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CRISTIANA - NICOLA TEODORESCU

Initiation à la sémantique

Anul III
Semestrul I
2011 / 2012
Initiation à la sémantique

I. LA SEMANTIQUE

Définition
Sémantique est un mot qui a été inventé par le linguiste
français Michel Bréal pour designer « les lois qui président à la
transformation des sens »1.
Bréal invitait le lecteur à le suivre dans une étude qui est
« d‟espèce si nouvelle qu‟elle n‟a même pas encore reçu de nom. En
effet, c‟est sur le corps et sur la forme des mots que la plupart des
linguistes ont exercé leur sagacité : les lois qui président à la
transformation des sens, au choix d‟expressions nouvelles, à la
naissance et à la mort des locutions, ont été laissées dans l‟ombre ou
n‟ont été indiquées qu‟en passant. Comme cette étude, aussi bien que
la phonétique et la morphologie, mérite d‟avoir son nom,
l‟appellerons la sémantique (du verbe sēmaínō) c‟est-à-dire la
science des significations »2.
La sémantique s‟occupe avec le sens des mots. Le mot
sémantique est formé à partir du grec sēmaínō, dérivé du séma
(signe). Donc un changement sémantique est un changement de sens,
la valeur sémantique d‟un nom c‟est son sens.

1
Michel Bréal, 1883, « Les lois intellectuelles du langage. Fragment de
sémantique », apud Christian Touratier, La sémantique, Paris, Armand
Colin, 2000, p. 8.
2
Extrait de « Les lois intellectuelles du langage. Fragment de sémantique »
in Anuaire de l‟Association pour l‟encouragement des études grecques en
France, XVII, 1883, p. 133, apud Christian Touratier, op.cit., p. 8.
Initiation à la sémantique 3

Depuis la fin du XIXe siècle, le mot sémantique a reçu des


définitions partiellement différentes, dépendantes du domaine
attribué à cette science. Irène Tamba-Mecz retient trois définitions
principales :
1. « La sémantique est l‟étude du sens3 » ;
2. « La sémantique est l‟étude du sens des mots4 » ;
3. « La sémantique est l‟étude du sens des mots, des phrases
et des énonces5 ».
On voit, donc, que nous partons d‟une définition bien trop
large (car le sens peut être étudié aussi bien par des philosophes, des
psychologues et des linguistes), pour passer par une autre, plus
restreinte et plus proprement linguistique (car elle limite l‟étude du
sens au sens des mots), pour arriver à la troisième définition, qui
élargit la sémantique à l‟étude des unités complexes que forment les
mots, plus précisément les phrases.
La sémantique n‟est pas la seule discipline linguistique qui
s‟intéresse à la signification, mais elle s‟intéresse au sens d‟une
manière exclusive.

Les quatre sémantiques


Le problème du sens intéresse plusieurs disciplines : la
philosophie, la psychologie, la linguistique, la logique,
l‟anthropologie, la sociologie. La sémantique hante donc les sciences
humaines.
On constate l‟existence de quatre sémantiques :

3
J. Lyons, Eléments de sémantique, Paris, Larousse, 1978, p. 9.
4
P. Guiraud, La sémantique,, Paris, PUF, 1955, p. 5.
5
Tamba, Irène, La sémantique, Paris, PUF, 1988, p. 7.
Initiation à la sémantique

- la sémantique linguistique qui étudie les mots au sein de la


langue et qui doit répondre aux questions suivantes: Qu‟est-ce qu‟un
mot? Quelles sont les relations entre le sens et la forme d‟un mot?
- la sémantique philosophique : pourquoi et comment
communiquons-nous?
La sémantique philosophique a été fortement marquée par
l‟empirisme logique de Wittgenstein, l‟auteur du célèbre Tractus
logico-philosophicus de 1921 qui fait de la philosophie tout entière
une réflexion sur le langage. Les représentants les plus importants
sont R.Carnap, B.Russell (Signification et vérité, Paris, Flammarion,
1969), E.Casirer. Mariana Tuţescu résume les objectifs de la
sémantique philosophique : « établir l‟ensemble des règles qui
permettent de former des propositions scientifiques et de les
transformer ensuite en d‟autres propositions équivalentes,
susceptibles d‟être soumises au contrôle des faits du monde
gnoséologique »6.
- la sémantique logique : quelles sont les relations du signe
avec la réalité?
La sémantique logique est fondée sur la sémantique
philosophique et a un caractère rigoureux et formalisé. C‟est la
théorie logique des significations des formes linguistiques. Les
représentants les plus importants sont A.Tarski, R.Carnap
(Introduction in Semantics, 1942, Meaning and Necessity, 1947),
Em. Vasiliu (Elemente de teorie semantică a limbilor naturale,
Bucureşti, Editura Academiei RSR, 1970).
- la sémantique générale est une application et vulgarisation de
la sémantique philosophique, portant sa critique sur la
communication sociale. A.Korzybski et ses disciples attribuent aux

6
Mariana Tuţescu, Précis de sémantique française, Bucureşti, Editura
Didactică şi Pedagogică, 1978, p. 14.
Initiation à la sémantique 5

langues naturelles la responsabilité des malheurs du monde et


proposent, pour guérir les sociétés, une véritable sémiothérapie. Les
représentants les plus importants de la sémantique générale, qui se
veut une discipline appliquée, sont, à part A.Korzybski, A.Rapaport,
St. Chase, S.I.Hayakawa.

Sémantique diachronique et synchronique


La distinction saussurienne entre diachronie et synchronie a
apporté en linguistique une vraie révolution qui nous conduit à faire
la distinction entre
- la sémantique synchronique, souvent appelée, de nos jours,
simplement sémantique, étude et théorie des significations
linguistiques dans un système linguistique donné à une époque
donnée, et
- la sémantique diachronique, appelée, à l‟origine, sémantique
tout court, étudie l‟évolution dans le temps du sens des mots.

Survol de l‟histoire de la sémantique


Même si les réflexions sur les significations sont très
anciennes, la sémantique est une science relativement récente.
Comme science linguistique, la sémantique apparaît au
commencement du XIX-e siècle. Le professeur de latin Reiseig, dans
un ouvrage posthume de 1839, reconnaît la sémasiologie comme
branche autonome. Après 40 ans, en 1880, un autre linguiste,
Hermann Paul, dans Principes de l‟histoire des langues, consacre
tout un chapitre à cette nouvelle discipline qui s‟occupe des
changements de sens.
C‟est Michel Bréal qui a créé en 1883 le terme de sémantique
dans un article, Les lois intellectuelles du langage, qui mettait les
bases de cette discipline. Dans cet article, Bréal désigne par le terme
Initiation à la sémantique

sémantique “la science des significations et des lois qui président à la


transformation des sens”.
En 1886 Arsène Darmsteter publie La vie des mots étudiée
dans leurs significations.
En 1887 Lazăr Şăineanu écrit Încercare asupra semasiologiei
româneşti.
En 1897 Michel Bréal publie Essais de sémantique, science
des significations, l‟acte de naissance de cette nouvelle discipline.
Antoine Meillet, dans l‟article Comment les mots changent de
sens applique une perspective sociologique et historique. Il
considérait que les changements de sens sont une résistance des
signes aux évolutions des sociétés, car le signifiant est fixe, et les
signifiés évoluent.
En 1931 apparaît le livre classique pour l‟étude des
changements de sens, The Meaning and Change of Meaning de
Gustav Stern.
En 1923 Ogden et Richards, dans The Meaning of Meaning,
introduisent la perspective synchronique dans l‟étude de la
sémantique.
En 1930, Jost Trier publie un livre très important pour
l‟évolution de la sémantique, Les champs sémantiques.
Après 1930 on constate une sorte de paralysie dans la
recherche sémantique. Les raisons de cette pause sont la difficulté de
trouver un système sémantique cohérent et l‟influence du
structuralisme de F. de Saussure.
En 1916 apparaît Cours de linguistique générale de F. de
Saussure qui va influencer plusieurs écoles linguistiques : l‟école
linguistique de Prague (Troubetzkoy, Jakobson), l‟école linguistique
de Copenhague (L.Hjelmslev), l‟école fonctionnaliste (A.Martinet) et
l‟école linguistique américaine (le courant anthropologique avec
Bloomfield, Boas, Sapir, Worf, le behaviorisme marque par
Initiation à la sémantique 7

Language de Bloomfield et le descriptivisme. Toutes ces écoles


chassent le sens de l‟analyse linguistique. Les successeurs de
Bloomfield (Bloch et Trager) ont poussé à l‟extrême l‟exclusion du
sens.
Malgré cette exclusion du sens il y a quand même des
tentatives d‟analyse qui visent justement la récupération du sens.
Nida introduit en 1951 les termes de sème et sémème et conçoit un
système d‟analyse sémantique. On arrive, ainsi, à la conclusion que
le sens est indispensable pour l‟analyse de tout système de langue.
Hjelmslev avec sa Glossématique de 1959 apporte un
renouveau dans la recherche sémantique.
En 1964 B.Pottier écrit Vers une sémantique moderne et
introduit les termes de champs lexico-notionnels, archilexème,
virtuème, classème, sémantème et propose un modèle, devenu
classique, d‟analyse sémique.
Katz et Fodor lancent une sémantique interprétative dans
Structure d‟une théorie sémantique.
N.Chomsky ouvre une nouvelle perspective avec la
sémantique générative.
En 1966 apparaît La sémantique structurale. Recherche de
méthode (Paris, Larousse) de Greimas.
Une autre date importante pour le développement de la
sémantique est représentée par l‟apparition en 1965 du Précis de
sémantique française (A.Francke, Berne) de St. Ullmann avec une
perspective lexicale très nette.
D‟autres directions dans la recherche sémantique: l‟analyse
componentielle (Greimas, Pottier, Guiraud, Coşeriu), la sémantique
textuelle (Greimas, Arrivé, Coquet), les recherches narratives
(Todorov, Claude Brémond), la poétique (Todorov, Genette), la
rhétorique (le groupe μ de Liège), la stylistique (Guiraud, Riffaterre).
Initiation à la sémantique

Aujourd‟hui l‟analyse sémantique gagne de plus en plus de


terrain en dépassant le niveau de l‟explicite avec John Austin (Quand
dire c‟est faire) et O. Ducrot (Dire et ne pas dire, La preuve et le
dire).

Le sens
Saint Augustin (IV-III siècle a.J.C.) parlait de la difficulté de
définir le sens, car le sens est fluide et difficilement saisissable.
Wittgenstein considérait que le mot est défini par son emploi
dans la langue
Valéry aussi trouvait que le texte est toujours clair. Les mots
sont clairs seulement dans le texte.
Jakobson disait que le sens des mots n‟est palpable que dans le
langage concret, c‟est-à-dire dans le processus de la communication.
Hans Martin Gauger dans Le mot et le langage (1969)
affirmait que le sens des mots est une image de notre réminiscence,
le sens se forme par l‟expérience de communication. Le sens c‟est un
acte non pas une substance. Il se basait sur une affirmation de
Mallarmé.
Le sens se forme à l‟aide d‟une définition ostensive (< lat.
ostendere) ; grâce à la définition du signe indicateur le sens devient
plus exacte et plus dense. La représentation est complète quand la
représentation individuelle du référé se superpose (est identique)
avec celle typique et idéale.
Le sens est le résultat d‟un rangement répété, situationnel et
contextuel, le résultat d‟une habitude.
Le sens des mots se densifie parce que celui qui apprend la
langue commence à mieux comprendre le système de la langue.
La densification du sens se réalise par trois moyens :
- l‟emploi situationnel et contextuel du mot
Initiation à la sémantique 9

- les connaissances accumulées sur la valeur du mot


- la délimitation due au sens structural

Sens et signification
Mariana Tuţescu montre que « la distinction sens / vs/
signification est de nature à éclairer la spécificité de la sémantique et
celle de la pragmatique »7.
Les deux notions ont reçu des définitions différentes en
fonctions des chercheurs qui les ont utilisées et des écoles
linguistiques.
F.de Saussure et les structuralistes identifient le sens au
signifié et le conçoivent comme l‟image mentale attachée au
signifiant dont il serait porteur.
Ex. le sens du signe table est son signifié, le concept « objet
en bois, de forme précise, servant à des buts précis ».
L. Bloomfield et les descriptivistes américains considèrent
que le sens d‟un mot est son emploi dans la langue.
Z. Harris et les distributionnalistes trouvent que le sens est
une fonction de la distribution, l‟environnement lexical et syntaxique
des éléments concourant à l‟établissement de leur sens.
Ce qui unit toutes ces approches différentes est le fait que le
sens est considéré comme étant propre au système linguistique de
chaque langue naturelle. L. Hjelmslev définissait le sens comme
« une grandeur qui n‟est définie que par la fonction qui la lie au
principe de structure de la langue et à tous les facteurs qui font que
les langues diffèrent les unes des autres »8.

7
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 60.
8
L. Hjelmslev, Prolégomènes à une théorie du langage, Paris, Editions de
Minuit, 1968, p. 74, apud Mariana Tuţescu, op.cit., p.61.
Initiation à la sémantique

St.Ullmann conçoit la signification comme la relation


symétrique entre le signifiant et le signifié et R. Barthes comme
l‟acte dont le produit est le signifié. Mais, ce qui est clair pour tous
les linguistes est le fait que la signification est strictement liée au
processus de communication, Adam Schaff considérant que les
notions fondamentales de la communication sont le signe, la
signification et le langage.
Mariana Tuţescu conçoit le sens comme “une constante
sémantique, propre à un élément simple (morphème, mot, syntagme)
ou à un énoncé (phrase). Le sens caractérise ainsi les items lexicaux
et les énoncés qui se trouvent hors de l‟énonciation. La signification,
ensemble de variables sémantiques, correspond au discours ; c‟est le
sens implicite d‟un énoncé prolongé dans l‟énonciation »9.
La distinction sens/signification a une grande importance
opérationnelle et méthodologique, mais elle s‟efface dans la réalité
de la langue.

9
Mariana Tuţescu, op.cit., p.61.
Initiation à la sémantique 11

II. L‟ANALYSE SEMIQUE OU COMPONENTIELLE.


LES UNITES DE SENS

“Le point de départ de toute


description est une reconstruction des
classes sémantiques au cours de la lecture
du corpus ; la construction des classes de
ţsignification minimales dans le cadre de la
lecture fournit en effet une base à
l‟objectivation des contenus sémantiques “.
M.Cavazza10

L‟ANALYSE SEMIQUE OU COMPONENTIELLE


Au commencement du siècle dernier la phonologie a mis au
point une nouvelle technique pour l‟étude des unités phoniques du
langage. Cette technique permettait de dégager, pour une langue
donnée, quelques dizaines d‟entités, les phonèmes. Les phonèmes
pouvaient être analysés à leur tour en traits distinctifs ou traits
pertinents, de sorte que chaque phonème se définissait comme un
ensemble de traits distinctifs. Cette nouvelle technique s‟est révélée
féconde et les linguistes ont tenté de l‟appliquer à d‟autres secteurs
du langage, en particulier à celui du sens.
Alain Polguère11 affirme que l‟analyse sémique (aussi appelée
analyse componentielle) est une «métaphore scientifique» de la

10
M.Cavazza, apud Teodora Cristea, Structures signifiantes et relations
sémantiques en français contemporain, Bucureşti, Editura Fundaţiei
România de Mâine, 2001, p. 36.
Initiation à la sémantique

caractérisation des phonèmes d‟une langue par traits distinctifs. On


pense au type d‟analyse qui permet de contraster les deux phonèmes
/b/ et /p/ de la façon suivante :
/b/ [- vocalique], [+ occlusif], [+bilabial], [+sonore]
/p/ [- vocalique], [+ occlusif], [+bilabial], [= sonore]
Nous nous rappelons que la sémantique n‟avait pas, à cette
époque là, de méthode rigoureuse d‟analyse. La description des
significations restait assez impressionniste et les linguistes sentaient
le besoin de trouver un moyen de traiter le sens comme un ensemble
d‟éléments de signification, puis de donner la liste de ces unités
élémentaires. Ainsi, la description phonologique, étendue à domaines
du langage, pouvait-elle unifier la description linguistique.
La description sémantique est faite à plusieurs niveaux qui ne
sont pas saisissables dans le discours. Ces niveaux et les unités qui
les constituent restent à un premier regard cachés, mais ils
apparaissent à la suite d‟une analyse qui sert à les découvrir, à les
identifier et à préciser leur contenu. La sémantique componentielle se
propose justement d‟analyser le niveau inférieur aux morphèmes et
les unités de contenu microsémantique.

1. LE SEME
Dans le cadre de l‟analyse sémique, les traits distinctifs sont
appelés sèmes ; ils sont de nature sémantique (au lieu d‟être de
nature phonique ou articulatoire, comme c‟est le cas pour les traits
distinctifs des phonèmes).
La découverte du sème a permis à la sémantique de devenir
une discipline structurale.

11
Cf. Alain Polguère, Lexicologie et sémantique lexicale. Notions
fondamentales, Les Presses de l‟Université de Montréal, 2003, p. 161-162.
Initiation à la sémantique 13

Le sème, marque sémique, est l‟unité minimale de sens, le


trait pertinent (différentiateur) du contenu sémantique.
Ex. homme [+ humain], [+ mâle], [+ adulte]
vache [+ animé], [- humain], [+ bovin],
[+ femelle], [+ adulte]
Les sèmes sont des universaux substantiels du type [action],
[état], [couleur], [quantité], [qualité], [manière], [dimension],
[animé], [humain], [mâle], [femelle], [objet], etc. Le nombre de
sèmes est immense, il est presque impossible de dresser un inventaire
de ces unités.
Le sème est une unité du plan du contenu et ne se réalise
jamais comme une unité autonome, mais à l‟intérieur d‟un ensemble
plus complexe, le sémème.
Les sèmes se présentent plutôt comme des molécules et non
comme des atomes, car, dans la plupart des cas ils sont analysables
en unités de rang inférieur. Il existe pourtant des unités primitives,
inanalysables, de nature conceptuelle, translinguale, les noèmes.
Pottier (1964, p. 124) a défini le sème comme est un trait
différentiel, la plus petite différence entre deux sémèmes.
Ex. homme [+ humain], [+ mâle], [+ adulte]
femme [+ humain], [- mâle], [+ adulte]
Teodora Cristea12 affirme que le sème a un sens opératoire, “il
réunit des sémèmes sur la base de traits qu‟ils partagent en commun
ou les différencient en fonction des traits qui les séparent”.
On peut définir les sèmes par des relations d‟opposition ou
d‟équivalence au sein de classe de sémèmes.
Ex. instituteur [ + personne qui enseigne], [+ dans une école
primaire]

12
Teodora Cristea, op.cit., p. 37.
Initiation à la sémantique

professeur [ + personne qui enseigne une discipline ou un


art], [ + dans une institution de rang supérieur (lycée,
université, etc.)]
macaroni [+ pâtes alimentaires présentés sous la forme de
longs bâtonnets], [+ creux]
spaghetti [+ pâtes alimentaires présentés sous la forme de
longs bâtonnets], [+ pleins].
Types de sèmes:
- les sèmes relationnels, grammaticaux (appelés aussi
fonctèmes ou morpho-sèmes) sont des traits minimaux du
grammème et établissent une relation entre les substances des
lexèmes.
Le catégorème est l‟ensemble des sèmes relationnels et
correspond à la “catégorie grammaticale” (genre, nombre, personne,
etc.)
Ex. la [+ défini], [+ féminin], [+ singulier] [+ individualisation]
les [+ défini], [± masculin ], [+ pluriel] [+ individualisation]
- les sèmes substantiels, lexicaux sont des traits lexicaux. Ce
sont des traits définitoires.
Ex. maison [+ objet], [+ bâtiment], [+ pour habiter]
marcher [+ action], [+ déplacement], [+ mouvement
successifs des pieds], [+ sans quitter le sol]
Les sèmes substantiels se divisent en deux sous-catégories :
- les sèmes génériques, qui sont communs à tous les
sémèmes, servant à indexer le sémème dans la classe, en établissant
des relations d‟équivalence.
Initiation à la sémantique 15

Pottier définit le sème générique comme « un élément du


classème, permettant le rapprochement de deux sémèmes voisins par
référence à une classe plus générale […] »13.
Ex. violon [- animé], [+ matériel], [+ dénombrable], [+ artefact],
[+ instrument de musique], [+ à cordes frottées].

Sème/ Sèmes Sèmes Sèmes


classe14 microgénériques mésogénériques macrogéneriques
Taxème A cordes
Domaine + instrument de
musique
+ artefact
Dimension - animé
+ matériel
+ dénombrable

Les sèmes génériques intègrent le sème à une classe en notant


des relations d‟équivalence entre sémèmes.
L‟ensemble des sèmes génériques est le classème.
- les sèmes spécifiques différencient les sémèmes appartenant
à une même classe. Les sèmes spécifiques établissent des relations
d‟opposition, en définissant le sémème d‟un lexème par la différence
spécifique.
Le sémantème représente l‟ensemble des traits spécifiques.
B. Pottier définit le sème spécifique comme « un élément du
sémantème, permettant d‟opposer deux sémèmes très voisins, par
une caractéristique propre »15.
Ex. dans le domaine des instruments de musique, à l‟intérieur du
taxème « à clavier » on distingue :
13
Bernard Pottier, Linguistique générale. Théorie et description, Paris,
Klincksieck, 1974, p. 330-331.
14
Teodora Cristea, op.cit., p. 41.
15
Bernard Pottier, op.cit., p. 330-331.
Initiation à la sémantique

Piano [- animé], [+ matériel], [+ dénombrable], [+ artefact],


[+ instrument de musique], [+ à cordes frappées].
Clavecin [- animé], [+ matériel], [+ dénombrable], [+
artefact], [+ instrument de musique], [+ à cordes pincées].
- les sèmes inhérents relèvent du système fonctionnel de la
langue et sont, du point de vue fonctionnel, définitoires pour un
lexème donné. Ils ont un rôle distinctif, opposant un sémème à
d‟autres sémèmes voisins, appartenant à une même classe lexicale.
Ex.
S1: ouvrier qui S3: S4:
Sème/ S2:
fait des travaux menuiserie menuiserie
Lexème16 charpente
sur bois utilitaire décorative
Charpentier + + - -
Menuisier + - + -
ébéniste + - - +

- les sèmes afférents, considérés comme des sèmes


marginaux, ne sont pas distinctifs et relèvent du système de
codification des normes socialisées ou partiellement socialisées. Ils
sont de nature contextuelle, étant mis en relation avec les traits
connotatifs.
Le virtuème17 représente l‟ensemble des sèmes afférents.
Pour illustrer ces différences, Teodora Cristea donne
l‟exemple du lexème arbre18:

16
Teodora Cristea, op.cit., p. 43.
17
Bernard Pottier propose cette définition au virtuème : « est virtuel tout
élément qui est latent dans la mémoire associative du sujet parlant et dont
l‟actualisation est liée aux facteurs variables des circonstances de
communication. Le virtuème représente la partie connotative du sémème. Il
est très dépendent des acquis socioculturels des interlocuteurs. Il est, donc,
instable, mais se situe dans la compétence à un moment donné » (B.Pottier,
op.cit., p. 74-75).
Initiation à la sémantique 17

a. Cet arbre a perdu ses feuilles.


Classème : sèmes inhérents
Génériques [+ vivant], [- animé], [+ matériel], [+
dénombrable]
Sémantème:
Spécifiques [+ végétal], [+ ligneux], [+ branches], [+
frondaison]
b. arbre de la science
arbre du bien et du mal
virtuème socialisé appartenant au plan dénotatif.
c. Je venais de perdre ma protection, mon oppression, mes
racines.
Comme un arbre déjà grand, secoué par le vent, je sentais tout
à coup le poids périlleux de mes branches et de mon feuillage :
j‟étais tout seul. (Pascal Jardin, Le Nain Jaune).
Virtuème plus ou moins socialisé relevant du plan connotatif ;
sème actualisé [+ solitude].
Les sèmes afférents dépassent les limites de l‟ensemble auquel
le sémème en question appartient pour s‟intégrer à un ensemble
différent. Ils sont actualisés à l‟aide d‟une instruction contextuelle.
Ex. le lexème moulin [+ appareil pour moudre]
Traits inhérents [- animé], [+ matériel], [+ artefact], [+
instrument]
Moulin à paroles « personne qui parle sans arrêt » il y a
transgression de l‟ensemble
[- animé] à l‟ensemble [+ humain].
Ex. le lexème oiseau [+ animal]

18
Teodora Cristea, op.cit., p. 44.
Initiation à la sémantique

Un drôle d‟oiseau «individu peu recommandable» il y a


transgression de la classe [+ animal] à la classe [+ humain]
plus le sème [+ péjoratif] ;
Un oiseau de malheur, un oiseau de mauvais augure
« personne qui annonce de mauvaises nouvelles »
Oiseau rare « personne irremplaçable » [+ ironie]
Oiseau de bon augure « personne qui annonce de bonnes
nouvelles » [+ mélioratif]
Chanter comme un oiseau « chanter très bien ».

Pour conclure, on reprend le tableau récapitulatif proposé par


Teodora Cristea19:
Inhérents Afférents
Types de Spécifiques
sèmes géné- spéci-
Génériques distinc- Non riques fiques
tifs distinctifs
Ensemble de
classème sémantème virtuème
sèmes
sémème

Ex. le lexème cheval :


Sèmes inhérents Sème afférents
Plus ou
Socialement
Génériques Spécifiques moins
codés
socialisés
Non-
distinctifs Masculinité
distinctifs
Résistance
Animal Mammifère Obstination
Equidé ongulé Intensité
domestique
solipède à
crinière
sémème

19
Teodora Cristea, op.cit., p. 46.
Initiation à la sémantique 19

Les sèmes afférents socialement codés s‟actualisent dans les


contextes suivants:
[+ masculinité] un grand cheval “une grande femme masculine”
[+ résistance] un vrai cheval de labeur “ un travailleur infatigable”
[+ obstination] un cheval de retour “récidiviste”
cheval de bataille “sujet favori auquel on revient toujours”
[+ intensité] fièvre de cheval “ fièvre très forte”
Dans le contexte suivant, c‟est le sème [+vitesse] qui
s‟actualise: Nous passâmes la frontière comme deux cheveux de
sang qui sentent l‟écurie (Pascal Jardin, Le nain jaune).

Sème/vs/lexème
Entre le sème et le lexème il y a une différence de niveau de
manifestation:

Le sème Le lexème
- unité minimale du plan - unité minimale du plan lexical
sémantique de la langue, du de la langue, du plan de
plan du contenu l‟expression
- une virtualité, il est antérieur - morphèmes lexicaux dont la
à toute manifestation dans le totalité constitue le lexique
discours d‟une langue
- le sème s‟actualise dans le - est une manifestation concrète
lexème dans le discours
- ensemble de sèmes reliés entre
eux par des relations
hiérarchiques

Ex. fille [+humain], [+femelle], [+âge relatif aux parents]


Initiation à la sémantique

Il existe des sèmes qui s‟actualise dans la langue, devenant


lexèmes, et d‟autres qui ne se lexicalisent pas:

[+ gardien spécifique d‟un animal]


porc → porcher
chèvre → chevrier
bœuf → bouvier
mulet → muletier
cheval → Ø
cochon → Ø
âne → Ø
poule → Ø

Ce sont les cases vides du vocabulaire (lacunes lexicales).


La sémantisation est le processus de conversion du sens en
mots. La sémantisation précise le rapport entre le sème et le lexème
dans le cas des mots polysémiques.
Ex. nonciature
S1 : + fonction
S2 : + exercice de la fonction
S3 : + résidence

A l‟aide des sèmes on peut structurer des ensembles


lexématiques, des microsystèmes lexicaux, des ensembles de mots
qui circonscrivent un domaine conceptuel lexicalisé dans lequel le
signifié d‟un lexème recouvre partiellement le signifié de tous les
autres, tirant ainsi leur valeur de leurs oppositions respectives.
Initiation à la sémantique 21

Ex. rive / rivage


Sèmes / S1 : bande de S2 : qui borde S3 : qui borde un
Lexèmes terre la mer cours d‟eau
Rive + - +
Rivage + + -

J‟habite rive gauche de la Seine.


