Lexicologie(s) :
approches croisées
en sémantique lexicale
Peter Lang
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li242 Le présent volume comporte un ensemble de
contributions qui montrent à quel point la disci
pline de la lexicologie est à la croisée de toutes les
autres disciplines de la linguistique. Cet ouvrage
collectif réunit seize articles en lexicologie fran
çaise et comparée de contributeurs appartenant
à quatorze universités européennes, américaines
et africaines. Il se donne pour ambition d’orienter
la réflexion vers de nouvelles pistes de recherche
qui tiennent compte, d’une part, des développe
ments récents en description du lexique, notam
ment en sémantique lexicale dans l’espace fran
cophone et, d’autre part, de l’intégration progres
sive d’une variété de domaines et sousdomaines,
comme la lexicographie, la terminologie, la néo
logie, la phraséologie (en incluant la parémio
logie), les études diachroniques et diatopiques, la
linguistique informatique, la linguistique contras
tive, l’enseignement apprentissage des langues,
l’analyse du texte littéraire, la syntaxe lexicale, la
traductologie et la créativité lexicale, voire les
jeux de langage.
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Lexicologie(s) : approches croisées en sémantique lexicale
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Linguistic Insights
Studies in Language and Communication
Volume 242
ADVISORY BOARD
Vijay Bhatia (Hong Kong)
David Crystal (Bangor)
Konrad Ehlich (Berlin / München)
Jan Engberg (Aarhus)
Norman Fairclough (Lancaster)
John Flowerdew (Hong Kong)
Ken Hyland (Hong Kong)
Roger Lass (Cape Town)
Françoise Salager-Meyer (Mérida, Venezuela)
Srikant Sarangi (Cardiff)
Susan Šarčević (Rijeka)
Lawrence Solan (New York)
PETER LANG
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Xavier Blanco et Inès Sfar (dir.)
PETER LANG
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Nationalbibliografie » ; les données bibliographiques détaillées sont disponibles
sur Internet sous http://dnb.d-nb.de.
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Table des matières
Salah Mejri
L’unité lexicale au carrefour du sens. La troisième
articulation du langage.........................................................................19
Danguolė Melnikienė
L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu »,
dans Le Dictionnaire de la langue française d’Émile Littré................49
Inès Sfar
Le proverbe : dénomination d’un concept préconstruit
ou vérité générale ?..............................................................................91
Pierre-André Buvet
Les noms de métier : diversité, non fixité et invariance.....................133
Àngels Catena
Les locutions verbales du champ sémantique communication
en espagnol et en français. Identification des composantes
sémantiques........................................................................................153
Jan Goes
Les adjectifs dits « de relation » ou la montée
en puissance d’un lexique adjectival particulier................................177
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6 Table des matières
Christine Portelance
Sémantique cognitive : du rôle de l’adjectif
dans l’émergence de catégories..........................................................199
Xavier Blanco
Sémantique lexicale et combinatoire :
le combat singulier dans le Roman de Thèbes...................................295
Yauheniya Yakubovich
De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire : les anomalies
linguistiques dans les textes poétiques...............................................355
Marie-Sophie Pausé
Locutions : du défigement à la flexibilité formelle,
il n’y a qu’un pas…............................................................................383
Monika Sułkowska
Techniques, stratégies et suggestions utiles en phraséodidactique....... 407
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Xavier Blanco & Inès Sfar
Présentation
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8 Xavier Blanco & Inès Sfar
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Présentation 9
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10 Xavier Blanco & Inès Sfar
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Présentation 11
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Présentation 17
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Salah Mejri
Introduction
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20 Salah Mejri
moins d’analyses qui lui assignent une unité linguistique qui lui sert de
support.
Si l’on excepte la parenthèse où certaines théories ont essayé de
faire l’économie du sens dans la description des langues, on peut dire
que les travaux dédiés au sens peuvent être ramenés à trois ensembles :
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L’unité lexicale au carrefour du sens 21
c’est la nature des classes sémantiques des arguments qui détermine les
deux significations : dans le premier cas, il s’agit d’un sens concret qui
renvoie au mouvement physique effectué par quelqu’un qui se met der-
rière quelqu’un d’autre en se déplaçant dans la même direction ; dans le
second, où le premier argument est quelqu’un qui est en mesure de soi-
gner les autres (médecin, cardiologue, dermatologue, etc.) et le second
argument quelqu’un qui souffre d’une maladie quelconque, suivre
signifie « s’occuper d’une manière continue des soins prodigués à un
malade ». Ainsi le sens est-il déductible dans chaque cas d’un nombre
de traits de sélections qui décident de l’emploi final de l’unité lexicale.
Il y aurait donc deux verbes suivre : suivre 1 et suivre 2 correspondant
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22 Salah Mejri
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L’unité lexicale au carrefour du sens 23
(4) La présence de 1,2 million d’étrangers sur notre sol produit l’effet de la
drogue ; elle nous fait oublier les maux qui nous rongent… Grâce à la
drogue, nous connaissons une certaine euphorie, puisque tout semble fonc-
tionner à la perfection, et nous ne nous apercevons pas que nous avons
développé le phénomène de la dépendance : nous sommes devenus tota-
lement dépendants de la main d’œuvre étrangère. La réaction de tous les
milieux intéressés face à l’initiative du 20 octobre en fait foi. Nous consta-
tons aussi qu’on augmente constamment la dose : le nombre des étrangers
ne fait que croître. Ce processus conduira immanquablement à la désinté-
gration de notre personnalité et en définitive à la perte de notre identité.
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24 Salah Mejri
c) On ne peut pas clore cette partie sans tenir compte des travaux
qui traitent de la valeur de vérité des énoncés, qui peuvent être
vrais, faux ou plus ou moins vrais ou faux. Robert Martin (1983–
1992, 1987) en donne les détails dans Pour une logique du sens
(1983–1992) et expose clairement la structuration du sens en
fonction de l’inscription de la valeur de vérité des propositions
dans les univers de croyances et les différents mondes qui les
structurent : le monde de ce qui est et les mondes de potentiels
(possibles, contrefactuels…). Une telle approche nécessite la
confrontation du contenu des énoncés à ces mondes pour vérifier
s’ils s’y inscrivent ou pas.
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L’unité lexicale au carrefour du sens 25
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26 Salah Mejri
il est clair que les trois catégories que sont le verbe, l’adjectif et le nom
dans lesquelles s’exprime la notion de respect n’offrent pas les mêmes
configurations de ce contenu sémantique : la forme nominale, de par
son incidence interne1 qui fait que le nom comporte en lui-même sa
catégorie de genre, dispose d’une relation directe avec l’entité concep-
tuelle2qui lui sert de référence. C’est pourquoi il peut servir de support
à d’autres prédications. Ce qui n’est pas le cas pour le verbe et l’adjectif
dont l’incidence est externe et dont la référence passe nécessairement
par d’autres éléments nominaux. On peut dire autant de l’adverbe
respectueusement dans cet exemple :
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L’unité lexicale au carrefour du sens 27
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28 Salah Mejri
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L’unité lexicale au carrefour du sens 29
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30 Salah Mejri
demeurent étanches au sens. Il m’a été donné d’en faire le rappel dans
Mejri 2017a, je me contenterai de retenir les points suivants :
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L’unité lexicale au carrefour du sens 31
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32 Salah Mejri
(12) il /a/œ̃ /livr (a et œ̃ sont des phonèmes tout en jouant le rôle de mor-
phèmes)
(13) œ̃ /sak (sak, unité lexicale formée d’un morphème)
(14) ɛ̃ /diskyt /abl (unité lexicale formée de trois morphèmes conjoints)
(15) prãdr / lǝ /tɔro /par /le /kɔrn (unité lexicale formée de cinq morphèmes
disjoints)
(16) un [décrochez-moi -ça] (unité lexicale formée à partir d’une phrase)
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L’unité lexicale au carrefour du sens 33
Il s’ensuit que l’unité lexicale est également le lieu des trois fonctions
primaires qui constituent selon R. Martin (2016) la grammaire univer-
selle : M (PA), M étant le modalisateur, P le prédicat et A l’argument.
Cet énoncé peut en être l’illustration :
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34 Salah Mejri
Une fois cette opération terminée, s’accomplit alors avec l’unité lexi-
cale la prédication sémiotique par laquelle un signe linguistique, l’unité
de la troisième articulation, est attribué à la référence isolée selon le
schéma suivant :
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L’unité lexicale au carrefour du sens 35
(20) [embarcation qui se meut grâce à la force du vent qui souffle dans les
voiles] Prédicat de dénomination (est désignée, dénommée, appe-
lée…) [voilier]
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36 Salah Mejri
Dans cette série lexicale, le noyau sémantique partagé est fait de l’hy-
peronyme pluie, mais l’activation à chaque fois d’un aspect sémantique
particulier permet d’avoir une nouvelle unité : avec l’abondance et la
soudaineté, on a l’averse ; avec le brouillard, la finesse et le froid, on a
la bruine ; avec le caractère fin et serré, on a le crachin, etc. ;
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L’unité lexicale au carrefour du sens 37
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38 Salah Mejri
(23) X est Y,
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L’unité lexicale au carrefour du sens 39
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40 Salah Mejri
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L’unité lexicale au carrefour du sens 41
Dans chaque cas, le prédicat angoisse est actualisé à travers les liens
établis dans le cadre des trois fonctions primaires. Ainsi angoisse a dans
(30) comme premier argument, le je de l’énonciateur. Dans (31), l’an-
goisse est l’argument du prédicat se moquer. On apprend la nature de
l’angoisse de Swann à travers (33). (34) et (35) nous fournissent les
causes respectives des deux angoisses. À toutes ces réalisations prédi-
catives s’ajoutent celles de l’envoi d’une lettre du narrateur à Swann
portant sur son angoisse, etc.
La génération des énoncés se fait à travers l’établissement
de liens onomasiologiques entre différents prédicats à la manière de
l’implication conceptuelle (Martin, 2016 : 31–32). De tels liens s’ins-
crivent dans des schémas prédicatifs plus généraux comme l’opposition
(or, au contraire, mais…), la comparaison (comme, semblable à…),
la temporalité (quand, plus tard…), etc. C’est ce qui donne lieu à un
énoncé comme celui de Proust :
(36) « L’angoisse que je venais d’éprouver, je pensais que Swann s’en serait
moqué s’il avait lu ma lettre et en avait deviné le but ; or, au contraire,
comme je l’ai appris plus tard, une angoisse semblable fut le tourment de
longues années de sa vie, et personne aussi bien que lui peut-être n’aurait
pu me comprendre ; lui, cette angoisse qu’il y a à sentir l’être qu’on aime
dans un lieu de plaisir où l’on n’est pas, où l’on ne peut pas le rejoindre,
c’est l’amour qui la lui a fait connaître, l’amour auquel elle est en quelque
sorte prédestinée ; mais quand, comme pour moi, elle est entrée en nous
avant qu’il ait encore fait son apparition dans notre vie, elle flotte en l’at-
tendant, vague et libre, sans affectation déterminée, au service un jour
d’un sentiment, le lendemain d’un autre, tantôt de la tendresse filiale ou
de l’amitié pour un camarade ». (Proust, À la recherche du temps perdu I,
Beq, p. 64- 65)
Dans ce passage dont la densité illustre très bien la génération des énon-
cés et leur structuration interprétative, on peut voir comment l’unité lexi-
cale, avec ce qu’elle comporte comme virtualités prédicatives, se déploie
en donnant à l’énoncé une charpente qui lui assure une cohérence par-
faite : l’unité angoisse est tantôt prédicat, tantôt argument pour d’autres
prédicats ; le contenu prédicatif de cette unité est l’objet de la lettre du
narrateur et en est le but ; une angoisse similaire tourmente Swann ; celle
de Swann est en rapport avec l’être qu’il aime ; celle du narrateur est
encore vague, libre, sans qu’elle ait un objet déterminée, etc.
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42 Salah Mejri
– formule familière,
– formule adressée à une personne qui éternue.
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L’unité lexicale au carrefour du sens 43
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44 Salah Mejri
Dans cette catégorie, on peut par exemple ranger les formules senten-
cieuses, les phrases descriptives (Un ange passe ; De l’eau a coulé sous
les ponts…), les actes de langage stéréotypés, les pragmatèmes, les for-
mules de salutation, d’excuse, de remerciement, de présentations, etc.
Ce qui conditionne l’emploi de ces formules, c’est leur forme complète
qui leur donne une autonomie qui annihile totalement ou partiellement
l’action de leur appartenance à une partie du discours.
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L’unité lexicale au carrefour du sens 45
(37) C’était déjà le soir. Soleil. Obscurité. Étoiles. Brises. Frisson. Angoisse.
Infinitude du cosmos.
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46 Salah Mejri
5. De quelques problématiques
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L’unité lexicale au carrefour du sens 47
Bibliographie
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48 Salah Mejri
Dictionnaires
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Danguolė Melnikienė
1. Introduction
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50 Danguolė Melnikienė
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L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu » 51
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52 Danguolė Melnikienė
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L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu » 53
latin, à son tour, a emprunté le mot au grec ancien – que nous pourrons
relever avec précision les éléments composants le terme4, notamment :
ὀνοματοποιία signifie « création de noms », de ὀνομα, génitif du
ὀνόματος – nom et ποιέω – « je fais, je crée ».
Ces deux définitions de l’onomatopée mettent en évidence une
différence significative entre la conception de l’onomatopée chez les
Latins et chez les Grecs anciens : tandis qu’en bas latin elle désignait la
formation des mots imitatifs, en grec ancien elle signifiait la néologie
au sens large du mot.
Les dictionnaires français héritent de la définition restreinte de
l’onomatopée. Pourtant ce lexème acquiert le statut d’une entrée dic-
tionnairique assez tardivement, par rapport aux premiers dictionnaires
français5, c’est-à-dire, en 1690 dans l’édition posthume du Dictionnaire
universel contenant generalement tous les mots françois, tant vieux que
modernes, & les termes de toutes les sciences et des arts d’Antoine
Furetière. L’article Onomatopéeyinséré, est assez volumineux à l’échelle
de son temps, car outre la définition de l’entrée, il propose plusieurs
exemples de « mots sonores », apportant de la lumière sur leur séman-
tisation : « sifler, qui se dit des oiseaux, beller qui se dit des moutons ;
grogner des pourceaux, hennir des chevaux ; miauler des chats ; japper
des petits chiens ; hurler des loups ; beugler des bœufs ; courcailler des
cailles ; guiller du passereau ; coquetter des cocqs, de même les mots de
tret & trotter, de frie & friture, de cliquetis, esclat, etc. Mais revenons à
la définition de l’onomatopée, proposée par Furetière :
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54 Danguolė Melnikienė
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L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu » 55
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56 Danguolė Melnikienė
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L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu » 57
son auteur est « un enregistrement très étendu des usages de la langue »
(Littré 1873 : III), nous y retrouvons enfin non seulement coquerico,
mot imitatif préféré des dictionnaires antérieurs, mais aussi d’autres
voix « authentiques », à savoir, miaou et ronron. Mais avant de procéder
à l’analyse de ces articles, jetons un coup d’œil rapide sur celui de
l’Onomatopée.
La première acception du mot, formulée par Littré, s’inscrit
parfaitement dans les observations grammaticales et lexicographiques
de ses prédécesseurs. L’onomatopée est tout d’abord traitée comme le
terme de grammaire qui sert à désigner la « formation d’un mot dont
le son est imitatif de la chose qu’il signifie ». Pour les illustrations,
Littré recourt aux exemples cités, à savoir ceux de Rollin, Dumarsais et
Diderot, les trois grandes autorités du XVIIIe siècle6.
Pour la deuxième acception, Littré se réfère, de toute évidence,
à la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie française. Pour lui
les onomatopées sont donc non seulement les moyens de formation des
mots, mais aussi « des mots imitatifs eux-mêmes ». Littré réutilise un
exemple de l’Académie, à savoir le Dictionnaire des onomatopées fran-
çaises.
La troisième et la dernière acception de l’onomatopée chez Littré
reste assez obscure. Il estime qu’« en un sens plus large, on applique
quelquefois aujourd’hui le nom d’onomatopée aux cris qui naturelle-
ment accompagnent certains gestes ». Faute d’exemples, nous n’avons
qu’à prétendre qu’il s’agit probablement des cris émotifs comme ah !
(bruit marquant la satisfaction), aïe ! (marquant la douleur), ouf ! (bruit
de soupir étouffé manifestant une douleur soudaine). S’il en est ainsi,
on est face à la confusion entre de « vraies » interjections (sous-classe
des interjections modales) et les onomatopées (sous-classe des interjec-
tions dictales) qui perdurera jusqu’au XXIe siècle (Melnikienė 2016 :
117–127). Mais revenons donc aux articles de miaou et de coquerico :
Coquerico
(ko-ke-ri-ko) s. m.
• Chant du coq.
6 Charles Rollin est recteur de l’Université de Paris à 33 ans (en 1694), puis prin-
cipal du collège dit de Beauvais : il est à nouveau recteur en 1720. Du milieu du
XVIIIe au milieu du XIXe, c’est la référence pédagogique par excellence.
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58 Danguolė Melnikienė
ÉTYMOLOGIE
Onomatopée.
Miaou
(mi-a-ou) onomatopée
• qui exprime le cri du chat. S. m. Un chat. Un petit miaou.
Ronron
(ron-ron) s. m.
• 1 Sorte de petit grognement continu produit par le chat, et qui marque le
contentement. Minette fait son ronron.
• 2 Par extension, bruit monotone comparé au ronron du chat. Figurez-vous
[à l’opéra] un charivari sans fin d’instruments sans mélodie, un ronron
traînant et perpétuel de basses ; chose la plus lugubre, la plus assommante
que j’aie entendue, [Rousseau, Hél. II, 23]
ÉTYMOLOGIE
Onomatopée.
Pour les deux premières entrées, Littré propose une glose du même
type : chant du coq = cri du chat, c’est-à-dire, « bruit produit par… ».
La troisième est plus développée, le type de bruit étant plus nuancé
(« sorte de petit grognement continu produit par … »), mais sa structure
est toujours la même. On pourrait s’attendre donc à la description lexi-
cographique analogue et structurée de la même manière. Cependant la
différence entre les deux articles est considérable.
Miaou, qui n’est pas grammaticalement défini, a le statut « offi-
ciel » d’onomatopée. La marque grammaticale s.m. (substantif mascu-
lin) n’apparaît qu’à l’intérieur de l’article quand miaou est traité comme
un substantif, signifiant un chat. C’est un article tout à fait « transpa-
rent » et logique dont l’organisation sera héritée par les dictionnaires de
notre temps.
Les entrées coquerico et ronron, qui ont la même nature linguis-
tique que miaou (l’imitation du son), ne sont pas désignées comme des
onomatopées. Dans ces articles, elles sont attribuées à la classe gram-
maticale des substantifs. L’onomatopée n’est évoquée ici qu’à la fin de
l’article, en parlant de l’étymologie, ce qui nous fait rappeler les for-
mules définitoires, insérées dans les dictionnaires précurseurs, à savoir
« formé par onomatopée », « formé par harmonie imitative ». Dans
ces cas-là, on a l’impression de revenir vers la conception de l’onoma-
topée des siècles précédents, quand elle était traitée seulement comme
« moyen de génération des mots ».
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L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu » 59
frou-frou
(frou-frou)
• Onomatopée dont on se sert pour exprimer le froissement des feuilles, des
vêtements, particulièrement des robes de soie, de taffetas.
Populairement. Faire frou-frou, faire du frou-frou, étaler un grand luxe.
• s.m. Nom vulgaire des oiseaux-mouches.
Au plur. Des frou-frous.
REMARQUE
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60 Danguolė Melnikienė
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L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu » 61
les mots ne sont immuables ni dans leur orthographe, ni dans leur forme, ni
dans leur sens, ni dans leur emploi. Ce ne sont pas des particules inaltérables,
et la fixité n’en est qu’apparente. Une de leurs conditions, est de changer ;
celle-là ne peut être négligée par une lexicographie qui entend les embrasser
toutes. Saisir les mots dans leur mouvement importe, car un mouvement existe
(Littré 1873 : XXXVII).
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62 Danguolė Melnikienė
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L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu » 63
paf
(paf)
• Interj. indiquant un coup donné. Pif, paf, en veux-tu, en voilà.
toc
(tok’) interj.
• Onomatopée d’un bruit, d’un choc sourd. Le loup ne fut pas longtemps à
arriver à la maison de la mère-grand ; il heurte, toc toc ! [Perrault, le Petit
Chaperon rouge.] Lundi dernier, à cette heure-ci à peu près, j’entends à
ma porte, toc toc, [Genlis, Mères riv. t. II, p. 102, dans POUGENS]
8 patatras (pa-ta-trâ) Mot qui exprime par onomatopée le bruit que fait un corps
qui tombe. Je n’y fus pas longtemps qu’aussitôt, patatras, Avec un fort grand
bruit voilà l’esprit à bas, [Régnard, Fol. amour. I, 2]
9 « Je n’ai certainement suffi ni à les réunir tous ni à tous les éclaircir ; et déjà des
trouvailles que je rencontre ou qu’on me signale m’apprennent que des choses
d’un véritable intérêt m’ont échappé. Aussi, dans un si grand ensemble et dans
l’immensité de ces recherches, je n’ai besoin d’aucune modestie pour demander
l’indulgence à l’égard des omissions et des erreurs » (Littré 1873 : XXXVIII).
