre est associé à son référent dans un énoncé, et c’est dans cet
énoncé qu’il désigne le même référent d’un monde possible à l’autre. Ce
qu’illustrent les exemples suivants : Si Aristote n’était pas le père de la
philosophie occidentale, on ne le lirait pas autant ; Si Aristote n’était pas
son chat préféré, elle l’aurait appelé autrement, où, à l’évidence, le nom
Aristote ne réfère pas dans les deux cas au même individu ; mais, dans
chacun des deux énoncés, il désigne le même référent dans le monde réel
(Aristote est le père de la philosophie occidentale, Aristote est son chat
préféré) et dans le monde faux évoqué par la proposition hypothétique.
D’autre part, on distingue des désignateurs non rigides, ou accidentels, par
exemple des descriptions définies (voir Description définie), qui peuvent
désigner des référents différents dans tous les mondes possibles.
Comme le montrent les exemples précédents, les logiciens analysent la
propriété des désignateurs rigides par le test de la proposition
contrefactuelle, qui évoque un monde faux. Le fait qu’un terme désigne le
même référent dans tous les mondes possibles est vérifiable au moyen
d’une proposition en si, qui sert à émettre l’hypothèse que le référent en
question aurait pu ne pas présenter certaines des particularités qui lui sont
attachées. Ainsi, on peut dire – en recourant à la description définie le
président de la République française –, Si François Hollande n’avait pas
été président de la République française…, car François Hollande aurait pu
ne pas occuper cette fonction. Mais il n’y a pas de pertinence à dire Si
François Hollande n’avait pas été François Hollande…, car François
Hollande n’aurait pas pu ne pas être François Hollande. Il est donc possible
de mettre en question l’identité d’un individu par le biais d’une de ses
caractéristiques, mais il est impossible de le faire par le biais de son nom
propre. La description définie peut servir à fixer la référence d’un nom
propre, mais elle n’exprime pas le sens de ce nom. Dans la perspective de
Kripke, les noms propres n’ont pas de sens prédicatif. Il apparaît ainsi que
François Hollande et le président de la République française ne peuvent
être tenues pour des expressions synonymes.
Enfin, ce dernier exemple permet de noter que les descriptions définies
ont la capacité de désigner à la fois ce que Gilles Fauconnier, dans Espaces
mentaux, appelle le rôle (ici, la fonction de président de la République
française) et ce qu’il appelle sa valeur (ici, la personne occupant
provisoirement cette fonction). Les noms propres ne désignent, quant à eux,
stricto sensu, que la valeur. Le rôle, déterminé par des paramètres
situationnels (temps, lieux, contextes, etc., c’est-à-dire tout ce qui donne
lieu à un espace mental construit par les partenaires de la communication),
prend sa valeur parmi les éléments des espaces qui ont la propriété indiquée
par le terme exprimant ce rôle.
Voir aussi : Acte de langage, Description définie, Énoncé/énonciation, Pragmatique,
Référence/référent, Rôle/ valeur.

Détermination. La détermination est une opération linguistique de


spécification d’un terme désignateur. Elle peut être réalisée par les
déterminants du nom, qu’ils soient déterminants actualisateurs ou
complémentaires (ex. : cette rue, leur maison, ces trois valises), mais aussi
par des constituants dont la fonction syntaxique permet de restreindre
l’étendue référentielle de l’élément sur lequel s’exerce leur
fonctionnement : adjectif ou substantif épithètes (ex. : un chapeau rond, un
débat marathon), syntagme prépositionnel complément déterminatif (ex. :
la cathédrale de Bayonne), relative déterminative (ex. : l’homme qui est
assis sous l’horloge). On distingue parfois entre la détermination
essentielle, réalisée par un constituant énonçant une propriété permanente
de l’entité désignée (ex. : la table blanche, le livre d’histoire), et la
détermination référentielle, réalisée par un constituant énonçant une
propriété extrinsèque et provisoire de cette entité, liée non à sa nature mais
à sa situation (ex. : la table de la cuisine, le livre de Julien).
Voir aussi : Actualisation.

Diachronie ☞ Synchronie/diachronie.
Diastématique. L’adjectif diastématique est formé sur un mot d’origine
grecque, diastème, qui signifie « intervalle ». Gustave Guillaume appelle
partie de langue diastématique, une classe de mots dont l’incidence (voir
Incidence) ne s’exerce pas à l’égard d’un support mais à l’égard d’un
intervalle psychique entre supports. Ce qui, dans cette perspective
linguistique, est le propre de la préposition (ex. : de dans la leçon de
musique), qui est destinée à intervenir en discours entre deux mots (ex. :
leçon et musique), que sépare un intervalle non couvert par un mécanisme
d’incidence en fonctionnement : il n’y a pas d’incidence entre musique et
leçon dans la leçon [de] musique, c’est pourquoi la leçon musique est
agrammatical ; la préposition de sert donc à mettre en place ici un
mécanisme d’incidence qui sans elle serait inexistant.
Voir aussi : Incidence, Prédicativité.

Diathèse ☞ Valence.
Discours/langue ☞ Langue/discours.
Discours/texte. Les notions de discours et de texte entrent fréquemment
en concurrence dans l’analyse linguistique, qu’il s’agisse, par exemple, de
décrire les faits de cohésion et de cohérence, ou d’établir des typologies.
Cette concurrence s’est longtemps réglée au bénéfice du discours,
d’installation plus ancienne que le texte en linguistique, et employé avec
des valeurs très diverses et à différents niveaux d’analyse. On pensera entre
autres au discours comme langage mis en action, c’est-à-dire comme langue
assumée et actualisée par un sujet parlant, comme instance d’énonciation,
comme mécanisme conditionnant l’énoncé, comme énoncé de volume
supérieur à la phrase, comme échange conversationnel, ou encore comme
système de contraintes régissant la production des énoncés d’un point de
vue social ou idéologique, voire comme système de signes non verbal (voir
Georges-Elia Sarfati, Éléments d’analyse du discours). Quant au texte, on
l’a longtemps relégué au rôle de corpus.
Les développements de l’analyse de discours et de la linguistique des
textes ont permis de clarifier quelque peu les champs d’application
respectifs de chacune des deux notions. Partant des travaux de François
Rastier (Sens et textualité), on réservera la notion de discours à un ensemble
d’usages linguistiques codifiés, ensemble qui est subordonné à une pratique
sociale (discours juridique, religieux, scientifique, etc.), et on réservera la
notion de texte à une suite linguistique autonome, qu’elle soit orale ou
écrite, constituant un objet empirique, cohésif et cohérent, et produite par
un énonciateur dans le cadre d’une pratique sociale spécifique. Dans cette
perspective, il apparaît que le système linguistique ne saurait produire à lui
seul un texte. D’autres codifications sociales entrent en jeu, et notamment le
genre. Un discours est donc articulé en divers genres correspondant à autant
de pratiques sociales. Si bien que, comme le suggère François Rastier, un
genre est ce qui rattache un texte à un discours.
Voir aussi : Cohésion/cohérence, Contexte/cotexte, Énoncé/ énonciation, Interprétation,
Langue/discours, Progression thématique, Sémantique.

Dissimilation. La dissimilation décrit le cas d’un changement phonétique


qui crée ou accroît une différence d’articulation entre deux phonèmes non
contigus dans un même mot. Ex. : le latin honor, honorem a donné la forme
onor en ancien français, qui a évolué en enor par dissimilation.
Voir aussi : Assimilation, Phonème, Son.
Distribution. La distribution d’une unité ou d’un groupe d’unités est
l’ensemble de ses possibilités combinatoires dans la chaîne syntagmatique,
c’est-à-dire la somme des environnements linguistiques de cet élément.
Quand des unités apparaissent dans des contextes linguistiques similaires,
elles sont réputées présenter les mêmes distributions, autrement dit être en
situation d’équivalence distributionnelle. Par exemple, Caroline et l’enfant
présentent les mêmes distributions en ce que ces unités sont susceptibles de
figurer en contexte d’ouverture de phrase, ou en co-occurrence avec joue
bruyamment, chante, aime lire, etc. (Caroline/L’enfant joue bruyamment,
Caroline/L’enfant chante, Caroline/L’enfant aime lire, etc.). Elles
appartiennent donc à la même classe grammaticale. Des unités ne
partageant aucun environnement sont réputées être en distribution
complémentaire. On notera toutefois que la notion de distribution
complémentaire est principalement employée en phonologie et en
morphophonologie pour décrire les variantes combinatoires d’une même
unité.
Voir aussi : Allomorphe, Commutation, Contexte/cotexte, Co-occurrence, Phonème,
Syntagme.

Double articulation. La double articulation décrit, dans la théorie


d’André Marinet (Éléments de linguistique générale), la propriété
fondamentale des langages dits naturels, par distinction avec les langages
artificiels, d’être construits avec des unités minimales, sur deux plans
différents.
La première articulation correspond aux suites d’unités significatives
minimales. André Martinet désigne ces unités par le terme de monème. Un
monème est une unité minimale dotée d’une forme vocale et d’un sens,
autrement dit c’est un signe linguistique, pourvu d’un signifiant et d’un
signifié. Ainsi, dans Le soleil brille, on identifie trois monèmes, c’est-à-dire
trois unités qui ne sauraient être segmentées en unités significatives
inférieures. La notion de monème ne recouvre pas exactement la notion de
morphème (voir Morphème). André Martinet distingue d’une part, des
monèmes libres, qui entrent dans la formation des mots fléchis ou dans la
combinaison des syntagmes, et qui font l’objet d’un choix dans un
paradigme différent de celui du monème qui précède ou qui suit l’unité en
question dans la chaîne (ex. : parlons est composé de deux monèmes libres,
car le radical laisse le choix libre dans le paradigme des désinences ; de
même, parler fort est un syntagme composé de monèmes libres) ; d’autre
part, des monèmes conjoints, qui entrent dans la formation de synthèmes,
c’est-à-dire de segments complexes, mais qui correspondent à un choix
unique et dont le comportement est identique à celui d’un monème simple
(ex. : feuillage, interligne, taille-crayon, permis de conduire).
La deuxième articulation correspond aux suites d’unités minimales non
significatives entrant dans la formation des unités de première articulation.
Ces unités non significatives sont les phonèmes (voir Phonèmes), dont la
valeur distinctive permet de discriminer les monèmes. Ex. : pas est
constitué de deux phonèmes /p/, /ɑ/ dont chacun assure la reconnaissance
du monème, par exemple par distinction avec bas [bɑ] ou avec pot [po].
Voir aussi : Langue/langage, Morphème, Phonème, Phonétique, Phonologie, Signe/
signifiant/signifié, Syntagme.

Dynamique communicationnelle ☞ Thème/rhème.


E

De Endocentrique
à Extralinguistique

Échange ☞ Interaction verbale.


Effet ☞ Puissance/effet.
Embrayage ☞ Indexical.
Enclise ☞ Clitique.
Endocentrique. Les termes endocentrique (à partir du grec endon, « en
dehors ») et exocentrique (à partir du grec exô, « au-dehors ») ont été
introduits dans la science du langage par le linguiste américain Leonard
Bloomfield (1887-1949) pour établir une distinction entre des constructions
syntaxiques dont la distribution est identique à celle d’au moins un de leurs
constituants, et qui relèvent par conséquent du même paradigme, et des
constructions qui présentent une distribution différente de celle de chacun
de leurs constituants, et qui relèvent donc d’un autre type de paradigme.
Ainsi, le syntagme nominal ma ville présente la même distribution et la
même fonction que la tête nominale de ce syntagme (ville). C’est une
construction endocentrique. Inversement, le syntagme prépositionnel vers
Bayonne présente une distribution et une fonction différentes de celles de
chacun des deux constituants pris séparément. C’est une construction
exocentrique.
Voir aussi : Composition, Dérivation.

Encodage/décodage. Le code est un système conventionnel de signaux,


de signes ou de symboles, qui est destiné à transmettre par l’intermédiaire
d’un canal l’information de sa source à sa destination. Le code opère donc
une transformation de la forme d’un message en une autre forme pour
réaliser la transmission. On tient l’écriture, par exemple, pour une forme
codée. On appelle encodage cette opération de transformation, et encodeur
l’opérateur qui la réalise au moment de l’émission du message. On appelle
décodage l’opération d’identification et d’interprétation du code, et
décodeur l’opérateur qui la réalise au moment de la réception du message.
Mais cette approche formelle et mécanique de la communication ne saurait
rendre compte de la complexité des échanges verbaux de manière
satisfaisante. Les pragmaticiens ont montré la nécessité de distinguer entre
le code linguistique et son usage, car certaines informations sont codées
linguistiquement, d’autres sont dérivées par inférence situationnelle (voir
Inférence). Si l’on compare les deux énoncés suivants : 1/ Il fait froid ; 2/
Est-ce que tu peux fermer la fenêtre ?, on observe que la valeur de demande
de 1 n’est pas encodée linguistiquement comme elle l’est en 2, car le sens
littéral de cet énoncé se borne à l’expression d’un constat sur la
température. Pour interpréter 1 avec la valeur de 2, le décodeur doit
effectuer une inférence du type X m’a dit p pour signifier q. Cet exemple
suffit à faire apparaître que la communication verbale exige une approche
qui prenne en compte les aspects tout à la fois inférentiels et linguistiques
de l’encodage et du décodage.
Voir aussi : Acte de langage, Inférence, Pragmatique.

Endophore/exophore. L’endophore et l’exophore sont des instruments


de référence exploités par l’énonciateur. On parle ainsi de référence
endophorique et de référence exophorique. On rappellera que -phorique
signifie « qui renvoie à ». Cette relation peut s’exercer à l’intérieur (endo-)
du discours : l’endophore désigne un mode de référence où le référent est
localisé dans le contexte verbal (ou cotexte), qu’il s’agisse d’un contexte
d’amont (une forme linguistique de rappel est en relation avec un
antécédent, anaphore, ex. : L’opéra, ça la passionne) ou qu’il s’agisse d’un
contexte d’aval (une forme linguistique d’annonce est en relation avec un
terme qui lui est postposé, cataphore, ex. : Il n’y que ça qui l’intéresse,
l’Italie). La relation référentielle peut également s’exercer à l’extérieur
(exo-) du discours : l’exophore (ou deixis) désigne un mode de référence où
le référent est localisé dans la situation extralinguistique (ex. : Tiens-moi ça,
s’il te plaît). Les signes qui servent à la référence exophorique (ou
déictique) ont la particularité de ne pouvoir être interprétés
indépendamment du repérage spatial et temporel de l’énonciation (voir
Indexical). Il existe d’ailleurs en français, comme dans d’autres langues, de
nombreuses paires d’expressions de même signifié dont l’une manifeste un
emploi déictique, l’autre un emploi non déictique (ex. : hier/la veille,
demain/le lendemain, aujourd’hui/ce jour-là, ce soir/ce soir-là, etc.). On
retiendra que dans le cas de l’endophore la relation référentielle est
fréquemment décrite par le terme de renvoi, dans le cas de l’exophore par le
terme de désignation.
Cette typologie traditionnelle, en dépit de son apparente commodité, pose
en fait bien des problèmes. À commencer par celui de la cataphore, qui est
une relation complexe qu’on ne saurait tenir pour une relation strictement
inverse de l’anaphore. Par exemple, dans Il n’y a que ça qui l’intéresse,
l’Italie, on accepte difficilement l’idée que le référent du pronom ça
(représenté par le syntagme l’Italie) n’ait pas fait l’objet d’une mention
préalable, directe ou indirecte. En outre, le référent d’un terme
endophorique, à proprement parler, n’est pas situé dans le contexte
linguistique. Ce qui y est situé, c’est un syntagme désignant le référent en
question. On notera encore que l’anaphore dite associative (ex. : On est
arrivé dans un village, l’église était fermée), ne répond pas tout à fait à la
définition qui a été faite de l’endophore, dans la mesure où l’expression
anaphorique (l’église) ne reprend aucun segment de discours. Le syntagme
un village ne joue donc pas dans cet exemple le rôle d’un antécédent (voir
Coréférence, Saillance). Ce qui conduit à considérer qu’en fait une
expression référentielle n’opère pas sur un segment textuel mais plutôt sur
une représentation. Enfin, on précisera que le fonctionnement textuel de
l’exophore (ou deixis) est bien différent de son fonctionnement situationnel
dans le cadre de l’interaction verbale. Par exemple, la deixis textuelle ne
réfère pas à un lieu, à un moment, ou à un participant de l’échange, mais à
un lieu ou à un moment du texte, ce qu’indiquent des expressions courantes
comme ci-dessus, plus haut, au chapitre précédent, etc. De même, pour la
deixis dite mémorielle, qui procède à une désignation in absentia, c’est-à-
dire sans mention préalable ni présence situationnelle du référent, et qui par
conséquent entre difficilement dans le cadre de l’opposition
endophore/exophore : « Nous allons le soir au café ; on est trois ou quatre
anciens camarades ; on joue sa demi-tasse, son petit verre et l’on fait brûler
son eau-de-vie ! Cette fumée, cette odeur d’alcool, le bruit des billes […] »
(J. Vallès, L’Enfant, cité par D. Apothéloz, Rôle et fonctionnement de
l’anaphore dans la dynamique textuelle). Voilà autant de points de
résistance à ces deux notions, fréquemment sollicitées en sémantique
discursive et textuelle.
Voir aussi : Chaîne référentielle, Contexte/cotexte, Coréférence, Discours/texte, Indexical,
Progression thématique, Référence/référent. Saillance.

Énoncé/énonciation. Un énoncé est le produit linguistique d’un acte


d’énonciation. L’énonciation peut être définie, avec Emile Benveniste
(Problèmes de linguistique générale, 2, chap. V), comme la mise en
fonctionnement de la langue au moyen d’un acte individuel d’utilisation,
c’est-à-dire un acte pris en charge par un locuteur (ou énonciateur) donné,
dans un cadre spatio-temporel donné, et destiné à un allocutaire (ou
coénonciateur) donné (sur les différents emplois de sujet parlant, locuteur,
énonciateur, voir Polyphonie). L’acte d’énonciation est la condition
d’existence du discours et d’actualisation de la référence : « Bien des
notions en linguistique, peut-être même en psychologie, apparaîtront sous
un jour différent si on les rétablit dans le cadre du discours, qui est la langue
en tant qu’assumée par l’homme qui parle, et dans la condition
d’intersubjectivité, qui seule rend possible la communication linguistique »
(Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, 1, chap. XXI).
La forte polysémie du mot énoncé en rend l’usage parfois flou et
l’interprétation incertaine. Des diverses oppositions notionnelles dans
lesquelles le terme d’énoncé se trouve engagé, on retiendra principalement
celle qui le distingue de la phrase (voir Phrase). La phrase est une structure
syntaxique prédicative pourvue d’unités significatives qui sont entre elles
hiérarchisées. Elle forme une entité construite et non donnée, qui
correspond à un type d’organisation des mots reposant sur des règles. Elle
est un schéma abstrait présent dans la compétence du sujet parlant. Isolée de
tout cadre contextuel et de tout entourage verbal, elle est en quelque sorte
en attente d’actualisation. Fragment d’expérience, l’énoncé est quant à lui
une structure linguistique actualisée par une situation d’énonciation,
constituant une réalisation individuelle de ce schéma, c’est-à-dire une
occurrence. Au plan sémantique, la phrase est le lieu des conditions de
vérité, l’énoncé le lieu du vrai et du faux.
Voir aussi : Actualisation, Compétence/ performance, Langue/discours, Occurrence/type,
Phrase, Polyphonie, Référence/référent.

Énonciation ☞ Énoncé/énonciation
Épenthèse. Variété de métaplasme réalisée par l’addition dans un mot
d’un phonème non étymologique. Ex. : le phonème /b/ dans le mot nombre,
qui vient du latin numerus.
Voir aussi : Métaplasme, Phonème, Prothèse.

Épicène. Propriété de certains noms, pronoms, ou adjectifs d’être


employés aux deux genres (masculin/féminin) sans variation
morphologique. Ex. : élève, je, tu, formidable, etc.
Voir aussi : Morphologie.

Épilinguistique. L’adjectif épilinguistique caractérise l’activité méta-


linguistique spontanée de tout énonciateur, et s’applique donc aux
jugements intuitifs (non théorisés) que les sujets parlants peuvent exprimer
sur la langue. Entre, par exemple, dans ce type d’activité métalinguistique
l’expression de jugements sur la clarté, la logique, la simplicité, etc., de la
langue. La conscience épilinguistique d’un sujet parlant s’exerce également
dans certains faits de catégorisation linguistique spontanée, par exemple la
reconnaissance empirique d’unités du type mot, phrase, texte, la perception
de classes de mots spécifiques (classe du nom, du verbe, etc.), les relations
sémantiques entre les mots (homonymie, polysémie, etc.). Antoine Culioli a
montré que l’activité épilinguistique se manifeste particulièrement dans la
glose, c’est-à-dire dans un énoncé produit par l’énonciateur pour
commenter son propre discours, ou, plus généralement, pour commenter un
énoncé antérieurement proféré, susceptible de recevoir des interprétations
différentes. Ainsi, des expressions courantes comme J’emploie le mot au
sens de, Ce que j’appelle, Ce qui s’appelle, Comme on dit, Je veux dire, On
va dire, etc., sont-elles fréquemment sollicitées pour formuler de tels
commentaires spontanés du discours, à des fins de spécification du sens.
Dans cette perspective métalinguistique, on ne confondra pas la notion de
glose avec celle de paraphrase, qui relève d’une analyse de la langue fondée
sur des critères explicités par un cadre théorique et méthodologique.
Voir aussi : Fonctions du langage, Métalangue, Paraphrase.

Espaces mentaux ☞ Rôle/valeur.


Étymon. Un étymon est un mot tenu pour la forme la plus ancienne d’un
autre mot. Cette origine prend sa source dans une langue différente de celle
qui fait l’objet de l’étude. Un étymon peut être une forme attestée (ex. :
aube a pour étymon le mot latin alba, « blanche ») ou une forme
reconstituée à partir des lois de l’évolution phonétique (ex. : blé a pour
étymon la forme francique reconstituée °blâd ; le signe [°] placé devant un
mot donné comme étymon signale le caractère non attesté et reconstitué de
la forme). On appelle étymologie l’étude de l’ascendance et de la filiation
des mots, autrement dit leur histoire phonétique, morphologique et
sémantique.
Voir aussi : Mot.

Exophore ☞ Endophore/exophore.
Explétif. Du latin explere, « remplir ». L’adjectif explétif est employé le
plus souvent pour caractériser le fonctionnement d’un constituant de la
phrase qui n’est nécessaire ni sur le plan sémantique, ni sur le plan
grammatical, et qui est par conséquent tenu pour facultatif. Ainsi, en
français, l’adverbe ne dans Elle redoute qu’il ne parte ne présente-t-il
aucune valeur de négation. Ce que montre sa possible suppression (Elle
redoute qu’il parte), qui ne modifie pas le sens de l’énoncé, ou bien l’usage
de la négation dans la subordonnée (Elle redoute qu’il ne parte pas), qui au
contraire inverse le sens de l’énoncé.
➲ Remarque
L’emploi de l’adjectif explétif s’étend parfois aux constituants de la phrase strictement
formels, qui sont dénués de valeur sémantique mais qui sont indispensables à l’intégrité
syntaxique, comme le pseudo-sujet il de la tournure impersonnelle en français (Il gèle).

Extension/intension. En sémantique lexicale, le terme d’extension


désigne l’ensemble des entités auxquelles un signe linguistique s’applique.
L’extension de livre est définie par la classe des objets dont on peut dire
qu’ils sont des « livres ». La notion d’extension prend sens par opposition à
celle d’intension (ou compréhension), qui désigne l’ensemble des traits (ou
sèmes) constituant le signifié d’un signe linguistique, c’est-à-dire sa
dénotation. L’intension de livre est définie par l’ensemble des propriétés qui
font que l’on peut dire d’un objet qu’il est ou qu’il n’est pas un « livre ».
Extension et intension permettent donc de définir une classe d’objets de
deux manières différentes : soit par l’énumération des éléments qui
constituent la classe (définition en extension ; par exemple arbre = bouleau,
cerisier, chêne, peuplier, etc., c’est-à-dire toutes les entités auxquelles peut
s’appliquer le prédicat être un arbre) ; soit par la prise en compte des
propriétés communes aux objets qui constituent la classe (définition en
intension ; par exemple chèvre sera défini comme mammifère + ruminant
+ à cornes arquées, etc., c’est-à-dire défini par référence à une taxinomie
zoologique). Ces deux perspectives définitionnelles inverses sont
complémentaires.
Les notions d’extension et d’intension doivent être corrélées à celles de
polysémie, d’hyperonymie et d’hyponymie (voir Homonymie/polysémie,
Hyponymie/hyperonymie). On dira du substantif arbre (hyperonyme de
cerisier) qu’il est plus extensif que le substantif cerisier (hyponyme
d’arbre) dans la mesure où son signifié peut s’appliquer à un plus grand
nombre de référents. Sa définition en extension sera donc bien plus
développée que celle de cerisier. Mais sa définition en intension réunira
moins de propriétés distinctives, c’est-à-dire moins de sèmes, que celle de
cerisier. On peut donc ainsi comprendre ce qui fonde l’ordination
sémantique de ces deux mots. On voit aussi pourquoi le mot arbre se prête
à des emplois plus nombreux que le mot cerisier (arbre désigne un type de
végétal, un axe servant à la rotation dans un mécanisme, un graphe, etc.), et
par conséquent pourquoi il est davantage exposé à la polysémie, qui est
largement déterminée par la fréquence d’emploi d’un mot. On ne confondra
pas la notion d’extension avec celle d’extensité (voir Extensité).
Voir aussi : Extensité, Homonymie/polysémie, Hyponymie/hyperonymie, Sème,
Sens/signification, Signe/signifiant/signifié.

Extensité. L’extensité désigne l’ensemble des objets auxquels


momentanément le discours réfère. Dans cette perspective, développée
entre autres par Gustave Guillaume, la notion vise le phénomène
d’assignation d’un référent à un mot. Si l’extension d’un nom (voir
Extension/intension) est définie par l’ensemble des objets auxquels le nom
est susceptible de convenir, l’extensité de ce nom marque un ajustement de
son signifié à un contexte particulier. Soit le mot arbre, engagé dans deux
énoncés distincts : 1/ L’arbre est indispensable au paysage urbain ; 2/ C’est
l’arbre dont je t’ai parlé. De 1 à 2 s’observe une notable variation
d’extensité : interprétation universalisante en 1 (arbre vaut pour tout objet
appelé « arbre ») ; interprétation singularisante en 2 (arbre vaut pour un
objet unique). Toutefois, d’un énoncé à l’autre, l’extension et l’intension du
mot arbre n’ont pas varié. L’extensité effectue, dans le domaine lexical, le
passage du virtuel au réel. Sa fonction est donc une fonction d’actualisation.
Les actualisateurs que sont les déterminants, et tout particulièrement les
articles, sont des morphèmes qui servent à régler cette extensité.
Voir aussi : Actualisation, Contexte/cotexte, Extension/intension, Langue/discours,
Puissance/effet, Référence/référent.

