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Université Mohamed Boudiaf – M’sila Faculté des Lettres et des Langues Département des Lettres et langue française

Module : Sémiologie Niveau : Master 1 (SDL) Dre. HADJAB Lamia

SEMESTRE I

I. Introduction à la sémiologie

La sémiologie est une discipline récente, bien qu’elle utilise des intuitions et des concepts fort
anciens. Elle s’est développée simultanément en Europe, aux États-Unis et en Union soviétique au
XXe siècle.

I.3. Aperçu historique sur la sémiologie

Selon Le Petit Robert, le terme « sémiologie » apparut pour la première fois dans la langue
française vers 1752. Il dérive du grec sémion qui signifie « signe » et logos, c’est-à-dire « discours,
science ». Ensuite, vers 1855, Émile Littré avait introduit le terme de « sémiologie » (ou
séméiologie) dans le domaine de la médecine. Pour la première fois, ce terme a été inventé par le
médecin et philosophe grec Hippocrate. La sémiologie médicale est la branche de la médecine qui
s’intéresse à étudier les symptômes et les signes des maladies, ainsi que la façon de les relever et de
les présenter afin de poser un diagnostic. Pour le médecin et lexicographe français Émile Littré, le
terme sémiologie est lié à la médecine, en tant que domaine d’étude des symptômes. Pour ce qui
concerne les sciences humaines et sociales, on trouve que le linguiste suisse Ferdinand de Saussure
(1857/1913) était le premier en Europe à avoir utilisé le terme « sémiologie », au début du XXe
siècle dans son sens de « science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale » (Saussure,
1990, [1916], p. 33). Ainsi, la sémiologie est envisagée comme une science générale qui formerait
une partie de la psychologie sociale dont la linguistique n’est qu’une partie. Saussure avait toujours
rappelé que l’homme communique certes avec la langue, mais aussi avec de multiples signes tels
que « les rites symboliques, les formes de politesse, les signaux militaires, etc. ». La lecture de son
Cours de linguistique générale (1990), montre que Saussure pense que la linguistique est une
discipline qui fait partie de la sémiologie, science générale des signes. Cette position a été par la
suite opposée par Roland Barthes qui postulait que « la linguistique n’est pas une partie même
privilégiée de la science générale des signes, c’est la sémiotique qui est une partie de la
linguistique ».

Quant au terme sémiotique, il a été lancé par le logicien et sémioticien américain Charles Sanders
Peirce (1839-1914), pour son approche de « la théorie quasi nécessaire ou formelle des signes ».
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Pierce avait emprunté le terme « sémiotique » à John Locke (1632/1704) pour désigner une science
générale des signes qui traite de la communication humaine, qui semble avoir la même signification
que celle de sémiologie en France. Quelle serait donc la distinction entre les deux termes ?

I.2. Sémiotique ou sémiologie ?

Les termes « sémiotique » et « sémiologie » sont deux termes en concurrence désignant une
discipline qui a connu dans les années soixante et soixante-dix une grande diffusion. L’origine des
deux concepts vient du grec semeion qui signifie « signe ». « Sémiotique » est un terme français qui
peut être considéré comme une traduction de l’anglais Semiotics. Ce dernier a été utilisé pour la
première fois au XVIIIe siècle par le philosophe anglais John Locke, qui a donné lieu à cette
discipline, développée notamment par Charles Sanders (1839-1914) et Charles Morris.

Quant au terme « sémiologie », il a été fondé par Ferdinand de Saussure, et il est revendiqué en
France par le mouvement structuraliste. Dans le domaine de l’ethnologie, on peut citer Claude Lévi-
Strauss. Dans le domaine de l’analyse de la littérature, Roland Barthes et Julia Kristeva. La
sémiologie d’inspiration française se caractérise par sa tonalité linguistique. Une distinction entre
« sémiologie » et « sémiotique » a été proposée, mais elle ne s’est pas vraiment imposée.

