Vous êtes sur la page 1sur 4

Langue française contemporaine

Morphosyntaxe de la phrase simple

0. Introduction

S’adressant surtout aux étudiants en français de première année, ce cours se propose en


premier lieu de décrire les mécanismes morphosyntaxiques engagés au niveau de la phrase
simple, dans une double perspective : structuraliste et sémantique, en vue d’une analyse
cohérente du fonctionnement du système de la langue dans la communication.
Dans la perspective structuraliste, la langue est conçue comme un système immanent1
dont chaque élément se définit par les relations d’équivalence ou d’opposition qu’il entretient
avec les autres éléments du même système.
La grammaire structurale se propose la description de la langue, telle qu’elle se reflète
dans un ensemble de règles capables de rendre compte des énoncés émis par les usagers de la
langue. La description structurale se propose en tout premier lieu de donner des classifications,
de constituer des classements ordonnés des espèces paradigmatiques et syntagmatiques.
Une principale critique de cette perspective serait qu’elle se limite au cadre de
l’immanence qui ne fait pas intervenir les dimensions de la situation de communication et du
sujet énonciateur. On se limite à décrire des structures mais on est incapable de rendre compte de
la créativité du langage.
L’approche sémantique de la morphosyntaxe fait appel, dans l’analyse grammaticale
des structures, au sens, à l’explication des valeurs des structures significatives. On vise une
étude combinée des formes et de leurs valeurs dans le système, aussi bien que de leur emploi
dans des unités de rang supérieur. Cela conduirait à une description plus appropriée du
mécanisme de la production du sens à travers le langage. Cette approche sémantique de
description linguistique peut se faire en prenant appui sur deux démarches fondamentales, la
démarche sémasiologique et la démarche onomasiologique.
La démarche sémasiologique part de la forme pour en étudier le sens (la pluralité des
significations).
La démarche onomasiologique part d’un concept pour en identifier les formes de
réalisation.
Pour illustrer ces deux types de démarches nous empruntons ici un exemple d’E.
2
Comes  :
« Dans l’étude du possessif français, on peut distinguer, d’une part, par démarche
sémasiologique, entre les différents sens du prédéterminant possessif, en mettant en évidence les
valeurs sémantiques de celui-ci, en fonction du contexte: possession dans: son livre, parenté
1
Immanent : « contenu à l’intérieur » :Saussure : « la linguistique a pour unique et véritable objet d’étude la langue
envisagée en elle-même et pour elle-même. » A travers la masse de faits linguistiques il faut reconstruire le système
formel d’une langue déterminée. Le but de la linguistique structurale est de décrire/expliquer le fonctionnement des
langues. Saussure aspirait à la constitution d’une science qui décrit «  la vie des signes au sein de la vie sociale » la
sémiologie (équivalent approximatif à sémiotique).
2
E. Comes, 2008 : 8.
dans: son frère, contiguïté spatiale dans: son voisin, appropriation par suite d’une action
habituelle dans : il a bu son café, il a manqué son train etc. » Ajoutons aussi que la possession
peut être aliénable (sa voiture, son sac) ou inaliénable (sa figure, sa voix, son cœur) et que le
prédéteminant possessif peut avoir d’autres valeurs sémantiques telles que d’exprimer un trait
caractéristique (son courage), un rapport de parenté ou socio-professionnel (mon oncle, ma
collègue, nos voisins), un rapport actionnel (son départ, son voyage, mes études), un rapport
itératif (mon bus, votre train), une relation affective (mon cher, ma petite, ma belle), l’intérêt
(notre héros décida de se cacher.)3 etc.
D’autre part, par démarche onomasiologique, on peut partir de la zone sémantique de la
/POSSESSION/ pour analyser tous les moyens spécifiques de son expression en français:
prédéterminants possessifs (mon, ton, son, etc.), substituts possessifs (le mien, le tien, etc.),
verbes de possession (avoir, posséder, détenir, acquérir, bénéficier de etc.), compléments du
nom (ex.: le livre de Jean), datif possessif (ex.: Il lui serra la main), pronoms exprimant
l’appartenance (dont, en), etc.
Le cours présente en 11 sections les deux constituants obligatoires de la phrase simple : le
groupe nominal et le groupe prédicatif. C’est ainsi que les éléments constitutifs de chacun de ces
groupes sont présentés à la fois du point de vue des formes et des fonctions, la morphologie et la
syntaxe de ces formes linguistiques ne pouvant être séparées ni dans l’acte naturel de la
production langagière ni dans l’analyse des divers phénomènes linguistiques.
Les considérations théoriques sont suivies d’exercices destinés non seulement à mieux
fixer les données théoriques mais aussi à montrer leur utilité dans la pratique langagière.

