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Droit général des sociétés : du projet

de société jusqu’à sa dissolution


Leçon 3 : Les différentes formes ou
catégories de sociétés et groupements voisins
M. Afif Daher

Table des matières


Section 1. La société et les qualifications voisines................................................................................................ p. 2
§ 1. La société et les groupements voisins.........................................................................................................................................p. 2
A. La société et l'association............................................................................................................................................................................................ p. 2
B. La société et le GIE..................................................................................................................................................................................................... p. 3
C. La société et la fondation ........................................................................................................................................................................................... p. 4
D. La société et l'indivision............................................................................................................................................................................................... p. 4
E. La société et la fiducie................................................................................................................................................................................................. p. 5
§ 2. La société et les contrats voisins................................................................................................................................................. p. 5
A. Le contrat de société et le contrat de prêt avec participation aux bénéfices ............................................................................................................. p. 6
1. Le premier........................................................................................................................................................................................................................................................... p. 6

2. Le deuxième........................................................................................................................................................................................................................................................ p. 6

B. Le contrat de société et le contrat de travail avec participation aux bénéfices........................................................................................................... p. 6


1. Le premier........................................................................................................................................................................................................................................................... p. 6

2. Le deuxième........................................................................................................................................................................................................................................................ p. 7

Section 2. Le classement des sociétés.................................................................................................................... p. 8


§ 1. Les sociétés civiles et les sociétés commerciales....................................................................................................................... p. 8
§ 2. Les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux...............................................................................................................p. 9
§ 3. Les sociétés offrant ou non au public de titres financiers..........................................................................................................p. 11
§ 4. Les sociétés avec ou sans personnalité morale........................................................................................................................ p. 11
§ 5. Les sociétés de droit privé et les sociétés de droit public......................................................................................................... p. 14
§ 6. Les sociétés de droit commun et les sociétés à statut spécial.................................................................................................. p. 16

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Les différents éléments de la leçon : Cette leçon traitera :
• des critères de distinction entre, d'une part la société et les groupements voisins, d'autre part, entre la
société et certains contrats voisins.
• du classement des sociétés en fonction de multiples critères, savoir notamment : la nature de l'activité
sociale, l'étendue des risques, le nombre des associés, l'importance du capital, l'ouverture ou la fermeture
du capital, l'existence ou l'absence de personnalité morale, le secteur privé ou le secteur public, la
vocation générale (commerce, industrie, ...) ou une vocation particulière pour répondre à des besoins
spécifiques (SEL, GAEC, SDR, ...).

Synthèse : Des risques de confusion existent entre la société et d'autres groupements ou contrats voisins.
Cette confusion pourrait conduire à des requalifications ou à des disqualifications du groupement ou du contrat
concerné, par les juges du fond.
Les sociétés sont classées selon des critères communément admis par la pratique et la doctrine. Cependant
le classement suggéré n'est pas limitatif. D'autres classements sont envisageables et se recoupent avec le
classement des sociétés-types, à partir de critères plus restrictifs. Il appartient aux entrepreneurs, quelle qu'en
soit l'activité qu'ils entendent exercer, commerciale, industrielle ou de profession libérale, d'affiner leur choix
en tenant compte de tous les paramètres de réussite et de viabilité de leur future société.

Section 1. La société et les


qualifications voisines
La définition actuelle de la société (modifié par la loi du 4 janvier 1978) dans l'art. 1832 ne permet pas toujours
de la différencier d'autres groupements privés et d'autres contrats voisins.La référence aux personnes, à
l'entreprise commune, au bénéfice, à l'économie et aux pertes, permet de dire que la société est un groupement
de personnes à but lucratif qui relève du domaine de l'argent.La notion de but lucratif a évolué sous l'influence
de la pratique des affaires. Avant 1978, le bénéfice était défini comme étant « un gain pécuniaire ou un gain
matériel qui ajouterait à la fortune des associés ».

Jurisprudence
Arrêt de la Caisse rurale de Manigod du 11 mars 1914; voir aussi Rev. soc. janvier-mars 2001, p. 7 et s..

La nouvelle rédaction de l'art. 1832 a fait de la recherche d'économies une finalité de la société au
même titre que la recherche de bénéfices. Le nouveau critère ressemble à une ligne de démarcation moins
nette que mobile et floue.

Le secteur non lucratif est vaste et englobe généralement les activités désintéressées :
• religieuses,
• politiques,
• syndicales,
• humanitaires,
• artistiques,
• sportives,
• charitables.
Le secteur lucratif, quant à lui, est un domaine partagé, à des degrés variables, entre les sociétés et d'autres
groupements voisins.

La différenciation s'opère également à l'intérieur de chaque catégorie de groupements.

§ 1. La société et les groupements voisins

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A. La société et l'association
La société est d'essence capitaliste, Art. 1832. L'association n'est pas d'essence capitaliste (Art. 1er Loi 1er
juillet 1901).

L'association se différencie fondamentalement de la société en ce que son but n'est pas de partager les
bénéfices entre les membres. Mais la rédaction ambiguë de la loi de 1901 ne l'empêche pas, afin de
réaliser son objet, de se procurer les ressources nécessaires par l'exercice d'activités lucratives, et
d'offrir à ses membres certains avantages matériels présentant un caractère accessoire et liés à la
mission de l'association (sinon elle sera requalifiée en société créée de fait). La recherche d'économies
entre dans la vocation de l'association qui peut manier des capitaux considérables (clinique, maison de retraite,
agence de voyages, un club de sport, un établissement d'enseignement...) et parfois se comporte comme une
véritable entreprise. C'est la philosophie qui anime ses membres qui la différencie de la société, non la nature
ou l'importance de son activité.

