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Sous la direction
d’Alfred Kuen
Édition revue et corrigée publiée en langue française :
Sagesse vivante : Transcription dynamique de Cantique des cantiques, Job,
Proverbes, Ecclésiaste
Transcrits et introduits par Alfred Kuen
Ancienne édition parue sous le titre : Sagesse et poésie pour notre temps
© 2015 • BLF Éditions
© 1982, 2001 • ELB
BLF Éditions • Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France
info@blfeditions.com • www.blfeditions.com
Introduction
Versions utilisées ou consultées
Introduction au Cantique des cantiques
Cantique des cantiques
Introduction à Job
Job
Introduction aux Proverbes
Proverbes
Introduction à Ecclésiaste
Ecclésiaste
Introduction
Sagesse et poésie, raison et fantaisie, réflexion et rêverie : quoi de plus
opposé ? D’un côté, c’est l’expérience, le bon sens, la pondération de
l’âge mûr ; de l’autre, l’évasion, le fantasque, l’inspiration du moment. «
Si j’avais à choisir entre la vérité et la beauté, me disait quelqu’un,
j’opterais pour la beauté ». Mais pourquoi choisir ? Est-il nécessaire que
la réalité soit toujours qualifiée de « dure » ou de « triste » ? Quelqu’un
nous a-t-il prouvé que la poésie ne pouvait pas nous entraîner vers une
réflexion valable ?
Le dilemme n’existait pas dans la littérature antique. L’art pour l’art est
une théorie récente, née au moment où l’homme avait déjà perdu le
sens de sa vocation éternelle. Les écrits anciens, quel que soit leur
contenu, se présentent souvent sous une forme poétique, qui n’est
jamais là pour elle-même, mais pour donner une autre dimension aux
réalités de la vie. Même la nature ne choisit pas entre l’utile et l’agréable
: la fleur pourpre épanouit sa corolle éclatante au milieu de beaux épis
aux grains dorés.
Dans la Bible, un bon tiers de l’Ancien Testament se présente sous
forme de poésie : cantiques, prières, prophéties, drames, maximes,
chants d’amour, tous se coulent dans le moule d’une langue rythmée et
se plient aux règles de la poésie hébraïque : parallélismes, images,
vocabulaire spécial, parfois assonances et acrostiches alphabétiques.
En particulier, ce qu’on appelle « la littérature de sagesse » (ces écrits
qui nous transmettent le fruit de la réflexion et de l’expérience de
nombreuses générations de sages) a été rédigée presque entièrement
sous forme poétique (Job, Proverbes, Cantique des cantiques et
certains des Psaumes). L’aspect formel de ces livres nous avertit déjà
qu’il ne faut pas nécessairement séparer sagesse et poésie, vérité et
beauté, réflexion et inspiration.
De quoi s’agit-il dans ces quatre livres rassemblés dans ce volume ?
D’un poème d’amour, d’un essai philosophique, de plusieurs recueils de
maximes et de pensées et d’une œuvre dramatique à fondement
historique. C’est du moins ainsi que l’on classerait ces œuvres dans la
littérature actuelle. C’est dire la diversité des genres littéraires de ces
écrits qui, fait surprenant, nous apportent, sous des formes variées, des
leçons convergentes.
En effet, ces différents livres ont plus d’un point commun :
Les trois livres nous aident à ne pas formuler des conclusions hâtives
quand les expériences douloureuses, les influences corruptrices ou les
tentations de la vie nous plongent dans le désarroi. Ils nous apportent
finalement, chacun de son côté, la preuve que la sagesse définie par les
Proverbes est un roc solide sur lequel on peut bâtir sa vie.
ALFRED KUEN
Versions utilisées ou consultées
Françaises
1. André Tony
2. Barucq
3. P. de Beaumont
4. Bible annotée (Neuchâtel)
5. A. Chouraqui
6. Crampon
7. Darby
8. Fossard–Gérard
9. Glasser
10. Jérusalem
11. Zadoc Kahn (Rabbinat)
12. Lamorte
13. Lausanne
14. W. Lüthi
15. D. Lys
16. A. Maillot
17. Maredsous
18. Osty
19. Pléiade (Dhorme)
20. Rehan
21. Segond
22. Segond révisée
23. Steinmann
24. Synodale
25. Traduction œcuménique
26. J.J. Weber
Allemandes
1. H. Bruns
2. M. Buber
3. Elberfelder
4. Luther
5. Menge
6. Schlachter
7. Zinck
8. Zürcher
Anglaises
1. American Standard Version
2. Amplified Bible
3. Authorized Version
4. Berkeley
5. Good News Bible
6. R. K. Harrison
7. Jerusalem Bible
8. M. R. Knox
9. Lamsa
10. Modern Language Bible
11. J. Moffatt
12. New American Bible
13. New English Bible
14. New International Version
15. Old Testament from 26 Translations
16. Revised Version
17. Revised Standard Version
18. Rotherham
19. Smith, Powles, Godspeed
20. H. Spurrell
21. K. Taylor (Living Bible)
22. Ch. Thomson
23. R. Young
:::::
Introduction au
Cantique des cantiques
Unité du livre
Un certain nombre d’interprètes n’ont vu dans le Cantique qu’un
recueil plus ou moins hétéroclite de chants d’amour de diverses
provenances dont la composition se serait étalée sur une demi-douzaine
de siècles1. Cependant, l’unité du livre apparaît nettement dans des
éléments communs revenant du début à la fin (comme la mention des «
filles de Jérusalem » : 1 : 5 ; 2 : 7 ; 3 : 5 ; 5 : 8, 16 ; 8 : 4), dans les
répétitions (2 : 5 à 5 : 8 ; 2 : 6 à 8 : 3 ; 2 : 16 à 6 : 3 ; 4 : 1-3 à 6 : 5-7 ; 4
: 5 à 7 : 4), dans le refrain (2 : 7 ; 3 : 5 ; 8 : 4), enfin, dans l’identité de
ton et d’inspiration, qui frappe lors d’une lecture cursive du livre
(contrairement aux livres des Psaumes ou des Proverbes).
Or, Salomon n’a jamais été berger. Il n’avait pas non plus l’habitude de
se déguiser en berger pour jouer avec des reines-bergères3. Comparons
ces deux phrases suivantes :
L’argument dramatique
Sulamith elle-même nous explique ce qui s’est passé et qui a amené le
déroulement de la situation : « J’étais descendue au jardin des noyers,
pour voir les jeunes pousses du ravin, pour voir si la vigne bourgeonne,
si les grenadiers fleurissent. Je ne sais pas comment mon âme (ou :
mon désir) m’a poussée vers (ou : m’a fait monter sur) les chars des
nobles (ou : princes) de mon peuple ». Ou : « Imprudente ! voilà que
mon caprice m’a jetée parmi les chars d’un cortège de princes » (6 : 11-
12). Cette phrase constitue la clé de l’action dramatique. La jeune
campagnarde descendue dans son verger a été poussée par sa
curiosité vers le cortège royal passant près de là. Le détail de la suite
nous échappe : a-t-elle été remarquée pour sa beauté par les serviteurs
du roi, par les princes ou par Salomon lui-même ? L’a-t-on fait monter
de force sur l’un des chariots de l’escorte royale ou s’est-elle laissé
embarquer par toutes sortes d’arguments ou de promesses ?
Qu’importe ! Le fait est qu’elle se trouve, au début du livre, au milieu des
femmes du harem royal appelées euphémiquement les « filles de
Jérusalem ». Le dialogue s’engage tantôt avec ces filles qui chantent le
bonheur d’être aimées par un si grand personnage, tantôt avec le roi lui-
même qui essaie, par toutes sortes d’éloges et de promesses, de
gagner son cœur. Cependant, certaines phrases de la jeune fille ne
peuvent s’appliquer à l’interlocuteur présent. Les adresse-t-elle, comme
en rêve, à son bien-aimé absent (F. Godet), ou faut-il imaginer un «
harem de campagne, qui n’est pas entouré de murs comme celui de
Jérusalem, mais qui est clos par une sorte de treillis à travers lequel on
peut voir » (J. Guitton6) et où le berger peut venir parler avec sa fiancée
quand elle est seule ?
La première solution paraît plus plausible, mais les détails importent
peu une fois que les lignes générales de l’action sont tracées. La
situation des personnages et la répartition des répliques entre eux
diffèrent d’un auteur à l’autre et l’on ne saurait guère être dogmatique
sur ce point.
L’essentiel est de voir le nœud du drame qui consiste dans la lutte
intérieure entre la tentation de céder aux promesses de Salomon et le
désir de rester fidèle au berger absent. L’action dramatique progresse
par degrés avec des tentations chaque fois plus attirantes : déclarations
d’amour faciles, offres de bijoux, démonstration de l’apparat royal
accompagné de la promesse d’occuper le rang suprême parmi les
reines, pour aboutir au moment où le roi, sûr de sa victoire, se fait
vivement remettre en place (7 : 10). À la fin du drame, la bergère paraît,
appuyée sur son bien-aimé : elle a reconquis sa liberté et tire la leçon de
son épreuve (8 : 6-7). Le détail, conjectural, des scènes apparaîtra dans
les notes du texte qui suivront, en grande partie, celles de La Bible
annotée.
1. L’interprétation littérale
Dans l’interprétation littérale on prend le texte tel qu’il est.
Il chante l’amour d’un homme et d’une femme sous tous ses aspects :
joie de la présence, jouissance commune des beautés de la nature,
admiration de toute la personne de l’être aimé, attrait physique. À ce
titre, le Cantique a parfaitement sa place dans les Saintes Écritures :
La création de l’homme sous deux formes : « homme et femme »
(Genèse 1 : 27) et leurs relations sexuelles faisaient partie de l’ordre
originel et non d’une altération qui aurait succédé à la chute. […]
L’Écriture exalte la relation d’amour entre le mari et sa femme et nous ne
devrions pas dénigrer un livre qui présente un tel amour idéal ni accuser
ceux qui, pour des raisons exégétiques sérieuses, choisissent
d’interpréter le Cantique littéralement et renoncent à y chercher une
signification plus profonde, même si cette option ne nous semble pas
viable10.
Cette interprétation emporte d’ailleurs la faveur de beaucoup de
commentateurs modernes11, ce qui n’a rien d’étonnant en un siècle qui
exalte le corps et les plaisirs sensuels. Découvrir que la Bible, non
seulement ne lance pas d’anathème contre le sexe, mais qu’elle chante
l’attrait physique, peut servir de point de contact entre les tendances de
notre temps et la foi biblique.
Cette faveur de l’exégèse littérale est une juste réaction contre des
siècles d’allégorisation qui risquaient, pour finir, de dissoudre et
d’éliminer le sens matériel du poème comme s’il était indigne d’un texte
inspiré par Dieu :
On ne peut s’empêcher, en effet de pressentir sous cette élimination du
sens littéral un mépris de la matière en général et de la vie physique en
particulier, qui relève bien moins de l’optique biblique que de l’optique
grecque, c’est-à-dire païenne12.
Ne séparons pas « ce que Dieu a uni », entre autres, l’âme et le corps.
Si « le corps est pour le Seigneur, le Seigneur » est aussi « pour le corps
» (1 Corinthiens 6 : 13). Ce sens littéral est encore plus parlant et plus
conforme au dessein général des Écritures si nous optons pour le drame
à trois personnages. Alors le Cantique devient l’apologie de l’amour
fidèle, de la monogamie telle qu’elle a été instituée au commencement
(Genèse 2 : 23-25). Il célèbre la victoire de l’amour pur et désintéressé
sur les attraits de la passion égoïste et sensuelle. Sulamith « a préféré
l’amour pauvre, mais sincère, à la passion magnifique, mais sensuelle.
L’amour de celui qui ne donne rien… que lui-même, lui a paru meilleur
que l’amour de celui qui donne tout, sauf lui-même13 ».
Par là, nous dit J. Guitton, le Cantique inaugure « une tradition
concernant l’amour de l’homme et de la femme qui est bien différente
de la pensée des Grecs à ce sujet, et qui est devenue la charte de
l’amour occidental14 ».
Dans un peuple où le divorce était devenu facile (cf. Matthieu 19 : 3),
où l’exemple de la polygamie venait de haut, où la morale sexuelle
risquait de se calquer sur celle des peuples environnants, un livre
chantant l’amour exclusif, volontaire et permanent d’un homme et d’une
femme était non seulement bienvenu, mais avait sa place parmi les
écrits normatifs de ce peuple. Il en est de même pour nous : même si le
Cantique n’avait d’autre signification que d’exalter cet amour-là, il
mériterait de figurer dans la Bible. Et s’il a encore d’autres sens, ces
derniers ne peuvent être que brodés sur une trame matérielle réelle :
l’histoire de Salomon et de Sulamith peut servir de support à des
applications symboliques, mais elle doit demeurer littéralement vraie
sous peine de faire s’écrouler tout l’édifice.
Le sens premier du Cantique est donc certainement l’exaltation de
l’amour humain dans sa forme la plus pure. Mais n’a-t-il que ce sens ?
Le Cantique de l’Église
Les composantes spirituelles du drame sont, en fait, « les trois grandes
puissances de la vie humaine : l’amour divin pour le peuple choisi, la
liberté humaine dans son plein exercice et la séduction mondaine dans
ce qu’elle a de plus attrayant » (F. Godet). Ces composantes sont de
tous les temps. La « jeune sœur » (8 : 8) de Sulamith, l’Église, a été tout
au long des siècles, exposée à la même tentation que le peuple de Dieu
de l’ancienne alliance. Trop souvent, elle a succombé à l’attrait de la
richesse, du faste et du pouvoir. Pour pouvoir dire « Je suis assise en
reine » (Apocalypse 18 : 7), elle a oublié qu’elle appartenait au pauvre
berger en Judée. L’attrait de l’or et de l’argent, de la vigne de Baal-
Hamon (maître d’une multitude), c’est-à-dire de la domination sur les
foules et de la gloire temporelle, a souvent été fatal à l’épouse du bon
berger parce qu’elle n’a pas su écouter l’avertissement contenu dans le
Cantique des cantiques en restant fidèle au Maître absent, à l’Époux qui
se fait attendre20.
L’Église de notre temps reste exposée aux mêmes tentations et la
leçon du Cantique garde toute son actualité.
Le Cantique et nous
Quel profit le croyant individuel tirera-t-il de la lecture du Cantique des
cantiques ?
En premier lieu, il découvrira l’un des plus beaux poèmes de la
littérature mondiale, et un peu de véritable beauté n’est pas un luxe en
notre temps. Ensuite, il y verra comment la Bible voit l’amour conjugal,
et il constatera que cette vision est aussi éloignée de la pudibonderie
que de la divinisation d’Éros. À travers la grille de la lecture à trois
personnages, il aura une leçon de fidélité. À côté des tentations
auxquelles Sulamith a résisté, celles que son amour aura à affronter sont
peu de chose.
Finalement, le conflit devant lequel se sont trouvés Israël et l’Église est
aussi le sien. Lui aussi est appelé à choisir chaque jour entre deux
amours.
D’un côté : Dieu, l’éternel absent qui n’apparaît que dans des
visions intérieures, qui habite sur les montagnes parfumées et
possède beauté accomplie, liberté infinie et sagesse parfaite. Le
bon berger (comme Jésus lui-même s’est présenté) n’a rien à
offrir de glorieux ici-bas, mais un jour, il apparaîtra sur la scène de
l’Histoire pour récompenser ceux qui auront fidèlement tenu leur
serment d’amour.
D’un autre côté : Salomon, le monde, la grandeur selon la chair,
la force, la richesse et la gloire visibles. Entre les deux, le croyant
se trouve engagé dans l’épreuve : restera-t-il fidèle au berger
pauvre et absent, devant la sollicitation des plaisirs et des
honneurs d’ici-bas ?
2 JeSalomon
suis la fleur des champs, la rose des vallées.
31
2 Comme une rose parmi des ronces
Est mon amie parmi les jeunes filles.
Sulamith32
3 Comme un pommier parmi les arbres
À sa terre embaumée pour faire paître son troupeau et pour cueillir des lis.
3 Jesuis à mon ami, et lui, il est à moi,
Lui qui paît son troupeau sur les prés pleins de lis.
12 Viens
donc, mon bien-aimé, sortons à la campagne.
Nous passerons la nuit au milieu des hameaux.
13 Et
nous nous lèverons le matin, de bonne heure,
Pour aller dans les vignes, pour voir si ses bourgeons
Ont déjà éclaté et si les grenadiers commencent à fleurir.
Là-bas, je te ferai le don de mon amour.
14 Lesmandragores embaument.
Nous avons, à nos portes, des fruits de toutes sortes, tant anciens que
nouveaux ;
Pour toi, mon bien-aimé, je les ai réservés.
Si elle est une porte, nous dresserons contre elle des madriers de cèdre64.
10 Moi,
je suis un rempart, mes seins en sont les tours.
Aussi ai-je été, à ses yeux, celle qui a trouvé la paix65.
de biche,
Fuis vers le mont des aromates68 !
:::::
Introduction
à Job
« L’homme naît pour souffrir comme l’étincelle pour voler » (Job 5 : 7).
Cette constatation pessimiste d’Éliphaz de Témân reflète la résignation
plus ou moins fataliste avec laquelle une bonne partie de l’humanité
accepte le fait de la souffrance. Une autre partie, cependant, ne se
résout pas si facilement à une telle attitude. Si vraiment Dieu existe,
pourquoi permet-il que ses créatures souffrent ? Les écrits les plus
anciens soulèvent cette question difficile et poignante. À partir du
IIIe millénaire avant Jésus-Christ, nous découvrons des textes en Égypte,
à Sumer, à Babylone, aux Indes, etc., posant nettement cette
interrogation : pourquoi Dieu n’empêche-t-il pas la souffrance s’il est
puissant et bon ?
Les réponses se ramènent généralement à l’alternative suivante : Dieu
est puissant, mais il n’est pas bon envers les hommes. Et si l’on veut le
fléchir et éviter la souffrance, il faut se soumettre à toutes sortes
d’exercices de piété et de punitions qu’on s’inflige. Ou bien, dans une
autre perspective : Dieu est bon et puissant, mais la souffrance est une
punition méritée pour des péchés publics ou secrets69.
Les écrits rapportant des réflexions de ce genre sont nombreux dans
l’ancien Orient. C’est dans ce contexte que se situent la vie de Job et le
livre qui en parle. L’auteur connaît les thèses courantes. Elles nous sont
présentées par les amis de Job, mais sa réflexion dépasse de loin tous
les écrits analogues.
Un livre unique
Comparer le livre de Job avec des écrits antérieurs met en évidence
son caractère unique dans toute la littérature ancienne et moderne.
Unique par son genre littéraire. S’agit-il d’une histoire ou d’une épopée ?
D’un poème ou d’une pièce dramatique ? Ou d’un mélange de ces
différents genres ? C’est-à-dire d’un genre littéraire propre au livre
comme l’a suggéré le Rabbin Gordis70 qui tient à la fois de l’histoire, du
poème et des écrits symboliques71.
Unique par sa composition. Le schéma A–B–A (prose–poésie–prose) se
retrouve dans beaucoup d’écrits anciens similaires72.
Unique par sa poésie. Son vocabulaire est l’un des plus riches et
certainement le plus difficile de tous les livres bibliques, comme c’est le
cas des textes poétiques dans toutes les langues. La découverte des
tablettes ugaritiques de Ras Shamra a permis de résoudre un certain
nombre d’énigmes, elles ont révélé l’ampleur de la culture littéraire de
l’auteur. Celui-ci manie avec une maîtrise parfaite tous les procédés
stylistiques et poétiques de sa langue : les parallélismes synonymiques,
antithétiques et synthétiques, le chiasme, etc.
Ce sont surtout les descriptions qui sont d’un lyrisme inégalé et en font
« le poème le plus grandiose de tous les temps » (Tennyson) : il chante
la beauté de la création (36 : 22 à 37 : 13 ; 38 : 41), il évoque les
profondeurs de la souffrance humaine (3 : 6 à 7 : 19).
Unique par sa profondeur. Mais ce qui fait surtout le caractère unique de
Job, c’est sa profondeur de pensée. Le livre ne nous apporte pas une
solution unique au problème de la souffrance, mais un inventaire de
toutes les solutions qui y ont été données. Toutes les réponses que
l’homme a trouvées à ses pourquoi, mais aussi toutes celles que Dieu lui
a fournies dans sa révélation, sont contenues dans ces quarante-deux
chapitres. Pas de développements théoriques arides, mais des
réflexions intégrées à une histoire vécue, pétries de sentiments et de
passions – ce qui est normal chez un homme plongé dans une terrible
souffrance.
Le nœud du problème
Dieu n’avait pas à se justifier devant Job. Il pouvait encore moins
condescendre à lui révéler la scène racontée dans le prologue. Pourtant
c’est dans le défi que Satan a lancé à Dieu que se trouve la véritable
raison de l’épreuve de Job. C’est aussi la cause de certaines
souffrances qui ne rentrent dans aucune des autres catégories
d’explications. Dans le prologue se trouve la pièce la plus importante du
puzzle que les quatre amis ont cherché vainement à reconstituer avec
celles qu’ils avaient en main. En fait, l’accusation lancée par Satan (1 : 9)
atteint Dieu lui-même bien plus que Job :
Car si le plus pieux des hommes est incapable d’aimer Dieu
gratuitement, c’est dire que Dieu est impuissant à se faire aimer. Or, si la
perfection d’un être est d’aimer, sa gloire est d’être aimé. Par
conséquent, le coup le plus sensible que l’on puisse porter à l’honneur
divin, c’est de prétendre que le plus pieux adorateur de Dieu sur la terre
le sert avec cette unique pensée : « Que m’en reviendra-t-il ? » S’il en est
ainsi, Dieu n’est plus qu’un puissant, flatté par des lâches, il n’a pas
d’amis, pas d’enfants ; il n’a que des mercenaires et des esclaves. […]
En décochant le trait enflammé qui réduit en cendres la piété de Job,
c’est réellement au cœur de Dieu qu’il a visé… et il a frappé au but73.
L’épreuve seule pourra faire éclater la vérité. Dieu est contraint de
relever le défi de Satan et de lui donner carte blanche pour démontrer si
son insinuation est vraie. Ainsi, Job devient le « champion » de Dieu,
dans le sens que ce mot avait au Moyen Âge : il devra défendre
l’honneur de Dieu.
