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Cours de linguistique

4e année

élaborés par Dr Fatma Achour

Maître de conférences de linguistique

Université de Béni-Suef

Ouvrages consultés

SIOUFFI, Gilles & RAEMDONCK, Dan Van : 100 fiches pour comprendre la linguistique.

Rome, Bréal, 1999.

MOESCHLER, Jacques & AUCHLIN, Antoine : Introduction à la linguistique contemporaine.

Paris, Armand Colin, 3e édition, 2009.

VIAL, Patrick & HUMBERT, Jean-Louis : Bien rédiger. Paris, Bordas, 1992.

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Cours 1 : Grammaire vs linguistique

Le mot « grammaire » est venu du grec grammatikë qui signifie « lettre ». La grammaire a eu

une seule signification, celle de « l’étude de la langue ». À partir du XIXe siècle, le mot

« linguistique » est apparu et bâti sur la racine « langue », et les deux expressions évoluent et

désignent deux disciplines distinctes.

 La grammaire

Pour illustrer l’évolution de ce mot, nous exposons la définition que donnent les dictionnaires

dans des époques différentes :

« L’art d’exprimer ses pensées par la parole ou par l’écriture d’une manière conforme aux

règles établies par le bon usage. » [Littré, 1877]

La grammaire prescrit la manière de bien écrire sur la base de l’avis de quelques érudits,

autrement dit de « juges » (académicien, professeur de français).

« 1. Ensemble des règles qui forment le système d’une langue et que l’on doit suivre pour

parler ou écrire conformément à l’usage. 2. Science qui a pour objet l’étude systématique

des éléments constitutifs d’une langue, comprenant notamment la phonétique,

l’orthographe, la morphologie, la syntaxe. » [Dictionnaire de L’Académie française

informatisé]

Cette discipline n’est plus prescriptive, mais descriptive et explicative. Elle vise à l’étude

objective de la langue et se focalise sur ses composantes : phonèmes, morphèmes, lexèmes, etc.

2
 La linguistique

(De la linguistique historique à la linguistique générale)

Au XIXe siècle, la « linguistique » a eu pour objet d’étudier l’évolution historique des langues et

de les mettre en comparaison. Cette vision est claire dans la définition suivante du linguiste

Cournot (1801-1877) :

« La linguistique, (...) cette science toute récente et si digne d'intérêt, dont l'objet est de

mettre en relief les affinités naturelles et les liens de parenté des idiomes. » (Essai sur les

fondements de nos connaissances, 1851, p. 252)

La linguistique du XXe siècle évolue pour aborder la nature du langage de façon théorique. Cette

évolution donne lieu à la distinction entre langage, langue, parole, discours, etc. De grands noms

sont les fondateurs de cette science du langage, tels que William D. Whitney (1827-1894),

Edward Sapir (1884-1939), Leonard Bloomfield (1887-1949), et surtout Ferdinand de Saussure

(1857-1913) qui définit la linguistique comme suit :

« La linguistique a pour unique et véritable objet la langue envisagée en elle-même et pour

elle-même (Cours de Linguistique générale, 1916, p. 317). La linguistique est

habituellement définie comme l'étude scientifique du langage; en ce sens, on peut l'opposer

à la grammaire et à la philologie dont les préoccupations sont autres : souci normatif (...),

souci comparatif. » (Langage, 1973).

Récemment, la linguistique engage un dialogue avec d’autres disciplines comme la sociologie, la

psychologie, la neurologie, la géographie, etc. Ce développement donne lieu à des sciences

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interdisciplinaires telles que la sociolinguistique, la psycholinguistique, la neurolinguistique, la

géolinguistique, etc.