Extralinguistique. L’adjectif extralinguistique caractérise le plus souvent


l’univers référentiel (voir Référence/référent), c’est-à-dire des entités
matérielles ou conceptuelles, qu’elles soient réelles ou imaginaires (êtres,
événements, objets, processus, propriétés, etc.), pensées comme étant
situées en dehors de la langue. On dit ainsi d’une expression linguistique
(par exemple, un syntagme nominal) qu’elle permet d’établir une relation
entre la langue et un objet du monde. Cette relation est décrite par la notion
de référence, et l’objet du monde par celle de référent. Si la question de
l’existence des entités désignées par la langue ressortit davantage à la
philosophie qu’à la science du langage, le problème de l’extralinguistique
est toutefois crucial dans l’étude sémantique puisqu’il a d’inévitables
répercussions sur le fonctionnement énonciatif du langage naturel,
l’énonciateur conformant son énoncé à son univers de croyance.
Voir aussi : Acte de langage, contexte/cotexte, Endophore/exophore, Énoncé/énonciation,
Référence/référent, Sens/signification, Univers de croyance.
F-G-H

De Factif à Hypotaxe

Factif. Les verbes dits factifs sont des verbes qui présupposent la vérité de
la subordonnée qu’ils introduisent (déplorer que, ignorer que, regretter que,
savoir que, etc.). Par exemple, dans Claire sait que Paul est pianiste, le
contenu propositionnel de la subordonnée que Paul est pianiste est
présupposé vrai, tout à la fois dans l’univers de Claire et dans celui de
l’énonciateur. Les verbes factifs figurent, notamment avec les verbes
d’attitude propositionnelle et les verbes de parole, parmi les facteurs
d’opacité contextuelle.
➲ Remarque
Le terme factif s’est également appliqué au cas des langues finno-ougriennes exprimant
un changement d’état. Il est concurrencé dans cet emploi par le terme translatif.

Voir aussi : Inférence, Opaque/transparent, Vériconditionnalité.

Flexion. La flexion est avec la dérivation (voir Dérivation) un procédé


morphologique fondamental. Elle consiste à adjoindre à la base (ou radical)
d’un mot des désinences, qui expriment, différemment selon les langues, les
fonctions syntaxiques (les cas), les catégories du genre (pour les substantifs,
les adjectifs et les pronoms), de la personne, du temps, du mode, de
l’aspect, et de la voix (pour les verbes). La catégorie du nombre est
commune à la flexion nominale et à la flexion verbale. La flexion inclut
donc la déclinaison (flexion nominale) et la conjugaison (flexion verbale).
Dans certaines langues, comme le latin ou l’allemand par exemple, on
distingue un troisième type de flexion, la flexion pronominale. En français,
la flexion nominale regroupe les variations en genre et en nombre du
substantif et de l’adjectif.
Par distinction avec la morphologie dérivationnelle, qui est de nature
lexicologique, la morphologie flexionnelle est orientée dans une perspective
syntaxique. Les morphèmes flexionnels véhiculent un signifié purement
grammatical, par conséquent ils ne servent pas à la création d’unités
lexicales nouvelles. Ils servent à créer des formes différentes d’un même
mot. C’est pourquoi ils ne modifient pas la classe de la base sur laquelle ils
se greffent. Les morphèmes flexionnels prennent place dans un paradigme
(voir Paradigme), c’est-à-dire dans une série dont les unités sont en nombre
fini. Ainsi, par exemple, les bases verbales se combinent-elles de manière
prévisible avec les morphèmes qu’offre la conjugaison (ex. : courons,
courez, courent, etc.). Enfin, les morphèmes flexionnels ont pour fonction
d’indiquer les rapports entre une base et l’énoncé dans lequel elle prend
place. Par exemple, le morphème de genre et/ou de nombre d’un adjectif
indique avec quel substantif s’établit le rapport morphosyntaxique : dans
Les enfants de Gordon, turbulents, n’en font qu’à leur tête, le morphème de
nombre -s signale que turbulents est en rapport morphosyntaxique avec Les
enfants et non pas avec Gordon.
Voir aussi : Affixe, Base, Dérivation, Morphème, Paradigme.

Focalisation. La focalisation est une opération énonciative de mise en


relief (ou emphase) d’un constituant de l’énoncé, destinée à attirer
l’attention du coénonciateur sur ce constituant. La focalisation est marquée
par une prosodie spécifique, à valeur contrastive : ex. : Caroline (et pas
Arthur) fait de l’italien. Des marqueurs morphosyntaxiques peuvent se
combiner à cette prosodie, comme la construction clivée (c’est… qui/c’est…
que), qui met en œuvre l’extraction du constituant focalisé : ex. : C’est
Caroline qui fait de l’italien. On appelle focus ou foyer l’élément sur lequel
porte la focalisation. On ne confondra pas la focalisation, qui sélectionne un
élément dans une classe paradigmatique, et qui met en relief le rhème, avec
la thématisation (ou topicalisation), qui est une opération de mise en relief
syntagmatique du thème.
Voir aussi : Thème/rhème.

Fonctions du langage. La question des fonctions du langage a été


traitée par nombre de linguistes et dans des perspectives théoriques assez
différentes. Il n’est pas de linguistique générale qui ne s’appuie sur un
modèle théorique de la communication verbale. Le modèle auquel les
linguistes se réfèrent le plus fréquemment, et qui a sans doute le plus
compté dans l’histoire de la linguistique de la seconde moitié du XXe siècle
est celui qui a été proposé par Roman Jakobson (Essais de linguistique
générale). Ce modèle est exemplifié par une représentation schématique des
facteurs constitutifs du processus linguistique dans la communication
verbale :
CONTEXTE
DESTINATEUR….MESSAGE….DESTINATAIRE
CONTACT
CODE
Le destinateur envoie un message au destinataire. Pour pouvoir
fonctionner comme tel, le message requiert un contexte à quoi il doit
renvoyer, c’est-à-dire pour Jakobson un référent. Ce contexte ou référent
doit être verbal ou susceptible d’être verbalisé, et saisissable par le
destinataire. Le message requiert également un code, commun au
destinateur et au destinataire, et un contact permettant d’établir et de
maintenir la communication (un canal physique et une connexion
psychologique).
À chacun de ces facteurs, Jakobson assigne une fonction linguistique. La
fonction dénotative ou référentielle est orientée vers le message en tant qu’il
véhicule une information sur les objets du monde (objets matériels,
conceptuels, imaginaires, réels, etc.). La fonction expressive ou émotive est
orientée vers le destinateur. Elle exprime l’attitude du locuteur par rapport à
son message. Elle se manifeste dans certains faits de modalisation du
discours, par exemple dans l’interjection. La fonction conative est orientée
vers le destinataire. Elle a pour but de susciter chez lui un comportement en
conformité avec ce qui est dit. Elle se manifeste par exemple au moyen de
l’impératif ou de l’apostrophe. La fonction poétique est orientée vers le
message en tant que tel, c’est-à-dire en tant qu’il se définit non seulement
par son contenu informationnel mais aussi par sa forme. La fonction
poétique est tout particulièrement sollicitée dans les textes versifiés, mais
elle ne saurait en aucune manière s’y réduire. La fonction phatique est
orientée vers le contact physique ou psychologique entre le destinateur et le
destinataire. Elle vise à établir ou à maintenir la communication. Elle se
manifeste au moyen de certains procédés verbaux (ex. : entre autres, hein ?,
n’est-ce pas ?, allô, tu vois, tu sais, etc.). La fonction métalinguistique est
orientée vers le code, qui devient l’objet même du message. Elle se
manifeste par exemple dans l’autonymie et dans la glose (ex. : le mot
maison, c’est-à-dire, bref, voilà, ce que j’appelle un piano, etc.).
Les fonctions du langage décrites par Jakobson n’épuisent évidemment
pas la réalité de la communication verbale. Suffirait à en témoigner
l’évocation des développements considérables de l’analyse du discours et
de la pragmatique depuis les années 1980. Toutefois, ce modèle, souvent
commenté et ajusté, peut être tenu pour une base de réflexion sur la
polyfonctionnalité du langage.
Voir aussi : Autonymie, Contexte/cotexte, Énoncé/ énonciation, Épilinguistique,
Métalangue, Référence/référent.

Glose ☞ Épilinguistique.
Grammaticalisation. La notion de grammaticalisation désigne, en
linguistique diachronique, le processus par lequel un mot, au cours de
l’évolution historique d’une même langue, ou bien en passant d’une langue
à une autre, se voit conférer le statut de morphème grammatical (ou
grammème). Phénomène qui s’observe par exemple pour malgré,
préposition formée, par composition et grammaticalisation, sur l’adjectif
mal (au sens de « mauvais ») et sur le substantif gré ; point, adverbe de
négation formé par grammaticalisation du substantif point ; le suffixe
adverbial -ment, formé par grammaticalisation de l’ablatif du substantif
latin mens, mentis (« esprit ») ; le suffixe verbal -(i) fier (ex. : cocufier,
dragéifier, momifier, etc.), formé par grammaticalisation du verbe latin
facere (« faire »), etc. La grammaticalisation s’accompagne nécessairement
d’une désémantisation.
Voir aussi : Grammème/lexème, Prédicativité (subduction), Synchronie/diachronie.
Grammaticalité. Tout sujet parlant dispose, sans nécessairement en avoir
conscience, d’une grammaire intériorisée de sa propre langue, qui lui
permet de produire et d’interpréter des énoncés. C’est en vertu de cette
grammaire intériorisée, qui relève de sa compétence linguistique (voir
Compétence/performance), qu’il juge de manière intuitive si l’énoncé est
grammatical ou non. La grammaticalité est la conformité d’une phrase aux
règles (morphologiques et syntaxiques) qui régissent la grammaire d’une
langue. À ce titre, elle est un des facteurs qui permettent de déterminer
l’acceptabilité d’un énoncé (voir Acceptabilité). La phrase Gordon se rend
au Royal Palace est conforme au code de la langue française. Elle est
grammaticale. La phrase *Gordon rend se au Royal Palace est
agrammaticale car elle est impossible ; elle n’appartient pas à la langue
française. Cette agrammaticalité est indiquée par le signe [*]. On ne
confondra pas l’agrammaticalité, qui statue sur l’impossibilité d’une phrase,
avec l’incorrection, qui proscrit une construction pour des raisons de
bienséances langagières, soumises à variation en fonction des contextes et
des époques (ex. : Arthur n’est pas allé au pain. Il s’est fait crier), ni avec
l’inacceptabilité, qui frappe par exemple les phrases présentant de trop
nombreux enchâssements syntaxiques.
Voir aussi : Acceptabilité, Compétence/performance, Interprétabilité.

Grammatisation. La notion de grammatisation a servi tout d’abord à


désigner le processus d’apprentissage de la grammaire scolaire, c’est-à-dire
la formation grammaticale qui est dispensée aux membres d’une même
communauté linguistique, et donc commune à tous les citoyens d’un pays.
Dans cette perspective, on grammatise un individu ou un groupe
d’individus. Le mot grammatisation a été formé sur le modèle
d’alphabétisation, qui sert à désigner l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture. Mais la notion de grammatisation, principalement employée dans
l’histoire des sciences du langage, connaît d’autres acceptions. Elle désigne,
dans ce domaine, le processus par lequel on décrit une langue au moyen
d’une métalangue, fournie par les dictionnaires et les grammaires,
métalangue qui est subordonnée à un dispositif théorique et méthodologique
préalable. Dans cette perspective, on grammatise une langue. À partir de
cette valeur, s’est développée une troisième acception, selon laquelle un
concept linguistique, qui peut connaître au cours de son histoire des degrés
variables d’intégration à la métalangue grammaticale, est susceptible de
faire l’objet d’une grammatisation plus ou moins rapide et continue, voire
d’une dégrammatisation. Dans cette perspective, on grammatise une notion.
Cette dernière valeur permet, entre autres, de décrire l’évolution historique
des notions qui, comme l’apostrophe ou l’apposition par exemple, ont
connu et connaissent encore aujourd’hui un domaine d’emploi (rhétorique
ou grammatical) mal défini.
Voir aussi : Métalangue.

Grammème/lexème. Comme la plupart des notions linguistiques, la


notion de morphème est susceptible de recevoir des définitions différentes
selon les écoles. Dans la théorie fonctionnaliste d’André Martinet, la notion
de morphème est réservée à la désignation des unités morphologiques
grammaticales (ex. : les désinences verbales, les préfixes, les suffixes, etc.),
par opposition aux lexèmes, qui représentent les unités morphologiques de
type lexical (ex. : parl- dans parlons), et c’est la notion de monème (voir
Double articulation) qui est utilisée pour désigner ces deux types d’unités
(dans la perspective d’André Martinet, parlons comporte deux monèmes :
un lexème, parl-, et un morphème, -ons). Si l’on adopte la définition
standard du morphème (voir Morphème), on doit convenir qu’elle ne
permet pas d’établir une distinction entre les unités du type parl- et les
unités du type -ons. On propose généralement d’appeler lexèmes les
morphèmes lexicaux, et grammèmes les morphèmes grammaticaux.
Les lexèmes sont des morphèmes qui assurent la spécificité sémantique
d’un mot. Ils forment une classe ouverte car les langues s’enrichissent
perpétuellement par la formation de mots nouveaux. Certains connaissent
un emploi autonome dans l’énoncé ; ils sont par conséquent graphiquement
libres, et jouissent du statut de mot (ex. : table). Certains autres entrent dans
la formation de mots construits. Toutefois, en dépit de la nécessité
d’ajustements graphiques, ils peuvent être tenus pour des morphèmes libres,
car ils présentent une autonomie en morphologie orale (ex. : cour- [kuR],
dans coureur, parl- [paRl] dans parlons). Enfin, d’autres lexèmes, qui
entrent dans la formation de mots complexes non construits ou dans la
formation d’interfixes (voir Interfixation) parce qu’ils font apparaître une
base empruntée à une autre langue, doivent être tenus pour des morphèmes
liés (ex. : pot- dans potable ; névr- et -algie dans névralgie).
Les grammèmes sont des morphèmes dont la fonction est d’insérer le mot
où ils figurent dans une série, et partant d’indiquer, avec plus ou moins de
précision selon les cas, les relations du mot avec d’autres constituants de la
phrase. Par exemple, dans parlassions, -ass- est un morphème de mode, -i-
un morphème de temps, et -ons un morphème de personne ; ces trois
morphèmes marquent l’appartenance du mot à la conjugaison et ils
indiquent la relation de concordance (ou d’accord) du verbe avec le sujet
nous, dans une phrase comme Il eût fallu que nous parlassions. Les
grammèmes forment une classe fermée en synchronie (c’est-à-dire dans un
état de langue donné, le français contemporain, par exemple) car, en tant
que morphèmes relationnels (grammaticaux), ils ne sont pas susceptibles de
faire l’objet d’une création lexicale particulière. On distingue des
grammèmes libres et des grammèmes liés. Les grammèmes libres forment
ce que l’on appelle les mots grammaticaux (déterminants, pronoms,
adverbes, prépositions, conjonctions). Les grammèmes liés comprennent les
désinences de nombre, de genre, de personne, de cas, ainsi que les préfixes
et les suffixes.
Voir aussi : Affixe, Base, Dérivation, Double articulation, Flexion, Interfixation, Morphème.

Graphème. La notion de graphème est généralement définie comme


l’unité graphique minimale entrant dans la formation d’un système
d’écriture. Selon qu’il s’agit d’un système d’écriture pictographique,
idéographique ou phonographique, le graphème représente le contenu
global d’un message, un concept, ou bien un constituant de la réalisation
phonique de la langue (par exemple une lettre, dans l’écriture alphabétique).
Dans cette perspective, le graphème peut être tenu pour un élément abstrait
dont la réalisation concrète est assurée par des graphes. On appelle
allographes les réalisations effectives d’un même graphème, dont les
caractéristiques formelles dépendent, entre autres, de l’environnement
graphique. Ainsi, A majuscule et a minuscule constituent deux allographes
d’un même graphème.
La notion de graphème peut être également définie comme un signe de
substitution du phonème à l’écrit, autrement dit comme l’unité minimale de
transcription du phonème. Le graphème peut être ainsi décrit comme étant
constitué d’une lettre, ou monogramme (ex. : p dans par, pour transcrire le
phonème /p/), de deux lettres, ou digramme (ex. : c et h dans chien pour

transcrire le phonème /∫/), de trois lettres, ou trigramme (ex. : e, a, u dans
eau pour transcrire le phonème /o/). Dans les cas du digramme et du
trigramme, on parle aussi de graphèmes complexes.
Voir aussi : Graphie, Phonème.

Graphie. Le terme de graphie désigne la représentation de la langue à


l’écrit, que cette représentation soit conforme à l’usage ou non. Par
exemple, le substantif fantasme connaît deux graphies différentes validées
par l’usage, fantasme et phantasme ; oiseau est une graphie conforme à
l’usage, oizeau est une graphie non conforme. Entrent dans le champ de la
notion de graphie l’orthographe, qui suppose l’application d’un ensemble
de règles, et, d’une façon générale, tout mode de transcription de la langue,
comme par exemple l’alphabet phonétique.
Voir aussi : Graphème.

Graphique. L’adjectif graphique sert fréquemment à caractériser une unité


significative d’ordre lexical (mot simple ou composé), formée d’un
ensemble de graphèmes, et isolée par des blancs typographiques. Par
exemple, bonheur-du-jour, parloir, pop-corn, tout-à-l’égout sont des unités
graphiques. Ce n’est pas le cas de clé anglaise, pop art ou pomme d’api,
dont les composants lexicaux ne présentent aucune forme de soudure
graphique.
Voir aussi : Composition, Graphème, Graphie, Mot.

Holonymie/méronymie. Les notions d’holonymie (du grec holos,


« entier ») et de méronymie (du grec meros, « partie ») désignent un type de
relation sémantique reposant sur une hiérarchie et une solidarité entre deux
mots, relation telle que le référent de l’un est une partie du référent de
l’autre. Il s’agit donc d’une relation partie/tout. Ainsi le mot page peut-il
être décrit comme le méronyme du mot livre, lequel est par conséquent son
holonyme. La relation partie/tout ne peut être établie qu’avec des unités
divisibles et comptables. Elle manifeste tout à la fois une implication et une
dépendance, et c’est ce qui la distingue de l’hyponymie (voir
Hyponymie/hyperonymie), qui n’établit qu’une relation de hiérarchie entre
les deux mots, fondée sur la référence à un prototype (voir Prototype), sans
manifester de solidarité matérielle ou conceptuelle entre les termes. Outre le
fait que l’hyponymie ne relève pas du même ordre de paraphrase analytique
(ex. : on dira de l’œillet, hyponyme de fleur, qu’il est une fleur, ou une sorte
de fleur, non qu’il est une partie de la fleur), il faut noter que les
hyponymes doivent nécessairement posséder les propriétés de leur
englobant pour être dits tels. Ce n’est pas le cas des méronymes, qui
manifestent un type de dépendance plus complexe avec la hiérarchie, en
raison de la fréquente hétérogénéité des parties constitutives d’un
holonyme.
Voir aussi : Analycité, Extension/intension, Hyponymie/ hyperonymie, Prototype.

Homonymie/polysémie. Si l’autonymie (voir Autonymie) rend


manifestement insuffisante la triade sémiotique (signifié, signifiant,
référent) pour rendre compte des emplois complexes des signes
linguistiques, il en va de même pour l’homonymie et la polysémie qui ne
peuvent se laisser décrire par la proposition qui semble résulter de cette
triade qu’à chaque signifiant est affecté un seul signifié et qu’à chaque
signifié est affecté un seul signifiant.
L’homonymie désigne la relation de similarité de signifiant entre des
formes linguistiques dont les signifiés sont différents. Cette similarité peut
être tout à la fois d’ordre phonique et graphique (homophonie et
homographie). Par exemple : car (conjonction) et car (moyen de transport)
sont deux homophones homographes. Cette similarité peut être d’ordre
exclusivement phonique. Par exemple : maire et mère sont deux
homophones hétérographes. Elle peut être d’ordre exclusivement graphique.
Par exemple : fils [fis], dans fils unique, et fils [fil], dans il a arraché les
fils, sont deux homographes hétérophones.
La polysémie se définit par l’existence d’une pluralité de signifiés pour
un même signifiant (ex. : fumeux, 1 « qui répand de la fumée », 2 « qui
manque de clarté, qui est difficilement compréhensible »). Elle s’oppose par
conséquent à la monosémie (un signifié pour un signifiant), phénomène
assez rare, qui s’observe surtout dans le vocabulaire technique ou
scientifique, où la stabilité sémantique garantit parfois l’univocité. Des
unités comme larynx, sonar, xylose, etc., peuvent être considérées comme
monosémiques.
Le lexicographe est couramment amené à balancer entre l’hypothèse
homonymique (ménager des entrées distinctes dans le dictionnaire pour un
même signifiant) et l’hypothèse polysémique (ménager une seule entrée
pour le signifiant). Son choix semblera parfois bien arbitraire et donc
discutable. Le critère étymologique peut apparaître comme un recours
efficace pour la sélection de telle ou telle hypothèse. Ainsi, si l’on a affaire
à un même étymon pour deux signifiants, on formulera l’hypothèse
polysémique. Si l’on a affaire à des étymons différents, on formulera
l’hypothèse homonymique. Cependant, si l’on peut tenir pour constant que
la diversité étymologique induit l’homonymie, l’unité de la source
étymologique n’induit pas avec la même évidence la polysémie, car un mot
peut présenter des signifiés dont la dérivation est si éloignée que l’approche
synchronique ne pourra la détecter. C’est le cas, par exemple, pour le mot
vedette (de l’italien vedetta, « observatoire »), qui signifie tout à la fois
« sentinelle », mais aussi « valeur, évidence » (dans mettre en vedette),
« star », et « petite embarcation ». La polysémie peut se voir proposer
divers types d’explications, au premier rang desquelles se situe la fréquence
d’emploi d’un mot. La polysémie résulte en effet d’une tendance à
l’économie linguistique, marquée par le caractère fini des unités de la
langue, que compense un effort d’adaptation sémantique de ces unités à des
situations spécifiques, inédites et donc infinies.
On peut distinguer, avec Robert Martin (Pour une logique du sens), à qui
nous empruntons les exemples ci-dessous, deux types de polysémies, en
bornant ici l’explication au cas du substantif. Partons tout d’abord de
quelques rappels définitionnels : le sème (voir Sème) est un trait distinctif
minimal (générique ou spécifique) de signification d’un lexème ; le sémème
(voir Sème) est l’ensemble des sèmes d’un lexème.
La polysémie se définit comme une pluralité d’acceptions lorsque deux
sémèmes d’un mot sont reliés par restriction, par extension, par métonymie
ou bien par métaphore. Il est, dans ce cas, toujours possible de définir le
sémème 2 en utilisant le sémème 1, même de manière implicite. Il y a donc
une relation immédiate entre 2 et 1. La substitution des sémèmes se fait par
effacement ou addition de sèmes.
Il y a restriction sémantique lorsque s’observe dans le passage d’un
sémème 1 à un sémème 2 une addition de sèmes spécifiques (ex. : 1 femme
au sens de « personne de sexe féminin », 2 femme au sens de « personne de
sexe féminin qui est ou a été mariée »). Il y a extension sémantique lorsque
s’observe dans le passage d’un sémème 1 à un sémème 2 une suppression
de sèmes spécifiques (ex. : 1 minute au sens d’« espace de temps égal à la
soixantième partie d’une heure », 2 minute au sens de « court espace de
temps »). La restriction et l’extension de sens constituent deux types de
polysémies d’acceptions qui ont pour point commun l’identité de sème
générique dans le sémème 1 et le sémème 2 (une femme au sens
d’« épouse » implique une personne de sexe féminin, la soixantième partie
d’une heure implique un temps court).
Il y a relation métonymique entre un sémème 1 et un sémème 2 lorsque
s’observe la reprise intégrale de 1 par un sème spécifique de 2 (ex. : 1
blaireau au sens de « mammifère carnivore, plantigrade, de pelage clair sur
le dos, foncé sous le ventre, etc. », 2 blaireau au sens de « pinceau fait de
poils de blaireau dont se servent les peintres, etc. »). Il y a relation
métaphorique entre un sémème 1 et un sémème 2 lorsque les deux sémèmes
ont au moins un sème spécifique commun (ex. : 1 cuirasse au sens de
« partie de l’armure protégeant le buste », 2 cuirasse au sens d’« attitude
morale de protection »). Dans la relation métonymique et la relation
métaphorique, le sémème 1 et le sémème 2 ont des sèmes génériques
différents.
La polysémie se définit comme une pluralité de sens lorsqu’il est
impossible d’employer le sémème 1 pour définir 2, ou d’employer 2 pour
définir 1. Il n’y a donc pas ici de relation immédiate entre 2 et 1. La
substitution des sémèmes se fait par effacement et addition de sèmes.
On pourra observer deux cas de polysémie de sens dans les exemples
suivants : 1 rayon au sens de « ligne partant d’un centre lumineux »,
2 rayon au sens de « ligne reliant le centre d’un cercle à un point de la
circonférence ». Il y a ici identité des sèmes génériques. La relation
témoigne de ce que Robert Martin appelle une polysémie étroite. 1 plateau
au sens de « support plat servant à poser et à transporter des objets », 2
plateau au sens d’« étendue de pays assez plate et dominant les environs ».
Il y a ici substitution de sèmes spécifiques. C’est un cas de similarité
sémantique minimale, la relation témoigne donc de ce que Robert Martin
appelle une polysémie lâche, proche de l’homonymie. Les deux sémèmes
n’ont en commun qu’un seul sème spécifique. On ne peut pas plus
paraphraser rayon 1 par 2 (ou inversement) que plateau 1 par 2 (ou
inversement). Ce type de polysémie peut être tenu pour une polysémie
vraie.
Voir aussi : Étymon, Extension/intension, Sème, Sens/signification, Signe/
signifiant/signifié.