J „aime habiter sur la rive.
Je préfère la mode rive gauche.
Le bateau s‟éloigne du rivage.
Ex. marin / marinier
Sèmes / S1: personne qui travaille dans S2: sur S3: sur des canaux,
Lexèmes le domaine de la navigation mer des cours d‟eau
marin + + -
marinier + - +

Marin de la marine marchande.


Marinier de Venise.
Ex. fleuve / rivière
Sèmes / S1 : cours S2 : qui se jette S3 : se jette dans un
Lexèmes d‟eau dans la mer autre cours d‟eau
fleuve + + -
rivière + - +

Ex. plaisir / joie


Sèmes / S1 : soumis S2 : S3 : S4 :
Lexèmes a une satisfaction satisfacti extériori-
apprécia- des sens on du sation
tion morale coeur violente
plaisir + + - -
joie - - + +
Initiation à la sémantique

Pottier a proposé une analyse sémique devenue modèle :


S3 : pour S4 : S5 : S6 : en
Sèmes/ S1 : pour S2 : sur
une avec avec matière
Lexèmes s‟asseoir pied(s)
personne dossier bras rigide
Chaise + + + + - +
Fauteuil + + + + + +
Tabouret + + + - - +
Canapé + + - + + +
Pouf + - + - - -

Alain Polguère20 donne comme exemple d‟analyse sémique:


S1: S2: S3: S4: S7: S8:
Sèmes/ S5: S6: 4 à 6
sur sur deux indivi- intra- traction de
Lexèmes payant personnes
terre rail roues duel urbain personnes
voiture + - - + - + - +
taxi + - - - + + - +
autobus + - - - + - + +
autocar + = - - + - - +
métro + - = + - + +

2. LE CLASSEME
Mariana Tuţescu21 définit les classèmes comme des traits
sémiques combinatoires, des sèmes contextuels dus à
l‟environnement syntagmatique. Les classèmes appartiennent à
l‟univers manifeste de la langue. Ils sont un fait de l‟axe
syntagmatique.

20
Alain Polguère, op.cit., p. 162.
21
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 79.
Initiation à la sémantique 23

B. Pottier considère le classème comme une caractérisation


d‟appartenance des sémèmes à des classes générales sémantico-
fonctionnelles : animation, continuité, transitivité, etc.
Ex.
+ mâle
+personne
+ femelle
animé + mâle
- personne (animal)
-mâle
+objet matériel
inanimé
- objet matériel
+nombrable
continuité
- nombrable

Mariana Tuţescu22 donne l‟exemple des verbes :


- penser, lire, écrire, rire, dire, rêver dont le contenu sémantique
renferme le classème [+personne], qui exigent des nominaux
marqués par le trait [+ personne]
- manger, dormir sont marqués par le classème [+animé] avec les
sous - divisions [+personne], [- personne]
- germer est marqué par le classème [- sujet personnel]
- effrayer, amuser, intéresser sont marqués par le classème [+
complément animé]
- entendre, voir sont marqués par le classème [± complément
animé]
- apporter, éteindre sont marqués par le classème [- complément
animé]

22
Mariana Tuţescu, op.cit. p. 80.
Initiation à la sémantique

- stylo, étudiant, immeuble sont marqués par le classème [+


nombrable]
- eau, poudre, courage, intelligence sont marqués par le classème
[- nombrable]
Les classèmes fonctionnent comme un système de
comptabilités entre les ensembles sémiques formant le contenu des
lexies qui entrent en rapport:
Ex. Le chat miaule.
Miauler chat
----------------------------------- -------------------------------
[+action],[+cri],[+propre à un chat] [+animé],[sonorité spécifique]

Le noyau sémique de chat se combine avec le noyau sémique


de miauler.

L‟homme miaule.
Homme Miauler
---------------------------------- ---------------------------------
[+personne], [+action],
[+ayant la capacité de parler] [+cri], [+propre à un chat]

On voit donc que les classèmes garantissent la cohésion


sémique de l‟énoncé, son isotopie, fournissant ainsi, comme
l‟affirme Greimas « les conditions structurales du fonctionnement du
discours » (Greimas, p.69).
Initiation à la sémantique 25

Les traits caractéristiques des classèmes sont:


- leur caractère itératif ;
- présentent une extension syntagmatique ;
- assurent l‟isotopie du discours, constituant le cadre
d‟organisation de l‟univers sémantique.
Il y a deux types de traits classématiques :
- ceux qui ont un caractère morpho-sémantique [± transitif, ±
achevé, ± dénombrable, ±animé, ± personnel, etc.]
- ceux qui ont un caractère lexical.
Mariana Tuţescu23 donne l‟exemple des classèmes du verbe
prendre :
- prendre un surnom, prendre des renseignements, prendre
conseil, prendre des ordres [+ faire sien]
- prendre sur soi de … [+ en porter volontairement la
responsabilité]
- prendre pour, prendre comme, prendre à, prendre en [+ se servir
de quelqu‟un en tant que}
- prendre des gants [+ agir avec délicatesse]
- prendre le voile, prendre l‟habit [+ entrer au couvent]
- prendre le deuil [+ mettre des vêtements de deuil]
- prendre la plume [+ écrire]
- prendre la clé des champs [+ s‟enfuir]
- cet arbre prend bien / le bois prend / bouture qui prend [pousser
des racines, continuer sa croissance après transplantation]
- le feu prend [se mettre à consumer une substance]
- l‟escalier prenait à gauche [commencer - en parlant de ce qui
suit une direction]

23
Mariana Tuţescu, op. cit., p. 82-83.
Initiation à la sémantique

- vaccin qui prend / la teinture de ce tissu a bien pris [produire


l‟effet recherché, réussir]
Le recours aux classèmes sert à découvrir le sens des
onomatopées et des noms qui en dérivent : le froufrou d‟une robe ;
le tic-tac d‟une montre ; le couac de la trompette ; le couin-couin
des canards

3. LE SEMEME
Mariana Tuţescu24 définit le sémème comme l‟ensemble des
sèmes et des classèmes, des traits inhérents et des traits contextuels
formant le sens d‟un lexème ou d‟une lexie. Le sémème représente le
sens global d‟un mot, renfermant toutes les marques sémiques
pertinentes pour la signification du mot. Le sémème est ainsi le sens
dénotatif, explicite d‟une lexie, mais aussi son sens connotatif.
Ex. le sémème de chaise est formé par les sèmes [+ objet], [+ en
matière rigide], [+ pour s‟asseoir], [+ avec pieds], [+ pour
une personne], [+ dossier], [- bras].
Ex. le sémème du verbe savoir [+ action], [+ d‟appréhender par
l‟esprit], [+ être en mesure de pratiquer, d‟exécuter, grâce à
des connaissances théoriques], [+ auxiliaire avoir],
[+résultatif], [+ duratif], [+ sujet humain]. Les marques 1, 2,
3, 5, 6 sont des sèmes nucléaires, les marques 4, 7 sont des
classèmes.
Greimas25 considère que le sémème représente la combinaison
d‟un noyau sémique (des sèmes nucléaires avec des sèmes
contextuels) : sémème Sm = Ns + Cs (le Ns est le noyau sémique et
le Cs ce sont les sèmes contextuels). Le noyau sémique est
l‟invariant du sens et les sèmes contextuels sont les classèmes
(restrictions sélectives).

24
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 84.
25
A.J.Greimas, Sémantique structurale, Paris, Larousse, 1966, p .45.
Initiation à la sémantique 27

Entre le sème et le sémème il y a un rapport d‟inclusion : sème


 sémème ; sémème  sème 1, sème 2, sème3 …. ( signifie « est
inclus dans »,  signifie « inclus »).
Ex. le sémème homme inclut  les sèmes [+humain], [+mâle],
[+adulte].
Le sémème maison  les sèmes [+bâtiment],[+destiné à
l‟habitation].
Il y a des inclusions sémiques successives :
Ex. banc  siège  meuble  objet  toute chose qui est
Fretin  poisson  animal  être  ce qui est.
Mariana Tuţescu26 modifie un peu le graphe des inclusions
successives des sèmes dans le lexème coffre proposé par Pottier:
Coffre

Meuble Caisse

Boîte

Récipient

Ustensile

Objet

Chose

Ce qui est

26
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 86.
Initiation à la sémantique

Greimas27 donne l‟exemple de la constitution des sèmes d‟une


lexie à partir de ses sèmes-noyaux et de ses classèmes, inventoriant
les sémèmes (ou effets de sens) des syntagmes et des expressions
formés autour de tête tout en partant de leurs noyaux sémiques :
- sème-noyau 1 «partie du corps recouverte par les cheveux »
s‟actualise dans les lexies la tête nue, laver la tête, tête de fou ne
blanchit pas.
- sème-noyau 2 «partie osseuse» apparaît dans les sémèmes fendre
la tête à quelqu‟un, se casser la tête, une tête de mort.
- sème-noyau 3 «organisme conçu comme un tout discret »
s‟actualise dans ce troupeau est composé de cent têtes, vous
devez payer vingt francs par tête.
- sème-noyau 4 « être vivant » ou « vie » s‟actualise dans payer de
sa tête, mettre la tête de quelqu‟un au prix.
- sème-noyau 5 « personne humaine » apparaît dans les groupes
une tête couronnée, se payer la tête de quelqu‟un.
- sème-noyau 6 « siège des idées, du jugement » apparaît dans les
sémèmes des lexies avoir une tête sans cervelle, une tête
d‟oiseau, une tête de linotte, n‟avoir rien dans la tête, avoir la
tête en l‟air, avoir du plomb dans la tête, avoir de la tête, se
mettre quelque chose dans la tête.
C‟est toujours Greimas28 qui étudie l‟organisation des sèmes
dans des effets de sens (sémèmes), significations liées à un certain
contexte ou à une certaine situation de discours :

27
A.J.Greimas, apud Mariana Tuţescu, op. cit., p. 86-87.
28
A.J.Greimas, op. cit., p. 50-54.
Initiation à la sémantique 29

tête d‟un arbre, tête extrémité prééminence verticalité continuité


chercheuse, de la tête
aux pieds
à la tête de extrémité prééminence verticalité discontinuité
(hiérarchique)
tête de ligne extrémité prééminence horizontalité continuité
tête de pont extrémité prééminence horizontalité discontinuité
Expressions noyau sémique sèmes
variables
sèmes

Selon Mariana Tuţescu29 il y a deux types de sémèmes :


- les sémèmes discrets et
- les sémèmes intégrés.
Les sémèmes discrets (ou construits dans la terminologie de
Greimas) sont « ceux qui sont actualisés dans les unités lexicales
(lexèmes ou lexies) monosémiques et dont la découverte ne requiert
pas le recours aux unités constitutives de l‟énoncé qui les
renferment ».
Les sémèmes intégrés (sémèmes-occurrences ou prédicats
dans la terminologie de Greimas) « se rattachent aux mots
polysémiques et homonymiques, aux lexies dont le sens dépend de
l‟environnement syntagmatique dans lequel elles figurent ».
Ex. le mot aller :
1. Cette robe lui va bien [+ statisme]
2. Il va à l‟école [+ dynamisme]
Ex. le mot lourd :
1. un sac lourd [+ concret]
2. une conscience lourde [+ abstrait].

29
Cf. Mariana Tuţescu, op.cit., p. 87.
Initiation à la sémantique

4. L‟ARCHISEMEME
L‟archisémème est un trait sémique généralisateur, commun à
tous les sémèmes qui forment un ensemble de lexies.
L‟archisémème est inclut dans le sémème : toute chaise, tout
fauteuil est un siège, mais non inversement.
On doit faire la distinction entre l‟archisémème, ensemble de
traits sémiques communs à plusieurs sémèmes, et l‟archilexème,
unité du plan lexical, du discours.
Ex. l‟archisémème « siège » est à la fois un mot de la langue,
donc un archilexème, et un faisceau de significations, un
archisémème.
Suivant l‟interprétation de B.Pottier, Mariana Tuţescu30
affirme que l‟archisémème apparaît le plus souvent comme un signe
linguistique, tandis que le sème et le classème sont des métasignes,
c‟est-à-dire des unités (signes) qui se rapportent à un autre signe.
Pour le sens des verbes, les archisémèmes seraient « action »,
« état ».
Pour la classe adjectivale, les archisémèmes seraient
« qualité », « état ».
Pour la classe nominale l‟archisémème le plus général est
« chose », les archilexèmes qui l‟actualisent étant truc et machin.
Mariana Tuţescu31 donne l‟exemple de l‟archisémème
« prendre » comme trait sémique commun aux verbes
- Acheter: Il est interdit de prendre de grandes quantités de
marchandises.
- Pêcher: La baleine fut prise par l‟équipage.
- Saisir: Le lutteur prit son adversaire par le cou.
- Acquérir: Les nobles prirent de nouveaux droits féodaux.

30
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 88.
31
Idem, p. 89.
Initiation à la sémantique 31

- Puiser: Cet écrivain n‟a fait que prendre dans les livres de ses
contemporains.
- Attraper: L‟hirondelle prend les insectes au vol.
- Enlever: Les Romains prirent les filles des Sabins.

Un exemple intéressant d‟archilexème est le verbe faire32


I. Sujet animé faire Sens Complément
Pierre fait construit un mur objet
matériel
La femelle fait met bas ses petits être animé
Jean fait imite l‟avocat rôle
Paul fait commet une faute acte
Les rivaux font ont tel la paix nom
comportement abstrait
L‟épicier fait tient les nom de
légumes produit
Jean a fait a visité l‟Espagne nom de
pays
Vous faites ayez une quelque pronom
occupation chose indéfini
Pierre fait s‟adonne à de la article
politique partitif +
nom
abstrait
Jean lui a fait un signe de du pied article
fait connivence partitif +
avec le pied nom
concret
Laurent fait a un accès de de la article
fièvre fièvre partitif +
nom
concret

32
Cf. Christian Baylon, Paul Fabre, La sémantique, Paris, Nathan, 1978, p.
313.
Initiation à la sémantique

Il a fait évacué ses


dans sa matières
culotte fécales
Pierre sait y faire est rusé
Il ne pense qu‟à mal nuire
faire
II. Sujet animé
ou nom de faire Sens Complément
chose
L‟habit fait caractérise le moine non
marquant
l‟état
Pierre fait pèse cent kilos nom de
mesure
Le roi a fait Instituer dans sa femme nom de
reine un état personne
Sa maladie fait Marque la qu‟il ne
cause peut pas
dormir
Pierre fait paraît
jeune
III. Sujet non-
faire sens Complément
animé
Le sentier fait forme Un coude
Cette potion lui a Produit un Du bien
fait effet
Son chapeau lui a a duré Dix ans
fait
Deux et deux font donnent quatre
comme résultat
IV. Sujet
faire sens Complément
impersonnel
Il fait indication un vent glacé
météorolo-
gique
Il fait bon est agréable dormir
Initiation à la sémantique 33

Ca ne fait a de rien
l‟importance
Cela fait il y a un mois

5. L‟EPISEMEME ET LA COMBINATOIRE FIGEE

La combinatoire est la formation


constituée par la présence de plusieurs éléments,
telle qu‟elle est produite, à partir d‟éléments
simples par la combinatoire. On peut considérer
que des combinaisons de dimensions variables
forment l‟axe syntagmatique du langage.
(A.J.Greimas, J.Courtès)33

Mariana Tuţescu34 définit l‟épisémème comme «l‟unité


sémique d‟une lexie composée ou d‟une lexie complexe telle que la
locution, le proverbe, l‟expression, l‟idiotisme».
A l‟aide de l‟épisémème ou signification constructionnelle on
conçoit le sens d‟une expression idiomatique comme une unité autre
que la somme des sens de ses constituants immédiats.
L‟épisémème se base sur des traits connotatifs appelés
virtuèmes. Les virtuèmes sont des traits nonpertinents et
nonobligatoires.
Ex. gueule, gueuler peuvent connoter pour une personne une
manière grossière de parler ;
Pierre est un chameau veut dire que Pierre est une personne
« peu gentille »
Jus-de-chaussette signifie un « mauvais café ».

33
Apud Teodora Cristea, op.cit., p. 146.
34
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 90.
Initiation à la sémantique

crin-crin veut dire « mauvais violon »


B.Pottier35 dit que « est virtuel tout élément qui est latent dans
la mémoire associative du sujet parlant et dont l‟actualisation est liée
aux facteurs variables des circonstances de la communication. Le
virtuème représente la partie connotative du sémème. Il est très
dépendant des acquis socioculturels des interlocuteurs. Il est donc
instable, mais se situe dans la compétence à un moment donné ».
Les lexies composées, les lexies complexes, les idiotismes
appartiennent à la combinatoire figée.
Mariana Tuţescu36 affirme que la combinatoire figée est le
phénomène par lequel une séquence co-occurrente de lexèmes forme
une unité indissociable sur les plans fonctionnel (formel ou morpho-
syntaxique) et sémantique. Mariana Tuţescu37 considère que les
morphèmes propres à la combinatoire figée perdent ainsi leur
autonomie grammaticale et sémantique et forment une lexie (mot
composé, locution, expression, proverbe, tout idiotisme ou toute
idiomatie) qui est un tout de signification et de grammaire.
Ex. de combinatoire figée formée autour du lexème œil :
Œil-de-bœuf [+ rotondité] , œil-de-serpent [+ couleur verte]
Crever les yeux « être évident »
Il n‟a d‟yeux que pour elle « il ne voit qu‟elle »
Voir d‟un bon œil « voir favorablement »
Se boucher les yeux « se refuser à voir »
Jeter un cour d‟œil « regarder rapidement »
Etre tout yeux tout oreilles « écouter attentivement »

35
Bernard Pottier, op.cit., p. 74-75.
36
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 91.
37
Mariana Tuţescu, Du mot au texte, Bucureşti, Editura Cavaliotti, 1996, p.
25.
Initiation à la sémantique 35

Avoir un œil qui joue au billard et l‟autre qui compte les


points « loucher ».
Exemple donné par Mariana Tuţescu38 :

Combinatoire libre Combinatoire figée


A. L‟œil de mon cousin ; le globe de L‟œil-de-bœuf « fenêtre
l‟œil ; médecine des yeux ; les ronde pratiquée dans un
beaux yeux de ma femme comble, dans la toiture
d‟une maison ». Pluriel :
des œils-de-bœuf:
B. Perdre son parapluie. Dans la Perdre son latin « n‟y rien
cohue, Jean a perdu son comprendre »
parapluie ; c‟était un grand * Je l‟ai perdu, mon latin.
parapluie, tout neuf. Ne le perd * J‟ai perdu ton latin.
pas, ton parapluie ! J‟ai perdu ton
parapluie. J‟ai retrouvé mon
parapluie dans la salle de
spectacles.
C. Mordre son maître. Mords-le, ton Mordre la poussière
maître ! « tomber de tout son long »,
fig. « essuyer un échec »
*Mords-la, cette poussière !
Le passage de la combinatoire libre (propre à la syntaxe) à la
combinatoire figée est dû à la lexicalisation.

Les critères qui président à la lexicalisation


(l‟engendrement des lexies en combinatoire figée) sont de deux
types :
1. Les critères formels qui sont :

38
Mariana Tuţescu, Du mot au texte, Bucureşti, Editura Cavaliotti, 1996, p.
26.
Initiation à la sémantique

a. la non séparabilité des éléments constitutifs de la


séquence figée:
le chemin de fer  * le chemin rapide de fer
le pet-de-loup (« vieux professeur ridicule »)  * le pet de
grand loup
une robe élégante → une robe très élégante
une eau froide, sale → une eau très froide, très sale
de l‟eau plate, de l‟eau lourde → * de l‟eau assez plate, * de
l‟eau très lourde
*une arme très blanche
*la race très jaune
*un terrain très vague
passer une nuit blanche →* passer une nuit très blanche
b. l‟effacement de l‟adjectif constitutif. L‟adjectif ne
peut pas être supprimé dans les lexies figées :
être la bête noire de quelqu‟un → * être la bête de
quelqu‟un
être l‟âme damnée de quelqu‟un → * être l‟âme de
quelqu‟un
c. l‟impossibilité de mettre en facteur la base, par
rapport à une suite d‟expansions :
sentir le roussi (« être suspect d‟opinions avancées ») 
* sentir [le roussi et l‟oignon]
coucher (l‟arme) en joue  * coucher [en joue et en cinq
minutes]
d. l‟impossibilité de reprendre la base seule comme
substitut générique :
Je préfère le chemin de fer à l‟avion, * car le chemin est
plus sûr.
Initiation à la sémantique 37

e. l‟impossibilité de pronominaliser soit la base, soit


ses déterminants :
jeter un coup d‟œil  * le jeter
sentir le roussi  * le sentir
Je fais toujours le dimanche la grasse matinée, * toi, tu ne la
fais pas.
f. l‟impossibilité de la transformation au passif
Jean a jeté un coup d‟œil  * un coup d‟œil a été jeté par
Jean.
g. la prédicativité. Teodora Cristea affirme que « la
suite dont l‟adjectif peut figurer en position d‟attribut
peut être considérée comme une suite libre ; si la
prédication est bloquée, nous sommes en présence
d‟une lexie figée »39. Elle donne l‟exemple suivant :
- eau chaude, eau froide, eau tiède, eau trouble, eau sale
- eau lourde Ŕ « composé dans lequel l‟hydrogène de l‟eau
est remplacé par le deutérium » ; eau blanche Ŕ
« solution d‟acétate de plomb utilisée comme un
émollient » ; eau gazeuse, eau plate, eaux usées, …
Les adjectifs de la première série peuvent apparaître en
position d‟attributs (l‟eau est froide, tiède, sale…), tandis que le
résultat est différent pour la deuxième série (* l‟eau est lourde,
*l‟eau est blanche, * l‟eau est plate …).
h. la nominalisation. Les adjectifs des lexies figées
résistent à la nominalisation :
une démarche lourde → la lourdeur de cette démarche
de l‟eau lourde → * la lourdeur de l‟eau
un teint blanc → la blancheur du teint
un mariage blanc → * la blancheur du mariage

39
Teodora Cristea, op.cit., p. 152.
Initiation à la sémantique

le ciel bleu → le bleu du ciel


un peur bleue → * le bleu de la peur
i. la variation en nombre. Les lexies nominales figées
ou semi-figées sont résistantes à la variation en
nombre :
une chemise blanche → des chemises blanches
de l‟eau lourde → * des eaux lourdes
de l‟eau blanche → * des eaux blanches
2. Les critères sémantiques résultent du fait que
a. l‟épisémème n‟est pas la somme des sens de ses éléments
constitutifs :
A vol d‟oiseau « en ligne droite »
En rang d‟oignons « sur une seule ligne »
Mener une vie de bâton de chaise « avoir une conduite
immorale »
Emboucher la trompette « claironner partout quelque chose »
Ne te casse pas le bol « ne t‟en fais pas ».
b. unité sémantique globale, la lexie, dont le sens est un
épisémème, peut commuter avec un équivalent synonyme :
Prenez la porte ! commute avec Sortez !
Une fine bouche commute avec gourmet
Avoir du pain sur la planche commute avec avoir du travail.
c. la motivation des lexies figées:
- il y a des expressions qui conservent leur motivation
d‟origine :
Ex. tenir le gouvernail, être à la barre, clair comme de l‟eau
de roche, baisser pavillon
- il y a des expressions qui ont été remotivées par rapport à
l‟origine :
Initiation à la sémantique 39

Ex. battre son plein («son» substantif est devenu possessif), jolie à
croquer («dessiner» est devenu «manger»).
- il y a des expressions qui ont complètement perdu leur
motivation d‟origine, qui n‟a pas été remplacée :
Ex. croquer le marmot « attendre avec impatience »
Tirer le diable par la queue « vivre misérablement »
Découvrir le pot aux roses «découvrir le secret d‟une
affaire ».
d. la probabilité séquentielle. Mariana Tuţescu affirme que
« les contraintes sémantiques révèlent des associations lexicales
structurées selon un certain modèle de dérivation »40.
Ex. il est bavard comme une PIE
Il est triste comme une PORTE DE PRISON
Il obéit au doigt et A L‟ŒIL
Cela lui a coûté les yeux DE LA TETE
prendre ses cliques ET SES CLAQUES

Ex. degrés divers de lexicalisation : rat d‟égout, rat musqué, rat


d‟Amérique, rat de cave, rat de bibliothèque, rat d‟hôtel, rat d‟Opéra
(exemple donné par Jacqueline Picoche41) :
Rat d‟égout : début de la lexicalisation dû à la fréquence du
syntagme ; mais on peut faire permuter d‟égout avec d‟autres
déterminations indiquant la provenance, la race ou une autre
caractéristique et coordonner ces déterminations rat de ville, rat de
champs, rat d‟eau, rat de cave, rat musqué
Rat d‟Amérique : au contraire, n‟est pas senti comme une
race de rats parmi d‟autres, mais comme le nom bien spécifique

40
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 93.
41
Jacqueline Picoche, Précis de lexicologie française. L‟étude et
l‟enseignement du vocabulaire, Paris, Nathan Université, 1992, p. 162-163.
Initiation à la sémantique

d‟une fourrure. Coordination impossible avec d‟autres indications de


provenance ; substitution en bloc avec vison, astrakan, etc.,
substitution terme à terme impossible ou difficile. Lexicalisation plus
avancée.
Rat de cave, quant il ne s‟agit pas d‟un syntagme libre
comme plus haut, dénote tout autre chose qu‟un rat : une sorte de
bougie. Les deux éléments ont donc perdu leur autonomie et leur
sens ; permutation terme à terme, coordination d‟un des deux termes
impossibles. Lexicalisation totale.
Rat d‟hôtel, rat de bibliothèque, rat d‟Opéra ne sont pas des
espèces différentes de rats, dont les déterminations pourraient
permuter entre elles. Ils désignent tout autre chose que des rats : des
personnes qui n‟ont rien de commun entre elles ; ils pourraient
permuter globalement et respectivement avec escroc, érudit,
danseuse. Permutation terme à terme et coordination d‟un des deux
éléments impossibles. Lexicalisation totale.

Les sources des expressions idiomatiques


Teodora Cristea affirme qu‟un « grand nombre d‟expressions
idiomatiques proviennent des domaines qui ont joué un grand rôle
dans la vie socioéconomique, ce qui explique l‟extension de leur
emploi et leur pénétration dans la langue courante » 42 et elle donne
quelques exemples :
- la marine :
s‟embarquer sans biscuits « se lancer dans une entreprise sans
avoir pris ses précautions »
être à la côte « être dans une situation pécuniaire fâcheuse, à sec
d‟argent » (par allusion au navire échoué sur le rivage).
- la chasse :

42
Teodora Cristea, op.cit., p. 157.
Initiation à la sémantique 41

être aux abois Ŕ le cerf est aux abois lorsqu‟il ne peut plus et
s‟arrête, réduit à endurer, sans pouvoir fuir davantage, les abois
des chiens qui l‟entourent. (fig.) « être dans une situation
désespérée »
être d‟attaque - on nomme chien d‟attaque un chien destiné à
faire lever le gros gibier, à le lancer. (fig.) « être vigoureux »
rompre les chiens Ŕ empêcher les chiens de suivre la voie. (fig.)
« interrompre une conversation dont le sujet est délicat ou
dangereux ».
soulever / lever le lièvre (fig.) soulever à l‟improviste une
question généralement embarrassante ou compromettante pour
autrui ».
- la vie militaire :
battre en brèche Ŕ attaquer à coups de canon pour ouvrir une
brèche, (fig.) attaquer
mettre quelqu‟un sur la brèche, être toujours sur la brèche (fig.)
être toujours à combattre ou prêt au combat »
tirer à boulets rouges sur quelqu‟un (fig.) « l‟attaquer
violement »
battre la chamade (se dit du cœur) « être affolé » (la chamade =
appel de trompettes et de tambours).

