Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
UNIVERSITE DE N’DJAMENA
FACULTE DES SCIENCES HUMAINES
ET SOCIALES
DEPARTEMENT DE PHILOSOPHIE
LICENCE 3
COURS DE LA PHILOSOPHIE DU
LANGAGE
L’homme est défini comme homo sapiens avant d’être homo faber. Il est doté d’un langage.
Ce système de signes vocaux, graphiques ou naturels servant d’expression, de communication
et de représentation permet à l’homme de donner sens aux êtres vivants et non vivants qui
l’entourent. La philosophie du langage est la réflexion sur l’origine, la nature, la fonction (les
pouvoirs et les dangers) et sur le critère d’objectivité de la communication. Dès lors un certain
nombre de questions se posent. Quelle est la relation entre le langage et la connaissance ?
Entre la raison et le langage mathématique quel est le critère d’objectivité scientifique ? Or
depuis le 19ème siècle, les antinomies et les crises constatées dans la géométrie euclidienne et
dans la théorie des nombres de Cantor ont ébranlé la confiance placée dans le langage
mathématique comme critère d’objectivité scientifique. Puisque la question d’objectivité de
communication demeure telle, l’approche cybernétique, une communication basée sur la
rétroaction de Shannon ne reste-t-elle pas aujourd’hui un palliatif, vue ses preuves dans le
domaine pédagogique, politique, scientifique, socioéconomique. Le chapitre 1 étudie les
hypothèses sur l’origine du langage. Le langage est-il d’origine divine, naturelle ou
conventionnelle ? Les avis sont partagés et la question demeure et fait l’objet de recherche
pluridisciplinaire. Le chapitre 2 examine la nature du langage, il s’agit d’établir la différence
entre le langage humain et le langage animal, ressortir les différences entre la langue, la parole
et la pensée. Et le chapitre 3 s’appesantit sue les fonctions et les insuffisances du langage
mathématique comme critère d’objectivité scientifique, et propose l’approche cybernétique
comme un palliatif dans la situation de communication, au-delà dans le domaine scientifique.
La question de savoir comment les hommes sont venus à parler est l'une des interrogations
les plus difficiles qui soient posées à la science. Longtemps éludée, la question de l’origine
du langage est redevenue un centre de recherche pluridisciplinaire. Le langage que nous
parlons est-il d’origine divine, naturelle ou conventionnelle ?
« Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. Comme ils étaient partis de l’orient,
ils trouvèrent une plaine au pays de Chmunter, et ils y habitèrent. Ils se dirent l'un à l'autre :
« Allons ! Faisons des briques, et cuisons-les au feu. » Et la brique leur servit de pierre, et le
bitume leur servit de ciment. Ils dirent encore : « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour
dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés
sur la face de toute la terre. »L'Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les
fils des hommes. Et l'Éternel dit : « Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même
langue, et c’est là ce qu'ils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce
qu'ils auraient projeté. Allons ! Descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils
n’entendent plus la langue, les uns des autres. » Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face
de toute la terre ; et ils cessèrent de bâtir la Ville. C’est pourquoi on l’appela du nom de
Babel, car c’est là que l’Éternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que
l’Éternel les dispersa sur la face de toute la terre. »
Le mythe de la tour de Babel fournit une origine de la diversité des langues comme punition
de l’orgueil des hommes et leur faiblesse à l’entente immédiate des hommes. Il s’agit de la
difficulté de traduction des langues, et de leur difficile collaboration autour du projet commun
et unique dues à l’orgueil des hommes de rivaliser avec les Dieu créateur.
La question de l’origine des langues s’est, par la suite, convertie en question de la langue plus
ou moins parfaite, une sorte d’ethnocentrisme. Un peuple qui ne parle pas la langue d’autrui
est qualifié de barbare. Heidegger défendait la prééminence du grec et de l’allemand. Français
et Anglais justifiaient l’impérialisme et le colonialisme en Afrique. Pourtant toutes les langues
se valent. Ce qui compte dans la langue, c’est sa capacité d’être un moyen de communication
et d’agir sur les choses.
Bon nombre d’auteurs soutiennent que la langue que nous parlons, nous la trouvons naturelle.
Platon, Aristote et Rousseau sont souvent cités comme les partisans de l’origine naturelle de
la langue.
Dans Cratyle, Platon pose le problème du langage du point de vue des conditions naturelles
en l’inscrivant dans la perspective de l’histoire et de la théorie de la connaissance. Sur le plan
historique, Platon affirme que les noms complexes renvoient aux noms primitifs qui, eux-
mêmes renvoient à la valeur expressive des lettres et des sons. Dans le domaine de la théorie
de la connaissance, il faut se référer aux formes (idées) des choses pour connaitre et assoir les
choses. Autrement dit, la connaissance des idées est une base affective des désignations des
êtres et des choses (la réminiscence).
Platon soutient en outre que l’origine de chaque langue relève de la convention ; car le choix
effectif de telle ou telle désignation ne relève pas d’un accord originaire et nécessaire, mais
d’une négociation toujours contingente visant à établir un signe à partir de signifié. Il introduit
ainsi Aristote qui souligne l’origine émotionnelle des langues.
Pour Aristote, les langues ont leur origine dans les émotions. Les sons émis par la voix sont
des symboles des états d’âme, et les mots écrits sont des symboles des mots émis par la voix.
Dès lors deux questions se posent :
- Les états d’âme sont les mêmes chez tous les individus, mais comment les sons émis
et les écritures pour les exprimer diffèrent d’une communauté linguistique à une
autre ?
- Qu’est ce qui préside à tel ou tel son pour traduire tel ou tel état d’âme ?
A la première question, Aristote répond dans Les politiques : la langue est politique. Elle est
le moment même de l’accord sur les émotions et les valeurs. D’où la formule « L’homme est
un animal politique et animal doué de la raison.» La nécessité de parler renvoie à la vie en
commun des hommes. C’est le peuple, c’est-à-dire à la fois tous et personne qui transmet la
langue. C’est la communauté même, en vue de quoi l’homme est doté de la langue qui
détermine et transmet la langue.