Ce sens suprême de la souffrance nous explique peut-être pourquoi
tous les héros de la foi d’Hébreux 11 ont dû passer par l’épreuve,
pourquoi Dieu a permis que l’Église subisse tant de persécutions au
cours des siècles, pourquoi aujourd’hui encore tant de fidèles croyants
endurent des souffrances non méritées. Par leur constance et leur
fidélité au milieu des tribulations, ils apportent la démonstration
péremptoire que Dieu leur est plus précieux que n’importe quoi ; il est,
pour eux, le bien suprême, l’unique objet de leur affection.
Dans cette perspective, le livre de Job est une critique fondamentale
de la philosophie hébraïque de ce temps qui avait enfermé la vie dans
une orthodoxie rigide où il n’y avait place que pour deux destins : celui
du juste, assuré d’obtenir sa récompense dans cette vie, et celui du
méchant, sûr de sa destruction. Sous l’influence d’une telle philosophie,
la piété devenait un calcul intéressé, la bonne conduite une monnaie
pour acheter le bonheur, la sagesse elle-même n’était plus qu’un moyen
de s’assurer une existence sans problème.
Quand Dieu a créé l’homme à son image, l’a-t-il donc doté d’un esprit
si bassement commercial pour communier avec lui ? Est-il incapable de
susciter en lui une affection sincère et désintéressée ?
Ainsi la question de Satan : « Est-ce donc pour rien que Job te sert ? »
atteint à la fois Dieu et l’homme. […] À Dieu : « Est-ce vraiment toi qu’il
aime, ou ton argent, ta puissance, tes bienfaits, ton titre ? » Satan
conteste la possibilité de ce rien, de cette gratuité (de l’amour de Job). Il
défie Dieu d’être parvenu à créer cet amour au cœur de l’homme. […] Le
problème de Job n’est pas tant celui de la souffrance que celui de
l’amour. Dieu et Satan luttent pour le cœur de l’homme74.
Mais la question de Satan atteint aussi l’homme en plein cœur de sa
dignité. Est-ce que l’homme n’est vraiment rien de plus qu’un
consommateur qui marchande les faveurs de Dieu par sa piété ? Est-il,
comme le veut Satan, uniquement préoccupé de ses intérêts, ou
comme le pensent les amis de Job, entièrement dépravé et corrompu ?
La vie et l’attitude de Job sont la réponse à cette question et sauvent la
dignité de l’homme en même temps que l’honneur de Dieu. Dans ce
sens, on a pu dire du livre qu’il était autant une défense de l’homme
qu’une justification de Dieu.
La sagesse elle-même sort purifiée de cette épreuve : elle n’est plus
seulement monnaie d’échange pour acquérir des bonheurs terrestres,
elle a soutenu son champion Job dans cette épreuve suprême et lui a
inspiré l’attitude qui lui attirera la faveur divine.
Comment souffrir ?
Si le théologien trouve dans ce livre plusieurs réponses au problème de
la souffrance, l’homme qui souffre découvre dans l’attitude de Job un
modèle approuvé par Dieu (Jacques 5 : 10-11). Pour lui la question est
moins : « Pourquoi la souffrance ? » que : « Comment souffrir ? Dans
quel esprit ? Que dois-je, que puis-je faire si je souffre ? »
Là aussi, Job nous apporte plusieurs réponses : son acceptation calme
de la volonté souveraine de Dieu (1 : 21 ; 2 : 10) est restée pour
beaucoup de chrétiens la réplique de la foi aux coups inattendus qui les
ont frappés. Sa reconnaissance pour les bienfaits du passé lui permet
de dépasser le mal présent et de continuer à voir, dans la main qui le
frappe, celle d’un Dieu d’amour. Mais pour Job, comme pour tous ceux
qui sont atteints au tréfonds de leur être, vient un moment où il n’arrive
plus à assumer son mal avec calme et foi. Que fait-il alors ? Il épanche
toute l’amertume de son âme (7 : 11), il crie ses protestations et son
désarroi, mais il les crie à Dieu. Il ne s’en prend pas aux causes
secondaires (les Sabéens, les forces de la nature), il remonte à la
véritable origine et clame son innocence et son incompréhension à Dieu
lui-même. C’est parce qu’il est resté attaché à l’Éternel que celui-ci se
révèle à lui (38 : 41) et le proclame juste (42 : 7).
Origine du livre
D’où nous vient-il ? Le nom de Job apparaît déjà au IIe millénaire avant
J.-C. dans les lettres d’Amarna, dans des textes imprécatoires
égyptiens, à Mari, à Alalakh et dans des documents ugaritiques. C’était
donc un nom ancien très répandu. Il signifiait : « Où est (mon) père ? »
ou : « Pas de père ». Il s’appliquait soit à des orphelins, soit à des
enfants illégitimes.
Job était certainement un homme qui a réellement existé
puisqu’Ézéchiel (14 : 14, 20) et Jacques (5 : 11) y font allusion non
comme à une fiction littéraire, mais comme à un personnage historique.
Il a sans doute vécu à l’époque des patriarches dont il partage la
longévité, le mode de vie et le rôle sacerdotal. Sa richesse est évaluée
en troupeaux et il a connu les mêmes dangers qu’eux (les razzias des
bandes de Sabéens et de Chaldéens, peuplades restées nomades
jusque vers l’an 1 000 av. J.-C.)
Son histoire a sans doute circulé sous forme orale, peut-être même en
dehors d’lsraël, ce qui expliquerait la saveur araméenne de bien de
détails du récit (Outs, cf. Genèse 10 : 23 ; 22 : 20-24 ; Éliphaz, Téman
pris dans la généalogie d’Ésaü, Genèse 36 : 15 ; et de nombreux
aramaïsmes). Edom était réputé pour sa sagesse (Jérémie 49 : 7 ;
Abdias 8 : 9) ; or, d’après Lamentations 4 : 21, Uz = Édom. Cette
histoire a dû être rédigée plus tard sous la forme élaborée que nous lui
connaissons par un Hébreu écrivant sous l’inspiration de l’Esprit saint.
Le livre de Job est donc « un poème dramatique à fondement historique
» (C. Morgan).
Toutes les époques, de Moïse à Esdras, ont été proposées comme
dates de rédaction. En effet, les écrits de sagesse remontent au-delà de
l’an 2 000 av. J.-C. dans l’ancien Orient. Certains détails témoignent
d’une origine très ancienne, comme l’usage de la Kesitah (42 : 11), une
pièce de monnaie datant d’avant l’époque de Josué (Genèse 33 : 19 ;
Josué 24 : 32).
On ne saurait toutefois remonter trop haut vu l’absence des formes de
langage antiques caractérisant le Pentateuque et le développement de
la réflexion philosophique dont témoigne le livre. On ne peut, d’autre
part, assigner une date trop tardive, car des fragments de Job en paléo-
hébreu ont été trouvés parmi les manuscrits de la mer Morte. La plupart
des auteurs pensent que l’époque de Salomon (ou peu après)
conviendrait le mieux pour un écrit caractérisé à la fois par l’élégance de
la langue, la profondeur de la pensée et la perfection de l’élaboration
littéraire. Que l’auteur soit resté inconnu se conçoit le mieux à une
époque où il pouvait se perdre au milieu d’une pléiade de sages formés
à l’école de Salomon, partageant son intérêt pour les problèmes
humains et pour la nature (cf. 36 : 22 à 37 : 13 ; 38 à 41). Il a la même
réaction que ses contemporains devant les injustices sociales (24 : 2-12
; cf. Ésaïe et Michée). Dans ce cas, le livre daterait environ du VIIIe siècle
av. J.-C. Mais comme le dit Davidson, la datation dépend davantage
des impressions que des arguments. D’autres auteurs pensent qu’en 12
: 17-25, l’auteur décrit la déportation des conseillers, des nobles et des
sacrificateurs avec une précision seulement possible de la part d’un
témoin oculaire75. Le livre aurait donc été rédigé par quelqu’un qui a vu
la déportation par les Chaldéens en 587 av. J.-C. (cf. 2 Rois 24 : 13-15).
Valeur actuelle du livre
Ce livre garde une valeur actuelle incontestable. Ceux qui passent par
l’épreuve trouvent en Job un compagnon de misère et un exemple de
constance rare (cf. Jacques 5 : 11) qui leur permet d’exprimer leur
souffrance en des termes véhéments peut-être, mais non
blasphématoires puisque Dieu a pu les accepter. Avoir la foi ne veut pas
dire évacuer les questions qui se posent à nous, se soumettre sans
comprendre. C’est l’une des leçons audacieuses de ce livre.
Autre leçon du livre : lorsqu’on passe par l’épreuve, Dieu seul peut
apporter une consolation juste et efficace. En effet, aucun des amis de
Job ne l’a réellement soulagé, il a fallu que Dieu lui-même lui parle pour
qu’il trouve la paix intérieure. Les croyants éprouvés font parfois la
même expérience que Job : tout ce que leurs amis trouvent à dire tient
dans le résumé des discours des quatre interlocuteurs du livre : « Dieu
est juste, si tu souffres c’est qu’il y a un interdit dans ta vie, sonde-toi,
repens-toi et il te rétablira ». Il est toujours bon de s’examiner devant
Dieu et chaque épreuve est une invitation à le faire et à le refaire avec
honnêteté et courage, mais le livre de Job nous enseigne qu’il est faux
de lier toute souffrance à un péché.
Peut-être certains conseillers se hausseront-ils au niveau d’Élihou en
parlant de la souffrance comme moyen d’éducation. Et c’est juste : nul
ne sort de l’épreuve comme il y est entré. Mais si elle affine les uns, la
souffrance endurcit les autres. Elle est épreuve dans le plein sens du
terme, c’est-à-dire examen : on peut le réussir ou le rater. Rien n’est
automatique sur le plan spirituel. Si Job a grandi peu à peu au cours de
son épreuve vers une maturité qui lui a permis de prier pour les amis qui
l’ont blessé sans le vouloir (42 : 10 ; cf. Luc 6 : 28), c’est bien sûr par la
grâce de Dieu, mais c’est aussi par les expériences qu’il a vécues,
expériences souvent contradictoires où le désespoir alternait avec
l’espérance, où tantôt il suppliait Dieu de s’éloigner de lui (7 : 17, 21 ; 10
: 20 ; 19 : 22), tantôt il l’appelait à ses côtés (14 : 15). Si, pour un
observateur extérieur, la caractéristique de l’homme qui vit en
communion avec Dieu est la paix intérieure, Job ne réussit pas
l’examen, car son esprit est agité et troublé. Il ne dédaigne pas les biens
matériels, il ne refoule pas stoïquement ses émotions par peur de perdre
son image de marque. Il est pleinement homme et rien de ce qui est
humain ne lui est étranger. Par là, il est infiniment proche de ceux qui
souffrent et refusent de voir la victoire dans la négation d’une partie de
leur humanité – qui est aussi un don de Dieu.
Le livre de Job a été vraiment un grand réconfort pour de nombreux
croyants. Il nous donne un aperçu de ce qui se passe au-delà du voile. Il
nous révèle aussi les pensées qui peuvent agiter le cœur des humains
en face des souffrances qui sont souvent notre lot, sur l’attitude à
prendre dans la tourmente incompréhensible et dévastatrice qui peut
nous assaillir à tout moment. « L’Éternel a donné, l’Éternel a ôté, que le
nom de l’Éternel soit béni » : une phrase que l’on ne peut pas prononcer
à la légère ni spontanément, mais que ce livre nous prépare et nous aide
à dire lorsque cela sera nécessaire.
Finalement, Job est une préfiguration de Jésus-Christ, l’« homme de
douleur, habitué à la souffrance, semblable à celui dont on détourne le
visage » (Ésaïe 53 : 3). Tous les sens de la souffrance dont il est
question dans ce livre convergent vers lui : il a été éduqué par elle
(Hébreux 5 : 8), il fut tenté comme nous en toutes choses (Hébreux 4 :
15), il a souffert de l’incompréhension de ses amis (Marc 9 : 32), de
l’abandon de Dieu lui-même (Matthieu 27 : 46), il a subi l’épreuve
suprême comme châtiment du péché, mais là, sa souffrance avait un
caractère unique, car il a subi ce châtiment pour nos péchés :
Ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est
chargé ; et nous l’avons considéré comme puni, frappé de Dieu et
humilié [comme l’ont fait les amis de Job]. Mais il était blessé pour nos
péchés, brisé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix est
tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.
(Ésaïe 53 : 4-5)
La valeur suprême du livre réside non dans les discours, mais dans
l’histoire, c’est-à-dire dans le prologue qui nous donne la clé de
l’épreuve de Job, associé aux discours de Dieu dans les derniers
chapitres : l’Éternel est souverain, il connaît son métier de Dieu, il sait
pourquoi il envoie cette épreuve. Si j’ai examiné mon passé sous son
regard, si j’ai placé tous mes péchés sous la croix de Christ, je peux
aussi lui confier mon épreuve : il saura l’utiliser pour ma sanctification et
pour sa gloire. Cette vision positive de la souffrance m’aidera à traverser
victorieusement l’épreuve. Parce qu’il a porté lui-même le châtiment de
nos péchés, nous n’avons plus à le porter, car Dieu est juste et il ne
punit pas deux fois. Nous pouvons donc accueillir toute épreuve
positivement et y voir une marque de la bonté de notre Dieu et de sa
sollicitude à notre égard. C’est pourquoi Jacques pouvait écrire :
Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses
épreuves auxquelles vous pouvez être exposés… Heureux l’homme qui
supporte patiemment l’épreuve ; car après avoir été éprouvé, il recevra la
couronne de vie, que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment.
(Jacques 1 : 2, 12)
La lecture et la méditation de ce livre nous préparent à affronter les
plus grandes épreuves ou à les traverser victorieusement. Nous en
avons fait l’expérience.
Job
Première attaque
6 Or,il advint un jour que les fils de Dieu vinrent se présenter à l’Éternel ;
Satan se trouvait parmi eux. 7 Et Dieu dit à Satan :
— D’où viens-tu donc ?
Et Satan répondit à Dieu :
— Je viens de parcourir la terre et de m’y promener.
8 EtDieu dit à Satan :
— As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job ? Il n’a pas d’égal sur la
terre, car c’est un homme intègre et droit, un homme qui révère Dieu et qui
se détourne du mal.
9 Et Satan répondit à Dieu :
— Est-ce vraiment pour rien que Job vénère Dieu ?
10 N’as-tu pas élevé comme un rempart de protection autour de lui, autour de
sa maison, et de tout ce qui est à lui ? Tu as béni ses entreprises : ses
troupeaux couvrent le pays ! 11 Mais veuille étendre un peu ta main, touche à
ce qui lui appartient, et l’on verra s’il ne te maudit pas en face.
12 Et l’Éternel dit à Satan :
— Tous ses biens sont en ton pouvoir, mais n’étends pas la main sur lui !
Alors Satan se retira de la présence du Seigneur.
13 Or,il advint un jour que les fils et les filles (de Job) étaient tous attablés pour
manger et boire du vin dans la maison du frère aîné. 14 Soudain, un messager
vint trouver Job et dit :
— Les bœufs étaient en train de labourer, les ânesses, à leurs côtés, paissaient
tranquillement. 15 Les Sabéens sont survenus, ils ont fondu sur eux, ils ont
enlevé le bétail et massacré tes serviteurs. J’étais le seul à pouvoir
m’échapper pour t’annoncer cette nouvelle.
16 Comme il parlait encore, un autre messager survint et annonça :
— Un éclair est tombé des cieux, il a foudroyé tes brebis et tes garçons de
ferme, et tout a été consumé. J’étais le seul à pouvoir m’échapper pour
t’annoncer cette nouvelle.
17 Comme il parlait encore, un autre messager survint et annonça :
— Les Chaldéens, répartis en trois troupes, se sont jetés sur les chameaux, ils
les ont enlevés et massacré tes serviteurs. J’étais le seul à pouvoir
m’échapper pour t’annoncer cette nouvelle.
18 Comme il parlait encore, un autre messager survint et annonça :
— Tes fils avec tes filles étaient tous attablés pour manger et boire du vin dans
la maison du frère aîné, 19 lorsqu’un vent très violent survint du côté du
désert. Il ébranla les quatre coins de la maison qui s’abattit sur tes enfants et
ils ont tous péri. J’étais le seul à pouvoir m’échapper pour t’annoncer cette
nouvelle.
20Alors Job se leva et déchira ses vêtements, puis il se rasa les cheveux. Et,
se jetant à terre, il resta prosterné. 21 Ensuite il dit :
— C’est nu que je sortis du ventre de ma mère, nu, je retournerai dans le sein
de la terre. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : que son nom soit béni.
22 En dépit de tous ses malheurs, Job ne commit point de péché et n’attribua
rien d’injuste à l’adresse de Dieu.
Deuxième attaque
2 Or, il advint un jour que les fils de Dieu vinrent se présenter à l’Éternel,
Satan se trouvait parmi eux et se présenta devant Dieu.
2 Et Dieu dit à Satan :
— D’où viens-tu donc ?
Et Satan répondit à Dieu :
— Je viens de parcourir la terre et de m’y promener.
3 Et Dieu dit à Satan :
— As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job ? Il n’a pas d’égal sur la
terre, car c’est un homme intègre et droit, un homme qui révère Dieu et qui
se détourne du mal. Il persévère encore dans son intégrité, et c’est donc sans
raison que tu m’as incité à l’accabler.
4 Et Satan répondit à Dieu :
— Donnant, donnant ! Tout ce qui est à lui, l’homme y renoncera pour
conserver sa vie. 5 Mais veuille étendre un peu ta main, touche à ses os et à
sa chair et l’on verra s’il ne te maudit pas en face !
6 Et Dieu dit à Satan :
— Voici qu’il est en ton pouvoir, respecte seulement sa vie !
7 Alors Satan se retira de la présence du Seigneur. Et il affligea Job d’un ulcère
malin de la plante des pieds au sommet de la tête. 8 Job, assis dans la cendre,
prit un tesson pour se gratter. 9 Et sa femme lui dit :
— Toujours, tu persévères dans ton intégrité ? Maudis donc Dieu et meurs !
10 Et
il lui répondit :
— Tu parles comme une insensée ! Si nous acceptons le bonheur comme
venant de Dieu, n’accepterions-nous pas aussi le malheur de sa main ?
En tout cela, dans ses propos, Job ne commit aucun péché.
Pourquoi ? Pourquoi ?
7 Le sort de l’homme sur la terre est celui d’un soldat, et ses jours sont
semblables à ceux d’un mercenaire. 2 Il est comme un esclave qui soupire
après l’ombre et comme un ouvrier qui attend son salaire. 3 J’ai reçu en
partage des mois de déception, j’ai trouvé dans mon lot des nuits de peine
amère. 4 Dès que je suis couché, je dis : « Quand vais-je me lever ? » Sitôt levé,
je pense : « Quand donc viendra le soir ? » Et jusqu’au crépuscule, je suis
rempli d’angoisses. 5 Mon corps est couvert de vermine et de croûtes
terreuses, ma peau s’est fendillée, partout, mes plaies suppurent. 6 Mes jours
se sont enfuis plus rapides que la navette d’un tisserand habile. Ils tirent à leur
fin sans qu’il y ait d’espoir.
7 Rappelle-toi,Seigneur, que ma vie n’est qu’un souffle et que jamais mes yeux
ne reverront plus le bonheur ! 8 Celui qui me regarde ne pourra plus me voir ;
tes yeux me chercheront et j’aurai disparu ! 9 Tout comme une nuée qui se
dissipe et passe, l’homme descend sous terre pour n’en plus remonter. 10 Il ne
reviendra plus chez lui, et sa demeure même ne le reconnaît plus.
11 Je ne puis réfréner ma langue dans ma bouche, je veux laisser parler
l’angoisse de mon cœur, car mon âme est amère. 12 (Ô Dieu,) suis-je une mer
ou un monstre marin pour que tu m’emprisonnes en postant une garde
partout autour de moi ? 13 La nuit, si je me dis : « Mon lit m’apaisera, ma
couche m’aidera à porter ma douleur », 14 alors, tu m’épouvantes par d’affreux
cauchemars et tu me terrifies par des visions nocturnes. 15 Ah ! je préférerais
périr de mort violente. La mort vaudrait mieux que la vie pour mes os
méprisables. 16 Je ne vais pas vivre toujours, laisse-moi donc en paix, car ma
vie n’est qu’un souffle.
17 Qu’est-ce que le mortel, (ô Dieu), pour que tu fasses un si grand cas de lui,
et pour que ton cœur porte son attention sur lui ? 18 Pour que tu le visites dès
l’aube du matin et pour qu’à chaque instant tu viennes l’éprouver ? 19 Quand
détourneras-tu enfin tes yeux de moi ? Ne lâcheras-tu point un instant ton
étreinte, ne fût-ce que le temps d’avaler ma salive ?
20Si même j’ai péché, que t’ai-je fait, à toi, observateur des hommes ?
Pourquoi donc m’as-tu pris pour cible de tes coups ? En quoi te suis-je à
charge ? 21 Pourquoi ne veux-tu pas pardonner mon offense et ne passes-tu
pas sur mon iniquité ? Bientôt j’irai dormir au sein de la poussière et tu me
chercheras, mais je ne serai plus.
Pitié !
10 Je suis fatigué de la vie, je ne retiendrai plus mes plaintes, je veux
épancher l’amertume qui remplit tout mon être 2 et je veux dire à Dieu :
« Ne me déclare pas coupable ! Apprends-moi pourquoi tu m’attaques ! 3
Prends-tu plaisir à m’accabler ? À rejeter ce que tes mains ont fait ? Est-ce
bien de favoriser les desseins des méchants ? 4 As-tu des yeux de chair, et ne
vois-tu que l’apparence à la façon des hommes ? 5 Ta vie serait-elle aussi
courte que celle des mortels, et tes années passeraient-elles comme une vie
humaine, 6 pour que tu recherches ma faute et pour que tu t’enquières de
mon iniquité ?
7Pourtant tu sais parfaitement que je ne suis pas condamnable et que
personne ne pourra me ravir de ta main !
8Ce sont tes mains qui m’ont formé ; oui, elles m’ont fait tout entier et tu me
détruirais !
9 Oh, souviens-toi, je t’en supplie, que c’est toi-même qui m’as fait comme on
fait un vase d’argile ; voudrais-tu donc, dans la poussière, me faire retourner ?
10 Déjà, comme du petit-lait, tu m’as versé de jarre en jarre, et, comme un
Présomptueux ! Repens-toi !
11 Puis Tsophar de Naama prit la parole et dit :
2
— Ne répondra-t-on pas à ce flot de paroles ? Suffit-il de parler pour
que l’on ait raison ? 3 À cause de tes vains discours, tous devront-ils se taire ?