6. LE METASEMEME
Le métasémème est « la figure qui remplace un sémème par un
autre, donc qui modifie les groupes de sèmes de degré zéro »43. Ce
type de figure suppose qu‟un mot est un ensemble de sèmes
nucléaires sans ordre interne et n‟admettant pas la répétition. Pour
comprendre cette définition on doit dire que le sème est une unité
infralinguistique de nature qualitative et que le mot est un découpage

43
Le Groupe μ. Rhétorique générale, Paris, Larousse, 1970, p. 34.
Initiation à la sémantique

sémantique ou un groupe de sèmes privilégié par le langage. A


l‟intérieur du mot on ne peut pas parler de la répétition de sèmes et
non pas de l‟existence d‟un ordre de sèmes.
Mais le sémème se manifeste toujours par un mot et c‟est
comme ça qu‟on arrive à la deuxième définition du métasémème.
1. Le métasémème est la figure qui remplace un mot par un
autre. Si l‟on donne au “mot” la valeur d‟un élément quelconque de
la chaîne des signifiants on peut dire que toute figure, toute méthode,
toute métabole “remplace un mot par un autre”.
Les schémas de Todorov
Pour la commutation du sens et celle de la forme, Todorov
propose les schémas:
Le premier schéma:
“voile” “navire”
synonymie
polysémie
voile navire (signifié)
Le premier triangle représente une polysémie = la
commutation des deux termes qui peuvent être attribués au même
signifiant “voile”.
Le deuxième triangle représente une synonymie = le même
signifié (navire) peut être exprimé par deux signifiants différents.
La diagonale commune des deux triangles représente la figure
même.
Donc, Todorov part du concept de “navire” qui l‟envoie au
mot “navire” qui s‟efface dans la faveur du mot “voile”.
Du point de vue du récepteur du mot “voile” il passe du
signifié du signifiant voisin qui est le concept de “navire”.
Le premier triangle est le triangle du décodificateur et il
mesure la distance entre les deux signifiés. Le deuxième est le
Initiation à la sémantique 43

triangle du codificateur et il marque l‟espace entre les deux


signifiants. On peut exprimer la même chose par le schéma suivant:
“voile” “navire”

-le chemin du
codificateur
voile navire

le chemin du décodificateur
Mais le schéma est pourtant incomplet, parce que le
codificateur arrive au mot “navire” en passant par son sens. Donc, le
chemin du codificateur sera:

“voile” “navire” signifiant

voile navire signifié

Pour le métasémème on a la possibilité qu‟un signifiant


renvoie à deux signifiés:
“voile”

voile navire

Dans le cas du métasémème le changement de la forme


accompagne le changement de sens.
On arrive comme ça à la troisième signification du
métasémème:
Initiation à la sémantique

Le métasémème remplace un contenu par un autre; le contenu


d‟un mot par un autre contenu. Mais, le nouveau contenu ne peut pas
être indifférent; parce que “faire qu‟un mot accueille une autre
signification qui n‟est pas sa signification propre est une opération
dirigée.”
Si le sens d‟un mot peut être modifié parce que le sens est
pluriel.
Le mot (le lexème) est une collection de sèmes (unité
minimale de sens) qui sont nucléaires et contextuels et le total
produit un effet de sens ou sémème.
Les sèmes qui forment un mot n‟ont pas un ordre linéaire,
mais une hiérarchie peut exister. Une opération de destruction de cet
ordre est impossible.
Deux grands types d‟opérations sont possibles
- la suppression
- l‟adjonction de sèmes.
Exemple de décomposition sémantique:
Tête
Nu-tête = résultat de la décomposition sémantique
Tête d‟épingle
Tête
[+partie du corps]
[+partie supérieure]
[+cerveau]
[+rond]
[+couvre-chef]
nu-tête
[+ partie supérieure du corps]
[-couvre-chef]
tête d‟épingle
Initiation à la sémantique 45

[+rond].
Il y a plusieurs types de décompositions sémantiques:
1) décomposition exocentrique:
- du type Π (et)
arbre = racine (et) tronc (et) feuilles (et) branches (et) fleurs.
2) décomposition endocentrique du type ξ (ou)
arbre = olivier (ou) pommier (ou) prunier.
Le métasémème relève de l‟axe syntagmatique, ne pouvant
être perçu que dans un énoncé.

Mariana Tuţescu44 inventorie les traits essentiels du


métasémème :
- “c‟est un marqueur dynamique qui repose sur
l‟articulation du discours ;
- il est basé sur la manipulation des arrangements des
faisceaux de sèmes, manipulation qui engendrera une
figure de signification ;
- il repose sur deux opérations (pouvant apparaître
séparément ou concurremment) : la suppression ou
l‟adjonction de sèmes » .

44
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 95.
Initiation à la sémantique

III. LES ANOMALIES SEMANTIQUES

Christian Baylon et Paul Fabre45 rappellent le fait que la


grammaire philosophique du XVII-ème siècle, dans sa préoccupation
de déceler les mécanismes de la représentation, se divisait en deux
branches:
- une première, appelée grammaire, étudiait la succession
linéaire dans le discours et reflétait les lois de l‟association des idées;
- la deuxième, la rhétorique, étudiait les propriétés du discours
et de ses diverses composantes.
Les traités de rhétorique montrent que la construction d‟un
discours comporte plusieurs étapes :
1. Inventio Ŕou recherche des arguments
2. Dispositio Ŕ ou mise en forme de ces arguments.
3. Elocutio - ou choix des mots et des tours destinés à orner le
discours.
4. Pronuntiatio Ŕ ou utilisation de la voix et du gestuel.
5. Memoria Ŕ ou les moyens de mémorisation du discours.
Elocutio représente l‟objet principal de la rhétorique, partie
très importante car elle étudiait les figures et les tropes.
Les figures désignent en général les différents tours que peut
prendre l‟expression.

45
Christiana, Baylon, Paul, Fabre, op.cit., p. 195.
Initiation à la sémantique 47

Georges Molinié propose de diviser les figures en deux


sousclasses : les figures microstructurales et les figures
macrostructurales46 dont nous choisissons quelques exemples :
Figures microstructurales
Figures de aphérèse (chute d‟un phonème, « blème » pour
diction d‟un groupe de phonèmes ou de « problème »
graphèmes correspondant au début « les Ricains » pour « les
d‟un mot) Américains »
Apocope (le même phénomène en « prof » pour
fin de mot) « professeur », « restau »
pour « restaurant »
Syncope (chute en milieu du mot) « M‟sieur » pour
« Monsieur »
Paronomase (rapprochement dans « Feuilles de jour et
une phrase des mots de sonorité mousse de rosée /
voisine) roseaux du vent, sourires
parfumes » (Eluard,
Capitale de la douleur)
Figures de Polyptote (reprise dans une phrase « Apres avoir souffert, il
construction d‟un terme en lui faisant subir un faut souffrir encore/Il fait
changement de cas, de genre, de aimer sans cesse après
nombre, de personne, de temps, de avoir aimé » (Musset,
mode) Poésies nouvelles)
Dérivation (rapprochement de Ton bras est invaincu, mais
plusieurs mots dérivés du même pas invincible (Corneille)
radical)
Anaphore rhétorique (répétition C‟est la seule parole qui
d‟un mot ou d‟un groupe de mots en me reste, c‟est la seule
tête de phrase) réflexion que me permet,
dans un accident si
étrange, une si juste et si
sensible douleur (Bossuet,
Oraison funèbre de

46
Cf. Georges Molinié, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Librairie
Générale Française, 1992.
Initiation à la sémantique

Henriette-Anne
d‟Angleterre)
Anadiplose (reprise d‟un élément Je n‟écoute plus rien ; et
situé en fin de phrase au début de la pour jamais, adieu. / Pour
phrase suivante) jamais! (Racine, Bérénice).
Chiasme (juxtaposition ou Un roi chantait en bas, en
coordination de deux syntagmes haut mourait un Dieu.
dont les termes sont inversés) (Hugo, La légende des
siècles).
Les figures de Métaphore (élabore un rapport de Ce mur de brume (Hugo,
sens ou tropes ressemblance) Les travailleurs de la mer)
Métonymie (fondée sur un rapport Léonard fut un grand
de simple contiguïté logique) pinceau.
Synecdoque (fondée sur un rapport Donnez-nous notre pain
d‟inclusion logique) quotidien !
Figures macrostructurales
Les figures de Antiphrase (ironie) (employer une
pensée expression dans un sens contraire à
son sens littéral)
Litote (atténuer l‟expression de sa « il est brave » pour dire
pensée pour faire entendre le plus « il est idiot »
en disant le moins)

Les tropes sont des cas particuliers des figures qui désignent
les figures de mots (l‟emploi d‟un mot ou d‟une expression dans un
sens figuré).
Todorov47 fait une distinction importante entre figure et trope ;
il nomme figure toute expression pouvant être décrite; il nomme
anomalie une sous-classe de figures, plus précisément les infractions
à des règles de la langue.
Pour Todorov, les anomalies représentent des tropes qui reposent
sur une déviation explicite ou non d‟une règle du langage qui
concerne:
Initiation à la sémantique 49

a) le rapport son - sens (les assonances)


b) la syntaxe (l‟ellipse)
c) la sémantique (métaphore, métonymie, synonymie,
personnification, allégorie, pléonasme)
d) le rapport signe - représentation (l‟ironie).
Les figures sont pour Todorov „toute expression pouvant être
décrite” et cette description concerne:
1. le rapport son - sens (la répétition)
2. la syntaxe (l‟apostrophe, l‟apposition, la parenthèse)
3. la sémantique (la comparaison, l‟antithèse, la gradation)
4. le rapport signe - référent (description; le tableau, le
parallèle, la gradation).

Les anomalies sémantiques

La métonymie est définie par Georges Moulinié comme « un


trope, c‟est-à-dire une figure de type microstructural »48.
La métonymie opère un changement dans la compréhension
logique d‟un mot, un changement référentiel qui résulte d‟une
suppression ou d‟une adjonction complète, c‟est-à-dire le passage
d‟un terme de départ D à un terme d‟arrivée A, passage qui
s‟effectue pas l‟intermédiaire d‟un intermédiaire I, qui englobe D et
A.

I
D A

47
Tz.Todorov, Littérature et signification, Paris, Larousse, 1967, p.91-118.
48
Georges Molinié, op.cit., p. 217.
Initiation à la sémantique

Ex. Prenez votre Céline!


L‟analyse de la phrase Prenez votre Céline ! prononcée par un
professeur de littérature qui invite ses élèves à continuer l‟étude du
Voyage au bout de la nuit nous montre que le terme intermédiaire I
sera la totalité spatio-temporelle comprenant la vie de l‟écrivain, ses
amours, ses œuvres littéraires, ses guerres, son idéologie,… ; dans
cette totalité, Céline et son livre sont contigus.
I: la totalité spatio-temporelle
Terme co-inclusion dans un ensemble dans un
ensemble de sèmes
Intermédiaire co-appartenance à une totalité matérielle
La métonymie se caractérise par un écart par rapport à la
relation normale entre le signe et le référent.
Pour St.Ullmann, la métonymie est „un transfert de nom
(signifiant) par contiguïté de sens”. Cette contiguïté peut être:
- spatiale;
- temporelle;
- causale.
Exemples:
1. Lieu de production > produit qu‟on y produit:
champagne, camembert, cognac, roquefort,
bourgogne, panama, cachemire, jersey, mousseline,
baïonnette …
2. Objet > action, événement.
Crémaillère, lit de justice
3. Nom de lieu > ensemble des personnes qui s‟y trouve
Auditoire (salle > personnes)
Parterre > (secteur > personnes), loges, galeries, poulailler
ou paradis (au théâtre), Chambre (des Députés), Quai
Initiation à la sémantique 51

d‟Orsay (Le Ministère des Affaires Etrangères qui s‟y


trouve)
4. Récipient > contenu.
pot-au-feu (récipient > plat)
tasse; un verre.
5. Matériaux > objet fabriqué
Verre, caoutchouc, argent, marbre, sapin, fer (épée)
6. Nom d‟animal > produit
Une hermine (manteau de fourrure d‟hermine), blaireau
(pinceau pour se raser fait de poils de blaireau), aigrette (faisceau de
plumes d‟aigrettes ornant le casque, la tête),
7. Producteur > objet et produit ou Inventeur > objet inventé
Guillotine, batiste, pantalon, sandwich, grog, praline,
savarin, shrapnel, mauser, raglan, bolivar …
8. Inventeur > instrument de musique inventé ou inventeur >
œuvre artistique
Un stradivarius, un Balzac, un Picasso, du Mozart
9. Animal (partie de son corps) > outil.
Chèvre, cheval,
10. Abstrait > concret.
Gouvernement (action > personnes).
11. Cause > effet.
Les bontés, les maux.
12. Effet > cause.
„Il faut tracer leurs pertes autours de leurs murailles.”
13. Signe > chose signifiée.
Drapeau > patrie.
14. Les métonymies publicitaires (instrument > agent).
„Les Ford ont levé le pied.”
Initiation à la sémantique

„Brassens, le poète qui est entré dans les livres de classe


avec une guitare et des refrains.”
15. le transfert du nom d‟un objet A attribué à un objet B en
raison d‟une qualité commune. Cette même qualité commune fait
attribuer le nom de A à un objet C qui la possède aussi.
Ex. Racine: la racine des dents, des cheveux, des ongles; racine
grammaticale.
Mouchoir: pièce de linge servant à se moucher, présentant
une forme variée.
- un mouchoir: ”un petit carré de tissu que les femmes
portaient autour du cou”
- dans la langue de la marine: „pièce de bois triangulaire
employée pour réparer le bordage d‟un navire.”

La métaphore est appelée „la reine des figures de style.”


Elle est un métasémème, une manifestation du faisceau de
traits sémiques d‟une lexie. Dans la conception du Groupe μ, cette
modification représente le résultat de la conjonction de deux
opérations de base : l‟addition et la suppression de sèmes49.
La métaphore est une comparaison abrégée où un terme de
départ D est modifié par un terme comparable intermédiaire I,
toujours absent du discours, pour se transformer ensuite à un
nouveau faisceau de sèmes qui est le terme d‟arrivée.
D-> [I]-> A.
La démarche métaphorique passe donc du Sé de départ au Sé
d‟arrivée via un terme intermédiaire. La métaphore se base sur une
possibilité d‟analogie entre le Sé de départ et celui d‟arrivée et étend
à la réunion des deux termes une propriété qui n‟appartient qu‟à leur
intersection.

49
Le Groupe μ. Rhétorique générale, Paris, Larousse, 1970, p. 106.
Initiation à la sémantique 53

D I A

Mariana Tuţescu affirme que „la vocation de la métaphore est


de violer les restrictions sélectives des lexèmes co-occurrentiels,
donc d‟apparaître comme étrangère à l‟isotopie dénotative de
l‟énoncé ou elle est introduite »50.
Ex.: Le bateau ivre, mes souliers blessés (Rimbaud). Dans ce
cas, il s‟agit de la découverte du transfert du trait sémique [+humain]
propre aux sémèmes ivre et blessé sur le sens des noms marqués par
le trait [+concret] bateau, soulier.

Il existe des métaphores lexicalisées ou éteintes51. Elles


apparaissent comme des métaphores conceptuelles, étant propres au
langage quotidien, aux langages techniques et scientifiques. Mariana
Tuţescu montre que ces métaphores lexicalisées sont formées de
structures nominales dont le premier terme désigne une partie du
corps animal ou humain52. C‟est le cas des substantifs bouche, pied,
bras, dent, tête, œil qui sont a la base de nombreuses métaphores
cognitives :

50
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 98.
51
Appelée aussi catachrèse, la catachrèse étant une métaphore destinée à
combler une lacune du lexique.
52
Mariana Tuţescu, Du mot au texte, Bucureşti, Editura Cavallioti, 2001, p.
193.
Initiation à la sémantique

Ex.: le pied de la chaise, le pied de la montagne, la tête d‟un


pont, la tête des arbres, une tête d‟épingle, tête de liste,
wagon de tête, les dents d‟une scie; la bouche du fleuve, le
bras d‟une ancre, le bras d‟une manivelle, la bouche du
métro, la bouche d‟un fleuve …
Il y a un grand nombre de métaphores lexicalisées devenues
des éléments de dénotation : tuer son temps, le cœur de l‟été, la
source du mal, le feu de l‟inspiration, la clé d‟un problème, la soif
des grandeurs, se tuer au travail, donner la chair de poule …
Elles deviennent parfois matière poétique comme dans
« C‟était un bon copain » de Robert Desnos (Corps et biens), l‟auteur
mettant en valeur l‟arbitraire des expressions toutes-faites53 :
Il avait le cœur sur la main
Et la cervelle dans la lune
C‟était un bon copain
Il avait l‟estomac dans les talons
Et les yeux dans nos yeux
C‟était un triste copain
Il avait la tête à l‟envers […].

Il existe aussi des métaphores argumentatives, ayant une


visée persuasive très claire. Elles fournissent « les informations les
plus solide sur le sémantisme de la langue. Ce type de métaphore
joue sur les sèmes nucléaires. […] La métaphore argumentative se
passe de la complicité de l‟auditeur, elle devient un mode de
dénotation de la réalité, tout comme la métaphore lexicalisée ou
éteinte »54.

53
Franck Evrard, Jeux linguistiques. Un mot peut en cacher un autre …,
Paris, Ellipses, 2003, p. 115.
54
Idem, p. 197.
Initiation à la sémantique 55

Exemple : une toilette de chat (une toilette très sommaire);


un robinet d‟eau tiède (une personne bavarde et insipide), quelle
bécasse (femme sotte), baptiser le vin, vendre sa dernière chemise,
une histoire cochonne, un film cochon …
On appelle métaphores synesthésiques un type particulier de
métaphore qui superpose différentes sphères sensorielles : un vert
acide, une couleur criarde, couleur chaude, frais signal, chant bien
doux, note sombre, voix claire, voix sombre, bruit aigu, odeur
grasse, odeur lourde, …55.
Il existe aussi des métaphores filées56. Elles se trouvent à
l‟opposition de celles lexicalisées. La métaphore filée résulte d‟un
enchâssement de deux ou plusieurs métaphores qui appartiennent au
même champ sémantique.
Ex.: «Un bel arbre
Ses branches sont des ruisseaux,
Sous les feuilles
Ils boivent aux sources du soleil
Leurs poissons chantent comme des perles »
(Paul Eluard, La rose publique, in La lumière éteinte).
Mariana Tuţescu interprète le signifié d‟arrivée de cette
dérivation métaphorique comme étant « le ruissellement de la sève ».
La teneur ou le terme de départ est « végétal », le véhicule ou le
terme intermédiaire y est « aquatique ». La dérivation sémique à
partir de ruisseau engendre boire et poisson, par analogie :
«oiseaux»:«branches » : :«poissons» :«ruisseaux» (le signe : :
représente une équation)

55
Cf. Nicolas Laurent, Initiation à la stylistique, Paris, Hachette Supérieur,
2001, p. 57 et Christian Tourantier, op.cit., p. 81-82.
56
Cf. M.Riffaterre, “La métaphore filée dans la poésie surréaliste” dans
Langue française, No. 3, septembre 1969 et La production du texte, Paris,
Seuil, 1979.
Initiation à la sémantique

Le métasémème pourrait être synthétisé par la double


nutation :
« végétaux » => « aquatique » => « animaux (poissons) »57
Un autre exemple, emprunté à M. Riffaterre, est constitué par
deux vers de R.Brock :
« Rossignol de muraille, étincelle emmurée,
Ce bec, ce doux déclic prisonnier de la chaux ».
Selon Mariana Tuţescu58, les métasémèmes sur lesquels repose
cette métaphore seraient :

VECTEUR OU
TERME DE DEPART TERME D‟ARRIVEE
I
a) «oiseau» => (de muraille) => «commutateur»
b) «étincelle» => (emmurée) => «commutateur»
c) «bec => prisonnier du => «commutateur»
d‟oiseau» mur en chaux
d) «déclic» => prisonnier du => «commutateur»
mur en chaux

On y retrouve au fond le métasémème « animé » + « oiseau »


=> « appareil ».
Un autre exemple de métaphore filée est analysé par Mariana
Tuţescu :
« Mais, aux lignes, comme si la fréquence de la mort, les
blessures et les risques ininterrompus fissent chaque homme mourir
plusieurs fois, la mort, mise en petite monnaie, perdait sa valeur. Son
change était le plus bas possible » (J.Cocteau, Thomas l‟imposteur).
Mariana Tuţescu affirme que la dérivation métaphorique prend
comme siège le lexème mort, dont le métasémème « abstrait »,

57
Mariana Tuţescu, op.cit., p.101.
58
Idem, ibidem.
Initiation à la sémantique 57

« continu » => « objet concret », « discret », « payable » déclenche


tout un champ sémantique, qui renferme les séquences mise en petite
monnaie, valeur, le change59.
Franck Evrard donne un autre exemple de métaphore filée tiré
des Femmes savantes de Molière60 :
Pour cette grande faim qu‟à mes yeux on expose,
Un plat seul de huit vers me semble peu de chose,
Et je pense qu‟ici je ne ferai pas mal,
De joindre à l‟épigramme ou bien un madrigal,
Le ragoût d‟un sonnet, qui chez une princesse,
A passé pour avoir quelque délicatesse,
Il est de sel attique assaisonné partout,
Et vous le trouverez, je crois, d‟assez bon goût.
Dans ce cas, c‟est la métaphore culinaire qui est filée pour
évoquer un sonnet.
Michel Tournier invente dans Vendredi ou la vie sauvage « le
portrait araucan en cinq touches ». Pour être convaincu que Robinson
ait bien compris la métaphore, Vendredi lui explique comment
l‟utiliser :
C‟est une mère qui te berce, c‟est un cuisinier qui sale ta
soupe, c‟est une armée de soldats qui te retient prisonnier, c‟est une
grosse bête qui se fâche, hurle et trépigne quand il fait du vent, c‟est
une peau de serpent aux mille écailles qui miroite au soleil. Qu‟est-
ce que c‟est ? C‟est l‟Océan ! »61.

VECTEUR OU
TERME DE DEPART TERME D‟ARRIVEE
I
a) «mère» => (berce) => «mer»
59
Cf. Mariana Tuţescu, op.cit., p.101.
60
Franck Evrard, op.cit., p. 68.
61
Idem, p. 119.
Initiation à la sémantique

b) «soupe => () => «mer»


salée»
c) «armée de => Qui te retient => «vagues
soldats» prisonnier menaçants»
d) «grosse => Qui se fâche, => «tempête en
bête» hurle, trépigne mer»
e) peau de => Qui miroite au => la surface de la
serpent soleil mer

La synecdoque exploite la relation lexicale d‟hyperonymie :


- soit que l‟hyponyme soit mis pour l‟hyperonyme : « pain » pour
« nourriture »
- soit que l‟hyperonyme soit mis pour l‟hyponyme : « le
quadrupède » pour « le lion » dans les vers de La Fontaine « Le
quadrupède écume et son œil étincelle ».
La synecdoque opère un changement dans l‟extension logique
du mot. Elle est basée sur un rapport de similarité et consiste dans
l‟emploi d‟un sémème qui représente une partie pour un sémème qui
représente le tout.
Ex.: poignard, fusil, canon > arme
bateau, avion > véhicule
arbre > espèce d‟arbre.
La synecdoque joue sur la classification des êtres ou des
choses évoqués. Elle modifie ce qu‟on appelle l‟extension du mot.
L‟extension normale du mot « pain » est fournie par l‟ensemble de
référents que le mot peut désigner. Cet ensemble constituant un sous-
ensemble de l‟ensemble « nourriture », l‟extension du mot « pain »
est inférieure à celle du mot « nourriture ». Dans l‟exemple
« Donnez-nous notre pain quotidien » l‟extension de « pain » subit
une dilatation considérable, car elle s‟ajuste à l‟extension de son
hyperonyme « nourriture ».
Initiation à la sémantique 59

Ex. la synecdoque du nombre : consiste à employer un


singulier ayant valeur de pluriel : « la vague » pour « les vagues » ou
le pluriel pour le singulier : Il fut loin d‟imiter la grandeur des
Colbert pour de Colbert (pluriel emphatique).
- la synecdoque de l’individu (antonomase) consiste à
désigner un individu spécifique:
- par le nom commun de la classe : « Le Philosophe » pour
« Aristote », « le Roi » pour « Louis XIII »,
- par un nom propre d‟un individu exemplaire de la classe :
« un Bossuet » pour « un grand orateur », « un Newton »
pour « un grand géomètre ».
- la synecdoque généralisante : ils ont des relations pour
« ils ont une liaison sexuelle »62.
- la synecdoque particularisante : cet homme n‟est tout
entier que regard63.
Bernard Dupriez64 montre que la synecdoque introduit une
distance, ce qui permet divers effets, utilisés surtout dans la
diplomatie, pour dire ce que l‟on ne peut dire :
Louis : C‟est à cause de la bouche que vous me haïssez ?
Turelure : Non, c‟est à cause du nez et du front ! (Claudel,
Théâtre, t.2, p. 456).

62
Cf. Georges Molinié, op.cit., p. 318.
63
Idem, ibidem.
64
Bernard Dupriez, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris,
UGE, 1984, p. 441.
Initiation à la sémantique

IV. FORMES ET CAUSES


DES CHANGEMENTS DE SENS

1. La forme logique des changements de sens


Darmesteter et Bréal ont considéré les figures de mots (la
métaphore, la métonymie et la synecdoque) comme les types de base
des changements de sens. Les effets de ces figures ont été groupé
dans un ordre logique selon qu‟il y a restriction, extension et
déplacement du sens référentiel.
1.1. Restriction du sens référentiel :
Ex. le verbe traire, anciennement « tirer », puis seulement
«tirer du lait des pis d‟un animal » ;
Viande « vivres, toute espèce de nourriture », puis seulement
« chair des animaux de boucherie ».
1.2. Extension du sens référentiel :
Ex. boucher « marchand de viande de bouc », ensuite
« marchand de viande en général » ;
Aller (du latin ambulare « marcher, se promener ») a pris un
sens beaucoup plus général.
Déplacement du sens référentiel :
Ex. couvent au XVIII-e siècle, asile où les femmes peuvent
trouver gîte et nourriture → le sens actuel (pour les
religieuses).
Initiation à la sémantique 61

A ces trois types de changements de sens, Christian Baylon


et Xavier Mignot ajoutent les renforcements et les affaiblissements
de sens65 :
1.4. Renforcement du sens référentiel :
Ex. gêne, qui vient d‟un mot désignant l‟enfer dans la
tradition juive (c‟est le même mot que Géhenne , nom d‟une vallée
proche de Jérusalem où les damnes doivent être regroupes à la fin
des temps) est, à l‟époque classique, un quasi synonyme de torture ,
alors que le sens actuel ne désigne plus qu‟un malaise, un
désagrément.
1.5. Affaiblissement du sens référentiel :
Ex. génie, indiquait le tempérament naturel, bon ou mauvais,
d‟une personne → ne s‟applique qu‟aux qualités exceptionnelles,
favorables66.

2. La forme sémantique des changements de sens

2.1. Le conservatisme linguistique


St.Ullmann67 montre que les changements de sens d‟origine
historique et extralinguistique sont dus à l‟instinct conservateur de la
langue, au conservatisme linguistique. Il s‟agit d‟une tendance à
utiliser des mots qui existent déjà avec de nouveaux sens , quand la
réalité ou les connaissances ont changé. Donc, à référents neufs,
termes anciens.

65
Christian Baylon, Xavier Mignot, Sémantique du langage. Initiation,
Paris, Nathan, 1995, p. 215.
66
On peut parler du génie du mal, mais, dans ce cas, c‟est le contexte qui
entraîne l‟inversion sémantique.
67
Ullmann, St., The Principles of Semantics¸ Basil Blackwell, Oxford,
1963, p. 171-257, apud Christian Baylon, Paul Fabre, La sémantique, Paris,
Nathan, 1978, p. 206.
Initiation à la sémantique

Ex: changement référentiel : artillerie - désignait un certain type


d‟armée à l‟époque médiévale et à l‟époque actuelle.
Fusil, avant d‟être le nom d‟une arme, désignait une sorte de
briquet ;
tirer « amener à soi » a pris des sens multiples : tirer à l‟arc
→ tirer sur quelqu‟un → tirer des coups de pieds au but en
football
Une autre source possible des changements de sens est
constitué par l‟appréhension subjective de la chose.
Ex.: électricité, forme gardée même après la découverte
scientifique décisive sur la nature du phénomène.