À la question de savoir ce qui préside au choix de tel ou tel son pour traduire tel ou tel état
d’âme laissée en suspens par Aristote, Rousseau répond plus tard au 18ème siècle que ce choix
est poussé par la passion, la haine, la colère, l’amour, la pitié, en tant que faculté de signifier.
La passion est immédiatement désir de signifier qui s’incarne en figure. Pour Rousseau, ce qui
pousse les hommes à passer de la simple coopération par geste à la nécessité d’une phonation,
c’est l’attrait exercé par un inconnu. La première invention de la parole vient des passions,
non pas des besoins. "Les besoins dictèrent les premiers gestes, les passions arrachèrent les
premières voix.
L'homme met en place un système par gestes, pas encore une langue. Ce qui va déterminer
l'utilisation du langage, ce sont les premières passions "C'est un homme passionné qui devient
un l'homme parlant." On a chanté avant de parler : cela implique que la mélodie est inspirée
par les sentiments, les passions.
Les langues sont donc à l’origine des systèmes de chants et des cris essentiellement vocalisés,
riches d’accents et de rythmes, domestiquées pour les besoins de défense et de la
communication, des passions et des phénomènes naturellement produits par l’homme. Plus la
société se développe et se complexifie, plus la langue s’articule. Ce qui passe par l’importance
croissante des consonnes et des découpages structurels que la langue autorise. Par exemple la
poésie s’estompe peu à peu derrière la grammaire, l’éloquence devant la précision. Rousseau
fait intervenir la théorie des climats de Montesquieu et considère que le climat peut influencer
sur la formation des langues ; il distingue deux types de langues : langues du Nord et langues
de Midi
Les langues se forment sous l’influence des climats soutient Rousseau. Dans les climats
méridionaux (Sud) où la nature est prodigue, les besoins naissent des passions ; or dans les
pays froids (Nord) où la nature est avare, les passions naissent des besoins, et les langues,
tristes filles de la nécessité, tire leurs origines dans les climats. Quoique l’homme
s’accoutume aux intempéries de l’air, au froid, au malaise, même à la faim. En proie à ces
cruelles épreuves, tout ce qui est débile périt; tout le reste se renforce, et il n’y a pas de milieu
entre la vigueur et la mort. Voilà d’où vient que les peuples septentrionaux (Nord) sont si
robustes. On voit déjà que les hommes, plus robustes, doivent avoir des organes moins
délicats, leurs voix doivent être plus âpres et plus fortes. Dans ces affreux climats, où tout est
mort durant neuf mois de l’année, où le soleil n’échauffe l’air quelques semaines que pour
apprendre aux habitants de quels biens ils sont privés et prolonger leur misère, dans ces lieux
où la terre ne donne rien qu’à force de travail et où la source de la vie semble être plus dans
les bras que dans le cœur, les hommes, sans cesse occupés à pourvoir à leur subsistance,
songeaient à peine ou pas du tout à des liens plus doux, tout se bornait à l’impulsion physique.
L’oisiveté qui nourrit les passions fit place au travail qui les réprime. Avant de songer à vivre
heureux, il fallait d’abord songer à vivre. La société ne se forma que par l’industrie. Le
continuel danger de périr ne permettait pas de se borner à la langue du geste, et le premier mot
ne fut pas chez eux : « aimez-moi », mais « aidez-moi ». Ces deux termes, quoique assez
semblables, se prononcent d’un ton bien différent.
Les passions des pays chauds (Sud) ou Midi, au contraire, sont des passions voluptueuses
(amoureuses) qui tiennent à l’amour et à la mollesse. La nature fait tant pour les habitants
qu’ils n’ont presque rien à faire. Pourvu qu’un Asiatique ait des femmes et du repos, il est
content. Mais dans le Nord où les habitants consomment beaucoup sur un sol ingrat, des
hommes soumis à tant de besoins sont faciles à irriter ; tout ce qu’on fait autour d’eux les
inquiète : comme ils ne subsistent qu’avec peine, plus ils sont pauvres, plus ils tiennent au peu
qu’ils ont. Les approcher c’est attenter à leur vie. De là leur vient ce tempérament irascible, si
prompt à se tourner en fureur contre tout ce qui les blesse. Ainsi leurs voix les plus naturelles
sont celles de la colère et des menaces et ces voix s’accompagnent toujours d’articulations
fortes qui les rendent dures et bruyantes.
Ainsi les langues du Midi sont vives, sonores, accentuées, éloquentes, et souvent obscures à
force d’énergie. Celles du Nord sont sourdes, rudes, articulées, criardes, monotones, claires à
force de mots plutôt que par une bonne construction. Les langues modernes cent fois mêlées
et refondues gardent encore quelque chose de ces différences. Le français, l’anglais,
l’allemand sont le langage privé des hommes qui s’entraident, qui raisonnent entre eux de
sang-froid, ou de gens emportés qui se fâchent. Mais les ministres des Dieux annonçant les
mystères sacrés, les sages donnant des lois aux peuples, les chefs entraînant la multitude
doivent parler arabe ou persan. Nos langues, conseille Rousseau, valent mieux écrites que
parlées, et l’on nous lit avec plus de plaisir que l’on nous écoute parler. Au contraire, les
langues orientales écrites perdent leur vie et leur chaleur. Le sens n’est qu’à moitié dans les
mots, toute sa force est dans les accents. Juger du génie des Orientaux par leurs livres, c’est
vouloir peindre un homme sur son cadavre. L’origine naturelle de langue développée par
Rousseau au 18ème siècle trouve un écho au 21ème avec Dean Falk dans sa théorie du bébé à
terre.