Railleras-tu le monde sans qu’on te fasse honte ? 4 Or, tu as osé dire : « Ma
pensée est la vraie, je suis pur à tes yeux ! » 5 Ah ! s’il plaisait à Dieu de te
parler lui-même, s’il desserrait ses lèvres 6 afin de t’annoncer la sagesse
cachée qui est trop merveilleuse pour notre intelligence, tu comprendrais
alors que Dieu livre à l’oubli une part de tes crimes.
7 Prétends-tu pénétrer les profondeurs de Dieu, saisir la perfection du
(Seigneur) Tout-Puissant ? 8 Elle est plus élevée que la hauteur des cieux. Et
toi, qu’y ferais-tu ? Ce sont des profondeurs plus grandes que l’abîme. Et toi,
qu’en saurais-tu ? 9 Elle est plus étendue que notre terre entière, plus vaste
que la mer.
10 S’il saisit le coupable, s’il veut l’emprisonner, s’il convoque en justice, qui
peut s’y opposer ? 11 Car il sait reconnaître les hommes de mensonge, et il sait
discerner sans effort d’attention tous ceux qui font le mal. 12 Ainsi l’homme
insensé pourra devenir sage, cessant d’être un ânon, il deviendra sensé.
13 Pourtoi, si tu diriges tes pensées vers ton Dieu, et si tu tends les bras en les
tournant vers lui, 14 Si tu bannis le mal qui a souillé tes mains, si tu ne permets
pas à la perversité d’habiter sous ta tente, 15 alors tu lèveras un visage sans
honte, et tu ne craindras rien. 16 Tu oublieras ta peine, son souvenir sera
comme une eau fugitive. 17 Tes jours seront plus clairs que le soleil en plein
midi, le sombre crépuscule luira comme une aurore. 18 Tu seras en sécurité,
car l’espoir renaîtra. Te sachant protégé, tu dormiras tranquille, 19 tu t’étendras
à l’aise sans que l’on te dérange. Beaucoup viendront à toi implorer ta faveur.
20 Mais les yeux des méchants finiront par s’éteindre. Pour eux, point de
massif. 27 Son visage est bouffi, ses flancs sont lourds de graisse. 28 Il a pour
domicile des villes dévastées, des maisons condamnées, destinées à la ruine.
29 Au lieu de s’enrichir, il verra s’écrouler sa fortune amassée, et sa prospérité
Perplexités
21 Job répondit alors :
2
— Écoutez, je vous prie ce que j’ai à vous dire, accordez-moi du moins
cette consolation ! 3 Laissez-moi, à mon tour, placer quelques paroles et,
quand j’aurai parlé, tu pourras te moquer.
4Est-ce contre des hommes que je porte ma plainte ? Comment n’aurais-je
pas un esprit impatient ?
5 Retournez-vous vers moi et soyez stupéfaits ! En me voyant, posez un doigt
sur votre bouche ! 6 Moi-même quand j’y songe, j’en suis épouvanté, et un
frisson d’horreur s’empare de mon corps. 7 Pourquoi les scélérats demeurent-
ils en vie ? Pourquoi vieillissent-ils, reprennent-ils des forces ? 8 Leur race
s’affermit constamment devant eux, et leurs petits-enfants fleurissent sous
leurs yeux. 9 Leurs maisons sont paisibles, affranchies de la peur, et le fléau de
Dieu ne vient pas les frapper. 10 Leurs taureaux sont toujours vigoureux et
féconds, leurs vaches mettent bas sans jamais avorter. 11 Ils voient sortir leurs
jeunes ; comme un troupeau d’agneaux, leurs enfants vont s’ébattre. 12 Au
rythme des cymbales et de la harpe, ils chantent, et ils se réjouissent au son
du chalumeau. 13 Ainsi leurs jours s’écoulent dans un bonheur sans trêve et,
tout soudainement, ils descendent sous terre. 14 Or, ils disaient à Dieu : «
Retire-toi de nous, nous n’avons nulle envie de connaître tes voies ! 15 Qu’est
donc le Tout-Puissant pour que nous le servions ? Quel profit aurions-nous à
chercher sa faveur ? »
16Le bonheur des impies n’est-il pas dans leur main ? J’écarte loin de moi le
conseil des méchants. 17 Voit-on souvent s’éteindre la lampe des méchants ?
Ou voit-on le malheur venir les submerger ? Dieu leur assigne-t-il leur part
dans sa colère ? 18 Quand sont-ils pourchassés comme une paille au vent ou
comme un brin de chaume qu’emporte la tempête ?
19 Est-ceque Dieu réserve aux enfants du méchant la peine qu’il mérite ? Mais
ne devrait-il pas l’infliger à lui-même pour qu’il apprenne enfin ce que valent
ses actes ! 20 Que, de ses propres yeux, il assiste à sa ruine et qu’il soit
abreuvé de la fureur divine. 21 Que lui importe donc le sort de sa maison
quand il ne sera plus, quand le fil de ses mois aura été tranché ?
22 Pourrait-on enseigner quelque savoir à Dieu, à ce Dieu qui gouverne les
êtres supérieurs ? 23 Un tel meurt plein de force, en parfaite santé, dans la
tranquillité et dans l’insouciance. 24 Ses flancs sont pleins de graisse et ses os
pleins de moelle. 25 Tel autre va s’éteindre l’amertume dans l’âme, sans avoir
savouré le bonheur de la vie. 26 Et tous deux, ils se couchent dans la même
poussière et seront la pâture de la même vermine.
27Oui, je ne sais que trop quelles sont vos pensées, les réflexions perverses
que vous forgez sur moi. 28 Vous me demanderez : « Où donc est maintenant
la maison du grand homme ? Qu’est devenue la tente qu’habitaient les
méchants ? » 29 Mais interrogez donc les passants du chemin, et ne contestez
pas les preuves qu’ils apportent. 30 Oui, le jour du malheur épargne le
méchant ; au jour de la colère, il est mis à l’abri. 31 Qui osera blâmer devant lui
sa conduite ? Qui lui reprochera tout le mal qu’il a fait ? 32 Il est porté en
pompe au lieu de sépulture, une garde d’honneur veillera sur sa tombe. 33 Les
mottes du vallon sont légères pour lui. Et tout homme, après lui, suivra les
mêmes traces, comme il fut précédé de devanciers sans nombre. 34 Comment
donc m’offrez-vous des consolations vaines ? Car, pour moi, ce qui reste de
toutes vos réponses, ce n’est que fausseté.
Je suis innocent !
23 Job répondit alors :
2
— Oui, maintenant encore, ma plainte est révoltée : c’est le poids de sa
main qui me force à gémir.
3 Si je pouvais savoir où je trouverais Dieu, et comment parvenir au lieu de sa
demeure, 4 je pourrais, devant lui, plaider ma juste cause, je remplirais ma
bouche d’arguments (et de preuves). 5 Je saurais les raisons qu’il pourrait
m’opposer, je comprendrais enfin ce qu’il pourrait me dire. 6 Emploierait-il sa
force pour plaider contre moi ? Certes non ! Lui, du moins, daignerait
m’écouter. 7 Il reconnaîtrait bien que c’est un homme droit qui s’explique avec
lui. Et je verrais ma cause triompher pour toujours.
8 Mais, si je vais à l’est, voici qu’il n’y est pas. Et si je vais à l’ouest, je ne
l’aperçois pas. 9 Si je le cherche au nord, je ne peux pas l’atteindre. Serait-il au
midi ? Jamais je ne le vois. 10 Cependant, il connaît la voie que j’ai suivie. Qu’il
me passe au creuset, or pur, j’en sortirai. 11 Car j’ai toujours suivi la trace de
ses pas. J’ai observé sa voie sans jamais en dévier. 12 Je n’ai pas refusé d’obéir
à ses ordres. J’ai gardé ses paroles pour qu’elles infléchissent ma propre
volonté. 13 Mais c’est lui qui décide. Qui le fera changer ? Et tout ce qu’il
souhaite se réalisera. 14 Oui, il accomplira son décret contre moi, comme à son
habitude dans beaucoup d’autres cas. 15 C’est pourquoi sa présence me
remplit d’épouvante et, plus j’y réfléchis, plus je suis effrayé. 16 Dieu m’a brisé
le cœur et c’est le Tout-Puissant qui m’a rempli d’effroi, 17 car si je dois me
taire, ce n’est pas en raison des épaisses ténèbres et de l’obscurité qui me
couvrent la face.
déplace les bornes, on vole des troupeaux et on les mène paître, 3 on pousse
devant soi l’âne des orphelins, et c’est le bœuf de la veuve que l’on retient en
gage. 4 On malmène les pauvres, on les met de côté. Les faibles du pays n’ont
plus qu’à se cacher.
5 Tels des ânes sauvages vivant en plein désert, les malheureux s’en vont dès
l’aube à leur travail, cherchant furtivement un peu de nourriture. La steppe
doit fournir du pain pour leurs enfants, 6 ils doivent moissonner le fourrage
des champs et faire la vendange des vignes du méchant. 7 Ils se couchent tout
nus, faute de vêtement, sans rien pour se couvrir, même quand il fait froid. 8
L’averse des montagnes les laisse tout transis et, n’ayant pas d’abris, ils
s’accrochent au roc. 9 On enlève de force l’orphelin à sa mère, et l’on retient
des gages pris sur les malheureux. 10 On les fait marcher nus, privés de
vêtements, et ils portent des gerbes en étant affamés. 11 Dans les enclos des
autres, ils pressent les olives, et foulent les vendanges tout en mourant de
soif. 12 De la ville s’élèvent les soupirs des mourants, et leurs âmes blessées
appellent : « Au secours ! » Mais Dieu ne prend pas garde à ces atrocités !
13 Les méchants en révolte font fi de la lumière, ils ignorent ses voies et
quittent ses sentiers. 14 Avant le point du jour, le meurtrier se lève, afin
d’assassiner le faible et l’indigent. Et, quand la nuit arrive, il agit en voleur. 15
Les yeux de l’adultère guettent le crépuscule : « Nul œil ne me verra » se dit-il,
et il couvre son visage d’un voile. 16 À l’abri des ténèbres, on force les
maisons, mais de jour, on s’enferme, refusant la lumière. 17 Car, pour tous ces
gens, l’aube, c’est l’ombre de la mort, et lorsqu’elle paraît, ils sont saisis d’effroi,
car, pour eux, c’est la nuit.
18 Quoi ! l’impie glisserait comme un objet léger sur la face de l’eau76 ? Sa part
serait maudite par les gens du pays ? Il ne prendrait jamais le chemin de ses
vignes ? 19 Comme un sol altéré et la chaleur du jour absorbent l’eau des
neiges, tous ceux qui ont péché se verraient engloutis par le séjour des morts
? 20 Le sein qui les porta les oublierait bientôt, et les vers du tombeau en
feraient leurs délices ? On perdrait leur mémoire ? L’iniquité serait fracassée
comme un arbre ? 21 Ces gens ont exploité la femme sans enfants, et se sont
montrés durs envers la pauvre veuve.
22Non, Dieu, par sa puissance, fait durer les tyrans. Hier, ils ne croyaient pas
qu’ils resteraient en vie. Et les voilà debout ! 23 Le Seigneur leur accorde force
et sécurité. Il porte les regards sur le chemin qu’ils suivent. 24 Eux, en un rien
de temps, ils se sont élevés, et puis ils disparaissent, et ils sont recueillis
comme les autres hommes, coupés et moissonnés comme des épis mûrs.
25 S’il n’en est pas ainsi, qui me démentira ? Qui réduira à rien mon
argumentation ?
Le méchant périra
27 Et— Job
2
reprit encore l’exposé de son thème :
Aussi vrai que Dieu vit, lui qui a refusé de me rendre justice, et par le
Tout-Puissant qui a aigri mon âme, 3 tant qu’un reste de vie animera mon être
et que l’Esprit de Dieu sera dans mes narines, 4 je jure que mes lèvres ne
diront rien d’injuste et que, jamais, ma langue ne dira de mensonge. 5 Loin de
moi la pensée de vous donner raison ! Jusqu’à mon dernier souffle, je ne
dévierai pas de mon intégrité. 6 Je maintiens ma justice sans jamais la lâcher,
car mon cœur ne rougit d’aucun jour de ma vie.
7Oui, que mon ennemi soit traité en coupable et que mon adversaire ait le
sort du menteur ! 8 Car que peut espérer l’impie quand il rend l’âme, quand
Dieu lui prend la vie ? 9 Dieu entend-il son cri quand survient la détresse et
qu’elle fond sur lui ? 10 Trouve-t-il son plaisir auprès du Tout-Puissant ? Lui
adressera-t-il sa prière en tout temps ?
11
Je vous enseignerai la conduite de Dieu ; je ne cacherai pas la pensée du
Puissant. 12 Mais vous les connaissez tout aussi bien que moi ! Pourquoi vous
perdre ainsi dans de vaines pensées ? 13 Voici la part que Dieu réserve au
mécréant, et le lot qu’un tyran reçoit du Tout-Puissant : 14 si ses fils sont
nombreux, le glaive les attend, et ses petits-enfants souffriront de la faim. 15 La
peste engloutira tous ceux qui survivront, leurs veuves elles-mêmes ne les
pleureront pas. 16 S’il amasse l’argent comme de la poussière, et, comme de la
boue, entasse des habits, 17 qu’il les entasse donc : le juste les mettra, les
innocents auront son argent en partage. 18 La maison qu’il bâtit vaut celle
d’une teigne, c’est comme la cabane d’un guetteur dans les vignes. 19 Lorsqu’il
s’est endormi pour la dernière fois, c’était un homme riche. Lorsqu’il ouvre les
yeux, il ne retrouve rien. 20 Les terreurs le surprennent comme une trombe
d’eau ; au milieu de la nuit, un tourbillon l’enlève. 21 Le vent d’orient l’emporte
et le fait disparaître, il l’arrache et le chasse de son lieu de séjour. 22 On lance
contre lui des flèches sans pitié. Lui s’efforce de fuir cette main menaçante. 23
Les témoins de sa fuite applaudissent de joie. Du lieu qu’il habitait on siffle
contre lui.
Où trouver la sagesse ?
28 Il existe des lieux d’où l’on extrait l’argent,
il y a des endroits où l’on affine l’or.
2 On sait comment extraire le fer de la poussière, fondre le minerai pour en
tirer le bronze. 3 L’homme a fait reculer les limites de l’ombre, on explore les
mines, on va chercher les pierres cachées dans les ténèbres et l’ombre de la
mort. 4 On creuse des tranchées loin des lieux habités. À l’endroit où le pied a
perdu tout appui, les mineurs se balancent, suspendus dans le vide. 5 La terre
qui nous donne le pain (qui nourrit) se voit bouleversée jusqu’en ses
profondeurs tout comme par un feu. 6 Ses demeures secrètes recèlent des
saphirs, et son sable contient de la poussière d’or. 7 L’oiseau de proie ignore
quel en est le sentier, et l’œil de l’épervier ne l’a pas repéré. 8 Les plus fiers
animaux ne l’ont jamais foulé, le lion n’y passe pas. 9 On s’attaque au granit, on
remue les montagnes jusqu’en leurs fondements. 10 Au milieu des rochers,
l’homme ouvre des tranchées pour que rien de précieux n’échappe à son
regard. 11 Il endigue les fleuves et détourne leur cours. Il amène au grand jour
ce qui était caché.
12 Mais, quant à la sagesse, où peut-on la trouver ? Où donc l’intelligence a-t-
elle sa demeure ? 13 L’homme ne connaît pas quelle en est la valeur, et elle est
introuvable au pays des vivants. 14 L’abîme a déclaré : « Elle n’est pas ici ». Et
l’océan affirme : « Elle n’est point chez moi ». 15 On ne peut l’acquérir avec de
l’or massif, on ne peut l’acheter en pesant de l’argent. 16 On ne l’évalue pas
avec de l’or d’Ophir ou le précieux onyx ni avec du saphir. 17 Elle n’est
comparable ni à l’or ni au verre ; on ne l’échange pas contre un vase d’or fin.
18 Les coraux, les cristaux ne sont rien auprès d’elle. La sagesse vaut mieux
que des perles de prix. 19 La topaze de Cousch n’égale pas son prix, et l’or le
plus fin même n’atteint pas sa valeur.
20 Mais alors, la sagesse, d’où provient-elle donc ? Et où l’intelligence a-t-elle sa
demeure ? 21 Elle se cache aux yeux de tout être vivant, elle se dissimule à
l’œil vif des oiseaux. 22 L’abîme et la mort disent : « Nous avons seulement
entendu parler d’elle ». 23 C’est Dieu seul qui connaît le chemin qui y mène, et
c’est lui seul qui sait en quel lieu elle habite, 24 car ses regards pénètrent
jusqu’aux confins du monde ; il voit ce qui se passe partout, sous tous les
cieux. 25 C’est lui qui a fixé la pesanteur du vent, et donné leur mesure à tous
les océans. 26 Lorsqu’il a établi une loi pour la pluie, et tracé un chemin aux
éclairs de l’orage, 27 c’est alors qu’il l’a vue et l’a manifestée, et l’a examinée et
scrutée jusqu’au fond. 28 Puis il a dit à l’homme : « Révérer le Seigneur, voilà la
vraie sagesse ! Se détourner du mal, voilà l’intelligence ! »
Triste sort !
30 Mais hélas ! aujourd’hui, me voilà la risée de gamins dont les pères
étaient si méprisables que je n’aurais daigné les mettre avec mes chiens
pour garder mon troupeau. 2 D’ailleurs, que me ferait la force de leurs bras ?
Ils seraient incapables d’atteindre l’âge mûr : 3 épuisés par la faim et par les
privations, ils rôdent dans la steppe et dans la solitude. 4 Ils mangent des
bourgeons cueillis sur les buissons, ils prennent les racines du genêt comme
pain. 5 Ils ont été chassés du milieu de leur peuple, et l’on crie après eux
comme après des voleurs. 6 Ils hantent les cavernes au flanc des précipices,
ils logent dans des grottes ou parmi les rochers. 7 Dans les buissons d’épines
retentissent leurs cris ; ils se couchent ensemble à l’abri des broussailles. 8 Fils
de gens insensés, enfants qui sont sans nom, repoussés du pays !
9 Me voici devenu l’objet de leurs chansons ! Ils font de moi leur fable. 10 Ils ont
horreur de moi, ils s’éloignent de moi. Sans retenue, ils osent me cracher au
visage. 11 Car (Dieu) a détendu la corde de mon arc, et il m’a terrassé. Aussi
rejettent-ils tout frein en ma présence. 12 À ma droite, ils se lèvent et me font
lâcher pied, ils se fraient un accès jusqu’à moi pour me perdre ; 13 ils coupent
ma retraite, travaillant à ma ruine, et nul ne les arrête. 14 Ils arrivent sur moi
par une large brèche, et ils se précipitent au milieu des décombres. 15 La
terreur m’envahit, ma gloire est emportée comme en un coup de vent, mon
bonheur a passé, chassé comme un nuage.
16 Et maintenant, la vie s’écoule loin de moi. Les jours d’humiliation saisissent
tout mon être. 17 La nuit perce mes os, je suis écartelé, et le mal qui me ronge
ne prend pas de repos ; 18 avec toute sa force, il s’agrippe à ma robe, il se
colle à mon corps comme une camisole. 19 Dieu m’a précipité au milieu de la
fange, et je ne vaux pas mieux que la poudre et la cendre. 20 Je t’implore, ô
mon Dieu, et tu ne réponds pas. Je me tiens devant toi pour que tu me
remarques. 21 Que tu es devenu cruel à mon égard ! De ta main vigoureuse, tu
t’acharnes sur moi ! 22 Tu m’as fait enlever sur les chevaux du vent, et tu me
fais frémir au sein de l’ouragan. 23 Je ne le sais que trop : tu me mènes à la
mort, au lieu de rendez-vous de tout être vivant.
24 Mais celui qui se noie n’étend-il pas sa main, et celui qui succombe ne va-t-il
pas crier ? 25 Je pleurais autrefois avec les opprimés, et je compatissais à la
peine du pauvre. 26 J’espérais le bonheur, et le malheur arrive, j’attendais la
lumière et les ténèbres viennent. 27 Tout mon être intérieur bouillonne sans
relâche. Des jours d’humiliation sont venus m’affronter. 28 Je m’avance, l’air
sombre, et sans voir le soleil. Au milieu de la foule. Je me dresse et je hurle. 29
C’est comme si j’étais un frère du chacal ou bien un compagnon des filles de
l’autruche. 30 Ma peau noircit et tombe, mes os sont consumés par le feu de la
fièvre. 31 Ma harpe s’est changée en instrument funèbre, mon chalumeau
n’émet que des lamentations.
Montre-moi mon péché !
31 Pourtant, j’avais conclu un pacte avec mes yeux : ils ne devaient jamais
arrêter le regard sur une jeune fille. 2 Quelle part, en effet, Dieu pourrait-
il alors me réserver d’en haut ? Quel serait l’héritage que me destinerait des
cieux le Tout-Puissant ? 3 En effet, le malheur n’est-il pas réservé à ceux qui
sont injustes et la tribulation à ceux qui font le mal ? 4 N’est-ce pas Dieu qui
voit les sentiers où je marche ? Ne tient-il pas le compte de tous mes pas ? 5
Alors, si j’ai fait route avec la fausseté, si mon pied s’est hâté après la
tromperie, 6 Dieu me pèse donc dans la balance juste, et il reconnaîtra mon
innocence. 7 Si mes pieds ont dévié du droit chemin, si mon cœur a suivi le
regard de mes yeux, et si quelque souillure a imprégné mes mains, 8 alors, ce
que je sème, qu’un autre le moissonne, et que l’on déracine ce que j’avais
planté.
9Si mon cœur fut séduit par quelque femme, ou si j’ai fait le guet devant la
porte de mon voisin, 10 qu’alors ma femme tourne la meule pour un autre, et
qu’elle soit livrée aux mains des étrangers ! 11 Car c’est une infamie, un crime
qui relève du tribunal des juges, 12 c’est un feu qui dévore jusqu’à la perdition
et qui me priverait de tout mon revenu.