De façon générale, la « sémiotique » (Charles Sanders Peirce, Charles Morris, Rudolf Carnap,
Algirdas-Julien Greimas, Umberto Eco, etc) ou « sémiologie » (Ferdinand de Saussure, Louis
Hjelmslev, Roland Barthes, etc) est l’étude de tout système de signification en tant que langage.
Ainsi, les rapports sociaux, les arts, les religions, les codes vestimentaires, qui ne sont pas des
systèmes verbaux, peuvent être étudiés comme des systèmes de signes, autrement dit, comme des
langages. Pour Saussure, la sémiologie (nous utiliserons désormais cet unique terme) est « la
science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ». Ces signes comportent les mêmes
caractéristiques de toute langue : une dimension syntaxique (rapport formel des signes entre eux),
une dimension sémantique (rapport entre les signes et ce qu’ils désignent), une dimension
pragmatique (rapport entre les signes et leur utilisateur dans la communication).

De façon plus spécifique, la sémiologie peut être considérée comme une analyse théorique de
tout ce qui est codes, grammaires, systèmes, conventions, ainsi que de tout ce qui relève de la
transmission de l’information. La sémiologie s’intéresse, par exemple, au classement des différents
types de signes selon leurs fonctionnements. Elle pourra se préoccuper de ce qui distingue l’emploi
des signes par les animaux et par les hommes, essayer de montrer quel est le lien entre la
communication animale et le développement du langage humain.
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En se croisant, il est important de souligner que sémiologie et sémiotique donnent une


grande confusion car elles sont généralement prises l’une pour l’autre. Les non spécialistes les
confondent du point de vue où elles ont un même rapport filial : les deux disciplines dérivent du
grec semeion « signe ». La seule différence entre les deux termes résiderait au niveau de leurs
suffixes : -logie qui signifie «discours », et –tique « teknné » qui désigne « l’art de ceci ». Cette
différence pertinente a créé une certaine rivalité entre les deux disciplines, une rivalité qui se
terminerait par une dominance de l’une sur l’autre.

En effet, lors de la création de l’Association Internationale de Sémiotique «AIS » inaugurée


en 1967, la sémiologie avait cédé la place à la sémiotique. Malgré que cette association ait été
fondée par Greimas (1917/1992) en France même, pays de la sémiologie, la chance a tourné en
faveur de la sémiotique. Cette préférence a été expliquée par Joseph Courtès (1995) qui supposait
que, morphologiquement, le terme de sémiotique est formellement apparenté à d’autres mots, tels
que « informatique », « cybernétique », « robotique », « domotique », «productique », etc.,
probablement très à la mode à l’époque.

Ainsi, en observant de plus près, les deux termes (sémiotique et sémiologie) ne sont donc
pas des synonymes, comme le confirme Joly : « Le premier, d’origine américaine, est le terme
canonique qui désigne la sémiotique comme philosophie des langages. L’usage du second, d’origine
européenne, est plutôt compris comme l’étude de langages particuliers (image, gestuelle, théâtre,
etc.) » (Joly, 2011, p. 24).

Partant de ce point de vue, la sémiotique désignerait donc une philosophie du langage ou le


fondement même de la logique qui décrit les lois générales des signes, ainsi que leur
fonctionnement et leur signification ; tandis que la sémiologie est l’étude des langages spécifiques
tels que l’image, le cinéma, la peinture, la littérature, etc.

Sur le plan épistémologique, bien que la sémiologie soit envisagée dès le début du XXe
siècle, ce n’est que dans les années soixante qu’elle a attiré l’attention des penseurs en sciences
humaines et sociales, y compris dans le domaine de la publicité et du marketing. En effet, la
sémiologie s’est implantée en tant qu’idéologie intellectuelle, à travers le structuralisme très en
vogue à l’époque.

Généralement, la distinction entre sémiologie et sémiotique est d’ordre épistémologique et


filial, mais les deux disciplines se côtoient et co-existent dans le monde universitaire. Les écoles de
sémiologie d’Algirdas J. Greimas et de Roland Barthes sont héritées de la sémiologie de Ferdinand
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de Saussure. Elles se basent principalement en France et en Suisse. Pour la sémiotique, elle est
inspirée des théories de Charles Sanders Peirce et du courant structuraliste comme l’École de Tartu-
Moscou et comme la sémiotique Italienne d’Umberto Eco. La différence initiale entre les deux
disciplines se présente dans leur conception du signe comme une unité dyadique aux yeux de la
sémiologie de Saussure et comme une unité triadique selon la sémiotique de Peirce.