4- Dean Falk et la théorie du bébé à terre
Selon la théorie de « bébé à terre » de « bébé à terre » de Dean Falk les interactions vocales
entre les premières mères hominidées et leurs nourrissons auraient déclenché une séquence
d'événements qui auraient mené aux premiers mots de nos ancêtres. L'idée fondamentale est
que les premières mères humaines, contrairement à leurs homologues chez les autres
primates, ne pouvaient pas se déplacer et se nourrir avec leurs nourrissons accrochés sur leur
dos. La perte de fourrure a laissé les nourrissons sans aucun moyen de s'accrocher à leurs
mères. Souvent, les mères ont alors dû mettre leurs bébés sur le sol. En conséquence, ces
bébés devaient être rassurés. Les mères aurait répondu aux pleurs des bébés en développant
un système communicatif dirigé par leur nourrisson englobant des expressions faciales, un
langage corporel, le toucher, les tapotements et caresses, les rires, les chatouilles et les appels
émotionnellement expressifs à l’origine de la langue.
L’origine de la langue est à chercher dans une dynamique à trois composantes qui prennent
part à la transmission d’information : l’évolution biologique, la transmission culturelle et
l’apprentissage individuel qui a un plus faible impact dans ce mécanisme. Ces trois
dynamiques interagissent entre elles de façon cyclique et complexe. Les mécanismes
d’apprentissage des langues font partie de notre héritage biologique et sont donc soumis à
l’évolution biologique. Cette évolution a un impact sur la dynamique culturelle de
transmission linguistique par l’apprentissage réitéré (apprentissage itératif). Les nouvelles
structures de langages issus de la transmission culturelle ont alors en partie un effet sur la
finesse des individus les possédant et donc un impact sur la trajectoire de leur évolution
biologique dans les mécanismes d’apprentissage du langage…
Merleau-Ponty affirme que l’acquisition du langage suit une évolution biologique de l’enfant
et ceci à travers deux périodes :
A/ Période prélinguistique :
1- De 0-2 mois, l’enfant qui vit dans le bain de paroles (voix maternelle et émissions des
bruits divers) marquant la différence de ce bain sonore commence par acquérir le
langage ;
2- Vers 3mois tous les enfants du monde, quelque soit leur entourage vocalise et
babillent de la même manière. Ils modulent et commencent la phonation dans sa force.
A cette période, l’enfant peut apprendre n’importe quelle langue, car les babils
renferment la totalité des phonèmes qui constituent les corps sonores de toutes les
langues humaines ;
3- De 4-5 mois, apparaissent les pré phonèmes, puis les labiales (b/p/m). ces émissions
sont produites par imitation de ce que l’enfant entend, un processus de rétroaction ou
feed back qui permet de contrôler spontanément la ressemblance de ce qu’il entend de
sa mère et des autres personnes de son entourage ;
4- A partir de 6-10 mois, l’enfant différencie avec précision de plus en plus grande des
phonèmes qu’il prononce par rapport à la langue maternelle et l’entourage. De ce fait,
les organes phonatoires perdent la capacité d’articuler les phonèmes étrangers à sa
langue. Un anglais par exemple aura du mal à prononcer un phonème français parce
que n’entrant pas dans sa compétence phonatoire.
Pendant cette période, toutes les émissions sont hors du champ de la fonction représentative.
Elles peuvent exprimer sous forme rudimentaires la fonction expressive, conative (qui
produit un effet sur le receveur), ludique (relative aux jeux). Sauf la fonction phatique que ces
émissions remplissent normalement ; car un lien fort est posé dans les appels du bébé et les
mères le savent.
B/ Période linguistique :
De ces travaux de Merleau-Ponty, il ressort que c’est grace à une aptitude innée à parler que
l’enfant s’insère naturellement dans le bain linguistique don l’entourent parents, frères et
sœurs.
Selon Perrault et Mathew, le langage humain serait apparu il y a entre 350 000 et 150 000 ans
chez Homo sapiens. Cette datation est estimée par la vitesse d’accumulation de phonèmes.
L’étude des os, de la musculature cranio-faciale et des phénomènes culturels (sépultures)
donne aussi des informations sur le moment de son apparition.
Pour Foucault, au contraire, toute langue est instituée et comme telle elle n’est parlée qu’à
travers les discours de l’institution. Le sujet parlant n’est qu’une épave heureuse où
viendraient se déposer les langues. Rousseau pense ainsi l’origine des langues non comme un
passage de la non-langue à la langue, mais plutôt de l’intérieur, depuis le milieu parlant lui-
même. La langue ne nait pas de rien, mais d’une modification interne à l’élément d’une
langue donnée. C’est sur le fond d’une dérivation des autres langues que l’origine d’une
langue doit être pensée.
La langue n’est pas d’abord un système de mots (lexique) ni un système de règles (syntaxes)
qui naitrait du néant. C’est une pratique expressive qui s’érige en norme parce qu’elle est
l’objet d’une pratique collective. C’est cette pratique qui est institution car la langue que le
sujet trouve et parle possède l’épaisseur d’une histoire. La langue n’est pas un surgissement
hors du néant, mais un milieu dans lequel une pratique collective a dessiné de nouvelles
figures. La langue française par exemple est la résultante de la combinaison, de configuration
de plusieurs langues. On y trouve des mots d’origine arabe, grecque, latine. Par conséquent,
on ne saisira pas l’origine des langues mais plutôt des origines des langues. Il n’est plus
question de l’origine des langues comme sources mais comme un ensemble de configurations
toujours préalables. Cependant le sujet parlant entre dans la langue, accomplit un coup de
force dans l’histoire de l’évolution des langues. Dante n’a-t-il pas affirmé que l’homme a cette
liberté d’influencer sur la langue. C’est à partir de cette liberté qu’il y a effectivement langue.
Simon Kirby affirme à cet effet que le langage n’est pas complètement inné, il doit être en très
grande partie appris. La meilleure façon d’apprendre est d’observer son prochain qui, lui-
même a appris en observant lorsqu’il utilise le langage, puis de le copier. Le langage évolue
donc au fil du temps avec les observations et les interprétations du comportement de chaque
individu dans l’utilisation de la langue sur chaque individu dans une société.