13Si j’avais méprisé le droit de ma servante ou de mon serviteur quand ils
contestaient avec moi, 14 qu’est-ce que je ferai quand Dieu se lèvera et que lui
répondrai-je quand il enquêtera ? 15 Celui qui m’a tissé dans le sein de ma
mère, ne les a-t-il pas faits, eux, tout autant que moi ? Oui, c’est le même Dieu
qui nous a tous formés dans le sein maternel. 16 Si je me suis soustrait aux
requêtes des pauvres, ou si j’ai fait languir les regards de la veuve, 17 si j’ai
mangé mon pain tout seul, sans partager avec un orphelin… 18 Car, depuis
mon enfance, il a trouvé en moi un véritable père. Dès le sein de ma mère, j’ai
soutenu la veuve. 19 Si j’ai vu l’indigent privé de vêtements, et le nécessiteux
manquant de couverture, 20 sans leur donner une occasion de me bénir, sans
qu’aussitôt ils se soient réchauffés sous la toison de mes brebis… 21 Si j’ai levé
la main sur l’innocent, me sachant soutenu au tribunal, 22 alors, que mon
épaule soit arrachée et que mon avant-bras se rompe au coude !
23Car j’ai toujours pensé au châtiment de Dieu et je le redoutais, et je ne
pouvais rien devant sa majesté.
24Si j’ai cru que l’argent était ma force, si j’ai dit à l’or pur : « Tu es mon
assurance ! », 25 si j’ai tiré ma joie de ma grande fortune et de ce que mes
mains avaient beaucoup gagné, 26 si, en voyant la splendeur du soleil, ou si,
en contemplant la lune en son éclat, 27 mon cœur, secrètement, a cédé à la
séduction, et si ma main leur a envoyé des baisers, 28 cela aussi eût été un
grand crime devant mon juge, car en faisant cela, j’aurais renié le Dieu Très-
Haut.
29 Si je me suis réjoui quand l’infortune frappait mon ennemi, si j’ai sauté de
joie quand le mal l’atteignait… 30 Moi qui n’aurais jamais autorisé ma langue à
commettre un péché en demandant sa mort par des imprécations… 31 Si les
gens sous ma tente n’ont pas eu lieu de dire : « Existe-t-il quelqu’un qui n’ait
pas été rassasié de ses festins ? »… 32 Jamais un étranger n’a dû coucher
dehors, j’ouvrais toujours ma porte au voyageur.
33Si j’ai tenté, comme bien d’autres hommes, de déguiser mes fautes en
cachant mes méfaits dans le secret de ma conscience, 34 parce que j’avais
peur de la rumeur publique, ou bien par crainte ou mépris des familles, si je
me suis tenu dans le silence, n’osant franchir mon seuil…
35 Ah ! si j’avais quelqu’un qui veuille m’écouter ! Voilà mon dernier mot. Que
le Dieu tout-puissant me donne sa réponse ! Ah ! si mon adversaire voulait
bien rédiger l’acte d’accusation, 36 je le mettrais sur mon épaule, je m’en
ceindrais le front comme d’un diadème. 37 Je lui ferais connaître le nombre de
mes pas, j’avancerais vers lui, fier comme un prince.
38 Si
ma terre a crié vengeance contre moi, et si j’ai fait pleurer ses sillons tous
ensemble, 39 si j’ai joui de ses produits sans les avoir payés, et si j’ai tourmenté
ceux qui l’ont cultivée, 40 alors, qu’au lieu de blé, il y pousse des ronces ! À la
place de l’orge, que des orties y croissent !
C’est ici que finissent les paroles de Job.
Buz, de la tribu de Ram. Il se mit en colère contre (son ami) Job qui prétendait
qu’il était juste plutôt que Dieu. 3 Il s’indigna de même contre ses trois amis
parce qu’ils n’avaient pas trouvé de réponse à lui exprimer et faisaient tort à
Job. 4 Élihou avait attendu avant de s’adresser à Job parce qu’ils étaient plus
âgés qu’il ne l’était lui-même. 5 Mais lorsqu’Élihou s’aperçut qu’ils étaient
réduits au silence, il se mit en colère. 6 Et Élihou, le fils de Barakél de Buz, prit
la parole et dit :
— Je suis un jeune, moi, et vous êtes des vieillards. C’est pourquoi, j’ai eu peur,
j’ai craint de vous exposer mon savoir. 7 Je me disais : « Ceux qui ont vécu de
longs jours s’exprimeront d’abord ; le nombre des années enseigne la sagesse
». 8 Mais, en réalité, je vois que c’est l’esprit qui anime les hommes, l’inspiration
du Tout-Puissant qui rend intelligent. 9 Ce ne sont pas les plus âgés qui sont
forcément les plus sages et ce ne sont pas les vieillards qui comprennent le
droit, 10 c’est pourquoi je t’en prie : écoute-moi aussi et j’exposerai mon avis.
11Jusqu’ici, j’attendais, j’écoutais vos discours et j’ai prêté l’oreille à vos
raisonnements pour vous laisser le temps d’éprouver ses propos. 12 Je vous ai
prêté attention, mais aucun de vous trois n’a pu convaincre Job, aucun n’a
réfuté son argumentation. 13 Et cependant, vous dites : « Nous avons trouvé la
réponse : Dieu seul, et non pas l’homme, peut triompher de lui ». 14 S’il s’était
adressé à moi, je n’aurais jamais répliqué avec des mots comme les vôtres.
15 Les voilà consternés ! Ils n’ont plus rien à dire ! Les mots leur sont ôtés ! 16
J’attendrais vainement : ils ne parleront pas ! Ils se sont arrêtés de donner la
réplique ! 17 Je veux donc, moi aussi, répondre pour ma part, exposer mon
savoir, 18 car j’ai beaucoup d’idées, et l’esprit qui m’anime me presse de parler.
19 Voici : dans mon être intérieur, c’est comme un vin nouveau qui n’aurait
pas d’issue, comme des outres neuves sur le point d’éclater. 20 Ainsi je
parlerai pour respirer à l’aise, j’ouvrirai donc mes lèvres et je répliquerai. 21 Je
veux être impartial et ne flatter personne. 22 D’ailleurs, je ne connais pas l’art
de la flatterie, car celui qui m’a fait m’enlèverait bien vite.
Comment Dieu parle
33 Maintenant, Job, écoute ce que j’ai à te dire, et prête bien l’oreille à
toutes mes paroles. 2 Voici, j’ouvre la bouche, que ma langue s’exprime
! 3 Mes mots refléteront la droiture du cœur, et mes lèvres diront la pure
vérité. 4 Oui, c’est l’Esprit de Dieu qui m’a formé, c’est le souffle du Tout-
Puissant qui me fait vivre. 5 Si tu le peux, réplique-moi ! Prends position et
fais-moi face ! 6 Car voici, devant Dieu, je suis semblable à toi ; j’ai été, comme
toi, fait de la même argile. 7 Donc, la peur que j’inspire ne te troublera pas et
mon autorité ne t’accablera pas.
8 Tu as dit devant moi, et j’ai bien retenu le son de tes paroles : 9 « Je suis pur
et sans crime, à l’abri de tout blâme, je suis exempt de faute. 10 Cependant,
Dieu invente contre moi des prétextes, et il me considère comme son ennemi
: 11 Il a mis mes pieds dans des fers et il surveille tous mes pas ». 12 En cela, tu
n’as pas raison, laisse-moi te le dire, car Dieu est bien plus grand que l’homme.
13 Pourquoi disputer contre lui ? Car on ne peut répondre à toutes ses paroles.
14 Et pourtant, Dieu nous parle, tantôt d’une manière et puis tantôt d’une
autre. Mais l’on n’y prend pas garde. 15 Il parle par des songes et des visions
nocturnes, quand un profond sommeil accable les humains endormis sur leur
couche. 16 Alors, il se révèle aux mortels assoupis, et il les avertit, scellant ses
instructions, 17 afin d’écarter l’homme de ses agissements et de le préserver
des dangers de l’orgueil. 18 Ainsi, il garantit son âme de la mort et préserve sa
vie des coups du javelot.
19 Ou encore, il éprouve l’homme par la souffrance qui le tient sur sa couche,
lorsque ses os s’agitent sans arrêt. 20 Sa vie est dégoûtée de toute nourriture,
il n’a plus d’appétit pour les mets les plus fins. 21 À vue d’œil, sa chair dépérit
et ses os qu’on ne voyait pas sont mis à nu. 22 Alors, son existence s’approche
de la fosse et sa vie est livrée aux agents de la mort. 23 Mais s’il se trouve
auprès de lui un ange intercesseur, un parmi les milliers, pour lui rappeler son
devoir, 24 qui ait pitié de lui et qui demande à Dieu : « Délivre-le du gouffre,
qu’il n’y descende pas, j’ai trouvé sa rançon ». 25 Alors, sa chair retrouve sa
fraîcheur juvénile, et il revient aux jours de son adolescence. 26 Il peut
invoquer Dieu, qui lui rend sa faveur et lui fait voir sa face avec des cris de
joie. Dieu rend à l’homme sa justice. 27 Oui, il le fait chanter, il dit : « J’avais
péché et enfreint la justice, et je n’ai pas subi ce que je méritais. 28 Non, Dieu a
racheté mon âme de la fosse et il a maintenu ma vie sous la lumière ». 29 Vois,
Dieu fait tout cela deux fois, trois fois pour l’homme, 30 pour empêcher son
âme de tomber dans la fosse et pour l’illuminer de la lumière des vivants.
31 Sois donc attentif, Job, écoute-moi ! Tais-toi, c’est moi qui parlerai. 32
Toutefois, si tu as quelque chose à répondre, dis-le, réplique-moi, car je veux
te traiter selon toute justice. 33 Si tu n’as rien à dire, alors, écoute-moi, fais
silence et je vais t’apprendre la sagesse.
qui sont pervers. 9 N’a-t-il pas dit lui-même : « L’homme ne gagne rien à
vouloir plaire à Dieu » ?
10 Aussi,écoutez-moi, vous qui êtes sensés : il est inconcevable que Dieu fasse
le mal, et que le Tout-Puissant pratique l’injustice, 11 car il rend à chaque
homme selon ce qu’il a fait, et il traite chacun selon ce qu’il mérite. 12 Oh non !
en vérité, Dieu n’agit jamais mal, jamais le Tout-Puissant ne fausse la justice. 13
Qui donc l’a établi maître de l’univers, ou qui lui a remis le soin du monde
entier ? 14 S’il reportait sur lui toute son attention, s’il concentrait en lui son
Esprit et son souffle, 15 toutes les créatures expireraient ensemble, et l’homme
rentrerait aussi dans la poussière.
16Si tu as du bon sens, écoute donc ceci, et sois bien attentif au son de mes
paroles. 17 Un ennemi du droit pourrait-il gouverner ? Oses-tu condamner le
Juste, le Puissant ? 18 Celui qui dit aux rois : « Tu n’es qu’un scélérat » et qui
traite les grands de criminels pervers ? 19 Lui qui n’a nul égard au prestige des
princes, qui ne distingue pas entre un riche et un pauvre, du fait qu’ils sont
tous deux l’ouvrage de ses mains ?
20 Et en un instant, ils meurent au milieu de la nuit, un peuple se révolte, et
puis il disparaît, on dépose un tyran sans qu’une main se lève, 21 car ses yeux
sont ouverts sur les chemins de l’homme, et il a les regards sur chacun de ses
pas ; 22 car il n’y a pour lui aucune obscurité ni ombre de la mort, où puissent
se cacher les artisans du mal ; 23 car il n’a pas besoin d’épier longtemps un
homme pour le faire assigner devant lui en justice. 24 Sans une longue
enquête, il brise les tyrans et en met d’autres à leur place. 25 Car il connaît
leurs œuvres ; aussi, en pleine nuit, soudain, il les renverse, et on les foule aux
pieds. 26 Comme des criminels, il les frappe à grands coups aux yeux de tout
le monde.
27Car ils l’ont méconnu, ne voulant plus le suivre, et ils ont ignoré toutes ses
directives. 28 Car la clameur des pauvres est montée jusqu’à lui et il a entendu
les cris des opprimés. 29 S’il donne le repos, qui pourra condamner ? Et s’il
cache sa face, qui le découvrira ? Or, c’est lui qui surveille les nations et les
hommes, 30 pour mettre fin au règne du souverain impie, afin qu’il ne soit plus
un piège pour le peuple. 31 Car a-t-il dit à Dieu : « J’ai eu mon châtiment, je ne
pécherai plus ! 32 Si je me suis trompé, apprends-le-moi toi-même. Si j’ai
commis des crimes, je ne le ferai plus » ?
33 Est-ce que Dieu devrait consulter ton avis pour rendre la justice, parce que
tu méprises ce qu’il a décidé ? Ou bien crois-tu que Dieu te dira : « C’est à toi
de choisir, non pas à moi » ? Que répliqueras-tu ? Fais-nous part de ta science
! 34 Mais les gens de bon sens aussi bien que les sages qui m’auront entendu
conviendront avec moi : 35 « Job parle sans sagesse et toutes ses paroles
manquent d’intelligence ». 36 Mon souhait est que Job soit éprouvé à fond
parce que ses répliques sont celles d’un méchant. 37 Car, à sa transgression, il
ajoute un péché qui est plus grave encore : il veut semer le doute parmi nous,
ses amis. Et puis : il multiplie ses propos contre Dieu.
Attends en silence que Dieu intervienne
35 Élihou poursuivit son discours en disant :
— 2 Prétends-tu que soit juste ce que tu nous as dit : « J’ai raison contre
Dieu » ? 3 Car tu as ajouté : « À quoi me sert-il donc d’éviter de pécher, et quel
est mon profit ? » 4 Moi, je te répondrai bien vite, en peu de mots, ainsi qu’à
tes amis.
5Vois le ciel et regarde ; contemple les nuages : combien ils te dominent ! 6
Or, si tu agis mal, en quoi nuis-tu à Dieu ? Multiplie tes révoltes, quel tort lui
causes-tu ? 7 Et si tu agis bien, que lui donnes-tu donc ? Que reçoit-il de toi ? 8
Car ta méchanceté n’atteint que tes semblables, et ta justice aussi n’est utile
qu’aux hommes.
9 Le poids de l’oppression fait crier les victimes ; sous le poing des puissants,
on appelle au secours. 10 Mais nul ne songe à dire : « Où est Dieu qui m’a fait ?
Lui qui, en pleine nuit, donne des chants joyeux, 11 lui qui nous dresse mieux
que les bêtes des champs et qui nous rend plus sages que les oiseaux du ciel
». 12 Mais on a beau crier, Dieu ne nous répond pas, à cause de l’orgueil
arrogant des méchants. 13 C’est en vain que l’on crie, car Dieu n’exauce pas, et
le Dieu tout-puissant n’y fait pas attention. 14 Oui, bien que tu prétendes que tu
ne le vois pas, ta cause est devant lui, tu peux t’attendre à lui. 15 Parce que sa
colère n’intervient pas encore et qu’il ne semble guère faire attention au
crime, (cela ne veut pas dire que Dieu ne le voit pas). 16 Je conclus donc que
Job ouvre la bouche en vain, qu’en vain il multiplie des discours insensés.
La grandeur de Dieu
37 Alors, à ce spectacle, mon cœur aussi frémit, on dirait qu’il voudrait
2
bondir hors de sa place. Écoutez, écoutez le fracas de sa voix, et tous
ces grondements qui sortent de sa bouche ! 3 Sous la voûte des cieux, l’écho
les répercute, et ses éclairs atteignent les confins de la terre. 4 Puis une voix
rugit, la voix majestueuse de son tonnerre éclate, il ne le retient plus tant
qu’on entend sa voix. 5 Oui, Dieu nous fait entendre des choses merveilleuses,
des choses qui dépassent tout notre entendement. 6 Quand il dit à la neige : «
Va, recouvre la terre », quand il commande aux pluies, même aux pluies les
plus fortes.
7 Il paralyse ainsi la main de tous les hommes, afin que tout mortel apprenne
à reconnaître que c’est Dieu qui l’a fait. 8 Les animaux eux-mêmes rentrent
dans leurs tanières, et demeurent cachés tout au fond de leurs gîtes. 9 Des
profondeurs australes surgit un ouragan, et des vents d’aquilon amènent la
froidure. 10 Sous le souffle de Dieu, l’eau se transforme en glace, les étendues
liquides se figent d’un seul bloc. 11 Puis le beau temps revient, entraînant les
nuages et dispersant les brumes au feu de sa lumière. 12 Les nuages
tournoient, gouvernés par sa main, afin d’exécuter tout ce qu’il leur ordonne
sur la face du monde. 13 S’agit-il de frapper la terre avec des verges, ou de lui
témoigner la faveur de son Dieu, ce sont eux qu’il délègue.
14Écoute cela, Job, arrête-toi, comprends les merveilles de Dieu. 15 Sais-tu par
quelles lois Dieu opère ces choses ? Sais-tu comment l’éclair jaillit de ses
nuages ? 16 Sais-tu comment les nues gardent leur équilibre ? N’est-ce pas un
miracle de celui qui agit par sa science infinie ? 17 D’où vient que tes habits
tout à coup sont trop chauds, quand la terre languit sous le vent du midi ? 18
Étais-tu avec Dieu pour l’aider à étendre la voûte des nuées et la rendre
solide comme un miroir coulé ? 19 Pourrais-tu nous apprendre ce que nous lui
dirons ? Car nous ne savons pas nous adresser à lui, ignorants que nous
sommes. 20 Devrais-je l’aviser quand je veux lui parler ? Devrais-je le lui dire
pour qu’il soit informé ?
21 Soudain,
on ne voit plus le soleil resplendir, les nuages le cachent, mais, dès
qu’un vent se lève, le ciel est nettoyé. 22 Du septentrion vient une lueur dorée,
autour de Dieu rayonne un éclat redoutable.
23 Il
est le Tout-Puissant, nous ne pouvons l’atteindre. Il est grand par la force
et par le jugement, il règne avec justice ! Il n’opprime personne. 24 C’est
pourquoi, en tout lieu, les hommes le révèrent, pour aucun sage, il n’a de
considération.
Dieu intervient
38 Alors, du sein de la tempête, le Seigneur répondit à Job :
— 2 Qui donc obscurcit mes desseins par des discours sans
connaissance ? 3 Mets ta ceinture, comme un brave : je vais te poser des
questions et tu m’enseigneras.
4 Où étais-tu quand je posai les fondations du monde ? Déclare-le, puisque ta
science est si profonde ! 5 Qui en a fixé les mesures, le saurais-tu ? Qui a tendu
sur lui le niveau d’arpenteur ? 6 Sur quel appui ses fondements sont-ils assis ?
Qui en posa la pierre d’angle 7 quand les étoiles du matin éclataient en chants
d’allégresse, alors que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie ?
8 Qui a enfermé l’océan par une porte à deux battants quand il jaillissait,
bondissant, du sein maternel de la terre, 9 lorsque je fis, de la nuée, son
vêtement, et de l’obscurité ses langes ? 10 Quand je lui imposai ma loi, quand
je plaçai verrous et portes 11 en lui disant : « C’est jusqu’ici que tu iras, et pas
plus loin ; ici s’arrêtera tout l’orgueil de tes flots » ?
12 As-tu,
un seul jour de ta vie, donné tes ordres au matin et assigné sa place à
13
l’aube pour qu’elle soulève les franges des extrémités de la terre et qu’elle
en secoue les méchants ? 14 Alors, la terre est transformée comme l’argile sous
l’empreinte, et toutes choses sont parées comme d’un vêtement. 15 À sa
lumière les desseins des méchants s’éteignent et le bras levé est brisé.
16Es-tu parvenu jusqu’aux sources d’où jaillissent les océans ? Ou t’es-tu
promené dans les profondeurs de l’abîme ? 17 Les portes de la mort ont-elles
paru devant toi ? As-tu pu voir les portes de l’ombre de la mort ? 18 As-tu
embrassé du regard l’immensité des continents ? Dis-le, si tu sais tout cela !
19 De quel côté est le chemin vers le séjour de la lumière ? Et les ténèbres, où
donc ont-elles leur demeure, 20 pour que tu puisses les saisir aux limites de
leur domaine et bien comprendre les sentiers de leur habitation ? 21 Tu dois
connaître tout cela, puisque tu étais déjà né et que tes jours sont si nombreux
!
22 As-tu visité les greniers cachant les trésors de la neige ? Et as-tu vu les
arsenaux contenant les dépôts de grêle 23 que je tiens en réserve pour les
temps de détresse, les jours de lutte et de combat ? 24 Par quelle voie se
répand la lumière ? Par où le vent d’orient envahit-il la terre ? 25 Qui a creusé
des gorges pour les torrents d’orage ? Qui a frayé la voie au fracas de l’éclair
26 faisant tomber la pluie sur un pays sans hommes, dans les déserts stériles
où n’habite personne, 27 pour arroser les solitudes et les régions arides, pour
faire germer l’herbe et pousser la verdure ?
28 La pluie a-t-elle un père ? Qui donc a engendré les gouttes de rosée ? 29 De
quel sein sort la glace, et qui a enfanté le blanc frimas des cieux ? 30 Qui donc
durcit les eaux et les transforme en pierre ? Qui fait que la surface des océans
se fige ?
31 Peux-tu serrer les bandeaux des Pléiades ou desserrer le baudrier d’Orion ?
32 Fais-tu paraître à temps l’étoile du matin ? Conduis-tu la Grande Ourse et
ses étoiles secondaires ? 33 Les lois du ciel te sont-elles connues ? Donnes-tu à
la terre sa configuration ? 34 Te suffit-il d’ordonner aux nuages pour que des
trombes d’eau viennent pleuvoir sur toi ? 35 Les éclairs partent-ils à ton
commandement en disant : « Nous voici » ?
36 Qui a implanté la sagesse au cœur de l’homme et le discernement dans son
esprit ?
37 Qui peut compter avec sagesse le nombre des nuages et qui peut incliner
les amphores des cieux 38 Pour agréger en glèbe la poussière, et pour souder
les mottes de la terre ? 39 Est-ce toi qui captures une proie pour la lionne ?
Est-ce toi qui nourris les lionceaux qui ont faim 40 quand ils sont tous tapis au
fond de leurs tanières, quand ils sont à l’affût dans les taillis épais ? 41 Qui donc
prépare au corbeau sa pâture quand ses oisillons crient à Dieu, et sont
errants, sans nourriture ?
présent.
main.
15 Regarde donc : voici l’hippopotame. Je l’ai créé tout aussi bien que toi.
Comme le bœuf, il se nourrit de l’herbe. 16 Vois quelle force réside dans sa
croupe ! Quelle vigueur dans les muscles de ses flancs ! 17 Il plie sa queue
aussi ferme qu’un cèdre, et les tendons sont tressés dans ses cuisses. 18 Ses os
ressemblent à des tubes de bronze, son ossature à des barres de fer. 19 C’est
lui qui est le chef-d’œuvre de Dieu. Son créateur l’a gratifié d’un glaive. 20 Des
monts entiers produisent son fourrage, là où s’ébattent les animaux des
champs. 21 Il dort à l’ombre, caché dans les lotus, sous le couvert des roseaux
du marais. 22 Il est couvert par l’ombre des lotus et entouré des saules du
torrent. 23 Si l’eau déborde, il n’en est pas ému. Si le Jourdain se jette dans sa
gueule, il reste calme et en sécurité. 24 Va-t-on le prendre à face découverte et
l’entraver en lui perçant le mufle ?