Pour Hjelmslev, la sémiologie est une sémiotique dont le plan du contenu est lui-même une
sémiotique. Quelle serait donc son rapport avec la sémantique ?

I.3. Sémiologie ou sémantique ?

La sémantique est une branche de la linguistique qui peut être définie comme étant la
discipline qui étudie le sens dans le langage. Ce sens peut être rapporté à des unités comme le mot
ou la phrase. Il peut faire l’objet d’une construction plus complexe mettant en jeu à la fois l’énoncé
et l’énonciation.

Pour Georges Mounin, la sémantique peut être définit traditionnellement comme « la science
ou la théorie des significations, dont il serait toujours prudent, d’ajouter : des significations
linguistiques seulement ». (Mounin, 1997, p. 8). Elle s’oppose à la sémiologie qui est la science qui
étudie les procédés ou systèmes de communication. Par d’autres termes, la sémiologie examine
attentivement le système lui-même pour décrire la nature de la relation signifiant vs signifié et le
fonctionnement du signe, qu’il soit linguistique ou autre, dans une structure et contexte donnés.

Afin d’établir une distinction précise entre la sémantique et la sémiologie, il faut revenir vers
l’objet d’étude de la sémantique moderne qui est le sens et l’interprétation des unités significatives
de la langue et de leur combinaison dans le discours. Saussure explique clairement les fondements
théoriques de cette science :

- La primauté accordée à la perspective « synchronique », c’est-à-dire l’étude de la langue (ici


le « sens ») à un moment donné dans le temps ;
- la théorie du signe qui dit que le sens d’un énoncé est l’association d’un signifiant avec son
signifié ;
- le sens c’est la valeur qu'acquiert ce signifié dans un contexte bien déterminé.

Or, et même avec ces fondements théoriques, la tentative de vouloir délimiter rigoureusement le
concept de « sens » demeure de nos jours irréalisable. Dans sa Sémantique structurale (1986),
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Greimas soulignait que le sens est indéfinissable. Dans son ouvrage, il était bien question de
sémantique et de sémiotique car tous les concepts étudiés concernaient les deux disciplines, de telle
sorte que l’on prendrait l’une pour l’autre. Autrement dit, la sémantique structurale serait
équivalente de la sémiotique tout court, alors qu’elle se présente comme une discipline qui
signifierait, de manière toute simple que rien n’empêche la sémantique de s’intéresser aux produits
d’un système sémiotique, ou plus précisément aux « sens » dont la délimitation est inconcevable.

I.4. Définition de la sémiologie

Même si la sémiologie apparaît être une discipline récente, il est important de rappeler qu’en
linguistique, la théorie générale des signes n’est pas nouvelle puisqu’on la rencontre chez des
auteurs comme Court de Gébelin ou Joseph-Marie de Gérando.

La définition de la sémiologie a été renouvelée dans Cours de linguistique générale de


Ferdinand de Saussure qui propose d’en circonscrire le champ d’étude : « On peut donc concevoir
une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ; elle formerait une partie de la
psychologie sociale, et par conséquent de la psychologie générale ; nous la nommerons sémiologie.
Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent. Puisqu’elle n’existe
pas encore, on ne peut dire ce qu’elle sera ; mais elle a droit à l’existence, sa place est déterminée
d’avance. La linguistique n’est qu’une partie de cette science générale… ». (Saussure, 1990 [1916],
p. 33).

Ferdinand de Saussure s’est intéressé à établir la différence simple entre le signifiant et


le signifié, qu’il qualifie comme «inséparables » l’un de l’autre que le recto et le verso d’une même
feuille de papier. Découper le signifiant, c’est également découper le signifié.