2.2. Changements de sens dus à l‟innovation linguistique


L‟innovation linguistique propose des mots nouveaux pour
des réalités nouvelles :
Ex. aéroplane, avion, automobile, fax
Mais, l‟utilisation de termes nouveaux pour des référents
anciens est aussi possible :
Ex. les traducteurs, avant de s‟appeler interprètes, étaient
dénommés truchements.
- l‟animal que nous appelons renard a d‟abord été en
français un goupil (du latin vulpes)
Les changements de sens dus à l‟innovation linguistique
touchent ou bien le transfert du nom ou bien le transfert du sens.
Pierre Guiraud affirme que « ce classement englobe, en les mettant
en évidence, les caractères de la signification ; d‟une part la
similarité signifiant (nom) Ŕ signifié (sens) ; d‟autre part la nature
psycho-associative du procès sous sa double forme, similarité ou
contiguïté des images mentales associées »68.
Ex: chapeau - nous fait penser à:
68
Pierre Guiraud, op.cit., p. 50.
Initiation à la sémantique 63

- similarité de sens - casque, béret.


- contiguïté de sens: tête, veston
- similarité de nom : chapelle, chapon, drapeau, crapaud
- contiguïté de nom : claque, melon (dans des expressions
comme chapeau-claque, chapeau-melon).

St.Ullmann69 propose le tableau suivant :

Changement dus à l‟innovation linguistique


I. Transfert du nom
a) par similarité entre les sens (dont la métaphore)
- transfert direct :
- similarité substantielle : feuille d‟arbre > feuille de papier
- similarité synesthésique : une couleur chaude, une sombre
menace
- similarité affective : des sentiments cordiaux, un caractère
doux
- transfert relayé par analogie :
- à l‟intérieur d‟une même langue : polir prend en argot le sens
de «voler» ; ses synonymes «nettoyer», «fourbir» également
- entre deux langues différentes : français dada («cheval»>
« occupation favorite ») sur l‟anglais hobby (< hobby horse:
cheval de bois)
b) par contiguïté entre les sens (dont la synecdoque et la
métonymie)
- transfert direct:
- contiguïté spatiale : bureau «étoffe » > section d‟un état-
major
- contiguïté temporelle : vêpres : « soir » > office religieux

69
Apud Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 207.
Initiation à la sémantique

- contiguïté causale : fusil « pierre à feu » > « arme »


- psudo-synesthésie : la noirceur parfumée de ses cheveux
pour « ses cheveux bruns et parfumés »

II. Transfert du sens


a) par similarité entre les noms
- contagion phonétique : fors-bourg (en dehor du bourg) =
faubourg (« faux-bourg »)
- étymologie populaire : création de monikini sur bikini (île du
Pacifique où eurent lieu des explosions atomiques, puis maillot
de bain à deux pièces. On a cru que bi- était le grec bi = deux et
on a créé monkini pour désigner un maillot de bain féminin
réduit au slip : monos = un seul).
souffreteux » « pauvre » > « de santé fragile »
b) par contiguïté entre les noms :
ellipse : ville capitale > la capitale
contagion syntaxique : point, pas, rien ont acquis une
valeur négative au contact constant de ne.

3. La vie des hommes


Christian Baylon et Paul Fabre70 montrent que la vie en société
est faite de contraintes et connaît beaucoup d‟exigences : la
recherche d‟une communication efficace, claire, expressive, décente,
civile, la recherche d‟une communication adéquate. En parlant, les
hommes se retrouvent dans un réseau d‟impératifs sociaux. Mais, en
même temps, ils sont soumis à des tendances psychologiques
diverses : interdits, tabous, affectivité, recherche du moindre effort,
etc. On voit donc que les causes des changements de sens sont dues
aussi à la vie socio-psychologique des hommes.

70
Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 207.
Initiation à la sémantique 65

Causes psychologiques :
1. La loi du moindre effort entraîne des phénomènes comme:
- l‟ellipse
Ex.: Un verre de vin de Bordeaux → un verre de
Bordeaux → un Bordeaux.
Chemin de fer métropolitain → métro
- la troncation:
Ex.: un véhicule automobile > un automobile, une auto.
- l‟abréviation:
Ex. B. B., C.G.T., T.G.V.
2. La recherche de l’expressivité
- nomination (cognitive ou expressive) par la métaphore
(procédé qui consiste à donner à un objet un nom qui
désigne déjà un autre objet, auquel on le compare : bras de
la rivière, feuille de papier, étoile de mer, bras de rivière).
3. La recherche de la civilité, aspect très important dans la
communication.
Ex. On sue → on transpire ou bien le petit coin, aller à
la selle, décéder,
La recherche de la civilité peut facilement engendrer la
préciosité.

Influence des classes sociales


Des causes d‟ordre social entrent souvent en jeu. La société est
divisée en classes, en groupes professionnels divers qui ont chacun
leur état d‟esprit, leurs préoccupations et tendent à avoir leur langue
(l‟argot, les jargons). Ainsi, certains mots utilisés spécialement par
une catégorie limitée de personnes pourraient voir restreindre leur
sens premier :
Initiation à la sémantique

Ex. ponere, « poser » en latin classique, va donner pondre


dans les milieux agricoles du Moyen- Age.

4. La vie des choses


L‟évolution de la société sur tous les plans (institutionnel,
moral, matériel) a des influences directes sur l‟évolution du lexique.
La mort de la chose entraîne la mort du mot (si le mot vieillit au
point de n‟être plus compris, c‟est que la réalité extralinguistique
qu‟il signifiait a disparu).
Ex.: un pourpoint, fraise, crinoline (vêtements); le bailli
(institution au Moyen Age)
Par contre, la naissance des notions techniques nouvelles
entraîne l‟apparition de mots nouveaux (aéroplane, aéronef, avion,
hélicoptère).
Ex.: papier (signifiait „feuille de papyrus”, maintenant „la
matière fabriquée avec des fibres végétales réduite en pâte,
étendue et séchée pour former une feuille mince”).
Atome (le sens a beaucoup évolué à partir de Descartes
jusqu‟à Einstein).
Il y a aussi des causes sociales, car la plupart des mots ont
plusieurs sens en fonction des contextes dans lesquels ils sont
employés et chacun de ses sens est privilégié dans certains groupes
sociaux qui appartiennent à la même communauté linguistique à une
époque donnée. Il y a des mots qui appartiennent à un seul de ses
groupes sociaux : ce sont les mots techniques.
Il y a des modifications de sens dues au passage du mot d‟un
groupe social à un autre.
Christian Baylon et Paul Fabre71 les résument en deux grandes
directions:

71
Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 210.
Initiation à la sémantique 67

a) extension de sens par généralisation:


Ex.: baliser (terme de navigation maritime) > est passé dans le
langage général de la navigation (baliser une piste)
arriver > „atteindre la rive” > „atteindre un point
quelconque”
b). restriction de sens par spécialisation : le verbe traire « tirer » a
pris le sens précis que nous lui connaissons en perdant son emploi
général dans la langue et en se restreignant au lexique agricole.

5. Evolution des mœurs


Le sens peut changer parce que la chose a changé : Charles V
dînait vers 10 heures du matin (dîner, comme son doublet déjeuner,
veut dire étymologiquement « rompre le jeune » : disjunare).
L‟heure de ce repas a progressivement reculé pour atteindre le soir
au cours du XIX-e siècle.
Dîner a changé de sens (quoique dans certaines provinces il
désigne encore le repas du midi) et déjeuner l‟a suppléé (lui même
remplacé par petit-déjeuner).

6. La vie des mots


La psychologie populaire et l‟histoire des faits de civilisation
peuvent être des causes du changement de sens des mots d‟une
langue. Cette explication a été rendue célèbre par Darmsteter dans
son ouvrage La vie des mots étudiée dans leurs signification
(Delagrave, 1887).
Il y a plusieurs types de causes des changements de sens :
- des causes linguistiques qui peuvent être d‟ordre
phonétique, morphologique ou syntaxique eu qui président aux
changements de sens des mots du lexique. Elles donnent naissance
aux phénomènes suivants :
Initiation à la sémantique

a). étymologie populaire, c‟est une fausse étymologie


(appelée encore attraction ou dérivation paronymique) par
laquelle le locuteur rattache deux formes qui n‟ont aucune parenté du
point de vue de leur origine. Ce phénomène de contagion dû à une
ressemblance formelle contribue à rapprocher sémantiquement les
termes qui le subissent.
Ex. le locuteur français voit choux et croûte dans choucroute,
alors que ce mot est issu de l‟allemand dialectal surkrut
(sauerkrau) qui signifie « aigre-chou ».
Ex. souffreteux ( suffracta) qui voulait dire « pauvre » a été
rapproché de souffrir et signifie maintenant « de santé
frêle ».
b). l‟homonymie c‟est un conflit entre deux formes voisines.
En général, la langue s‟accommode bien des homonymes, car, la
plupart du temps, c‟est le contexte qui désambiguïse les confusions
éventuelles.
Ex. : un seau d‟eau / ce grand sot de Tissotin
Christian Baylon et Paul Fabre72 montrent que cependant, il
arrive que l‟évolution conduise deux formes différentes à se
confondre en une seule sans que le contexte puisse distinguer
clairement les deux sens des deux formes originelles. Il y a alors
téléscopage ou conflit.
Ex. : Dans certains points de Lozère (zone où c + a latin reste
intact), l‟occitan cabal « cheptel » (lat.vulgaire capale pour
capitale) s‟est trouvé confondu avec cabal « cheval »
(caballu). Pour remédier à cette situation, la langue a
abandonné cabal, phonétiquement régulier, pour utiliser la
forme [t∫a b a l] chabal, emprunté aux parlers situés plus au
nord (où c + a passe à [t∫])

72
Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 211.
Initiation à la sémantique 69

Otto Duchacek73 propose une analyse très fine des causes des
changements de sens :

Changements Types de changement Exemples


occasionnés par
1. des faits le sens d‟un mot peut quand poire prend le sens
linguistiques se modifier quand le de tête en argot, d‟autres
a. influence de la sens plus ou moins noms de fruits, calebasse,
parenté sémantique proche d‟un autre citrouille,, deviennent des
change ou sort de dénominations argotiques
l‟usage de la tête.
b. influence de la attraction lexicale fr.pop. tête d‟oreiller
ressemblance influence de la forme pour taie d‟oreiller
formelle du mot : de l‟effet latin murmur
acoustique qu‟il produit « grondement du
par sa propre structure tonnerre » → fr. murmure
phonétique « bruit sourd et confus »
c. influence - étymologie populaire jour ouvrable = où l‟on
simultanée de la - contamination ouvre le magasin ;
ressemblance de la - scission motel=moteur+auto+hôtel
forme et du sens - perte de la conscience lat.disjunare→2 mots en
des liens sémantiques fr. déjeuner et dîner ;
des mots garçon/garce ;
étymologiquement débarcadère (dérivé de
apparentes barque) d‟un chemin de
- influence du contexte fer ;
sur le sens des mots journal mensuel
elle est âgée/elle est âgée
de dix-huit ans

73
Apud Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 212-213.
Initiation à la sémantique

d. conversion et changement de parties la fête battait son plein ;


transposition du discours le laisser-faire
2. des faits - glissement de sens Paul aime la table (la
psychiques (métonymie) bonne chère)
a. connexité de - symbole conduire à l‟autel
choses et d‟idées -concrétisation (épouser)
-abstraction charité = aumône
-extension de sens la profondeur d‟une idée
- restriction de sens it. andare a cavallo su un
- ellipse asino
- métaphore fortuné = favorisé par la
fortune → riche
un tête-à-tête
un candidat parachuté
il l‟a plaquée
b. sentiments - hyperbole Il est cousu d‟or
- affaiblissement Elle m‟empoisonne tous
- amélioration de sens les jours
- dégradation de sens Manie = folie partielle →
- euphémisme habitude bizarre
- tabou C‟est un bon bougre
- dysphémisme Dupe = idiot → trompé
(remplacement d‟un Vulgaire = commun →
mot sans nuance grossier
affective par un mot Gros mal, maladie de
péjoratif) Naples, maladie honteuse
- ironie = syphilis
Nom de chien ! = nom de
Dieu !
Avaloir, sifflet, gavion,
gargamelle, quiqui = cou
Une jolie laide
Un beau monsieur =
Initiation à la sémantique 71

coquin
3. des - substitution des Clérical = appartenant au
facteurs externes signifies clergé → partisan du
rapport entre - dégradation de sens clergé et de sa
l‟histoire du peuple - amélioration de sens prépondérance politique
et l‟évolution du - dénomination des Libertinage = incrédulité
lexique nouvelles notions religieuse→ dérèglements
(néologismes) des mœurs
- passage de mots des Ministre = serviteur →
langues spéciales dans directeur d‟un ensemble
la langue commune de service
- passage de mots de la Gauchiste, hippy
langue commune dans Flegme=mucosité, pituite
les langues spéciales → sang-froid
Acide = aigre → composé
- hydrogéné
Initiation à la sémantique

V. LA SEMATIQUE STRUCUTRALE DIACHRONIQUE

Le point de vue structural en sémantique diachronique


Le terme structuralisme s‟applique à diverses écoles
linguistiques.
Ex.: - la glossématique de Hjelmslev;
- l‟école de Bloomfield;
- toutes les écoles linguistiques du XXe siècle.
Le sens du mot structure est très important: „toute théorie,
n‟importe quelle son orientation, qui envisage la langue comme un
système cohérent où tous les éléments sont interdépendants”. Fidèles
à cette conception, Ullmann considère que la sémantique historique
s‟applique à l‟étude des groupes de mots, l‟évolution sémantique
étant inscrite dans le système des valeurs oppositives.
Pour décrire un système sémantique on fait recours à des
champs morpho-sémantiques, c‟est-à-dire des associations formelles
et/ou sémantiques qui entourent chaque mot et qui permettent
d‟établir l‟histoire des mots.
Ex. : COXA> fr. cuisse
COXA a changé de sens par suite d‟une réaction en chaîne
déclenchée par le changement de FIMUS> FEMUS, FEMORIS.
A partir de ce changement on arrive à une collision
homonymique entre FEMUS et FEMUR et au remplacement de
FEMUR par COXA.
La lacune ainsi créée a été remplie par l‟emprunt au mot
hanche.
Initiation à la sémantique 73

Les champs lexicaux ont été établis par Jost Trier qui, en 1930,
a publié Les champs lexicaux. Ses champs lexicaux sont susceptibles
d‟une interprétation diachronique. Il considérait qu‟il existait une
équivalence entre le monde des idées et la réalité linguistique.
Les champs lexicaux de Trier sont des configurations qui ont
une structure particulière. L‟idée de Trier est que les concepts
recouvrent le champ du réel sans laisser de vide et sans se
chevaucher. Il en résulte que tout changement dans les limites d‟un
concept entraîne des changements des concepts voisins.
Trier a une conception spiritualiste qui n‟envisage que les
éléments intellectuels du langage, ses champs lexicaux coïncidant
avec les champs conceptuels. Son idée que l‟histoire d‟une langue est
une lutte pour l‟ordre est des plus discutables. Mais la théorie de
Trier, sa conception des champs lexicaux est un premier pas pour la
structuration du lexique.

Les champs lexématiques


Christian Baylon et Paul Fabre montrent que « Coşeriu
envisage dans Pour une sémantique structurale diachronique74 la
possibilité d‟une étude des changements qui interviennent dans les
structures lexicales du contenu Ŕ on peut noter qu‟à ce niveau la
distinction entre lexicologie et sémantique semble particulièrement
floue »75. La lexématique diachronique de Coşeriu se place sur le
point de vue du contenu et considère l‟expression comme la
manifestation et comme la garantie de l‟existence des distinctions
sémantiques.

74
E. Coşeriu, Pour une sémantique diachronique structurale, Paris,
Klincksieck, 1964, p. 139-186, apud Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit.,
p. 217.
75
Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 217.
Initiation à la sémantique

L‟objet de la lexématique est le développement historique des


champs conceptuels considérés comme structure lexicale du contenu.
« Et parce que structure veut dire avant tout opposition distinctive, la
sémantique structurale diachronique doit établir, étudier, motiver le
maintien, l‟apparition, la disparition et la modification au cours de
l‟histoire des oppositions lexicales distinctives »76.
La méthodologie est analogue à l‟investigation phonologique,
qui, dans la visée historique, avait pour objet de situer l‟apparition ou
la disparition d‟un trait distinctif.
Les voies de la recherche en sémantique structurale:
1. la délimitation des changements sémantiques.
2. le type des changements sémantiques.
3. la régularité du changement sémantique.
1. Coşeriu affirme qu‟il faut distinguer du point de vue de la
structure du contenu entre:
a) remplacement ou changement lexical non-fonctionnel
qui ne concerne que le signifiant (ou le lien signifiant-
signifié):
ex.: le signifiant jument a éliminé le signifiant cavale, qui
avait remplacé le signifiant ive, sans qu‟aucune
modification soit intervenue dans les rapports de
contenu.
cheval ive
I-ère phase
cheval cavale
II-e phase
cheval jument

76
E. Coşeriu, Pour une sémantique diachronique structurale, Paris,
Klincksieck, 1964, p. 139-186, apud Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit.,
p. 218.
Initiation à la sémantique 75

III-e phase
b) modification ou changement lexical fonctionnel ou
changement sémantique proprement dit, qui concerne le signifié.
Dans ce cas, les rapports lexicaux changent. Nous sommes en
présence d‟un véritable changement sémantique et il ne s‟agit plus
d‟un simple changement de signifiant :

chef

chef
tête
« Une structure sémantique Ŕ affirme Coşeriu Ŕ peut se
maintenir en dépit des remplacements des signifiants, mais le
contraire n‟est pas vrai, puisqu‟une modification de la structure
sémantique se reflète toujours aussi sur le plan de l‟expression […]
c‟est la structure du contenu qui détermine le rapport expression-
contenu »77.
Les rapports lexicaux changent. Le changement d‟un élément
entraîne des changements sémantiques dans tout le système de la
langue.
2. Les types de changements sémantique. Comme dans la
phonologie on a:
a) la constitution d‟une opposition nouvelle
Ex.: le remplacement du lat. peur par deux unités en portugais
menino et rapaz. Dans ce cas, on assiste à l‟apparition d‟un trait

77
E. Coşeriu, Pour une sémantique diachronique structurale, Paris,
Klincksieck, 1964, p. 171, apud Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p.
219.
Initiation à la sémantique

distinctif nouveau [ + petit] et, implicitement, à la transformation de


deux variantes de contenu en deux lexèmes indépendants.
b) la dissolution d‟une opposition.
Ex.: ATER ”noir” et NIGER „noir” / opposition entre mat et
brillant perdue en français
→ noir [± brillant] ou [±mat]
a. ALBUS et CANDIDUS „blanc” [+/- brillant]
3. La régularité d‟un changement lexical
On distingue:
a) des changements fonctionnels réguliers, valables pour tout
emploi de l‟unité affectée, pour toutes les structures phrastiques
possibles qui la contiennent (exception les archaïsmes, du types faire
quelque chose de son propre chef)
b) des changements fonctionnels systématiques qui
affectent toutes les unités qui, dans le système, se trouvent dans des
oppositions analogues.
Ex. dans le système des noms de couleurs, la distinction
+/- brillant disparaît non seulement pour les adjectifs noir
et blanc, mais pour tous les adjectifs de couleur.

Les principes de la lexématique


Il y a quatre principes généraux qui structurent le champ de la
lexématique :
1. la fonctionnalité
2. l‟opposition
3. la systématicité
4. la neutralisation.
1. La fonctionnalité se rapporte au contenu de la langue, en se
fondant sur la solidarité entre le niveau du contenu et celui de
l‟expression. Mariana Tuţescu affirme que “la fonctionnalité
Initiation à la sémantique 77

concerne la constitution même de la langue en tant que telle, c‟est-à-


dire l‟existence des unités linguistiques […] »78.
ex. Pour le niveau de l‟expression: a căta et a căuta
pour le niveau du contenu: a duce a aduce
porter apporter

2. L‟opposition
Mariana Tuţescu considère que “Le principe de l‟opposition
concerne la façon dont les unités linguistiques existent du point de
vue fonctionnel »79. Pour que les oppositions puissent fonctionner il
faut qu‟il y ait une partie identique et une autre non identique.
Ex. : beau et éléphant : on ne peut pas établir une opposition.

A veni; a aduce des termes de mouvement dans


l‟espace, des personnes du discours

Venir; apporter (Ière et II ème personne)
A se duce; a termes de mouvement, mais qui visent
duce toutes les personnes

Aller; porter seulement les personnes du discours

A sta; a şedea  opposition qui fonctionne au niveau


du roumain.

3. La neutralisation
Au niveau de la phonologie, la neutralisation concerne les
doublets: sourd-sonore.

78
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 71-72.
79
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 72.
Initiation à la sémantique

Ex.: t/ d
Mariana Tuţescu affirme que « le principe de la
neutralisation concerne une exception importante dans le
fonctionnement des oppositions linguistiques dans la parole, dans le
discours. Il s‟agit du fait que, dans certains cas de nature
syntagmatique, les oppositions pertinentes sont suspendues au profil
de l‟un des deux termes de l‟opposition »80.
Au niveau de la sémantique le principe de la neutralisation
fonctionne fréquemment:
Ex.: zi/ noapte; jour/nuit
frate/soră
dépenser/gaspiller
dominer/maîtriser
décéder - mourir [+humain]
- crever [+animal].

dépenser zi frate

gaspiller noapte soră

4. La systématicité
C‟est le dernier principe qui vise la tentative de démontrer la
régularité au niveau de la diachronie des transformations et des
changements sémantiques.
Ex. la différence qui existe entre riche Ŕ richesse Ŕ enrichir se
retrouve dans pauvre Ŕ pauvreté Ŕ appauvrir, triste Ŕ tristesse Ŕ
attrister, affligé Ŕ affliction Ŕ s‟affliger.
On retrouve dans tous ces exemples l‟axe sémique « celui qui
est dans un état de » - « l‟état lui-même » - « l‟action ».

80
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 72.
Initiation à la sémantique 79

VI. LA STRUCTURATION SEMIQUE DU LEXIQUE

Qui veut appliquer au lexique les concepts


de la science moderne du langage ne peut manquer de
se poser cette question : le lexique est-il structuré ? ou
encore cette autre : y a-t-il dans le vocabulaire un
ensemble de lois par lesquelles s‟ordonnerait en
signes l‟expérience sensible ?
(A. Culioli et al.)81

1. Les taxinomies
La découverte des unités constitutives de la signification a
permis une structuration de la substance lexicale en systèmes
sémiques.
Les traits sémiques peuvent être divisés en:
1. agglomérations ou marques non-ordonnées qui
correspondent aux unités qui forment le sens des
lexèmes.(correspondant aux sémèmes).
2. configurations ou faisceaux de marques ordonnées qui
correspondent aux unités ordonnées qui forment les champs
sémio-lexicaux.
L‟analyse du sens en ces unités constitutives a permis
l‟établissement des taxinomies.
Les taxinomies sémiques sont des inventaires sémio-lexicaux
qui groupent des marques se plaçant sur le même axe sémique.
L‟axe sémique est le dénominateur sémique commun qui sous-
tend plusieurs unités lexicales.

81
Apud Teodora Cristea, op.cit., p. 99.
Initiation à la sémantique

1.1. les taxinomies binaires


Ex. [+ transitif] / [- transitif]
[± humain]; [± animé]
Les taxinomies binaires regroupent donc le terme marqué et le
terme non-marqué et sont engendrées
1.2. les taxinomies polaires
Ex. : [le haut]; [le bas]
[riche]; [pauvre]
Faible / puissant > antonymes
[droite]; [gauche]
1.3. les taxinomies multiples basées sur les axes sémiques
ayant plus de 2 termes.
Ex. : [grand] [moyen] [petit]
[vieux] [adulte] [enfant]
[brûlant] [tiède] [froid]
1.4. les taxinomies relatives basées sur des sémèmes
appartenant à des séries à termes réciproques.
Ex.: [parent] [enfant]
[grand-père] [grand-fils]
[sur] [sous]
[devant] [derrière]
[homme] [femme] [enfant]
[taureau] [vache] [veau]
1.5. les taxinomies hiérarchiques dont les termes sont
progressivement ordonnés.
[un] [deux] [trois]
[mètre] [kilomètre]
Initiation à la sémantique 81

La structuration des ensembles sémiques en configuration de


sèmes permet de saisir une certaine hiérarchie des archisémèmes.
Ex. : la structuration de l‟archisémème temps.

+ temps

- itération + itération
Niveau
-extension +extension sémique

TEMPS DUREE FREQUENCE

Il partit. Il était en train Il mordillait sa Niveau


de manger. moustache. lexical

2. Les champs sémantiques.


Le champ sémantique82 désigne « l‟aire couverte, dans le
domaine de la signification, par un mot ou par un groupe de mots de
la langue »83 .
Alain Polguère définit le champ sémantique comme « un
regroupement de lexies dont les sens ont en commun une
composante particulière. Les lexies d‟un champ sémantique donné se
regroupe naturellement dans l‟esprit du locuteur, car leurs sens
renvoient tous à un même domaine, forment une même « famille »
sémantique »84.

82
La notion de champ sémantique recouvre une pluralité d‟acception en
fonction des écoles linguistiques et des chercheurs qui l‟emploient. Voir à
ce sujet Christian Baylon, Xavier Mignot, op. cit., p. 114 -121.
83
J.Dubois et al, Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage,
Paris, Larousse, 1994, p. 423.
84
Alain Polguère, op.cit., p. 157.
Initiation à la sémantique

Ex. le champ sémantique du mot amour : amour de Dieu,


amour maternel, amour fou, faire l‟amour, tu es un amour, l‟amour
du bien, l‟amour du sport.
L‟étude du champs sémantique de ce mot permet aussi de
déterminer les rapports de synonymie (équivalence) ou d‟antonymie
(opposition) que le mot amour entretient avec : adoration, fraternité,
caprice, passion, haine, amitié .,..

2.1. Les champs associatifs85 (Ch. Bally)


Le disciple de Saussure envisageait chaque mot comme étant
le centre d‟un champ associatif qui ait un « halo qui entoure le signe
et dont les franges extérieures se confondent avec son ambiance ».
Le champ associatif est - individuel
- contextuel
- situationnel.
Ch. Bally donne comme exemple le concept bœuf qui
déclenchera trois types d‟associations:
a. se rattache aux concepts vache, taureau, veau, corne reliés
au nom (sémèmes).
b. vise le niveau de la connotation - joug, abattoir
(archisémèmes)
c. vise le niveau de la connotation conceptuelle: labour,
endurance, patience, passivité, lourdeur (métasémèmes)
En même temps les associations qui entourent le signifié bœuf
sont à la base de nombreuses métaphores.
Ex. : Un vent à décorner les bœufs.
Ruminer une idée ;
Travailler comme un bœuf
Mettre la charrue avant le bœuf

85
Appelés « banalités du discours » par Jacqueline Picoche, op.cit., p. 91.
Initiation à la sémantique 83

Etre fort comme un taureau.

2.2. Les champs linguistiques


L‟hypothèse de Jost Trier est que nos concepts recouvrent
totalement le champ de la réalité linguistique sans laisser de vide.

2.3. Les champs paradigmatiques


Ils incluent des champs lexicaux ou sémantiques, des champs
morphologiques (dérivationnels, suffixaux et préfixaux).
2.3.1.Le champ morphologique comprend tous les termes qui
partagent un même trait de morphologie, soit un affixe (préfixe,
suffixe, flexion), soit un même radical.
2.3.2. Le champ suffixal comprend tous les noms portant un
même suffixe, soit -age: bavardage, étiquetage, etc.
Ex. : tous les adverbes portant le même suffixe, soit -ment:
rapidement, lentement...
Tous les mots formés à partir du radical imprim-: imprimeur,
imprimante, imprimerie, imprimer, imprimés, etc.
Toutes les formes verbales à partir du même radical, soit port-:
je porte, tu portes…
Toutes les formes verbales portant la même flexion, soit -
ez: dansez, allez...
2.3.3. Le champ préfixale comprend l‟ensemble d‟unités
lexicales formées avec un préfixe identique.
Ex. : Mini - produit plusieurs contrastes :
Le premier: mini-/maxi- miniprix/maxi-vacances
Le 2ème: mini-/macro- mini-mannequin/macro-mannequin
Le 3ème: mini-/ les contextes mini club/ minibudget
- marqués par [+grandeur] dépense inconsidérée
Initiation à la sémantique

Le 4ème: mini- les contextes minilab, petit Robert,


minidestinataires, mini poste.
- re- (vars. ré-, r-): revoir, ravoir, réviser, etc.
Le champ dérivationnel implique une base formelle
commune aux divers mots, étant constitué de paradigmes lexicaux
établis sur la base de sèmes spécifiques et de l‟existence d‟un même
radical.
Ex. : de champ dérivationnel : enseigner, enseignant,
enseignement …
L‟utilisation d‟au moins deux éléments d‟un champ
dérivationnel crée en discours la figure dérivative, comme dans l‟ex.
« nos jugements nous jugent » (P.Valéry, Monsieur Teste).