Question : Dites si les phrases suivantes sont vraies ou fausses, et justifiez votre réponse :

1. La linguistique est une science récente.

2. La grammaire et la linguistique sont synonymes.

3. Actuellement, la linguistique est une science isolée.

4. La grammaire est encore prescriptive.

5. La grammaire devient une des branches de la linguistique.

6. La linguistique a été à ses débuts une discipline à vision historique.

7. Le mot « linguistique » vient de « langue ».

8. Le mot « grammaire » a signifié autrefois « étude de la langue ».

9. La grammaire est une discipline générale.

10. La linguistique constitue une science générale.

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Cours 2 : Ferdinand de Saussure et la linguistique moderne

Ferdinand de Saussure (1857-1913) a été un professeur d’université suisse. Il est le fondateur de

la linguistique moderne. Ses idées ont été publiées trois ans après sa mort par ses disciples

Charles Bally et Albert Sechehaye. Son œuvre a été rédigée à partir des notes prises pendant les

cours qu’il avait donnés aux écoles des hautes études. Cette œuvre s’intitule Cours de

linguistique générale et a apparu en 1916.

Trois concepts fondamentaux font l’objet de l’œuvre de Saussure et ils sont exposés dans les

paragraphes qui suivent.

1er concept : la dichotomie « langue/parole »

La linguistique se définit comme « science du langage ». Au sens large du terme, le « langage »

renvoie à la « faculté de produire un système de signes destiné à transmettre une information ».

Par conséquent, deux langages peuvent être opposés : langage naturel ou inné que possèdent les

êtres humains et les animaux, et langage artificiel ou formalisé destiné à donner des instructions

aux machines (l’ordinateur, le téléphone portable, etc.). La linguistique est la science qui se

focalise sur le « langage humain » ; autrement dit sur la faculté d’expression et de

communication entre les hommes, celle qui donne naissance aux langues arabe, anglaise,

allemande, italienne, espagnole, chinoise, japonaise, indienne, etc.

La « langue » constitue le « système de signes vocaux doublement articulés : unités distinctives,

les phonèmes, et unités significatives, les morphèmes ; cela, afin de les opposer à d’autres

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systèmes de communication humains (comme la musique) ou animaux (le langage des

abeilles). »1

Selon Saussure, la langue a les caractéristiques suivantes :

- la langue est un phénomène social, collectif. Il s’agit d’un ensemble de conventions que

les usagers adoptent entre eux. Elle est extérieure à l'individu, la langue est une sorte de

contrat qui est passé entre les membres de la communauté ;

- la langue est un code isolé qui s’impose aux usagers. Les usagers acquièrent ce code tel

qu’il est sans intervention, surtout en ce qui concerne le rapport entre le concept et son

image acoustique ;

La « parole » est la réalisation individuelle de la langue, l’exploitation individuelle et concrète de

la langue par un ou des individus. Selon Saussure, la parole constitue :

- un phénomène individuel, un choix qui diffère d’un individu à l’autre ;

- le choix individuel n’est pas fixe, il est momentané et instable ; il change d’un moment à

l’autre et d’une situation de communication à l’autre.

Question : Dites si les phrases suivantes sont vraies ou fausses et justifiez votre réponse.

1. Saussure a publié ses idées sur la langue avant de mourir.

2. Cours de linguistique générale exprime les idées de Bally et Sechehaye.

3. Le langage peut être naturel ou artificiel.

4. La linguistique s’intéresse à tous les types du langage.

5. La langue est un système de signes.

6. La parole est un fait social.

7. La parole a un caractère instable et momentané.

1
100 fiches pour comprendre la linguistique, p. 76.

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Cours 3 : Suite de Cours de linguistique générale

2e Concept : Composantes du « signe linguistique »

Étant l’élément constitutif de la langue, le signe linguistique fait l’objet d’une partie de l’œuvre

du Saussure. Pour lui, le signe a deux faces inséparables ; il unit « non une chose et un nom,

mais un concept et une image acoustique ». Saussure préfère utiliser les termes de signifiant

(pour image acoustique) et de signifié (pour concept).

