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Sagesse vivante communique avec fraîcheur le

message des livres de sagesse et de poésie de


l’Ancien Testament. Sa particularité ? Cette version
rassemble les variantes de plus de 57 traductions,
dans un langage facilement compréhensible, pour
renouveler votre méditation quotidienne.
Cette réédition de Sagesse et poésie pour notre
temps est une version revue, corrigée et agréable à
lire. Ses notes en font un outil idéal pour compléter
votre étude de la Bible.
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respecter son copyright, de ne pas l’imprimer en plusieurs
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sagesse vivante
CANTIQUE DES CANTIQUES, JOB,
PROVERBES, ECCLÉSIASTE

Sous la direction
d’Alfred Kuen
Édition revue et corrigée publiée en langue française :
Sagesse vivante : Transcription dynamique de Cantique des cantiques, Job,
Proverbes, Ecclésiaste
Transcrits et introduits par Alfred Kuen
Ancienne édition parue sous le titre : Sagesse et poésie pour notre temps
© 2015 • BLF Éditions
© 1982, 2001 • ELB
BLF Éditions • Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France
info@blfeditions.com • www.blfeditions.com

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.


Couverture et mise en page : BLF Éditions
ISBN 978-2-3624-9241-9 broché
ISBN 978-2-3624-9244-0 relié
ISBN 978-2-3624-9242-6 ebook

Index Dewey (cdd23) : 220.5


Mots-clés : 1. Bible. Versions modernes.
2. Poésie biblique.
3. Ecclésiaste. Job. Cantique des cantiques. Proverbes.
Table des matières

Introduction
Versions utilisées ou consultées
Introduction au Cantique des cantiques
Cantique des cantiques
Introduction à Job
Job
Introduction aux Proverbes
Proverbes
Introduction à Ecclésiaste
Ecclésiaste
Introduction
Sagesse et poésie, raison et fantaisie, réflexion et rêverie : quoi de plus
opposé ? D’un côté, c’est l’expérience, le bon sens, la pondération de
l’âge mûr ; de l’autre, l’évasion, le fantasque, l’inspiration du moment. «
Si j’avais à choisir entre la vérité et la beauté, me disait quelqu’un,
j’opterais pour la beauté ». Mais pourquoi choisir ? Est-il nécessaire que
la réalité soit toujours qualifiée de « dure » ou de « triste » ? Quelqu’un
nous a-t-il prouvé que la poésie ne pouvait pas nous entraîner vers une
réflexion valable ?
Le dilemme n’existait pas dans la littérature antique. L’art pour l’art est
une théorie récente, née au moment où l’homme avait déjà perdu le
sens de sa vocation éternelle. Les écrits anciens, quel que soit leur
contenu, se présentent souvent sous une forme poétique, qui n’est
jamais là pour elle-même, mais pour donner une autre dimension aux
réalités de la vie. Même la nature ne choisit pas entre l’utile et l’agréable
: la fleur pourpre épanouit sa corolle éclatante au milieu de beaux épis
aux grains dorés.
Dans la Bible, un bon tiers de l’Ancien Testament se présente sous
forme de poésie : cantiques, prières, prophéties, drames, maximes,
chants d’amour, tous se coulent dans le moule d’une langue rythmée et
se plient aux règles de la poésie hébraïque : parallélismes, images,
vocabulaire spécial, parfois assonances et acrostiches alphabétiques.
En particulier, ce qu’on appelle « la littérature de sagesse » (ces écrits
qui nous transmettent le fruit de la réflexion et de l’expérience de
nombreuses générations de sages) a été rédigée presque entièrement
sous forme poétique (Job, Proverbes, Cantique des cantiques et
certains des Psaumes). L’aspect formel de ces livres nous avertit déjà
qu’il ne faut pas nécessairement séparer sagesse et poésie, vérité et
beauté, réflexion et inspiration.
De quoi s’agit-il dans ces quatre livres rassemblés dans ce volume ?
D’un poème d’amour, d’un essai philosophique, de plusieurs recueils de
maximes et de pensées et d’une œuvre dramatique à fondement
historique. C’est du moins ainsi que l’on classerait ces œuvres dans la
littérature actuelle. C’est dire la diversité des genres littéraires de ces
écrits qui, fait surprenant, nous apportent, sous des formes variées, des
leçons convergentes.
En effet, ces différents livres ont plus d’un point commun :

La vénération du Dieu unique, fondement de la sagesse (Job 1 :


1 ; 2 : 3 ; 28 : 28 ; Ecclésiaste 3 : 14 ; 12 : 13 ; Proverbes 1 : 7 ;
9 : 10 ; 15 : 33 ; cf. Cantique des cantiques 8 : 6) ;
Un souffle d’universalisme marqué par l’absence d’allusions aux
rites et aux cérémonies ordonnés par la loi de Moïse.
Et, d’une façon générale :
L’absence de références à la situation particulière du peuple juif ;
Une élaboration littéraire plus poussée que dans d’autres écrits
bibliques ;
Une parenté plus proche de la littérature d’autres peuples de
l’Ancien Orient ; et surtout,
L’appel à la réflexion et à l’expérience pour confirmer les données
de la révélation.

C’est de ce dernier trait commun qu’ils tirent leur nom : écrits de


sagesse (hokma). Comme nous le verrons dans l’introduction au livre
des Proverbes, hokma désigne une sagesse toute pratique, orientée
vers la conduite de la vie individuelle, familiale et sociale. Elle ne spécule
pas, comme la sagesse grecque (et à sa suite, toute la philosophie
occidentale) en se demandant : « Qu’est-ce que la vérité ? » Elle part de
ce qu’elle considère comme une donnée digne de confiance (hokma
vient de hakam : « ce qui est solide ») : l’existence et le caractère de
Dieu, pour en tirer des conclusions applicables dans la vie de tous les
jours.
Les Grecs recherchent la sagesse (1 Corinthiens 1 : 22), mais sans
guide sûr ; les Juifs ont une révélation et peuvent s’appuyer sur elle.
Cependant, elle n’a pas tout dit, il reste des choses cachées
(Deutéronome 29 : 29), des doutes, des luttes, et parfois des conflits
entre les données de la révélation et la réalité vécue. La réflexion des
sages cherche à combler ces lacunes.
Qu’est-ce qui distingue ces livres entre eux ? Leurs réflexions
s’orientent dans des sens différents.

L’Ecclésiaste a passé au crible la connaissance, le plaisir, la


puissance de l’argent et la sagesse elle-même. « Tout est futile et
inutile », tel est son verdict. Aucune de ces valeurs n’apporte la
réponse finale que l’homme attend. Mais à la fin de ses
réflexions, après avoir triomphé des tentations du matérialisme,
du fatalisme et du pessimisme, il confirme la pensée
fondamentale qui a servi de point de départ à l’auteur des
Proverbes (12 : 13 ; cf. Proverbes 1 : 7).
Job clame en des accents pathétiques : « J’ai observé tout ce
qui m’était demandé, pourquoi dois-je endurer toutes ces
souffrances ? » Mais au plus fort de l’épreuve, il arrive à
reconnaître qu’il a parlé de choses qui le dépassaient sans les
comprendre (42 : 3), et il se courbe devant la majesté et la
sagesse de Dieu.
Le Cantique des cantiques nous présente une jeune fille qui se
retrouve dans une situation difficile, soumise à une épreuve qui,
par moments, la dépasse. Mais grâce à sa fidélité envers son ami
absent, elle triomphe de la tentation. Si Sulamith représente la
communauté croyante, elle apporte un témoignage
supplémentaire à la valeur d’une sagesse s’appuyant sur l’amour
du souverain berger pour résister aux séductions de la sensualité,
de la richesse et du pouvoir.

Les trois livres nous aident à ne pas formuler des conclusions hâtives
quand les expériences douloureuses, les influences corruptrices ou les
tentations de la vie nous plongent dans le désarroi. Ils nous apportent
finalement, chacun de son côté, la preuve que la sagesse définie par les
Proverbes est un roc solide sur lequel on peut bâtir sa vie.
ALFRED KUEN
Versions utilisées ou consultées

Françaises
1. André Tony
2. Barucq
3. P. de Beaumont
4. Bible annotée (Neuchâtel)
5. A. Chouraqui
6. Crampon
7. Darby
8. Fossard–Gérard
9. Glasser
10. Jérusalem
11. Zadoc Kahn (Rabbinat)
12. Lamorte
13. Lausanne
14. W. Lüthi
15. D. Lys
16. A. Maillot
17. Maredsous
18. Osty
19. Pléiade (Dhorme)
20. Rehan
21. Segond
22. Segond révisée
23. Steinmann
24. Synodale
25. Traduction œcuménique
26. J.J. Weber
Allemandes
1. H. Bruns
2. M. Buber
3. Elberfelder
4. Luther
5. Menge
6. Schlachter
7. Zinck
8. Zürcher

Anglaises
1. American Standard Version
2. Amplified Bible
3. Authorized Version
4. Berkeley
5. Good News Bible
6. R. K. Harrison
7. Jerusalem Bible
8. M. R. Knox
9. Lamsa
10. Modern Language Bible
11. J. Moffatt
12. New American Bible
13. New English Bible
14. New International Version
15. Old Testament from 26 Translations
16. Revised Version
17. Revised Standard Version
18. Rotherham
19. Smith, Powles, Godspeed
20. H. Spurrell
21. K. Taylor (Living Bible)
22. Ch. Thomson
23. R. Young

:::::
Introduction au
Cantique des cantiques

Le plus beau des chants


Le titre traditionnel auquel nous sommes habitués est la transcription
littérale du titre original. C’est la forme hébraïque du superlatif et signifie :
« le cantique par excellence » ou « le plus beau d’entre eux ». En fait, il
ne s’agit pas à proprement parler d’un cantique, puisque Dieu n’y
apparaît guère, mais d’un chant qui célèbre l’amour. Il serait plus
heureux de le traduire ainsi : « Le plus beau des chants ».
S’agit-il d’un chant d’amour profane ? D’un poème allégorique ? D’une
pièce dramatique dont chaque personnage a une valeur symbolique ?
La première découverte de ces poèmes d’amour dans le recueil des
Saintes Écritures peut dérouter et l’on comprend que, dès les premiers
siècles, certains chrétiens voulaient l’écarter du canon biblique. Si nous
voulons tirer un profit spirituel de la méditation du Cantique, il nous faut
une clé pour l’interpréter en harmonie avec l’ensemble des écrits
bibliques.
Nous ne trouverons cette clé qu’en découvrant l’intention primitive de
l’auteur du livre et la raison pour laquelle l’Auteur divin a permis son
insertion dans le recueil des écrits inspirés. Mais si nous voulons
connaître cette intention, il nous faut d’abord déterminer le genre
littéraire de l’écrit : s’agit-il d’une anthologie de poèmes lyriques, d’une
pièce de théâtre, d’un texte allégorique, symbolique ou mythologique ?
D’où notre besoin, avant de passer à l’interprétation, d’examiner
quelques questions de forme : unité du livre, genre littéraire, nombre de
personnages.

Unité du livre
Un certain nombre d’interprètes n’ont vu dans le Cantique qu’un
recueil plus ou moins hétéroclite de chants d’amour de diverses
provenances dont la composition se serait étalée sur une demi-douzaine
de siècles1. Cependant, l’unité du livre apparaît nettement dans des
éléments communs revenant du début à la fin (comme la mention des «
filles de Jérusalem » : 1 : 5 ; 2 : 7 ; 3 : 5 ; 5 : 8, 16 ; 8 : 4), dans les
répétitions (2 : 5 à 5 : 8 ; 2 : 6 à 8 : 3 ; 2 : 16 à 6 : 3 ; 4 : 1-3 à 6 : 5-7 ; 4
: 5 à 7 : 4), dans le refrain (2 : 7 ; 3 : 5 ; 8 : 4), enfin, dans l’identité de
ton et d’inspiration, qui frappe lors d’une lecture cursive du livre
(contrairement aux livres des Psaumes ou des Proverbes).

Une œuvre dramatique ?


Un autre caractère du livre apparaît de manière tout aussi évidente : il
s’agit non d’un monologue, mais de dialogues. Dialogues entre un
homme et une femme (1 : 15-16) ou entre elle et un groupe (7 : 1). Il est
question des frères et de la mère de la jeune fille (1 : 6 ; 3 : 4 ; 6 : 9 ; 8 :
1 et 8), des compagnons du jeune homme (1 : 7), des gardes de la ville
(3 : 3 ; 5 : 7). Tout porte donc à croire que nous avons affaire à une
œuvre dramatique comportant un certain nombre de personnages.
Le théâtre proprement dit n’existait pas en Israël. Il est né dans les
temples païens pour représenter les histoires des dieux. Il restait
intimement lié au culte des divinités étrangères. Mais il est fort possible
qu’au cours des mariages qui duraient plusieurs jours (cf. Genèse 29 :
27 ; Juges 14 : 17) et donnaient lieu à diverses réjouissances (Genèse
31 : 27 ; 2 Samuel 19 : 35 ; Ésaïe 5 : 12 ; 16 : 10), on ait récité des
poèmes et joué de petites pièces célébrant l’amour conjugal, comme on
le faisait encore au siècle dernier en Syrie, où les coutumes n’avaient
guère changé depuis les temps bibliques2.

A-t-on deux ou trois personnages principaux ?


Les avis des théologiens sont partagés. Les auteurs anciens et un
certain nombre d’exégètes modernes voient dans cette pièce deux
acteurs principaux : Salomon et Sulamith. D’autres optent résolument
pour un drame à trois personnages. D’après eux, un certain nombre
d’indices permettent de conclure à la présence de deux personnages
masculins.

D’une part, il est question du roi Salomon (1 : 5 ; 3 : 7, 9, 11 ; 8 :


11-12) et de ses soixante reines et quatre-vingts concubines (6 :
8) ; il a une jument attelée aux chars de Pharaon (1 : 9) ; il
propose à son amie un palanquin magnifique entouré de soixante
gardes armés (3 : 7-10), des colliers d’or avec des points
d’argent (1 : 11).
Mais il est aussi question d’un berger qui fait paître son troupeau
sur des prés couverts de lis (2 : 16 ; 6 : 2-3) ; il a des
compagnons, bergers comme lui (1 : 7) ; il se plaît à la campagne
(2 : 10-14 ; 4 : 6 ; 6 : 3 ; 7 : 12-14), dans son vignoble (2 : 4) et
son verger (6 : 2).

Or, Salomon n’a jamais été berger. Il n’avait pas non plus l’habitude de
se déguiser en berger pour jouer avec des reines-bergères3. Comparons
ces deux phrases suivantes :

« Nous te ferons des colliers d’or avec des points d’argent » (1 :


11) ; et
« Quand un homme offrirait toutes les richesses de sa maison
pour acheter l’amour, il serait repoussé avec mépris » (8 : 7).

Il faut bien admettre « l’impossibilité d’identifier Salomon avec le bien-


aimé4 ». Par conséquent, il est nécessaire de distinguer trois
personnages principaux dans le Cantique. Celui que Sulamith appelle
vingt-neuf fois le « bien-aimé » ne serait donc pas Salomon, mais un
berger qu’elle connaîtrait bien et qu’elle aimerait. Cette théorie des trois
personnages a été lancée pour la première fois en 1771 par le pasteur
hanovrien Jacobi, elle est actuellement adoptée par de nombreux
exégètes5.

L’argument dramatique
Sulamith elle-même nous explique ce qui s’est passé et qui a amené le
déroulement de la situation : « J’étais descendue au jardin des noyers,
pour voir les jeunes pousses du ravin, pour voir si la vigne bourgeonne,
si les grenadiers fleurissent. Je ne sais pas comment mon âme (ou :
mon désir) m’a poussée vers (ou : m’a fait monter sur) les chars des
nobles (ou : princes) de mon peuple ». Ou : « Imprudente ! voilà que
mon caprice m’a jetée parmi les chars d’un cortège de princes » (6 : 11-
12). Cette phrase constitue la clé de l’action dramatique. La jeune
campagnarde descendue dans son verger a été poussée par sa
curiosité vers le cortège royal passant près de là. Le détail de la suite
nous échappe : a-t-elle été remarquée pour sa beauté par les serviteurs
du roi, par les princes ou par Salomon lui-même ? L’a-t-on fait monter
de force sur l’un des chariots de l’escorte royale ou s’est-elle laissé
embarquer par toutes sortes d’arguments ou de promesses ?
Qu’importe ! Le fait est qu’elle se trouve, au début du livre, au milieu des
femmes du harem royal appelées euphémiquement les « filles de
Jérusalem ». Le dialogue s’engage tantôt avec ces filles qui chantent le
bonheur d’être aimées par un si grand personnage, tantôt avec le roi lui-
même qui essaie, par toutes sortes d’éloges et de promesses, de
gagner son cœur. Cependant, certaines phrases de la jeune fille ne
peuvent s’appliquer à l’interlocuteur présent. Les adresse-t-elle, comme
en rêve, à son bien-aimé absent (F. Godet), ou faut-il imaginer un «
harem de campagne, qui n’est pas entouré de murs comme celui de
Jérusalem, mais qui est clos par une sorte de treillis à travers lequel on
peut voir » (J. Guitton6) et où le berger peut venir parler avec sa fiancée
quand elle est seule ?
La première solution paraît plus plausible, mais les détails importent
peu une fois que les lignes générales de l’action sont tracées. La
situation des personnages et la répartition des répliques entre eux
diffèrent d’un auteur à l’autre et l’on ne saurait guère être dogmatique
sur ce point.
L’essentiel est de voir le nœud du drame qui consiste dans la lutte
intérieure entre la tentation de céder aux promesses de Salomon et le
désir de rester fidèle au berger absent. L’action dramatique progresse
par degrés avec des tentations chaque fois plus attirantes : déclarations
d’amour faciles, offres de bijoux, démonstration de l’apparat royal
accompagné de la promesse d’occuper le rang suprême parmi les
reines, pour aboutir au moment où le roi, sûr de sa victoire, se fait
vivement remettre en place (7 : 10). À la fin du drame, la bergère paraît,
appuyée sur son bien-aimé : elle a reconquis sa liberté et tire la leçon de
son épreuve (8 : 6-7). Le détail, conjectural, des scènes apparaîtra dans
les notes du texte qui suivront, en grande partie, celles de La Bible
annotée.

Les interprétations du livre


C’est certainement l’une des marques d’un chef-d’œuvre de donner
lieu à des interprétations multiples : chaque âge, chaque tempérament,
chaque époque s’y retrouve et lui donne un sens correspondant à ses
tendances profondes. Plus un livre est énigmatique, plus les
interprétations sont divergentes et parfois même bizarres, témoignant à
la fois de la fertilité de l’imagination de l’homme et de son profond désir
de comprendre. C’est ainsi que l’on a interprété le Cantique tour à tour
dans un sens littéral, allégorique, symbolique, typologique,
mythologique, etc. Et qu’on y a vu un épithalame célébrant le mariage
de Salomon7, un pamphlet politique justifiant le schisme des dix tribus8
ou une liturgie du culte de Tammuz-lstar9. Nous n’examinerons ici que
les trois principales interprétations (littérale, allégorique et parabolique)
entre lesquelles se partagent encore aujourd’hui la majorité des
exégètes.

1. L’interprétation littérale
Dans l’interprétation littérale on prend le texte tel qu’il est.
Il chante l’amour d’un homme et d’une femme sous tous ses aspects :
joie de la présence, jouissance commune des beautés de la nature,
admiration de toute la personne de l’être aimé, attrait physique. À ce
titre, le Cantique a parfaitement sa place dans les Saintes Écritures :
La création de l’homme sous deux formes : « homme et femme »
(Genèse 1 : 27) et leurs relations sexuelles faisaient partie de l’ordre
originel et non d’une altération qui aurait succédé à la chute. […]
L’Écriture exalte la relation d’amour entre le mari et sa femme et nous ne
devrions pas dénigrer un livre qui présente un tel amour idéal ni accuser
ceux qui, pour des raisons exégétiques sérieuses, choisissent
d’interpréter le Cantique littéralement et renoncent à y chercher une
signification plus profonde, même si cette option ne nous semble pas
viable10.
Cette interprétation emporte d’ailleurs la faveur de beaucoup de
commentateurs modernes11, ce qui n’a rien d’étonnant en un siècle qui
exalte le corps et les plaisirs sensuels. Découvrir que la Bible, non
seulement ne lance pas d’anathème contre le sexe, mais qu’elle chante
l’attrait physique, peut servir de point de contact entre les tendances de
notre temps et la foi biblique.
Cette faveur de l’exégèse littérale est une juste réaction contre des
siècles d’allégorisation qui risquaient, pour finir, de dissoudre et
d’éliminer le sens matériel du poème comme s’il était indigne d’un texte
inspiré par Dieu :
On ne peut s’empêcher, en effet de pressentir sous cette élimination du
sens littéral un mépris de la matière en général et de la vie physique en
particulier, qui relève bien moins de l’optique biblique que de l’optique
grecque, c’est-à-dire païenne12.
Ne séparons pas « ce que Dieu a uni », entre autres, l’âme et le corps.
Si « le corps est pour le Seigneur, le Seigneur » est aussi « pour le corps
» (1 Corinthiens 6 : 13). Ce sens littéral est encore plus parlant et plus
conforme au dessein général des Écritures si nous optons pour le drame
à trois personnages. Alors le Cantique devient l’apologie de l’amour
fidèle, de la monogamie telle qu’elle a été instituée au commencement
(Genèse 2 : 23-25). Il célèbre la victoire de l’amour pur et désintéressé
sur les attraits de la passion égoïste et sensuelle. Sulamith « a préféré
l’amour pauvre, mais sincère, à la passion magnifique, mais sensuelle.
L’amour de celui qui ne donne rien… que lui-même, lui a paru meilleur
que l’amour de celui qui donne tout, sauf lui-même13 ».
Par là, nous dit J. Guitton, le Cantique inaugure « une tradition
concernant l’amour de l’homme et de la femme qui est bien différente
de la pensée des Grecs à ce sujet, et qui est devenue la charte de
l’amour occidental14 ».
Dans un peuple où le divorce était devenu facile (cf. Matthieu 19 : 3),
où l’exemple de la polygamie venait de haut, où la morale sexuelle
risquait de se calquer sur celle des peuples environnants, un livre
chantant l’amour exclusif, volontaire et permanent d’un homme et d’une
femme était non seulement bienvenu, mais avait sa place parmi les
écrits normatifs de ce peuple. Il en est de même pour nous : même si le
Cantique n’avait d’autre signification que d’exalter cet amour-là, il
mériterait de figurer dans la Bible. Et s’il a encore d’autres sens, ces
derniers ne peuvent être que brodés sur une trame matérielle réelle :
l’histoire de Salomon et de Sulamith peut servir de support à des
applications symboliques, mais elle doit demeurer littéralement vraie
sous peine de faire s’écrouler tout l’édifice.
Le sens premier du Cantique est donc certainement l’exaltation de
l’amour humain dans sa forme la plus pure. Mais n’a-t-il que ce sens ?

2. L’interprétation allégorique et parabolique


Ce qui nous incite à chercher au-delà, c’est l’introduction de ce livre
dans le canon des Écritures et la vénération dont la Synagogue l’a
entouré. S’il était uniquement, comme le pensent certains théologiens, «
une collection de chants d’amour exaltant la beauté et la nostalgie de
deux jeunes amoureux, […] célébrant le joyeux don de soi et le plaisir de
tous les sens, la nostalgie amoureuse et la soif de beauté� », il est peu
probable que les prêtres et les sages responsables du canon biblique
l’auraient inclus dans la Bible ou qu’on lui aurait accordé une place
d’honneur dans la liturgie juive en le lisant entièrement à chaque fête de
la Pâque. Le plus ancien commentaire juif qui soit connu, celui de Rabbi
Aquiba (135 apr. J.-C.), ne lui ménage pas ses éloges :
Tous les siècles ne valent pas le jour où le Cantique des cantiques a
été donné à Israël ; car toutes les Écritures sont saintes, mais le
Cantique des cantiques est le saint des saints15.
Rabbi Aquiba (50–132), comme ses contemporains juifs et chrétiens,
pouvait parler ainsi du Cantique parce qu’il y voyait une allégorie, c’est-
à-dire un écrit composé en vue d’une signification spirituelle cachée
sous le sens ordinaire des mots16. À chaque détail du texte
correspondait donc, pour lui, une réalité spirituelle : Salomon
représentait Dieu, Sulamith, la communauté croyante. Les déclarations
d’amour de Salomon sont interprétées par les croyants comme des
gages de l’affection de Dieu, celles de Sulamith comme une expression
de leur dévotion. Les mystiques de tous les temps, juifs, catholiques et
évangéliques, se sont nourris de la méditation allégorisante du Cantique,
qui devenait pour eux le support du dialogue amoureux de l’âme
croyante avec Dieu ou Jésus-Christ.
Cette méthode d’interprétation ouvre à l’exégèse des perspectives
intéressantes et certainement conformes à l’esprit sémite. Pour
l’Hébreu, toute la création était signe de la réalité transcendante. Donc
toutes choses avaient une signification spirituelle aussi bien que
physique. Le symbole (de synballô : « jeter ensemble ») c’est-à-dire la
jonction de la réalité et d’un sens spirituel apparaît très souvent dans la
Bible : la vigne représente le peuple d’Israël, le berger : Dieu, le vin : la
joie, le renard : l’ennemi, la biche : la grâce, etc. Or, le Cantique est
rempli de ces mots évocateurs chargés de signification symbolique. Son
thème essentiel, l’amour conjugal, est maintes fois utilisé dans l’Écriture
pour représenter les relations entre Dieu et son peuple (Exode 20 : 5 ;
Jérémie 3 : 6 ; Osée 2 : 16-25 ; Jean 3 : 29 ; Éphésiens 5 : 22-33 ;
Apocalypse 19 : 7-8 ; 22 : 17). Il y a donc de fortes chances pour que
les Hébreux aient immédiatement discerné, derrière cette simple histoire
d’amour, une signification plus profonde – tout comme les auditeurs
d’Osée ont compris ses allusions au mari et aux amants d’Israël (Osée 2
: 5-20).
Lorsque plusieurs symboles sont rassemblés en une histoire, on
obtient une parabole (du grec parabolê : « jeté à côté », parallèlement au
sens matériel du récit court une signification spirituelle). Le récit peut être
vrai ou inventé, peu importe, l’essentiel est la leçon cachée sous le
signe. Toute l’histoire du peuple d’Israël est interprétée par les auteurs
du Nouveau Testament comme représentant des réalités spirituelles
actuelles : la marche à travers le désert, la traversée de la mer Rouge, le
don quotidien de la manne, etc., sont des faits historiques réels, mais
lorsque l’apôtre Paul les évoque (1 Corinthiens 10 : 1-4), il y voit une
image de notre marche à travers le désert de ce monde, une
préfiguration du baptême et de la cène.
L’interprétation allégorique du Cantique (comme celle des paraboles de
Jésus) devient dangereuse lorsqu’au lieu de voir l’histoire comme un
tout correspondant à la réalité spirituelle, on veut donner un sens précis
à chaque détail, par exemple à chaque partie du corps de Sulamith
évoquée dans les descriptions de Salomon. De plus, dans la perspective
du drame à deux personnages, Salomon est l’image de Dieu. Mais on
peut se demander si ce roi dont « le cœur n’était pas entièrement droit
envers l’Éternel son Dieu » (1 Rois 11 : 4) est vraiment un représentant
valable du Seigneur ou de Jésus-Christ ? Si Sulamith représente l’Église,
celle-ci peut-elle se sentir honorée d’être admise dans un harem peuplé
déjà de soixante reines et quatre-vingts concubines (6 : 8) ?
Heureusement, l’hypothèse des trois personnages et l’application des
principes d’interprétation des paraboles ouvrent à la lecture spirituelle du
Cantique des perspectives nouvelles et plus conformes au message
général des Écritures. En effet, si nous considérons l’histoire dans son
ensemble comme une lutte de Sulamith entre l’attrait du monde
représenté par Salomon et la fidélité à son berger, elle devient pour nous
une parabole pleine d’enseignements.

Le Cantique et l’histoire du peuple de Dieu


L’histoire de la petite paysanne égarée dans le palais fastueux du
grand roi est d’abord celle du peuple de Dieu, l’humble peuple de
bergers et de paysans qui a voulu être comme les autres nations
d’alentour et avoir son roi (1 Samuel 8 : 5). Sulamith représente alors «
l’instinct israélite dans toute sa pureté » (F. Godet), et Salomon
personnifie la royauté terrestre. Le berger qui possède tous les attributs
de la perfection : beauté accomplie (5 : 10-16), liberté infinie (2 : 9-17 ; 5
: 4-6) et sagesse parfaite (6 : 2), qui n’apparaîtra visiblement qu’à la fin
du drame, c’est Dieu lui-même dont le nom Jéhovah ne signifie pas
seulement « Celui qui est » mais encore : « Celui qui vient ».
Les filles de Jérusalem, par opposition à la petite campagnarde, se
sont d’ores et déjà laissé fasciner par l’éclat de Salomon. Elles jouent le
rôle du chœur dans les tragédies antiques, c’est-à-dire qu’elles nous
aident à comprendre ce qui se passe dans l’âme de Sulamith, mais
reflètent aussi les sentiments de « l’Israël charnel » qui s’est laissé
séduire par le luxe et le faste de la royauté.
Comme dans Hamlet, tout le drame est dominé par un personnage qui
ne se montre jamais. Il oriente les réactions et les pensées de la jeune
fille soumise à l’épreuve : lui restera-t-elle fidèle devant les promesses du
monarque ? Déjà, elle est ornée de perles et de coraux, bientôt ses
poignets seront chargés d’or et d’argent (1 : 10-11) ; se laissera-t-elle
complètement paralyser à force de parures ?
L’idéal de richesse et de grandeur terrestre dont Salomon est la
réalisation historique la plus parfaite17 a exercé une puissante fascination
sur le cœur israélite. Les filles de Jérusalem sont totalement subjuguées
par l’éclat d’une gloire qui n’est pas seulement extérieure : il possédait
toute la science de son temps (1 Rois 4 : 33) et plus de sagesse
qu’aucun de ses contemporains (1 Rois 4 : 29-32 ; 2 Chroniques 9 :
23). Il est le prospère, le parfait, l’accompli (d’après la signification de
son nom). Comment lui résisterait-on ?
Une seule échappatoire s’offre à Sulamith : enfermée dans le palais de
Salomon, elle s’évade par la pensée et rejoint son bien-aimé en
évoquant ses perfections à lui et le souvenir de ses rencontres
heureuses avec lui dans la nature printanière. Cette évocation est si
intense qu’elle perd totalement conscience de la réalité ambiante et
échappe ainsi à son emprise. Comment ne pas voir dans ces visions
une allusion à celles des prophètes au cours desquelles ils contemplent
la beauté de la personne et des plans de Dieu ? Ce sont elles qui
permettent à la conscience israélite de résister aux tentations de leur
temps.
L’histoire d’Israël est-elle autre chose, en effet, dans son essence la plus
intime, que la lutte entre le vrai et le faux idéal de gloire messianique ? Et
la grande catastrophe, qui mettra fin pour un temps à son existence
nationale, ne résultera-t-elle pas de la préférence pour la fausse gloire à
laquelle il se sera laissé momentanément entraîner18 ?
Si l’élue de Dieu reste fidèle à son divin berger, elle le verra paraître à la
fin de l’histoire, elle montera du désert appuyée sur lui et goûtera les
joies d’un amour éternel (8 : 5-7). Les différentes énigmes qui parsèment
et closent le livre s’expliquent dans la perspective de cette application
politique du drame19.
Le message du Cantique, au temps où il fut composé, était avant tout
un appel au choix : Israël, quelle voix écouteras-tu ? Celle du Berger qui
t’aime et qui t’invite à une vie cachée avec lui, loin du faste et de la gloire
mondaine, ou celle du monarque qui, par l’apparat extérieur, t’entraîne
dans son luxe vers la domination politique ? Choisiras-tu les richesses
de ce monde et la fausse gloire visible ou l’attachement à Celui qui
refuse tout moyen charnel pour t’attirer à lui ?

Le Cantique de l’Église
Les composantes spirituelles du drame sont, en fait, « les trois grandes
puissances de la vie humaine : l’amour divin pour le peuple choisi, la
liberté humaine dans son plein exercice et la séduction mondaine dans
ce qu’elle a de plus attrayant » (F. Godet). Ces composantes sont de
tous les temps. La « jeune sœur » (8 : 8) de Sulamith, l’Église, a été tout
au long des siècles, exposée à la même tentation que le peuple de Dieu
de l’ancienne alliance. Trop souvent, elle a succombé à l’attrait de la
richesse, du faste et du pouvoir. Pour pouvoir dire « Je suis assise en
reine » (Apocalypse 18 : 7), elle a oublié qu’elle appartenait au pauvre
berger en Judée. L’attrait de l’or et de l’argent, de la vigne de Baal-
Hamon (maître d’une multitude), c’est-à-dire de la domination sur les
foules et de la gloire temporelle, a souvent été fatal à l’épouse du bon
berger parce qu’elle n’a pas su écouter l’avertissement contenu dans le
Cantique des cantiques en restant fidèle au Maître absent, à l’Époux qui
se fait attendre20.
L’Église de notre temps reste exposée aux mêmes tentations et la
leçon du Cantique garde toute son actualité.
Le Cantique et nous
Quel profit le croyant individuel tirera-t-il de la lecture du Cantique des
cantiques ?
En premier lieu, il découvrira l’un des plus beaux poèmes de la
littérature mondiale, et un peu de véritable beauté n’est pas un luxe en
notre temps. Ensuite, il y verra comment la Bible voit l’amour conjugal,
et il constatera que cette vision est aussi éloignée de la pudibonderie
que de la divinisation d’Éros. À travers la grille de la lecture à trois
personnages, il aura une leçon de fidélité. À côté des tentations
auxquelles Sulamith a résisté, celles que son amour aura à affronter sont
peu de chose.
Finalement, le conflit devant lequel se sont trouvés Israël et l’Église est
aussi le sien. Lui aussi est appelé à choisir chaque jour entre deux
amours.

D’un côté : Dieu, l’éternel absent qui n’apparaît que dans des
visions intérieures, qui habite sur les montagnes parfumées et
possède beauté accomplie, liberté infinie et sagesse parfaite. Le
bon berger (comme Jésus lui-même s’est présenté) n’a rien à
offrir de glorieux ici-bas, mais un jour, il apparaîtra sur la scène de
l’Histoire pour récompenser ceux qui auront fidèlement tenu leur
serment d’amour.
D’un autre côté : Salomon, le monde, la grandeur selon la chair,
la force, la richesse et la gloire visibles. Entre les deux, le croyant
se trouve engagé dans l’épreuve : restera-t-il fidèle au berger
pauvre et absent, devant la sollicitation des plaisirs et des
honneurs d’ici-bas ?

Le monde aussi nous prodigue parfois son admiration (« Avec vos


talents… ») et nous comble de promesses (« Vous serez heureux, libre,
tranquille »), il essaie de nous séduire par ses démonstrations de
grandeur (comme Salomon par son cortège) : déploiement de luxe,
parade du nombre, faste de ses solennités.
« Tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise
des yeux et l’orgueil de la vie » (1 Jean 2 : 16), conjuguait ses efforts
pour séduire Sulamith. Où trouvait-elle la force d’y résister ? Dans le
souvenir de son ami, dans les entretiens intérieurs avec lui et dans le
rappel de sa beauté et de ses perfections. C’est à ces mêmes sources
que nous pourrons puiser pour tenir ferme contre les assauts du monde
: dans le souvenir de notre divin Ami, de tout ce qu’il a fait pour nous
racheter de « la vaine manière de vivre héritée de nos pères », dans les
entretiens avec lui, dans la prière et dans l’adoration de ses perfections.
Dans cette communion invisible avec lui, nous verrons les attraits du
monde pâlir (1 Jean 2 : 17).
« L’amour est fort comme la mort » (Cantique des cantiques 8 : 6). Par
amour pour nous, il a passé par la mort de la croix. Notre amour pour lui
peut nous permettre d’affronter la même mort pour lui rester fidèle. Son
amour n’est pas possessif comme celui du monde, il est désintéressé, il
ne demande rien pour lui, sinon un chant, c’est-à-dire la louange et
l’adoration. Et encore ce n’est pas pour lui qu’il le demande, c’est pour
ses « amis » (8 : 13), c’est-à-dire pour les légions célestes auprès de qui
nos louanges le glorifient.
Saurons-nous, dans notre vie de tous les jours, relever le défi que nous
lance « le plus beau des chants » ?
Cantique
des cantiques

1 Le plus beau des chants composés par Salomon.


Acte I. Exil dans le palais royal
Scène 1. Sulamith et les jeunes filles21
1 2 3 4 (5 6)
Le chœur des jeunes filles
Ah ! que ta bouche me couvre de baisers,
2 Car aucun vin ne saurait me ravir autant que ton amour,
3 Aucun parfum n’égale tes senteurs !
Ton nom est comme un baume répandu sur le cœur.
Est-il si étonnant de voir toutes les filles être éprises de toi ?
4 Entraîne-moi,oui, prends-moi avec toi !
Que je suive tes pas ! Viens et courons ensemble.
Sulamith22
Le roi m’a fait entrer dans ses appartements.
Le chœur23
Sachons trouver en toi la joie et l’allégresse et nous exulterons !
Célébrons ton amour qui vaut mieux que le vin !
C’est donc avec raison qu’on est épris de toi.
Sulamith24
5 Ô filles de Jérusalem, je suis bronzée, et pourtant, je suis belle,

Pareille aux tentes de Kédar, aux pavillons de Salomon.


6 Ne vous étonnez pas si je suis bien brunie,
Ne me méprisez pas à cause de mon teint :
Le soleil m’a hâlée, les enfants de ma mère,
Irrités contre moi, m’ont fait garder les vignes,
— Oui, mais ma vigne à moi, je ne l’ai pas gardée25 !
7Ô toi que mon cœur aime26, dis-moi où tu fais paître ton troupeau de brebis,
Où tu feras la halte à l’heure de midi,
Pour que je ne sois pas comme une femme errante
Rôdant près des troupeaux que gardent tes amis.
Le chœur
8 Si tu ne le sais, toi27, la plus belle des femmes,

Va donc suivre les traces du troupeau de brebis,


Fais paître tes chevrettes près des huttes des pâtres !

Scène 2. Salomon et Sulamith28


9Ô mon amie, ma bien-aimée,
Je te compare à ma cavale,
Aux attelages du Pharaon.
10 Tes
joues sont belles entre les perles qui les encadrent !
Ton cou est beau sous tes colliers !
11 Nouste ferons des pendants d’or
Tout incrustés de points d’argent.
Sulamith29
12 Jusqu’à ce que le roi parvienne à son enclos,

Mon nard exhale son parfum.


13 Mon ami est pour moi comme un bouquet de myrrhe ;
Placé entre mes seins, il y passe la nuit.
14 Mon
ami est pour moi
Comme un bouquet de fleurs des vignes d’En-Guédi.
Salomon :
15 Quetu es belle, ma bien-aimée, Que tu es belle !
Tes yeux ressemblent à des colombes.
Sulamith (à son berger absent30)
16 Oui, tu es beau, mon bien-aimé et tu es plein de grâce !

Notre lieu de repos est un lit de verdure.


17 Les solives de nos maisons, ce sont les cèdres (du Liban),
Et les cyprès sont nos lambris.

2 JeSalomon
suis la fleur des champs, la rose des vallées.
31
2 Comme une rose parmi des ronces
Est mon amie parmi les jeunes filles.
Sulamith32
3 Comme un pommier parmi les arbres

De la forêt est mon ami parmi les jeunes gens,


Et je n’ai qu’un désir : c’est m’asseoir à son ombre.
Combien son fruit est doux à mon palais !
4 Il m’a conduite33 en son vignoble
Et, au-dessus de moi,
Il fait flotter son étendard qui est l’amour.
5 Restaurez-moi34 avec des gâteaux de raisins,
Soutenez-moi avec des pommes,
Car je suis malade d’amour.
6 Sa main gauche est sous ma tête,
Et sa droite m’enlace !
7Ô filles de Jérusalem, je vous supplie
Par les gazelles ou par les biches de la campagne :
N’éveillez pas, oh ! ne réveillez pas l’amour avant qu’il ne le veuille !

Scène 3. Sulamith et son bien-aimé


(Elle lui parle comme dans un rêve35)
8 J’entendsmon bien-aimé, oui, c’est sa voix : il vient,
Franchissant les montagnes, sautant sur les collines.
9 Mon bien-aimé ressemble à la gazelle agile ou à un jeune faon.
Le voici : il est là, derrière la paroi, guettant par les fenêtres
Et lançant des regards à travers les treillis.
10 Mon bien-aimé me parle, il m’appelle et me dit36 :
« Lève-toi, ma compagne, viens donc, ma belle amie,
11 Car l’hiver est passé et la pluie a cessé ; elle a cédé la place.
12 On voit des fleurs éclore à travers le pays,
Et le temps de chanter est revenu pour nous.
La voix des tourterelles retentit dans les champs.
13 Tousles figuiers bourgeonnent, leurs premiers fruits mûrissent.
La vigne en fleur embaume, exhalant son parfum.
Lève-toi, ma compagne, ma belle, mon amie,
Viens donc, ma belle amie,
14 Ma colombe nichée aux fentes du rocher,
Cachée au plus secret des parois escarpées,
Que je voie ton visage ! Que j’entende ta voix !
Car ta voix est bien douce et ton visage est beau.
15 Prenez-nousles renards37, les petits renardeaux
Qui ravagent nos vignes quand elles sont en fleur ».
16 Mon ami est à moi, et moi, je suis à lui,
Lui qui paît son troupeau sur les prés pleins de lis.
17 Quand soufflera la brise à la tombée du jour,
Quand les ombres fuyantes s’étendront sur les champs,
Reviens, mon bien-aimé, pareil à la gazelle ou à un jeune faon
Sur les monts escarpés, les monts qui nous séparent !

Scène 4 : Sulamith et le chœur des jeunes filles38


Sulamith
(Le soir, le berger n’est pas venu.)
3
1Sur mon lit, dans la nuit, j’ai cherché,
J’ai cherché celui que mon cœur aime.
J’ai cherché, j’ai cherché, je ne l’ai pas trouvé.
2 (Je me suis dit alors :)
Il faut que je me lève,
Je parcourrai la ville par les rues et les places,
Je chercherai partout celui que mon cœur aime.
J’ai cherché, j’ai cherché, je ne l’ai pas trouvé.
3 J’airencontré les gardes faisant le tour de la ville.
(Je leur ai demandé :) « Celui que mon cœur aime,
Ne l’avez-vous pas vu ? »
4 Je les avais à peine dépassés,
Quand j’ai vu celui que mon cœur aime.
Je l’ai saisi bien fort, ne voulant le lâcher
Qu’après l’avoir conduit au logis de ma mère,
Dans la chambre de celle qui m’a donné le jour.
5Ô filles de Jérusalem,
Je vous supplie par les gazelles ou par les biches de la campagne :
N’éveillez pas, oh ! ne réveillez pas l’amour avant qu’il ne le veuille !
Acte II. Tentations
Scène 1. Le chœur des habitants de Jérusalem
Le chœur39
6 Qu’est-ce qui monte du désert comme un nuage de fumée,

Au milieu des vapeurs de myrrhe, d’encens et d’aromates, et de tous les


parfums ?
7 Voicile palanquin, le palanquin de Salomon,
Escorté de ses soixante hommes d’entre les braves d’Israël.
8 Ils
sont tous armés de l’épée, ils sont initiés au combat.
Chacun a l’épée au côté pour parer aux dangers nocturnes.
9 Le palanquin royal fait sur ordre de Salomon est en bois du Liban.
10 Les colonnes sont en argent, son baldaquin est tissé d’or, son siège est fait
en pourpre.
Les filles de Jérusalem l’ont tapissé avec amour.
11 Ôfilles de Sion, sortez et contemplez le grand roi Salomon
Portant le diadème dont le ceignit sa mère au jour de son mariage,
Au jour où tout son être était rempli de joie.

Scène 2. Salomon et Sulamith40


1 2 3 4 (5 6 7)
Salomon

4 Que tu es belle41, ma bien-aimée, que tu es belle !


Tes yeux ressemblent à des colombes dessous ton voile ;
Ta chevelure est comme un troupeau de chèvres
aux flancs du mont Galaad,
2 Tesdents ressemblent à des brebis
Passées aux mains des tondeurs et remontant du lavoir.
Chacune d’elles a sa jumelle, aucune n’est solitaire.
3 Tes lèvres sont comme un ruban écarlate,
Et ta parole est charmeuse.
Tes joues ressemblent à des moitiés de grenades
dessous ton voile.
4 Ton cou est ferme comme la tour de David,
bâtie comme un arsenal :
Mille boucliers y sont pendus, tous les pavois des héros.
5 Comme deux faons, sont tes deux seins,
Comme deux jeunes gazelles qui sont jumelles
Et qui vont paître parmi les lis.
Sulamith42
6 Quand soufflera la fraîche brise du soir

Et quand les ombres s’allongeront,


Je m’en irai vers la montagne tout embaumée de la myrrhe,
Vers la colline où croît l’encens.
Salomon
7 Que tu es belle, ma bien-aimée,

Tu es parfaitement belle, sans un défaut.


8 Ma fiancée, tu vas venir avec moi,
Tu vas venir du Liban, oui, du Liban.
Tu contempleras la plaine du sommet de l’Amana,
Du Sénir et de l’Hermon.
Là les lions ont leur retraite,
Et les panthères se cachent dans les montagnes.
9 Tume fais perdre le sens, ô toi, ma sœur, ma fiancée,
Tu me fais perdre le sens d’un seul regard de tes yeux,
D’un seul joyau suspendu à ton collier.
10 Que tes caresses sont douces, ô toi, ma sœur, ma fiancée !
Oui, tes caresses sont bien plus douces qu’un vin exquis,
Et la senteur de tes parfums plus délicate que tous les baumes !
11 Tes lèvres, ma fiancée, distillent un nectar pur,
Et, sous ta langue, coulent du miel et du lait,
Et le parfum de tes habits est tout pareil à la senteur du Liban.
12 Tu es un jardin secret et verrouillé,
Ô toi, ma sœur, ma fiancée43.
Tu es une source close, une fontaine scellée !
13 Tu es comme un paradis où croissent des grenadiers
Et les fruits les plus exquis : le cyprès et le henné,
14 Le nard avec le safran et la cannelle odorante,
Le cinnamome et toutes sortes d’arbres donnant de l’encens,
De l’aloès et de la myrrhe et les plus fins aromates.
15 Tu
es la source en mon jardin,
Un puits d’eaux vives, d’eaux ruisselant du Liban.
16 Éveille-toi,
Aquilon ! Accours, Autan !
Viens souffler sur mon jardin, et que ses parfums s’exhalent !
Sulamith44
Que mon ami, mon bien-aimé, pénètre dans son jardin
Et qu’il en goûte les fruits exquis.
Salomon45

5 Je viens, ma sœur, ma fiancée,


Et j’entre dans mon jardin,
Je viens récolter ma myrrhe et mes parfums.
Je viens manger mon rayon avec mon miel,
Et je viens boire mon vin avec mon lait.
Mangez, mes amis, buvez46 !
Enivrez-vous, mes bien-aimés,
Enivrez-vous de l’amour !

Scène 3. Sulamith et le chœur des jeunes filles


123456
Sulamith47
2 Jeme suis endormie, pourtant mon cœur veillait.
J’entends mon bien-aimé, c’est lui : voici qu’il frappe :
« Ouvre-moi, ma sœur, ma bien-aimée,
Toi qui es ma colombe, toi qui es ma parfaite,
Car ma tête est mouillée, couverte de rosée.
Mes boucles sont trempées des gouttes de la nuit ».
3 (Je ne peux pas t’ouvrir,) j’ai ôté ma tunique,
Comment la remettrais-je ?
Et j’ai lavé mes pieds : comment les salirais-je ?
4 Mon bien-aimé avance sa main par la fenêtre, mon cœur en a frémi
5 Etje me suis levée pour aller lui ouvrir.
De mes mains, goutte à goutte, de la myrrhe a coulé,
Mes doigts ont ruisselé de la myrrhe onctueuse
Jusque sur la poignée du verrou de la porte.
6 J’ouvre à mon bien-aimé.
Hélas, mon bien-aimé était déjà parti : il avait disparu.
Et ce qu’il m’avait dit me rendait éperdue.
Depuis qu’il m’a parlé, je l’ai cherché partout, je ne l’ai pas trouvé.
Puis, je l’ai appelé, il n’a pas répondu.
7 J’ai
rencontré les gardes faisant le tour de la ville,
Les gardes m’ont frappée et ils m’ont maltraitée
En arrachant mon voile, les gardes des remparts.
8Ô filles de Jérusalem, je vous en prie :
Si vous rencontrez mon ami,
Annoncez-lui que je suis malade d’amour !
Le chœur des jeunes filles48
9 Dis-nous, toi la plus belle parmi toutes les femmes,

Qu’a donc ton bien-aimé de plus qu’un autre amant


Pour que tu nous conjures, que tu nous pries ainsi ?
Sulamith49
10 Mon bien-aimé a le teint clair et rose,
On le distinguerait au milieu de dix mille.
11 Carsa tête est précieuse comme un lingot d’or pur.
Et ses boucles sont souples comme un rameau de palme,
Plus noires qu’un corbeau.
12 Ses yeux sont des colombes au bord d’un courant d’eau,
Ils baignent dans du lait et sont comme enchâssés
dans un chaton de bague.
13 Sesjoues sont embaumées
Comme un massif de fleurs exhalant leurs parfums.
Ses lèvres sont des lis distillant de la myrrhe,
la myrrhe la plus pure.
14 Sesmains sont ciselées comme des anneaux d’or
incrustés de topazes.
Son corps est un chef-d’œuvre,
C’est une tour d’ivoire émaillée de saphirs.
15 Ses jambes sont semblables à des piliers d’albâtre
Reposant sur des socles coulés dans de l’or pur.
Sa stature est pareille à celle du Liban ;
Il est incomparable, noble comme les cèdres.
16 Sonpalais et ses lèvres respirent la douceur,
Et toute sa personne est empreinte de charme,
Tel est mon bien-aimé, tel est mon compagnon, ô filles de Jérusalem !
Le chœur des jeunes filles50

6 Où est allé ton bien-aimé, ô toi la plus belle des femmes ?


De quel côté s’est-il tourné, ton bien-aimé ?
Nous t’aiderons à le chercher.
Sulamith
2 Mon bien-aimé est descendu dans son verger,

À sa terre embaumée pour faire paître son troupeau et pour cueillir des lis.
3 Jesuis à mon ami, et lui, il est à moi,
Lui qui paît son troupeau sur les prés pleins de lis.

Scène 4. Salomon, Sulamith et le chœur des jeunes filles51


(1 2 3 4 (5 6 7))
4 Que tu es belle, ma bien-aimée, comme Thirtsa.
Tu es superbe tout comme Jérusalem,
Mais redoutable comme des troupes sous leurs bannières.
5 Détourne de moi tes yeux, car ils me troublent,
Ta chevelure est comme un troupeau de chèvres
Aux flancs du mont Galaad.
6 Tesdents ressemblent à des brebis qui reviendraient du lavoir ;
Chacune d’elles à sa jumelle, aucune n’est solitaire.
7 Tesjoues ressemblent à des moitiés de grenade
dessous ton voile.
8 Il
y a là soixante reines et quatre-vingts concubines,
sans compter les jeunes filles,
9 Mais une seule est ma colombe et ma parfaite.
Pour sa mère, elle est unique.
Les jeunes filles, en la voyant, disent qu’elle est bienheureuse.
Toutes les reines, les concubines, font son éloge52 :
Le chœur des jeunes filles
10 Qui donc est celle qui apparaît comme l’aurore

Et qui est belle comme la lune, brillante comme un soleil


Mais redoutable comme des troupes sous leurs bannières53 ?
Sulamith54
(1 2 3 4 5 6)
11 Je
venais de descendre au jardin des noyers
Pour regarder les pousses des roseaux du vallon
Et pour voir si la vigne avait déjà fleuri,
Pour voir si les bourgeons de la vigne s’ouvraient
Et si les grenadiers étaient déjà en fleurs.
12 Je
ne sais pas comment je me suis retrouvée,
Poussée par mon désir, au beau milieu des chars des nobles de mon peuple.
Le chœur des jeunes filles55

7 Reviens, reviens, ô Sulamith !


Reviens, reviens, que nous puissions te contempler !
Sulamith
Pourquoi ? Que voulez-vous voir en la Sulamith ?
Le chœur
On dirait à la voir, la danse des deux camps56.
2 Quetes pas sont gracieux sans tes sandales, fille de prince !
Le contour de tes hanches ressemble à un calice, œuvre de mains d’artiste !
3 Tataille est comme une urne arrondie et remplie de vin aromatique.
Ton corps est une meule de blé parée de lis.
4 Tes deux seins sont deux faons, jumeaux d’une gazelle.
5Ton cou est une tour, une tour en ivoire.
Tes yeux sont des étangs, des étangs d’Hésébon aux portes de la ville,
Et ton nez est semblable à la tour du Liban,
Qui surveille la plaine du côté de Damas.
6 Ta tête, sur ton corps, est comme le Carmel
Et tes cheveux ressemblent à des rubans de pourpre.
Un roi est enchaîné par tes boucles tressées57.
Salomon
7 Que tu es belle et que tu es gracieuse,

Ô mon amour, ô fille délicieuse !


8 Parl’élan de ta taille, tu es comme un palmier,
Tes seins en sont les grappes.
9 Jeme suis dit : « Il faut que je monte au palmier, j’en cueillerai les fruits ».
Que tes seins soient pour moi des grappes de raisin !
L’haleine de ta bouche a le parfum des pommes,
10 Et ton palais distille le vin le plus exquis…
Sulamith58
…Qui coule librement pour mon bien-aimé (seul),
Mais glisse sur les lèvres de celui qui s’endort59.