2.4. Le champ sémantique lexical est constitué d‟un


paradigme lexical entre les éléments duquel on a le choix à un point
donné du discours.
Ex. : J‟ai été à Paris pendant deux heures/ jours/ semaines ...
Ex. : le champ sémantique des animaux domestiques
Sème/ âne cheval mulet chèvre porc cochon chat chien lapin poule
Le-
xème
jeune ânon   chevreau porcelet cochon- chat- Chienne Lape poulet
pour- net ton -reau
ceau
Parturi-    chevroter  cochon- cha-  lapiner 
tion ner tonner
gardien ânier  muletier chevrier porcher     
spécifiqu
e
dérivatio  chevalin mulassier  porcin     
n
adjectival
e
local     porcherie    lapi- poulail-
d‟élevage nière lerie
femelle ânnesse   chèvre   Chat- chienne lapine poule
te
Initiation à la sémantique 85

Ex. : le champ sémantique du signifié habitation contient 146


lexèmes se laissent structurer selon les sèmes: [+ pour
hommes]; [+pour animaux]; [+ lieux], [+ matériaux]; [+
taille]; [+destination] ; [+valeur].
Sème/ à la où l‟on dans le de peu de
maison petite
lexème campagne mange/boit Midi valeur
auberge + + + 0 0 0
bastide + + 0 + 0 0
bastidon + + 0 + + 0
bicoque + 0 0 0 0 +
mas + 0 0 + + 0

Ex. : de sous-ensembles des habitations à destination religieuse:


Eglise, cathédrale, monastère.
Ex. : le champ sémantique centré sur le sème [+parenté]
Sèmes:
[+consanguinité] - père, mère, fils, fille
[+alliance non-consanguine] - beau-père, belle-mère
[+génération ascendante] - père, grand-père, arrière-grand-
père
[+génération descendante] - arrière-petit-fils, fils, petit-fils.
[+sexe] - frère, sœur, cousin, cousine
[+latéralité] - demi-frère, demi-sœur, cousin germain.

2.5. Les champs onomasiologiques. Nous pouvons adopter le


point de vue onomasiologique (du grec onoma, « nom ») : « il s‟agit
de partir des choses ou des idées pour aller aux mots, de « délimiter
un champs notionnel auquel on fait correspondre un ensemble
structuré de mots »86.

86
O.Soutet, La linguistique, Paris, PUF, 1995, p. 269.
Initiation à la sémantique

Ex. : au champs notionnel de la peinture on associe le champs


lexical : frottis, lavis, glacis, eau-forte, …
Le champ lexical désigne donc l‟ensemble des mots ou des
expressions correspondant aux réalités d‟une domaine donné.
Les champs onomasiologiques visent les réalisations d‟un
même signifié par plusieurs signifiants différents.
Ex.: la champ de la spatialité

+spatialité

dimensionnalité non - dimensionnalité

horizontalité verticalité superflue volume


haut/bas vaste/0 mince/épais

perspectivité latéralité

long/court large/étroit

2.6. Les champs sémasiologiques


Si l‟on va des mots aux choses ou aux notions on applique la
méthode sémasiologique (du grec sêmasia « signification »). Les
champs sémasiologiques engendrent plusieurs signes linguistiques à
partir d‟un même signifiant.
Ex.: Marron qui engendre 4 signes linguistiques différents.
marron

objet

+ comestible + comestible
Initiation à la sémantique 87

fruit plat graine coup de poing

marchand crème marron Il lui donne des


des de d‟Inde marrons qui lui
marrons marrons font mal

2.7. Les champs sémio-lexicaux mettent à profit des données


paradigmatiques et des données syntagmatiques à la fois.
L‟analyse est très complexe.

VEHICULE

MOBILITÉ NON-MOBILITÉ

Volume Propriété Spatialité Activité

Grand Petit Civile Militaire autoroute autoécole


autobande autostop
autobus auto- autorail autocanon
autocar scooter autopompe automitrailleuse
autochenille

INANIMÉ ANIMÉ

DÉTERMINÉ DÉTERMINANT DÉTERMINANT DÉTERMINÉ


auto [+attribut] auto [+circonstant] auto [+circonstant de finalité]
autobus autochenille autoroute, autoécole

Ex. : le champ lexical du mot esprit établit à partir des


environnements dans lesquels il apparaît.
- syntagme intransitif: Il y a des esprits dans cette maison (fantômes)
Initiation à la sémantique

- syntagme intransitif: Il y a des esprits qui ne peuvent pas accepter


la contradiction. (personne)
Ex. : le champs lexical du mot idée
[+transitif]: L‟idée de justice me préoccupe.
[+singulier]: Se faire une idée de ce spectacle
[+pluriel]: se faire des idées (soucis)
[+défini]: Oriente le lexème vers le sémème idéologie: Les idées du
prolétariat.
[- défini]: avoir des idées sur...(représentations sommaires)
se faire des idées (représentations imaginaires)
c‟est une idée (trouvaille)
Un autre exemple est constitue par le champ sémantique (très
partiel) des vêtements et sous- vêtements :
vêtement objet fabriqué pour couvrir le corps humain, le cacher, le
protéger, le parer (coiffure, chaussures, linge, habits et
accessoires)
sous-vêtement Vêtement de dessous (de tissu, tricot, etc.).
Synonyme: dessous
robe Vêtement qui entoure le corps.
blouse Vêtement de travail que l'on met par-dessus les autres pour
les protéger.
cafetan Vêtement oriental, ample et long.
camisole Vieilli Vêtement court, à manches, porté sur la chemise.
cape Vêtement de dessus, sans manches, qui enveloppe le corps et
les bras.
casaque Vx Vêtement de dessus à larges manches.
chasuble Vêtement sacerdotal en forme de manteau à deux pans,
que le prêtre revêt par-dessus l'aube et l'étole, pour célébrer
la messe.
Initiation à la sémantique 89

chaussette Mod. Vêtement de maille qui couvre le pied et le bas de


la jambe.
combinaison Sous-vêtement féminin, comportant un haut et une
partie remplaçant le jupon (cf. Fond de robe).
porte-jarretelles Petit sous-vêtement féminin qui s'ajuste autour des
hanches et qui est muni de quatre jarretelles pour attacher les
bas.
gaine Sous-vêtement en tissu élastique enserrant les hanches et la
taille (femmes).
bustier Sous-vêtement féminin ou corsage sans bretelles, qui
maintient le buste jusqu'à la taille.
caleçon Sous-vêtement masculin, culotte à jambes longues (caleçon
long) ou, plus souvent, courtes.
caraco Mod. Sous-vêtement féminin droit et court, à bretelles,
couvrant le buste.
collant Sous-vêtement féminin qui unit bas et culotte.
La taxonomie explicite de ce champ lexical comprend donc
les ensembles suivants: objet fabriqué [artefact] > vêtement > sous-
vêtement (= vêtement de dessous) > ( combinaison porte-jarretelles
gaine bustier caleçon caraco collant …

objet fabriqué

machine outil vêtement

{robe blouse cafetan camisole cape ...} sous-vêtement

{combinaison porte-jarretelles gaine bustier ...}


Initiation à la sémantique

VII. LES RELATIONS SÉMANTIQUES

„Pour les mots il faudrait peut-


être s‟accoutumer à l‟idée que, plongés dans
des contextes divers, ils peuvent exprimer
une diversité d‟effets de sens”.
(Benoît de Cornulier87)

RELATIONS SEMANTIQUES PREMIERES : les sens


lexicaux conçus comme des ensembles

Alain Polguère88 affirme qu‟un peut « se représenter un sens


lexical comme un ensemble structuré d‟autres sens lexicaux ».
Ex. : le sens de « lit » contient les sens
- « meuble » (un lit est un meuble),
- « s‟allonger » (il est conçu pour qu‟on s‟y s‟allonge),
- « dormir ou se reposer » (on l‟utilise avant tout pour
dormir ou se reposer), etc.
Lorsqu‟un sens est inclus dans un autre, nous dirons qu‟il en
est une composante. Il est aussi, de ce fait, une composante de la
définition de la lexie correspondante.
Ex. : « meuble » est une composante de la définition de LIT.
Si l‟on considère les sens lexicaux comme des ensembles,
quatre types de relations sémantiques lexicales peuvent exister :
1. identité de sens : Ex. « vélo » - « bicyclette »

87
Apud Teodora Cristea, op.cit., p. 57.
88
Alain Polguère, op.cit., p. 118-119.
Initiation à la sémantique 91

2. intersection de sens : ex. « chien » ∩ « poisson » -


« animal »
3. inclusion de sens Ex. « animal »  « chien »
4. disjonction de sens : Ex. « chien » ∩ « rêver » = 
Avec ces exemples, nous avons pu démontrer qu‟il est
pertinent de considérer qu‟un sens en « contient » d‟autres. En fait,
affirme Alain Polguère89 « l‟inclusion et l‟identité de sens sont les
relations sémantiques premières ; ce sont celles sur lesquelles se
fondent, directement ou indirectement, toutes les autres relations
sémantiques fondamentales ».

RELATIONS SEMANTIQUERS FONDAMENTALES


Les relations sémantiques fondamentales forment la charpente
de la structuration sémantique du lexique de toute langue. Chaque
lexie se positionne dans le réseau lexical de la langue en fonction de
ces relations.

L‟ASÉMIE Ŕ l‟incompatibilité sémique


Elle joue sur une relation sémique de contradiction entre deux
sémèmes qui ont un même archisémème.
Ex. : a) une robe noir-blanche (ni noire ni blanche)
b) le départ-arrivée de Jean.
a) [+couleur] [+couleur] = compatibilité sémique
[+reflète la lumière] [- reflète la lumière] = incompatibilité
sémique
b) [+déplacement dans l‟espace] [déplacement dans
l‟espace] = compatibilité
[- direction] [+direction] = incompatibilité

89
Alain Polguère, op.cit., p. 119.
Initiation à la sémantique

L‟OXYMORE - figure de rhétorique qui représente un aspect


plus raffiné de la notion sémantique d‟asémie. Cette relation
sémantique représente, au fond, une anomalie sémantique, une
incorrection. L‟asémie freine la négation de l‟isotopie du discours.
En tant que relation sémique basée sur une anomalie sémique,
l‟asémie témoigne du niveau de connotation de la langue.
L‟oxymore est classé dans les figures de construction.
Associant dans un groupe syntaxique des éléments sémantiquement
incompatibles, il est soit symétrique (« ces cris perçants et doux »,
Vigny), soit asymétrique (« cet univers si magistralement raté »,
Cioran). Il représente une forme conjonctive (macrostructurale) de
l‟antithèse (figure macrostructurale).
Ex. : d‟oxymore : durere dulce, blândă durere
(Eminescu)
Neige brûlante, soleil noir, obscure clarté.
Le groupe μ de Liège interprète l‟oxymore comme “la figure
où l‟un des termes possède un sème nucléaire qui est la négation
d‟un classème de l‟autre terme”90.

L‟HYPONYMIE et L„HYPERONYMIE – l‟implication


lexicale
L‟hyponymie et l‟hyperonymie91 sont des relations sémiques
qui représentent le reflet linguistique du concept logique
d‟implication. C‟est la relation d‟implication unilatérale entre deux
ou plusieurs unités lexicales.

90
Voir aussi Nicolas Laurent, op.cit., p.27.
91
Le terme hyperonymie provient du grec huper « au-dessus » et ônumos
« nom ».
Initiation à la sémantique 93

Teodora Cristea affirme que « les hyponymes92 partagent avec


leur hyperonyme des caractéristiques dérivationnelles, des relations
sémantiques et des latitudes combinatoires, la cohérence lexicale se
trouvant ainsi renforcée, par la transmission des caractéristiques du
niveau supérieur aux niveaux inférieures »93.
Il s‟agit ici de deux relations sémantiques converses entre
lexies, correspondant à un cas particulier d‟inclusion de sens :
La lexie Lhyper est un hyperonyme de la lexie Lhypo lorsque
la relation sémantique qui les unit possède les deux caractéristiques
suivantes :
1. le sens « Lhyper » est inclus dans le sens « Lhypo »
2. « Lhyper » peut être considéré comme un cas
particulier de « Lhypo »
La lexie « Lhypo » est appelé hyponyme de Lhyper.
Ex. : le sens des lexies
écarlate
cramoisi  impliquent le sens de la lexie ROUGE
vermillon

Ex.: ANIMAL est un hyperonyme de CHIEN et CHIEN est un de


ses nombreux hyponymes avec d‟autres lexies comme CHAT,
CHEVAL, DROMADAIRE, POISSON …
Tout hyponyme est impliqué dans un hyperonyme (le terme
généralisateur). Tout objet rouge n‟est pas vermillon, mais tout objet
vermillon, cramoisi ou écarlate est rouge.
Le sens des lexèmes bâtiment, auberge, hôtel est impliqué
dans le sens du lexème maison (hyperonyme).

92
Le terme hyponyme provient du grec hupo « en dessous » et ônumos
« nom ».
93
Teodora Cristea, op. cit., p. 101.
Initiation à la sémantique

Le sens d‟un hyponyme est plus riche que celui de son


hyperonyme et vice versa.
Les co-hyponymes du verbe couper94 (par morceaux) ont des
traits différenciateurs supplémentaires, mais ils conservent dans leur
sémème les traits de l‟hyperonyme couper (ou diviser) :

Diviser

Couper

découper diviser dépecer disséquer débiter hacher trancher

découper « diviser en morceaux, en coupant »


dépecer « couper en morceaux »
disséquer « diviser méthodiquement les parties d‟une plante, d‟un
corps »
débiter « couper en morceaux »
hacher « couper en menus morceaux »
trancher « couper en séparent d‟un seul coup »
Le trait supplémentaire différenciateur est incorporé, dans la
plupart des cas, dans le lexème :

DEMANDER

revendiquer solliciter exiger réclamer mendier


+avec force +impéra- +avec +en +humble-
tivement déférence insistant ment

94
Exemple analysé par Teodora Cristea, op.cit., p. 102.
Initiation à la sémantique 95

L‟hyponymie est la relation sémantique qui se trouve à la base


des structures implicatives du lexique et on peut établir des séries
successives d‟implication.
raglan  manteau  vêtement  objet
Ex. a) Les raglans sont passés de mode (impliquatif).
b) Les manteaux sont passés de mode. (si raglan est un
manteau et si le deuxième niveau ne peut pas fonctionner parce que
manteau implique raglan).
a). l‟implication inverse ne marche pas.
b). L‟implication peut être bloquée au niveau du discours
bien qu‟elle fonctionne au niveau lexical.
La relation d‟hyperonymie - hyponymie est transitive et
permet de construire une hiérarchie sémantique des lexies,
hiérarchie qui peut se représenter sous la forme d‟un « arbre ». Alain
Polguère95 donne l‟exemple suivant :
Extrait de la hiérarchie sémantique
des lexies françaises (centrés autour de ANIMAL)
ETRE VIVANT hyperonymes de ANIMAL

ANIMAL hyponymes de ANIMAL

CHAT CHIEN DROMADAIRE

DALMATIEN

95
Alain Polguère, op.cit., p. 121.
Initiation à la sémantique

Même si en général, on ne lie par les relations d‟hyperonymie


et d‟hyponymie que les lexies appartenant à la même partie du
discours, on pourrait cependant admettre dans une certaine mesure
que, par exemple, le nom SENTIMENT est un hyperonyme non
seulement du nom AMOUR, mais aussi du verbe AIMER. Il existe
donc une certaine flexibilité dans l‟utilisation de ces relations.
Nicolas Laurent montre que «dans un texte littéraire, l‟emploi
de termes hyperonymes traduit souvent un mouvement d‟abstraction
et de classification, de stylisation : il est donc remarquable dans le
discours à visée didactique, ou dans les passages élaborant, à
l‟intention du récepteur une grille d‟interprétation du monde (êtres,
choses, états, processus). L‟emploi de termes hyponymes, au
contraire, est souvent associé à un approfondissement de l‟illusion
référentielle […] »96.

LA MERONYMIE est une relation sémantique fondamentale


qui joue sur le rapport partie/tout : un méronyme désigne ainsi la
partie d‟un tout et un holonyme désigne le tout d‟une partie.
Teodora Cristea donne la définition suivante : « La relation
sémantique entre un item lexical qui dénote une partie avec le terme
qui dénote le tout correspondant est désignée par le terme de
méronymie (du grec mero- « partie ») »97.
Ex. tige constitue un méronyme de fruit ou de citrouille(s),
mots qui fonctionnent relativement à tige comme holonymes.
La structuration hiérarchique des noms des parties du corps
humain est un exemple prototypique de méronymie.

96
Nicolas Laurent, op.cit., p. 27.
97
Teodora Cristea, op.cit., p. 105.
Initiation à la sémantique 97

Corps

tête cou buste tronc bras hanche jambe

avant-bras main

paume doigt

Un autre exemple :
Voiture

carrosserie roues châssis volant…

Dans ces exemples, les lexèmes tête et voiture désignent le


tout (ils sont holonymes), les lexèmes tête, carrosserie … sont des
méronymes, et tête, cou, buste, bras, hanche, jambe … et
carrosserie, roues, châssis, volant … sont des co-méronymes
(parties constitutives d‟un tout).
Nicolas Laurent98 affirme que « la relation de méronymie est
particulièrement bien exploitée dans les textes descriptifs ou dans les
discours qui ont une visée concrète ».

98
Nicolas Laurent, op.cit., p. 28.
Initiation à la sémantique

L‟HOMONYMIE

Bélise : Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ?


Martine : Qui parle d‟offenser grand-mère ni grand-père ?
Molière, Les Femmes savantes
L‟homonymie est la relation sémantique qui s‟établit lorsque
deux entrées du dictionnaire sont distinctes du point de vue
sémantique et identiques du point de vue graphique.
L‟homonymie est la relation entre deux signes linguistiques à
sens différent et à graphie identique, signes que le dictionnaire
reconnaît comme des entrées distinctes.
Les homonymes diffèrent entre eux par tous leurs sèmes
inhérents. Pottier affirme que « L‟homonymie est un cas de
polysémie dont on ne voit pas la motivation »99.
Dans la conception homonymique le mot est une unité du
discours défini par son contexte (situation et distribution).
L‟homonymie est basée sur une analyse distributionnelle des
lexèmes. Le sens d‟un mot est déterminé par son contexte, par
l‟environnement dans lequel le mot apparaît. L‟homonymie est un
certain type de relation paradigmatique entre les signes. Cette
relation n‟a de sens qu‟en synchronie.
Ex. : Sa jeunesse importe peu. (et elle implique une pluralité
de signes distincts).
On distingue :
- les homophones Ŕ identité dans l‟aspect oral ;
- les homographes Ŕ identité dans l‟aspect scriptural ;
- homonymie absolue Ŕ les homonymes appartenant à la
même classe grammaticale ;

99
Bernard Pottier, Sémantique générale, Paris, PUF, 1992, p. 43.
Initiation à la sémantique 99

- homonymie relative Ŕ les homonymes appartenant à des


classes grammaticales différentes.
Homophonie:
Homonymie: Homographie:
identité de forme
différence de sens identité orthographique
phonique
Partielle: Sain - sein Aide - féminin
différence vert Ŕ verre Aide - masculin
sémantique + Sot Ŕ seau/saut Mémoire - féminin
grammaticale (le) sort - (il) sort Mémoire - masculin
(la) tente Ŕ (il) tente Pair (adjectif) Ŕ pair (nom)
Cher (adj.) - Chaire Noyer (subst.)- Noyer (verbe)
(subst.)
Absolue: Sein - saint Louer (une maison) / louer (qqn)
même classe Chair - chaire Détacher (séparer) / détacher
grammaticale Bal Ŕ balle (enlever les taches)
Vent Ŕ van Gaffe (subst.) / Gaffe (subst.)
Pan Ŕ paon
Saut Ŕ seau
Pois Ŕ poids - poix
Entre les sémèmes des homonymes il n‟y a pas d‟intersection.

HOMOPHONIE
Des signes sont déclarés homophones lorsque leurs signifiants
phoniques respectifs sont identiques, mais ne s'écrivent pas pour
autant de la même manière.

[bazilik] basilic basilique


[filtR] filtre philtre
[so] saut sceau seau sot

Ex. : Grève- plage de sable


Grève - cessation de travail. Nous avons deux lexèmes, deux
entrés, deux signes linguistiques différents.
Initiation à la sémantique

Ex. : appréhender
1. appréhender quelque chose (craindre) : Elle appréhendait
de laisser les enfants seuls à la maison.
2. appréhender quelqu‟un (l‟arrêter) : Les inspecteurs l‟ont
appréhendé au moment où il s‟enfuyait.
Ex. : cuisinière
1. [+ humain]
2. [- humain] [+objet] [+ustensile]
La cuisinière est enrhumée.
La cuisinière est émaillée.
Cette différence sémique impose une utilisation discursive différente.
Ex. : carcan
1. collier de fer fixé poteau pour y attacher par le cou des
condamnés à l‟exposition publique.
2. mauvais cheval (gloabă)
Il a subi la peine du carcan.
Il a été condamné au carcan.
Le carcan de la discipline est dur à supporter.
Ex. : fruit
1. organe végétal - fruitier, fruiterie
2. résultat (l‟homonymie est importante à ce 2ème niveau,
celui de la dérivation; elle fournit des dérivés tout à fait
différents).
Résultat fructueux; infructueux.
La dérivation à partir des homonymes est très importante.
Ex. collège
1. une école, un établissement scolaire > collégien
2. corps de personnes qui ont la même profession et la même
préoccupation.
Initiation à la sémantique 101

Fer coudé et pointu vs. Barre, tige

Signe de ponctuation vs. Parenthèse, tiret

CROCHET détour sur un trajet vs. Ligne droite

Coup de poing vs. Direct, uppercut

Fer recourbé pour ouvrir


vs. clef
une serrure

On remarque le fait que les homonymes se caractérisent par


des antonymes différents.
Nous voyons donc comme l‟analyse distributionnelle vise à
diagnostiquer par les seules relations contextuelles les différences
entre les unités homonymiques, les règles syntaxiques et la
restriction sélective de la combinatoire sémique lève l‟ambiguïté et
apporte une solution à l‟homonymie.

Les causes de l‟homonymie: L‟homonymie trouve son


explication dans :
Le nombre réduit des signes : phoniques (36 phonèmes),
graphiques (26 lettres). Dans ce cas, des combinaisons identiques
peuvent se produire dans les mots courts (1 ou 2 syllabes) qui sont
les plus nombreux.
L‟histoire des mots : des mots, différents en latin, ont changé
de prononciation et surtout de volume dans leur passage en français
et se sont rapprochés jusqu‟à devenir semblables.
Ex. : ALTARIA > autel
HOSPITA LEM > hôtel
Initiation à la sémantique

La conjugaison qui multiplie les formes, souvent assez


courtes et utilise des terminaisons dont le nombre est limité.
La collision homonymique peut être évitée à l‟aide du
contexte linguistique ou situationnel.
L‟homonymie est souvent exploitée intentionnellement dans
les jeux de mots et les calembours.

L‟homophonie dans les créations ludiques


L‟homonymie et l‟homophonie sont amplement utilisées
dans les jeux de mots, les blagues, les devinettes, les slogans
publicitaires, les slogans politique …
Ex. Quel est le fruit détesté par les poissons ? Réponse : la pêche
Il n‟y a que Maille qui m‟aille !
Liberté, je chéris ton NON (slogan du PCF lors du referendum sur le
traite de Maastricht)
Diminu‟Tifs (enseigne de magasin de coiffure).

LA PARONYMIE
Les paronymes sont des mots dont les signifiants (phoniques
et/ou graphiques) respectifs sont relativement proches alors que leurs
signifiés sont distincts.
affectation - affection
allocation - allocution - élocution
amnistie - armistice
Dans certains cas, la ressemblance formelle peut
s'accompagner d'une certaine proximité sémantique.
amoral - immoral
endémique - épidémique
obstruer - obturer
vénéneux - venimeux
Initiation à la sémantique 103

Cette proximité est parfois tellement grande dans des couples


infernaux comme volatil-volatile ou prémices-prémisse que même
les meilleurs auteurs se laissent prendre au piège.

LA POLYSÉMIE
La polysémie est la relation sémantique selon laquelle une
même entrée lexicographique recouvre des sens différents. La
polysémie a été définie par Michel Bréal dans son livre inaugural
pour la sémantique Essais de sémantique comme „un phénomène
diachronique qui consiste dans l‟addition d‟acceptions nouvelles au
sens fondamental du mot.”
La polysémie est « la réalisation de deux (ou plusieurs)
sémèmes distincts, qui présentent au moins un sème inhérent
commun par un seul lexème. La polysémie est donc un rapport
d‟intersection sémémique, elle implique l‟existence d‟un noyau
sémique commun dans toutes les occurrences et un (ou plusieurs)
sème(s) différenciateur(s) »100.
Selon les sémanticiens traditionnels, les sources de la
polysémie sont:
1. les convergences phoniques
2. le passage du concret à l‟abstrait
3. les emprunts
4. la spécialisation sémantique
La sémantique moderne, Ullmann en particulier, considère que
les sources de la polysémie sont:
1. les glissements de sens
2. les expressions figées
3. l‟étymologie étrangère.
4. les influences étrangères

100
Teodora Cristea, op.cit., p. 60.
Initiation à la sémantique

Dans son Précis de sémantique, Ullmann travaille beaucoup


sur la polysémie. Il considère que les glissements de sens opèrent,
par spécialisation ou ellipse, une divergence sémantique.
Ex. : acte
1. acte de naissance
2. acte d‟un congrès > glissement de sens
3. acte d‟une pièce de théâtre
4. acte de charité
œil > œil de serpent, œil de bœuf, œil de perdrix, œil de chat, œil de
tigre.
Bain > salle de bain, prendre une bain
branche > branche d‟un arbre, branche comme domaine d‟activité
gorge > partie du corps, gorge de défilé.

Le changement de type métaphorique


délarder un morceau de bois
engraisser un mur > terminologie spécifique du
amaigrir un morceau de bois maçonnage
Ex. : bouton
bouton de rose
bouton d‟habit
bouton sur la peau

Les influences étrangères


Réaliser = rendre réel et effectif (sous l‟influence de
l‟anglais ce verbe acquiert un nouveau sens: „comprendre”)
Dans la conception polysémique, le mot est une unité de la
langue, de la compétence dont les performances impliquent. La
polysémie existe donc, en vertu de l‟existence d‟un noyau sémique,
commun aux unités polysémiques, un invariant qui s‟actualise dans
les valeurs d‟emploi.
Initiation à la sémantique 105

L‟intersection entre les deux unités qui viennent en contact est


toujours positive. L‟exemple est bien clair.

Ex.
Noyau sémique commun
guide

„donner des renseignements utiles”

Ex. : couverture
couverture de livre
couverture d‟assurance
noyau commun [+protection]
Ex. : état
état d‟âme, état de santé, civil, état national
état roumain, état français, chinois
noyau commun- statut
Ex. : se lever
Il se lève [+sujet animé]
Le soleil se lève. [+ sujet inanimé]
Une idée se lève. [+sujet abstrait]
Le vent se lève. [+ sujet concret].
Noyau commun - parution
Ex. : la moisson
- action, fête à la fin de l‟époque de moisson
- céréales. La moisson est bonne cette année.
- les résultats de l‟action > La moisson a été bonne.
Noyau commun- activité utile faite pendant une saison de l‟année.
Ex. : valeur
Initiation à la sémantique

- matérielle (Chez Saussure avec une conception nouvelle)


- spirituelle - dans la musique- la tonalité d‟un son
- en peinture- valeur esthétique
- économie politique- valeur financière, d‟échange, valeur
morale
Noyau commun - présuppose un certain état de qualité, échelon à un
moment donné.
La valeur existe grâce à un système, elle ne peut pas exister
individuellement pour pouvoir s‟opposer à autre chose.
Ex. : liseuse
- vêtement
- couvre lit
noyau commun - recouvrement

Changement de la catégorie syntaxique


- on obtient: adj.-> nom
blanc > le blanc, le rouge, le vert etc.
[+nombrable] [+animé] > [- nombrable] [- animé]
un veau sur la prairie Il mange du veau.