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64 Danguolė Melnikienė
5. En guise de conclusion
Bibliographie
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L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu » 65
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66 Danguolė Melnikienė
Sources
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Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
Introduction
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68 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
1 À ce sujet, cf. p.ex. la remarque de Leeman (1988 : 125) à propos des diver-
gences dans les jugements de la part d’un groupe de locuteurs natifs (compre-
nant entre autres un linguiste, un lexicographe et un littéraire…) portant sur
l’acceptabilité des expressions de type en tout Naffect.
2 Ainsi par exemple la structure (être) si Adj que… intensifie tout adjectif qui y
figure. De même, grand se combine avec à peu près tous les noms de qualité,
très avec n’importe quel adjectif graduable, beaucoup – avec n’importe quel
verbe désignant un processus quantifiable ou intensifiable, etc., ce qui confère à
ces associations le statut de collocations régulières, voire de syntagmes libres.
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Quelques moyens d’intensification 69
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70 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
3 570 unités distinctes construites en méga-, 313 en giga- et 239 en hypra- dans
le corpus d’Izert 2015.
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Quelques moyens d’intensification 71
Noms [+ abstrait] :
Noms [+ concret] :
[…] dans le cas du GSk, comme vous savez le Giga-Sarko, on peut tomber
dans un oxymoron dû à la contradiction entre giga, tiré du latin « gigas –antis »
(géant), et sa taille […]. (politique)
[…] 007: Méga-Bond ! […] Le célèbre agent 007 revient pour une vingtième
fois […]. (cinéma)
[…] autre enfant de sportif, Sam Alexis Woods, la fille du giga-champion Tiger
Woods […].
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72 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
[…] Nous pensons que notre Président actuel est un giga-menteur […].
[…] moi, j’ai trouvé le job de rêve, avec une méga- chef […].
Je vous mets toutefois sur la voie : dinde aux marrons et bûche au beurre
hypra-calorique (cuisine)
[…] à l’âge de 64 ans, a publié son désormais hypra-célèbre Dracula […]
(culture)
[…] le fond de ciel hypra-noir et hypra-bas […] (météo)
chez « Comme des Garçons » avec des vestes courtes hypra-cintrées [… ]
(mode)
En 2000 les DVD était hypra-coûteux (technologie)
Avec sa nouvelle formule hypra-hydratante, cette coloration […] (produits
de beauté)
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Quelques moyens d’intensification 73
L’analyse de ces séries permet d’observer qu’il n’y a aucune règle fixe
pour l’ordre de ces préfixes. Il n’existe pas de relations hiérarchiques
établies à priori entre les préfixes intensifieurs. Leur place dépend du
choix libre de celui qui se prononce, aucun préfixe n’est plus fort que
les autres. Le même préfixe peut apparaître aussi bien au début d’une
série qu’à la fin d’une autre série. En même temps, ce manque de règle
rend possible de placer les préfixes les plus récents, hypra-, méga- ou
giga-, à la fin d’une série de préfixes, par exemple :
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74 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
Les collocations, formées avec deux noms quantifieurs (une forêt de,
une marée de) choisis pour le besoin de notre analyse, enregistrées par
les dictionnaires de la langue française ne sont pas nombreuses. Le
corpus dictionnairique (provenant de deux dictionnaires d’une grande
extension quantitative et qualitative : Larousse et TLFi) ne comporte
que 17 collocations avec des bases distinctes pour une marée de et
11 collocations pour une forêt de. Les données provenant du Web
français enrichissent considérablement la liste des types de bases qui
acceptent ces deux noms quantifieurs.
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Quelques moyens d’intensification 75
Une forêt de têtes qui occultent une partie des acteurs […]
[…] ils sont noyés dans une forêt de bras et de visages enthousiastes.
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76 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
[…] le plateau se transforme en une forêt de chaises, amenées une à une par
la vieille.
En plein saison, on peut se retrouver à nager entre une forêt de bateaux.
Au loin une forêt de projecteurs forme un bouquet d’ombres et de lumières
[…].
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Quelques moyens d’intensification 77
[…] on se retrouvait submergé par une marée de chiens qui réclamaient des
bisous.
[…] une marée de fourmis se hâtait de sortir […]
[…] ça me fait penser à une marée de rats qui fuient les souterrains […]
4 Blanco (2002 : 69) appelle les collocatifs dans ce type de collocations « déter-
minants nominaux figuratifs ». Les noms collocatifs ne fonctionnent jamais
« comme des déterminants nominaux en dehors de leur emploi figuré ».
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78 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
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Quelques moyens d’intensification 79
Je me mis à crier de terreur. Je crus que je devenais fou moi-même, mais le son
aigu de ma voix me calma soudain […]
Il n’ouvrit point sa bouche que pour faire une seule chose : hurler de remords
et de pleurs.
Malgré les protestations du clerc, le barbier saisit alors une poignée de verges et
frappa le garçon, qui se tortilla et se mit à gémir de douleur.
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80 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
3.2.1. Hurler
Le caractère intense de la manifestation vocale est explicite6 : hurler
c’est ‘parler, crier, chanter de toutes ses forces’ ainsi que ‘pousser des
cris prolongés et violents’ Le dictionnaire note également l’association
entre ce comportement et diverses émotions (hurler de rage, de terreur,
de douleur7) et donne un exemple qu’il désigné (presque) explicitement
comme intensifiant (« Par exagér. C’est d’une laideur à hurler ! »).
3.2.2. Crier
Crier c’est ‘parler fort, élever la voix’ ; un seul exemple d’association
V/Naffect est proposé (crier de douleur8), et le caractère symptomatique
de l’association n’est pas explicité.
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Quelques moyens d’intensification 81
3.2.3. Rugir
Rugir c’est ‘pousser des rugissements, en parlant du lion, de cer-
tains grands fauves’ et, ‘par anal. pousser des cris terribles’ (syno-
nymes proposés: crier, hurler), l’exemple en est rugir de fureur9.
3.2.4. Bégayer
Bégayer c’est ‘souffrir de bégaiement’, l’association avec un affect est
présente dans l’exemple Il bégayait sous le coup de l’émotion10.
3.2.5. Gémir
La définition de gémir est la seule à évoquer explicitement aussi bien
le lien avec un affect que le caractère intense de celui-ci : ‘exprimer
une sensation intense, souffrance, plaisir, d’une voix plaintive et par
des sons inarticulés’ (un des synonymes proposés : crier) ; les affects
mentionnés sont la douleur et le plaisir.
Ce bref survol des définitions lexicographiques permet de constater
le caractère restreint – si ce n’est pas le manque absolu – d’informations
sur la possibilité d’employer les verbes examinés comme intensifieurs des
noms d’affects ; les informations sur les associations préférentielles entre
tel verbe et tel nom d’affect sont également très sommaires.
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82 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
Le même affect peut être intensifié par plus d’un verbe, ainsi p.ex. Naffect
extase s’accompagne du verbe crier :
12 Celle-ci peut être explicite ou à inférer (cf. aussi 4.2) ; dans nos exemples, ce
serait [+imbécile], [+épais] et [+vulgaire].
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Quelques moyens d’intensification 83
Le mari d’une femme qui venait d’accoucher de jumeaux, s’est mis à bégayer
d’émotion14.
Et nous sommes sans doute plusieurs […] qui aurons le courage de mainte-
nir, même dans le fracas de l’indignité, la véritable parole humaine, et son
orchestre à faire pâlir les rossignols15 (ARAGON, Crève-coeur, 1941, p.76)
13 Nous avons mis en gras les éléments présentant les sèmes récurrents (rugir
étant la voix des fauves).
14 Sème [+répétition].
15 Nous avons mis en gras l’expression en question.
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84 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
Les dictionnaires (TLFi, Larousse, NPR) indiquent que faire pâlir peut
signifier ‘rendre jaloux’, mais ne donnent aucune information à propos
de la signification équivalente de blêmir et verdir (si ce n’est de manière
indirecte à travers leur synonymie possible avec pâlir). La jalousie n’est
pas le seul affect dont la pâleur serait le symptôme – cf. NPR : « Faire
pâlir qqn, lui inspirer de la jalousie, du dépit » ; « P. méton. [Sans compl.
prép.] Faire pâlir. Inspirer de la crainte, de l’envie, du dépit, etc. ».
Ces informations bien sommaires concernant ses éléments
constitutifs ne permettent cependant pas à eux seuls d’expliciter le
fonctionnement de la construction examinée.
Jonathan Lajoie a une gueule à faire saliver de jalousie Tom Cruise, Brad
Pitt et tous les anges du paradis (= ‘une gueule extrêmement belle’)
Cette femme était certainement une diva noire […] belle à faire pâlir le soleil
tropical.
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Quelques moyens d’intensification 85
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86 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
17 Du type beau comme un dieu, courir comme un lapin, cf. Izert 2002.
18 Les parangons évoqués sont deux stars françaises de la chanson pour enfants.
19 Dans l’exemple en question, l’isotopie sémantique de l’énoncé est assurée
grâce à la présence de plusieurs éléments (mis ici en gras) relevant des isotopies
parallèles basées sur les sèmes [+italien], [+rouge] et [+spirituel], tous associés
– comme inhérents ou afférents – au parangon Cardinal Mazarin.
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Quelques moyens d’intensification 87
5. Conclusions
Bibliographie
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88 Małgorzata Izert & Ewa Pilecka
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Quelques moyens d’intensification 89
Dictionnaires
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Inès Sfar
1. Introduction
1 Parmi les définitions lexicographiques les plus courantes, celle d’A. Rey (1989 :
X–XI), semble la plus complète : « Le proverbe est un fait de langue. Plus pré-
cisément, une phrase, complète ou elliptique […]. Cette phrase est assez brève
et possède des caractères particuliers, archaïsme, structure particulière ».
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92 Inès sfar
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Le proverbe 93
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94 Inès sfar
Qu’il soit signe ou phrase, le proverbe constitue à la fois une unité inté-
grante en langue, compte tenu des items lexicaux qui le composent, et
une unité intégrée, dès lors qu’il s’insère dans le discours. Il s’agit bel
et bien d’une unité de type « particulier », ou selon la terminologie de
S. Mejri (2017, à paraître, ici-même), d’une « unité de troisième articu-
lation ». Selon lui, la troisième articulation couvre tout ce qui échappe
aux deux premières articulations qui rendent compte, respectivement,
des phonèmes, comme unités minimales et des morphèmes porteurs
de sens, à savoir les unités monolexicales (simples ou construites) et
les unités polylexicales (phrastiques ou non phrastiques). Les trois arti-
culations sont étudiées au niveau du décodage et non de l’encodage
et ont respectivement « une pertinence phonémique, morphémique et
lexicale. » (Mejri, à paraître).
Si nous reprenons les mêmes critères appliqués par S. Mejri (op.
cit.) sur les pragmatèmes, nous n’aurions aucune difficulté à démontrer
que le proverbe est une unité linguistique de troisième articulation :
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Le proverbe 95
ou de second ordre :
Mais c’est déjà le même défaut, ce contresens d’aligner des mots bien sonores
en ne se souciant qu’ensuite du fond. C’est mettre la charrue avant les bœufs.
[PROUST, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 474]
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96 Inès sfar
« Son grand tort [au monde], c’est qu’il tient trop aux apparences et les respecte
trop. Il sait théoriquement que tout ce qui brille n’est pas or, mais il court néan-
moins à ce qui brille ». [Amiel, Journal intime, 1866, p. 277]
ou la cataphore :
« Toute médaille a son revers, et il est bien rare qu’une vertu ne soit pas doublée
d’un vice. Chez les Grecs, l’amour de la liberté est doublé du mépris des lois et
de toute autorité régulière ». [ABOUT, Grèce, 1854, p. 65].
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Le proverbe 97
3. Proverbe et vérité
Comme dit un beau proverbe arabe : les chiens aboient, la caravane passe.
[PROUST, 1918 : 461] (TLFi)
On dit communément : « la plus belle femme du monde ne peut donner que
ce qu’elle a » ; ce qui est très faux : elle donne précisément ce qu’on croit rece-
voir, puisqu’en ce genre c’est l’imagination qui fait le prix de ce qu’on reçoit.
[Chamfort, Max. et pens., 1794, p. 63] (TLFi).
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98 Inès sfar
richesse, c’est-à-dire qu’il vaut mieux être pauvre et joyeux que riche
et malheureux, contrairement à : souvent, abondance de biens ne nuit
pas, qui infère qu’on n’a jamais trop de ce qui est bon ;
(ii) cette valeur de vérité générale n’est pas spécifique au pro-
verbe. Elle s’applique à toutes les phrases sentencieuses puisqu’on la
retrouve dans la définition de la plupart d’entre elles :
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Le proverbe 99
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100 Inès sfar
(1) Il est vrai que « Tel père, tel fils », mais il est vrai aussi que « À père avare,
fils prodigue ».
(2) -A- Tel père, tel fils
-B- Pour toi peut-être, mais pour moi, à père avare, fils prodigue.
Il est clair qu’un tel échange (2) ne choque pas. Ce qui est soumis à varia-
tion, ce n’est pas uniquement le locuteur, mais la situation. La vérité d’un
proverbe ne s’établit pas dans le même univers de croyance que celui d’un
autre. Ainsi, on infère du premier proverbe qu’on hérite le comportement et
les goûts de ses parents (voir telle mère, telle fille / les chiens ne font pas des
chats). L’intervention du proverbe dans la deuxième réplique – attribuée
à un locuteur L2 – entraîne un changement au niveau de la conséquence
du contenu proverbial sur la situation donnée et dénomme une réalité
contraire, celle du fils qui prend une attitude contraire à celle du père.
Prenons un autre exemple. Imaginons qu’un locuteur L1 connaisse
le proverbe qui va à la chasse perd sa place, avec le sens de « qui
change de place, ne peut plus la conquérir à son retour ». Supposons
qu’il soit confronté à la situation suivante : alors qu’il passe la soirée
avec son ami (Locuteur L2) dans un bar, celui-ci doit s’absenter pour
aller téléphoner ; à son retour, L2 constate que sa chaise a été empruntée
par une autre personne. L1 pourra énoncer, à juste titre, le proverbe qui
va à la chasse perd sa place. En effet, la situation vécue correspond
parfaitement au contenu sémantique véhiculé par le proverbe. L2 peut
répondre : Pour toi peut-être, mais pour moi, quand le camelot a pris
son pli, c’est pour toujours.
Les proverbes ont un sens préconstruit qui nécessite un appren-
tissage. Une fois cet apprentissage fait, ils sont associés à des situations
bien déterminées : à chaque situation correspond un énoncé prover-
bial. Y intervient évidemment l’appréciation des situations par les locu-
teurs ; ce qui justifie le choix de la forme proverbiale idoine.
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Le proverbe 101
s’agit d’une vérité linguistique, régie par des règles d’agencement lexi-
cal, des contraintes prosodiques et rythmiques impliquant une structu-
ration sémantique bien définie. En effet, le proverbe donne la possibilité
d’être étudié sous plusieurs dimensions, longuement analysées, et dont
nous évoquerons notamment le niveau prosodique, qui se caractérise
par une fixité rythmique se présentant sous la forme d’une structure
binaire (à bon chat, bon rat / à paroles lourdes, oreilles sourdes) et le
niveau syntaxique, avec ses propriétés spécifiques (concision, absence
de déterminants, absence de verbe, etc. : accoutumance est loi bien
dure / à Rome comme à Rome). Ces deux critères font que n’importe
quel énoncé, respectant ses contraintes, peut acquérir le statut de pro-
verbe, s’il est repris régulièrement dans le discours qui le fixerait dans
la langue. C’est pourquoi, on retrouve des constructions régulières et
des structures récurrentes. Anscombre (1994 : 96) affirme que les trois
formes les plus fréquentes du proverbe sont :
– les structures en Le : les eaux calmes sont les plus profondes, les
yeux sont les fenêtres de l’âme, les belles paroles n’écorchent
pas la langue ;
– les structures en Qui : qui a le temps a la vie, qui aime Martin
aime son chien, qui dort dîne ;
– les structures à article zéro frontal : promesse d’un grand n’est
pas héritage, santé passe richesse, pauvreté n’est pas vice.
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102 Inès sfar
Le proverbe dit vrai lorsqu’il affirme qu’une hirondelle ne fait pas le printemps.
Mais il est vrai qu’il n’y a pas de fumée sans feu.
La vérité du proverbe selon lequel c’est la poule qui chante qui fait l’œuf n’est
plus à vérifier, certes, mais il est vrai aussi que c’est la plus mauvaise roue qui
fait le plus de bruit.
Pour finir, le proverbe n’est autre qu’une « unité lexicale codée, pos-
sédant à la fois une certaine rigidité ou fixité de forme et une certaine
« fixité » référentielle ou stabilité sémantique, qui se traduit par un sens
préconstruit, c’est-à-dire fixé par convention pour tout locuteur, qui fait
donc partie du code linguistique commun » (Kleiber 2000 : 40).
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Le proverbe 103
4 Pour en savoir plus sur la formalisation des unités parémiques sur la base de
classements sémantiques, voir Marcon M., 2018, « Méthode lexico-grammati-
cale pour la recherche de parémies et de séquences phraséologiques sur corpus :
introduction à la parémiologie linguistique basée sur l’usage », in O. Soutet,
I. Sfar, S. Mejri (dirs.), H. Champion, pp. 435–458. Il affirme que les paré-
mies représentent la saturation même du principe de « idiom principle », que
(Sinclair 1991 : 109–110) définit comme l’utilisation de « semi-preconstructed
phrases that constitutes single choices » de la part d’un locuteur. En revanche,
les variantes parémiques et – encore plus – les parémies candidates sont l’ex-
pression la plus prototypique de la présence de séquences préfabriquées prêtes
à l’emploi et aux réemplois.
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104 Inès sfar
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Le proverbe 105
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106 Inès sfar
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Le proverbe 107
5. Conclusion
D’après Kleiber (2018 : 54) « ce sont les faits qui se trouvent dénom-
més par les proverbes ». C’est cette fonction dénominative d’unité de
la troisième articulation que nous avons tenté d’illustrer à travers cette
étude. Les proverbes, au même titre que les unités du lexique, renvoient
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108 Inès sfar
Bibliographie
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Le proverbe 109
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110 Inès sfar
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Le proverbe 111
Ressource en ligne
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Thouraya Ben Amor Ben Hamida
1. Introduction
Le jeu de mots, en tant que champ d’étude, n’est pas un terrain en friche
mais c’est un espace que l’on a surtout exploré sous certains angles aux
dépens d’autres. Le point de vue le moins exploré est, à notre avis, celui
du jeu de mots en tant qu’outil linguistique. En cherchant à cerner les
fondements linguistiques des jeux de mots, nous voudrions souligner
l’intérêt linguistique de ce phénomène. Cette dimension est d’autant plus
importante que le potentiel transversal du jeu de mots est considérable.
Les jeux de mots nous fournissent une esquisse pertinente des
spécificités du système lexical d’une langue du point de vue morpholo-
gique, syntaxique et sémantique. Ils nous renseignent sur les contraintes
internes et combinatoires les plus saillantes des unités lexicales d’une
langue. Ce rôle essentiellement linguistique n’est pas encore conven-
tionnellement reconnu malgré certains écrits qui développent cet aspect
heuristique envisageant le jeu de mots comme un outil d’investigation
linguistique (Mejri 1997, 2008).
Notre objectif principal est de cerner les principaux ressorts
linguistiques des jeux de mots. En tant que branches de la linguistique,
la lexicologie et la sémantique lexicale ne servent pas seulement à
« expliquer les critères d’élaboration des jeux de mots » (Fernández-
Echevarría 2016), elles sont à la source de leur formation.
Sans prétendre à l’exhaustivité, nous commencerons par rappeler
sommairement les différentes approches que les jeux de mots ont sus-
citées avant d’acquérir un intérêt proprement linguistique (§2). Nous
démontrerons ensuite le lien entre les jeux de mots et certaines notions
fondamentales qui relèvent de la linguistique générale (§3) et de la lin-
guistique française (§4).
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114 Thouraya Ben Amor Ben Hamida
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Les fondements linguistiques du jeu de mots 115
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116 Thouraya Ben Amor Ben Hamida
(1) « Quand elle vit le lit vide elle le devint » (Guiraud, 1976 : 11)
(2) « Jean a pris une décision et trois bières. » (Mel’čuk, Clas et Polguère
1995 : 64)
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Les fondements linguistiques du jeu de mots 117
(3) « Les épaules, c’est un beau piédestal pour poser la tête. » (Gourio 2013 : 25)
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118 Thouraya Ben Amor Ben Hamida
(6) « Le livre de poche, tu l’as plus dans la poche, tu l’as dans l’iPhone que
t’as dans la poche. » (Gourio 2013 : 27)
(7) « - Johnny Hallyday, il a plus beaucoup de gardes du corps.
- Il a plus tellement de corps. » (Gourio 2013 : 41)
(8) « Mon meilleur souvenir de bain de mer c’était dans une mare. » (Gourio
2013 : 57)
(9) « La toile cirée dans la cuisine a disparu en même temps que la femme qui
cire. » (Gourio 2013 : 82)
(10) « Je veux pas une formation, je veux un boulot, j’ai déjà une forme et j’ai
pas de travail ! » (Gourio 2013 : 42)
(11) « Le travail, c’est une maladie, d’ailleurs, y’a une médecine pour ça. »
(Gourio 2013 : 44)
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Les fondements linguistiques du jeu de mots 119
Comme tous les énoncés, les jeux de mots se plient aux règles de sélec-
tion, relevant de l’axe paradigmatique, et à celles de combinaison rela-
tives à l’axe syntagmatique. Toutefois, si la signification émane, en
général, de l’interaction entre ces deux axes, le jeu de mots a la parti-
cularité de dédoubler l’un des deux axes ; prenons le cas de l’axe para-
digmatique. Certains jeux de mots sont le résultat d’une gestion très
particulière des rapports verticaux qu’il s’agisse de paradigme formel
(12) ou de paradigme sémantique (13) :
(12) « Un porc altier. Une truie altière. » (Fournier 1992 : 68)
(13) « Si le chameau est le vaisseau du désert, le rat est le hors-bord des
égouts. » (Fournier 1992 : 37)
port
porc altier
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120 Thouraya Ben Amor Ben Hamida
le nom absent mais prévisible port et l’un des lexèmes par relation asso-
ciative porc. C’est ainsi que le jeu de mots sollicite le système linguis-
tique.