Il est difficile d’envisager que le langage soit apparu d’un bloc. Les langues primitives
existent déjà. Et par dérivation ou par graduation que les autres langues naissent. Deux
hypothèses s'affrontent depuis le XIXe siècle, celles de la mono genèse et de la poly genèse
des langues. Le monogénisme soutient que le langage suit une évolution graduelle depuis un
langage primitif. Les langues ne se fossilisant pas, il faut donc faire appel à des méthodes
linguistiques pour reconstruire ce langage primitif et les langages intermédiaires
(protolangues). Bickerton s’intéresse à trois types de langages actuels qui pourraient
s’approcher des protolangues : le Pidgin, langue développée par les esclaves dans les
plantations, a permis de créer une communauté d’esclaves et d’organiser la résistance contre
les esclavagistes aux XVIIIe et XIXe siècles ; le langage des jeunes enfants ; le langage appris
aux singes. La propriété de récursivité (application, répétition de la même règle) serait absente
de ces langages.
Alors que le polygénisme soutient qu’une langue est née de la dérivation de plusieurs langues
primitives. Le Pidgin est une nouvelle langue créée par des individus qui possèdent déjà une
langue. La langue des enfants elle-même n’est pas une évolution graduelle d’une langue
primitive ; elle est dérivée de plusieurs langues des adultes. Cette de polygénisme introduit
l’origine conventionnelle des langues.
Conclusion
Sur la question de l’origine du langage, les avis sont partagés. Pour certains, il est d’origine
divine ; pour d’autres le langage est naturel ; pout d’autres encore il conventionnel. Cependant
si la faculté de langage est naturelle au sens où elle a évidemment des substrats organiques,
ces substrats ne sont pas des causes, et cette faculté ne s’exerce que dans la vie sociale des
langues particulières, « l'individu réalisant sa faculté au moyen de la convention sociale qui
est la langue » (Saussure, 1972, p. 419, n. 63). Si les langues humaines sont des formations
culturelles, des œuvres transmises avec les autres formations culturelles, comme les
techniques ou les règles d’alliance, la question de l'émergence du langage devient inséparable
de celle de la phylogenèse de la culture ou, plutôt, des cultures dans leur diversité. Par
conséquent le langage est un produit du milieu où nous vivons comme l'air est un instrument
des oiseaux. L’enfant naît environné de la langue qu’il a déjà entendue in utero et à laquelle il
réagit déjà sélectivement. Il s’y adaptera progressivement par l'apprentissage et en usera pour
s’adapter au monde socialisé qui l'entoure. La question de l'origine du langage ne se pose pas
si l'on admet que le langage est une création culturelle : son histoire n’est autre que celle des
langues et se confond avec celle des sociétés humaines.
Vouloir réfléchir sur la structure du langage implique à faire la différence entre le langage
humain et langage animal, et déterminer ses éléments constitutifs, à savoir la langue, la
parole, la pensée qui composent le langage.
I- Le langage
Ainsi, une chose, un animal, un ordinateur, ne parlent pas ; ils montrent quelque chose, ils
communiquent entre eux ou avec nous, mais ils ne s'expriment pas. Car ils ne font pas usage
de la parole dans un but expressif, ils n'utilisent pas intentionnellement les signes ou la voix. Il
faut donc distinguer l'expression et la communication qui relève de la parole, et celle de ce qui
n'en relève pas. Le langage suppose donc un nouveau critère : le caractère délibéré,
volontaire, qui s'oppose à la passivité, à la réaction non intentionnelle. Les émotions
expriment quelque chose, indique quelque chose mais c'est involontaire; et c'est mon
sentiment, pas ma pensée qui est ici exprimé
Enfin, il n'y a aucune de nos actions extérieures, qui puissent assurer ceux qui les examinent,
que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a
aussi en lui une âme qui a des pensées, exceptées les paroles, ou autres signes, faits à propos
de ce qui se présente, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes,
parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces
signes soient à propos, pour exclure le parler des perroquets sans exclure celui des fous, qui
ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison ; et
j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non
seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être
enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse,
lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant que la prolation de cette parole
devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de
l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise,
lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, chevaux et aux singes
ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils
les peuvent faire sans pensée. Or, il est, ce me semble, fort remarquable que la parole étant
ainsi définie, ne convient qu'à l'homme seul. Car bien que Montaigne et Charron aient dit
qu'il y a plus de différence d'homme à homme, que d'homme à bête, il ne s'est toutefois jamais
trouvé aucune bête si parfaite qu'elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d'autres
animaux quelque chose qui n'eût point de rapport à ses passions, et il n'y a point d'homme si
imparfait qu'il n'en use ; en sorte que ceux qui sont sourds et muets, inventent des signes
particuliers, par lesquels ils expriment leurs pensées. Ce qui me semble un très fort argument,
pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, est qu'elles n'ont pas
de pensées, et non point que les organes leur manquent. Et on ne peut pas dire qu'elles
parlent entre elles, mais que nous ne les entendons pas ; car, comme les chiens et quelques
autres animaux nous expriment leurs passions, ils nous exprimeraient aussi bien leurs
pensées, s'ils en avaient."
Telle est la différence de nature entre les hommes et les animaux à travers le langage humain
qui est à la fois un fait social et individuel. Il se manifeste à travers la langue et la parole.
L’acte de concevoir, donc de penser, est indépendant de la parole et même des langues ; étant
antérieure à la parole, la pensée en est donc indépendante de la parole. Comme la parole est la
réalisation du langage dans une langue donnée, alors, elle est aussi indépendante d'une langue
particulière; donc une même idée se concevra de la même manière partout, même si elle ne se
dit pas de la même manière; écrire dans une langue ou une autre ne change rien à la pensée.
Pour Descartes, nous parlons parce que nous pensons. La pensée est donc condition de
possibilité, cause et origine de la parole. Avant de dire, on pense, ce qu'on dit on l'a d'abord
pensé. La parole est alors la verbalisation, l'expression extérieure, de la pensée. Les paroles
sont pour Descartes la manifestation de pensées et donc de l'esprit. Car seul un esprit peut
avoir des pensées. La parole est donc un moyen sûr de savoir si les autres pensent et sont
doués d'esprit.
