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Bulletin de la Société

préhistorique de France

Hommage à la mémoire du Professeur Comte Bégouën


Bernard Dandine

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Dandine Bernard. Hommage à la mémoire du Professeur Comte Bégouën. In: Bulletin de la Société préhistorique de France,
tome 53, n°11-12, 1956. pp. 766-767;

https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_1956_num_53_11_3408

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Hommage à la Mémoire

du Professeur Comte Bégouën


PAR
Bernard DANDINE

« Toute mon ambition a été de faire de mes


étudiants non seulement des savants, mais
aussi et surtout des Hommes dans toute
l'acception morale des termes, des Hommes de
devoir et de caractère, de bons Français en
un mot ».
(Comte Bégouën. Message à la Soc. préhist.
du Languedoc. 1945).
Les anciens étudiants du Comte Bégouën auront appris sa mort avec
d'autant plus de peine qu'ils ont été de ceux qui ont eu le privilège de
connaître le Savant, le Maître et l'Homme. D'autres diront avec plus de
compétence ce que la Science doit au Préhistorien. Ces lignes ne sont
qu'un modeste hommage au Professeur et à l'Homme dont les qualités
pédagogiques et la distinction de l'esprit ont enrichi le patrimoine
intellectuel de plusieurs générations.
Certains se faisaient inscrire au Cours d'Archéologie Préhistorique
par goût; beaucoup, qui ne voyaient d'abord là qu'un moyen d'obtenir un
4e diplôme de licence, étaient rapidement conquis. Nombreux sont ceux
qui ont persévéré dans la voie sur laquelle un Maître exceptionnel avait
guidé leurs premiers pas. Les étudiants, injustes et cruels, cèdent parfois
à une psychologie collective déplorable. Alors que dans une autre Faculté
toulousaine tel professeur, traditionnellement « chahuté », devait souvent
quitter l'amphithéâtre à moitié cours, le Pr Bégouën était attentivement
écouté.
Il enseignait que « la Préhistoire ne consiste pas seulement à étudier
des silex et des ossements, à les placer dans des vitrines de Musées par
différentes catégories selon leurs formes et leurs procédés de taille et de
les classer en les faisant entrer dans des périodes.... ». « Pour la
Préhistoire, ajoutait-il, la volonté de l'Homme est intervenue dans le
développement des phénomènes à étudier... Il faut donc après avoir étudié avec
soin le matériel laissé par l'Homme préhistorique, ce qui relève de l'esprit
d'observation indispensable à tout préhistorien, faire appel à l'esprit de
déduction pour chercher à connaître les mobiles et le processus de cet
acte humain qui a créé l'objet que l'on étudie. » II disait encore, avec
Fairfîeld Osborn : « quand on est en présence d'un fait scientifiquement
établi il faut l'accepter si extraordinaire qu'il soit; on l'expliquera plus
tard si l'on peut ». Les Cours du Comte Bégouën n'étaient pas ainsi
purement techniques, ils ouvraient à l'esprit d'immenses perspectives
sur des disciplines multiples, psychologie, sociologie, métaphysique,
ethnographie, sciences positives... Une telle ampleur de vue, une pareille
conception de l'enseignement ne pouvait que susciter enthousiasme et
respect à un moment de la vie où l'avenir apparaît à beaucoup chatoyant
de possibilités nombreuses.
Le Comte Bégouën aimait la jeunesse studieuse dont il jugeait les
excès avec indulgence. La sortie qu'il organisait en fin de cours pour
visiter l'un des lieux de notre midi « où souffle l'esprit », lui en donnait
l'occasion au moins solennelle. Notamment, en 1934, nous dégustâmes
joyeusement « truites de Lortet et filet de bison » à Tarascon-sur-Ariège,
SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE 767
avant de contempler les fresques de Niaux. Cette même année, le
champagne coula au Muséum de Toulouse pour baptiser la réplique des bisons
d'argile que venait d'achever le regretté conservateur technique Lacomme.
Ces rencontres, avec le Maître, étaient d'une valeur inestimable. Une
fois acquise, la sollicitude du Comte Bégouën ne faiblissait pas. Il aimait
retrouver ses étudiants pour « évoquer les souvenirs du passé et parler
des projets d'avenir ». Ses dédicaces apportaient « le souvenir d'un vieux
maître ». Elles étaient aussi faites « bien cordialement ». Car, Homme
au grand cœur, tel était également le Pr Bégouën, qui exaltait souvent
« la petite fleur bleue » sans laquelle il n'y a pas de Vie véritable.
Des hommes préhistoriques il aimait souligner la souffrance et la lutte
âpre.
Sa bonté, sa modestie scrupuleuse, son courage égalaient sa sensibilité.
Pendant l'occupation, il refusa de serrer la main d'un officier allemand
•qui le menaça de le faire fusiller pour ce refus, malgré ses 81 ans...
Le Comte Bégouën, qui étudia spécialement « la mentalité spiritualiste
des premiers hommes », citait souvent le poète latin : « Vivitur ingenio,
coetera mortis erunt ». Le chrétien fervent qu'il était a rejoint la maison
-du Père. Sa pensée demeure vivante parmi nous.

Comptes rendus d'ouvrages.

Louis Méroc et Jean Mazet. — Coiiffnac, avec préface et appendice par


M. l'Abbé Breuil, de l'Institut. [W. Kohlhammer Verlag, Stuttgart.]
A la liste déjà longue des Cavernes françaises ornées, MM. L. Méroc et
J. Mazet ajoutent un nouveau fleuron : Cougnac, grotte du Lot, aux
environs immédiats de Gourdon, explorée en 1952. Les inventeurs y ont
découvert des peintures, avec prédominance du noir, du rouge et du
bistre, dont la conservation et la fraîcheur leur ont paru remarquables.
On y voit :
Ъ Cervidés, dont 4 semblent appartenir à l'espèce, si rarement
représentée « Cervus Megaceros ».
7 Bouquetins.
5 Eléphants sans pelage, différents, par conséquent, des Mammouths.
3 Figurations humaines dont l'une acéphale, et une autre à visage animal.
Tous ces animaux sont à l'arrêt et en profil absolu, à l'exception des
cornes souvent en perspective tordue. Les personnages humains sont
simplement silhouettés. Aucun de ces dessins ne comporte de détails
anatomiques précis.
A ces représentations, il faut ajouter :
•des Tectiformes, rappelant ceux des Cavernes pyrénéennes, mais
différents de ceux du Périgord;
des Flèches, dont l'une comporte à la fois une armature en bout et un
empennage.
L'ensemble, de dessin net et vigoureux, du plus haut intérêt, est à
rattacher à l'Art Aurignaco-Périgordien.
C'est un agréable devoir de féliciter les Auteurs qui ont apporté à la
publication de cette nouvelle grotte, un réel souci de présentation tant au
point de vue du texte que de l'iconographie.
^ Ajoutons que la publication est préfacée par M. l'Abbé H. Breuil, de
l'Institut. Il a rédigé, en fin de volume, un appendice sur « la perspective
dans les dessins paléolithiques antérieurs au Solutréen » qui, à la valeur
intrinsèque de l'ouvrage, ajoute celle qui s'attache aux écrits du Maître
«le la Préhistoire.
: R. JULLIEN.

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