Autre configuration du rapport vertical en (13) où hors-bord des
égouts est forgé sur le modèle du cliché qui désigne le chameau, le vais-
seau du désert par substitution paradigmatique de nature sémantique :
vaisseau du désert
hors-bord des égouts
(14) « Il conduit avec prévenance sa délicieuse vieille maman impotente chez
le vétérinaire, pour la faire piquer. » (Fournier 1992 :10)
Nous savons déjà que « le lexique ne doit pas être vu comme une suc-
cession de mots, mais plutôt comme un ensemble de structures (les
structures de valence) organisées chacune autour d’un noyau lexi-
cal » (Muller 2002 [2008] : 28). Les jeux de mots créés par manipulation
des liens paradigmatiques et syntagmatiques interdépendants révèlent
l’existence de microsystèmes linguistiques.
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Les fondements linguistiques du jeu de mots 121
(20) « Les mots ne veulent pas toujours dire la même chose. Au cours du
temps, leur signification évolue.
Exemple : Panier
À l’origine, « panier » désignait exclusivement la corbeille destinée au
pain. De nos jours, sons sens s’est considérablement élargi.
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122 Thouraya Ben Amor Ben Hamida
3.4. L’autonymie
dresser la tête
les cheveux
un membre
etc.
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Les fondements linguistiques du jeu de mots 123
3.5. L’inférence
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124 Thouraya Ben Amor Ben Hamida
(27) « Le cyclone qui a ravagé l’île de la Réunion était d’origine criminelle »
(Fournier 1992 : 11)
(28) « Courageusement, il demanda à ne pas être endormi pendant son
autopsie. » (Fournier 1992 : 15)
3.6. La polysémie
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Les fondements linguistiques du jeu de mots 125
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126 Thouraya Ben Amor Ben Hamida
(32) « Dans une pub intitulée « Les règles de base pour servir le vin », « Le
Figaro » (14/12) publie des lignes qui pourraient faire jaser au sommet de
Copenhague : « N’oubliez pas de déboucher le vin quinze minutes avant
le dîner afin que le gaz carbonique s’en échappe. » Qu’en pensent les
Verts à pied ? » (CE 16/12/09)
(33) « Quand ce grand homme ouvrit d’une main leste la vanne qui allait libé-
rer les eaux en furie, un grand silence d’une minute, à peine troublé par
le bruit de la cataracte, étreignit les cœurs et les âmes. C’est en souvenir
de ce grand instant que l’on baptisa ainsi ce haut lieu touristique : « Les
chut ! du Niagara » (Desproges 1981 : 89–90)
Dans le jeu de mots (33) formé sur les chutes de Niagara, c’est avec
l’amuïssement du e de chute que se crée l’homonymie avec l’interjec-
tion pour demander le silence : chut.
Par ailleurs, l’existence de noms épicènes figure parmi les spéci-
ficités morpho-syntaxiques du français. C’est le cas de chiot qui possède
la même forme pour le masculin et pour le féminin. Par conséquent, il
ne devrait pas se confondre avec le nom chiotte dans ses différentes
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Les fondements linguistiques du jeu de mots 127
(34) « (…) des chiens louches ou borgnes arrachés au ruisseau, dont l’un,
si véritablement épouvantable, qu’on eût dit le fruit des amours contre
nature entre une serpillière écorchée et quatre pieds de tabouret de
prison. Il répondait rarement, et d’une voix de chiotte, au nom de Badin-
guet. » (Desproges 1987 : 80)
Dans cet exemple qui développe une isotopie canine, le foyer du jeu
de mots une voix de chiotte dédouble la lecture en suggérant deux
structures syntaxiques profondes :
(35) « En voyageant en Belgique, il [Alphonse Allais] envoya à l’un de ses amis
un bouchon sur lequel il avait gravé ces simples mots : « SOUVENIR DE
LIEGE ! » (Gagnière 1986 : 13)
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128 Thouraya Ben Amor Ben Hamida
5. Conclusion
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Les fondements linguistiques du jeu de mots 129
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130 Thouraya Ben Amor Ben Hamida
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Pierre-André Buvet
1. Introduction
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134 Pierre-André Buvet
2. Approche typologique
La notion d’être humain est intuitive car elle s’applique à chacun d’entre
nous. Elle est facile à comprendre car nous en avons une connaissance
intrinsèque par la pratique de l’introspection et une connaissance extrin-
sèque à travers notre relation à l’autre. Pour autant, les êtres humains
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Les noms de métier 135
2 Les travaux d’Emile Benveniste sont prototypiques de cette approche, cf. Ben-
veniste 1966 et Benveniste 1977.
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136 Pierre-André Buvet
3 Les frontières entre les noms ethniques et les noms locatifs dits gentilés (c’est-
à-dire en rapport avec une ville, une région, un pays, une communauté de pays
et celles des noms ethniques ont des propriétés communes – par exemple le fait
de s’écrire avec une majuscule à la lettre initiale – sont assez floues.
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Les noms de métier 137
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138 Pierre-André Buvet
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Les noms de métier 139
compte des variantes est fondamentale ici car elles illustrent le concept
de moule phraséologique, cf. infra. Les descripteurs 8 et 9 sont de nature
sémantique. Ils reprennent des informations extraites du dictionnaire
ET_HU_DI ; le premier descripteur spécifie l’hyperclasse, le second
la classe. Les descripteurs 10 à 13 ne sont pas renseignés lorsque
l’information n’existe pas ou n’a pas été identifiée par le lexicographe.
Ils indiquent le secteur d’activité professionnelle concerné par le métier
décrit, cf. Quemada 1984.
Nous indiquons à présent quelles sont les propriétés générales de
noms de métier puis nous examinons successivement leurs propriétés
morphosyntaxiques et leurs propriétés sémantiques.
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140 Pierre-André Buvet
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Les noms de métier 141
Les noms de métier sont surtout des mots construits correspondant à des
noms dérivés et à des noms composés. Les noms dérivés représentent
environ 6% de la nomenclature. Ce sont le plus souvent des noms suf-
fixés. Dans la majorité des cas, les noms suffixés sont formés d’une
base verbale et du suffixe -eur10. Des bases nominales sont toutefois
possibles avec divers suffixes dont le suffixe -eur. Le tableau ci-dessous
rend compte des différents cas de figure :
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142 Pierre-André Buvet
12 Seule la tête nominale chef, par exemple dans chef de service, est une unité
monolexicale ne correspondant pas à un nom de métier
13 Le mot opérationnel a deux acceptions : l’une est prédicative (par exemple dans
Ce soldat est opérationnel), l’autre ne l’est pas, comme dans l’exemple traité
ci-dessus.
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Les noms de métier 143
1) N PREP (DET) N
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144 Pierre-André Buvet
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Les noms de métier 145
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146 Pierre-André Buvet
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Les noms de métier 147
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148 Pierre-André Buvet
14 Sur les notions de prédicat et d’argument mises en avant ici, cf. Blanco et Buvet
2009, Mejri 2017.
15 Certains suffixés sont plus compliqués à analyser. Par exemple, dentiste =>
personne qui soigne les dents.
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Les noms de métier 149
16 Les six règles peuvent faire l’objet d’une représentation sous la forme d’un seul
graphe qui précise toutes les configurations possibles.
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150 Pierre-André Buvet
5. Conclusion
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Les noms de métier 151
Bibliographie
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Àngels Catena
1. Introduction
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154 Àngels Catena
(1) SUGERENCIA
acte de communication langagière et/ou énoncé
~ Y de la persona X a la persona Z sobre el hecho W
Composante centrale :
Communication langagière par laquelle la personne X suggère.1 Y à la
personne Z
et/ou
Énoncé correspondant
3 Par convention, nous représentons les étiquettes sémantiques en police non pro-
portionnelle, les sémantèmes entre guillemets simples, les unités lexicales et les
vocables en majuscules.
4 Nous utilisons le terme lexie comme synonyme d’unité lexicale.
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Les locutions verbales du champ sémantique 155
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156 Àngels Catena
En effet, la définition proposée dans (2) reste imprécise (malgré son effi-
cacité) car elle ne tient pas compte, entre autres, du fait que cette locu-
tion dénote la manifestation d’une opinion sur quelque chose (souvent
par le biais d’un acte de communication langagière) et que cette opinion
est manifestée pour la première fois contre l’opinion générale. Ainsi, il
n’est pas possible d’utiliser cette locution et salir en DEFENSA [DE N]
dans les mêmes contextes :
(4) Cuando le pegaron, salió en defensa de /?? rompió una lanza por su her-
mano y terminó muerto
‘Quand ils l’ont frappé, il a pris la défense de / rompu une lance pour son
frère et il a fini par mourir’7
(5) Cada vez son más y más las personas que salen en defensa de / ??rompen
una lanza por el referéndum.
‘Il y a de plus en plus de personnes qui prennent la défense du / rompent
une lance pour le référendum
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Les locutions verbales du champ sémantique 157
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158 Àngels Catena
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Les locutions verbales du champ sémantique 159
Si l’on s’en tient aux définitions proposées dans le DLE, la lexie de base
(c’est-à-dire, la lexie à partir de laquelle est dérivé le sens des lexies
copolysèmes) serait DAR CALABAZAS I.1 ce qui exclut ce vocable
du champ lexical de communication car cette locution ne contient pas
le semantème ‘dire’ dans sa struture sémantique13.
D’un autre côté, une classe sémantique regroupe toutes les
lexies qui ont la même étiquette sémantique. Dans la JESHE, la classe
sémantique des noms de comunicación lingüística (‘com-
munication langagière’) fait partie à son tour de la classe acto de
comunicación (‘acte de communication’) et a comme étiquettes filles
les classes sémantiques declaración (‘déclaration’), intercambio
de palabras (‘échange de propos’), hecho de preguntar (‘fait
de questionner’), reprimenda (‘réprimande’). Comme il a été signalé
précédemment, il est nécessaire d’identifier la composante centrale de la
définition lexicographique d’une lexie avant de lui attribuer une étiquette
sémantique (qui n’est que la formule standardisée d’une classe de genres
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160 Àngels Catena
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Les locutions verbales du champ sémantique 161
(8) L’effondrement du Grand-Duc nous avait mis en garde contre les périls de
la suffisance (La Vallée des masques, Tarun Tejpal)
(9) Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a
mis en garde mercredi le président américain Donald Trump contre un
éventuel retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le changement
climatique18
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162 Àngels Catena
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Les locutions verbales du champ sémantique 163
Le sens ‘dire’ fait partie des primitifs sémantiques cités dans Wierzbicka
(1996). Selon l’auteur, ce prédicat a deux actants sémantiques obliga-
toires (un agent qui réalise l’acte de communication langagière et le
contenu de cet acte) et deux actants optionnels (celui à qui s’adresse l’acte
de communication et le thème sur lequel on dit quelque chose).
En espagnol et en français, ce sens peut être lexicalisé par les verbes
de parole dire et parler, qui se distinguent par la structure informative à
laquelle ils sont associés. Comme le signale Fernández Lorences (2012),
les verbes du paradigme de parler sont utilisés de préférence pour expri-
mer le thème ou le support de l’information du discours référé tandis que
les verbes du paradigme de dire se sont spécialisés dans l’expression de
l’information communiquée à propos de ce thème, de sorte que X parle de
son livre peut être paraphrasé par ‘X dit quelque chose sur son livre’. Le
sens ‘dire’ fait, donc, partie de la définition de parler même si le deuxième
argument de ce prédicat sémantique (les paroles produites) reste indéter-
miné. Par ailleurs, cet objet du dire que constituent les propos tenus dans
le cas des verbes de parole comme dire se traduit au niveau syntaxique
par des constructions transitives, comme il a été signalé par plusieurs
auteurs20 tandis que les verbes de parole comme parler se caractérisent
par leur intransitivité. En ce qui concerne les locutions, on pourrait penser
qu’il existe, à l’instar des verbes dire et parler, une dichotomie similaire
entre les locutions verbales qui sont utilisées pour faire référence à ce que
l’on dit à propos du thème et celles qui font allusion au thème du discours
20 Cf. Fernández Lorences (2012), Lamiroy & Charolles (2008) ou Pérez Hernán-
dez (2012), entre autres.
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164 Àngels Catena
21 Échelle de transitivité allant du moins transitif au plus transitif : Incise > discours
direct > SN > que P > clitique.
22 Un exemple en espagnol correspond à la locution ECHAR EN CARA (‘repro-
cher’) : Se lo echó en cara (‘il le lui a reproché’) < Le echó en cara que no fuera
amable (‘il lui a reproché de ne pas être aimable) < Le echó en cara su falta de
amabilidad (‘il lui a reproché son manque d’amabilité) < Le echó en cara : « no
eres amable » (‘il lui a reproché : « tu n’es pas aimable ») < « No eres amable »
le echó en cara (« tu n’es pas aimable » lui a-t-il reproché’).
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Les locutions verbales du champ sémantique 165
(12) Lui donner des précisions, des indications, des éclaircissements pour
l’aider à comprendre quelque chose (Larousse)23
(13) Lui donner des explications pour qu’il comprenne. (DPTFE)24
(14) Lui fournir les renseignements nécessaires pour qu’il comprenne claire-
ment (Le Petit Robert)
(15) Aider (quelqu’un) à comprendre quelque chose. (TLFi)25
Nous pouvons observer que dans (12), (13) et (14) le sémantème ‘dire’
fait partie de la composante centrale étant donné qu’EXPLIQUER,
RENSEIGNER ou PRÉCISER sont des actes de communication lan-
gagière. En revanche, le genre prochain de l’exemple (15) correspond à
une action bénéfique vis-à-vis de quelqu’un. Les contextes dans lesquels
apparaît cette locution semblent montrer que la composante centrale ne
correspond pas à un acte de communication langagière car la paraphrase
minimale qui semble plus naturelle dans un énoncé comme (16) est
plutôt factitive ‘X fait26 que Y comprenne Z’ et non pas ‘X donne des
explications à Y à propos de Z’. Par ailleurs, (17) montre que l’on peut
donner des précisions et des explications sans réussir pour autant à ce
que l’autre comprenne :
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Les locutions verbales du champ sémantique 167
(18) Macron caresse dans le sens du poil les Français de Londres […]
Il caresse dans le sens du poil le public, en moyenne âgé de 30 à 50
ans, appuie sur tous les bons boutons. Il parle de « retrouver le goût du
succès », de ne « plus vouloir entendre comme dans l’Eurostar ce matin
qu’un type qui a voulu lancer une start-up n’a pas pu en France et est
venu à Londres, où ça a marché ». « Ça, ça ne doit plus arriver ». La salle
applaudit chaudement. (Libération, 21 février 2017)
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168 Àngels Catena
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Les locutions verbales du champ sémantique 169
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170 Àngels Catena
(19) Les projets de loi qu’il propose sont conformes aux dispositions de la
Charte, et il a ajouté que le ministère avait bien mis tous les points sur
les i à ce sujet.
(20) METTRE LES POINTS SUR LES I : (la personne X ~ à la personne Y à
propos du fait Z) : ‘X étant convaincu que les informations de Y sur Z ne
sont pas claires ou sont insuffisantes et cela ayant causé ou pouvant causer
un comportement de Y qui affecte X négativement | X donne des informa-
tions précises à Y à propos du fait Z dans le but que Y ait connaissance de
ces informations et agisse en conséquence’
(21) La fuente era fiable. No me estaba vendiendo la moto (‘La source était
fiable. Elle n’était pas en train d’essayer de me convaincre’)
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Les locutions verbales du champ sémantique 171
31 ‘X n’était pas en train de me (Y) convaincre’ est ambigu car cela peut signifier
que ‘X ne réussissait pas à me convaincre’ ou bien que ‘X n’essayait pas de me
convaincre’
32 La composante entre parenthèses de la première définition semble être une
composante faible car dans certains contextes il n’est pas clair que X croit que
Z n’est pas vrai. En revanche, le sens 1b implique la non vérité de Z.
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172 Àngels Catena
4. Conclusion
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Les locutions verbales du champ sémantique 173
Bibliographie
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Jan Goes
1. Introduction
Bien que Frei (2011 [1929] : 191) se soit gentiment moqué des construc-
tions avec un « adjectif de relation », en mentionnant des exemples comme
la mutualité silencieuse (Union des sourds-muets) et que des exemples
comme *une cuisinière gazeuse et *un verre pédestre fassent sourire, ces
emplois adjectivaux connaissent une croissance exponentielle. Partout,
on les rencontre, non seulement dans la langue courante (le palais royal
= le palais du roi, l’avion présidentiel = l’avion du président), mais éga-
lement dans la publicité (le brossage dentaire = le brossage des dents),
la météo (l’animation européenne = les images animées de l’Europe), les
textes scientifiques (historiques : la conquête césarienne [de la Gaule] ;
littéraires : l’univers proustien ; économiques : le monde assurantiel ;
géographiques : le massif dunaire, les plaines gangétiques ; politiques :
la bulle sondagiaire1).
Ce type de constructions est sans doute très ancien, le premier
grammairien qui l’ait décrit est très probablement Du Marsais, qui écrit
qu’« un palais de roi est équivalent à un palais royal » (1797 : 182).
Les puristes critiquent ce que Le Bidois (Le Monde, le 29 novembre
1961) appelle l’adjectivite, critique que l’on retrouve dans un courrier
de lecteur du Monde du 27 juin 19942. Les exemples sont intéressants :
1 L’expression est de J.-M. Le Pen, qui hésite entre bulle sondagique et bulle
sondagiaire. (Entendu, France 2, le 23 avril 1995, 21h30).
2 Le Bon Usage (13e édition) écrit : « Cette sorte d’épithète fait l’objet de cri-
tiques » (§ 317b, 1993 : 494).
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178 Jan Goes
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 179
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180 Jan Goes
(2) On était divisé en deux sections, la petite classe et la grande classe. Par
mon âge, j’appartenais réellement à la petite classe, qui contenait une
trentaine de pensionnaires de six à treize ou quatorze ans. [la classe des
petits, la classe des grands] (George Sand, (http://www.cnrtl.fr/lexicogra-
phie/classe, consulté le 18 fév. 2015)
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 181
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182 Jan Goes
Royal
(3) Tout au loin vous voyez le palais royal. (Hietbrinck, 1990 : 7) [du roi, rel.]
(4) X-Factor : le salaire royal du jury. (http://www.staragora.com/, consulté
le 26 juillet 2017). [comme d’un roi, qual.]
(5) Une royale naissance11 [digne d’un roi, qual.] ≠ une naissance royale [au
sein de la famille royale, naissance d’un futur roi, rel.]
(6) Le dîner n’est pas royal, je dois me contenter de sachets déjà périmés […]
(Leeds Internet Corpora (désormais LIC), consulté le 30 juillet 2017)
[comme pour un roi, qual.]
Monumental
(7) La monumentale façade enfin est Renaissance… (Larsson, 1994 : 75)
[~ très grande, impressionnante, qual.]
(8) Au musée des erreurs monumentales, Superphénix figurera entre les
avions renifleurs et le sang contaminé. (Le Monde, 24 fév. 1994 : 9)
[~grand, qual.]
(9) Max est un crétin monumental. [~invétéré, qual.]
(10) Son exceptionnelle richesse archéologique et monumentale (Larsson,
1994 : 140) [en monuments, rel.]
(11) Le cunéiforme monumental [= utilisé pour les monuments, le cunéiforme
des monuments, rel.]
(12) C’est une tâche qui requiert beaucoup de travail, les détails sont monu-
mentaux, mais c’est une tâche que nous entreprenons dans un esprit de
paix. (Le Monde, 20 août 1994 : 4) [très importants, qual.]
Gracieux
(13) Fautil zapper sur Beny More, ou sur Tito Rodriguez qui supplie sa gra-
cieuse compagne de rester à ses côtés ? (Le Monde, 05 mai 1994 : R04)
[pleine de grâce, qual.]
11 FR3, Brigitte Bardot, le vendredi 27 jv. 2017 ; sur la naissance de son bébé, très
suivie par les paparazzi.
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 183
(14) […] des centaines d’oiseaux évoluent dans un ballet gracieux en guise
d’adieux. (LIC, consulté le 28 juillet 2017) [plein de grâce, qual.]
(15) Jean Nouvel n’a pas désarmé : dans un recours gracieux déposé le
1er décembre, (…) (Le Monde, 14 déc. 1994 : 18) [en grâce, rel.]
(16) Il est gracieux et ne pense jamais, (…) (Le Monde, 08 jv.1994 : 20) [plein
de grâce, qual.]
Romanesque
(17) Idées romanesques12 (Kalik, 1967 : 284) [~dignes d’un roman, qual.]
(18) Elle-même (Simone de Beauvoir) a souligné l’attachement qu’elle a tou-
jours manifesté pour la production romanesque. (Kalik, 1967 : 285) [pro-
duction de romans, rel.]