Scène 5. Sulamith et le chœur des jeunes filles


Sulamith
11 Je suis à mon ami60 et c’est moi qu’il désire : il est épris de moi.

12 Viens
donc, mon bien-aimé, sortons à la campagne.
Nous passerons la nuit au milieu des hameaux.
13 Et
nous nous lèverons le matin, de bonne heure,
Pour aller dans les vignes, pour voir si ses bourgeons
Ont déjà éclaté et si les grenadiers commencent à fleurir.
Là-bas, je te ferai le don de mon amour.
14 Lesmandragores embaument.
Nous avons, à nos portes, des fruits de toutes sortes, tant anciens que
nouveaux ;
Pour toi, mon bien-aimé, je les ai réservés.

8 Ah, que n’es-tu mon frère allaité par ma mère !


Alors, à ta rencontre, au-dehors, dans la rue,
Je pourrais t’embrasser sans que l’on me méprise,
2 Je pourrais t’emmener au foyer de ma mère,
Là, tu m’enseignerais et je te ferais boire
Du vin aromatique et du jus de grenades.
3 Sa gauche est sous ma tête et sa droite m’enlace.
4Ô filles de Jérusalem, je vous en prie
N’éveillez pas, oh, ne réveillez pas l’amour
avant qu’il ne le veuille !
Acte III. Le triomphe de l’amour
Scène 1. La Sulamith et son bien-aimé
Chœur des villageois
5 Qui donc est celle-ci qui monte du désert

En s’appuyant sur son ami ?


Sulamith
C’est dessous le pommier que je t’ai réveillé,
À l’endroit où ta mère t’avait donné le jour,
Au lieu même où souffrit celle qui t’enfanta61.
6 Place-moi comme un sceau sur ton cœur, sur ton bras.
L’amour est fort comme la mort
Et la passion est indomptable comme le séjour des défunts.
Les flammes de l’amour sont des flammes de feu,
Oui, des flammes sacrées venant de l’Éternel.
7 Même de grosses eaux n’éteindront pas l’amour,
Et des fleuves puissants ne sauraient le noyer.
L’homme qui offrirait tous les biens qu’il possède
Pour acheter l’amour n’obtiendrait que mépris62.

Scène 2. Sulamith et ses frères


Les frères
8 Nous avons une sœur, elle est petite encore,

elle n’est pas nubile.


Que ferons-nous pour elle, le jour où il faudra
la donner en mariage63 ?
Sulamith
9 Si elle est un rempart, nous bâtirons sur elle des palais en argent.

Si elle est une porte, nous dresserons contre elle des madriers de cèdre64.
10 Moi,
je suis un rempart, mes seins en sont les tours.
Aussi ai-je été, à ses yeux, celle qui a trouvé la paix65.

Scène 3. Sulamith : coup d’œil rétrospectif


Sulamith
11 Salomon avait une vigne dans la région de Baal-Hamon,

il la remit à des gardiens.


Pour en payer le fruit, chacun d’eux lui donnait
Un millier de pièces d’argent.
12 Ma vigne est à moi, je la garde.
Toi, Salomon, tu peux avoir ton millier de pièces d’argent,
Mais je donnerai deux cents pièces
À ceux qui en gardent les fruits66 !

Scène 4. Sulamith et son bien-aimé


Le berger
13 Toi qui habites les jardins, mes compagnons prêtent l’oreille,

Fais-moi donc entendre ta voix67 !


Sulamith
14 Cours, enfuis-toi, mon bien-aimé, et sois pareil à la gazelle ou à un jeune faon

de biche,
Fuis vers le mont des aromates68 !

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Introduction
à Job

« L’homme naît pour souffrir comme l’étincelle pour voler » (Job 5 : 7).
Cette constatation pessimiste d’Éliphaz de Témân reflète la résignation
plus ou moins fataliste avec laquelle une bonne partie de l’humanité
accepte le fait de la souffrance. Une autre partie, cependant, ne se
résout pas si facilement à une telle attitude. Si vraiment Dieu existe,
pourquoi permet-il que ses créatures souffrent ? Les écrits les plus
anciens soulèvent cette question difficile et poignante. À partir du
IIIe millénaire avant Jésus-Christ, nous découvrons des textes en Égypte,
à Sumer, à Babylone, aux Indes, etc., posant nettement cette
interrogation : pourquoi Dieu n’empêche-t-il pas la souffrance s’il est
puissant et bon ?
Les réponses se ramènent généralement à l’alternative suivante : Dieu
est puissant, mais il n’est pas bon envers les hommes. Et si l’on veut le
fléchir et éviter la souffrance, il faut se soumettre à toutes sortes
d’exercices de piété et de punitions qu’on s’inflige. Ou bien, dans une
autre perspective : Dieu est bon et puissant, mais la souffrance est une
punition méritée pour des péchés publics ou secrets69.
Les écrits rapportant des réflexions de ce genre sont nombreux dans
l’ancien Orient. C’est dans ce contexte que se situent la vie de Job et le
livre qui en parle. L’auteur connaît les thèses courantes. Elles nous sont
présentées par les amis de Job, mais sa réflexion dépasse de loin tous
les écrits analogues.

Un livre unique
Comparer le livre de Job avec des écrits antérieurs met en évidence
son caractère unique dans toute la littérature ancienne et moderne.
Unique par son genre littéraire. S’agit-il d’une histoire ou d’une épopée ?
D’un poème ou d’une pièce dramatique ? Ou d’un mélange de ces
différents genres ? C’est-à-dire d’un genre littéraire propre au livre
comme l’a suggéré le Rabbin Gordis70 qui tient à la fois de l’histoire, du
poème et des écrits symboliques71.
Unique par sa composition. Le schéma A–B–A (prose–poésie–prose) se
retrouve dans beaucoup d’écrits anciens similaires72.

La structure détaillée est remarquable : deux interventions de


Dieu au début et deux à la fin du livre encadrent les discours de
Job et de ses amis.
Le prologue est construit sur un schéma strictement symétrique :
deux entrevues de Dieu avec Satan (1 : 6-12 ; 2 : 1-7) suivies de
séries de malheurs déclenchés contre Job (1 : 13-19 ; 2 : 7-8) et
des réactions de celui-ci (1 : 20-22 ; 2 : 9-13).
Les discours sont articulés sur le même mode symétrique :
quatre cycles de dialogues entre Job et ses trois amis (le
quatrième étant un monologue de Job, chap. 29-31, faisant
pendant au monologue initial du chap. 3), puis quatre discours
d’Élihou (ch. 32-37). Le chiffre 4 revient d’ailleurs fréquemment.

Unique par sa poésie. Son vocabulaire est l’un des plus riches et
certainement le plus difficile de tous les livres bibliques, comme c’est le
cas des textes poétiques dans toutes les langues. La découverte des
tablettes ugaritiques de Ras Shamra a permis de résoudre un certain
nombre d’énigmes, elles ont révélé l’ampleur de la culture littéraire de
l’auteur. Celui-ci manie avec une maîtrise parfaite tous les procédés
stylistiques et poétiques de sa langue : les parallélismes synonymiques,
antithétiques et synthétiques, le chiasme, etc.
Ce sont surtout les descriptions qui sont d’un lyrisme inégalé et en font
« le poème le plus grandiose de tous les temps » (Tennyson) : il chante
la beauté de la création (36 : 22 à 37 : 13 ; 38 : 41), il évoque les
profondeurs de la souffrance humaine (3 : 6 à 7 : 19).
Unique par sa profondeur. Mais ce qui fait surtout le caractère unique de
Job, c’est sa profondeur de pensée. Le livre ne nous apporte pas une
solution unique au problème de la souffrance, mais un inventaire de
toutes les solutions qui y ont été données. Toutes les réponses que
l’homme a trouvées à ses pourquoi, mais aussi toutes celles que Dieu lui
a fournies dans sa révélation, sont contenues dans ces quarante-deux
chapitres. Pas de développements théoriques arides, mais des
réflexions intégrées à une histoire vécue, pétries de sentiments et de
passions – ce qui est normal chez un homme plongé dans une terrible
souffrance.

Tentatives de solutions au problème de la


souffrance
Le caractère vivant, mais parfois déconcertant, du livre vient de cette
confrontation entre les différentes explications de la souffrance :
châtiment du péché, correction, enseignement, approfondissement
spirituel, défense de l’honneur de Dieu.
Est-il juste d’en retenir une seule à l’exclusion des autres ? Tour à tour,
la Bible souligne l’un ou l’autre sens de la souffrance :

1. Elle peut être châtiment du péché. Puisque les bénédictions et les


malédictions dépendent du comportement de l’homme (Lévitique
26 ; Deutéronome 27 à 30), ce qu’il sème, il le moissonnera
(Psaumes 34 : 11-22 ; Galates 6 : 7 ; 1 Pierre 3 : 10).
2. Elle peut être éducatrice : le Fils de Dieu lui-même a appris
l’obéissance par les choses qu’il a souffertes (Hébreux 5 : 8) et
l’apôtre Paul rend grâces à Dieu pour les maux qu’il a endurés
puisqu’ils l’ont rendu plus apte au ministère de la compassion et
de la consolation (2 Corinthiens 1 : 3-7). Les années d’épreuve
ont été pour Joseph, pour Moïse, pour David, pour Jérémie
comme pour Daniel, un temps de maturation et de croissance
spirituelle qui les ont préparés pour les tâches que Dieu leur avait
réservées. L’épreuve comme la correction « produit plus tard
chez ceux qui ont été ainsi exercés (ceux qu’elle a formés) un
paisible fruit de justice » (Hébreux 12 : 11).

1. La souffrance comme châtiment


Avec de légères variantes, les trois amis de Job défendent surtout
la thèse traditionnelle : la souffrance est le châtiment du péché.
Pour Job, une série de catastrophes aussi terribles que celles qui
ont déferlé sur lui doivent être l’indice de péchés exceptionnels :
Éliphaz, vénérable sage, déclare que tout homme est
pécheur, donc chacun doit souffrir, mais le coupable qui
s’humilie sera pardonné et rétabli ;
Bildad est le savant versé dans la tradition des pères, il
insiste surtout sur la justice de Dieu qui ne saurait punir un
innocent ;
Tsophar représente le dogmaticien raisonneur que son
impétuosité pousse vers une certaine intolérance. Si Dieu
voulait lui parler, renchérit-il, il montrerait à Job qu’il l’a même
traité avec indulgence.

Devant les protestations d’innocence de Job, les positions des trois


amis se raidissent et les accusations se font plus sévères : il ne veut pas
reconnaître ses torts, donc il s’endurcit contre Dieu. Qu’il prenne garde :
il sera brisé d’un seul coup.

2. La souffrance comme éducation


La seconde explication de la souffrance, celle qui éduque, qui reprend
l’homme, est évoquée brièvement par Éliphaz (5 : 17-27) et sera surtout
défendue par Élihou (33 : 14-20).

Bonnes intentions, fausse théologie


On a pris l’habitude d’être assez dur avec les amis de Job. Il ne faut
cependant pas être injuste envers eux : ils sont venus de loin pour
consoler leur ami éprouvé. Pendant sept jours et sept nuits, ils lui
tiennent silencieusement compagnie, et lorsqu’ils lui parlent, c’est pour
essayer de l’aider. D’ailleurs, ce qu’ils disent n’est pas faux en soi :
lorsqu’on lit leurs discours en faisant abstraction de la situation de Job, il
n’y a rien à objecter (seulement leurs théories qui ne correspondent pas
à la situation de leur ami).
Selon leur théologie, Job doit avoir péché ; donc, au lieu de le
consoler, ils vont l’accuser. En toute bonne conscience, d’ailleurs. En
effet, n’est-ce pas pour lui le seul moyen de guérir ? Car Dieu est juste, il
n’envoie pas la souffrance sans raison ; l’infortune de leur ami est la
preuve de fautes cachées : qu’il reconnaisse son péché et Dieu le
rétablira. On s’est demandé pourquoi les amis de Job parlaient si
longuement pour ne rien dire de neuf. Mais il faut comprendre leur
propos : ils voudraient aider leur ami, ils ne peuvent le laisser dans sa
détresse. Selon leur théorie, il y a une seule voie de salut pour lui : qu’il
se repente et tout ira de nouveau bien. C’est pourquoi les premiers
discours se terminent tous par une note positive et encourageante (5 :
17-27 ; 8 : 20-22 ; 11 : 13-20). Il faut aussi comprendre leur angoisse :
si Job est innocent, comme il le prétend, toute leur théologie s’écroule :
sur quoi pourront-ils encore s’appuyer ? Si de telles calamités peuvent
arriver à un juste, quelle assurance leur restera-t-il pour eux-mêmes ? Ils
ne peuvent retourner chez eux soulagés avant d’avoir arraché à Job une
confession de culpabilité qui sauverait leur théologie et étayerait la
barrière de sécurité dont ils se sont crus entourés. Leurs efforts en vue
d’une « autocritique » de Job ne réussissant pas, ils s’acharnent et
finalement se taisent mais sans lâcher prise.
L’un des buts du livre de Job est de montrer combien une telle position
théologique absolue est fausse. L’innocence de Job est clairement
attestée par l’auteur (1 : 1), par Job (6 : 30 ; 9 : 15) et confirmée par
Dieu lui-même (42 : 7s), mais tous les personnages ignorent la situation
réelle. Le livre se situe donc dans la même ligne que certains psaumes
(37 ; 49 : 5s ; 73), que Jérémie (12 : 1 ; 31 : 29s) et Habakuk (1 : 13s)
qui, tous, affirment que la souffrance n’est pas toujours méritée et que
nous ne pouvons pas nous attendre à voir triompher à tout coup la
justice dans cette vie. Il montre aussi combien cette théologie trop
étroite peut être néfaste pour ceux qu’elle prend pour cible. Au lieu de
soulager leur ami, les trois « consolateurs » n’ont fait que l’accabler de
souffrances supplémentaires, parce qu’ils étaient prisonniers de leur
système déterministe : péché-souffrance, donc souffrance = péché.
Mais Job ne voyait pas comment concilier avec son expérience ce que
disaient ses amis (et qui était juste à ses yeux). Dieu n’a pas pu lui
révéler la véritable raison de sa souffrance avant – ou pendant – son
épreuve. Il n’a pas jugé utile de le faire après. D’où la perplexité de Job
et son désarroi intérieur. Il en vient à maudire le jour de sa naissance (3 :
11, 20) ; donc, indirectement, il reproche à Dieu de l’avoir fait naître.
Ainsi, il arrive très près du point où Satan voulait l’amener, à savoir : qu’il
maudisse Dieu. Cependant, il ne le maudit pas. Au contraire, il reste
ferme et il affirme que l’Éternel est juste. C’est à lui qu’il en appelle
contre ses accusateurs (23 : 3-17). Peu à peu, nous le voyons croître
intérieurement vers une assurance et une sérénité qui le préparent à la
confrontation avec le Seigneur.
Dans son désarroi, il exprime une intuition à laquelle seul le Nouveau
Testament répondra : le besoin d’un médiateur entre Dieu et l’homme,
un « rédempteur » (le goël : celui qui rachète et réconcilie, cf. Romains 5
: 1-5). Vers la fin (chap. 28), il se tourne vers la sagesse dont le principe
même est de révérer Dieu (v. 28).
C’est aussi l’un des thèmes des discours d’Élihou, le jeune
interlocuteur qui apparaît à la fin, lorsque les trois amis n’ont plus rien à
dire. Il est indigné « contre Job qui n’a su se justifier qu’en accusant
Dieu, et contre les amis qui n’ont su se justifier qu’en accusant Job »
(Oehler). Après avoir affirmé la valeur purificatrice de la souffrance, il
développe l’idée que toute la nature témoigne de la grandeur et de la
sagesse de Dieu (36 : 22-37, 13) ; même si nous ne parvenons pas à
comprendre ses voies, il ne saurait être injuste. On peut donc faire
confiance à sa droiture dans l’usage qu’il fait de sa puissance. Par là,
Élihou prépare les discours de Dieu lui-même qui développent le même
thème sous forme de questions posées à Job : « Toi qui prétends me
juger, comprends-tu l’univers ? Sais-tu le gouverner mieux que moi ? »
Les deux animaux qu’il décrit avec plus de détails, le behemoth et le
leviathan (termes difficiles à traduire, et que nous avons choisi de rendre
par « hippopotame » et « crocodile ») sont des échantillons pris dans sa
création pour démontrer sa puissance et sa sagesse, comme pour dire
à Job : « Tu crois que je ne connais pas mon métier ? » Ces chapitres,
nous dit Campbel Morgan, sont « une satire aussi douce que le baiser
d’une mère quand elle se rit de son enfant ».
En fait, Job sortira grandi de cette expérience. Même un homme juste
et sage comme lui peut donc parvenir, au travers de la souffrance, à de
nouveaux sommets de maturité humaine et spirituelle.
Le dépouillement de tout ce qui constituait sa vie d’antan place Job
dans un dénuement total devant Dieu : il a tout perdu : richesses,
enfants, santé, soutien de sa femme, réconfort de ses amis. Il lui restait
encore la certitude de l’amour de Dieu et de la justice de sa providence
lorsqu’il disait : « Nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions
pas aussi le mal ? » (2 : 10). Mais peu à peu, il perd même la conviction
d’un juste gouvernement de Dieu. Il se laisse tenter par l’idée que Dieu
ne l’aime plus puisqu’il l’a pris, lui le juste, pour cible de ses flèches (10 :
13-17 ; 13 : 24). Sur quoi peut-il encore s’appuyer ? Sur sa propre
justice ? Il sait bien que l’homme ne saurait être juste devant Dieu et que
si celui-ci voulait contester avec lui, il ne pourrait même pas se justifier
dans un cas sur mille (9 : 2-3). Sur sa foi ? Mais que lui reste-t-il de sa
confiance en un Dieu qui semble le poursuivre injustement de son
animosité (16 : 11-17) ? Il n’a plus rien du tout pour s’y appuyer.
Finalement, son seul recours, c’est Dieu lui-même, c’est devant lui qu’il
veut plaider sa cause (13 : 3)… même s’il n’est plus sûr de pouvoir
compter sur lui (13 : 15).
Dépouillement total d’un homme devant Dieu. Mais pas de n’importe
quel homme : Job a été préparé peu à peu à ce dépouillement. Pas non
plus devant n’importe quel Dieu : un Dieu tout-puissant, qui peut mettre
fin à l’épreuve quand il juge qu’elle a atteint son but, mais surtout un
Dieu qui aime ses créatures comme un père et leur redonne, au moment
opportun, tout ce qui contribue à leur bonheur terrestre.
La fin du livre, qui se lit comme celle d’un conte de fées, est la
contrepartie du prologue. Elle nous apporte le gage de la bonté et de la
fidélité de Dieu : il prendra soin de nous en temps voulu et saura nous
donner, ici-bas ou au-delà, tout ce qu’il nous a réservé dans son amour.

Le nœud du problème
Dieu n’avait pas à se justifier devant Job. Il pouvait encore moins
condescendre à lui révéler la scène racontée dans le prologue. Pourtant
c’est dans le défi que Satan a lancé à Dieu que se trouve la véritable
raison de l’épreuve de Job. C’est aussi la cause de certaines
souffrances qui ne rentrent dans aucune des autres catégories
d’explications. Dans le prologue se trouve la pièce la plus importante du
puzzle que les quatre amis ont cherché vainement à reconstituer avec
celles qu’ils avaient en main. En fait, l’accusation lancée par Satan (1 : 9)
atteint Dieu lui-même bien plus que Job :
Car si le plus pieux des hommes est incapable d’aimer Dieu
gratuitement, c’est dire que Dieu est impuissant à se faire aimer. Or, si la
perfection d’un être est d’aimer, sa gloire est d’être aimé. Par
conséquent, le coup le plus sensible que l’on puisse porter à l’honneur
divin, c’est de prétendre que le plus pieux adorateur de Dieu sur la terre
le sert avec cette unique pensée : « Que m’en reviendra-t-il ? » S’il en est
ainsi, Dieu n’est plus qu’un puissant, flatté par des lâches, il n’a pas
d’amis, pas d’enfants ; il n’a que des mercenaires et des esclaves. […]
En décochant le trait enflammé qui réduit en cendres la piété de Job,
c’est réellement au cœur de Dieu qu’il a visé… et il a frappé au but73.
L’épreuve seule pourra faire éclater la vérité. Dieu est contraint de
relever le défi de Satan et de lui donner carte blanche pour démontrer si
son insinuation est vraie. Ainsi, Job devient le « champion » de Dieu,
dans le sens que ce mot avait au Moyen Âge : il devra défendre
l’honneur de Dieu.
Ce sens suprême de la souffrance nous explique peut-être pourquoi
tous les héros de la foi d’Hébreux 11 ont dû passer par l’épreuve,
pourquoi Dieu a permis que l’Église subisse tant de persécutions au
cours des siècles, pourquoi aujourd’hui encore tant de fidèles croyants
endurent des souffrances non méritées. Par leur constance et leur
fidélité au milieu des tribulations, ils apportent la démonstration
péremptoire que Dieu leur est plus précieux que n’importe quoi ; il est,
pour eux, le bien suprême, l’unique objet de leur affection.
Dans cette perspective, le livre de Job est une critique fondamentale
de la philosophie hébraïque de ce temps qui avait enfermé la vie dans
une orthodoxie rigide où il n’y avait place que pour deux destins : celui
du juste, assuré d’obtenir sa récompense dans cette vie, et celui du
méchant, sûr de sa destruction. Sous l’influence d’une telle philosophie,
la piété devenait un calcul intéressé, la bonne conduite une monnaie
pour acheter le bonheur, la sagesse elle-même n’était plus qu’un moyen
de s’assurer une existence sans problème.
Quand Dieu a créé l’homme à son image, l’a-t-il donc doté d’un esprit
si bassement commercial pour communier avec lui ? Est-il incapable de
susciter en lui une affection sincère et désintéressée ?
Ainsi la question de Satan : « Est-ce donc pour rien que Job te sert ? »
atteint à la fois Dieu et l’homme. […] À Dieu : « Est-ce vraiment toi qu’il
aime, ou ton argent, ta puissance, tes bienfaits, ton titre ? » Satan
conteste la possibilité de ce rien, de cette gratuité (de l’amour de Job). Il
défie Dieu d’être parvenu à créer cet amour au cœur de l’homme. […] Le
problème de Job n’est pas tant celui de la souffrance que celui de
l’amour. Dieu et Satan luttent pour le cœur de l’homme74.
Mais la question de Satan atteint aussi l’homme en plein cœur de sa
dignité. Est-ce que l’homme n’est vraiment rien de plus qu’un
consommateur qui marchande les faveurs de Dieu par sa piété ? Est-il,
comme le veut Satan, uniquement préoccupé de ses intérêts, ou
comme le pensent les amis de Job, entièrement dépravé et corrompu ?
La vie et l’attitude de Job sont la réponse à cette question et sauvent la
dignité de l’homme en même temps que l’honneur de Dieu. Dans ce
sens, on a pu dire du livre qu’il était autant une défense de l’homme
qu’une justification de Dieu.
La sagesse elle-même sort purifiée de cette épreuve : elle n’est plus
seulement monnaie d’échange pour acquérir des bonheurs terrestres,
elle a soutenu son champion Job dans cette épreuve suprême et lui a
inspiré l’attitude qui lui attirera la faveur divine.

Comment souffrir ?
Si le théologien trouve dans ce livre plusieurs réponses au problème de
la souffrance, l’homme qui souffre découvre dans l’attitude de Job un
modèle approuvé par Dieu (Jacques 5 : 10-11). Pour lui la question est
moins : « Pourquoi la souffrance ? » que : « Comment souffrir ? Dans
quel esprit ? Que dois-je, que puis-je faire si je souffre ? »
Là aussi, Job nous apporte plusieurs réponses : son acceptation calme
de la volonté souveraine de Dieu (1 : 21 ; 2 : 10) est restée pour
beaucoup de chrétiens la réplique de la foi aux coups inattendus qui les
ont frappés. Sa reconnaissance pour les bienfaits du passé lui permet
de dépasser le mal présent et de continuer à voir, dans la main qui le
frappe, celle d’un Dieu d’amour. Mais pour Job, comme pour tous ceux
qui sont atteints au tréfonds de leur être, vient un moment où il n’arrive
plus à assumer son mal avec calme et foi. Que fait-il alors ? Il épanche
toute l’amertume de son âme (7 : 11), il crie ses protestations et son
désarroi, mais il les crie à Dieu. Il ne s’en prend pas aux causes
secondaires (les Sabéens, les forces de la nature), il remonte à la
véritable origine et clame son innocence et son incompréhension à Dieu
lui-même. C’est parce qu’il est resté attaché à l’Éternel que celui-ci se
révèle à lui (38 : 41) et le proclame juste (42 : 7).

Origine du livre
D’où nous vient-il ? Le nom de Job apparaît déjà au IIe millénaire avant
J.-C. dans les lettres d’Amarna, dans des textes imprécatoires
égyptiens, à Mari, à Alalakh et dans des documents ugaritiques. C’était
donc un nom ancien très répandu. Il signifiait : « Où est (mon) père ? »
ou : « Pas de père ». Il s’appliquait soit à des orphelins, soit à des
enfants illégitimes.
Job était certainement un homme qui a réellement existé
puisqu’Ézéchiel (14 : 14, 20) et Jacques (5 : 11) y font allusion non
comme à une fiction littéraire, mais comme à un personnage historique.
Il a sans doute vécu à l’époque des patriarches dont il partage la
longévité, le mode de vie et le rôle sacerdotal. Sa richesse est évaluée
en troupeaux et il a connu les mêmes dangers qu’eux (les razzias des
bandes de Sabéens et de Chaldéens, peuplades restées nomades
jusque vers l’an 1 000 av. J.-C.)
Son histoire a sans doute circulé sous forme orale, peut-être même en
dehors d’lsraël, ce qui expliquerait la saveur araméenne de bien de
détails du récit (Outs, cf. Genèse 10 : 23 ; 22 : 20-24 ; Éliphaz, Téman
pris dans la généalogie d’Ésaü, Genèse 36 : 15 ; et de nombreux
aramaïsmes). Edom était réputé pour sa sagesse (Jérémie 49 : 7 ;
Abdias 8 : 9) ; or, d’après Lamentations 4 : 21, Uz = Édom. Cette
histoire a dû être rédigée plus tard sous la forme élaborée que nous lui
connaissons par un Hébreu écrivant sous l’inspiration de l’Esprit saint.
Le livre de Job est donc « un poème dramatique à fondement historique
» (C. Morgan).
Toutes les époques, de Moïse à Esdras, ont été proposées comme
dates de rédaction. En effet, les écrits de sagesse remontent au-delà de
l’an 2 000 av. J.-C. dans l’ancien Orient. Certains détails témoignent
d’une origine très ancienne, comme l’usage de la Kesitah (42 : 11), une
pièce de monnaie datant d’avant l’époque de Josué (Genèse 33 : 19 ;
Josué 24 : 32).
On ne saurait toutefois remonter trop haut vu l’absence des formes de
langage antiques caractérisant le Pentateuque et le développement de
la réflexion philosophique dont témoigne le livre. On ne peut, d’autre
part, assigner une date trop tardive, car des fragments de Job en paléo-
hébreu ont été trouvés parmi les manuscrits de la mer Morte. La plupart
des auteurs pensent que l’époque de Salomon (ou peu après)
conviendrait le mieux pour un écrit caractérisé à la fois par l’élégance de
la langue, la profondeur de la pensée et la perfection de l’élaboration
littéraire. Que l’auteur soit resté inconnu se conçoit le mieux à une
époque où il pouvait se perdre au milieu d’une pléiade de sages formés
à l’école de Salomon, partageant son intérêt pour les problèmes
humains et pour la nature (cf. 36 : 22 à 37 : 13 ; 38 à 41). Il a la même
réaction que ses contemporains devant les injustices sociales (24 : 2-12
; cf. Ésaïe et Michée). Dans ce cas, le livre daterait environ du VIIIe siècle
av. J.-C. Mais comme le dit Davidson, la datation dépend davantage
des impressions que des arguments. D’autres auteurs pensent qu’en 12
: 17-25, l’auteur décrit la déportation des conseillers, des nobles et des
sacrificateurs avec une précision seulement possible de la part d’un
témoin oculaire75. Le livre aurait donc été rédigé par quelqu’un qui a vu
la déportation par les Chaldéens en 587 av. J.-C. (cf. 2 Rois 24 : 13-15).
Valeur actuelle du livre
Ce livre garde une valeur actuelle incontestable. Ceux qui passent par
l’épreuve trouvent en Job un compagnon de misère et un exemple de
constance rare (cf. Jacques 5 : 11) qui leur permet d’exprimer leur
souffrance en des termes véhéments peut-être, mais non
blasphématoires puisque Dieu a pu les accepter. Avoir la foi ne veut pas
dire évacuer les questions qui se posent à nous, se soumettre sans
comprendre. C’est l’une des leçons audacieuses de ce livre.
Autre leçon du livre : lorsqu’on passe par l’épreuve, Dieu seul peut
apporter une consolation juste et efficace. En effet, aucun des amis de
Job ne l’a réellement soulagé, il a fallu que Dieu lui-même lui parle pour
qu’il trouve la paix intérieure. Les croyants éprouvés font parfois la
même expérience que Job : tout ce que leurs amis trouvent à dire tient
dans le résumé des discours des quatre interlocuteurs du livre : « Dieu
est juste, si tu souffres c’est qu’il y a un interdit dans ta vie, sonde-toi,
repens-toi et il te rétablira ». Il est toujours bon de s’examiner devant
Dieu et chaque épreuve est une invitation à le faire et à le refaire avec
honnêteté et courage, mais le livre de Job nous enseigne qu’il est faux
de lier toute souffrance à un péché.
Peut-être certains conseillers se hausseront-ils au niveau d’Élihou en
parlant de la souffrance comme moyen d’éducation. Et c’est juste : nul
ne sort de l’épreuve comme il y est entré. Mais si elle affine les uns, la
souffrance endurcit les autres. Elle est épreuve dans le plein sens du
terme, c’est-à-dire examen : on peut le réussir ou le rater. Rien n’est
automatique sur le plan spirituel. Si Job a grandi peu à peu au cours de
son épreuve vers une maturité qui lui a permis de prier pour les amis qui
l’ont blessé sans le vouloir (42 : 10 ; cf. Luc 6 : 28), c’est bien sûr par la
grâce de Dieu, mais c’est aussi par les expériences qu’il a vécues,
expériences souvent contradictoires où le désespoir alternait avec
l’espérance, où tantôt il suppliait Dieu de s’éloigner de lui (7 : 17, 21 ; 10
: 20 ; 19 : 22), tantôt il l’appelait à ses côtés (14 : 15). Si, pour un
observateur extérieur, la caractéristique de l’homme qui vit en
communion avec Dieu est la paix intérieure, Job ne réussit pas
l’examen, car son esprit est agité et troublé. Il ne dédaigne pas les biens
matériels, il ne refoule pas stoïquement ses émotions par peur de perdre
son image de marque. Il est pleinement homme et rien de ce qui est
humain ne lui est étranger. Par là, il est infiniment proche de ceux qui
souffrent et refusent de voir la victoire dans la négation d’une partie de
leur humanité – qui est aussi un don de Dieu.
Le livre de Job a été vraiment un grand réconfort pour de nombreux
croyants. Il nous donne un aperçu de ce qui se passe au-delà du voile. Il
nous révèle aussi les pensées qui peuvent agiter le cœur des humains
en face des souffrances qui sont souvent notre lot, sur l’attitude à
prendre dans la tourmente incompréhensible et dévastatrice qui peut
nous assaillir à tout moment. « L’Éternel a donné, l’Éternel a ôté, que le
nom de l’Éternel soit béni » : une phrase que l’on ne peut pas prononcer
à la légère ni spontanément, mais que ce livre nous prépare et nous aide
à dire lorsque cela sera nécessaire.
Finalement, Job est une préfiguration de Jésus-Christ, l’« homme de
douleur, habitué à la souffrance, semblable à celui dont on détourne le
visage » (Ésaïe 53 : 3). Tous les sens de la souffrance dont il est
question dans ce livre convergent vers lui : il a été éduqué par elle
(Hébreux 5 : 8), il fut tenté comme nous en toutes choses (Hébreux 4 :
15), il a souffert de l’incompréhension de ses amis (Marc 9 : 32), de
l’abandon de Dieu lui-même (Matthieu 27 : 46), il a subi l’épreuve
suprême comme châtiment du péché, mais là, sa souffrance avait un
caractère unique, car il a subi ce châtiment pour nos péchés :
Ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est
chargé ; et nous l’avons considéré comme puni, frappé de Dieu et
humilié [comme l’ont fait les amis de Job]. Mais il était blessé pour nos
péchés, brisé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix est
tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.
(Ésaïe 53 : 4-5)
La valeur suprême du livre réside non dans les discours, mais dans
l’histoire, c’est-à-dire dans le prologue qui nous donne la clé de
l’épreuve de Job, associé aux discours de Dieu dans les derniers
chapitres : l’Éternel est souverain, il connaît son métier de Dieu, il sait
pourquoi il envoie cette épreuve. Si j’ai examiné mon passé sous son
regard, si j’ai placé tous mes péchés sous la croix de Christ, je peux
aussi lui confier mon épreuve : il saura l’utiliser pour ma sanctification et
pour sa gloire. Cette vision positive de la souffrance m’aidera à traverser
victorieusement l’épreuve. Parce qu’il a porté lui-même le châtiment de
nos péchés, nous n’avons plus à le porter, car Dieu est juste et il ne
punit pas deux fois. Nous pouvons donc accueillir toute épreuve
positivement et y voir une marque de la bonté de notre Dieu et de sa
sollicitude à notre égard. C’est pourquoi Jacques pouvait écrire :
Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses
épreuves auxquelles vous pouvez être exposés… Heureux l’homme qui
supporte patiemment l’épreuve ; car après avoir été éprouvé, il recevra la
couronne de vie, que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment.
(Jacques 1 : 2, 12)
La lecture et la méditation de ce livre nous préparent à affronter les
plus grandes épreuves ou à les traverser victorieusement. Nous en
avons fait l’expérience.
Job

Un homme intègre et droit


1 2 3 4 5 6 (7 8)

1 Il y avait, au pays d’Outs, un homme qui s’appelait Job. C’était un homme


intègre et droit, un homme qui révérait Dieu et qui se détournait du mal. 2
Il avait sept fils et trois filles, 3 et ses troupeaux étaient nombreux : troupeaux
de sept mille moutons, de trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs,
cinq cents ânesses. Il possédait aussi des serviteurs en très grand nombre.
Cet homme était le personnage le plus respecté de l’Orient.
4 Or, ses fils allaient, chaque année, faire un festin, à tour de rôle, dans la
maison de chacun d’eux, et ils envoyaient inviter leurs trois sœurs à manger
et à boire avec eux. 5 Sitôt qu’ils avaient terminé la série des jours de festin,
Job appelait ses fils, il se levait de grand matin afin d’offrir des holocaustes
d’après leur nombre à tous, car il disait : « Peut-être mes fils ont-ils péché, et
offensé Dieu dans leur cœur ». Job agissait toujours ainsi.

Première attaque
6 Or,il advint un jour que les fils de Dieu vinrent se présenter à l’Éternel ;
Satan se trouvait parmi eux. 7 Et Dieu dit à Satan :
— D’où viens-tu donc ?
Et Satan répondit à Dieu :
— Je viens de parcourir la terre et de m’y promener.
8 EtDieu dit à Satan :
— As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job ? Il n’a pas d’égal sur la
terre, car c’est un homme intègre et droit, un homme qui révère Dieu et qui
se détourne du mal.
9 Et Satan répondit à Dieu :
— Est-ce vraiment pour rien que Job vénère Dieu ?
10 N’as-tu pas élevé comme un rempart de protection autour de lui, autour de
sa maison, et de tout ce qui est à lui ? Tu as béni ses entreprises : ses
troupeaux couvrent le pays ! 11 Mais veuille étendre un peu ta main, touche à
ce qui lui appartient, et l’on verra s’il ne te maudit pas en face.
12 Et l’Éternel dit à Satan :
— Tous ses biens sont en ton pouvoir, mais n’étends pas la main sur lui !
Alors Satan se retira de la présence du Seigneur.
13 Or,il advint un jour que les fils et les filles (de Job) étaient tous attablés pour
manger et boire du vin dans la maison du frère aîné. 14 Soudain, un messager
vint trouver Job et dit :
— Les bœufs étaient en train de labourer, les ânesses, à leurs côtés, paissaient
tranquillement. 15 Les Sabéens sont survenus, ils ont fondu sur eux, ils ont
enlevé le bétail et massacré tes serviteurs. J’étais le seul à pouvoir
m’échapper pour t’annoncer cette nouvelle.
16 Comme il parlait encore, un autre messager survint et annonça :
— Un éclair est tombé des cieux, il a foudroyé tes brebis et tes garçons de
ferme, et tout a été consumé. J’étais le seul à pouvoir m’échapper pour
t’annoncer cette nouvelle.
17 Comme il parlait encore, un autre messager survint et annonça :
— Les Chaldéens, répartis en trois troupes, se sont jetés sur les chameaux, ils
les ont enlevés et massacré tes serviteurs. J’étais le seul à pouvoir
m’échapper pour t’annoncer cette nouvelle.
18 Comme il parlait encore, un autre messager survint et annonça :
— Tes fils avec tes filles étaient tous attablés pour manger et boire du vin dans
la maison du frère aîné, 19 lorsqu’un vent très violent survint du côté du
désert. Il ébranla les quatre coins de la maison qui s’abattit sur tes enfants et
ils ont tous péri. J’étais le seul à pouvoir m’échapper pour t’annoncer cette
nouvelle.
20Alors Job se leva et déchira ses vêtements, puis il se rasa les cheveux. Et,
se jetant à terre, il resta prosterné. 21 Ensuite il dit :
— C’est nu que je sortis du ventre de ma mère, nu, je retournerai dans le sein
de la terre. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : que son nom soit béni.
22 En dépit de tous ses malheurs, Job ne commit point de péché et n’attribua
rien d’injuste à l’adresse de Dieu.

Deuxième attaque
2 Or, il advint un jour que les fils de Dieu vinrent se présenter à l’Éternel,
Satan se trouvait parmi eux et se présenta devant Dieu.
2 Et Dieu dit à Satan :
— D’où viens-tu donc ?
Et Satan répondit à Dieu :
— Je viens de parcourir la terre et de m’y promener.
3 Et Dieu dit à Satan :
— As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job ? Il n’a pas d’égal sur la
terre, car c’est un homme intègre et droit, un homme qui révère Dieu et qui
se détourne du mal. Il persévère encore dans son intégrité, et c’est donc sans
raison que tu m’as incité à l’accabler.
4 Et Satan répondit à Dieu :
— Donnant, donnant ! Tout ce qui est à lui, l’homme y renoncera pour
conserver sa vie. 5 Mais veuille étendre un peu ta main, touche à ses os et à
sa chair et l’on verra s’il ne te maudit pas en face !
6 Et Dieu dit à Satan :
— Voici qu’il est en ton pouvoir, respecte seulement sa vie !
7 Alors Satan se retira de la présence du Seigneur. Et il affligea Job d’un ulcère
malin de la plante des pieds au sommet de la tête. 8 Job, assis dans la cendre,
prit un tesson pour se gratter. 9 Et sa femme lui dit :
— Toujours, tu persévères dans ton intégrité ? Maudis donc Dieu et meurs !
10 Et
il lui répondit :
— Tu parles comme une insensée ! Si nous acceptons le bonheur comme
venant de Dieu, n’accepterions-nous pas aussi le malheur de sa main ?
En tout cela, dans ses propos, Job ne commit aucun péché.

Trois vrais amis


11Or, trois amis de Job apprirent les malheurs qui venaient de fondre sur lui.
Chacun partit de son pays. C’était Éliphaz de Témân, et Bildad de Chouah et
Tsophar de Naama. Ensemble ils décidèrent de lui rendre visite pour le
plaindre et le consoler.
12En l’ayant aperçu de loin, ils ne le reconnurent point, et ils se mirent à
pleurer et à déchirer leurs tuniques, jetant de la poussière en l’air, pour qu’elle
tombe sur leurs têtes. I3 Puis ils se tinrent près de lui, assis par terre, à ses
côtés, pendant sept jours, pendant sept nuits. Nul d’entre eux ne lui dit un
mot, car ils voyaient combien sa douleur était grande.

« Maudit soit le jour de ma naissance »


3 Après
2
cela, Job se mit à parler et il maudit son jour, le jour de sa naissance.
Il parla en ces termes :
— 3 Que périsse le jour où je fus enfanté et la nuit qui a dit : « Un garçon est
conçu ! » 4 Qu’il se change en ténèbres et que le Dieu très-haut le raie de sa
mémoire ! Oui, que nulle clarté ne rayonne sur lui ! 5 Que d’épaisses ténèbres
et l’ombre de la mort le réclament pour elles ! Que des nuées le hantent, que
des brouillards diurnes le chargent d’épouvante ! 6 Oui, que l’obscurité
saisisse cette nuit, qu’elle n’ait pas de joie dans les jours de l’année et qu’elle
n’entre point dans le compte des mois. 7 Oui, que cette nuit-là soit lugubre et
stérile, qu’aucun chant n’y résonne ! 8 Oui, que cette nuit-là soit exécrée par
ceux qui maudissent les jours, qui savent éveiller le monstre Léviathan !
9 Que les ténèbres masquent ses astres du matin ! Oui, qu’elle attende en vain
la lumière du jour et qu’elle ne voie point les paupières de l’aube, 10 Pour
n’avoir pas fermé le ventre maternel où j’ai été conçu, et n’avoir pas caché le
malheur à mes yeux !
11 Pourquoin’être pas mort dans le sein de ma mère ? Pourquoi n’ai-je expiré
en sortant de ses flancs ? 12 Pourquoi ai-je trouvé deux genoux accueillants et
une mère (aimante) pour me donner le sein ?
13 Je dormirais tranquille, dans une paix profonde, et j’aurais du repos 14 en
compagnie des rois et des grands de ce monde qui, au cours de leur vie,
s’étaient fait ériger de vastes mausolées. 15 Avec les chefs des princes, ceux
qui détenaient l’or et entassaient l’argent dans toutes leurs demeures. 16 Je
n’existerais pas, tel l’avorton enfoui, ou tel un embryon qui n’a pas vu le jour.
17Là, ceux qui sont méchants cessent de (se) tourmenter, et ceux qui sont à
bout peuvent se reposer. 18 Les prisonniers, de même, sont en sécurité. Là, ils
n’entendent plus la voix de leur geôlier. 19 Les petits et les grands se
retrouvent égaux, l’esclave est affranchi, libéré de son maître.
20 Pourquoi,oh ! pourquoi donc donne-t-il la lumière au pauvre malheureux ?
Pourquoi donner la vie à qui elle est amère, 21 à celui qui souhaite la mort qui
ne vient pas, qui la cherche ardemment, plus que tous les trésors, 22 qui serait
plein de joie et tressaillirait d’aise s’il trouvait le tombeau ? 23 (Pourquoi
donner la vie) à l’homme qui ne sait où le mène sa route, qui ne voit plus
d’issue parce que Dieu lui-même l’a cerné de ténèbres ?
24 Car mes gémissements sont mon pain quotidien, et mes cris de douleur
déferlent comme l’eau. 25 Tout ce que j’appréhende devient réalité. Les maux
que je craignais ont tous fondu sur moi. 26 Je n’ai ni paix ni trêve, ni repos, ni
relâche. Je suis sans cesse en proie à de nouveaux tourments.

Personne n’est innocent


4 Éliphaz
2
de Témân prit la parole et dit :
— Peut-on risquer un mot ? Le supporteras-tu ? Mais qui peut garder le
silence ? 3 N’as-tu pas enseigné les autres ? Tu savais rendre la vigueur aux
mains qui tombaient, affaiblies. 4 Tes propos relevaient celui qui tombait,
épuisé, et tu raffermissais les genoux fléchissants ! 5 Maintenant qu’il s’agit de
toi, tu en es déprimé ! Maintenant que cela te touche, te voilà tout troublé ! 6
Ta foi n’est-elle pas ta force et ton soutien ? Et ton intégrité n’est-elle pas ton
espérance ?
7 Cherche dans ta mémoire : quel est donc l’innocent qui jamais a péri ? Où
sont les hommes droits qui ont été détruits ? 8 D’après ce que j’ai vu, les
artisans d’iniquité et ceux qui sèment le malheur en moissonnent les fruits : 9
Sous le souffle de Dieu, ils périssent soudain, et par le vent de son courroux
ils sont exterminés. 10 Le lion a beau rugir et le fauve gronder, Dieu les réduit
au silence et il brise leurs crocs. 11 Le lion périt faute de proie, et les fils de la
lionne sont dispersés au loin.
12 Un oracle furtif s’est glissé jusqu’à moi, et mon oreille en a saisi le murmure
léger : 13 Pendant les visions de la nuit, au milieu d’un flot de pensées, à l’heure
où un profond sommeil s’empare de l’esprit des hommes, 14 je me suis senti
envahi par la frayeur et l’épouvante : tous mes os en tremblèrent. 15 Un souffle
effleura mon visage, hérissant les poils de ma peau. 16 Quelqu’un était debout.
Je n’en pus distinguer l’aspect, mais cette image demeura comme un spectre
devant mes yeux. J’entendis une voix légère qui murmurait tout doucement :
« 17 Un mortel peut-il être juste en présence de Dieu ? Un homme peut-il être
pur devant son Créateur ? »
18 Si,
en ses propres serviteurs Dieu ne peut se fier, et si même en ses anges il
trouve des défauts, 19 à plus forte raison, il ne peut se fier aux pauvres
habitants des cabanes d’argile qui ne sont que poussière et que l’on foule aux
pieds comme des vermisseaux. 20 D’un matin à un soir, ils sont réduits en
poudre sans qu’on y prenne garde. Pour toujours, ils périssent. 21 Oui, c’est
ainsi qu’ils meurent sans avoir la sagesse ; le fil auquel tenait leur vie se rompt
soudainement.

Humilie-toi et Dieu te rétablira


5 Maintenant donc appelle, peut-être te répondra-t-on ? À quel saint
2
t’adresseras-tu ? Car c’est l’emportement qui tue un insensé, et c’est la
jalousie qui fait périr le sot. 3 Sans doute, j’ai vu l’insensé s’enraciner et réussir,
mais soudain le désastre s’abat sur sa maison. 4 Ses fils s’éloignent du salut, ils
sont accablés à la porte sans personne pour les sauver. 5 Ce qu’il a
moissonné, des affamés le mangent ; ils viennent l’enlever jusque dans les
épines. Ses biens sont engloutis par des gens altérés.
6 Car le mal ne sourd pas du sol, la peine ne sort pas de terre : 7 c’est l’homme
qui la fait jaillir, car l’homme naît pour la souffrance comme les étincelles
s’élèvent pour voler.
8 Pour moi, j’aurais recours à Dieu. C’est au Seigneur que je présenterais ma
cause. 9 C’est lui qui fait de grandes choses qu’on ne saurait sonder et des
merveilles innombrables ! 10 C’est lui qui fait tomber la pluie sur la surface de
la terre et qui répand les eaux à travers les campagnes.
11 Il relève les humbles et délivre les affligés. 12 Il déjoue les intrigues des
profiteurs rusés et il ne permet pas que leurs plans réussissent. 13 Il attrape les
sages au piège de leur ruse, et les projets des plus roués se révèlent inutiles.
14 En plein jour, ils trébuchent comme dans les ténèbres, à midi, ils tâtonnent

comme à la nuit tombée.


15Il arrache le pauvre de l’épée de leur bouche, il sauve l’indigent de la main
du puissant. I6 Ainsi le miséreux renaît à l’espérance, et la perversité aura la
bouche close.
17 Ah ! certes, bienheureux celui que Dieu corrige, qui n’a pas de mépris pour
les leçons du Tout-Puissant. 18 Car Dieu fait la blessure, mais c’est lui qui la
panse. Et même s’il meurtrit, c’est sa main qui guérit.
l9 Six fois, dans la détresse, il te délivrera. Dans sept calamités, le mal
t’épargnera. 20 Au temps de la famine, il te préservera, t’arrachant à la mort.
Au milieu des combats, il te garantira contre les coups du glaive.
21Tu seras à l’abri du fouet de la langue et tu ne craindras pas le malheur à
venir. 22 Tu pourras te moquer de la dévastation comme de la disette, et tu
n’auras pas peur des animaux féroces. 23 Un pacte te liera à la terre et ses
pierres, et les bêtes sauvages seront apaisées envers toi.
24 Tu verras le bonheur régner dans ta demeure ; quand tu visiteras tes
troupeaux au bercail, rien n’y fera défaut. 25 Tu pourras constater combien ta
descendance va se multiplier et ta progéniture poussera comme l’herbe. 26 Tu
entreras dans le sépulcre dans la mûre vieillesse et rassasié de jours, comme
on dresse un gerbier lorsque le blé est mûr.
27 Ouitout cela est vrai : nous l’avons observé. Accueille donc la vérité et fais-
en ton profit.

Plutôt mourir que souffrir


6 Job2
répondit alors :
— Ah ! si mon affliction pouvait être pesée et s’il était possible de mettre
mes angoisses sur les plateaux d’une balance ! 3 Mon malheur est plus lourd
que le sable des mers, c’est pourquoi mes paroles dépassent la mesure. 4 Car
les flèches du Tout-Puissant sont plantées dans mon être et mon esprit boit
leur venin, tous les effrois de Dieu m’assiègent.
5 Un âne se met-il à braire pendant qu’il broute l’herbe tendre ? Un bœuf se
met-il à mugir quand il est devant son fourrage ? 6 Un repas fade et insipide
se mange-t-il sans sel ? Peut-on trouver de la saveur dans le blanc d’un œuf
cru ? 7 Ce que mon âme refusait est devenu ma nourriture et le pain quotidien
dans mes journées d’angoisse. 8 Ah ! qui fera que ma prière arrive au but, que
Dieu m’accorde ce que j’espère ? 9 Qu’il plaise à Dieu de m’écraser ! Qu’il
étende sa main et me supprime ! 10 J’aurai du moins un réconfort, et je pourrai
sauter de joie dans mes tourments sans rémission : je n’aurai jamais
transgressé aucun des ordres du Dieu saint. 11 Pourquoi espérerais-je quand je
n’ai plus de force ? À quoi bon vivre encore quand ma fin est certaine ? 12
Mon endurance est-elle comme celle d’un roc ? Mon corps est-il de bronze ?
13 Puis-je trouver en moi ce secours que j’attends ? Tout espoir de salut n’est-il

pas loin de moi ?


14L’homme désespéré a droit à la pitié de son ami, sinon il abandonnera la
crainte du Dieu tout-puissant. 15 Or, mes amis à moi se sont montrés perfides
et décevants comme un torrent, comme la turbulence des torrents
printaniers. 16 quand la glace a fondu ; leurs eaux avaient gonflé, 17 mais dès la
saison sèche, on les a vus tarir. Par la fonte des neiges, ils s’étaient fortifiés ;
quand viennent les chaleurs, ils sont réduits à rien. 18 Pour eux, les caravanes
dévient de leur chemin, et vont en s’enfonçant loin dans les solitudes, et elles
y périssent. 19 Les caravanes de Téma les cherchent du regard, les convois de
Saba comptent sur eux en vain. 20 Et ils sont tout honteux d’avoir mis leur
confiance en eux. Ils sont venus sur place et ont été déçus. 21 C’est là ce que
vous êtes pour moi en ce moment : en voyant ma souffrance, vous êtes pris
d’horreur ! Et vous vous dérobez !
22 Pourquoi ? Vous ai-je dit : « donnez-moi de vos biens » ? Et de votre fortune,
faites-moi des présents ! 23 Faites-moi échapper des mains de l’adversaire !
Venez me racheter du pouvoir des tyrans au prix d’une rançon ! » ? 24 Faites-
le-moi savoir et moi je me tairai : en quoi ai-je failli ? Faites-le-moi comprendre
!
25 Ah ! Combien seraient efficaces des discours équitables ! Mais à quoi
servent vos critiques ? 26 Avez-vous l’intention de blâmer mes paroles et de
jeter au vent les propos d’un désespéré ? 27 Sur un orphelin même, vous iriez
vous ruer et feriez bon marché de votre ami intime. 28 Cependant, je vous
prie : regardez-moi en face, prêtez donc votre oreille et voyez si je mens. 29
De grâce, revenez ! Ne soyez pas perfides ! Oui, revenez encore, ma justice
est en cause. 30 Y a-t-il sur ma langue de la perversité ? Ma bouche ne sait-elle
plus discerner le mal ?

