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Nouveaux critères diagnostiques du myélome

Evaluation initiale
Pronostic
Dr Aurore Perrot

Vendredi 13 Octobre 2017


Généralités

• Myélome multiple (maladie de Kahler)


Hémopathie maligne caractérisée par la prolifération d’un clone plasmocytaire
envahissant la moelle hématopoïétique et produisant le plus souvent une
immunoglobuline monoclonale détectable dans le sang et les urines

• Historique
o Premier cas décrit en 1844
o Concept de protéinurie de Bence Jones en 1847
o Terme de myélome multiple introduit en 1873 par Von Rustizky
o Individualisation des plasmocytes entre 1875 et 1895 par Waldeyer et Marschalko
o Description d’un cas par Otto Kahler en 1889
o Diagnostic par myélogramme à la fin des années 1920
o Caractérisation protéique par immunoélectrophorèse dans les années 1950 et
concept de gammapathie monoclonale par Waldenström dans les années 1960

Solly S. Med Chir Trans London 1844; 27: 435-461


Bence-Jones H. Lancet 1847; II: 88-92
Waldenströ m J. Harvey Lectures 1961; 56: 211-231
Généralités (2)

• Avancées pronostiques et thérapeutiques


o Activité anti-tumorale du Melphalan rapportée en 1962 par Bergsasel
o Protocole Alexanian (MP) décrit en 1969
o Classification de Salmon & Durie en 1975
o Intérêt de l’intensification avec autogreffe (1996)
o Score ISS (2005) – anomalies cytogénétiques (2007)

Bergsagel DE, Sprague CC, Austin C, Grif th KM. Cancer Chemother Rep 1962; 21: 87-99
Alexanian R, Haut A, Khan AU, et al. JAMA 1969; 208: 1680-1685
Durie BG, Salmon SE. Cancer 1975; 3: 842-854
Attal M, Harousseau JL, Stoppa AM, et al. N Engl J Med 1996; 335: 91-97
Greipp PR, San Miguel J, Durie BG. J Clin Oncol 2005; 23: 3412-3420
Avet-Loiseau H, Attal M, Moreau P, et al. Blood 2007; 109: 3489-3495.
R Wester et P Sonneveld, Haematologica 2016;101:518-520
Epidémiologie

• 1 % des cancers
• 12 % des hémopathies malignes
• Deuxième hémopathie la plus fréquente après les LNH
• 5 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France

• Age médian au diagnostic : 70 ans

• Répartition par tranche d’âge au moment du diagnostic

< 65 ans 65-74 ans ≥ 75 ans

37 % 26 % 37 %

Arnulf B. Rev Prat 2013;63:101-8


Palumbo A. Blood 2011;118:4519-29
Epidémiologie
HOMMES FEMMES
54% 5 445 nouveaux cas 46%

4,6 Taux d'incidence 2,9


Taux d'incidence annuel
+1,5 évolution 2000-2005 +1,1

1 393 Nombre de décès 1 396

2,3 Taux de mortalité 1,6

+0,5 Taux de mortalité annuel +0,5


Évolution 2000-2005
Données 2010
Origine des manifestations cliniques

Manifestations liées à la prolifération tumorale et/ou au composant monoclonal


Circonstances diagnostiques

• Découverte fortuite chez des patients asymptomatiques (30 %)


o Pic sur une électrophorèse des protéines sériques
• Surveillance d’une MGUS
• Symptômes
o Douleurs osseuses (58 %) importantes et siégeant au niveau des sites
d’hématopoïèse active (rachis, côtes, bassin, sternum, crâne, fémurs,
humérus)
o Fatigue (32 %), en partie liée à une anémie
o Infections récidivantes (10 %), ORL, sinusiennes ou broncho-pulmonaires
(pneumocoque, H. influenzae)
• Complications évolutives
o Fractures, compressions médullaires
o Hypercalcémie
o Insuffisance rénale
Roussel M, Gastinne T, Leleu X. Rev Prat 2009;59:1143-52
Kyle RA, et al. Mayo Clin Proc 2003;78:21-33
Enjeux de la démarche diagnostique