(19) C’était une histoire très romanesque, celle de Joseph Houzé, apprenti hor-
loger […] (LIC, consulté le 30 juillet 2017) [digne d’un roman, qual.]
Cornélien
(20) T’es moche ma mère. Et si tu savais comme je ne t’aime pas! Je te le
dis avec la même sincérité que le « va, je ne te hais point » de Chimène,
dont nous étudions en ce moment le cornélien caractère. (Bazin, cité par
Wilmet, 1981 : 54) [étant donné que Chimène est une authentique héroïne
cornélienne, l’antéposition s’explique comme une sorte d’épithète de
nature (cf. la blanche neige), qual.]
(21) Tel se présente, à l’époque classique, le héros cornélien, dont on imagine
mal qu’il puisse être de basse ou de médiocre condition, […]. Le héros
cornélien, qui est presque toujours un prince ou une princesse, […] (LIC,
consulté le 28 juillet 2017) [héros de Corneille, rel.]
(22) Personnellement, je trouve ce passage poignant, et Cornélius devient ici
un héros cornélien ! (Les tuniques bleues, LIC, consulté le 28 juillet 2017,
requête : cornélien) [héros comme ceux de Corneille, qual.]
(23) Cette visée noble, généreuse, cornélienne, qui ne s’embarrasse pas des
idées de gloire ou de gloriole […] (LIC, consulté le 28 juillet 2017), [‘qui
fait passer son devoir au-dessus de tout’13, qual.]
(24) Parmi les 450 chaînes proposées, le choix est cornélien. (LIC, consulté le
30 juillet 2017) [comme de Corneille, qual.]
12 -esque est un des rares suffixes qui poussent l’adjectif vers un sens qualificatif,
dans la mesure où il signifie « ayant le comportement stéréotypique de Nbase »
(Melis-Puchulu, 1993) : chevaleresque. Selon Kalik, romanesque opère un
retour à son sens d’origine dans production romanesque (de romans).
13 Les interprétations possibles de héros cornélien : ‘héros de Corneille’, ‘héros
comme ceux de Corneille’, ‘qui fait passer son devoir au-dessus de tout’ ont
été décrites par Bartning et Noailly (1993 : 28) pour illustrer l’évolution du
relationnel au qualificatif.
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184 Jan Goes
Populaire
(25) Des milliers de Français sur cette place symbole, […] Un hommage popu-
laire auquel les responsables du PS se joignent. (TF1, le 10 jv. 1996,
décès de F. Mitterrand) [du peuple, rel.]
(26) Une chanson populaire [du peuple, ou très appréciée]
(27) Cette manifestation est populaire. (Les journées du patrimoine ; LIC
consulté le 30 juillet 2017) [très appréciée, qual.]
Japonais
(28) Sa japonaise petite maman. (Forsgren, 1978 : 38) [Elle peut avoir toutes
les qualités d’une « japonaise » stéréotypique : humble, douce, souriante,
sauf celle d’être japonaise (de nationalité), qual.]
(29) Robert, rendu sourd et chauve par un cancer du cerveau, qui s’inclinait
avec une politesse presque japonaise devant chacun des aides-soignants
pour les remercier après un traitement pénible d’irradiation […] LIC,
consulté le 28 juillet 2017) [~comme au japon, de style japonais, qual.]
(30) […] le président William Clinton, lors de sa rencontre avec le premier
ministre japonais […] (LMD14, juillet 1997 : 10) [du Japon, rel.]
(31) Personne ne semble s’occuper de cette insulte japonaise à Mme Cresson.
(Monceaux, 1992 : 75–76) [l’insulte du Japon, rel.]
(32) […] mais j’aurais tendance à dire : soyez pleinement japonais, comme
nous sommes pleinement français […] (LIC, consulté le 30 juillet 2017)
[comme un Japonais, Français, qual.]
Caniculaire
(33) En période caniculaire, les risques pour les compétiteurs comme pour le
public sont importants. ((LIC, consulté le 30 juillet 2017) [de canicule]
(34) La douleur ne supporte pas le soleil, et l’ été de ce drame est caniculaire.
(LIC, consulté le 30 juillet 2017) [de type canicule]
Présidentiel
(35) La voiture présidentielle, encadrée de motards, fermait le cortège des voi-
tures diplomatiques. (Mélis-Puchulu, 1991 : 38) [du président, rel.]
(36) Qui donc ouvrira dans les bras présidentiels le prochain bal de l’Opéra ?
(Le Monde, 27 janv. 1994 : 22) [du président, rel.]
(37) Obama a adopté un ton présidentiel (entendu, déc. 2008) [comme d’un
président15, qual.].
(38) Manuel Valls en Chine : « un agenda très présidentiel » (BFMTV, le
30 janv. 2015) [digne d’un président, comme d’un président, qual.]
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 185
Des exemples ci-dessus on peut déduire que tous les adjectifs déno-
minaux ont effectivement un sens composé : il est formé du SPcR ‘en
relation avec Nbase’, ce qui les rend potentiellement relationnels ; il
s’y ajoute le SPsB (roi, monument, roman…) et éventuellement le sens
du suffixe (ex. :-esque). L’interprétation relationnelle ou qualificative
dépend néanmoins largement du contexte, plus précisément du subs-
tantif porteur. Ce dernier impose soit une interprétation qui favorise le
potentiel caractérisant (un ballet gracieux), métaphorique (un salaire
royal, une façade monumentale, une erreur monumentale16), ou sté-
réotypique (une politesse japonaise) du Nbase, soit une interprétation
relationnelle (le palais du roi, la richesse en monuments, un ministre
du Japon). Comme c’était le cas pour grand, nous estimons qu’il n’est
pas nécessaire de distinguer des adjectifs homonymes populaire1 (du
peuple) et populaire2 (apprécié) ; nerveux1 (le système nerveux), ner-
veux2 (un cheval nerveux), comme l’a fait Bartning en 1980, mais bien
qu’il y a un « flux et reflux » entre l’emploi qualificatif et l’emploi rela-
tionnel (Bartning et Noailly 1993). L’interprétation s’opère en fonction
du substantif porteur (sans exclure évidemment qu’il puisse y avoir des
syntagmes ambigus, comme une chanson populaire). Nous pensons par
conséquent qu’il vaut mieux nuancer la différence entre relationnel et
qualificatif et considérer, comme le fait Wennerberg (cité par Forsgren
(1978 : 37)), qu’il y a des adjectifs statistiquement relationnels (prési-
dentiel) ou statistiquement qualificatifs (gracieux). Par leur dépendance
syntaxico-sémantique du nom porteur, les adjectifs dénominaux, qu’ils
soient statistiquement qualificatifs ou statistiquement relationnels,
s’inscrivent dans la catégorie de l’adjectif (cf. grand)17.
Dans la suite de cet article, nous nous concentrerons sur la face
« relationnelle » des adjectifs dénominaux.
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186 Jan Goes
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 187
(39) les nations baleinières [ ?de la baleine19, qui chassent la baleine, G4]
(40) Dopage : la Russie perd plusieurs chances féminines de médaille. (Orange
actualités, le 31/07/2008) [ ?de femmes remportant une médaille, G1]
(41) Nous sommes entrés dans l’époque de l’irrésistible montée des croyances
identitaires (Kauffman, Burkini. Autopsie d’un fait divers, 2017 : 93)
[liées à l’identité, G2]
19 Cette paraphrase n’est peut-être pas tout à fait à exclure, cf. Là-bas, au nord,
le peuple des rennes (http://www.lefigaro.fr/voyages/2010/12/31/ consulté le
30 juillet 2017).
20 Un seul autre exemple sur la toile, dans Le midi libre du 17 mars 2017, www.
lemidi-dz.com/pdf/download, consulté le 30 juillet 2017.
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188 Jan Goes
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 189
AAsujet
(67) Une histoire de pots-de-vin qui a causé deux morts et 4 démissions minis-
térielles. (TF1, 20/10/1995, 20 h). [démission d’un ministre / un ministre
démissionne ; AA sujet, G4]
(68) […] le christianisme dominant diagnostique un état de possession démo-
niaque avancé. (Le Monde Diplomatique21, août 1994 : 30) [possession du
démon / le démon possède (quelqu’un) ; AA sujet, G1]
(69) On est encore surpris de cette « soudaine maturité, comme si elle était le
fruit d’une intervention divine » s’étonne un chercheur de l’Institut du
Maténadaran, (LMD, juillet 1988 : 8) [intervention de Dieu / Dieu inter-
vient ; AA sujet] Notons encore : appel divin, commandements divins,
création divine, élection divine, inspiration divine, manifestation divine,
réglementation divine. (Dieu est sujet à chaque fois) [G1]
(70) effondrement boursier, dégénérescence cellulaire, développement
embryonnaire, [effondrement de la bourse / la bourse s’effondre ; dégéné-
rescence des cellules / les cellules dégénèrent ; développement de l’em-
bryon / l’embryon se développe ; AA sujet, G4]
21 Désormais LMD.
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190 Jan Goes
(71) (…) pour lutter, dans les années 60, contre la menace communiste dans
le tiers-monde. (LMD, août 1997 : 13) [la menace des communistes / les
communistes menacent ; AA sujet, G2]
(72) (…) construire une digue et combattre l’érosion maritime (…) (LMD,
mai 1996 : 26) [l’érosion de/par la mer / la mer érode, AA sujet, G4]
(73) Personne ne semble s’occuper de cette insulte japonaise à Mme Cresson.
(Monceaux, 1992 : 75–76) (l’insulte du Japon / le Japon insulte Mme
Cresson) [AA sujet, G2]
(74) La promesse américaine au président Thieu de toujours le soutenir. (Hiet-
brinck, 1990 : 79) (la promesse des Américains / les Américains pro-
mettent22) [AA sujet, G2]
(75) La statue a été faite deux cents ans après la conquête césarienne. (Gou-
dineau, Par Toutatis ! Que reste-t-il de la Gaule ?, 2002 : 12) (César a
conquis la Gaule) [AA sujet, G4]
AAObjet
22 Les exemples (76–77) montrent que les adjectifs ethniques peuvent s’interpréter
de deux façons : soit renvoyant au pays, soit à ses habitants. Parfois les deux inter-
prétations sont possibles : insulte, du Japon ou des Japonais ? (exemple 75).
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 191
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192 Jan Goes
Nous avons néanmoins trouvé des exemples qui contredisent ces consta-
tations :
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 193
25 S’ils le font plus facilement que les autres adjectifs, cette caractéristique ne les
en distingue pas nécessairement : « Les deux catégories d’adjectifs [les déno-
minaux et les autres – JG] ont en principe la même possibilité au niveau du
système linguistique d’opérer une classification » (Forsgren 1987 : 268). « Il ne
se trouve aucun adjectif qui ne puisse jamais avoir une valeur de détermination
pure » (Blinkenberg, 1933 : 85).
26 L’auteur royal, Phil Dampier, a raconté à Life & Style […] (http://www.msn.
com/fr-fr/divertissement , Gala, le 28 juillet 2017). Il s’agit d’un écrivain qui
écrit sur/concernant la maison royale d’Angleterre.
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194 Jan Goes
27 Comme pour pain français, il s’agit d’un belgicisme. Le roi n’arrête plus rien
depuis bien longtemps, mais le nom est resté.
28 Elle a d’abord été décrite au Japon.
29 Il est néanmoins très difficile d’évaluer la portée réelle de son étude, étant donné
que sa définition de l’adjectif est différente de la nôtre : elle inclut, entre autres, les
adjectifs numéraux, qui sont actuellement considérés comme des déterminants.
Hug considère également les structures du type « une soirée Anne Sylvestre »
comme des compléments nominaux et les incorpore dans ses statistiques à côté de
structures qui pourraient donner lieu à des adjectifs en emploi relationnel (vol de
nuit / vol nocturne). Ex. : Paris-Mexico-Paris est desservi en vol nocturne. (http://
fr.travelgenio.com/compagnie-aerienne/aeromexico, consulté le 31 juillet 2017).
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 195
(97) Le projet FOS (Français sur Objectif spécifique) que je vais décrire est
une commande faite à l’Alliance Française et qui provient du NCAA
(Ngorogoro Conservatory Area Authority). Le commanditaire est gouver-
nemental. (Carla Ravon, Travail FOS, année universitaire 2016–2017)
30 Je suis très français est par contre qualifiant, cf. l’exemple (32).
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196 Jan Goes
Bibliographie
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Les adjectifs dits « de relation » ou la montée 197
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198 Jan Goes
Sitographie
Google (https://www.google.fr/)
Le Monde sur CD-rom, 1994. Le Monde SARL & Research Publica-
tions International.
Le Monde Diplomatique sur CD-ROM, 1987–1997. CEDROM-SNI,
Outremont : Québec.
Leeds internet corpus (http://corpus.leeds.ac.uk/internet.html).
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Christine Portelance
1. Introduction
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200 Christine Portelance
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Sémantique cognitive 201
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202 Christine Portelance
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Sémantique cognitive 203
L’adjectif présente également une double axiologie selon que l’on utilise
le paramètre hédonique10 (agréable/ désagréable) comme dans vent doux/
vent aigre ou le paramètre d’intensité qui nous concerne ici plus particu-
lièrement. Reliée une expérience fort ancienne de primates11, l’axiologie
doux/amer a servi à sélectionner dans notre passé lointain les aliments
comestibles. L’adjectif doux a comme propriété d’exprimer le pôle faible
de différentes échelles d’intensité de saveurs, soit le pôle non marqué.
9 Voir Le Ny (2005).
10 Dans ce cas, il est souvent difficile de discriminer ce qui origine du goût ou du
toucher comme dans douce peine.
11 Voir Hladik et Pasquet (2004).
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204 Christine Portelance
mais également :
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Sémantique cognitive 205
13 Pour la discussion des rapports entre polysémie et sens vague, voir Geeraerts
(1993).
14 Nous reprenons ici la proposition de Kleiber (1999a : 51, iii) à propos d’une
conception hétérogène du sens.
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206 Christine Portelance
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Sémantique cognitive 207
Plus la tête du syntagme est constituée d’un nom peu spécifique (sys-
tème, méthode, réglage, commande, etc.), plus la série peut s’allonger.
Le modèle de formations le plus courant est le NOM + adjectif, les
composés lourds peuvent combiner des déterminations : ADJ, prép +
NOM comme on le voit en (7) ou présenter des successions d’adjectifs
comme suit :
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208 Christine Portelance
Dans tous ces exemples17, l’adjectif est descriptif : plus le terme est
lourd, plus le terme prend la forme d’une sorte de définition synthé-
tique, chaque adjectif ayant un contenu notionnel déjà défini dans le
domaine.
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Sémantique cognitive 209
18 Cette étude s’étend sur trois décennies : de 1861 avec la création du mot héli-
coptère jusqu’à la première apparition du mot avion en 1891.
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210 Christine Portelance
19 Une « chose » est définie par Langacker comme une région bornée dans un
domaine. En situation de discours lorsque le contexte identifie le domaine,
navigation, employé seul en tant qu’occurrence d’une catégorie, redevient une
région bornée.
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Sémantique cognitive 211
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212 Christine Portelance
« Fait-on des recherches sur Internet ou dans Internet? Cette hésitation est tout
à fait normale puisqu’on peut considérer Internet comme une surface (ce qui
appelle la préposition sur) ou comme un volume (ce qui appelle la préposition
dans). On peut donc utiliser tant la préposition sur que la préposition dans
devant Internet. »
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Sémantique cognitive 213
(14) a. Cette entreprise a effectué des changements dans son réseau de distri-
bution.
Max a trouvé un emploi dans le réseau de la santé.
b. Sur les réseaux sociaux, les commentaires sont souvent vulgaires
Les discussions s’enveniment sur les réseaux sociaux.
6. En guise de conclusion
On peut certes avancer que la principale « tare » ici est d’ériger le flou
en concept et de négliger une description systématique. Il faut peut-
être se rappeler que la sémantique cognitive est née d’une querelle au
sein de la famille générativiste à propos de la sémantique générative
qui, dans la foulée, a été en quelque sorte sacrifiée23; ce conflit a mené
à un schisme opposant la linguistique de Chomsky au MIT à celle de
Lakoff à Berkeley. La première a privilégié un modèle syntaxique sans
sémantique, la syntaxe devenant la théorie linguistique en elle-même, et
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214 Christine Portelance
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Sémantique cognitive 215
Bibliographie
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216 Christine Portelance
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Sémantique cognitive 217
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Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
1. Introduction
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220 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
– Dieu dit : Que la lumière soit! Et la lumière fut. (Genèse 1 : 1–3)1
– Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les
ténèbres (Genèse 1 : 4–5).
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 221
–
Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit une grande lumière ; sur ceux
qui habitaient le pays de l’ombre de la mort, une lumière resplendit (Isaïe 9 :
2).
–
Ton soleil ne se couchera plus, et ta lune ne s’obscurcira plus ; car l’Éternel
sera ta lumière à toujours, et les jours de ton deuil seront passés (Isaïe 60 :
20).
2 Ce symbolisme ne semble pas sans rapport avec la tradition d’allumer des chan-
delles dans la maison de Dieu, ou avec le fait que, dans l’iconographie ortho-
doxe et catholique, les saints soient représentés avec une auréole, qui symbolise
le degré de gloire qui distingue les saints dans le ciel [Littré].
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222 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
fr. siècle des lumières /illustration ; alm. Aufklärung ; ang. age of enlightment ;
esp. siglo de las luces /ilustración ; it. Illuminismo ; rs. эпоха просвещения ;
ar. ،aṣr at-tanwyr ()عصر التنوير ;
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 223
Personne ne croit en lui et pour cause, il est complètement illuminé : porté par
un vrai rêve de grandeur, il veut faire construire un opéra au milieu de la forêt
amazonienne7.
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224 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 225
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226 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 227
français
– idée lumière « excellente idée »
– brillante idée « excellente idée »
– être une lumière (« très intelligent et très instruit » [TLFi])
– lumière des yeux (du regard) « clarté due à la réflexion de la lumière sur les
yeux et qui manifeste l’intelligence, la conviction, l’émotion » [TLFi]
– intelligence rayonnante (TLFi)
– obscurcir « affaiblir intellectuellement, priver de jugement, de discerne-
ment ». p.ex., obscurcir l’âme, /l’entendement [CNTRL]
– obscurcissant « qui ôte la clairvoyance, le discernement » [CNTRL]
– sombre brute « complètement abruti »
– sombre idiot « complètement idiot »
– aveuglément « sans examen, sans réflexion… » [Larousse]
– à l’aveuglette « sans connaître les tenants et aboutissants » [DC]
– l’aveuglement de l’esprit « fait de priver quelqu’un de discernement de
sens critique; état d’une personne privée de discernement, de sens critique
(notamment sous l’empire de la passion) » [TLFi].
– l’amour est aveugle (« une personne amoureuse d’une autre n’en perçoit pas
les défauts »)
– avoir un bandeau sur les yeux « être incapable de comprendre la réalité
à cause d’un préjugé ou d’une croyance ». p.ex. Mais on lit les journaux
comme on aime, un bandeau sur les yeux. On ne cherche pas à comprendre
les faits (M. Proust, 1922 Le Temps retrouvé, p. 751. apud. TLFi)
– mettre un bandeau sur les yeux (de quelqu’un) « tromper (quelqu’un) ».