Dans une espèce, pour une cour administrative d'appel, une association de tracteur pulling organisant une
manifestation annuelle payante n'est pas en concurrence avec des sociétés commerciales. Pour les juges,
malgré le caractère commercial des modalités d'organisation de cette manifestation, qui reste néanmoins
ponctuelle et atypique dans le domaine des sports mécaniques, l'association n'exerce pas une activité lucrative.
La Cour relève également que la spécificité de ce sport mécanique, dans lequel la performance s'apprécie par
rapport à la capacité à tracter la charge la plus lourde possible sur une distance limitée, fait que les services
rendus au public ne sont pas offerts en concurrence, dans la même zone géographique d'attraction, avec ceux
proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique (CAA Douai 3
juillet 2012).

La distinction s'impose finalement entre :


• d'une part l'autorisation de réaliser des bénéfices,
• et d'autre part la prohibition de partager des bénéfices.
Il est désormais possible d'effectuer par Internet la déclaration à la préfecture ou à la sous-préfecture de la
création d'une association décidée par une assemblée générale constitutive.

Dans les faits, on assiste à une certaine dérive de l'association qui devient progressivement une entreprise et
qui connaît un grand essor depuis quelques années.

Le droit des sociétés trouve à s'appliquer, à titre subsidiaire, aux associations.

Jurisprudence
C'est ce qui résulte d'une décision de la première chambre civile en date du 3 mai 2006 (Bulletin Joly Sociétés
17/5/2006).
Une procédure en annulation de délibérations d'assemblées générales engagée après l'échec d'une médiation
témoigne d'un mauvais fonctionnement de l'association mettant en péril ses intérêts et justifiant la nomination
d'un administrateur provisoire.

B. La société et le GIE
C'est l'Ordonnance du 23 septembre 1967 qui a créé le GIE (articles L. 251-1 et s. C.com.).

Son but est de développer l'activité économique de ses membres, d'en améliorer ou d'en accroître les résultats
(Services de recherche, d'export, publicité commune...).

Le GIE est une structure qui ne souffre pas de la lourdeur de la société ni de la faiblesse de capacité juridique
de l'association. C'est un groupement de moyens. Elle permet de réaliser des bénéfices, même si cette
recherche ne constitue pas son objectif premier (Art. 10 Ord. article L. 251-12 C.com.).

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En effet, la règle interdisant au groupement d'intérêt économique de réaliser des bénéfices pour lui-même ne
s'oppose pas à ce qu'il en mette une partie en réserve pour les besoins de la réalisation de son objet (Cass.
com. 6 mai 2014 n° 13-11.427).

La société et le GIE se différencient davantage par leur utilité que par leur objet immédiat.

Contrairement à la société, le GIE a un objet restreint ; il doit nécessairement se rattacher à l'activité


économique de ses membres et revêtir un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci.

Un groupement d'intérêt économique est commercial dès lors que ses statuts l'autorisent à effectuer toutes
opérations commerciales se rattachant directement ou indirectement à la réalisation de son objet. On peut dès
lors en déduire que ce groupement effectue des actes de commerce et que son objet présente un caractère
commercial. (Cass. com., 15 juin 2010, JCP-E- n° n° 44, 4 Novembre 2010, 1966, Henri Hovasse).

En revanche, le GIE présente l'inconvénient d'une responsabilité indéfinie et solidaire de ses membres, comme
dans une SNC. Le GIE qui ne se conforme pas aux dispositions des articles L. 251-1 et s. C.com. (l'Ordonnance
de 1967), peut faire l'objet d'une requalification juridique, notamment en société créée de fait.

Remarque
Le GIE existe dans sa version européenne. C'est le GEIE depuis une loi du 13.6.89 élaborée pour appliquer
un règlement du Conseil des Ministres des Communautés Européennes en date du 25 juin 85 (articles L.
252-1 et s. C.com.).

C. La société et la fondation
Aux termes de l'art. 18 al. 1er de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat : « La
fondation est l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l'affectation
irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une œuvre d'intérêt général et à but non
lucratif » .

La fondation ne peut pas se confondre avec la société. Elle ne se préoccupe pas de rechercher des bénéfices
ou des économies. Elle se rapproche de l'association sans pour autant s'y assimiler. Alors que l'association
représente un groupement de personnes, la fondation naît d'une seule volonté, celle du fondateur qui donne
ou lègue des biens affectés à la réalisation d'un objectif déterminé par lui.Contrairement à l'association la
fondation n'a pas de membres, ni de cotisation, ni d'A.G. Son financement est assuré par l'apport au départ
d'une donation constitutive et sa gestion par un Conseil d'administration statutaire. Elle peut posséder des
immeubles (de rapport) et recevoir toutes sortes de libéralités qui ouvrent droit à réduction d'impôt égale à
50% dans la limite de 10% du revenu imposable.

D. La société et l'indivision
La société est un état voulu, un groupement organisé et stable. L'indivision est souvent un état subi, semi-
anarchique et précaire (temporaire), mais pas toujours. Les articles 815 à 815-18 c. civ. issus de la loi
du 31.12.76 ont réduit la portée de la distinction entre société et indivision tout en accroissant les difficultés
de différenciation entre elles.

Désormais, il est possible de constituer volontairement une indivision et de l'organiser en lui désignant
un gérant. Les biens indivis ressemblent aux apports et le partage des bénéfices est commun à l'indivision
et à la société, et organisé par l'art. 815-11 c. civ.. Mais, l'indivision se caractérise davantage par une gestion
résolument conservatoire. Seul, l'affectio societatis, élément psychologique, permet de cerner les situations
incertaines. L'indivision peut être requalifiée en société (participation active des indivisaires, affectation des
biens indivis à la réalisation d'une œuvre commune).Enfin, l'indivision n'a pas de personnalité morale
contrairement à la société immatriculée. Chaque coindivisaire a la qualité d'associé.

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E. La société et la fiducie
La fiducie a été consacrée par la loi du 11 février 2007, modifiée notamment par l'ordonnance du 30 janvier
2009 (articles 2011 et s. C. civ.).

La fiducie est « l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des
sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires
qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs
bénéficiaires ».