Hyperonymie ☞ Hyponymie/hyperonymie.
Hyponymie/hyperonymie. L’hyponymie est une relation sémantique de
hiérarchie entre deux lexèmes. L’hyponyme est un lexème subordonné à un
autre lexème, qui lui est superordonné, et qui est appelé hyperonyme. Par
exemple : caniche, siamois, golden, saule sont des hyponymes de chien,
chat, pomme, arbre dans la mesure où tous les sèmes de chien, chat,
pomme, arbre sont des composants du signifié de caniche, siamois, golden,
saule. On désigne par le terme de co-hyponymes des lexèmes partageant le
même hyperonyme et se distinguant entre eux par un ou plusieurs sèmes
spécifiques (ex. : caniche et teckel partagent le même hyperonyme, chien,
ils sont co-hyponymes).
Voir aussi : Extension/intension, Holonymie/méronymie, Sème.

Hypotaxe. L’hypotaxe est, avec la parataxe, un mode d’organisation


fondamental de la syntaxe. La notion désigne le procédé de subordination
des groupes syntaxiques dans la phrase (ex. : Caroline s’en va parce qu’elle
est pressée). Comme la parataxe, l’hypotaxe est susceptible d’être réalisée
avec un mot de liaison, comme c’est le cas dans l’exemple précédent (parce
que), ou sans mot de liaison, c’est-à-dire sans subordonnant (ex. : Elle se
demande pourquoi il n’est pas là ; pourquoi est un mot interrogatif qui
n’exerce aucune liaison subordinative dans la phrase).
Voir aussi : Parataxe, Phrase, Syntaxe.
I

De Idiolecte à Isotopie

Idiolecte. Notion employée principalement en sémantique des textes, entre


autres dans les travaux de François Rastier, pour désigner un usage de la
langue marqué par les dispositions particulières de l’énonciateur. On
appelle idiolecte les normes ou les régularités individuelles dont témoignent
ces dispositions. Dans la mesure où elle est nécessairement prise en charge
par un sujet énonciateur, toute production de discours est susceptible de
manifester cette réalité idiolectale. On appelle styles les idiolectes
littéraires. Mais la notion de style est chargée d’un jugement sur la valeur
du discours que n’énonce en aucune manière la notion d’idiolecte.
Voir aussi : Sociolecte.

Implication ☞ Inférence.
Implicature. La notion pragmatique d’implicature, développée par le
philosophe Paul Grice (Communications no 30), repose sur la distinction
entre ce qui est dit et ce qui est implicité dans le discours. Ce qui est dit
manifeste les aspects vériconditionnels de l’énoncé. Ce qui est implicité
manifeste les aspects non vériconditionnels, car dans ce cas, ce qui se
trouve communiqué par l’énoncé excède ce que la structure linguistique de
cet énoncé, dans l’ordre lexical et syntaxique, est susceptible de signifier
(voir Véricontionnalité). La thèse de Grice repose donc sur l’idée qu’un
énoncé, dans certaines situations de discours, peut transmettre infiniment
plus d’informations au destinataire du message que son sens littéral ne le
laisse penser. L’implicature permet ainsi de rendre compte de certains types
d’inférences qui ne peuvent être réduits au strict mécanisme logique de
l’implication (voir Inférence).
Grice distingue deux types d’implicatures, selon que le processus
inférentiel est déclenché par le matériel linguistique (particulièrement,
d’ordre lexical) ou bien par des données situationnelles de la
communication, autrement dit par des données non exclusivement
linguistiques. Les premières sont dites implicatures conventionnelles, elles
correspondent au processus inférentiel du présupposé. Par exemple, on
infère de la proposition Caroline a interrompu ses études supérieures la
proposition Caroline a commencé des études supérieures. Les secondes sont
dites implicatures conversationnelles, elles correspondent au processus
inférentiel du sous-entendu. Par exemple, dans l’échange suivant – Vous
viendrez nous voir en juillet ? – Claire doit remplacer un de ses collègues,
l’énonciateur de la question, en dépit du fait que la réponse qui lui est faite
est littéralement inappropriée, inférera de ce sens littéral que son
interlocuteur et la personne nommée Claire ne pourront pas venir le voir à
cette période de l’année, présumant ainsi que l’énonciateur de la réponse
maîtrise les lois du discours et qu’il ne répond pas « à côté ».
Grice a dégagé quatre critères permettant de distinguer les implicatures
conversationnelles. Contrairement aux conventionnelles, ces implicatures
sont calculées sur la base du principe de coopération (voir Coopération) ;
elles sont annulables (l’annulation d’une implicature conversationnelle ne
produit aucune contradiction) ; elles sont non détachables (l’inférence est
associée au sens de l’expression et non à sa forme, on ne peut donc la
détacher de l’énoncé en substituant à l’expression concernée un de ses
synonymes) ; elles sont indéterminées, dans la mesure où leur dépendance
contextuelle est grande, c’est-à-dire qu’elles ne reçoivent aucune
détermination en dehors du contexte (par exemple, plus une métaphore est
figée, autrement dit porteuse d’une inférence décontextualisée et fixée par
une expression linguistique, moins elle est susceptible de recevoir une
analyse en termes d’implicature conversationnelle).
Voir aussi : Acte de langage, Coopération, Énoncé/énonciation, Inférence, Interaction
verbale, Pertinence, Pragmatique, Rôle/valeur, Vériconditionnalité.
Implicite ☞ Inférence.
Incidence. La notion d’incidence a été développée par Gustave
Guillaume, d’une part dans le cadre d’une théorie du temps verbal
(l’opposition incidence/décadence se rapporte à la manière dont on se
représente le procès dans le temps), d’autre part dans le cadre de l’étude des
mécanismes syntaxiques qui régissent le fonctionnement dans la phrase des
parties du discours prédicatives (voir Prédicativité). On ne retiendra ici que
ce deuxième aspect de la notion. L’incidence syntaxique repose sur l’idée
que tout mot constitue un apport de signification qui doit être référé à un
support. Cette relation entre les éléments apports et supports, désignée par
le terme d’incidence, est ce qui règle l’assemblage des constituants
syntaxiques. Par exemple, l’incidence du substantif est une incidence dite
interne car l’apport et le support de signification ne sont pas dissociables.
Dans Le train passe, le substantif train ne manifeste aucune dépendance
syntacticosémantique. L’incidence de l’adjectif qualificatif est dite externe
car le mot adjectival n’est pas en lui-même pourvu d’un support. Par
conséquent, il le requiert, et cet appui syntaxique lui est fourni en discours
par un constituant nominal de son entourage. Par exemple, dans Le vélo
rouge a disparu, l’incidence externe de l’adjectif rouge se manifeste par la
dépendance syntaxique de l’épithète à l’égard du syntagme nominal le vélo,
qui lui fournit le support dont il a besoin. Le mécanisme d’incidence des
parties du discours est fixé dès la langue, mais cela n’empêche nullement
les phénomènes de recatégorisation en discours. Ainsi, un substantif, bien
que relevant d’une classe définie en langue par un régime d’incidence
interne, pourra manifester en discours une incidence externe, mais au prix
d’une adjectivation (ex. : une phrase type). Le phénomène de l’incidence ne
se borne pas à régler l’assemblage des constituants à l’intérieur du
syntagme, il règle également l’organisation des syntagmes dans l’énoncé. À
ce niveau, on veillera à ne pas confondre l’incidence avec la portée.
Voir aussi : Portée, Prédicativité.

Indexical. On parle de symboles indexicaux, de mots indexicaux,


d’expressions indexicales, ou simplement d’indexicaux pour désigner des
termes qui tirent tout ou partie de leur signification de la situation de
communication, et qui par conséquent déterminent leur référent en fonction
de certains aspects du contexte. Ces signes servent à situer la prise de parole
du locuteur par rapport aux données actancielles, spatiales et temporelles de
l’énonciation (moi, ici, maintenant). L’indexicalité concerne des indices de
personne comme les pronoms personnels (je/nous, tu/vous) et les
déterminants et pronoms possessifs (mon, le mien, ton, le tien, etc.), ainsi
que des indices d’ostension, servant à mettre en relation les données
actancielles de l’énonciation avec le cadre spatio-temporel, comme les
adverbes de lieu et de temps (ici, là, hier, aujourd’hui, demain, etc.), les
présentatifs (voici, voilà), les temps verbaux. On associe également aux
indexicaux les démonstratifs (adjectifs et pronoms), en leur réservant une
place spécifique dans cette catégorie. En effet, contrairement aux signes
précédemment évoqués, qui isolent leur référent, du moins partiellement,
par les instructions qui leur sont linguistiquement attachées (par exemple, le
référent de je est le locuteur-énonciateur), les démonstratifs ne parviennent
à réaliser l’identification complète de leur référent que par le biais d’un
signal non verbal (geste, regard, etc.), manifestant ainsi une référence
opaque (voir Opaque/transparent). Les notions d’indexicalité, de deixis et
d’embrayage, en dépit des approches distinctes de la problématique
énonciative qu’elles ont fait apparaître à leur origine, peuvent être
aujourd’hui tenues pour équivalentes.
Voir aussi : Contexte/cotexte, Endophore/exophore, Énoncé/énonciation,
Opaque/transparent, Référence/référent.

Inférence. La notion d’inférence peut être définie comme un processus


selon lequel une proposition est admise en vertu de son lien logique avec
une ou plusieurs propositions antécédentes tenues pour vraies (prémisses).
La notion d’inférence intéresse les sciences du langage aujourd’hui
principalement en ce qu’elle fournit une consistance logique à l’implicite du
discours. Elle peut se réaliser par le biais de l’implication, du présupposé ou
du sous-entendu.
L’implication et le présupposé réalisent un mode d’inférence qui est
inscrit dans la structure linguistique de l’énoncé. Ces inférences forment ce
que Robert Martin appelle les inférences nécessaires, c’est-à-dire
indépendantes de la situation de discours.
Deux propositions sont liées par implication si la vérité de la première a
nécessairement pour corollaire la vérité de la seconde. Si la proposition
Caroline discute avec son copain est vraie, la proposition Caroline discute
avec un garçon l’est nécessairement. On infère donc légitimement cette
proposition de la précédente. Plus précisément, on dira que si p est vraie, q
l’est nécessairement, mais si p est fausse, q peut être vraie ou fausse :
Caroline peut discuter avec un garçon qui n’est pas son copain, comme elle
peut discuter avec une fille, ou faire tout autre chose que discuter avec
quelqu’un, etc.
Comme l’a montré Robert Martin (Inférence, antonymie et paraphrase),
une proposition p présuppose une proposition q si q reste vraie alors que p
est niée. Les présupposés de la proposition p sont ainsi formés de
l’ensemble Q des propositions dont la vériconditionnalité n’est pas affectée
par la négation de la proposition p (voir Vériconditionnalité). Ainsi, la
proposition Marie a cessé de fumer présuppose la proposition Marie fumait
puisque l’on peut aussi inférer cette dernière proposition à partir de Marie
n’a pas cessé de fumer.
Le sous-entendu réalise un mode d’inférence situationnelle,
correspondant à un implicite pragmatique. L’inférence par sous-entendu
forme ce que Robert Martin appelle les inférences possibles, c’est-à-dire
celles dont la réalisation contingente dépend du contexte de l’énonciation.
Soit l’échange suivant : – Tu pourras m’aider à déménager, samedi ? –
Caroline a de la fièvre depuis deux jours. Manifestement, le sens littéral de
la réponse transgresse la loi du discours selon laquelle la contribution à
l’échange doit être appropriée à l’objectif de la conversation (voir
Coopération). Toutefois, l’énonciateur de la question, partant d’une
présomption de respect des lois du discours chez son interlocuteur, va
inférer du sens littéral de la réponse que la personne ne pourra
vraisemblablement pas l’aider à déménager ce jour-là parce que celle-ci
devra s’occuper de Caroline, qui est malade. Il y a donc réinterprétation du
sens littéral, en fonction de paramètres situationnels. Le sous-entendu
repose sur un raisonnement effectué par le destinataire du message,
raisonnement que l’énonciateur prévoit. Chacun des interactants (voir
Interaction verbale) postule que l’autre maîtrise les lois du discours. On
retiendra trois caractéristiques du sous-entendu : sa dépendance à l’égard
d’un contexte spécifique, son caractère déchiffrable au moyen d’un calcul
de la part du destinataire du message, sa possible récusation par
l’énonciateur, qui peut, si l’échange pour une raison ou pour une autre ne lui
paraît pas satisfaisant, ne reconnaître que le seul sens littéral de son
discours. Le philosophe Paul Grice a développé l’analyse de ce type
d’inférence au moyen de la notion d’implicature conversationnelle (voir
Implicature). On notera pour finir que certains philosophes et linguistes,
comme François Récanati (Les Énoncés performatifs), distinguent entre
laisser entendre, donner à entendre et sous-entendre, bornant la notion de
sous-entendu aux cas de transgression ostensible d’une loi de discours.
Voir aussi : Acte de langage, Coopération, Énoncé/énonciation, Implicature, Interaction
verbale, Pertinence, Pragmatique, Vériconditionnalité.

Infixe ☞ Affixe.
Intension ☞ Extension/intension.
Interaction verbale. La notion d’interaction verbale est employée en
analyse du discours pour désigner la relation entre des participants à un
échange communicatif de type interlocutif. Il y a interaction dans la mesure
où les participants (ou interactants) exercent les uns sur les autres des
influences mutuelles qui déterminent leur comportement au cours de
l’échange. Comme l’expose Catherine Kerbrat-Orecchioni (Les Interactions
verbales, I), l’échange ne saurait être réduit à la prise de parole alternée de
chacun des partenaires. Pour qu’il y ait interaction verbale, il faut que les
participants s’engagent mutuellement dans l’échange, non seulement qu’ils
parlent mais qu’ils se parlent. Pour ce faire, ils doivent user de procédés
phatiques et régulateurs (voir Fonctions du langage).
Les procédés phatiques, auxquels recourt le locuteur, sont destinés à
maintenir attentive l’écoute de l’allocutaire, qu’il s’agisse de signaux non
verbaux – comme la position du corps, le regard, les mimiques, de signaux
paraverbaux – comme l’intensité articulatoire, le débit, les pauses, ou qu’il
s’agisse de signaux verbaux fonctionnant comme des capteurs d’attention
(ex. : Tu comprends, Tu sais, Tu vois, Je vais te dire, etc.).
Les procédés régulateurs sont des contributions langagières produites par
le récepteur, souvent en réponse aux sollicitations du locuteur. Ces
contributions ne peuvent être assimilées aux tours de parole, elles
n’interrompent donc pas l’intervention du partenaire. Il peut s’agir, là
encore, de signaux non verbaux (hochements de tête, sourires, etc.),
paraverbaux, au moyen de diverses vocalisations (ex. : mmh), ou bien
verbaux (ex. : tiens, ah bon, ah oui, etc.). La fonction des régulateurs peut
être selon les cas d’encourager le locuteur à poursuivre son tour de parole,
de lui signaler un doute, une obscurité dans son discours, etc.
Catherine Kerbrat-Orecchioni rappelle que les procédés phatiques et
régulateurs sont en permanente corrélation dans l’interaction verbale, ils ne
jouissent donc d’aucune indépendance, mais forment plutôt un ensemble de
signaux qui doit être pensé comme un système de synchronisation
interactionnelle. Par exemple, si le locuteur manifeste une élocution
défaillante, son partenaire multipliera les signaux régulateurs ; inversement,
si l’allocutaire manifeste une volonté de désengagement de l’échange, le
locuteur multipliera les signaux phatiques.
Partant de l’hypothèse que la conversation constitue un ensemble
hiérarchisé de niveaux d’organisation, les conversationnalistes distinguent
cinq rangs dans l’interaction verbale, dont la dénomination peut varier selon
les cadres théoriques : d’une part, l’interaction (ou incursion), la séquence
(ou transaction) et l’échange, qui forment des unités dialogales ; d’autre
part, l’intervention (ou contribution) et l’acte de langage, qui forment des
unités monologales.
L’interaction est l’unité conversationnelle de rang supérieur. Les
principaux critères servant à sa délimitation sont : le schéma
participationnel, selon lequel une interaction est identifiée par la rencontre
et la séparation des interlocuteurs, l’unité spatio-temporelle, l’homogénéité
thématique, et les marqueurs conversationnels d’ouverture et de clôture,
autrement dit des échanges démarcatifs servant à l’encadrement de l’unité.
Erving Goffman (La Mise en scène de la vie quotidienne) a montré que ces
échanges démarcatifs sont généralement de type confirmatif, en ce qu’ils
ont pour fonction de confirmer les relations sociales des interactants.
Exemple d’échange démarcatif de clôture : locuteur 1 – Allez, au revoir.
Locuteur 2 – Au revoir, à bientôt.
La séquence, constituant immédiat de l’interaction, est décrite en général
comme un ensemble d’échanges liés par une forte cohérence sémantique ou
pragmatique. Les linguistes de l’École de Genève la définissent comme le
domaine de l’organisation de l’information dans l’interaction. C’est une
macro-structure actionnelle, correspondant à un seul objet transactionnel,
c’est-à-dire à une seule tâche. On mentionne fréquemment cet exemple :
dans une librairie, une interaction pourra se développer en plusieurs
séquences (ou transactions) simultanées ou successives, comme la demande
d’achat d’un livre, la demande d’informations sur le prix, l’offre de
commande, de vente, etc.
L’échange est la plus petite unité dialogale. Ex. : locuteur 1 – C’est toi
qui as appelé ce matin ? Locuteur 2 – Non. D’ailleurs, aujourd’hui je ne me
suis pas servi du téléphone. Pour définir l’échange, les linguistes mettent
tantôt l’accent sur l’alternance des tours de parole, tantôt sur la cohérence
pragmatique du regroupement des interventions. Ainsi, dans l’exemple
précédent, l’addition de l’intervention du locuteur 1 – Tiens, c’est curieux,
pourrait-elle donner lieu à des analyses distinctes : l’intervention serait
considérée comme constitutive d’un seul échange, ou bien ces trois
interventions seraient analysées comme formant deux échanges.
L’intervention du locuteur 2 participerait en ce cas de chacun des deux
échanges.
L’intervention est la plus grande unité monologale de l’interaction. Elle
forme la contribution d’un locuteur à l’échange, dont elle est un constituant
immédiat. Dans l’exemple précédent, selon que l’on procède ou non à
l’addition de l’intervention du locuteur 1 – Tiens, c’est curieux, on a affaire
à trois ou deux interventions. On ne confondra pas l’intervention avec le
tour de parole. Une frontière d’échanges peut segmenter un tour de parole
en deux interventions. Par exemple, dans locuteur 1 – Comment vas-tu ?
Locuteur 2 – Très bien. Et toi ?, le dernier tour de parole (locuteur 2) est
formé de deux interventions : la première (Très bien) est une intervention
réactive à la question du locuteur 1 ; la seconde (Et toi ?) est une
intervention initiative, appelant une intervention réactive du locuteur 1.
Enfin, l’acte de langage (voir Acte de langage) forme l’unité minimale de
l’interaction. Une intervention est dite simple lorsqu’elle se compose d’un
seul acte de langage, ex. : Où vas-tu ? Elle est dite complexe lorsqu’elle se
compose de plusieurs actes de langage, ex. : C’est bien volontiers que
j’accepte, et je vous remercie de cette proposition.
Voir aussi : Acte de langage, Coopération, Fonctions du langage, Paraverbal,
Pragmatique.
Interfixation. L’interfixation est un procédé de formation des mots qui
doit être distingué de la dérivation et de la composition en ce qu’il ne
manifeste à proprement parler ni affixation, ni juxtaposition de morphèmes
libres. Les morphèmes lexicaux constitutifs, appelés interfixes, sont en fait
des calques de bases latines ou grecques, lesquelles, en passant en français,
ont perdu leur autonomie et ont subi une modification
morphophonologique. Par exemple, gastralgie, « douleur d’estomac », est
un mot formé par interfixation, dont la segmentation fait ressortir la
présence de deux morphèmes : gastr-, du grec gastêr, gastros, « ventre »,
« estomac », et -algie, du grec algos, « douleur ». Aucun de ces deux
morphèmes ne peut être tenu pour un affixe ni pour un morphème libre, en
dépit d’une forme algie, attestée dans les années cinquante au sens de
« douleur diffuse », qui doit être analysée comme un cas d’autonomisation
secondaire puisqu’elle a été isolée à partir de formations interfixales du type
gastralgie, névralgie, etc., qui sont bien antérieures. Ce mode de formation
lexicale connaît des dénominations variées (composition savante,
recomposition, confixation).
Voir aussi : Affixe, Base, Composition, Dérivation, Morphème.

Interprétabilité. L’interprétabilité désigne la conformité d’une phrase aux


règles de la cohérence sémique. Certains lexèmes présentent des sèmes
(voir Sème) qui sont incompatibles, et leur association syntaxique est d’un
coût interprétatif que l’on juge excessif, en dépit de la grammaticalité de la
phrase, ce qui rend l’énoncé ininterprétable. C’est le cas par exemple dans
L’écritoire ne suscitera pas les fougères pendant des litres. Mais le contexte
peut être déterminant, et l’on pourrait ici, après tout, en imaginer un qui
contribue à modifier cette évaluation. Certains énoncés poétiques
contournent d’ailleurs avec une subtile ambiguïté ces règles de cohérence
sémique.
Voir aussi : Acceptabilité, Cohérence/cohésion, Grammaticalité, Sème, Univers de
croyance.

Interprétation. D’une façon générale, la notion d’interprétation désigne


l’assignation d’un sens à une séquence linguistique. Mais le mot reçoit
diverses définitions selon les domaines de la sémantique où il se trouve
employé. En sémantique logique, la notion d’interprétation est utilisée pour
décrire une correspondance qui associe une valeur de vérité (vrai/ faux) à
une proposition (voir Vériconditionnalité). En pragmatique, l’interprétation
marque principalement le passage du sens littéral d’un énoncé à un sens
dérivé (voir Inférence). En sémantique cognitive, où sont étudiées les
relations entre les faits linguistiques et les opérations mentales,
l’interprétation décrit le rapport qui est établi par l’opérateur entre le sens
d’un mot et le prototype référentiel auquel renvoie ce mot (voir Prototype).
En sémantique des textes, la notion, telle qu’elle est définie par François
Rastier, repose sur le postulat que le sens ne consiste pas en représentations
mentales mais qu’il se construit dans des parcours interprétatifs au sein des
textes, à différents paliers du discours : le palier du syntagme, par
l’activation des sèmes (voir Sèmes), le palier de la période, par le
fonctionnement des chaînes référentielles (voir Chaîne de référence,
Période), le palier du texte, par les types de discours (judiciaire, politique,
religieux, etc.).
Voir aussi : Chaîne de référence, Discours/texte, Inférence, Période, Pertinence,
Pragmatique, Prototype, Sémantique, Sème, Sens/signification, Vériconditionnalité.

Intervention ☞ Interaction verbale.


Isotopie. La notion d’isotopie a été introduite en linguistique par Algirdas-
Julien Greimas (Sémantique structurale), qui l’a importée du domaine de la
physique. Chez Greimas, l’isotopie linguistique est définie tout d’abord de
manière très extensive pour désigner toute répétition significative d’unités
linguistiques, quelle que soit la nature de ces unités (phonèmes,
morphèmes, graphèmes, etc.). La notion sert donc à évoquer d’une part
l’identité et la similarité, d’autre part l’appartenance à un champ ou à un
lieu (isos et topos signifient respectivement en grec « égal » et « lieu ou
place »). Par exemple, dans Les feuilles tombent, la redondance des
morphèmes de pluriel dans chacun des trois mots de cet énoncé constitue
une isotopie morphologique.
Mais Greimas s’est surtout attaché à développer une théorie de l’isotopie
sémantique. Dans cette perspective, la notion désigne la récurrence d’un
sème ou d’un groupe de sèmes dans un énoncé ou un ensemble d’énoncés
(voir Sème). Par exemple, dans Caroline se promène en chantonnant, on
relève deux sèmes génériques communs à Caroline, se promène et
chantonnant : les sèmes /animé/ et /humain/. La relation d’identité entre les
trois occurrences de ces deux sèmes produit un effet d’équivalence entre les
trois signifiés des mots qui les comportent. Cette récurrence sémique rend
cet énoncé isotope. La sélection comme sujet grammatical du syntagme la
cathédrale, qui comporte les sèmes génériques /non animé /et /non humain/
créerait à l’inverse une rupture d’isotopie. On appelle allotopie une relation
de disjonction entre deux sémèmes qui comportent des sèmes
incompatibles. Ce qui est le cas de la paire la cathédrale/se promène et de
la paire la cathédrale/chantonnant, respectivement allotopes. On appelle
poly-isotopie, au sens le plus courant du terme, la propriété d’une séquence
linguistique qui comporte plusieurs isotopies. François Rastier a montré, par
exemple, comment dans le sonnet liminaire du recueil Poésies de Mallarmé,
intitulé « Salut », l’entrelacs des trois isotopies génériques constitutives
//navigation//, //banquet//, //littérature// joue sur la densité sémantique du
texte et sur la plurivocité du lexique. On retiendra que la notion d’isotopie
est une notion primordiale en sémantique du texte, et qu’elle joue un rôle
crucial dans les faits de cohésion.
Voir aussi : Cohésion/cohérence, Sème.
L-M-N-O

De Langage à Opaque

Langage ☞ Langue/langage.
Langue/discours. L’opposition langue/discours, fondamentale en
linguistique, vise à distinguer d’une part un ensemble systématisé de signes
non actualisés, existant en quelque sorte à l’état virtuel, un ensemble
socialement institué, dont la fonction est de mettre en permanence à la
disposition du sujet parlant les moyens de l’expression de sa pensée (la
langue), d’autre part la mise en œuvre effective par le locuteur de cet
ensemble de signes, autrement dit son actualisation et sa réalisation
individuelle (le discours). De cette opposition, développée tout d’abord par
Ferdinand de Saussure au moyen de la distinction langue/parole,
systématisée dans une perspective quelque peu différente par Gustave
Guillaume, on doit surtout retenir le fait que la langue est un objet qui,
contrairement au discours, n’est pas donné mais construit, et même
reconstruit de manière théorique à partir du domaine observable qui lui est
fourni par la matérialité du discours. Un objet, qui d’ailleurs, à trop pousser
l’investigation dans le sens exclusif de l’invariance, tend à devenir
introuvable. Trois ordres de distinctions entre la langue et le discours,
rendus explicites par Guillaume, méritent attention pour finir : en
synchronie, la langue préexiste nécessairement au discours, c’est-à-dire à
son emploi ; la langue est une donnée permanente et continue, le discours
une mise en œuvre momentanée et discontinue ; la langue est la condition
linguistique du discours, en cela elle le régit, et l’opposition langue/discours
apparaît comme une opposition de puissance et d’effet.
Voir aussi : Actualisation, Langue/langage, Puissance/effet, Signe/signifiant/signifié,
Synchronie/diachronie.