On peut penser sans parole, sans mots ou signes; sous entendu : il y aurait une pensée non
discursive, parole accidentelle; le parole appauvrit la pensée (les mots : barrage car quand j'ai
une idée, je cherche souvent les mots pour le dire, les mots sont communs, les mêmes pour
tout le monde, alors que ce que je pense, c'est personnel ; dans la vie courante : "je n'arrive
pas à dire ce que je pense". Par exemple le lapsus langea ou phénomène inconscient qui
s’emparent de nous. Une pensée qui ne passerait pas par le mot, est-elle une pensée véritable?
Y’ a-t-il une pensée pure? Et s'il y en a une, alors est-elle toute la pensée? N'est-elle que la
pensée balbutiante, ou au contraire dans ce qu'elle a de plus haut? C’est dans les mots que
nous pensons. On ne pense pas dans les images, les sensations, ou les affects. Selon l’école de
Port-Royal, "parler est expliquer ses pensées par des signes que les hommes ont inventés à
ce dessein"; sans présence d'autrui, nous n'aurions donc nullement besoin du langage : nous
pourrions considérer les idées en elles-mêmes, sans les revêtir d'aucune parole.
Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons des pensées déterminées et
réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les
différencions de notre intériorité, et que par suite nous les marquons de la forme
externe, mais d'une forme qui contient aussi le caractère de l'activité interne la
plus haute. C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où
l'externe et l'interne sont si intimement unis. Par conséquent, vouloir penser sans
les mots, c'est une tentative insensée. Mesmer en fit l'essai, et de son propre aveu, il
faillit en perdre la raison. Et il est également absurde de considérer comme un
désavantage et comme un défaut de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot.
On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut c'est l'ineffable…
Mais c'est là une opinion superficielle sans fondement; car en réalité l'ineffable
c'est la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire
que lorsqu'elle trouve le mot. Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus
haute et la plus vraie. Sans doute on peut se perdre dans un flux de mots sans saisir
la chose. Mais la faute en est à la pensée imparfaite, indéterminée et vide, elle n'en
est pas au mot. Si la vraie pensée est la chose même, le mot l'est aussi lorsqu'il est
employé par la vraie pensée. Par conséquent, l'intelligence, en se remplissant de
mots, se remplit aussi de la nature des choses.
L'activité subjective de notre esprit n'advient à elle-même, ne produit des idées et des idées
claires, qu'en prenant la forme externe et objective des mots. En dehors des mots, ma pensée
n'est qu'un chaos sans contours, sans formes, et en lequel rien ne se distingue du reste, ne se
détache d'une manière stable. De plus, en dehors de la verbalisation, je ne peux pas savoir à
quoi je pense si toutefois je pense : comment pourrais-je apercevoir mes pensées si elles ne
sont pas dites? La pensée hors ou avant la parole n'est pas une pensée consciente d'elle-même
mais confuse. Elle n'est pas encore "fixée". Bref, ce n'est pas clair.
Bergson affirme que mes pensées ne sont plus elles-mêmes car elles sont forcées d'emprunter
une forme objective et externe, celle des mots ; puisque je n'ai pas encore vraiment une
pensée avant de la dire, elle ne peut au contraire qu'être révélée à elle-même et même à moi-
même par cette verbalisation. Verbaliser, ce n'est pas trahir mes pensées, mais en faire des
pensées. Donc ce qui ne peut se dire et donc ce qui n'est pas verbalisé, ne vaut pas plus que
l'idée verbalisée. De toute façon, une idée non verbalisée est un non sens. Si elle est une idée
si elle est dite; si elle n'est pas dite elle n'est pas une idée. Au mieux, elle ne l'est pas encore :
c'est une pensée qui se cherche. C'est le plus bas degré de la pensée. La pensée a besoin de
parole, elle n'existe pas sans elle, et elle existe grâce à elle sous la forme la plus haute.
Saussure souligne, à cet effet, que pensée et parole vont de pair. Il y a donc des rapports
complexes entre pensée et parole; tellement complexes, d'ailleurs, qu'on peut dire qu'elles se
façonnent l'une l'autre. Nous n'avons pas le sens sans le son. Ce qui veut dire que penser c'est
parler puisque le sens de quelque chose est le signifié qui n'existe pas sans signifiant. Je ne
peux ainsi penser à une chaise sans avoir à l'esprit le mot chaise. Il faut donc parler pour
penser et penser c'est parler. La parole est seulement un outil de communication inessentiel à
la pensée. Il est avant tout l'expression d'une pensée, et si l'homme parle, c'est parce qu'il
pense (non pas seulement pour communiquer avec autrui mais pour lui-même). Reste à savoir
si exprimer une idée dans une langue ou dans une autre change profondément ou non le sens
de ce qu'on pense ? Autrement dit les pensées sont-elles les mêmes pour les différentes
communautés linguistiques ?
Comme dit Bergson, c'est la société qui a prédécoupé le réel, à travers le langage, selon ses
besoins. Il existe des sociétés différentes, ayant une culture différente, des connaissances, des
techniques, des besoins différents et bien sûr, leurs langues également sont différentes. Ainsi,
on peut en déduire que les sociétés, selon leur culture, ont opéré des découpages différents du
réel, et ne le pensent pas de la même manière. Autrement dit leurs langues ont de fortes
chances de ne pas correspondre aux choses telles qu'elles sont, non plus aux mêmes idées. En
effet, ces concepts sont eux-mêmes emprunts de la valeur que nous allons attribuer aux
choses, et à la manière de les appréhender. Dans les mots, se trouve toute une vision du
monde, une certaine façon de le penser, celle de la société dans laquelle on vit. La langue
transporte avec elle les valeurs d'une civilisation.