En d'autres termes et plus concrètement, le fiduciant, appelé constituant, transmet à titre fiduciaire tout ou
partie de ses biens à un fiduciaire, au profit d'un bénéficiaire ou du fiduciant lui-même. Il en résulte que le
patrimoine fiduciaire est un patrimoine d'affectation.

Le fiduciaire reçoit la propriété d'un bien à titre temporaire et à une fin déterminée. Traditionnellement on
distingue deux grandes variétés d'utilisation de la fiducie : la fiducie-sûreté (Exemple : la cession de créance
Dailly) et la fiducie-gestion (les fonds communs de placement).

La fiducie s'inscrit dans un cadre contractuel. Le transfert temporaire de propriété s'opère dans une relation à
trois personnes : le fiduciant, appelé constituant dans la proposition de loi française, transmet à titre fiduciaire
tout ou partie de ses biens à un fiduciaire, au profit d'un bénéficiaire ou du fiduciant lui-même. Cette relation
est donc contractuelle pour le fiduciant et le fiduciaire. En principe, le bénéficiaire n'est pas partie au contrat.

Le fiduciaire apparaît comme un mandataire un peu particulier. Les biens qui lui sont confiés temporairement
sortent du patrimoine du fiduciant, mais n'entrent pas totalement dans celui du fiduciaire, car il doit les
rétrocéder ou retransmettre ultérieurement. Les prérogatives du fiduciaire sont donc limitées soit par l'obligation
de gérer, soit par l'obligation de conserver le bien transmis. Ce transfert est ainsi doublé d'une activité de
service.

Le contrat de fiducie donne naissance à deux obligations : l'obligation de transférer la propriété du fiduciant
ou du constituant, et l'obligation pour le fiduciaire de rétrocéder la propriété après avoir effectué sa mission.
Il est à la fois un contrat opérant un transfert de propriété et un contrat de service.

Le contrat de fiducie est un contrat synallagmatique qui opère en premier lieu, un transfert temporaire de
propriété. Ce transfert a lieu en début d'opération et permet de constituer l'actif fiduciaire. En contrepartie, le
fiduciaire est chargé d'accomplir une certaine mission à l'issue de laquelle il doit restituer les biens transférés
ou les transmettre à un tiers.
A l'opération de transfert succède la phase d'exécution du contrat de fiducie. Cette phase peut se poursuivre
pendant des années suivant la volonté des parties. Les biens mis en fiducie sont administrés dans un intérêt
distinct de celui à qui ils sont transmis. Ils constituent une masse autonome. Dans les rapports externes,
le fiduciaire agit comme représentant indirect du fiduciant. Il noue des contacts avec les tiers, effectue des
placements etc. Le fiduciaire s'engage personnellement, les relations qu'il établit avec les tiers ne lient pas
le constituant, qui le plus souvent reste inconnu du cocontractant. L'ensemble de ces relations est en effet
déterminé par les droits respectifs des parties au contrat.

La fiducie apparaît comme une véritable concurrente de la société.

§ 2. La société et les contrats voisins


La distinction la plus délicate à effectuer paraît (se manifeste) lorsqu'il y a participation aux bénéfices, en
contrepartie de ce qui peut paraître comme un apport, soit en nature, soit en industrie. Dans le premier cas,
c'est la confusion avec le contrat de prêt, dans le deuxième cas, c'est la confusion avec le contrat de travail.

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Il ne faut pas s'étonner de voir que la distinction suscite parfois des disqualifications et des requalifications de
la part des juges du fond notamment en cas d'erreur ou de fraude, sous le contrôle de la Cour de Cassation,
notamment pour dénaturation ou absence de base légale : voir l'article 1156 c.civ. qui privilégie la commune
intention des parties et non le sens littéral des termes.

A. Le contrat de société et le contrat de prêt avec


participation aux bénéfices
Il existe deux critères décisifs de distinction :

1. Le premier
C'est l'absence de contribution aux pertes. Elle se traduit par une obligation de restitution ou par la
fourniture de sûretés.

Exemple
Il n'y a pas société créée de fait entre une banque et son client ou une SCI en l'absence de participation aux
pertes, même en présence de sûretés.

Ce critère est matériel, mais il n'est pas suffisant, car la société n'est pas exclusive d'un contrat de prêt. Seule
la présence d'un aléa permet de retenir la qualification de société.

2. Le deuxième
C'est l'absence de collaboration active ou d'immixtion du bailleur de fonds ou du prêteur dans la
gestion d'un fonds de commerce ou d'une affaire commune. Ici, c'est le recours à l'affectio societatis qui
constitue un excellent palliatif de l'insuffisance des éléments matériels.

Exemple
C'est le cas, par exemple, lorsqu'on est en présence de « prêts participatifs », créances de dernier rang,
remboursables après les créances chirographaires (L. 13.7.78, intérêt fixe pouvant être majoré par le jeu d'une
clause de participation aux bénéfices). C'est le cas également des « titres participatifs » dans les sociétés par
actions dans le secteur public (L. 3.1.93 : rémunération fixe et variable ; prêt remboursable à la liquidation
de la société emprunteuse).

B. Le contrat de société et le contrat de travail avec


participation aux bénéfices
Les mêmes critères que pour le prêt. Il faut y ajouter deux autres critères de distinction :

1. Le premier
C'est l'absence de lien de subordination et d'affectio societatis. Contrairement à l'associé, le salarié reçoit
des ordres et doit se conformer aux directives de sa hiérarchie ; il n'a pas l'intention de s'associer et donc de

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participer aux bénéfices et de contribuer aux pertes (il ne prend que le risque d'être licencié en cours de vie
sociale ou à la liquidation).

Exemple
Entreprise de maçonnerie entre un entrepreneur et son beau-frère embauché non seulement en qualité
d'ouvrier maçon mais en fonction d'autres compétences (chéquier, connaissances, salaires et libéralités...).

2. Le deuxième
Les dirigeants sociaux, à la différence des salariés, sont des organes légaux sociaux qui sont élus et
révoqués selon les règles institutionnelles et statutaire de la société.