Langue/langage. Les notions de langue et de langage ne recouvrent pas


exactement les mêmes réalités. Ferdinand de Saussure, dans le Cours de
linguistique générale, présente la langue comme une partie du langage, plus
précisément comme un produit social issu de la faculté de langage des
individus. Elle est pour lui un ensemble de conventions nécessaires
adoptées par la société pour permettre à ses membres d’exercer cette
faculté. Au langage défini comme une réalité multiforme et hétérogène,
relevant à la fois des domaines physique et psychique, individuel et
collectif, s’oppose donc, chez Saussure, la langue, qui est un tout en soi et
un principe de classification : « Pour attribuer à la langue la première place
dans l’étude du langage, on peut […] faire valoir cet argument, que la
faculté – naturelle ou non – d’articuler des paroles ne s’exerce qu’à l’aide
de l’instrument créé et fourni par la collectivité ; il n’est donc pas
chimérique de dire que c’est la langue qui fait l’unité du langage »
(Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Introduction,
chap. III).
Dans cette optique, le langage est constitué d’une part de la langue, qui
est le matériau commun aux différents locuteurs, et d’autre part du discours
(ou parole, chez Saussure), qui en est l’actualisation et la réalisation
individuelle.
Dans une perspective plus large, la notion de langage désigne également
tout système de signes codifiés (verbaux ou non verbaux), et prend la valeur
du terme communication.
Voir aussi : Fonctions du langage, Langue/discours, Signe/signifiant/signifié.

Lexème ☞ Grammème/lexème.
Lexicographie. La lexicographie a pour objet l’élaboration des
dictionnaires de langue. Elle recense et analyse les formes et les
significations des unités du lexique observées dans leurs emplois en
discours. La lexicographie se distingue d’une part de la lexicologie, qui
décrit les relations grammaticales et sémantiques entre les unités du lexique,
d’autre part de la dictionnairique, qui forme un domaine de la
métalexicographie consacré à l’étude des conditions d’élaboration des
dictionnaires pris comme objets contraints par la demande sociale.
Voir aussi : Lexicologie, Lexique.

Lexicologie. La lexicologie est l’étude des structures du lexique, c’est-à-


dire la description (à la fois grammaticale et sémantique) des relations qui
s’établissent entre les unités du lexique.
Voir aussi : Lexicographie, Lexique.

Lexicométrie. À partir du grec lexis, « mot », et metron, « mesure ». La


lexicométrie est une méthode d’analyse quantitative des unités lexicales,
réalisée dans un corpus textuel homogène et clos, fixé sur un support
électronique. Elle est directement liée à la pratique discursive. Ce travail de
« mesure » du lexique, qui est automatisé, se veut exhaustif et systématique.
L’objectif de la lexicométrie, par le biais notamment d’analyses
statistiques de fréquence, de répartitions, de co-fréquences, de probabilités,
est de confronter, à partir d’hypothèses explicitement formulées, les emplois
des unités lexicales du corpus en prenant en compte les variables internes
(par exemple, la présence de tel lexème dans tel environnement
linguistique) et les variables externes (genre discursif, type textuel, auteur,
date, etc.), qui permettent de contextualiser ces faits linguistiques et
d’assurer une analyse interprétative ouverte en particulier à la dimension
sociohistorique des textes.
On appelle également textométrie l’analyse descriptive et interprétative
de corpus textuels électroniques élaborée à partir de données quantitatives
ayant pour objectif l’étude des modes de fonctionnement discursif.
Voir aussi : Discours/texte, Lexique.
Lexie. Formé à partir du grec lexis, « mot ». Le terme de lexie désigne une
unité fonctionnelle significative, simple ou complexe, qui, selon Bernard
Pottier (Sémantique générale), est mémorisée comme signe individualisé.
Les lexies simples sont formées d’un seul lexème (par exemple dans,
fauteuil, tomberont). Les lexies complexes sont formées de plusieurs
morphèmes, dont le degré d’intégration à l’unité varie selon les réalisations
(dérivations, compositions, locutions, voire phraséologie), tout comme le
degré de figement de ces groupements (par exemple altermondialiste,
nœud-papillon, clair de lune, à moins que, tout compte fait, etc.).
Voir aussi : Composition, Dérivation, Grammème/lexème.

Lexique. Du grec lexikon, de lexis, « mot ». Ensemble non clos des unités
lexicales d’une langue. Il revient à la lexicologie d’établir la nature
grammaticale et sémantique de ces unités, qui constituent des objets non
pas donnés mais construits, c’est-à-dire catégorisés. À l’intérieur du
lexique, ces unités sont structurées en sous-ensembles. On distingue
notamment un lexique général ou commun, défini comme un ensemble de
connaissances lexicales susceptibles d’être partagées par tous les locuteurs
d’une même langue, et des lexiques spécialisés, liés à un domaine de
connaissances spécifique (langues de spécialité ou technolectes),
constituant l’objet d’étude la terminologie.
Du point du vue grammatical, notamment dans la tradition des
grammaires génératives, le lexique est décrit comme une composante de
base de la syntaxe. On appelle lexique-grammaire, dans le cadre théorique
défini par Zellig S. Harris, une description des propriétés distributionnelles
et transformationnelles des unités lexicales dans la phrase simple.
Le terme de lexique est également utilisé pour désigner un répertoire de
termes propres à un domaine ou à un auteur.
Voir aussi : Grammème/lexème, Lexicographie, Lexicologie, Lexicométrie, Lexie.

Macrosyntaxe. La macrosyntaxe est un domaine linguistique qui s’est


donné pour tâche d’explorer les relations syntaxiques au-delà du cadre de la
phrase. Plus précisément, il s’agit d’un modèle d’analyse syntaxique,
sémantique et même pragmatique du discours qui repose sur une critique de
la notion de phrase. Cette critique est fondée d’une part, sur le fait que la
phrase ne connaît à l’oral aucune application, puisqu’elle ne permet aucune
segmentation du discours, d’autre part sur le fait qu’à l’écrit elle est
essentiellement définie par les critères graphiques aléatoires de la
ponctuation, et qu’elle se trouve fréquemment en défaut lorsqu’il s’agit de
décrire certains phénomènes syntaxiques courants comme les constructions
détachées. Pour pallier cette approximation de la notion de phrase, les
linguistes ont mis au point d’autres techniques de segmentation du discours,
et développé, entre autres au moyen des notions de clause et de période, des
analyses susceptibles d’éviter le cloisonnement étanche entre le domaine du
morphème et du syntagme et celui de l’énoncé.
Voir aussi : Clause, Période, Pointage.

Méronymie ☞ Holonymie/méronymie.
Métalangue. La métalangue est la terminologie (ou langue technique) de
la science du langage. Comme d’autres langues spécialisées, la métalangue,
idéalement, devrait être formée de termes en nombre limité, univoques, et
exclusivement destinés à l’étude d’un domaine spécifique. En fait, loin
d’être réservée à l’analyse des énoncés des diverses langues (ou langages
naturels), la métalangue n’est le plus souvent qu’un usage technique de la
langue commune. Par exemple, le mot apposition désigne tout à la fois
l’action d’apposer quelque chose – une affiche, un sceau, etc. – sur un
support, et une fonction syntaxique : des remarques semblables pourraient
être faites sur des notions grammaticales comme l’aspect, l’attribut, le
complément, le mode, la proposition, le temps, etc., qui sont désignées par
des mots connaissant un emploi différent dans la langue courante. Si bien
que l’on peut élargir la définition de la notion de métalangue à tout type de
discours tenu sur les langues, ce qui coïncide avec le champ de la fonction
métalinguistique du langage telle que l’a définie Roman Jakobson. Ainsi, le
langage grammatical et lexicographique s’inscrit-il dans le cadre de cette
réflexivité linguistique que l’on appelle métalangue.
➲ Remarque
Contrairement à ce que laissent entendre les grammaires traditionnelles, la métalangue
n’est jamais complètement fixée, c’est-à-dire finalisée, car elle s’élabore à partir de cadres
théoriques (implicites en grammaire, explicites en linguistique) qui sont susceptibles de
connaître de profondes modifications au cours de l’histoire.
Voir aussi : Autonymie, Épilinguistique, Fonctions du langage, Grammatisation.

Métalexicographie ☞ Lexicographie.
Métaplasme. Le métaplasme est la modification du signifiant d’un mot.
Cette modification peut être réalisée par addition, suppression, altération ou
permutation d’un phonème ou d’un groupe de phonèmes. Ex. : troquet, qui
est issu de mastroquet est formé par aphérèse, c’est-à-dire par la chute d’un
groupe de phonèmes à l’initiale du mot.
Voir aussi : Aphérèse, Assimilation, Dissimilation, Épenthèse, Métathèse, Phonème,
Prothèse, Syncope.

Métathèse. Permutation de phonèmes dans la chaîne parlée. Ex. : le latin


formaticum a donné l’italien formaggio et le français fromage [fɔR] > [fRɔ].
Le phénomène se rencontre également en langue populaire, ex. : infractus
pour infarctus.
Voir aussi : Métaplasme, Phonème.

Modalisateur. Un modalisateur est une expression linguistique, un


morphème, un procédé typographique, ou bien un phénomène prosodique,
qui marque le degré d’adhésion du sujet de l’énonciation à l’égard du
contenu des énoncés qu’il profère. Cette adhésion peut être forte, moyenne,
faible, ou bien nulle dans le cas du rejet. Catherine Kerbrat-Orecchioni
(L’Énonciation – De la subjectivité dans le langage) compte au nombre de
ces marques, entre autres, l’usage des guillemets signalant une prise de
distance, les tournures du type il est [vrai, douteux, certain,
incontestable…] que, des verbes locutoires tels que avouer, prétendre,
prétexter, reconnaître, etc., qui présupposent chez le locuteur une évaluation
selon le vrai ou le faux du contenu de l’énoncé qu’il rapporte, des verbes de
jugement comme faire semblant, regretter, nier, savoir, se douter,
s’imaginer, etc., qui présupposent chez le locuteur un même type
d’évaluation mais porté sur des événements ou sur des représentations
mentales, des adverbes énonçant un jugement de vérité ou de réalité comme
à coup sûr, assurément, certainement, effectivement, peut-être,
probablement, sans doute, réellement, vraiment, etc. Entrent également
dans les faits de modalisation du discours l’emploi des incises marquant la
subjectivité du locuteur telles que à mon avis, pour ma part, selon moi, etc.,
et l’usage des désinences de futur ou de conditionnel, etc.
Voir aussi : Énoncé/énonciation, Polyphonie.

Monème ☞ Double articulation, Grammème/lexème.


Monosémie ☞ Homonymie/polysémie.
Morphe ☞ Allomorphe.
Morphème. La notion de morphème résulte de la nécessité apparue aux
linguistes d’une décomposition en unités significatives du mot, longtemps
tenu pour l’unité minimale de signification. Le morphème est la plus petite
unité de signification segmentable, c’est-à-dire une entité linguistique
réunissant à la fois un signifiant et un signifié, en deçà de laquelle il est
impossible de descendre sauf à passer à un niveau d’analyse où ne se
rencontrent que des unités dépourvues de signifié (les phonèmes). Toutefois
la notion de morphe (voir Allomorphe) apporte un nouvel éclairage sur ce
point. Ainsi, toute tentative de segmentation du morphème fait passer en
principe l’observation linguistique du niveau morphologique au niveau
phonologique. Le morphème est donc généralement décrit comme étant
constitué de phonèmes, qui sont ses constituants immédiats. Par exemple,
coureur comporte deux morphèmes : cour- et -eur, lesquels se répartissent
en une série de trois phonèmes /k/, /u/, /R/ et une série de deux phonèmes /
œ/, /R/. Sa limite supérieure est marquée par le mot, puisqu’il en est un
constituant immédiat. Il peut d’ailleurs en être le constituant morphologique
unique (ex. : pour, par, etc.). On parle alors de morphèmes libres, par
opposition aux morphèmes liés, dépourvus d’autonomie.
On retrouve au niveau de l’analyse du morphème les procédures
d’identification qui sont mises en œuvre pour l’étude du phonème, la
segmentation et la commutation, à quoi il convient d’ajouter l’examen de la
distribution. Rappelons tout d’abord que la segmentation doit être tenue
pour une procédure consistant à formuler une hypothèse sur l’identité d’un
segment de la chaîne parlée. Dans le domaine morphologique, cette
hypothèse sera bien sûr plus ou moins aisée à formuler selon le corpus. Par
exemple, la segmentation morphématique (en morphèmes) du mot coureur
conduit sans difficulté un francophone à isoler un morphème cour- [kuR] et
un morphème -eur [œR]. Le même francophone pourra hésiter dans la
segmentation morphématique du verbe français parlassions, dans celle du
substantif anglais bloodthirstiness ou dans celle de l’adjectif italien
scaccheggiato. La segmentation morphématique peut être intuitive. Sa
justesse est subordonnée aux connaissances linguistiques de l’opérateur.
Elle appelle de toute manière une procédure de vérification destinée à tester
sa pertinence. Il s’agit de la commutation. En morphologie, la commutation
permet de vérifier la validité d’une hypothèse sur le nombre et sur la nature
des morphèmes constitutifs d’un mot.

Exemple

Soit le mot coureur [kuRœR]. Formulons l’hypothèse d’une unité


lexicale composée de deux morphèmes : [kuR] et [œR]. Pour démontrer
la pertinence de cette segmentation, il faudra procéder à deux
commutations :

1re étape – On peut opposer coureur à courir [kuRiR]. Cela permet de


dégager un morphème [œR], qui commute dans cet environnement avec
le morphème [iR].

2e étape – On peut opposer coureur à rôdeur. Cela permet de dégager


un morphème [kuR], qui commute dans cet environnement avec le
morphème [Rod].
Le mot coureur est donc constitué de deux morphèmes, c’est-à-dire de
deux unités pourvues chacune d’un signifiant et d’un signifié, en
l’occurrence un radical [kuR] et un suffixe [œR]. Le test de la
commutation a validé l’hypothèse de segmentation. On veillera
toujours, dans le cadre de cette procédure, à donner la priorité à la
morphologie orale en proposant par conséquent des transcriptions
phonétiques.

On peut considérer que la procédure de commutation, telle qu’elle vient


d’être présentée, est déjà en soi un examen de la distribution des
morphèmes, c’est-à-dire de leur environnement. Toutefois, dans la mesure
où le morphème est une unité de signification, il ne faut pas sous-estimer
son étude sémantique. Le signifié du morphème doit être stable. Soit le
corpus suivant, constitué de deux substantifs : boulanger, oranger. La
segmentation et la commutation permettent de dégager une unité -er [e].
Seule l’étude de la distribution de cette unité indique si l’on a affaire à un
seul morphème ou à deux morphèmes homonymes. Dans boulanger, [e] est
un morphème qui s’adjoint à une base nominale pour former un mot
désignant un métier. Dans oranger, [e] est un morphème qui s’adjoint à une
base nominale pour former un mot désignant un arbre fruitier. On peut donc
considérer que l’on a affaire à deux morphèmes différents présentant un
signifiant identique.
Voir aussi : Affixe, Allomorphe, Base, Clitique, Commutation, Composition,
Conditionnement morphématique, Dérivation, Distribution, Flexion, Grammème/lexème,
Interfixation.

Morphologie. On peut, en simplifiant, définir la morphologie de deux


manières. Traditionnellement, elle est présentée comme l’étude de la forme
des mots, autrement dit elle expose et analyse les règles qui régissent la
structure interne des mots (-logie : du grec logia « théorie », à partir de
logos « discours » – ce suffixe sert à désigner des sciences et des études
méthodiques ; morpho- : du grec morphê « forme »). Elle traite donc des
phénomènes qui ressortissent à la flexion (voir Flexion), c’est-à-dire aux
changements de forme des mots en fonction des relations qu’ils
entretiennent avec d’autres unités lexicales dans la phrase (variations dans
le nombre, dans le genre, dans le temps, dans la personne, dans le cas, etc.).
Elle traite en outre des procédés de formation des mots que sont
principalement la dérivation et la composition, c’est-à-dire qu’elle
s’intéresse également aux règles de combinaison des morphèmes qui
régissent la constitution de l’unité mot. Selon cette définition, on concevra
la morphologie comme une entreprise de description de la langue distincte
de la syntaxe, même si les faits abordés ne sont pas vraiment dissociables
de l’étude des relations syntaxiques. La morphologie peut être aussi
entendue au sens de description conjointe des règles de structure interne des
mots et des règles de combinaison des morphèmes selon la configuration
syntaxique de l’énoncé (par exemple, l’étude de la flexion sera abordée
dans le cadre des phénomènes d’accord situés au niveau de la structure et de
la fonction des constituants de la phrase). En ce cas, elle associe dans
l’étude flexion, procédés de formation des mots et syntaxe. On parlera alors
plutôt de morphosyntaxe.
Voir aussi : Affixe, Allomorphe, Base, Clitique, Composition, Conditionnement
morphématique, Dérivation, Flexion, Grammème/lexème, Interfixation, Morphème, Mot,
Syntaxe.

Mot. Le mot est l’unité du lexique. Son identité est déterminée par une
forme, par un sens, et par une classe grammaticale. Pour la plupart des
usagers de la langue, le mot présente un caractère d’évidence qui tendrait
presque à rendre superflue toute discussion sur son statut d’unité
linguistique (voir Épilinguistique). Et pourtant la notion de mot résiste aux
entreprises de délimitation et de définition linguistiques. Car dans une
perspective scientifique, il ne suffit pas d’affirmer l’existence d’un objet. Il
faut prouver cette existence.
Le mot, dont le morphème est un constituant immédiat (voir Morphème),
peut être tenu pour une unité significative empirique de la grammaire
traditionnelle. Si cette notion, qui est considérée en général par la
linguistique contemporaine comme préthéorique, est infiniment
plus délicate à circonscrire que celle de morphème, c’est parce qu’elle
n’autorise pas la même précision dans la segmentation de la chaîne
syntagmatique. Le mot est en général décrit comme un segment de discours
compris entre deux espaces blancs. Au plan lexicographique, la notion
semble opératoire, puisque le mot est l’unité de description des
dictionnaires. Elle présente en outre une indéniable utilité dans le traitement
informatique des textes. Mais dans une perspective systématique adoptée
sur la langue, il en va tout autrement. Il existe de nombreux systèmes
d’écriture qui ne marquent pas les frontières du mot par des blancs. En
outre le mot graphique, pour ce qui concerne les langues d’Europe
occidentale, ne s’est répandu que vers la fin du Moyen Âge, l’imprimerie
ayant très largement contribué à le fixer. D’autre part, le critère de
séparabilité fonctionnelle qui permet l’identification des unités de la langue
s’applique mal au mot, dans la mesure où il n’y a pas de procédure
véritablement décisive pour l’identifier. Certes la commutation dans une
classe paradigmatique (voir Paradigme) fait ressortir le fait qu’un mot ne
peut en principe être remplacé que par un autre de la même classe. Par
exemple, dans Ce soir-là, Caroline portait une robe bleue, robe peut
commuter avec veste, écharpe, etc., et bleue avec rouge, élégante, etc. Mais
se pose le problème des groupements solidaires du type à rayures, en biais,
à la mode, de travers, etc., et celui de ce que la grammaire traditionnelle
appelle les mots composés (voir Composition), qui présentent un signifiant
complexe pour désigner un référent simple, du type arc-en-ciel, gorge-de-
pigeon, bonheur-du-jour, clair de lune, etc. Que, par opposition à la notion
d’ailleurs floue de mots simples, l’on parle de mots composés, d’unités
phraséologiques (Charles Bally), de lexies (Bernard Pottier), de synthèmes
(André Martinet), ou encore de mots polylexicaux (Gaston Gross), la
difficulté théorique de la notion de mot demeure. Elle s’accroît d’ailleurs à
l’oral, puisque le critère de la délimitation intonative ne permet pas de
dégager un mot phonétique qui soit coïncident avec le mot graphique. Car
dans de nombreuses langues, dont le français et l’anglais, ce n’est pas
l’unité mot qui est dégagée par l’accentuation, même s’il y a en principe un
accent par mot, mais c’est plutôt le groupe de mots. En effet, certaines
unités lexicales, du fait de la prosodie globale de l’énoncé (voir Prosodie),
ne sont pas accentogènes (ne portent pas l’accent). C’est le cas des clitiques
(voir Clitique), qui prennent appui sur l’unité accentogène qui précède (les
enclitiques : ex. : Où vais-je ?) ou qui prennent appui sur l’unité
accentogène qui suit (les proclitiques : ex. : Il se renseigne). Faire du mot
une unité accentuelle reviendrait donc à exclure les clitiques de la catégorie
du mot. Il semble donc que dans la conscience linguistique, la notion de
mot soit liée à la réalisation exclusivement écrite de la langue.
➲ Remarque
On pourra objecter que cet argument prosodique, qui paraît récuser la pertinence
linguistique du mot pour certaines langues, peut jouer en sa faveur pour d’autres, où
l’accent est nettement un accent de mot, avec des placements très contraints (c’est le cas
du latin). Il en va de même pour l’argument graphique, qui peut là encore jouer en faveur
du mot (en grec ancien, la lettre sigma est notée différemment selon qu’elle est située en
début, à l’intérieur ou en fin de mot).

On précisera toutefois que le mot a fait l’objet d’une forme de


réhabilitation à partir des années quatre-vingt, grâce en particulier aux
travaux portant sur sa structure interne, et aux études de sémantique
lexicale. Et c’est d’ailleurs au niveau sémantique que le mot présente le plus
de pertinence, puisque c’est essentiellement par le lexique que l’on accède à
l’univers notionnel d’une langue particulière. Mais le vaste champ
d’application de la notion conduit tout de même à distinguer, à l’intérieur de
ce niveau d’analyse linguistique, différents types de mots, selon leurs
fonctions sémantiques respectives. On retiendra, avec Irène Tamba-Mecz
(La Sémantique), trois grandes catégories de structures signifiantes,
présentant selon les langues des degrés d’autonomie et une capacité de
combinaison variables : les mots dénominatifs, qui servent à désigner en
nommant, et qui fonctionnent tout à la fois comme dénominations et
comme constituants de systèmes de relations lexicales et
morphosyntaxiques ; les mots indexicaux (ou déictiques), qui servent à la
désignation in situ (je, ici, ça, etc.), mais qui sont inaptes à la
dénomination ; les mots grammaticaux, qui contrairement aux deux autres
catégories, énoncent des valeurs exclusivement intralinguistiques, fixées
dans des paradigmes de type relationnel.
Voir aussi : Clitique, Composition, Endophore/exophore, Épilinguistique,
Grammème/lexème, Morphème, Paradigme, Prosodie, Référence/référent.

Non-classifiance ☞ Classifiance/non-classifiance.
Occurrence/type. Dans le domaine linguistique, la notion de type relève
de la langue, ou de la compétence, et la notion d’occurrence du discours, ou
de la performance (voir Compétence/performance, Langue/discours). Au
niveau du morphème ou du mot, cette opposition permet de distinguer, dans
l’ordre phonique ou graphique, une forme normée (type) d’une réalisation
particulière de cette forme en discours (occurrence), réalisation qui peut
prendre l’aspect d’une variante contextuelle (voir Allomorphe). Par
exemple, un phonème ou un graphème transcrivant un morphème de
nombre, de personne, de temps, etc., marquent, à l’oral et/ou à l’écrit, une
réalisation particulière d’une forme type, qui témoigne d’un rapport
morphosyntaxique entre les constituants d’un énoncé. Au niveau
morphématique ou lexical, cette opposition permet également de distinguer
un signifié canonique d’une réalisation contextuelle de ce signifié. Par
exemple, les acceptions d’un mot observées en contexte seront autant
d’occurrences sémantiques d’une signification type. Au niveau phrastique,
l’opposition entre le type et l’occurrence permet de distinguer entre la
phrase, qui se prête à une interprétation littérale, et l’énoncé, qui,
nécessairement contextualisé, peut se prêter à une interprétation dérivée et
susciter une paraphrase pragmatique. Ex. : Il pleut peut recevoir
l’interprétation « Restons à la maison ». Au niveau du texte, cette
opposition peut être illustrée par les genres du discours, qui sont, comme le
propose François Rastier, des types dont relèvent les occurrences textuelles.
Voir aussi : Allomorphe, Compétence/performance, Discours/texte, Énoncé/énonciation,
Langue/discours, Paraphrase, Phrase, Sens/signification.

Onomasiologie ☞ Champ sémantique.


Opaque/transparent. Les adjectifs opaque et transparent caractérisent
des contextes (voir Contexte/cotexte) où sont susceptibles d’apparaître des
expressions référentielles (voir Référence/référent). Soit l’opposition des
deux phrases suivantes, empruntées à Robert Martin (Pour une logique du
sens), mais fréquemment données en exemple pour illustrer cette
problématique : 1/ Œdipe voulait épouser Jocaste, 2/ Œdipe voulait
épouser sa mère. Un contexte est dit opaque lorsque la substitution de deux
expressions coréférentielles (voir Coréférence), ici Jocaste et sa mère,
entraîne un changement de valeur de vérité de la proposition. Les phrases 1
et 2 sont vraies dans l’univers de croyance de l’énonciateur, lequel sait que
Jocaste est la mère d’Œdipe (voir Univers de croyance). Mais la phrase 2
est fausse dans l’univers de croyance d’Œdipe, qui ne sait pas que Jocaste
est sa mère. Parmi les facteurs d’opacité contextuelle, on doit retenir
l’emploi des verbes dits d’attitude propositionnelle, qui énoncent une
croyance, une intention, une opinion, etc. (ex. : croire, vouloir, penser, etc.),
les verbes de parole (ex. : dire, raconter, rapporter, relater, etc.), les verbes
factifs, dont le contenu de la proposition qu’ils introduisent est présupposé
vrai (ex. : déplorer que, regretter que, savoir que, etc.). L’opacité est
susceptible de se manifester dans tous les cas de croyance, d’intention,
d’opinion, de paroles rapportées. Ainsi, le verbe d’intention vouloir, qui
évoque l’univers de croyance d’Œdipe, interdit d’employer la phrase 2 pour
énoncer le contenu propositionnel de la phrase 1. Dans les phrases 3 et 4,
3/ Œdipe a épousé Jocaste, 4/ Œdipe a épousé sa mère, les expressions
référentielles Jocaste et sa mère figurent dans un contexte transparent. Leur
substitution ne modifie pas la valeur de vérité du contenu propositionnel.
Voir aussi : Contexte/cotexte, Coréférence, Référence/référent, Univers de croyance,
Vériconditionnalité.
P-R

De Paradigme à Rôle

Paradigme. La notion de paradigme connaît, en linguistique, deux


emplois principaux. Le premier de ces emplois est représenté en
morphologie flexionnelle pour désigner un mot type donné en grammaire
comme modèle de déclinaison ou de conjugaison (paradigme est formé sur
le grec paradeigma, « modèle », « exemple »). On peut dire ainsi du
substantif templum (« le temple ») qu’il est par tradition le paradigme de la
deuxième déclinaison des noms neutres en latin. Dans cet emploi, le mot
paradigme s’applique également, de manière plus générale, à l’ensemble
des formes fléchies que peut prendre un mot en fonction des rapports qu’il
entretient avec les autres constituants de la phrase. Par exemple, les
désinences du verbe courir au subjonctif présent constituent un paradigme
(paradigme flexionnel). Le second emploi de la notion sert à désigner une
classe d’éléments susceptibles de commuter entre eux en un point précis de
la chaîne syntagmatique, autrement dit susceptibles de figurer dans un
même contexte linguistique. Par exemple, bleue, à rayures, décolletée,
appartiennent à la même classe paradigmatique parce qu’ils commutent
virtuellement entre eux dans Elle porte une robe [bleue/à
rayures/décolletée]. On notera encore que l’on appelle en morphologie
paradigme dérivationnel, par distinction avec le paradigme flexionnel, un
ensemble lexical formé sur une même base (ou un même radical) : ex. :
promener, promenoir, promenade, promeneur. En sémantique du discours,
on appelle paradigme désignationnel un ensemble de syntagmes coréférents
dans un corpus donné (voir Coréférence). Ne relève pas du vocabulaire
linguistique l’emploi de paradigme au sens de dominante théorique adoptée
à un moment de l’histoire d’une science.
Voir aussi : Coréférence, Dérivation, Flexion, Syntagme.