Pourquoi ? Pourquoi ?
7 Le sort de l’homme sur la terre est celui d’un soldat, et ses jours sont
semblables à ceux d’un mercenaire. 2 Il est comme un esclave qui soupire
après l’ombre et comme un ouvrier qui attend son salaire. 3 J’ai reçu en
partage des mois de déception, j’ai trouvé dans mon lot des nuits de peine
amère. 4 Dès que je suis couché, je dis : « Quand vais-je me lever ? » Sitôt levé,
je pense : « Quand donc viendra le soir ? » Et jusqu’au crépuscule, je suis
rempli d’angoisses. 5 Mon corps est couvert de vermine et de croûtes
terreuses, ma peau s’est fendillée, partout, mes plaies suppurent. 6 Mes jours
se sont enfuis plus rapides que la navette d’un tisserand habile. Ils tirent à leur
fin sans qu’il y ait d’espoir.
7 Rappelle-toi,Seigneur, que ma vie n’est qu’un souffle et que jamais mes yeux
ne reverront plus le bonheur ! 8 Celui qui me regarde ne pourra plus me voir ;
tes yeux me chercheront et j’aurai disparu ! 9 Tout comme une nuée qui se
dissipe et passe, l’homme descend sous terre pour n’en plus remonter. 10 Il ne
reviendra plus chez lui, et sa demeure même ne le reconnaît plus.
11 Je ne puis réfréner ma langue dans ma bouche, je veux laisser parler
l’angoisse de mon cœur, car mon âme est amère. 12 (Ô Dieu,) suis-je une mer
ou un monstre marin pour que tu m’emprisonnes en postant une garde
partout autour de moi ? 13 La nuit, si je me dis : « Mon lit m’apaisera, ma
couche m’aidera à porter ma douleur », 14 alors, tu m’épouvantes par d’affreux
cauchemars et tu me terrifies par des visions nocturnes. 15 Ah ! je préférerais
périr de mort violente. La mort vaudrait mieux que la vie pour mes os
méprisables. 16 Je ne vais pas vivre toujours, laisse-moi donc en paix, car ma
vie n’est qu’un souffle.
17 Qu’est-ce que le mortel, (ô Dieu), pour que tu fasses un si grand cas de lui,
et pour que ton cœur porte son attention sur lui ? 18 Pour que tu le visites dès
l’aube du matin et pour qu’à chaque instant tu viennes l’éprouver ? 19 Quand
détourneras-tu enfin tes yeux de moi ? Ne lâcheras-tu point un instant ton
étreinte, ne fût-ce que le temps d’avaler ma salive ?
20Si même j’ai péché, que t’ai-je fait, à toi, observateur des hommes ?
Pourquoi donc m’as-tu pris pour cible de tes coups ? En quoi te suis-je à
charge ? 21 Pourquoi ne veux-tu pas pardonner mon offense et ne passes-tu
pas sur mon iniquité ? Bientôt j’irai dormir au sein de la poussière et tu me
chercheras, mais je ne serai plus.

Dieu est juste


8 Bildad de Chouah répondit :
— 2 Combien de temps encore tiendras-tu ces discours ? Tes propos
seront-ils un vent impétueux ? 3 Dieu fausse-t-il le droit, ou bien le Tout-
Puissant fléchit-il la justice ? 4 Si tes fils ont péché, il a dû les livrer aux suites
de leurs fautes.
5 Si
tu recours à Dieu, si tu demandes grâce auprès du Tout-Puissant, 6 si tu es
pur et droit, il te restaurera, et il rétablira pleinement ta justice dans ton
habitation. 7 Ta condition passée semblera peu de chose, tant la surpassera ta
condition nouvelle.
8En effet, interroge donc les générations qui nous ont précédés et consulte
avec soin la sagesse des pères, 9 car nous, nous sommes d’hier et nous ne
savons rien puisque nos jours sur terre s’effacent comme une ombre. 10 Les
anciens t’instruiront et ils te guideront en tirant de leur cœur ces discours de
sagesse : 11 le papyrus croît-il en dehors du marais ? Le jonc peut-il pousser
loin de l’humidité ? 12 Alors qu’il est en fleurs sans qu’on l’ait arraché, avant les
autres herbes, déjà, il se dessèche !
13Telle est la destinée de ceux qui oublient Dieu, et l’espoir de l’impie sera
réduit à rien. 14 Toute sa confiance se brise comme un fil et son espoir
ressemble aux toiles d’araignée. 15 Il cherche appui sur sa maison, mais elle ne
subsiste pas ; il peut s’y cramponner, mais elle ne tient pas debout. 16 Face au
soleil levant, il est plein de vigueur, et ses rameaux s’étendent, couvrant tout
son jardin, 17 ses racines enserrent des monceaux de rocailles et se fraient un
chemin jusque dans les murailles ; 18 mais dès que Dieu l’arrache du lieu qu’il
occupait, celui-ci le renie : « Je ne t’ai jamais vu ! » 19 Voilà où aboutit le
bonheur de sa vie. D’autres s’élèveront après lui, du sol même où il avait
poussé.
20 Voici, Dieu ne rejette jamais l’homme innocent, et jamais il ne prête main-
forte aux malfaisants. 21 Il remplira ta bouche de rieuse allégresse, sur tes
lèvres encore la joie éclatera. 22 Tous ceux qui te haïssent seront couverts de
honte. Les tentes des méchants seront anéanties.

Pourquoi Dieu afflige-t-il les innocents ?


9 Alors,
2
Job répondit :
— Oui, certes, je le sais, il en est bien ainsi : comment un faible humain
pourrait-il être juste devant le Dieu (très saint) ? 3 Qui donc s’aviserait de
plaider contre lui ? Même une fois sur mille, il ne saurait répondre aux
arguments de Dieu.
4 Dieu est riche en sagesse, et puissante est sa force. Qui pourrait le braver et
rester sain et sauf ? 5 Soudain, sans qu’ils s’en doutent, il déplace les monts,
c’est lui qui les renverse dans son indignation. 6 Il fait trembler la terre
jusqu’en ses fondations : ses assises chancellent. 7 Il ordonne au soleil de ne
pas se lever, il commande aux étoiles, et les met sous scellés. 8 Lui seul
déploie les cieux et marche sur la mer, sur les hauteurs des eaux. 9 Il a fait la
Grande Ourse, Orion et les Pléiades, et les constellations des profondeurs
australes. 10 Il accomplit des œuvres grandioses, insondables. C’est lui qui est
l’auteur de prodiges sans nombre.
11S’il passait près de moi, je ne le verrais pas ; s’il s’éloignait de moi, je ne le
saurais pas. 12 Voici, quand il empoigne, qui peut lui échapper ? Qui osera lui
dire : « Pourquoi fais-tu cela ? » 13 Il est Dieu, et personne ne pourrait résister à
son indignation : devant lui se prosternent ceux qui portent le monde.
14Combien moins oserais-je lui donner la réplique, et comment trouverais-je
des arguments valables pour plaider avec lui ? 15 Même si je suis juste, à quoi
bon me défendre ? Je ne puis qu’implorer la pitié de mon juge. 16 Si même, à
mon appel, il daignait me répondre, je ne pourrais pas croire qu’il veuille
m’écouter, 17 car il m’a fait passer sous un vent de tempête, il a multiplié mes
blessures sans cause. 18 Il ne me permet pas de reprendre mon souffle, tant il
me rassasie d’amertumes sans nombre. 19 Recourir à la force ? Il est le Tout-
Puissant ! Ou faire appel au droit ? Qui donc l’assignera ? 20 Même si j’étais
juste, c’est ma bouche elle-même qui me condamnerait. Si je suis innocent, il
me donnerait tort.
21 Suis-je vraiment intègre ? Je ne saurais le dire : je méprise ma vie. 22 C’est
pourquoi j’ose dire : que m’importe, après tout ! Dieu fait périr de même le
juste et le méchant. 23 Quand survient un fléau qui tue soudainement, Dieu se
rit des épreuves de tous les innocents. 24 Il a livré la terre au pouvoir des
méchants et il met un bandeau sur les yeux de ses juges. Si ce n’était pas lui,
qui donc serait-ce alors ?
25 Mes jours ont fui plus vite qu’un agile coureur, ils se sont écoulés, mais sans
voir le bonheur ; 26 ils ont glissé, rapides comme un esquif de jonc, comme le
vol d’un aigle qui fonce sur sa proie. 27 Si même je me dis : « Oublie donc ta
souffrance ! Va, change de visage et quitte ton air triste, il faut prendre
courage », 28 je suis épouvanté devant tous mes tourments, car je le sais, ô
Dieu, tu ne m’absoudras pas ; 29 je serai condamné. Alors, pourquoi devrais-je
me donner tant de peine ? 30 J’aurais beau me laver avec de l’eau de neige,
j’aurais beau nettoyer mes mains avec du nitre, 3l toi tu me plongerais dans
un bourbier fangeux pour que mes habits même me prennent en horreur. 32
Car Dieu n’est pas du tout un homme comme moi, pour que je lui réplique ou
pour que nous allions au tribunal ensemble. 33 Il n’y a pas d’arbitre qui puisse
intervenir pour trancher nos litiges. 34 Qu’il écarte de moi le bâton qui me
frappe, que l’effroi qu’il m’inspire ne m’épouvante plus ! 35 Alors, je parlerai
sans avoir peur de lui, car, seul avec moi-même, je me sens innocent.

Pitié !
10 Je suis fatigué de la vie, je ne retiendrai plus mes plaintes, je veux
épancher l’amertume qui remplit tout mon être 2 et je veux dire à Dieu :
« Ne me déclare pas coupable ! Apprends-moi pourquoi tu m’attaques ! 3
Prends-tu plaisir à m’accabler ? À rejeter ce que tes mains ont fait ? Est-ce
bien de favoriser les desseins des méchants ? 4 As-tu des yeux de chair, et ne
vois-tu que l’apparence à la façon des hommes ? 5 Ta vie serait-elle aussi
courte que celle des mortels, et tes années passeraient-elles comme une vie
humaine, 6 pour que tu recherches ma faute et pour que tu t’enquières de
mon iniquité ?
7Pourtant tu sais parfaitement que je ne suis pas condamnable et que
personne ne pourra me ravir de ta main !
8Ce sont tes mains qui m’ont formé ; oui, elles m’ont fait tout entier et tu me
détruirais !
9 Oh, souviens-toi, je t’en supplie, que c’est toi-même qui m’as fait comme on
fait un vase d’argile ; voudrais-tu donc, dans la poussière, me faire retourner ?
10 Déjà, comme du petit-lait, tu m’as versé de jarre en jarre, et, comme un

fromage pressé, tu m’as coagulé. 11 Ne m’as-tu pas tissé de chair et d’os


entrelacés ? 12 C’est toi qui m’as donné la vie, tu m’as accordé ta faveur, et tes
soins vigilants ont préservé mon souffle.
13Mais ce qui m’arrive à présent, tu l’avais caché dans ton cœur. Je sais ce
que tu méditais : 14 tu voulais m’observer ; si jamais je péchais, tu pourrais
aussitôt me prendre sur le fait, 15 et si je suis coupable, malheur à moi ! Si je
suis innocent, je ne puis cependant marcher la tête haute, moi qui suis
rassasié de misère et de honte. 16 Car dès que j’oserais me redresser, tu me
pourchasserais comme un lion en furie et tu multiplierais contre moi tes
attaques. 17 Tu renouvelles constamment tes assauts contre moi, ta fureur
grandit envers moi, de nouveaux maux, sans cesse, prennent les armes
contre moi.
18 Pourquoi donc m’as-tu fait sortir du ventre maternel ? J’aurais péri alors et
aucun œil ne m’aurait vu. 19 J’aurais été pareil à ceux qui n’ont jamais été ;
j’aurais été porté du sein maternel au tombeau.
20 Mes jours ne sont-ils pas bien courts ? Éloigne donc de moi ta main pour
que je reprenne courage 21 avant de partir sans retour au pays des ténèbres
et de l’obscurité, 22 terre où le crépuscule est une nuit opaque, où règne
l’ombre de la mort, où il n’y a que confusion, et où le jour en plein midi est
semblable à la nuit ».

Présomptueux ! Repens-toi !
11 Puis Tsophar de Naama prit la parole et dit :
2
— Ne répondra-t-on pas à ce flot de paroles ? Suffit-il de parler pour
que l’on ait raison ? 3 À cause de tes vains discours, tous devront-ils se taire ?
Railleras-tu le monde sans qu’on te fasse honte ? 4 Or, tu as osé dire : « Ma
pensée est la vraie, je suis pur à tes yeux ! » 5 Ah ! s’il plaisait à Dieu de te
parler lui-même, s’il desserrait ses lèvres 6 afin de t’annoncer la sagesse
cachée qui est trop merveilleuse pour notre intelligence, tu comprendrais
alors que Dieu livre à l’oubli une part de tes crimes.
7 Prétends-tu pénétrer les profondeurs de Dieu, saisir la perfection du
(Seigneur) Tout-Puissant ? 8 Elle est plus élevée que la hauteur des cieux. Et
toi, qu’y ferais-tu ? Ce sont des profondeurs plus grandes que l’abîme. Et toi,
qu’en saurais-tu ? 9 Elle est plus étendue que notre terre entière, plus vaste
que la mer.
10 S’il saisit le coupable, s’il veut l’emprisonner, s’il convoque en justice, qui
peut s’y opposer ? 11 Car il sait reconnaître les hommes de mensonge, et il sait
discerner sans effort d’attention tous ceux qui font le mal. 12 Ainsi l’homme
insensé pourra devenir sage, cessant d’être un ânon, il deviendra sensé.
13 Pourtoi, si tu diriges tes pensées vers ton Dieu, et si tu tends les bras en les
tournant vers lui, 14 Si tu bannis le mal qui a souillé tes mains, si tu ne permets
pas à la perversité d’habiter sous ta tente, 15 alors tu lèveras un visage sans
honte, et tu ne craindras rien. 16 Tu oublieras ta peine, son souvenir sera
comme une eau fugitive. 17 Tes jours seront plus clairs que le soleil en plein
midi, le sombre crépuscule luira comme une aurore. 18 Tu seras en sécurité,
car l’espoir renaîtra. Te sachant protégé, tu dormiras tranquille, 19 tu t’étendras
à l’aise sans que l’on te dérange. Beaucoup viendront à toi implorer ta faveur.
20 Mais les yeux des méchants finiront par s’éteindre. Pour eux, point de

refuge ! Ils n’auront d’autre espoir que leur dernier soupir.

Oui ! Dieu est souverain


12 Job répondit alors :
— 2 En vérité, à vous tout seuls, vous êtes tout le genre humain et avec
vous, sans doute, la sagesse mourra. 3 Néanmoins, moi aussi j’ai de
l’intelligence ; je ne vous cède en rien. Du reste, qui ignore ce que vous avez
dit ? 4 Je suis pour mes amis un objet de risée, moi qui invoque Dieu afin qu’il
me réponde ! Un juste, un innocent : l’objet des railleries !
5« Au malheur, le mépris ! », c’est l’avis des heureux. Voilà ce qui attend ceux
dont le pied chancelle. 6 Mais les brigands jouissent de la paix sous leurs
tentes, ceux qui provoquent Dieu sont en sécurité, eux qui ne reconnaissent
d’autre dieu que leur force. 7 Mais interroge donc les animaux (des champs),
ils te renseigneront, et les oiseaux des cieux, ils te l’annonceront. 8 Ou
demande à la terre, et elle t’instruira, les poissons de la mer pourront t’en
informer. 9 Oui, parmi tous ces êtres, lequel ignorerait que c’est la main de
Dieu qui fit toutes ces choses ? 10 Il tient en son pouvoir la vie de tous les êtres
et l’esprit qui anime tous les fils des humains. 11 L’oreille juge bien les mots que
l’on entend, et le palais discerne le goût des aliments. 12 La sagesse appartient
aux hommes d’âge mûr, et une longue vie donne l’intelligence.
13 Auprès de lui se trouvent la sagesse et la force ! C’est à lui qu’appartiennent
conseil et intelligence. 14 Voici : ce qu’il détruit, nul ne le rebâtit. Si c’est lui qui
enferme, personne n’ouvrira.
15 Il
arrête les eaux, et c’est la sécheresse. Et dès qu’il les déchaîne, la terre est
dévastée. 16 Auprès de lui résident la force et la prudence. Il tient en son
pouvoir celui qui se fourvoie et celui qui l’égare. 17 Il emmène en exil les
conseillers d’État, et livre à la folie ceux qui jugeaient le peuple. 18 Il desserre
l’emprise des rois sur leurs sujets et met une ceinture tout autour de leurs
reins. 19 Il emmène en exil les sacrificateurs. De leur trône, il renverse les
pouvoirs établis. 20 Il ôte la parole aux orateurs habiles et ravit aux vieillards
le sens du jugement. 21 Il répand le mépris sur les aristocrates et c’est lui qui
desserre le pouvoir des tyrans. 22 Il met à découvert les secrets des ténèbres,
et il expose au jour les ombres de la mort. 23 Il grandit les nations, et il les fait
périr, il étend leur empire, puis il le rétrécit. 24 Il ôte la raison aux princes des
nations et il les fait errer dans des déserts sans route, 25 de sorte qu’ils
tâtonnent en pleine obscurité, sans trouver la lumière ; et Dieu les fait errer
ainsi que des ivrognes.

J’en appelle à Dieu


13 Oui, certes, tout cela, mes propres yeux l’ont vu ; oui, je l’ai entendu de
2
mes propres oreilles, et je l’ai bien compris. Tout ce que vous savez, je
le sais, moi aussi, et je ne suis en rien plus ignorant que vous.
3Mais c’est au Tout-Puissant que je veux m’adresser, c’est avec Dieu lui-
même que je veux discuter. 4 Quant à vous, mes amis, vous forgez des
mensonges, vous êtes tous des médecins qui ne servent à rien. 5 Qui donc
vous apprendra à garder le silence ? Cela vous servirait de signe de sagesse !
6 Écoutez, je vous prie, ma récrimination et soyez attentifs : mes lèvres vont
plaider. 7 Dieu aurait-il besoin de vos propos perfides, et, pour le soutenir, faut-
il que vous mentiez ? 8 Prenez-vous son parti pour le favoriser ? Prétendez-
vous plaider pour défendre sa cause ? 9 Vous en saura-t-il gré ? S’il sondait
vos pensées, seriez-vous approuvés ? Comptez-vous le tromper comme l’on
trompe un homme ? 10 Il serait le premier à vous le reprocher, si vous aviez,
pour lui, des partis pris secrets. 11 Sa majesté n’a-t-elle rien pour vous effrayer
? N’êtes-vous pas frappés par la peur qu’il inspire ? 12 Ce que vous rappelez ?
Des maximes de cendre ! Vos remparts prétentieux ? Des ouvrages d’argile !
13Taisez-vous devant moi, que je puisse parler. Advienne que pourra ! 14
Pourquoi arracherais-je ma chair avec les dents et mettrais-je mon âme en
jeu entre mes mains ? 15 Quand même il me tuerait, j’espérerais en lui. Mais je
saurai plaider ma cause devant lui. 16 Cela même sera salutaire pour moi. Car
aucun hypocrite n’accède en sa présence.
17 Écoutez mes paroles et prêtez vos oreilles à mes explications. 18 Car, voici, je
suis prêt à défendre ma cause. Je sais que j’ai raison. 19 Est-il quelqu’un qui
veuille contester avec moi ? Alors je me tairai, et j’attendrai la mort.
20 Mais, ô Seigneur, de grâce, accorde-moi deux choses et j’oserai alors
affronter ta présence : 21 retire donc ta main qui s’alourdit sur moi, et que tes
épouvantes ne me poursuivent plus, 22 puis interpelle-moi. Et je te répondrai ;
ou, permets-moi plutôt de te parler d’abord, et tu me répondras.
23 Combien ai-je commis de péchés et de fautes ? (Ô Dieu), fais-moi connaître
mes péchés et mes crimes. 24 Pourquoi détournes-tu ton visage de moi et me
regardes-tu comme ton ennemi ?
25Veux-tu épouvanter une feuille agitée, et veux-tu pourchasser un brin de
paille sèche, 26 pour m’avoir ordonné des peines si amères, et vouloir
m’imputer mes fautes de jeunesse ? 27 Pour avoir enserré mes pieds dans des
entraves, pour surveiller de près tous mes déplacements, et pour scruter toi-
même les traces de mes pas ? 28 Je tombe en pourriture ainsi qu’un vêtement
que dévore la teigne.

Que la vie est fragile et brève !


14 L’homme né de la femme, ses jours sont limités et pleins d’agitation ! 2 Il
est comme une fleur qui germe et qui se fane. Il fuit et disparaît comme
une ombre furtive. 3 Faut-il que tu surveilles un être si fragile ? Faut-il que tu
le traînes en justice avec toi ? 4 Existe-t-il un être issu d’un être impur qui soit
tout à fait pur ? Il n’en est pas un seul ! 5 Puisque tu as compté le nombre de
ses jours, et que, seul, tu connais le nombre de ses mois, puisque tu as fixé le
terme de sa vie qu’il ne franchira pas, 6 détourne tes regards de lui, laisse-le
donc et qu’il fasse une pause ; que, tel un mercenaire, il goûte dans la paix la
fin de sa journée !
7Car un arbre, du moins, conserve une espérance : même s’il est coupé, il
peut renaître encore. Il ne cesse d’avoir de nouveaux rejetons. 8 Sa racine
peut bien vieillir dans le terrain et sa souche périr, enfouie dans la poussière, 9
dès qu’il flaire de l’eau, voici qu’il reverdit et produit des rameaux comme une
jeune plante !
10Mais lorsque l’homme meurt, il reste inanimé. Quand le mortel expire, où
donc est-il alors ? 11 L’eau disparaît des mers, les rivières tarissent et restent
desséchées. 12 Ainsi, celui qui meurt sera toujours couché sans jamais se lever.
Les cieux pourront s’user avant qu’il ne s’éveille de son dernier sommeil.
13Ah ! Qu’il te plaise donc de me tenir caché dans le séjour des morts, et de
m’y abriter jusqu’au jour où, enfin, soit passée ta colère, où tu me fixerais un
terme après lequel tu penserais à moi. 14 Si l’homme une fois mort, parvenait à
revivre, alors, dans cette guerre où je suis tous les jours, j’aurais de la
patience jusqu’à ce que l’instant de ma relève arrive, 15 où tu m’appellerais et
je te répondrais, où tu désirerais voir l’œuvre de tes mains. 16 Alors que
maintenant, tu comptes tous mes pas ! Tu cesserais enfin de surveiller mes
fautes. 17 Ainsi ma transgression serait comme scellée, tu blanchirais mes
crimes.
18 La montagne elle-même se réduit en poussière, le rocher se détache et finit
par tomber, 19 les eaux rongent les pierres et leur ruissellement entraîne le
terreau. Ainsi tu fais périr l’espérance de l’homme ! 20 Tu l’abats sans retour, il
s’en va pour toujours. Tu changes sa figure et tu le congédies. 21 Que ses
enfants s’élèvent, lui, il n’en saura rien. Qu’ils soient dans la détresse, lui, il
l’ignorera. 22 C’est dans sa chair à lui qu’il éprouve des peines, c’est sa propre
personne qui ressent la tristesse.

Le sort des méchants


15 Éliphaz de Témân prit la parole et dit :
— 2 Est-il digne d’un sage d’avancer des raisons qui ne sont que du vent,
de gonfler ses poumons d’un sirocco aride ? 3 Peut-il argumenter à coups de
mots futiles, avec de longs discours qui ne servent à rien ? 4 Tu sapes la piété,
tu défends qu’on médite en présence de Dieu.
5 C’estton iniquité qui inspire ta bouche, et tu as adopté la langue des rusés ! 6
C’est donc ta propre bouche qui te condamnera, ce ne sera pas moi. Ce sont
tes propres lèvres qui te réfuteront !
7 Es-tu le premier homme qui soit né ici-bas ? Aurais-tu vu le jour bien avant
les collines ? 8 Aurais-tu pénétré dans le conseil de Dieu ? Aurais-tu confisqué
pour toi seul la sagesse ? 9 En fait, que sais-tu donc que nous ne sachions pas
? Qu’as-tu bien pu comprendre qui nous ait échappé ? 10 Vois, parmi nous
aussi se trouvent des anciens, vieillards à cheveux blancs plus âgés que ton
père !
11 Tiens-tupour peu de chose les réconforts de Dieu et les paroles douces qui
te sont adressées ? 12 Où t’emporte ton cœur ? À quoi font allusion ces
roulements des yeux ? 13 Comment peux-tu oser t’irriter contre Dieu. Et laisser
échapper ces propos insensés ? 14 Comment un faible humain pourrait-il être
pur, et le fils de la femme pourrait-il être juste ? 15 Voici, même à ses saints
Dieu ne fait pas confiance, et, à ses yeux, le ciel lui-même n’est pas pur.
16 Combien moins l’être horrible, cet homme corrompu qui commet le péché

comme on boirait de l’eau !


17 Jevais t’instruire : écoute ce que j’ai à te dire. Je vais te raconter ce que j’ai
contemplé, 18 je vais te révéler l’enseignement des sages qu’ils tenaient de
leurs pères et qu’ils n’ont pas caché. 19 À eux seuls, le pays avait été donné,
au temps où l’étranger n’y avait point passé.
20 Tous les jours de sa vie, le méchant se tourmente, les années réservées au
tyran sont comptées. 21 Un bruit plein d’épouvante résonne à ses oreilles et,
au sein de la paix, un brigand fond sur lui. 22 Il ne peut espérer échapper aux
ténèbres, et le glaive le guette. 23 Il erre çà et là : où donc trouver du pain ? Il
sait que des jours sombres se préparent pour lui. 24 Le tourment et l’angoisse
le jettent dans l’alarme et s’emparent de lui comme un roi préparé à marcher
au combat.
25 Car il a étendu sa droite contre Dieu, et il s’est élevé contre le Tout-Puissant.
26 Il a foncé sur lui en redressant le cou et s’abritant derrière un bouclier

massif. 27 Son visage est bouffi, ses flancs sont lourds de graisse. 28 Il a pour
domicile des villes dévastées, des maisons condamnées, destinées à la ruine.
29 Au lieu de s’enrichir, il verra s’écrouler sa fortune amassée, et sa prospérité

ne s’étalera plus. 30 Jamais il ne pourra échapper aux ténèbres. La flamme


brûlera ses jeunes rejetons, et il sera détruit par le souffle de Dieu. 31 Il a mis sa
confiance dans le néant, mais il sera déçu, car le néant sera sa récompense. 32
Avant que son jour vienne son destin s’accomplit, et, jamais, sa ramure ne
reverdira plus. 33 Il est comme une vigne dont on arracherait les raisins
encore verts, ou comme un olivier qui secouerait ses fleurs. 34 Ce qu’amasse
l’impie n’aura jamais de fruit ; les maisons qu’il bâtit grâce à sa corruption
seront la proie des flammes. 35 Car qui conçoit le mal, enfante le malheur et,
dans son sein, mûrit un fruit de déception.

Dieu m’est témoin


16 Alors, Job répondit :
— 2 J’ai entendu souvent des discours de ce genre ! Piètres consolateurs
que vous êtes, vous tous ! 3 Quand donc mettrez-vous fin à ces propos en
l’air ? Qu’est-ce qui vous incite à répliquer encore ? 4 Si du moins vous étiez à
la place où je suis ! Je pourrais aligner contre vous des paroles et, à votre
sujet, je hocherais la tête. 5 Je vous fortifierais avec de belles phrases, je vous
soulagerais en remuant mes lèvres !
6 Cependant, si je parle, ma souffrance subsiste sans être soulagée, et si je
m’en abstiens, va-t-elle me quitter ? 7 Oui, à l’heure présente, Dieu m’a poussé
à bout ; oui, tu as ravagé toute ma maisonnée ! 8 Oui, tu m’as terrassé ! En
guise de témoin, ma maigreur elle-même dépose contre moi. 9 La colère de
Dieu me traque et me déchire ; il s’acharne sur moi tout en grinçant des
dents. Mon adversaire aiguise ses regards contre moi. 10 Ils ouvrent contre
moi leur bouche toute grande. Leurs outrages m’atteignent, ils me frappent la
joue ; tous ensemble, ils se liguent contre moi pour me perdre. 11 Le Dieu fort
m’a livré au pouvoir des pervers, il m’a jeté en proie aux mains des
mécréants.
12Je vivais en repos, et (Dieu) m’a secoué, il m’a pris par la nuque, et il m’a
disloqué. Il m’a pris comme cible, 13 Ses flèches m’environnent, il ne m’épargne
pas. Il transperce mes flancs, ma bile coule à terre. 14 Il inflige à ma chair
blessure sur blessure. Il s’est rué sur moi comme un puissant guerrier. 15 J’ai
cousu un cilice sur ma peau desséchée, j’ai traîné ma fierté jusque dans la
poussière. 16 Mon visage est enflé à force de pleurer, et l’ombre de la mort
s’étend sur mes paupières. 17 Et pourtant, la violence n’a pas souillé mes mains
et, toujours, ma prière est restée nette et pure.
18 Ne cache pas mon sang, ô terre ! Que mon cri ne soit pas étouffé ! 19 Je sais,
dès à présent j’ai un témoin au ciel ; mon répondant est là, dans les lieux
élevés. 20 Mes amis font des phrases : c’est vers Dieu que je tourne mes yeux
baignés de larmes. 21 Qu’il soit lui-même arbitre entre l’homme et son Dieu,
entre le fils de l’homme et son concitoyen. 22 Car mes années sont brèves et
elles passent vite. Le chemin où je vais, je n’en reviendrai pas.

Où donc est mon espérance ?


17 Mon souffle est épuisé, mes jours se sont éteints : le sépulcre m’attend. 2
Je suis environné de cyniques railleurs. Mes yeux sont en éveil,
témoins de leurs sarcasmes. 3 Seigneur, sois mon garant toi-même auprès de
toi, car, en dehors de toi, qui peut me cautionner ? 4 Tu as fermé toi-même
leur cœur à la sagesse, c’est pourquoi tu ne peux permettre qu’ils triomphent
! 5 Qui trahit ses amis et les livre au pillage verra que ses enfants languiront
de misère.
6 Ilm’avait établi pour dominer les peuples, mais j’en arrive au point qu’on me
crache au visage. 7 À force de chagrin, mes yeux se sont ternis, mon corps
n’est plus qu’une ombre. 8 Les hommes qui sont droits en restent stupéfaits.
L’innocent se soulève en face de l’impie. 9 Le juste, néanmoins, persiste dans
sa voie, et qui a les mains pures redouble d’énergie.
10 Quant à vous, retournez et rentrez tous chez vous : je ne trouverai point un
sage parmi vous ! 11 Mes jours sont écoulés, mes projets sont détruits, les
désirs de mon cœur sont tous anéantis. 12 Ils prétendent : la nuit va faire place
au jour, et la lumière est proche, qui chasse les ténèbres. 13 Mais que puis-je
espérer ? C’est le séjour des morts que j’attends pour demeure ; dans la
région des ombres, je dresserai ma couche. 14 J’ai crié au sépulcre : « C’est toi
qui es mon père ! » J’ai dit à la vermine : « Vous, ma mère et mes sœurs ! » 15
Où donc est mon espoir ? Qui verra mon attente ? 16 Tout cela va descendre
derrière les barreaux dans le séjour des morts quand nous irons ensemble
dormir dans la poussière.
La lumière des méchants s’éteindra
18 Puis Bildad de Chouah répondit en ces termes :
— 2 Quand mettras-tu un terme à ce flot de paroles ? Deviens donc
raisonnable et laisse-nous parler ! 3 Pourquoi passerions-nous pour n’être que
des bêtes ? Pourquoi ne sommes-nous à tes yeux que des brutes ? 4 Ô toi qui
te tortures par ton emportement, est-ce à cause de toi que la terre devra
rester abandonnée ? Faut-il que les rochers se déplacent pour toi ?
5 Oui, cela reste vrai : la lampe du méchant sûrement va s’éteindre, et sa
flamme de feu cessera de briller. 6 La lumière elle-même s’obscurcit dans sa
tente, et son flambeau s’éteint au-dessus de sa tête. 7 Son allure si ferme
devient embarrassée, et ses propres desseins le feront trébucher. 8 Car ses
pieds seront pris dans des filets tendus, et c’est parmi les mailles d’un piège
qu’il avance. 9 Un lacet invisible le saisit au talon, un collet bien caché se
referme sur lui ; 10 la corde pour le prendre est posée sur le sol, des embûches
l’attendent dans le sentier qu’il suit. 11 Et tout autour de lui, la terreur le
poursuit, s’attachant à ses pas. 12 Sa force est affaiblie, consumée par la faim, et
la calamité est prête à ses côtés. 13 Sa chair est dévorée morceau après
morceau. La peste rongera les membres de son corps. 14 Il sera arraché du
milieu de sa tente où il se croyait sauf, et forcé de marcher vers le roi des
terreurs ! 15 Qu’on s’installe en sa tente : elle n’est plus à lui. Du soufre est
répandu sur son habitation. 16 Ses racines dessèchent sous lui et, au-dessus, sa
ramure se fane. 17 Son souvenir s’efface partout dans le pays, son nom n’est
plus cité au-dehors, dans les rues.
18 Il sera repoussé du séjour de lumière, chassé vers les ténèbres ; il sera
expulsé loin du monde habité. 19 Il n’aura ni enfant ni aucun descendant au
milieu de son peuple, et point de survivant dans son habitation. 20 Et ceux de
l’Occident seront saisis d’effroi devant sa destinée, et tous ceux de l’Orient
seront remplis d’horreur. 21 Voilà ce qui attend les maisons de l’injuste, et tel
est le destin de qui méconnaît Dieu.

Je sais que mon Rédempteur vit


Job répondit alors :
19 — 2 Ne cesserez-vous pas de tourmenter mon âme ? Jusqu’à quand
voulez-vous m’accabler de discours ? 3 Voilà déjà dix fois que vous me
flétrissez ! N’avez-vous donc point honte de m’outrager ainsi ? 4 Même s’il
était vrai que j’aie fait fausse route, après tout, c’est moi seul que regarde ma
faute. 5 Quant à vous, si vraiment vous voulez vous grandir en triomphant de
moi, si vous voulez prouver ma culpabilité par mon humiliation, 6 sachez donc
que c’est Dieu qui a violé mon droit et qui, autour de moi, a tendu ses filets.
7Si je crie : « Au secours », personne ne répond, et si je porte plainte, il n’est
pas fait justice. 8 Il a muré ma route, et je ne puis passer. Partout, sur mes
sentiers, il a mis des ténèbres. 9 Il m’a ravi ma gloire, il ôte de ma tête ce qui la
couronnait. 10 Il m’a démantelé, sapé de tous côtés ; je me suis écroulé. Il a
déraciné mon espoir comme un arbre. 11 Contre moi, il attise le feu de sa
colère, et il me considère comme son adversaire. 12 Ses bataillons, ensemble,
se sont mis en chemin, ils convergent vers moi, construisent des remblais et
préparent le siège autour de ma maison.
13Mes frères, loin de moi il les a éloignés, et ceux qui me connaissent se
détournent de moi. 14 Mes amis les plus proches m’ont tous abandonné, ceux
qui me connaissaient m’ont déjà oublié. 15 Les gens de ma maison et mes
propres servantes font comme si j’étais un étranger pour eux. À leurs yeux je
ne suis plus rien qu’un inconnu. 16 J’appelle mon esclave, et il ne répond pas.
Je dois le supplier, l’implorer de ma bouche.
17Mon haleine répugne à ma femme elle-même, et les fils de ma mère me
prennent en dégoût. 18 Les petits gamins même me montrent leur dédain :
quand je veux me lever, ils jasent sur mon compte. 19 Ils ont horreur de moi,
tous mes amis intimes. Ceux que j’aimais le plus se tournent contre moi. 20 Ma
peau colle à mes os et je n’ai survécu qu’avec la peau des dents.
21 Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous, du moins, mes amis ! Car, voyez,
c’est la main de Dieu qui m’a frappé. 22 Pourquoi vous acharner sur moi, tout
comme Dieu ? Pourquoi être insatiables en déchirant ma chair ?
23 Oh ! si quelqu’un voulait consigner mes paroles ! Si quelqu’un voulait bien
les graver dans un livre ! 24 Que d’une pointe en fer ou d’un stylet de plomb,
elles soient incisées pour toujours dans le roc !
25Quant à moi, je suis sûr que mon rédempteur vit et qu’il se dressera le
dernier sur la terre. 26 Oui, après mon réveil, je me tiendrai debout : dépouillé
de ma chair, je contemplerai Dieu. 27 Oui, je le verrai, moi, ce sont mes propres
yeux, et non pas ceux d’un autre, qui le contempleront. Ah ! mes reins se
consument d’attente au fond de moi.
28 Si vous vous demandez : « Comment le torturer ? Comment trouver en lui
la racine du mal ? », 29 craignez pour vous l’épée, car votre acharnement est
passible du glaive. Ainsi vous apprendrez que la justice existe.

Le triomphe des méchants ne dure pas


20 Et— Tsophar
2
de Naama répliqua en ces termes :
À présent, mes pensées me pressent de répondre, et mon agitation
ne peut se contenir. 3 J’ai subi des reproches qui me sont une injure. Mais
mon esprit saura me dicter la réplique.
4 Ne le sais-tu donc pas ? Depuis que l’homme existe, de tout temps sur la
terre, 5 la chanson des pervers est de courte durée, et la joie du méchant ne
dure qu’un instant, 6 quand même il porterait son orgueil jusqu’au ciel, en
élevant sa tête pour toucher jusqu’aux nues. 7 Il périt à jamais tout comme
son ordure. Ceux qui le connaissaient diront : « Où donc est-il ? » 8 Comme un
songe, il s’envole, on ne le trouve plus. Comme un rêve nocturne, il se
dissipera. 9 L’œil qui le contemplait ne le retrouve plus ; l’endroit où il était
l’aura perdu de vue. 10 Ses fils imploreront ceux qu’il a appauvris et, de leurs
propres mains, rendront ce qu’il a pris. 11 Ses os qui étaient pleins d’une ardeur
juvénile, avec lui dormiront là-bas dans la poussière. 12 Si la perversité est si
douce à sa bouche, et s’il peut l’abriter bien cachée sous sa langue, 13 qu’il la
savoure donc sans jamais la lâcher, qu’il la retienne encore collée à son palais.
14 Mais cette nourriture s’altère en ses entrailles et devient, en son sein,
comme un venin d’aspic. 15 Il peut bien engloutir une immense fortune, il
devra la vomir, Dieu la lui fera rendre. 16 En fait, il a sucé un venin de serpent,
et il sera tué par la langue d’aspic. 17 Il n’aura plus la joie de voir couler à flots
des fleuves, des torrents de miel et de laitage. 18 Il devra rendre à d’autres le
fruit de son labeur, sans pouvoir l’avaler. Il devra rembourser tout ce qu’il
s’est acquis, sans pouvoir en jouir. 19 Puisqu’il a écrasé les pauvres sans pitié,
et pillé des maisons qu’il n’avait pas bâties, 20 puisque son appétit s’est montré
insatiable, il ne sauvera pas ce qu’il a de plus cher.
21 Personne n’échappait à sa voracité, c’est pourquoi son bonheur ne
subsistera pas. 22 Au sein de l’abondance, il sera à l’étroit. Tous les coups du
malheur viendront fondre sur lui. 23 Quand il sera en train de se remplir le
ventre, Dieu enverra sur lui l’ardeur de sa colère, et le rassasiera par une
pluie de flèches. 24 Il échappe peut-être aux armures de fer, mais c’est un arc
de bronze qui le transpercera. 25 S’il arrache la flèche qui le frappait au dos et
le trait fulgurant qui transperçait son foie, les terreurs l’atteindront 26 et une
nuit profonde est tenue en réserve pour ses trésors cachés, un feu que nul
n’attise dévorera ses biens, et consumera tout, jusque dans sa demeure.
27 Les cieux dévoileront la faute qu’il commit, et contre lui la terre, un jour, se
dressera. 28 La richesse amassée quittera sa maison comme une eau qui
s’écoule, au jour de la colère. 29 Tel est le sort que Dieu destine au mécréant
et tel est l’héritage, que, de la part de Dieu, ses propos lui réservent.

Perplexités
21 Job répondit alors :
2
— Écoutez, je vous prie ce que j’ai à vous dire, accordez-moi du moins
cette consolation ! 3 Laissez-moi, à mon tour, placer quelques paroles et,
quand j’aurai parlé, tu pourras te moquer.
4Est-ce contre des hommes que je porte ma plainte ? Comment n’aurais-je
pas un esprit impatient ?
5 Retournez-vous vers moi et soyez stupéfaits ! En me voyant, posez un doigt
sur votre bouche ! 6 Moi-même quand j’y songe, j’en suis épouvanté, et un
frisson d’horreur s’empare de mon corps. 7 Pourquoi les scélérats demeurent-
ils en vie ? Pourquoi vieillissent-ils, reprennent-ils des forces ? 8 Leur race
s’affermit constamment devant eux, et leurs petits-enfants fleurissent sous
leurs yeux. 9 Leurs maisons sont paisibles, affranchies de la peur, et le fléau de
Dieu ne vient pas les frapper. 10 Leurs taureaux sont toujours vigoureux et
féconds, leurs vaches mettent bas sans jamais avorter. 11 Ils voient sortir leurs
jeunes ; comme un troupeau d’agneaux, leurs enfants vont s’ébattre. 12 Au
rythme des cymbales et de la harpe, ils chantent, et ils se réjouissent au son
du chalumeau. 13 Ainsi leurs jours s’écoulent dans un bonheur sans trêve et,
tout soudainement, ils descendent sous terre. 14 Or, ils disaient à Dieu : «
Retire-toi de nous, nous n’avons nulle envie de connaître tes voies ! 15 Qu’est
donc le Tout-Puissant pour que nous le servions ? Quel profit aurions-nous à
chercher sa faveur ? »
16Le bonheur des impies n’est-il pas dans leur main ? J’écarte loin de moi le
conseil des méchants. 17 Voit-on souvent s’éteindre la lampe des méchants ?
Ou voit-on le malheur venir les submerger ? Dieu leur assigne-t-il leur part
dans sa colère ? 18 Quand sont-ils pourchassés comme une paille au vent ou
comme un brin de chaume qu’emporte la tempête ?
19 Est-ceque Dieu réserve aux enfants du méchant la peine qu’il mérite ? Mais
ne devrait-il pas l’infliger à lui-même pour qu’il apprenne enfin ce que valent
ses actes ! 20 Que, de ses propres yeux, il assiste à sa ruine et qu’il soit
abreuvé de la fureur divine. 21 Que lui importe donc le sort de sa maison
quand il ne sera plus, quand le fil de ses mois aura été tranché ?
22 Pourrait-on enseigner quelque savoir à Dieu, à ce Dieu qui gouverne les
êtres supérieurs ? 23 Un tel meurt plein de force, en parfaite santé, dans la
tranquillité et dans l’insouciance. 24 Ses flancs sont pleins de graisse et ses os
pleins de moelle. 25 Tel autre va s’éteindre l’amertume dans l’âme, sans avoir
savouré le bonheur de la vie. 26 Et tous deux, ils se couchent dans la même
poussière et seront la pâture de la même vermine.
27Oui, je ne sais que trop quelles sont vos pensées, les réflexions perverses
que vous forgez sur moi. 28 Vous me demanderez : « Où donc est maintenant
la maison du grand homme ? Qu’est devenue la tente qu’habitaient les
méchants ? » 29 Mais interrogez donc les passants du chemin, et ne contestez
pas les preuves qu’ils apportent. 30 Oui, le jour du malheur épargne le
méchant ; au jour de la colère, il est mis à l’abri. 31 Qui osera blâmer devant lui
sa conduite ? Qui lui reprochera tout le mal qu’il a fait ? 32 Il est porté en
pompe au lieu de sépulture, une garde d’honneur veillera sur sa tombe. 33 Les
mottes du vallon sont légères pour lui. Et tout homme, après lui, suivra les
mêmes traces, comme il fut précédé de devanciers sans nombre. 34 Comment
donc m’offrez-vous des consolations vaines ? Car, pour moi, ce qui reste de
toutes vos réponses, ce n’est que fausseté.

Oserais-tu braver Dieu ?


22 Éliphaz
2
de Témân prit la parole et dit :
— Dieu aurait-il besoin des services d’un homme alors qu’un homme
sage n’est utile qu’à soi ? 3 Qu’importe au Tout-Puissant que tu sois juste ou
non ? Quel bénéfice a-t-il si tes voies sont intègres ? 4 Est-ce pour ta piété qu’il
te fait des reproches, qu’il te traîne en justice ? 5 Car ta méchanceté n’est-elle
pas très grande ? Oui, tes iniquités, vraiment, sont sans limite. 6 Tu prenais
sans raison des gages de tes frères ! Tu dépouillais les pauvres de tous leurs
vêtements, 7 tu ne donnais pas d’eau à boire à l’assoiffé et, à qui avait faim, tu
refusais le pain. 8 Tu livrais le pays à l’homme intempestif et tu y installais
celui qui te plaisait. 9 Tu renvoyais à vide les veuves ; tu frappais les bras des
orphelins.
10Voilà pourquoi des pièges t’environnent partout, et pourquoi des frayeurs
soudaines t’épouvantent. 11 Ne vois-tu pas l’obscurité, la masse d’eau qui te
submerge ?
12Dieu n’habite-t-il pas tout là-haut dans les cieux ? Regarde les étoiles qui
sont si élevées ! 13 Et pourtant tu as dit : « Que peut connaître Dieu ? Peut-il
juger les choses à travers la nuée ? 14 Les nuages le cachent et il ne peut plus
voir tandis qu’il se promène sur le pourtour des cieux ». 15 Tiens-tu donc à
rester sur le sentier ancien que suivaient autrefois les hommes de néant 16 qui,
prématurément, ont été retranchés et dont les fondements ont été emportés
par un fleuve puissant ? 17 Eux qui disaient à Dieu : « Éloigne-toi de nous », ou
bien : « Que peut nous faire le Seigneur tout-puissant ? » 18 Et, pourtant, il
comblait leurs maisons de bien-être tandis que leurs pensées s’égaraient loin
de lui ! 19 Les justes le verront et ils se réjouiront, et ceux qui sont intègres les
railleront, disant : 20 « Voilà nos ennemis : leur grandeur est détruite, le feu a
dévoré l’excès de leurs richesses ».
21 Toi donc, attache-toi fidèlement à Dieu ! Fais la paix avec lui ! Ainsi tu
jouiras de nouveau du bonheur. 22 Accepte l’instruction émanant de sa
bouche, et garde ses paroles au profond de ton cœur ! 23 Si tu reviens à Dieu,
tu seras rétabli, tu élimineras le crime de ta tente. 24 Si tu estimes l’or comme
de la poussière en jetant l’or d’Ophir aux cailloux du torrent, 25 alors le Tout-
Puissant sera pour toi ton or, il sera plus précieux que des monceaux
d’argent, 26 tu trouveras en lui des délices sans fin, et tu élèveras ton visage
vers Dieu. 27 Oui, tu l’imploreras, et il t’exaucera, et tu t’acquitteras des vœux
que tu as faits. 28 À tes résolutions répondra le succès, et, sur tous tes
chemins, brillera la lumière. 29 Si tu es abattu, tu seras relevé, car Dieu vient au
secours de qui baisse les yeux. 30 Il délivrera même celui qui est coupable, et
c’est à tes mains pures qu’il devra son salut.

Je suis innocent !
23 Job répondit alors :
2
— Oui, maintenant encore, ma plainte est révoltée : c’est le poids de sa
main qui me force à gémir.
3 Si je pouvais savoir où je trouverais Dieu, et comment parvenir au lieu de sa
demeure, 4 je pourrais, devant lui, plaider ma juste cause, je remplirais ma
bouche d’arguments (et de preuves). 5 Je saurais les raisons qu’il pourrait
m’opposer, je comprendrais enfin ce qu’il pourrait me dire. 6 Emploierait-il sa
force pour plaider contre moi ? Certes non ! Lui, du moins, daignerait
m’écouter. 7 Il reconnaîtrait bien que c’est un homme droit qui s’explique avec
lui. Et je verrais ma cause triompher pour toujours.
8 Mais, si je vais à l’est, voici qu’il n’y est pas. Et si je vais à l’ouest, je ne
l’aperçois pas. 9 Si je le cherche au nord, je ne peux pas l’atteindre. Serait-il au
midi ? Jamais je ne le vois. 10 Cependant, il connaît la voie que j’ai suivie. Qu’il
me passe au creuset, or pur, j’en sortirai. 11 Car j’ai toujours suivi la trace de
ses pas. J’ai observé sa voie sans jamais en dévier. 12 Je n’ai pas refusé d’obéir
à ses ordres. J’ai gardé ses paroles pour qu’elles infléchissent ma propre
volonté. 13 Mais c’est lui qui décide. Qui le fera changer ? Et tout ce qu’il
souhaite se réalisera. 14 Oui, il accomplira son décret contre moi, comme à son
habitude dans beaucoup d’autres cas. 15 C’est pourquoi sa présence me
remplit d’épouvante et, plus j’y réfléchis, plus je suis effrayé. 16 Dieu m’a brisé
le cœur et c’est le Tout-Puissant qui m’a rempli d’effroi, 17 car si je dois me
taire, ce n’est pas en raison des épaisses ténèbres et de l’obscurité qui me
couvrent la face.

Les voies de Dieu sont impénétrables


24 Pourquoi le Tout-Puissant n’a-t-il pas réservé les temps du jugement, et
pourquoi ses fidèles ne voient-ils pas les jours où il rendra justice ? On 2

déplace les bornes, on vole des troupeaux et on les mène paître, 3 on pousse
devant soi l’âne des orphelins, et c’est le bœuf de la veuve que l’on retient en
gage. 4 On malmène les pauvres, on les met de côté. Les faibles du pays n’ont
plus qu’à se cacher.
5 Tels des ânes sauvages vivant en plein désert, les malheureux s’en vont dès
l’aube à leur travail, cherchant furtivement un peu de nourriture. La steppe
doit fournir du pain pour leurs enfants, 6 ils doivent moissonner le fourrage
des champs et faire la vendange des vignes du méchant. 7 Ils se couchent tout
nus, faute de vêtement, sans rien pour se couvrir, même quand il fait froid. 8
L’averse des montagnes les laisse tout transis et, n’ayant pas d’abris, ils
s’accrochent au roc. 9 On enlève de force l’orphelin à sa mère, et l’on retient
des gages pris sur les malheureux. 10 On les fait marcher nus, privés de
vêtements, et ils portent des gerbes en étant affamés. 11 Dans les enclos des
autres, ils pressent les olives, et foulent les vendanges tout en mourant de
soif. 12 De la ville s’élèvent les soupirs des mourants, et leurs âmes blessées
appellent : « Au secours ! » Mais Dieu ne prend pas garde à ces atrocités !
13 Les méchants en révolte font fi de la lumière, ils ignorent ses voies et
quittent ses sentiers. 14 Avant le point du jour, le meurtrier se lève, afin
d’assassiner le faible et l’indigent. Et, quand la nuit arrive, il agit en voleur. 15
Les yeux de l’adultère guettent le crépuscule : « Nul œil ne me verra » se dit-il,
et il couvre son visage d’un voile. 16 À l’abri des ténèbres, on force les
maisons, mais de jour, on s’enferme, refusant la lumière. 17 Car, pour tous ces
gens, l’aube, c’est l’ombre de la mort, et lorsqu’elle paraît, ils sont saisis d’effroi,
car, pour eux, c’est la nuit.
18 Quoi ! l’impie glisserait comme un objet léger sur la face de l’eau76 ? Sa part
serait maudite par les gens du pays ? Il ne prendrait jamais le chemin de ses
vignes ? 19 Comme un sol altéré et la chaleur du jour absorbent l’eau des
neiges, tous ceux qui ont péché se verraient engloutis par le séjour des morts
? 20 Le sein qui les porta les oublierait bientôt, et les vers du tombeau en
feraient leurs délices ? On perdrait leur mémoire ? L’iniquité serait fracassée
comme un arbre ? 21 Ces gens ont exploité la femme sans enfants, et se sont
montrés durs envers la pauvre veuve.
22Non, Dieu, par sa puissance, fait durer les tyrans. Hier, ils ne croyaient pas
qu’ils resteraient en vie. Et les voilà debout ! 23 Le Seigneur leur accorde force
et sécurité. Il porte les regards sur le chemin qu’ils suivent. 24 Eux, en un rien
de temps, ils se sont élevés, et puis ils disparaissent, et ils sont recueillis
comme les autres hommes, coupés et moissonnés comme des épis mûrs.
25 S’il n’en est pas ainsi, qui me démentira ? Qui réduira à rien mon

argumentation ?

Comment l’homme serait-il juste devant Dieu ?


25 Et— Bildad
2
de Chouah prit la parole et dit :
C’est à Dieu qu’appartiennent l’empire et la terreur ! Il fait régner la
paix dans les lieux élevés ! 3 Peut-on compter ses troupes ? Qui, dans le
monde entier, échappe à sa lumière ? 4 Comment l’homme peut-il devant Dieu
être juste, et l’enfant de la femme peut-il paraître pur ? 5 Si l’éclat de la lune se
ternit devant lui, si les étoiles perdent leur éclat face à lui, 6 que dire alors de
l’homme qui n’est qu’un vermisseau, du descendant d’Adam qui n’est qu’une
vermine ?

Il tient l’univers dans sa main


26 Alors, Job répondit :
2
— Ah, comme tu sais bien aider l’homme sans force, et soutenir le bras
qui n’a plus de vigueur ! 3 Quel bon conseil tu donnes à celui qui se montre
dépourvu de sagesse, et comme tu répands la science à profusion ! 4 Mais à
qui donc s’adressent tes discours sentencieux ? De quelle inspiration émanent
tes paroles ?
5 Les trépassés frémissent bien au-dessous des eaux et de ce qui s’y trouve, 6
car le séjour des morts est à nu devant lui, et l’abîme sans fond n’a rien pour
se couvrir. 7 Il étend sur le vide la région de l’Arctique et il suspend la terre
au-dessus du néant. 8 Il enserre les eaux dans ses nuées épaisses, mais jamais,
sous leur poids, les nuages n’éclatent. 9 Il a couvert d’un voile la face de son
trône en étendant sur lui une épaisse nuée. 10 Il a tracé un cercle sur la face
des eaux, au point où la lumière rencontre les ténèbres. 11 Les colonnes des
cieux tremblent sous sa menace. 12 Par sa grande puissance, il agite la mer,
par son intelligence, il en brise l’orgueil. 13 Sous l’effet de son souffle, le ciel
devient serein. Sa main a transpercé le serpent qui fuyait. 14 Pourtant, ce ne
sont là que les bords de ses voies, le murmure léger que nous en percevons.
Mais qui pourrait comprendre les éclats de tonnerre de sa toute-puissance ?