Cependant, il est des cas où il est difficile de définir la frontière entre contrat de société et contrat de travail.
• La participation des salariés aux résultats de leur entreprise peut prendre la forme d'une attribution
d'actions (Loi du 31.12.70 sur les stocks options : options de souscription ou d'achats d'actions).
• La représentation des salariés dans le fonctionnement de leur entreprise peut prendre la forme d'un
contrôle de gestion (L. 28.10.82 et L. 1.3.84).
• Enfin, les rémunérations excessives des salariés, même non dirigeants, peuvent en principe être taxées
comme des bénéfices distribués à des associés.

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Section 2. Le classement des sociétés
Aucun classement unique ne semble s'imposer. Les critères de classification sont nombreux. En les regroupant
l'on aboutit à six catégories de distinctions ou de comparaisons.

§ 1. Les sociétés civiles et les sociétés


commerciales
Cette distinction constituait la summa divisio. C'est le critère de la nature et de l'objet des actes sociaux
qui joue ici. Ces sociétés ont un trait commun : la poursuite d'un but lucratif. Elles sont toutes soumises
aux art. 1832 à 1844-17 C. civ.

Les sociétés civiles Les sociétés commerciales


Elles sont régies parla loi du 24 juillet 1966,
aujourd'hui codifiée dans le code de commerce.
Elles accomplissent des actes de commerce
c'est-à-dire des actes d'intermédiaire. La plupart
sont dotées de la personnalité morale.
L'art. 210-1 C. Com. (art.1 de la loi 1966) a
réduit la portée du critère de l'objet en décidant
que : « Le caractère commercial d'une société
est déterminé par sa forme et par son objet. Sont
commerciales à raison de leur forme quel que
soit leur objet, les SNC, les SCS, les SARL et
Elles sont régies par les art. 1845 et s. du C. civ.
les sociétés par actions ».
Elles ne peuvent effectuer que des opérations
de caractère civil. Elles sont donc civiles par
Cet art. est générateur de conflits entre la forme
l'objet : les activités libérales (SCP, SCM),
et l'objet. A l'heure actuelle, le critère par l'objet
l'agriculture (GAEC, GAF) , la construction
civil ou commercial, concerne uniquement les
immobilière (soc. civ. de construction-vente,
sociétés en participation et les sociétés créées
soc. civ. d'attribution, soc. civ. de placement
de fait. En principe, une société à forme
immobilier SCPI et sociétés de gestion du
civile mais à objet commercial peut être
patrimoine : SCI, soc. civ. de portefeuille) ,
retenue pour commerciale, mais en pareil cas
l'activité d'enseignement... Les associés de
elle ne pourra conserver pour longtemps sa
sociétés civiles sont personnellement et
forme civile.Néanmoins, jamais une société à
indéfiniment responsables des dettes sociales,
objet civil ne pourra être considérée comme
proportionnellement à leurs apports.
civile si elle emprunte la forme d'une société
commerciale. Il en va ainsi des sociétés
d'exercice libéral (SEL : SELARL, SELARLU,
SELAFA, SELCA, SELAS, SELASU) créées par
la loi du 31.12.90, modifiée par la loi du 23 juin
99 et par la loi NRE du 15.05.01.
Il en va de même des SPFL (sociétés
de participations financières de professions
libérales) prévues par la loi MURCEF du 11
décembre 2001 et rendues effectives par cinq
décrets du 23 août 2004.

Il convient de citer d'autres points de rapprochement :


• La nécessité d'immatriculation au RCS,

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• Le sort des actes accomplis pendant la période constitutive,
• L'absence de dissolution automatique en cas de réunion de toutes les parts en une seule main,
• L'étendue des pouvoirs des gérants,
• La continuation de la société avec les héritiers,
• La responsabilité proportionnelle (non personnelle) mais indéfinie (non solidaire) des associés,
• L'unification du régime des nullités, etc...
En définitive, les sociétés civiles sont désormais très proches des sociétés commerciales, notamment des SNC.

§ 2. Les sociétés de personnes et les sociétés


de capitaux
Ce sont les critères de l'étendue des risques et des responsabilités ainsi que le nombre des associés et
l'importance du capital qui jouent ici. En réalité, il existe deux catégories fondamentales de sociétés dites de
personnes et de capitaux, ainsi qu'une catégorie hybride ou mixte, la SARL qui pourrait être rejointe par la SAS.

Les sociétés de personnes ou par intérêts sont dominées par l'intuitu personae et par l'aspect contractuel.
Elles sont composées d'associés qui se connaissent et se font confiance. C'est pourquoi, les parts sociales
ou d'intérêt ne sont cessibles qu'avec le consentement de tous les autres associés, et le décès ou l'incapacité
de l'un d'eux met en principe fin à la société, sauf clause statutaire contraire. De même, les associés sont
indéfiniment et, s'ils sont commerçants, solidairement tenus des dettes sociales. On les qualifie de sociétés
fermées.

Exemple
La SNC, la SCS, les sociétés civiles, les sociétés en participation, les sociétés créées de fait. Tout le monde
participe à l'exercice du pouvoir sauf stipulation contraire.

L'associé ayant acquis d'un tiers une créance sur la société, l'action en paiement que le tiers pouvait exercer
contre les associés, tenus indéfiniment des dettes sociales, a été transmise à cet associé. Son action contre
un coassocié a donc été accueillie (CA Paris 19 novembre 2013 n° 11/21510, ch. 5-8).