– ne pas être une lumière! Euphémisme (par litote) pour « être idiot »
– ne pas voir plus loin que le bout de son nez « manquer de clairvoyance »
[TLFi].
arabe
– Fikrah lāmi،ah (* )فكرة المعةbrillante idée « excellente idée »
– ṭl،tlh al-lambah (* )طلعتله اللمبةl’ampoule s’est allumée « avoir soudainement
une excellente idée »
– Allah ،amā ،alā qalbh (* )هللا عمى على قلبهDieu a aveuglé son cœur (euphé-
misme pour « faire une bêtise par manque de réflexion »)
– Al-ḥub ,،mā (* )الحب أعمىl’amour est aveugle
– Mā bishwf ,b،ad min mnākhyrh (* )ما بشوف أبعد من مناخيرهil ne voit pas plus
loin que son nez « manquer de clairvoyance »
– ،alā bāl myn yaly bturqṣ bil،itmeh (* )على بال مين يلى بترقص بالعتمهdans l’esprit
de celui qui danse dans l’obscurité. Phrase proverbiale à propos de « per-
sonnes qui se croient bien plus importantes qu’elles ne le sont » 9
9 http://alansab.net/forum/showthread.php?t=2486
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228 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
français
– clair et franc « sans arrière-pensée » [ TLFi]
– parler clair et net « sincèrement / sans ambigüité » [ACAD]
– dire une chose tout clair « sincèrement / sans ambigüité »
– éclaircir la vérité « rendre publiquement intelligible ce qui était mysté-
rieux »
– transparence « qualité d’une institution qui informe complètement sur son
fonctionnement, ses pratiques » [TLFi]
– obscur “qui se prépare secrètement, dans l’ombre » [TLFi]. p.ex. une obs-
cure conspiration
– être/rester dans l’ombre « à l’abri des regards » / « secrètement » [DC]
– n’être pas venu en lumière « secret » [DUN]
– dans l’ombre « dans l’effacement ». Peut suggérer l’humilité et l’obscurité
assumées ou une activité secrète [REY]
– marcher à l’ombre [argot] « ne pas se faire remarquer » [COL]
– opacité « manque délibéré d’information pour empêcher qu’une chose soit
rendue publique »10
– gouvernement dans l’ombre « pouvoir politique réel exercé secrètement par
des oligarches qui ne font pas partie du gouvernement officiel » (« crypto-
cratie »)
– ténébreux « qui se fait secrètement, dans l’ombre et avec une intention mal-
veillante » p. ex., prêter de ténébreux projets [à quelqu’un] [Larousse]
– porter ombre (archaïque) donner du soupçon [Oudin, apud. DHL]
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 229
– coquin ténébreux, « un homme qui cache avec soin ses manœuvres cou-
pables » [Littré].
arabe
– Takalam biwuḍuḥ (* )تكلم بوضوحparler clairement « s’exprimer de façon
directe », « ne pas tourner autour du pot »
– Nur ،alā nur ()نور على نور11*lumière sur lumière [on le dit d’une personne très
religieuse dont le visage reflète la paix intérieure]
– As-shams mā btetghaṭa bighurbāl ( )الشمس ما بتتغطى بغربال12*on ne peut cou-
vrir le soleil avec une passoire proverbe affirmant que « rien ne peut cacher
la vérité »
– Bukra kul shy byṭla، ،alā ad-ḍaw (* )بكرة كل شي بيطلع على الضوdemain tout sera
illuminé. Proverbe affirmant « on ne doit rien cacher car la vérité apparaîtra
tôt ou tard »
– Shafāfyah (*)شفافيةtransparence « abondance d’information pour éviter la
corruption »
– At-ta ،tym (* )التعتيمopacité « manque délibéré d’information pour empêcher
qu’une chose soit rendue publique »
– At-ta ،tym al ،lamy (* )التعتيم اإلعالميopacité des médias « black out des
médias ».
français
– illustre « dont le renom est très grand du fait de qualités, de mérites extraor-
dinaires ou d’actions exceptionnelles qui s’y attachent » p.ex., l’Illustre
Compagnie : « l’Académie française » [TLFi] ;
– naissance illustre /origine illustre « noble » [TLFi]
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230 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 231
français
– voir le jour /voir la lumière « naître » [TLFi]
– venir à lumière (archaïque) « naître » [DHL]
– donner le jour « engendrer » [TLFi]
– éteindre « détruire, faire disparaître » [Littré]
– s’éteindre « mourir doucement » [Littré]
– mettre à l’ombre « tuer » [DUN]
– extinction « extermination » (p.ex. l’extinction des réformés) [Littré]
– espèce menacée d’extinction / en voie d’extinction « espèce biologique qui
risque de disparaître parce que son rythme de décès dépasse largement celui
des naissances ».
arabe
– ،nṭfa،t sham،ath (* )انطفأت شمعتهsa chandelle s’est éteinte « il est mort ».
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232 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
français
– voir le bout (/la sortie) du tunnel « arriver au bout d’une période difficile »
[TLFi]
– lueur d’espoir / lumière d’espoir « signe permettant un peu d’optimisme »
– rayon d’espérance (TLFi)
– brillant avenir « futur prometteur »
– obscur pressentiment /sombre présage « perception anticipée et irrationnelle
d’un désastre futur »
– sombre avenir « futur où l’on ne prévoit rien de bon ».
arabe
– baṣyṣ ,amal (* )بصيص أملlueur d’espoir « signe permettant un peu d’opti-
misme »
– mustaqbal mushriq (* )مستقبل مشرقfutur brillant « avenir prometteur »
– mustaqbal mubhir (* )مستقبل مبهرfutur impressionnant « avenir prometteur »
– illy ,awalh sharṭ ,akhrh nur ( )اللي أوله شرط آخره نور13*les choses bien commen-
cées finissent dans la lumière. Formule pour justifier certaines précautions
avant de passer un accord avec quelqu’un mustaqbal muthlim ()مستقبل مظلم
*futur sombre « perception anticipée et irrationnelle d’un désastre futur »
– ,ibḥath ،an an-nur dākhil ad-dthalām (* )إبحث عن النور داخل الظالمregarde la
lumière dans l’obscurité « ne te laisse pas vaincre par le pessimisme ».
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 233
14 Par ironie, candide signifie aussi « naïf » (l’innocence devient un défaut par
excès).
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234 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
« celui qui postule une place, une fonction » est un candidat, parce que,
à Rome, pour indiquer qu’il aspirait à une charge ou dignité, il devait
s’habiller de blanc [Littré].
Lever la voile, c’est comme ouvrir une page blanche. Dans les deux cas, on crée
sa route là où il n’y en a pas. (Erik Orsenna)15.
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 235
est noir (« il est moins méchant qu’il ne paraît »), noirs desseins, noirs
complots, etc. Ces images verbales péjoratives, anciennes ou modernes,
sont particulièrement nombreuses, par exemple :
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236 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
[Yawm tbyaḍ wujuh wa taswad wujuh f,ma althyn iswadat wujuhuhm ,akafrtm
ba،da ,ymanikm fathuqu al-,athābah bimā kuntum takfurun
(ْ يَ ْو َم َ ْبيَضُّ ُو ُجوهٌ َوتَس َْودُّ ُو ُجوهٌ ۚ فَأ َ َّما الَّذِينَ اس َْودَّتْ ُو ُجو ُه ُه ْم أ َ َكف َْرتُم بَ ْعدَ إِي َمانِ ُك ْم فَذُوقُوا
َاب بِ َما ُكنتُم ت َ ْكفُ ُرون ْ
َ َ)العَذ
« au jour où certains visages blanchiront, et que d’autres noirciront. A ceux dont
les visages seront noircis [il sera dit]: Avez-vous mécru après avoir eu la foi ? Eh
bien, goûtez au châtiment, pour avoir renié la foi. » (3 : 106)]
L’arabe moderne utilise cette opposition dans des contextes non reli-
gieux :
– qālbh ,abyaḍ (* )قلبه أبيضson cœur est blanc « (locution à propos d’une) per-
sonne magnanime »
– qālbh ,aswad ( * )قلبه أسودson cœur est noir « (locution à propos d’une) per-
sonne rancunière » [Moyen-Orient]
– bāyaḍly wujhy (* )بيضلي وجهيm’avoir blanchi le visage. Locution qui com-
mente une « mauvaise action d’un proche qui nous fait sentir fiers » ;
– sāwādly wujhy (*)سودلي وجهيm’avoir noirci le visage « locution qui com-
mente une mauvaise action d’un proche qui nous fait sentir honteux »
[Moyen-Orient].
– kidthbh byḍah (* )كذبة بيضةmensonge blanc « pieux mensonge ».
– niftāḥ ṣāfḥa byḍah (* )نفتح صفحة بيضةouvrir une page blanche
– tābyiḍ amwal (* )تبيض أموالblanchiment d’argent
– as-souq al-,aswād (* )السوق األسودmarché noir
– al-la,ḥh as-swda, (* )الالئحة السوداءla liste noire
– fkar sāwdawyāh (* )أفكار سوداويةpensées noires
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 237
– labes , ābyāḍ fy al-lyl al-,āswād (* )البس أبيض في الليل االسودs’habiller de blanc
dans la nuit noire « locution qui critique une contradiction entre un acte et
son contexte »
– khāby qrshāk al-,ābyād lāyowmāk al-,āswād ()خبي قرشك األبيض ليومك األسود
*garde ton centime blanc pour ton jour noir « ne gaspille pas aujourd’hui
l’argent qui peut te manquer en cas de besoin »
– al-qrsh al-,ābyād bynfā، bilyowm al-,aswad (* )القرش األبيض بينفع باليوم األسودle
centime blanc est utile dans le jour noir « un sou est un sou »
– ibn albāṭāh al-sowdāh (* )ابن البطة السودةfils du petit canard noir « le vilain
petit canard ».
– lāwla sāwad al-lyl ma kan bāyaḍ an-nāhar ()لوال سواد الليل ما كان بياض النهار
*sans la noirceur de la nuit, la blancheur du jour n’existerait pas ; « à quelque
chose malheur est bon ».
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238 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
…nous avons traversé la longue nuit du Moyen-âge qui s’écoule entre deux
crépuscules, entre les dernières lueurs de la civilisation ancienne et la pre-
mière aube de la civilisation moderne17…
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 239
Schémas 2a, 2b : Extension sémiotique d’un culturème par enchaînement de métaphores,
métonymies et antonymies.
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240 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
6. Conclusions
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 241
Biliographie
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242 Antonio Pamies & Yara El Ghalayini
Dictionnaires
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Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) 243
[CAR] Caradec, François 1988. N’ayons pas peur des mots : Diction-
naire du français argotique et populaire. Paris : Larousse.
[COL] Colin, Jean-Paul & Mevel, Jean-Pierre 1994. Dictionnaire de
l’argot, Paris : Larousse.
[CORAN] http://www.islam4m.com/quran-maktoob.html
[DC] Reverso 2016. Dictionnaire Collaboratif (http://dictionnaire.
reverso.net/).
[DHL] Di Stefano, Giuseppe 2015. Dictionnaire historique des locu-
tions, Thurnout : Brepols.
[DUN] Duneton, Claude 1990. Le bouquet des expressions imagées,
Paris : Seuil.
[HAM.VIB] Hamon, Philippe & Viboud, Albertine 2008. Dictionnaire
thématique du roman de mœurs en France 1814–1914, Paris :
Presses Sorbonne Nouvelle. [LAR] 2011 Dictionnaire de fran-
çais (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais).
[LITTRÉ] Littré, Émile 1863–1877. Dictionnaire de la langue fran-
çaise (réédition en ligne http://www.littre.org/).
[REY] Rey, Alain & Chantereau, 1991. Dictionnaire des expressions et
locutions, Paris : Le Robert.
[ROB-PAS] Roberts, Edward & Pastor, Bárbara 1997. Diccionario eti-
mológico indoeuropeo de la lengua española, Madrid : Alianza.
[TLFi] ATILF/CNRS 1994–2004. Trésor de la Langue Française Infor-
matisé (http://atilf.atilf.fr/).
[WIK] 2016. Wiktionnaire : Le dictionnaire libre (https://fr.wiktionary.
org).
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Pedro Mogorrón Huerta
1. Introduction
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246 Pedro Mogorrón Huerta
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 247
2. Délimitation
3 Pour nous référer à ces expressions figées, nous utiliserons dans cet article les
sigles EF. Tout au long de ce travail nous pourrons désormais employer les
sigles CVF ou EF.
4 P.H. Anoy (2013). Estudio sintáctico y semántico de las construcciones verbales
fijas en francés de Costa de Marfil, sus equivalencias en español y en francés.
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248 Pedro Mogorrón Huerta
cas est cependant suffisamment important pour permettre d’en tirer des
analyses et des conclusions pertinentes.
Pour l’analyse que réaliserons, étant donné que la BD des
CVF espagnoles diatopiques est beaucoup plus avancée que celle des
expressions du français de Côte d’Ivoire, nous partirons des analyses
de celle-ci et nous réaliserons des comparaisons avec les créations des
CVF du français de Côte d’Ivoire5.
L’information tirée du dépouillement des dictionnaires utilisés
pour sélectionner les EF diatopiques espagnoles montre qu’il s’agit
d’un phénomène d’envergure qui a lieu dans chacun des différents pays
qui utilisent l’espagnol comme langue officielle, avec les origines sui-
vantes6: Argentine : 2 738 ; Bolivie : 878 ; Chili : 1 344 ; Colombie :
802 ; Costa Rica : 697 ; Cuba : 1 445 ; Ecuador : 490 ; El Salvador :
600 ; Guatemala :1 010 ; Honduras : 1 658 ; México : 3 219 ; Nicara-
gua : 1 415 ; Panamá : 568 ; Paraguay : 254 ; Perú : 821 ; Puerto Rico :
1 354 ; République Dominiquaine : 943 ; Uruguay : 720 ; Venezuela :
808 ; etc.
Ces recherches ne sont pas terminées actuellement. Il faut éga-
lement souligner que selon les informations données par les diction-
naires certaines expressions sont utilisées dans un seul pays : aguan-
tar (alguien) bala (resisitir con entereza una situación adversa, DdAm,
México), ahorrar (alguien) camino (1. tomar el sendero más corto,
DdAm, Argentina ; 2 resolver con prontitud y decisión un asunto,
DdAm, Argentina) ; et d’autres expressions peuvent être utilisées par la
population dans deux ou plusieurs pays. P. ex. : hablar (alguien) como
carretilla (hablar mucho sin parar ; DdAM : Paraguay, Puerto Rico,
Ecuador, Perú), bajarse (alguien) de esa nube (dejar una persona de
ser ilusa, DdAm, Colombia, Costa Rica, Cuba, Honduras, Guatemala,
Nicaragua, República Dominicana, Venezuela).
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 249
Ces origines sont cependant parfois à mettre sous réserve, car l’infor-
mation tirée de la BD réalisée en grande partie grâce à la consultation
de nombreux dictionnaires espagnols et hispano-américains, nous a
également permis d’observer que différents dictionnaires signalent des
zones géographiques d’influence et d’usage linguistique différents pour
une même CVF. Ainsi, nous avons trouvé :
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250 Pedro Mogorrón Huerta
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 251
« Il s’agit de CVF qui utilisent des composantes appartenant à l’espagnol et qui
pourraient être senties comme appartenant à l’EspPC mais qui sont caractéris-
tiques de chaque pays en raison de différences culturelles, géographiques, voir
anecdotiques, etc. » (Mogorrón 2015 : 279)
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252 Pedro Mogorrón Huerta
Il est intéressant d’observer que les substantifs les plus employés dans
les CVF hispano-américaines coïncident avec les substantifs les plus
employés en espagnol péninsulaire :
« Une analyse des substantifs les plus utilisés dans la BDT et la BDD (diato-
pique) nous montre que les substantifs les plus employés en espagnol péninsu-
laire ou commun sont également les substantifs les plus employés dans les diffé-
rents pays qui utilisent l’espagnol comme langue officielle. Une analyse lexicale
et sémantique de ces substantifs nous montrerait qu’il s’agit de substantifs qui
font référence aux différentes parties du corps humain : ala, alma, boca, barba,
cabeza, cara, codo, dedo, frente, diente, mano, muela, nariz, ojo, pierna, pie,
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 253
uña ainsi qu’à des termes qui appartiennent aux activités quotidiennes de la
vie de la vie quotidienne : aire, caja, agua, camino, etc. employés par tous les
usagers de l’EspPC et de l’EspDiat » (Mogorrón 2015 : 284).
9 « La tipología 1 ofrece 1335 CVF de las 2030 CVF contenidas en la BD o sea
un 65% del contenido de esta misma BD, eso viene a decir que las CVF cuya
morfología pertenece totalmente al sistema de la lengua francesa ocupan una
gran parte del discurso en francés marfileño » (Anoy 2013 : 394).
10 Nous n’analyserons pas au cours de ce travail les possibles variations diato-
piques des EF de l’espagnol et du français : français de France : verser des
larmes (GR) ; français de Côte d’Ivoire : couler des larmes (SL), etc.
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254 Pedro Mogorrón Huerta
Les substantifs français les plus employés dans les expressions figées
du français de CI sont : « affaire, affectation, ambiance, barreau, besoin,
bic, bouche, blindé, bois, bordereau, broussard, bureau, cabinet, car-
reau, CFA, chefferie, chose, coeur complet, diable, dot, figure, foulard,
grenier, habitat, honte, jeton, lamantin, lune, mademoiselle, maladie,
maquis, médicament, main, négociant, œil, ordalie, papier, parole,
phase, promotion, rideau, ravin, route, solde, sorcier, tablier, traite,
trésor, ventre » (Anoy 2013 : 194). La plupart de ces noms sont et ont
été également employés dans la formation d’EF du français hexagonal
mais il est également intéressant d’observer que la productivité et la
variation phraséologique d’une même langue dans différents pays peut
utiliser des termes qui ne l’ont pas été en français hexagonal comme
nous observons par exemple avec le terme bic :
– tenir le bic (1. SL ; écrire, une lettre, un devoir ; 2.IFA ; pour le prof cor-
riger) ;
– savoir tenir le bic (SL ; être intelligent à l’école);
– pouvoir s’acheter le bic (1. SL ; pouvoir financer les études ; 2. SL ; mani-
fester un intérêt pour lécole) ;
– n’avoir jamais usé le bic (1. SL ; être analphabète ; 2. SL ; n’avoir jamais fait
d’études) ;
– jeter le bic (SL ; abandonner ses études) ;
– se servir du bic rouge (SL ; faire usage du bic rouge) ;
– avoir le bic qui n’écrit plus (SL ; IFA, 1. être impuissant ; 2. être stérile).
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 255
– Argentina: andar (alguien) mal del mate (estar loco, chiflado, tener las fac-
ultades mentales alteradas, DFHA, quechua), colgar (alguien) los guayos
(retirarse de la práctica de futbol, DdAm, mapuche), hacerse algo curuvica
(romperse algo, DHA, guaraní);
– Bolivia: andar (alguien) condor (caminar tambaleándose por la borrachera,
DdAm, quechua);
– Chile: caer (alguien) como patada en la guata (resultar alguien antipático,
DdAm, mapuche), importar alguien/algo una callampa a alguien (no
importar(le) nada alguien/algo a alguien, expresar su indiferencia hacia ella,
DdAm, quechua);
– Colombia: mandar al papayo (matar una persona a alguien, DdAm, ara-
huaco), poner (alguien) tiza (complicarlo, DdAm, náhuatl);
– Costa Rica: estar (algo) hecho picha (1.referido a cosa, rota, hecho jirones,
destrozada, DdAm, maya, 2. estar (alguien) cansado, agotado físicamente,
DdAm, maya);
– Cuba: hacer (alguien) un papalote (perjudicar a alguien, RAE, náhuatl),
picar (alguien) maíz (escribir a mano lentamente, DdAm, arahuaco-taino);
– Ecuador: hacer (alguien) yuca (1. hacer un corte de manga, RAE, arahuaco,
2. mostrar rechazo hacia lo que pide, propone o afirma alguien, RAE arahuaco);
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256 Pedro Mogorrón Huerta
langue Nº de CVF
aimara 1
arahuaco taino 127
cahía 1
cumanagato 5
guaraní 19
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 257
langue Nº de CVF
lenca 1
mapuche 1
maya 7
náhuatl 284
quechua 202
tarasco 2
tehuelche 2
tolteca 1
total 653
Tableau 2
12 Ce travail de recherche serait d’un grand intérêt car il permettrait aux cher-
cheurs de connaître, de même que nous sommes en train de le faire pour l’es-
pagnol, l’origine de chacun de ces termes et les langues locales ayant formé par
hybridation avec le français des EF du français d’Afrique.
13 Il serait aussi très intéressant de savoir si les termes appartenant à des
langues locales parlées dans d’autres pays voisins ont été incorporés à travers
les contacts entre ces peuples ou à travers le français.
14 haramata (transformée en harmattan en anglais puis en français).
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258 Pedro Mogorrón Huerta
– recevoir la cola (1. accepter un cadeau, SL; 2. donner son accord dans une
affaire, SL, yakouba),
– offrir la cola (offrir un gage symbolique, SL, IFA, yakouba),
– aimer awoulaba (avoir un faible pour les femmes, SL, akan),
– préparer le gôpô (préparer les antisèches, SL, bété),
– préserver le n´daya (obtenir la note académique minimale pour avoir une
demi-bourse, SL, n´daya),
– se faire des gombos (se créer un boulot temporaire, SL, bantou),
– partager les gombos (se partager le revenu des petits boulots, SL, bantou),
– souhaiter akwaba (souhaiter la bienvenue, SL, baoulé),
– avoir du gris-gris (avoir des pouvoirs surnaturels, SL, IFA, eve),
– faire du gris-gris à qu’un (faire un envoutement à qu’un, SL, IFA, eve),
– etc.
– payer en aboussan (payer selon le mode du contrat au tiers du produit, SL, IFA) ;
– prendre antilaleka (consommer des produits aphrodisiaques, SL) ;
– savoir logobi (frimer avec mesure, SL) ;
– adorer le bakara (implorer la bénédiction du bakara15, SL) ;
– faire gbass (faire du gris-gris, SL, IFA) ;
– faire du djembé (participer à un groupe floklorique de percussion, SL) ;
– faire du Didiga (faire du théâtre, SL) ;
– être un gahou (être paumé, SL) ;
– etc.
15 Statuette de la fécondité.
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 259
attiéké, placali,) frutas (gombo, cola, etc.) bebidas (kpayôrô, dolo, dèguè, Tiapalo,
gnamankou, koutoukou etc.), los trabajos eventuales o duraderos (Wôro-wôrô,
Djossi, abougnan / abougnon / aboussan, donita, samarakoro etc.)”.
16 Nous avons également relevé des exemples avec : bus, paca, cran, caché, lonjas,
blonda, angulema, marchanta, etc.
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260 Pedro Mogorrón Huerta
Dans le cas de l’Argentine, qui a connu une très forte immigration de pays euro-
péens nous trouvons une grande influence de l’italien dans la langue et dans les
UFS. Par ex : hacer vento y la marroca (DDHA ; de l’italien, vento, argent ; et
marroca, chaîne de montre ; voler l’argent dans la poche d’une personne); darle
el pesto (DDFA ; de l’italien : ti do il pesto, « Je te donne une raclée » ; vaincre,
être supérieur à qq’un) ; etc.
17 Nous avons également relevé des exemples avec : bife, bonche, breik, checazo,
candy, cranque, down, easy, escrache, face, etc.
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 261
invoquer la reine des eaux, SL) ; être une vraie mamiwatta (être une vraie
diabolique , ange et démon, SL).