Distinguer MGUS / SMM / MM pour proposer une prise en charge adaptée

MGUS Myélome indolent Myélome “actif ”,


Présence d’un composant monoclonal sans +/- atteinte d’organes
clone malin formellement prouvé
NOUVEAUX CRITÈRES
NOUVEAUX CRITÈRES
DIAGNOSTIC D’EXCLUSION DIAGNOSTIQUES DEPUIS 2014
DIAGNOSTIQUES DEPUIS 2014

AFFECTION “BÉNIGNE”, mais MALADIE INDOLENTE, mais MALADIE ACTIVE


• Risque (faible) de survenue d’une EN CAS D’ATTEINTE D’ORGANES,
complication liée au composant Risque de progression COMPLICATIONS PARFOIS
monoclonal**, vers un myélome “actif”, IRRÉVERSIBLES OU URGENCES
en raison d’un clone “dangereux” pouvant atteindre 50 % (hypercalcémie, insuffisance rénale
• Risque de 0,5 à 1 % / an chez certains patients aiguë, compression médullaire.)
de progression vers un myélome
Pas d’indication de traitement, Pas d’indication de traitement Indication de traitement spécifique
sauf pour éliminer un clone
à l’origine d’une complication ± prise en charge des complications
mais mais
nécessité d’une surveillance nécessité d’une surveillance
adaptée au risque de progression adaptée au risque de
progression

Rajkumar SV et al. Lancet Oncol 2014;15:e538-48


Van de Donk,et al. Haematologica 2014;99:984-96
Mateos MV, San Miguel J. Hematol Oncol 2015;33:33-7
Nouveaux critères diagnostiques

• Rationnel
Hétérogénéité des MM dits indolents concernant le risque évolutif
Facteurs de risque : - MM de type IgA, pic ≥ 40 g/L
- disparition des plasmocytes normaux (CMF), immunoparésie
- ratio CLS entre 8 et 100
- cytogénétique défavorable (t(4;14), del(17p), amplification 1q)
- plasmocytes circulants

Rajkumar SJ, IMW 2015


Nouveaux critères diagnostiques

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères diagnostiques (IMWG 2014)

• MGUS non IgM


o Protéine monoclonale < 30 g/L
o Plasmocytose médullaire < 10 %
o Pas d’atteinte d’organe en lien avec la dyscrasie plasmocytaire (CRAB,
amylose)

• Risque de progression : 1 % par an

• Doit-on réaliser un myélogramme devant tout pic monoclonal ?


➢ Le myélogramme peut être différé si MGUS de faible risque
 Isotype IgG
 Composant monoclonal < 15 g/L
 Ratio de CLS (Freelite®) normal

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères diagnostiques (IMWG 2014)

• MGUS IgM
o Protéine monoclonale < 30 g/L
o Lymphoplasmocytose médullaire < 10 %
o Pas d’atteinte d’organe en lien avec la dyscrasie plasmocytaire (anémie,
hyperviscosité, adénopathie, hépatosplénomégalie)

• Risque de progression : 1 à 5 % par an

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères diagnostiques (IMWG 2014)

• MGUS à chaines légères


o Ratio CLS anormal (< 0,26 ou > 1,65)
o CLS impliquée élevée (Ƙ élevée et ratio > 1,65 / L élevée et ratio < 0,26)
o Pas d’Ig entière en immunofixation
o Protéine monoclonale urinaire < 500 mg/24h
o Plasmocytose médullaire < 10 %
o Pas d’atteinte d’organe en lien avec la dyscrasie plasmocytaire (CRAB,
amylose)

• Risque de progression : 0 à 3 % par an

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères diagnostiques (IMWG 2014)

• Myélome « indolent », asymptomatique (SMM)


o Protéine monoclonale IgG ou IgA ≥ 30 g/L
ou protéine monoclonale urinaire ≥ 500 mg/24 h
et/ou
o 10 % ≤ plasmocytes médullaires < 60 %
et
o Absence d’événement définissant le myélome (CRAB, marqueur
d’évolutivité, amylose)