Ainsi, souligne Levi Strauss dans La pensée sauvage la langue arabe a plus de 6000 mots pour
désigner le chameau, cela montre qu'il a plus d'importance culturelle que le français. C'est que
les arabes découpent le réel d'une façon différente de nous : ainsi, ils multiplient les espèces,
alors que nous, nous séparons individus, genres, espèces. Les Indiens ne nomment, parmi les
plantes et les animaux, que les espèces utiles et nuisibles. Les mauvaises herbes n'ayant
aucune utilité, n'ont pas de nom. Le langage, loin de reproduire des catégories existant en
elles-mêmes dans le donné sensible, lui impose donc sa propre analyse, il est porteur d'une
représentation du monde.
Si les langues sont à ce point empruntes de valeurs culturelles, d'une façon propre de voir le
monde, alors, on ne peut exprimer les mêmes idées dans n'importe quelle langue. Si j'ai une
pensée dans telle langue, et que je veux la traduire dans une autre langue, il ne suffit pas de
prendre un dictionnaire et de regarder quel mot correspond à la signification de ce que je
pense. De même, pour comprendre un interlocuteur d'une autre langue que la mienne.
Le langage remplit plusieurs fonctions dont les plus fondamentales sont les fonctions de
consolidation sociale, d’expression, de représentation et de communication.
I- Fonction de consolidation sociale
Ciment social, le langage sert à assurer la paix dans de meurtrières hordes (groupe d’hommes
indisplinés) ancestrales ou encore à médire des absents tout en favorisant l'unité du groupe, à
assurer un prestige social. En 1996, le professeur de psychologie évolutionniste, Robin
Dunbar formule une hypothèse sur l'évolution du langage chez les humains. De la même
manière que les primates non humains maintiennent leurs liens sociaux à l'aide de
l'épouillage, les humains maintiennent un lien social par la conversation et le langage. Dunbar
suggère que les humains, en évoluant, ont privilégié le langage à l'épouillage (débarrasser
qq’un de ses poux), car la taille de leurs groupes était devenue trop importante. Même les
petites conversations anecdotiques qui ne transmettent pas d'informations primordiales,
nécessaires à la survie, sont importantes dans ce qu'elles créent du lien social. Le langage
comme ciment social a pris moins de temps et permis à l'individu de faire plusieurs choses à
la fois.
1- Le langage, stratégie de chasse et de fourragement
Un langage élaboré permet d’émettre des informations de façon d’autant plus précise que le
moyen de communication est précis. De cette façon, des individus chassant ou fourrageant
(éleveur) en meute ou en groupe peuvent facilement décupler (multiplier) leur efficacité en
élaborant des comportements plus ou moins complexes. Un exemple assez connu est celui de
la danse des abeilles : une éclaireuse ayant localisé une source de nourriture va effectuer
devant ses congénères une danse qui leur permettra de savoir où trouver la nourriture, mais
aussi en quelle quantité et de quel type. De cette façon, les espèces sociales sont avantagées
par rapport aux espèces non sociales en cas de compétition.
2- Le langage, stratégie de résistance à la prédation
Avoir un langage permet de développer plusieurs adaptations contre les prédateurs comme
des mécanismes de guet ou d'alerte. Depuis des outils rudimentaires aux armes sophistiquées,
l’homme se met à l’abri des prédateurs. Il en est de même pour les animaux qui utilisent le
langage naturel. On peut par exemple citer le chien de prairie, qui en un seul cri et selon la
durée et l’intensité de celui-ci, peut avertir ses congénères du nombre de prédateurs en vue, de
sa distance, de son type (volant ou terrestre) et de la vitesse à laquelle il approche. De la
même façon, une fourmi peut alerter sa colonie à l’aide de phéromones adéquates.
Chaque individu bénéficie des perceptions et raisonnements des autres grâce au langage. L’individu
dispose d’un très large éventail de savoirs et de connaissances qui traversent le temps et qu’il ne
pourrait acquérir seul. « Le caractère du langage est de procurer un substitut de l'expérience apte à être
transmis sans fin dans le temps et l'espace, ce qui est le propre de notre symbolisme et le fondement de
la tradition linguistique ».
Cette fonction est commune aux hommes et aux animaux. L’homme construit de ponts ou les
navires pour traverser les fleuves ou les mers. Certaines fourmis sont capables de s’agréger et
de former des ponts vivants au-dessus de l’eau, voire des ilots flottant. Ce comportement est
une réponse à une contrainte environnementale, qui ne serait pas possible sans un minimum
de « concertation » et donc de langage. On peut donc dire que face à un environnement
induisant un stress, les espèces possédant un langage sont susceptibles de mieux réagir que les
autres asociales.
Ces paramètres constituent une liste non exhaustive des bénéfices qu’apportent le langage et
la socialité. Ceci permet de dire que dans beaucoup de cas, les espèces ayant un langage et
donc sociales auront tendance à avoir une meilleure compétitivité que les non sociales pour
une même niche écologique. Cela a par exemple été montré sur une espèce d’abeille
charpentière, Ceratina australensis.
La fonction expressive du langage part du rapport des mots aux idées qu'ils sont censés
communiquer. Thomas Hobbes, Paul Grice, John L. Augustin sont entre autres les théoriciens
de la fonction expressive du langage.
L'approche expressive est celle de Hobbes, qui affirme que « l'usage général de la parole est
de transformer notre discours mental en discours verbal et l'enchaînement de nos pensées en
un enchaînement de mots » (Léviathan, I), le signe renvoie toujours à ce qui est représenté ;
mais la même chose peut être chose et signe.
2- Paul Grice et le sens contextuel de l’énoncé
Au XXe siècle, l'approche expressive a été reprise par Paul Grice lors qu’il affirme que la
« signification du locuteur », le sens que celui-ci donne à sa phrase en tel ou tel contexte
prime sur la « signification conventionnelle ». Paul Grice a mis l'accent, dans les années
Soixante, sur la signification du locuteur par contraste avec la signification de l'énoncé lui-
même. C'est ce que le locuteur veut dire qui permet de trancher les phrases ambiguës. Il
insiste par exemple sur les implications conversationnelles, c'est-à-dire sur ce que le locuteur
implique sans que cela soit explicite dans l'énoncé. Dans ce cas, le sens de la phrase ne
dépend pas simplement de son contenu sémantique mais aussi du contexte conversationnel.