25Iras-tu prendre avec ton hameçon le crocodile pour le tirer de l’eau ? Vas-
tu lier sa langue avec ta ligne ? 26 Lui mettras-tu un jonc dans les naseaux ?
Perceras-tu d’un crochet sa mâchoire ? 27 Te fera-t-il de nombreuses prières ?
Te dira-t-il doucement des tendresses ? 28 Conclura-t-il un contrat avec toi ?
Le prendras-tu pour serviteur à vie, 29 ou pour jouet comme un petit oiseau ?
Le lieras-tu pour amuser tes filles ? 30 Des associés le mettront-ils en vente ?
Des commerçants le partageront-ils ? 31 Vas-tu cribler de dards sa carapace ?
Vas-tu barder sa tête de harpons ? 32 Attaque-le et tu te souviendras de ce
combat, tu n’y reviendras plus !
41 Vois,
2
devant lui tout espoir est déçu. Rien qu’à le voir, on sera terrassé.
Nul n’osera exciter sa colère. Qui donc alors pourrait me résister ? 3
Qui m’a donné afin que je lui rende ? Tout est à moi sous l’étendue des cieux.
4 Je ne veux pas me taire sur ses membres, et je dirai sa force incomparable,
et la beauté de sa constitution.
5 Qui a ouvert par-devant sa tunique ? Qui a franchi les deux rangs de ses
dents ? 6 Qui a forcé les battants de son mufle ? Ses crocs aigus font régner la
terreur. 7 Majestueuses sont ses rangées d’écailles. Bien assemblées comme
des boucliers, 8 articulées les unes sur les autres, et aucun souffle ne pourrait
s’y glisser : 9 soudées ensemble, chacune à sa voisine, elles se tiennent et sont
inséparables.
10 Il éternue : c’est un jet de lumière. Ses yeux ressemblent aux paupières de
l’aube. 11 Sa gueule ouverte lance des étincelles, ce sont des jets de flammes
qui s’échappent. 12 Une fumée jaillit de ses narines comme d’un pot
bouillonnant sur le feu. 13 Son souffle embrase comme un charbon ardent et,
de sa gueule, une flamme jaillit. 14 C’est dans son cou que réside sa force, et la
terreur danse au-devant de lui. 15 Qu’ils sont massifs, les muscles de son
ventre ! Soudés sur lui, ils sont inébranlables. 16 Son cœur est dur, coulé
comme une pierre, et résistant comme une meule à grain.
17 Quand il se dresse, les plus vaillants ont peur. Ils se dérobent saisis par
l’épouvante. 18 L’épée l’atteint sans trouver nulle prise, même la lance, la flèche
et la cuirasse ne servent pas à celui qui l’approche. 19 Pour lui, le fer est
comme de la paille, il prend le bronze pour du bois vermoulu. 20 Les traits de
l’arc ne le font jamais fuir et les cailloux qu’on lance avec la fronde ne sont
pour lui que des fétus de paille. 21 La hache d’armes est un brin de roseau, et il
se rit du bruit du javelot.
22 Son ventre, armé de tessons dentelés, est une herse qu’il traîne sur la vase.
23 Il fait bouillir les profondeurs des mers. Il les transforme en chaudière à
parfums. 24 Il fait briller après lui son sillage. Il fait blanchir les vagues de
l’abîme. 25 Qui, sur la terre, pourrait le maîtriser ? Il fut créé pour ne rien
redouter. 26 Il voit sans peur les colosses puissants. Il est le roi des plus fiers
animaux.
Je me repens
42 Job répondit alors au Seigneur en ces termes :
2
— Je sais que tu peux tout, et que rien ne saurait t’empêcher
d’accomplir ce que tu as conçu. 3 « Qui ose, disais-tu, obscurcir mes desseins
par des discours sans connaissance ? » Oui, je le reconnais : j’ai parlé sans
comprendre de choses merveilleuses que je ne connais pas.
4« Écoute, disais-tu, c’est moi qui parlerai : je vais te poser des questions, et tu
m’enseigneras. » 5 Je ne te connaissais que par des ouï-dire, mais maintenant,
mes yeux t’ont vu. 6 Aussi je me condamne, je me repens sur la poussière et
sur la cendre.
Épilogue
7Ainsi dit le Seigneur en s’adressant à Job, puis il prit à partie Éliphaz de
Témân :
— Ma colère s’est enflammée contre toi et tes deux amis. Car, en parlant de
moi vous n’avez pas parlé selon la vérité ainsi que l’a fait Job qui est mon
serviteur. 8 Prenez donc maintenant sept taureaux, sept béliers, puis allez
trouver Job qui est mon serviteur, et vous les offrirez pour vous en
holocauste. Et mon serviteur Job pourra prier pour vous. C’est par égard
pour lui que je n’agirai pas selon votre folie. Car, en parlant de moi, vous
n’avez point parlé selon la vérité, ainsi que l’a fait Job qui est mon serviteur.
9Éliphaz de Témân et Bildad de Chouah et Tsophar de Naama s’en furent
pour exécuter les ordres du Seigneur.
Le Seigneur eut égard aux prières de Job. 10 Et il le rétablit dans son premier
état lorsque Job eut prié pour ses amis. Le Seigneur donna même à Job deux
fois autant qu’il avait possédé. 11 Tous les frères de Job avec toutes ses sœurs
et tous ceux qui le connaissaient vinrent le visiter. Ils prirent leur repas
auprès de lui dans sa maison et ils lui exprimèrent toute leur sympathie, et ils
le consolèrent au sujet des malheurs que le Seigneur lui avait envoyés et
chacun lui donna une pièce d’argent et un anneau en or.
12 Et
le Seigneur bénit les derniers temps de Job plus que les premiers jours, si
bien qu’il posséda quatorze mille ovins et six mille chameaux, mille paires de
bœufs et mille ânesses. 13 Il eut aussi sept fils, trois filles lui naquirent. 14 Il
nomma la première Yémima : Tourterelle ; la deuxième eut pour nom Qetsia :
Fleur-de-cannelle ; et il appela la troisième Qérèn-Happouk : Corne de fard.
15 On ne pouvait trouver dans le pays entier des femmes aussi belles que les
filles de Job. Leur père leur donna une part d’héritage au milieu de leurs
frères. 16 Et Job, après cela, vécut cent quarante ans. Assez longtemps pour
voir les enfants de ses fils jusqu’à la quatrième génération.
17 Puis Job mourut âgé et rassasié de jours.
:::::
Introduction aux
Proverbes
La sagesse
Que faut-il entendre par sagesse ? « Le mot hébreu hokma vient de la
racine verbale hakam : être solide. Il ne désigne pas tant la recherche de
la vérité que les résultats fermes et fixes auxquels on est arrivé dans le
domaine de la connaissance religieuse et morale. Ces résultats peuvent
être incomplets encore, mais ils sont assurés ; car, d’une part, il existe
une souveraine sagesse en dehors de l’homme et au-dessus de lui (8 :
22s ; cf. Job 28 : 25-27), qui a présidé à la création du monde (Jérémie
10 : 12) et qui préside à l’histoire de l’humanité (Proverbes 8 : 16), et
d’autre part, l’homme a la faculté de percevoir cette sagesse parfaite : «
l’esprit de l’homme est une lampe de l‘Éternel78 (20 : 27) ». La sagesse
n’est pas la science pour la science, mais l’art de profiter de ses
connaissances et de savoir les appliquer dans la vie courante. Il s’agit
donc d’une sagesse toute pratique. Comme la lumière du soleil, cette
sagesse se divise en un prisme aux couleurs variées : elle est instruction
(mûsar, 1 : 2a, 3a), c’est-à-dire qu’elle doit être acquise par un effort
persévérant, accompagné, au besoin, de la correction (tôkahat, 1 : 23 ;
3 ; 11), c’est-à-dire de la persuasion verbale, la répréhension qui fait
appel à la conscience et à la raison (cf. Ésaïe 1 : 18). Les deux ensemble
constituent la discipline qui consiste avant tout à savoir se garder des
influences pernicieuses du dehors et des tendances mauvaises que l’on
trouve en soi.
Positivement vue, la sagesse est aussi intelligence, compréhension,
entendement (binâ 1 : 26), c’est-à-dire aptitude à saisir les rapports
entre les choses, à distinguer le bien du mal ; prudence, discernement
(horma 1 : 4a), c’est-à-dire finesse, capacité de déjouer les ruses des
autres ; savoir (leqah 1 : 5), connaissance (da’at) de la vérité et de Dieu
(2 : 5 ; 3 : 6), réflexion (m’zimmâ i : 4b), bon sens (haskil i : 3a), c’est-à-
dire perspicacité, capacité de voir comment sont les choses, de
percevoir leur véritable nature, et même : adresse, habileté (rahbullôt 1 :
5) pour savoir se gouverner soi-même, se conduire dans la vie. Cette
simple énumération nous montre que la sagesse englobe toutes les
fonctions mentales et tous les aspects de la vie.
En fait, les Proverbes touchent à tous les domaines de notre existence
: vie individuelle, familiale, sociale, économique, politique, relations entre
parents et enfants, entre homme et femme, entre patrons et employés,
entre bons et méchants, entre riches et pauvres, etc. Car la sagesse se
démontre dans tous ces secteurs : elle tire de l’adoration et de
l’engagement envers Dieu les conséquences logiques pour la vie de
tous les jours. Elle donne la capacité de juger ce qui est juste (2 : 6-22)
et de prendre la bonne attitude envers les possessions matérielles (3 : 9-
10), le travail (6 : 6-11), les voisins (3 : 27-29), la femme fidèle (31 : 10-
31) ou frivole (6 : 20-35 ; 9 : 13-18), etc.
La personnification de la sagesse (ch. 8) nous aide à comprendre
qu’elle n’est qu’un attribut de la Personne divine, qu’elle est liée de toute
éternité à Dieu et qu’elle ne peut être comprise qu’en relation avec lui.
C’est pourquoi « la crainte de l‘Éternel », c’est-à-dire une attitude de
respect devant lui, est le commencement, le principe et le moteur de
toute sagesse (1 : 7). Dans la perspective du Nouveau Testament, nous
pouvons y voir une préfiguration du Fils (cf. 8 : 22, 27-30) ou du Saint-
Esprit.
Le machal
La forme littéraire des proverbes est le machal (d’un verbe hébreu
signifiant ressembler). Le machal associe deux choses qui se
ressemblent : une réalité concrète et un fait moral : « De l’eau fraîche
pour une gorge altérée, telle est une bonne nouvelle venant d’un pays
lointain » (25 : 25).
« Dent qui se casse, pied qui chancelle, telle est la confiance en un
perfide au jour du malheur » (25 : 19). Mais la leçon peut s’exprimer de
bien des manières : par identité (29 : 5), par contraste (27 : 7) ou par
similitude (25 : 5), par des classifications (14 : 15) ou des évaluations (22
: 1), en montrant les conséquences d’un comportement (20 : 4) ou son
absurdité (17 : 16). Le machal présente un certain nombre de
caractéristiques qui le distinguent des genres littéraires analogues :
Structure du livre
Les chapitres 1 à 9 constituent une introduction à tout le livre. Après le
titre (1 : 1-6), une série de seize exhortations adressées par le père à
son fils louent la sagesse et dénoncent les différentes conséquences
auxquelles s’expose celui qui la méprise. Le premier chapitre présente
les thèmes que développeront les chapitres suivants : 1 : 8-9 :
l’importance de l’instruction (reprise dans les chapitres 2 à 4) ; 1 : 10-19
: mises en garde (reprises chap. 5 à 7) ; 1 : 20-33 : appel de la sagesse
(repris chap. 8-9). Le chapitre 8 est certainement le sommet du livre et
l’un des chapitres les plus importants de tout l’Ancien Testament, qui se
rapproche le plus du Nouveau. il a inspiré le prologue de l’Évangile de
Jean et le passage christologique célèbre de l’épître de Paul aux
Colossiens (1 : 15s.). À diverses reprises, Jésus-Christ est appelé « la
sagesse » (Matthieu 11 : 19 ; 1 Corinthiens 1 : 24, 30 ; Colossiens 2 :
3) : preuve que tout ce poème a un caractère fortement prophétique et
messianique.
Après ce prologue, les machals se suivent sans ordre apparent. La
majeure partie du livre est constituée par deux collections de proverbes
de Salomon (10 : 1 à 22 : 16 ; Collection d’Ézéchias : 25 : 1 à 29 : 27)
entrecoupées de deux groupes de maximes intitulées : « paroles des
sages » (22 : 17 à 24 : 22 ; 24 : 23-34). Suivent les paroles d’Agur et du
roi Lémuel. Le recueil se termine par l’éloge de la femme vaillante, un
poème alphabétique anonyme. Les répétitions plus ou moins textuelles
de certains proverbes sont un indice indubitable de la pluralité d’auteurs,
attestée d’ailleurs par les titres des divers recueils qui constituent le livre.
Préface
1 Proverbes
2
de Salomon, fils de David, roi d’Israël.
Il les écrivit pour enseigner aux hommes la sagesse et la discipline
personnelle, pour qu’ils comprennent le langage de la raison, 3 pour qu’ils
acceptent les leçons de bon sens et qu’ils sachent quel est leur devoir : ce
qu’il est juste et correct de faire.
4 Ces proverbes donneront aux gens sans expérience la prudence nécessaire
pour être sur leurs gardes et permettront aux adolescents d’agir avec
connaissance et réflexion. 5 En les écoutant, le sage enrichira son savoir, et
l’homme avisé y trouvera de bonnes directives de conduite. 6 Ces proverbes
ont été écrits pour faire comprendre les maximes, paraboles ou allégories et
pour pénétrer les propos des sages et leurs sentences énigmatiques.
Éloge de la sagesse
Danger des mauvaises compagnies
7 Honorer le Seigneur est l’élément primordial de toute connaissance,
Mais les insensés dédaignent la sagesse et la discipline.
8 Mon fils, observe la discipline que t’impose ton père
Et ne méprise pas les instructions de ta mère,
9 Carelles seront comme une couronne gracieuse sur ta tête
Et un riche collier à ton cou.
10 Mon fils, si de mauvais garçons veulent t’entraîner hors du droit chemin, ne
leur cède pas.
11 S’ils
te disent : « Viens donc avec nous, nous allons dresser une embuscade
pour tuer, nous tendrons, pour le plaisir, un piège à l’innocent 12 et nous
l’engloutirons tout vif… comme le séjour des morts ! Il disparaîtra en pleine
prospérité comme ceux qui descendent soudain dans la tombe. 13 Nous
ferons main basse sur un tas d’objets précieux. Nous remplirons nos maisons
de butin. 14 Tu en auras ta part, comme l’un de nous, car nous ferons tous
bourse commune ! »
15 Mon fils, ne fraye pas avec ces gens-là ! Évite soigneusement les ruelles
qu’ils fréquentent ! 16 Car leurs pieds se précipitent vers le mal, ils ont hâte de
répandre du sang.
17 Maisil est vain de vouloir tendre un filet pendant que les oiseaux vous
observent. 18 En vérité, c’est pour répandre leur propre sang que les
méchants dressent des embûches, c’est à eux-mêmes qu’ils tendent des
pièges. 19 C’est à cela qu’aboutiront tous ceux qui cherchent à s’enrichir par
des voies déshonnêtes : un gain mal acquis fait périr corps et âme celui qui le
détient.
L’appel de la Sagesse
20 La Sagesse crie bien haut par les rues ;
Sa voix résonne sur les places publiques.
21 En plein carrefour, dominant le tumulte, elle appelle.
Voici, je vais faire jaillir sur vous les sources de mon Esprit,
Et je vous ferai connaître mes paroles.
24 J’aiappelé et vous avez refusé d’entendre,
J’ai tendu la main et personne n’y a prêté attention.
25 Vous avez méprisé tous mes conseils
Confie-toi en l’Éternel
3 Mon fils, n’oublie pas mes instructions
Et que ton cœur retienne mes commandements,
2 Car ils ajouteront des années à la durée de ta vie
Et t’assureront la paix et le bonheur.
3 Que l’amour et la fidélité ne te fassent jamais défaut,
Les avantages qu’elle donne sont plus précieux que l’or le plus fin.
15 Elle a plus de prix que les perles,
Attention : danger !
5 Mon fils, sois attentif à la sagesse que je t’inculque.
Prête l’oreille aux conseils inspirés par ce que j’ai discerné,
2 pour que tu agisses avec clairvoyance
Paresse et insouciance
6 Toi qui es paresseux, va donc observer la fourmi,
Étudie son comportement et tu apprendras la sagesse.
7 Elle n’a ni surveillant, ni contrôleur, ni supérieur.
8 Durant l’été, elle prépare sa nourriture ;
Un triste sire
12 C’est
un triste sire, un personnage ignoble,
Celui qui va, de-ci de-là, colportant des mensonges !
13 Il appuie ses dires de clignements d’yeux,
De tapements des pieds, de signes des doigts :
14 Il n’y a que des pensées perverses dans son cœur,
Fuis l’adultère
7 Mon fils, retiens mes paroles,
Pénètre-toi de mes recommandations !
2 Obéis à mes directives et tu vivras !
Garde mes enseignements comme la prunelle de ton œil !
3 Porte-les comme un anneau à ton doigt,
Poème de la Sagesse
8 Écoutez : la Sagesse appelle, la raison élève la voix. 2 Elle est postée le long
des routes, sur les lieux les plus élevés, là où se croisent les chemins, 3 tout
près des portes de la ville, là où l’on passe pour entrer, elle fait retentir sa
voix :
4« C’est à vous, mortels, que je parle, c’est à vous que ma voix s’adresse, à
vous, les jeunes étourdis : 5 apprenez donc à réfléchir !
Et à vous, insensés : devenez des gens raisonnables !
6 Écoutez-moi, car j’ai à dire des vérités très importantes, et ce sont des
paroles vraies qui seules franchiront mes lèvres.
7 Ma bouche dira seulement la pure vérité, le mal fait horreur à mes lèvres, 8
Le festin de la Sagesse…
9 La sagesse s’est bâti une maison, elle en a sculpté les sept colonnes. 2 Elle a
abattu des bêtes pour son festin et elle a préparé son vin. Déjà, elle a
dressé sa table.
3 Elle a envoyé ses servantes pour lancer ses invitations,
et que ceux qu’elle avait invités sont déjà au fond du séjour des morts.
Mais les gens retors sont pris au piège (de leur convoitise).
7 Quand le méchant meurt, tous ses espoirs périssent,
Et sa confiance dans les richesses s’effondre.
8 Le juste sera libéré de l’angoisse,
Et le méchant y prendra sa place.
9 Par ses paroles, l’impie cause la ruine de son prochain,
Mais, par leur sagesse, les justes en sont préservés.
10 Lebonheur des justes fait la joie de toute la cité,
Mais quand les méchants périssent, on se réjouit.
11 Unecité prospère quand des justes appellent la bénédiction sur elle, mais
les paroles des méchants préparent sa ruine.
12 Celuiqui traite son prochain avec mépris est un insensé,
Mais le sage accepte de se taire.
13 Le
bavard divulgue les secrets ;
Un homme de confiance tient la chose cachée.
14 Quand une nation n’est pas bien gouvernée, elle décline ;
Le salut se trouve dans le grand nombre des conseillers.
15 Celuiqui se porte garant des dettes d’un inconnu s’en trouve mal : il le
regrettera, mais celui qui veille à ne pas s’engager s’assure la tranquillité.
16 Une femme aimable obtient la gloire,
Mais la femme sans vertu est assise dans la honte.
Les paresseux n’ont jamais d’argent,
Les hommes énergiques gagnent les richesses.
17 Faire
du bien aux autres, c’est s’en faire à soi-même,
Mais se montrer cruel, c’est se rendre malheureux.
18 Leméchant fait une œuvre qui le trompe,
Mais celui qui sème la justice a son salaire assuré.
19 Lajustice mène à la vie,
Mais celui qui poursuit le mal court à la mort.
20 LeSeigneur a horreur de ceux qui ont le cœur pervers,
Mais il aime ceux qui se conduisent honnêtement.
21 Vous pouvez en être sûrs :
En fin de compte, le méchant n’échappera pas au châtiment,
Alors que le juste et ses descendants seront sauvés.
22 Unefemme belle et dépourvue de bon sens
Est comme un anneau d’or dans le groin d’un porc.
23 Toutes les aspirations des justes tendent vers le bien,
Mais tout ce que les méchants peuvent espérer, c’est la colère.
24 Tel donne libéralement et ses richesses s’accroissent ;
Tel autre épargne à l’excès et ne fait que s’appauvrir.
25 Celui qui est généreux jouira de l’abondance ;
Mais celles des hommes droits sauvent ceux qui sont menacés.
7 Qu’on renverse les méchants, ils ne sont plus,
Mais la maison des justes subsistera.
8 Unhomme est estimé à la mesure de son intelligence,
Mais celui dont le cœur est tortueux sera méprisé.
9 Mieuxvaut être de condition modeste et suffire à ses besoins 91.
Que de faire l’homme important et n’avoir rien à manger.
10 Lejuste veille au bien-être de ses bêtes,
Mais le cœur des méchants est cruel envers elles.
11 Celui
qui travaille sa terre aura du pain en abondance,
Mais celui qui court après des chimères est dépourvu de sens.
12 Le méchant convoite ce que d’autres accaparent,
et un rempart inaccessible…
C’est du moins ce qu’il s’imagine !
12 Quand un homme devient orgueilleux, sa ruine est proche,
Mais s’il marche dans l’humilité il sera honoré.
13 Qui
réplique avant d’avoir bien écouté
Manifeste sa sottise et se couvre de confusion.
14 Unesprit viril sait supporter la maladie,
Mais si le moral est abattu, qui le relèvera ?
15 L’homme intelligent est toujours désireux d’apprendre,
Et l’oreille des sages est tendue vers de (nouvelles) connaissances.
16 Lescadeaux vous ouvrent toutes les portes
Et vous font arriver jusqu’en présence des gens importants.
17 Celuiqui plaide sa cause en premier paraît toujours avoir raison,
Vienne la partie adverse, et l’on examine le fond des choses.