[+abstrait] > [+concret]


la beauté les beautés de la ville se promènent

[+le contenant] > [+le contenu]


casser une tasse de café boire une tasse de café

[+agent humain] > [+instrument]


la perforatrice de billets dans le bus la machine qui fait la même
chose.
Moissonneuse (femme qui faisait la moisson) > machine agricole.
Initiation à la sémantique 107

La polysémie peut constituer la source de l‟ambiguïté


sémantique qui consiste dans le fait qu‟un lexème présente plusieurs
sens. Pierre Guiraud parle des règles sémiotaxiques qui engendrent
les différents emplois d‟un mot polysémique.
Ex. le sketch de Raymond Devos dans Matière à rire101 :
En dernier ressort
Je connaissais un sportif qui prétendait
Avoir plus de ressort que sa montre.
Pour le prouver, il a fait la course
Contre sa montre.
Il a remonté sa montre,
Il s‟est mis à marcher en même temps qu‟elle.
Lorsque le ressort de sa montre est arrivé à bout de course, la
montre s‟est arrêtée.
Lui a continué
Et il a prétendu avoir gagné
En dernier ressort !
Ex. : le verbe tirer : ses multiples significations sont
actualisées par rapport au déterminants différents du verbe tout en
garantissant l‟invariant sémique commun.
P.Guiraud dit que le verbe lui-même est un peu « boiteux » du
point de vue sémantique ( incomplétude sémantique).
tirer un chariot- tendre
~ le tiroir - ouvrir le tiroir
~ la porte - fermer la porte
~ de l‟eau - puiser
~ une conclusion - conclure
~ la jambe - boiter

101
Franck Evrard, op.cit., p. 113.
Initiation à la sémantique

~ un plan - tracer un plan


~ l‟horoscope - va voir un astrologue qui établit la carte du cycle.
~ un livre - imprimer
~ une flèche - lancer
noyau commun [+action], [+emmener à soi].
Il y a aussi des proverbes et des expressions où le noyau
sémique [+ emmener à soi] s‟efface.
Ex. : Tirer le diable par la queue - vivre misérablement
Tirer [+ l‟idée de subsistance]
Tirer une carotte à qqn (argotique) - lui extorquer de
l‟argent
Tirer l‟échelle après qqn - il n‟y a plus rien à faire.
Après Pierre il faut tirer l‟échelle.
Ex. : l‟adjectif haut- acquiert plusieurs significations
Une haute montagne [+verticalité]
Le haut Moyen Age [+éloignement en temps]
Le haut Rhin [+espace, éloignement en espace]
À haute voix [+intensité]
Avoir le verbe haut [+ être un bon orateur]
Haut fonctionnaire [+importance]
La haute couture [+importance]
Ex. Jacqueline Picoche donne l‟exemple du verbe poser102:
Le tapissier pose les double-rideaux. [+ localisation quasi-
définitive]
L‟oiseau se pose sur la branche.[ +localisation de durée
indéterminée, opérée sans violence, par un mouvement de
haut en bas, s‟achevant sur un appui stable]

102
Jacqueline Picoche, op.cit., p. 80-82.
Initiation à la sémantique 109

La ménagère pose les assiettes sur la table. .[ + localisation


de durée indéterminée, opérée sans violence, par un
mouvement de haut en bas, s‟achevant sur un appui stable]
Dans ces exemples, il s‟agit d‟un mouvement opéré sur un
objet matériel, aboutissant à une localisation plus ou moins durable.
Ce chanteur pose mal sa voix. [+ placer les organes
phonatoires de façon que le son puisse être émis sans
difficulté et de façon homogène]
Cet homme politique se pose en défenseur de la liberté.
Le modèle pose devant le peintre pour un portrait.
Quant il est en société, il ne cesse de poser.
La parution de son dernier livre l‟a posé dans le monde
littéraire.
Dans ces exemples, il s‟agit d‟un comportement humain,
c‟est-à-dire d‟une manière d‟être plus ou moins durable, adoptée
pour des raisons sociales : attitude physique esthétique devant un
peintre (combinée avec la notion de localisation durable), conformité
extérieure à une norme morale ou intellectuelle, à une mode, destinée
à mettre le sujet en valeur, ou encore (dans l‟exemple avec la
parution du livre) reconnaissance de la conformité du sujet à des
normes.
Je pose le principe que la loi doit être respectée.
Votre cas particulier pose un problème.
Je pose ma candidature à un poste de maître-assistant.
Je vous pose ma question.
La question, le problème se posent.
Dans ces exemples il s‟agit d‟un acte d‟esprit (affirmation,
volition, interrogation) qui prend une forme explicite, éventuellement
codifiée (dans poser sa candidature) et par là même destinée à une
certaine durée : le principe a quelque chose de définitif, le problème ,
Initiation à la sémantique

la question resteront posés jusqu'à la découverte d‟une solution, la


candidature jusqu'à sa satisfaction.
Le photographe pose quand il n‟y a pas assez de lumière. [+
mouvement effacé, localisation durable, eu égard à la
brièveté de l‟acte de photographier]
La poutre pose sur une traverse. [ + localisation durable, le
mouvement dont elle résulte étant efface et réduit à une
simple pesée]
Ça (il, elle) se pose là.[+ état d‟importance durable, avec ou
sans localisation, en quelque contexte que se soit]

Ex. du polysème monter103 qui a comme signifié de puissance


[+passage d‟un état inférieur à un état supérieur]
L‟eau monte.
Pierre monte.
Pierre monte l‟escalier. [+progression spatiale de
Pierre monte sa valise. bas en haut]
Pierre monte à l‟arbre.

La fièvre monte. [+progression


La note (se) monte à 100 Euros quantitative du
moins vers le plus]

Le mécanicien monte une roue. [+ passage d‟un état


La note (se) monte à 100 Euros inférieur à un état
supérieur
d‟organisation]

Pierre se monte la tête. [+passage d‟un état inférieur à

103
Jacqueline Picoche, op.cit., p. 170.
Initiation à la sémantique 111

Pierre monte sur ses grands chevaux. un état supérieur


d‟excitation
psychologique.

Il existe autant de significations que de possibilités


combinatoires.
Ex. l‟adjectif cru :
Cru [ +qui n‟a pas subi de cuisson] oignons crus, abricots
crus, légumes qui se mangent crus.
Mais dans :
Chanvre, cuir, métal cru, toile, soie crue l‟adjectif cru
indique que ce dont on parle n‟a pas subi de traitement.
Dans des syntagmes comme lumière crue, couleur crue,
réponse crue, mot cru, description crue, plaisanteries un peu crues
l‟adjectif a le sens « que rien n‟atténue, violent ».
Il existe deux types de polysémie:
- polysémie paradigmatique - une relation sémantique qui
touche le plan des structures de la langue et qui est destinée à
spécifier la structure interne du signifié.
- polysémie syntagmatique/textuelle- une relation sémantique
sur le plan de la structure de l‟énoncé, relation observable
dans les phrases ambiguës.

Humour et polysémie
Franck Evrard résume le fonctionnement de la polysémie
montrant que « l‟emploi d‟un mot polysémique permet
d‟actualiser simultanément deux sens d‟un signifiant, l‟un par la
phrase qui le contient, l‟autre par la phrase qui succède. La
polysémie fait ainsi entendre les mots dans leur sens originaire
Initiation à la sémantique

en redonnant un sens plein au sens primitif »104. Et il donne


l‟exemple de l‟histoire de l‟aveugle et du paralytique, de
Lichtenberg, citée par Freud dans Le mot d‟esprit :
-Comment allez-vous, dit l‟aveugle au paralytique.
- Comment vous voyez, répond ce dernier à l‟aveugle.
Les définitions des grilles de mots croisés comportent
souvent des allusions à double et triple sens qui jouent sur la
polysémie des mots.
Exemple de Georges Perec105 :
Il chantait dans les cours. (10 lettres) TROUBADOUR
Jeune fille, c‟était déjà la femme au foyer. (10 lettres)
CENDRILLON
Passe ses jours dans une boite de nuit. (9 lettres)
NOSFERATU

LA SYNONYMIE

« Quelle que soit la phrase qu‟on veut dire, il n‟y


a qu‟un mot pour l‟exprimer, qu‟un verbe pour
l‟animer, qu‟un adjectif pour la qualifier. Il faut
donc chercher, jusqu‟à ce qu‟on les ait
découverts, ce mot, ce verbe et cet adjectif, et ne
jamais se contenter de l‟à peu près »
(Guy de Maupassant106)

La synonymie, la relation sémantique par excellence,


représente la relation sémantique qui a fait couler le plus d‟encre,
étant remarquée par les philosophes de l‟antiquité grecque.
104
Franck Evrard, op.cit., p. 62.
105
Franck Evrard, op.cit., p. 65.
106
Apud Teodora Cristea, op.cit., p. 110.
Initiation à la sémantique 113

Les grammairiens du XVII-ème siècle ont commencé à


l‟analyser : Vaugelas dans ses Remarques sur la langue française
(1647) étudiait les synonymes et les approchants.
Vaugelas remarquait deux types de synonymie:
Ŕ l‟une située dans un acte de communication sociale (le domaine
de l‟opinion)
Ŕ l‟autre situé dans le domaine de la raison que Vaugelas appelait
métaphore.
L‟abbé Girard analysait la synonymie et en 1736 publiait le
premier ouvrage dédié à la synonymie Les synonymes françois107.
En 1748 il reprend les Vrais principes de la langue française
avec une préface importante pour l‟étude de la synonymie.
Nicolas Beauzée dans Grammaire générale introduit un
chapitre important pour l‟étude de la synonymie.
« Synonymie » signifie généralement, affirme Herbert E.
Brekle108, identité de signification entre deux signes ou deux
séquences de signes linguistiques ; c‟est donc un concept relationnel
qui relie deux signes : syn (a,b) ».
La synonymie se définit comme une relation de quasi identité
sémantique entre plusieurs signifiants distincts. Nicolas Laurent

107
L‟abbé Girard affirmait dans sa Préface : « Pour acquérir la justesse, il
faut se rendre un peu difficile sur les mots : ne point s‟imaginer que ceux
qu‟on nomme synonymes le soient dans toute la rigueur d‟une ressemblance
parfaite, en sorte que le sens soit aussi uniforme entre eux que l‟est la
saveur entre les gouttes d‟eau d‟une même source. Car en les considérant de
près, on verra que cette ressemblance n‟embrasse pas toute l‟étendue et la
force de la signification ; […]. La ressemblance que produit l‟idée générale
fait donc les mots synonymes ; et la différence qui vient de l‟idée
particulière qui accompagne la générale, fait qu‟ils ne le sont pas
parfaitement, et qu‟on les distingue comme les diverses nuances d‟une
même couleur » (apud Herbert E. Brekle, Sémantique, Paris, Armand Colin,
1974, p. 69).
108
Herbert E. Brekle, Sémantique, Paris, Armand Colin, 1974, p. 69.
Initiation à la sémantique

affirme, à juste raison, que la synonymie « est toujours partielle,


jamais absolue : l‟examen compare des signifies de termes
synonymes fait toujours apparaître au moins un sème qui les
différencie »109.
Il y a deux types de synonymes :
Ŕ synonymes exacts (ou synonymes absolus) si les deux lexies
ont le même sens
«L1»=«L2»
Ŕ synonymes approximatifs si les deux lexies ont des sens très
proches
«L1»«L2»
La conception moderne sur la synonymie insiste sur le fait que
cette relation sémantique est une relation de sens paradigmatique qui
se manifeste syntagmatiquement.
La synonymie est la relation qui relie deux ou plusieurs
lexèmes lorsqu‟un même sémème définit leurs emplois.

Deux lexèmes, un même sémème


Ex. : sommet - cime
Synonymie:
- le sommet d‟un arbre / la cime d‟un arbre;
- l‟air pur des sommets / l‟air pur des cimes;

109
Nicolas Laurent, op.cit., p. 25.
Initiation à la sémantique 115

- les cimes neigeuses de la montagne / les sommets neigeux de la


montagne.
Le sémème: [+la partie la plus élevée de qqch]
- dans les sommets de l‟échelle mondiale Ŕ la synonymie n‟est plus
possible.
Aussi dans : être au sommet de la gloire / du pouvoir/ des hommes...
Une conférence au sommet
Le sémème qui différencie: [± concret]
Le critère essentiel qui préside à l‟établissement de la
synonymie: le caractère interchangeable des unités dans le même
contexte.
J. Lyons affirme que deux ou plusieurs unités sont synonymes
si les phrases qu‟on obtient en substituant l‟une à l‟autre ont le même
sens.
Ex. : fleuve - rivière
Sémème commun [+cours d‟eau]
Le cours d‟un fleuve/d‟une rivière
La source ~ ~
Les méandres ~ ~
Le lit ~ ~
Un fleuve / une rivière qui arrose / baigne une région.
Le fleuve des êtres humains
Un fleuve de lave / de sang / de boue
Sème: [+grande quantité]
Le roman-fleuve [+grande quantité] [- ressemblance avec une eau
courante]
Ex: bâtir- édifier [+ construction]
bâtir une robe avant de la coudre
bâtir une jupe pour l‟essayage
Initiation à la sémantique

Le rapport entre la synonymie et la polysémie


La polysémie représente l‟état naturel du langage. La
synonymie se complique du fait de l‟existence des unités
polysémiques. Les lexies polysémiques auront autant de synonymes
qu‟elles comportent de paraphrases.
Ex. châtier = punir [+correction]
= polir [+perfectionner] style châtié
sauvage = farouche [+agressivité; qui vit en liberté]
= non-civilisé
= inhabité, inconnu, désert, vierge.
revue = magazine, périodique
= spectacle
= parade, inspection, examen

Types de synonymes
- la synonymie parfaite représente une classe qui renferme
les unités substituables dans tous leurs contextes syntagmatiques.
Cette classe renferme les unités monosémiques.
Ex.: les termes techniques: semi-voyelle = semi-consonne
„e” muet = caduque, féminin, instable.
- la synonymie partielle renferme les unités affectées de la
relation de synonymie dans quelques-unes de leurs valeurs d‟emploi.
Ces unités sont appelées des parasynonymes ou synonymes
approchés110. Ce sont des unités lexicales qui ont le même noyau
sémique, mais qui diffèrent par un ou plusieurs sèmes contextuels.
Ces sèmes contextuels relèvent soit du sens dénotatif, soit connotatif
ou bien soit du niveau linguistique.
La synonymie est un phénomène componentiel. Quand on
parle de synonyme componentiel on pense à une équivalence de sens

110
Cf. Vincent Nyckees, La sémantique, Paris, Belin, 1998, p. 181.
Initiation à la sémantique 117

de deux ou plusieurs lexies basées sur des noyaux sémiques


communs ou sur une formule componentielle.
- la synonymie stylistique. On parle de synonymie stylistique
dans le cas des synonymes qui diffèrent par leur usage dans les
différents registres de la langue.
Ex. : - langue littéraire - langue courante
lorsque / quand
spleen / mélancolie
près de / à côté de
- langue littéraire - langue familière
mauvaise humeur/ la rogue
ennui / pépin
- langue littéraire - langue populaire
garçon/ moutard
voler/barboter
faire attention/faire gaffe
- langue littéraire - argot
argent / pognon
comprendre/piger
- langue littéraire - langage technique
jaunisse / ictère
La synonymie logique recouvre le phénomène de la
paraphrase et le phénomène de la synonymie syntaxique. Il y a
plusieurs types :
1. la synonymie paraphrastique est rendue par les
définitions lexicographiques.
Ex. : l‟aveugle- celui qui ne voit pas.
la batteuse - une machine qui bat le blé.
le parloir - l‟endroit où l‟on parle.
Initiation à la sémantique

2. la synonymie syntaxique est illustrée par les énoncés


synonymes, énoncés qui ont une même structure profonde, mais des
réalisations superficielles différentes.
Ex. : Je vois une pomme/ Je la vois.
Pierre dit à Pierre que/ Pierre se dit que
Jean a blessé Jean/ Jean s‟est blessé
Pierre paraît être malade/ Pierre paraît malade.
Pierre pense que Jean partira/ Pierre pense au départ de Jean.
Il parle de démissionner / Il parle de sa démission.
Ce plat peut être mangé / Ce plat est mangeable.
Il est venu avant mon départ/ Il est venu avant que je me
fusse parti.
Lyons affirme que la synonymie est une relation sémantique
d‟équivalence au sens mathématique du terme, la synonymie étant
symétrique. L‟existence de la synonymie assure la variété de la
langue.
Pour conclure, on reprend les schémas proposés par Teodora
Cristea111 et quelques uns de ses exemples:

Synonymes

en langue en discours
(neutralisation des traits
différentiels en vertu de
relatifs partiels l‟existence d‟un trait
sémique commun)

111
Teodora Cristea, op.cit., p. 114.
Initiation à la sémantique 119

La synonymie relative, affirme Teodora Cristea, « suppose


l‟existence d‟un noyau sémique commun et des traits différentiels
qui relèvent soit de la nature du dénoté se traduisant par une
configuration sémique spécifique (synonymes dénotatifs), soit d‟une
stratification socioculturelle ou d‟une attitude subjective (synonymes
connotatifs) »112.
Synonymes relatifs

Dénotatifs connotatifs (énonciatifs)

socioculturels subjectifs

diastratiques diatopiques diachronique axiologiques affectifs


s

Ex. synonymes dénotatifs :


Voler « s‟approprier la propriété d‟autrui »
Dévaliser « voler à quelqu‟un tout ce qu‟il a sur lui »
Dérober « s‟emparer furtivement de ce qui appartient à autrui »
Subtiliser « dérober adroitement »
En dépit des traits différentiels qui séparent les membres de
cette série, ils peuvent se substituer l‟un à l‟autre :
Des voleurs l‟ont volé / dépouillé / dévalisé dans le train.
On lui a volé / subtilisé / dérobé son portefeuille.
Ex. synonymes connotatifs :
Mourir = (terme neutre)
Français courant : mourir, s‟en aller, partir, s‟endormir …

112
Idem, ibidem.
Initiation à la sémantique

Français soutenu : rendre l‟âme, rendre le dernier soupir, paraître


devant Dieu, s‟éteindre ([+douceur de la mort]), , expirer,
trépasser, passer de la vie au trépas, décéder
([+administratif]), périr ([+violence de la mort]).
Français familier : partir les pieds devant, avaler son bulletin,
avaler son extrait de naissance, casser sa pipe, passer
l‟arme à gauche, fermer son parapluie, manger / bouffer ses
pissenlits par la racine …
Français populaire : crever, calancher, clamecer, claboter, claquer…
Ex. synonymes subjectifs (énonciatifs) :
Enfant =
Chérubin « non que l‟on donne à un enfant joli et frais »
Garnement « enfant turbulent, insupportable »
Polisson « enfant espiègle, désobéissant »
Vaurien « mauvais sujet, petit voyou »
Morveux « garçon, fille très jeune qui se donne des airs
d‟importance »
Ex. synonymes affectifs :
Expression de l‟affectivité : mon cœur, mon petit, mon (petit) chou,
mon (petit) lapin, mon rat, ma cocotte, ma biche, ma puce,
ma poule, mon poulet, ma poulette, poupoule, bobonne, mon
vieux, ma vieille (branche), …

La spécialisation des synonymes113. Christian Baylon et


Paul Fabre114 distinguent plusieurs cas de synonymie :
- les variantes géographiques sont réalisées par des locuteurs
parlant des formes différentes d‟une langue, ayant des items

113
Voir aussi Vincent Nyckees, op.cit., p. 182-183.
114
Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 168-170.
Initiation à la sémantique 121

lexicaux différents et intéressent beaucoup plus la traduction que


la sémantique.
- les variantes sociologiques ou stylistiques se rapportent à
des registres distincts de langue et dépendent de la situation du
locuteur dans le groupe. Dans ce cas, les deux chercheurs
distinguent :
- les synonymes fonctionnels : ex. travailler (terme standard),
chiader (terme d‟étudiant), gratter (terme d‟ouvrier), se perforer
les intestins ou se crever le cul (termes argotiques).
- les synonymes stylistiques : une odeur désagréable
peut devenir dans certaines circonstances une effluence de
putréfaction ou une puanteur dégueulasse.
- les variantes psychologiques, liées à l‟attitude
affective du locuteur ;
- les variantes combinatoires. Dans ce cas, la
synonymie n‟apparaît que des syntagmes de nature
particulière et en nombre limité. Ex. envoyeur (n‟admet pas
de complément) et expéditeur (admet un complément).
-variantes libres représentent l‟exception, car les
mots, même avec un noyau sémique commun, ont des
réseaux et des champs associatifs différents.

Ex. le verbe manger115 :


MANGER
Variantes Registre châtié prendre
sociologiques et Registre scientifique Se nourrir, s‟alimenter,
stylistiques ingurgiter, se sustenter
Registre argotique Bouffer, croûter, se morfaler, se
goinfrer, se taper la cloche, s‟en
mettre plein la lampe, briffer, se
gaver, se goberger, viander,

115
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 144-145.
Initiation à la sémantique

goinfrer, godailler, s‟en mettre


derrière la cravate, se caler les
joues, s‟en donner, s‟en flanquer
une bosse, s‟emplir le gilet, faire
son jabot, se lester
Variantes tâter, déguster, savourer, se
psychologiques délecter
Selon la modalité Mangeotter, chipoter, grignoter,
becqueter, picorer, avaler,
happer
Variantes Selon le contexte Croquer (des pralines), gober
contextuelles et (un œuf cru), ronger (un os),
situationnelles mastiquer (une viande rebelle),
mâcher (du pain),
Selon la circonstance Casser la croûte, piqueniquer,
banqueter
Selon l‟heure Déjeuner, goûter, dîner, souper
Variantes Dans le Midi, on déjeune le
géographiques matin, on dîne le midi, on soupe
à vingt heures

L‟ANTONYMIE

Introduction
L‟antonymie ou le fait d‟être contraire quant au sens est
reconnue depuis longtemps comme l‟une des relations sémantiques
les plus importantes. Malgré le fait qu‟elle a été remarquée comme
phénomène par les philosophes de l‟antiquité grecque, pour une
assez longue période de temps elle n‟a pas fait l‟objet des
investigations linguistiques. De nos jours, le linguistes (O. Duchaček,
Sapir, Lyons, J. P. Boons, Bucă, Sîrbu, Bidu-Vrânceanu) se sont
penchés sur l‟analyse de ce phénomène pour démontrer son
fonctionnement et son importance dans le système de la langue.

Définition:
O. Duchaček interprète l‟antonymie comme le “rapport
généralement binaire entre les mots dont au moins les dominantes
Initiation à la sémantique 123

sémantiques sont contraires.” Pour qu‟il y ait antonymie, il faut que


les sémèmes des deux lexies appositives présentent des traits
différenciateurs et aussi, pour mettre ceux-ci en évidence, des traits
communs.

Types d‟antonymes:
Il y a trois types d‟antonymes;
1. Antonymie scientifique:
L‟opposition scientifique entre deux éléments:
Ex. infra-rouge ≠ ultra-violet.

2. Antonymie logique: le rapport logique d‟opposition entre deux


éléments.
L‟antonymie logique agit à l‟intérieur d‟un énoncé, d‟une
phrase, étant étroitement liée à l‟énonciation.
La gradation, trait pertinent de l‟antonymie doit être conçue en
étroite liaison avec la comparaison (implicite ou explicite) des
énoncés antonymiques. J. Lyons affirme que les phrases contenant
des antonymes sont toujours comparatives:

Ex. : Notre maison est plus grande que la vôtre. > Votre maison
est plus petite que la nôtre./
Votre maison n‟est pas si grande que la nôtre.
Jean est célibataire. > Jean n‟est pas marié.
Il n‟est pas sot. > Il est même intelligent.

3. Antonymie linguistique se réalise sur deux plans:


a) au niveau “langue”: l‟antonymie se manifeste entre deux
sémèmes qui diffèrent par la marque: [+] ou [-] du même sème (ex.
marié≠ célibataire) ou bien par un sème caractéristique qui marque
Initiation à la sémantique

des points inverses ou sémantiques par rapport au même point


référentiel (ex. gauche ≠ droite, haut ≠ bas; vendre ≠ acheter).
b) au niveau “parole”, les antonymes sont deux systèmes
obligatoirement représentés sur le plan de l‟expression par deux
lexèmes qui forment dans la compétence linguistique du sujet parlant
un couple, soit à cause de leur intensité (chaud ≠ froid), soit à cause
de leur dimension (grand ≠petit), soit à cause de la direction (droite ≠
gauche).

Classification des antonymes sur des critères sémantiques


(l‟antonymie componentielle)
En essayant de mettre de l‟ordre dans le champ des
antonymes, les linguistes proposent deux types de structurations
possibles: une structuration basée sur des critères sémantiques et une
autre, basée sur des critères logiques.
En suivant les critères sémantiques, componentiels, on pourrait
diviser les antonymes en:
Antonymes componentiels

Antonymes grammaticaux Antonymes lexicaux

1. Les antonymes grammaticaux sont formés à l‟aide des préfixes,


donc par un procédé grammatical.

Ex. : Juste ≠ injuste


Humain ≠ inhumain
Possible ≠ impossible
Lisible ≠ illisible
Accord ≠ désaccord
Faire ≠ défaire
Initiation à la sémantique 125

Sain ≠ malsain
Conformiste ≠ non-conformiste
Potable ≠ non-potable
Bien portant ≠ mal portant

Il est à remarquer que les lexies formées à l‟aide d‟un préfixe à


sens négatif ne sont pas toutes sémantiquement contraires aux lexies
simples correspondantes:
Ex. : disposé “arrangé, placé”
indisposé “affecté d‟une indisposition”
dire
médire
D‟autres fois, le lexème à structure négative n‟a pas de
correspondant positif:
Ex.: insouciant
insolite
ineffable
inlassable
invincible

Les éléments suffixés exprimant l‟antonymie sont rares:


Ex. germanophile ≠ germanophobe
Francophilie ≠ francophobie

Les antonymes lexicaux peuvent être:


Antonymes lexicaux

Absolus partiels ou phraséologiques


Initiation à la sémantique

parfaits approximatifs parfaits approximatifs


2. Les antonymes absolus: Seuls les sémèmes des lexies
monosémiques peuvent être absolument contraires aux sémèmes des
autres lexies également monosémiques:
L1 ≠ L2
s1 s2

ex. jeunesse ≠ vieillesse


présent ≠ absent
devant ≠ derrière
s‟endormir ≠ se réveiller

3. Les antonymes partiels: quand l‟un des lexèmes mis en


opposition, ou les deux, sont polysémiques, l‟antonymie s‟établit
seulement entre un sens du lexème polysémique et le sens du lexème
monosémique contraire ou bien entre un seul sens du lexème
polysémique et un seul sens des autres lexèmes polysémique
contraires:

L1 ≠ L2
s1 s1+ s2+ s3

Opposition

L1 L2
s1+ s2+ s3 s1+s2+s3

Opposition

ex. : libertin Ŕ s1 “débauché”


Initiation à la sémantique 127

s2 “irréligieux” ≠ croyant, religieux

lâche ≠ “serré” (col, ceinture)


brave (courageux)

ex. : SEMEX [+personne]


VETULUS [+plantes, animaux]
VETUS [+chose]

Vieux ≠ neuf [+chose]


Jeune [+personne]

Teodora Cristea donne l‟exemple du lexème épais116 :

Lexème Signification Contexte Antonyme


épais 1. « qui est gros dans son Une épaisse mince
épaisseur » tranche de pain
2. « grossier » Des doigts épais mince, délié, fin
Un drap épais
3. « court et gros, Taille épaisse élancé, svelte,
massif » délié
4. « consistant » Soupe, sauce clair
épaisse
5. « dense » Un brouillard léger,
épais transparent
6. « dont les constituants Des cheveux clairsemé
sont nombreux et épais » épais
Une foret
épaisse
7. « qui manque de Un esprit épais subtil

116
Teodora Cristea, op. cit., p. 138.
Initiation à la sémantique

finesse »

4. Les antonymes phraséologiques: sont les mots qui ne sont


contraires à un autre que dans certaines unités phraséologiques:
ex.: tort ≠ raison : avoir tort ≠ avoir raison
donner tort ≠ donner raison
n‟est pas l‟antonyme de “raison” dans aucune de ses acceptions:
intelligence, entendement, esprit, argument.