Le méchant périra
27 Et— Job
2
reprit encore l’exposé de son thème :
Aussi vrai que Dieu vit, lui qui a refusé de me rendre justice, et par le
Tout-Puissant qui a aigri mon âme, 3 tant qu’un reste de vie animera mon être
et que l’Esprit de Dieu sera dans mes narines, 4 je jure que mes lèvres ne
diront rien d’injuste et que, jamais, ma langue ne dira de mensonge. 5 Loin de
moi la pensée de vous donner raison ! Jusqu’à mon dernier souffle, je ne
dévierai pas de mon intégrité. 6 Je maintiens ma justice sans jamais la lâcher,
car mon cœur ne rougit d’aucun jour de ma vie.
7Oui, que mon ennemi soit traité en coupable et que mon adversaire ait le
sort du menteur ! 8 Car que peut espérer l’impie quand il rend l’âme, quand
Dieu lui prend la vie ? 9 Dieu entend-il son cri quand survient la détresse et
qu’elle fond sur lui ? 10 Trouve-t-il son plaisir auprès du Tout-Puissant ? Lui
adressera-t-il sa prière en tout temps ?
11
Je vous enseignerai la conduite de Dieu ; je ne cacherai pas la pensée du
Puissant. 12 Mais vous les connaissez tout aussi bien que moi ! Pourquoi vous
perdre ainsi dans de vaines pensées ? 13 Voici la part que Dieu réserve au
mécréant, et le lot qu’un tyran reçoit du Tout-Puissant : 14 si ses fils sont
nombreux, le glaive les attend, et ses petits-enfants souffriront de la faim. 15 La
peste engloutira tous ceux qui survivront, leurs veuves elles-mêmes ne les
pleureront pas. 16 S’il amasse l’argent comme de la poussière, et, comme de la
boue, entasse des habits, 17 qu’il les entasse donc : le juste les mettra, les
innocents auront son argent en partage. 18 La maison qu’il bâtit vaut celle
d’une teigne, c’est comme la cabane d’un guetteur dans les vignes. 19 Lorsqu’il
s’est endormi pour la dernière fois, c’était un homme riche. Lorsqu’il ouvre les
yeux, il ne retrouve rien. 20 Les terreurs le surprennent comme une trombe
d’eau ; au milieu de la nuit, un tourbillon l’enlève. 21 Le vent d’orient l’emporte
et le fait disparaître, il l’arrache et le chasse de son lieu de séjour. 22 On lance
contre lui des flèches sans pitié. Lui s’efforce de fuir cette main menaçante. 23
Les témoins de sa fuite applaudissent de joie. Du lieu qu’il habitait on siffle
contre lui.

Où trouver la sagesse ?
28 Il existe des lieux d’où l’on extrait l’argent,
il y a des endroits où l’on affine l’or.
2 On sait comment extraire le fer de la poussière, fondre le minerai pour en

tirer le bronze. 3 L’homme a fait reculer les limites de l’ombre, on explore les
mines, on va chercher les pierres cachées dans les ténèbres et l’ombre de la
mort. 4 On creuse des tranchées loin des lieux habités. À l’endroit où le pied a
perdu tout appui, les mineurs se balancent, suspendus dans le vide. 5 La terre
qui nous donne le pain (qui nourrit) se voit bouleversée jusqu’en ses
profondeurs tout comme par un feu. 6 Ses demeures secrètes recèlent des
saphirs, et son sable contient de la poussière d’or. 7 L’oiseau de proie ignore
quel en est le sentier, et l’œil de l’épervier ne l’a pas repéré. 8 Les plus fiers
animaux ne l’ont jamais foulé, le lion n’y passe pas. 9 On s’attaque au granit, on
remue les montagnes jusqu’en leurs fondements. 10 Au milieu des rochers,
l’homme ouvre des tranchées pour que rien de précieux n’échappe à son
regard. 11 Il endigue les fleuves et détourne leur cours. Il amène au grand jour
ce qui était caché.
12 Mais, quant à la sagesse, où peut-on la trouver ? Où donc l’intelligence a-t-
elle sa demeure ? 13 L’homme ne connaît pas quelle en est la valeur, et elle est
introuvable au pays des vivants. 14 L’abîme a déclaré : « Elle n’est pas ici ». Et
l’océan affirme : « Elle n’est point chez moi ». 15 On ne peut l’acquérir avec de
l’or massif, on ne peut l’acheter en pesant de l’argent. 16 On ne l’évalue pas
avec de l’or d’Ophir ou le précieux onyx ni avec du saphir. 17 Elle n’est
comparable ni à l’or ni au verre ; on ne l’échange pas contre un vase d’or fin.
18 Les coraux, les cristaux ne sont rien auprès d’elle. La sagesse vaut mieux

que des perles de prix. 19 La topaze de Cousch n’égale pas son prix, et l’or le
plus fin même n’atteint pas sa valeur.
20 Mais alors, la sagesse, d’où provient-elle donc ? Et où l’intelligence a-t-elle sa
demeure ? 21 Elle se cache aux yeux de tout être vivant, elle se dissimule à
l’œil vif des oiseaux. 22 L’abîme et la mort disent : « Nous avons seulement
entendu parler d’elle ». 23 C’est Dieu seul qui connaît le chemin qui y mène, et
c’est lui seul qui sait en quel lieu elle habite, 24 car ses regards pénètrent
jusqu’aux confins du monde ; il voit ce qui se passe partout, sous tous les
cieux. 25 C’est lui qui a fixé la pesanteur du vent, et donné leur mesure à tous
les océans. 26 Lorsqu’il a établi une loi pour la pluie, et tracé un chemin aux
éclairs de l’orage, 27 c’est alors qu’il l’a vue et l’a manifestée, et l’a examinée et
scrutée jusqu’au fond. 28 Puis il a dit à l’homme : « Révérer le Seigneur, voilà la
vraie sagesse ! Se détourner du mal, voilà l’intelligence ! »

Où sont les bénédictions d’antan ?


29 Et— JobQuicontinua
2
l’exposé de son thème :
me fera revivre les saisons d’autrefois, comme aux jours du
passé où Dieu veillait sur moi, 3 où il faisait briller sa lampe sur ma tête et
qu’avec sa lumière j’affrontais les ténèbres ? 4 Ah ! si j’étais encore aux jours
de ma vigueur, quand l’amitié de Dieu reposait sur ma tente, 5 et quand le
Tout-Puissant était à mes côtés, quand tout autour de moi s’ébattaient mes
enfants, 6 quand je baignais mes pieds dans la crème du lait et quand le roc
versait pour moi des torrents d’huile !
7Lorsque je me rendais aux portes de la ville, quand je dressais mon siège
sur la place publique, 8 les garçons me voyaient et ils se retiraient ; les
vieillards se levaient et ils restaient debout ; 9 les princes arrêtaient leurs
propos en mettant une main sur leur bouche. 10 Les grands ne parlaient plus
et leur langue restait collée à leur palais. 11 L’oreille, en m’écoutant, me
déclarait heureux, et l’œil qui me voyait me rendait témoignage. 12 Car je
sauvais le pauvre qui appelait à l’aide, ainsi que l’orphelin privé de tout
soutien. 13 Ceux qui allaient périr pouvaient me rendre grâce, et je mettais la
joie dans le cœur de la veuve. 14 J’endossais la justice : c’était mon vêtement.
Ma probité était ma robe et mon turban. 15 J’étais l’œil de l’aveugle et les pieds
du boiteux. 16 Tous ceux qui étaient pauvres, je leur servais de père.
J’examinais à fond le droit des inconnus. 17 Je brisais les mâchoires du criminel
pervers, et je lui arrachais la proie d’entre les dents.
18 Je me disais alors : « Je finirai mes jours au sein de ma famille, j’aurai des
jours nombreux comme les grains de sable. 19 La source de l’eau vive
baignera mes racines, la rosée passera la nuit sur ma ramure. 20 Ma gloire
auprès de moi se renouvellera et mon arc dans ma main retrouvera sa force
».
21 Tous ceux qui m’écoutaient attendaient mon avis et ils faisaient silence pour
avoir mon conseil. 22 Lorsque j’avais parlé, ils ne répliquaient rien. Je
déversais sur eux le flot de mes paroles. 23 Ils s’attendaient à moi comme on
attend la pluie. Ils étaient bouche bée, comme pour recueillir une ondée
bienfaisante. 24 Je savais leur sourire quand ils perdaient courage, on ne
pouvait abattre l’éclat de ma figure. 25 C’est moi qui choisissais la voie qu’ils
devaient suivre ; je siégeais à leur tête, je trônais comme un roi au milieu de
ses troupes, comme un consolateur parmi les affligés.

Triste sort !
30 Mais hélas ! aujourd’hui, me voilà la risée de gamins dont les pères
étaient si méprisables que je n’aurais daigné les mettre avec mes chiens
pour garder mon troupeau. 2 D’ailleurs, que me ferait la force de leurs bras ?
Ils seraient incapables d’atteindre l’âge mûr : 3 épuisés par la faim et par les
privations, ils rôdent dans la steppe et dans la solitude. 4 Ils mangent des
bourgeons cueillis sur les buissons, ils prennent les racines du genêt comme
pain. 5 Ils ont été chassés du milieu de leur peuple, et l’on crie après eux
comme après des voleurs. 6 Ils hantent les cavernes au flanc des précipices,
ils logent dans des grottes ou parmi les rochers. 7 Dans les buissons d’épines
retentissent leurs cris ; ils se couchent ensemble à l’abri des broussailles. 8 Fils
de gens insensés, enfants qui sont sans nom, repoussés du pays !
9 Me voici devenu l’objet de leurs chansons ! Ils font de moi leur fable. 10 Ils ont
horreur de moi, ils s’éloignent de moi. Sans retenue, ils osent me cracher au
visage. 11 Car (Dieu) a détendu la corde de mon arc, et il m’a terrassé. Aussi
rejettent-ils tout frein en ma présence. 12 À ma droite, ils se lèvent et me font
lâcher pied, ils se fraient un accès jusqu’à moi pour me perdre ; 13 ils coupent
ma retraite, travaillant à ma ruine, et nul ne les arrête. 14 Ils arrivent sur moi
par une large brèche, et ils se précipitent au milieu des décombres. 15 La
terreur m’envahit, ma gloire est emportée comme en un coup de vent, mon
bonheur a passé, chassé comme un nuage.
16 Et maintenant, la vie s’écoule loin de moi. Les jours d’humiliation saisissent
tout mon être. 17 La nuit perce mes os, je suis écartelé, et le mal qui me ronge
ne prend pas de repos ; 18 avec toute sa force, il s’agrippe à ma robe, il se
colle à mon corps comme une camisole. 19 Dieu m’a précipité au milieu de la
fange, et je ne vaux pas mieux que la poudre et la cendre. 20 Je t’implore, ô
mon Dieu, et tu ne réponds pas. Je me tiens devant toi pour que tu me
remarques. 21 Que tu es devenu cruel à mon égard ! De ta main vigoureuse, tu
t’acharnes sur moi ! 22 Tu m’as fait enlever sur les chevaux du vent, et tu me
fais frémir au sein de l’ouragan. 23 Je ne le sais que trop : tu me mènes à la
mort, au lieu de rendez-vous de tout être vivant.
24 Mais celui qui se noie n’étend-il pas sa main, et celui qui succombe ne va-t-il
pas crier ? 25 Je pleurais autrefois avec les opprimés, et je compatissais à la
peine du pauvre. 26 J’espérais le bonheur, et le malheur arrive, j’attendais la
lumière et les ténèbres viennent. 27 Tout mon être intérieur bouillonne sans
relâche. Des jours d’humiliation sont venus m’affronter. 28 Je m’avance, l’air
sombre, et sans voir le soleil. Au milieu de la foule. Je me dresse et je hurle. 29
C’est comme si j’étais un frère du chacal ou bien un compagnon des filles de
l’autruche. 30 Ma peau noircit et tombe, mes os sont consumés par le feu de la
fièvre. 31 Ma harpe s’est changée en instrument funèbre, mon chalumeau
n’émet que des lamentations.
Montre-moi mon péché !
31 Pourtant, j’avais conclu un pacte avec mes yeux : ils ne devaient jamais
arrêter le regard sur une jeune fille. 2 Quelle part, en effet, Dieu pourrait-
il alors me réserver d’en haut ? Quel serait l’héritage que me destinerait des
cieux le Tout-Puissant ? 3 En effet, le malheur n’est-il pas réservé à ceux qui
sont injustes et la tribulation à ceux qui font le mal ? 4 N’est-ce pas Dieu qui
voit les sentiers où je marche ? Ne tient-il pas le compte de tous mes pas ? 5
Alors, si j’ai fait route avec la fausseté, si mon pied s’est hâté après la
tromperie, 6 Dieu me pèse donc dans la balance juste, et il reconnaîtra mon
innocence. 7 Si mes pieds ont dévié du droit chemin, si mon cœur a suivi le
regard de mes yeux, et si quelque souillure a imprégné mes mains, 8 alors, ce
que je sème, qu’un autre le moissonne, et que l’on déracine ce que j’avais
planté.
9Si mon cœur fut séduit par quelque femme, ou si j’ai fait le guet devant la
porte de mon voisin, 10 qu’alors ma femme tourne la meule pour un autre, et
qu’elle soit livrée aux mains des étrangers ! 11 Car c’est une infamie, un crime
qui relève du tribunal des juges, 12 c’est un feu qui dévore jusqu’à la perdition
et qui me priverait de tout mon revenu.
13Si j’avais méprisé le droit de ma servante ou de mon serviteur quand ils
contestaient avec moi, 14 qu’est-ce que je ferai quand Dieu se lèvera et que lui
répondrai-je quand il enquêtera ? 15 Celui qui m’a tissé dans le sein de ma
mère, ne les a-t-il pas faits, eux, tout autant que moi ? Oui, c’est le même Dieu
qui nous a tous formés dans le sein maternel. 16 Si je me suis soustrait aux
requêtes des pauvres, ou si j’ai fait languir les regards de la veuve, 17 si j’ai
mangé mon pain tout seul, sans partager avec un orphelin… 18 Car, depuis
mon enfance, il a trouvé en moi un véritable père. Dès le sein de ma mère, j’ai
soutenu la veuve. 19 Si j’ai vu l’indigent privé de vêtements, et le nécessiteux
manquant de couverture, 20 sans leur donner une occasion de me bénir, sans
qu’aussitôt ils se soient réchauffés sous la toison de mes brebis… 21 Si j’ai levé
la main sur l’innocent, me sachant soutenu au tribunal, 22 alors, que mon
épaule soit arrachée et que mon avant-bras se rompe au coude !
23Car j’ai toujours pensé au châtiment de Dieu et je le redoutais, et je ne
pouvais rien devant sa majesté.
24Si j’ai cru que l’argent était ma force, si j’ai dit à l’or pur : « Tu es mon
assurance ! », 25 si j’ai tiré ma joie de ma grande fortune et de ce que mes
mains avaient beaucoup gagné, 26 si, en voyant la splendeur du soleil, ou si,
en contemplant la lune en son éclat, 27 mon cœur, secrètement, a cédé à la
séduction, et si ma main leur a envoyé des baisers, 28 cela aussi eût été un
grand crime devant mon juge, car en faisant cela, j’aurais renié le Dieu Très-
Haut.
29 Si je me suis réjoui quand l’infortune frappait mon ennemi, si j’ai sauté de
joie quand le mal l’atteignait… 30 Moi qui n’aurais jamais autorisé ma langue à
commettre un péché en demandant sa mort par des imprécations… 31 Si les
gens sous ma tente n’ont pas eu lieu de dire : « Existe-t-il quelqu’un qui n’ait
pas été rassasié de ses festins ? »… 32 Jamais un étranger n’a dû coucher
dehors, j’ouvrais toujours ma porte au voyageur.
33Si j’ai tenté, comme bien d’autres hommes, de déguiser mes fautes en
cachant mes méfaits dans le secret de ma conscience, 34 parce que j’avais
peur de la rumeur publique, ou bien par crainte ou mépris des familles, si je
me suis tenu dans le silence, n’osant franchir mon seuil…
35 Ah ! si j’avais quelqu’un qui veuille m’écouter ! Voilà mon dernier mot. Que
le Dieu tout-puissant me donne sa réponse ! Ah ! si mon adversaire voulait
bien rédiger l’acte d’accusation, 36 je le mettrais sur mon épaule, je m’en
ceindrais le front comme d’un diadème. 37 Je lui ferais connaître le nombre de
mes pas, j’avancerais vers lui, fier comme un prince.
38 Si
ma terre a crié vengeance contre moi, et si j’ai fait pleurer ses sillons tous
ensemble, 39 si j’ai joui de ses produits sans les avoir payés, et si j’ai tourmenté
ceux qui l’ont cultivée, 40 alors, qu’au lieu de blé, il y pousse des ronces ! À la
place de l’orge, que des orties y croissent !
C’est ici que finissent les paroles de Job.

J’ai quelque chose à dire


Puisque Job persistait à se déclarer juste, ses trois amis cessèrent de lui
donner réponse.
32 2 Mais voici qu’Élihou s’enflamma de colère. Il était fils de Barakél de

Buz, de la tribu de Ram. Il se mit en colère contre (son ami) Job qui prétendait
qu’il était juste plutôt que Dieu. 3 Il s’indigna de même contre ses trois amis
parce qu’ils n’avaient pas trouvé de réponse à lui exprimer et faisaient tort à
Job. 4 Élihou avait attendu avant de s’adresser à Job parce qu’ils étaient plus
âgés qu’il ne l’était lui-même. 5 Mais lorsqu’Élihou s’aperçut qu’ils étaient
réduits au silence, il se mit en colère. 6 Et Élihou, le fils de Barakél de Buz, prit
la parole et dit :
— Je suis un jeune, moi, et vous êtes des vieillards. C’est pourquoi, j’ai eu peur,
j’ai craint de vous exposer mon savoir. 7 Je me disais : « Ceux qui ont vécu de
longs jours s’exprimeront d’abord ; le nombre des années enseigne la sagesse
». 8 Mais, en réalité, je vois que c’est l’esprit qui anime les hommes, l’inspiration
du Tout-Puissant qui rend intelligent. 9 Ce ne sont pas les plus âgés qui sont
forcément les plus sages et ce ne sont pas les vieillards qui comprennent le
droit, 10 c’est pourquoi je t’en prie : écoute-moi aussi et j’exposerai mon avis.
11Jusqu’ici, j’attendais, j’écoutais vos discours et j’ai prêté l’oreille à vos
raisonnements pour vous laisser le temps d’éprouver ses propos. 12 Je vous ai
prêté attention, mais aucun de vous trois n’a pu convaincre Job, aucun n’a
réfuté son argumentation. 13 Et cependant, vous dites : « Nous avons trouvé la
réponse : Dieu seul, et non pas l’homme, peut triompher de lui ». 14 S’il s’était
adressé à moi, je n’aurais jamais répliqué avec des mots comme les vôtres.
15 Les voilà consternés ! Ils n’ont plus rien à dire ! Les mots leur sont ôtés ! 16
J’attendrais vainement : ils ne parleront pas ! Ils se sont arrêtés de donner la
réplique ! 17 Je veux donc, moi aussi, répondre pour ma part, exposer mon
savoir, 18 car j’ai beaucoup d’idées, et l’esprit qui m’anime me presse de parler.
19 Voici : dans mon être intérieur, c’est comme un vin nouveau qui n’aurait

pas d’issue, comme des outres neuves sur le point d’éclater. 20 Ainsi je
parlerai pour respirer à l’aise, j’ouvrirai donc mes lèvres et je répliquerai. 21 Je
veux être impartial et ne flatter personne. 22 D’ailleurs, je ne connais pas l’art
de la flatterie, car celui qui m’a fait m’enlèverait bien vite.
Comment Dieu parle
33 Maintenant, Job, écoute ce que j’ai à te dire, et prête bien l’oreille à
toutes mes paroles. 2 Voici, j’ouvre la bouche, que ma langue s’exprime
! 3 Mes mots refléteront la droiture du cœur, et mes lèvres diront la pure
vérité. 4 Oui, c’est l’Esprit de Dieu qui m’a formé, c’est le souffle du Tout-
Puissant qui me fait vivre. 5 Si tu le peux, réplique-moi ! Prends position et
fais-moi face ! 6 Car voici, devant Dieu, je suis semblable à toi ; j’ai été, comme
toi, fait de la même argile. 7 Donc, la peur que j’inspire ne te troublera pas et
mon autorité ne t’accablera pas.
8 Tu as dit devant moi, et j’ai bien retenu le son de tes paroles : 9 « Je suis pur
et sans crime, à l’abri de tout blâme, je suis exempt de faute. 10 Cependant,
Dieu invente contre moi des prétextes, et il me considère comme son ennemi
: 11 Il a mis mes pieds dans des fers et il surveille tous mes pas ». 12 En cela, tu
n’as pas raison, laisse-moi te le dire, car Dieu est bien plus grand que l’homme.
13 Pourquoi disputer contre lui ? Car on ne peut répondre à toutes ses paroles.

14 Et pourtant, Dieu nous parle, tantôt d’une manière et puis tantôt d’une
autre. Mais l’on n’y prend pas garde. 15 Il parle par des songes et des visions
nocturnes, quand un profond sommeil accable les humains endormis sur leur
couche. 16 Alors, il se révèle aux mortels assoupis, et il les avertit, scellant ses
instructions, 17 afin d’écarter l’homme de ses agissements et de le préserver
des dangers de l’orgueil. 18 Ainsi, il garantit son âme de la mort et préserve sa
vie des coups du javelot.
19 Ou encore, il éprouve l’homme par la souffrance qui le tient sur sa couche,
lorsque ses os s’agitent sans arrêt. 20 Sa vie est dégoûtée de toute nourriture,
il n’a plus d’appétit pour les mets les plus fins. 21 À vue d’œil, sa chair dépérit
et ses os qu’on ne voyait pas sont mis à nu. 22 Alors, son existence s’approche
de la fosse et sa vie est livrée aux agents de la mort. 23 Mais s’il se trouve
auprès de lui un ange intercesseur, un parmi les milliers, pour lui rappeler son
devoir, 24 qui ait pitié de lui et qui demande à Dieu : « Délivre-le du gouffre,
qu’il n’y descende pas, j’ai trouvé sa rançon ». 25 Alors, sa chair retrouve sa
fraîcheur juvénile, et il revient aux jours de son adolescence. 26 Il peut
invoquer Dieu, qui lui rend sa faveur et lui fait voir sa face avec des cris de
joie. Dieu rend à l’homme sa justice. 27 Oui, il le fait chanter, il dit : « J’avais
péché et enfreint la justice, et je n’ai pas subi ce que je méritais. 28 Non, Dieu a
racheté mon âme de la fosse et il a maintenu ma vie sous la lumière ». 29 Vois,
Dieu fait tout cela deux fois, trois fois pour l’homme, 30 pour empêcher son
âme de tomber dans la fosse et pour l’illuminer de la lumière des vivants.
31 Sois donc attentif, Job, écoute-moi ! Tais-toi, c’est moi qui parlerai. 32
Toutefois, si tu as quelque chose à répondre, dis-le, réplique-moi, car je veux
te traiter selon toute justice. 33 Si tu n’as rien à dire, alors, écoute-moi, fais
silence et je vais t’apprendre la sagesse.

Dieu est toujours juste


34 Élihou poursuivit son discours par ces mots :
2
— Ô vous qui êtes sages, écoutez mes paroles, et vous, gens
d’expérience, prêtez votre attention ! 3 Car l’oreille discerne la valeur des
paroles, comme le palais juge le goût des aliments. 4 Examinons ensemble,
pour nous, ce qui est juste. Et cherchons entre nous ce qui est le meilleur. 5
Job a bien prétendu : « Je suis dans mon bon droit, mais Dieu me le refuse. 6
Quand je cherche justice, je passe pour menteur. Je suis percé de flèches bien
qu’étant sans péché ».
7 Quel homme est comme Job, pour boire l’ironie comme on boirait de l’eau ?
8 Il fait cause commune avec les malfaiteurs et marche en compagnie de ceux

qui sont pervers. 9 N’a-t-il pas dit lui-même : « L’homme ne gagne rien à
vouloir plaire à Dieu » ?
10 Aussi,écoutez-moi, vous qui êtes sensés : il est inconcevable que Dieu fasse
le mal, et que le Tout-Puissant pratique l’injustice, 11 car il rend à chaque
homme selon ce qu’il a fait, et il traite chacun selon ce qu’il mérite. 12 Oh non !
en vérité, Dieu n’agit jamais mal, jamais le Tout-Puissant ne fausse la justice. 13
Qui donc l’a établi maître de l’univers, ou qui lui a remis le soin du monde
entier ? 14 S’il reportait sur lui toute son attention, s’il concentrait en lui son
Esprit et son souffle, 15 toutes les créatures expireraient ensemble, et l’homme
rentrerait aussi dans la poussière.
16Si tu as du bon sens, écoute donc ceci, et sois bien attentif au son de mes
paroles. 17 Un ennemi du droit pourrait-il gouverner ? Oses-tu condamner le
Juste, le Puissant ? 18 Celui qui dit aux rois : « Tu n’es qu’un scélérat » et qui
traite les grands de criminels pervers ? 19 Lui qui n’a nul égard au prestige des
princes, qui ne distingue pas entre un riche et un pauvre, du fait qu’ils sont
tous deux l’ouvrage de ses mains ?
20 Et en un instant, ils meurent au milieu de la nuit, un peuple se révolte, et
puis il disparaît, on dépose un tyran sans qu’une main se lève, 21 car ses yeux
sont ouverts sur les chemins de l’homme, et il a les regards sur chacun de ses
pas ; 22 car il n’y a pour lui aucune obscurité ni ombre de la mort, où puissent
se cacher les artisans du mal ; 23 car il n’a pas besoin d’épier longtemps un
homme pour le faire assigner devant lui en justice. 24 Sans une longue
enquête, il brise les tyrans et en met d’autres à leur place. 25 Car il connaît
leurs œuvres ; aussi, en pleine nuit, soudain, il les renverse, et on les foule aux
pieds. 26 Comme des criminels, il les frappe à grands coups aux yeux de tout
le monde.
27Car ils l’ont méconnu, ne voulant plus le suivre, et ils ont ignoré toutes ses
directives. 28 Car la clameur des pauvres est montée jusqu’à lui et il a entendu
les cris des opprimés. 29 S’il donne le repos, qui pourra condamner ? Et s’il
cache sa face, qui le découvrira ? Or, c’est lui qui surveille les nations et les
hommes, 30 pour mettre fin au règne du souverain impie, afin qu’il ne soit plus
un piège pour le peuple. 31 Car a-t-il dit à Dieu : « J’ai eu mon châtiment, je ne
pécherai plus ! 32 Si je me suis trompé, apprends-le-moi toi-même. Si j’ai
commis des crimes, je ne le ferai plus » ?
33 Est-ce que Dieu devrait consulter ton avis pour rendre la justice, parce que
tu méprises ce qu’il a décidé ? Ou bien crois-tu que Dieu te dira : « C’est à toi
de choisir, non pas à moi » ? Que répliqueras-tu ? Fais-nous part de ta science
! 34 Mais les gens de bon sens aussi bien que les sages qui m’auront entendu
conviendront avec moi : 35 « Job parle sans sagesse et toutes ses paroles
manquent d’intelligence ». 36 Mon souhait est que Job soit éprouvé à fond
parce que ses répliques sont celles d’un méchant. 37 Car, à sa transgression, il
ajoute un péché qui est plus grave encore : il veut semer le doute parmi nous,
ses amis. Et puis : il multiplie ses propos contre Dieu.
Attends en silence que Dieu intervienne
35 Élihou poursuivit son discours en disant :
— 2 Prétends-tu que soit juste ce que tu nous as dit : « J’ai raison contre
Dieu » ? 3 Car tu as ajouté : « À quoi me sert-il donc d’éviter de pécher, et quel
est mon profit ? » 4 Moi, je te répondrai bien vite, en peu de mots, ainsi qu’à
tes amis.
5Vois le ciel et regarde ; contemple les nuages : combien ils te dominent ! 6
Or, si tu agis mal, en quoi nuis-tu à Dieu ? Multiplie tes révoltes, quel tort lui
causes-tu ? 7 Et si tu agis bien, que lui donnes-tu donc ? Que reçoit-il de toi ? 8
Car ta méchanceté n’atteint que tes semblables, et ta justice aussi n’est utile
qu’aux hommes.
9 Le poids de l’oppression fait crier les victimes ; sous le poing des puissants,
on appelle au secours. 10 Mais nul ne songe à dire : « Où est Dieu qui m’a fait ?
Lui qui, en pleine nuit, donne des chants joyeux, 11 lui qui nous dresse mieux
que les bêtes des champs et qui nous rend plus sages que les oiseaux du ciel
». 12 Mais on a beau crier, Dieu ne nous répond pas, à cause de l’orgueil
arrogant des méchants. 13 C’est en vain que l’on crie, car Dieu n’exauce pas, et
le Dieu tout-puissant n’y fait pas attention. 14 Oui, bien que tu prétendes que tu
ne le vois pas, ta cause est devant lui, tu peux t’attendre à lui. 15 Parce que sa
colère n’intervient pas encore et qu’il ne semble guère faire attention au
crime, (cela ne veut pas dire que Dieu ne le voit pas). 16 Je conclus donc que
Job ouvre la bouche en vain, qu’en vain il multiplie des discours insensés.

Dieu nous éduque par la souffrance


36 Élihou poursuivit son discours en disant :
— 2 Accorde-moi encore un peu ton attention, et je t’enseignerai, car je
n’ai pas tout dit pour la cause de Dieu. 3 Je vais tirer ma science de très haut,
de très loin, pour prouver la justice de celui qui m’a fait. 4 Car vraiment, mes
discours ne sont pas des mensonges. Celui qui t’entretient est sûr de son
savoir.
5 Vois combien Dieu est grand ! Il n’a aucun dédain, et il est souverain par son
intelligence. 6 Il ne permettra pas que le mécréant vive, il fait justice aux
pauvres, 7 il ne détourne pas ses yeux des hommes justes, mais il les fait
asseoir sur le trône des rois. Il les y établit pour siéger à jamais, et il les fait
grandir. 8 S’ils sont chargés de chaînes et saisis par l’étreinte des cordes du
malheur, 9 alors, il leur dénonce leurs actions, les péchés causés par leur
orgueil. 10 Il ouvre leurs oreilles aux avertissements. Il leur dit : « Revenez de
vos iniquités ! » 11 S’ils écoutent, dociles, ils finissent leurs jours dans la
prospérité, et leurs années s’achèvent dans la félicité.
12Mais s’ils n’écoutent pas, ils auront à subir les coups de javelot et ils
expireront, faute d’intelligence. 13 Oui, les cœurs endurcis, ceux qui,
obstinément, refusent de prier lorsqu’ils sont dans les chaînes, provoquent la
colère. 14 Aussi, leur vie s’éteint en pleine fleur de l’âge, ils perdent l’existence
parmi les débauchés.
15(Dieu) sauve l’affligé par son affliction même, et c’est par la souffrance qu’il
daigne l’avertir.
16 Toi aussi, il voudrait t’arracher à l’angoisse, pour t’établir au large où plus
rien ne te gêne, et pour charger ta table d’aliments savoureux. 17 Mais tu as
mérité le verdict des méchants et tu en porteras la sentence et la peine. 18
Crains donc que le dépit ne t’incite à l’outrance, et que tu ne t’égares parce
que la rançon te paraît excessive. 19 Tes cris suffiraient-ils pour te tirer de
peine ? Où pourrais-tu trouver du secours par tes forces ? 20 Ne soupire donc
pas après la nuit (obscure) qui balaiera les peuples ! 21 Garde-toi de tourner
tes regards vers le mal, de choisir la révolte du fait de l’affliction.
22 Vois, Dieu est souverain par sa force suprême, existe-t-il un maître qui
guide comme lui ? 23 Qui lui a imposé le chemin qu’il doit suivre ? Qui lui a
jamais dit : « Ce que tu fais est mal ? » 24 Mais souviens-toi plutôt de célébrer
son œuvre que chantent les humains. 25 Tous les hommes l’admirent, chacun
la voit de loin. 26 Vois combien Dieu est grand, surpassant toute science. Nul
ne peut calculer le nombre de ses ans.
27Oui, c’est lui qui attire de fines gouttelettes ; et il en fait des brouillards qui
distillent la pluie 28 que les nuées déversent comme des cataractes sur la foule
des hommes. 29 Qui prétendrait comprendre l’expansion des nuages et les
bruits de tonnerre dont retentit sa voûte ? 30 Vois, tout autour de lui il déploie
sa lumière, et c’est lui qui recouvre les profondeurs des mers. 31 Par tous ces
éléments, il gouverne les peuples, et il pourvoit les hommes de biens en
abondance. 32 Voici, de ses deux mains il saisit les éclairs, et Il les lance au but
où ils doivent frapper. 33 Le bruit de son tonnerre annonce sa venue, et les
troupeaux pressentent que c’est lui qui s’avance.

La grandeur de Dieu
37 Alors, à ce spectacle, mon cœur aussi frémit, on dirait qu’il voudrait
2
bondir hors de sa place. Écoutez, écoutez le fracas de sa voix, et tous
ces grondements qui sortent de sa bouche ! 3 Sous la voûte des cieux, l’écho
les répercute, et ses éclairs atteignent les confins de la terre. 4 Puis une voix
rugit, la voix majestueuse de son tonnerre éclate, il ne le retient plus tant
qu’on entend sa voix. 5 Oui, Dieu nous fait entendre des choses merveilleuses,
des choses qui dépassent tout notre entendement. 6 Quand il dit à la neige : «
Va, recouvre la terre », quand il commande aux pluies, même aux pluies les
plus fortes.
7 Il paralyse ainsi la main de tous les hommes, afin que tout mortel apprenne
à reconnaître que c’est Dieu qui l’a fait. 8 Les animaux eux-mêmes rentrent
dans leurs tanières, et demeurent cachés tout au fond de leurs gîtes. 9 Des
profondeurs australes surgit un ouragan, et des vents d’aquilon amènent la
froidure. 10 Sous le souffle de Dieu, l’eau se transforme en glace, les étendues
liquides se figent d’un seul bloc. 11 Puis le beau temps revient, entraînant les
nuages et dispersant les brumes au feu de sa lumière. 12 Les nuages
tournoient, gouvernés par sa main, afin d’exécuter tout ce qu’il leur ordonne
sur la face du monde. 13 S’agit-il de frapper la terre avec des verges, ou de lui
témoigner la faveur de son Dieu, ce sont eux qu’il délègue.
14Écoute cela, Job, arrête-toi, comprends les merveilles de Dieu. 15 Sais-tu par
quelles lois Dieu opère ces choses ? Sais-tu comment l’éclair jaillit de ses
nuages ? 16 Sais-tu comment les nues gardent leur équilibre ? N’est-ce pas un
miracle de celui qui agit par sa science infinie ? 17 D’où vient que tes habits
tout à coup sont trop chauds, quand la terre languit sous le vent du midi ? 18
Étais-tu avec Dieu pour l’aider à étendre la voûte des nuées et la rendre
solide comme un miroir coulé ? 19 Pourrais-tu nous apprendre ce que nous lui
dirons ? Car nous ne savons pas nous adresser à lui, ignorants que nous
sommes. 20 Devrais-je l’aviser quand je veux lui parler ? Devrais-je le lui dire
pour qu’il soit informé ?
21 Soudain,
on ne voit plus le soleil resplendir, les nuages le cachent, mais, dès
qu’un vent se lève, le ciel est nettoyé. 22 Du septentrion vient une lueur dorée,
autour de Dieu rayonne un éclat redoutable.
23 Il
est le Tout-Puissant, nous ne pouvons l’atteindre. Il est grand par la force
et par le jugement, il règne avec justice ! Il n’opprime personne. 24 C’est
pourquoi, en tout lieu, les hommes le révèrent, pour aucun sage, il n’a de
considération.

Dieu intervient
38 Alors, du sein de la tempête, le Seigneur répondit à Job :
— 2 Qui donc obscurcit mes desseins par des discours sans
connaissance ? 3 Mets ta ceinture, comme un brave : je vais te poser des
questions et tu m’enseigneras.
4 Où étais-tu quand je posai les fondations du monde ? Déclare-le, puisque ta
science est si profonde ! 5 Qui en a fixé les mesures, le saurais-tu ? Qui a tendu
sur lui le niveau d’arpenteur ? 6 Sur quel appui ses fondements sont-ils assis ?
Qui en posa la pierre d’angle 7 quand les étoiles du matin éclataient en chants
d’allégresse, alors que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie ?
8 Qui a enfermé l’océan par une porte à deux battants quand il jaillissait,
bondissant, du sein maternel de la terre, 9 lorsque je fis, de la nuée, son
vêtement, et de l’obscurité ses langes ? 10 Quand je lui imposai ma loi, quand
je plaçai verrous et portes 11 en lui disant : « C’est jusqu’ici que tu iras, et pas
plus loin ; ici s’arrêtera tout l’orgueil de tes flots » ?
12 As-tu,
un seul jour de ta vie, donné tes ordres au matin et assigné sa place à
13
l’aube pour qu’elle soulève les franges des extrémités de la terre et qu’elle
en secoue les méchants ? 14 Alors, la terre est transformée comme l’argile sous
l’empreinte, et toutes choses sont parées comme d’un vêtement. 15 À sa
lumière les desseins des méchants s’éteignent et le bras levé est brisé.
16Es-tu parvenu jusqu’aux sources d’où jaillissent les océans ? Ou t’es-tu
promené dans les profondeurs de l’abîme ? 17 Les portes de la mort ont-elles
paru devant toi ? As-tu pu voir les portes de l’ombre de la mort ? 18 As-tu
embrassé du regard l’immensité des continents ? Dis-le, si tu sais tout cela !
19 De quel côté est le chemin vers le séjour de la lumière ? Et les ténèbres, où
donc ont-elles leur demeure, 20 pour que tu puisses les saisir aux limites de
leur domaine et bien comprendre les sentiers de leur habitation ? 21 Tu dois
connaître tout cela, puisque tu étais déjà né et que tes jours sont si nombreux
!
22 As-tu visité les greniers cachant les trésors de la neige ? Et as-tu vu les
arsenaux contenant les dépôts de grêle 23 que je tiens en réserve pour les
temps de détresse, les jours de lutte et de combat ? 24 Par quelle voie se
répand la lumière ? Par où le vent d’orient envahit-il la terre ? 25 Qui a creusé
des gorges pour les torrents d’orage ? Qui a frayé la voie au fracas de l’éclair
26 faisant tomber la pluie sur un pays sans hommes, dans les déserts stériles

où n’habite personne, 27 pour arroser les solitudes et les régions arides, pour
faire germer l’herbe et pousser la verdure ?
28 La pluie a-t-elle un père ? Qui donc a engendré les gouttes de rosée ? 29 De
quel sein sort la glace, et qui a enfanté le blanc frimas des cieux ? 30 Qui donc
durcit les eaux et les transforme en pierre ? Qui fait que la surface des océans
se fige ?
31 Peux-tu serrer les bandeaux des Pléiades ou desserrer le baudrier d’Orion ?
32 Fais-tu paraître à temps l’étoile du matin ? Conduis-tu la Grande Ourse et
ses étoiles secondaires ? 33 Les lois du ciel te sont-elles connues ? Donnes-tu à
la terre sa configuration ? 34 Te suffit-il d’ordonner aux nuages pour que des
trombes d’eau viennent pleuvoir sur toi ? 35 Les éclairs partent-ils à ton
commandement en disant : « Nous voici » ?
36 Qui a implanté la sagesse au cœur de l’homme et le discernement dans son
esprit ?
37 Qui peut compter avec sagesse le nombre des nuages et qui peut incliner
les amphores des cieux 38 Pour agréger en glèbe la poussière, et pour souder
les mottes de la terre ? 39 Est-ce toi qui captures une proie pour la lionne ?
Est-ce toi qui nourris les lionceaux qui ont faim 40 quand ils sont tous tapis au
fond de leurs tanières, quand ils sont à l’affût dans les taillis épais ? 41 Qui donc
prépare au corbeau sa pâture quand ses oisillons crient à Dieu, et sont
errants, sans nourriture ?

Veux-tu te mettre à la place de Dieu ?


39 Connais-tu le moment où les chamois enfantent ? Est-ce toi qui
surveilles les biches en travail ? 2 As-tu compté les mois que dure leur
grossesse, et connais-tu l’époque où elles mettent bas, 3 quand elles
s’accroupissent, déposent leurs petits et partent sans douleurs ? 4 Leurs faons
sont vigoureux, grandissant en plein air et ils s’en vont loin d’elles pour ne
plus revenir.
5 Qui a laissé l’onagre courir en liberté ? Qui a rompu les cordes liant l’âne
sauvage ? 6 J’ai donné le désert pour qu’il soit sa demeure et les plaines salées
pour son habitation. 7 Il ne veut rien savoir du tapage des villes, et il n’entend
jamais l’ânier vociférer. 8 Il parcourt les montagnes pour trouver sa pâture, il y
cherche la trace de la moindre verdure.
9 Le buffle voudra-t-il se mettre à ton service ? Passera-t-il ses nuits attaché à
ta crèche ? 10 Pourras-tu maîtriser sa force avec des cordes ? Va-t-il herser
pour toi les mottes des vallées ? 11 Mettras-tu ta confiance dans sa très grande
force et lui remettras-tu le soin de tes travaux ? 12 Compteras-tu sur lui pour
moissonner ton grain, pour engranger ton blé ?
13 Les ailes de l’autruche battent joyeusement, mais son aile et ses plumes
sont-elles maternelles ? 14 Non, car elle abandonne ses œufs dans la poussière,
et elle laisse au sable le soin de les couver. 15 Car elle a oublié qu’un pied peut
les fouler, que les bêtes sauvages peuvent les piétiner. 16 Elle oublie ses petits
comme des étrangers, et ne s’inquiète pas d’avoir peiné en vain. 17 Pourquoi ?
Parce que Dieu l’a privée de sagesse, et que l’intelligence ne lui est pas
donnée. 18 Mais dès qu’elle se dresse et se met à courir, elle se moque du
cheval et de son cavalier.
19Serait-ce toi qui donnes la puissance au cheval ? Suspends-tu à son cou la
crinière ondulante ? 20 Ou le fais-tu bondir comme la sauterelle, quand son
hennissement inspire la frayeur ? 21 Dans le vallon, il piaffe, tout joyeux de sa
force. Le voilà qui s’élance en plein dans la mêlée ! 22 Il se rit de la peur et ne
s’effraie de rien. Il ne recule pas en face de l’épée, 23 lorsqu’au-dessus de lui
cliquette le carquois, la lance étincelante ou bien le javelot. 24 Frémissant
d’impatience, il dévore l’espace, il ne tient plus en place dès qu’il a entendu le
son de la trompette. 25 Quand on sonne la charge, il hennit : « En avant ! »,
lorsqu’il est loin encore, il flaire la bataille, la voix tonitruante des
commandants de troupes et les cris des guerriers.
26 Est-cepar ton intelligence que l’épervier prend son essor et qu’il déploie ses
ailes pour voler vers le sud ? 27 Serait-ce à ton commandement que l’aigle
s’élève dans l’air et qu’il bâtit son aire sur les sommets des monts ? 28 Il fait du
rocher sa demeure, et établit sa forteresse sur la dent des montagnes et les
pics escarpés. 29 De là-haut, il épie sa proie, de loin, ses regards la découvrent.
30 Ses petits s’abreuvent de sang ; partout où gisent des cadavres, il est

présent.

Deux spécimens de la création de Dieu


40 Le— Seigneur
2
reprit la parole. Il dit à Job :
L’accusateur du Tout-Puissant a-t-il à critiquer ? Celui qui dispute
avec Dieu voudrait-il répliquer ?
3 Alors Job répondit au Seigneur et lui dit :
— 4 Je suis trop peu de chose, que te répliquerais-je ? Mon doigt est sur ma
bouche. 5 J’ai parlé une fois, je ne recommencerai plus. Je suis intervenu deux
fois, mais je n’y ajouterai rien.
6 Alors, du sein de la tempête, le Seigneur répondit à Job :
— 7 Mets ta ceinture comme un brave, je vais te poser des questions et tu
m’expliqueras.
8 Veux-tu vraiment prétendre que je ne suis pas juste ? Veux-tu me
condamner afin d’avoir raison ? 9 As-tu un bras tel que celui de Dieu ? Ta voix
est-elle une voix de tonnerre comme la sienne ? 10 Orne-toi donc d’honneur et
de grandeur et revêts-toi de splendeur et d’éclat ! 11 Répands les flots de ton
indignation et, d’un regard, courbe tous les hautains ! 12 Jette les yeux sur tous
les orgueilleux ! Fais-les ployer ! Foule aux pieds les méchants ! 13 Dans la
poussière, cache-les tous ensemble ! Enferme-les dans la nuit du tombeau !
14 Alors, moi-même je te rendrai hommage, car ton triomphe sera dû à ta

main.
15 Regarde donc : voici l’hippopotame. Je l’ai créé tout aussi bien que toi.
Comme le bœuf, il se nourrit de l’herbe. 16 Vois quelle force réside dans sa
croupe ! Quelle vigueur dans les muscles de ses flancs ! 17 Il plie sa queue
aussi ferme qu’un cèdre, et les tendons sont tressés dans ses cuisses. 18 Ses os
ressemblent à des tubes de bronze, son ossature à des barres de fer. 19 C’est
lui qui est le chef-d’œuvre de Dieu. Son créateur l’a gratifié d’un glaive. 20 Des
monts entiers produisent son fourrage, là où s’ébattent les animaux des
champs. 21 Il dort à l’ombre, caché dans les lotus, sous le couvert des roseaux
du marais. 22 Il est couvert par l’ombre des lotus et entouré des saules du
torrent. 23 Si l’eau déborde, il n’en est pas ému. Si le Jourdain se jette dans sa
gueule, il reste calme et en sécurité. 24 Va-t-on le prendre à face découverte et
l’entraver en lui perçant le mufle ?
25Iras-tu prendre avec ton hameçon le crocodile pour le tirer de l’eau ? Vas-
tu lier sa langue avec ta ligne ? 26 Lui mettras-tu un jonc dans les naseaux ?
Perceras-tu d’un crochet sa mâchoire ? 27 Te fera-t-il de nombreuses prières ?
Te dira-t-il doucement des tendresses ? 28 Conclura-t-il un contrat avec toi ?
Le prendras-tu pour serviteur à vie, 29 ou pour jouet comme un petit oiseau ?
Le lieras-tu pour amuser tes filles ? 30 Des associés le mettront-ils en vente ?
Des commerçants le partageront-ils ? 31 Vas-tu cribler de dards sa carapace ?
Vas-tu barder sa tête de harpons ? 32 Attaque-le et tu te souviendras de ce
combat, tu n’y reviendras plus !

41 Vois,
2
devant lui tout espoir est déçu. Rien qu’à le voir, on sera terrassé.
Nul n’osera exciter sa colère. Qui donc alors pourrait me résister ? 3

Qui m’a donné afin que je lui rende ? Tout est à moi sous l’étendue des cieux.
4 Je ne veux pas me taire sur ses membres, et je dirai sa force incomparable,
et la beauté de sa constitution.
5 Qui a ouvert par-devant sa tunique ? Qui a franchi les deux rangs de ses
dents ? 6 Qui a forcé les battants de son mufle ? Ses crocs aigus font régner la
terreur. 7 Majestueuses sont ses rangées d’écailles. Bien assemblées comme
des boucliers, 8 articulées les unes sur les autres, et aucun souffle ne pourrait
s’y glisser : 9 soudées ensemble, chacune à sa voisine, elles se tiennent et sont
inséparables.
10 Il éternue : c’est un jet de lumière. Ses yeux ressemblent aux paupières de
l’aube. 11 Sa gueule ouverte lance des étincelles, ce sont des jets de flammes
qui s’échappent. 12 Une fumée jaillit de ses narines comme d’un pot
bouillonnant sur le feu. 13 Son souffle embrase comme un charbon ardent et,
de sa gueule, une flamme jaillit. 14 C’est dans son cou que réside sa force, et la
terreur danse au-devant de lui. 15 Qu’ils sont massifs, les muscles de son
ventre ! Soudés sur lui, ils sont inébranlables. 16 Son cœur est dur, coulé
comme une pierre, et résistant comme une meule à grain.
17 Quand il se dresse, les plus vaillants ont peur. Ils se dérobent saisis par
l’épouvante. 18 L’épée l’atteint sans trouver nulle prise, même la lance, la flèche
et la cuirasse ne servent pas à celui qui l’approche. 19 Pour lui, le fer est
comme de la paille, il prend le bronze pour du bois vermoulu. 20 Les traits de
l’arc ne le font jamais fuir et les cailloux qu’on lance avec la fronde ne sont
pour lui que des fétus de paille. 21 La hache d’armes est un brin de roseau, et il
se rit du bruit du javelot.
22 Son ventre, armé de tessons dentelés, est une herse qu’il traîne sur la vase.
23 Il fait bouillir les profondeurs des mers. Il les transforme en chaudière à

parfums. 24 Il fait briller après lui son sillage. Il fait blanchir les vagues de
l’abîme. 25 Qui, sur la terre, pourrait le maîtriser ? Il fut créé pour ne rien
redouter. 26 Il voit sans peur les colosses puissants. Il est le roi des plus fiers
animaux.

Je me repens
42 Job répondit alors au Seigneur en ces termes :
2
— Je sais que tu peux tout, et que rien ne saurait t’empêcher
d’accomplir ce que tu as conçu. 3 « Qui ose, disais-tu, obscurcir mes desseins
par des discours sans connaissance ? » Oui, je le reconnais : j’ai parlé sans
comprendre de choses merveilleuses que je ne connais pas.
4« Écoute, disais-tu, c’est moi qui parlerai : je vais te poser des questions, et tu
m’enseigneras. » 5 Je ne te connaissais que par des ouï-dire, mais maintenant,
mes yeux t’ont vu. 6 Aussi je me condamne, je me repens sur la poussière et
sur la cendre.

Épilogue
7Ainsi dit le Seigneur en s’adressant à Job, puis il prit à partie Éliphaz de
Témân :
— Ma colère s’est enflammée contre toi et tes deux amis. Car, en parlant de
moi vous n’avez pas parlé selon la vérité ainsi que l’a fait Job qui est mon
serviteur. 8 Prenez donc maintenant sept taureaux, sept béliers, puis allez
trouver Job qui est mon serviteur, et vous les offrirez pour vous en
holocauste. Et mon serviteur Job pourra prier pour vous. C’est par égard
pour lui que je n’agirai pas selon votre folie. Car, en parlant de moi, vous
n’avez point parlé selon la vérité, ainsi que l’a fait Job qui est mon serviteur.
9Éliphaz de Témân et Bildad de Chouah et Tsophar de Naama s’en furent
pour exécuter les ordres du Seigneur.
Le Seigneur eut égard aux prières de Job. 10 Et il le rétablit dans son premier
état lorsque Job eut prié pour ses amis. Le Seigneur donna même à Job deux
fois autant qu’il avait possédé. 11 Tous les frères de Job avec toutes ses sœurs
et tous ceux qui le connaissaient vinrent le visiter. Ils prirent leur repas
auprès de lui dans sa maison et ils lui exprimèrent toute leur sympathie, et ils
le consolèrent au sujet des malheurs que le Seigneur lui avait envoyés et
chacun lui donna une pièce d’argent et un anneau en or.
12 Et
le Seigneur bénit les derniers temps de Job plus que les premiers jours, si
bien qu’il posséda quatorze mille ovins et six mille chameaux, mille paires de
bœufs et mille ânesses. 13 Il eut aussi sept fils, trois filles lui naquirent. 14 Il
nomma la première Yémima : Tourterelle ; la deuxième eut pour nom Qetsia :
Fleur-de-cannelle ; et il appela la troisième Qérèn-Happouk : Corne de fard.
15 On ne pouvait trouver dans le pays entier des femmes aussi belles que les
filles de Job. Leur père leur donna une part d’héritage au milieu de leurs
frères. 16 Et Job, après cela, vécut cent quarante ans. Assez longtemps pour
voir les enfants de ses fils jusqu’à la quatrième génération.
17 Puis Job mourut âgé et rassasié de jours.

:::::
Introduction aux
Proverbes

« Si le monde était gouverné par la sagesse de ce seul livre, dit un


auteur contemporain, il serait sans aucun doute une nouvelle terre où
habiterait la justice77 ».
L’auteur des Proverbes parle comme un père à son fils, il veut
l’instruire, c’est-à-dire lui communiquer le fruit de l’expérience des
générations passées, mais il veut aussi stimuler sa réflexion personnelle
pour qu’il soit à même de « comprendre le langage de la raison », de
discerner son chemin dans le dédale des routes qui se présentent
devant lui et de « pénétrer les sentences énigmatiques des sages ». Il
s’adresse à la fois à ceux qu’il appelle « les simples », c’est-à-dire les
gens sans expérience, les adolescents, comme tous ceux qui ont le
cœur ouvert, et aux « hommes avisés » qui peuvent enrichir encore leur
savoir en prenant ses conseils à cœur.