18 Le sort met fin aux contestations
Vous aurez à vous rassasier des fruits que votre langue aura portés.
22 Qui trouve une bonne épouse a trouvé le bonheur,
C’est une grâce que le Seigneur lui a accordée.
23 Le pauvre parle en suppliant, mais le riche répond durement.
24 Celui
qui veut être l’ami de tout le monde l’est
pour son malheur,
Mais un véritable ami est plus attaché qu’un frère.
Mieux vaut un pauvre qui se conduit honnêtement
Qu’un insensé aux lèvres menteuses.
19 2 L’enthousiasme sans connaissance ne vaut rien,
20 LeBienvinpeuestsage
plein d’insolence, l’alcool rempli de tapage ;
celui qui s’en laisse griser.
2 Lacolère du roi est comme le rugissement d’un jeune lion :
Celui qui l’excite expose sa vie.
3 Rester loin des querelles fait honneur à l’homme 110,
Cela fait plaisir au Seigneur, plus que s’il lui offrait des sacrifices.
4 Le regard hautain, le cœur orgueilleux
la bataille,
Et la victoire dépend du grand nombre de conseillers.
7 Pour l’insensé, la sagesse est trop élevée ;
C’est pourquoi, il n’a rien à dire
quand on discute de questions importantes 123.
8 Celuiqui médite de faire le mal
Aura la réputation d’être un intrigant.
9 Se proposer de faire des folies, c’est déjà un péché :
(C’est s’engager sur le chemin des moqueurs ;
Or,) les gens ont horreur du moqueur.
10 Si
tu te laisses abattre au jour de l’adversité,
Ta force est bien peu de chose.
11 Délivre ceux que l’on entraîne à la mort
Et sauve ceux qui vont, chancelants, au supplice.
12 Car si tu dis : « Mais je ne le savais pas 124 »,
Et qui sait comment les uns et les autres finiront leurs jours ?
Seconde collection de maximes des sages
23 Voici encore des proverbes émanant des sages :
La partialité, en justice, est une mauvaise chose.
24 Un juge qui dit à un coupable : « Tu es acquitté »
comme un rôdeur,
Et la misère t’attaque comme un homme armé.
Et l’Éternel te récompensera.
23 Une langue indiscrète engendre des visages irrités
Aussi sûrement que le vent du nord enfante la pluie.
24 Mieuxvaut habiter une pauvre mansarde 130
Que de partager une belle maison avec une femme acariâtre.
25 Une bonne nouvelle venant d’un pays lointain
fait autant de bien
Qu’un verre d’eau fraîche à une personne altérée.
26 Un juste qui cède devant le méchant
Est comme une source polluée ou une fontaine saumâtre.
27 Il
n’est pas bon de manger trop de miel,
Mais scruter des choses importantes est important 131.
28Celui qui ne sait pas se dominer
Est comme une ville démantelée qui n’a plus de remparts.
à de sottes questions,
Pour que l’insensé ne se prenne pas pour un sage.
6Celui qui confie des messages à un sot
Se coupe les jarrets et se prépare bien des déboires.
7 Unproverbe dans la bouche des sots fait le même effet
Que les jambes pendantes d’un paralysé.
8 Décerner des honneurs à un insensé,
C’est attacher une pierre à une fronde.
9 Un proverbe dans la bouche des sots
Est comme un rameau épineux brandi par un homme ivre.
10 Embaucherun sot ou un vagabond est aussi décevant
Que d’engager un archer (fou) qui blesse tous les passants.
11 Le
sot retourne à ses sottises
Comme le chien ravale ce qu’il a vomi.
12 Il
y a plus à espérer d’un sot
Que d’un homme qui se croit sage.
13 Le paresseux dit :
« Il y a un lion qui barre la route, un fauve parcourt les rues ! »
14 Comme la porte tourne sur ses gonds,
Le paresseux se retourne sur son lit.
15 Leparesseux plonge sa main dans le plat,
Mais il trouve trop pénible de la ramener à sa bouche.
16 Le
paresseux se croit plus intelligent
Que sept hommes qui parlent avec bon sens.
17 Vousmêler d’une querelle qui ne vous regarde pas 132
Est aussi fou que de pincer les oreilles d’un chien.
18 Comme un fou furieux qui lance des traits enflammés
Et des flèches meurtrières autour de lui
19 Est l’homme qui ment à son prochain
Paroles d’Agur
30 Voici les déclarations d’Agur, fils de Jaké.
Cet homme a dit : « Je me suis fatigué pour connaître Dieu et je suis
épuisé. 2 Je suis, certes, le plus bête des hommes et je ne possède pas
l’intelligence qu’un homme devrait avoir. 3 Je n’ai pas étudié la sagesse ni
appris la science sainte.
4 Qui est jamais monté aux cieux pour en redescendre ?
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Introduction à
Ecclésiaste
Fascinant et irritant
L’Ecclésiaste est un livre à la fois fascinant et irritant. Voilà enfin un
homme qui pose les vrais problèmes et qui essaie d’aller jusqu’au bout
de sa pensée avec une sincérité et une lucidité peu communes. Mais il
ne cesse de dérouter par « son jeu de massacre continuel […]. Son livre
n’est pas du “petit-lait”, mais souvent du vitriol ; il décape furieusement !
Et de sa lecture on ne sort pas indemne, il s’en faut, mais on en sort
adulte ou prêt à le devenir148 ».
« Ce livre m’énerve, me disait un étudiant à la sortie d’un cours, je ne
sais pas qu’en faire, je n’arrive pas à le cerner. » C’est peut-être son but
: nous sortir de notre douce quiétude en posant les questions
fondamentales, celles que l’on n’ose jamais poser parce qu’on pressent
qu’il n’y a pas de réponse toute faite. Luther ressentait cette même
inquiétude : « Pendant ma vie entière, dit-il, j’ai essayé mes forces sur ce
livre, à plusieurs reprises, avec grand travail et grande application ». De
Bunyan à Kierkegaard, l’Ecclésiaste a exercé sa fascination sur les
esprits attirés par une pensée sortant des ornières habituelles.
D’autres, ne comprenant pas la démarche de l’auteur et confondant
les jalons de son itinéraire avec les conclusions, sont décontenancés par
la présence d’un tel livre parmi les écrits inspirés : n’est-ce pas l’œuvre
d’un sceptique, d’un précurseur des « esprits forts » modernes ?
L’engouement d’agnostiques comme Voltaire, Gœthe, Renan pour ce
livre ne l’a pas aidé à gagner la faveur du public chrétien.
Aussi, des Juifs (l’école de Shammaï) comme des chrétiens (Théodore
de Mopsueste, les contemporains de Jérôme) ont contesté sa
canonicité. Pendant les premiers siècles du christianisme, il fut rarement
cité par les Pères de l’Église (contrairement aux autres livres
poétiques149).
Contradictions
Déroutantes aussi, les contradictions internes du livre : tantôt il exhorte
à la crainte de Dieu, et tantôt il semble se demander s’il existe une
justice suprême et éternelle ; ici, il prône les plaisirs comme seule raison
de vivre, là il exalte la tristesse et le deuil ; il semble haïr la vie, et
pourtant, il en déplore la brièveté. « Un voile épais recouvre à nos yeux
ce livre, qui nous attire par ses parties lumineuses, et qui nous repousse
par ses obscurités150 ». Au point que l’on a suggéré deux, trois et
jusqu’à neuf auteurs différents !
Un homme en recherche
L’auteur est-il un pessimiste qui exhorte les hommes à se retirer du
monde pour entrer dans la vie monastique comme on l’a cru au Moyen
Âge ? Est-ce un épicurien qui invite au contraire à jouir de la vie ? Est-ce
un sceptique qui s’est laissé influencer par la philosophie grecque et qui,
de ce point de vue, critique le reste de la révélation biblique ? Le livre
rapporte-t-il le dialogue entre deux défenseurs de thèses opposées ?
Toutes ces hypothèses ont été avancées pour expliquer les
contradictions internes du livre. Mais si nous le prenons tel qu’il est, là
où il est (c’est-à-dire dans le recueil des écrits inspirés par Dieu pour
notre enseignement), il a bien plus à nous apporter que si nous venons à
lui avec nos petites théories philosophiques ou théologiques
préconçues.
Tel qu’il est, il nous présente un homme en recherche, un homme qui
cherche le sens de la vie. Or, ce sens, il ne peut le trouver que s’il
découvre une valeur permanente. Mais, dans cette quête essentielle de
toute vie, il ne part pas des données de la révélation biblique. Il prend,
en quelque sorte, le chemin inverse en se mettant dans la peau de
quelqu’un qui aurait seulement son intelligence naturelle : il part du
donné et du vécu, il observe, raisonne, expérimente, discute. C’est
pourquoi il est si proche de l’homme du vingt et unième siècle.
Pour qu’un but de vie soit valable à ses yeux, il faut qu’il transcende les
limites de cette vie. Parce que Dieu a mis dans son cœur « le sens (ou
l’intuition) de ce qui est éternel » (3 : 11), c’est-à-dire qui dure au-delà de
cette vie. C’est cette intuition qui empêche l’homme de se contenter
d’autre chose. L’Ecclésiaste rejoint là bien des penseurs et des poètes
qui ont exprimé à leur manière ce besoin de trouver un but de vie
dépassant les limites de ce qui est passager et périssable. C’est pour
cette raison que, dès le départ, l’Ecclésiaste pose la question : « Quel
profit durable, permanent, quel bénéfice final153 l’homme retire-t-il de
toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? » (1 : 3). Puis il examine
lucidement les différents « buts de vie » que les hommes se fixent :
richesses, plaisirs, sagesse, moralité.
La réalité du jugement
En effet, au-delà de cette vie ici-bas, il est une réalité dont l’Ecclésiaste
est persuadé, c’est celle du jugement. C’est finalement elle qui projette
sur notre vie la lumière tant cherchée. Si Dieu a « implanté au tréfonds
de l’être humain le sens de l’éternité » (3 : 11), c’est pour que l’homme,
même s’il vit de longues années, « se souvienne que l’éternité est bien
plus longue et qu’en comparaison, toutes choses ici-bas sont furtives et
futiles » (10 : 8). Voilà donc la clé ultime du livre : c’est en comparaison
de l’éternité que tout ce qui existe sous le soleil est vanité. C’est cette
éternité qui doit commander notre manière de vivre : « Jeune homme,
réjouis-toi… suis les élans de ton cœur et poursuis ce qui charme tes
yeux, mais n’oublie pas que Dieu te demandera compte de tout ce que
tu fais » (11 : 9). « Pense au Créateur au temps de ta jeunesse » (12 : 1).
« N’attends pas que se rompe le fil argenté (de la vie), que la poussière
retourne à la terre d’où elle est venue et que le souffle de vie remonte à
Dieu qui l’a donné » (12 : 7).
A. Maillot compare le livre à des « affluents d’origines bien diverses,
mais qui convergent tous vers l’embouchure : le chapitre 12155 ». C’est à
la lumière de cette réalité (le jugement), et de ce qui le précède (la
vieillesse et la mort) que l’Ecclésiaste « entend démystifier, contester
toutes les consolations, toutes les recettes de bonheur avec lesquelles
l’homme se rassure […]. Il refuse de croire à toutes les valeurs, les
doctrines, les idoles, les hochets auxquels les hommes vouent leur
confiance156 ». C’est ce chapitre final qui donne à ce livre son unité et
son « mouvement », lui qui sous-tend ce « procès du bonheur » (Glasser)
ou, comme le précise Maillot, « des recettes habituelles du bonheur ».
Valeur de la sagesse
C’est dans la conduite pratique de la vie que la sagesse révèle ses
avantages (9 : 17) et assure le succès (10 : 10) ; « l’esprit du sage le
dirige tout naturellement du bon côté » (10 : 2) pour lui faire éviter le mal
et tout excès (7 : 18). Elle le préserve des actions précipitées inspirées
par la colère (7 : 8-9), des mesures extrêmes pour corriger les injustices
(8 : 1-9, 10 : 8-11), de la bigoterie comme du zèle iconoclaste (7 : 16-
25), de l’avarice et de l’envie qui aboutissent aux extorsions, à
l’oppression (4 : 1, 4, 7-8), aux révolutions (4 : 13-16). Mais une seule
folie peut gâcher ce que toute une vie de sagesse a édifié (9 : 18 ; 10 :
1).
Valeur du travail
Tous les ouvrages que l’homme a faits et toute la peine qu’il s’est
donnée ne sont que vanité (2 : 11), on ne sait pas qui en profitera après
sa mort (2 : 18 ; 4 : 7-8), même pendant sa vie, on peut être privé du
fruit de son travail (5 : 12 ; 6 : 6) qui, de toute façon, est si vite dépensé
(5 : 10). Mais l’inaction est encore pire : la paresse détruit l’homme (4 :
5) et engendre pauvreté et ruine (10 : 18 ; 11 : 4), le travailleur a le
sommeil doux (5 : 12) et le travail en commun offre bien des
satisfactions (4 : 9). C’est pourquoi l’Ecclésiaste exhorte quand même
au travail : « Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le » (9 :
10). « Dès le matin, sème ta semence, et le soir ne laisse pas reposer ta
main » (11 : 6).
Valeur de la joie
Même paradoxe pour la jouissance et la joie : elles ne peuvent donner
un sens à la vie (2 : 2, 10 : 1 ; 7 : 3-6) ; et pourtant, Dieu a créé l’homme
pour le bonheur et « faire jouir son âme du bien-être, au milieu de son
travail […] cela aussi vient de la main de Dieu » (2 : 24). Le bonheur,
pour l’homme, c’est de « se réjouir et se donner du bien-être » (3 : 12), «
se réjouir de ses œuvres » (3 : 22). « J’ai donc loué la joie » (8 : 15) ; «
Va, mange avec joie ton pain et bois gaiement ton vin, car depuis
longtemps Dieu prend plaisir à ce que tu fais. […] Jouis de la vie avec la
femme que tu aimes […], car c’est ta part dans la vie » (9 : 7-9). « La
lumière est douce, et il est agréable de voir le soleil […] que l’homme se
réjouisse donc » (11 : 7-8).
S’il prend cette attitude, ce n’est pas parce qu’il « refuse de s’enfermer
dans la geôle d’une logique rigoureuse158 », mais parce qu’il obéit à une
logique qui transcende nos raisonnements cartésiens, à une logique
existentielle qui, seule, permet d’affronter les contradictions que la vie
elle-même nous présente.
La seule issue
Ainsi celui qui a suivi l’Ecclésiaste à travers les méandres de son
itinéraire, qui a rebroussé chemin avec lui dans tous les culs-de-sac où il
a mené son lecteur, voit comme seule issue du labyrinthe, la foi en ce
Dieu créateur, Souverain, Sagesse insondable. La foi pousse parfois sur
le terrain du doute et du scepticisme à l’égard de tout ce qui nous est
prôné comme valeur ici-bas. C’est le service que l’Ecclésiaste veut
rendre à ceux qui n’acceptent pas d’emblée la sereine assurance des
Proverbes, il les exhorte à pousser jusqu’au bout leur raisonnement et
leur recherche pour constater, effectivement, que toutes ces avenues
tant vantées ne mènent nulle part.
Lorsque nous sommes arrivés au point où nous commençons à
craindre qu’un haussement d’épaules soit le seul commentaire honnête
à tout ce monde voué à la mort, où rien n’a de l’importance sous le
soleil, alors nous sommes prêts à entendre la bonne nouvelle que tout a
de l’importance car Dieu amènera toutes choses en jugement. « Sur ce
roc, nous pouvons être détruits, mais c’est du roc, pas du sable
mouvant. Il y a là une possibilité de construire159 ».
C’est sur ce même roc que Jésus a construit : il a résumé et prolongé
la pensée de l’Ecclésiaste en disant : « Que servirait-il à un homme de
gagner le monde entier, s’il perdait son âme ? » (Matthieu 16 : 26), et : «
Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu et toutes ces
choses vous seront données par-dessus » (Matthieu 6 : 33).
Ecclésiaste
Prologue
1 Voici ce qu’a dit le chef de l’assemblée (du peuple), fils de David, qui fut roi
à Jérusalem :
2 Tout est futile et inutile160. Il n’y a rien de valable ni de permanent (ici-bas),
tout n’est que fumée fuyante !
3 L’homme passe sa vie à travailler, quel profit durable tire-t-il de toute la
peine qu’il se donne sous le soleil ? 161 ? 4 Une génération s’en va, une autre
vient, et la terre est toujours là, (toujours pareille). 5 Le soleil se lève, le soleil
se couche, il revient haletant vers l’endroit d’où il devra de nouveau se lever.
6 Les vents soufflent tantôt vers le sud, tantôt vers le nord, ils tournent, et
Où trouver le bonheur ?
Dans la sagesse ?
12 Moi, le chef de l’assemblée, je suis devenu roi d’Israël à Jérusalem162. 13 Et j’ai
pris à cœur d’étudier tout ce qui se passe ici-bas, j’ai appliqué toute ma
pensée à l’explorer par une observation méthodique. C’est là une besogne
bien ingrate que Dieu impose aux hommes pour qu’ils soient absorbés par
elle163.
14J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil et je suis arrivé à la conclusion que
tout est pour rien* : autant courir après du vent !
15 Cequi est courbe ne sera jamais droit et ce qui n’est pas ne saurait être pris
en compte.
16 Je me suis dit : Voici, je suis devenu puissant et je sais beaucoup de choses,
j’ai acquis une grande sagesse et j’ai fait progresser la réflexion plus qu’aucun
de ceux qui ont vécu avant moi à Jérusalem. Mon intelligence a vu le fond
des choses, mon esprit est rempli d’expérience et de connaissance.
17J’ai, en effet, appliqué toute mon attention à connaître la sagesse et la
science et à dépister ce qui est déraisonnable et stupide. Et je me suis aperçu
que cela aussi, c’était courir après du vent. 18 Car, plus vous aurez de sagesse,
plus vous aurez de tristesse. Augmentez vos connaissances, vous
augmenterez vos souffrances.
Dans les plaisirs ?
3 Tout ce qui arrive ici-bas vient au moment opportun décidé par Dieu lui-
même169. 2 C’est lui qui détermine le moment de naître et celui de mourir,
le moment de planter et le moment d’arracher le plant, 3 le moment de tuer et
le moment de soigner les blessures, le moment d’abattre et le moment de
construire. 4 C’est lui qui fixe le temps des pleurs et celui des rires, le temps de
la tristesse et celui des danses de joie, 5 le temps de disperser les pierres et
celui de les ramasser, le temps pour s’embrasser et le temps pour s’abstenir
de caresses.
6 Il décide quand vient le moment de chercher et quand il faut laisser perdre,
quand il faut conserver et quand il faut jeter, 7 quand il faut déchirer et quand
il faut recoudre, quand il faut garder le silence et quand vient le moment de
parler, 8 quand il faut aimer et quand il faut haïr, quand il faut déclarer la
guerre et quand il faut signer la paix.
L’œuvre de Dieu est parfaite
9 Quel avantage celui qui travaille retire-t-il de la peine qu’il se donne ? 10 J’ai
considéré les différentes occupations que Dieu a imposées aux hommes pour
qu’ils y soient entièrement absorbés. 11 Toutes les choses que Dieu a faites
sont belles et bonnes… en leur temps, c’est-à-dire celui qu’il a décidé pour
elles. Il a même implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité, et il
a donné à l’homme le désir de connaître l’avenir. Et pourtant, l’homme est
incapable de saisir, dans son ensemble, le dessein que Dieu poursuit du
commencement à la fin.
12Aussi ai-je conclu que tout ce que nous pouvons faire, c’est de jouir du
bonheur et de nous donner du bon temps durant notre vie. 13 Car, si nous
pouvons manger et boire et jouir des fruits de notre travail, c’est à Dieu que
nous le devons : c’est un cadeau de sa part.
14 J’aicompris également que tout ce que Dieu fait demeurera pour toujours :
il n’y a rien à y ajouter, rien à en retrancher. Et Dieu l’a fait ainsi pour qu’on ait
une attitude de respect devant lui. 15 Ce qui existe aujourd’hui existait déjà
dans le passé, et ce qui sera dans l’avenir est déjà. Ce qui semblait avoir
disparu pour toujours, Dieu le recherche pour que cela existe encore, car il
veut la continuité.
4 Puis j’ai tourné mes regards vers toutes les violences qui se commettent
sous le soleil. Partout j’ai vu les opprimés verser des larmes et il n’y a
personne pour les consoler, car la force est du côté de leurs bourreaux et elle
fait hésiter les consolateurs éventuels. 2 Alors j’ai envié les morts qui ont déjà
fini leur carrière : ils sont plus heureux que les vivants qui n’ont pas achevé la
leur. 3 Et plus heureux que tous est encore celui qui n’a jamais existé parce
qu’il n’a pas vu tous les méfaits qui se commettent sous le soleil.
Rivalités
4 J’ai aussi découvert pourquoi les hommes travaillent si dur, pourquoi ils
cherchent leur avantage dans les affaires : c’est qu’ils sont jaloux les uns des
autres : chacun veut surpasser son voisin. Mais cela encore est futile et
inutile*: autant courir après le vent.
5On dit que celui qui se croise les bras est un insensé et qu’il se détruit lui-
même.
6 (Peut-être,
mais) ne vaut-il pas mieux vivre heureux et paisible avec peu de
chose plutôt que d’avoir les deux mains pleines de travail et de se
tourmenter l’esprit si, en fin de compte, tout revient à courir après le vent ?
Égoïsme
7 En continuant à observer, j’ai remarqué une autre absurdité* sous le soleil : 8
Voilà un homme seul qui n’a personne pour lui succéder : ni fils ni frère, et
pourtant, il travaille sans repos et sans trêve. Jamais son œil ne se lasse de
voir affluer chez lui les richesses, et il ne lui viendrait pas à l’esprit de se dire :
« Pour qui donc est-ce que je travaille ? Pourquoi est-ce que je me prive de
tout ce qu’il y a de bon dans la vie ? » Encore une absurdité* et une mauvaise
chose !
9 Mieux vaut vivre à deux que tout seul, car on profite mieux de son travail. 10
Si l’un tombe, l’autre soutient et relève son compagnon, mais malheur à celui
qui est seul et qui vient à tomber sans avoir personne pour l’aider à se
relever. 11 De même, si deux personnes dorment ensemble, elles se tiennent
chaud, mais comment celui qui est seul se réchauffera-t-il ?
12Un homme seul est facilement maîtrisé par un agresseur, mais à deux ils
sauront lui tenir tête. Et une corde à triple brin n’est pas facile à rompre.
