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Domaine de la Musique

Master 1 - Ecritures classiques

Cours : Philosophie

Le concept du Monde
&
Réflexions autour du confinement

Samuel ARNONE
Professeur : Dirk DEHOUCK
Année académique 2019 - 2020
Concept du Monde

Plusieurs définitions du concept Monde sont possibles :

● Un système ordonné formé par notre planète au sein du système solaire ;


● Notre propre planète, qui peut être découpée géographiquement ;
● Tout ce qui existe, l’univers ;
● Monde Sensible : ensembles d'objets qui peuvent être perçus avant toute
réflexion et tout critique ;
● Monde Intelligible : ensembles des réalités qui correspondent aux apparences
sensibles que la réflexion conduit à se représenter ;
● Vie sociale des hommes, vie religieuse ou encore vie rurale, solitaire ;
● Classe, société ou réunion d’hommes.

Les définitions du concept Monde peuvent être très diverses. Fini ou infini, le concept du
Monde ne peut s’empêcher de se rapporter à Dieu, à la Nature, à l’Humain et de poser la
question de leurs rapports.
Chez Emmanuel Kant (1724-1804), le Monde est une idée transcendantale qui permet la
connaissance empirique. Il perd de son objectivité et ne manifeste plus la perfection de Dieu.
L’homme est libre et le Monde se fait par ceux qui l’habitent. Il devient un a priori existentiel.
Cette idée d’un Monde de matière indéterminée est reprise chez Arthur Schopenhauer (1788-
1860) pour qui, comme chez Kant, le Monde n’est que la représentation de chaque individu.
Le Monde est, à la fois, ma représentation et ma volonté. Il est régi par un déterminisme
rigoureux, que l’on retrouve chez Baruch Spinoza (1632-1677), et n’est qu’une illusion
phénoménale. Chez Schopenhauer, la subjectivité du Monde est totale. Ce qui existe vraiment,
c’est la Volonté, qui est une réalité métaphysique, indestructible, libre et inconditionnée.
Friedrich Nietzsche (1844-1900) reprendra ce concept en le dépassant et en le nommant
volonté de puissance. Le Monde chez Nietzsche est volonté de puissance et éternel retour des
choses. Le Monde ne possède pas de sens. Il n’est pas organique, et ne doit pas être vu comme
un anthropomorphisme. Il n’a pas de volonté propre. Il n’est que chaos.
Plus tard, avec Edmund Husserl (1859-1938), le Monde sera défini par l’intersubjectivité.
C’est par cette intersubjectivité qui fait se rencontrer mon Monde et le Monde des autres qu’une
objectivité d’un monde commun est possible.
Dans ce bref panorama des différentes définitions du concept Monde, celui-ci perd sa valeur
téléologique pour devenir un a priori existentiel permettant une représentation des différents
phénomènes qui permettent de construire une subjectivité. La connexion des subjectivités
permet la construction d’un Monde commun.
Réflexions autour du confinement

En quelques mois, le monde qui tournait au rythme de la production de masse et de la


consommation s’est ralenti considérablement. Le “choc” d’une pandémie mondiale, que notre
génération pensait ne plus revivre depuis le Moyen-âge est venu rappeler, s'il en était besoin,
que nos sociétés et nos systèmes économiques et politiques sont fragiles.
En Occident surtout, le Coronavirus a définitivement enterré le sentiment que l’on vit dans une
société qui est protégée de tout, protégée du tragique, de la maladie, de la mort, de la violence…