La sagesse
Que faut-il entendre par sagesse ? « Le mot hébreu hokma vient de la
racine verbale hakam : être solide. Il ne désigne pas tant la recherche de
la vérité que les résultats fermes et fixes auxquels on est arrivé dans le
domaine de la connaissance religieuse et morale. Ces résultats peuvent
être incomplets encore, mais ils sont assurés ; car, d’une part, il existe
une souveraine sagesse en dehors de l’homme et au-dessus de lui (8 :
22s ; cf. Job 28 : 25-27), qui a présidé à la création du monde (Jérémie
10 : 12) et qui préside à l’histoire de l’humanité (Proverbes 8 : 16), et
d’autre part, l’homme a la faculté de percevoir cette sagesse parfaite : «
l’esprit de l’homme est une lampe de l‘Éternel78 (20 : 27) ». La sagesse
n’est pas la science pour la science, mais l’art de profiter de ses
connaissances et de savoir les appliquer dans la vie courante. Il s’agit
donc d’une sagesse toute pratique. Comme la lumière du soleil, cette
sagesse se divise en un prisme aux couleurs variées : elle est instruction
(mûsar, 1 : 2a, 3a), c’est-à-dire qu’elle doit être acquise par un effort
persévérant, accompagné, au besoin, de la correction (tôkahat, 1 : 23 ;
3 ; 11), c’est-à-dire de la persuasion verbale, la répréhension qui fait
appel à la conscience et à la raison (cf. Ésaïe 1 : 18). Les deux ensemble
constituent la discipline qui consiste avant tout à savoir se garder des
influences pernicieuses du dehors et des tendances mauvaises que l’on
trouve en soi.
Positivement vue, la sagesse est aussi intelligence, compréhension,
entendement (binâ 1 : 26), c’est-à-dire aptitude à saisir les rapports
entre les choses, à distinguer le bien du mal ; prudence, discernement
(horma 1 : 4a), c’est-à-dire finesse, capacité de déjouer les ruses des
autres ; savoir (leqah 1 : 5), connaissance (da’at) de la vérité et de Dieu
(2 : 5 ; 3 : 6), réflexion (m’zimmâ i : 4b), bon sens (haskil i : 3a), c’est-à-
dire perspicacité, capacité de voir comment sont les choses, de
percevoir leur véritable nature, et même : adresse, habileté (rahbullôt 1 :
5) pour savoir se gouverner soi-même, se conduire dans la vie. Cette
simple énumération nous montre que la sagesse englobe toutes les
fonctions mentales et tous les aspects de la vie.
En fait, les Proverbes touchent à tous les domaines de notre existence
: vie individuelle, familiale, sociale, économique, politique, relations entre
parents et enfants, entre homme et femme, entre patrons et employés,
entre bons et méchants, entre riches et pauvres, etc. Car la sagesse se
démontre dans tous ces secteurs : elle tire de l’adoration et de
l’engagement envers Dieu les conséquences logiques pour la vie de
tous les jours. Elle donne la capacité de juger ce qui est juste (2 : 6-22)
et de prendre la bonne attitude envers les possessions matérielles (3 : 9-
10), le travail (6 : 6-11), les voisins (3 : 27-29), la femme fidèle (31 : 10-
31) ou frivole (6 : 20-35 ; 9 : 13-18), etc.
La personnification de la sagesse (ch. 8) nous aide à comprendre
qu’elle n’est qu’un attribut de la Personne divine, qu’elle est liée de toute
éternité à Dieu et qu’elle ne peut être comprise qu’en relation avec lui.
C’est pourquoi « la crainte de l‘Éternel », c’est-à-dire une attitude de
respect devant lui, est le commencement, le principe et le moteur de
toute sagesse (1 : 7). Dans la perspective du Nouveau Testament, nous
pouvons y voir une préfiguration du Fils (cf. 8 : 22, 27-30) ou du Saint-
Esprit.

Les sages en Israël


Dans le peuple d’lsraël, les sages constituaient un groupe à part (Ésaïe
29 : 14) qui réfléchissaient aux applications de la foi dans la vie courante.
Il existait un conseil permanent de sages à la cour du roi David
(1 Chroniques 27 : 32-33). Les sacrificateurs et, plus tard, les scribes
veillaient à I‘application de la loi contenue dans les livres de Moïse. Les
prophètes axaient leur message sur la relation avec Dieu. Les sages
concentraient essentiellement leur réflexion sur la seconde table de la loi
: celle qui définit les relations humaines. Devant tout problème d’ordre
moral, social, artistique ou politique, le sacrificateur ou le scribe
demandait : « Que dit la loi ? » Le prophète, lui, cherchait une parole de
Dieu pour son temps. Le sage posait la question : « Est-ce sagesse ou
folie ? » La conjugaison des trois voies convergentes (Jérémie 18 : 18)
apportait la réponse conforme à la volonté de Dieu.
Nous avons le privilège de bénéficier de ces trois canaux de la
révélation dans la Bible par les livres de la loi, ceux des prophètes et les
livres de sagesse. Chaque genre voit les questions sous un autre angle.
Les trois se complètent admirablement pour s’adresser à l’homme tout
entier : intelligence, sensibilité, volonté. Des trois livres de sagesse : Job,
Ecclésiaste et Proverbes, les deux premiers posent des questions au
sujet des voies de Dieu et du but de la vie, le dernier nous apporte des
affirmations, fruits de l’expérience séculaire et de l’observation des
sages.

Les sages dans le monde antique


La recherche de la sagesse était répandue dans tout le monde antique.
La Bible fait souvent allusion aux sages des nations voisines, à ceux
d’Égypte (1 Rois 5 : 10 ; Ésaïe 19 : 11-12), d’Édom et d’Arabie (Jérémie
49 : 7 ; Abdias 8 ; Job 1 : 3), de Babylone (Ésaïe 45 : 10 ; Daniel 1 : 4,
20) et de Phénicie (Ézéchiel 28 : 35 ; Zacharie 9 : 2). Il y avait des
échanges entre les sages d’lsraël et ceux des pays voisins (1 Rois 4 :
30-34 ; 10 : 1-24). Aussi, les livres de sagesse sont-ils ceux qui ont le
plus de points communs avec la littérature extra-biblique79

Le machal
La forme littéraire des proverbes est le machal (d’un verbe hébreu
signifiant ressembler). Le machal associe deux choses qui se
ressemblent : une réalité concrète et un fait moral : « De l’eau fraîche
pour une gorge altérée, telle est une bonne nouvelle venant d’un pays
lointain » (25 : 25).
« Dent qui se casse, pied qui chancelle, telle est la confiance en un
perfide au jour du malheur » (25 : 19). Mais la leçon peut s’exprimer de
bien des manières : par identité (29 : 5), par contraste (27 : 7) ou par
similitude (25 : 5), par des classifications (14 : 15) ou des évaluations (22
: 1), en montrant les conséquences d’un comportement (20 : 4) ou son
absurdité (17 : 16). Le machal présente un certain nombre de
caractéristiques qui le distinguent des genres littéraires analogues :

1. Il est court, ramassant le fruit de l’expérience sous une forme


condensée. Il se situe donc dans la lignée des proverbes de tous
les temps et des maximes anciennes et modernes (La
Rochefoucauld, G. Cesbron : Ce siècle appelle au secours).
Parce qu’il est court, il atteint son but : avant qu’on ait eu le
temps de réaliser ce qui s’est passé, il s’incruste dans la mémoire
pour agir au moment du choix (cf. 22 : 1) ;
2. Il est fondé sur l’observation dans divers domaines de la vie :
économie, botanique, zoologie (cf. 1 Rois 4 : 33 ; 10 : 27)
comportement humain, etc. ;
3. Généralement, il est tiré de l’expérience personnelle de
Salomon ou des sages anonymes (cf. 21 : 19 ; 22 : 10 ; 23 : 1-3,
5 ; etc.) ;
4. Il est centré sur l’homme et relève son importance. C’est
pourquoi le livre des Proverbes a un caractère universel très
différent de la plupart des autres livres de l’Ancien Testament ;
5. Le machal est souvent énigmatique pour stimuler la réflexion
(cf. Juges 14 : 10-12 ; 26 : 1, 4-5, 22 ; 30 : 24-28, 29-32) ;
6. C’est une vérité éprouvée par le temps : beaucoup de ces
observations ont été confirmées par l’expérience de nombreuses
générations de sages. En cela, les Proverbes se distinguent de la
plupart de nos systèmes philosophiques ou pédagogiques fort
ingénieux, mais qui ne résistent pas à l’épreuve de l’expérience et
du temps. À ces caractéristiques communes à tous les machals
du Moyen-Orient et, en partie, aux proverbes de tous les pays, le
machal biblique ajoute un avantage essentiel : il a bénéficié de
l’inspiration divine. Le principal artisan du livre des Proverbes,
Salomon, a aussi composé des Psaumes et prononcé la prière
de dédicace du Temple qu’il a bâti à la gloire de Dieu. « La plume
est celle du roi d’lsraël, mais les paroles sont celles de Dieu » (Ch.
Bridges).

Différentes formes de machals


La structure poétique la plus courante du machal est le distique,
c’est-à-dire le proverbe à deux lignes. Le distique a quatre variantes
:
1. Le parallélisme synonymique : la seconde partie de la phrase
répète la même vérité que la première avec des mots différents.
Ex : « Le discernement sera ta sauvegarde et l’intelligence veillera
sur toi » (2 : 11 ; cf. 11 : 25 ; 16 : 13, 16, 18) ;
2. Le parallélisme antithétique : la seconde partie énonce la vérité
contraire à celle de la première. Ex : « Faire du bien aux autres,
c’est s’en faire à soi-même, mais se montrer cruel, c’est se
rendre malheureux » (11 : 7, cf. 10 : 1-28) ;
3. Le parallélisme synthétique : la seconde partie étend le sens
de la première en ajoutant une idée nouvelle. Ex : « Qui cache sa
haine a des lèvres menteuses et celui qui répand des calomnies
est un insensé » (10 : 18 cf. 26 : 11) ;
4. La comparaison : l’illustration d’une idée dans la première ou la
seconde partie. (Ex : « Le vent du nord engendre la pluie, et la
langue qui médit en secret assombrit les visages » (25 : 23 cf.
verset 18, 20-23,25).

Parfois, le proverbe s’énonce en quatre parties construites sur le


principe du parallélisme synonymique (23 : 15-16 ; 24 : 3, 4),
synthétique (30 : 5-6) ou comparatif (25 : 16-17), six lignes (dont les
deux premières constituent généralement un prologue : 23 : 19-21), huit
(23 : 22-25) ou plus (odes machaliques fréquentes dans 1 : 7 à 9 : 18 ;
22 : 17-21 ; 30 : 7-9).

Les auteurs des Proverbes


Contrairement aux autres livres bibliques (sauf celui des Psaumes), les
Proverbes ne se présentent pas comme l’œuvre d’un seul auteur. Le
livre en nomme trois : Salomon, Agur, Lémuel, et mentionne des «
hommes sages » qui ont composé d’autres proverbes. Une note
éditoriale (en 25 : 1) montre que la collection a été composée assez
tard.
Agur et le roi Lémuel ne sont pas connus par l’histoire d’lsraël. Nous
avons dans ces mentions un témoignage supplémentaire de
l’universalisme du livre, qui présage celui de la Bible entière, livre pour
toute l’humanité.

Structure du livre
Les chapitres 1 à 9 constituent une introduction à tout le livre. Après le
titre (1 : 1-6), une série de seize exhortations adressées par le père à
son fils louent la sagesse et dénoncent les différentes conséquences
auxquelles s’expose celui qui la méprise. Le premier chapitre présente
les thèmes que développeront les chapitres suivants : 1 : 8-9 :
l’importance de l’instruction (reprise dans les chapitres 2 à 4) ; 1 : 10-19
: mises en garde (reprises chap. 5 à 7) ; 1 : 20-33 : appel de la sagesse
(repris chap. 8-9). Le chapitre 8 est certainement le sommet du livre et
l’un des chapitres les plus importants de tout l’Ancien Testament, qui se
rapproche le plus du Nouveau. il a inspiré le prologue de l’Évangile de
Jean et le passage christologique célèbre de l’épître de Paul aux
Colossiens (1 : 15s.). À diverses reprises, Jésus-Christ est appelé « la
sagesse » (Matthieu 11 : 19 ; 1 Corinthiens 1 : 24, 30 ; Colossiens 2 :
3) : preuve que tout ce poème a un caractère fortement prophétique et
messianique.
Après ce prologue, les machals se suivent sans ordre apparent. La
majeure partie du livre est constituée par deux collections de proverbes
de Salomon (10 : 1 à 22 : 16 ; Collection d’Ézéchias : 25 : 1 à 29 : 27)
entrecoupées de deux groupes de maximes intitulées : « paroles des
sages » (22 : 17 à 24 : 22 ; 24 : 23-34). Suivent les paroles d’Agur et du
roi Lémuel. Le recueil se termine par l’éloge de la femme vaillante, un
poème alphabétique anonyme. Les répétitions plus ou moins textuelles
de certains proverbes sont un indice indubitable de la pluralité d’auteurs,
attestée d’ailleurs par les titres des divers recueils qui constituent le livre.

Les Proverbes et nous


Dans l’Ecclésiaste, Salomon proclamait : « Il n’y a rien de nouveau
sous le soleil ». Dans leur essence, les problèmes de l’homme du
XXIe siècle sont les mêmes que ceux des contemporains du grand roi
israélite. Aussi croyons-nous que la sagesse enseignée par ce livre peut
équiper tout homme et le rendre capable d’affronter les différents
problèmes qu’il pourra rencontrer sur sa route. À un ami qui lui
demandait des conseils au sujet de l’éducation de sa fille, Jérôme
répondit : « Qu’elle possède d’abord le livre des Psaumes pour la
sainteté du cœur et qu’elle soit instruite dans les Proverbes de Salomon
pour une vie pieuse ».
De nombreux chrétiens ont l’habitude de lire quelques proverbes
chaque jour. La manière décousue dont ils présentent leur
enseignement est un fidèle reflet de la succession des éléments qui
constituent nos journées.
Par l’inattendu de la succession de ces machals, le livre peut apporter
une réponse aux situations les plus imprévisibles de notre vie
quotidienne. Ceux qui préfèrent un agencement plus systématique des
enseignements de ce livre se reporteront à « L’Art de vivre selon Dieu ».
Dans l’ordre ou dans l’inattendu, Dieu nous parle d’une manière très
concrète par ces maximes pour qu’autour de nous, ceux qui ne le
connaissent pas puissent discerner quelques signes de cette nouvelle
terre où la justice habitera (Il Pierre 3 : 13).
Proverbes

Préface
1 Proverbes
2
de Salomon, fils de David, roi d’Israël.
Il les écrivit pour enseigner aux hommes la sagesse et la discipline
personnelle, pour qu’ils comprennent le langage de la raison, 3 pour qu’ils
acceptent les leçons de bon sens et qu’ils sachent quel est leur devoir : ce
qu’il est juste et correct de faire.
4 Ces proverbes donneront aux gens sans expérience la prudence nécessaire
pour être sur leurs gardes et permettront aux adolescents d’agir avec
connaissance et réflexion. 5 En les écoutant, le sage enrichira son savoir, et
l’homme avisé y trouvera de bonnes directives de conduite. 6 Ces proverbes
ont été écrits pour faire comprendre les maximes, paraboles ou allégories et
pour pénétrer les propos des sages et leurs sentences énigmatiques.

Éloge de la sagesse
Danger des mauvaises compagnies
7 Honorer le Seigneur est l’élément primordial de toute connaissance,
Mais les insensés dédaignent la sagesse et la discipline.
8 Mon fils, observe la discipline que t’impose ton père
Et ne méprise pas les instructions de ta mère,
9 Carelles seront comme une couronne gracieuse sur ta tête
Et un riche collier à ton cou.
10 Mon fils, si de mauvais garçons veulent t’entraîner hors du droit chemin, ne
leur cède pas.
11 S’ils
te disent : « Viens donc avec nous, nous allons dresser une embuscade
pour tuer, nous tendrons, pour le plaisir, un piège à l’innocent 12 et nous
l’engloutirons tout vif… comme le séjour des morts ! Il disparaîtra en pleine
prospérité comme ceux qui descendent soudain dans la tombe. 13 Nous
ferons main basse sur un tas d’objets précieux. Nous remplirons nos maisons
de butin. 14 Tu en auras ta part, comme l’un de nous, car nous ferons tous
bourse commune ! »
15 Mon fils, ne fraye pas avec ces gens-là ! Évite soigneusement les ruelles
qu’ils fréquentent ! 16 Car leurs pieds se précipitent vers le mal, ils ont hâte de
répandre du sang.
17 Maisil est vain de vouloir tendre un filet pendant que les oiseaux vous
observent. 18 En vérité, c’est pour répandre leur propre sang que les
méchants dressent des embûches, c’est à eux-mêmes qu’ils tendent des
pièges. 19 C’est à cela qu’aboutiront tous ceux qui cherchent à s’enrichir par
des voies déshonnêtes : un gain mal acquis fait périr corps et âme celui qui le
détient.

L’appel de la Sagesse
20 La Sagesse crie bien haut par les rues ;
Sa voix résonne sur les places publiques.
21 En plein carrefour, dominant le tumulte, elle appelle.

Près des portes de la ville (où siègent les juges),


Partout où les gens se rassemblent,
Elle fait entendre ses paroles, disant :
22 «Jusqu’à quand, étourdis, vous complairez-vous à vos niaiseries ? Et vous,
moqueurs, jusqu’à quand prendrez-vous plaisir à vous moquer ? Et vous,
insensés, détesterez-vous la connaissance ?
23 Écoutez mon avertissement, cédez à mes arguments !

Voici, je vais faire jaillir sur vous les sources de mon Esprit,
Et je vous ferai connaître mes paroles.
24 J’aiappelé et vous avez refusé d’entendre,
J’ai tendu la main et personne n’y a prêté attention.
25 Vous avez méprisé tous mes conseils

Et vous n’avez pas voulu tenir compte de mes avertissements.


26 C’est pourquoi, lorsque vous serez dans la détresse, je rirai ;
Quand la terreur vous saisira, je m’en moquerai.
27 Quand l’épouvante, comme un orage, viendra sur vous,

Que le malheur fondra sur vous comme un ouragan,


Et que la détresse et l’angoisse vous assailliront,
28 alors, on m’appellera, mais je ne répondrai pas.

On me cherchera de grand matin, mais on ne me trouvera pas.


29 Puisqu’ils ont détesté mon enseignement
Et qu’ils n’ont pas choisi de révérer le Seigneur,
30 qu’ils n’ont pas voulu de mes conseils

Et qu’ils ont dédaigné tous mes avertissements,


31 Eh bien, ils récolteront les fruits de leur conduite
Et ils les savoureront jusqu’à ce qu’ils en aient plus qu’assez
de leurs projets et de leurs résolutions !
32 Car l’égarement des étourdis les perdra
Et l’insouciance des insensés causera leur ruine.
33 Mais celui qui m’écoute habitera en sécurité ;

Il vivra tranquille, sans avoir à redouter le malheur ».

Pourquoi rechercher la sagesse ?


2 Mon fils, si tu accueilles mes paroles,
Si tu conserves mes préceptes au fond de toi-même,
2 Si tu prêtes une oreille attentive à la sagesse,

En ouvrant ton cœur à la raison,


3 Oui, si tu fais appel au discernement,
Si tu invoques l’intelligence,
4 Si tu la recherches comme de l’argent,

Si tu creuses pour la trouver comme pour découvrir des trésors,


5 Alors tu comprendras ce que veut dire : révérer le Seigneur,

Et tu apprendras à connaître Dieu.


6Car c’est l’Éternel qui donne la sagesse,
Et les paroles de sa bouche donnent
la connaissance et l’intelligence.
7 Il réserve le salut et les bons conseils aux hommes droits. Comme un

bouclier, il protège ceux qui mènent


une vie irréprochable.
8 Il préserve ceux qui marchent droit et font ce qui est juste.

Il veille sur la route de ceux qui l’aiment.


9 Alors,tu apprendras à discerner ce qui est juste, droit et honnête,
Et tu sauras, en tout temps, prendre la bonne décision,
celle qui mène au bonheur.
10 Alors, la sagesse pénétrera dans ton cœur
Et la connaissance fera les délices de ton âme.
11 Le discernement sera ta sauvegarde

Et l’intelligence veillera sur toi,


12 Pour te préserver du chemin du mal

Et des hommes qui tiennent des propos pervers,


13 qui abandonnent le droit chemin

Pour s’engager dans des sentiers obscurs.


14 Qui prennent plaisir à faire le mal,

Qui sont tout contents de réussir un mauvais coup,


15 dont le comportement est dépravé et le chemin tortueux.

16 Alors, tu seras aussi préservé de la femme dévergondée,


De l’inconnue aux paroles enjôleuses,
17 qui a quitté son mari, le compagnon de sa jeunesse,

Et qui a oublié l’alliance (conclue devant) son Dieu.


18 Aller
dans sa maison, c’est prendre le chemin
qui mène à la mort ;
Suivre ses sentiers, c’est se rendre au séjour des trépassés.
19 Aucun de ceux qui vont chez elle n’en reviendra,

Aucun ne retrouvera le chemin de la vie.


20 (Situ écoutes ces conseils,) tu marcheras
dans la voie des hommes de bien
Et tu suivras les sentiers de ceux qui sont justes.
21 Car les hommes droits habiteront le pays,
Et ceux qui sont intègres s’y maintiendront,
22 Mais les méchants en seront extirpés,

Et les traîtres en seront arrachés.

Confie-toi en l’Éternel
3 Mon fils, n’oublie pas mes instructions
Et que ton cœur retienne mes commandements,
2 Car ils ajouteront des années à la durée de ta vie
Et t’assureront la paix et le bonheur.
3 Que l’amour et la fidélité ne te fassent jamais défaut,

Qu’ils soient comme un collier autour de ton cou ;


Grave-les sur les tablettes de ton cœur,
4 Et tu obtiendras la faveur de Dieu et des hommes,

Tu auras la réputation d’être un homme sage.


5 Que ton cœur mette toute sa confiance dans le Seigneur,
Mais ne te repose pas sur ta propre sagesse.
6 Apprends à le connaître

Et regarde à lui dans tout ce que tu entreprends,


Et il couronnera tes efforts de succès.
7 Ne te prends pas pour plus sage que tu ne l’es,

Révère le Seigneur et détourne-toi du mal.


8 Ce sera une bonne médecine qui t’assurera la santé du corps

Et donnera une nouvelle vitalité à tout ton être.


9 Honore l’Éternel en lui donnant une part de tes biens
Et en lui offrant les prémices de tous tes revenus.
10 Alors, tes greniers regorgeront de nourriture

Et tes cuves déborderont de vin.


11 Mon fils, si le Seigneur te corrige, ne reste pas indifférent ;
12 car c’est celui qu’il aime que le Seigneur prend sous sa discipline, agissant

avec lui comme un père avec l’enfant


qu’il chérit.
13 Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse !
Heureux celui qui devient raisonnable !
14 Acquérir la sagesse vaut mieux que gagner beaucoup d’argent.

Les avantages qu’elle donne sont plus précieux que l’or le plus fin.
15 Elle a plus de prix que les perles,

Et aucun trésor que tu pourrais convoiter n’égale sa valeur.


16 La sagesse t’offre, dans sa main droite, une longue vie ;
Dans sa gauche, la richesse et la considération.
17 Suivre ses conseils rend la vie plaisante et belle ;

Tous ses chemins convergent vers le bonheur.


18 Lasagesse est un arbre dont les fruits
Donnent la vie à ceux qui se l’approprient,
Et ceux qui savent la garder sont heureux.
19 C’estgrâce à la sagesse que le Seigneur a créé la terre,
Grâce à l’intelligence qu’il a disposé les cieux.
20 Par sa science, il a fait couler l’eau des sources

Et ordonné aux nuages d’arroser la terre.

Une parure précieuse


21 Mon fils, garde la sagesse et la réflexion
sans jamais les perdre de vue,
22 Car elles sont un gage de vie pour ton âme ;

Elles seront une parure pour ton cou.


23 Alors tu iras ton chemin en toute sécurité
Et tu éviteras toute chute.
24 Quand tu te coucheras, tu n’éprouveras aucune crainte,

Et ton sommeil sera paisible,


25 Tu n’auras pas à redouter un désastre imprévu

Ni la ruine qui s’abat sur les méchants,


26 Car le Seigneur sera ton assurance,

Il gardera ton pied de tout piège.

Aime ton prochain comme toi-même


27 Situ en as le moyen, fais du bien à celui qui est dans le besoin ;
Ne refuse à personne ce qui lui est dû.
28 Ne dis pas à ton prochain : « Va-t’en et reviens plus tard ! Demain je te

donnerai », alors que tu peux le faire tout de suite.


29 Ne manigance rien de mal contre ton prochain,

Alors qu’il habite sans défiance près de toi ;


30 Ne cherche pas querelle sans raison

à celui qui ne t’a rien fait de mal.


31 N’envie pas les violents et n’adopte aucun de leurs procédés,

32 Car le Seigneur a en horreur les gens pervers,


Mais il réserve son intimité aux hommes droits.
33 La malédiction du Seigneur pèse sur la maison du méchant,

Mais sa bénédiction repose sur la demeure des justes.


34 Il se moque des moqueurs,

Mais il accorde sa faveur aux humbles.


35 La gloire et l’honneur seront la part des sages ;

Les insensés, par contre, se signaleront par leur honte.

Conseil d’un père


4 Écoutez, mes enfants, l’instruction d’un père,
Soyez attentifs pour acquérir du discernement.
2 Car ce sont de bons conseils que je vous transmets.

Ne négligez pas mes enseignements.


3 Car j’ai été, moi aussi, un (bon) fils pour mon père,

Et ma mère me chérissait comme un enfant unique.


4 Mon père m’a enseigné en ces termes :

Que ton cœur retienne mes paroles,


Observe mes préceptes, et tu vivras.
5 Acquiers la sagesse et l’intelligence !
N’oublie pas ce que je t’ai dit
Et ne t’écarte pas de mes recommandations !
6 N’abandonne pas la sagesse et elle te gardera :

Aime-la et elle te protégera.


7 Premier commandement
Pour celui qui veut devenir sage :
Acquiers la sagesse !
Tâche de te procurer l’intelligence
au prix de tout ce que tu possèdes !
8 Tiens-la en haute estime et elle t’élèvera.

Si tu t’attaches à elle, elle t’ennoblira.


9 Elle posera une belle couronne sur ta tête,

Elle t’ornera d’un diadème magnifique.


10 Mon fils, écoute-moi et prends mes paroles à cœur,
Ainsi tu prolongeras ta vie.
11 C’est la voie de la sagesse que je t’enseigne.

Je te guide vers le droit chemin.


12 Si tu y marches, tu ne te sentiras pas à l’étroit ;

Et si tu y cours, tu ne trébucheras pas.


13 Tiens-toi fermement aux règles de conduite
qui t’ont été enseignées.
Sois-leur fidèle, car ta vie en dépend.
14 Ne t’engage pas dans la voie des méchants,

Ne suis pas l’exemple de ceux qui vivent sans Dieu.


15 Éloigne-toi de leur sentier ! Ne t’y aventure pas !

Écarte-toi d’eux et va ton chemin.


16 Car ces gens-là ne dormiraient pas
s’ils n’avaient pas fait quelque chose de mal,
Ils perdraient le sommeil s’ils n’avaient causé
la chute de quelqu’un.
17 Car les actions malhonnêtes et les violences

leur sont aussi indispensables que le manger et le boire.


18 Le sentier des justes est comme la lumière du matin
Dont l’éclat ne cesse de croître jusqu’en plein jour.
19 La voie des méchants, par contre, est plongée dans l’obscurité :

Ils n’aperçoivent pas l’obstacle qui les fera tomber.


20 Mon fils, sois attentif à mes paroles,
Prête l’oreille à ce que je te dis !
21 Ne perds pas de vue mes conseils.

Garde-les soigneusement au fond de ton cœur,


22 Car ils sont un gage de vie pour qui les accueille,

Et ils assurent la santé au corps tout entier.


23 Par-dessustout : veille à ce que tu penses et ce que tu ressens,
Car tes pensées et tes affections modèlent toute ta vie 80.
24 Garde-toi de dire des mensonges :
Que jamais une médisance ne franchisse tes lèvres !
25 Que tu puisses toujours regarder les gens en face

Et que ton regard soit empreint de franchise !


26 Réfléchis d’avance à ce que tu vas faire 81,

Et tu avanceras en toute sécurité.


27 Ne t’écarte ni à droite ni à gauche, détourne ton pied du mal !

Attention : danger !
5 Mon fils, sois attentif à la sagesse que je t’inculque.
Prête l’oreille aux conseils inspirés par ce que j’ai discerné,
2 pour que tu agisses avec clairvoyance

Et que tu parles avec discernement.


3 Car les lèvres de la femme dévoyée distillent des paroles mielleuses

Et sa langue est plus onctueuse que l’huile,


4 Mais la fin qu’elle te prépare est plus amère que l’absinthe,

Plus cruelle qu’une épée à deux tranchants.


5 Ses pieds se précipitent vers la mort :
Ses pas aboutissent tout droit au séjour des morts.
6 Elle ne se soucie guère du chemin de la vie.

Elle suit, insouciante, des sentiers sinueux


qui se perdent on ne sait où.
7 Maintenant donc, mes fils, écoutez-moi ;
Ne vous laissez pas distraire de ce que je vous dis :
8 Éloigne-toi d’une telle femme.
Et ne t’approche pas de l’entrée de sa maison !
9 De peur que ta dignité ne devienne la proie d’autrui

Et que les années de ta vie ne tombent


sous le coup d’un homme sans merci,
10 Que des étrangers ne se rassasient de tes biens

Et que le fruit de tes peines ne passe aux mains d’un inconnu,


11 De peur que, près de ta fin, tu ne te lamentes
en voyant ton corps et ta vigueur épuisés
12 Et que tu ne dises : « Comment donc ai-je pu haïr la discipline ?

Pourquoi mon cœur a-t-il dédaigné les avertissements ?


13 Pourquoi n’ai-je pas écouté la voix de ceux qui me guidaient ?

Ni incliné mon oreille vers ceux qui m’instruisaient ?


14 Peu s’en est fallu que je ne sois réduit à la dernière extrémité

aux yeux de tout le peuple rassemblé ! »


15 Bois les eaux de ta propre citerne
Et celles qui jaillissent de ta fontaine 82 :
16 Tes sources doivent-elles se disperser au-dehors

Et tes ruisseaux arroser les places publiques ?


17 Qu’ils soient pour toi seul !

Ne les partage pas avec des étrangers !


18 Que ta source soit bénie !
Fais ta joie de la femme que tu connais depuis ta jeunesse,
19 Biche charmante, gracieuse gazelle :

Que ses charmes t’enivrent toujours


Et que tu sois sans cesse épris de son amour.
20 Pourquoi, mon fils, t’amouracherais-tu d’une inconnue ?

Pourquoi donnerais-tu tes caresses à une femme dévergondée ?


21 Le Seigneur surveille toute la conduite d’un homme,
Il l’observe partout où il va.
22 Celuiqui fait le mal sera pris à ses propres méfaits,
Il s’embarrasse dans le filet tissé par son propre péché.
23 Il périra parce qu’il n’a pas su se discipliner,
Il s’égarera enivré par l’excès de sa folie.

Faut-il se porter garant pour autrui ?


6 Mon fils, si tu t’es porté garant pour ton prochain,
Si tu as promis d’être responsable pour les dettes d’un autre,
2 Si tu t’es laissé prendre au piège de tes promesses,

Si tu es prisonnier de tes propres paroles,


3 Alors, vite, mon fils, fais ce que je te dis

pour reprendre ta liberté,


Car tu t’es livré toi-même au pouvoir d’autrui ;
Va, cours chez ton ami, presse-le avec instance,
4 N’accorde ni sommeil à tes yeux,

Ni repos à tes paupières !


5 Dégage-toi de cette trappe comme la gazelle du piège tendu,

Comme l’oiseau du filet de l’oiseleur !

Paresse et insouciance
6 Toi qui es paresseux, va donc observer la fourmi,
Étudie son comportement et tu apprendras la sagesse.
7 Elle n’a ni surveillant, ni contrôleur, ni supérieur.
8 Durant l’été, elle prépare sa nourriture ;

Au temps de la moisson, elle amasse ses provisions.


9 Et
toi, paresseux, combien de temps vas-tu rester couché ?
Quand sortiras-tu de ton sommeil ?
10 «Je vais juste faire un petit somme, dis-tu,
Rien qu’un peu croiser les bras et me reposer un instant ! »
11 Mais pendant ce temps, la pauvreté

s’introduit chez toi comme un rôdeur


Et la misère t’attaque comme un homme armé.

Un triste sire
12 C’est
un triste sire, un personnage ignoble,
Celui qui va, de-ci de-là, colportant des mensonges !
13 Il appuie ses dires de clignements d’yeux,
De tapements des pieds, de signes des doigts :
14 Il n’y a que des pensées perverses dans son cœur,

Il passe son temps à manigancer du mal et à susciter des querelles.


15 Aussi le malheur fondra-t-il sur lui sans crier gare,

Il sera brisé d’un coup et sans remède.

Ce que le Seigneur déteste


16 Ily a six choses que le Seigneur déteste,
Et même sept qui lui sont odieuses :
17 Les yeux qui regardent les autres de haut,

La langue qui répand des mensonges,


Les mains qui font couler le sang des innocents,
18 Le cœur qui médite des projets coupables,

Les pieds qui se hâtent de courir vers le mal,


19 Le faux témoin qui dit des mensonges

Et l’homme qui sème la discorde entre des frères.

Tiens-toi en garde contre la femme séductrice !


20 Mon fils, tiens fidèlement compte des préceptes de ton père,
Et ne rejette pas l’enseignement de ta mère.
21 Porte-les constamment serrés dans ton cœur !

Attache-les comme un collier à ton cou !


22 Ils te guideront et te protégeront quand tu voyageras,

Ils veilleront sur toi durant ton sommeil


Et s’entretiendront avec toi à ton réveil.
23 Carle précepte est une lampe et l’enseignement une lumière.
Les avertissements et la discipline sont le chemin vers la vie.
24 Ils
te préserveront de la femme corrompue
Et te mettront en garde contre les paroles enjôleuses de l’étrangère.
25 Ne la convoite pas dans ton cœur à cause de sa beauté,
Ne te laisse pas séduire par ses œillades.
26 Car, à cause d’une femme débauchée,
On peut être réduit à un morceau de pain,
Et la femme adultère peut te coûter ton âme précieuse.
27 Peut-on cacher du feu dans sa poche
Sans que les vêtements s’enflamment ?
28 Peut-on marcher sur des braises sans se brûler les pieds ?
29 De même, celui qui court après la femme d’autrui

ne demeurera pas indemne ;


S’il la touche, il ne saurait rester impuni.
30 Ne méprise-t-on pas celui qui a volé, même s’il l’a fait pour assouvir sa faim
parce qu’il n’avait rien à manger ?
31 S’il est pris, il devra restituer sept fois plus,

Même s’il devait vendre tout ce qu’il a dans sa maison.


32 Mais celui qui commet un adultère est totalement dépourvu de sens ; agir
ainsi, c’est se détruire soi-même, c’est ruiner son âme.
33 Celui qui fait cela ne récoltera que souffrances et déshonneur ;

Sa honte ne s’effacera jamais.


34 Car la jalousie attise la fureur du mari,
Il sera sans pitié au jour de la vengeance.
35 Il ne se laissera apaiser par aucune indemnité.

Il restera inflexible, même si tu multipliais les présents.

Fuis l’adultère
7 Mon fils, retiens mes paroles,
Pénètre-toi de mes recommandations !
2 Obéis à mes directives et tu vivras !
Garde mes enseignements comme la prunelle de ton œil !
3 Porte-les comme un anneau à ton doigt,

Grave-les sur les tables de ton cœur !


4 Traite la sagesse comme ta sœur,

Accueille l’intelligence comme une amie intime,


5 Pour qu’elles te préservent de la femme d’autrui

Et de l’inconnue aux paroles enjôleuses.


6 Un jour, je regardais à travers les barreaux de ma fenêtre,
7 J’observais les jeunes étourdis et je remarquais en particulier, parmi eux, un

jeune homme dépourvu de sens.


8 Il passait dans la rue près du coin où se tenait l’une de ces femmes,
9 C’était au crépuscule, le jour baissait,

Et l’obscurité commençait à se répandre.


10 Or, voici que cette femme s’approche de lui,
Habillée comme une courtisane et le cœur plein de ruse.
11 Elle était excitée et sans retenue,

Et ses pieds ne tenaient pas en place chez elle.


12 Tantôt dans la rue, tantôt sur les places,

Elle faisait le guet à tous les carrefours.


13 Elle se jeta sur le jeune homme, l’embrassa

Et, le regardant droit dans les yeux, elle lui dit :


14 « J’avais à faire un sacrifice de reconnaissance,

Je viens, aujourd’hui même, de m’acquitter de mes vœux. 83


15 Voilà pourquoi je suis sortie à ta rencontre ;

Je voulais te voir, et je t’ai trouvé.


16 J’ai garni mon divan de coussins
Et d’étoffe brodée au fil d’Égypte.
17 J’ai parfumé mon lit de myrrhe, d’aloès et de cinnamome.
18 Viens, grisons-nous d’amour jusqu’au matin !

Livrons-nous aux délices de la volupté !


19 Car mon mari n’est pas à la maison :
Il est parti pour un très long voyage.
20 Il a emporté une bourse pleine d’argent,

Il ne sera pas rentré chez lui avant la nouvelle lune ».


21 Àforce de paroles, elle l’ébranla et le fit fléchir ;
Par ses doux propos, elle l’entraîna.
22 Dans son trouble, il se mit soudain à la suivre

Comme un bœuf qui va à l’abattoir,


Comme un fou qu’on lie pour le châtier,
23 Jusqu’àce qu’une flèche lui transperce le foie,
Comme un oiseau qui se précipite vers le filet
Sans se douter qu’il y va de sa vie.
24 Et
maintenant, mes fils, écoutez-moi !
Soyez attentifs aux paroles de ma bouche !
25 Que votre cœur ne se laisse pas séduire par une telle femme !
Ne vous engagez pas dans ses sentiers !
26 Car nombreuses sont ses victimes blessées à mort,

Et ceux qu’elle a fait périr comptent parmi les plus robustes.


27 Sa maison est le chemin du séjour des morts

Qui mène directement aux demeures de la mort.

Poème de la Sagesse
8 Écoutez : la Sagesse appelle, la raison élève la voix. 2 Elle est postée le long
des routes, sur les lieux les plus élevés, là où se croisent les chemins, 3 tout
près des portes de la ville, là où l’on passe pour entrer, elle fait retentir sa
voix :
4« C’est à vous, mortels, que je parle, c’est à vous que ma voix s’adresse, à
vous, les jeunes étourdis : 5 apprenez donc à réfléchir !
Et à vous, insensés : devenez des gens raisonnables !
6 Écoutez-moi, car j’ai à dire des vérités très importantes, et ce sont des
paroles vraies qui seules franchiront mes lèvres.
7 Ma bouche dira seulement la pure vérité, le mal fait horreur à mes lèvres, 8

et ma bouche proclamera uniquement ce qui est juste. Il n’y aura rien


d’équivoque ni de retors dans mes paroles ; 9 elles sont toutes claires pour
qui sait les comprendre, toutes sont judicieuses pour qui a de la science.
10 Recherchez mon éducation plutôt que de l’argent, et choisissez la
connaissance plutôt que l’or, l’or le plus pur. 11 Car la sagesse est préférable
aux perles les plus précieuses, et les biens les plus désirables ne sauraient
jamais l’égaler.
12 Moi, je suis la Sagesse, j’habite près de ma voisine : la réflexion,
et j’ai une bonne compagne : la perspicacité. 13 Révérer le Seigneur, c’est
détester le mal. Je déteste l’orgueil, la suffisance, le chemin tortueux et la
bouche menteuse.
14 C’est à moi qu’appartiennent les bons conseils et le succès. Je m’appelle
aussi : la prudence, mon attribut est la puissance. 15 C’est par moi que règnent
les rois, et que les magistrats ordonnent des lois justes. 16 Par moi gouvernent
tous les chefs, tous les hommes d’État et tous les souverains sur terre. 17 Moi,
j’aime ceux qui m’aiment, et ceux qui me recherchent ne manquent pas de
me trouver. 18 Je détiens dans mes mains la richesse et l’honneur, la justice et
les biens durables. 19 Mon fruit est plus précieux que l’or, oui, même que l’or le
plus fin. Ce que je rapporte vaut mieux que l’argent le plus épuré.
20 Jemarche avec persévérance sur le chemin de la justice, et je suis le
sentier de l’équité, 21 pour procurer à ceux qui m’aiment les biens réels et faire
déborder leurs coffres des (vrais) trésors.
22 Le
Seigneur m’a acquise comme étant les prémices de son activité dès la
prime origine et avant d’entreprendre aucune de ses œuvres.
23 J’ai été établie dès les temps éternels, bien avant que la terre ne fût créée. 24
J’ai été enfantée avant que l’océan n’existe et avant que les sources n’aient
fait jaillir sur terre leurs eaux surabondantes. 25 Avant que les montagnes
n’aient été établies, j’ai été enfantée. Avant que les collines n’existent ici-bas,
moi, j’étais déjà là.
26 Dieun’avait pas encore créé la terre et les campagnes ni le premier grain
de poussière de l’univers. 27 Moi, j’étais déjà là quand il fixa les cieux et qu’il
traça un cercle autour de la surface du grand abîme. 28 Et quand il condensa
les nuages d’en-haut, et quand il fit jaillir les sources de l’abîme, 29 et quand il
assigna à la mer des limites pour que ses eaux, jamais, n’en franchissent les
bords, et quand il affermit les fondements du monde. 30 J’étais à ses côtés
comme son maître d’œuvre. Objet de ses délices, j’étais toute allégresse, jour
après jour, sans cesse, 31 jouissant de la terre quand il l’eut achevée, et jouant
sur son globe, je trouvais mes délices dans les enfants des hommes.
32 Maintenant donc, mes fils, écoutez-moi ! Heureux tous ceux qui suivent
fidèlement mes voies ! 33 Écoutez mes avis, et vous deviendrez sages. Ne les
négligez pas !
34 Car bienheureux est l’homme qui cherche à m’obéir, qui vient, jour après
jour, jusqu’au seuil de ma porte et qui monte la garde auprès de ma maison.
35 Carcelui qui me trouve a trouvé la vraie vie, il attire sur lui la faveur du
Seigneur. 36 Mais celui qui m’offense se fait tort à lui-même : tous ceux qui me
haïssent, au fond, aiment la mort ».

Le festin de la Sagesse…
9 La sagesse s’est bâti une maison, elle en a sculpté les sept colonnes. 2 Elle a
abattu des bêtes pour son festin et elle a préparé son vin. Déjà, elle a
dressé sa table.
3 Elle a envoyé ses servantes pour lancer ses invitations,

Elle appelle du sommet des lieux les plus élevés de la ville :


4 « Venez par ici, entrez, vous qui n’avez pas d’expérience. »

À ceux qui manquent de bon sens, elle fait dire :


5 « Venez ! mangez de mon pain et buvez du vin que j’ai préparé pour vous : 6

Gens sans expérience, abandonnez vos enfantillages, et vous vivrez. Marchez


droit dans le chemin du discernement. »
7 Corriger un moqueur, c’est s’en faire un ennemi ;
Reprendre un méchant, c’est s’attirer un affront.
8 Ne reprends pas le moqueur, car il te haïra,

Mais si tu reprends un sage, il t’en aimera davantage.


9 Oui, donne des conseils au sage, et il sera plus sage encore.

Instruis le juste, et il enrichira son savoir.


10 Honorer le Seigneur est l’élément primordial de toute connaissance, et
connaître le Dieu saint est (la source de) la raison saine 84.
11 Oui, grâce à moi (la Sagesse), tes jours seront multipliés
Et des années seront ajoutées à ta vie.
12 Si tu deviens sage, c’est toi qui en profiteras,

Mais si tu es moqueur, tu en porteras seul la peine.

...et celui de la Folie


13 La folie est comme une femme insensée, turbulente, écervelée et
inconsciente 85. 14 Elle s’assoit à l’entrée de sa maison, sur les hauteurs de la
ville, 15 pour interpeller les passants qui vont droit leur chemin :
16 « Que celui qui n’a pas d’expérience vienne par ici ! »
À celui qui manque de bon sens, elle dit :
17 « Les eaux dérobées sont douces,

Et le pain volé est savoureux ».


ne se doute pas que ceux qui entrent chez elle y rencontreront la mort 86,
18 Il

et que ceux qu’elle avait invités sont déjà au fond du séjour des morts.

Première collection des proverbes de Salomon


10 Un fils plein de sagesse fait le bonheur de son père,
Mais un fils insensé cause beaucoup de soucis à sa mère.
2 Desbiens mal acquis ne donnent pas de vrai bonheur,
Mais vivre selon la justice sauve de la mort.
3 LeSeigneur ne permet pas que le juste souffre de la faim,
Mais il frustre la convoitise insatiable des méchants.
4 Lamain nonchalante appauvrit,
Mais le bras actif enrichit.
5 Celui
qui amasse des provisions en été est un homme intelligent,
Mais celui qui dort pendant la moisson est un fils qui fait honte.
6 Des bénédictions reposent sur la tête du juste,
Mais les paroles des méchants sont pleines de violence.
7 Lesouvenir du juste continue à être en bénédiction aux autres,
Mais le nom des méchants tombe en pourriture.
8 Unesprit sage prend à cœur les commandements,
Mais le bavard insensé est l’artisan de sa propre perte.
9 Celuiqui avance avec intégrité marche en sécurité.
Celui qui suit des voies tortueuses sera vite démasqué.
10 Celuiqui cache la vérité 87 cause du tourment,
Mais celui qui critique en toute franchise travaille pour la paix 88.
11 Les paroles du juste sont une source de vie,

Mais celles du méchant sont pleines de violence.


12 La haine allume des querelles,

Mais l’amour couvre toutes les fautes.


13 La sagesse est en place sur les lèvres de l’homme sensé,

Et les coups de bâton sur le dos de l’insensé.


14 Lessages ont la pudeur de leur savoir,
Mais lorsqu’un insensé parle, le malheur n’est pas loin.
15 Lafortune du riche lui tient lieu de place forte ;
Alors que la pauvreté des petites gens les décourage.
16 La
récompense du juste, c’est d’être une source de vie ;
Tout ce que le méchant gagne, c’est d’être une source de péché.
17 Celui
qui tient compte des observations qu’on lui fait est sur la voie de la
vie, mais celui qui ne veut pas admettre ses torts est en danger de se
fourvoyer.
18 Quicache sa haine a des lèvres menteuses,
Et celui qui répand des calomnies est insensé.
19 Celuiqui parle beaucoup ne saurait éviter de pécher,
Mais l’homme prudent met un frein à ses lèvres.
20 Lalangue du juste est un argent de bon aloi ;
Le cœur des méchants ne vaut pas cher.
21 Lesparoles du juste restaurent beaucoup de gens,
Mais les insensés périssent faute de bon sens.
22 C’estla bénédiction de l’Éternel qui enrichit,
Et toute la peine qu’on se donne n’y ajoute rien 89.
23 Commettredes actions infâmes est un sport pour l’insensé,
Mais l’homme intelligent trouve sa joie dans la sagesse.
24 Ceque le méchant redoute, c’est précisément ce qui lui arrive,
Mais Dieu accorde au juste ce qu’il désire.
25 Quand la tempête a passé, le méchant n’est plus,
Alors que le juste est établi sur un fondement éternel.
26 Comme du vinaigre sur les dents ou de la fumée dans les yeux,
Tel est le paresseux pour celui qui l’envoie.
27 Révérer le Seigneur prolonge la vie,
Mais les années du méchant seront abrégées.
28 L’espérance du juste débouche sur la joie,
Mais l’attente des méchants sera déçue.
29 Lamanière d’agir du Seigneur est une forteresse pour l’homme intègre,
mais un sujet d’effroi pour ceux qui font le mal.
30 Lejuste ne sera jamais ébranlé,
Mais les méchants ne demeureront pas sur la terre.
31 Labouche du juste est féconde en sagesse,
Mais la langue perverse sera retranchée.
32 Leslèvres du juste distillent la bienveillance,
Mais la bouche des méchants est experte en perversité.

11 Le Seigneur a horreur des balances fausses,


Mais il aime qu’on fasse bon poids.
2 Le mépris et la honte suivent de près l’arrogance,

Mais la sagesse se tient auprès des humbles.


3 L’honnêteté guide les hommes droits,

Mais les tricheries des gens retors les mènent à la ruine.


4 La richesse ne sera d’aucun secours au jour de la colère (divine),

Mais la justice sauve de la mort.


5 La justice de l’homme intègre aplanit son sentier,

Mais le méchant tombe par sa propre méchanceté.


6 La justice de l’homme droit est sa sauvegarde,

Mais les gens retors sont pris au piège (de leur convoitise).
7 Quand le méchant meurt, tous ses espoirs périssent,
Et sa confiance dans les richesses s’effondre.
8 Le juste sera libéré de l’angoisse,
Et le méchant y prendra sa place.
9 Par ses paroles, l’impie cause la ruine de son prochain,
Mais, par leur sagesse, les justes en sont préservés.
10 Lebonheur des justes fait la joie de toute la cité,
Mais quand les méchants périssent, on se réjouit.
11 Unecité prospère quand des justes appellent la bénédiction sur elle, mais
les paroles des méchants préparent sa ruine.
12 Celuiqui traite son prochain avec mépris est un insensé,
Mais le sage accepte de se taire.
13 Le
bavard divulgue les secrets ;
Un homme de confiance tient la chose cachée.
14 Quand une nation n’est pas bien gouvernée, elle décline ;
Le salut se trouve dans le grand nombre des conseillers.
15 Celuiqui se porte garant des dettes d’un inconnu s’en trouve mal : il le
regrettera, mais celui qui veille à ne pas s’engager s’assure la tranquillité.
16 Une femme aimable obtient la gloire,
Mais la femme sans vertu est assise dans la honte.
Les paresseux n’ont jamais d’argent,
Les hommes énergiques gagnent les richesses.
17 Faire
du bien aux autres, c’est s’en faire à soi-même,
Mais se montrer cruel, c’est se rendre malheureux.
18 Leméchant fait une œuvre qui le trompe,
Mais celui qui sème la justice a son salaire assuré.
19 Lajustice mène à la vie,
Mais celui qui poursuit le mal court à la mort.
20 LeSeigneur a horreur de ceux qui ont le cœur pervers,
Mais il aime ceux qui se conduisent honnêtement.
21 Vous pouvez en être sûrs :
En fin de compte, le méchant n’échappera pas au châtiment,
Alors que le juste et ses descendants seront sauvés.
22 Unefemme belle et dépourvue de bon sens
Est comme un anneau d’or dans le groin d’un porc.
23 Toutes les aspirations des justes tendent vers le bien,
Mais tout ce que les méchants peuvent espérer, c’est la colère.
24 Tel donne libéralement et ses richesses s’accroissent ;
Tel autre épargne à l’excès et ne fait que s’appauvrir.
25 Celui qui est généreux jouira de l’abondance ;

Donne à boire aux autres et tu seras toi-même désaltéré.


26 Le peuple maudit l’accapareur qui retient son blé 90,

Mais il bénit celui qui le cède sans tarder.


27 Qui recherche assidûment le bien s’attire la faveur (de Dieu),

Mais qui poursuit le mal tombera dans les griffes du mal.


28 Ceux qui se confient dans leurs richesses tomberont,

Mais les justes seront verdoyants comme la frondaison nouvelle.


29 Celui qui sème le trouble dans sa famille héritera le vent,

Et l’insensé deviendra l’esclave du sage.


30 Du fruit que porte le juste germe un arbre de vie,

Et celui qui est sage gagne des âmes.


31 Déjà ici-bas, le juste reçoit sa rétribution,

À plus forte raison le méchant et le pécheur.

12 Celui qui aime la connaissance désire être corrigé,


Mais celui qui déteste les réprimandes n’est qu’un sot.
2 L’homme de bien s’attire la faveur de l’Éternel,
Mais Dieu condamne celui qui forge des desseins coupables.
3 Laméchanceté ne donne de sécurité à personne,
Mais en faisant ce qui est juste,
on s’enracine sans jamais être ébranlé.
4 Une femme vaillante est comme une couronne pour son mari,
Mais celle qui lui fait honte le ronge comme un cancer dans ses os.
5 Les pensées des justes sont toutes orientées vers ce qui est droit,
Alors que les méchants ne songent qu’à tromper.
6 Les paroles des méchants sont des embûches meurtrières,

Mais celles des hommes droits sauvent ceux qui sont menacés.
7 Qu’on renverse les méchants, ils ne sont plus,
Mais la maison des justes subsistera.
8 Unhomme est estimé à la mesure de son intelligence,
Mais celui dont le cœur est tortueux sera méprisé.
9 Mieuxvaut être de condition modeste et suffire à ses besoins 91.
Que de faire l’homme important et n’avoir rien à manger.
10 Lejuste veille au bien-être de ses bêtes,
Mais le cœur des méchants est cruel envers elles.
11 Celui
qui travaille sa terre aura du pain en abondance,
Mais celui qui court après des chimères est dépourvu de sens.
12 Le méchant convoite ce que d’autres accaparent,

Mais la racine des justes donne (du fruit).


13 Le méchant est pris au piège de ses propres mensonges,

Mais le juste échappe à ces difficultés.


14 Chacun goûtera à satiété les fruits de ses paroles
Et recevra le salaire de l’œuvre de ses mains.
15 L’insensé pense toujours qu’il fait bien,
Mais le sage écoute les avis des autres.
16 Quand l’insensé est irrité, il manifeste

immédiatement son dépit,


Mais l’homme avisé sait ravaler l’affront.
17 L’homme loyal révèle ce qui est juste,
Mais le témoin mensonger dénature les faits.
18 Il y a des gens qui bavardent sans réfléchir,
Leurs paroles blessent comme des coups d’épée,
Tandis que le langage des sages est comme un baume qui guérit.
19 La parole vraie subsiste à jamais,

Mais le mensonge a la vie brève.


20 L’amertume imprègne le cœur de ceux qui méditent le mal,
Mais la joie est pour ceux qui donnent des conseils de paix.
21 Aucune calamité ne surprend le juste,
Mais les méchants sont accablés de maux.
22 Les lèvres menteuses sont en horreur à l’Éternel,

Mais ceux qui agissent loyalement lui font plaisir.