C’est ainsi que l’étude des signes a reconnu un regain d’intérêt, et la sémiologie devient une
nouvelle discipline dans les sciences sociales avec des auteurs comme Greimas, Barthes, Jean
Baudrillard, Mounin ou Umberto Eco.

Cette définition s’est progressivement étendue à d’autres domaines que la philologie pour
devenir une science générale de la communication. Ainsi, dans son Essai de linguistique
fonctionnelle dans le cadre de la sémiologie (1943), Éric Buyssens s’est proposé de définir la
sémiologie comme « la science qui étudie les procédés auxquels nous recourons en vue de
communiquer nos états de conscience et ceux par lesquels nous interprétons la communication qui
nous est faite » (Buyssens, 1943, p. 5). Cette définition, basée principalement sur l’individualisme
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méthodologique, a été rapidement dépassée par la conception de Greimas qui envisage la


sémiologie dans toute sa dimension culturelle et comme un fait social total.

I.5. Domaines d’application de la sémiologie

La sémiologie est une discipline qui se fonde sur trois concepts fondamentaux : le concept
de code, le concept de signe et le concept de système. Pour la sémiologie, tout langage, au sens
large, est un code qui repose sur l’organisation en système d’un ensemble de signes.

Dans son ouvrage La sémiologie, « Que sais-je », n° 1421, 1971, p. 97-115, Pierre Giraud étend la
notion de signe et de code à des formes de communications sociales, il considère les rapports de
l’homme avec la société et range dans la sémiologie :

1. Les signes : - Signes d’identité : insignes, enseignes, uniformes,


noms, surnoms, tatouages, etc.
2. Les codes : - Les protocoles : communications entre individus ;
- Les rituels : l’émetteur est le groupe ;
- Les jeux : représentations d’une situation sociale ;
- Les modes : formes stylisées des codes.
Tableau cité dans (Fabre & Baylon, 1975, p. 9)

Ce tableau montre que ce qui est linguistique (Ton de la voix, patronymes, etc.) se mêle avec
tous les systèmes de communication non linguistiques. Une question principale peut être posée :
dans quelle mesure le jeu est-il un moyen de communication au sens technique du terme ? La
réponse serait évidemment liée au côté séduisant mais en même temps difficile de certaines
assimilations.

Il est évident aussi que la sémiologie est une science qui se base principalement sur
l’interprétation. À titre d’exemple et comme le souligne Morris, « une chose n’est un signe que
parce qu’elle est interprétée comme le signe de quelque chose par un interprète ». La sémiologie
n’est donc pas un réservoir de connaissances : elle est plutôt un regard, une interprétation
perpétuelle.

Cette théorie peut être appliquée à de nombreuses activités humaines. Prenons le cas de l’art,
par exemple, le peintre Henri Matisse note que, dans la création artistique, on invente des signes qui
n’ont de valeur que dans le moment où on les crée et que dans le cadre de l’œuvre précise où ils
doivent trouver place. Hors de ce moment et de ce cadre, ils n’ont aucune valeur. C’est pourquoi la
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peinture, la musique, le cinéma, peuvent être analysés comme des systèmes de signes. De même, il
existe aussi une sémiologie de la culture. (Siouffi, 2009, p. 73).

I.6. Sémiologie de la signification et sémiologie de la communication

Par sémiologie, il semble aujourd’hui qu’on entende fréquemment une sorte de stylistique
assez impressionniste qui consiste à lire partout des signes, en attribuant à ce dernier concept
l’acception la plus élastique.

Dans les théories modernes du signe, on tient donc compte non seulement des seules entités
linguistiques, mais également des signes non verbaux. Dans la vie quotidienne, les individus
utilisent concurremment, à chaque instant, plusieurs systèmes de signes : les signes du langage, qui
sont ceux dont l’acquisition commence le plus tôt, les signes de l’écriture, les signes de la politesse,
les signes régulateurs des mouvements des véhicules, les signes extérieurs indiquant les conditions
sociales, les signes des cultes, les signes de l’art, etc. Ainsi, notre vie entière est prise dans des
réseaux de signes, au sens le plus large du terme. Il importe, dans ces nombreuse et si diverses
manières qu’ont les signes, de se configurer, d’introduire des critères qui délimitent les ensembles.