J Signifiant
(image acoustique)
Signifié
(concept)

Le signe

Le « signifiant » est l’expression concrète, orale ou écrite, qu’envoie le locuteur (l’émetteur) à

l’allocutaire (le récepteur). Le « signifié » est la signification qu’interprète l’allocutaire en

recevant le signifiant. À titre d’exemple, « sœur » est un signe linguistique : le signifiant est les

graphèmes ‹s›, ‹œ›, ‹u›, ‹r› que lit le lecteur, alors que le signifié est la définition qu’il donne à ce

signe écrit, « personne à laquelle on est lié par une relation de fraternité ». Pour un second

exemple, le signe oral [pɔm]. Le signifiant est l’ensemble de phonèmes /p/, /ɔ/, /m/, et le signifié

est « un fruit rond, blanc dedans et rouge ou vert dehors ».

La nature des composantes du signe linguistique lui attribue les deux caractéristiques suivantes :

- le signe linguistique est arbitraire. Une association arbitraire relie le signifiant et le

signifié de tout signe, le lien n’est pas naturel, justifiable ; il est immotivé. Le signifié de

« sœur » et de « pomme » n’est logiquement pas lié à la suite des morphèmes ou

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phonèmes que possède le signifiant. Cette relation conventionnelle s’établit entre les

composantes du signe linguistique, relation adoptée par les usagers de la langue ;

- le signe linguistique est linéaire. Vu que ce signe se déroule dans le temps, d’autres

signes se précèdent et se suivent dans la chaîne parlée, et cela implique le respect de

l’ordre logique des signes pour transmettre une information visée.

3e concept : la dichotomie « diachronie/synchronie »

L’étude de la langue se fait selon l’une des deux perspectives suivantes :

- la diachronie. Cette perspective envisage l’état de la langue à un moment donné de son

histoire, comme dans la linguistique historique ;

- la synchronie. Cette manière aborde la variation de la langue au moment présent, et la

variation peut être : diatopique (régions géographiques), diagénique (hommes et

femmes), diastratique (classes sociales, classes d’âge) et diaphasique (situations de

communication).

Question 1 : Analysez les composantes du signe oral [pɛʀ] et du signe écrit « mère ».

Question 2 : Décrivez la nature de l’étude de « phonèmes français au XVIIe siècle » et de

« phonème /ʀ/ grasseyé et /r/ roulé chez les villageois et citadins français ».

Question 3 : Expliquez les caractéristiques du signe linguistique.

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Cours 4 : La phonétique et la phonologie

 La phonétique

La phonétique est l’étude des « sons » produits par la « parole » (selon le concept saussurien).

C’est une discipline pratique, matérielle et empirique. Le « son » est la réalisation du

« phonème » et son image acoustique qui peut différer d’un individu à l’autre.

Par exemple, le phonème français /ʀ/ a deux sons : [r] roulé chez les Francophones d’origine

arabe et [ʀ] grasseyé chez les Parisiens.

Trois types de phonétique sont présents :

- phonétique acoustique : discipline qui s’intéresse aux propriétés des sons eux-mêmes

(modes et lieux d’articulation) ;

- phonétique auditive : discipline qui étudie la manière dont les sons sont perçus ;

- phonétique articulatoire : discipline qui aborde la manière dont les sons sont produits.

Pour les lieux d’articulation, les sons se distinguent comme suit :

a) sons vocaliques antérieurs ([i], [y], [e], [œ], [ø], [a], [ɛ], [w], [ɥ], [j], [œ̃], [ɛ]̃ ) sons

vocaliques postérieurs ([u], [o], [ɔ], [ɑ], [ɑ̃], [ɔ]̃ ) et un seul son central [ə] ;

b) Sons consonantiques bilabiaux ([b], [p], [m]), labio-dentaux ([f], [v]), apico-dentaux ([t],

[d], [n]), apico-alvéolaires ([s], [z], [l]), dorso-palataux ([ʒ], [ʃ]), vélaires ([k], [g], [ɲ],

[ʀ]).