23 L’homme avisé cache son savoir,
Mais l’insensé proclame bien haut sa sottise.
24 Ceux qui travaillent dur s’assurent la direction des affaires,
Mais les nonchalants resteront tributaires des autres 92.
25 Lesouci au fond du cœur vous déprime,
Mais une parole d’encouragement vous rend la joie.
26 Lejuste sert de guide à ses compagnons,
Mais la conduite des méchants les égare.
27 Leparesseux ne fait pas rôtir son gibier ;
Le bien le plus précieux de l’homme, c’est l’activité.
28 Êtrejuste, c’est être sur le chemin de la vie ;
Sur cette voie-là, pas de mort.

13 Un fils sage tient compte des avertissements de son père,


Mais le moqueur n’accepte jamais les reproches.
2 L’homme (de bien) jouira du fruit de ses paroles,
Mais les perfides n’ont d’appétit que pour la violence.
3 Quiveille sur sa bouche préserve sa vie,
Mais celui qui ouvre trop souvent les lèvres court à sa ruine.
4 Leparesseux éprouve des désirs mais n’arrive à rien,
Alors que les souhaits des gens actifs seront comblés.
5 Lejuste déteste toute parole fausse,
Mais le méchant répand la honte et la confusion.
6 Agirhonnêtement est une protection sur le chemin de l’homme intègre,
mais la méchanceté cause la chute du pécheur.
7 Teljoue au riche et n’a rien du tout,
Tel autre fait le pauvre et possède de grands biens.
8 Lafortune du riche sert de rançon pour sa vie,
Mais le pauvre n’est même pas menacé (d’être rançonné).
9 La vie des justes est comme une flamme qui danse, joyeuse, et répand sa
clarté ; celle des méchants ressemble à une lampe fumeuse sur le point de
s’éteindre 93.
10 Toutes
les querelles proviennent de l’orgueil,
Mais ceux qui sont sages acceptent les conseils.
11 Une
richesse trop vite acquise se dissipe ;
Amassée peu à peu, elle se multiplie.
12 Un
espoir constamment différé rend le cœur malade.
Un désir exaucé est comme un arbre de vie.
13 Celui
qui méprise la parole se met en dette,
Mais celui qui respecte le commandement en sera récompensé.
14 L’enseignement du sage est une fontaine de vie,
Il détourne vos pas des pièges de la mort.
15 Une raison saine conquiert la faveur générale,
Mais la voie des trompeurs est un chemin rude et rocailleux
qui les mène à la ruine 94.
16 Tout homme avisé réfléchit avant d’agir,
Mais l’insensé donne libre cours à sa sottise.
17 Unmessager infidèle tombera dans le malheur,
Mais un envoyé loyal apporte la guérison.
18 Celuiqui ne se laisse pas instruire tombe dans la misère
et la honte,
Mais celui qui accepte les critiques sera honoré.
19 C’est
une joie pour l’âme de voir ses désirs réalisés,
Mais les insensés ont horreur de se détourner du mal.
20 Fréquente les sages et tu deviendras sage,
Mais si tu fraies avec les insensés, tu te perdras.
21 Lemalheur suit les pécheurs à la trace,
Mais le bonheur comblera les justes.
22 Ce que l’homme de bien laisse derrière lui

passe aux enfants de ses enfants,


Mais la fortune du pécheur est mise en réserve pour le juste.
23 Les
terres en friche des pauvres pourraient produire des vivres en
abondance, mais plus d’un périt par l’injustice.
24 Qui refuse de punir son fils ne l’aime pas ;
Celui qui l’aime le corrigera de bonne heure.
25 Lejuste mange et son âme est rassasiée,
Mais les appétits des méchants ne sont jamais assouvis.

14 Grâce à la sagesse d’une femme, une maison s’élève,


Mais celle qui est folle la renverse de ses propres mains.
2 Celui qui se conduit avec droiture

Montre qu’il révère le Seigneur,


Mais celui qui suit des voies tortueuses
témoigne de son mépris pour lui.
3 C’estpar ses propres paroles que le sot est puni de son orgueil,
Mais les paroles des sages sont leur sauvegarde.
4 Si(tu n’achètes) pas de bœufs (pour labourer tes terres),
tes greniers resteront vides,
Alors que leur vigueur t’assurerait des revenus abondants.
5 Un témoin fidèle ne ment pas ;
Qui profère des mensonges est un faux témoin.
6 Le moqueur a beau chercher la sagesse : elle lui échappe,
Alors que la connaissance est d’accès facile pour l’homme sensé.
7 Éloigne-toi de l’insensé, car il n’a rien d’intelligent à te dire.
8 La sagesse de l’homme réfléchi aplanit sa voie,

Mais la folie des insensés les égare.


9 Réparer un tort ? Les insensés s’en moquent pas mal !

Mais les hommes droits cherchent à être bien vus.


10 Si
vous avez du chagrin,
Votre cœur seul en connaît l’amertume.
Si vous avez de la joie,
Personne ne peut réellement la partager avec vous.
11 La maison des méchants sera détruite,
Mais l’œuvre des hommes droits sera florissante.
12 Bien des hommes pensent être sur le bon chemin,

Et pourtant ils se trouvent sur une voie


qui, finalement, mène à la mort.
13 Lerire peut masquer la tristesse du cœur,
Mais la gaieté peut tourner en chagrin.
14 L’homme au cœur instable sera gavé des fruits de sa conduite,
Mais l’homme de bien trouvera sa satisfaction dans ce qui est
en lui.
15 Le naïf croit tout ce qu’on lui dit,
Mais l’homme réfléchi avance avec circonspection.
16 Le sage craint le mal et s’en écarte,

Mais le sot se croit en sûreté et il y tombe tête baissée.


17 Celuiqui se met facilement en colère commet des sottises,
L’homme réfléchi supporte beaucoup 95.
18 Une conduite insensée, voilà ce qu’héritent les niais,

Mais la sagesse couronnera les gens réfléchis.


19 Les méchants auront à baisser la tête devant les bons,
Et les pervers quêteront à la porte des justes.
20 Personne n’aime le pauvre, même pas son voisin,
Mais le riche a beaucoup d’amis.
21 Quiméprise son prochain commet un péché,
Mais heureux celui qui prend pitié des affligés.
22 Ceuxqui méditent le mal font fausse route,
Mais ceux qui veulent le bien (des autres)
trouvent l’amour et la confiance.
23 Àtout travail sérieux il y a du profit,
Mais le vain bavardage ne mène qu’au dénuement.
24 Larichesse couronnera les sages,
Mais la folie des insensés restera de la folie.
25 Untémoin véridique sauve des vies,
Mais qui profère des mensonges est un traître.
26 Celui qui révère le Seigneur possède un appui solide,
Et ses enfants trouveront un sûr refuge.
27 Révérer le Seigneur, c’est avoir accès à la source de la vie

Qui fait échapper aux pièges de la mort.


28 Lagrandeur d’un roi dépend du nombre de ses sujets,
Mais la dépopulation ruine le prince.
29 Celui qui garde son sang-froid
fait preuve d’une grande intelligence,
Mais qui s’emporte rapidement étale sa sottise.
30 Si
vous voulez vivre longtemps, gardez votre cœur
dans la paix ; la jalousie ronge les os comme un cancer.
31 Opprimer le pauvre, c’est outrager son Créateur,
Mais être bon envers les malheureux, c’est honorer Dieu.
32 Leméchant est terrassé par sa propre perversité,
Mais le juste reste plein de confiance jusque dans la mort.
33 La sagesse repose dans le cœur de l’homme intelligent :
Elle sera reconnue même parmi les sots 96.
34 Une nation qui agit selon la justice
est sur le chemin qui monte 97,
Mais le péché est une honte pour tout peuple.
35 Leroi accorde sa faveur à ceux qui le servent avec intelligence,
Mais sa colère atteint le bon à rien qui lui fait honte.

15 Une réplique aimable apaise la colère,


Mais une parole blessante excite l’irritation.
2 Celuiqui enseigne avec sagesse rend le savoir attrayant,
Mais la bouche des sots ne répand que des sottises.
3 Le Seigneur voit ce qui se passe en tout lieu ;
Il observe tous les hommes, méchants et bons.
4 Des paroles de paix donnent la vie 98,
Mais la langue malfaisante blesse les cœurs.
5 Seulun insensé méprise ce que son père lui a enseigné ;
Celui qui tient compte des avertissements agit avec prudence.
6 L’abondance règne dans la maison du juste,
Mais les profits du méchant sont source d’inquiétude.
7 Leslèvres des sages répandent le savoir,
Mais les motivations des insensés sont inconstantes 99.
8 Le Seigneur déteste les sacrifices offerts par les méchants,
Mais les prières des hommes droits lui sont agréables.
9 Le Seigneur a la conduite du méchant en horreur,

Mais il aime celui qui s’attache passionnément à ce qui est juste.


10 Une dure leçon attend celui qui s’écarte du droit chemin.
Celui qui déteste être repris périra.
11 LeSeigneur voit tout ce qui se passe dans le séjour des morts et dans
l’abîme de perdition,
Combien plus les cœurs des hommes sont-ils à découvert
devant lui.
12 Lemoqueur n’aime pas qu’on le reprenne,
C’est pourquoi il ne demande pas l’avis des sages.
13 Uncœur joyeux rend le visage aimable,
Mais quand le cœur est triste, l’esprit est abattu.
14 L’homme intelligent porte toujours
dans son cœur le désir d’apprendre,
Alors que les sots se repaissent de sottises.
15 Pour le pessimiste, tous les jours sont mauvais,
Mais celui qui a le contentement dans son cœur
est toujours en fête.
16 Mieux vaut avoir peu et respecter Dieu
Que de posséder une grande fortune avec du tourment.
17 Mieux vaut un plat de légumes avec l’amour

Que la viande la plus savoureuse assaisonnée de haine.


18 L’homme irascible suscite des querelles,
Mais celui qui garde son sang-froid apaise les disputes.
19 Lechemin du paresseux est parsemé de ronces 100,
Mais le sentier des hommes droits
est comme une route bien aplanie.
20 Un fils sage fait la joie de son père ;
Seul un homme insensé a du mépris pour sa mère.
21 Siun homme est ravi d’aise par des sottises,
il est dépourvu de sens :
Un homme intelligent dirige bien sa marche.
22 Si
des projets n’ont pas été discutés en commun, ils échouent,
Mais lorsqu’il y a beaucoup de conseillers, ils se réalisent.
23 Savoir
donner la bonne réponse est une source de joie,
Et combien est utile une parole dite à propos.
24 L’homme avisé suit le sentier qui mène en haut vers la vie
Et qui le fait échapper aux bas-fonds du séjour des morts.
25 LeSeigneur renverse la maison des orgueilleux,
Mais il protège la propriété de la veuve 101.
26 Lesmachinations des méchants sont en horreur à l’Éternel,
Mais les paroles aimables sont pures à ses yeux.
27 Celui
qui veut s’enrichir par tous les moyens
entraîne sa famille dans le malheur,
Mais qui déteste les pots-de-vin, vivra longtemps.
28 Lejuste réfléchit bien avant de répondre,
Mais les répliques rapides des méchants répandent le mal.
29 LeSeigneur s’éloigne des méchants,
Mais il entend la prière des justes.
30 Unregard lumineux met le cœur en joie.
Une bonne nouvelle ranime tout l’être jusqu’à la moelle des os.
31 Qui prête une oreille attentive
aux critiques constructives qui mènent à la vie
Séjournera parmi les sages.
32 Qui refuse la critique se méprise lui-même,

Mais qui écoute les avertissements s’affermit dans la sagesse.


33 Révérer le Seigneur, c’est se mettre à l’école de la sagesse ;
Avant d’être honoré, il faut savoir être humble.

16 L’homme est maître des résolutions de son cœur,


Mais celui qui a le dernier mot, c’est le Seigneur.
2 Vous pouvez penser que tout ce que vous faites est bien,

Mais c’est le Seigneur qui apprécie vos mobiles.


3 Recommande tes œuvres au Seigneur,

Et tes projets se réaliseront.


4 LeSeigneur a tout fait pour un but ;
Même le méchant pour le jour du malheur.
5 Tout homme arrogant est en horreur à l’Éternel ;

Soyez-en certain : il ne restera pas impuni.


6 Le péché sera expié par la grâce unie à la vérité
Et, par respect pour le Seigneur, on se détourne du mal.
7 Quand la conduite d’un homme est agréable au Seigneur,
Il lui concilie même la faveur de ses ennemis.
8 Mieux vaut le peu honnêtement gagné

Que de gros revenus mal acquis.


9 L’homme propose et choisit son chemin,
Dieu dispose, et il guide ses pas.
10 Quand le roi se prononce, ses paroles ont une autorité divine :
Que sa bouche ne soit donc pas infidèle (aux directives de Dieu) quand il
rend la justice.
11 Lespoids et les mesures : Dieu en fait son affaire,
Il veut des balances exactes et des transactions honnêtes 102.
12 Faire le mal est une chose abominable pour un roi,
un (vrai) souverain l’a en horreur,
Car un gouvernement ne devient fort que s’il est juste.
13 Un roi prend plaisir aux paroles justes

Et il aime ceux qui parlent avec droiture.


14 Quand un roi se met en colère,

sa fureur est comme une messagère de mort,


Mais l’homme sage doit savoir l’apaiser.
15 Quand le visage du roi s’éclaire, c’est un gage de vie,

Et sa faveur est bienfaisante comme une ondée printanière.


16 Acquérir la sagesse vaut bien mieux que d’amasser de l’or pur,
Et enrichir son discernement est bien préférable à thésauriser.
17 Leshommes droits cheminent sur des routes qui évitent le mal ;
Celui qui surveille sa conduite préserve son âme.
18 L’orgueilprécède la ruine ;
Un esprit fier est le signe précurseur de la chute.
19 Mieuxvaut avoir un esprit humble et frayer avec les petits
Que de faire cause commune avec les orgueilleux
et de partager leur butin.
20 Celui
qui est attentif à la parole (de Dieu) trouvera le bonheur.
Heureux celui qui met sa confiance dans le Seigneur.
21 Celuiqui a le cœur sage 103 sera reconnu pour son intelligence 104,
Et les paroles aimables sont d’autant plus persuasives.
22 Lediscernement est une source de vie
pour celui qui en est pourvu ;
Les sots trouvent leur châtiment dans leur sottise même.
23 Sile cœur d’un homme est pénétré de sagesse,
Sa bouche parlera avec discernement
et ses paroles seront persuasives.
24 D’aimables paroles sont comme un rayon de miel :

Douces pour l’âme et bienfaisantes pour le corps.


25 Bien des hommes pensent être sur le bon chemin,
Et pourtant ils se trouvent sur une voie
qui, finalement, mène à la mort.
26 La faim du travailleur est une bonne collaboratrice :
Elle le stimule à travailler pour calmer son appétit.
27 L’homme pervers mijote le mal,
Et ses paroles sont comme un feu dévorant.
28 Le fourbe sème la discorde,

Et le rapporteur jette la brouille entre les meilleurs amis.


29 À force de paroles, l’homme violent circonvient son prochain

Et l’entraîne sur une mauvaise voie.


30 Celuiqui ferme les yeux pour méditer des desseins pervers
Et qui se pince les lèvres a déjà commis le mal.
31 Les cheveux blancs sont un diadème honorifique :
Ils couronnent une vie selon la volonté de Dieu.
32 Mieuxvaut être patient que puissant,
Mieux vaut savoir se dominer que de conquérir des villes.
33 On jette le sort dans les pans de la robe sacerdotale,
Mais c’est du Seigneur que dépend toute décision.

17 Mieux vaut n’avoir qu’un croûton de pain sec


et vivre dans la concorde
Que de festoyer dans une maison où l’on se querelle.
2 Le serviteur intelligent supplantera le fils indigne

Et recevra sa part d’héritage.


3 L’oret l’argent vont au creuset :
Ainsi le Seigneur sonde les cœurs.
4 Celuiqui fait le mal écoute les propos des méchants,
Et le menteur prête l’oreille aux racontars
colportés par les mauvaises langues.
5 Se moquer du pauvre c’est outrager son Créateur,
Et (Dieu) punira celui qui se réjouit du malheur d’autrui.
6 La couronne des vieillards, ce sont leurs petits-enfants,
Et les fils sont fiers de leurs pères.
7 Un
langage distingué ne convient pas à l’insensé ;
Combien moins le mensonge à un homme respecté.
8 Lepot-de-vin agit comme un talisman sur ceux qui le reçoivent :
Quoi qu’ils entreprennent, il doit leur assurer le succès.
9 Quiveut se faire aimer, oublie les torts qu’il a subis :
Les rappeler sans cesse éloigne les meilleurs amis.
10 Unreproche a plus d’effet sur un homme avisé
Que cent coups de bâton sur un insensé.
11 Leméchant vit pour la rébellion,
Mais, un jour, c’est un messager sans pitié
qui sera envoyé contre lui.
12 Mieux vaut tomber sur une ourse à qui l’on vient de ravir
ses petits
Que de rencontrer un insensé pris dans sa folie.
13 Si
tu rends le mal pour le bien,
Le mal ne quittera plus ta demeure.
14 Commencer une querelle, c’est ouvrir une brèche
dans une digue ;
C’est pourquoi, cède avant que la dispute n’éclate.
15 LeSeigneur a également en horreur
Celui qui acquitte le coupable et celui qui condamne l’innocent.
16 Àquoi sert l’argent dans les mains d’un sot ?
Peut-il acheter de l’intelligence quand il n’en a pas envie ?
17 Un véritable ami aime en tout temps
Et, quand survient l’adversité, il se révèle un frère.
18 Seul
un homme dépourvu d’intelligence
s’engagera devant témoins à payer les dettes d’autrui.
19 Aimerles querelles, c’est aimer le péché.
Se vanter constamment 105, c’est chercher sa ruine.
20 L’homme au cœur tortueux ne trouvera pas le bonheur,
Et celui qui manie une langue perfide tombera dans le malheur.
21 Qui donne naissance à un fils insensé en aura du chagrin,
Et le père d’un sot n’a pas de quoi se réjouir.
22 Un cœur joyeux est un excellent remède,
Mais l’esprit déprimé dessèche les membres.
23 L’homme corrompu accepte des pots-de-vin sous le manteau
Pour faire une entorse au droit.
24 L’homme avisé a les yeux fixés sur la sagesse,
Mais les regards de l’insensé se portent au bout du monde.
25 Un fils insensé fait le chagrin de son père
Et rend la vie amère à celle qui l’a enfanté.
26 Il
n’est pas bon de mettre le juste à l’amende
Et de frapper les honnêtes gens pour avoir fait ce qui est droit.
27 L’homme d’expérience mesure ses paroles,
Et celui qui garde son sang-froid est intelligent.
28 Le sot lui-même passe pour sage s’il sait se taire ;
Qui tient sa bouche en bride est prudent.

18 L’original 106 suit son bon plaisir


et n’est intéressé que par lui-même :
Il s’insurgera contre tout ce que les autres trouvent raisonnable.
2 Le sot ne se soucie guère de réfléchir,
Il ne demande qu’à faire étalage de son opinion.
3 Le méchant amène avec lui le mépris :
Si vous commettez une action déshonorante,
la honte publique la suivra.
4 Les paroles humaines sont comme des eaux profondes,
Et la sagesse comme une source dont jaillit un torrent.
5 Ce n’est pas bien de favoriser le méchant par égard pour sa personne et de
léser les droits du juste.
6 Quand l’insensé parle, il attire les querelles,
Et ses discours provoquent des disputes.
7 Sa bouche est la cause de sa ruine,

Et ses lèvres sont un piège qui met sa vie en danger.


8 Les médisances sont comme des friandises :
Elles pénètrent jusqu’au tréfonds de l’être.
9 Se relâcher dans son travail,
C’est se déclarer frère de celui qui détruit.
10 Le nom de l’Éternel est comme un donjon bien fortifié :
Le juste s’y réfugie et il y est en sécurité.
11 Pour le riche, ses biens sont une ville forte

et un rempart inaccessible…
C’est du moins ce qu’il s’imagine !
12 Quand un homme devient orgueilleux, sa ruine est proche,
Mais s’il marche dans l’humilité il sera honoré.
13 Qui
réplique avant d’avoir bien écouté
Manifeste sa sottise et se couvre de confusion.
14 Unesprit viril sait supporter la maladie,
Mais si le moral est abattu, qui le relèvera ?
15 L’homme intelligent est toujours désireux d’apprendre,
Et l’oreille des sages est tendue vers de (nouvelles) connaissances.
16 Lescadeaux vous ouvrent toutes les portes
Et vous font arriver jusqu’en présence des gens importants.
17 Celuiqui plaide sa cause en premier paraît toujours avoir raison,
Vienne la partie adverse, et l’on examine le fond des choses.
18 Le sort met fin aux contestations

Et tranche même entre des antagonistes puissants.


19 Un frère que l’on a offensé
est plus inaccessible qu’une ville fortifiée,
Et des dissensions fraternelles
sont plus tenaces que les verrous d’un château.
20 Chacun goûtera à satiété
les (bons ou mauvais) fruits de ses paroles
Et portera les conséquences de ce que ses lèvres auront prononcé.
21 La mort et la vie sont au pouvoir de la langue 107 :

Vous aurez à vous rassasier des fruits que votre langue aura portés.
22 Qui trouve une bonne épouse a trouvé le bonheur,
C’est une grâce que le Seigneur lui a accordée.
23 Le pauvre parle en suppliant, mais le riche répond durement.
24 Celui
qui veut être l’ami de tout le monde l’est
pour son malheur,
Mais un véritable ami est plus attaché qu’un frère.
Mieux vaut un pauvre qui se conduit honnêtement
Qu’un insensé aux lèvres menteuses.
19 2 L’enthousiasme sans connaissance ne vaut rien,

L’impatience qui précipite les pas fait manquer le but.


3 Quand un homme s’est ruiné par ses agissements stupides,
Il accuse le Seigneur.
4 Si
vous êtes riche, vos amis se multiplient,
Mais si vous êtes pauvre, votre ami intime lui-même
vous délaisse.
5 Le faux témoin ne restera pas impuni,
Et celui qui répand le mensonge n’échappera pas au châtiment.
6 Beaucoup de flatteurs briguent la faveur d’un homme important,
Et tous sont amis de qui fait des cadeaux.
7 Lepauvre n’est pas aimé, même par ses frères ;
À plus forte raison ses amis s’écartent-ils de lui ;
En vain il les poursuit de ses paroles suppliantes : ils sont déjà loin.
8 Acquérir du bon sens, c’est s’aimer soi-même ;
S’attacher à la raison, c’est trouver le bonheur.
9 Le faux témoin ne restera pas impuni,
Et celui qui répand le mensonge périra.
10 Il
ne convient pas qu’un sot mène une vie de plaisirs,
Et moins encore qu’un esclave commande aux princes.
11 La raison de l’homme lui fait maîtriser sa colère,
Et sa gloire c’est de passer par-dessus l’offense.
12 La colère du roi est aussi dangereuse

que le rugissement d’un jeune lion,


Mais sa faveur aussi bienfaisante que la rosée sur l’herbe.
13 Un fils insensé fait le malheur de son père,
Et les récriminations d’une femme
sont comme une gouttière qui ne cesse de couler.
14 Unhomme peut hériter maison et richesse de ses pères,
Mais seul le Seigneur peut lui donner
une femme qui agit avec sagesse.
15 Laparesse plonge dans la torpeur,
Et celui qui agit avec indolence souffrira de la faim.
16 Veillerà observer les préceptes divins,
C’est veiller sur sa propre vie ;
Ne pas surveiller sa conduite,
C’est courir à la mort.
17 Avoirpitié du pauvre, c’est prêter à Dieu
Qui revaudra à chacun ses bienfaits.
18 Corrige
ton fils tant qu’il y a encore de l’espoir,
Mais ne va pas jusqu’à désirer sa mort.
19 L’homme qui se met facilement dans de grandes colères
en subira les conséquences ;
Si tu cherches à l’en exempter, tu ne feras qu’empirer
les choses 108.
20 Écoute les conseils et accepte les remontrances
Et, un jour, tu deviendras sage.
21 L’homme porte bien des projets dans son cœur,
Mais c’est le dessein de l’Éternel qui se réalise.
22 Cequi attire dans un homme, c’est sa bonté,
Et mieux vaut être pauvre que menteur.
23 Révérerle Seigneur mène à la vie,
La vie dans l’abondance et à l’abri du malheur.
24 Leparesseux plonge sa main dans le plat,
Mais il n’a même pas le courage de la ramener à sa bouche.
25 Punisle moqueur pour que le sot en apprenne la prudence,
Mais reprends simplement l’homme intelligent :
il comprendra la leçon.
26 Celuiqui maltraite son père et chasse sa mère
Est un fils indigne qui se couvre de honte et d’opprobre.
27 Mon fils, si tu cesses d’obéir à une discipline,

Tu te détourneras bien vite des leçons de la sagesse 109.


28 Unvaurien appelé à témoigner se moque du droit ;
Les méchants aiment le goût du mal.
29 Les châtiments sont prêts pour les moqueurs,
Et les coups de bâton pour l’échine des sots.

20 LeBienvinpeuestsage
plein d’insolence, l’alcool rempli de tapage ;
celui qui s’en laisse griser.
2 Lacolère du roi est comme le rugissement d’un jeune lion :
Celui qui l’excite expose sa vie.
3 Rester loin des querelles fait honneur à l’homme 110,

Mais tout insensé s’y jette à corps perdu.


4À la saison froide, le paresseux n’a pas envie de labourer ;
Au temps de la moisson, il veut récolter, mais ne trouve rien.
5 Lesbons conseils sont dans le cœur de l’homme
comme des eaux profondes,
Mais l’homme avisé sait y puiser.
6Beaucoup de gens font état de leur bonté,
Mais où trouver un homme vraiment sûr ?
7 Le
juste poursuit honnêtement son chemin ;
Quel bonheur pour ses enfants d’avoir un tel père !
8 Lorsquele roi siège au tribunal,
D’un coup d’œil, il dissipe tout ce qui est mal.
9 Qui
osera dire : « J’ai purifié mon cœur,
Ma conscience est nette, Je n’ai plus de péché » ?
10 Ceux qui font deux poids, deux mesures
Sont l’un et l’autre en horreur à l’Éternel.
11 Même le jeune enfant dévoile sa nature par ses actes,
Laissant deviner si sa conduite sera pure et droite.
12 LeSeigneur nous a donné des oreilles pour entendre
Et des yeux pour voir.
13 Si
tu aimes trop le sommeil, tu finiras dans la pauvreté :
Garde tes yeux ouverts, et tu auras du pain en abondance.
14 L’acheteurdit toujours : « C’est trop cher, cela ne vaut rien ! »
Mais dès qu’il sera parti, il se vantera de sa bonne affaire.
15 Il
existe quantité de perles et de bijoux en or,
Mais les joyaux les plus précieux sont des lèvres sensées.
16 Siquelqu’un s’est porté garant pour un étranger,
Prends-lui son vêtement ;
Et s’il a promis de payer les dettes d’inconnus,
Exige qu’il te donne des gages.
17 Au premier abord, le pain fraudé est savoureux,
Mais, tôt ou tard, il se transforme en cailloux dans ta bouche.
18 Si
tu te laisses conseiller, tes projets réussiront ;
Ne te lance donc pas dans la bataille
sans une stratégie bien conçue.
19 Celui
qui va colportant des racontars
Ne peut s’empêcher de trahir des secrets ;
N’aie donc pas de relations avec un bavard.
20 Si
quelqu’un maudit son père ou sa mère,
Sa vie s’éteindra comme un lumignon fumeux.
21 Il
n’y a pas de bénédiction durable
Sur un héritage acquis d’emblée avec précipitation.
22 Nedis pas : « Je me vengerai » ;
Confie-toi en l’Éternel et il te délivrera.
23 LeSeigneur a horreur des poids truqués ;
Les balances faussées 111 ne mènent à rien de bon.
24 C’est
l’Éternel qui trace la voie de l’homme.
Comment un mortel pourrait-il comprendre où il va ?
25 Il
est dangereux pour l’homme
de prendre précipitamment un engagement sacré 112
Et de se mettre à réfléchir après avoir fait son vœu.
26 Un roi sage passe les méchants au crible
Et n’hésite pas à les vanner 113.
27 L’espritde l’homme est une lampe que le Seigneur a donnée
Et qui éclaire tous les replis des profondeurs de l’être.
28 La bonté du roi et sa loyauté sont ses meilleurs
gardes du corps
Et, par son amour pour ses sujets, il affermit son trône.
29 Lafierté des jeunes gens, c’est leur force,
Mais la parure des vieillards, ce sont leurs cheveux blancs.
30 Desexpériences cuisantes, dont vous sortez meurtris et blessés,
Sont un excellent remède contre le mal.

21 Le cœur des rois est entre les mains du Seigneur


comme des canaux d’eau courante :
Il le dirige à son gré.
2 Tout homme croit que sa manière de faire est la bonne,

Mais celui qui apprécie les motivations du cœur, c’est le Seigneur.


3 Lorsqu’un homme fait ce qui est juste et droit,

Cela fait plaisir au Seigneur, plus que s’il lui offrait des sacrifices.
4 Le regard hautain, le cœur orgueilleux

Et tout l’apparat des méchants n’est que péché.


5 Une prévoyance active mène à l’abondance,
Mais agir avec précipitation, c’est courir vers le dénuement.
6 Chercher à s’enrichir par le mensonge,

C’est courir après une vapeur fugitive qui mène à la mort.


7 Parce
qu’ils n’ont pas voulu faire ce qui est droit,
Les méchants sont emportés par le tourbillon 114.
8 Une conduite tortueuse est alléchante,
Mais l’honnête homme agit avec droiture.
9 Mieuxvaut habiter une pauvre mansarde 115
Que de partager une belle maison avec une femme acariâtre.
10 Le
méchant aspire de tout son être à faire du mal ;
Même son ami ne trouve pas grâce à ses yeux.
11 Quandle châtiment atteint le moqueur,
Même l’homme irréfléchi apprend à devenir sage.
Quand on donne des leçons au sage,
Il augmente sa connaissance.
12 Le Seigneur, qui est juste, est attentif
à ce qui se passe dans la demeure des méchants,
Et il précipite les pervers dans le malheur.
13 Celui
qui fait la sourde oreille quand le malheureux appelle à l’aide
Suppliera lui-même sans obtenir de réponse.
14 Uncadeau offert en secret apaise la colère,
Et un présent glissé en cachette calme la plus violente fureur.
15 C’est
une joie pour le juste d’agir selon le droit,
Mais c’est un supplice pour ceux qui sont habitués à faire le mal.
16 L’homme qui s’écarte du chemin tracé par la prudence
Ira bientôt reposer en compagnie des morts.
17 Celui
qui aime les plaisirs tombera dans l’indigence ;
Celui qui a un faible pour le vin et la bonne chère
ne sera jamais riche.
18 Le méchant servira de rançon pour le juste
Et le traître pour les hommes droits.
19 Mieuxvaut vivre seul dans un pays désertique
Qu’avec une femme acariâtre et irritable.
20 Dansla demeure de l’homme sage,
on trouve de précieux trésors et des réserves d’huile,
Mais l’insensé dilapide tout ce qu’il gagne.
21 Celui
qui cherche à être juste et bon trouvera la vie,
Les autres le respecteront et le traiteront avec justice.
22 Le sage prend d’assaut la place forte
défendue par de vaillants guerriers
Et il fait tomber le rempart dans lequel elle mettait sa confiance.
23 Celui
qui surveille sa bouche et garde sa langue en bride
Préserve sa vie de bien des tourments.
24 Unmoqueur est un homme arrogant et hautain
Qui agit sous l’inspiration d’un orgueil démesuré.
25 Lesdésirs du paresseux sont tuants
Car ses mains refusent de travailler ;
26 Tout le long du jour, il est en proie à la convoitise ;

Alors que le juste donne sans jamais refuser.


27 LeSeigneur a horreur du sacrifice des méchants,
Surtout quand ils l’offrent avec des arrière-pensées criminelles.
28
Le témoin mensonger périra,
Mais l’homme qui sait écouter aura toujours le droit de parler.
29Le méchant se donne un air assuré,
Alors que l’homme droit a une conduite sûre.
30 Face à l’Éternel, il n’y a ni sagesse,
ni intelligence, ni conseil qui tienne.
31 Vous pouvez harnacher le cheval pour le jour du combat,
Mais la victoire dépend de l’Éternel.

22 Bon renom vaut mieux que grandes richesses,


Et l’estime des autres est plus précieuse
que l’or et l’argent.
2 Riche et pauvre se rejoignent devant l’Éternel,

Car c’est lui qui les a faits l’un et l’autre.


3 L’homme avisé voit venir le malheur et il se met à l’abri ;
L’homme irréfléchi poursuit son chemin,
et il en subira les conséquences.
4 Sois humble et révère le Seigneur,

Tu seras riche et honoré et tu hériteras la vie.


5 Lechemin des hommes pervers est parsemé d’épines et de pièges,
Celui qui tient à sa vie s’en tiendra éloigné.
6Donne à l’enfant, dès son jeune âge,
une éducation appropriée aux exigences de la vie 116 ;
Même quand il sera vieux, il n’en déviera pas.
7 Tout comme le pauvre est sous la domination du riche,
Celui qui emprunte se met sous la coupe de son créancier.
8 Quisème l’injustice moissonnera la ruine
Et son règne de terreur prendra fin 117.
9 L’homme au regard compatissant sera béni
Parce qu’il a partagé son pain avec le pauvre.
10 Chassele moqueur, et la discorde décampera avec lui :
Les contestations et les insultes tomberont d’elles-mêmes.
11 Le Seigneur aime celui qui a des intentions sincères,
Et le roi accorde son amitié à celui qui parle de la grâce 118.
12 L’Éternelveille à ce que la connaissance (de la vérité) soit gardée intacte,
mais il confond les propos du perfide.
13 Le paresseux dit : « Il y a un lion là-dehors !
Je risque d’être déchiré en pleine rue ! »
14 Lespropos des femmes dévergondées
sont comme une trappe profonde :
Celui qui a excité la colère de l’Éternel y tombera.
15 Latendance à faire des actions déraisonnables 119
est ancrée dans le cœur de l’enfant ;
Le fouet de la discipline l’en extirpera.
16 Celui qui opprime le pauvre pour réaliser un gain
Et fait des cadeaux aux riches, finira dans la pauvreté 120.

Première collection des maximes des sages


17 Prête l’oreille et écoute les paroles des sages,
Applique ton cœur à mon enseignement,
18 Car tu auras du plaisir à garder ces maximes

dans ton for intérieur


Et, à chaque instant, tu les auras à ta disposition.
19 Jevais t’instruire, toi aussi, personnellement, aujourd’hui, pour que tu
mettes ta confiance dans le Seigneur. 20 Voilà pourquoi j’ai, depuis longtemps,
consigné par écrit pour toi des conseils inspirés par l’expérience, 21 pour
t’apprendre ce qui est réel et te donner des paroles de vérité. Ainsi tu
pourras répondre par des paroles sûres à ceux qui t’interrogeront.
22 Ne dépouille pas le pauvre parce qu’il est sans défense ;
N’accable pas le malheureux en justice,
23 Car le Seigneur prendra leur cause en main

Et il ravira la vie à ceux qui auront ravi leurs biens.


24 Ne te lie pas d’amitié avec un homme colérique
Et ne fréquente pas celui qui s’emporte pour un rien,
25 De peur de t’habituer à ses réactions

Et de mettre ton âme en péril.


26 Ne t’engage pas à payer les dettes d’autrui,
Et ne te porte pas garant d’un emprunt,
27 Car, si tu n’es pas en mesure de payer,

Pourquoi t’exposerais-tu à te voir enlever


jusqu’au lit où tu reposes ?
28Ne déplace pas les anciennes bornes
Que tes ancêtres ont placées.
29 Connaissez-vous un homme habile dans ce qu’il fait ?
Il ne restera pas parmi les gens obscurs,
Mais il entrera au service des rois.
23
Si tu es invité à manger avec un supérieur,
Considère bien qui tu as devant toi !
2 Serre ta ceinture 121 si tu as trop bon appétit !
3 Ne te laisse pas tenter par ses bons plats,

Car il se pourrait que ces mets soient décevants.


4 Ne te fatigue pas pour t’enrichir,

Refuse d’y appliquer ton intelligence !


5 À peine as-tu fixé tes regards sur la fortune

Que, déjà, elle s’est évanouie,


Car elle a des ailes comme l’aigle qui s’envole en plein ciel.
6 Ne te laisse pas inviter par quelqu’un qui ne le fait pas
de bon cœur,
Et ne convoite pas ses bons plats.
7 Car, au fond de son âme, il est calculateur,

« Mange ! » te dira-t-il, mais son cœur n’y est pas.


8 Ce que tu auras mangé, tu devras le rendre,

Et c’est en pure perte que tu auras tenu des propos flatteurs.


9 Ne parle pas pour convaincre un insensé,
Il mépriserait le bon sens de tes paroles.
10 Ne déplace pas les anciennes bornes
Et n’empiète pas sur les champs des orphelins ;
11 Car ils ont un puissant protecteur

Qui défendra leur cause contre toi.


12 Ouvre ton cœur à l’enseignement d’une discipline de vie,
Et tes oreilles aux paroles de sagesse.
13 N’hésite pas à corriger le jeune enfant ;

Si tu lui donnes le bâton, il n’en mourra pas.


14 Bien plutôt, par des coups de bâton,

Tu sauveras son âme du séjour des morts.


15 Mon fils, si tu acquiers de la sagesse, mon cœur se réjouira.
16 Quand tu parleras avec droiture, tout mon être exultera.
17 N’envie pas le sort des pécheurs !
Que ta seule envie soit de toujours révérer le Seigneur
18 Car, alors, il y aura vraiment un avenir pour toi

Et ton espérance ne sera pas déçue.


19 Écoute-moibien, mon fils, et deviens sage ;
Dirige ton cœur dans le droit chemin !
20 Ne t’associe pas à des ivrognes,
Ni à ceux qui aiment la bonne chère
21 Car l’ivrogne et le gourmand tombent dans la misère,

Et ceux qui aiment dormir seront bientôt vêtus de haillons.


22 Écouteton père, qui t’a donné la vie,
Et ne méprise pas ta mère devenue vieille.
23 Acquiers la vérité, la sagesse, l’instruction et le discernement,
Et ne t’en dessaisis pas !
24 Le père d’un juste est au comble de la joie,
Celui qui a donné la vie à un fils sage est heureux.
25 Puissent ton père et ta mère se réjouir à ton sujet !

Donne cette joie à celle qui t’a mis au monde !


26 Mon fils, donne-moi ton cœur
Et observe attentivement ma conduite.
27 Car la prostituée est une trappe profonde

Et la femme immorale une fosse étroite.


28 Comme un voleur, elle se tient aux aguets ;

Et elle amène bien des hommes à être infidèles.


29 Qui se plaint sans cesse : « Hélas ! Malheur à moi » ?
Qui se dispute sans raison et reçoit des coups sans cause ?
Qui a les yeux rouges ?
30 Ceux qui, jusque tard le soir, sont attablés à boire du vin,

Ceux qui, sans cesse, sont en quête


de nouvelles boissons capiteuses.
31 Ne couve pas de tes regards le vin vermeil
quand il pétille dans la coupe :
Il descend si agréablement,
32 Mais finit par mordre comme un serpent

Et te piquer comme une vipère.


33 Tes yeux verront alors des choses étranges 122

Et tu laisseras échapper des paroles incohérentes,


34 Tu auras l’impression d’être couché en pleine mer,

Balloté comme un matelot dans le hunier.


35 « On a dû me frapper, diras-tu, et je ne l’ai pas senti !

On m’a roué de coups, je ne l’ai pas remarqué.


Quand je me réveillerai, il faudra que je trouve
encore quelque chose à boire ! »

24 Ne porte pas envie à ceux qui font le mal


Et ne recherche pas leur compagnie,
2 Car ils ne songent qu’à détruire et ils ne parlent que de nuire.
3 C’est par la sagesse qu’une maison s’élève,

Et par le bon sens qu’elle se consolide.


4 C’est par la connaissance que les chambres se remplissent

De toutes sortes de biens précieux et agréables.


5 Un homme sage est un homme fort,
Et celui qui a de la connaissance double sa force.
6 En effet, c’est par une habile stratégie que tu gagneras

la bataille,
Et la victoire dépend du grand nombre de conseillers.
7 Pour l’insensé, la sagesse est trop élevée ;
C’est pourquoi, il n’a rien à dire
quand on discute de questions importantes 123.
8 Celuiqui médite de faire le mal
Aura la réputation d’être un intrigant.
9 Se proposer de faire des folies, c’est déjà un péché :
(C’est s’engager sur le chemin des moqueurs ;
Or,) les gens ont horreur du moqueur.
10 Si
tu te laisses abattre au jour de l’adversité,
Ta force est bien peu de chose.
11 Délivre ceux que l’on entraîne à la mort
Et sauve ceux qui vont, chancelants, au supplice.
12 Car si tu dis : « Mais je ne le savais pas 124 »,

Celui qui sait ce qui se passe au fond des cœurs


ne te pénètre-t-il pas, lui ?
Et celui qui observe ton âme
ne discerne-t-il pas (tes véritables mobiles) ?
Or, il rétribuera chacun selon ce qu’il aura fait.
13 Mon fils, mange du miel, car il est bon ;
Ton palais appréciera la douceur de ce qui coule des rayons.
14 Aussi douce sera, pour ton âme, la connaissance.

Si tu l’acquiers, il y a de l’avenir pour toi,


Et ton espérance ne sera pas déçue.
15 Méchant, ne complote pas contre la maison du juste
Et ne t’attaque pas à sa demeure 125,
16 Car même si le juste tombe sept fois, il se relèvera,

Alors que les méchants s’effondrent dans le malheur.


17 Siton ennemi tombe, ne t’en réjouis pas ;
Que ton cœur ne jubile pas s’il succombe ;
18 Car le Seigneur le verrait d’un mauvais œil

Et sa colère risquerait de se détourner de lui sur toi.


19 Ne t’irrite pas au sujet de ceux qui font le mal
Et n’envie pas les méchants,
20 Car ils n’ont pas d’avenir

Et la lampe des pervers s’éteindra.


21 Révère Dieu, mon fils et honore le roi.
Ne t’associe pas à des révolutionnaires,
22 Car la ruine fondra soudainement sur eux,

Et qui sait comment les uns et les autres finiront leurs jours ?
Seconde collection de maximes des sages
23 Voici encore des proverbes émanant des sages :
La partialité, en justice, est une mauvaise chose.
24 Un juge qui dit à un coupable : « Tu es acquitté »

S’attire la malédiction de toutes les nations :


les gens le détesteront,
25 Mais ceux qui osent punir seront approuvés

Et ils obtiendront bénédiction et bonheur.


26 Celui
qui répond franchement
donne une preuve de son amitié 126.
27 Assure-toiun travail au dehors,
Applique-toi à mettre tes champs en bon état,
Après cela tu pourras bâtir ta maison.
28 Ne témoigne pas sans de bonnes raisons contre ton prochain
Et n’induis pas tes lèvres à le charger de torts injustes.
29 Ne dis pas : « Je le traiterai comme il m’a traité ;

Je rendrai à cet homme selon ce qu’il a fait ».


30 J’ai passé près du champ d’un paresseux
Et le long du vignoble d’un homme négligent,
31 Et voici : les mauvaises herbes avaient tout envahi,

Les chardons et les ronces couvraient le sol


Et le muret de pierres était en ruines.
32 En voyant cela, je me suis mis à réfléchir

Et j’ai tiré une leçon de ce que j’ai observé :


33 « Je vais juste faire un petit somme, dis-tu,

Rien qu’un peu croiser les bras et me reposer un instant »,


34 Mais pendant ce temps, la pauvreté s’introduit chez toi

comme un rôdeur,
Et la misère t’attaque comme un homme armé.

Seconde collection de maximes de Salomon


Voici encore des proverbes de Salomon. Ils ont été recueillis par les
secrétaires d’Ézéchias, roi de Juda.
25 2 La gloire de Dieu, c’est de tenir cachés certains mystères ;

La gloire du roi, c’est de les sonder et de chercher


à les comprendre.
3 Vous ne pénétrerez jamais ce qui se passe dans le cœur d’un roi,
Pas plus que vous ne pourrez mesurer la hauteur des cieux
ou sonder les profondeurs de la terre.
4 Si l’on délivre l’argent de ses scories,
L’orfèvre pourra le travailler pour en faire un objet d’art.
5 Si l’on délivre le roi de la présence des méchants,

Son gouvernement aura des assises stables fondées


sur la justice.
6 Ne prends pas des airs importants devant le roi,
Et ne te mets pas à la place des grands ;
7 Il vaut mieux t’entendre dire :

« Monte ici (à cette place d’honneur) » !


Que de te voir humilié devant les nobles.
8 Même si tu as vu quelque chose de tes propres yeux,
ne te hâte pas d’engager un procès,
Tu t’exposerais à ne plus savoir quoi faire à la fin
Si ton adversaire te confondait publiquement.
9 Règle ton différend avec ton prochain,
Mais ne va pas révéler les confidences d’un autre,
10 Sinon, il pourrait l’apprendre et t’injurier,

Et tu perdrais définitivement ta bonne réputation.


11 Des paroles justes dites au bon moment
Sont comme des pommes d’or avec des ciselures d’argent.
12 Un avertissement donné par une personne d’expérience

et reçu d’une oreille attentive


Est comme un anneau d’or et une parure d’or fin.
13 Comme la fraîcheur de la neige au fort de la moisson,
Tel est un messager fidèle pour celui qui l’envoie :
Il réconforte l’âme de son maître.
14 Celuiqui se vante de sa libéralité sans rien donner
Fait penser au nuage amené par le vent qui n’apporte pas la pluie.
15 Lemagistrat se laissera fléchir par une patiente persuasion :
La résistance la plus opiniâtre cède devant des paroles douces 127.
16 Si
tu trouves du miel, n’en mange que ce qui te convient,
De peur qu’en en prenant trop, tu ne le rejettes.
17 Ne
va pas trop souvent chez ton ami,
De peur que, lassé de toi, il ne te prenne en grippe.
18 L’homme qui porte un faux témoignage contre son prochain
Lui cause autant de mal qu’une massue,
une épée et une flèche acérée.
19 Sefier à un homme déloyal au jour du malheur,
C’est comme se fier à une dent branlante pour mâcher
ou à un pied cassé pour courir.
20 Entonnerdes chansons pour une personne affligée,
C’est comme lui enlever son habit par un jour glacial
Ou verser du vinaigre sur une plaie 128.
21 Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger,
S’il a soif, donne-lui à boire.
22 En agissant ainsi, tu le feras rougir de honte 129

Et l’Éternel te récompensera.
23 Une langue indiscrète engendre des visages irrités
Aussi sûrement que le vent du nord enfante la pluie.
24 Mieuxvaut habiter une pauvre mansarde 130
Que de partager une belle maison avec une femme acariâtre.
25 Une bonne nouvelle venant d’un pays lointain
fait autant de bien
Qu’un verre d’eau fraîche à une personne altérée.
26 Un juste qui cède devant le méchant
Est comme une source polluée ou une fontaine saumâtre.
27 Il
n’est pas bon de manger trop de miel,
Mais scruter des choses importantes est important 131.
28Celui qui ne sait pas se dominer
Est comme une ville démantelée qui n’a plus de remparts.

26 Une situation honorable convient aussi peu à un sot


Que la neige en été ou la pluie pendant la moisson.
2 Une malédiction injustifiée reste sans effet,
Elle est comme le moineau qui s’enfuit à tire d’aile
Ou l’hirondelle qui s’envole.
3 Le fouet est fait pour le cheval, le mors pour l’âne,
Et le bâton pour l’échine des insensés.
4 Situ donnes de sottes réponses aux questions du sot,
Tu risques de lui ressembler toi-même.
5 (Et pourtant, dans certains cas,) il faut donner de sottes répliques

à de sottes questions,
Pour que l’insensé ne se prenne pas pour un sage.
6Celui qui confie des messages à un sot
Se coupe les jarrets et se prépare bien des déboires.
7 Unproverbe dans la bouche des sots fait le même effet
Que les jambes pendantes d’un paralysé.
8 Décerner des honneurs à un insensé,
C’est attacher une pierre à une fronde.
9 Un proverbe dans la bouche des sots
Est comme un rameau épineux brandi par un homme ivre.
10 Embaucherun sot ou un vagabond est aussi décevant
Que d’engager un archer (fou) qui blesse tous les passants.
11 Le
sot retourne à ses sottises
Comme le chien ravale ce qu’il a vomi.
12 Il
y a plus à espérer d’un sot
Que d’un homme qui se croit sage.
13 Le paresseux dit :
« Il y a un lion qui barre la route, un fauve parcourt les rues ! »
14 Comme la porte tourne sur ses gonds,
Le paresseux se retourne sur son lit.
15 Leparesseux plonge sa main dans le plat,
Mais il trouve trop pénible de la ramener à sa bouche.
16 Le
paresseux se croit plus intelligent
Que sept hommes qui parlent avec bon sens.
17 Vousmêler d’une querelle qui ne vous regarde pas 132
Est aussi fou que de pincer les oreilles d’un chien.
18 Comme un fou furieux qui lance des traits enflammés
Et des flèches meurtrières autour de lui
19 Est l’homme qui ment à son prochain

Et qui dit ensuite : « C’était pour rire ».


20 Quand il n’y a plus de bois, le feu s’éteint.
Quand il n’y a plus de calomniateur, la querelle s’apaise.
21 Les charbons entretiennent la braise, le bois alimente le feu,

Et l’homme querelleur attise la discorde.


22 Les médisances sont comme les friandises :
Elles pénètrent jusqu’au tréfonds de l’être.
23 Des paroles chaleureuses peuvent cacher un cœur malveillant
Comme un placage d’argent peut recouvrir un vase d’argile.
24 Celui qui a de la haine peut donner le change

par des propos flatteurs,


Mais au fond de lui-même, il médite de mauvais coups.
25 S’il prend une voix doucereuse, ne te fie pas à lui,
Car son cœur est plein de pensées abominables.
26 Il a beau déguiser sa haine sous des apparences trompeuses,

Sa méchanceté finira par apparaître devant tous 133.


27 Celui qui creuse une fosse y tombera lui-même.
Et la pierre revient frapper celui qui l’a lancée.
28 Celui qui raconte des mensonges
Montre qu’il hait ceux qu’il blesse,
Et avec des paroles flatteuses on cause des chutes 134.

27 Ne te vante point de ce que tu feras demain,


Car tu ne sais pas même ce qui arrivera aujourd’hui.
2 Que ta bouche ne chante pas tes louanges,
Laisse aux autres le soin de le faire.
Que ce ne soient pas tes lèvres, mais celles d’un étranger,
qui fassent ton éloge.
3 La pierre est lourde et le sable pesant,
Mais l’irritation causée par l’insensé
Est plus lourde que les deux réunis.
4 Cruelleest la colère et impétueuse la fureur,
Mais qui tiendra devant la jalousie ?
5 Mieuxvaut reprendre ouvertement quelqu’un,
Que de lui laisser croire qu’on ne l’aime pas.
6Un ami qui vous blesse vous prouve par là sa fidélité,
Mais si un ennemi vous embrasse, prenez garde à vous !
7 Celuiqui est rassasié dédaigne le miel,
Mais, pour l’affamé, même ce qui est amer paraît doux.
8 L’hommequi erre loin de son pays
Est comme un oiseau chassé de son nid.
9 L’huileodorante et les parfums mettent le cœur en joie,
Mais la douceur de l’amitié vaut mieux
que les conseils qu’on se donne à soi-même.
10 Ne délaisse pas ton ami, ni l’ami de ton père.
Quand le malheur frappe à ta porte,
tu n’auras pas besoin de quérir l’aide de ton frère :
Un ami près de toi vaut mieux qu’un frère éloigné !
11 Acquiersla sagesse, mon fils, et mon cœur se réjouira ;
Je pourrai répondre à ceux qui me critiquent.
12 L’homme avisé voit venir les malheurs et se met à l’abri ;
L’homme irréfléchi poursuit son chemin
et en subira les conséquences.
13 Siquelqu’un s’est porté garant pour un étranger,
Prends-lui son vêtement,
Et, s’il a promis de payer les dettes d’inconnus,
Exige qu’il te donne des gages.
14 Éveiller
bruyamment son ami de grand matin
par des salutations et des vœux de bénédiction ?
Autant le maudire !
15 Une femme acariâtre et querelleuse
Est comme une gouttière percée
qui ne cesse de couler un jour de forte pluie.
16 Arrêter ses récriminations ?

Autant vouloir arrêter le vent ou prendre de l’huile dans sa main !


17 L’hommes’affine au contact de son prochain
Comme le fer se polit par le fer 135.
18 Celuiqui soigne son figuier jouira de ses fruits,
Celui qui prend soin de son maître sera honoré.
19 Regardezdans l’eau : vous y verrez votre propre visage ;
Sondez le cœur de l’homme : vous y reconnaîtrez votre propre cœur.
20 Lesyeux et les désirs de l’homme
Sont comme le séjour des morts et l’abîme : insatiables.
21 Le
creuset teste l’argent et la fournaise éprouve l’or,
Mais l’homme est estimé en raison de sa réputation.
22 Même si tu broyais l’insensé dans un mortier
comme on pile le grain,
Tu ne parviendrais pas à détacher de lui sa sottise.
23 Tâche de bien connaître l’état de chacune de tes brebis,
Aie le cœur attentif à tes troupeaux,
24 Car la richesse n’est pas éternelle
Et la dignité 136 ne subsiste pas à toujours.
25 Quand tu auras récolté le foin, pendant que pousse le regain,
Va rassembler l’herbe des montagnes.
26 Alors tu pourras élever des brebis

qui te fourniront de la laine pour te vêtir


Et des béliers dont la vente te paiera un champ.
27 Le lait des chèvres suffira à ta nourriture, à celle de ta famille

Et à l’entretien de tes servantes.