I.6.1. Sémiologie de la communication

Selon Eric Buyssens (1967), « La sémiologie est l’étude des procédés de communication,
c’est-à-dire des moyens utilisés pour influencer autrui et reconnus comme tels par celui qu’on veut
influencer ». Cette définition est toujours d’actualité, du point de vue où elle est apparentée à notre
monde gouverné par la communication et ses dispositifs technologiques. Grâce à la Toile, le monde
est devenu comme un petit village, les individus communiquent facilement à distance et à une
vitesse vertigineuse. Pour comprendre l’intérêt des hommes et de la sémiologie fonctionnelle pour
la communication, une question principale peut être posée : quel est l’intérêt de l’étude de la
communication ?

L’objectif primordial de ce cours n’est pas d’aborder l’histoire de la communication dont la


notion est récupérée par diverses disciplines telles que la linguistique, la sociologie, l’ethnologie,
etc. ; mais d’examiner ce qu’on appelle la communication publicitaire qui préoccupe la
sémiologie visuelle et le discours publicitaire assimilé souvent à la notion de communication. Pierre
Fontanier s’est intéressé à décrire cette assimilation. Il précise qu’: « afin de mieux persuader ceux
à qui ou contre qui on parle, et même souvent afin de leur arracher des aveux plus ou moins
pénibles, on a l’air de les consulter, d’entrer conférence avec eux, et de s’en rapporter à ce qu’ils
décident eux-mêmes ». (Fontanier, 1977, p. 414). Or, des sémiologues comme Jean-Michel Adam et
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Marc Bonhomme (2005) avaient critiqué ce caractère éloquent de la communication publicitaire. Ils
affirment que le discours publicitaire mime quelquefois sur l’établissement d’un dialogue, par des
actes illocutoires initiatifs de l’annonceur qui se résument comme suit : actes salutatifs, présentés
généralement dans des formules rituelles de politesse ; actes directifs, (implicites ou explicites)
consistant à donner des conseils ; actes interrogatifs, présupposant en principe une réponse fermée,
très utilisés par rapports aux autres (A titre d’exemple, les slogans publicitaires sous forme de
phrases interrogatives dont la réponse serait soit oui, soit non) ; actes énigmatiques fondés sur la
devinette dont la clé est dans l’intrinsèque du message ; actes probatoires, dérivant également des
actes interrogatifs.

Afin de comprendre la nature et la fonction de la communication publicitaire, il est essentiel


de se référer aux éléments de la communication linguistique établit par Jakobson (1963) :

- Le destinateur en publicité c’est l’annonceur (la marque) ;

- le destinataire est celui qui reçoit le message ;

- le message qui suppose un codage /décodage de l’information ;

- le contexte qui représente l’ensemble des conditions sociales qui aident à la construction et
à l’interprétation du message ;

- le code ou la langue dans la communication linguistique (en publicité, il existe trois codes :
linguistique, iconique, sonore) ;

- le contact qui est la relation physique et psychologique existant entre le destinateur et le


destinataire (en publicité, le contact passe souvent par l’intermédiaire d’un canal).

Les six facteurs énumérés correspondent avec les six fonctions de la communication :

- La fonction expressive (ou émotive) c’est la fonction qui porte la trace du locuteur, qui
montre sa personnalité à travers l’énonciation ;

- la fonction conative qui permet d’agir sur le destinataire et de l’introduire dans le discours
du locuteur. Le discours publicitaire utilise fréquemment cette fonction ;

- la fonction référentielle qui est centrée sur le contexte dont le message dépend ;

- la fonction poétique qui a une valeur esthétique ;


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- la fonction phatique qui consiste à déclencher et maintenir le contact ;

- la fonction métalinguistique qui prédomine dans les dictionnaires (où la langue se prend
elle-même pour objet)