Instabilité
13-15 J’ai vu un roi âgé et stupide qui ne savait même plus écouter les conseils.
J’ai aussi vu toute la foule des gens qui vont et viennent sous le soleil, et j’ai
pensé que, parmi eux, il pouvait y avoir un jeune homme pauvre, mais
intelligent qui s’emparerait du pouvoir. Mieux vaut être ce jeune homme que
ce vieux roi, car peu importe qu’il soit né pauvre dans son futur royaume,
qu’il sorte même de la prison avant d’accéder au trône, il verra toute la foule
de ses contemporains se rallier à lui pour lui faire usurper la place du vieux
roi170 16 Et le voilà à la tête d’une foule immense qu’il traîne à sa remorque. Et
pourtant, la génération suivante n’aura pas davantage à se féliciter d’avoir un
tel roi ! Là encore, combien tout est futile et inutile*, furtif et décevant : autant
courir après le vent.
5 Ne sois pas pressé d’ouvrir la bouche et ne te laisse pas pousser par ton
cœur à formuler hâtivement des promesses en présence de Dieu, car Dieu
est au ciel, et toi tu es sur la terre. C’est pourquoi ne parle pas plus qu’il ne
faut. 2 En effet, plus tu te fais de soucis, plus tu risques de faire de mauvais
rêves ; et plus tu parles, plus tu risques de faire des promesses inconsidérées.
3Si tu as fait une promesse à Dieu, accomplis-la sans tarder car les insensés
déplaisent à Dieu. Ce que tu as promis, tiens-le. 4 Il vaut mieux ne pas faire de
vœu qu’en faire et ne pas s’en acquitter.
5 Ne permets pas à ta bouche de charger ton être entier d’un péché et ne te
mets pas dans une situation où tu seras obligé de dire au représentant de
Dieu : « C’est un malentendu ». Pourquoi donnerais-tu à Dieu une occasion de
s’irriter contre toi à cause de tes paroles et de faire échouer tes entreprises ? 6
Car l’excès de rêveries n’aboutit qu’à beaucoup de paroles en l’air. C’est
pourquoi : respecte Dieu.
6 J’ai constaté, (à ce sujet) une profonde injustice sous le soleil : elle pèse
2
lourdement sur les hommes. Voilà quelqu’un à qui Dieu a donné
richesses, biens et honneurs, si bien qu’il ne lui manque rien de ce qu’il peut
désirer. Mais Dieu ne le laissera pas jouir de tout cela, et c’est un étranger qui
en profitera. N’est-ce pas absurde et décevant* ?
3 Si un homme avait cent enfants et vivait de longues années, quelque
nombreux que soient les jours de son existence, s’il ne sait pas profiter des
biens qu’il a en partage et jouir du bonheur – même s’il ne devait jamais
descendre dans la tombe – je prétends qu’un enfant mort-né est plus
heureux que lui. 4 Car l’avorton est né en vain* et il retourne dans la nuit, son
nom reste à jamais dans l’obscurité. 5 Il n’aura pas vu le soleil, ni su qu’il
existait. Il jouit donc d’un repos que cet homme ignore. 6 À quoi bon vivre
deux fois mille ans si on ne sait pas ce que c’est que d’être heureux ?
Finalement, toutes choses ne s’acheminent-elles pas vers le même terme ?
7L’homme ne peine que pour manger, et pourtant ses désirs ne sont jamais
satisfaits. 8 Qu’est-ce que le sage a de plus que l’insensé ? Quel avantage le
pauvre malheureux a-t-il de savoir se conduire correctement sur le chemin
de la vie ? 9 Mieux vaut jouir de ce que l’on voit que de le poursuivre. Car
cela encore est une chose absurde*. C’est courir après du vent.
L’attitude du sage
10 Lacondition de l’homme est déterminée d’avance par son nom : Adam, fils
de la terre ; on sait ce qu’est un homme, et qu’il ne peut pas contester avec
plus fort que lui. 11 Plus vous dépenserez de paroles là-dessus, moins elles
auront de sens*. Et quel avantage en tirerez-vous ? 12 Qui peut savoir, en effet,
ce qui convient le mieux à l’homme pendant sa vie, pendant les quelques
jours de sa vaine existence qu’il voit fuir comme une ombre ? Qui pourra lui
révéler ce qui arrivera après lui sous le soleil ?
La femme
26 J’ai découvert quelque chose de plus amer que la mort : c’est une femme
dont le cœur n’est que guet-apens et piège, et dont les bras sont des chaînes.
Celui qui jouit de la faveur de Dieu échappera à ses griffes, mais le pécheur s’y
laissera prendre.
27 Vois-tu, dit le chef de l’assemblée, tel est le résultat de mon expérience
après examen des choses l’une après l’autre pour en découvrir le sens… 28
que, d’ailleurs, je cherche encore sans le trouver. Sur mille hommes, j’en ai
trouvé un (qui soit vraiment un homme), mais parmi toutes les femmes que
j’ai connues, je n’en ai pas découvert une seule.
29Voilà la seule chose que j’ai trouvée : Dieu a fait les hommes également
droits ; mais ce sont eux qui ont cherché beaucoup de complications.
8 Qui est comparable au sage ? Qui sait, comme lui, analyser une situation ?
« La sagesse d’un homme illumine son visage et l’austérité de ses traits en
est transformée. »
Devant le roi
2 Aie les yeux fixés sur la bouche du roi pour obéir à ce qu’il commande,
comme tu en as fait serment à Dieu. 3 Ne te hâte pas de t’éloigner de sa
présence, mais ne t’obstine pas à défendre une mauvaise cause devant lui,
car le roi fait toujours ce qui lui plaît. 4 En effet, sa parole est souveraine. Qui
oserait lui dire : « Pourquoi fais-tu cela ? » 5 Celui qui s’en tient à ses ordres ne
se mettra pas dans une situation fâcheuse, et le cœur du sage saura discerner
le moment opportun et la bonne manière de s’y prendre.
Obscurités
9 Tout cela, je l’ai vu et j’ai beaucoup réfléchi à tout ce qui se fait sous le soleil.
Il arrive qu’un homme domine sur les autres pour les rendre malheureux. 10
C’est ainsi que j’ai vu des méchants escortés à leur tombe, et les braves gens
de la ville, en revenant du cimetière, avaient déjà oublié comment le défunt
avait agi. Cela encore est une chose absurde et décevante* !
11 Parce
que Dieu ne sanctionne pas immédiatement les mauvaises actions, les
hommes s’enhardissent et leur cœur se remplit du désir de faire le mal.
12 Mais,bien que le pécheur puisse faire cent mauvais coups et voir prolonger
ses jours, je sais cependant que le bonheur est réservé à ceux qui révèrent
Dieu et que sa présence remplit de respect, 13 mais qu’il n’y aura pas de
bonheur pour le méchant : ceux qui n’éprouvent nulle crainte en présence de
Dieu disparaîtront bien vite, comme des ombres fugitives.
14Il y a une autre chose décevante* qui se passe sur la terre : certains justes
subissent le sort qui conviendrait aux impies pour leurs agissements, et des
coupables sont traités comme s’ils avaient agi en justes. « Encore une
obscurité* » (de la vie), me suis-je dit174.
15C’est pourquoi j’ai fait l’éloge de la jouissance puisqu’il n’y a pas d’autre
bonheur pour l’homme sous le soleil que de manger, de boire et de se réjouir,
et que c’est là tout ce qu’il peut tirer des travaux pénibles auxquels il se livre
pendant les jours que Dieu lui accorde de vivre sous le soleil.
Bilan
16Après m’être ainsi appliqué de tout mon cœur à chercher la sagesse et
avoir considéré les préoccupations auxquelles l’homme se livre ici-bas, j’ai
reconnu que, même s’il refusait nuit et jour le sommeil à ses yeux, 17 il serait
incapable de découvrir la raison de tout ce que Dieu fait sous le soleil : il a
beau se fatiguer à chercher, il ne la trouvera pas. Et même si le sage prétend
savoir, en réalité il n’y comprend rien.
Souveraineté de Dieu
9 Oui, j’ai beaucoup réfléchi à tout cela, j’ai appliqué mon intelligence à tirer
ces choses au clair et j’ai compris que les justes, les sages et tous leurs
travaux sont dans la main de Dieu. L’homme ne sait pas s’il rencontrera
l’amour ou la haine : il peut envisager n’importe quoi. 2 Tout peut arriver à
tous : le même sort atteint le juste et le méchant, celui qui est bon et pur, et
celui qui est impur ; celui qui offre des sacrifices et celui qui n’en offre pas.
L’innocent est traité comme le pécheur, le parjure comme celui qui respecte
son serment. 3 Une des choses les plus navrantes parmi tout ce qui se passe
sous le soleil est que tous les hommes soient soumis à un sort identique. Voilà
pourquoi le cœur des hommes est rempli de méchanceté et que la déraison
règne sur leur âme tant qu’ils vivent. Après ? Après, il y a la mort ! 4 Qui en
serait exempt ? « Tant qu’il y a vie, il y a espoir ! Chien vivant vaut mieux que
lion mort ! » 5 En effet, les vivants, du moins, savent qu’ils mourront ; mais les
morts ne savent plus rien du tout. Ils n’ont plus rien à gagner, leur souvenir
même s’efface. 6 Leur amour, leur haine, leur envie, tout s’est, depuis
longtemps, évanoui. Ils n’auront plus jamais part à tout ce qui se fait sous le
soleil.
Jouis du bonheur !
7 Va donc, mange ton pain dans la joie et bois de bon cœur ton vin, car
depuis longtemps, Dieu prend plaisir à ce que tu fais. 8 Qu’en tout temps tes
vêtements soient blancs et que le parfum ne manque pas sur ta tête. 9 Jouis
de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de l’existence
fragile et fugitive* que Dieu t’accorde sous le soleil, oui, tout au long de ces
jours éphémères et incertains*, puisque c’est ta part dans la vie au milieu de
toute la peine que tu te donnes sous le soleil. 10 Tout ce qui se présente à
portée de ta main et que tu trouves la force de faire, fais-le, car on ne peut
plus ni agir, ni penser, ni savoir, ni acquérir de sagesse dans le séjour des
morts vers lequel se dirigent tous tes pas.
Revers de fortune
5 Il est un autre mal que j’ai constaté sous le soleil et qui a tout l’air d’une
méprise de la part de ceux qui gouvernent : 6 l’insensé est promu aux postes
les plus élevés alors que des gens de valeur restent dans des emplois
subalternes. 7 J’ai vu des esclaves aller à cheval et des princes marcher
comme des esclaves.
8 Qui creuse un trou y tombera, et qui abat un mur sera mordu par un
serpent. 9 Qui arrache des pierres en sera blessé, et qui fend du bois le fait à
ses risques et périls.
10Si le tranchant de la hache est émoussé et qu’on ne l’aiguise pas, il faudra
redoubler d’efforts, mais la sagesse a l’avantage d’assurer le succès.
11 Si
le serpent mord parce qu’il n’a pas été charmé, l’art du charmeur ne sert
plus à rien.
:::::
Otto EISSFELDT (The Old Testament, New York : Harper and Row, 1965, p. 489s) y
voit vingt-cinq chants différents, tandis que Robert GORDIS (The Song of Songs, New
York : : Harper and Row, 1954) en propose vingt-neuf.
Vers 1850, J. C. Wetzheim y a découvert la coutume de réciter des poèmes appelés
wasf lors des mariages : l’on y chantait la beauté et les perfections physiques des
deux époux appelés « roi » et « reine ». Si une coutume semblable existait en Israël, il
n’est pas impossible que des fragments de tels poèmes aient été intégrés au
Cantique des cantiques (cf. 4 : 1-7 ; 5 : 10-16 ; 7 : 2-7). En effet, celui-ci fut élaboré
ultérieurement comme pièce destinée à être jouée lors des mariages.
Comme le supposait Bossuet, en transposant au temps de la royauté en Israël les
lubies royales de son siècle : « Quittant le trône pour un peu de temps, il se déguise
en pasteur et la fille du Pharaon en bergère » (BOSSUET, Œuvres complètes, , vol. 1,
Paris : Louis Vivès, 1862, p. 612).
Jean DE SAUSSURE, Le Cantique de l’Église, Genève : Labor et Fides, 1957, p. 15.
VELTHUSEN (1786), UMBREIT (1820), EWALD (1826), GINSBURG (1857), GODET (1900),
POUGET, GUITTON (1934), J. DE SAUSSURE (1957), HARPER, DRIVER, BULLOCK, BRUSTON, etc.
C’est aussi l’interprétation à laquelle se sont arrêtés des littérateurs comme RENAN et
GOETHE.
Guillaume POUGET, Jean GUITTON, Le Cantique des cantiques, p. 51.
Robert LOWTH, Lectures on the sacred poetry of the Hebrews, vol. 2, p. 298.
Leroy WATERMAN, American Journal of semitic languages and literature, n° 35, 1919,
p. 104.
T. J. MEEK, American Journal of semitic languages and literature, n° 39, 1922-1923,
p. 1-14.
Clarence BULLOCK, An Introduction to the OId Testament poetic books, Chicago :
Moody Press, 1979, p. 231.
Christian GINSBURG la fait remonter à Moïse Mendelssohn (1729–1786, grand-père du
génial musicien). Cf. The Song of Songs and Qoheleth, 1re édition en 1857, New
York : Qtav, 1970, p. 58-59.
Jean DE SAUSSURE, op. cit., p. 8, 10.
Frédéric GODET, Étude sur le Cantique des cantiques, in Études bibliques 1re série,
Ancien Testament, 5e éd., 1re éd. en 1873 (Paris–Neuchatel : Sandoz), Neuchatel ;
Paris : Delachaux et Nestlé : Fischbacher, 1900, p. 293.
Jean GUITTON, op. cit., p. 13. Voir aussi son Essai sur l’amour humain, Paris : Aubier,
1948.
La Michna, Traité Yadaim, 3.5.
« L’allégorie ne sert que de comparaison pour donner l’intelligence d’un autre sens
qu’on n’exprime point » (Littré) ; « Suite d’éléments descriptifs ou narratifs dont
chacun correspond aux divers détails de l’idée qu’ils prétendent exprimer » (Robert)
; « Elle est une forme d’expression littéraire […] qui veut suggérer une signification
cachée sous la donnée sensible du langage » (D. PORION, Encyclopédie Universalis).
« Salomon rendit l’argent et l’or aussi communs à Jérusalem que des pierres »
(2 Chroniques 1 : 15 ; cf. 1 : 12 ; 9 : 24). « Il dominait sur tous les rois »
(2 Chroniques 9 : 26).
Frédéric GODET, op. cit., p. 313.
Voir les notes correspondantes.
Jean de Saussure souligne la fréquence de ce thème dans les Évangiles : les
paraboles des mines, des talents, des vignerons, des dix vierges, des serviteurs
attendant le retour de leur maître, etc. (op. cit., p. 63-64).
Sulamith, une jeune fille de Sulem, d’une beauté parfaite, a été rencontrée par
Salomon lors d’une course qu’il faisait avec sa cour. Il l’a fait conduire dans son
palais. Dans cette première scène, elle s’entretient avec les jeunes filles qui
composent le harem et qui célèbrent la joie d’avoir été remarquées par un prince tel
que Salomon. Exprimant leur enthousiasme, l’une d’elles s’adresse à lui, bien qu’il
ne soit pas encore présent. Dans notre traduction, le rythme des trois premiers
chapitres est constitué par l’accentuation des syllabes paires : 1 2 3 4 (5 6 (7 8)).
Sulamith interrompt le chœur : elle se rend compte de sa situation. C’est comme si
elle sortait d’un rêve. Le changement de personnage se remarque au fait que le roi
est nommé ici à la troisième personne et non plus à la deuxième comme dans les
versets précédents.
Les jeunes filles, sans tenir compte de cet aparté, continuent à célébrer l’amour de
leur maître.
En se voyant l’objet de l’attention des jeunes filles, Sulamith compare son teint bruni
aux frais visages des citadines. J. de Saussure applique cette parole à l’Eglise :
noire, mais belle (Le Cantique de l’Église, p. 25).
Dans le symbolisme biblique, la vigne représente généralement la terre de Canaan.
Comme « fille de prince » (7 : 1), Israël l’avait reçue en héritage (cf. 6 : 11-12 ; 8 :
12), mais dans un mouvement d’imprudente précipitation, elle l’a aliénée entre les
mains d’un souverain terrestre. On peut aussi y voir le peuple d’Israël. À la fin de
l’histoire, Sulamith prend la ferme décision de garder désormais sa vigne (8 : 12).
Sulamith s’adresse à présent à son ami absent qu’elle voudrait aller rejoindre sur la
montagne où il fait paître son troupeau.
Les jeunes filles entrent complaisamment dans la pensée de Sulamith et lui
répondent : si elle est assez simple pour préférer sa condition de bergère à celle de
bien-aimée du brillant monarque, qu’elle aille donc conduire son troupeau de
chèvres sur les pâturages.
Salomon entre en scène, il comble Sulamith de louanges sur sa beauté et lui promet
d’autres bijoux.
Sulamith, nullement troublée par le langage de Salomon, se parle à elle-même : il ne
sera pas si facile au roi de parvenir à l’enclos qu’il croit déjà sien, car l’amour de
Sulamith pour son berger absent est comme un parfum qui chasse toutes les autres
senteurs. Même en présence du roi, elle n’est remplie que de la pensée de celui
qu’elle aime.
Aux exclamations d’admiration du roi, Sulamith répond en adressant les siennes au
berger absent. Aux appartements lambrissés où elle est enfermée, elle compare les
demeures champêtres où elle vit d’habitude avec son berger. Elle justifie cette
préférence en expliquant qu’elle est une fleur de la campagne (2 : 1).
Salomon entre dans la pensée de Sulamith, mais la corrige en opposant la rose aux
ronces.
Sulamith continue à faire l’éloge de son ami, proclamant que son seul désir est de
retourner auprès de lui.
Oubliant sa captivité, elle se voit dans le vignoble avec son berger, protégée contre
les assauts de Salomon par l’étendard de son amour.
L’effort qu’elle a fait pour lutter contre la séduction du monarque l’a épuisée. Elle se
sent défaillir et demande aux jeunes filles qui l’entourent de la soutenir et de la
restaurer. Elle se voit couchée dans le vignoble, enlacée par son ami et glisse dans
un doux rêve. Elle supplie les jeunes filles de ne pas la réveiller avant qu’elle ne le
désire. Ce refrain reviendra chaque fois que Sulamith tombe ou se replonge dans un
état d’extase (3 : 8 ; 8 : 4). J. BALCHIN (New Bible commentary, p. 602) voit dans ce
refrain le verset-clé du poème qui permet de comprendre ce qu’est le véritable
amour conjugal, qui doit naître spontanément et non d’une fausse stimulation
érotique. Calvin Seerfeld l’interprète ainsi : « N’excitez pas mes sens en faveur de
quelqu’un que je ne suis pas disposée à aimer » (C. SEERFELD, The Greatest song,
p. 69). L’amour ne peut pas être fabriqué.
Tout ce qui suit, jusqu’à 3 : 5, est prononcé par Sulamith dans une sorte d’extase.
Selon un procédé commun à toute la poésie orientale, on identifiait la vision du bien-
aimé avec sa présence réelle. L’extase était considérée comme une maladie sacrée
qui mettait à l’abri de toute violence. Dans toute cette scène, et dans les suivantes,
Sulamith est plongée dans une douce rêverie : elle voit son bien-aimé et s’entretient
avec lui comme s’il était réellement présent. Les scènes qu’elle évoque se passent
au-dedans d’elle et perdent ainsi ce que certains traits pourraient avoir de choquant.
Le bien-aimé invite Sulamith à une promenade à travers la campagne printanière.
Parole énigmatique, peut-être extraite d’un chant sur la vigne. L’ami ou Sulamith se
l’approprient pour demander que l’on écarte tout ce qui pourrait endommager leur «
vigne en fleur », c’est-à-dire leur jeune vie, leur amour. « Que l’amour soit pur et
paisible, ne laissant aucune place à la convoitise, à l’adultère, l’immoralité, la
sentimentalité bon marché ou à tout ce qui pourrait ruiner le véritable amour du
couple » (Balchin). Dans l’application politique, les renards qui ravagent la vigne
(c’est-à-dire la terre de Canaan) seraient les nations d’alentour.
Sulamith poursuit son rêve et son monologue. Le bien-aimé n’est pas venu, alors elle
part, en songe, à sa recherche.
Dans ce deuxième acte, Salomon veut impressionner Sulamith par sa richesse et sa
splendeur afin de l’intimider et de gagner son amour. Il la fait monter sur son propre
trône portatif (le verset 6 peut aussi se traduire : « Qui est celle qui monte du désert
»). L’image est évoquée par le chœur des habitants de Jérusalem.
Salomon décrit la beauté de Sulamith suivant le modèle des poèmes lyriques encore
en usage chez certains peuples orientaux (wasf, de l’héb. « description ») et qui sont
récités le jour du mariage : « Le Seigneur n’est pas seulement le Dieu de la vérité : il
est aussi celui de la beauté, et celle-ci se reflète dans tous les aspects de la création
» (Balchin), en particulier, dans l’homme et la femme créés à l’image de Dieu.
L’admiration qui exalte cette beauté joue un rôle capital dans l’amour.
Dans ce chapitre, le rythme se fait plus pressant, comme l’exaltation amoureuse de
Salomon. C’est pourquoi, nous avons adopté l’alternance suivante, où une syllabe
sur trois est accentuée : 1 2 3 4 ; 1 2 3 4 5 6 7.
Sulamith interrompt cette description emphatique de sa beauté en souhaitant
qu’avant la fin du jour elle puisse s’échapper sur la montagne où son bien-aimé fait
paître son troupeau.
Salomon commencerait-il seulement à se rendre compte qu’il n’est pas si facile de
pénétrer dans cet enclos ?
Sulamith coupe subitement la parole à Salomon en opposant à ses envolées
passionnées un cri d’amour à son bien-aimé absent : elle ne veut appartenir à aucun
autre, lui seul aura le droit de pénétrer dans son jardin.
Salomon feint de croire que les paroles de Sulamith lui sont adressées, il s’empresse
de répondre à l’invitation.
Sûr de sa victoire, il invite les jeunes courtisans qui l’entourent à s’associer à sa joie
en célébrant d’avance le banquet des noces.
