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Presses
Universitaires
de
Bordeaux
L'invention du solitaire | Dominique Rabaté
Des Esseintes et la
solitude : une
affaire de secret
Jérôme Solal
p. 215-224
Texto completo
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3/6/2020 L'invention du solitaire - Des Esseintes et la solitude : une affaire de secret - Presses Universitaires de Bordeaux
Le solitaire invisible
4 En toute rigueur, sur un plan spatial, une logique de
l’excentricité conduit à s’excentrer littéralement, à quitter
Paris, centre de toute chose. Dans le dernier paragraphe du
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Le monde du possible
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Célébration de la solitude
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fixe et le fige dans sa folie). Dès lors que des Esseintes est
projeté dans l’espace-temps communautaire, le secret
s’évapore.
L’excès d’absolu
35 Il existe certes des carences dans les procédés d’isolement.
Mais si des Esseintes consent au bout du compte à vivre an-
dehors (« pour y mourir lentement », précise Hennequin1 6 ),
c’est surtout parce qu’à certains égards la clôture fonctionne
trop bien. L’ici est plus menacé par son excellence que par
ses imperfections.
36 Sur un plan horizontal, la clôture n’agit plus comme un seuil
entre deux espaces contigus (le dedans et le dehors, l’ici et
l’à-côté). Elle cesse d’être cet espace de transition et devient
un véritable « mur du fond ». Assurant à des Esseintes une
protection totale, la claustration conduit à l’autonomie de
l’ici, au risque d’abolir les conditions mêmes de l’espace.
37 L’appel de l’extérieur se fait pourtant parfois sentir. Il suscite
alors la transgression des seuils, le passage à la limite et donc
le jaillissement de l’espace. Mais ce réveil soudain de l’espace
est insupportable : le voyage pour Londres se termine à
Paris, la promenade dans le jardin lui brouille la vue,
l’ouverture d’une fenêtre le fait s’évanouir. Si des Esseintes
éprouve tant de difficultés à passer de l’espace intérieur du
possible à l’espace extérieur du réel, c’est que le grand déni
du dehors est trop parfaitement accompli. Le lieu de la
maison s’est agrandi aux dimensions de l’espace qu’il
comprend en sa totalité et avec lequel il se confond. La
clôture fonctionne comme une butée terminale, comme la
limite recourbée d’un monde désormais sans extériorité.
L’intérieur devient tout. On est dans un lieu sans milieu.
38 Mais, se dispensant du là, l’ici cesse d’être viable. Tendant à
l’absolu, dans l’oubli de ses limites, le solitaire-totalitaire
risque la dissolution. L’ici où des Esseintes se targue d’être
partout, sans ouverture vers un dehors honni, pourrait bien,
faute de limites, se transformer en un nulle part.
L’habitation est gagnée par le rien où risque de se perdre à
jamais le lieu avec l’habitant réduit à n’être plus personne.
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Notas
1. Stéphane Mallarmé, lettre à Huysmans du 18 mai 1884, Lettres sur la
poésie 1872-1898, dans Correspondance complète 1862-1871 suivi de
Lettres sur la poésie, Gallimard, coll. Folio, 1995, p. 571. Sauf mention
particulière, les livres cités sont publiés à Paris.
2. Sauf indication particulière, nous renvoyons pour ce qui concerne À
rebours à l’édition de Marc Fumaroli chez Gallimard, coll. Folio, revue et
corrigée, de 1992.
3. Pour Jean Borie, la réclusion de des Esseintes est « un stratagème
pour assurer son invisibilité » (« Voyage, bricolage », Joris-Karl
Huysmans. A rebours « Une goutte succulente », S.E.D.E.S., 1992,
p. 146). C’est encore cette invisibilité que Huysmans admire chez Marie
Ock, carmélite belge née en 1622 : « [...] combien de grâces et de
souffrances inouïes resteront à jamais ignorées, car elle mena une vie
cachée et ne racontait que par obéissance les attaques démoniaques
qu’elle endurait. Elle suppliait le ciel de lui faire la grâce de rester
inaperçue » (« Note sur Marie Ock », texte inédit présenté et annoté par
Jean-Paul Corsetti, Bérénice, 1989, dicembre-merzo, no 25, p. 299).