On note qu'au Moyen Âge, la sémantique de Bacon faisait aussi dépendre « la signification
non seulement du signe lui-même mais encore de celui qui en fait usage et de l'intention
posée. »
Au même moment, John L. Austin publie Quand dire c'est faire, un ouvrage qui s'oppose à
l'objectivisme de Frege et de Russell, pour mettre l'accent sur les énoncés qui ne dépendent
pas de conditions de vérité, mais d'actes de langage (une promesse ou un ordre, par exemple,
ne sont ni vrais ni faux, mais agissent sur le monde). La fonction expressive qui réduit le sens
des mots à des entités subjectives est rejetée au profit de la fonction représentative.
La fonction représentative du langage part du rapport des mots aux choses ou au réel. Elle est
l’œuvre de Frege et Husserl, qui s'opposent au « psychologisme », c'est-à-dire à la croyance
selon laquelle les lois de la logique ne seraient que des descriptions de régularités
psychologiques ou encore des généralisations se fondant sur le raisonnement individuel de
chacun. Ils défendent au contraire une approche objectiviste de la signification. Le sens des
mots ne peut être réduit, selon eux, à des entités subjectives telles que des idées, ce qui
conduirait à accepter qu'il soit soumis à la fantaisie de chacun.
1- Concept de communication
La communication vient du terme latin « Comunus » qui veut dire « avoir la même charge »
c'est-à-dire une capacité commune à prendre en charge quelque chose. Étymologiquement,
cela veut dire mettre ensemble, mettre en commun ; l’émetteur et récepteur doivent avoir la
même capacité et le même code pour transmettre un message objectif, une vérité acceptée par
les locuteurs. La question fondamentale porte sur comment peut-on arriver à la vérité. En
observant ? Mais parfois l’observation n’est pas le bon moyen de connaître la vérité.
Demander l’avis à plusieurs personnes sages ? Mais l’opinion des sages se contredisent et
arrivent à des opinions contradictoires, nos sens peuvent nous tromper. Par une démonstration
mathématique ?
Depuis l’Antiquité jusqu’au début du 18ème siècle, le problème posé par le sens du message est
envisagé dans la perspective des cinq postulats de la géométrie euclidienne:
Ces postulats qui servaient de raisonnement scientifique sont ébranlés par les crises,
notamment les postulats 2 et 5. Les fondements des mathématiques furent ébranlés au
XIX° siècle avec l’introduction des géométries non euclidiennes par Lobatchevski (remise
en cause de l’axiome des parallèles et de la droite infinie). Avant cela personne ne
remettait en doute les bases sur lesquelles les mathématiques étaient fondées.
Lobatchevski arrive à une conclusion que par un point pris en dehors d’une droite, on peut
tracer plusieurs droites parallèles qui ne la coupent pas. Gauss et Riemann affirment que
les fondements de la géométrie semblaient incertains, car le recours à l’expérience pour
consolider notre croyance à la géométrie euclidienne est impossible du fait que l’espace
physique peut être décrite par d’autres géométries notamment la géométrie hyperbolique,
géométrie à infinité de parallèles ou la géométrie sphérique, c’est-à-dire la géométrie à
aucune parallèle.
Cantor définit l’ensemble comme un groupement d’un tout d’objets bien distincts de notre
intuition ou de notre pensée. Ce qui revient à évoquer l’idée de collection, de classe
d’objets ou de personnes réunis ou rassemblés dans un même lieu : un tas de cailloux, une
boite de craies, une dune de sable, une chevelure, les Tchadiens… Pourtant les définitions
de ces ensembles sont pleines d’antinomies et de contradictions. D’abord on y note une
tautologie ; car définir un ensemble comme un regroupement d’un tout d’objets bien
distincts de notre intuition renvient à dire qu’un ensemble est un ensemble et elle fausse
en même temps la différence entre un ensemble et ses éléments. Aussi souvent nous
parlons d’un ensemble de personnes en nous référant seulement à la propriété commune
qui relie toutes les personnes appartenant à cet ensemble de sorte qu’on traite
intellectuellement les éléments comme un tout indivisible. Or on ne peut pas traiter les
Tchadiens comme des personnes qui ont une propriété commune ; on ne peut pas aussi
considérer la jeunesse comme un ensemble suffisamment déterminé, car la notion de la
jeunesse est très imprécise pour qu’on puisse ranger telle ou telle personne parmi les
jeunes.
Une autre contradiction remarquée dans la théorie des ensembles est qu’un ensemble A ne
peut seulement être plus petit que sa partie P(A) mais il appartient à sa P(A). L’ensemble
A est composé de trois éléments alors que sa partie P(A) est composée de huit éléments.
A=(1,5, 6)
Dans la théorie des ensembles, on aboutit ainsi à l’idée que l’objet le plus général des
mathématiques était l’étude des relations entre des objets abstraits, définis axiomatiquement,
et sans rapport avec une quelconque réalité expérimentale.
3- Communication et cybernétique
C’est un modèle élaboré par Shannon en 1952, dans le cadre de la théorie de l’information, et
qui a connu un succès considérable. Il est issu des travaux effectués par des ingénieurs en
télécommunications, aidés de mathématiciens, et répondait à une question fondamentale pour
l’industrie du téléphone et du télégraphe à l’époque. Comment améliorer la transmission
d’une information – d’un signal – d’un point à un autre, c’est-à-dire comment transmettre un
message avec le rendement optimal ? Coût minimum, efficacité maximum.
La cybernétique est un système ou un processus de commande et communication chez les
êtres vivants, les animaux ou dans les machines. Chez les humains, la cybernétique désigne
une science interdisciplinaire qui étudie les mécanismes de la communication, de commande
et de contrôle. Du grec kubernetiké, la cybernétique fut introduite par le mathématicien
Norbert Wiener et sert à analyser le système politique, économique et social. Elle étudie le
comportement de toutes les entités qui étudient les transformations dans leur environnement.