La loi Macron du 06 août 2015 a créé la société de libre partenariat (SLP). C’est une nouvelle catégorie
de fonds professionnel spécialisé. Ce nouveau véhicule d’investissement prend la forme d’une société en
commandite simple. Les parts des commanditaires sont réservées aux investisseurs éligibles mentionnés à
l’article 423-27-1 du règlement général de l’AMF.
La SLP a pour objectif d’attirer de grands investisseurs français et étrangers et de permettre une flexibilité
de gestion, à l’image des limited partnerships, tout en apportant une sécurité juridique aux gestionnaires et
aux investisseurs.
Comme pour un fonds d’investissement professionnel spécialisé ou une société d’investissement
professionnelle spécialisée, la SLP ne fait pas l’objet d’un agrément, mais elle doit être déclarée auprès de
l’AMF au plus tard un mois après sa constitution.
L’accès à la qualité de commandité est libre sous réserve de limites formulées par les statuts. Il n’en va pas de
même de l’accès à la qualité de commanditaire. La loi a limitativement énuméré trois catégories de personnes
qui peuvent être commanditaires d’une SLP : investisseurs professionnels, personnes physiques ou morales
en relation avec la société, investisseurs dont la souscription initiale est d’au moins 100 000 euros. La société
peut être à capital fixe ou à capital variable. Pour le reste, le régime des apports est surtout caractérisé par
un système efficace de sanctions en cas de non-libération dans les délais des apports en numéraire. Mais
surtout, un droit à la confidentialité est reconnu aux investisseurs car il n’y a pas de transparence nécessaire
quant au montant des apports des associés et à la qualité des associés.
Le gouvernement de la SLP présente plusieurs caractéristiques intéressantes. Un ou plusieurs gérants choisis
ou non parmi les associés seront désignés dans les conditions prévues par les statuts. Il leur appartiendra
de gérer les investissements réalisés par la SLP. Cette fonction peut toutefois être dévolue à une société
de gestion qui ne deviendra pas pour autant gérante. La gérance peut être confiée à un commanditaire
contrairement aux règles de base des sociétés en commandite, sans que celui-ci ne risque de devoir assumer
indéfiniment et solidairement le passif social: la loi fixe une liste d’actes qui ne pourront lui être reprochés.

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S’agissant des décisions collectives, « les décisions sont prises dans les conditions fixées par les statuts », ce
qui laisse une très grande liberté aux associés, liberté toutefois limitée s’agissant de quelques décisions très
sensibles. La liberté statutaire permet d’accorder des droits de vote multiples ; il est donc possible de prévoir
des droits de vote différenciés selon la catégorie de parts et organiser ainsi librement la gouvernance et les
interactions entre commanditaires de catégories différentes.

Les sociétés de capitaux ou par actions sont dominées par les capitaux apportés en dehors de toute
considération de la personne sauf dans les SA de famille ou de groupe et plus récemment dans les SAS.
Les actionnaires ne se connaissent pas et l'exercice du pouvoir est fortement organisé et hiérarchisé. Chaque
associé n'est tenu du passif que dans la limite de son apport et les titres qu'il reçoit en contrepartie sont
librement négociables et cessibles sauf clauses statutaires d'agrément et/ou de préemption. C'est la forme
sociale réservée en principe aux affaires de grande dimension et où la mort ou l'incapacité d'un actionnaire
n'entraîne pas la dissolution de la société.

L'exemple type c'est la société anonyme. Quant à la société en commandite par actions (art.226-1 et
s.C.Com.), elle constitue un type particulier de sociétés par actions : c'est une société de personnes pour
les associés commandités, comme dans une SNC (intuitu personae, commerçant, responsabilité indéfinie et
solidaire...). C'est une société de capitaux pour les associés commanditaires qui sont des actionnaires comme
dans les SA. Il faut au moins 1 commandité et 3 commanditaires.

S'agissant de la société par actions simplifiée (art.227-1 et s.C.Com.), elle échappe au formalisme pesant
sur la SA, (n'incarne pas celle-ci) mais c'est une société de capitaux se situant tout de même aux côtés de la
SA et de la SCA. La SAS est d'avantage dominée par une très grande liberté contractuelle et par une forte dose
d'intuitu personae. Elle est destinée aux petites, moyennes et grandes entreprises, mais aussi à promouvoir
la coopération interentreprise : filiales communes, une structure d'accueil pour joint ventures (les aventures
communes, conjointes) : c'est une menace sérieuse pour les SA ! !

Depuis la loi LME, elle n'est plus tenue d'avoir un capital minimum de 37000€ et les associés peuvent y faire
des apports en industrie => Menace pour la SARL !

Qui plus est, ne sont tenues de désigner au moins un commissaire aux comptes que les SAS qui dépassent, à
la clôture d'un exercice social, deux des seuils suivants, fixés par décret en Conseil d'État : le total de leur bilan,
le montant de leur chiffre d'affaires hors taxe ou le nombre moyen de leurs salariés au cours de l'exercice.
A défaut, l'obligation de nommer un commissaire aux comptes est supprimée mais la désignation reste une
simple faculté.

Enfin, en ce qui concerne la SARL, importée d'Allemagne en 1925, elle représente un type de société hybride,
mixte. Elle est une société de personnes en raison du fort intuitu personae qui préside à sa création et à
son fonctionnement notamment la cessibilité des parts sociales soumise à une double majorité par tête et en
nombre de parts : concrètement, c'est la majorité des associés représentant la moitié des parts sociales qui est
exigée (Art.223-14 C. com). Elle est relativement fermée aux tiers étrangers et peut être fermée statutairement
à la famille et aux autres associés. Mais, le décès ou l'incapacité de l'un de ses membres ne provoque pas sa
dissolution (ordonnance du 25 mars 2004). La SARL ressemble en revanche à une petite société de capitaux
parce que les associés ne sont responsables que dans la limite de leurs apports ; elle exerce le commerce
sous une dénomination sociale et ses différents organes s'apparentent davantage à ceux des sociétés par
actions que des sociétés de personnes.

Remarque
N.B. L'ordonnance du 31 juillet 2014 a abrogé l'article L. 223-5 du code de commerce posant le principe
d'interdiction des chaînes de SARL composées d'une seule personne (Ordonnance du 31 juillet 2014 relative
au droit des sociétés prise en application de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014). Ainsi, une EURL peut avoir
pour associé unique une autre EURL.

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Il n'en demeure pas moins que, de manière générale, la distinction entre sociétés de capitaux et sociétés de
personnes, tend à s'estomper sur le terrain juridique par certaines stipulations statutaires.