Au moment où Salomon pensait venir à bout de ses efforts de séduction, sa captive
lui échappe : elle tombe dans une extase semblable à celle qui avait terminé sa
première lutte. Elle l’annonce dans ses premières paroles : « Je me suis endormie,
cependant mon coeur veille ». Nous revenons ici, pour ce récit plus calme de son
rêve, au rythme plus régulier : 1 2 3 4 5 6.
Le choeur entre dans le jeu et, comme on répond à un enfant qui parle en dormant,
les jeunes filles lui posent une question bien naturelle.
Sulamith répond bien volontiers à cette demande en faisant une description
enthousiaste de la beauté de son bien-aimé.
Les jeunes filles continuent le dialogue et proposent d’aider Sulamith dans sa
recherche. La réponse de Sulamith est tout imprégnée des caprices du rêve.
Salomon entre en scène pour tenter un suprême effort. Il renouvelle ses éloges et
compare Sulamith aux deux plus belles villes de son royaume : Thirtsa et Jérusalem.
Mais la résistance de sa captive à toutes ses avances le trouble (v. 4b-5a). Pour tout
ce passage, nous reprenons le rythme passionné : 1, 2, 3, 4, (5, 6, 7).
Salomon promet à Sulamith de lui accorder une place unique parmi les reines et les
concubines : elle sera pour lui l’épouse de son cœur, aussi chère qu’une fille unique
l’est pour sa mère.
Les jeunes filles sont impressionnées à la fois par sa beauté et par la résistance
inaccoutumée qu’elle offre au roi.
Les versets 11 et 12 révèlent la clé du Cantique : Sulamith essaie de se remémorer
comment elle est arrivée dans cette situation. Elle se souvient alors d’être
descendue dans son verger. Lorsqu’elle a vu passer le cortège royal, poussée par
sa curiosité, elle s’est approchée, attirant les regards des nobles et du roi. C’est ce
qui l’a perdue. Au souvenir de ce regret, elle se met à fuir comme si elle se retrouvait
dans la situation qu’elle vient de se représenter. Dans tout ce passage, le rythme est
le même que dans l’évocation précédente de Sulamith : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Les jeunes filles veulent l’arrêter pour pouvoir la contempler à loisir. Sulamith s’étonne
de leur admiration pour une pauvre villageoise comme elle. La jeune fille est ici
désignée par son nom, dérivé, selon la plupart des commentateurs, du hameau de
Sulem (ou Sunem) en Galilée. D’autres pensent à une forme féminine de Salomon
(de « schalom », paix, qui vient lui-même du verbe « schalam » : être intact,
accompli). Sulamith signifierait donc : l’Accomplie, la Parfaite ou la Paisible, ce que
confirmerait 8 : 10 : « J’ai été, à ses yeux (de Salomon), comme celle qui a trouvé la
paix ».
Litt. : comme une danse de Mahanaïm. Dans Genèse 32 : 1-2, ce mot désigne les
deux chœurs d’anges qui viennent à la rencontre de Jacob à son retour en Canaan.
Les jeunes filles, la voyant fuir, comparent sa démarche légère à un vol gracieux,
semblable à celui des anges ou encore à une danse tirant son nom de cet épisode.
Puis elles se mettent à décrire sa beauté, en commençant (comme cela est naturel
pour une danseuse) par les pas qu’elle fait, en remontant progressivement le long
du corps. Selon J. Guitton, cette danse était exécutée par la mariée le soir des
noces à la tombée du jour.
Ces dernières paroles prouvent que toute la description admirative qui précède est
dans la bouche des jeunes filles. À présent, Salomon reprend la parole et, dans un
mouvement passionné, exprime sa ferme résolution de satisfaire son amour.
On sent que le roi s’apprête à embrasser Sulamith sur la bouche. Celle-ci interrompt
l’expression de plus en plus passionnée et sensuelle de son amour en affirmant
qu’elle veut réserver l’expression de son affection à son bien-aimé (cf. 1 : 12 et 4 :
12).
Par cette dernière parole, Sulamith repousse un peu rudement les avances du roi. Le
P. Lagrange propose de lire ici yachanim : « des vieux », le mot que le Cantique
emploie pour désigner les fruits mûrs (7 : 14). J. Guitton adopte cette traduction. Il
se peut même que l’expression soit ambiguë (« ceux qui s’endorment » étant
opposés aux jeunes, jamais fatigués) comme dans le même verset, l’adverbe «
librement » signifie aussi : « justement, aisément ». « Il y aurait ainsi une opposition
entre le vin qui coule aisément dans le gosier du bien-aimé et celui qui bave sur les
lèvres des vieillards. L’allusion, il est vrai, est peut-être un peu rude pour Salomon,
mais c’est le dernier mot de la jeune femme, celui qui la délivre : une riposte
cinglante n’est pas déplacée » (J. Guitton, op. cit., p. 174). Là-dessus le roi sort et
donne l’ordre de laisser partir Sulamith.
C’est le cri de triomphe de la jeune fille délivrée du séducteur. Sûre de l’affection de
son ami, elle l’appelle et l’invite à une promenade à la campagne (contre-partie de
son invitation à lui, 2 : 10-14).
Le pommier est, en Orient, l’emblème habituel du paradis : « C’est tout à la fois dans
le paradis et dans la douleur qu’a été enfanté le Messie, le fiancé d’Israël. N’est-ce
pas en effet sous l’arbre de la chute, au milieu des angoisses d’un châtiment mérité,
que fut prononcée la promesse qui plane dès lors, comme une nuée bienfaisante,
sur toute l’histoire d’Israël et de l’humanité : “La postérité de la femme écrasera la
tête du serpent”. Longtemps il dormit sous l’arbre, sous lequel il avait été enfanté, le
Sauveur de l’humanité » (Frédéric Godet, op. cit., p. 315).
Sulamith tire la leçon de son expérience. Cette phrase prouve que le bien-aimé n’est
pas Salomon.
La parabole de Sulamith, qui constitue une énigme développée, en contient un
certain nombre d’autres. La Bible annotée interprète l’énigme de la jeune sœur ainsi
: « Le sort final d’Israël vient d’être glorieusement annoncé : il sera à jamais le peuple
du berger céleste dont finalement rien ne le séparera. Mais Israël n’est pas seul au
monde ; il y a, en dehors de lui, une humanité idolâtre qui n’a pas encore reçu la
connaissance de Jéhova, de sa loi et du salut promis, et pour qui l’épreuve de la
fidélité est encore à venir. Elle ne manquera pas d’y être soumise un jour, et par là
décidera elle-même, comme l’a fait Sulamith, de son sort final ».
« Si, lorsqu’elle connaîtra Jéhova, elle s’attache à lui et tient ferme pour lui contre les
séductions terrestres, elle aura accès à la gloire, comme Israël, sinon, on lui infligera
une humiliante réclusion » (La Bible annotée)
Sa fermeté devant les assiduités de Salomon peut servir de modèle à sa jeune sœur.
Par cette fermeté, elle a été trouvée digne, aux yeux du roi, d’obtenir la paix (ce
thème de la paix, qui se retrouve dans les noms de Salomon et de Sulamith, est
sous-jacent à tout le livre).
Nouvelle énigme : après avoir rappelé son histoire, Sulamith en revient à Salomon. Le
nom de Baal-Hamon ne se trouve nulle part, il est probablement utilisé ici à cause
de son sens symbolique : possesseur de grandes richesses. Une vigne rapportant
plusieurs milliers de sicles d’argent est, en effet, immense. Que Salomon se
contente donc de ses richesses et ne convoite pas la vigne de Sulamith (cf. le
message de Nathan à David, 2 Samuel 12 : 1-9) ! Sa personne et son amour ne
sont pas à vendre. Dans cette énigme, il apparaît que Sulamith personnifie tout le
peuple d’Israël : « Par sa bouche, le peuple fait vœu de soumission à la royauté qu’il
vient de se donner, mais réserve en même temps le droit de Dieu, auquel est
subordonné celui du roi » (La Bible annotée). Le droit de Dieu est représenté ici par
les deux cents pièces données à ceux qui gardent les fruits de la vigne, c’est-à-dire
les sacrificateurs et les lévites.
Dans ce verset, le berger paraît, entouré de ses amis de noce, pensant que le
moment est venu de célébrer leur union. Pour la première fois, il prend la parole
dans ce poème tout rempli de lui, et c’est pour demander à Sulamith de chanter.
Peut-être est-ce une indication de la vocation éternelle du peuple de Dieu : chanter
les louanges de Dieu.
Énigme finale : au lieu de célébrer leur amour et leur union, Sulamith demande à son
bien-aimé de fuir : « Il y a ici le sentiment fortement exprimé que le temps n’est pas
encore arrivé où peut se réaliser l’union figurée plus haut de la jeune fille et de son
ami, c’est-à-dire, si nous ne nous trompons pas, d’Israël avec Jéhovah… Le vrai
berger doit laisser la place au roi terrestre, jusqu’à ce que le terrain soit préparé pour
sa propre apparition. En attendant, il doit se retirer dans une demeure supérieure,
où Sulamith ne peut le suivre » (La Bible annotée).
Cf. Samuel KRAMER : History begins at Sumer, chap. 18, New York : Harper &
Brothers, 1961 ; le dialogue sur la misère humaine dans Ancient near Eastern texts
relating to the Old Testament par J. PRITCHARD (éd.), 3e éd. en 1969, p. 60-604 ;
Paul BERTIE, Le poème de Job, Paris : Rieder, 1929 ; Adolphe LODS, Histoire de la
littérature hébraïque et juive, Paris : Pavot, 1950, p. 691s.
Voir Robert GORDIS, The Book of God and man, Chicago : University of Chicago
Press, 1965, p. 7.
Jacob MYERS, The Linguistic and literary form of the book of Ruth, Leiden : Brill,
1955.
Par exemple dans « Le Paysan éloquent », un poème égyptien du XXIIe s. av. J.-C. ;
dans le Code d’Hamourabi nous trouvons la même structure, mais inversée :
poésie, prose, poésie.
Frédéric Godet, Études bibliques, op. cit., p. 208-209.
Roland DE PURY, Job : ou l’homme révolté, Genève : Labor et Fides, p. 12s.
Jon GENUNG, International standard Bible encyclopedia, III, 1915, p. 1687. URL :
http://www.internationalstandardbible.com/J/job.html (page consultée le 23 janvier
2015).
Job semble reprendre ici, dans les versets 18-21, les arguments de ses amis pour en
montrer I’erreur.
Ch. Bridges, cité par Isaac Thomas : A Word from the wise, Moody Press, 1978,
p. 5.
La Bible annotée : les hagiographes, vol. 1, Neuchâtel : Attinger, 1898, p. 4.
Cf. Alfred KUEN, L’Art de vivre selon Dieu, Saint-Légier : Emmaüs, 1980, p. 9-10.
Litt : garde ton coeur plus que tout ce qui se garde, car de lui procèdent les sources
de la vie.
Litt : aplanis le sentier de ton pied.
C’est-à-dire : sois fidèle à ta femme.
Sous-entendu : j’ai donc chez moi la viande du sacrifice.
Ou : le discernement est la science des saints.
Ou : la bêtise (stupidité) est comme une femme écervelée, inconstante et
inconsciente.
Litt : il ne sait pas que c’est le lieu des trépassés (cf. 2 : 18).
Litt : cligne de l’œil. Cette image peut signifier : qui est de connivence avec une faute,
fait une œillade au péché.
D’après une ancienne version. L’hébreu répète, verset 8b : celui qui est insensé des
lèvres court à sa perte.
Ou : il n’y ajoute pas de peine, de chagrin.
Pour le vendre plus cher.
D’après la Septante (LXX).
La main active gouvernera, la main lâche sera soumise à la corvée.
Litt. : la lumière des justes est joyeuse, mais la lampe des méchants s’éteint.
D’après la Septante (LXX). En hébreu : la voie des trompeurs est interminable.
D’après la Septante (LXX). L’hébreu porte : l’homme aux pensées coupables se fait
haïr.
Ou : mais sera-t-elle reconnue parmi les sots ? Ou : mais elle reste sans effet parmi
les sots (LXX).
La justice élève une nation.
Litt. : la langue paisible est un arbre de vie.
Ou : c’est tout autre chose.
C’est-à-dire il trouve des difficultés partout.
Litt. : il affermit ses bornes.
Litt. : une balance et des plateaux justes sont à l’Éternel. Autrement dit : tous les
poids du sachet sont son oeuvre.
Litt. : l’homme sage de cœur.
Litt. : sera proclamé, appelé intelligent.
Litt. : qui surélève sa porte.
Celui qui se tient à l’écart, qui marche en solitaire, l’égoïste.
C’est-à-dire : ce que vous dites peut épanouir une vie ou la détruire.
Ou : tu l’inciteras seulement à recommencer, ou : tu devras y revenir bien des fois.
Ou : cesse d’écouter l’instruction si c’est pour te détourner des leçons de la sagesse.
Ou : c’est une gloire pour l’homme de mettre fin à ses querelles.
Litt. : poids et poids (l’un pour acheter, l’autre pour vendre).
Ou : de dire d’une chose qu’elle est sacrée, sainte.
Litt. : et fait passer sur eux la roue (qui sépare le grain de la balle).
Ou : la violence qu’ils ont eux-mêmes déchaînée.
Litt. : sous l’angle d’un toit.
Litt. : forme le jeune enfant selon la voie qu’il devra suivre, selon ce que demande,
commande sa voie.
Litt. : la verge de sa fureur sera brisée. Ou : le bâton pour le punir est déjà prêt,
l’aiguillon de sa passion s’émoussera.
D’après la Septante (LXX). Le texte hébreu porte : celui qui aime la pureté de cœur (la
sincérité) et qui parle de la grâce à son ami.
Litt. : la sottise.
Ou : opprimer le pauvre, c’est le grandir, l’enrichir ; donner au riche, c’est l’appauvrir.
Litt. : mets un couteau à ta gorge.
Ou : se porteront sur des étrangères, des femmes immorales.
Litt. : à la porte de la ville, là où se jugeaient les causes et où se discutaient les
affaires importantes.
Ou : je ne connais pas cet homme.
Ou : ne complote pas méchamment.
Litt. : il baise les lèvres.
Litt. : la langue douce brise les os.
D’après la Septante (LXX). Selon l’hébreu : sur du nitre.
Litt. : car ce sont des charbons ardents que tu amasses sur sa tête.
Litt. : à l’angle d’un toit.
Étudier à fond, sonder les choses difficiles est un honneur. Ou : ni honorable de
rechercher son propre honneur. Ou : celui qui scrute la majesté divine est écrasé par
sa gloire.
D’après la Vulgate. Selon l’hébreu : vous emporter en passant pour une querelle.
Litt. : dans l’assemblée.
Litt. : la langue mensongère et la bouche enjôleuse ont de la haine pour ceux qu’elle
blesse.
Ou : l’homme s’irrite contre son prochain, comme le fer aiguise le fer.
Litt. : la couronne, le diadème.
Ou : sont nombreux.
Ou : il a beau se fâcher ou se montrer plaisant, il n’aura pas de repos.
Litt. : qui éclaire les yeux de tous deux.
Ou : sont nombreux.
Traduction incertaine.
Ou, d’après la Septante (LXX) : qui regardent avec mépris les rides d’une mère.
Textes et mots sont volontairement (ou accidentellement ?) énigmatiques et obscurs.
Litt. : mets-toi la main sur ta bouche.
Capable, vertueuse, parfaite, forte. Femme d’élite, de caractère.
Ou : donnez-lui du fruit de ses mains, accordez-lui une part du produit de son travail.
Litt. : aux portes de la cité.
Alphonse MAILLOT, La contestation, Commentaire de l’Ecclésiaste, Lyon : Cahiers de
Réveil, 1971, p. 6-7.
Voir André LAMORTE, « Qohéleth et le canon des Écritures », Le Livre de Qohéleth,
Paris : Fischbacher, 1932, p. 13-21.
Frédéric DE ROUGEMONT, Explication du livre de l’Ecclésiaste, Neuchâtel : Michaud,
1844, p. 1-2.
Cf. Jean Steinmann, Ainsi parlait Qohéleth, Paris : Cerf, 1955, p. 12.
Cf. en particulier Gleason ARCHER, Introduction à l’Ancien Testament, Saint-Légier :
Emmaüs, 1978, p. 534-545, pour la réponse aux différents arguments, surtout la
question des aramaïsmes. Pour la pensée, voir Jean Steinmann, op. cit., p. 27-32,
qui cite des parallèles égyptiens, babyloniens et grecs bien plus anciens que
Salomon. D’autres auteurs évangéliques rejettent la thèse traditionnelle (Derek
KIDNER, A Time to mourn and a time to dance, Leicester : IVP, 1976 ; C. Hassel
BULLOCK, lntroduction to the Old Tstament poetic books, Chicago : Moody, 1979 ;
G. T. Manley, Nouveau manuel de la Bible, Nogent-sur-Marne : Institut biblique,
1994). Cf. aussi Edward YOUNG, lntroduction to the Old Testament, Grand Rapids
(USA) : Eerdmans, 1950, p. 340 ; Nouveau commentaire biblique, Saint-Légier :
Emmaüs, p. 590.
Le mot yitrôn (« profit ») est emprunté au vocabulaire commercial et désigne le
bénéfice final dans la balance des comptes. Robert GORDIS, Koheleth, The man and
his world, New York : Jewish theological seminary of America, 1951, p. 195.
André MALRAUX, Les Noyers de l’Altenburg, Paris : Gallimard, 1943.
Ibid., p. 6.
Ibid., p. 7.
Ibid., p. 23,27.
Jean STEINMANN, op. cit., p. 18.
Derek KIDNER, op. cit., p. 20.
Vanité des vanités : forme hébraïque du superlatif (cf. « cantique des cantiques », «
saint des saints »). Le mot « vanité » traduit un mot hébreu qui revient soixante-dix
fois dans la Bible dont plus de la moitié (trente-sept fois) dans l’Ecclésiaste. Onze
occurrences sont utilisées par les auteurs bibliques lorsqu’ils veulent parler de la
fragilité de l’homme (Ps. 39 : 6, 7, 12 ; 62 : 10), du caractère fugitif ou inutile d’une
chose (Jér. 10 : 3, 8, 15), de la vie humaine qui n’est qu’un souffle (Job 7 : 16), des
efforts et des projets de l’homme qui sont inutiles (Job 9 : 29). L’homme est un
souffle vite passé, une réalité éphémère, une vapeur, du vent. On pourrait traduire
ce verset par : « Tout est fugitif, furtif, caduc, inconsistant, décevant, inefficace,
inexistant, vain, futile, inutile, absurde, fragile, passager ; tout est pour rien, tout cela
ne mène nulle part, la vie n’a pas de sens ». Les traductions littérales ont transposé
la tournure hébraïque : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Suivant le contexte,
nous le rendrons par l’une ou l’autre des expressions ci-dessus, mais nous
signalerons sa présence dans l’original par un astérisque (*).
« Sous le soleil » : expression typique de l’Ecclésiaste qui revient une trentaine de fois
dans le livre. Nous dirions plutôt : ici-bas, dans ce bas monde, sur terre, etc.
Après le prologue (1 : 2-11), l’Ecclésiaste relate quatre tentatives infructueuses de
trouver le bonheur : 1. Par la sagesse (1 : 12-18) ; 2. Par la joie (2 : 1-2) ; 3. Par le
travail (2 : 3-11) ; 4. Par toute l’activité humaine (2 : 12-23).
C’est une occupation fâcheuse à cause de l’incertitude des résultats auxquels elle
conduit. Le mot traduit par « besogne » revient souvent dans l’Ecclésiaste (2 : 23, 26
; 3 : 10 ; 4 : 8 ; 5 : 2-13 ; 8 : 16).
Des réservoirs (pas l’étang du roi de Néhémie 2 : 14). D’après la tradition, il s’agit des
trois réservoirs situés dans le voisinage d’Etam (2 Chroniques 11 : 6). Le plus grand
de ces bassins fait 177 m de long, 50 m de large et 15 m de profondeur. Salomon
avait, non loin de Jérusalem, une maison de campagne nommée Etam où il avait de
belles fontaines et de beaux jardins.
En 1 Rois 8 : 63, Salomon offre un sacrifice de 22 000 boeufs et 120 000 moutons.
D’après 1 Rois 4 : 23, il fallait trente boeufs et cent moutons par jour pour la cuisine
du palais.
Traduction incertaine.
Litt. : sous le soleil.
D’après les anciennes versions. L’hébreu porte : « Je peux le dire, car plus qu’un
autre j’ai pu festoyer et jouir de la vie ».
Autre interprétation : tout peut arriver tour à tour. Ou : il y a un temps pour tout.
Ces versets sont très obscurs en hébreu, aussi les traductions sont-elles fort
divergentes. La version Segond révisée dit : 13 Mieux vaut un enfant pauvre et sage
qu’un roi vieux et insensé qui ne sait plus écouter les avis, 14 car il peut sortir de
prison pour régner, et même être né pauvre dans son royaume. 15 J’ai vu tous les
vivants qui marchent sous le soleil entourer l’enfant qui devait succéder au roi et
régner à sa place. 16 Il n’y avait pas de fin à tout ce peuple, à tous ceux à la tête
desquels il était. Et toutefois, ceux qui viendront après ne se réjouiront pas à son
sujet. Car c’est encore là une vanité et la poursuite du vent.
Litt. : sous le soleil.
Ou : quand il n’aura plus grand-chose, il se souviendra des jours où Dieu remplissait
son cœur de joie.
Litt. : La pensée des sages se tourne vers la maison du deuil. Tandis que celle des
insensés se porte vers la maison du plaisir.
Autre manière de comprendre ces versets (selon la Good News Bible) : 12 (Oh, je
sais bien que l’on dit :) « Le pécheur peut faire cent mauvais coups et voir prolonger
ses jours, mais le bonheur est réservé à ceux qui révèrent Dieu et que sa présence
remplit de respect » ; 13 « Il n’y aura pas de bonheur pour le méchant » ; « Ceux qui
n’éprouvent nulle crainte devant Dieu disparaîtront bien vite, comme des ombres
fugitives ». 14 Mais voyez ce qui se passe sur la terre : des justes subissent le sort
que méritaient les impies et des coupables sont traités comme des justes. Je vous
le dis : c’est absurde !
Litt. : sous le soleil.
Sous le soleil.
Ou : qui lui aurait permis de sauver la ville. Mais personne n’a songé à cet homme.
Ou : et prouvera à tous par ses paroles qu’il est fou.
parole vivante
TRANSCRIPTION DYNAMIQUE DU
NOUVEAU TESTAMENT
louange vivante
TRANSCRIPTION DYNAMIQUE DES
PSAUMES
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