28 Les méchants prennent la fuite


sans que personne ne les poursuive.
Le juste est sûr de lui comme un jeune lion.
2 Quand le désordre sévit dans un pays, les chefs se multiplient,

Mais, avec un homme intelligent et expérimenté,


L’ordre règne et le gouvernement est stable.
3 Un homme pauvre qui opprime les indigents
Est comme une pluie dévastatrice qui provoque la disette.
4 Ceux qui abandonnent la loi exaltent l’impie,
Mais ceux qui observent la loi, le combattent.
5 Ceux qui s’adonnent au mal ne comprennent rien à l’équité,
Mais ceux qui recherchent l’Éternel comprennent tout.
6Mieux vaut un pauvre qui se conduit honnêtement
Qu’un riche qui suit des chemins tortueux.
7 Qui observe la loi est un fils intelligent ;
Qui fraie avec les jouisseurs fait honte à sa mère.
8 Celui
qui augmente sa fortune par un intérêt usurier,
Amasse des biens pour celui qui a pitié des pauvres.
9 Si
vous détournez votre oreille pour ne pas écouter la loi,
Dieu aura votre prière en horreur.
10 Quiégare les justes dans une mauvaise voie
tombera lui-même dans la fosse qu’il a creusée,
Mais le bonheur sera l’héritage des hommes intègres.
11 L’homme riche se prend pour un sage,
Mais le pauvre qui est intelligent le démasque.
12 Quandles justes réussissent, c’est magnifique,
Mais quand les méchants s’élèvent, chacun se tient caché.
13 Celui
qui cache ses fautes ne prospérera pas,
Celui qui les avoue et les délaisse obtient miséricorde.
14 Heureux l’homme qui est constamment sur ses gardes,
Mais celui qui endurcit son cœur tombera dans le malheur.
15 Unsouverain méchant sur un peuple pauvre
Est comme un lion rugissant ou un ours affamé.
16 Undespote dépourvu d’intelligence multiplie les exactions,
Mais celui qui déteste le gain mal acquis vivra de longs jours.
17 L’homme dont la conscience est chargée d’un meurtre
Sera fugitif jusqu’à sa tombe : personne ne le retiendra !
18 Celuiqui mène une vie honnête trouvera le salut,
Mais le pervers qui suit deux chemins à la fois
tombera dans l’un ou l’autre.
19 Quitravaille sa terre aura du pain en abondance,
Mais qui court après des futilités sera rassasié de misère.
20 L’homme loyal sera comblé de bénédictions,
Mais celui qui veut s’enrichir rapidement ne restera pas indemne.
21 Celui
qui traite les gens selon leur condition sociale
commet une mauvaise action, et pourtant, combien s’en rendent coupables…
même pour une bouchée de pain !
22 L’envieux court après la fortune avec une hâte telle
Qu’il ne se rend même pas compte que la pauvreté
est en train de fondre sur lui.
23 Celuiqui reprend son prochain gagnera finalement sa faveur,
Plutôt que le flatteur qui le trompe par des paroles enjôleuses.
24 Celuiqui dépouille son père et sa mère
Et qui prétend que ce n’est pas un péché
Ne vaut pas mieux que le pire des brigands.
25 L’homme insatiable suscite des querelles,
Mais celui qui se confie en l’Éternel sera pleinement satisfait.
26 Quise fie à ses propres capacités n’est qu’un insensé,
Mais celui qui dirige sa marche d’après la sagesse
échappera aux dangers.
27 Celui
qui donne aux pauvres ne sera jamais dans le besoin,
Mais celui qui bouche ses yeux à la misère d’autrui se charge de beaucoup de
malédictions.
28
Quand les méchants viennent au pouvoir, chacun se cache,
Mais quand ils succombent, les justes se multiplient.

29 Celui qui se raidit contre les reproches


Sera brisé soudainement et ne s’en remettra pas.
2 Quand les justes sont au pouvoir 137, le peuple est heureux,
Mais quand les méchants dominent, le peuple gémit.
3 Quiaime la sagesse fait la joie de son père ;
Mais qui fréquente les prostituées, détruit ses richesses.
4 Unroi qui gouverne selon la justice donne de la stabilité à son pays,
Mais celui qui multiplie les impôts le ruine.
5 Celui qui flatte son prochain tend un piège sous ses pas.
6 Leméchant est pris au piège de son propre péché,
Alors que le juste chante et se réjouit.
7 Lejuste se préoccupe du droit des pauvres,
Mais le méchant ne s’y intéresse pas.
8 Lesmoqueurs jettent des brandons de discorde dans une ville,
Mais les sages apaisent la colère.
9 Pourquoi un homme sage discuterait-il avec un sot ?
Celui-ci ne sait que se fâcher ou ricaner et l’on n’en finit pas 138.
10 Lesgens assoiffés de sang haïssent l’homme intègre,
Mais les honnêtes gens ont souci de son âme.
11 Le
sot donne libre cours à ses passions,
Mais le sage, en les réprimant, les calme.
12 Quand un chef prête attention aux rapports mensongers,
Tous ses adjoints se pervertissent.
13 Lepauvre et l’exploiteur ont un point commun :
C’est du Seigneur que l’un et l’autre dépendent
pour le maintien de leur vie 139.
14 Quand un roi défend le droit des pauvres,
Son trône est affermi à jamais.
15 Lescoups de bâton et les réprimandes inculquent la sagesse,
Mais un enfant livré à lui-même fera la honte de sa mère.
16 Quand les méchants arrivent au pouvoir 140,
Les crimes se multiplient,
Mais les justes seront témoins de leur chute.
17 Corrige ton enfant et tu auras lieu d’être sans inquiétude :
Il fera les délices de ton âme.
18 Quand un peuple ne se laisse plus guider par la révélation divine,
il s’abandonne au désordre.
Heureux celui qui garde la loi de Dieu !
19 Cen’est pas avec des paroles que vous corrigerez un serviteur ;
Si même il comprend ce que vous dites, il n’en tiendra pas compte.
20 Il
y a plus à espérer d’un sot
Que d’un homme qui parle sans réfléchir.
21 Si
vous gâtez un serviteur dès son jeune âge,
Vous en faites un fainéant 141.
22 L’homme prompt à la colère provoque des querelles,
Et celui qui s’emporte facilement commet beaucoup de péchés.
23 L’orgueil
de l’homme le mène à l’abaissement,
Mais la modestie obtient les honneurs.
24 Celui qui partage avec un voleur, se fait tort à lui-même,
Il entend la malédiction (prononcée contre ceux qui cacheraient la faute),
mais il ne dénonce pas (le coupable).
25 Lacrainte des hommes tend un piège sous vos pas,
Mais celui qui se confie en l’Éternel est en sécurité.
26 Nombreux sont ceux qui recherchent la faveur du chef,
Mais c’est l’Éternel qui fixe le droit de chacun.
27 Lesjustes ont le malfaiteur en horreur,
Tout comme le méchant déteste l’homme droit.

Paroles d’Agur
30 Voici les déclarations d’Agur, fils de Jaké.
Cet homme a dit : « Je me suis fatigué pour connaître Dieu et je suis
épuisé. 2 Je suis, certes, le plus bête des hommes et je ne possède pas
l’intelligence qu’un homme devrait avoir. 3 Je n’ai pas étudié la sagesse ni
appris la science sainte.
4 Qui est jamais monté aux cieux pour en redescendre ?

Qui donc a tenu le vent dans ses mains ?


Qui a rassemblé les eaux dans le pan de son manteau ?
Qui a fixé les limites de la terre ?
Quel est son nom et le nom de son fils ? Dis-le si tu le sais.
5 Chaque parole de Dieu est entièrement vraie.
Il défend comme un bouclier ceux qui se confient en lui.
6 N’ajoute rien à ses paroles,

Sinon il t’en demanderait compte et tu serais traité de faussaire.


7 (Seigneur,) je te demande deux choses,
Ne me les refuse pas avant que je meure.
8 Garde-moi de dire des paroles inutiles ou mensongères ;

Ne me donne ni pauvreté ni richesse !


Accorde-moi seulement ce qui m’est nécessaire pour vivre,
9 Car si je vivais dans l’abondance,

Je pourrais te renier et dire : « Qui est le Seigneur ? »


Ou bien, pressé par la misère,
Je pourrais me mettre à voler et offenser le nom de mon Dieu.
10 Nedénigre pas un serviteur auprès de son maître,
De peur qu’il ne te maudisse et que tu ne portes la peine de ta faute.
11 Il
y a des gens qui maudissent leur père
Et qui n’ont pas un mot de reconnaissance pour leur mère.
12 Desgens qui se croient purs,
Bien que leur souillure n’ait jamais été lavée.
13 Des gens qui se considèrent très importants
Et qui regardent tous les autres de haut,
14 Dont les dents sont des épées et les mâchoires des couteaux

Pour dévorer les malheureux et les faire disparaître de la terre,


Pour retrancher les pauvres du milieu des hommes.
15 La sangsue a deux filles ; elles s’appellent :
« Donne ! » et « Donne ! »
Il y a trois choses insatiables
Et même quatre qui ne disent jamais : « Cela suffit » :
16 Le séjour des morts, le désir de la femme sans enfant,

La terre assoiffée d’eau et le feu qui n’en a jamais assez !


17 Lesyeux qui se moquent d’un père
Et qui dédaignent l’obéissance envers une mère 142
Méritent d’être arrachés par les corbeaux de la vallée
Et dévorés par les petits de l’aigle.
18 Il
y a trois choses qui sont trop merveilleuses pour moi,
Et même quatre qui sont au-dessus de ma portée :
19 Le chemin que suit l’aigle dans les cieux,

Celui du serpent sur le rocher,


Celui du navire au sein des mers
Et celui de l’homme chez la jeune fille.
20 Voici comment agit la femme adultère :
Elle satisfait ses appétits, puis s’essuie la bouche
Et dit : « Qu’ai-je fait de mal ? »
21 Il
y a trois choses qui font trembler la terre,
Et même quatre qu’elle ne peut supporter :
22 Un esclave qui devient roi, un insensé qui vit dans l’abondance,
23 Une femme odieuse qui trouve à se marier

Et une servante qui supplante sa maîtresse.


24 Il
y a quatre petits animaux sur la terre,
Qui, pourtant, sont remplis de sagesse :
25 Les fourmis, petit peuple faible,

mais qui amassent ses provisions pendant l’été,


26 Les blaireaux qui n’ont guère de force,

mais qui établissent leur demeure dans les rochers,


27 Les sauterelles qui, sans avoir de roi,

s’avancent en bataillons rangés,


28 Et le lézard que tu peux capturer à la main

et qui pénètre dans les palais des rois.


29 Il
y a trois êtres qui ont une démarche impressionnante,
Et même quatre qui ont fière allure :
30 Le lion, le plus brave des animaux,

Qui ne recule devant personne ;


31 Le cheval aux flancs bien harnachés 143,
Le lévrier, l’animal aux reins agiles, bien cambrés ;
Le coq qui se promène fièrement parmi les poules,
Et le roi qui avance à la tête de ses troupes.
32 Situ as été assez fou pour te laisser emporter par l’orgueil,
Ou si tu as eu de mauvaises pensées, arrête et mets-toi à réfléchir 144.
33 Car en battant la crème, on produit du beurre,

En frappant le nez, on fait jaillir du sang,


Et en laissant exploser sa colère, on provoque des disputes.

Paroles du roi Lémuel


31 Paroles du roi Lémuel, sentences
que sa mère lui a enseignées :
2 Que te dirai-je, mon fils ? Que te conseillerai-je, ô fils bien-aimé ?
Que te dirai-je, fils appelé de mes vœux ?
3 Ne gaspille pas tes forces et ton temps avec les femmes !

Ne leur abandonne pas ton destin !


Des rois même se sont déjà perdus pour elles.
4 Ilne convient pas aux rois, Lémuel,
Il ne convient pas aux rois de boire du vin,
Ni à ceux qui gouvernent d’aimer les boissons enivrantes,
5 Car, après avoir bu, ils pourraient oublier leurs devoirs

Et léser les droits de toutes les victimes de la misère.


6 Que l’on donne plutôt les boissons enivrantes
à celui qui va périr,
Et du vin à qui a le cœur rempli d’amertume.
7 Qu’il boive et qu’il oublie sa misère,

Qu’il ne se souvienne plus de ses peines !


8 Ouvre la bouche pour défendre ceux qui ne peuvent parler,
Plaide la cause de tous ceux qui sont délaissés !
9 Oui, parle pour prononcer de justes arrêts !

Défends les droits des malheureux et des pauvres !


Poème de la femme vaillante
10 Heureux celui qui trouve une femme vaillante 145,
Elle a bien plus de prix que des perles précieuses.
11 Le cœur de son mari peut se fier en elle,

Il ne manquera pas de biens dans sa maison.


12 Tous les jours de sa vie, elle fait son bonheur, et jamais de la peine.
13 Elle cherche avec soin du lin et de la laine

Et elle les travaille de ses mains diligentes.


14 Comme un vaisseau marchand,

Elle amène de loin des vivres en sa demeure.


15 Quand il fait encore nuit, elle est déjà debout

Et prépare pour tous ce dont ils ont besoin


Et distribue leurs tâches à toutes ses servantes.
16 Elle rêve d’un champ ? Elle l’achètera.

Du fruit de son travail, elle plante une vigne.


17 Ses reins sont pleins de force, ses bras sont vigoureux.
18 Elle veille au bon ordre de toutes ses affaires.

Jusque tard dans la nuit, sa lampe est allumée.


19 Elle prend sa quenouille et, de ses doigts agiles,

Elle tient le fuseau.


20 Elle ouvre largement sa main au malheureux

Et tend les bras au pauvre qui est dans le besoin.


21 Pour elle et tous les siens, peu importe la neige, car toute sa famille est

vêtue d’habits chauds, de doubles vêtements.


22 Elle fait des coussins, elle a des vêtements de fin lin et de pourpre.
23 Son mari est connu et respecté aux portes

Où siège le conseil des anciens du pays.


24 Elle tisse elle-même des habits et les vend ;

Elle fait des ceintures qu’elle livre aux marchands.


25 La force et la splendeur lui servent de parure.

Elle voit l’avenir avec sérénité.


26 Quand elle ouvre la bouche, ses paroles sont sages ;
Sur ses lèvres se trouve un bon enseignement.
27 Sans cesse, elle surveille les allées et venues

De ceux de sa maison et n’est jamais oisive.


28 Ses enfants, tous ensemble, la disent bienheureuse,

Et son mari aussi célèbre ses louanges :


29 « Il y a bien des femmes qui montrent leur valeur,

Mais toi, ma bien-aimée, tu les surpasses toutes. »


30 La grâce est décevante et la beauté fugace,

La femme qui révère le Seigneur dans son cœur


est digne de louanges.
votre hommage pour tout ce qu’elle fait 146
31 Rendez-lui

Et que partout 147 ses œuvres proclament sa louange.

:::::
Introduction à
Ecclésiaste

Fascinant et irritant
L’Ecclésiaste est un livre à la fois fascinant et irritant. Voilà enfin un
homme qui pose les vrais problèmes et qui essaie d’aller jusqu’au bout
de sa pensée avec une sincérité et une lucidité peu communes. Mais il
ne cesse de dérouter par « son jeu de massacre continuel […]. Son livre
n’est pas du “petit-lait”, mais souvent du vitriol ; il décape furieusement !
Et de sa lecture on ne sort pas indemne, il s’en faut, mais on en sort
adulte ou prêt à le devenir148 ».
« Ce livre m’énerve, me disait un étudiant à la sortie d’un cours, je ne
sais pas qu’en faire, je n’arrive pas à le cerner. » C’est peut-être son but
: nous sortir de notre douce quiétude en posant les questions
fondamentales, celles que l’on n’ose jamais poser parce qu’on pressent
qu’il n’y a pas de réponse toute faite. Luther ressentait cette même
inquiétude : « Pendant ma vie entière, dit-il, j’ai essayé mes forces sur ce
livre, à plusieurs reprises, avec grand travail et grande application ». De
Bunyan à Kierkegaard, l’Ecclésiaste a exercé sa fascination sur les
esprits attirés par une pensée sortant des ornières habituelles.
D’autres, ne comprenant pas la démarche de l’auteur et confondant
les jalons de son itinéraire avec les conclusions, sont décontenancés par
la présence d’un tel livre parmi les écrits inspirés : n’est-ce pas l’œuvre
d’un sceptique, d’un précurseur des « esprits forts » modernes ?
L’engouement d’agnostiques comme Voltaire, Gœthe, Renan pour ce
livre ne l’a pas aidé à gagner la faveur du public chrétien.
Aussi, des Juifs (l’école de Shammaï) comme des chrétiens (Théodore
de Mopsueste, les contemporains de Jérôme) ont contesté sa
canonicité. Pendant les premiers siècles du christianisme, il fut rarement
cité par les Pères de l’Église (contrairement aux autres livres
poétiques149).

Contradictions
Déroutantes aussi, les contradictions internes du livre : tantôt il exhorte
à la crainte de Dieu, et tantôt il semble se demander s’il existe une
justice suprême et éternelle ; ici, il prône les plaisirs comme seule raison
de vivre, là il exalte la tristesse et le deuil ; il semble haïr la vie, et
pourtant, il en déplore la brièveté. « Un voile épais recouvre à nos yeux
ce livre, qui nous attire par ses parties lumineuses, et qui nous repousse
par ses obscurités150 ». Au point que l’on a suggéré deux, trois et
jusqu’à neuf auteurs différents !

Qui l’a écrit ?


Qui est l’auteur de ce livre énigmatique ? Est-ce Salomon ? On peut le
supposer d’après le titre qui indique : fils de David, qui a régné à
Jérusalem. Mais pourquoi Salomon aurait-il adopté (contrairement à ce
qu’il fait dans les Proverbes) ce pseudonyme bizarre de Qohéleth qui a
causé tant de cassements de tête aux traducteurs ? Ce nom est
inconnu dans la Bible. Il dérive de qâhâl qui veut dire assembler, réunir
des personnes. Le qohéleth de l’assemblée serait donc celui qui la
dirige. Selon certains auteurs, il s’agirait du chef de l’assemblée des
sages151. En grec, qâhâl se traduit par ekklesia (transposé en latin par
ecclesia) d’où le nom d’Ecclésiaste (dérivé de la Septante suivie par la
Vulgate) pour « le moins ecclésiastique de tous les hommes » (Kidner).
D’autres ont vu dans le qohéleth celui qui parle dans l’assemblée, donc
le prédicateur… d’où le titre Preacher que porte le livre dans les Bibles
anglaises, ou Der Prediger Salomo dans la version de Luther suivie par
la plupart des Bibles allemandes.
Mais est-ce bien Salomon qui a écrit ce livre ? Pourquoi aurait-il
évoqué tous ceux qui ont dominé avant lui sur Jérusalem (1 : 16 ; 2 : 7,
9) et dit : « J’ai été roi d’lsraël » (1 : 12) ? Salomon aurait-il parlé en
termes si méprisants d’un vieux roi (4 : 13 ; cf. aussi 8 : 2 ; 9 : 14-16 ;
10 : 16-17, 20) s’il était lui-même vieux ? Peut-on identifier l’époque de
Salomon avec ce qui est dit dans 7 : 10 ; 8 : 9 ; 10 : 6-7 ? S’il a été roi,
comment expliquer son impuissance face aux injustices (3 : 16 ; 4 : 1 ; 5
: 8) ? La langue et les pensées ne dénotent-elles pas une époque
postérieure ? Mais les défenseurs de l’origine salomonienne ont répondu
à ces différents arguments152… sans convaincre les autres.
Probablement devrons-nous rester avec une incertitude sur ce point et
adopter une position qui n’exclut pas péremptoirement l’opinion
contraire : puisque, d’une part, il y a suffisamment de raisons pour
attribuer le livre à Salomon mais que, d’autre part, le texte ne le
mentionne pas nommément, nous avons toute liberté pour accepter l’un
ou l’autre point de vue.

Un homme en recherche
L’auteur est-il un pessimiste qui exhorte les hommes à se retirer du
monde pour entrer dans la vie monastique comme on l’a cru au Moyen
Âge ? Est-ce un épicurien qui invite au contraire à jouir de la vie ? Est-ce
un sceptique qui s’est laissé influencer par la philosophie grecque et qui,
de ce point de vue, critique le reste de la révélation biblique ? Le livre
rapporte-t-il le dialogue entre deux défenseurs de thèses opposées ?
Toutes ces hypothèses ont été avancées pour expliquer les
contradictions internes du livre. Mais si nous le prenons tel qu’il est, là
où il est (c’est-à-dire dans le recueil des écrits inspirés par Dieu pour
notre enseignement), il a bien plus à nous apporter que si nous venons à
lui avec nos petites théories philosophiques ou théologiques
préconçues.
Tel qu’il est, il nous présente un homme en recherche, un homme qui
cherche le sens de la vie. Or, ce sens, il ne peut le trouver que s’il
découvre une valeur permanente. Mais, dans cette quête essentielle de
toute vie, il ne part pas des données de la révélation biblique. Il prend,
en quelque sorte, le chemin inverse en se mettant dans la peau de
quelqu’un qui aurait seulement son intelligence naturelle : il part du
donné et du vécu, il observe, raisonne, expérimente, discute. C’est
pourquoi il est si proche de l’homme du vingt et unième siècle.
Pour qu’un but de vie soit valable à ses yeux, il faut qu’il transcende les
limites de cette vie. Parce que Dieu a mis dans son cœur « le sens (ou
l’intuition) de ce qui est éternel » (3 : 11), c’est-à-dire qui dure au-delà de
cette vie. C’est cette intuition qui empêche l’homme de se contenter
d’autre chose. L’Ecclésiaste rejoint là bien des penseurs et des poètes
qui ont exprimé à leur manière ce besoin de trouver un but de vie
dépassant les limites de ce qui est passager et périssable. C’est pour
cette raison que, dès le départ, l’Ecclésiaste pose la question : « Quel
profit durable, permanent, quel bénéfice final153 l’homme retire-t-il de
toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? » (1 : 3). Puis il examine
lucidement les différents « buts de vie » que les hommes se fixent :
richesses, plaisirs, sagesse, moralité.

En quête de ce qui demeure


Avec une régularité implacable, la mort vient jeter son veto dans la
balance : non, ce but ne peut pas être considéré comme valable parce
qu’à la mort rien n’en subsiste :

Les richesses ? Le linceul n’a pas de poches ;


Les plaisirs ? Qu’est-ce que cela me rapporte (2 : 1) ? ;
Le savoir ? « Augmentez vos connaissances, vous augmenterez
vos souffrances » (1 : 18) ;
Le progrès, les « lendemains qui chantent » ? « Ce qui a été, c’est
ce qui sera : ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de
nouveau sous le soleil » (1 : 9) ;
La sagesse ? « Un même sort attend le sage et l’insensé » (2 :
14-16).

Non, « tout est futile et inutile, il n’y a rien de valable et de permanent


sous le soleil ». « Le bilan est déposé, il est inquiétant154 ».
Cette expression « sous le soleil » qui revient 24 fois dans le livre (mais
nulle part ailleurs dans la Bible) fournit l’une des clés de son
interprétation : l’examen auquel se livre l’Ecclésiaste est strictement
limité à l’horizon de cette terre. Comme le disait Luther : « Dans cet
ouvrage, Salomon décrit comment les choses se passent ici-bas sous le
soleil, parmi les enfants d’Adam, dans l’État, la famille et toutes les
affaires du monde ». Or, « ici-bas » s’oppose à « là-haut » et le postule.

Souveraineté et providence de Dieu


Car l’Ecclésiaste n’est pas un athée, loin de là. Il affirme, au contraire,
sa foi en Dieu, le Créateur de toutes choses (11 : 5), dont il loue la
sagesse (7 : 12, 19 ; 9 : 13-18) et la providence (3 : 11, 14-15 ; 8 : 17 ;
11 : 5). C’est Dieu qui donne la vie à l’homme et la lui retire (5 : 17 ; 8 :
15 ; 9 : 9 ; 12 : 7), qui lui accorde richesses (5 : 18 ; 6 : 2), joies (2 : 24 ;
3 : 13 ; 5 : 18, 19), bonheur et malheur (7 : 14).
Il a créé l’homme droit, mais l’homme a « inventé d’interminables
subtilités » (7 : 29). Il lui a confié le soin d’examiner tout ce qui se passe
ici-bas et de l’explorer par une observation méthodique (1 : 13). « Il
donne à celui qui lui est agréable l’intelligence, le savoir et la joie, mais il
impose à celui qui encourt sa disgrâce le soin de recueillir et d’entasser
des biens pour le plaisir de les donner à celui qui jouit de sa faveur » (2 :
26). C’est donc lui qui conduit souverainement la marche du monde
comme la vie de chaque individu, même si « l’homme est incapable de
saisir, dans son ensemble, le dessein que Dieu poursuit du
commencement à la fin » (3 : 11) et de comprendre « la raison de tout
ce que Dieu fait » (8 : 17 ; cf. 11 : 5).
En particulier, l’avenir lui est caché (7 : 14 ; 10 : 14). « L’homme ne sait
pas s’il rencontrera l’amour ou la haine : il peut envisager n’importe quoi.
Tout peut arriver à tous » (9 : 1-2). Pour cette raison, l’Ecclésiaste aussi
affirme que la crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse (5
: 7) et l’obéissance à ses commandements en est le corollaire obligatoire
(12 : 15 cf. 5 : 1-7).

La réalité du jugement
En effet, au-delà de cette vie ici-bas, il est une réalité dont l’Ecclésiaste
est persuadé, c’est celle du jugement. C’est finalement elle qui projette
sur notre vie la lumière tant cherchée. Si Dieu a « implanté au tréfonds
de l’être humain le sens de l’éternité » (3 : 11), c’est pour que l’homme,
même s’il vit de longues années, « se souvienne que l’éternité est bien
plus longue et qu’en comparaison, toutes choses ici-bas sont furtives et
futiles » (10 : 8). Voilà donc la clé ultime du livre : c’est en comparaison
de l’éternité que tout ce qui existe sous le soleil est vanité. C’est cette
éternité qui doit commander notre manière de vivre : « Jeune homme,
réjouis-toi… suis les élans de ton cœur et poursuis ce qui charme tes
yeux, mais n’oublie pas que Dieu te demandera compte de tout ce que
tu fais » (11 : 9). « Pense au Créateur au temps de ta jeunesse » (12 : 1).
« N’attends pas que se rompe le fil argenté (de la vie), que la poussière
retourne à la terre d’où elle est venue et que le souffle de vie remonte à
Dieu qui l’a donné » (12 : 7).
A. Maillot compare le livre à des « affluents d’origines bien diverses,
mais qui convergent tous vers l’embouchure : le chapitre 12155 ». C’est à
la lumière de cette réalité (le jugement), et de ce qui le précède (la
vieillesse et la mort) que l’Ecclésiaste « entend démystifier, contester
toutes les consolations, toutes les recettes de bonheur avec lesquelles
l’homme se rassure […]. Il refuse de croire à toutes les valeurs, les
doctrines, les idoles, les hochets auxquels les hommes vouent leur
confiance156 ». C’est ce chapitre final qui donne à ce livre son unité et
son « mouvement », lui qui sous-tend ce « procès du bonheur » (Glasser)
ou, comme le précise Maillot, « des recettes habituelles du bonheur ».

Des valeurs relatives


Tout ce qu’il a examiné (richesses, plaisir, travail, sagesse) ne saurait
être pris comme valeur absolue, donc valeur durable, susceptible de
donner un sens à la vie. Cependant, parmi ces choses, certaines sont
meilleures que d’autres et ont, relativement, une valeur réelle pour cette
vie.
Après avoir démontré l’inanité de ces choses comme buts de vie,
l’Ecclésiaste les réhabilite comme moyens de rendre l’existence plus
belle ou, du moins, plus supportable : la jouissance modérée des dons
de Dieu (3 : 13 ; 5 : 18-19 ; 8 : 15 ; 9 : 7-10), la sagesse, la
connaissance et la joie accordées par Dieu au juste (2 : 24-26), les
œuvres bonnes (3 : 2), le repos d’esprit (4 : 6). C’est parce qu’on n’a
pas vu cette différence d’optique qu’on a accusé l’auteur de se
contredire. Mais c’est dans cette tension entre valeur absolue et valeurs
relatives que réside le secret d’une vie équilibrée, conforme à la volonté
de Dieu.
A. Maillot a certainement vu juste quand il dit : « Qohéleth n’est pas
contre la joie (par ex. : 12 : 1). Mais elle n’est pas le secret de l’homme.
L’homme est plus que la joie et le plaisir. Et quand la joie devient une
valeur en elle-même, valeur à laquelle l’homme entend se sacrifier, elle
devient triste, elle se dévoile, elle aussi, comme une fragilité totale qui ne
peut pas être le vrai but de cette autre fragilité qu’est l’homme […].
Cette fois encore Qohéleth dénonce certains hommes de son temps
pour qui la poursuite du plaisir était la seule vérité humaine stable […].
Qohéleth ne dénonce donc les œuvres humaines, le plaisir, les
constructions, les richesses et même le vin et l’amour que dans la
mesure où il leur demande de résoudre le mystère de son destin. C’est
la relation de l’homme à ces réalités qui est faussée. C’est la place qu’il
leur donne, le culte qu’il leur voue, qui sont aberrants […]. L’homme a
beau n’être que fragilité, il est infiniment plus que ces fausses valeurs
auxquelles il se consacre157 ». Ainsi s’expliquent bien des contradictions
apparentes dans ce livre, ces dévalorisations juxtaposées aux
valorisations de la sagesse, du travail, de la joie.

Valeur de la sagesse
C’est dans la conduite pratique de la vie que la sagesse révèle ses
avantages (9 : 17) et assure le succès (10 : 10) ; « l’esprit du sage le
dirige tout naturellement du bon côté » (10 : 2) pour lui faire éviter le mal
et tout excès (7 : 18). Elle le préserve des actions précipitées inspirées
par la colère (7 : 8-9), des mesures extrêmes pour corriger les injustices
(8 : 1-9, 10 : 8-11), de la bigoterie comme du zèle iconoclaste (7 : 16-
25), de l’avarice et de l’envie qui aboutissent aux extorsions, à
l’oppression (4 : 1, 4, 7-8), aux révolutions (4 : 13-16). Mais une seule
folie peut gâcher ce que toute une vie de sagesse a édifié (9 : 18 ; 10 :
1).

Valeur du travail
Tous les ouvrages que l’homme a faits et toute la peine qu’il s’est
donnée ne sont que vanité (2 : 11), on ne sait pas qui en profitera après
sa mort (2 : 18 ; 4 : 7-8), même pendant sa vie, on peut être privé du
fruit de son travail (5 : 12 ; 6 : 6) qui, de toute façon, est si vite dépensé
(5 : 10). Mais l’inaction est encore pire : la paresse détruit l’homme (4 :
5) et engendre pauvreté et ruine (10 : 18 ; 11 : 4), le travailleur a le
sommeil doux (5 : 12) et le travail en commun offre bien des
satisfactions (4 : 9). C’est pourquoi l’Ecclésiaste exhorte quand même
au travail : « Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le » (9 :
10). « Dès le matin, sème ta semence, et le soir ne laisse pas reposer ta
main » (11 : 6).

Valeur de la joie
Même paradoxe pour la jouissance et la joie : elles ne peuvent donner
un sens à la vie (2 : 2, 10 : 1 ; 7 : 3-6) ; et pourtant, Dieu a créé l’homme
pour le bonheur et « faire jouir son âme du bien-être, au milieu de son
travail […] cela aussi vient de la main de Dieu » (2 : 24). Le bonheur,
pour l’homme, c’est de « se réjouir et se donner du bien-être » (3 : 12), «
se réjouir de ses œuvres » (3 : 22). « J’ai donc loué la joie » (8 : 15) ; «
Va, mange avec joie ton pain et bois gaiement ton vin, car depuis
longtemps Dieu prend plaisir à ce que tu fais. […] Jouis de la vie avec la
femme que tu aimes […], car c’est ta part dans la vie » (9 : 7-9). « La
lumière est douce, et il est agréable de voir le soleil […] que l’homme se
réjouisse donc » (11 : 7-8).
S’il prend cette attitude, ce n’est pas parce qu’il « refuse de s’enfermer
dans la geôle d’une logique rigoureuse158 », mais parce qu’il obéit à une
logique qui transcende nos raisonnements cartésiens, à une logique
existentielle qui, seule, permet d’affronter les contradictions que la vie
elle-même nous présente.

La seule issue
Ainsi celui qui a suivi l’Ecclésiaste à travers les méandres de son
itinéraire, qui a rebroussé chemin avec lui dans tous les culs-de-sac où il
a mené son lecteur, voit comme seule issue du labyrinthe, la foi en ce
Dieu créateur, Souverain, Sagesse insondable. La foi pousse parfois sur
le terrain du doute et du scepticisme à l’égard de tout ce qui nous est
prôné comme valeur ici-bas. C’est le service que l’Ecclésiaste veut
rendre à ceux qui n’acceptent pas d’emblée la sereine assurance des
Proverbes, il les exhorte à pousser jusqu’au bout leur raisonnement et
leur recherche pour constater, effectivement, que toutes ces avenues
tant vantées ne mènent nulle part.
Lorsque nous sommes arrivés au point où nous commençons à
craindre qu’un haussement d’épaules soit le seul commentaire honnête
à tout ce monde voué à la mort, où rien n’a de l’importance sous le
soleil, alors nous sommes prêts à entendre la bonne nouvelle que tout a
de l’importance car Dieu amènera toutes choses en jugement. « Sur ce
roc, nous pouvons être détruits, mais c’est du roc, pas du sable
mouvant. Il y a là une possibilité de construire159 ».
C’est sur ce même roc que Jésus a construit : il a résumé et prolongé
la pensée de l’Ecclésiaste en disant : « Que servirait-il à un homme de
gagner le monde entier, s’il perdait son âme ? » (Matthieu 16 : 26), et : «
Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu et toutes ces
choses vous seront données par-dessus » (Matthieu 6 : 33).
Ecclésiaste

Prologue
1 Voici ce qu’a dit le chef de l’assemblée (du peuple), fils de David, qui fut roi
à Jérusalem :
2 Tout est futile et inutile160. Il n’y a rien de valable ni de permanent (ici-bas),
tout n’est que fumée fuyante !
3 L’homme passe sa vie à travailler, quel profit durable tire-t-il de toute la
peine qu’il se donne sous le soleil ? 161 ? 4 Une génération s’en va, une autre
vient, et la terre est toujours là, (toujours pareille). 5 Le soleil se lève, le soleil
se couche, il revient haletant vers l’endroit d’où il devra de nouveau se lever.
6 Les vents soufflent tantôt vers le sud, tantôt vers le nord, ils tournent, et

retournent, vont et viennent et reprennent les mêmes circuits. 7 Tous les


fleuves se jettent dans la mer, mais la mer n’en est pas plus remplie. Et l’eau
retourne au lieu d’où sourdent les fleuves, et les fleuves reprennent leur
cours, incessamment, invariablement. 8 Tout est en mouvement, mais le sens
de ce travail perpétuel échappe aux hommes. L’œil a beau voir : il n’est
jamais rassasié.
9 L’oreille a beau entendre : elle n’est jamais assouvie. L’histoire est un
perpétuel recommencement : ce qui a été, sera encore ; ce qui s’est fait, se
fera encore : il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
10 Si l’on vous dit : « Tenez ! Voilà du nouveau », n’en croyez rien, car cela a
déjà existé dans les siècles qui nous ont précédés. 11 Seulement, on ne se
souvient plus de ce qui s’est passé autrefois. Et il en sera de même dans
l’avenir : ceux qui viendront après nous ne laisseront aucun souvenir auprès
de ceux qui les suivront.

Où trouver le bonheur ?
Dans la sagesse ?
12 Moi, le chef de l’assemblée, je suis devenu roi d’Israël à Jérusalem162. 13 Et j’ai
pris à cœur d’étudier tout ce qui se passe ici-bas, j’ai appliqué toute ma
pensée à l’explorer par une observation méthodique. C’est là une besogne
bien ingrate que Dieu impose aux hommes pour qu’ils soient absorbés par
elle163.
14J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil et je suis arrivé à la conclusion que
tout est pour rien* : autant courir après du vent !
15 Cequi est courbe ne sera jamais droit et ce qui n’est pas ne saurait être pris
en compte.
16 Je me suis dit : Voici, je suis devenu puissant et je sais beaucoup de choses,
j’ai acquis une grande sagesse et j’ai fait progresser la réflexion plus qu’aucun
de ceux qui ont vécu avant moi à Jérusalem. Mon intelligence a vu le fond
des choses, mon esprit est rempli d’expérience et de connaissance.
17J’ai, en effet, appliqué toute mon attention à connaître la sagesse et la
science et à dépister ce qui est déraisonnable et stupide. Et je me suis aperçu
que cela aussi, c’était courir après du vent. 18 Car, plus vous aurez de sagesse,
plus vous aurez de tristesse. Augmentez vos connaissances, vous
augmenterez vos souffrances.
Dans les plaisirs ?

2 Je cherchais le bonheur. Alors, je me suis dit : « Va donc, laisse-toi tenter


par le plaisir, jouis de la vie et donne-toi du bon temps ! C’est cela le
bonheur ! »
Mais il m’a fallu reconnaître que cela aussi était futile et décevant*.
2De la gaieté, j’ai dit : « C’est stupide », et du plaisir : « Qu’est-ce que cela me
rapporte ? »
Dans les grands travaux ?
3 Puis j’ai décidé, en mon for intérieur, de livrer mon corps à l’attrait du vin –

tout en restant intérieurement attaché à la sagesse. J’ai donc résolu de faire


une place à la folie et de suivre momentanément ses impulsions, le temps de
voir ce qui est le mieux pour les hommes qui s’affairent ici-bas pendant les
jours qu’ils ont à y vivre.
4 J’aientrepris de grands travaux. Je me suis bâti des maisons. J’ai planté des
vignes. 5 Je me suis aménagé des jardins et des parcs – de vrais paradis ! – et
j’y ai planté des arbres fruitiers de toute espèce. 6 J’ai créé des lacs artificiels
pour irriguer des pépinières où s’épanouissaient de magnifiques arbres164.
7 Je me suis procuré des esclaves et des servantes, j’avais un personnel
domestique nombreux. J’ai possédé en abondance du gros et du menu bétail,
si bien que j’avais un cheptel plus nombreux que tous ceux qui ont vécu
avant moi à Jérusalem165.
8 En même temps, j’ai amassé des quantités d’argent et d’or, provenant des
trésors des rois et des tributs des provinces que j’ai gouvernées. J’ai constitué
un chœur de chanteurs et de chanteuses et possédé tout ce qui fait les
délices des hommes : j’ai eu autant de femmes qu’un homme peut en
désirer166.
9 Ainsi je devins puissant, et je surpassai tous ceux qui avaient vécu avant
moi à Jérusalem. Avec cela, je demeurai suffisamment lucide (pour juger
sainement de toutes choses). 10 J’ai satisfait tous les désirs de mes yeux. Je
n’ai refusé aucun plaisir à mon cœur. J’ai eu tout ce que je désirais. Oui, j’ai
joui pleinement et de tout mon être des fruits de mon travail, et c’est la part
qui m’est revenue de toute la peine que je me suis donnée.
11Puis j’ai considéré l’ensemble de mes réalisations, tous les travaux que mes
mains avaient accomplis et toute la peine que leur exécution m’avait coûtée.
Et je me suis rendu compte que tout n’était que vanité*: autant courir après
du vent. Il ne reste rien de durable de tout ce qu’on fait sous le soleil.

Tout ce que fait l’homme ne mène à rien


12 Ensuite, j’ai pensé à mon successeur : après tout, que pourra-t-il faire…
sinon ce qui s’est déjà fait avant lui ? Alors je me suis mis à examiner où est la
différence si quelqu’un est sage ou s’il est insensé.
13Oh ! je sais bien : « La sagesse surpasse la bêtise autant que la lumière
surpasse les ténèbres » 14 « Et le sage n’a pas ses yeux dans sa poche : il voit
où il marche, mais l’insensé tâtonne dans les ténèbres. » Soit ! Mais, quant à
moi, j’ai reconnu aussi qu’un même sort attend l’un et l’autre. 15 Alors, je me
suis dit : si mon sort doit être le même que celui de l’insensé, à quoi me sert
alors toute ma sagesse ? Qu’est-ce que j’y gagne à vouloir être encore plus
sage ? J’ai conclu que cela encore était une chose vaine*.
16 Caril n’y a pas plus de « souvenir éternel » pour le sage que pour l’insensé
et, dans les temps à venir, tous deux tomberont dans l’oubli. Car l’insensé
mourra, c’est certain, mais le sage aussi, et ce sera pareil pour les deux !
17 Alors,
je me suis mis à haïr la vie, car tout ce qui se passe sous le soleil me
devint odieux, parce que tout est futile et inutile*: autant courir après du vent
!
18 Je finis par prendre en dégoût tous les travaux que j’avais accomplis sous
le soleil et pour lesquels je m’étais donné tant de peine, parce que je devrai
tout laisser à mon successeur. 19 Et qui peut savoir s’il sera sage ou sot ?
Pourtant, c’est lui qui disposera de tout ce que j’ai acquis par mon travail, de
tous les biens que j’ai amassés à force de soucis et dans lesquels j’ai placé
l’ingéniosité qui m’a été donnée ici-bas167. Tout pour rien ! N’est-ce pas
absurde et décevant*?
20 Aussi j’en suis arrivé à regretter de m’être donné tant de peine sous le
soleil. 21 En effet, vous menez une vie sage et laborieuse, vous travaillez avec
intelligence et adresse, et c’est à quelqu’un qui ne s’en est jamais soucié qu’il
vous faut laisser tout ce que vous avez gagné. C’est non seulement absurde
et décevant*, mais c’est profondément injuste. 22 Car, que vous restera-t-il de
tout votre travail, de toutes les préoccupations et aspirations de votre cœur,
de tous les tracas que vous vous êtes donnés sous le soleil ?
23 En effet, toutes vos journées ne sont que tourment et peine et vos
occupations ne vous rapportent que des chagrins. Même la nuit, votre esprit
ne trouve pas de repos. Tout cela n’est-il pas vide de sens* ?

Apprécie les biens que Dieu te donne


24 Il
n’y a donc rien de mieux à faire pour l’homme que de manger et de boire
et de jouir de quelques plaisirs comme fruit de ses peines. Mais j’ai constaté
que cela aussi dépend de Dieu.
25 En effet, si vous pouvez manger et jouir de la vie, n’est-ce pas grâce à lui168
? 26 Car Dieu donne à l’homme qui lui est agréable l’intelligence, le savoir et la
joie, mais il impose à celui qui encourt sa disgrâce le soin de recueillir et
d’entasser des biens pour le plaisir de les donner à celui qui jouit de sa faveur.
Une fois de plus : combien tout est absurde : tout n’est que fumée fuyante*.
Accepte les temps comme ils viennent

3 Tout ce qui arrive ici-bas vient au moment opportun décidé par Dieu lui-
même169. 2 C’est lui qui détermine le moment de naître et celui de mourir,
le moment de planter et le moment d’arracher le plant, 3 le moment de tuer et
le moment de soigner les blessures, le moment d’abattre et le moment de
construire. 4 C’est lui qui fixe le temps des pleurs et celui des rires, le temps de
la tristesse et celui des danses de joie, 5 le temps de disperser les pierres et
celui de les ramasser, le temps pour s’embrasser et le temps pour s’abstenir
de caresses.
6 Il décide quand vient le moment de chercher et quand il faut laisser perdre,
quand il faut conserver et quand il faut jeter, 7 quand il faut déchirer et quand
il faut recoudre, quand il faut garder le silence et quand vient le moment de
parler, 8 quand il faut aimer et quand il faut haïr, quand il faut déclarer la
guerre et quand il faut signer la paix.
L’œuvre de Dieu est parfaite
9 Quel avantage celui qui travaille retire-t-il de la peine qu’il se donne ? 10 J’ai

considéré les différentes occupations que Dieu a imposées aux hommes pour
qu’ils y soient entièrement absorbés. 11 Toutes les choses que Dieu a faites
sont belles et bonnes… en leur temps, c’est-à-dire celui qu’il a décidé pour
elles. Il a même implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité, et il
a donné à l’homme le désir de connaître l’avenir. Et pourtant, l’homme est
incapable de saisir, dans son ensemble, le dessein que Dieu poursuit du
commencement à la fin.
12Aussi ai-je conclu que tout ce que nous pouvons faire, c’est de jouir du
bonheur et de nous donner du bon temps durant notre vie. 13 Car, si nous
pouvons manger et boire et jouir des fruits de notre travail, c’est à Dieu que
nous le devons : c’est un cadeau de sa part.
14 J’aicompris également que tout ce que Dieu fait demeurera pour toujours :
il n’y a rien à y ajouter, rien à en retrancher. Et Dieu l’a fait ainsi pour qu’on ait
une attitude de respect devant lui. 15 Ce qui existe aujourd’hui existait déjà
dans le passé, et ce qui sera dans l’avenir est déjà. Ce qui semblait avoir
disparu pour toujours, Dieu le recherche pour que cela existe encore, car il
veut la continuité.

Désordres dans la société humaine


Injustices
16 J’ai encore constaté autre chose sous le soleil : là où devrait régner le droit,

la méchanceté triomphe. 17 Je me suis dit : Dieu jugera le juste et l’injuste, car il


a fixé un temps opportun pour chaque chose et un lieu où il prononcera son
jugement sur toute action. 18 Et j’en ai conclu que les choses étaient ainsi
parce que Dieu voulait éprouver les hommes : il faut qu’ils constatent eux-
mêmes qu’ils ne sont, en fait, nullement supérieurs aux bêtes. 19 Car, après
tout, leur sort et celui des bêtes est identique : la même fin les attend. La mort
des uns vaut celle des autres. Un même souffle les anime tous. L’homme n’a
rien de plus que l’animal, car tout est futile et vain*. 20 Tous deux s’acheminent
vers une même destination : la poussière. Tout a été tiré de la poussière et
tout retourne à la poussière. 21 Qui connaît vraiment l’esprit de l’homme qui
monte vers le haut et le souffle de la bête qui descend vers le bas ? 22 D’où je
conclus que l’homme n’a rien de mieux à faire qu’à jouir de ses œuvres, car
telle est la condition humaine. En effet, qui donc le fera revenir pour jouir de
ce qui sera après lui ?
Oppressions

4 Puis j’ai tourné mes regards vers toutes les violences qui se commettent
sous le soleil. Partout j’ai vu les opprimés verser des larmes et il n’y a
personne pour les consoler, car la force est du côté de leurs bourreaux et elle
fait hésiter les consolateurs éventuels. 2 Alors j’ai envié les morts qui ont déjà
fini leur carrière : ils sont plus heureux que les vivants qui n’ont pas achevé la
leur. 3 Et plus heureux que tous est encore celui qui n’a jamais existé parce
qu’il n’a pas vu tous les méfaits qui se commettent sous le soleil.
Rivalités
4 J’ai aussi découvert pourquoi les hommes travaillent si dur, pourquoi ils
cherchent leur avantage dans les affaires : c’est qu’ils sont jaloux les uns des
autres : chacun veut surpasser son voisin. Mais cela encore est futile et
inutile*: autant courir après le vent.
5On dit que celui qui se croise les bras est un insensé et qu’il se détruit lui-
même.
6 (Peut-être,
mais) ne vaut-il pas mieux vivre heureux et paisible avec peu de
chose plutôt que d’avoir les deux mains pleines de travail et de se
tourmenter l’esprit si, en fin de compte, tout revient à courir après le vent ?
Égoïsme
7 En continuant à observer, j’ai remarqué une autre absurdité* sous le soleil : 8

Voilà un homme seul qui n’a personne pour lui succéder : ni fils ni frère, et
pourtant, il travaille sans repos et sans trêve. Jamais son œil ne se lasse de
voir affluer chez lui les richesses, et il ne lui viendrait pas à l’esprit de se dire :
« Pour qui donc est-ce que je travaille ? Pourquoi est-ce que je me prive de
tout ce qu’il y a de bon dans la vie ? » Encore une absurdité* et une mauvaise
chose !
9 Mieux vaut vivre à deux que tout seul, car on profite mieux de son travail. 10
Si l’un tombe, l’autre soutient et relève son compagnon, mais malheur à celui
qui est seul et qui vient à tomber sans avoir personne pour l’aider à se
relever. 11 De même, si deux personnes dorment ensemble, elles se tiennent
chaud, mais comment celui qui est seul se réchauffera-t-il ?
12Un homme seul est facilement maîtrisé par un agresseur, mais à deux ils
sauront lui tenir tête. Et une corde à triple brin n’est pas facile à rompre.
Instabilité
13-15 J’ai vu un roi âgé et stupide qui ne savait même plus écouter les conseils.

J’ai aussi vu toute la foule des gens qui vont et viennent sous le soleil, et j’ai
pensé que, parmi eux, il pouvait y avoir un jeune homme pauvre, mais
intelligent qui s’emparerait du pouvoir. Mieux vaut être ce jeune homme que
ce vieux roi, car peu importe qu’il soit né pauvre dans son futur royaume,
qu’il sorte même de la prison avant d’accéder au trône, il verra toute la foule
de ses contemporains se rallier à lui pour lui faire usurper la place du vieux
roi170 16 Et le voilà à la tête d’une foule immense qu’il traîne à sa remorque. Et
pourtant, la génération suivante n’aura pas davantage à se féliciter d’avoir un
tel roi ! Là encore, combien tout est futile et inutile*, furtif et décevant : autant
courir après le vent.

Dieu est au ciel, toi sur la terre


17Veille bien sur tes pas lorsque tu te rends à la maison de Dieu, il est
préférable d’écouter plutôt que d’offrir des sacrifices à la manière des
insensés qui n’ont même pas conscience de faire le mal.

5 Ne sois pas pressé d’ouvrir la bouche et ne te laisse pas pousser par ton
cœur à formuler hâtivement des promesses en présence de Dieu, car Dieu
est au ciel, et toi tu es sur la terre. C’est pourquoi ne parle pas plus qu’il ne
faut. 2 En effet, plus tu te fais de soucis, plus tu risques de faire de mauvais
rêves ; et plus tu parles, plus tu risques de faire des promesses inconsidérées.
3Si tu as fait une promesse à Dieu, accomplis-la sans tarder car les insensés
déplaisent à Dieu. Ce que tu as promis, tiens-le. 4 Il vaut mieux ne pas faire de
vœu qu’en faire et ne pas s’en acquitter.
5 Ne permets pas à ta bouche de charger ton être entier d’un péché et ne te
mets pas dans une situation où tu seras obligé de dire au représentant de
Dieu : « C’est un malentendu ». Pourquoi donnerais-tu à Dieu une occasion de
s’irriter contre toi à cause de tes paroles et de faire échouer tes entreprises ? 6
Car l’excès de rêveries n’aboutit qu’à beaucoup de paroles en l’air. C’est
pourquoi : respecte Dieu.

À quoi servent les richesses ?


7 Si
tu vois dans une province que les pauvres sont opprimés, que la justice et
le droit sont bafoués, ne t’étonne pas trop de la chose, car chaque
fonctionnaire est couvert par son chef… qui l’est à son tour par les autorités
supérieures. 8 Malgré tout, c’est encore un avantage pour un peuple d’avoir
un roi qui règne sur un champ bien cultivé et auquel le pays reste soumis.
9 Celui qui aime l’argent n’en aura jamais assez et celui qui se complaît dans
l’aisance ne sera jamais satisfait. Voilà encore une absurdité*.
10 Plusles biens augmentent, plus se multiplient les parasites qui les dévorent.
Et quel avantage en tire leur possesseur, si ce n’est de jouir du spectacle ?
11 Douxest le sommeil du travailleur, qu’il ait peu ou beaucoup à manger, mais
l’abondance même du riche l’empêche de dormir tranquille.
12 J’ai vu sous le soleil une autre calamité grave : c’est qu’un homme garde
jalousement des richesses pour lui-même, et qu’elles font en fin de compte
son malheur.
13En effet, si elles viennent à disparaître dans quelque mauvaise affaire, le fils
qu’il a mis au monde sera réduit à la misère.
14 Nous sortons nus du sein de notre mère, nous partirons comme nous
sommes venus, sans garder dans nos mains une miette du fruit de notre
travail. 15 Et c’est bien déprimant de penser qu’il nous faut repartir comme
nous sommes venus. Quel intérêt y a-t-il donc à travailler pour le vent ? 16 La
vie durant, nos jours s’écoulent sombres et tristes, pleins de chagrins, de
souffrances et de ressentiments.

Jouis de la vie que Dieu te donne !


17Voici ce que j’en ai conclu : la seule chose, qui convienne à l’homme et lui
permette de tirer parti de sa vie, c’est manger et boire et jouir du bonheur.
Qu’il profite du bien-être acquis par son travail, c’est le fruit de toute la peine
qu’il s’est donnée sous le soleil pendant les quelques jours que Dieu lui donne
à vivre ; c’est là sa part. 18 En effet, si Dieu donne à un homme ici-bas171 des
richesses et des biens, s’il lui accorde la santé et la faculté de profiter du fruit
de son travail, qu’il considère cela comme un cadeau de Dieu, qu’il soit
reconnaissant et qu’il en jouisse. 19 Car du moment que Dieu remplit son cœur
de joie, l’homme ne se préoccupera guère de la brièveté de son existence172.