Dans le domaine de la communication, ce mot savant désigne un pilotage par rétroaction, en
anglais feed-back ou art d’ajuster la trajectoire du message en fonction de l’effet produit sur
autrui. La cybernétique permet de réguler la communication et de mieux organiser les
relations sociales. Par conséquent toute communication réussie est l’œuvre d’un émetteur
génial qui sait éviter des distorsions de son message.
Pour Shannon donc, la communication peut être définie comme la transmission d’un
message d’un endroit à un autre. La communication suppose aussi qu’il y a quelque
chose de commun entre l’émetteur et le récepteur, qui permet la transmission d’un
message, d’une information entre les deux individus. La communication est possible si
l’émetteur et le récepteur ont déjà un même code, même canal, ou mêmes capacités ou
mêmes facultés en commun pour pouvoir communiquer. Ce que le récepteur reçoit doit
être + ou – similaire à ce que l’émetteur émet. Si le code n'est pas commun, on ne
comprend pas. Il faut que les deux termes de la communication aient un code commun.
Ce que l’on transmet de l’un à l’autre, c’est l’information. Il faut que cette information
passe quelque part: c’est le canal, qui va permettre au récepteur de recevoir
l’information. Souvent cette information n’est pas pure, ça va souvent être défini par un
code (des règles : syntaxe, grammaire, langage). Une fois que l’information est
décodée, elle devient un message. Il y a une bonne communication, si le canal est utilisé
par les deux (E et R), que l’émetteur et le récepteur maîtrisent les mêmes codes, que
l’information en elle-même en tant que message est « quelque chose » indépendant de
l’émetteur et du récepteur. S’il y a une mauvaise communication c’est à cause du
récepteur, de l’émetteur ou de la transmission.
Il repose sur la mise en relation d’un émetteur et d’un destinataire. L’émetteur souhaitant
donner une information va devoir la traduire en un langage compréhensible pour le
destinataire et compatible avec les moyens de communication utilisés : c’est le codage. Le
message ainsi élaboré va alors être émis et véhiculé grâce à un support matériel : le canal de la
communication. Il parvient alors au destinataire, le récepteur qui, grâce à une activité de
décodage, va pouvoir s’approprier et comprendre le message. Le système pour être
pleinement efficace doit prévoir une modalité de contrôle, de régulation et de traitement des
erreurs : c’est le feed-back, c’est-à-dire la boucle de rétroaction du récepteur vers l’émetteur.
Issu de la cybernétique, très prisé des théoriciens de l’information, le modèle de Shannon a
également connu un grand succès auprès des linguistes de l’époque comme Jakobson (1963).
Ce processus peut alors simplement se représenter graphiquement.
Schéma de Shannon
Ainsi toute communication réussie est l’œuvre d’un émetteur génial qui connait éviter les
distorsions de son message, alors que toute communication ratée est le plus souvent imputée à
la maladresse du receveur ; d’où la nécessité de comprendre que communiquer c’est
transmettre un message en tenant compte de feed-back, de la valeur, du système de référence,
de l’aspect cognitif de l’interlocuteur.
Dan la communication généralement le récepteur est négligé. Pourtant toute communication,
tout message s’adresse à une personne vivante avec toutes ses sensibilités, que l’essentiel
n’est pas ce qui est di et ce qui transmis, mais ce qui est compris par l’interlocuteur. Dès lors
c’est l’interlocuteur qui prime dans la communication. Claude Rogers a développé l’empathie,
une théorie qui consiste à entrer dans l’univers de l’interlocuteur pour le comprendre et le
ressentir les choses de son point de vue. Cette théorie est développée à travers la méthode
thérapeutique centrée sur les relations d’aide. Elle s’appuie sur le feed-back et se traduit par la
reformulation ou le reflet de ce que l’autre vie, ressent et exprime. Communiquer c’est
écouter profondément et échanger avec un réel plaisir de comprendre l’autre. Améliorer sa
communication exige donc de faire la paix d’abord avec soi-même pour entretenir des
relations moins conflictuelles avec l’autre au point qu’une communication réussie est le
produit d’un équilibre entre les interlocuteurs.
Communiquer, c’est se faire comprendre. Selon l’école systémique basée sur l’analyse
transactionnelle, l’essentiel n’est plus le message mais sa transmission. Ce que mon
interlocuteur comprend dépend de son cadre de référence à lui, de son univers, de ce qui se
passe autour de lui, de la syntaxe et sémantique du message que je transmets, du contexte
dans lequel nous nous trouvons, la sécurité qu’il ressent ou non en face de moi, de sa capacité
cognitive, de et de biens d’autres éléments dont l’ensemble constitue un système.
En matière de communication, nul ne détient la vérité. Chacun voit le monde, le réel qu’à
travers les prismes de ses perceptions et de ses représentations relatives d’un individu à un
autre. Par conséquent, une communication interpersonnelle correcte et réussie ne se produit
que si les idées, les faits, les opinions, les attitudes ou les sentiments de l’émetteur sont
compris et interprétés par le receveur.
Aujourd’hui le modèle de communication et cybernétique a fait ses preuves dans beaucoup de
domaines parmi lesquels on note la publicité, la politique et la santé.
a/Domaine de publicité
b/Domaine politique
c/Domaine de santé
Bibliographie
- Benveniste, Emile, Problème de linguistique générale, I, Gallimard, Paris, 1966.
- Ducrot, Oswald, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, du Seuil,
Paris, 1972.
- Frege, Gottlob, Ecrits philosophiques et logiques, trad. fr. par Cl. Imbert, Paris, Le
Seuil. 1971.
- Husserl, Edmund, Recherches logiques II, trad. fr. Paris, P.U.F., 1972.
- Wittgenstein, Ludwig, Tractatus logico-philosophicus ; Investigations philosophiques,
Paris, Gallimard, 1961.
- Google recherche.