Lorsque la pandémie s'est déclarée en Chine, peu de personnes se sont souciées de la gravité
de la situation. Même si la Chine n’est pas toujours transparente, il est tout de même étonnant
que nos gouvernements ne se soient pas demandé pourquoi un pays au régime totalitaire avec
des milliards d’individus, qui, par définition, se soucie peu de la mort de dizaines de milliers
de personnes, rentre dans un confinement total. Si la Chine a décidé le confinement généralisé
pour la région de Wuhan, la contagion du Coronavirus était importante et elle était possiblement
planétaire.
Cela illustre bien le déni dans lequel nous sommes plongés depuis le début. Lorsqu’on se trouve
en face de quelque chose de nouveau, d’étrange, qui perturbe un confort, la première des
réactions est de se dire : “non, cela n'existe pas, c’est une “gripette”. Depuis quelques décennies,
nous vivons dans une société où l’histoire est terminée, dans un monde achevé où il ne se passe
plus rien d’important. Les conflits n’existent pas ou peu chez nous et rien de grave ne peut
arriver. En un sens, on peut penser que la thèse développée par Francis Fukuyama dans son
livre La Fin de l'Histoire et le Dernier Homme a triomphé en occident sur le plan idéologique.
Le Coronavirus a mis en lumière les limites de cette conception. Notre monde est en train de
muter, silencieusement, mais avec une fatalité que l’on ne peut plus ignorer. Notre toute-
puissance de la technoscience qui nous protège de tout n’est plus.

Le déni est le signe d’une société qui vit uniquement sur l’instant présent, sans aucune vision à
long terme. En effet, depuis les années 1980, nous sommes de nouveau re-entrés dans une
période de long terme de pandémie. Les échanges mondialisés, l’élevage industriel, la
production intensive de l’agroalimentaire qui, de plus en plus, se développent et poussent les
personnes à des incursions dans les écosystèmes locaux favorisent de plus en plus la proximité
entre les espèces. Cette proximité et cette régularité des contacts entre les animaux et les
humains favorisent le saut zoonotique (les infections passent entre les espèces). Les pandémies
d’Ebola, du SRAS, du MERS, du H5N1 et du H1N1 sont dues à cette politique d’exploitation
qu’élabore l’industrie agroalimentaire comme l’explique le livre de Robert G WALLACE Big
Farms Make Big Flu : Dispatches on Infectious Disease, Agribusiness, and the Nature of
Science.
D’un point de vue politique, on assiste à un retournement complet. Le monde sans limite et
sans frontière s’est tout d’un coup refermé. Les frontières font leur grand retour. Le
confinement est une frontière que ce soit à l’échelle d’un appartement, d’une maison, d’un
quartier, d’une ville, d’une région ou d’un pays.

L'intérêt collectif revient également. Il n'y a plus les individus qui réussissent et ceux qui
échouent ou qui ne sont rien. Le personnel soignant, les livreurs, les caissières, les agriculteurs,
toutes ses professions, ses petites mains redeviennent visibles et considérés. Les femmes de
ménage ont aujourd’hui un rôle très important pour la désinfection. Même si cela peut
quelquefois sembler dérisoire, comme applaudir le personnel soignant tous les soirs à 20 h alors
que cela fait des années qu’ils sont déconsidérés et invisibles, il y aura un avant et un après.

Le Coronavirus agit également comme un prisme sur les clivages entre les classes sociales et
les individus. Il est plus facile d’être confiné dans une belle résidence secondaire que dans un
appartement de 35 m² en plein centre-ville. On voit également les personnes qui se considèrent
comme hors contrat avec la collectivité en refusant le confinement et les mesures sanitaires.

Il y’a également un risque de récupération totalitaire. Dans certains courants


écologiques/politiques, on retrouve un intérêt qui est au-dessus de l'humain, c’est l’intérêt de
la Nature. Si cela est tout à fait discutable philosophiquement, cela me semble dangereux
politiquement. Si ce n’est pas aux hommes de décider de leur destin, si celui-ci doit être
déterminé par un ailleurs qu’eux-mêmes (Nature, Dieu, Tradition, etc.) on sort de la démocratie.
Le Politique n’est plus l’affaire de l’homme, mais s’incarne dans un Absolu en qui il faudra se
soumettre. On retrouve aussi dans ces mouvements politiques une forte affectivité, une passion
qui peut être extrêmement violente et irrationnelle. C’est une sorte de millénarisme qui vise à
dénoncer ce monde-là de la manière la plus radicale possible et de promettre un avenir radieux
en se débarrassant de ceux qui causent les troubles. Ce sont des postures, heureusement
minoritaires, mais qui restent très influentes.

La pandémie du Coronavirus révèle les crises qui tapissent notre imaginaire social
contemporain, crise sociale, politique, culturelle, écologique. C’est un moment carrefour où
chaque citoyen peut décider comment affronter ces crises.

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