4. Charles Baudelaire, Le peintre de la vie moderne, dans Œuvres
complètes, t. , Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1975, p. 710.
5. Ibid.
6. Tout le contraire en somme de ce qui se passe dans les maisons du
quartier Saint Severin où Huysmans déplore que « l’on s’anémie dans de
minuscules loges dont les cloisons de papier et les plafonds bas laissent
filtrer tous les bruits. [...] Ni silence, ni bouffées de verdure, ni place pour
se mouvoir au dedans ; aucun moyen de s’abriter du chaud et du froid au
dehors, tels semblent être les résultats obtenus par ce fameux progrès
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dont tant de jobards nous rebattent les oreilles, depuis des ans ! » (La
Bièvre et Saint-Séverin, Brionne, Gérard Monfort, 1986, p. 52-53).
7. Grâce à ses vitraux, l’église – lieu de séjour privilégié dans la première
partie d’En route – peut aller, au-delà de la simple action de tamiser,
jusqu’à absorber la lumière extérieure : « Et ces vitraux, différents en
cela de ceux des autres églises, absorbaient les rayons du soleil, sans les
réfracter » (En route, Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, coll. « Autour
de 1900 ». 1985, p. 48). L’église devient ainsi une sorte de « trou noir ».
8. Françoise Court-Perez précise que ce qui est vrai pour le personnage
des Esseintes l’est également pour l’écrivain Huysmans : « Parallèlement
à son personnage, l’auteur tente de passer outre la figurabilité ; il veut
obtenir un type d’écriture décanté » (« Le regard de l’ange. Le combat
contre la pesanteur chez Huysmans », Huysmans entre grâce et péché,
Paris, Beauchesne, coll. « Culture et christianisme », 1995, p. 13).
9. Voir « Le Salon de 1879 » de L’Art moderne, dans L’Art moderne,
Certains, U.G.E.. 10/18, coll. « Fins de Siècles », 1986, notamment p. 26-
27.
10. Dans notre analyse, le là-bas ne doit évidemment pas se comprendre
dans le cadre d’une opposition verticale au là-haut ; mais, selon une
analogie horizontale, il est au là ce que le là lui-même est à l’ici, c’est-à-
dire son domaine d’insertion.
11. Isabelle Danto, « Promenade architecturale dans l’œuvre de Joris-
Karl Huysmans », Huysmans entre grâce et péché, op. cit., p. 183-184.
12. Victor Brombert, « Huysmans et la Thébaïde raffinée », Critique,
1974. novembre, no 330. p. 980.
13. « La lumière naturelle ne peut être tolérée qu’à une condition : elle
doit être méticuleusement travaillée, comme le peintre, sur sa palette,
élabore ses couleurs » (Séverine Jouve, Les Décadents. Bréviaire fin de
siècle. Plon, 1989, p. 140).
14. Voir notamment le chapitre , p. 332.
15. Jean Borie, Le Célibataire français, Ed. du Sagittaire, 1976, p. 107,
cité par Jean-Paul Corsetti dans « Sainte Lydwine de Schiedam de J.-K.
Huysmans ou l’hagiographe dépossédé », L’Infini, 1988-89, hiver, no 24,
p. 113.
16. Emile Hennequin, « Le pessimisme des écrivains », Revue
Indépendante, 1884, reproduit dans le Bulletin de la Société J.-K.
Huysmans, 1981, no 73, p. 7.
Autor
Jérôme Solal
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Pantomime et vaudeville : le
rire entre le pire et le dire in Le
rire moderne, Presses
universitaires de Paris
Nanterre, 2013
Chapitre VII. Huysmans en
route, ou Dieu à la Trappe in J.-
K. Huysmans, Presses
universitaires de Rennes, 2009
© Presses Universitaires de Bordeaux, 2003
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