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères diagnostiques (IMWG 2014)

• Myélome (symptomatique)

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères diagnostiques (IMWG 2014)

• Myélome (symptomatique)

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères diagnostiques (IMWG 2014)

• Myélome (symptomatique)
o plasmocytes médullaires ≥ 10 % ou plasmocytome médullaire ou extra-
médullaire
ET
o Au moins un événement définissant le myélome
▪ Au moins un signe CRAB
 hyperCalcémie > 2,75 mmol/L ou 110 mg/L (ou plus de 0,25 mmol/L de la valeur seuil)
 insuffisance Rénale
 Anémie < 10 g/dL (ou plus de 2 g/dL en dessous de la valeur seuil)
 atteinte osseuse (Bone)
et/ou
▪ Au moins un marqueur de malignité
 Plus d’une lésion focale à l’IRM
 Plasmocytose médullaire ≥ 60 %
 Ratio de CLS (CLL impliquée/CLL non impliquée) ≥ 100

(pas de composant monoclonal si myélome non secrétant)

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères : ce qui change

• Nouveau critère d’insuffisance rénale

Avant Maintenant Rationnel

Créatininémie Débit de filtration glomérulaire Évaluation plus précise de la fonction


> 173 μmol/L DFG < 40 mL/mn rénale par le DFG estimé
(20 mg/L) (estimé d’après la formule
MDRD ou CKD-EPI**) Précocité du diagnostic
ou de la néphropathie à cylindres
créatininémie > 177 mmol/L myélomateux NCM (urgence)

Clarification du critère CRAB d’atteinte


rénale en rapport avec un myélome,
excluant désormais
les formes d’atteinte rénale autres que
la NCM

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères : ce qui change

• Nouveau critère CRAB de lésions osseuses

Avant Maintenant Rationnel


Présence d’au Présence d’au moins 1 lésion Meilleure sensibilité du scanner,
moins une lésion lytique (≥ 5 mm) notamment corps entier low dose,
lytique, d’une sur les radiographies du squelette versus les radiographies du squelette
ostéopénie sévère standard, au scanner, standard pour la détection des lésions
ou d’une fracture notamment scanner corps entier lytiques osseuses :
pathologique sur low dose, ou au TEP-scan identification de lésions non vues sur les
les radiographies clichés standard et estimation plus
du squelette précise du nombre de lésions
standard Suppression des critères
d’atteinte osseuse concernant la Scanner corps entier low dose =
présence isolée nouvelle référence pour l’évaluation des
d’une ostéopénie sévère lésions lytiques osseuses du myélome
ou d’une fracture pathologique
Identification plus précoce des
myélomes “actifs”

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Nouveaux critères : ce qui change

• Nouveau critère non CRAB fondé sur la recherche IRM d’une atteinte
médullaire

• IRM : examen de référence pour la détection d’une atteinte médullaire


(avant les lésions de la structure osseuse environnante)

Au moins 2 lésions médullaires focales ≥ 5 mm à l’IRM


en présence d’une prolifération plasmocytaire médullaire ≥ 10 %

• Risque de progression vers un MM de 70 % à 2 ans

• Autres intérêts de l’IRM :


– évaluer les zones douloureuses
– faire le bilan d’une compression médullaire

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Caers J, Oncologist 2016;21:333-42
Nouveaux critères : ce qui change

• Nouveau critère non CRAB fondé sur la plasmocytose médullaire

• Quantification de la plasmocytose par biopsie ou myélogramme

Plasmocytose médullaire clonale ≥ 60 %

• Risque de progression vers un MM de 95 % à 2 ans

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Caers J, Oncologist 2016;21:333-42
Nouveaux critères : ce qui change

• Nouveau critère non CRAB fondé sur le ratio k/l des chaines légères

• Dosage quantitatif dans le sérum des CL kappa ou lambda non liées à des chaines
lourdes d’Ig complètes (test de référence Freelite®)