5. Les antonymes impropres ont les mots qu‟on met souvent en


opposition sans qu‟ils soient réellement contraires:
ex.: jour/nuit
nord/sud
matin/soir
mort/vie

Classification des antonymes sur des critères logiques:


L‟antonymie se fonde sur le concept d‟exclusion logique =
relation entre deux formules componentielles dont les constituants
contrastent systématiquement.
Ex. : amour/haine
gras/maigre
tôt/tard
acheter/vendre
En même temps, l‟antonymie se rattache au phénomène de
contradiction logique = relation entre deux éléments qui, en vertu de
leur sens, ne peuvent pas être vrais tous les deux à la fois:
Ŕ contradiction effacée (ou A ou B)
Ŕ ex. marié/célibataire (ou A ou B)
Ŕ ex. mère/ père; père/ fils
Ŕ frère/sœur; cousin/cousine
Initiation à la sémantique 129

Ŕ contradiction ( ou A ou B) - tertium non datur


ex. marié/ célibataire
mâle/femelle
Ŕ contrariété (le tiers n‟est pas exclu)
ex. blanc/ noir
Ŕ opposition de nature vectorielle:
ex. a se entuziasma/ a se întrista- a se bucura- a se dezumfla-
a lăcrima- a rămâne indiferent
entrer/ sortir
venir/ partir
monter/descendre
Ŕ convergence:
ex. acheter/ vendre
recevoir/donner
offrir/recevoir
professeur/ élève
gagner/perdre

1. Antonymes basés sur un rapport de contraste ou de


contradiction effacée (antonymes corrélatifs)
mère ≠ père
[+humain] [+ humain]
[+adulte] [ + adulte]
[-masculin] [ + masculin]
père≠ fils
SM1 est le père de SM2 ► SM2 est le fils/ la fille de SM1.
frère/sœur
neveu/nièce
cousin/cousine
oncle/tante
Initiation à la sémantique

2. Antonymes établis sur un rapport d‟opposition basé sur la


contrariété: la négation d‟un élément n‟implique pas
l‟affirmation de l‟autre.
Ex. : blanc/noir
La robe est blanche. ► La robe n‟est pas noire.
La robe n‟est pas blanche. ►≠ (n‟implique pas) La robe est
noire.
Basés sur ce même rapport logique, on pourrait aussi établir:
3. Antonymes comparatifs graduels binaires ou polaires:
Ŕ un seul terme se trouve sur l‟axe [+], un seul terme sur l‟axe
[-] et la norme relative n‟a pas de lexème:
ex. mal vivant
| |
Ø Ø
| |
bien mort
4. Antonyme graduels ternaires ou scalaires
mare froid commencement
| | |
mijlociu frais milieu
| | |
mic Ø fin
|
tiède
|
chaud

5. Antonymes graduels symétriques:


y y‟ x‟ x
Initiation à la sémantique 131

Le champ des sentiments: amour Ŕ amitié - indifférence-


hostilité - haine.
leneş - comod - indolent Ŕ normal - silitor Ŕ vrednic - harnic
mulţumire - bucurie Ŕ veselie Ŕ Ø - amărăciune Ŕ tristeţe -
nemulţumire
afecţiune Ŕ simpatie Ŕ prietenie - iubire
aversiune - antipatie Ŕ duşmănie - ură

6.Antonymes graduels asymétriques:

rece Ø călduţ cald fierbinte

Ex. : Respect, estime/ considération/ admiration/ vénération/


mépris

Dans cette catégorie entrent aussi les antonymes qui supposent


une relative évaluation directionnelle spatiale ou temporelle:

avant demain

 aujourd‟hui

après hier
Initiation à la sémantique

7. Antonymes basés sur un rapport de contradiction (antonymes


complémentaires) - tertium non datur
Marié ≠ célibataire
Mâle ≠ femelle

8. Antonymes basés sur un rapport d‟opposition de nature


vectorielle (antonymie vectorielle): qualités, actions orientées dans
des directions opposées.
Ex.
a rămâne indiferent

a se bucura a se intrista
a se entuziasma a se dezumfla
partir/ venir
s‟approcher/s‟éloigner
a se apropia/ a se îndepărta
monter/ descendre
sortir/ entrer

9. Antonymes basés sur un rapport d‟opposition convergente


(antonymes conversifs)
Ex. : vendre/acheter
→←
professeur élève
[+humain] [+humain]
[+profession] [+profession]

[+donner de connaissances à [+recevoir des connaissances


qqn] de la part de qqn]
Initiation à la sémantique 133

gagner/perdre
donner/recevoir
offrir/recevoir
La variété thématique des antonymes
- grande variété thématique. Les antonymes peuvent être
groupés selon le champ sémantique en:
qualité des objets, des phénomènes;
phénomènes de la nature;
temps;
durée;
espace;
quantité;
traits de caractère, de comportement;
aptitudes, qualités intellectuelles, volitives;
sentiments, émotions;
états psychologiques;
catégories et relations sociales;
catégories éthiques, philosophiques, esthétiques.

Archisémèmes qui structurent le champ antonymique:


qualité: beauté/ laideur
quantité: long/court
évaluatif: vérité/ mensonge
état: dormir/ veiller
sentiment: amour/haine
changement d‟état: embellir/ enlaidir.

L‟antonymie est régie par le trait sémique contextuel:


Initiation à la sémantique

plein ≠ vide: une boîte, un resto, un train vide


≠ creux: joues creuses, ventre creux
≠ désert: une cour déserte
≠ libre: journée libre
≠ exempt: plein d‟erreurs/ exempt d‟erreurs
≠ sans : être plein de vie, de santé/ sans vie, sans santé
sec ≠ frais [+végétal] (classème)
≠ vert herbe sèche/ herbe fraîche
≠ moite - classème [+atmosphère], [+partie du corps]: peau
sèche/ moite, paumes moites, chaleur moite
≠ mouillé- classème : [+linge]
≠ onctueux - classème [+ substance]
≠ crémeux [+légume] potage, légume onctueux.

La neutralisation antonymique
Le phénomène de la neutralisation affecte les antonymes:
Ex.: Bine ai mai răcit!
Rău ai mai răcit!

Bine Rău
[sens positif] [sens négatif]
[intensité] [intensité]
le premier sème se neutralise:

rău longueur - long ≠ court, bref


bine hauteur haut/ bas

- longueur/ petitesse
Quelle est la longueur du fleuve?
Initiation à la sémantique 135

- largeur/ étroitesse
Quelle est la largeur de la planche?
- santé/ maladie
On demande des nouvelles sur l‟état de santé de qqn, jamais
de sa maladie.
- old / young
How old are you?
La neutralisation antonymique opère différemment dans les
différentes langues:
-roum. gazda ≠ musafir
- fr. hôte
- roum. a împrumuta
- fr. prêter emprunter

Antonymie provoquée par les critères extralinguistiques:


Phénomène référentiel, reflet sur le plan lexical de la
dynamique du monde, l‟antonymie ne cesse de s‟enrichir sous
l‟impact de l‟évolution de la réalité, sous l‟influence des facteurs
sociopolitiques:
Ex. : bourgeois/ gentilhomme
bourgeois/ prolétaire
blanc/rouge
gauche/ droite
collaboration/ résistance

L‟antonymie dans le discours: l‟antithèse


Dans le discours, l‟antonymie représente une source
d‟oppositions expressives et vigoureuses, l‟antonymie se rencontre
fréquemment dans les œuvres littéraires sous la forme de l‟antithèse:
Ex. : antonymie implicite:
Initiation à la sémantique

Ton bras est invaincu, mais pas invincible.


Oeuvre de tant de jours, en un jour effacée! (Corneille).
En raison de son opposition linéaire, l‟antonymie s‟inscrit
volontiers dans des constructions symétriques:
Ex.: Et je sais d‟où je viens et j‟ignore ou je vais (Hugo)
Vivant, Napoléon a marqué le monde, mort, il le possède.
(Chateaubriand).
- l‟humour:
Il fut un temps où les bêtes parlaient, aujourd‟hui elles
écrivent.
Il y a deux sortes d‟arbres: les hêtres et les non- hêtres.
Initiation à la sémantique 137

VIII. LA PRÉSUPPOSITION

Mariana Tuţescu affirme que « la présupposition est une de


ces notions qui hantent la sémantique actuelle »117.
L‟étude de la présupposition conduit à l‟explication de
certains aspects du langage et démontre clairement l‟interaction entre
les trois composantes bien connues du processus de sémiosis.
(syntaxe, sémantique et pragmatique).
La description de la phrase exige que soient considérées les
conditions de sa production. La phrase, unité linguistique envisagée
indépendamment de son énonciation, doit être opposée à l‟énoncé.
L‟énoncé porte inscrite dans sa structure les marques énonciatives de
sa production. Il correspond à la phrase et/ou à l‟énoncé un contenu
défini comme une structure logico-sémantique à l‟aide du concept de
proposition.
En linguistique, la présupposition est la structure logique du
contenu des unités phrastiques.
En logique, la présupposition représente l‟objet d‟une
opération logique. Ces deux définitions sont complémentaires.
L‟étude sémantique de la présupposition occupe une position
centrale en linguistique grâce au double rapport qui la rattache d‟une
part à l‟étude syntaxique des phrases et d‟autre part au domaine
pragmatique des actes de langage dont les énoncés sont le résultat.
La phrase, unité invariante du système linguistique, a un sens.
L‟énoncé a une signification et donc une valeur de vérité.

117
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 217.
Initiation à la sémantique

Seules les lois sémantiques sont incapables de rendre compte


du phénomène de la signification et on doit recourir à la composante
sémantico-pragmatique qui la prend en charge.
L‟étude du sens des phrases comporte une description des
relations sémantiques que les phrases peuvent contacter. (antonymie,
synonymie, hyponymie).
Ex. : 1. Jeanne s‟est acheté une nouvelle jupe.
2. C‟est Jeanne qui s‟est acheté une nouvelle jupe.
3. C‟est une nouvelle jupe que Jeanne s‟est achetée.
4. Jeanne a acheté une jupe.
5. Jeanne a acheté une pièce de vêtement.
6. Jeanne possède une nouvelle jupe.
7. Jeanne avait déjà une jupe.
8. Jeanne est dépensière.
Mariana Tuţescu montre que l‟étude de la présupposition
pose le problème de l‟implicite. Il y a deux types d‟implicites : un
implicite d‟énoncé et un implicite d‟énonciation118.
L‟implicite d‟énoncé se rattache à la structure logique des
éléments de la langue, des lexèmes jusqu‟aux énoncés.
Nous rappelons que le sens renferme un contenu posé, de
nature explicite, et un contenu présupposé, de nature implicite.
Ex. le contenu sémantique du verbe dénoncer a la structure
sous-jacente suivante :
Agent + SIGNALER COMME COUPABLE + Patient.
C‟est la partie explicite du contenu sémantique du verbe. La
partie implicite du sens du verbe est constituée par l‟énoncé :
Le Patient A COMMIS UNE FAUTE.
Ex. le contenu sémantique du verbe accuser (X accuse Y de
faire Z) est formé de :

118
Mariana Tuţescu, op.cit., p. 218.
Initiation à la sémantique 139

Contenu posé : X dit que Y est responsable d‟avoir fait Z


Contenu présupposé : C‟est mal que Y fasse Z.
Ex. le contenu sémantique du verbe blâmer (X blâme Y
d‟avoir fait Z) :
Contenu posé : X dit que c‟est mal que Y ait fait Z.
Contenu présupposé : Y est responsable d‟avoir fait Z.
Ex. Rieux se souvenait que cette allégresse était menacée.
Le sens posé : « avoir de nouveau présent à l‟esprit quelque
chose qui appartient à une expérience passée » (syn. se rappeler, se
remémorer).
Le sens présupposé : Cette allégresse était (est) menacée.
L‟implicite d‟énonciation se rattache à la pragmatique du
discours.
Il s‟agit de rendre compte des mécanismes qui sous-tendent
l‟intuition sémantico-logique du locuteur d‟une langue quelconque.
Il y a deux types de relations:
1. présupposition 
2. implication 
L‟implication et la présupposition sont deux aspects de la
relation logique au niveau d‟inférence :
Ex. : p: Guy a ôté son manteau → (présuppose)
q: Guy avait porté un manteau.
p: Je sais que l‟homme est capable de grandes actions. 
q: L‟hommes est capable de grandes actions.
p: Jacques a empêché Marie de partir. 
q: Marie voulait partir.
La relation d‟implication présuppose en logique la relation qui
rattache deux propositions p et q.
Ex. : p: Pierre a récité un sonnet. 
q: Pierre a récité un poème.
Initiation à la sémantique

Si P est vrai, Q l‟est également. Pq


Si P est faux, Q peut être vrai ou faux.
Ex. : P: Pierre a récité un poème. 
Q: Pierre a récité une histoire. Ŕ faux
Si Q est faux, P l‟est aussi.
Ex. : P: Jean a accusé Pierre d‟avoir menti. 
Q: Pierre a menti. Jean a été menti par Pierre. Jean sait que
Pierre a menti. Jean affirme que Pierre est responsable du
fait de mentir.
P: Jean a vendu sa vielle Renault. 
Q: Jean a vendu une voiture. Jean possédait une voiture.
P: Le voisin dénonça Marie. 
Q: Le voisin affirme que Marie a fait quelque chose de mal.
P: Chaque matin Jean conduit ses enfants à l‟école. 
Q1: Jean conduit ses enfants.
Q2: Les enfants de Jean sont d‟âge scolaire.

Ce type de rapport entre P est les propositions présupposées


(Q, Q1, Q2...Qn) est une relation logique entre les propositions, la
relation de présupposition qui décrit les conditions de vérité de la
phrase.
P: Pierre a vendu sa vieille Renault.
P1: Mais Pierre n‟avait pas de voiture. 
P = faux.
Le trait essentiel qui distingue la présupposition de
l‟implication est le test de l‟absence de la valeur de vérité.
Du point de vue logique si Q est faux -> P ne sera ni vrai ni
faux, il sera hors de propos.(sans valeur de vérité)
P: Pierre a vendu sa vielle auto = hors de propos du point de
vue logique.
Initiation à la sémantique 141

Le test de la négation vise aussi le valeur de vérité des


propositions.
Ex. : P: Jean ne conduit pas ses enfants à l‟école chaque matin.
Après le test de la négation les présuppositions Q1.......n sont
toujours vraies.
Le test de l‟interrogation et de l‟exclamation jouent le même
rôle vis-à-vis du présupposé. Le passage de la phrase à la forme
interrogative ou exclamative ne modifie pas la valeur de vérité du
présupposé.
Ex. : P: Est-ce que Jean conduit chaque matin ses enfants à
l‟école?
Q1.....n sont vraies.
P: Jean! Conduis chaque matin tes enfants à l‟école!
Envisagée comme phénomène linguistique, la relation de
présupposition a pour fonction de créer la cadre discursif qui admet
la performance d‟un acte illocutionnaire. Dans la terminologie
d‟Austin c‟est l‟acte effectué en visant quelque chose: donner un
conseil, formuler une prière, un souhait, donner un ordre, poser une
question, formuler une réponse).
Les présupposés d‟un énoncé sont invariables quelque soit le
type d‟acte accompli et la situation de discours, de communication.
La relation d‟information se réfère au contenu informatif des
énoncés que les locuteurs ne connaissent pas. La structure
informationnelle de l‟énoncé ne dépend pas d‟une relation logique,
mais de la situation d‟énonciation (le rapport établi entre les
connaissances respectives de chaque interlocuteur). Le contenu
présupposé peut être donc informatif.
Ex. : P : L‟an dernier, au Congo, j‟ai été victime d‟une insolation.

Q: L‟an dernier j‟ai été au Congo.
Initiation à la sémantique

Dans ce cas, P peut être une façon déterminée pour apprendre


à l‟interlocuteur que le sujet avait été au Congo. C‟est une manière
habile au plan rhétorique de transmettre l‟essentiel de l‟information.
On voit que la présupposition renvoie à deux concepts
différents :
1. en logique la présupposition est une relation entre les
propositions.
2. en linguistique elle est un mécanisme discursif qui permet au
locuteur de présenter un contenu comme obligatoirement
acceptable, sous peine de bloquer la conversation.

Opérateurs de présupposition
Les opérateurs (les embrayeurs) de présupposition sont des
moyens linguistiques de nature très variée à partir du contenu des
lexèmes et jusqu‟aux structures syntaxiques-phrastiques.

Types de relations présuppositionnelles:


1. présupposé existentiel : référer à une entité quelconque en
présuppose l‟existence.
Ex. : P: L‟actuel roi de France est chauve.
Q1: La France a un roi.
Q2: Il existe un individu qui a la propriété d‟être roi de
France.
Q3: Cet individu est chauve.
2. présupposé existentiel de second ordre: prédicats de
second ordre qui présupposent l‟existence d‟un prédicat
premier.
Ex. : P: Marie est désolée parce que son frère a déchiré le livre.
Q1: Il est vrai que Marie est désolée.
Q2: Son frère a déchiré le livre.
Initiation à la sémantique 143

Donner la cause d‟un fait c‟est présupposer l‟existence (la


vérité) de ce fait.
Les circonstanciels de but, temps, lieu, manière présupposent
la vérité du fait exprimé par la proposition déterminée.
Ex. : P: Elle travaille pour que son frère puisse étudier. 
Q1: il est vrai qu‟elle travaille.
P: Elle travaille avec beaucoup d‟entrain. 
Q1: Il est vrai qu‟elle travaille.
Q2: Ce travail lui fait plaisir.
P: Elle a appris la nouvelle avant son frère. 
Q1: Elle a appris une nouvelle.
Q2: Elle a un frère.
P: Elle travaille à la bibliothèque. 
Q1: Elle travaille.
Q2: La bibliothèque représente le lieu de travail.
3. présupposé de possibilité
Ex. : P: Pierre a été reçu à l‟examen. 
Q1: Pierre s‟est présenté à l‟examen.
Q2: Il a bien travaillé.
P: Pierre a acheté cette montre dans une boutique rue de
Rivoli. 
Q1: Pierre existe.
Q2:Pierre a acheté quelque chose. (Il existe des objets qui
appartiennent à la classe montre).
Q3: Il y a des montres qu‟on vend dans les boutiques.
Q4:Il existe une boutique.
Q5: Cette boutique se trouve rue de Rivoli.
Q6: Dans cette boutique-là on vend des montres.
Q7: Pierre dispose de moyens financiers.
Initiation à la sémantique

Les opérateurs de présupposition


1. expressions référentielles
- noms propres;
- descriptions définies; (groupes nominaux complexes au
singulier, constitués d‟une expression (descripteur) et d‟un
Prédéterminant défini indiquant qu‟il existe au moins un objet pour
lequel le descripteur est vrai)
Ex. : Pierre est le seul à être venu.
Le seul étudiant qui soit venu c‟est Pierre.
Le seul à être venu c‟est Pierre.
2. le sémantisme des lexèmes comporte des traits sémiques
spécifiant les conditions d‟emploi correct de l‟unité prédicative
(verbe, adverbe)
A. Tout verbe d‟action indiquant une modification dans l‟état
du monde présuppose une proposition qui décrit l‟état initial.
Ex. : J‟ai fini la lettre.  J‟ai commencé la lettre.
Jean continue de fumer.  Jean fumait auparavant.
Jean a cessé de fumer.  Jean fumait auparavant.
Je ne peux pas vous empêcher de partir.  Vous avez
l‟intention de partir.
Il n‟est toujours pas venu.  Il n‟est pas arrivé.
B. les verbes factitifs dont l‟emploi présuppose la vérité du fait
décrit par la proposition complément.
Ex. : Savoir, ignorer, deviner, se douter, se rendre compte, se
souvenir, regretter, oublier etc.
Je regrette d‟être venu.  Je suis venu.
J‟ai oublié que tu étais là.  Tu es là.
J‟ignorais que tu as eu la grippe.  Tu as eu la grippe.
Sortir  avoir été à l‟intérieur.
Se lever  avoir été assis ou couché
Initiation à la sémantique 145

C. morphèmes qui supposent l‟existence d‟un ensemble de


référence.
Ex. : Jean a choisi le sujet le plus difficile.  Il y a une classe de
sujets parmi lesquels Jean a choisi.
Même Jean a été reçu à cet examen.  Il y a une classe
d‟individus qui ont été reçus à l‟examen.  L‟examen a été
facile.

La portée du phénomène de la présupposition


Le phénomène de la présupposition est susceptible de rendre
compte d‟une série de distinctions sémantiques subtiles.
Ex. : rêver de / rêver que
Le verbe rêver fait partie de la classe des verbes appelés
“créateurs du monde”, dont l‟emploi équivaut à préciser les
conditions de l‟acte de référence.
Ex. : Jean rêve de partir en vacance.
Jean rêve qu‟il est parti en vacance.
rêver de - montre l‟existence d‟un état du monde où le départ de
Jean en vacance est possible.
rêver que - montre l‟existence d‟un monde différent du monde réel
où le départ de Jean est possible, mais incertain.
avoir tort/ avoir le tort
P: Tu as eu tort d‟être en retard. 
Q1: Tu es en retard.
Q2: Etre en retard c‟est une faute.
P: Tu as eu le tort d‟être en retard.
Q1: Tu es en retard.
Q2: Cette attitude est critiquable.
X a le tort de faire Z = Y critique X de faire Z.
accuser/critiquer
Initiation à la sémantique

Ce deux verbes sont dans un rapport sémantique évident qui


repose sur une structuration inverse au même contenu.
Ex. : Jean accuse Pierre d‟avoir écrit cette lettre.
Jean critique Pierre d‟avoir écrit cette lettre.
P: Jean accuse = Jean dit que Pierre est responsable du fait d‟avoir
écrit la lettre et Jean présuppose que écrire une certaine lettre est une
mauvaise action.
P1: Jean critique: = Jean n‟est pas d‟accord avec Pierre. Jean évalue
le fait comme mauvais et il précise sa position par rapport au fait.
à peine/ presque
Ex. : Jean gagne à peine mille francs par mois.
Jean gagne presque mille francs par mois.
P1: position défavorable du locuteur
P2: position favorable du locuteur
A peine appartient à toute une échelle argumentative: rien
que, seulement, pas tout à fait, pas plus de, moins de, guère plus de,
au plus.
Le connecteur mais (opérateur logique) est interdit.
-presque: l‟échelle argumentative: à peu près, même, jusqu‟à, au
moins, un peu plus de, peu de, pas moins de.
Cette série accepte le connecteur mais.
peu/un peu119
P1: Jean a mangé peu de gâteaux ce soir.
P2: Jean a mangé un peu de gâteau ce soir.
peu de : le présupposé: la quantité est petite.
un peu de : le contenu sémantique repose sur le fait que Jean a mangé
une quantité petite de gâteau.

119
Ce couple a été étudié par O.Ducrot, mais aussi par les représentants de
la linguistique guillaumienne. Cf. Mariana Tuţescu, op.cit., p. 248.
Initiation à la sémantique 147

Peu et un peu appartiennent à des classes argumentatives


différentes.
P1: Mon cousin est peu fatigué.
P2: Mon cousin est un peu fatigué.
P1: négation atténuée (affirmation restrictive) / inobservable
P2: l‟affirmation appartient à la catégorie de position observable. +
nuance de politesse
Catégorie de la limitation
Mon cousin est peu fatigué. > Il n‟est pas fatigué.>Il n‟est pas du tout
fatigué (degré de comparaison).
Catégorie de la position
Il est un peu fatigué.  Il est fatigué.  Il est même très fatigué.
parce que/puisque
P1: Je te confie cette lettre parce que tu dois rencontrer le
destinataire.
P2: Je te confie cette lettre puisque tu dois rencontrer le destinataire.
-parce que introduit un contenu de type: la description de
l‟événement-cause présuppose l‟événement - l‟effet.
-puisque présente le contenu de la proposition comme
nécessairement vrai car en principe déjà connu.
à peine / presque appartiennent à deux échelles argumentatives
différentes.
Jean gagne à peine 1000 Euros par mois.
Jean gagne presque 1000 Euros par mois.
à peine conduit vers une conclusion minimisante, négative,
ayant un effet dévalorisant, presque conduit vers une conclusion
favorable, positive, ayant un effet mélioratif.
à peine entre dans une échelle argumentative qui renferme
les morphèmes pas tout à fait, pas plus de, un peu moins de, moins
Initiation à la sémantique

de, guère plus de, au plus, seulement. Cette série interdit la


combinaison avec mais.
Puisque appartient à l‟échelle argumentative qui renferme
les morphèmes au moins, pas moins de, guère moins de, un peu plus
de, plus de, série qui peut se combiner avec mais.
Les présupposés, condition d‟évaluation de la valeur de vérité
des énoncés, assurent la possibilité de l‟échange verbal. Nier le
présupposé c‟est annuler le droit à la parole.
La présupposition joue un rôle dans la stratégie
communicative, conversationnelle des locuteurs, en fonction de la
situation et des connaissances primaires des locuteurs.
Cette stratégie conversationnelle exploite le mécanisme de la
présupposition afin de réaliser avec efficacité et économie de moyens
linguistiques l‟échange verbal.
L‟étude de la présupposition est importante pour la formation
d‟une compétence communicative adéquate.
Initiation à la sémantique 149

ANNEXES

1. L‟ANALYSE SEMIQUE - APPLICATIONS

Ex. les verbes marcher, courir, sauter, danser, remuer :


S1: S2: verticalité S3: régularité S4: rapidité S5:
progression dans le dans le dans le mouvement
dans l‟espace déplacement déplacement déplacement
Marcher + - + - +
Courir + - + + +
Sauter 0 + 0 0 +
Danser 0 0 + 0 +
Remuer 0 0 - 0 +

Ex. luron, lascar, gaillard, loustic :


S1: S2: S3: S4: S5: S6: S7:
détermination vigueur joie gaieté insouciance impertinence désinvolture
de
vivre
Luron + 0 + + + 0 0
Lascar + 0 + + 0 0 +
Gaillard 0 + + + + 0 0
Loustic + 0 + 0 + + 0

Ex. les moyens de transport (exemple donné par O.Duchacek, “Sur le


problème de l‟analyse componentielle” dans Travaux de
linguistique et de littérature, XI ; 1, 1973 ; p . 33):
Moyens Tran Pour 1 Pour Trans- Tra Su S Mouvem Mouvem Mou D‟aut
de s- person quelqu port de ns- r u ent à ent à ve- res
transport port ne es (peu march port de r l‟aide de l‟aide du ment moye
de de) an- par s d la vapeur moteur à ns
pers person dises terr ro e l‟aide
on- nes e ou ue s du
nes sou s ra coure
s la il nt
terr s éléc-
e triqu
e
Bicyclette + + - ± + + - - ± - pieds
Motocycle + +/- ± ± + + - - ± -
Initiation à la sémantique
tte
Automobil + +/- + ± + + - - ± -
e
Autobus + - ± ± + + - - ± -
trolleybus + - ± ± + + - - ± +
tramway + - ± ± + - + - ± +
métro + - - ± + - + - - +
Train + - - ± + - + ± - +
bateau + - ± ± - - - ± + - Rame
s,
voiles
, vent
avion + - ± ± - - - -- + -
fiacre + - ± ± + + - - - - cheva
ux
traîneau + ± ± ± - - - - - - cheva
ux

Ex. les verbes aboyer, crier, glousser, miauler :


Sème/Lexème S1: manifestation S2: par S3: par S4: par S5: avec n S6: par un
sonore buccale le chat le chien la poule décibels humain
aboyer + - + - ~* -
crier + - - - ~ +
glousser + - - + ~ -
miauler + + - - ~ -

* marque la non pertinence du sème respectif pour la


description du sens du lexème.
Ex. le champ conceptuel du travail, donné par Ostra, R., “Le champ
conceptuel du travail dans les langues romanes” dans Etudes
romanes de Brno, III, Nr. 120, 1967, p. 34.