L'ordonnance en date du 10 septembre 2015, prise en application de l'article 23 de la loi du 20 décembre


2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, accentue ce rapprochement. Elle diminue le nombre
minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes (SA) non cotées et adapte en conséquence les règles
d'administration, de fonctionnement et de contrôle de ces sociétés, sans remettre en cause les compétences
et les règles de composition, d'organisation et de fonctionnement de leurs organes.

En revanche, l'opposition conserve toute sa vigueur en matière fiscale, comme nous avons pu le
vérifier : c'est le régime de l'IS pour les sociétés de capitaux (SA + SARL, à l'exclusion de la SARL de
famille). C'est le régime de l'IR pour les sociétés de personnes, et SARL de famille. Mais il existe des régimes
intermédiaires d'option pour l'IS pour les sociétés de personnes : SNC, SCS, sociétés civiles, EURL créées
par une personne physique, sociétés en participation et sociétés créées de fait.

Il en va de même sur le terrain fiscal dans une certaine mesure. En effet, c'est le régime de l'IS pour les sociétés
de capitaux. C'est le régime de l'IR pour les sociétés de personnes. Cependant, la LME offre aux SA, SARL
et SAS la possibilité d'opter pour l'imposition de leurs bénéfices à l'impôt sur le revenu (IR) sous certaines
conditions. Cette faculté est valable 5 ans sauf renonciation anticipée à cette faculté. En cas de sortie anticipée
de l'IR, l'option ne sera plus possible ultérieurement.

De même, il existe des régimes intermédiaires d'option pour l'IS pour les sociétés de personnes : SNC, SCS,
sociétés civiles, EURL créées par une personne physique, sociétés en participation et sociétés créées de fait.

Dans les SCA : c'est le régime de l'IR qui s'applique à la part de bénéfice revenant aux commandités et c'est
le régime de l'IS qui s'applique à la part de bénéfice revenant aux commanditaires.

§ 3. Les sociétés offrant ou non au public de


titres financiers
L'ordonnance du 22 janvier 2009 a supprimé la notion d'appel public à l'épargne pour la remplacer par l'offre
au public de titres financiers. C'est le critère de l'ouverture ou de la fermeture du capital social.

Les sociétés qui peuvent avoir recours à l'offre au public de titres financiers sont :
• Les sociétés civiles de placement immobilier (L. 31.12.1970).
• Les sociétés par actions, notamment les SA et les SCA ayant un capital minimum de 37000€ (abandon
du critère antérieur de 225 000 €).

Ces sociétés sont soumises à un formalisme de constitution lourd ; elles sont tenues à des mesures de
publicité très complètes destinées à informer les actionnaires et à protéger les épargnants.Elles sont
soumises également au contrôle strict de l'Autorité du Marché Financier (AMF) notamment lorsque leurs
titres sont cotés en bourse. Ce mode de constitution et de fonctionnement est réservé aux sociétés de grandes
dimensions qui pèsent économiquement très lourd, et drainent une épargne considérable en offrant des
produits financiers de plus en plus sophistiqués.
M. Alain Viandier observe que tout est fait dans la loi, la pratique et la doctrine pour marquer la rupture entre
deux droits des sociétés, le critère passant par l'appel public à l'épargne, " Le Droit des sociétés, demain "
JCP-E-6 janvier 2000 p. 3.

§ 4. Les sociétés avec ou sans personnalité


morale
On applique ici le critère de l'existence ou de l'absence de la personnalité morale.

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Le principe est que dès lors qu'elles sont immatriculées au RCS, les sociétés sont dotées de la personnalité
morale.

Les sociétés en participation et les sociétés créées de fait constituent les exceptions à ce principe. Elles sont
sans PM en raison du fait qu'elles ne sont pas immatriculées.

La société en participation (SEP), Art. 1871 et s. C. civ. . C'est la société que les associés ont décidé de
ne pas immatriculer et de ne pas soumettre à publicité. Elle est occulte si les associés ne la révèlent pas aux
tiers, ou ostensible dans le cas contraire : Absence volontaire de PM.

Exemple
Eurotunnel : la construction et l'exploitation ont été concédées à 2 sociétés, une française (France-Manche
SA) et une anglaise (The Channel Tunnel Group limited) qui se sont réunies dans une société en participation.

Elle se définit comme un contrat de société, où les parties disposent d'une grande liberté dans l'organisation
de leurs rapports.
A défaut, ce sont les règles applicables aux sociétés civiles ou à la SNC commerciale qui auront vocation à
régir la société.
Les associés ne peuvent faire d'apport qu'en jouissance et en ce cas le bien apporté reste la propriété de
l'associé apporteur ou bien il le sera à chacun des associés, par convention, et c'est l'indivision. Les biens
acquis grâce à l'activité sont indivis nécessairement.
Chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers à condition que la
société ne soit pas révélée à ces derniers. Il en est autrement si les associés agissent en tant que tels au su et
au vu des tiers, ou encore si un associé s'immisce dans un contrat passé avec un tiers par un autre associé,
ou profite de ce contrat. En ce cas, les associés sont solidairement responsables si la société est commerciale
(comme s'il y avait une SNC) et ne sont tenus que proportionnellement à leurs apports si la société est civile.

Remarque
Le gérant d'une société en participation, dépourvue de personnalité morale, est, en sa qualité de mandataire
des associés, responsable des fautes commises à leur égard dans sa gestion( Note sous Cour de cassation
(com.) 6 mai 2008, M. Suplice, Société André Laboulet, Sociétés Deleplanque et compagnie c/ MM. Crozat,
Gayraud, Picard, Didier Poracchia, Revue des sociétés 2008 p. 618)

Étant dépourvue de personnalité juridique, une société en participation ne peut ester en justice et le président
de son comité de direction, bien qu'étant gérant de droit de cette société, n'a pas qualité pour ester en
justice. Toutefois, le gérant, agissant en sa qualité d'associé de la société en participation, est recevable à
agir pour obtenir, sur le fondement des dispositions de l'article 873 du Code de procédure civile, une mesure
conservatoire ou l'exécution d'une obligation indispensable à la vie de la société. Cependant, une décision
récente du Conseil d'Etat considère qu'une société en participation peut contester en justice un impôt dont elle
est redevable. En effet, l'action en contestation d'impôt formée par une société en participation est recevable
dès lors que la société est redevable de l'impôt en cause. Il en est ainsi même après sa dissolution (CE 28
mars 2014 n° 339119, 10e et 9e s.-s).