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Les modes d’articulation distinguent aussi les sons comme suit :

a) sons vocaliques arrondis ([ɑ], [ɑ̃], [y], [œ], [ø], [œ̃], [u], [o], [ɔ], [ɔ̃], [ə] ) et sons

vocaliques étirés ([i], [e], [a], [ɛ], [ɛ]̃ ) ;

sons vocaliques nasaux ([ɑ̃], [œ̃], [ɔ]̃ , [ɛ]̃ ) ) et sons vocaliques oraux ([ɑ], [y], [œ], [ø],

[u], [o], [ɔ], [ə] ([i], [e], [a], [ɛ]) ;

b) sons consonantiques occlusifs ([b], [p], [m], [n], [ɲ], [t], [d], [k], [g]), sons consonantique

constrictifs ([f], [v], [s], [z], [ʒ], [ʃ],) sons consonantiques liquides ([l], [ʀ]) ;

sons consonantiques sourds ([p], [t], [k], [f], [s], [ʃ]) et sons consonantiques sonores ([b],

[l], [ʀ], [m], [n], [ɲ], [d], [z], [ʒ], [g], [v]) ;

sons consonantiques nasaux ([m], [n], [ɲ]) et sons consonantiques oraux ([p], [t], [k], [f],

[s], [ʃ], [b], [l], [ʀ], [d], [z], [ʒ], [g], [v]).

 La phonologie

La phonologie est la discipline qui décrit les « phonèmes » de la « langue ». C’est une science

récente, théorique qui étudie le système de la langue, et non pas la pratique des locuteurs.

Le « phonème » est l’unité sonore minimale de la « langue ». Il a un caractère distinctif, et cela

veut dire qu’il peut changer le sens du mot ; par exemple, les phonèmes /ɛ/ et /i/ peuvent changer

le genre du pronom de la 3 e personne du singulier /ɛl/ et /il/. Les sons ne jouent pas ce rôle

distinctif ; la prononciation roulée [r] et grasseyée [ʀ] du même phonème /ʀ/ ne change pas

l’interprétation de mots.

Cette discipline s’intéresse à :

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- ranger les phonèmes en dépendant des traits distinctifs. Les phonèmes qui ont un même

point d’articulation constituent un « ordre » (tels que les phonèmes bilabiaux /b/, /p/,

/m/), et les phonèmes qui ont un même mode d’articulation constituent une « série » (tels

que les phonèmes occlusifs /t/, /d/, /k/, /g/).

- déterminer les oppositions binaires que les phonèmes peuvent posséder ; comme dans le

cas des phonèmes /f/ et /v/ qui changent le genre des noms et adjectifs (veuf/veuve,

neuf/neuve) ;

- étudier les phénomènes qui changent les traits articulatoires des phonèmes ; tel que

l’assimilation (alignement des deux phonèmes distincts, comme le transfert de

l’assourdissement du /s/ au /ʒ/ dans l’expression je sais pas [ʃsɛpa]) et la dissimilation

(différenciation des phonèmes identiques)

Question 1 : Comparez les deux disciplines phonétique et phonologie.

Question 2 : Tous les phonèmes correspondent aux sons, mais les sons ne constituent pas tous

des phonèmes. Justifiez et donnez des exemples.

Question 3 : Déterminez les types de phonétique, et les axes de travail de la phonologie.

Question 4 : Quels sont les points et les modes d’articulation des sons en français ?

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Cours 5 : La morphologie

La « morphologie » est la discipline qui s’intéresse au « mot » comme unité indépendante de son

insertion dans la phrase. Le « mot » constitue des unités plus petites qui sont appelés les

« morphèmes », et ceux-ci font l’objet de l’étude de cette science.

Le « morphème » est l’unité minimale de la langue qui porte une forme et une signification. Il a

deux types : morphème lexical faisant la base ou le radical du mot, et morphème grammatical

appelé affixe déterminant la nature grammaticale du mot. L’« affixe » se pose devant ou derrière

la base, et selon cette position il change d’appellation, respectivement : préfixe et suffixe.

- Le « préfixe » modifie la signification du mot sans changer la nature grammaticale. Le

préfixe ‹re-› ajoute un sens de répétition aux mots ‹revenir› (venir) et ‹revoir› (voir), et le

préfixe ‹dé- / dés-› donne un sens contraire aux mots ‹décoller› (coller) et ‹désinfecter›

(infecter).