– cope. (Vient de l’anglais cup s’écrit avec différentes graphies en Côte
d’Ivoire : cop-cope, kop-kope) ; prendre un cope / offrir un cope.
– toutou. (Vient de l’anglais two). Faire toutou (se prostituer, SL, IFA).
– avoir boy-jardinier (avoir un jardinier, SL) ;
– etc.
– igname. (de ñame mot qui désigne le fruit tropical). Ex : couper l’igname
(rompre avec qq’un); avoir de ligname crue dans la bouche (parler sans
arrêt, SL) ; faire des ignames (produire de l’igname, SL), etc.
– griot. (de guriot, valet). Ex : avoir un griot (avoir un suiveur propagandis-
tique, SL) ; jouer les griots (être un lèche-bottes, SL).
– etc.
18
TLFi : MARABOUT, subst. masc.
I. A.1. HIST. Moine-soldat musulman servant dans un couvent fortifié de l’an-
cien empire arabe. (Dict. XIXe et XXe s.).
2. Pieux musulman vénéré comme un saint de son vivant ou après sa
mort. Tedjini n’est plus un saint homme, c’est un saint, et sa maison devient
une chapelle. Selon la coutume des marabouts, il a achevé sa vie à côté de son
tombeau (FROMENTIN, Été Sahara, 1857, p. 268)…P. anal. Sorcier, prêtre
d’une religion fétichiste.
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262 Pedro Mogorrón Huerta
19 Nous ne parlerons pas dans ce travail, ni des CVF (EF, ni des composantes de ces
CVF/EF utilisées par les jeunes lycéens ivoiriens dans leur argot nommé nouchi).
20 Cette EF se compose du dioula wari (argent) + le français fou.
21 Apocope de à bas le costume.
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 263
6. Conclusions
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264 Pedro Mogorrón Huerta
De même que dans le cas des CVF/EF du français de Côte d’Ivoire qui
se forment par hybridation en utilisant des mots français et des mots
des langues locales, le pourcentage de CVF/EF du français de Côte
d’Ivoire22 qui se forme par hybridation en utilisant des mots français
avec des mots appartenant à des langues internationales est nettement
supérieur à celui des expressions espagnoles. À quoi peuvent être due
ces différences numériques dans l’emploi de ces procédés de formation ?
À partir de ces observations, s’ouvrent de nombreuses pistes de
recherche. Ces pourcentages sont les mêmes dans les autres pays de
l’Afrique francophone ? Si oui, pourquoi les langues africaines et inter-
nationales sont davantage utilisées dans la formation des CVF/EF de
Côte d’Ivoire ou du français d’Afrique ? Si non à quoi ces différences
sont-elles dues ?
Bibliographie
22 Il faudrait également corroborer ces résultats avec des CVF/EF d’autres pays de
l’Afrique francophone.
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 265
Dictionnaires
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266 Pedro Mogorrón Huerta
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Similitudes / différences dans les formations diatopiques 267
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Josane Moreira de Oliveira & Marcela Moura Torres Paim
1. Introduction
Dans une analyse contrastive, le linguiste doit tenir compte des normes
linguistiques des groupes sociaux étudiés. Comme elles sont liées à
certaines valeurs socioculturelles, ces variétés présentent des caracté-
ristiques identitaires ; en plus, elles s’influencent les unes les autres
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270 Josane Moreira de Oliveira & Marcela Moura Torres Paim
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La variation lexicale dans le portugais brésilien 271
« Calça comprida, bem larga nos quadris e justa abaixo do joelho, usada para
montar a cavalo. Parte posterior reforçada de um projétil ou de um estojo de
um cartucho. (Encontram-se no culote do estojo o alojamento da cápsula ou
estopilha e a virola pela qual o estojo é extraído do cano) ».
À partir de la similarité des mots – culotte et culote – tous deux sous forme
orale et écrite, l’apprenant peut croire qu’ils ont le même sens dans les
deux langues. Même après avoir pris connaissance des sens de « culotte
», l’étudiant considère comme improbable que ce mot fasse référence à
« cueca » (vêtement pour les hommes) et à « calcinha » (vêtement pour
les femmes). Dû au fait qu’il existe en portugais un mot spécifique pour
ces vêtements intimes de l’homme et de la femme, l’apprenant peut
penser au mot avec un certain embarras, avec un regard égaré, comme
s’il avait trouvé en français une faute qui le mettait dans une situation
inconfortable.
En partant du présupposé que la variation linguistique constitue
une réalité concrète dans la communication, il convient à l’enseignant de
permettre à l’étudiant d’accéder aux différentes variétés de la langue et
de savoir dans quels contextes sociaux il peut utiliser chaque variante. Il
ne peut pas restreindre l’enseignement de la langue et l’activité traductive
à une norme standard privée d’un contexte pragmatique-discursif. Ainsi,
il faut à l’enseignant une préparation qui ne soit pas limitée à la connais-
sance structurale de la langue maternelle et de la langue étrangère.
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272 Josane Moreira de Oliveira & Marcela Moura Torres Paim
É preciso ter na devida conta que unidade não é igualdade; no tecido linguístico
brasileiro, há, decerto, gradações de cores. Minucioso estudo de campo
determinaria, com segurança, várias áreas. O que é certo, porém, é que o
conjunto dos falares brasileiros se coaduna com o princípio da unidade na
diversidade e da diversidade na unidade.2 (Silva Neto 1979 : 632)
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La variation lexicale dans le portugais brésilien 273
[…] enquanto não existir o Atlas Lingüístico do Brasil, não se pode fazer uma
divisão territorial em matéria de dialectologia com bases absolutamente segu-
ras. Tal atlas está muito longe de se tornar realidade. Por isso, não vem de todo
fora de propósito que se tente esse desiderato, embora sua realização seja de
valor duvidoso e sujeita a revisão definitiva quando aparecer o Atlas.3 (Barba-
dinho Neto 2003 : 691)
3 […] puisque l’Atlas Linguistique du Brésil n’existe pas, on ne peut pas faire
une division spatiale dans le domaine de la dialectologie sur des bases absolu-
ment sûres. Un tel atlas est bien loin de devenir réalité. C’est pourquoi, il ne
vient pas du tout sur place d’essayer cet objectif, si bien que sa réalisation est
douteuse et aura besoin d’une révision finale quand l’Atlas sera paru (nous
traduisons nous-mêmes).
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274 Josane Moreira de Oliveira & Marcela Moura Torres Paim
Além do defeito do critério geográfico exclusivo, esta divisão conta com outros:
a língua da chamada Guiana Brasileira se estende à margem direita do Ama-
zonas; que serão idiodialetos?; a influência do castelhano platino na língua da
fronteira com o Uruguai e com a República Argentina não vai a ponto de domi-
nar o nosso subfalar do extremo sul.5 (Barbadinho Neto 2003 : 693)
Une autre proposition qui est abordée par Nascentes est celle de
Rodolfo Garcia (1915), qui a expliqué la continuité spatiale, les
voies de communication, l’homogénéité de cultures ou industries,
les éléments ethniques et, finalement, les glossaires qui contenaient
des « localismes ». La division de Rodolfo Garcia est organisée en
cinq zones : (i) Nord (constituée par les états de Amazonas, Pará et
Maranhão) ; (ii) Nord-orientale (composée par les états de Piauí, Ceará,
Rio Grande do Norte, Paraíba, Pernambuco et Alagoas) ; (iii) centrale-
maritime (constituée par les états de Sergipe, Bahia, Espírito Santo
et Rio de Janeiro) ; (iv) méridionale (composée par les états de São
Paulo, Paraná, Santa Catarina et Rio Grande do Sul) ; et (v) altiplane-
centrale (constituée par les états de Minas Gerais, Goiás et Mato
Grosso). À propos de cette division, Nascentes remarque que la jonction
4 Cette division présente les défauts suivants : elle met ensemble le Nord et le
Nord-Est, si différents ; elle sépare Alagoas des autres états du Nord-Est ; elle
place Espírito Santo et Rio de Janeiro avec Bahia, celle-ci est si différente ; elle
met São Paulo, avec des traits caractéristiques du Sud, à côté de Alagoas, Sergipe,
Bahia, Espírito Santo et Rio de Janeiro ; elle met Minas (sans discrimination) à
côté de Goiás et Mato Grosso ; au Sud, il ne faut que contester le parler de São
Paulo. Comme on peut voir, toute elle imparfaite (Nous traduisons nous-mêmes).
5 Au-delà de la faute du critère géographique exclusif, cette division en a d’autres :
la langue de la Guyane Brésilienne s’étend à la marge droite de l’Amazonas ;
qu’est-ce que c’est idiodialectes ? l’influence du castillan de la Plata dans la
langue de frontière avec l’Uruguai et la République de l’Argentine ne domine
pas notre sousparler de l’extrême Sud (Nous traduisons nous-mêmes).
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La variation lexicale dans le portugais brésilien 275
6 Il y a les fautes suivantes dans cette division : elle met l’état de Maranhão dans
la zone Nord, quand il est intermédiaire entre cette zone et le Nord-Est ; elle
place Rio de Janeiro et le Sud de l’Espírito Santo dans la zone Centrale-mari-
time ; elle met Minas Gerais (sans discrimination) et Goiás avec Mato Grosso
(Nous traduisons nous-mêmes).
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La variation lexicale dans le portugais brésilien 277
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La variation lexicale dans le portugais brésilien 279
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280 Josane Moreira de Oliveira & Marcela Moura Torres Paim
7 Les analyses linguistiques des cartes sélectionnées ont été faites par : L11 –
Vanderci de Andrade Aguilera et Valter Pereira Romano ; L12 – Vanderci de
Andrade Aguilera et Valter Pereira Romano ; L13 – Vanderci de Andrade Agui-
lera, Fabiane Cristina Altino et Hélen Cristina Silva ; L14 – Aparecida Negri
Isquerdo et Daniele de Souza Silva Costa.
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La variation lexicale dans le portugais brésilien 281
le tout petit vers blanc, ridé, qu’on trouve dans la goyave, dans le coco ?
– correspondante à la carte L13 – bicho da goiaba (chenille de goyave)
; question 88 – comment s’appelle le petit insecte à longues pattes qui
chante, siffle à l’oreille des gens la nuit ? – correspondante à la carte
L14 – pernilongo (moustique).
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La variation lexicale dans le portugais brésilien 283
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290 Josane Moreira de Oliveira & Marcela Moura Torres Paim
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La variation lexicale dans le portugais brésilien 291
7. Considérations finales
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292 Josane Moreira de Oliveira & Marcela Moura Torres Paim
(iv) l’Atlas linguistique du Brésil peut contribuer pour les études lexi
cographiques, particulièrement celles qui travaillent sur les dia-
lectes, pour ne pas perdre la richesse dialectale de la langue.
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La variation lexicale dans le portugais brésilien 293
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Xavier Blanco
1. Introduction
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296 Xavier Blanco
qui permet de délimiter une classe, dans la mesure où, dans un sens
déterminé, il se combine de préférence avec des compléments apparte-
nant à une classe sémantique donnée. Ainsi, par exemple, dégainer est
un opérateur approprié aux Armes blanches parce que, dans son accep-
tion ‘tirer de son fourreau (dans l’intention de se battre)’, il sélectionne
des armes blanches en tant qu’objet direct.
Un opérateur approprié permet rarement de délimiter par lui-
même une classe. On se sert alors de l’intersection de plusieurs opé-
rateurs qui, considérés en tant qu’ensemble, constituent la grammaire
locale (Gross 1995) de la classe en question. La grammaire locale des
Armes blanches comprendra, donc, des opérateurs comme dégainer,
trancher, blesser, enfoncer, mais aussi des substantifs comme entaille,
pénétration, des adjectifs comme aiguisé, à double tranchant, ou des
méronymes comme hampe, lame, gouttière… Le fait de décrire les
grammaires locales que l’on peut repérer dans un ouvrage ou dans une
série d’ouvrages permet de dresser un panorama des ressources lexi-
cales et syntaxiques déployées par un auteur par rapport à un besoin
expressif précis. C’est donc d’une série d’ébauches de grammaires
locales que sera, pour l’essentiel, composé notre travail.
Concernant la structure de cette étude, nous commencerons par
présenter la notion de combat singulier (alinéa 2). Nous préciserons
quels sont les éléments constitutifs du combat singulier, que nous pas-
serons ensuite successivement en revue. L’alinéa 3 traitera des armes
offensives (armes d’estoc, d’hast, de trait et de jet), l’alinéa 4 du dépla-
cement offensif, l’alinéa 5 des coups (aussi bien ceux qui sont portés sur
l’armement défensif que ceux dont on précise l’effet sur une partie du
corps du combattant), l’alinéa 6 de la chute d’un des chevaliers (ou des
deux) et, finalement, l’alinéa 7 traitera des ressources lexicales et des
constructions employées pour faire référence à la mort d’un guerrier.
De façon générale, les vers cités sont accompagnés de leur tra-
duction publiée. Au fil de la description, nous avons fait un certain
nombre d’observations concernant la traduction en français moderne
des unités lexicales et des constructions observées. Bien que ces réfé-
rences ne soient pas systématiques, notre travail présente une orienta-
tion claire vers la propédeutique de la traduction dans la mesure où la
mise en évidence de l’ensemble des ressources lexicales que l’auteur
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Sémantique lexicale et combinatoire 297
met en œuvre dans son texte devrait permettre d’opérer (ou d’évaluer)
des choix de traduction.
Nous ne discuterons pas de la tradition textuelle du Roman
de Thèbes. Précisons toutefois qu’il nous a été transmis par cinq
manuscrits, dont deux connaissent des éditions récentes3 et accessibles,
accompagnées d’une traduction en français moderne : le ms C (Paris,
BNF fr. 784, fol. 1–67a), en dialecte francien, édité par Aimé Petit en
2008, et le ms S, anglo-normand (Londres, Brit. Mus., Add. 34114,
ex-Spalding, fol. 164a-226d), édité par Francine Mora-Lebrun en 1995.
Nous avons choisi de travailler sur cette dernière édition, car, bien que
le manuscrit S soit plus tardif (il a été copié en Angleterre entre 1370
et 1406, alors que le manuscrit C aurait été produit vers la moitié du
XIIIe siècle), il est considéré comme étant le plus conservateur et le plus
fidèle reflet de la version primitive du Roman de Thèbes. Cela est proba-
blement dû au fait que le scribe qui a copié ce manuscrit ne connaissait
pas bien le français et n’a donc pas effectué de modifications. Nezirović
(1973 : passim) a bien mis en évidence comment le copiste du manus-
crit C a introduit des changements notables sur plusieurs questions
touchant la civilisation et les mœurs de son époque (des questions qui
concernent, par exemple, l’attitude des rois, qu’il essaie de dignifier),
afin de flatter le goût et ménager la sensibilité de son public.
Par ailleurs, une édition numérique du manuscrit C (celle de
G. Raynaud de Lage, 2 vol. 1966 et 1968) est disponible en ligne dans
la Base du Français médiéval (BFM). Il nous a semblé, donc, que nous
ferions œuvre utile en présentant, pour le sujet qui nous occupe, les
contextes correspondant au ms S, puisque le ms C est beaucoup plus
facile d’interroger grâce à l’interface de la BFM. En plus, la numé-
rotation des vers coïncide avec l’édition d’A. Petit, qui devient ainsi,
à son tour, aisément consultable, tandis que ce n’est pas le cas pour
l’édition de Mora-Lebrun. Le lecteur intéressé pourra donc, sans trop
de peine, procéder à des comparaisons entre les contextes du ms S que
nous avons mis en évidence et les contextes équivalents du ms C en
interrogeant la BFM sur les mots-clés pertinents (pourvu que l’écueil
des variantes graphiques ne pose pas trop de problèmes).
3 Citons aussi la toute récente édition de Luca di Sabatino (2016) chez Classiques
Garnier, qui correspond au manuscrit A (Paris, BNF, fr. 375, fol 36r-67v).
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298 Xavier Blanco
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Sémantique lexicale et combinatoire 299
4 Bien que nous l’ayons établi sans avoir encore pris connaissance de l’ouvrage
de Rychner, il se trouve que la structuration en éléments que nous proposons est
très proche de celle proposée par cet auteur pour le motif du combat singulier
à la lance, qu’il distingue du motif du combat singulier à l’épée (1955 : 141).
Rychner distingue sept éléments fixes composant le motif complet : 1. Éperonner
le cheval, 2. Brandir la lance, 3. Frapper, 4. Briser l’écu de l’adversaire,
5. Rompre son haubert ou sa brogne, 6. Lui passer la lance au travers du corps
ou alors le manquer, l’érafler seulement, 7. L’abattre à bas de son cheval, le plus
souvent mort. Il prend soin de préciser que « « l’un ou l’autre de ces éléments
manque souvent ».
5 Les étiquettes sémantiques sont un moyen de formaliser le sens en lexicologie,
sur cette notion cf. Polguère (2011).
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300 Xavier Blanco
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306 Xavier Blanco
01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15
ID. ARMES x x x x x
OFFENSIVES
ACTION DE SE x x x x x
DÉPLACER
sur armes défen- x x x x x x x x
sives x x x
sur partie du corps
x x x x x
COUP(S)
avec pénétration
raté x
esquivé
CHUTE x x x x x x x x
MORT x x x ‘x’ x x x x x
16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
ID. ARMES x
OFFENSIVES
ACTION DE SE x x x x x x x x x x x x x
DÉPLACER
sur armes défen- x x x x x x x x x
sives x x x x x x x x
sur partie du corps
x x
COUP(S)
avec pénétration
raté x x
esquivé
CHUTE x x x x x x x x x x x
MORT x x x x ‘x’ x x x
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Sémantique lexicale et combinatoire 307
31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44
ID. ARMES x x x
OFFENSIVES
ACTION DE SE x x x x x x x
DÉPLACER
sur armes défen- x x x x x x x
sives x ‘x’ x x x x x
sur partie du corps
x
COUP(S)
avec pénétration
raté x x
esquivé x x x
CHUTE ‘x’ x x x x x x x x
MORT x x x x x x x
Comme nous l’avons déjà signalé plus haut, l’élément Coup est défini-
toire et, par conséquent, présent dans tous les combats. Nous marquons,
donc, cinq de ses possibles caractéristiques. Notons que le Coup peut
ne présenter aucune de ces cinq précisions. Si aucun autre élément du
motif n’est présent (c’est le cas pour les combats nº 4 et nº 5), la colonne
correspondante apparaît vide.
Le signe x marque la présence de l’élément correspondant. Le
x entre guillemets simples (‘x’) indique que l’élément est bel et bien
mentionné par rapport au combat en question, mais avec une polarité
négative ou sous le mode hypothétique. Ainsi par exemple, l’élément
Chute se trouve dans les combats nº 28 et nº 31, mais la chute ne se
produit pas de façon effective : por poi ne l’abat de la sele (6197) ; por
poi nel mist jus del cheval (6594). La même chose par rapport à l’élément
Mort dans por poi ne l’ad mort abatu (5967) ou dans Si li colps alast
bien a dreit, / le rei laissast el champ tout freit (7275). Les hauberts, qui
ne cessent de céder dans les autres combats, résistent dans le combat
nº 36 où Polynice affronte pour la première fois Étéocle : escu sont bien
enfondré, / mais li hauberc sont bien serré ; / li hauberc sont serré et
fort / qui lez guarirent bien de mort (le combat ne saurait se terminer sur
la mort d’un des deux combattants puisqu’ils sont destinés à s’entretuer
plus tard).
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308 Xavier Blanco
Figure 1 Figure 2
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Sémantique lexicale et combinatoire 309
13 Bien entendu, cela dépend, en dernière instance, de la définition que l’on adopte
de cliché formulaire. À notre avis, un cliché formulaire ne prend pas appui
uniquement sur des unités lexicales concrètes et leur agencement, mais sur l’ap-
parition de certains schémas d’arguments paraphrastiques. La récurrence stric-
tement lexicale peut être, donc, limitée tout en constatant cependant le recours
à un cliché.
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310 Xavier Blanco
3.1. L’épée
La forme la plus usuelle est espé, mais nous trouvons aussi les variantes
espée, espié, le synonyme brant (brans) et les méronymes à valeur
synonymique alemele (‘lame’) et fer :
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Sémantique lexicale et combinatoire 311
hanste out frainte, s’espé trait comme il avait rompu sa lance, il tire son
épée (11032)
Molt trencha bien le jour s’espé, Son épée trancha très bien ce jour-là (5182)
et son espié vait palmeiant, tout en brandissant son épée, (11942)
Donc traist s’espié nue Il tire alors son épée nue (11704)
d’un bon espié qui fut trenchant d’une bonne épée bien tranchante (11396)
Les formes espee, espé (du latin impérial spatha ‘spatule’) sont celles
qui seraient attendues dans la mesure où elles ne sont pas ambiguës. Par
contre, la forme espié (qui apparaît aussi dans l’édition d’A. Petit, p. ex.
C_4742 l’espié brandist point l’auferrant) mais que nous ne trouvons
ni dans le FEW ni dans GODEFROY, est problématique parce qu’elle
peut faire référence soit à ‘épée’ soit à ‘épieu’ (cf. 3.2.). En général,
la présence d’opérateurs appropriés permet de désambiguïser. Notons
aussi que dans le contexte ci-dessus, il y a une alternance des formes
espié/espé :
15 Les occurrences que nous avons repérées dans Thèbes n’épuisent pas forcé-
ment toutes les possibilités combinatoires d’une forme donnée. Ainsi, par
exemple, dans le Roman d’Eneas, nous trouvons, comme opérateurs appropriés
de ‘épée’, yert fors (mar yert t’espee por euz fors, 2513 ‘tire’), esgrunee (‘ébré-
chée’, 4521), forbie (‘fourbie’, 4554), et les méronymes heux (‘quillon’, 4565),
entretor (‘fusée’, 4566), pons (‘pommeau’, 4571), fuerre (‘fourreau’, 4589)
pour espee (2513).