Par application des dispositions de l'article 1872-1 du Code civil, chaque associé d'une société en participation
contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers, ceci bien que les statuts de la société
obligent les associés à faire apport en jouissance à la société des marchés qu'ils ont conclus avec des tiers.

Dans ces conditions, faute de stipulation statutaire en ce sens, la demande du gérant tendant à condamner l'un
des associés à justifier personnellement d'avoir satisfait à ses obligations fiscales à l'occasion d'une soumission
ème
à un appel d'offres se heurte à une contestation sérieuse (CA Versailles, 14 ch., 22 sept. 2010, G. M. c/ de
S ; JCP-E n° 44, 4 Novembre 2010, 1969).

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Cautionner une société en participation n'est pas cautionner un participant. La caution s'étant engagée à l'égard
de la banque créancière pour garantir les dettes de la société en participation, l'arrêt retient exactement que
ce cautionnement ne peut fonder la condamnation de la caution à garantir la dette d'une personne autre que
le débiteur désigné dans l'acte de cautionnement, qui est dépourvu de personnalité morale (Cass. com., 6 juill.
2010, Sté Banque populaire du sud c/ Mme D. ; JCP-E n° 42, 21 Octobre 2010, 1916).

La société créée de fait se rencontre lorsque des personnes qui, sans avoir passé un contrat de société, ont
en fait adopté entre elles et à l'égard des tiers, un véritable comportement d'associés.

Exemple
• La concubine qui participe à l'entreprise de son concubin non seulement en mettant en commun des
biens inhérents à la vie maritale, mais en adoptant un comportement qui révèle l'intention de s'associer
avec son concubin (C. cass. 1ère Ch. Civ. 12.06.2004, D. 11.11.2004, n° 40, jp, som. com. p. 2928,
Eddy Lamazerolles).
• L'époux qui s'est immiscé dans les affaires de son conjoint,
• L'intention de s'associer en vue d'une entreprise commune ne peut se déduire de la participation
financière à la réalisation d'un projet immobilier et est distincte de la mise en commun d'intérêts inhérents
au concubinage (Cass. com., 3 avr. 2012; Droit des sociétés n° 7, Juillet 2012, comm. 117: Ne pas
confondre concubinage et société; Renaud Mortier
• L'époux qui s'est immiscé dans les affaires de son conjoint,
• La société qui s'est constituée, a fonctionné mais n'a pas été immatriculée.

Jurisprudence
Il résulte d'un arrêt de la Chambre commerciale du 23 juin 200 4(Biblio. : D. 8 juillet 2004, n° 27, jp, p. 1976)
que « l'existence d'une société créée de fait entre concubins exige la réunion des éléments caractérisant tout
contrat de société ».

Elle nécessite l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation
d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes
éventuelles pouvant en résulter. Ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se
déduire les uns des autres.
Les juges du fond doivent établir l'existence d'un affectio societatis à partir d'éléments autres que ceux
établissant " une mise en commun d'intérêts " ou de biens inhérents à la vie maritale.

Une cour d'appel retient exactement qu'une société créée de fait n'est pas une personne morale et que, si ses
membres ont agi en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux-ci des
obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres.

De l'établissement par cette société de différentes pièces remises à une salariée, la cour d'appel conclut
exactement que ses membres ont laissé prospérer l'apparence d'une société entre eux et décide à bon droit
ème
que le jugement rendu contre la société créée de fait peut être exécuté à leur encontre (cassation (2 civ.)
22 mai 2008, M. Lapierre et Mme Pariente c/ Mme E. Viale, Jean-François Barbièri, Revue des sociétés 2008
p. 630).

Cependant, une société en formation peut dégénérer en société créée de fait. Il ressort de l'arrêt Cass. com.,
26 mai 2009 déféré que la SNC en cours de formation, représentée par son gérant a contracté, le 1er octobre
1992, auprès de la banque un emprunt de 200 000 francs destiné à financer l'acquisition de 200 parts de la
société Croisière des alizés ; les deux associés fondateurs de la SNC se sont portés cautions de celle-ci à
hauteur de 200 000 francs chacun ; le prêt a été débloqué le 30 décembre 1993 par virement direct sur un
compte bancaire ouvert au nom de la société Croisière des alizés ; les formalités d'immatriculation de la SNC
n'ont pas été effectuées ; la banque a assigné l'un des fondateurs en remboursement du prêt.

C'est en vain que ce dernier fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la banque une certaine somme.
En effet, l'arrêt retient que la société, en cours de formation, avait pour objet social l'acquisition des parts de

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la société Croisière des alizés et que l'emprunt contracté par le gérant, au nom de la société, a servi à cette
acquisition ; il retient encore que la personne actionnée en paiement s'était présenté comme l'un des associés
de la société dans un courrier adressé à un tiers et avait participé à l'acte de prêt en s'engageant en qualité de
caution avec le gérant envers la banque. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire
qu'en l'absence d'immatriculation au registre du commerce une société créée de fait s'était substituée à la
société en formation et que l'activité développée par les associés avait dépassé l'accomplissement des simples
actes nécessaires à sa constitution (Cass. com., 26 mai 2009, n° 08-13.891, F D, L. c/ Caisse régionale de
crédit maritime mutuel du Morbihan et de Loire Atlantique : JurisData n° 2009-048376 ; JCP-E n° 9, 4 Mars
2010, 1235, Dégénérescence d'une société en formation en société créée de fait, Raphaëlle Besnard Goudet).