- Le « suffixe » change la nature grammaticale du mot, tel que le morphème ‹-s/ -x› qui

met le mot au pluriel (‹élèves›, ‹choux›), et ‹-ment› qui change l’adjectif à un adverbe

(‹heureusement›). Il peut donner de nouveaux mots, comme les morphèmes ‹-tion›, ‹-age›

et ‹-ance/-ence› qui forment les noms ‹convention›, ‹assemblage›, ‹ressemblance›.

admirablement → admir – able – ment


mor. lexical mor. grammaticaux
(base) (suffixes)

déshabiller → dés – habill – er


mor. lexical mor. lexical mor. grammatical
(préfixe) (base) (suffixe)

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L’étude des mots se fait selon les deux approches suivantes :

- La morphologie flexionnelle. Cette approche s’intéresse à la distribution des mots en

classes : nom, adjectif, déterminant, pronom, verbe, adverbe, préposition, conjonction et

interjection. Ainsi décrit-elle la nature grammaticale des mots à partir des suffixes qu’ils

possèdent.

- morphologie dérivationnelle. Cette approche aborde comment les mots se forment. Les

mots peuvent être dérivés des mots de nature différente (l’adjectif identifiable et le nom

identification viennent du verbe identifier) ou ils constituent des locutions se combinent

au moins deux mots (peut-être, c’est-à-dire, pomme de terre). D’autres mots constituent

des formes abrégées des mots existants (bac pour baccalauréat), des sigles (tv pour

télévision) ou des emprunts des langues étrangères (parking, wifi).

Question 1 : Analysez les morphèmes construisant les mots suivants :

précédent – antivirus – accomplir – récemment

Question 2 : Déterminez comment les mots suivants sont dérivés :

télé – s.v.p. – décadence – maths – chaos – VTT – fer à repasser

Question 3 : Parlez des approches de l’étude morphologique des mots.

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Cours 6 : La syntaxe

La syntaxe est la discipline qui précise comment les mots se combinent pour former la phrase.

Elle règle l’ordre des mots, et cet ordre est propre à toute langue et donne lieu aux classifications

ou typologies de langues. Le français appartient au type « Sujet – Verbe – Objet » (Pierre aime

Janette / Pierre parle à Janette).

Deux types de syntaxe sont distincts : la syntaxe d’accord et la syntaxe de dépendance.

 La syntaxe d’accord

C’est la discipline qui s’occupe de l’accord des mots. Certains mots imposent une forme précise

à d’autres mots et régissent leur catégorie grammaticale. Il s’agit d’une « rection », comme

l’accord du verbe avec le sujet (en personne et en nombre) et l’accord de l’adjectif épithète et du

participe passé avec le nom (en genre et en nombre). Cette relation relève à la fois de la syntaxe

et de la morphologie ; ou plutôt de la « morphosyntaxe ».

Je suis / Tu es - Il parle / Ils parlent

Mona est jolie / Mina est joli - Il est né / Elle est née

 La syntaxe de dépendance

Ce type de syntaxe aborde aussi la relation entre les mots, mais du côté sémantique. Certains

mots sont introduits dans la phrase pour préciser le sens d’autres mots, ils complètent

l’information. Le mot principal s’appelle « complété » et le mot qui surajouté est le

« complément » (de nom ou de verbe), et leur relation est qualifiée de « dépendance », car le

complément dépend syntaxiquement du complété.

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Ex. Le frère de Pierre est élégant.

Je fais un appel.

Les composantes de la phrase possèdent des relations d’accord et de dépendance, comme dans

l’exemple suivant :

Les collègues de Martin parlent à leurs professeurs doucement.

Les collègues de Martin parlent à leurs professeurs doucement.

[syntagme nominal] [syntagme verbal]

Les collègues de Martin parlent à leurs professeurs doucement.

[complément de nom] [complément de verbe]

[complété + complément] [complété + complément]

parlent

collègues de Martin professeurs doucement

les leurs

Question : Déterminez les types de relations qui sont établies entre les composantes de la

phrase suivante : Mon père et ma mère achètent une nouvelle maison.

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Cours 7 : La sémantique

La sémantique est la discipline qui étudie la signification du mot, de la phrase et de

l’enchaînement de phrases.