Paraphrase. Dans le vocabulaire courant, la paraphrase désigne la


reformulation sans valeur explicative d’un énoncé ou d’un texte. En
linguistique, la notion se définit comme la reformulation d’une phrase mise
en œuvre pour dégager le sens d’un constituant ou d’un ensemble de
constituants. Il s’agit donc d’une manipulation linguistique, qui présuppose
dans la phrase, indépendamment de la situation d’énonciation, un invariant
sémantique. Ainsi, deux phrases peuvent-elles être tenues pour
paraphrastiques si elles manifestent les mêmes conditions de vérité. La
paraphrase peut être réalisée au moyen de certaines substitutions
(synonymiques, connotatives, périphrastiques, lexicosyntaxiques). Ex. : Il a
fini son travail peut être paraphrasé par « Il a terminé son travail », Il a du
travail par « Il a du boulot », Les bacheliers peuvent s’inscrire à l’examen
par « Les titulaires du baccalauréat peuvent s’inscrire à l’examen », Il ne
boit plus par « Il a cessé de boire », Des valises bloquent la porte par « La
porte est bloquée par des valises », etc. Elle sert fréquemment à identifier
les ambiguïtés. Ainsi, la phrase J’ai fait porter les fleurs à Marie est-elle
susceptible de recevoir deux paraphrases sémantiquement distinctes, ce qui
atteste sa plurivocité : « J’ai fait porter les fleurs à Marie par quelqu’un » et
« J’ai obligé Marie à porter les fleurs » (exemples empruntés à Catherine
Fuchs, Les Ambiguïtés du français). La paraphrase est également exploitée
en lexicographie, les mots qui forment les entrées des dictionnaires étant
généralement définis par un ensemble de paraphrases correspondant à
autant d’acceptions du terme.
Enfin, en marge de la paraphrase linguistique au sens strict, qui repose
sur une approche explicite du sens, et qui n’est pas soumise au contexte
situationnel, on distingue une paraphrase pragmatique, qui repose sur une
approche implicite (ou dérivationnelle) du sens, et dont la validité est
nécessairement subordonnée au repérage de l’intention de communication
qui est à l’origine du message. Ex. : Il pleut (paraphrase linguistique : « La
pluie tombe » ; paraphrases pragmatiques possibles selon les contextes :
« On ne sort pas », « Ferme la fenêtre », « Il faut rentrer le linge », etc.).
Linguistiquement, rien ne permet de prévoir la relation entre Il pleut et « On
ne sort pas », « Ferme la fenêtre », ou « Il faut rentrer le linge ». Cette
relation ne peut s’établir que dans le cadre d’une situation énonciative
particulière.
Voir aussi : Épilinguistique, Transformation.

Parasynthèse ☞ Dérivation.
Parataxe. La parataxe est, avec l’hypotaxe, un mode d’organisation
fondamental de la syntaxe. La notion désigne le procédé de coordination
des groupes syntaxiques dans la phrase. Cette coordination peut être
réalisée avec un mot coordonnant. On parle en ce cas de parataxe
syndétique, c’est-à-dire avec liaison (ex. : Elle part car elle est pressée). La
coordination peut être uniquement sémantique et ne faire apparaître aucun
mot coordonnant. On parle alors de parataxe asyndétique, c’est-à-dire sans
terme de liaison, ce qui correspond à la juxtaposition (ex. : Elle part, elle est
pressée). On notera toutefois que le terme de parataxe voit son usage
fréquemment et abusivement limité à l’asyndète, particulièrement dans le
cadre de l’analyse stylistique de la phrase. Enfin, on précisera que sont
souvent soulignées en linguistique la tendance parataxique du français
parlé, qui compense l’absence de coordonnant par une intonation
spécifique, et la tendance hypotaxique du français écrit.
Voir aussi : Hypotaxe, Phrase, Syntaxe.

Paraverbal. La conversation, ou plus précisément l’interaction (voir


Interaction verbale), sollicite différents types de signes, variant selon leur
mode d’émission ou de réception. Comme le rappelle Catherine Kerbrat-
Orecchioni (Les Interactions verbales, I), on distingue ainsi d’une part des
signes vocaux et acoustiques, que l’on répartit en deux classes, celle du
matériel verbal (ou linguistique), c’est-à-dire ce qui relève du niveau
phonologique, morphologique, lexical et morphosyntaxique, et celle du
matériel paraverbal, c’est-à-dire ce qui relève du niveau prosodique et
vocal (les intonations, l’intensité articulatoire, le débit, les pauses, les
caractéristiques de la voix, etc.). D’autre part, on distingue des signes
corporels et visuels, qui sont de nature non verbale (l’apparence physique :
par exemple la physionomie, la stature, les traits morphologiques acquis
comme les rides, le bronzage, etc., les vêtements, les parures, etc. ; les
attitudes, les postures ; les regards, les mimiques, les gestes). Cette
typologie ne va pas sans poser de nombreux problèmes, relativement au
départ entre le verbal et le paraverbal. Peut-on, par exemple, ne pas corréler
certaines structures linguistiques comme le clivage (ex. : c’est… que) ou les
marqueurs lexicaux de l’interrogation (ex. : est-ce que) au phénomène
intonatif ? Les vocalisations servant à réguler la conversation ou à maintenir
le flux discursif (ex. : euh, mmh, etc.) n’ont-elles aucun statut verbal ? Cette
relativité du paraverbal s’explique bien sûr par le caractère finalement
approximatif de la notion de matériel verbal dans l’explication linguistique.
Voir aussi : Fonctions du langage, Interaction verbale, Pragmatique.

Performance ☞ Compétence/performance.
Période. En rhétorique, la période est un type de phrase complexe
développée, formant une unité de syntaxe, de sens, de souffle, dont le
mouvement est circulaire, et dont les membres sont agencés de manière à
produire un effet mélodique. En macrosyntaxe, et plus particulièrement
dans les travaux d’Alain Berrendonner, la période est définie comme une
unité informationnelle regroupant des segments discursifs appelés clauses
(voir Clause), qui entretiennent entre eux des relations de présupposition,
ou plus généralement d’inférence. Est donc considérée comme période
toute séquence discursive dont les segments n’entrent en relation que par
l’intermédiaire de savoirs partagés par l’énonciateur et le coénonciateur. Par
exemple, dans cette perspective, un énoncé segmenté comme Les fraises, il
faut du sucre est décrit comme une période binaire, c’est-à-dire composée
de deux clauses : Les fraises et il faut du sucre. Ces deux clauses
n’entretiennent entre elles aucune relation de dépendance
morphosyntaxique. Leur connexité, autrement dit leur regroupement dans
une même unité de discours, se réalise sur la base d’un rapport
exclusivement sémantique et implicite, selon lequel le second segment
asserte quelque chose à propos du référent du premier.
Voir aussi : Clause, Inférence, Macrosyntaxe.
Pertinence. La notion de pertinence connaît des emplois très différents en
linguistique. Une unité linguistique est dite pertinente si sa présence ou son
absence influe notablement sur l’interprétation. En phonologie, la
pertinence d’un trait décrit sa fonction distinctive. Par exemple, les
phonèmes /p/ et /b/ partagent plusieurs traits : il s’agit de consonnes
occlusives, labiales, orales. Seul le trait /sonorité/ les distingue, puisqu’il est
absent de /p/ mais présent dans /b/. C’est un trait pertinent. L’analyse
sémique utilise également la notion de pertinence dans l’étude du sens
lexical (voir Sème). Dans cette perspective, la pertinence est une propriété
distinctive, et donc fonctionnelle.
La notion de pertinence est également employée en pragmatique. On la
rencontre chez le philosophe Paul Grice (Communications no 30), qui en fait
une des maximes conversationnelles du principe de coopération (voir
Coopération). La maxime dite de relation développe le postulat selon
lequel la contribution à l’échange doit être appropriée à l’objectif de la
conversation, c’est-à-dire pertinente.
Mais la notion de pertinence a surtout été développée par Dan Sperber et
Deirdre Wilson (La Pertinence). Elle repose sur l’idée que tout énonciateur
requiert l’attention de l’autre, et lui donne à entendre par là même que son
discours est pertinent. La tâche du coénonciateur consiste alors à construire
une interprétation du discours qui lui est tenu qui soit susceptible de
confirmer cette présomption de pertinence. La notion de pertinence se
définit principalement ici en termes d’effets et d’efforts. Plus un énoncé
produit d’effets et plus il modifie le contexte et gagne en pertinence. Par
exemple, un énoncé comme Les négociations sur les 35 heures sont dans
une impasse aura beau être informatif, c’est-à-dire chargé d’une information
nouvelle, il ne sera pertinent que s’il peut être corrélé à d’autres
informations actualisées dans le contexte. Si tel est le cas, son effet sur le
contexte sera notable. Si tel n’est pas le cas, l’énoncé demandera un effort
d’interprétation qui révélera sa non-pertinence. Dans cette perspective,
chaque énoncé est interprété par rapport à un contexte qui n’est pas donné
mais construit au fil du discours, énoncé après énoncé, et qui est formé de
propositions qui se dégagent de l’interprétation des énoncés qui précèdent.
Il est également constitué des connaissances sur le monde dont dispose le
sujet.
Voir aussi : Contexte/cotexte, Coopération, Inférence, Implicature, Phonème, Phonologie,
Pragmatique, Sème.

Phonème. Le phonème est l’unité distinctive minimale, c’est-à-dire non


segmentable, de la deuxième articulation du langage (voir Double
articulation). Les phonèmes se combinent en séquences dans la chaîne
parlée, et forment le signifiant des unités significatives de la première
articulation. L’inventaire des phonèmes d’une langue donnée, et l’étude de
leur organisation en systèmes sont l’objet de la phonologie (voir
Phonologie). Chaque langue comporte un nombre fini et constant de
phonèmes. D’une langue à l’autre, ce nombre peut toutefois varier
considérablement (entre une dizaine et une centaine de phonèmes environ).
Par exemple, le français compte 36 phonèmes, l’anglais 46. Comme unité
phonique, le phonème est nécessairement défini par des traits. Mais ces
traits n’intéressent la phonologie que s’ils présentent une valeur distinctive,
c’est-à-dire fonctionnelle. Par exemple, [k] et [g] sont des sons
consonantiques qui permettent de distinguer en français les mots car [kɑR]
et gare [gɑR]. Ils marquent donc une opposition distinctive et constituent
par conséquent deux phonèmes : /k/ et /g/ (les transcriptions phonétiques se
font entre crochets, les transcriptions phonologiques entre barres obliques).
En revanche, l’articulation standard, roulée ou grasseyée du r en français
n’a pas de valeur linguistique dans la mesure où elle ne marque aucune
opposition distinctive. Ces trois articulations produisent trois sons
consonantiques qui constituent un seul phonème : /R/.
On appelle archiphonème le cas de neutralisation de l’opposition
distinctive entre deux phonèmes dans certaines positions, qui aboutit à
l’apparition d’une nouvelle unité fonctionnelle. Par exemple, l’opposition
des phonèmes /s/ et /z/ fréquente en français, est neutralisée devant le
phonème /m/ dans les mots suffixés en -isme, lesquels peuvent être articulés
/ism/ ou /izm/. L’archiphonème /S/ recouvre ici l’ensemble des traits
distinctifs de chacun des deux phonèmes.
En phonologie, on parle de variante combinatoire pour désigner deux
allophones d’un même phonème, c’est-à-dire deux formes distinctes
phonétiquement, mais qui sont en distribution complémentaire, et qui par
conséquent sont sélectionnées selon le type d’environnement. C’est par
exemple le cas de [o] et [ɔ] en français, dont l’articulation est réalisée en
fonction de la configuration phonétique du mot : [o] apparaît en fin de
syllabe, et [ɔ] apparaît devant consonne (ex. : rideau [Rido], beau [bo],
dormir [dɔRmiR], port [pɔR]).
Les procédures d’identification des phonèmes sont la commutation et
l’étude de la distribution.
Voir aussi : Commutation, Distribution, Double articulation, Phonétique, Phonologie.

Phonétique. La phonétique est une branche de la linguistique qui a pour


objet le classement des sons du langage (voir Son). Elle étudie les sons en
eux-mêmes, dans leur matérialité, du point de vue de leur émission et de
leur réception, en prenant en compte toutes leurs propriétés physiques. Elle
est donc étroitement liée à l’anatomie, à la physiologie et à l’acoustique.
Contrairement à la phonologie, elle n’étudie pas les sons du langage du
point de vue de leur utilisation par le locuteur (voir Phonologie). Les
applications de la phonétique sont très diverses. Elle est entre autres utilisée
pour la correction articulatoire, par exemple en orthophonie, mais elle est
également sollicitée pour la constitution des langages de synthèse et pour
l’ingénierie des commandes vocales dans le domaine industriel.
On distingue plusieurs domaines dans la phonétique. La phonétique
générale traite de la production phonique humaine dans toutes les langues
naturelles. La phonétique comparée étudie contrastivement les sons de deux
ou plusieurs langues. La phonétique appliquée développe cette étude dans
une langue particulière. La phonétique historique étudie la nature et les
formes du changement phonétique. La phonétique descriptive, quant à elle,
envisage l’étude des sons du langage dans une perspective synchronique.
Cette approche descriptive et synchronique du problème phonique
connaît elle-même diverses orientations et finalités. La phonétique
articulatoire ou physiologique traite du fonctionnement de l’appareil vocal
lors de l’émission des sons. Elle propose un classement des unités
phoniques (sons vocaliques et sons consonantiques) à partir des organes
sollicités au moment de l’articulation. La phonétique acoustique ou
physique étudie le mécanisme vibratoire à l’œuvre lors de l’émission du
son, et décrit sa durée, son intensité, sa hauteur, son timbre. La phonétique
auditive ou perceptive décrit le mode de réception des sons, c’est-à-dire
l’impression auditive provoquée par les stimuli acoustiques.
Enfin, en marge de ces orientations où les sons sont analysés de manière
isolée, on notera l’existence d’une phonétique combinatoire, qui traite de la
manière dont les sons s’organisent en séquences au niveau de la syllabe, du
morphème, du syntagme, de la phrase, et qui étudie leurs interactions.
Les phonéticiens ont mis au point, dès 1888, un système de transcription
des sons du langage susceptible de s’appliquer à la prononciation de toutes
les langues, l’Alphabet phonétique international (API), système qui a été
révisé et perfectionné à de multiples reprises au cours de l’histoire. Nous
donnons ci-dessous les signes de l’API nécessaires à la transcription de la
prononciation du français. Les transcriptions phonétiques se font entre
crochets, les transcriptions phonologiques entre barres obliques.

L’alphabet phonétique international

Voyelles
i vie [vi]
e blé [ble]
ε raie [Rε]
a plat [pla]
ɑ pâte [pɑt]
ɔ sort [sɔR]
o mot [mo]
u bout [bu]
y vue [vy]
Ø feu [fØ]
œ peur [pœR]
ə petit [pəti]
ε sein [sε]
ɑ˜ vent [vɑ˜]
ɔ˜ son [sɔ˜]
œ˜ un [œ˜ ]
Consonnes
p père [pεR]
b beau [bo]
t table [tabl]
d dé [de]
g gare [gaR]
f farine [faRin]
v valise [valiz]
s souris [suRi]
z zéro [zeRo]
∫ chapeau [∫apo]
k car [kaR]
ʒ joue [ʒu]
m mille [mil]
n nu [ny]
ɲ pagne [paɲ]
η parking [paRkiη]
l la [la]
R rue [Ry]
Semi-voyelles
j pied [pje]
w oui [wi]
ų huit [ųit]

Voir aussi : Phonème, Phonologie, Prosodie, Son, Syllabe.

Phonologie. La phonologie est une branche de la linguistique qui a pour


objet les sons du langage, qu’elle étudie du point de vue de leur fonction
distinctive dans le système de la langue. Sa finalité et ses méthodes
d’analyse sont en cela différentes de celles de la phonétique, qui étudie les
sons du langage dans leur matérialité, du point de vue de leur émission et de
leur réception, indépendamment de la langue où ils apparaissent (voir
Phonétique). L’unité d’analyse de la phonologie, le phonème, n’est donc
pas le son du langage comme phénomène physique, c’est-à-dire comme
substance, mais comme phénomène linguistique, c’est-à-dire comme forme
(voir Phonème). Dans cette perspective, on considère généralement que la
phonétique traite des sons du discours (ou de la parole), autrement dit des
sons effectifs, alors que la phonologie traite des sons de la langue,
autrement dit des unités phoniques abstraites, qui sont constituées de traits
distinctifs qui les opposent les unes aux autres. On appelle
morphophonologie l’étude des alternances de phonèmes conditionnées par
la morphologie, par exemple l’étude des variations morphologiques du
radical verbal dans j’allais, je vais, j’irai.
Voir aussi : Langue/discours, Son, Phonétique, Phonème.

Phrase. La phrase est l’unité maximale de la microsyntaxe. C’est une


structure prédicative binaire qui met en relation un sujet et un prédicat dont
le noyau est formé par un verbe conjugué (voir Prédicat/prédication). La
phrase est constituée d’unités significatives qui sont entre elles
hiérarchisées. Elle est une entité abstraite correspondant à un schéma
présent dans la compétence du sujet parlant, et en attente d’actualisation
dans le discours au moyen d’un acte d’énonciation (voir Énoncé/
énonciation). L’analyse macrosyntaxique (voir Clause, Macrosyntaxe,
Période) récuse la pertinence linguistique de la notion de phrase au motif
qu’elle est inopérante dans la segmentation du discours à l’oral, et qu’elle
repose essentiellement à l’écrit sur les critères aléatoires de la ponctuation.
Voir aussi : Actant, Analyse en constituants immédiats (ACI), Argument, Clause,
Compétence/performance, Énoncé/énonciation, Grammaticalité, Hypotaxe, Macrosyntaxe,
Parataxe, Période, Prédicat/prédication, Récursivité, Stemma, Syntagme, Syntaxe,
Valence.

Place/position. Les notions de place et de position correspondent à deux


niveaux de représentation de la phrase, et renvoient à des fonctions très
différentes dans le discours : la fonction informationnelle et la fonction
syntaxique. La place d’un constituant syntaxique est le lieu qu’il occupe
dans la phrase relativement aux autres constituants. La position est une
structure syntaxique qui résulte des relations de dépendance entre un
constituant et son entourage dans la phrase. Par exemple : 1/ Sans aide,
Caroline n’y arrivera pas ; 2/ Caroline, sans aide, n’y arrivera pas ;
3/ Caroline n’y arrivera pas sans aide. Dans ces trois phrases, la place du
syntagme sans aide a varié mais la structure syntaxique est restée la même,
et donc la position de ce syntagme n’a subi aucune variation. Les relations
entre les groupes sont restées stables. À l’inverse, dans 4/ Caroline cherche
Baptiste ; 5/ Baptiste cherche Caroline, les constituants Caroline et Baptiste
ont subi une modification tout à la fois de place et de position (Caroline :
sujet en 4, objet direct en 5 ; Baptiste : objet direct en 4, sujet en 5). Si,
comme en témoignent les exemples 1, 2 et 3, la variation de place d’un
constituant n’influe pas toujours sur sa position, on ne doit pas dans ces cas
en conclure pour autant au caractère aléatoire de la place. Bien qu’elle ne
soit pas contrainte par la structure syntaxique de la phrase, la place du
constituant mobile sans aide en 1, 2, et 3 varie selon la structure
informationnelle de l’énoncé et donc selon l’intention de communication de
l’énonciateur. Hors contexte, comme c’est le cas ici, cette donnée
informationnelle n’a qu’une pertinence explicative toute relative.
Voir aussi : Argument, Phrase, Prédicat/prédication, Thème/rhème.

Pointage. La notion de pointage est principalement utilisée en sémantique


du discours et en macrosyntaxe pour décrire un type de fonctionnement
pronominal ou nominal (voir Macrosyntaxe). Alain Berrendonner, par
exemple, oppose le pointage au liage, afin de clarifier la notion de clause,
qui désigne un acte énonciatif élémentaire, et qui est censée constituer un
seuil entre des niveaux d’analyse syntaxique très différents (voir Clause).
Dans cette perspective, on distingue un fonctionnement pronominal (ou
nominal) interne à la clause (liage) : ex. : Marie croit qu’elle est en retard.
Le pronom elle est ici sémantiquement dépendant de son antécédent Marie.
Il ne peut commuter avec une description définie sans annuler le lien
associatif avec l’antécédent (Marie croit que cette fille est en retard), lien
qui se laisse difficilement décrire comme une coréférence puisque dans un
grand nombre de cas les constituants liés sont dépourvus de référence (ex. :
Aucun homme n’ignore qu’il est mortel ; Qui ignore qu’il est mortel ?, etc.).
Ce fonctionnement pronominal ne présuppose donc pas nécessairement
l’existence préalable d’un objet de connaissance. La relation qui s’établit
entre ce type de pronom et l’antécédent est une relation marquée par une
contrainte d’accord en genre et en nombre. On a donc affaire ici à un
fonctionnement microsyntaxique (l’énoncé forme une seule clause).
Par opposition, le pointage marque un fonctionnement pronominal (ou
nominal) externe à la clause, caractérisé par un mécanisme de rappel : ex. :
Gordon s’en va, il reviendra peut-être. Dans un énoncé comme celui-ci, le
pronom il n’implique pas l’antécédence du nom Gordon dans le discours,
mais il présuppose la présence dans le discours d’un certain référent, quelle
qu’ait été sa forme d’introduction dans le contexte verbal. Le pronom il
commute ici avec une description définie sans annuler pour autant la
coréférence (Gordon s’en va, ce joyeux luron reviendra peut-être). On a
affaire à un fonctionnement macrosyntaxique (l’énoncé forme deux
clauses). On appelle pointeur ce type de pronom. La notion de pointage
telle qu’elle a été développée par Alain Berrendonner désigne donc une
relation présuppositionnelle entre un signe de rappel (il, elle, etc.) et une
information actualisée par le discours.
Voir aussi : Clause, Contrôle, Coréférence, Description définie, Macrosyntaxe,
Référence/référent.

Polyphonie. La notion de polyphonie a été introduite dans le discours


linguistique par Mikhaïl Bakhtine (La Poétique de Dostoïevski) pour décrire
la mise en scène de la parole dans le discours romanesque, et plus
particulièrement la pluralité des voix dans l’énoncé. La polyphonie a été par
la suite approfondie en linguistique énonciative et en pragmatique (entre
autres chez Oswald Ducrot, Antoine Culioli, Alain Berrendonner,
Jacqueline Authier-Revuz), dans le cadre de l’étude des problèmes de prise
en charge de l’acte de langage par le sujet parlant. Par exemple, dans
l’échange : – J’ai vu Arthur qui léchait les vitrines avec sa fille. – Sa fille,
c’est sa sœur, le syntagme sa fille, dans le deuxième énoncé, marque une
prise de distance du sujet à l’égard de l’expression, et signale que celui-ci
n’assume pas la responsabilité de cette partie de son discours, l’imputant à
une autre instance. L’intérêt de la notion de polyphonie est de faire
apparaître les phénomènes d’hétérogénéité discursive, et le fait que la
parole du sujet parlant est en quelque sorte « occupée » par le discours de
l’autre.
Ces problèmes ont conduit certains linguistes à distinguer entre sujet
parlant, locuteur et énonciateur. Ainsi, Oswald Ducrot définit le sujet
parlant comme un être empirique, c’est-à-dire un élément de l’expérience,
en l’occurrence l’individu qui physiquement profère l’énoncé ; le locuteur
comme un être de discours, celui qui dit je ; et l’énonciateur comme celui à
qui est attribuée la responsabilité de l’acte de parole. On doit toutefois noter
sur ce point un flottement certain de la terminologie linguistique. Dans la
théorie des opérations énonciatives, telle que l’a développée Antoine
Culioli, l’énonciateur est défini comme un sujet produisant un énoncé à
l’intention d’un autre sujet appelé coénonciateur, à un moment donné de
l’énonciation. Le locuteur est, quant à lui, défini comme l’instance qui
rapporte les paroles de quelqu’un d’autre. Dans le cas d’un discours
rapporté par citation, par exemple, l’énonciateur rapportant ne joue pas à
proprement parler le rôle d’énonciateur mais de locuteur, car il ne change
pas les déterminations énonciatives du discours rapporté, fixées dans une
autre situation d’énonciation. Dans le cas d’un discours indirect, en
revanche (ex. : Il m’a dit qu’il pleuvait), l’énonciateur rapportant se
comporte comme un énonciateur dans la mesure où il combine ses
repérages énonciatifs avec ceux de l’énonciateur rapporté.
➲ Remarque
On notera que les faits de polyphonie énonciative sont susceptibles d’affecter des niveaux
d’analyse linguistique différents : le niveau lexical (ex. : l’autonymie), le niveau syntaxique
(ex. : la négation, la concession, la modalisation, le discours indirect libre), le niveau
textuel (ex. : l’allusion, l’ironie, la parodie).

Voir aussi : Autonymie, Énoncé/énonciation, Modalisateur.