Traits Tra- Ou- oeuvre La- pei Be- thâche cor- bou- tur- Brico- veilles
sémantiques de vail vrage beur ne sogne vée lot bin lage
Effort + + + + + + + + + + + +
Résultat + + + + + + + + + + + +
Utilité + + + + + + + + + + + +
Rémunération + - - - - - - - + + - -
Pénible + - - + + - - - - + - -
Imposé par ± - - - - + - - - - - -
besoin
Imposé par ± - - - - - + + - - - -
obligation
Imposé par ± - - - - - + - - - - -
devoir
Initiation à la sémantique 151
Important par - - - + - - - - - - - -
quantité
Important par ± ± + - - - - - - - ± -
qualité
Manquant - - - - - + - - - - + -
d‟importance
Bas - - - - - + - - - - - -
Manquant de - - - - - + - - - - - -
considération
Fait pendant la ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ± +
nuit
Affectivité ± ± ± - - - - - - - + -
positive
Affectivité - - - - - + - + - - - -
négative
Nuance - - - + - - - - - - - +
sociostylistique
élevée
Nuance - - - - - - - - + + - -
sociostylistique
basse

Ex. évacuer, transporter, déménager (exemple donné par R.


Galisson, L‟apprentissage systématique du vocabulaire, I, Paris,
Hachette, Larousse, 1972, apud Jacqueline Picoche, op.cit., p. 128) :
faire passer des d‟un l‟opération et le
lieu à lieu d‟arrivée
un autre sont
gens choses lieu prévus impré
vus
évacuer + + + Quand
l‟incendie s‟est
déclarée on a
évacué la
salle.
transporter + + + + C‟est le car qui
transporte les
enfants des
écoles.
déménager + + + Nous
déménagerons
la semaine
prochaine.
Initiation à la sémantique

Ex. lapin
Lapin

Nom

Abstrait Concret

Promesse de
rendez-vous animé inanimé
non tenue
Animal
comestible vêtement
mâle en peau de
viande de
petit rongeur
mammifère

Ex. livre
Livre

[+nom]

[+objet physique] [-objet physique]

[+ouvrable] [- ouvrable] [+mesure]

[+poids] [+monnaie]

formé de billet de banque ½ kilo 20 shillings


pages de valeur d‟1
imprimées livre
Initiation à la sémantique 153

Ex. spatialité (exemple donné par A. Greimas, op.cit., p. 33

spatialité

dimentionalité non-dimentionalité

horizontalité verticalité superficie volume

perspective latéralité

long/court large/étroit vaste/x épais/mince

Ex. halle, marché, bazar, souk :

Sèmes/Mots S1: lieu où l‟on vend S2: S3: S4: où on y vend des S5: où on y
des produits fixe couvert produits alimentaires vend des
fabriqués objets
halle - + + + -
marché - ± ± + -
bazar + + ± - +
souk + + + = +

Ex. charpentier, menuisier, ébéniste (donne par Teodora Cristea,


op.cit., p. 43) :

Sème/Lexème S1: ouvrier qui fait des S2: S3: menuiserie S4: menuiserie
travaux sur bois charpente utilitaire décorative
Charpentier + + - -
Menuisier + - + -
ébéniste + - - +
Initiation à la sémantique

Types de Inhérents Afférents


sèmes120

Généri- Spécifiques Généri- Spécifi-


ques ques ques
Distinc Non
-tifs distinctifs
Ensemble de classème sémantème virtuème
sèmes
sémème

Exemple: le lexème cheval (Exemple donné par Teodora Cristea,


op.cit., p. 46) :
Sèmes inhérents Sème afférents
Plus ou
Généri- Spécifiques Socialement
moins
ques codés
socialisés
Non- Masculinité
distinctifs
distinctifs Résistance
Animal Mammifère domestique Obstination
Equidé ongulé Intensité
solipède à crinière
sémème

Les sèmes afférents socialement codés s‟actualisent dans les


contextes suivants:
[+ masculinité] un grand cheval “une grande femme masculine”
[+ résistance] un vrai cheval de labeur “ un travailleur infatigable”
[+ obstination] un cheval de retour “récidiviste”
cheval de bataille “sujet favori auquel on revient toujours”
[+ intensité] fièvre de cheval “ fièvre très forte”

120
Tableau proposé par Teodora Cristea, op.cit., p. 46.
Initiation à la sémantique 155

Dans le contexte suivant, c‟est le sème [+vitesse] qui


s‟actualise: Nous passâmes la frontière comme deux cheveux de
sang qui sentent l‟écurie (Pascal Jardin, Le nain jaune).

Ex. archilexème « sentiment pénible cause par la prévision du mal »


(exemple donné par Jacqueline Picoche, op.cit., p. 130) :
Subst. Série non-causative Série causative
vb. adj. qui adv. en vb. faire adj. qui fait adv. En
éprouver éprouve éprouvan éprouver éprouver faisant
t éprouver
peur (avoir- peureux Peureuse Apeurer
prendre) -ment (faire -)
crainte craindre craintif Craintive (se faire
-ment craindre)
inquiétude s‟inquiéter inquiet inquiéter inquiétant
appréhensi appréhen- redoutable
on der -
redouter
timidité timide Timide- intimider intimidant
intimidé ment
phobie - phobe
anxiété anxieux Anxieuse
-ment
angoisse angoissé angoisser angoissant
effroi effroyable effroyablem
ent
frayeur s‟effrayer effrayé effrayer effrayant
épouvante s‟épouvant épouvanté épouvanter épouvantable épouvantabl
er ement
panique (se) paniqué paniquer
paniquer
affolement s‟affoler affolé affoler affolant
terreur terrorisé terroriser terrible terriblement
terrifié terrifier
frousse avoir la froussard flanquer la
frousse frousse
bile se biler bileux
se faire de
la bile
Initiation à la sémantique

trouille avoir la trouillard Foutre la


trouille trouille
pétoche avoir la
pétoche
avoir les
foies
chocotes avoir les
chocotes

Entraînez-vous!

1. Faites la description sémique des unités lexicales suivantes:


salaire, appointements, émoluments, gages, honoraires, solde,
vacation.
2. Analysez les emplois homonymiques du début de la chanson de
Jacques Brel, Le Plat Pays :
« Avec la Mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marrées dépassent
Et qui ont à jamais le cœur à la marée basse… »
3. Analysez l‟homonymie (homophonie) du couplet de Jean Ferrat,
La Commune :
« Il y a cent ans, comme un, comme une
Comme une étoile au firmament
Ils faisaient vivre la Commune
En écoutant chanter Clément. »
4. Analysez la reprise homonymique de ces vers d‟Apollinaire:
- « Nous lui dîmes adieu et puis
De ce puits sortit l‟Espérance » (La Tzigane )
- « Le cuisinier plume les oies
Ah tombe neige
Tombe et que n‟ai-je
Initiation à la sémantique 157

Ma bien-aimée entre mes bras » (Alcools).


5. Dites quelle(s) nuance(s) linguistiques, situationnelles ou
socioculturelles séparent les termes suivants: garçon, gars, môme,
ado, gône, flo, gamin, jeune homme.
6. Précisez les différents sens des mots en italiques :
Pendant la guerre, on a fabriqué du caoutchouc synthétique.
Chez le fleuriste, j‟ai acheté un caoutchouc pour
l‟anniversaire de ma mère.
J‟ai besoin de caoutchoucs pour regrouper mes fiches.
Quelques passagers étaient vêtus de caoutchoucs informes.
C‟est dans cette région qu‟on extrait la plus grande quantité
de fer.
Pour fabriquer cette barrière, nous utiliserons des fers plats et
des fers en forme de T.
Dans cette quincaillerie, on trouve des fers de toutes sortes :
à repasser, à cheval, à friser, à gaufrer …
Sous Louis XIII les nobles étaient prompts à croiser le fer.
Autrefois, les galériens étaient mis à fer .
Tu as rayé mon parquet avec les fers de tes chaussures.
Expressions avec le mot fer : Une volonté de fer, une santé
de fer, une discipline de fer, une main de fer dans un gant de
velours, Le bon temps que ce siècle de fer (Voltaire).
Le chameau est un moyen de transport.
Quant une femme, même jolie, est un petit chameau ou une
dinde, je vous assure que ça se voit (J.Romains).
Un buffet Henri II ne convient guère dans cet appartement
moderne.
J „ai bien déjeuné au buffet de la gare.
De nos jours, un buffet froid tend à remplacer les repas
d‟autrefois.
Initiation à la sémantique

Le buffet d‟orgues est l‟œuvre d‟un ébéniste célèbre.


Il a pris un fameux coup dans le buffet.
Elle a mis sa belle robe verte.
Avec ce bois vert, la pièce est tout enfumée.
Les enfants aiment la saveur acide des fruits verts.
Ma mère achetait du café vert et le grillait elle-même.
A le voir si vert, on ne lui donnerait pas son âge.
Je viens de lire un article dans une langue très verte.
Tu peux t‟attendre à une verte semonce.
Un peuple civilisé ne peut retourner à l‟état sauvage.
Mon père est d‟une humeur sauvage.
Ces bêtes sauvages me font peur.
J‟ai greffé ce prunier sauvage.
Dans son jardin il y a un coin sauvage.
On peut s‟attendre à une recrudescence des grèves sauvages.
7. Analysez les exemples :
- Décade/décennie [+jours] / [+ans]
Hier a commencé la décade du livre.
Un nombre impressionnant d‟appartements fut construit pendant la
dernière décennie.
- Part/partie [+totalité]/ [- totalité]
Il venait de prendre part à une session.
Ceci fait partie de mes habitudes.
Dans toute circonstance il faut faire la partie du lion.
Il m‟a fait part de ses intentions.
Une grande partie de ses œuvres il l‟aurait écrite à la campagne.
- Attirance/ attraction/ attrait [± personne]/ [± physique]
Michel voyait bien que la jeune fille n‟avait aucune attirance pour
lui.
Initiation à la sémantique 159

Je n‟ai pas pu résister à l‟attraction que ces lieux exerçaient sur mon
âme.
Comment expliquer l‟attrait spécial que présente pour moi la
peinture?
Le profile de la jeune femme exerçait sur les autres une véritable
attraction.
Dommage qu‟elle ne sait pas s‟habiller. Car son visage ne serait pas
sans attrait.
Un spectacle de cirque offre aux enfants bien des attractions.
L‟attirance de la nouveauté a toujours paru irrésistible.
- Fantastique/fantasque/fantaisiste
[+qualité]
[+intensité] > [± positif]
[+positif] > [± réalité]
[- réalité]
Le film que nous venons de voir avait pour héroïne une jeune fille
capricieuse, fantasque, pleine d‟imprévu.
La bibliographie prévoit aussi les Contes fantastiques de
Maupassant.
Votre argument n‟a aucun fondement logique, il est fantaisiste.
Cette règle d‟orthographe est tout à fait fantaisiste. Où l‟avez-vous
trouvée?
Le héros de la pièce est un être bizarre, fantasque, qu‟on ne peut
arriver le connaître.
Il a payé une somme fantastique pour son meuble.
On ne peut pas compter sur ton frère; il est tellement fantaisiste.
8. Expliquez à l‟aide des présuppositions le sens des énoncés:
Même René regarde la télé.
René regarde la télé même régionale.
Même Colette a acheté une poupée.
Initiation à la sémantique

Colette a acheté même une poupée.


Colette a acheté une poupée même laide.
Je viendrai même s‟il pleut.
Même l‟homme robuste faiblit.
Je ne me rappelle même pas son nom.
Même s‟il faisait amende honorable, je ne lui pardonnerais
pas.
René regarde la télé. (Il y a une classe des individus qui
regardent la télé. René fait partie de cette classe.
L‟émission est très bonne.)
Il l‟admire beaucoup mais il se trompe, c‟est qqn de très
intéressé.
Philippe haït son cousin, mais il ne s‟en rend pas compte.
Tu crois savoir la vérité, mais tu te trompes.
Ils accusent le chef d‟équipe d‟avoir été imprudent, mais
ils ont tort.
Il le blâme pour sa conduite, mais il s‟en repentira.
Jean ne travaille plus à l‟institut.
Si tu dis cela c‟est que tu crois qu‟il y travaillait
auparavant!
C‟est parce qu‟il a dû quitter Paris.
Alain a dû être content puisque son seul frère a été reçu à
l‟examen.
Non, il voulait que d‟autres également soient reçus.
Non, c‟est faux, son frère n‟a pas été reçu du tout.
J‟ai arrêté de fumer.
Ah! Tu fumais donc? Tu en étais donc capable!
Même Colette a été reçue à cet examen.
Ah! Ce n‟était donc pas un examen très difficile.
Cette fois-ci elle a dû bien répondre.
Initiation à la sémantique 161

9. Indiquez sur quel élément de contenu (posé, présupposé, sous-


entendu) de la phrase sont fondées les phrases B et C.
Il est sincère mais désagréable.
Il n‟est pas sincère, mais calculé.
Il peut être sincère, mais à quoi ça sert?
L‟orateur se met à parler et la salle se tait.
La mère pleurait et l‟enfant aussi.
La mère pleurait et l‟enfant mangeait.
Il mange beaucoup et souvent.
Il mange beaucoup et irrégulièrement.
Or, un dimanche, elle aperçut, tout à coup, une femme qui
promenait son enfant.
Je constate qu‟il est là.
Or, on n‟avait dit que s‟il était là je pouvais m‟en aller.
Je m‟attendais à vous voir heureux. Or, il n‟en est rien.
10. Expliquez la relation logique exprimée par les conjonctions
mais, et, or.
11. Analysez les expressions figées formées autour des mots
main et pied du texte de la chanson Des mains et des pieds
interprétée par la chanteuse québécoise Linda Lemay :
Des pieds et des mains Avec mon cœur gros sur la main
J'ai bien fait des pieds et des Et de pied ferme j'ai attendu
mains Que tu reviennes, mais en vain
Pour éviter qu'au petit matin Ce soir, au pied de l'escalier,
Sans exception depuis des mois Je n'ai vu venir que la brunante
Tu ne te lèves de ce pied-là C'est dur de monter me coucher
C'matin, c'est un pied dans la Sans te tenir la main courante
bouche Cette main que tu t'es faite sur
Et c'est les deux mains dans les moi
couches Mets-la au cul d'qui tu voudras
Que j't'ai vu mettre le pied Maintenant, ton pied, qu'tu
dehors... l'prennes ou pas
Pendant des heures, j'ai fait l'pied J'm'en lave les mains
d'grue Même celle des deux que t'as
Initiation à la sémantique

demandée L'homme de seconde main que tu


Comme un gentleman à mon es...
père J'mettrais bien ma main au feu
Je m'en vais me la savonner Qu'tu mets déjà la tienne aux
Jusqu'à m'libérer l'annulaire fesses
Faut qu'j'prenne mon courage à Et au reste du corps pulpeux de
deux mains ta princesse
Et que j'retombe sur mes pieds Cette main dans laquelle je
Puisque c'est clair qu't'as levé les mangeais
tiens Jusqu'à c'matin avant qu'tu partes
Et qu'tu t'les es pris quelque part Alors qu'à tes pieds je dansais
T'as sûrement sauté à pieds joints Sur je n'sais plus quel pied de
Dans le premier lit d'occasion guerre
Et tu as sûrement bien en main la Je donnerais ma main à couper
situation Qu'ta main de maître a pris
Ton piédestal a basculé maîtresse
Et tu t'en sors avec rien Une qui t'offre au pied levé un
Oui c'est à moi qu'ça casse les pied à terre
pieds Une aux mains douces qui te fait
A moi que ça fait du chagrin Un impeccable nœud d'cravate
D'imaginer la cendrillon Pendant qu'les mains sous
Qui a trouvé chaussure à son pied l'robinet
En choisissant comme chausson Moi je m'libère... l'annulaire !

a. Cherchez dans un dictionnaire d‟autres expressions figées


construites autour des mots main et pied. (Fr.Qué. avoir le pied pesant Ŕ
aimer conduire à haute vitesse en automobile, avoir la main souple Ŕ être
prompt à frapper, à corriger notamment un enfant, baiser la main de qqn Ŕ
se faire gifler, être à la main Ŕ être très serviable, être porté à la main Ŕ
être plein d‟égards, être reçu sur la main Ŕ être bien reçu, avec tous les
égards, avoir toujours le pied sur le perron Ŕ vouloir toujours sortir, s‟en
aller, baiser le pied de qqn - se faire botter le derrière, gros comme mon
pied Ŕ minuscule, de petite taille, il n‟est pas à pied Ŕ avoir une belle
voiture, être fortuné, taper du pied, puis jouer du piano Ŕ se dit d‟une
femme légère, avoir les deux pieds dans la même bottine Ŕ avoir l‟esprit
engourdi, être niais, maladroit121). Pour le français de France voir Alain

121
Cf. Pierre DesRuisseaux, Dictionnaire des expressions québécoises,
Montréal, Bibliothèque Québécoise, 1990.
Initiation à la sémantique

Rey, Sophie Chantreau, Le Robert. Dictionnaire des expressions et des


locutions, Paris, Les Usuels du Robert Poche, 1989.
b. Dans les constructions le pied de la table, le pied du lit, le pied de
la montagne il y a une figure de style. Laquelle?
c. Quelle est la différence entre coup de main et la main droite ?
d. Ecrivez un texte sur un sujet à votre choix avec le plus grand
nombre possible d‟expressions figées.
Initiation à la sémantique
3

2. PETIT GLOSSAIRE DE SEMANTIQUE

acception un des sens d'un polysème


acception sémème dont le sens comprend des sèmes
afférents socialement normés
affaiblissement Changement qui sur une échelle de
de sens progressivité déplace le sens vers le moins
(gêner, torturer puis gêner).
antonyme deux mots ayant des sens contraires sont
antonymes, ce qui suppose qu'ils ont tout de
même au moins un trait sémantique en
commun: ex. chaud et froid expriment tous
deux la notion de température;
arbitraire Propriété du signe : le rapport
signifiant/signifie n‟a pas de fondement en
dehors de la langue, il n‟est pas tenu à une
motivation.
archilexème mot qui sert de "genre" à une série de lexèmes
parasynonymes , encore appelé "mot
générique" ou "hypéronyme". Ex. siège: genre
de chaise, tabouret, fauteuil, canapé etc.
archisémème sémème de l'archilexème : ex. /objet/ /fabriqué/
/pour s'asseoir/; ou bien, s'il n'existe pas
d'archilexème, ensemble sémique servant de
genre à une liste de parasynonymes: ex.
/meuble/ /de grande taille/ /destiné à contenir/
Initiation à la sémantique

/des objets usuels dans un ménage/


archisémème de buffet, bahut, armoire etc.
attraction Influence d‟un mot sur un mot paronyme dont
paronymique la forme ou le sens se trouve modifié
(aventure/avatar). Dite aussi étymologie
populaire.
catachrèse Emploi obligatoire d‟une figure pour designer
des référents sans dénomination propre : aile
d‟avion de aile d‟oiseau par métaphore.
cinétisme mouvement de pensée inconscient, reliant, à
l'intérieur d'un polysème, une acception très
pauvre en sèmes. Ex. créneau "place vide" à
une acception très riche en sèmes (dite
plénière). ex. créneau «élément de fortification
consistant en pans de mur alternant avec des
vides de même forme et de même dimension ».
champ Domaine organise fait de mots, de
significations, de notions, etc.
cohérence 1. Ce qui fait l‟identité et l‟unité d‟un discours.
2.Ensemble des relations sémantiques, même
non exprimées, assurant la continuité d‟un
discours, son isotopie.
compétence de Ensemble des connaissances pratiques
communication nécessaires pour réussir la communication dans
une langue et un milieu culturel donnés.
connotation Tout ce qui dans le sens n‟est pas propriété
objective du référent. Par ex. le mot renard a
la ruse comme connotation. S‟oppose à
dénotation.
dénotation Désignation. S‟oppose à connotation.
Initiation à la sémantique
5

effet de sens Réalisation contextuelle particulière d‟un


signifié
extension de sens Changement de sens étendant la classe des
référents du mot (panier « corbeille à pain »
puis panier).
famille de mots Ensemble de mots tirés les uns des autres par
dérivation ou par compositions
(fleur/fleurir/.flore/floral/floraison/chou-fleur)
figure Emploi d‟un mot ou d‟une expression
autrement qu‟au sens propre.
figure Figure portant sur plusieurs mots formant une
d‟expression expression (fort comme un bœuf)
figure de Figure ne portant que sur un mot (verre =
signification récipient en verre = métonymie).
homonyme deux mots sont homonymes quand ils ont le
même signifiant et des signifiés tout à fait
différents, sans aucun rapport entre eux: ex.
lama « animal d'Amérique du Sud » et lama
"prêtre tibétain".
hypéronyme ou mot hypéronymique, synonyme de
archilexème, mot qui sert de "genre" à une
série de parasynonymes qu'on peut appeler dès
lors ses "hyponymes"
isotopie relation sémantique existant entre des mots de
différentes classes grammaticales qui se
sélectionnent mutuellement et s'associent tout
naturellement dans une phrase: il y a une
relation d'isotopie entre le verbe manger,
l'adjectif comestible, le nom aliment, et tous les
noms pouvant être catégorisés "aliments".
Initiation à la sémantique

loi du moindre Tendance à l‟économie éliminant dans le


effort langage les distinction non ou peu utiles.
lexème il est commode d'appeler ainsi le plus petit
élément signifiant permettant de référer
précisément à un fait extralinguistique. Ce sont
les lexèmes qui permettent à la langue de parler
de l'univers et de ce qui s'y passe. Le lexème se
confond avec le mot simple, mais s‟oppose aux
affixes dans les verbes conjugués où il
n‟exprime que des aspects, des temps, des voix,
et dans les dérivés où il n'exprime que des
relations; il s'oppose aussi aux mots
grammaticaux (prépositions, articles etc.),
encore que la frontière soit relativement floue
entre les deux catégories. Ex. lama est un
lexème; de, le, la, les sont des mots
grammaticaux. Dans march-ez, courag-eux ,
march- courag- sont les lexèmes, -ez, -eux sont
des affixes; affixes et mots grammaticaux sont
appelés morphèmes. La lexicologie est la
science des lexèmes.
monosème ou mot monosémique, mot ayant un seul sens
(ou acception), donc un seul sémème (mais
bien sûr, cet unique sémème est composé de
plusieurs sèmes!)
onomasiologie Description partant d‟une notion, d‟un champ
conceptuel et étudiant l‟ensemble des mots qui
s‟y appliquent
oxymore Figure combinant deux mots contradictoires
(neige brûlante).
Initiation à la sémantique
7

polysème mot ayant plusieurs sens (ou acceptions), donc


plusieurs sémèmes en relation les uns avec les
autres: ex. le mot pied : 1. membre inférieur du
corps humain servant à marcher. 2. partie
inférieure d'un objet concret (montagne, verre,
siège etc.) est un polysème. Ce polysème est un
mot polysémique, il a une polysémie assez
simple.
présupposition introduction d‟un sens logiquement antérieur
au sens posé (savoir pose que le sujet a une
croyance et présuppose qu‟elle est exacte\0.
référent objet (concret ou abstrait) de l'univers
extralinguistique auquel un certain mot,
employé dans une certaine phrase, réfère,
(autrement dit, qu'il dénote, ou plus
simplement, qu'il désigne).
rhétorique Dans l‟antiquité, discipline traitant de l‟art
oratoire ; aujourd‟hui discipline traitant de
l‟argumentation et des figures.
sémantique 1. adjectif "qui concerne le sens d'un mot, d'une
phrase, d'un signe quelconque"
2. nom: "science des signes, notamment
linguistiques". De façon vague, et sans penser
précisément à une analyse sémique, on peut
parler du sémantisme ou plus simplement du
sens d'un mot.
sémasiologie Description partant de mos et étudiant
l‟ensemble de leurs significations.
sème élément de sens qu'on peut isoler dans un mot,
par comparaison avec d'autres mots. Ex: /objet/
Initiation à la sémantique

/fabriqué/ /pour s'asseoir/ sont les sèmes qui


composent le sémantisme du mot siège qu'on
peut opposer à chaise: /avec dossier/ /pour une
personne/ et à tabouret : / sans dossier/ / pour
une personne/. Cette opération s'appelle
analyse sémique. L'ensemble des sèmes qui
composent le sens d'un mot monosémique, ou
d'une des acceptions d'un mot polysémique, est
son sémème. Les sèmes sont des notions,
lexicalisées par des mots, mais ne sont pas les
mots eux-mêmes; c'est ce qu'on veut signifier
en les écrivant entre barres obliques.
sème afférent Sème secondaire qui dans un mot peur être
activé par le contexte ou bien il en provient (ex.
[rusé] pour “renard”)
sème générique Sème se trouvant dans tous les mots d‟une
classe (ex. [pour s‟asseoir] dans tous les noms
de siège)
sème inhérent Sème principal qui dans un mot peut être
inactivé par le contexte (ex. “corbeau” a le
sème inhérent [noir], mais le perd dans
“corbeau blanc‟)
sème spécifique Sème opposant deux ou plusieurs mots dans
une classe (ex. [avec dossier] dans la classe des
noms de siège)
sémème Ensemble des sèmes constituant le sens d‟un
mot
sens ensemble des sèmes inhérents et afférents
actualisés dans une suite linguistique. Le sens
se détermine relativement au contexte et à la
Initiation à la sémantique
9

situation, au sein d'une pratique sociale.


sens premier Sens le plus ancien d‟un mot polysème,
souvent son sens propre.
sens propre Sens d‟un mot polysème considéré comme
central.
sociosémantique Sémantique insistant sur les paramètres sociaux
réglant le sens.
sous-entendu Procède consistant à ne pas exprimer des mots
dont au moins le sens est pourtant
indispensable à la compréhension.
synonyme Deux mots monosémiques sont synonymes
quand ils ont exactement le même sémème,
chose non exceptionnelle dans le langage
technique: ex.: archilexème et hypéronyme, et
plus rare dans le langage courant chaussure,
soulier. Ils sont parasynonymes quand ils n'ont
pas exactement le même sémème: ex.
chaussure, brodequin, escarpin. Le critère
d'une parfaite synonymie est la substituabilité
d'un mot à l'autre dans tous les contextes. En
fait, on s'aperçoit la plupart du temps qu'il y a
entre eux une différence de niveau de langage:
ex.: et chaussure et croquenot, ou simplement
des affinités avec des contextes différents, où
l'un est plus naturel que l'autre. Dans le langage
courant la synonymie parfaite est
exceptionnelle.
taxinomie classification
trait manière vague de désigner tout élément de sens
permettant de décrire un lexème (sèmes,
Initiation à la sémantique

niveaux de langage). On appelle notamment


traits de sélection : les sèmes qui se retrouvent
dans des mots de diverses catégories
grammaticales et qui leur permettent de
s'associer entre eux, ce qui constitue le
phénomène de l'isotopie.
vie des mots Expression métaphorique concernant le
changement des mots sur le plan de la forme,
du sens, de l‟emploi (évolution).
virtuème Sème virtuel qui n‟apparaît que dans certains
emplois du mot (ex. [+ confort] pour “fauteuil”
Initiation à la sémantique
11

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

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Initiation, Paris, Nathan, 1995.
Baylon, Christian, Fabre, Paul , La sémantique, Paris, Nathan, 1978.
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semantică, Timişoara, Editura Facla, 1984.
Brekle, Herbert E., Sémantique, Paris, Armand Colin, 1974.
Charaudeau, Patrick, Les médias et l‟information. L‟impossible
transparence du discours, Bruxelles, DeBoeck, 2005.
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français contemporain, Bucureşti, Editura Fundaţiei România
de Mâine, 2001.
DesRuisseaux, Pierre, Dictionnaire des expressions québécoises,
Montréal, Bibliothèque Québécoise, 1990.
Dortier, Jean-François, Le langage. Nature, histoire et usage, Paris,
Editions Sciences Humaines, 2001.
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langage, Paris, Larousse, 1994.
Duchacek, O., “Sur le problème de l‟analyse componentielle” dans
Travaux de linguistique et de littérature, XI , 1, 1973.
Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire),
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Fromilhague, Catherine, Les figures de style, Paris, Armand Colin,
1995.
Initiation à la sémantique

Greimas, A.J., Sémantique structurale, Paris, PUF, 1986.


Guiraud, Pierre, La sémantique, Paris, PUF, 1955.
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