 La sémantique lexicale

Elle s’occupe de l’étude de la signification de mots. Cette étude consiste à identifier les

« sèmes » que contient chaque mot. À titre d’exemple, le verbe souhaiter a deux sèmes : le

premier est que cette action se fait par un sujet humain, et le second est qu’elle exprime quelque

chose d’absent et de bon, contrairement au verbe redouter. Les deux sèmes se combinent pour

former la signification du mot.

La majorité des mots sont « polysémiques », ils contiennent plus d’une signification qui

correspondent à des usages variés. Par exemple, le verbe mettre a le sens de placer, poser,

glisser, ranger, installer, porter, etc.

 La sémantique de la phrase

Il est rare que les locuteurs communiquent le sens à l’aide d’une seule unité lexicale, mais par un

ensemble de unités constituant la « phrase ». La formation de la phrase implique le respect à la

fois des règles syntaxiques et des règles sémantiques.

Ex. Ma sœur est mon seul enfant.

(Phrase syntaxiquement correcte, mais sémantiquement incorrecte)

Mina es ma seul enfant.

(Phrase sémantiquement correct, mais syntaxiquement incorrecte)

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 La sémantique du discours

Pour qu’une suite de phrases puisse donner un sens non ambigu dans un discours, le locuteur doit

respecter les deux règles sémantiques suivantes :

- La cohésion

La cohésion consiste à respecter non seulement les règles syntaxiques et sémantiques en

construisant la phrase, mais également inscrire toute phrase de la manière la plus harmonieuse

dans le texte où elle apparaît. La phrase se rattache à ce qui précède et suit à l’aide des

mécanismes verbaux, tels que la concordance des temps des verbes, les connecteurs logiques des

phrases, etc.

Ex. J’ai réussi parce que j’étudierai. (faute de concordance des temps)

Mon père m’achète le jouet que je veux, mais il est gentil. (faute de connecteur)

- La cohérence

La cohérence textuelle implique l’appropriation de la phrase au contexte dans lequel elle est

inscrite. La phrase s’accorde avec la situation de communication.

Ex. Le professeur ordonne aux élèves : « Faites de beaux rêves et bonne nuit ! »

Question : Réécrivez les phrases suivantes en déterminant la raison de faute et modifiez-les

sémantiquement.

1. Maman étudie architecte.

2. En 2030, l’Égypte a réalisé l’autonomie économique.

3. Le médecin conseille au patient : « Vous feriez mieux d’étudier vos leçons. »

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Cours 8 : Les fonctions du langage

Récemment, la linguistique s’intéresse à l’énonciation, autrement dit, à la production de l’énoncé

et à la situation de communication. Selon l’École de Prague, la fonction essentielle du langage

est de « réaliser l’intention d’exprimer et de communiquer qui anime le locuteur »2. Toute

communication verbale se fait selon le schéma explicatif suivant emprunté à Roman Jacobson

(Essais de linguistique générale, 1969) :

Contexte

Destinateur Destinataire
(Locuteur) Message (Interlocuteur)
(Émetteur) (Récepteur)

Contact
(Canal)

Code

Schéma de communication

Le « destinateur » est la personne qui produit le « message », et le « destinataire » reçoit ce

message et l’interprète. Tous les deux sont présents dans un « contexte », un ensemble des

circonstances dans lesquelles se produit le message : circonstances temporelles, spatiales,

causales, etc. Le « message » renvoie au « référent », et c’est-à-dire le sujet ou la chose dont

parle le destinateur. Ce message se fait par un « code » partagé par le destinateur et le

destinataire, et ce code peut être linguistique (langues) ou extralinguistique (gestes). La

communication s’établit à travers le « contact » entre le destinateur et le destinataire, et ce

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100 fiches pour comprendre la linguistique,

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contact constitue une connexion physique (support sonore ou visuel), physiologique (les sens de

la vue et de l’ouïe) et psychologique (l’intention de communication).