Polysémie ☞ Homonymie/polysémie.
Portée. La portée d’un opérateur linguistique est le point précis de
l’énoncé (tel ou tel constituant) sur lequel s’exerce le fonctionnement
sémantique de cet opérateur en discours. Pour comprendre la complexité de
ce fonctionnement, il est indispensable de distinguer entre portée et
incidence (voir Incidence).
La notion de portée peut être utilisée pour décrire le mécanisme
sémantique des opérations linguistiques fondamentales que sont la négation,
la restriction et l’interrogation. Par exemple, dans Caroline ne collectionne
pas les livres d’art, si la négation ne… pas prend pour point d’application le
lexème verbal qu’elle encadre, elle peut porter aussi bien sur le verbe
collectionner (« Caroline ne collectionne pas les livres d’art, elle les
vend »), sur livres d’art (« Caroline ne collectionne pas les livres d’art, elle
collectionne les masques vénitiens »), sur d’art (« Caroline ne collectionne
pas les livres d’art, elle collectionne les livres de cuisine »), sur
collectionner les livres d’art (« Caroline ne collectionne pas les livres d’art,
elle écrit des romans historiques »). À l’oral, dans cet énoncé, l’énonciateur
pourra fixer la portée de la négation au moyen d’une intonation contrastive.
À l’écrit, c’est le contexte verbal qui permettra d’assigner à la négation sa
portée. Sans contexte, comme c’est ici le cas, l’énoncé restera ambigu.
La notion de portée permet également de décrire le fonctionnement de
l’opération de caractérisation, telle qu’elle s’exerce, entre autres, au moyen
des adverbes en -ment ou des constructions détachées.
Pour ce qui concerne l’adverbe, comme l’a montré Claude Guimier (Les
Adverbes du français), l’incidence au verbe ne saurait suffire à décrire le
fonctionnement sémantique de ces unités. Soit les trois phrases : 1/ Caroline
travaille manuellement ; 2/ Caroline travaille gaiement ; 3/ Caroline
travaille méticuleusement. Dans les trois cas, l’incidence de l’adverbe en -
ment s’exerce sur le verbe travaille. Toutefois, en 1/ manuellement porte sur
le verbe (« Caroline fait un travail manuel »), en 2/ gaiement porte sur le
sujet (« Caroline est gaie »), en 3/ méticuleusement porte tout à la fois sur le
verbe et sur le sujet (« Caroline est méticuleuse » ; « Le travail de Caroline
est méticuleux »). On observe encore qu’à une même incidence peuvent
correspondre des portées très différentes, variant ici selon le sens lexical des
adverbes.
Par ailleurs, on note que dans un énoncé comme Les mains dans les
poches, Caroline se rend au Royal Palace, la construction détachée Les
mains dans les poches ne manifeste pas d’autre valeur circonstancielle que
celle d’une caractérisation d’attitude exprimée par le seul signifié du
segment Les mains dans les poches, et que pourrait exprimer tout prédicat
qualificatif du même ordre (ex. : Décontractée/Soucieuse/L’air hagard, etc.,
Caroline se rend au Royal Palace). En revanche, dans Les mains dans les
poches, Caroline n’a pu faire le geste qui l’aurait sauvée, cette
caractérisation comportementale marquée par la construction détachée
s’enrichit d’une circonstance de cause (« C’est parce qu’elle avait les mains
dans les poches que Caroline n’a pu faire le geste qui l’aurait sauvée »). La
circonstance n’est pas ici une valeur sémantique intégrée à la construction,
elle est construite par le contexte de l’énoncé, dont l’interprétation
sélectionne naturellement la causalité, parmi les valeurs possibles, comme
relation sémantique entre Les mains dans les poches et la prédication
principale. Dans ces deux exemples, l’incidence de la construction détachée
n’a pas varié. Celle-ci a pour support Caroline, comme en témoigne sa
substitution possible par un adjectif au féminin. Mais, il apparaît clairement
que dans le second cas la portée de cette construction s’exerce sur
l’ensemble de la prédication principale, puisque c’est le syntagme verbal de
cette prédication qui appelle une interprétation causale du procès.
La portée d’une construction détachée peut être toutefois plus complexe.
Dans cette phrase, extraite des Mots de Jean-Paul Sartre, Clandestin, je fus
vrai, on note que, décontextualisé, Clandestin semble diriger
l’interprétation vers la concession de manière à éviter le paradoxe (« bien
que clandestin »). Replacé dans le contexte de l’œuvre, Clandestin appelle
pourtant une interprétation orientée vers la causalité paradoxale (« parce
que j’étais clandestin »). La portée est donc ici nettement bilatérale. Elle
s’exerce à la fois vers la droite (vers la prédication principale) et vers la
gauche (vers le contexte verbal qui précède cet énoncé).
Le mécanisme sémantique de la portée, comme pourrait également en
témoigner le fonctionnement des connecteurs (et, mais, car, quant à, etc.),
ne saurait donc être réduit au seul cadre phrastique. Contrairement à
l’incidence, que l’on détermine grâce à des marques de dépendance
morphosyntaxique, la portée, à proprement parler, n’a pas de réalité
formelle. Elle peut résulter du sens lexical des unités concernées, de leur
environnement prédicatif, ou d’un choix de parcours interprétatif.
Voir aussi : Incidence, Prédicat/prédication.

Position ☞ Place/position.
Pragmatique. La pragmatique est un domaine qui occupe une place
particulière dans les sciences du langage, dans la mesure où elle est tout à la
fois un carrefour de disciplines (un point de rencontre de la linguistique
énonciative, de la sémantique textuelle, de la sémiotique, de l’analyse
conversationnelle, des sciences de la communication, des sciences
cognitives) et une composante du système de signes que forme la langue.
On peut définir très simplement et de manière générale la pragmatique, à la
suite de Jacques Moeschler et Anne Reboul (Dictionnaire encyclopédique
de pragmatique), comme l’étude de l’usage du langage par les locuteurs,
par distinction avec l’étude du système linguistique. Elle s’intéresse, par
exemple, aux signes qui ne peuvent recevoir d’interprétation qu’en
contexte, aux aspects non vériconditionnels de l’énoncé, à la fonction
actionnelle du langage, par l’étude de ce que la philosophie analytique a
appelé les actes de langage, donc à ce qui est signifié par le langage verbal
au-delà de ce que littéralement les mots signifient, ainsi qu’aux stratégies
interprétatives de l’allocutaire. On mesure ainsi la complexité des relations
de la pragmatique avec la linguistique, et plus particulièrement avec la
sémantique, qui a donné lieu au développement parallèle de deux
conceptions du domaine, une pragmatique dite intégrée à la sémantique, et
une pragmatique dite radicale, c’est-à-dire autonome.
Voir aussi : Acte de langage, Contexte/cotexte, Coopération, Encodage/décodage,
Implicature, Inférence, Interprétation, Pertinence, Rôle/valeur.

Prédicat/prédication. La prédication est une opération de mise en


relation de deux termes dont le rôle grammatical est nettement distinct :
d’une part, un constituant en position de sujet (ex. : Caroline fait du vélo),
d’autre part, un constituant en position de prédicat (ex. : Caroline fait du
vélo). Cette opération peut être tenue pour une opération de construction de
la phrase.
L’opposition sujet/prédicat apparaît chez les philosophes grecs de
l’Antiquité pour décrire l’opération universelle d’expression du jugement
selon laquelle une propriété (le prédicat) est attribuée à une substance (le
sujet), jugement formulé par ce que la logique appelle proposition, c’est-à-
dire un énoncé susceptible d’être déclaré vrai ou faux. Cette structure a
priori du jugement, fondée sur un binarisme logique, est un concept qui est
passé du discours philosophique au discours grammatical, et qui s’est
imposé dans l’analyse syntaxique au prix d’une simplification souvent
abusive des faits linguistiques (voir, par exemple, la précieuse présentation
historique de la notion proposée par Pierre Le Goffic, dans Grammaire de
la phrase française). L’attribution d’une propriété à une substance comme
universel du jugement a en effet longtemps impliqué la recherche, dans
toute unité propositionnelle, d’une structure de type sujet + verbe copule
(c’est-à-dire verbe de liaison attributive, comme être) + attribut. Ce qui, par
exemple, conduit les grammairiens de l’époque classique à paraphraser les
propositions du discours qui ne coïncident pas avec ce schéma : ex. : Dieu
aime les hommes est paraphrasé par Dieu est aimant les hommes dans La
Logique ou l’art de penser d’Antoine Arnauld et Pierre Nicole. En dépit de
ces analyses peu probantes, et malgré le développement considérable de la
grammaire des fonctions dans la seconde moitié du XIXe et au début du
XX siècles, qui a entraîné la multiplication des catégories fonctionnelles
e

(ex. : sujet, attribut, complément d’objet, complément circonstanciel,


apposition, etc.), les notions de prédicat et de prédication restent des notions
cruciales en syntaxe.
On définit en général le prédicat comme le constituant central de la
phrase puisque c’est cet élément qui exprime la prédication. Le prédicat est
donc censé être syntaxiquement indépendant, et former le noyau de la
phrase. Il peut être de nature verbale (ex. : Gordon feuillette le journal), et
regroupe en ce cas non seulement les constituants du syntagme verbal,
c’est-à-dire le verbe et le ou les arguments qu’il régit (voir Argument), mais
il peut aussi s’ouvrir aux compléments non essentiels (ex. : Caroline a pris
le train à huit heures). Il peut être également de nature non verbale (ex. :
Devant, les filles, derrière, les garçons ; trois et deux, cinq ; sympa, la
soirée !). On notera toutefois que l’opposition sujet/prédicat ne saurait à elle
seule rendre compte de la complexité des structures syntaxiques. Certains
constituants de la phrase peuvent être en position extraprédicative. C’est le
cas, par exemple, des adverbes extraposés placés en tête (ex. : Sincèrement,
je ne sais pas), dont la portée s’exerce sur l’ensemble de la relation
prédicative (voir Portée). De même, on parle de prédication seconde dans
le cas des constructions qui expriment, à l’intérieur de la phrase, un contenu
phrastique. La notion s’applique entre autres aux tours du type Caroline a
les yeux verts, dans lesquels le verbe avoir manifeste un sens attributif et un
comportement de verbe copule, et où s’observe un amalgame de deux
propositions dont l’une, de forme réduite (les yeux verts), forme un prédicat
second dépendant d’une prédication de rang supérieur. Les constructions
détachées, comme les appositions (ex. : Malade, Caroline est restée chez
elle), sont d’autres cas de prédication seconde, dans lesquels le segment
détaché prédicatif prend appui sur un des arguments de la prédication
principale.
On veillera à ne pas confondre la notion de prédicat, qui relève d’une
approche grammaticale de la phrase, avec la notion de rhème (voir Thème/
rhème), qui s’inscrit dans le cadre d’une analyse informationnelle de
l’énoncé. De même, on évitera la confusion entre prédication et
prédicativité (voir Prédicativité), qui décrit, chez Gustave Guillaume, un
aspect de la nature du signifié des mots.
Voir aussi : Argument, Phrase, Portée, Prédicativité.

Prédicativité. La prédicativité est définie, chez Gustave Guillaume,


comme la faculté qu’a un mot de dire quelque chose de quelque chose.
Cette notion repose sur l’intuition, qui remonte à l’Antiquité, selon laquelle
certains mots ont une capacité prédicative que d’autres ne manifestent pas,
intuition matérialisée dans les grammaires par les distinctions du type :
mots principaux/mots accessoires, mots pleins/mots vides, mots
lexicaux/mots grammaticaux, etc. En fondant son opposition sur la nature
du signifié matériel du mot, c’est-à-dire sur la notion qu’il véhicule,
Guillaume distingue des parties de langue prédicatives (substantif, adjectif,
adverbe, verbe), dont la matière notionnelle ressortit à l’événement relaté
par la phrase, conceptualisant ainsi les données de l’expérience humaine ;
des parties de langue non prédicatives (pronom, article, préposition,
conjonction), dont la matière notionnelle ressortit au mécanisme de
l’événement qu’est la phrase elle-même, transcendant ainsi les données de
l’expérience humaine pour ne saisir, de manière réflexive, que l’acte de
langage qui est actualisé par cette expérience.
On sait la difficulté qu’il y a à définir des mots grammaticaux comme à,
de, en, que, etc., généralement décrits dans les dictionnaires par leur
fonctionnement grammatical et non par leur signifié, alors qu’en tant que
signes linguistiques ils doivent pouvoir faire l’objet d’une analyse tout à la
fois formelle et sémantique. Bien sûr, la fréquence des transferts catégoriels
en discours interdit de tenir pour absolue cette délimitation entre unités
prédicatives et non prédicatives. C’est ce dont témoigne par exemple
l’auxiliarisation verbale, qui manifeste une dématérialisation notionnelle du
mot (une désémantisation), appelée subduction chez Guillaume : par
exemple, aller dans Je vais répondre, avoir dans J’ai parlé, être dans Je
suis parti, pouvoir dans Il pouvait être huit heures, etc. présentent un
signifié subduit, autrement dit ils se signalent par une perte de prédicativité,
ce qui en fait des auxiliaires (avoir, être) ou des semi-auxiliaires (aller,
pouvoir). Les faits de dérivation impropre témoignent également de la
perméabilité des frontières de la prédicativité, par exemple dans le cas de la
substantivation de conjonctions ou de prépositions (ex. : des si et des mais,
le pour et le contre).
Voir aussi : Dérivation, Grammème/ lexème, Incidence, Langue/discours, Stemma
(translation).

Présupposé ☞ Inférence.
Proclise ☞ Clitique.
Progression thématique. Un texte n’est pas une suite de phrases, c’est
une séquence linguistique formant une unité informationnelle, qui, pour être
reconnue comme telle par l’interprétation, doit satisfaire au moins à deux
règles fondamentales de la cohésion discursive (voir Cohésion/cohérence) :
la règle de continuité référentielle, qui assure une forme de permanence
thématique minimale dans le texte (voir Thème/rhème), et la règle de
progression des informations. Un texte ne saurait en effet, sans rompre avec
ce principe de cohésion, développer la même information d’une phrase à
l’autre, pas plus qu’il ne saurait faire varier l’objet du discours à chaque
phrase, puisque dans ce dernier cas les éléments informatifs, ancrés sur un
support informationnel sans cesse renouvelé, interdiraient toute dynamique
et donc toute progression. La notion de progression thématique, telle qu’elle
a été développée par Bernard Combettes (Pour une grammaire textuelle –
La progression thématique), recouvre ces deux règles de la cohésion du
texte.
On recense le plus souvent trois schémas de progressions thématiques,
que des masses textuelles étendues peuvent solliciter en alternance. Dans la
progression linéaire (ou évolutive) tout ou partie du rhème (Rh) d’une
phrase ou d’un groupe propositionnel autonome constitue l’origine du
thème (Th) de l’unité suivante, selon le modèle : Phrase 1 : Th1 → Rh1 ;
Phrase 2 : Th2 (= Rh1) → Rh2 ; Phrase 3 : Th3 (= Rh2) → Rh3, etc. (ex. :
Dans le jardin, il y a un arbre. Sur l’arbre, il y a des feuilles. Sous les
feuilles, il y a des oiseaux). Cette structure, très marquée, souligne
l’enchaînement des faits narrés ou décrits, mais elle se rencontre aussi dans
un cadre argumentatif.
La progression à thème constant se caractérise par la reprise d’un même
référent en poste thématique de phrases ou de propositions successives,
selon le modèle : Phrase 1 : Th1 → Rh1 ; Phrase 2 : Th1 → Rh2 ; Phrase 3 :
Th1 → Rh3, etc. (ex. : Les choucas sont voisins de la corneille. Ces
corvidés sont de taille moyenne. Ils vivent surtout en montagne). Ici, la
chaîne de référence, qui en général s’agence textuellement en chaîne
anaphorique (voir Chaîne de référence), est constituée par les unités les
choucas, ces corvidés, ils.
La progression à thèmes dérivés fait jouer un hyperthème, qui occupe
soit un poste thématique (Th = hyperthème), soit un poste rhématique (Rh
= hyperrhème), et qui est soit explicite, soit contextuellement inférable. Cet
hyperthème constitue le point d’ancrage d’une chaîne de sous-thèmes (Th),
selon le modèle : Phrase 1 : Th1 (= hyperthème) → Rh1 (ou Th1 → Rh1
= hyperthème) ; Phrase 2 : Th2 → Rh2 ; Phrase 3 : Th3 → Rh3, etc. (ex. :
Cadet Rousselle a trois garçons. L’un est voleur. L’autre est fripon. Le
troisième est un peu ficelle).
Voir aussi : Cohésion/cohérence, Thème/rhème.

Prosodie. L’étude du signifiant phonétique et acoustique décrit des faits


qui relèvent de deux domaines distincts : le domaine segmental, qui
correspond à la deuxième articulation du langage, c’est-à-dire aux suites
d’unités minimales non significatives mais distinctives, indécomposables en
segments successifs de niveau inférieur ; et le domaine suprasegmental, qui
est celui des faits produits par la linéarité de la chaîne parlée, et où
s’observent des phénomènes de nature diverse liés au regroupement des
unités segmentales. La phonologie étudie le domaine segmental. La
prosodie étudie le domaine suprasegmental, autrement dit les combinaisons
de phonèmes réalisées à l’intérieur d’unités immédiatement supérieures à la
deuxième articulation du langage. L’unité fondamentale du domaine
suprasegmental est la syllabe, dont la prosodie décrit les traits liés à
l’intensité, à la hauteur et à la durée. On classe généralement parmi les faits
prosodiques l’accentuation, le rythme, la mélodie, l’intonation, les pauses,
la quantité, les tons. La fonction de ces faits dans le discours peut être selon
les cas une fonction de distinction, permettant, par exemple, d’opposer deux
mots de même signifiant par la variation en intensité, en hauteur ou en
durée des voyelles, une fonction de délimitation des constituants de
l’énoncé, les syllabes accentuées établissant des frontières de groupes
intonatifs, une fonction significative, assumée par les intonèmes (schémas
mélodiques correspondant à une unité énonciative), par exemple dans
l’énoncé interrogatif, injonctif, parenthétique, vocatif, etc., et une fonction
expressive, liée à l’accent d’insistance.
Voir aussi : Double articulation, Phonétique, Phonologie, Son, Syllabe.

Protase/apodose. La protase, du grec protasis, est, littéralement, « ce qui


est posé en avant ». La notion désignait à l’origine chez les rhétoriciens
grecs le membre initial d’une période. En grammaire, la protase est le
premier élément d’une structure binaire, conditionnant le second élément.
Par exemple, dans une structure du type proposition
hypothétique + proposition principale (ex. : Si Gordon était ton avocat, tu
perdrais ton procès), la subordonnée en si, qui pose la condition, constitue
la protase.
On appelle apodose, du grec apodosis, littéralement « ce qui est donné
après », le second élément de cette structure binaire, qui correspond à la
proposition principale et qui énonce la conséquence de la condition
exprimée dans la protase. En rhétorique, la notion de protase désigne la
partie ascendante de la courbe mélodique d’une phrase, et la notion
d’apodose la partie descendante de cette courbe, le point d’inflexion étant
formé par l’acmé, c’est-à-dire le sommet.
Voir aussi : Hypotaxe, Parataxe, Période, Phrase, Prosodie.

Prothèse. Variété de métaplasme réalisée par l’addition d’un phonème


non étymologique à l’initiale d’un mot : ex. : [ε] dans escarole [εskɑRɔl],
variante de scarole.
Voir aussi : Épenthèse, Métaplasme, Phonème.

Prototype. La notion sémantique de prototype, issue de la psychologie et


de la philosophie du langage, a été introduite en linguistique pour remettre
en cause la théorie classique de la catégorisation sémantique, qui repose sur
la notion de condition nécessaire et suffisante (CNS). La théorie des CNS
développe l’idée selon laquelle un objet, pour appartenir à une catégorie,
doit présenter les propriétés communes aux membres de cette catégorie. La
notion de prototype est, quant à elle, fondée sur le critère du meilleur
représentant de la catégorie. Un objet appartient ou n’appartient pas à une
catégorie selon son degré de ressemblance avec l’exemplaire tenu pour le
plus représentatif de l’ensemble de la catégorie, et désigné par le terme de
prototype.

Exemple

Dans le cas de la catégorie oiseau, le moineau sera considéré comme


plus proche de cet exemplaire que l’autruche ou le manchot, ce qu’une
enquête faite auprès d’un groupe de locuteurs permet par exemple de
confirmer. Le prototype d’une catégorie (ici le moineau pour la
catégorie oiseau) est donc l’objet que l’on se représente comme le
point central de la catégorie, une sorte de repère cognitif, qui aide à
penser les objets du monde et leurs relations de manière globale, sans
en passer par l’examen analytique des propriétés.

Intuitivement, selon le principe du moindre effort cognitif, tout sujet


construit les catégories, autrement dit organise les informations dont il
dispose sur le monde, en fonction de ces degrés de typicité. La notion de
prototype introduit donc l’idée de vérité relative, ou de flou, en sémantique
lexicale.
Voir aussi : Sémantique, Sème.

Puissance/effet. Gustave Guillaume distingue deux plans dans l’acte de


langage : le plan de la puissance et le plan de l’effet. Le plan de la puissance
est celui où s’élaborent les formes de langue et leur valeur fondamentale.
Le plan de l’effet est celui de l’expression de ces formes en discours, et des
valeurs liées à leur actualisation. Dans cette perspective, la langue est
pensée comme une puissance à laquelle le discours est nécessairement
subordonné, et dont il manifeste un effet en opérant un choix dans un
ensemble de potentialités. Par exemple, l’article est, pour Guillaume, un
signe linguistique qui a vocation à faire passer le nom du plan de la
puissance, donc de la langue (ex. : arbre : idée nominale), au plan de l’effet,
donc du discours (ex. : C’est l’arbre dont je t’ai parlé : idée nominale
actualisée, manifestant une valeur spécifique liée à cette actualisation, et qui
constitue un effet de sens conditionné par le signifié de puissance du nom
arbre).
Voir aussi : Actualisation, Langue/discours, Temps opératif.

Radical ☞ Base.
Récursivité. La récursivité est la propriété de ce qui peut être répété de
façon indéfinie. En morphologie et en syntaxe, par exemple, qui sont deux
domaines linguistiques où la notion est fréquemment exploitée, la
récursivité désigne plus particulièrement la possibilité de réitérer la même
règle de construction sur le résultat qu’elle vient de produire. En
morphologie lexicale, la récursivité s’observe dans la formation par
dérivation et par composition. Par exemple, la série profession
> professionnel >professionnaliser > professionnalisation est un cas de
dérivation récursive ; le mot informatique (« traitement automatique de
l’information »), qui est à l’origine un mot-valise formé par le télescopage
des mots information et automatique, a donné naissance au verbe
informatiser, sur lequel a été formé le substantif informatisation. Dans tous
ces cas, un même phénomène s’observe : l’unité lexicale, une fois
construite (par dérivation ou composition), fournit, comme le ferait un mot
simple, la base d’une autre unité lexicale dérivée ou composée. En syntaxe,
certaines structures manifestent cette propriété récursive, comme la
coordination, la subordination relative, la détermination nominale par le
syntagme prépositionnel : ex. : le libraire → la femme [du libraire] → la
sœur [de la femme [du libraire]], etc.; la femme [du frère [du libraire [de
l’avenue Foch]], etc. En syntaxe formelle (générative), la récursivité
permet d’engendrer un nombre a priori infini de phrases.
➲ Remarque
On notera que si le nombre des constituants enchâssés dans les structures dotées d’un
mécanisme récursif est a priori infini, il ne l’est pas de fait. Cette impossibilité s’explique
par les limites que fixe, implicitement, le principe d’économie sur lequel repose la
communication linguistique. Il ne faut pas confondre la récursivité avec la récursion, qui
désigne un mode particulier d’articulation des consonnes.
Voir aussi : Acceptabilité, Compétence/performance, Composition, Dérivation.