Les discours sont généralement basés sur une fonction dominante. Mais quelquefois dans un
même discours se rassemblent plusieurs fonctions, comme le cas du discours publicitaire, où
s’entassent le plus souvent les fonctions conative, phatique et expressive. La fonction expressive est
particulièrement au cœur du fondement de la création publicitaire, elle prend en charge les trois
dimensions suivantes :

- les pronoms personnels je ou nous du simulacre de l’émetteur-source, et non l’annonceur


lui-même ;

- les trois configurations d’acteurs protagonistes à savoir le Témoin, l’Observateur et


l’Énonciateur-relais, qui servent à donner un caractère scientifique (ou crédible) et humain à
la promesse faite par l’entreprise ;

- l’ethos favorable à la bonne acceptation du message dont les caractères sont : le bon sens,
la sincérité et la Compassion (l’affect).

Dans le cadre d’une sémiologie de la communication, Emile Buyssens (La Communication


et l’Articulation linguistique, P.U.F., 1967) avait classé les procédés de communication non
linguistique selon trois critères qui lui ont permit de découper toute sémiologie en huit grandes
classes de procédés de signalisation.

I.6.2. Sémiologie de la signification

Dans son article « Un impensé de la sémiotique : la variation (diachronique, sociale,


expérientielle) » (2020), Jean-Marie Klinkenberg souligne l’existence des deux sémiologies (de la
communication et de la signification), en précisant « qu’une éventuelle sémiologie de la
signification (dont on peut alors même se demander si elle mérite encore ce nom) pourrait s’édifier,
sur la base de la première, qui lui fournirait des modèles beaucoup plus appropriés que celui que lui
a donné la linguistique, dont elle s’est jusqu’ici inspirée, et non sans déboires. Mais on peut se
demander si cette seconde étape n'est pas purement et simplement supprimée dans l’esprit de
certains tenants de la sémiologie fonctionnelle » (Klinkenberg, 2020). Dans son article « Éléments
de sémiologie » (1964), Roland Barthes souligne que la sémiologie de la signification tente de
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déchiffrer les signes du monde en se basant sur l’intuition, l’intentionnalité et les dichotomies
saussuriennes :

« On groupera donc ces Eléments de sémiologie sous quatre grandes rubriques, issues de la
linguistique structurale : I. Langue et Parole ; II. Signifié et Signifiant ; III. Système et Syntagme ;
IV. Dénotation et Connotation. On le voit, ces rubriques se présentent sous une forme dichotomique ;
on notera que le classement binaire des concepts semble fréquent dans la pensée structurale 3,
comme si le méta-langage du linguiste reproduisait « en abyme » la structure binaire du système
qu’il décrit ; et l’on indiquera, en passant, qu’il serait sans doute très instructif d'étudier la
prééminence du classement binaire dans le discours des sciences humaines contemporaines : la
taxinomie de ces sciences, si elle était bien connue, renseignerait certainement sur ce que l’on
pourrait appeler l’imaginaire intellectuel de notre époque. »

Dans le cadre d’une sémiologie de la signification, Emile Benveniste avait déjà décrit les
caractères distinctifs des procédés de signification non linguistiques. Selon lui, « un système
sémiologique se caractérise : a) par son mode opératoire ; b) par son domaine de validité ; c) par la
nature et le nombre de ses signes ; d) par son type de fonctionnement ». (D’après Benveniste, 1969,
p. 1-12) (« La sémiologie de la langue », dans Semiotica, 1969, 1-2, p. 127-135).

Après Benveniste, Paul Fabre et Christian Baylon distinguent en prenant l’exemple du


système des feux de circulation (Fabre &Baylon, 1975, p. 12) :

A. Les conditions externes, empiriques du système, pouvant admettre certaines variations


ou accommodations.
a) Le mode opératoire : la manière dont le système agit. S. est visuel, généralement
diurne et à ciel ouvert.
b) Le domaine de validité : celui où le système s’impose et doit être reconnu ou obéi :
ici, le déplacement des véhicules dans les rues des villes.
B. Les conditions internes du système qui sont invariables.
c) La nature et le nombre des signes : ces signes sont constitués par l’opposition
chromatique vert / rouge ; ils sont donc organisés comme un système binaire (la
phase intermédiaire, l’orange, étant une simple transition).
d) Le type de fonctionnement : la relation qui unit les signes et leur confère fonction
distinctive, est une relation d’alternance, jamais de simultanéité. Vert : rouge signifie
voie ouverte / voie fermée, ou sous forme prescriptive : « go » / « stop ».
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I.7. Relations entre systèmes sémiologiques