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312 Xavier Blanco
Et cela aussi bien à cause de la rime espié – abatié que du fait que tra-
verser le corps de l’adversaire est beaucoup plus faisable avec un épieu
(arme d’hast) qu’avec une épée. Le vers 5855 par mie le corps li mist
l’espé, par exemple, fait référence à un épieu. Signalons, cependant, que
dans la Thébaïde (XI, 542), Étéocle est blessé mortellement par l’épée
de Polynice, non par sa lance. En dehors de ce cas, la seule occasion où
il est spécifié qu’une épée a traversé tout le corps d’un homme, c’est
quand il s’est agi d’un suicide :
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Sémantique lexicale et combinatoire 313
Les armes d’hast sont représentées par les formes lance, launce, glaive
et espié. Nous trouvons également la forme peus, qui doit correspondre
à pieu (TLFi : ‘long bâton ferré dont on se servait pour la chasse’)
et les formes haste, hanstes (possible croisement entre le latin hasta
‘lance’ et le germanique harsta ‘gril’, cf. GREIMAS) qui peuvent être
employées pour ‘lance’ (pars pro toto) ou désigner spécifiquement la
hampe d’une lance ou d’un épieu (p. ex. dans et de la haste un grant
tronçon, 4846). Le combat dans lequel s’intègre ce vers (nº 12, Antoine
vs Milon) s’effectue à l’épieu, bien que la forme utilisée (espié) soit
ambiguë (cf. 3.1.) et qu’elle soit accompagnée d’un opérateur (brandist,
4841) qui est nettement plus fréquent avec l’épée16. Nous trouvons aussi
une occurrence de la forme fuz (fût, ‘hampe’) employée pour la lance
par métonymie (11335).
Voici les contextes où l’on peut observer les opérateurs appro-
priés aux armes d’hast :
lances brisier, tronçons voler, des lances se briser, des tronçons voler
(3710)
et des lances et des espees et de leurs lances, de leurs épées
(5026)
si ferit Abum de sa lance il frappe si fort Abas de sa lance (5809)
de sa launce ne de s’espee. ni de sa lance, ni de son épée (6099)
al joindre ount les lances perdues, dès la première rencontre ils ont perdu
leurs lances (10789)
16 C’est sans doute en référence à ce contexte que Donovan (1975 : 115) fait
remarquer : « Nous pouvons noter d’emblée que dans les quatorze exemples
d’attaque à la lance de Thèbes, on ne brandit la lance (ou l’épieu) qu’une fois
(l’espié brandist, 4741) ». Mais il nous semble qu’il se trompe de vers, puisque
dans l’édition qu’il est censé citer (Raynaud de Lage), ce vers est le nº 4742.
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314 Xavier Blanco
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Sémantique lexicale et combinatoire 315
haste était déjà senti comme un archaïsme par le copiste de C, qui tend
donc à le remplacer par les formes hanste et hante, plus modernes.
Une différence doit être faite entre ‘lance’ et ‘épieu’, qui présentent
des caractéristiques différenciées. En effet, même si le texte n’établit
pas une distinction nette entre ces deux types d’armes, l’épieu serait, en
général, une arme de fabrication plus grossière, qui présente une hampe
plus épaisse et plus courte que celle de la lance et qui se termine par un
fer plat. C’est pourquoi l’opérateur brisier sera plus fréquent avec lance
qu’avec espié, tandis que celle-ci apparaîtra souvent avec des formules
comme mettre par mi le corps. Il ne faut cependant pas confondre ce
type d’épieu avec un autre sens de la même forme qui correspond à une
arme de jet (un type de javelot), comme dans lancent espiez set cenz
et plus : ils lancent sept cents épieux, et même plus (3371). Dans la
mesure où espié reste relativement vague dans le texte, trouver un équi-
valent vers une langue étrangère résulte parfois malaisée.
Dans sa traduction à l’espagnol, Paloma Gracia (1997 : passim) se
sert de venablo pour rendre espié, terme qui a l’inconvénient d’être trop
spécialisé dans le domaine de la chasse et de faire référence de façon
claire à une arme de jet (qui correspondrait à peu près à un javelot, cf.
3.3.2.). Un chevalier répugne, en principe, à blesser à distance un autre
chevalier et, dans le combat singulier, l’épieu est utilisé comme arme
d’hast. Les dictionnaires bilingues français-espagnol proposent chuzo
comme arme de guerre, mais cette forme pose problème (en dehors de
sa fâcheuse association à des anciens veilleurs de nuit urbains et à cer-
tains proverbes météorologiques) parce qu’elle désigne une arme d’in-
fanterie, extrêmement simple (un bâton muni d’une pointe de fer), une
sorte de goedendac semblable à ceux qui furent utilisées dans la bataille
de Courtrai en 1302 (la célèbre bataille des Éperons d’or).
Notons que F. Mora-Lebrun, dans quelques passages de sa tra-
duction, semble traiter espié et lance comme synonymes. Ainsi, elle
n’hésite pas à faire alterner les deux formes en faisant référence à la
même arme, celle d’Antoine dans le combat nº 12, à laquelle nous
avons déjà fait référence ci-dessus à propos du terme haste. Voici sa
traduction :
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316 Xavier Blanco
où tant cume hanste li duret ne fait pas référence au fait que la lance
aurait pénétré par effet d’un coup mais, tout bonnement, au fait qu’il
continue à frapper des adversaires jusqu’au moment où il rompt sa
lance (après avoir porté quinze coups).
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Sémantique lexicale et combinatoire 317
el cor li myst son gonfanon dans le corps il le lui enfonce son gonfanon
(4846)
et de la haste un grant tronçon : et un grand tronçon de sa lance (4857)
l’espié li myst par mie le cors il lui passa l’épieu à travers le corps (4680)
oue tout le gonfanon entors. avec le gonfanon entortillé autour (4681)
li fers en saut demie pé fors. le fer en ressort sur la longueur d’un demi-
pied (2016)
que un alne l’en saillit fors. si bien que l’arme ressort sur la longueur
d’une aune (4675)
passe l’en outre demie pié. le faisant dépasser, de l’autre côté, d’un
demi-pied (4755)
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318 Xavier Blanco
maint dart trenchant y ot lancié plus d’une flèche acérée avait été
lancée (3282)
traient saietes et quarreals. ils tirent des flèches et des carreaux
d’arbalète (3301)
Traient saietes, lancent dartes Ils tirent des flèches, lancent des traits
(9047)
le ferit si oue un quarrel le frappa si fort d’un carreau d’arbalète
(3532)
darz esmoluz corre lor laissent faisant filer des traits acérés (5133)
une saiete atant desteise, alors il décoche une flèche (5791)
de saietes et de dardeals, de flèches et de traits (5832)
tant comme l’en poet traire un bozon s’éloignant à portée d’arbalète (6025)
traient quarreas et lancent dars, tirant des carreaux d’arbalète, lançant
des traits (6035)
d’un dart molu jusqu’as penons d’un trait aiguisé qui pénètre jusqu’aux
barbes (6624)
Les opérateurs appropriés aux armes de trait sont les verbes aviser
(‘viser’), destendre, traire (‘tirer’), lancer, launcer ; deux déterminants
nominaux, une gresle de (li gieldon gietent molt grant gresle : les fan-
tassins font pleuvoir une forte grêle, 5831), ploie de (et de saietes si
grant ploié : et une très grande pluie de flèches tomber, 4735), et le par-
ticipe entoschié17 ‘empoisonné’ (Li darz fut entoschié molt fort : Le dard
était empoisonné, 5794). La forme traire peut induire à confusion, dans
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Sémantique lexicale et combinatoire 319
Launcent et traient par orguil, Ils les lancent et les décochent avec violence
(3283)
ne par traire ne par lancier, ni en tirant des traits, ni en lançant des
pierres (3385)
a descovert ensemble traient à découvert ils tirent tous ensemble (8199)
et cil archer forment destendent. et les archers décochent force traits (11404)
traient cinc bacheler legier ; cinq jeunes gens agiles tiraient à l’arc (6734)
que n’i ait plius al tornei trait afin qu’on ne tire plus de traits dans ce
combat (6511)
Menalipus ad fait gent trait : Mélanippe a fait un beau tir (7424)
a un trait ad mort Tydeüs ; d’un seul coup, il a tué Tydée (7425)
car nul rien son trait n’eschive ; car nulle créature ne pouvait esquiver son
trait (5787)
desore y lancent a une fés : lançant des traits sur eux tout d’un coup
(9035)
a tel fais lancent cil desus ceux du dessus lancent une telle quantité de
traits (9039)
Dedenz traient a ceux defors, De la ville les assiégés tirent sur ceux du
dehors (9043)
Quand traire est associé avec lancer ou lancier moyennant une conjonc-
tion copulative, le vers fait souvent référence, de façon synthétique, à
un échange de projectiles et d’armes de jet respectivement, comme la
traduction met en évidence :
lancent et traient par ces places, ils lancent des javelots et des flèches sur
ces places (8983)
Ore ne crieint mais lancier ne traire, Maintenant il ne craint plus les javelots
ni les flèches (6517)
Il ne criement lancier ne traire, Ils ne craignent ni javelots ni flèches
(6587)
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320 Xavier Blanco
Le vers 2533 parle de fer et d’acier pour désigner, par métonymie, des
javelots : Tut y lancent fer et ascire : Tous lancent du fer et de l’acier.
L’archer ou l’arbalétrier sont des hommes d’armes, mais nulle-
ment des chevaliers. Il doivent avoir reçu un entraînement spécifique
(particulièrement dans le cas de l’archer), mais, même si l’auteur peut
reconnaître leur habileté (6178–6179 : Dejoste ot un arbalestier/qui
molt sot bien de son mestier : Non loin se trouvait un arbalétrier/qui
connaissait très bien son métier ; 5786 : icil trait mielz que homme qui
vive : il tirait mieux que personne au monde ; 7213 : de traire esteit
molt forment proz : il savait très bien tirer à l’arc ; 7287 : molt solt
traire et arc ot fort : il savait bien tirer des flèches, et son arc était puis-
sant), ils sont particulièrement mal vus et traités de pautoniers (3532)
(c’est-à-dire, ‘vaurien’, ‘scélérat’), de garçons (7294, à sens péjoratif à
l’époque : ‘goujat’, ‘misérable’, ‘lâche’, cf. GODEFROY), ou encore de
pute gent adverse (5784) (quand il s’agit d’un archer perse : Amintaus
fut uns dus de Perse). Voici d’autres contextes comportant un nom de
combattant équipé d’une arme de trait :
Signalons que, quand un combattant tombe de son cheval par effet d’un
projectile, les verbes ne sont pas trebuchier ou abatre, mais tout sim-
plement choir (‘tomber’) : chiet del cheval morz el chemyn : il tomba de
cheval, mort, sur le chemin (5797).
Quand les archers sont absents ou ont été massacrés, les cheva-
liers peuvent se battre « comme il faut » : Bon torneier des ore y fait /
car onques puis d’arc n’i ot trait, 5910–5911. Ces deux vers sont réu-
tilisés plus tard de façon pratiquement exacte : Bone torneier des ore y
fait : Désormais il fait bon combattre, car onc puis d’arc n’i ot trait : car
jamais plus un arc ne lança un seul trait, 6515–616).
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Sémantique lexicale et combinatoire 321
Ajoutons, pour en finir avec les armes, qu’en dehors des combats singu-
liers nous pouvons trouver occasionnellement d’autres armes, comme
certaines armes contondantes : baston (8841), verge ‘bâton’ (8816),
mace (5081), ou encore une machine de guerre comme le perrier ‘cata-
pulte’ (3333). Le célèbre et temible fou grezeis (‘feu grégois’) est men-
tionné à plusieurs reprises (p. ex. 3353, 4903). Finalement, des pierres
(3309, 3336, 5088), des roches (11923), des brandons, des ardanz
çoches ‘souches’ (5084) ou de l’eau bouillante (3323) peuvent être uti-
lisés dans les cas d’un siège.
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322 Xavier Blanco
(verbales, dans tous les cas) sont : abandoner, aller, apoindre, brocher,
se corer, desserrer, s’esbriver, esporoner, joindre, poindre et torner.
Les combattants sont, en général, à cheval. La plupart des verbes
employés pour dépeindre leurs mouvements sont, donc, appropriés à un
cavalier, jusqu’au point que certains verbes voient leur classe séman-
tique modifiée. C’est le cas, notamment, de esporoner qui est, à l’ori-
gine, un verbe de Coup19 et qui passe à présenter une syntaxe propre à
un verbe de mouvement, employé de façon intransitive avec la nuance
ajoutée de ‘grande vitesse’ :
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Sémantique lexicale et combinatoire 323
molt tost brochent et pas ne faillent ; ils s’élancent à toute allure, sans fai-
blir (6240)
Qui veïst Grés poindre, brochier, […] on avait pu voir les Grecs éperon-
ner, s’élancer (6344)
broche vers lui a grant espelit : fonce vers lui à toute allure (11394)
Au lieu de brocher un cheval (des, avec les éperons), nous avons bro-
cher employé intransitivement. Ces emplois pourront alterner jusqu’en
moyen français, p. ex. dans les Chroniques de Froissart, où nous trou-
vons des emplois transitifs directs, transitifs indirects et intransitifs de
brochier avec des prépositions régissant une destination : DMF, pluis-
seurs chevaliers et esquiers, qui se desiroient a avancier et a faire armes,
brochierent cevaus des esporons, les lances ens es poins et les targes au
col, et entrerent en la riviere. (FROISS., Chron. D., p. 1400, 711). Sitos
que cil Espagnol et François d’un costé les perchurent, il brochièrent
sus yaus et tantost les desconfirent, car il n’i avoit que mesnies et gar-
çons. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375–1400, 21). Si escriièrent clere-
ment li Englès : « Mauni ! Mauni ! » Et s’en feri une partie en ces Fran-
çois, et li aultre partie brochièrent devers le ville. (FROISS., Chron. L.,
III, c.1375–1400, 93). Nous observons même un emploi adverbial où À
brochant (de l’esperon) a pris le sens de ‘à toute vitesse’ : DMF, Li dis
messires Guis et se route s’en vinrent tout à brochant les grans eslais,
jusques en le place où la bataille avoit esté. (FROISS., Chron. L., VI,
c.1375–1400, 130).
Le verbe poindre suit la même logique, avec des contextes comme
poindre a (‘s’élancer contre’), poindre a travers ou même poindre en
qui prend le sens de ‘viser’ :
l’espié grandist, point l’auferant brandit son épieu, éperonne son coursier
(4841)
par ire point a un des lour, avec colère, il s’élance contre l’un des
Thébains (5779)
attaquer tout droit, s’élancer de biais
joindre de dreit, poindre a travers,
(6495)
vers Tydeüs point par le sable s’élançant vers Tydée sur le sable (6591)
entre les rencs point a bandon et entre les lignes il fonce à toute allure
(6610)
Point vers le en l’escu Il s’élance vers Tydée, visant son bouclier
(6697)
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324 Xavier Blanco
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Sémantique lexicale et combinatoire 325
il se desserent, vers eux vienent ; lâchant la bride à leurs chevaux, ils foncent
(9033)
Turnent al gué, vont les ferir : Les autres font demi-tour dans le gué et
vont frapper l’ennemi (10729)
Vers Dorceon Drias en vait : Puis Dyras se dirige vers Dorcée (11031)
5. Les coups
20 Nous trouvons, en plus, une forme rare mais plausible (cobes, 4665) : qui li
premiers cobes en fu soens : le premier coup lui revint.
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326 Xavier Blanco
d’un verbe support neutre et un converse dans le même vers est fré-
quente et marque bien l’échange de coups qu’implique le combat :
Ou sont ore les grantz colees Où sont maintenant les grands coups
(1844)
come savez granz cops de comme tu sais donner de grands coups
branz doner! d’épée (1992)
es escuz granz colps se donerent. se donnant de grands coups sur les
boucliers (7270)
granz colees y done et prent ; donnant et recevant de grands coups
(7536)
de granz colees y fait change : il échange là des coups violents (7537)
por granz cops ferir ne doner. pour frapper ou asséner de grands
coups (7544)
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Sémantique lexicale et combinatoire 327
ne taunz gentz coups ne fist Torpins, et jamais Turpin ne porta d’aussi beaux
coups (5186)
cil lour rendent colees males : et leur portent de rudes coups (11496)
Cil chaït por le cop mortal, Atys, frappé de ce coup mortel (6705)
plius tost li eust le col trenché il lui trancha le cou plus vite (2539)
que uns rasours un peil dolgié qu’un rasoir tranche un cheveu fin
(2540)
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328 Xavier Blanco
Bien que le verbe ferir puisse fonctionner comme support de cop (Molt
veïssiez granz cops ferir : Vous auriez pu voir frapper de bien grands
coups, 11501), le plus souvent il fonctionne comme verbe prédicatif
accompagné d’une série d’intensificateurs ou quantificateurs à carac-
tère adverbial : se fierent (molt forment, molt proz, de tiel aïr, iriement,
par rage, tanz colps, de but, bien, de vertu, de vert si plain a plain, ne
cesse, durement) :
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Sémantique lexicale et combinatoire 329
la veïssiez tanz colps ferir, là vous auriez vu frapper bien des coups
(4866)
que nes augent de but ferir à aller frapper de but en blanc leurs
adversaires (5025)
Alon li ad grant cop rendu Halys a répliqué en lui donnant un grand
coup (5964)
Agenor del ferir ne cesse, Agénor ne cesse de frapper (5982)
del bien ferir pas ne s’oblient. n’oubliant pas de bien frapper (5987)
le tierz ferit si plain a plain et frappa le troisième avec une telle force
(6045)
del bien ferir ne fu pas lent : n’hésitant pas à bien frapper (6080)
del bien ferir pas ne s’oblie ; et n’oublie pas de frapper comme il faut
(5179)
de bien ferir les amoneste il les exhorte à bien frapper (6108)
De vertu li conte se fierent, Les comtes se frappent avec violence
(6142)
et fu bien feruz li estourz ; et l’on échangea de beaux coups dans la
mêlée (6377)
Molt les vont ferant durement Ils ne cessent de les frapper cruellement
(6539)
del bien ferir n’aiez merci ; frappez bien, sans pitié (7449)
et tant bon cop doner a mort que de bons coups mortels donné
(10763)
del bien ferir : ses pers y meine à bien frapper : il mène ses pairs au
combat (6157)
et si ferras molt proz, ceo crei, et tu frapperas très vaillamment, je crois
(6687)
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330 Xavier Blanco
Et le se réciproque :
a un de eux en rent tiel merite, il en récompense si bien l’un d’entre eux
(6365)
Nous distinguerons entre les coups portés sur le bouclier (5.1.1.) et les
coups portés sur le haubert (5.2.2.).
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Sémantique lexicale et combinatoire 331
5.1.1. Le bouclier
Les effets des armes offensives sur l’armement défensif sont mention-
nés de façon réitérée, donnant lieu à certaines des formules les plus
répétées dans les scènes de combat. Nous commencerons par examiner
les contextes contenant escu (‘bouclier’). Nous y observons les verbes :
briser, croissir, croistre, effondrer, enfo(u)ndrer, eschanteler, fendre,
fraindre, froisser, partir, peçoier, pertuiser et poindre. Ils sont proches
des opérateurs que nous avons mis en relief en parlant des armes d’hast
mais (sauf briser-brisier) ils ne coïncident pas avec ceux-ci. Notons
que, pour ce type de verbes, le sujet correspond à un humain, non pas à
l’arme, qui serait en position de complément instrumental.
La variété de verbes pour indiquer que le bouclier a accusé l’effet
d’un coup est remarquable. Rappelons que rapporter un bouclier intact
après une bataille pouvait être considéré un signe de couardise (5735–
5736, Celui tendront a jumentier / comme portera l’escu entier). Il ne
s’agit donc pas d’une simple question descriptive.
La plupart de ces verbes ne sont pas spécifiques au domaine de
l’armement, ils peuvent s’appliquer sur une diversité d’objets. C’est le
cas de briser, partir, effondrer, enfo(u)ndrer, fendre, pertuiser, poindre
(‘faire un trou’). Nous observons, cependant, une certaine spécialisa-
tion de ces formes au sein du Roman de Thèbes, p. ex. avec enfondrer,
esfondrer :
Précisons que le vers 6702, qui peut sembler étrange hors contexte (pour-
quoi poindre ‘un peu’, alors que, en général, plus les coups sont forts,
plus ils sont prisés ?), correspond au combat nº 33, où Tydée n’aurait
pas voulu tuer Atys, qu’il considère beaucoup trop jeune. Mais Tydée
ne réussit pas à contrôler son coup (mais ne poet ameïr sa main / el piz
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332 Xavier Blanco
l’escu li fait fraindre et partir qu’il brise et fend son bouclier (3724)
fiert le en l’escu, tout le il le frappe sur son bouclier, le lui fend
li fent, complètement (4751)
L’escu lui pesceie et fent, Il lui met en pièces et lui fend son bouclier
(4844)
trestout l’escu li fent et fendant et brisant tout son bouclier (4855)
brise ;
l’escu li ad frait et fendu, qu’il lui a brisé et fendu son bouclier (5853)
tout li ad frait et fendu ; le lui a complètement brisé et fendu (5966)
et li escu fendent et les boucliers se fendent et craquent (6373)
croissent ;
tout le li ad frait et fendu ; et le lui a tout brisé et fendu (6698)
et cil escu fendent et freussent les boucliers se fendent et se brisent (10760)
fiert li en l’escu, tout le il le frappe sur son bouclier, le lui fend
li fent, complètement (11033)
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Sémantique lexicale et combinatoire 333
21 Notons qu’A. Petit a fait très justement remarquer que le lexique de Thèbes
évoque souvent Gormont et Isembart (Petit, 1985 : 297 et ss).