1. LA MORPHOSYNTAXE DE LA PHRASE SIMPLE. APPROCHE ET MODELE


D’ANALYSE

La grammaire structuraliste est une grammaire de la phrase et donc, l’étude de l’analyse


phrastique constitue son centre d’intérêt. La notion de phrase est difficile à délimiter et les
différentes perspectives qui se le sont proposé ne sont pas complètes les unes sans les autres :
Du point de vue graphique la phrase est ce qui s’étend entre la lettre majuscule qui en
marque le début et le signe de ponctuation qui en marque la fin.
Du point de vue phonologique (prosodique) elle est une unité de langage délimitée par 2
pauses importantes et dont l'intonation varie selon le type de phrase (assertif, interrogatif,
impératif, exclamatif).
Du point de vue sémantique (notionnel) il s’agit d’une expression plus ou moins
complexe offrant un sens complet d'une pensée, d'un sentiment, d'une volonté.
La liste des définitions peut continuer sans aider à la délimitation de la notion.

3
Pour des détails v. T. Cristea, 2000: 69-76
Pour le structuralisme, qui fait de la phrase son objet d’étude principal (unité maximum
de la langue), la phrase est une suite de mots organisés conformément à la syntaxe, autour d’un
ou de plusieurs noyaux verbaux. La phrase constitue une sorte de matrice qui sert à évaluer le
degré de grammaticalité des énoncés produits dans une langue donnée.
Précisons qu’en grammaire générative, la phrase est conçue aussi comme une
construction qui obéit à certaines règles mais que l’analyse de chaque phrase engage, en égale
mesure, la structure profonde (les relations abstraites qui existent entre les constituants) et la
structure superficielle (la représentation phonétique / graphique ou la manifestation linguistique
concrète). Au niveau de la structure profonde, la phrase est décrite comme une structure
hiérarchique dont les constituants immédiats sont représentés par des symboles. Il s’agit d’un
schéma abstrait capables de permettre d’engendrer tous les énoncés de la langue.

La démarche structurale suppose une analyse en constituants immédiats, c’est-à-dire la


segmentation de la phrase en parties élémentaires incluses les unes dans les autres. Les unités
constitutives de la phrase s’organisent en respectant une hiérarchie stricte, les éléments
constitutifs étant définis par leurs combinaisons dans le rang supérieur. Une technique basée sur
des divisions bipartites finit par mettre en évidence les constituants de rang supérieur et des
constituants de rang inférieur représentés par des symboles non-terminaux, jusqu’aux symboles
terminaux (les mots) auxquels la technique de la division bipartite ne peut plus s’appliquer.
Par exemple, dans une représentation linéaire la phrase suivante peut subir les divisions
bipartites suivantes:

L’enfant regarda son père.


L’enfant / regarda son père.
L’ / enfant / regarda son père.
L’ / enfant / regarda / son père.
L’ / enfant / regarda / son / père.

La structures de la même phrase ainsi que les rapports contractés par ses constituants,
peuvent être représentés sous la forme d’un arbre, ce qui permet de mieux visualiser la hiérarchie
des constituants:
//Ph//
∕ \
Const. Ph Noyau
│ ∕ \
ASSERT. GN1 GV
│ ∕ \ ∕ \
affirm. Pdt N MV GN2
│ │ │ ∕ \ ∕ \
inton L’ enfant V FLEX pdt N
ponct. │ │ │ │
regard - a son père
Les symboles non terminaux utilisés sont :

//Ph// = Phrase;
Const. Ph = constituant de phrase;
ASSERT. = assertion;
affirm. = affirmative;
GN = groupe nominal;
GV = groupe verbal;
pdt = prédéterminant;
N = nom;
MV = membre verbal;
V = verbe;
FLEX = flexion.

L’enfant regarda son père constituent les symboles terminaux ou de surface.

DEVOIR
1. Analysez les constituants des phrases suivantes :

L’enfant regarda son père. Pierre a écrit un message. Ils écoutaient les vagues de la mer.
La nuit douce les entourait. Une grande inquiétude me tourmentait. Mon grand ami entra. Avez-
vous contrôlé ses affirmations ? Emma aspirait le vent frais. Ils ne se parlaient pas. Sa voix
tremblait un peu. Pierre ne le regardait plus. Son frère aîné n’avait plus de voiture. La nourrice,
attentive surveillait les gestes du petit. Cette jeune femme adorait les voyages en bateau. Ouvrez
ce dossier qui se trouve sur mon bureau !

Vous aimerez peut-être aussi