Référence/référent. La référence est généralement définie comme la


relation qui unit une expression linguistique en emploi dans un énoncé avec
« l’objet du monde » qui est désigné par cette expression. On appelle
référent cet « objet du monde ». Par exemple, dans C’est la plage dont je
t’ai parlé, le syntagme la plage peut être décrit comme une expression
référentielle désignant un « objet du monde », en l’occurrence un lieu, qui
s’inscrit dans un réel dit « extralinguistique ». Partant du fait que c’est par
le moyen de leur sens lexical que les signes linguistiques sont unis à leur
référent, Jean-Claude Milner a proposé de distinguer d’une part la référence
actuelle, qui décrit l’acte de référence réalisé au moyen de l’expression en
emploi dans le discours, et la référence virtuelle, qui décrit le sens lexical de
l’expression permettant d’accomplir cet acte de référence : « Une unité
lexicale ne peut avoir de référence actuelle que si elle est employée ; hors
emploi, elle ne peut évidemment comporter que les conditions d’une
éventuelle référence actuelle, c’est-à-dire sa référence virtuelle » (Jean-
Claude Milner, Ordres et raisons de langue).
Cette approche « extralinguistique » du référent, qui facilite la
description lorsqu’elle porte sur des énoncés non contextualisés, pose en
fait bien des problèmes lorsque l’on réintroduit le contexte dans l’analyse.
À commencer par le problème de l’existence du référent. Référer à un objet
implique l’existence de cet objet même dans le cas des objets imaginaires,
qui ne sont pas moins que d’autres susceptibles de désignation. Mais pour
leur ouvrir la référence, on est tenu d’étendre la notion aux mondes
possibles. La réalité n’est plus en ce cas préexistante au discours mais
construite par le discours. Le monde réel devient, dans cette perspective,
une conceptualisation car le « monde » n’est jamais qu’un monde perçu,
c’est-à-dire une représentation. Les classes d’objets et leurs propriétés sont
en fait celles que la conscience délimite. On retiendra que la notion de
référence gagne en consistance si on la décrit comme un ensemble de
phénomènes liés à la référenciation. La référenciation est un acte qui
consiste à saisir les objets du monde (physiques ou conceptuels), et à les
présenter en discours.
Voir aussi : Chaîne de référence, Contexte/cotexte, Coréférence, Endophore/exophore,
Extralinguistique, Saillance.
Référent ☞ Référence/référent.
Régulateur ☞ Interaction verbale.
Rhème ☞ Thème/rhème.
Rôle/valeur. L’opposition rôle/valeur prend son sens dans le cadre de la
théorie des espaces mentaux, développée par Gilles Fauconnier (Espaces
mentaux), théorie qui s’inscrit dans la perspective d’une sémantique
cognitive, dont l’objectif n’est pas d’explorer les rapports entre le langage
et le monde mais de décrire le lien entre le langage et les constructions
mentales des partenaires de la communication. Les espaces mentaux sont
des domaines construits par le discours à partir d’indices linguistiques ou
pragmatiques, et structurés par des rôles et des relations. Cette théorie s’est
attachée particulièrement à traiter le problème de la pluralité des points de
vue dans l’énoncé. Par exemple, dans Caroline a rêvé qu’elle était Arthur et
que ses parents lui offraient un piano, la question se pose de savoir qui est
désigné par ses parents (ceux de Caroline ou ceux d’Arthur ?) et par lui
(Caroline ou Arthur ?). S’agit-il des référents du monde réel ou des
référents du monde rêvé ?
Le point de départ de la théorie des espaces mentaux est la fonction
pragmatique, par laquelle on peut passer d’un espace à un autre. Fauconnier
décrit cette fonction de la manière suivante. Si deux objets a et b sont liés
par une fonction pragmatique F (appelée connecteur), une description de a
(déclencheur de la référence) peut servir à identifier b (cible de la
référence). Soit l’énoncé, emprunté à Fauconnier, illustrant un fait de
référence indirecte, George Sand est sur l’étagère de gauche, énoncé dans
lequel George Sand est le déclencheur, et les livres écrits par George Sand
la cible. C’est une fonction pragmatique qui permet de produire cet énoncé,
en vertu du fait que le connecteur F relie l’écrivain à ses livres.
➲ Remarque
Parmi les nombreuses applications linguistiques de la notion d’espaces mentaux, on
notera que l’opposition déclencheur/cible permet d’expliquer certaines particularités de la
pronominalisation des expressions nominales de référence.
indirecte. Dans le cas de l’énoncé de Fauconnier, par exemple, on observe que, selon que
l’anaphorique renvoie au déclencheur ou à la cible, la pronominalisation s’effectue par il
(George Sand est sur l’étagère de gauche, il est relié en cuir) ou par elle (George Sand est
sur l’étagère de gauche, elle écrit divinement bien)

Dans ce cadre conceptuel, les notions de rôle et de valeur facilitent le


traitement de certains aspects du problème linguistique des descriptions
définies (voir Désignateur rigide, Description définie). On appelle rôles des
éléments constitutifs des espaces mentaux (temps, lieux, situations, etc.). Le
rôle prend sa valeur parmi les constituants des espaces qui ont la propriété
indiquée par l’expression nominale qui décrit le rôle. Soit l’énoncé Le
président de la République française se rendra à Rome vendredi. La
description définie Le président de la République française exprime à la
fois une fonction de rôle et une valeur de rôle. Cette valeur est susceptible
de varier selon les paramètres précisés plus haut. En 2016, on attribuera au
rôle décrit, dans l’énoncé précédent, par Le président de la République
française (déclencheur de la référence) la valeur « François Hollande »
(cible de la référence). La modification du paramètre temporel pourrait
aboutir à l’attribution d’une autre valeur. Le lien entre le rôle et la valeur est
une fonction pragmatique, c’est-à-dire que la connexion entre ces éléments
est établie par la construction mentale d’un espace élaboré par l’énonciateur
et le destinataire de l’énoncé. Les espaces peuvent être introduits dans le
discours par des expressions linguistiques, appelées introducteurs
d’espaces, de nature et de sens très divers : ex. : pour ce qui concerne X,
dans l’ouvrage de X, selon X, X croit/dit/rêve que, en 1999, au printemps
1975, etc. Lorsqu’un espace n’est pas spécifié par un introducteur, il est
identifié, par défaut, à celui de l’énonciateur.
Voir aussi : Acte de langage, Description définie, Désignateur rigide, Énoncé/énonciation,
Pertinence, Polyphonie, Pragmatique, Référence/référent.
S

De Saillance à Syntaxe

Saillance. La notion de saillance est employée en sémantique du discours


pour décrire le statut de centralité de certains référents dans la conscience
de l’énonciateur. Un référent est saillant s’il s’impose à l’attention.
Certaines entités représentées dans le discours sont pensées comme plus
centrales ou plus pertinentes que d’autres ; elles jouissent par conséquent
d’une accessibilité référentielle plus importante. On peut distinguer une
saillance locale et une saillance cognitive. Un référent est saillant
localement s’il vient d’être évoqué et qu’il est encore présent dans la
conscience de l’énonciateur, ou bien si, dans la situation de communication,
il s’impose à l’attention des interlocuteurs par ses propriétés perceptives
(visuelle, auditive, olfactive, etc.). Un référent est saillant cognitivement s’il
relève de connaissances ou de représentations conceptuelles qui sont
présumées partagées par l’énonciateur et par le destinataire du discours. La
notion de saillance est particulièrement utile pour décrire le fonctionnement
des anaphores. Par exemple, les anaphores associatives, qui présupposent
que leur référent est identifiable alors qu’il n’a pas été mentionné dans le
discours (ex. : On est arrivé dans un village, l’église était fermée) reposent
sur le phénomène de saillance cognitive.
Voir aussi : Chaîne de référence, Contexte/cotexte, Coréférence, Endophore/exophore,
Référence/référent.
Saturation. La notion de saturation s’emploie principalement en syntaxe
et en sémantique pour signifier que la position d’un constituant prévue par
une structure linguistique est effectivement occupée par une occurrence de
ce constituant. On dira ainsi d’un verbe comme manger, qui est divalent
parce qu’il se construit avec deux actants (voir Actant et Valence), que sa
structure actancielle est saturée dans Caroline mange une pomme, et qu’elle
insaturée dans Caroline mange. Dans ce dernier cas, la position de second
actant (le complément d’objet) est inoccupée, mais cela ne compromet pas
pour autant l’emploi du verbe. On dit, de même, du morphème ça qu’il est
faiblement saturé, voire insaturé au plan sémantique, car son signifié est des
plus indigents. Phénomène qui ne contrarie pas nécessairement sa saturation
référentielle en discours, puisque ce morphème désignatif peut être employé
par exemple comme pronom anaphorique pour reprendre un référent bien
délimité du contexte verbal (ex. : Ce café, ça me réchauffe), ou bien
employé comme signe exophorique pour désigner un référent seulement
accessible dans le cadre de la situation de communication (ex. : à propos de
la pluie, Ça tombe !).
Voir aussi : Actant, Endophore/ exophore, Occurrence/type, Référence/référent, Valence.

Sémantème ☞ Sème.
Sémantique. Le substantif sémantique désigne un domaine de la
linguistique qui prend pour objet d’étude le sens et les interprétations des
unités significatives de la langue et de leur combinaison dans le discours.
On parle, par exemple, de sémantique lexicale, de sémantique phrastique,
de sémantique textuelle, etc., pour distinguer les différents niveaux
d’analyse où s’exerce cette étude. L’adjectif sémantique qualifie, quant à
lui, tout ce qui a trait au sens et aux interprétations des unités significatives
et de leur combinaison. Dans sa présentation du domaine de la sémantique
(Vocabulaire des sciences cognitives, article « Sémantique »), François
Rastier distingue quatre approches dominantes de la problématique du sens,
correspondant à diverses étapes dans l’évolution de la discipline. La
sémantique logique étudie les conditions de vérité des énoncés (voir
Vériconditionnalité), et définit le sens comme une relation de dénotation
entre des signes linguistiques et des entités du monde, qu’il s’agisse d’un
monde réel ou d’un monde possible. Elle s’exerce principalement au niveau
de la phrase. La sémantique logique, qui a évolué en sémantique formelle,
décrit le sens en langue à partir des langages formels de la logique. La
sémantique linguistique autonome définit le sens comme une relation
linguistique entre des signifiés, qu’elle explore entre autres au moyen de la
notion de trait distinctif empruntée à la phonologie structurale (voir Sème).
La sémantique psychologique définit le sens comme une relation entre des
signes linguistiques et des opérations mentales. Ses applications ont, entre
autres, abouti à des théories de la compréhension des textes, et de la
typicalité (voir Prototype). La sémantique cognitive adopte également un
point de vue mentaliste, mais elle oriente surtout l’étude du sens vers des
questions relatives à l’expérience et à la conscience, en cela elle rejoint la
phénoménologie. On notera que la question du sens et de l’interprétation ne
saurait être réduite à la combinatoire des unités significatives, car, sur ce
point, le système linguistique n’est pas séparable de l’usage qui en est fait
par les locuteurs. En cela, dans le champ des disciplines du langage, la
sémantique se trouve nécessairement dans une relation d’étroite connexité
avec la pragmatique.
Voir aussi : Analycité, Antonymie, Autonymie, Classifiance/ non-classifiance, Champ
sémantique, Coréférence, Désignateur rigide, Encodage/décodage, Endophore/exophore,
Énoncé/énonciation, Extension/intension, Extralinguistique, Holonymie/méronymie,
Homonymie/ polysémie, Hyponymie/hyperonymie, Inférence, Interprétabilité, Interprétation,
Isotopie, Pragmatique, Référence/référent, Rôle/valeur, Sème, Sens/ signification,
Vériconditionnalité.

Sémasiologie ☞ Champ sémantique.


Sème. L’analyse dite sémique (ou componentielle chez les linguistes
américains, adjectif formé à partir de components, « composants ») est un
mode d’analyse du sens lexical qui s’est développé en sémantique
structurale vers le milieu du XXe siècle. Cette sémantique définit le sens
comme un rapport linguistique entre signifiés, signifiés qu’elle décrit en
adoptant la notion de trait distinctif empruntée à la phonologie structurale.
L’objectif de cette analyse est donc de déterminer la substance sémantique
d’un morphème ou d’un mot par l’étude comparée, c’est-à-dire
différentielle, des signifiés dans un ensemble lexical donné constituant un
corpus.
Le sème est la plus petite unité de signification définie par l’analyse.
N’étant pas susceptible d’une réalisation indépendante, le sème est toujours
réalisé à l’intérieur d’un signifié. Il constitue un trait distinctif de
signification. On appelle sémème l’ensemble des sèmes d’un morphème ou
d’un mot, autrement dit le signifié de cette unité lexicale. Soit les noms
chien et chienne : le sémème de chien est composé entre autres des sèmes
/non humain/, /animé/, /mâle/ ; le sémème de chienne est composé entre
autres des sèmes /non humain/, /animé/, /non mâle/. La comparaison
sémique de ces deux mots fait apparaître le sème /mâle/ comme un sème
permettant d’établir une distinction sémantique entre ces deux mots. On
appelle archisémème l’ensemble des sèmes qui sont communs à plusieurs
sémèmes. Dans l’exemple précédent, les sèmes /non humain/ et /animé/
constituent l’archisémème des noms chien et chienne.
Les sèmes peuvent être dénotatifs, c’est-à-dire qu’ils peuvent relever du
système linguistique, et contribuer de manière stable à la définition du mot.
On parle en ce cas de sèmes inhérents. Les sèmes peuvent être connotatifs,
c’est-à-dire qu’ils peuvent relever de normes sociales ou individuelles sans
perdre pour autant de leur valeur distinctive. On parle en ce cas de sèmes
afférents. Ainsi dans bagnole, pour reprendre un exemple utilisé par
François Rastier (Sémantique interprétative), le sème connotatif /vulgarité/
s’ajoute au sème dénotatif /véhicule/. Ce sème connotatif est actualisé dans
tous les contextes, ce qui maintient sa valeur distinctive et confirme son
identité sémique.
L’analyse sémique distingue deux types de sèmes dénotatifs : les sèmes
génériques, qui renvoient à des catégories générales communes à plusieurs
ensembles lexicaux, et qui jouent souvent un rôle syntaxique, et les sèmes
spécifiques, qui permettent de distinguer des sémèmes proches. Ainsi, les
mots timbale et gobelet ont pour sèmes génériques les traits /non animé/,
/comptable/, /concret/, traits qui se retrouvent dans bien d’autres
groupements lexicaux, et qui les rendront incompatibles avec certains
verbes ou certains adjectifs. Dans la série orange, pêche, pomme, les sèmes
/avec noyau/, /peau comestible/, par exemple, sont des sèmes spécifiques
dans la mesure où ils permettent d’établir une distinction entre ces trois
sémèmes voisins. On appelle classème l’ensemble des sèmes génériques
d’un sémème, et sémantème l’ensemble des sèmes spécifiques.
Voir aussi : Isotopie, Phonologie, Sémantique, Sens/signification.
Sémème ☞ Sème.
Sémiologie ☞ Signe, signifiant, signifié.
Sémiotique ☞ Signe, signifiant, signifié.
Sens/signification. La distinction entre sens et signification dans le
discours linguistique français remonte au XVIIIe siècle. Nicolas Beauzée
distingue en effet entre la signification, qui correspond au sens primitif du
mot (sens propre), et le sens, qui correspond aux acceptions dérivées de
cette signification fondamentale (sens figuré). Aujourd’hui, chez les
linguistes français, la distinction sens/signification est encore exploitée,
mais elle donne lieu à des définitions contradictoires dans la mesure où le
choix de tel ou tel de ces deux termes pour identifier le phénomène
sémantique concerné reste tout à fait arbitraire. Quoi qu’il en soit, on doit
principalement retenir de cette distinction qu’elle vise à marquer la
différence de valeur d’un mot en langue et en discours (voir
Langue/discours). Dans Je pars demain, les unités lexicales ainsi organisées
signifient, de manière tout à fait accessible à l’interprétation, que le locuteur
dit qu’il partira le lendemain du jour où il produit cet énoncé. Si les mots
signifient cela, pour autant ils ne disent pas grand-chose, dans la mesure où
on ne sait rien de l’identité du locuteur, et où, ignorant le moment de son
énonciation, on ne saurait fixer précisément le repère temporel de l’adverbe
demain. Entre ce que les mots signifient en langue, valeur qui rend la
phrase accessible, et ce qu’ils signifient en discours, où l’énoncé requiert
pour être interprété un surcroît d’informations situationnelles, il y a une
différence fondamentale. C’est cette différence que souligne l’opposition
sens/signification. On parle généralement de la signification d’une phrase et
du sens d’un énoncé. Dans cette perspective, la signification d’un mot peut
être alors tenue pour un type et son sens pour une occurrence de ce type
(par exemple une acception). Si d’autres analyses assignent à ces deux
notions des valeurs exactement contraires, il semble toutefois s’être dégagé
un relatif consensus autour de l’emploi de ces deux termes lorsqu’ils entrent
en opposition. Lorsque l’analyse sémantique n’oppose pas sens et
signification, on peut tenir ces deux mots pour des synonymes.
Voir aussi : Énoncé/énonciation, Interprétation, Langue/discours, Occurrence/type.

Séquence ☞ Interaction verbale.


Signe/signifiant/signifié. Chez Ferdinand de Saussure, la langue est
définie comme un ensemble systématisé de signes (voir Langue/discours,
Langue/langage). La spécificité du signe linguistique est d’unir d’une part
une image acoustique, et d’autre part un concept. Ainsi, le mot livre [livR]
peut-il être décrit comme un signe linguistique : il est formé d’une part
d’une suite de phonèmes à l’oral, qui constitue son image acoustique, c’est-
à-dire sa forme concrète, représentée secondairement à l’écrit par la suite
des graphèmes (le signifiant) ; d’autre part d’une composante notionnelle,
qui constitue son concept (le signifié). Le signifiant et le signifié forment
pour Saussure une entité biface, définie par une relation de réciprocité : le
signifiant présuppose le signifié, lequel présuppose le signifiant. Outre cette
réciprocité, le signe linguistique, décrit par Saussure, présente deux
caractéristiques fondamentales. Le signe est arbitraire en ce qu’aucun lien
de motivation n’unit cette image à ce concept. La structure phonologique du
mot livre n’est pas immotivée, car elle peut s’expliquer par l’évolution
phonétique du mot. De même, le concept de livre ne saurait être tenu pour
un artefact. Mais le signifié du mot livre pourrait être tout aussi bien
représenté par une autre suite de phonèmes. Le lien qui unit le signifiant au
signifié résulte donc d’une convention tacite entre les locuteurs d’une même
langue, qui se trouve établie du fait même de l’usage de la langue. Enfin, le
signifiant est linéaire en ce que l’articulation des phonèmes à l’oral, et la
suite des graphèmes à l’écrit, sont deux opérations nécessairement
subordonnées à la successivité, successivité temporelle à l’oral, successivité
spatiale à l’écrit.

➲ Remarque
On notera que Saussure établit en outre une distinction entre la signification du signe
linguistique, qui résulte de l’association du signifiant et du signifié, et sa valeur : « Le
français mouton peut avoir la même signification que l’anglais sheep, mais non la même
valeur, et cela pour plusieurs raisons, en particulier parce qu’en parlant d’une pièce de
viande apprêtée et servie sur la table, l’anglais dit mutton et non sheep. La différence de
valeur entre sheep et mouton tient à ce que le premier a à côté de lui un second terme, ce
qui n’est pas le cas pour le mot français » (Cours de linguistique générale, deuxième
partie, chap. IV). La valeur du signe linguistique, considérée dans son aspect conceptuel
ou matériel, est fournie par les relations différentielles que le signe entretient avec les
autres signes du système de la langue.

On appelle sémiotique (Charles Sanders Peirce, Charles Morris, Rudolf


Carnap, Algirdas-Julien Greimas, Umberto Eco, etc.), ou sémiologie
(Ferdinand de Saussure, Louis Hjelmslev, Roland Barthes, etc.) la science
générale des signes.
Voir aussi : Double articulation, Langue/discours, Langue/ langage, Phonologie.

Signifiant ☞ Signe/signifiant/signifié.
Signification ☞ Sens/signification.
Signifié ☞ Signe/signifiant/signifié.
Sociolecte. La notion de sociolecte sert à désigner les normes sociales qui
sont à l’œuvre dans la production du discours. En sémantique des textes,
particulièrement dans les travaux de François Rastier, on appelle sociolectes
des types de discours instaurés par ces normes. Dans cette perspective, un
sociolecte correspond à une pratique sociale du langage verbal (judiciaire,
politique, religieux, etc.), que matérialisent un lexique et un type textuel
spécifiques (par exemple, la plaidoirie).
Voir aussi : Idiolecte.

Son. Un son est une onde en déplacement qui provoque une sensation
perçue par l’oreille. Dans le cas de la production des sons du langage (ou
phonation, c’est-à-dire émission des phones), cette sensation est produite
par la vibration des cordes vocales.
Les critères d’évaluation d’un son sont la durée de son émission, son
intensité, qui est déterminée par l’amplitude du mouvement vibratoire, sa
hauteur, qui est déterminée par la fréquence de la vibration (une fréquence
rapide produit un son perçu comme aigu, une fréquence lente un son perçu
comme grave), et son timbre, c’est-à-dire sa qualité ou encore sa couleur.
Selon le mode de vibration, un son peut être simple ou complexe,
périodique ou non périodique. Le son simple est en fait un son pur, dénué
de couleur spécifique. C’est, par exemple, le cas du son produit par le
diapason. Le son complexe est composé d’une part, de ce que l’on appelle
le fondamental, c’est-à-dire le son qui est produit par la vibration du corps
vibrant dans son entier (c’est le son le plus grave de la série dans un son
complexe) ; d’autre part, de ce que l’on appelle les harmoniques ou
partiels, c’est-à-dire les sons qui sont produits par la vibration des
différentes parties du corps vibrant. Les sons de la parole sont des sons
complexes. Certains sont produits par des vibrations périodiques, lorsque
l’onde manifeste une certaine rythmicité, ce qui est le cas des sons
vocaliques (ou voyelles). Certains sont produits par des vibrations non
périodiques, c’est-à-dire aléatoires, ce qui est le cas des sons
consonantiques (ou consonnes).
Les sons de la parole constituent l’objet d’étude de la phonétique.
Voir aussi : Phonème, Phonétique, Phonologie.

Sous-entendu ☞ Inférence.
Statif. Du latin stativus, « qui reste en place », de stare, « être debout,
immobile », « être maintenu ». Le terme statif sert à décrire principalement
une propriété aspectuelle des verbes, caractérisée par la dénotation d’un
état. Les verbes statifs, par distinction avec les verbes dynamiques, dénotant
une action (verbes d’activité, d’accomplissement et d’achèvement, dans la
classification de Zeno Vendler), sont incompatibles avec les périphrases
progressives du type être en train de, par exemple Elle connaît la solution
(*Elle est en train de connaître la solution).
Voir aussi : Aktionsart, Aspect, Télique.

Stemma. Dans son ouvrage posthume Éléments de syntaxe structurale


(1959), auquel sont empruntés la plupart des exemples et schémas ci-
dessous, Lucien Tesnière développe un modèle d’analyse de la phrase, la
syntaxe de dépendance, qui repose sur les rapports existant entre l’ordre
linéaire des mots dans la chaîne parlée (celle-ci se présente comme une
ligne) et l’ordre structural, qui lui est sous-jacent (la manière dont les mots
entrent en connexion les uns avec les autres lors de la mise en phrase).
Parler une langue, c’est transformer l’ordre structural en ordre linéaire.
Comprendre et décrire une langue, ce qui est le travail du linguiste, c’est
transformer l’ordre linéaire en ordre structural, de manière à rendre
explicites ses principes d’organisation. Pour ce faire, Tesnière a élaboré la
notion de stemma, qui désigne une représentation graphique de type
arborescent. Le stemma indique le réseau des dépendances qui affectent les
constituants d’une phrase. Tesnière appelle ce réseau la « hiérarchie des
connexions ». Chaque connexion unit un terme supérieur ou régissant à un
terme inférieur ou subordonné. Dans le stemma, la connexion est
représentée par un trait vertical ou oblique, selon le nombre des
subordonnés.

Exemple

Soit la phrase : Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Son ordre
structural est décrit par le stemma suivant :

Tout terme régissant, commandant un ou plusieurs subordonnés, est


appelé nœud. Il peut lui-même être en position de subordonné d’un
régissant qui lui est supérieur (ex. : ruisseaux, rivières). Le nœud
formé par le terme régissant qui commande tous les subordonnés est
appelé nœud central (ex. : font). On peut ainsi noter que l’unité de la
phrase est marquée par le fait qu’il n’existe qu’un seul terme qui ne
connaisse aucune forme de dépendance et qui se place par conséquent
au sommet de la hiérarchie des connexions : le nœud central, formé en
général par le verbe.
Mais contrairement à l’ordre linéaire, qui ne connaît qu’une
dimension, l’ordre structural est pluridimensionnel, car il est marqué
par plusieurs types de relations entre les constituants phrastiques.
Outre la relation de dépendance, illustrée plus haut, on doit prendre en
considération la relation d’équivalence fonctionnelle (ou jonction),
correspondant à ce que la grammaire décrit de la langue par les termes
de coordination et de comparaison, et la relation de reprise (anaphore).
Le stemma représente la première par un trait horizontal, et la seconde
par un trait en pointillés. Soit la phrase : Alfred et Bernard aiment leurs
parents. Son ordre structural est décrit par le stemma suivant :

En dehors des relations de dépendance, on peut noter ici la relation


d’équivalence fonctionnelle entre Alfred et Bernard, représentée par le
marqueur de jonction et, ainsi que la relation de reprise entre leurs,
d’une part, et Alfred et Bernard, d’autre part.

Le modèle théorique de Tesnière décrit également la corrélation qui


s’établit entre la classe morphologique du constituant et sa fonction de
régissant ou de subordonné, celle-ci étant dans une large mesure
conditionnée par celle-là. Ce qui conduit Tesnière à distinguer des mots
« pleins », pouvant occuper la fonction de régissant et donc la position de
nœud (les verbes prédicatifs, les substantifs, les adjectifs, les pronoms
disjoints, du type moi, les adverbes prédicatifs, du type maintenant), et des
mots « vides », n’ayant pas accès à cette fonction (les verbes auxiliaires, les
déterminants, les pronoms conjoints, du type je, les adverbes non
prédicatifs, du type très, les prépositions, les conjonctions).
Or cette distinction ne permet pas de traiter l’instabilité catégorielle
frappant certaines espèces de mots, lesquelles peuvent être amenées à
remplir en discours un rôle fonctionnel qui ne leur est pas dévolu par leur
classe initiale. Tesnière aborde cette question au moyen de la théorie de la
translation. La translation consiste à transférer un mot « plein » d’une
classe à une autre (ex. : Le rouge de son chapeau est différent du rouge de
sa robe : l’adjectif rouge est transféré dans la classe du substantif). Le
linguiste décrit deux types de translations. La translation du premier degré
concerne des unités de même rang, c’est-à-dire des constituants de la
phrase, et non pas le nœud verbal régissant la phrase dans son entier : par
exemple rouge → le rouge. Ce qui peut être représenté par le stemma
suivant (au-dessus du trait horizontal figure le résultat de la translation ; au-
dessous de ce trait figurent, à droite l’unité faisant l’objet de la translation, à
gauche le terme translatif) :

La translation du second degré concerne le nœud verbal conjugué et tous


les termes qui lui sont subordonnés, autrement dit une phrase entière. Il y a
ici un changement de rang syntaxique, puisque le nœud verbal régissant et
ses expansions se comportent comme une espèce de mot intégré à un nœud
supérieur, par exemple dans Gordon sait que Nelly a des enfants, que Nelly
a des enfants (proposition subordonnée actancielle, selon Tesnière) est
l’équivalent fonctionnel d’un substantif. Ce qui peut être représenté par le
stemma suivant :
On le voit, ce type de translation permet de traiter le cas de la
subordination.
Voir aussi : Actant, Analyse en constituants immédiats, (ACI) Incidence, Phrase,
Syntagme, Valence.

Structure profonde/structure de surface ☞ Transformation.


Subduction ☞ Prédicativité.
Syllabe. Les sons du langage, ou phones, se regroupent en unités
rythmiques pulsionnelles, c’est-à-dire fondées par une seule émission de
souffle. Ces unités, les syllabes, sont formées d’un noyau audible minimal,
généralement constitué d’un son vocalique. C’est entre autres le cas du
français, dont les voyelles peuvent former à elles seules des unités
syllabiques : ex. : [u] dans ouvrir [uvRiR]. On distingue des syllabes
ouvertes, les plus fréquentes en français, qui se terminent par une voyelle
articulée (ex. : sabot [sɑ+bo]), et des syllabes fermées, qui se terminent par
une ou plusieurs consonnes articulées (ex. : facteur [fak+tœR]). On appelle
coupe syllabique, ou joncture interne, la frontière, ici marquée par le signe
[+], entre deux syllabes. On recense de nombreux types de structures
syllabiques en français. La structure CV, c’est-à-dire consonne-voyelle, est
de loin la plus répandue (ex. : pas [pɑ], beau [bo], couler [ku+le]). Voir
Phonème, Phonétique, Phonologie, Prosodie, Son.