Ratio kappa/lambda ou lambda/kappa ≥ 100

• Risque de progression vers un MM de 72 %


à 2 ans

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Caers J, Oncologist 2016;21:333-42
Nouveaux critères : ce qui change

• Suppression du critère diagnostique de mise en évidence du composant


monoclonal mais examens à réaliser pour évaluation ultérieure de la réponse
Examens à
Objectifs Commentaires
réaliser
EPS + IFS EPS : mise en évidence d’un pic d’allure monoclonale Avec l’EPS, détection parfois
IFS : caractérisation de l’isotype de l’Ig (identification difficile de la protéine
de sa chaîne lourde et de sa chaîne légère) = preuve monoclonale, du fait d’une
du caractère monoclonal concentration trop faible
ou d’une migration dans la
EPU + IFU EPU/IFU : détection de chaînes légères dans les urines zone des β ou des α-globulines
(de préférence (protéinurie de Bence Jones) et caractérisation de (MM IgA)
sur les urines l’isotype
de 24 h) IFS/IFU obligatoires
Dosage des Détermination du ratio κ/λ Documentation de la RCs,
chaînes légères Taux de la chaîne légère libre clonale immunophénotypique
libres sériques et de la chaîne légère libre non clonale ou moléculaire
Documentation des réponses
en cas de composant
monoclonal non mesurable
dans le sang ou dans les urines

Rajkumar SJ, Lancet Oncol 2014; 15: e538–48


Facteurs pronostiques

• Liés au patient
o Age
o Facteurs de vulnérabilité : comorbidités, autonomie dans la vie quotidienne,
altération des fonctions cognitives..

• Liés à la tumeur
o Score ISS : albumine, bêta2-microglobuline
o Caractéristiques cytogénétiques analysées par FISH
o LDH

➢ Score ISS révisé


Pronostic cytogénétique

Répartition des anomalies cytogénétiques


Cytogénétique défavorable

• t(4;14)(p16.3;q32)
o 15 à 20 % des patients
o Détection par FISH interphasique ou RT-PCR (IgH-MMSET)

• del(17p)(p13)
o Del 17p13 : 7 à 10 % des patients, mutation p53 : 5 % au diagnostic
o p53 inactivée par délétion ou mutation
o Importance du seuil de positivité : 60 % Avet-Loiseau H, Blood 2007
Lode L, Haematologica 2010
Cytogénétique défavorable

• t(4;16)(q32;q23)
o 2 à 10 % des patients
o IGH-C-MAF

• autres
o Del 1p22 et 1p32
o Gain 1q
o t(11;14) Avet-Loiseau H, Blood 2011
Avet-Loiseau H, J Clin Oncol 2012
Pronostic : score R-ISS

• Analyse de 4445 patients avec myélome nouvellement diagnostiqué, inclus


dans 11 essais internationaux

Palumbo A, J Clin Oncol 2015;33:2863-2869


Pronostic : score R-ISS

Palumbo A, J Clin Oncol 2015;33:2863-2869


Pronostic : score R-ISS

Traitement
non intensif Traitement intensif

Imids Inhibiteurs du protéasome

Palumbo A, J Clin Oncol 2015;33:2863-2869


Evaluation initiale

Palumbo A, J Clin Oncol 2015;33:2863-2869


Evaluation initiale

Gouquet G, Leleu X, EMC 2017


Imagerie au diagnostic

• Radiographies standards
(sensibilité 80 %)

• TDM corps entier low dose


Nouvelle référence
Sensibilité supérieure
Imagerie au diagnostic

• IRM corps entier


Bonne sensibilité

• PET-scanner (18 FDG)


Détection de lésions focales
Lésions diffuses
SUV ??
IRM ou PET-scanner au diagnostic ?

Etude IMAGEM
Take home messages

• Nouveaux critères diagnostiques


o MGUS
o SMM
o MM
o Critères CRAB modifiés
o Evénements définissant le myélome

• Evaluation pronostique : R-ISS


o Albumine
o Bêta2-microglobuline
o Cytogénétique
o LDH

• Bilan au diagnostic
o Biologie
o Imagerie : TDM low-dose, body IRM ou PET-scanner

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