Les fonctions que remplit le langage peuvent être déterminées à partir du schéma comme suit :

- Fonction dénotative ou référentielle. Le « contexte » transmet une information sur la

réalité, le langage peut alors jouer ce rôle informatif ;

Ex. Mon fils me dit : « Maman, j’ai réussi ! ».

- Fonction émotive ou expressive. Le « destinateur » peut énoncer ses sentiments et

émotions à travers le langage ; il exprime sa joie, sa colère, sa satisfaction, etc. ;

Ex. Mon fils m’a dit : « Maman, j’ai réussi finalement ! ».

- Fonction conative. Le « destinataire » reçoit le message, mais également il répond au

destinateur et lui exprime sa réaction, il lui envoie le « feedback » ;

Je lui ai répondu : « Félicitations ! »

- Fonction poétique. Cette fonction vient de la forme et du contenu du « message ». Dans

le langage littéraire, le message a un contenu esthétique et une forme soignée comme

dans la poésie ;

- Fonction phatique. Le « contact » entre le destinateur et le destinataire peut exiger des

expressions introductives, telles que les salutations, les apostrophes (Eh, toi là-bas ?) ;

- Fonction métalinguistique. Le « code » peut comprendre des expressions explicatives

des mots utilisés, telles que : c’est-à-dire, en d’autres termes, autrement dit, etc.

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Question : Dites si les phrases suivantes sont justes ou fausses, et justifiez votre réponse.

1. La communication exige deux éléments seulement : le destinateur et le destinataire.

2. Le « code » est la chose dont parle le destinateur.

3. Le langage a six fonctions à jouer.

4. La fonction informative vient de la nature du code.

5. La fonction conative vient de l’effort du destinataire.

6. Le contact peut être plus large que le canal physique par lequel passe le message.

7. La fonction poétique est propre à la littérature.

8. Pour mener une conversation, le locuteur profite de la fonction phatique du langage.

9. Le langage ne peut pas traduire les sentiments et les émotions du destinateur.

10. Le destinateur envoie le message au destinataire, et ce dernier lui transmet le feedback.

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Cours 9 : Les typologies des langues

Les langues sont nombreuses, et cette réalité a poussé les linguistes à classifier les langues selon

des critères linguistiques variés.

La première typologie s’est fait par des linguistes du XIX e siècle, tels qu’August Schleicher et

Wilhelm von Humboldt, etc. Cette typologie repose sur un critère morphosyntaxique, autrement

dit, la nature et la composition du mot. D’après ce critère, les langues peuvent se ranger dans les

quatre catégories suivantes :

- langues isolantes. Ce sont les langues dont les mots ne se modifient pas, ni par flexion

(affixation) ni par dérivation (mot faisant la base d’un autre). Les relations grammaticales

se marquent par l’ordre des mots ou l’adjonction d’un mot supplémentaire ;

Ex. la langue chinoise

- langues agglutinantes. Ces langues contiennent des mots qui peuvent être modifiés

seulement par l’adjonction des suffixes ;

Ex. la langue turque

- langues flexionnelles. Ce sont des langues dont les mots changent par flexion et par

dérivation. Ainsi l’ordre des mots est relativement livre ;

Ex. langues arabe et française

- langues polysynthétiques. Ces langues sont aussi pourvues des modifications

flexionnelles et dérivationnelles, mais l’ordre des mots de la phrase est fixe, et les mots

peuvent être juxtaposés sans séparation.

Ex. langue groenlandaise

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Une seconde classification peut se faire selon le critère syntaxique, comme celle du linguiste

Joseph H. Greenberg. Les langues se distinguent selon l’ordre des constituants de la phrase

assertive :

- l’ordre « S – V – O » : la phrase se construit du « sujet » suivi du « verbe » et de l’

« objet », telle que la phrase française et anglaise ;

- l’ordre « V – S – O » : le « verbe » est au début de la phrase, suivi du « sujet » et de l’

« objet », comme dans la langue arabe ;

- l’ordre « S – O – V» : l’ « objet » peut suivre le « sujet » au début de la phrase, alors que

le « verbe » devient à la fin, comme dans le latin.