Les relations entre systèmes sémiologiques ont été analysées il y a bien longtemps par Émile
Benveniste (op. cit.). On ne peut pas « dire la même chose » par la parole et la musique, qui sont
des systèmes à base différente ; on peut, au contraire, « dire la même chose » avec l’alphabet
graphique et l’alphabet Braille, car ils sont fondés sur le même principe alphabétique : une lettre, un
son. Un même signe possède des valeurs différentes selon le système dont il fait partie : le rouge
des feux de circulation n’a rien de commun avec le rouge du drapeau tricolore.

Ainsi, deux systèmes sémiologiques de type différent ne peuvent être mutuellement


convertibles ; la valeur d’un signe se définit seulement dans le système qui l’intègre.

Les systèmes de signes ne sont pourtant pas autant de monde clos n’ayant entre eux qu’un
rapport de coexistence ; ils sont déterminés d’abord par l’action d’un même milieu culturel, et, par
ailleurs, trois types de relations sont possibles entre eux : relation d’engendrement, d’homologie,
d’interprétance.

a) La relation d’engendrement

L’alphabet Braille est construit à partir de l’alphabet normal et rempli une fonction
spécifique ; cette relation ne vaut qu’entre deux systèmes distincts et contemporains mais de même
nature. Entre l’écriture synthétique (un signe représente une phrase ou un énoncé complet) et
l’écriture analytique (un signe représente une unité significative), la relation est de dérivation et non
d’engendrement, puisque le passage suppose évolution et transition historique.

b) La relation d’homologie

Elle peut être établie entre deux systèmes de nature différente. Dans la langue populaire, on
assimile, par souci d’expressivité, l’homme à l’animal ; la bouche devient la gueule, les jambes les
pattes ; le patron devient le singe, etc. : les deux ensembles de termes sont homologues.

c) La relation d’interprétance

Un système peut recevoir d’un autre système son interprétation ; les signes de la société
peuvent être intégralement interprétés par ceux de la langue, non l’inverse. Le langage est le seul
système sémiologique à l’aide duquel on peut parler d’autres systèmes et de lui-même. Dans ce
même ordre d’idée, Emile Benveniste affirmait qu’ « une chose au moins est sûre : aucune
sémiologie du son, de la couleur, de l’image ne se formulera en sons, couleurs, images. Toute
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sémiologie d’un système non linguistique doit emprunter le truchement de la langue, ne peut donc
exister que dans et par la sémiologie de la langue ».

Ceci explique l’opinion de Christian Metz (« Les Sémiotiques », dans Communications, n°


7, 1966) qui, depuis longtemps, avait souligné que la plupart des systèmes sémiologiques de
quelque importance comportent d’une façon ou d’une autre le recours au langage verbal. Il avait
donné les exemples du cinéma qui est devenu parlant, la télévision qui a été toujours parlante ; les
cartes géographiques s’accompagnent de mentions écrites, donc linguistiques ; les images
publicitaires sont presque toujours accompagnées de légendes, etc. Ainsi, le linguistique est
toujours présent dans le sémiologique.

Il est permis de se demander si le sémiologique pur peut exister ailleurs que dans les
systèmes d’usage restreint et de sémantisme pauvre (pavillons marins, feux de croisement, etc.),
auxquels certains aiment à se référer pour leur commodité démonstrative plus que pour leur
importance réelle dans la vie sociale.

Partant de ce point de vue, ce qu’on appelle aujourd’hui sémiologie dans l’usage courant,
c’est l’étude des systèmes de signes autres que les langues, et non point l’étude de tous les systèmes
de signes y compris les langues. Linguistique et sémiologie se retrouvent côte à côte et non pas
l’une dans l’autre.

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