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334 Xavier Blanco
5.1.2. Le haubert
Les verbes appropriés à auberc (‘chemise en mailles d’acier tissées’)
sont : fausser, desmaillier, desront, porfendre, defriser, rompre, percer,
enfoundrer. La forme auberc et ses variantes (hauberc, haubers, osberc)
22 Mentionnons, cependant : Cil se defent come leons (1701) (Tydée se défend comme
un lion). Voici un contexte qui contient implicite une comparaison que la traduction
fait ressortir : enz un gué fait de lui sope ; et dans un gué le trempe comme une
soupe, 5963 (soupe ‘tranche de pain sur laquelle on verse le bouillon’).
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Sémantique lexicale et combinatoire 335
sont très fréquentes. Par contre, nous ne trouvons qu’une fois leur qua-
si-synonyme broine23 (DMF : ‘Cuirasse formant tunique, faite d’étoffe
épaisse ou de cuir recouvert d’anneaux ou d’écailles de métal ou bien
de métal’) : nel poet guarir escu ne broine, 4667.
Les verbes rompre, derompre, enfondrer, pourfendre sont d’em-
ploi général, car ils peuvent s’appliquer sur une diversité d’entités, non
seulement sur des équipements défensifs. Le dernier, dans des scènes
de combat, s’applique souvent à la tête ou à des couvre-chefs divers
(‘heaume’, ‘coiffe’), souvent accompagné de jusques es dens.
Bien qu’il présente d’autres acceptions (p. ex. avec des noms abs-
traits, fausser la foy ‘engagement’, fausse son serement ‘serment’), le
verbe fausser a souvent le sens de ‘endommager un objet pendant un
combat’, en général un haubert, un haubergeon ou un harnois, mais
aussi un bassinet, etc.
Le verbe percer admet aussi une combinatoire assez large, mais le DMF
lui assigne quand même une acception spécifique au combat : ‘Blesser
en traversant d’un instrument pointu, d’une arme pointue’. Le verbe
desmaillier (‘briser, rompre les mailles’), quant à lui, est le plus spé-
cifique, puisqu’il s’applique toujours sur un type d’haubert (haubers,
broigne, jazeran…) dans la mesure où maille est un méronyme appro-
prié d’haubert, qui est, par définition une ‘tunique de mailles’ :
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336 Xavier Blanco
La forme defrise est rare. Nous ne l’avons trouvée que dans le Roman
de Thebes, où, par surcroît, elle n’apparaît qu’une fois (l’osberc li desrot
et defrise : il lui déchire et lui ébrèche son haubert, 4812). Elle pourrait
être mise en rapport avec defroisser.
D’autres opérateurs viendraient compléter la grammaire locale
de auberc, comme le verbe rollez (n’i fut la noet rollez haubers : cette
nuit-là, on ne fourbit pas les hauberts, 5368), de roller ou roler, qui
signifie ‘fourbir’ et est spécifique pour pièces d’armure (GODEFROY :
‘fourbir en parlant de heaumes, de cottes de mailles’). Il présente un
emploi figuré (roler le haubert de qqn) qui signifie ‘charger de coups’
(GODEFROY : A ce cop l’on tant porbatu… / Bien hont son hauberc
roulé, De la dame qui fist battre son mari, ms. Berne 354, f° 79).
Nous avons aussi le verbe s’escondist, peu fréquent, qui signi-
fie ‘résister le coup’ (onc li osbercs ne s’escondist : sans que son hau-
bert pût résister, 5775). Nous trouvons également l’adjectif jazerenc
(d’étymologie problématique, comme le signale le DEAF) dont le sens
correspond à ‘fait de mailles de fer (d’œuvre orientale)’. Il est employé
comme épithète de hauberc (falsa li l’auberc jazerenc : qu’il lui fausse
son haubert d’Alger, 6367), mais peut fonctionner en solitaire comme
substantif.
Des expressions comme ne li valut un meaille ou ne lui valut une
chemise24 accompagnent parfois le vers où l’auteur rend compte de la
rupture du haubert et marquent bien l’importance des dégâts :
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Sémantique lexicale et combinatoire 337
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338 Xavier Blanco
Quant à chief (‘tête’), ainsi que pour le col, les coups peuvent corres-
pondre à des décapitations (faire voler, trencher). La combinatoire res-
tante est d’ordre général (ferir), en spécifiant parfois que le coup a été
porté en pleine tête. Il serait seulement à remarquer que les chevaux
sont frappés au front (6029, 10999) :
que le chief fait voler del bu qu’il lui fit voler la tête loin du buste
(5807)
qui trenche bu, qui trenche teste, tranchant des bustes, tranchant des têtes
(6084)
plius tost li eust le col trenché il lui trancha le cou plus vite (2539)
ainz le ferit si en la chiere mais le frappe si fort au visage (5960)
par mie le chief donc le feri, il le frappa alors en pleine tête (8817)
et par mi le chief l’en ferist, et le frappa en pleine tête (8840)
en mie le front fiert l’auferant, frappant son coursier en plein front
(6029)
le cheval fiert en mie le front, mais frappe son cheval au milieu du
front (10999)
Un cas curieux nous est fourni par les vers (6200–6201), où un coup sur
le heaume aurait eu pour effet de raser la barbe et la moustache (gernon)
du chevalier, ainsi que de lui avoir entamé le menton :
La poitrine (piz, pectrine) est une des parties du corps souvent atteintes
par les coups (fiert, grant cop li done) :
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Sémantique lexicale et combinatoire 339
qu’il aconseut, par mie le fent. celui qu’il atteint, il le coupe en deux
(6081)
tout le fendi jusqu’a l’arçon. et le coupa en deux jusqu’à l’arçon de sa
selle (11398)
Et, sans pour autant les couper en deux, certains coups peuvent abattre
cheval et chevalier :
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340 Xavier Blanco
Finalement, nous avons les coups sur les membres ou leurs parties (mais,
braz, poign, braon, talon). Parfois, on précise que le coup tranche une
jambe à un piéton (6043) :
les veines li trenche et les ners ; lui tranchant les veines et les nerfs
(7290)
6. La chute
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Sémantique lexicale et combinatoire 341
et si l’ad mis del cheval jus ; et l’a jeté à bas de son cheval (7484)
sovent y abat chevalier, souvent il renverse des chevaliers (10789)
que del cheval mort le sovine. de sorte qu’il l’abat de son cheval, mort
(11392)
jus aval les fount tresbucher ; mais ils les font culbuter tout en bas
(11497)
jusque les tresbuchent a un fés : jusqu’à ce qu’ils les fassent culbuter d’un
seul coup (11507)
molt les abatent molt les grievent les abattant et les écrasant cruellement
(11511)
des chevals s’abatent arriere ils tombent en arrière de leurs chevaux
(6144)
et des chevals s’abatirent et tombèrent de leurs chevaux (6245)
Cil chaït por le cop mortal Atys, frappéde ce coup mortel (6705)
sur l’erbe verte, del cheval tombe du cheval sur l’herbe verte (6706)
la ou chaïst, molt se blesça quand il était tombé, il s’était gravement
blessé (10749)
tant chevalier chaïr de sele, que de chevaliers désarçonnés (10762)
et Dampius tresbuche del cheval et Daphnée tombe de son cheval (5825)
se désarçonnant mutuellement dans le
et gué, qu’est granz, s’entreabatent
gué, qui était vaste (10786)
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342 Xavier Blanco
7. La mort
mort le tresbuche del destrier : le renverse mort à bas du destrier (3726)
mort le trebuche de la sele. et le renverse, mort, à bas de sa selle (4669)
mort le tresbuche el sablon. et le renverse mort sur le sable (4793)
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Sémantique lexicale et combinatoire 343
mort le tresbuche des arçons, il le renverse mort des arçons de sa selle
(4848)
mort del falvel le tresbucha. il le renversa, mort, de son cheval fauve
(4857)
mort le tresbuche del cheval. qu’il le renversa, mort, de son cheval
(4873)
mort le tresbuche del ferant. il le fait tomber, mort, de son cheval gris
(5777)
mort le tresbuche de la sele. le renversant mort de sa selle (5801)
que mort l’ad jus acravanté. qu’elle le renversa mort en bas (11925)
el gravier mort le tresbucha. le renversant mort sur le gravier (4815)
chiet del cheval morz el chemyn. il tomba de cheval, mort, sur le chemin
(5797)
Cil chaït mort sempres a terre : L’autre tomba mort à terre aussitôt (5856)
el champ l’abat del cheval mort. il le jette mort par terre, à bas de son cheval
(6369)
que del cheval mort le cravente ; qu’il le fait s’écraser, mort, à bas du cheval
(5810)
Et un cas « manqué » :
por poi ne l’ad mort abatu. peu s’en faut qu’il ne l’ait renversé mort
(5967)
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344 Xavier Blanco
Cil qui illoec chiet n’en releve, Celui qui tombe là ne s’en relève pas
(1794)
cil qui il fiert pas ne se dresce ; celui qu’il frappe ne se relève pas (5139)
Cil qui chaït ne redresça, Celui qui tomba ne se releva pas (8225)
qui chiet ne poet mais redrecier, celui qui tombe ne peut plus se relever
(11498)
li abatu pas ne relievent. ceux qui sont abattus ne se relèvent pas
(11512)
li abatu pas ne relievent. ceux qu’ils renversent ne se relèvent pas
(6542)
ja ne mangera mais de pain ne mangera plus jamais de pain (2870)
il ne manjast jamais de pan. jamais plus le roi n’aurait mangé de pain
(4765)
cil ne lui ferront mais oi presse, ceux-là ne l’attaqueront plus désormais
(1738)
Ceux ne criendra mes Tydeüs ; Ceux-là, Tydée ne les craindra plus (1743)
que n’i ot puis par lui la longe qu’il ne querella plus jamais personne
(5129)
Cil ne sent mais freide ne chaut ; L’autre ne sent plus ni froid ni chaud
(11174)
ne sent mais rien que cil lui face, il ne sent plus rien de ce qu’on lui fait
(11175)
ne li ot puis mestier mecine. il n’a plus besoin de remèdes (5141)
ja ne traisist son pié a sei. jamais plus il n’aurait retrouvé l’usage de
ses membres (10713)
que de lui mais n’est nuls conforz qu’il n’y avait plus rien à faire pour le
réconforter (11182)
de lui est mais fait la guerre. pour lui la guerre est désormais finie
(1887)
Ne poet aveir de mort guarant : Plus de recours contre la mort (5776)
et tant vassal giser envers ! et bien des guerriers gisant sur le dos !
(4737)
et tant bon chevalier morir. et mourir bien des bons chevaliers (4867)
et tant gesir envers, et voir tant de morts étendus à la renverse
(6496)
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Sémantique lexicale et combinatoire 345
Parfois, le combattant est présenté gisant mort sur le sol, ce qui intro-
duit un pathos particulier. Il s’agit d’un procédé en général réservé à des
guerriers de renom, comme Tydée25 ou Parthénopée :
atant l’alme est del cors eissue son âme est alors sortie de son corps
(6822)
mainte alme font eissir del cors, faisant sortir plus d’une âme de son corps
(9044)
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346 Xavier Blanco
reddes est et freis come glace ; il est tout raide, et froid comme la glace
(11176)
et freis plus que neif sur branche. et il est plus froid que neige sur la
branche (11178)
26 Muid correspond à une ancienne mesure de capacité, mais son emploi ici est
typique des déterminants nominaux intensifs de type ‘unités de mesure’, dont
le sens est ‘une grande quantité de’, p. ex. nous avons une tonne de problèmes.
27 Observons le flottement de la déclinaison (li sancs – li sancs), auquel Queffélec
consacre un intéressant article (2003 : 4).
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Sémantique lexicale et combinatoire 347
el sanc vermeille trestout se baigne ; il baigne tout entier dans son sang ver-
meil (6742)
il pert le sancs, li cuer li ment, Tydée perd son sang, le coeur lui manque
(7291)
il pert la sanc et le colour il perd son sang et ses couleurs (7305)
que tout en ad soillié le rei qu’il a tout souillé le roi (2020)
un raie de sanc en gieta fors. un jet de sang jaillit (3536)
ainz en perdront de sanc un moi. car ils y perdront plutôt un muid de sang
(7552)
De sanc est vermeil la place, L’endroit est rouge de sang (11041)
que lour bliauz sanglenz en sont. si bien que leurs tuniques en sont ensan-
glantées (2022)
sanglant en fu jusqu’al talon ; me couvrant de sang jusqu’aux talons
(9119)
Cil saigne molt pur le grant chalt : La chaleur intense le fait beaucoup sai-
gner (11063)
8. Conclusion
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348 Xavier Blanco
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Sémantique lexicale et combinatoire 349
28 Par rapport au reflet de la guerre médiévale dans le roman antique et les ana-
chronismes que cela implique, on pourra consulter avec grand profit l’ouvrage
d’A. Petit (2002: 85 et sq.).
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350 Xavier Blanco
Bibliographie
1. Éditions et traductions
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Sémantique lexicale et combinatoire 351
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352 Xavier Blanco
3. Études
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Sémantique lexicale et combinatoire 353
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Yauheniya Yakubovich
1. Introduction
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356 Yauheniya Yakubovich
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De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire 357
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358 Yauheniya Yakubovich
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De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire 359
Les textes poétiques, comme tous les textes en général, sont construits
selon les normes grammaticales et pragmatiques d’une langue. Le
caractère unique d’un texte poétique ne consiste pas dans la violation
totale des règles linguistiques mais dans la possibilité d’en contourner
ou d’en rompre quelques-unes pour atteindre un effet marqué contri-
buant à l’expressivité, à la suggestivité et à la densité sémantique d’un
poème. La flexibilité du langage poétique par rapport à la norme lin-
guistique n’est pas un but en soi (sauf quelques exceptions, pourtant
très importantes) mais le moyen et la principale condition de la créati-
vité textuelle artistique.
Le terme d’anomalie linguistique, proposé par Todorov (1966),
décrit ce trait du langage poétique (et plus largement, littéraire) qui
réside dans la potentialité de la poésie de se libérer des contraintes du
bon usage. C’est pour cette raison que la norme langagière, d’après
Todorov (1966 : 123), est difficilement acquise comme résultat de la
lecture de grands écrivains, sans compter les cas où il s’agit des poètes
devenus classiques dont le style, avant ressenti comme non commun,
s’est transformé, au cours de l’évolution de la langue, en normatif et
élégant.
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360 Yauheniya Yakubovich
la phrase Hay una muerte para piano que pinta de azul a los muchachos
{Il y a une mort pour piano qui peint les garçons en bleu} suggère
une image bizarre, absurde mais pas totalement incorrecte du point de
vue strictement linguistique sauf la combinaison piano que pinta où la
norme de sélectivité n’est pas respectée ; on peut donc rapporter cette
phrase aussi bien aux anomalies anthropologiques que sémantiques.
Cependant, nous allons nous arrêter particulièrement sur les
anomalies sémantiques, ou combinatoires, qui portent sur les relations
sémantico-syntaxiques, plus précisément, sur la combinatoire et les
règles de sélectivité des lexèmes et, si on adopte une perspective plus
large, des morphèmes.
À part du cas classique de la rupture de restriction sémantique
(comme dans l’exemple de Lorca et de Rimbaud, cités auparavant),
on devrait signaler les occurrences assez fréquentes dans la poésie de
rupture de la combinatoire à l’intérieur d’un phrasème qui détruit le
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De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire 361
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362 Yauheniya Yakubovich
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De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire 363
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364 Yauheniya Yakubovich
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De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire 365
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366 Yauheniya Yakubovich
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De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire 369
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370 Yauheniya Yakubovich
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374 Yauheniya Yakubovich
Si les syntagmes libres ont des combinatoires restreintes dont les dévia-
tions sont ressenties comme marquées, les phrasèmes possèdent des
contraintes encore plus étroites avec, le plus souvent, une seule variante
possible de saturation lexicale d’une structure syntaxique.
Une anomalie sémantique à l’intérieur d’un phrasème (i.e. un
énoncé non libre englobant des unités comme les locutions, les collo-
cations et les clichés, cf. Mel’čuk 2013) résulte de la rupture des liens
internes de ses composantes, et dans ce cas, l’on est en présence du phé-
nomène de défigement. Sous le terme de défigement, nous comprenons
un recours linguistique qui consiste en la modification, moyennant un
mécanisme concret, du signifié (quoi qu’il soit synthétique, analytique
ou même seulement grammatical) et, souvent, du signifiant d’un phra-
sème ayant pour résultat le déblocage de sa contrainte sémantique et
syntaxique qui est marqué comme non normatif (Yakubovich 2015). Il
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De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire 375
La semi-locution verbale faire les quatre volontés [de N], comme résul-
tat du remplacement paronymique de la composante nominale (volon-
tés → voluptés), ne s’écarte pas de son signifié initial, ‘céder à tous les
caprices de quelqu’un, faire tout ce qu’on veut’, mais acquiert, dans le
texte ingénieux de Brassens, une interprétation sensuellement conno-
tée, propre à toute son œuvre poétique. Ce genre de substitutions sert
toujours, chez Brassens, à un but précis : accomoder un phrasème à une
situation concrète, fabriquer un signifié sollicité par un contexte à partir
d’un des sens d’un phrasème donné.
En tant que source où puisent leur inspiration les grands lyriques
français, comme Villon, Baudelaire, mais aussi Brassens, l’amour phy-
sique va toujours de pair avec la mort. Ce motif de la mort est évoqué
dans un autre poème de Brassens, où la substitution non-systémique
de la composante nominale école → tombe modifie la semi-locution
verbale faire l’école buissonnière, signifiant ‘manquer l’école’, de
manière que la locution défigée démasque l’intention du personnage de
tromper la mort, comme les écoliers rusés qui trompent leurs maîtres en
négligeant les cours :
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376 Yauheniya Yakubovich
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378 Yauheniya Yakubovich
5. Conclusions
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De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire 379
Les exemples, en plusieurs langues, que nous avons analysés dans cet
article (e.g. Les roues tremblent de chance, cisterna de silenci, faire
mes quatre voluptés) démontrent la capacité exceptionnelle des anoma-
lies combinatoires (ou sémantiques) à économiser des moyens linguis-
tiques, i.e. à contourner des enjolivements rhétoriques encombrants en
créant des métaphores par une simple rupture des paradigmes combina-
toriels des lexèmes ou morphèmes. Comme le prouvent nos exemples,
plus la restriction normative est limitée, plus la déviation de la norme
est défectueuse et, donc, marquée.
L’expressivité poétique réside également et, probablement dans
une plus grande mesure, dans les manipulations sémantiques. Vues sous
cet angle, les anomalies sémantiques sont des procédés opérants de la
génération de sémantismes insolites et de connotations imprévisibles
grâce aux collisions des auréoles sémantiques des lexèmes ou radicaux
ayant des sèmes opposés ou appartenant aux champs sémantiques diffé-
rents (comme dans orchestre francophilarmonique, obscurausaure, les
yeux gris de la vérité et d’autres).
Compte tenu de l’« étoffe » profondément linguistique dont les
poèmes sont faits, nous considérons que l’analyse linguistique, et en
premier lieu lexico-sémantique, des fragments poétiques multilingues,
et notamment une interprétation détaillée des sémantismes dans leur
entourage textuel, trace le chemin vers une analyse littéraire plus exacte
et profonde et offre une des réponses possibles à la question importante
sur ce qui rend la poésie poétique.
Bibliographie
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380 Yauheniya Yakubovich
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De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire 381
Poésie citée
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Marie-Sophie Pausé
1. Introduction
1 Les bases textuelles les plus fréquemment utilisées sont Frantext et le FrWac.
Pour étendre le nombre de résultats, nous avons également utilisé le web, à
l’aide du moteur de recherches Google.
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384 Marie-Sophie Pausé
1. la non-compositionnalité sémantique ;
2. la non-actualisation des référents ;
3. la restriction combinatoire ;
4. la fixité syntaxique.
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Locutions : du défigement à la flexibilité formelle, il n’y a qu’un pas… 385
(2) a. En prenant ainsi son temps pour installer les personnages dans leurs
milieux respectifs, Jean-Philippe Pearson dilue la sauce et retarde le
moment où il plongera réellement au coeur du sujet, soit les dommages
collatéraux d’un divorce. [Web ; voir.ca]
b. Attendre neuf ans pour lire du déjà lu, du réchauffé. La sauce a été
allongée au maximum. TRÈS GROSSE DÉCEPTION. [Web ; babelio.
com]
c. Si ce qui est révélé est certes grave, je trouve que la sauce qu’elle
allonge encore et encore a par moments un goût de « trop » qui a du mal
à passer. [Web ; critiqueslibres.com]
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386 Marie-Sophie Pausé
« Une séquence figée est une unité polylexicale syntaxiquement bien formée et
constituant une sorte de ‘doublet’ avec la séquence libre d’origine qui demeure
remotivable à n’importe quel moment. »3 (ibid. : 108)