Question : Dites si les phrases suivantes sont vraies ou fausses et justifiez votre réponse.

1. La langue isolante est celle dont les mots ont une forme fixe inchangeable.

2. Le français est une langue polysynthétique.

3. L’arabe est une langue flexionnelle.

4. Les langues se classifient selon le critère phonologique.

5. L’ordre des mots détermine la catégorie de la langue.

6. La langue agglutinante change par dérivation.

7. Le français ressemble au latin en ce qui concerne l’ordre des mots dans la phrase.

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Cours 10 : Diversification des langues et bilinguisme

 Niveaux de langue

Toutes les langues ont des niveaux qui diversifient selon le milieu socio-économique,

intellectuel, le contexte, etc. Quatre niveaux sont à noter :

- niveau soutenu. Le locuteur est très attaché à la discipline et à la norme de la langue,

c’est le niveau le plus élevé de la langue dans laquelle la littérature est produite ;

- niveau moyen ou non marqué. Le locuteur est moins strict : la langue est soignée, mais

simple, comme celle du journalisme et de la communication ;

- niveau populaire ou familier. C’est la langue parlée dans la vie quotidienne et dans la

rue. Elle est moins soignée et les règles grammaticales sont moins appliquées ;

- niveau vulgaire. Ce niveau de langue est jugé péjoratif, il contient des mots qui

manquent de raffinement.

 Registres de langue

Certaines langues ont deux formes distinctes au niveau lexical, morphosyntaxique et

phonologique. Ces formes sont :

- la langue standard. Ce registre de langue a un aspect officiel, il est reconnu par l’État

comme langue nationale. L’administration, l’enseignement, la communication, les

pratiques religieuses et culturelles se font par cette langue. Sa norme est respectée par les

usages, et elle est plus écrite qu’orale.

- le dialecte. C’est une forme simplifiée de la langue au niveau grammatical. Son lexique

s’enrichit par les néologismes, tels que les emprunts aux langues étrangères, et les usages

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ont une grande liberté en appliquant les règles phonologiques et morphosyntaxiques de la

langue, et le dialecte est plus oral qu’écrit.

Le dialecte varie d’une région à l’autre, d’une classe sociale à l’autre, d’une tranche d’âge

à l’autre, etc. Le dialecte d’une classe sociale médiocre ou très populaire peut être appelé

« patois ». Le « jargon » est un dialecte propre à un groupe socioprofessionnel et difficile

à comprendre par les autres (artisans, par exemple). L’« argot » est une forme du jargon,

mais il est utilisé par une classe sociale marginale (comme les artisans de la classe

populaire).

 Langues mixtes

Le contact des langues différentes peut produire de nouvelles langues, mais déformées, telles

que :

- le créole. C’est une langue venant du contact entre la langue de colonisateurs et celle

d’esclaves. La grammaire est empruntée souvent à la langue des conquérants et le lexique

est celui des locuteurs conquis. Le créole évolue et constitue la langue maternelle de la

population colonisé, tel que le créole des Antilles, des Caraïbes, d’Afrique, etc. ;

- le sabir. Ce parler naît dans des circonstances pacifiques, telle que le commerce. Le

contact des langues différentes donnent lieu à une forme langagière mixte et

compréhensible par tous les usagers. Elle est mal structurée au niveau grammatical, mais

comporte des mots venant des deux langues, et elle n’arrive pas à être une langue

maternelle.

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Question : Dites si les phrases suivantes sont vraies ou fausses et justifiez votre réponse.

1. Le français soutenu est parlé dans les quartiers populaires de France.

2. L’arabe a deux registres : l’arabe standard et l’arabe dialectal.

3. Le patois est un dialecte.

4. Les articles des journaux sont rédigés en langue vulgaire.

5. Les romans sont écrits en langue non marquée.

6. Le dialecte a un lexique et une syntaxe fixes et enseignés dans les écoles.

7. La langue standard est celle de l’enseignement.

8. Le créole et le sabir sont les mêmes.

9. Le sabir se crée dans les colonies.

10. Le créole devient une langue maternelle.

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