Synchronie/diachronie. L’opposition synchronie/diachronie a été


introduite en linguistique par Ferdinand de Saussure, au début du XXe siècle,
pour distinguer deux ordres de phénomènes relatifs aux faits de langue. La
notion de synchronie désigne un état de langue, étudié sans référence à
l’évolution de cette langue dans le temps, c’est-à-dire sans prise en compte
des étapes successives du développement qui ont conduit à l’état considéré.
Saussure qualifie de synchronique tout ce qui se rapporte à l’aspect statique
de la science du langage. La linguistique synchronique étudie donc la
langue comme un système en soi, en décrivant les relations entre les
constituants de ce système, sans en passer par une explication historique,
dont elle n’a que faire puisque le phénomène synchronique est un rapport
entre des faits simultanés. Selon Saussure, la succession historique des faits
de langue pour un sujet parlant est inexistante. Le sujet parlant est confronté
à un état, qui est pour lui la seule réalité linguistique, et le linguiste, doit,
pour comprendre cet état, ignorer ce qui l’a produit. On doit noter que la
description synchronique peut s’exercer sur un état de langue contemporain,
comme sur un état de langue ancien. La notion de diachronie désigne
l’évolution des faits de langue, c’est-à-dire leur changement d’un moment
de l’histoire à l’autre. La linguistique diachronique étudie donc le
changement des constituants du système de la langue dans le temps. Pensée
d’abord par Saussure comme l’étude des faits isolés, et donc à cet égard
faiblement explicative, la linguistique diachronique a par la suite été
étendue à la description historique des composants phonologique,
morphosyntaxique et lexicosémantique de la langue. Elle est actuellement
dans une phase de développement et de renouvellement.
Voir aussi : Langue/langage, Variation.

Syncope. Variété de métaplasme réalisée par la suppression d’un ou


plusieurs phonèmes à l’intérieur d’un mot. Ex. : çui-là [sɥilɑ], pour celui-là
[səlɥilɑ].
Voir aussi : Aphérèse, Apocope, Métaplasme, Phonème.

Synonymie. La synonymie est une relation sémantique fondée sur une


similarité de signifiés entre des signifiants distincts. Au plan logique, elle
est définie comme une implication réciproque (ex. : Si X est un défunt, X est
un mort ; exemple emprunté à Pierre Lerat, dans Sémantique descriptive).
Les synonymes sont des mots réputés substituables, sans modification
sémantique de l’énoncé où ils sont employés (ex. : mari/époux, mourir/
décéder, sommeiller/somnoler, etc.). Cette similarité de signifiés est souvent
présentée comme pouvant être totale ou partielle. En fait, le lien étroit dans
le signe linguistique entre le signifié et le signifiant rend la synonymie
totale, qui est indifférente au contexte, pratiquement inobservable en
discours. Car si deux lexèmes peuvent manifester une référence similaire,
l’effet sémantique produit par chacun d’eux ne révélera pas la même
situation énonciative. Dépendante d’une définition stable du sens, qui reste
à construire, la synonymie apparaît comme une notion aux contours mal
déterminés.
Voir aussi : Antonymie, Contexte/cotexte, Sens/signification, Signe/ signifiant/signifié.

Syntagme. Un syntagme est une suite de morphèmes qui forme un


constituant de la proposition (ou de la phrase) et qui est organisé autour
d’un noyau. Le groupe ainsi formé exerce les mêmes fonctions syntaxiques
que son noyau. Le syntagme nominal (SN) est organisé autour d’un nom
actualisé, qui peut être expansé par un élément modifieur comme une
épithète, une proposition relative ou un complément déterminatif
prépositionnel (ex. : la maison bleue, la maison qui est sur la colline, la
maison de ses parents). Le syntagme verbal (SV) est organisé autour d’un
verbe et des compléments qu’il régit (ex. : Gordon demande un
renseignement à Nelly). Le syntagme adjectival (SA) est organisé autour
d’un adjectif, qui peut être expansé par un modifieur adverbial ou
prépositionnel (ex. : très heureux, très heureux de le connaître). Le
syntagme prépositionnel est un ensemble constitué d’une préposition ou
d’une locution prépositionnelle et de son régime nominal (ex. : pour la vie,
en dépit de ces obstacles). L’identification des syntagmes se fait au moyen
des procédures de commutation, d’addition et de déplacement.
Voir aussi : Analyse en constituants immédiats (ACI), Commutation, Distribution, Double
articulation, Morphème, Mot, Phrase, Récursivité, Stemma, Syntaxe, Transformation.

Syntaxe. Le terme syntaxe désigne tout à la fois l’organisation des mots et


des groupes de mots dans la phrase (le bas latin syntaxis, formé sur le grec
suntaxis, signifie « ordre, arrangement des mots »), et l’étude de cette
organisation, laquelle repose sur l’élaboration de modèles théoriques dont la
fonction est de proposer des hypothèses explicatives et des systèmes
d’analyse des structures syntaxiques. Dans le champ linguistique, le
domaine de la syntaxe, méthodologiquement disjoint de la morphologie et
de la sémantique, bien qu’en étroite corrélation avec ces deux composants,
s’intéresse, entre autres, aux critères d’agencement dans la phrase des
parties du discours (ou classes de mots), aux procédés de décomposition et
de construction de la phrase, selon les cadres théoriques, à la structure des
syntagmes, à la question de la place et de la position des constituants dans
la phrase simple et à leurs relations fonctionnelles, aux relations
interpropositionnelles dans la phrase complexe, etc.
➲ Remarque
On notera qu’en linguistique contemporaine, le statut d’unité syntaxique maximale conféré
à la phrase est fréquemment remis en question. Ce qui conduit certains linguistes à
considérer deux niveaux d’analyse distincts : le niveau microsyntaxique, qui correspond à
l’articulation des morphèmes et des syntagmes, c’est-à-dire aux unités de rang inférieur ou
égal à la phrase simple, et le niveau macrosyntaxique, qui correspond aux unités de rang
égal ou supérieur à la phrase simple, et dont le fonctionnement est de nature à la fois
syntaxique, sémantique et pragmatique.

Voir aussi : Actant, Analyse en constituants immédiats (ACI), Argument, Clause,


Commutation, Compétence/performance, Contrôle, Distribution, Double articulation,
Focalisation, Grammaticalité, Hypotaxe, Incidence, Macrosyntaxe, Parataxe, Période,
Phrase, Place/position, Pointage, Portée, Prédicat/prédication, Prédicativité, Récursivité,
Stemma, Syntagme, Transformation, Valence.
T-U-V-Z

De Télique à Zéro

Télique. Du grec telos, teleos, « fin, but », et teleios, « complet, achevé ».


Dans sa typologie aspectuelle des verbes (Linguistics in Philosophy, 1967),
qui sert de fondement à la réflexion linguistique sur cette question, Zeno
Vendler propose quatre classes : les verbes statifs*, dénotant un état (aimer,
connaître, savoir, etc.), les verbes dénotant une activité (courir, danser,
nager, etc.), les verbes dénotant un accomplissement (dessiner quelque
chose, lire quelque chose, tuer, etc.), les verbes dénotant un achèvement
(arriver, mourir, terminer, etc.).
Ces trois dernières classes sont fréquemment regroupées dans une
catégorie de verbes dits dynamiques, par opposition aux verbes statifs. Les
verbes dynamiques se distinguent selon leur télicité. Les verbes téliques
expriment un événement borné par une limite terminale, généralement fixée
par l’accession à un état résultant de l’action. Cette télicité (but à atteindre)
est représentée dans les verbes dénotant un accomplissement (télicité
durative, marquant le développement d’un processus) et dans les verbes
dénotant un achèvement (télicité ponctuelle, incompatible avec les
circonstants du type pendant une heure).
Les verbes statifs et les verbes d’activité sont atéliques, ils ne comportent
pas cette limite terminale, et sont donc incompatibles avec les circonstants
du type en une heure.
Voir aussi : Aktionsart, Aspect, Statif.
Temps opératif. Pour Gustave Guillaume, la pensée en exercice, et l’acte
de langage, qui est défini comme le passage incessant de la langue au
discours, inscrivent nécessairement le paramètre temporel dans leur
fonctionnement. Ce temps, infinitésimal mais effectif, est dit opératif parce
qu’il conditionne l’opération de pensée et de langage. Il est fréquemment
représenté par un vecteur, c’est-à-dire un axe unidirectionnel figurant de
manière linéaire la durée de l’opération.
Voir aussi : Langue/discours, Puissance/effet.

Texte ☞ Discours/texte.
Thème/rhème. L’opposition thème/rhème est une opposition de nature
informationnelle, qui vise à distinguer dans l’énoncé, d’une part le support
de l’information (le thème), ou encore, dans une perspective
psycholinguistique, ce qui au moment de l’énonciation appartient déjà au
champ de la conscience et figure comme « donné », d’autre part
l’information qui est communiquée à propos de ce support (le rhème).
Thème et rhème opposent donc des degrés informationnels très différents :
le thème, informationnellement faible, correspond au constituant de
l’énoncé qui reçoit le degré le moins élevé de la dynamique
communicationnelle ; le rhème, informationnellement fort, est la partie de
l’énoncé qui reçoit le degré le plus élevé de cette dynamique. Soit l’énoncé
À huit heures, Caroline est allée au théâtre, formant une réponse à la
question Que s’est-il passé à huit heures ? Le degré le plus élevé de
l’information porte sur la section Caroline est allée au théâtre, qui forme
par conséquent la partie rhématique de l’énoncé, en appui sur un support
thématique (À huit heures), qui évoque une réalité déjà actualisée dans la
conscience des partenaires de l’échange, et qui à cet égard ne produit pas
d’informations. Toutefois, pour être véritablement opératoire, l’opposition
thème/rhème doit être évaluée en contexte. Imaginons que l’énoncé
précédent réponde à la question Qu’a fait Caroline à huit heures ? La
répartition des informations dans l’énoncé sera nécessairement interprétée
de manière différente, et seule la section est allée au théâtre sera analysée
comme rhématique.
L’intérêt de cette approche informationnelle de l’énoncé, développée
principalement par les linguistes du Cercle de Prague vers les années
soixante, dans le cadre de la « Perspective Fonctionnelle de la Phrase », ne
doit pas dissimuler les sérieuses difficultés d’identification des éléments
thématiques et rhématiques. On notera en outre que la terminologie sur
cette question est des plus instables (thème/rhème, thème/propos, thème/
commentaire, topique/commentaire, donné/nouveau, etc.). L’usage actuel
(voir Anne-Claude Berthoud, Paroles à propos) semble réserver la notion
de thème à l’analyse informationnelle conduite au niveau phrastique (thème
phrastique), et celle de topique à l’analyse conduite au niveau discursif
(thème discursif). On veillera à ne pas confondre l’opposition thème/ rhème
avec l’opposition sujet/prédicat, de nature grammaticale.
Voir aussi : Cohésion/cohérence, Contexte/cotexte, Discours/texte, Énoncé/énonciation,
Phrase, Prédicat/prédication, Progression thématique.

Tour de parole ☞ Interaction verbale.


Transformation. Dans le cadre théorique de la grammaire générative et
transformationnelle, tel qu’il a été exposé par Noam Chomsky, le domaine
syntaxique est organisé en deux composantes : d’une part la composante
syntagmatique, qui forme un ensemble de règles de réécriture engendrant
des structures abstraites, dites structures profondes, ou sous-jacentes (par
exemple, la règle P → SN + SV, c’est-à-dire « une phrase se réécrit en
syntagme nominal plus syntagme verbal ») ; d’autre part, la composante
transformationnelle, qui forme un ensemble de règles destinées à convertir
les structures profondes en structures de surface afin d’obtenir une phrase
grammaticale. Les transformations sont donc des opérations strictement
formelles de permutation, de substitution et d’addition. Elles régissent
également la répartition des morphèmes flexionnels, en assurant le respect
des règles d’accord, et elles impriment à la phrase sa structure modale. Une
fois ces transformations réalisées, l’analyse aboutit à une structure de
surface qui doit encore être soumise aux règles morphophonologiques.
Certaines transformations sont obligatoires, comme celles qui portent sur
les morphèmes flexionnels pour régler les accords. D’autres sont
facultatives, comme les transformations négative, interrogative et passive,
dans la mesure où on peut faire le choix de ne pas les appliquer à la phrase
noyau. On distingue encore des transformations unaires, ou singulières, qui
portent sur une suite de la structure profonde (par exemple, la
transformation passive), et des transformations binaires, ou généralisées,
qui portent sur plusieurs suites de la structure profonde (par exemple, la
transformation relative, qui aboutit à la constitution d’une phrase
complexe).
Voir aussi : Analyse en constituants immédiats (ACI).

Translation ☞ Stemma.
Transparent ☞ Opaque/transparent.
Type ☞ Occurrence/type.
Univers de croyance. La notion sémantique d’univers de croyance
repose sur l’idée que la vérité langagière (par distinction avec la vérité
objective) est une vérité prise en charge par un sujet parlant. C’est donc une
vérité relative. Ce qui est vrai pour un locuteur ne l’est pas nécessairement
pour un autre. Quel que soit le degré d’adéquation entre son contenu
propositionnel et le réel, toute assertion manifeste ainsi sa propre vérité, qui
prend sa valeur à l’intérieur d’un univers dont le locuteur est le garant. La
notion d’univers de croyance est donc une notion purement théorique, que
l’on peut définir comme l’ensemble des propositions, explicitées ou non,
que le locuteur tient pour vraies, pour plus ou moins vraies, voire pour
possiblement vraies au moment de l’énonciation. Cet univers peut être
actuel ou virtuel. Une proposition appartient à mon univers de croyance
actuel si je peux effectivement lui attribuer une valeur de vérité. Ainsi, si je
me suis penché sur la question, la proposition Le 14 juillet 2050 est un
mardi appartient à mon univers de croyance actuel dans la mesure où je
peux dire qu’elle est vraie ou fausse (exemple emprunté à Robert Martin,
Pour une logique du sens). Une proposition appartient à mon univers de
croyance virtuel si, bien que ne pouvant effectivement lui attribuer une
valeur de vérité, je peux néanmoins déterminer ses conditions de vérité.
Ainsi, dans le cas de la proposition précédente, si je ne me suis jamais
penché sur la question, je ne peux pas dire si cette proposition est vraie ou
fausse. Toutefois, elle est pour moi tout à fait intelligible, et je peux
aisément préciser ce qui permettrait de dire qu’elle est vraie ou fausse (si le
quatorzième jour de juillet 2050 tombe le deuxième jour de la semaine, elle
est vraie). Cette proposition appartient à mon univers de croyance virtuel,
mais elle n’appartient pas à mon univers de croyance actuel. Les
propositions qui n’appartiennent ni à l’univers actuel ni à l’univers virtuel
du locuteur sont des propositions inintelligibles ou absurdes. Si je ne
connais rien au langage informatique, la proposition Un octet est une unité
d’information de 8 bits est pour moi inintelligible. La proposition Pour
s’envoler, le pigeon prend appui sur ses pattes de derrière est absurde parce
qu’elle présuppose une proposition analytiquement fausse dans tous les
mondes possibles, Les pigeons sont quadrupèdes.
Voir aussi : Acceptabilité, Analycité, Interprétabilité, Vériconditionnalité.

Valence. La notion syntaxique de valence, fondée sur une conception


verbocentriste de la phrase, a été empruntée par Lucien Tesnière (Éléments
de syntaxe structurale) au vocabulaire de la chimie, où elle sert à désigner
le nombre de liaisons d’un atome avec d’autres atomes dans une
combinaison. En linguistique, elle désigne le mode de construction des
verbes (ou voix), selon le nombre d’actants qu’ils sont susceptibles de régir
(voir Actant). La valence décrit donc la structure actancielle du verbe. Dans
la mesure où les positions actancielles d’un verbe ne sont pas toutes
nécessairement saturées en discours (voir Saturation), cette structure doit
être tenue pour théorique ; elle témoigne d’une sorte de capacité d’accueil
maximale qui peut être toutefois augmentée par certains faits
d’auxiliarisation. Tesnière, à qui nous empruntons les exemples qui suivent,
distingue tout d’abord les verbes avalents, ou sans actant, qui correspondent
aux verbes impersonnels (ex. : Il pleut, Il neige), et des verbes monovalents,
ou à un actant, qui correspondent aux verbes intransitifs (ex. : Alfred tombe,
Alfred sommeille). À l’intérieur de la catégorie des verbes transitifs
divalents, ou à deux actants, plusieurs structures sont à considérer,
structures que Tesnière appelle diathèses (ou sous-voix) : la diathèse active
(ex. : Alfred frappe Bernard) ; la diathèse passive (ex. : Bernard est frappé
par Alfred) ; la diathèse réfléchie (ex. : Alfred se regarde dans un miroir) ;
la diathèse réciproque (ex. : Alfred et Bernard s’entretuent). Les verbes
trivalents, ou à trois actants, affichent un mode de transitivité non plus
simple, mais complexe, combinable avec la diathèse passive ; on rencontre
ici, pour l’essentiel, des verbes « de dire » et « de don » (ex. : Alfred
demande/ donne un renseignement à Charles, Le renseignement est
demandé/donné par Alfred à Charles). Enfin, ce système est complété par
deux types de diathèses susceptibles de faire varier le nombre des actants.
D’une part, la diathèse causative, qui permet d’augmenter d’une unité la
structure actancielle d’un verbe au moyen de l’auxiliaire de valence faire
(ex. : avalent → monovalent : La condensation de la vapeur d’eau fait
pleuvoir ; monovalent → divalent : Bernard fait tomber Alfred ; divalent →
trivalent : Charles fait frapper Alfred par Bernard ; trivalent → tétravalent,
ou à quatre actants : Daniel fait donner le livre à Alfred par Charles).
D’autre part, la diathèse récessive, qui permet de diminuer d’une unité le
nombre des actants. Ce qui, selon Tesnière, est le cas entre autres lorsque
l’opération s’effectue avec un marquant réfléchi ou passif, emploi
correspondant en français à ce que la grammaire traditionnelle appelle les
verbes pronominaux de sens passif, dans lesquels le morphème se n’a
aucune autonomie grammaticale (ex. : La porte s’ouvre, Cet objet se vend
bien).
Voir aussi : Actant, Argument, Prédicat/prédication, Saturation.

Valeur ☞ Rôle/valeur.
Variation. On observe des différences dans l’usage d’une langue qui
s’expliquent par des déterminations politiques, géographiques ou
socioculturelles. Par exemple, la prosodie et les structures syntaxiques
usuelles du discours d’un paysan de la Drôme sont susceptibles d’être assez
distinctes de celles qui s’expriment dans le discours d’un lycéen de la
banlieue parisienne. Ce sont ces différences (phonologiques,
morphologiques, syntaxiques, lexicosémantiques), fréquemment classées en
registres de langue, qui sont visées par la notion de variation linguistique.
Certains sujets parlants sont amenés à pratiquer des systèmes linguistiques
différents. Ce que la science du langage identifie par exemple au moyen des
notions de bilinguisme (deux langues sont pratiquées sans prééminence de
l’une sur l’autre) et de diglossie (deux langues sont pratiquées mais elles
sont hiérarchisées pour des raisons sociopolitiques : l’une est véhiculaire,
c’est la langue officielle, d’usage public, culturellement valorisée, l’autre
est vernaculaire, c’est une langue d’usage privé, d’emploi restreint, moins
valorisée culturellement). Cette situation de bilinguisme ou de diglossie
peut conduire, par la mise en contact de systèmes linguistiques différents
chez un locuteur, à des interférences touchant la prononciation, le
vocabulaire, la syntaxe. La variation linguistique peut donc être motivée par
de telles interférences. Elle peut aussi être étrangère à ce phénomène et
trouver sa justification dans des déterminations plus spécifiquement
culturelles ou sociales. Mais, pour autant, elle ne saurait être limitée aux
différences langagières intersubjectives. Tout sujet parlant manifeste cette
capacité de variation linguistique, qu’il met en œuvre selon les besoins de la
communication. À cet égard, on doit toujours être attentif dans l’analyse
aux nuances sémantiques et pragmatiques des variantes utilisées. Dans cette
perspective, il convient de distinguer entre la variation et le changement,
qui désigne l’évolution diachronique d’un fait de langue.
Voir aussi : Synchronie/ diachronie.

Verbe support. Les verbes supports présentent la particularité de


construire, avec un complément nominal prédicatif, voire avec un adjectif
ou un syntagme prépositionnel, une forme verbale complexe dont le
fonctionnement sémantique équivaut à celui d’un verbe simple. Par
exemple, les verbes donner, faire, mettre, prendre, etc., connaissent un
emploi standard dans lequel se maintiennent leur sens lexical et leur
capacité à régir les relations actancielles (ex. : donner un renseignement,
faire le ménage, mettre son manteau, prendre quelqu’un par la main, etc.) ;
ils connaissent aussi un emploi comme supports de noms prédicatifs, dans
lequel ils subissent une désémantisation et une neutralisation de leur
aptitude à structurer à eux seuls les relations actancielles (ex. : donner lieu,
faire le point, mettre un terme, prendre la fuite, etc.). Dans ce dernier cas,
c’est au constituant nominal, conjointement avec son support, qu’il revient
d’exprimer l’idée verbale et d’organiser la valence (voir Valence). Les
constructions à verbe support se prêtent en effet au même mode de
complémentation que les verbes ordinaires (intransitivité : ex. : prendre la
fuite = fuir ; transitivité simple : ex. : mettre un terme à un conflit
= terminer ; transitivité complexe : ex. : faire cadeau de quelque chose à
quelqu’un = offrir).
Voir aussi : Actant, Prédicat/prédication, Prédicativité, Valence.

Vériconditionnalité. La vériconditionnalité est une notion de sémantique


logique qui postule que le sens d’un énoncé est subordonné aux conditions
dans lesquelles la proposition qu’il contient peut être dite vraie ou fausse.
Dans cette perspective, un énoncé a du sens s’il est possible de déterminer
ces conditions. La phrase Une paupière pavée paradait presbytéralement
est dépourvue de sens parce que sa vériconditionnalité ne peut être établie ;
elle ne peut être dite vraie ni fausse. L’énoncé Les freins de ma voiture ont
été refaits est pourvu de sens parce que sa vériconditionnalité peut être
établie ; il sera dit vrai ou faux selon ce que la confrontation avec le réel,
autrement dit avec l’expérience, fera apparaître (les exemples sont
empruntés à Robert Martin, Pour une logique du sens). L’interprétation
vériconditionnelle d’un énoncé n’est pas dépendante de la probabilité de
son contenu propositionnel. Une assertion exprimant un procès dont la
réalisation est improbable comme J’achète une voiture neuve tous les
vendredis à 15 heures doit être bien sûr tenue pour un énoncé pourvu de
sens, puisque ce qui est exprimé ici ne porte pas atteinte à la
vériconditionnalité de la proposition. Les conditions dans lesquelles celle-ci
peut être dite vraie ou fausse restent déterminables.
Voir aussi : Acceptabilité, Analycité, Grammaticalité, Interprétabilité, Univers de croyance.

Zéro. Le mot zéro est utilisé comme caractérisant (ex. : déterminant zéro,
forme zéro, marque zéro, morphème zéro, signifiant zéro, etc.) pour décrire
l’absence significative d’un élément linguistique, absence fréquemment
notée [Ø]. Cette notion ne peut s’appliquer qu’à des unités formant un
système, et dont la liste est close. Elle est donc irrecevable dans les cas
d’absence d’éléments linguistiques formant des séries ouvertes. Par
exemple, on ne parlera pas d’adjectif zéro ou d’épithète zéro dans L’enfant
joue. L’absence d’adjectif qualifiant enfant n’est pas un mode spécifique de
qualification nominale s’opposant à tel ou tel autre mode de qualification
nominale. Il n’y a donc pas ici à proprement parler d’absence significative
d’élément linguistique. On parle, en revanche, de morphème zéro ou de
marque zéro en morphologie flexionnelle (voir Flexion), pour décrire, par
exemple, la réalisation de certaines désinences verbales. Ainsi, le présent de
l’indicatif, par opposition avec l’imparfait, fait-il apparaître une désinence
temporelle zéro : ex. : vous parlez [pɑRle], base verbale + morphème de
personne ; vous parliez [pɑRlje], base verbale + morphème de temps
+ morphème de personne. De même, la notion de désinence zéro, dans la
catégorie du genre, peut-elle être employée parfois pour décrire la
morphologie orale et/ou écrite de certains adjectifs au masculin : ex. : un
volet clos [klo] ; une porte close [kloz].
La notion de morphème zéro est également requise pour décrire le
fonctionnement des déterminants. Elle implique l’hypothèse selon laquelle
le déterminant zéro a une fonction spécifique en syntaxe, qui le distingue,
par exemple, de l’article un. Soit la paire lexicale sauveur/sauveteur,
généralement analysée de la manière suivante : un sauveur est une personne
qui a nécessairement sauvé quelqu’un, un sauveteur peut n’avoir sauvé
personne car sauveteur décrit une fonction selon laquelle se trouve
reconnue la capacité d’une personne à sauver quelqu’un. Sauveur désigne
donc une propriété qui entre dans la définition même du sujet à qui cette
dénomination s’applique. C’est une propriété interne, marquant une durée,
un état permanent. Le mot reçoit donc une interprétation stative. Sauveteur
désigne une propriété externe donnée au sujet. C’est une étiquette marquant
un état non permanent, subordonné à un événement. Le mot reçoit donc une
interprétation agentive. Lélia Picabia (dans Langue française no 125), à qui
nous empruntons les exemples suivants, a montré que cette opposition de
propriétés (interne/externe) est marquée en français par l’opposition des
déterminants Ø et un. Les noms qui désignent des propriétés internes,
stables, s’actualisent plutôt avec un (ex. : Paul est un sauveur/Paul est
sauveur). Les noms qui désignent des propriétés externes, contingentes,
s’actualisent plutôt avec Ø (ex. : Paul est un sauveteur/Paul est sauveteur).
Ceci se confirme dans les cas où le prédicat nominal est expansé par un
adjectif. Un prédicat nominal marquant une propriété externe, et recevant
une expansion adjectivale (ou équivalente) à valeur distinctive, s’actualise
avec le déterminant zéro (ex. : Paul est sauveteur alpin/en mer). Si ce
même prédicat nominal est expansé par un adjectif à valeur non plus
distinctive mais descriptive (évaluative), le déterminant zéro est impossible,
la propriété sera interprétée comme interne et donc comme définitionnelle
du sujet (ex. : Paul est un sauveteur émérite/ *Paul est sauveteur émérite).
Voir aussi : Flexion, Langue/discours, Morphème, Référence/référent.
Indications bibliographiques

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Les linguistiques du détachement (avec D. Apothéloz et B. Combettes),
Berne, Peter Lang, 2009.
Au commencement était le verbe. Syntaxe, sémantique, cognition
(avec P. Blumenthal, N. Le Querler), Berne, Peter Lang, 2011.
Relations, connexions, dépendances, (avec N. Le Querler, E. Roussel),
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012.
La Linguistique de la contradiction (avec P. Larrivée, J. François,
D. Legallois), Berne, Peter Lang, 2013.

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