6 J’ai constaté, (à ce sujet) une profonde injustice sous le soleil : elle pèse
2
lourdement sur les hommes. Voilà quelqu’un à qui Dieu a donné
richesses, biens et honneurs, si bien qu’il ne lui manque rien de ce qu’il peut
désirer. Mais Dieu ne le laissera pas jouir de tout cela, et c’est un étranger qui
en profitera. N’est-ce pas absurde et décevant* ?
3 Si un homme avait cent enfants et vivait de longues années, quelque
nombreux que soient les jours de son existence, s’il ne sait pas profiter des
biens qu’il a en partage et jouir du bonheur – même s’il ne devait jamais
descendre dans la tombe – je prétends qu’un enfant mort-né est plus
heureux que lui. 4 Car l’avorton est né en vain* et il retourne dans la nuit, son
nom reste à jamais dans l’obscurité. 5 Il n’aura pas vu le soleil, ni su qu’il
existait. Il jouit donc d’un repos que cet homme ignore. 6 À quoi bon vivre
deux fois mille ans si on ne sait pas ce que c’est que d’être heureux ?
Finalement, toutes choses ne s’acheminent-elles pas vers le même terme ?
7L’homme ne peine que pour manger, et pourtant ses désirs ne sont jamais
satisfaits. 8 Qu’est-ce que le sage a de plus que l’insensé ? Quel avantage le
pauvre malheureux a-t-il de savoir se conduire correctement sur le chemin
de la vie ? 9 Mieux vaut jouir de ce que l’on voit que de le poursuivre. Car
cela encore est une chose absurde*. C’est courir après du vent.

L’attitude du sage
10 Lacondition de l’homme est déterminée d’avance par son nom : Adam, fils
de la terre ; on sait ce qu’est un homme, et qu’il ne peut pas contester avec
plus fort que lui. 11 Plus vous dépenserez de paroles là-dessus, moins elles
auront de sens*. Et quel avantage en tirerez-vous ? 12 Qui peut savoir, en effet,
ce qui convient le mieux à l’homme pendant sa vie, pendant les quelques
jours de sa vaine existence qu’il voit fuir comme une ombre ? Qui pourra lui
révéler ce qui arrivera après lui sous le soleil ?

Ce qui vaut mieux


7 Mieux vaut un bon renom qu’un bon parfum, et le jour où l’on meurt est
préférable à celui où l’on naît.
2 Mieux vaut se rendre dans une maison en deuil que dans celle où l’on
festoie, car celle-là nous rappelle que la mort est la fin de tout homme et il est
bon d’y réfléchir pendant qu’on est en vie.
3Mieux vaut la tristesse que la gaieté, car sous une apparence sévère, le
cœur peut être heureux.
4 Lesinsensés ne songent qu’à jouir du bonheur et à se réjouir. Le sage pense
à sa mort173.
5 Mieux vaut écouter les critiques d’un homme sage que de se laisser séduire
par les flatteries des insensés. 6 Car les rires de l’insensé sont comme le
crépitement des épines sous une marmite : c’est du néant absurde et vain.*
7 L’oppression affole le sage et les cadeaux lui font perdre la tête.
8Mieux vaut juger une entreprise sur son aboutissement plutôt que sur son
début. Mieux vaut un esprit patient et endurant qu’une présomption hautaine.
9Ne cède pas trop vite à un mouvement d’irritation, car c’est dans le cœur
des insensés que la colère élit domicile.

Garde-toi des extrémismes !


10Garde-toi de dire : « Pourquoi, au bon vieux temps, était-ce mieux
qu’aujourd’hui ? » Car ce n’est pas la sagesse qui te dicte une telle question.
11Bonne et précieuse est la sagesse, plus utile qu’un héritage : c’est le plus
grand trésor de ceux qui voient le soleil. 12 Car sa protection vaut bien celle
que procure l’argent ; la sagesse et la science ont l’avantage de faire vivre
ceux qui les possèdent.
13Considère les œuvres de Dieu : qui donc pourra rendre droit ce qu’il a
courbé ?
14Au jour du bonheur, jouis du bonheur ; au jour du malheur, prends garde,
car l’un et l’autre viennent de Dieu ; si bien que l’homme ne peut rien
découvrir de ce qui doit lui arriver.
15J’ai vu tout cela au cours de mon existence éphémère*: ici un juste périt,
malgré son innocence, là, un méchant prolonge ses jours malgré sa
perversité.
16 Ne sois pas juste outre mesure et ne joue pas trop au sage, pourquoi te
rendrais-tu ridicule ? 17 Ne sois pas non plus trop méchant et ne deviens pas
insensé, pourquoi voudrais-tu mourir avant l’heure ? 18 Tu feras bien de tenir
l’un des bouts sans lâcher l’autre, car celui qui craint Dieu évite tout excès et
échappe aux dangers des deux côtés.
19 Lasagesse rend un homme plus invulnérable qu’une ville défendue par dix
capitaines.
20 Il n’y a, sur terre, aucun juste qui fasse toujours le bien sans jamais pécher.
21Garde-toi donc de prêter attention à toutes les paroles que tu peux
surprendre ou que l’on te rapporte. 22 Si ton serviteur te dénigre, n’écoute pas,
car en ton âme et conscience, tu sais bien qu’il t’est arrivé à toi-même de
dénigrer les autres.
23Tout cela, j’ai essayé de le comprendre avec sagesse, en me disant sans
cesse : je veux acquérir encore plus de sagesse. Mais j’en suis loin.
24 L’essence des choses est hors de ma portée. Elle est beaucoup trop
profonde pour qu’on puisse l’atteindre. 25 Mais je me suis appliqué de tout
mon cœur à réfléchir et à examiner toutes choses pour trouver le parti le
plus sage et le plus raisonnable. J’ai reconnu combien le mal est
déraisonnable et une mauvaise conduite stupide.

La femme
26 J’ai découvert quelque chose de plus amer que la mort : c’est une femme
dont le cœur n’est que guet-apens et piège, et dont les bras sont des chaînes.
Celui qui jouit de la faveur de Dieu échappera à ses griffes, mais le pécheur s’y
laissera prendre.
27 Vois-tu, dit le chef de l’assemblée, tel est le résultat de mon expérience
après examen des choses l’une après l’autre pour en découvrir le sens… 28
que, d’ailleurs, je cherche encore sans le trouver. Sur mille hommes, j’en ai
trouvé un (qui soit vraiment un homme), mais parmi toutes les femmes que
j’ai connues, je n’en ai pas découvert une seule.
29Voilà la seule chose que j’ai trouvée : Dieu a fait les hommes également
droits ; mais ce sont eux qui ont cherché beaucoup de complications.

8 Qui est comparable au sage ? Qui sait, comme lui, analyser une situation ?
« La sagesse d’un homme illumine son visage et l’austérité de ses traits en
est transformée. »

Devant le roi
2 Aie les yeux fixés sur la bouche du roi pour obéir à ce qu’il commande,
comme tu en as fait serment à Dieu. 3 Ne te hâte pas de t’éloigner de sa
présence, mais ne t’obstine pas à défendre une mauvaise cause devant lui,
car le roi fait toujours ce qui lui plaît. 4 En effet, sa parole est souveraine. Qui
oserait lui dire : « Pourquoi fais-tu cela ? » 5 Celui qui s’en tient à ses ordres ne
se mettra pas dans une situation fâcheuse, et le cœur du sage saura discerner
le moment opportun et la bonne manière de s’y prendre.

Nul ne sait ce qui arrivera demain


6 Pour toute chose, en effet, il y a un temps opportun et une manière de s’y
prendre. Pourtant, le malheur de l’homme l’accable. 7 Nul de nous, en effet, ne
sait ce qui arrivera. Qui pourrait nous dire comment les choses se passeront ?
8 Personne n’est maître de son souffle de vie et ne peut le retenir à son gré,

personne n’a de pouvoir sur le jour de sa mort : aucun homme ne peut


esquiver ce dernier combat, et ce n’est pas la perfidie qui sauvera celui qui s’y
livre.

Obscurités
9 Tout cela, je l’ai vu et j’ai beaucoup réfléchi à tout ce qui se fait sous le soleil.
Il arrive qu’un homme domine sur les autres pour les rendre malheureux. 10
C’est ainsi que j’ai vu des méchants escortés à leur tombe, et les braves gens
de la ville, en revenant du cimetière, avaient déjà oublié comment le défunt
avait agi. Cela encore est une chose absurde et décevante* !
11 Parce
que Dieu ne sanctionne pas immédiatement les mauvaises actions, les
hommes s’enhardissent et leur cœur se remplit du désir de faire le mal.
12 Mais,bien que le pécheur puisse faire cent mauvais coups et voir prolonger
ses jours, je sais cependant que le bonheur est réservé à ceux qui révèrent
Dieu et que sa présence remplit de respect, 13 mais qu’il n’y aura pas de
bonheur pour le méchant : ceux qui n’éprouvent nulle crainte en présence de
Dieu disparaîtront bien vite, comme des ombres fugitives.
14Il y a une autre chose décevante* qui se passe sur la terre : certains justes
subissent le sort qui conviendrait aux impies pour leurs agissements, et des
coupables sont traités comme s’ils avaient agi en justes. « Encore une
obscurité* » (de la vie), me suis-je dit174.
15C’est pourquoi j’ai fait l’éloge de la jouissance puisqu’il n’y a pas d’autre
bonheur pour l’homme sous le soleil que de manger, de boire et de se réjouir,
et que c’est là tout ce qu’il peut tirer des travaux pénibles auxquels il se livre
pendant les jours que Dieu lui accorde de vivre sous le soleil.

Bilan
16Après m’être ainsi appliqué de tout mon cœur à chercher la sagesse et
avoir considéré les préoccupations auxquelles l’homme se livre ici-bas, j’ai
reconnu que, même s’il refusait nuit et jour le sommeil à ses yeux, 17 il serait
incapable de découvrir la raison de tout ce que Dieu fait sous le soleil : il a
beau se fatiguer à chercher, il ne la trouvera pas. Et même si le sage prétend
savoir, en réalité il n’y comprend rien.

Souveraineté de Dieu
9 Oui, j’ai beaucoup réfléchi à tout cela, j’ai appliqué mon intelligence à tirer
ces choses au clair et j’ai compris que les justes, les sages et tous leurs
travaux sont dans la main de Dieu. L’homme ne sait pas s’il rencontrera
l’amour ou la haine : il peut envisager n’importe quoi. 2 Tout peut arriver à
tous : le même sort atteint le juste et le méchant, celui qui est bon et pur, et
celui qui est impur ; celui qui offre des sacrifices et celui qui n’en offre pas.
L’innocent est traité comme le pécheur, le parjure comme celui qui respecte
son serment. 3 Une des choses les plus navrantes parmi tout ce qui se passe
sous le soleil est que tous les hommes soient soumis à un sort identique. Voilà
pourquoi le cœur des hommes est rempli de méchanceté et que la déraison
règne sur leur âme tant qu’ils vivent. Après ? Après, il y a la mort ! 4 Qui en
serait exempt ? « Tant qu’il y a vie, il y a espoir ! Chien vivant vaut mieux que
lion mort ! » 5 En effet, les vivants, du moins, savent qu’ils mourront ; mais les
morts ne savent plus rien du tout. Ils n’ont plus rien à gagner, leur souvenir
même s’efface. 6 Leur amour, leur haine, leur envie, tout s’est, depuis
longtemps, évanoui. Ils n’auront plus jamais part à tout ce qui se fait sous le
soleil.
Jouis du bonheur !
7 Va donc, mange ton pain dans la joie et bois de bon cœur ton vin, car
depuis longtemps, Dieu prend plaisir à ce que tu fais. 8 Qu’en tout temps tes
vêtements soient blancs et que le parfum ne manque pas sur ta tête. 9 Jouis
de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de l’existence
fragile et fugitive* que Dieu t’accorde sous le soleil, oui, tout au long de ces
jours éphémères et incertains*, puisque c’est ta part dans la vie au milieu de
toute la peine que tu te donnes sous le soleil. 10 Tout ce qui se présente à
portée de ta main et que tu trouves la force de faire, fais-le, car on ne peut
plus ni agir, ni penser, ni savoir, ni acquérir de sagesse dans le séjour des
morts vers lequel se dirigent tous tes pas.

Avantage et limites de la sagesse


11En poursuivant mon enquête, j’ai encore constaté qu’ici-bas175, ce ne sont
pas les plus agiles qui gagnent la course, ni les plus forts qui remportent la
victoire dans les combats, les sages peuvent manquer de pain, la richesse
n’est pas donnée en fonction de l’intelligence et les faveurs ne récompensent
pas les plus capables, car tout dépend du temps et des circonstances.
12 En effet, l’homme ne connaît pas l’heure de sa destinée, il est pareil aux
poissons qui sont pris dans des nasses perfides, il ressemble aux passereaux
attrapés dans des filets : comme eux, les humains sont surpris à l’heure fatale,
le malheur fond sur eux à l’improviste.
13 Voiciencore un cas significatif que j’ai observé et qui nous montre comment
la sagesse est considérée ici-bas176 : 14 il y avait une petite ville n’ayant que
peu d’habitants. Un roi puissant marcha contre elle, l’assiégea et dressa contre
elle des retranchements considérables. 15 Dans la ville se trouvait un homme
pauvre mais doué d’une grande sagesse qui lui permit de sauver la ville. Mais
personne n’a gardé le souvenir de cet homme : c’était un pauvre177 !
16 J’ai
toujours dit que la sagesse vaut mieux que la bravoure, mais la sagesse
du pauvre est méconnue et ses paroles ne trouvent pas d’écho.
17La voix du sage que l’on écoute dans le calme a plus de valeur que les
discours bruyants d’un chef parmi des gens qui ont perdu la tête. 18 La
sagesse vaut mieux que les engins de guerre, mais il suffit d’une seule faute
pour gâcher beaucoup de bien.
Un instant de folie
10 Les mouches mortes gâtent et font fermenter l’huile parfumée. La folie
d’un instant détruit ce qu’a édifié une vie de sagesse et de bonne
réputation.
2 L’esprit du sage le dirige tout naturellement du bon côté, tandis que celui de
l’insensé le pousse du côté néfaste. 3 En effet, quelque chemin que ce dernier
suive, il manque de bon sens et reprochera aux autres d’être fous178.
4 Si la mauvaise humeur du chef se tourne contre toi, ne quitte pas trop vite
ta place, car le calme évite de graves fautes.

Revers de fortune
5 Il est un autre mal que j’ai constaté sous le soleil et qui a tout l’air d’une
méprise de la part de ceux qui gouvernent : 6 l’insensé est promu aux postes
les plus élevés alors que des gens de valeur restent dans des emplois
subalternes. 7 J’ai vu des esclaves aller à cheval et des princes marcher
comme des esclaves.
8 Qui creuse un trou y tombera, et qui abat un mur sera mordu par un
serpent. 9 Qui arrache des pierres en sera blessé, et qui fend du bois le fait à
ses risques et périls.
10Si le tranchant de la hache est émoussé et qu’on ne l’aiguise pas, il faudra
redoubler d’efforts, mais la sagesse a l’avantage d’assurer le succès.
11 Si
le serpent mord parce qu’il n’a pas été charmé, l’art du charmeur ne sert
plus à rien.

Veille sur tes paroles !


12Les paroles du sage lui attirent la sympathie, mais les lèvres de l’insensé
causent sa perte. 13 Il commence par dire des sottises et finit en proférant les
pires insanités.
14Le sot a beau multiplier les paroles, l’homme ignore l’avenir. Qui donc lui
révélerait ce qui sera après lui ?
15 Le travail de l’insensé l’exténue : il n’a même plus la force de rentrer en ville.
16 Malheur au pays dont le roi est un gamin et dont les princes festoient dès le
matin. 17 Heureux est celui dont le roi est de race illustre et dont les princes
mangent en temps voulu pour devenir forts et non par esprit de jouissance.
18Quand les mains sont paresseuses, la charpente s’effondre, et quand on a
les bras ballants, la pluie ruisselle dans la maison.
19 On organise des festins pour se mettre en joie, le vin égaie la vie et l’argent
doit répondre à tout.
20Ne dénigre jamais le roi, même en pensée, et ne dis jamais de mal des
puissants, même dans le secret de ta chambre, car les oiseaux du ciel
colporteraient tes paroles et la gent ailée divulguerait tes propos.

Agis tant qu’il fait jour !


11 Lance ton pain sur les eaux qui passent car, à la longue, tu le
retrouveras.
2Partage ton bien avec sept autres, ou même avec huit, car tu ne sais pas
quel malheur peut t’arriver ici-bas.
3 Quand les nuages sont lourds, il pleut à verse sur la terre. L’arbre reste à
l’endroit où il est tombé, que ce soit vers le sud ou vers le nord.
4 Celuiqui guette sans cesse le vent (favorable) n’ensemencera jamais et celui
qui observe toujours les nuages ne moissonnera pas.
5Tu ne peux jalonner le chemin du vent. Tu ne sais comment s’agencent les
os de l’embryon dans le sein de sa mère. De même, tu ne saurais connaître la
manière d’agir du Dieu qui fait tout.
6 Dès le matin, répands ta semence et, jusqu’au soir, ne laisse pas de repos à
ta main, car tu ne sais pas si ce sont les semailles du matin ou celles du soir
qui réussiront, ou si les deux seront bonnes.
7 Douce est la lumière et c’est un bonheur pour les yeux de voir le soleil. 8
C’est pourquoi, si l’homme vit de longues années, qu’il les passe toutes dans la
joie, mais qu’il se souvienne que l’éternité est bien plus longue, et qu’en
comparaison, toutes choses ici-bas sont furtives et futiles*.
Réjouis-toi tant que tu en as la possibilité !
9 Jeune homme, réjouis-toi de ton adolescence et que ton cœur soit en fête
aux jours de la jeunesse. Suis les élans de ton cœur et poursuis ce qui charme
tes yeux, mais n’oublie pas que Dieu te demandera compte de tout ce que tu
fais.
10Bannis le chagrin de ton cœur et écarte la souffrance de ton corps ; car la
jeunesse comme l’aurore passe vite.*

12 Mais surtout, pense à ton Créateur, au temps de ta jeunesse, avant que


ne vienne le temps de l’affliction et que n’approchent les années dont tu
diras : « Je n’y trouve aucun plaisir ! » 2 Avant que le soleil et la lumière ne
s’obscurcissent (pour toi), que la lune et les étoiles ne perdent leur éclat et
que les nuages ne reparaissent sitôt après la pluie.
3 C’est l’époque de la vie où (les bras) qui t’ont toujours protégé se mettent à
trembler, où les (jambes) qui t’ont porté avec vigueur fléchissent, où (les
dents), servantes du moulin, cessent de moudre parce qu’elles sont devenues
trop peu nombreuses, où (les yeux), guetteurs postés aux lucarnes, perdent
leur éclat et voient trouble, 4 où (les oreilles), portes donnant sur la place
publique, ferment leurs deux battants et où le bruit du moulin baisse et
s’éteint. Le temps où le cri d’un petit oiseau suffit à dissiper le sommeil, où
s’éteint le son de la voix et où toutes les chansons sont assourdies. 5 Le temps
où l’on redoute la moindre montée et où l’on a toujours peur en chemin, où
l’on blanchit comme l’amandier en fleur, où une sauterelle devient un fardeau
pesant et où les câpres même n’excitent plus l’appétit, car l’homme
s’achemine vers sa demeure éternelle et les pleureuses, déjà, rôdent dans les
rues.
6 N’attends pas que se rompe le fil argenté (de la vie), que la coupe d’or se
brise, que la jarre se casse près de la source et que la poulie brisée tombe
dans le puits. 7 N’attends pas que la poussière retourne à la terre d’où elle est
venue et que le souffle de vie remonte à Dieu qui l’a donné. 8 Tout est futile et
inutile, furtif et décevant* a dit le chef de l’assemblée. Il n’y a rien de valable ni
de permanent*.

Vis à la lumière de l’éternité !


9 Épilogue.

Le chef de l’assemblée fut un sage. Plus que cela : il ne cessa d’enseigner le


peuple et de lui transmettre son savoir. Il a pesé, creusé et ciselé un grand
nombre de proverbes. 10 Il s’est efforcé de trouver la bonne formulation et de
consigner avec exactitude les paroles de vérité.
11Les paroles des sages sont comme des aiguillons (qui stimulent l’action), et
les recueils de leurs sentences ressemblent à des clous bien plantés (fixant
des vérités importantes). Elles émanent toutes d’un seul et même Pasteur (qui
les donne pour le bien du troupeau). 12 Fais-en ton profit, mon fils et laisse-toi
éclairer par elles. Écrire des livres est un travail sans fin et le corps s’épuise à
force d’en étudier un grand nombre.
13 Écoutons bien la conclusion de ce discours :
Révère Dieu car c’est là l’essentiel pour tout homme.
14En effet, Dieu fera rendre compte devant son tribunal de tout ce qui est
caché… que ce soit bon ou mauvais.

:::::
Otto EISSFELDT (The Old Testament, New York : Harper and Row, 1965, p. 489s) y
voit vingt-cinq chants différents, tandis que Robert GORDIS (The Song of Songs, New
York : : Harper and Row, 1954) en propose vingt-neuf.
Vers 1850, J. C. Wetzheim y a découvert la coutume de réciter des poèmes appelés
wasf lors des mariages : l’on y chantait la beauté et les perfections physiques des
deux époux appelés « roi » et « reine ». Si une coutume semblable existait en Israël, il
n’est pas impossible que des fragments de tels poèmes aient été intégrés au
Cantique des cantiques (cf. 4 : 1-7 ; 5 : 10-16 ; 7 : 2-7). En effet, celui-ci fut élaboré
ultérieurement comme pièce destinée à être jouée lors des mariages.
Comme le supposait Bossuet, en transposant au temps de la royauté en Israël les
lubies royales de son siècle : « Quittant le trône pour un peu de temps, il se déguise
en pasteur et la fille du Pharaon en bergère » (BOSSUET, Œuvres complètes, , vol. 1,
Paris : Louis Vivès, 1862, p. 612).
Jean DE SAUSSURE, Le Cantique de l’Église, Genève : Labor et Fides, 1957, p. 15.
VELTHUSEN (1786), UMBREIT (1820), EWALD (1826), GINSBURG (1857), GODET (1900),
POUGET, GUITTON (1934), J. DE SAUSSURE (1957), HARPER, DRIVER, BULLOCK, BRUSTON, etc.
C’est aussi l’interprétation à laquelle se sont arrêtés des littérateurs comme RENAN et
GOETHE.
Guillaume POUGET, Jean GUITTON, Le Cantique des cantiques, p. 51.
Robert LOWTH, Lectures on the sacred poetry of the Hebrews, vol. 2, p. 298.
Leroy WATERMAN, American Journal of semitic languages and literature, n° 35, 1919,
p. 104.
T. J. MEEK, American Journal of semitic languages and literature, n° 39, 1922-1923,
p. 1-14.
Clarence BULLOCK, An Introduction to the OId Testament poetic books, Chicago :
Moody Press, 1979, p. 231.
Christian GINSBURG la fait remonter à Moïse Mendelssohn (1729–1786, grand-père du
génial musicien). Cf. The Song of Songs and Qoheleth, 1re édition en 1857, New
York : Qtav, 1970, p. 58-59.
Jean DE SAUSSURE, op. cit., p. 8, 10.
Frédéric GODET, Étude sur le Cantique des cantiques, in Études bibliques 1re série,
Ancien Testament, 5e éd., 1re éd. en 1873 (Paris–Neuchatel : Sandoz), Neuchatel ;
Paris : Delachaux et Nestlé : Fischbacher, 1900, p. 293.
Jean GUITTON, op. cit., p. 13. Voir aussi son Essai sur l’amour humain, Paris : Aubier,
1948.
La Michna, Traité Yadaim, 3.5.
« L’allégorie ne sert que de comparaison pour donner l’intelligence d’un autre sens
qu’on n’exprime point » (Littré) ; « Suite d’éléments descriptifs ou narratifs dont
chacun correspond aux divers détails de l’idée qu’ils prétendent exprimer » (Robert)
; « Elle est une forme d’expression littéraire […] qui veut suggérer une signification
cachée sous la donnée sensible du langage » (D. PORION, Encyclopédie Universalis).
« Salomon rendit l’argent et l’or aussi communs à Jérusalem que des pierres »
(2 Chroniques 1 : 15 ; cf. 1 : 12 ; 9 : 24). « Il dominait sur tous les rois »
(2 Chroniques 9 : 26).
Frédéric GODET, op. cit., p. 313.
Voir les notes correspondantes.
Jean de Saussure souligne la fréquence de ce thème dans les Évangiles : les
paraboles des mines, des talents, des vignerons, des dix vierges, des serviteurs
attendant le retour de leur maître, etc. (op. cit., p. 63-64).
Sulamith, une jeune fille de Sulem, d’une beauté parfaite, a été rencontrée par
Salomon lors d’une course qu’il faisait avec sa cour. Il l’a fait conduire dans son
palais. Dans cette première scène, elle s’entretient avec les jeunes filles qui
composent le harem et qui célèbrent la joie d’avoir été remarquées par un prince tel
que Salomon. Exprimant leur enthousiasme, l’une d’elles s’adresse à lui, bien qu’il
ne soit pas encore présent. Dans notre traduction, le rythme des trois premiers
chapitres est constitué par l’accentuation des syllabes paires : 1 2 3 4 (5 6 (7 8)).
Sulamith interrompt le chœur : elle se rend compte de sa situation. C’est comme si
elle sortait d’un rêve. Le changement de personnage se remarque au fait que le roi
est nommé ici à la troisième personne et non plus à la deuxième comme dans les
versets précédents.
Les jeunes filles, sans tenir compte de cet aparté, continuent à célébrer l’amour de
leur maître.
En se voyant l’objet de l’attention des jeunes filles, Sulamith compare son teint bruni
aux frais visages des citadines. J. de Saussure applique cette parole à l’Eglise :
noire, mais belle (Le Cantique de l’Église, p. 25).
Dans le symbolisme biblique, la vigne représente généralement la terre de Canaan.
Comme « fille de prince » (7 : 1), Israël l’avait reçue en héritage (cf. 6 : 11-12 ; 8 :
12), mais dans un mouvement d’imprudente précipitation, elle l’a aliénée entre les
mains d’un souverain terrestre. On peut aussi y voir le peuple d’Israël. À la fin de
l’histoire, Sulamith prend la ferme décision de garder désormais sa vigne (8 : 12).
Sulamith s’adresse à présent à son ami absent qu’elle voudrait aller rejoindre sur la
montagne où il fait paître son troupeau.
Les jeunes filles entrent complaisamment dans la pensée de Sulamith et lui
répondent : si elle est assez simple pour préférer sa condition de bergère à celle de
bien-aimée du brillant monarque, qu’elle aille donc conduire son troupeau de
chèvres sur les pâturages.
Salomon entre en scène, il comble Sulamith de louanges sur sa beauté et lui promet
d’autres bijoux.
Sulamith, nullement troublée par le langage de Salomon, se parle à elle-même : il ne
sera pas si facile au roi de parvenir à l’enclos qu’il croit déjà sien, car l’amour de
Sulamith pour son berger absent est comme un parfum qui chasse toutes les autres
senteurs. Même en présence du roi, elle n’est remplie que de la pensée de celui
qu’elle aime.
Aux exclamations d’admiration du roi, Sulamith répond en adressant les siennes au
berger absent. Aux appartements lambrissés où elle est enfermée, elle compare les
demeures champêtres où elle vit d’habitude avec son berger. Elle justifie cette
préférence en expliquant qu’elle est une fleur de la campagne (2 : 1).
Salomon entre dans la pensée de Sulamith, mais la corrige en opposant la rose aux
ronces.
Sulamith continue à faire l’éloge de son ami, proclamant que son seul désir est de
retourner auprès de lui.
Oubliant sa captivité, elle se voit dans le vignoble avec son berger, protégée contre
les assauts de Salomon par l’étendard de son amour.
L’effort qu’elle a fait pour lutter contre la séduction du monarque l’a épuisée. Elle se
sent défaillir et demande aux jeunes filles qui l’entourent de la soutenir et de la
restaurer. Elle se voit couchée dans le vignoble, enlacée par son ami et glisse dans
un doux rêve. Elle supplie les jeunes filles de ne pas la réveiller avant qu’elle ne le
désire. Ce refrain reviendra chaque fois que Sulamith tombe ou se replonge dans un
état d’extase (3 : 8 ; 8 : 4). J. BALCHIN (New Bible commentary, p. 602) voit dans ce
refrain le verset-clé du poème qui permet de comprendre ce qu’est le véritable
amour conjugal, qui doit naître spontanément et non d’une fausse stimulation
érotique. Calvin Seerfeld l’interprète ainsi : « N’excitez pas mes sens en faveur de
quelqu’un que je ne suis pas disposée à aimer » (C. SEERFELD, The Greatest song,
p. 69). L’amour ne peut pas être fabriqué.
Tout ce qui suit, jusqu’à 3 : 5, est prononcé par Sulamith dans une sorte d’extase.
Selon un procédé commun à toute la poésie orientale, on identifiait la vision du bien-
aimé avec sa présence réelle. L’extase était considérée comme une maladie sacrée
qui mettait à l’abri de toute violence. Dans toute cette scène, et dans les suivantes,
Sulamith est plongée dans une douce rêverie : elle voit son bien-aimé et s’entretient
avec lui comme s’il était réellement présent. Les scènes qu’elle évoque se passent
au-dedans d’elle et perdent ainsi ce que certains traits pourraient avoir de choquant.
Le bien-aimé invite Sulamith à une promenade à travers la campagne printanière.
Parole énigmatique, peut-être extraite d’un chant sur la vigne. L’ami ou Sulamith se
l’approprient pour demander que l’on écarte tout ce qui pourrait endommager leur «
vigne en fleur », c’est-à-dire leur jeune vie, leur amour. « Que l’amour soit pur et
paisible, ne laissant aucune place à la convoitise, à l’adultère, l’immoralité, la
sentimentalité bon marché ou à tout ce qui pourrait ruiner le véritable amour du
couple » (Balchin). Dans l’application politique, les renards qui ravagent la vigne
(c’est-à-dire la terre de Canaan) seraient les nations d’alentour.
Sulamith poursuit son rêve et son monologue. Le bien-aimé n’est pas venu, alors elle
part, en songe, à sa recherche.
Dans ce deuxième acte, Salomon veut impressionner Sulamith par sa richesse et sa
splendeur afin de l’intimider et de gagner son amour. Il la fait monter sur son propre
trône portatif (le verset 6 peut aussi se traduire : « Qui est celle qui monte du désert
»). L’image est évoquée par le chœur des habitants de Jérusalem.
Salomon décrit la beauté de Sulamith suivant le modèle des poèmes lyriques encore
en usage chez certains peuples orientaux (wasf, de l’héb. « description ») et qui sont
récités le jour du mariage : « Le Seigneur n’est pas seulement le Dieu de la vérité : il
est aussi celui de la beauté, et celle-ci se reflète dans tous les aspects de la création
» (Balchin), en particulier, dans l’homme et la femme créés à l’image de Dieu.
L’admiration qui exalte cette beauté joue un rôle capital dans l’amour.
Dans ce chapitre, le rythme se fait plus pressant, comme l’exaltation amoureuse de
Salomon. C’est pourquoi, nous avons adopté l’alternance suivante, où une syllabe
sur trois est accentuée : 1 2 3 4 ; 1 2 3 4 5 6 7.
Sulamith interrompt cette description emphatique de sa beauté en souhaitant
qu’avant la fin du jour elle puisse s’échapper sur la montagne où son bien-aimé fait
paître son troupeau.
Salomon commencerait-il seulement à se rendre compte qu’il n’est pas si facile de
pénétrer dans cet enclos ?
Sulamith coupe subitement la parole à Salomon en opposant à ses envolées
passionnées un cri d’amour à son bien-aimé absent : elle ne veut appartenir à aucun
autre, lui seul aura le droit de pénétrer dans son jardin.
Salomon feint de croire que les paroles de Sulamith lui sont adressées, il s’empresse
de répondre à l’invitation.
Sûr de sa victoire, il invite les jeunes courtisans qui l’entourent à s’associer à sa joie
en célébrant d’avance le banquet des noces.
Au moment où Salomon pensait venir à bout de ses efforts de séduction, sa captive
lui échappe : elle tombe dans une extase semblable à celle qui avait terminé sa
première lutte. Elle l’annonce dans ses premières paroles : « Je me suis endormie,
cependant mon coeur veille ». Nous revenons ici, pour ce récit plus calme de son
rêve, au rythme plus régulier : 1 2 3 4 5 6.
Le choeur entre dans le jeu et, comme on répond à un enfant qui parle en dormant,
les jeunes filles lui posent une question bien naturelle.
Sulamith répond bien volontiers à cette demande en faisant une description
enthousiaste de la beauté de son bien-aimé.
Les jeunes filles continuent le dialogue et proposent d’aider Sulamith dans sa
recherche. La réponse de Sulamith est tout imprégnée des caprices du rêve.
Salomon entre en scène pour tenter un suprême effort. Il renouvelle ses éloges et
compare Sulamith aux deux plus belles villes de son royaume : Thirtsa et Jérusalem.
Mais la résistance de sa captive à toutes ses avances le trouble (v. 4b-5a). Pour tout
ce passage, nous reprenons le rythme passionné : 1, 2, 3, 4, (5, 6, 7).
Salomon promet à Sulamith de lui accorder une place unique parmi les reines et les
concubines : elle sera pour lui l’épouse de son cœur, aussi chère qu’une fille unique
l’est pour sa mère.
Les jeunes filles sont impressionnées à la fois par sa beauté et par la résistance
inaccoutumée qu’elle offre au roi.
Les versets 11 et 12 révèlent la clé du Cantique : Sulamith essaie de se remémorer
comment elle est arrivée dans cette situation. Elle se souvient alors d’être
descendue dans son verger. Lorsqu’elle a vu passer le cortège royal, poussée par
sa curiosité, elle s’est approchée, attirant les regards des nobles et du roi. C’est ce
qui l’a perdue. Au souvenir de ce regret, elle se met à fuir comme si elle se retrouvait
dans la situation qu’elle vient de se représenter. Dans tout ce passage, le rythme est
le même que dans l’évocation précédente de Sulamith : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Les jeunes filles veulent l’arrêter pour pouvoir la contempler à loisir. Sulamith s’étonne
de leur admiration pour une pauvre villageoise comme elle. La jeune fille est ici
désignée par son nom, dérivé, selon la plupart des commentateurs, du hameau de
Sulem (ou Sunem) en Galilée. D’autres pensent à une forme féminine de Salomon
(de « schalom », paix, qui vient lui-même du verbe « schalam » : être intact,
accompli). Sulamith signifierait donc : l’Accomplie, la Parfaite ou la Paisible, ce que
confirmerait 8 : 10 : « J’ai été, à ses yeux (de Salomon), comme celle qui a trouvé la
paix ».
Litt. : comme une danse de Mahanaïm. Dans Genèse 32 : 1-2, ce mot désigne les
deux chœurs d’anges qui viennent à la rencontre de Jacob à son retour en Canaan.
Les jeunes filles, la voyant fuir, comparent sa démarche légère à un vol gracieux,
semblable à celui des anges ou encore à une danse tirant son nom de cet épisode.
Puis elles se mettent à décrire sa beauté, en commençant (comme cela est naturel
pour une danseuse) par les pas qu’elle fait, en remontant progressivement le long
du corps. Selon J. Guitton, cette danse était exécutée par la mariée le soir des
noces à la tombée du jour.
Ces dernières paroles prouvent que toute la description admirative qui précède est
dans la bouche des jeunes filles. À présent, Salomon reprend la parole et, dans un
mouvement passionné, exprime sa ferme résolution de satisfaire son amour.
On sent que le roi s’apprête à embrasser Sulamith sur la bouche. Celle-ci interrompt
l’expression de plus en plus passionnée et sensuelle de son amour en affirmant
qu’elle veut réserver l’expression de son affection à son bien-aimé (cf. 1 : 12 et 4 :
12).
Par cette dernière parole, Sulamith repousse un peu rudement les avances du roi. Le
P. Lagrange propose de lire ici yachanim : « des vieux », le mot que le Cantique
emploie pour désigner les fruits mûrs (7 : 14). J. Guitton adopte cette traduction. Il
se peut même que l’expression soit ambiguë (« ceux qui s’endorment » étant
opposés aux jeunes, jamais fatigués) comme dans le même verset, l’adverbe «
librement » signifie aussi : « justement, aisément ». « Il y aurait ainsi une opposition
entre le vin qui coule aisément dans le gosier du bien-aimé et celui qui bave sur les
lèvres des vieillards. L’allusion, il est vrai, est peut-être un peu rude pour Salomon,
mais c’est le dernier mot de la jeune femme, celui qui la délivre : une riposte
cinglante n’est pas déplacée » (J. Guitton, op. cit., p. 174). Là-dessus le roi sort et
donne l’ordre de laisser partir Sulamith.
C’est le cri de triomphe de la jeune fille délivrée du séducteur. Sûre de l’affection de
son ami, elle l’appelle et l’invite à une promenade à la campagne (contre-partie de
son invitation à lui, 2 : 10-14).
Le pommier est, en Orient, l’emblème habituel du paradis : « C’est tout à la fois dans
le paradis et dans la douleur qu’a été enfanté le Messie, le fiancé d’Israël. N’est-ce
pas en effet sous l’arbre de la chute, au milieu des angoisses d’un châtiment mérité,
que fut prononcée la promesse qui plane dès lors, comme une nuée bienfaisante,
sur toute l’histoire d’Israël et de l’humanité : “La postérité de la femme écrasera la
tête du serpent”. Longtemps il dormit sous l’arbre, sous lequel il avait été enfanté, le
Sauveur de l’humanité » (Frédéric Godet, op. cit., p. 315).
Sulamith tire la leçon de son expérience. Cette phrase prouve que le bien-aimé n’est
pas Salomon.
La parabole de Sulamith, qui constitue une énigme développée, en contient un
certain nombre d’autres. La Bible annotée interprète l’énigme de la jeune sœur ainsi
: « Le sort final d’Israël vient d’être glorieusement annoncé : il sera à jamais le peuple
du berger céleste dont finalement rien ne le séparera. Mais Israël n’est pas seul au
monde ; il y a, en dehors de lui, une humanité idolâtre qui n’a pas encore reçu la
connaissance de Jéhova, de sa loi et du salut promis, et pour qui l’épreuve de la
fidélité est encore à venir. Elle ne manquera pas d’y être soumise un jour, et par là
décidera elle-même, comme l’a fait Sulamith, de son sort final ».
« Si, lorsqu’elle connaîtra Jéhova, elle s’attache à lui et tient ferme pour lui contre les
séductions terrestres, elle aura accès à la gloire, comme Israël, sinon, on lui infligera
une humiliante réclusion » (La Bible annotée)
Sa fermeté devant les assiduités de Salomon peut servir de modèle à sa jeune sœur.
Par cette fermeté, elle a été trouvée digne, aux yeux du roi, d’obtenir la paix (ce
thème de la paix, qui se retrouve dans les noms de Salomon et de Sulamith, est
sous-jacent à tout le livre).
Nouvelle énigme : après avoir rappelé son histoire, Sulamith en revient à Salomon. Le
nom de Baal-Hamon ne se trouve nulle part, il est probablement utilisé ici à cause
de son sens symbolique : possesseur de grandes richesses. Une vigne rapportant
plusieurs milliers de sicles d’argent est, en effet, immense. Que Salomon se
contente donc de ses richesses et ne convoite pas la vigne de Sulamith (cf. le
message de Nathan à David, 2 Samuel 12 : 1-9) ! Sa personne et son amour ne
sont pas à vendre. Dans cette énigme, il apparaît que Sulamith personnifie tout le
peuple d’Israël : « Par sa bouche, le peuple fait vœu de soumission à la royauté qu’il
vient de se donner, mais réserve en même temps le droit de Dieu, auquel est
subordonné celui du roi » (La Bible annotée). Le droit de Dieu est représenté ici par
les deux cents pièces données à ceux qui gardent les fruits de la vigne, c’est-à-dire
les sacrificateurs et les lévites.
Dans ce verset, le berger paraît, entouré de ses amis de noce, pensant que le
moment est venu de célébrer leur union. Pour la première fois, il prend la parole
dans ce poème tout rempli de lui, et c’est pour demander à Sulamith de chanter.
Peut-être est-ce une indication de la vocation éternelle du peuple de Dieu : chanter
les louanges de Dieu.
Énigme finale : au lieu de célébrer leur amour et leur union, Sulamith demande à son
bien-aimé de fuir : « Il y a ici le sentiment fortement exprimé que le temps n’est pas
encore arrivé où peut se réaliser l’union figurée plus haut de la jeune fille et de son
ami, c’est-à-dire, si nous ne nous trompons pas, d’Israël avec Jéhovah… Le vrai
berger doit laisser la place au roi terrestre, jusqu’à ce que le terrain soit préparé pour
sa propre apparition. En attendant, il doit se retirer dans une demeure supérieure,
où Sulamith ne peut le suivre » (La Bible annotée).
Cf. Samuel KRAMER : History begins at Sumer, chap. 18, New York : Harper &
Brothers, 1961 ; le dialogue sur la misère humaine dans Ancient near Eastern texts
relating to the Old Testament par J. PRITCHARD (éd.), 3e éd. en 1969, p. 60-604 ;
Paul BERTIE, Le poème de Job, Paris : Rieder, 1929 ; Adolphe LODS, Histoire de la
littérature hébraïque et juive, Paris : Pavot, 1950, p. 691s.
Voir Robert GORDIS, The Book of God and man, Chicago : University of Chicago
Press, 1965, p. 7.
Jacob MYERS, The Linguistic and literary form of the book of Ruth, Leiden : Brill,
1955.
Par exemple dans « Le Paysan éloquent », un poème égyptien du XXIIe s. av. J.-C. ;
dans le Code d’Hamourabi nous trouvons la même structure, mais inversée :
poésie, prose, poésie.
Frédéric Godet, Études bibliques, op. cit., p. 208-209.
Roland DE PURY, Job : ou l’homme révolté, Genève : Labor et Fides, p. 12s.
Jon GENUNG, International standard Bible encyclopedia, III, 1915, p. 1687. URL :
http://www.internationalstandardbible.com/J/job.html (page consultée le 23 janvier
2015).
Job semble reprendre ici, dans les versets 18-21, les arguments de ses amis pour en
montrer I’erreur.
Ch. Bridges, cité par Isaac Thomas : A Word from the wise, Moody Press, 1978,
p. 5.
La Bible annotée : les hagiographes, vol. 1, Neuchâtel : Attinger, 1898, p. 4.
Cf. Alfred KUEN, L’Art de vivre selon Dieu, Saint-Légier : Emmaüs, 1980, p. 9-10.
Litt : garde ton coeur plus que tout ce qui se garde, car de lui procèdent les sources
de la vie.
Litt : aplanis le sentier de ton pied.
C’est-à-dire : sois fidèle à ta femme.
Sous-entendu : j’ai donc chez moi la viande du sacrifice.
Ou : le discernement est la science des saints.
Ou : la bêtise (stupidité) est comme une femme écervelée, inconstante et
inconsciente.
Litt : il ne sait pas que c’est le lieu des trépassés (cf. 2 : 18).
Litt : cligne de l’œil. Cette image peut signifier : qui est de connivence avec une faute,
fait une œillade au péché.
D’après une ancienne version. L’hébreu répète, verset 8b : celui qui est insensé des
lèvres court à sa perte.
Ou : il n’y ajoute pas de peine, de chagrin.
Pour le vendre plus cher.
D’après la Septante (LXX).
La main active gouvernera, la main lâche sera soumise à la corvée.
Litt. : la lumière des justes est joyeuse, mais la lampe des méchants s’éteint.
D’après la Septante (LXX). En hébreu : la voie des trompeurs est interminable.
D’après la Septante (LXX). L’hébreu porte : l’homme aux pensées coupables se fait
haïr.
Ou : mais sera-t-elle reconnue parmi les sots ? Ou : mais elle reste sans effet parmi
les sots (LXX).
La justice élève une nation.
Litt. : la langue paisible est un arbre de vie.
Ou : c’est tout autre chose.
C’est-à-dire il trouve des difficultés partout.
Litt. : il affermit ses bornes.
Litt. : une balance et des plateaux justes sont à l’Éternel. Autrement dit : tous les
poids du sachet sont son oeuvre.
Litt. : l’homme sage de cœur.
Litt. : sera proclamé, appelé intelligent.
Litt. : qui surélève sa porte.
Celui qui se tient à l’écart, qui marche en solitaire, l’égoïste.
C’est-à-dire : ce que vous dites peut épanouir une vie ou la détruire.
Ou : tu l’inciteras seulement à recommencer, ou : tu devras y revenir bien des fois.
Ou : cesse d’écouter l’instruction si c’est pour te détourner des leçons de la sagesse.
Ou : c’est une gloire pour l’homme de mettre fin à ses querelles.
Litt. : poids et poids (l’un pour acheter, l’autre pour vendre).
Ou : de dire d’une chose qu’elle est sacrée, sainte.
Litt. : et fait passer sur eux la roue (qui sépare le grain de la balle).
Ou : la violence qu’ils ont eux-mêmes déchaînée.
Litt. : sous l’angle d’un toit.
Litt. : forme le jeune enfant selon la voie qu’il devra suivre, selon ce que demande,
commande sa voie.
Litt. : la verge de sa fureur sera brisée. Ou : le bâton pour le punir est déjà prêt,
l’aiguillon de sa passion s’émoussera.
D’après la Septante (LXX). Le texte hébreu porte : celui qui aime la pureté de cœur (la
sincérité) et qui parle de la grâce à son ami.
Litt. : la sottise.
Ou : opprimer le pauvre, c’est le grandir, l’enrichir ; donner au riche, c’est l’appauvrir.
Litt. : mets un couteau à ta gorge.
Ou : se porteront sur des étrangères, des femmes immorales.
Litt. : à la porte de la ville, là où se jugeaient les causes et où se discutaient les
affaires importantes.
Ou : je ne connais pas cet homme.
Ou : ne complote pas méchamment.
Litt. : il baise les lèvres.
Litt. : la langue douce brise les os.
D’après la Septante (LXX). Selon l’hébreu : sur du nitre.
Litt. : car ce sont des charbons ardents que tu amasses sur sa tête.
Litt. : à l’angle d’un toit.
Étudier à fond, sonder les choses difficiles est un honneur. Ou : ni honorable de
rechercher son propre honneur. Ou : celui qui scrute la majesté divine est écrasé par
sa gloire.
D’après la Vulgate. Selon l’hébreu : vous emporter en passant pour une querelle.
Litt. : dans l’assemblée.
Litt. : la langue mensongère et la bouche enjôleuse ont de la haine pour ceux qu’elle
blesse.
Ou : l’homme s’irrite contre son prochain, comme le fer aiguise le fer.
Litt. : la couronne, le diadème.
Ou : sont nombreux.
Ou : il a beau se fâcher ou se montrer plaisant, il n’aura pas de repos.
Litt. : qui éclaire les yeux de tous deux.
Ou : sont nombreux.
Traduction incertaine.
Ou, d’après la Septante (LXX) : qui regardent avec mépris les rides d’une mère.
Textes et mots sont volontairement (ou accidentellement ?) énigmatiques et obscurs.
Litt. : mets-toi la main sur ta bouche.
Capable, vertueuse, parfaite, forte. Femme d’élite, de caractère.
Ou : donnez-lui du fruit de ses mains, accordez-lui une part du produit de son travail.
Litt. : aux portes de la cité.
Alphonse MAILLOT, La contestation, Commentaire de l’Ecclésiaste, Lyon : Cahiers de
Réveil, 1971, p. 6-7.
Voir André LAMORTE, « Qohéleth et le canon des Écritures », Le Livre de Qohéleth,
Paris : Fischbacher, 1932, p. 13-21.
Frédéric DE ROUGEMONT, Explication du livre de l’Ecclésiaste, Neuchâtel : Michaud,
1844, p. 1-2.
Cf. Jean Steinmann, Ainsi parlait Qohéleth, Paris : Cerf, 1955, p. 12.
Cf. en particulier Gleason ARCHER, Introduction à l’Ancien Testament, Saint-Légier :
Emmaüs, 1978, p. 534-545, pour la réponse aux différents arguments, surtout la
question des aramaïsmes. Pour la pensée, voir Jean Steinmann, op. cit., p. 27-32,
qui cite des parallèles égyptiens, babyloniens et grecs bien plus anciens que
Salomon. D’autres auteurs évangéliques rejettent la thèse traditionnelle (Derek
KIDNER, A Time to mourn and a time to dance, Leicester : IVP, 1976 ; C. Hassel
BULLOCK, lntroduction to the Old Tstament poetic books, Chicago : Moody, 1979 ;
G. T. Manley, Nouveau manuel de la Bible, Nogent-sur-Marne : Institut biblique,
1994). Cf. aussi Edward YOUNG, lntroduction to the Old Testament, Grand Rapids
(USA) : Eerdmans, 1950, p. 340 ; Nouveau commentaire biblique, Saint-Légier :
Emmaüs, p. 590.
Le mot yitrôn (« profit ») est emprunté au vocabulaire commercial et désigne le
bénéfice final dans la balance des comptes. Robert GORDIS, Koheleth, The man and
his world, New York : Jewish theological seminary of America, 1951, p. 195.
André MALRAUX, Les Noyers de l’Altenburg, Paris : Gallimard, 1943.
Ibid., p. 6.
Ibid., p. 7.
Ibid., p. 23,27.
Jean STEINMANN, op. cit., p. 18.
Derek KIDNER, op. cit., p. 20.
Vanité des vanités : forme hébraïque du superlatif (cf. « cantique des cantiques », «
saint des saints »). Le mot « vanité » traduit un mot hébreu qui revient soixante-dix
fois dans la Bible dont plus de la moitié (trente-sept fois) dans l’Ecclésiaste. Onze
occurrences sont utilisées par les auteurs bibliques lorsqu’ils veulent parler de la
fragilité de l’homme (Ps. 39 : 6, 7, 12 ; 62 : 10), du caractère fugitif ou inutile d’une
chose (Jér. 10 : 3, 8, 15), de la vie humaine qui n’est qu’un souffle (Job 7 : 16), des
efforts et des projets de l’homme qui sont inutiles (Job 9 : 29). L’homme est un
souffle vite passé, une réalité éphémère, une vapeur, du vent. On pourrait traduire
ce verset par : « Tout est fugitif, furtif, caduc, inconsistant, décevant, inefficace,
inexistant, vain, futile, inutile, absurde, fragile, passager ; tout est pour rien, tout cela
ne mène nulle part, la vie n’a pas de sens ». Les traductions littérales ont transposé
la tournure hébraïque : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Suivant le contexte,
nous le rendrons par l’une ou l’autre des expressions ci-dessus, mais nous
signalerons sa présence dans l’original par un astérisque (*).
« Sous le soleil » : expression typique de l’Ecclésiaste qui revient une trentaine de fois
dans le livre. Nous dirions plutôt : ici-bas, dans ce bas monde, sur terre, etc.
Après le prologue (1 : 2-11), l’Ecclésiaste relate quatre tentatives infructueuses de
trouver le bonheur : 1. Par la sagesse (1 : 12-18) ; 2. Par la joie (2 : 1-2) ; 3. Par le
travail (2 : 3-11) ; 4. Par toute l’activité humaine (2 : 12-23).
C’est une occupation fâcheuse à cause de l’incertitude des résultats auxquels elle
conduit. Le mot traduit par « besogne » revient souvent dans l’Ecclésiaste (2 : 23, 26
; 3 : 10 ; 4 : 8 ; 5 : 2-13 ; 8 : 16).
Des réservoirs (pas l’étang du roi de Néhémie 2 : 14). D’après la tradition, il s’agit des
trois réservoirs situés dans le voisinage d’Etam (2 Chroniques 11 : 6). Le plus grand
de ces bassins fait 177 m de long, 50 m de large et 15 m de profondeur. Salomon
avait, non loin de Jérusalem, une maison de campagne nommée Etam où il avait de
belles fontaines et de beaux jardins.
En 1 Rois 8 : 63, Salomon offre un sacrifice de 22 000 boeufs et 120 000 moutons.
D’après 1 Rois 4 : 23, il fallait trente boeufs et cent moutons par jour pour la cuisine
du palais.
Traduction incertaine.
Litt. : sous le soleil.
D’après les anciennes versions. L’hébreu porte : « Je peux le dire, car plus qu’un
autre j’ai pu festoyer et jouir de la vie ».
Autre interprétation : tout peut arriver tour à tour. Ou : il y a un temps pour tout.
Ces versets sont très obscurs en hébreu, aussi les traductions sont-elles fort
divergentes. La version Segond révisée dit : 13 Mieux vaut un enfant pauvre et sage
qu’un roi vieux et insensé qui ne sait plus écouter les avis, 14 car il peut sortir de
prison pour régner, et même être né pauvre dans son royaume. 15 J’ai vu tous les
vivants qui marchent sous le soleil entourer l’enfant qui devait succéder au roi et
régner à sa place. 16 Il n’y avait pas de fin à tout ce peuple, à tous ceux à la tête
desquels il était. Et toutefois, ceux qui viendront après ne se réjouiront pas à son
sujet. Car c’est encore là une vanité et la poursuite du vent.
Litt. : sous le soleil.
Ou : quand il n’aura plus grand-chose, il se souviendra des jours où Dieu remplissait
son cœur de joie.
Litt. : La pensée des sages se tourne vers la maison du deuil. Tandis que celle des
insensés se porte vers la maison du plaisir.
Autre manière de comprendre ces versets (selon la Good News Bible) : 12 (Oh, je
sais bien que l’on dit :) « Le pécheur peut faire cent mauvais coups et voir prolonger
ses jours, mais le bonheur est réservé à ceux qui révèrent Dieu et que sa présence
remplit de respect » ; 13 « Il n’y aura pas de bonheur pour le méchant » ; « Ceux qui
n’éprouvent nulle crainte devant Dieu disparaîtront bien vite, comme des ombres
fugitives ». 14 Mais voyez ce qui se passe sur la terre : des justes subissent le sort
que méritaient les impies et des coupables sont traités comme des justes. Je vous
le dis : c’est absurde !
Litt. : sous le soleil.
Sous le soleil.
Ou : qui lui aurait permis de sauver la ville. Mais personne n’a songé à cet homme.
Ou : et prouvera à tous par ses paroles qu’il est fou.

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