Elle est soumise aux dispositions relatives à la société en participation. Elle se distingue de la société
de fait qui est la situation dans laquelle une société, voulue par les participants, mais entachée d'un vice de
constitution a cependant fonctionné avant son annulation. Cette distinction n'affecte aucunement les conditions
d'existence (apport, partage des bénéfices ou des économies et des pertes, affectio societatis et, le cas échéant
dans les rapports avec les tiers, l'apparence ou de liquidation de ces deux types de sociétés ni leur régime
fiscal qui est le même que pour les sociétés civiles. D'ailleurs, certains auteurs ne font pas cette distinction
(Biblio. : X-F.LUCAS: La société dite "créée de fait", Mélanges Y. Guyon, Dalloz 2003, p. 736 et s.).

Une société de fait est ostensible si ses membres agissent en tant qu'associés à l'égard des tiers Un associé
d'une société de fait n'est pas tenu des obligations nées d'une convention conclue entre un tiers et l'un de ses
coassociés s'il a seulement révélé l'existence de la société.

Pour la Cour de cassation, une société de fait peut être reconnue comme employeur pour le contrôle des
cotisations sociales. Par conséquent, l'Urssaf peut valablement adresser à une société de fait un avis préalable
au contrôle qu'elle va opérer lorsque la société a des numéros Siret et Siren et un numéro de compte auprès
de l’Urssaf (Cass. 2ème civ. 11 février 2016 n° 15-10.487).

§ 5. Les sociétés de droit privé et les sociétés


de droit public
C'est le critère du secteur public et du secteur privé qui joue ici.

L'intervention de l'Etat dans l'économie est une caractéristique traditionnelle en France depuis Colbert (mise
en place des manufactures : de Sèvres, des Gobelins...). D'où la notion d'entreprise publique qui va permettre
l'élargissement et la diversification de la notion de service public. On est passé de la conception liée à
l'exercice de la puissance publique à une conception liée à la satisfaction de l'intérêt général. Ce
passage a permis l'apparition de la notion de service public industriel et commercial après la première guerre
mondiale, et surtout il est à l'origine des deux vagues de nationalisations de 1946 (sous l'impulsion du Conseil
National de la Résistance ) et de 1982 (au lendemain de l'élection de François Mitterrand à la présidence de
la République).

• En 1988, la réélection de François Mitterrand a stoppé le mouvement. Néanmoins, en 1991 (sous M.


Rocard), malgré la politique du « ni ni » (ni privatisation, ni nationalisation : lettre de François Mitterand
aux français), un décret du 4 avril (1991) a autorisé des prises de participation minoritaires du secteur
privé dans le capital d’entreprises publiques.

• Au lendemain des élections législatives de 1993 et l'arrivée à nouveau de la droite au pouvoir (M. Edouard
Balladur Premier Ministre de la deuxième cohabitation), une nouvelle loi de privatisation est intervenue
le 19.7.1993 ; elle a apporté quelques aménagements aux modalités financières précédentes avec un
échelonnement des paiements. Ce mouvement s'est poursuivi sous les deux mandats présidentiels de M.
Jacques Chirac depuis 1995 : d'abord, sous le gouvernement de M.Alain Juppé de 1995 à 1997, puis sous
le gouvernement de M.Lionel Jospin de 1997 jusqu'à 2002. En 1997, France-Télécom a été privatisée.
En 1998, Air France partiellement. En 1999, le Crédit Lyonnais, Thomson en 2000, sous la gauche
plurielle, M.Lionel Jospin ayant été Premier Ministre de la troisième cohabitation). Et enfin, le mouvement
de privatisation s'était poursuivi sous le gouvernement de M.Dominique de Villepin, après celui de M.

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Jean-Pierre Raffarin de 2002 à 2005. Depuis 2007, le président Nicolas Sarkozy et le gouvernement de
M. François Fillon semblent vouloir accélérer le mouvement. Cependant, la question se pose de savoir
si la crise des Subprimes et plus généralement la crise financière américaines, sans précédent, qui ont
secoué sérieusement le système bancaire, ne sont pas de nature à contrarier la politique économique
entreprise par l'équipe actuelle au pouvoir? Affaire à suivre.
Même avec cette politique de privatisation, il subsiste un certain nombre d'entreprises publiques sous
formes de sociétés.

En conclusion, il reste deux manifestations principales du droit des sociétés du secteur public :
1 - Les Sociétés Nationales où l'Etat détient tout le capital et où il est représenté au sein du CA avec les
salariés et des personnalités compétentes. Les principales activités industrielles publiques sont aujourd'hui les
explosifs avec la SNPE et le nucléaire avec le CEA. Il reste très présent dans les activités de réseau : chemin
de fer, poste, électricité, gaz, télécommunications.

2 - Les sociétés où l'Etat détient une participation majoritaire ou minoritaire. Elles sont soumises au code du
commerce et à la loi du 26.7.83 sur la démocratisation. Il en va de même de leurs filiales (représentation des
salariés, contrôle de la Cour des comptes, cession des actions interdite à des particuliers). Il s’agit le plus
souvent de sociétés d’économie mixte.

A titre d’exemple, l’État français détient les participations suivantes :


• Entreprises cotées (valeur totale d'environ 200 milliards d'euros en mai 2007)²:
• Areva : 93,15 % au 31 décembre 2007 : 5,19 % détenus par l'État + 78,96 % via le CEA + 3,59 %
via la CDC + 3,21 % via l'ERAP (EPIC) + 2,2 % via EDF.
• EDF : 100 % en 2000, 87,32 % en 2007, 84,8 % en décembre 2007.
• Aéroports de Paris : 70 % en 2006, 68,39 % en 2007, 52,13% début 2009.
• France Télécom : 60 % en 2000, 18,8 % en 2006, 32,45 % en 2007.
• Thales : 33,4 % en 2002, 31,3 % en 2006, 27,30 % en 2007 (et Thales détient 25 % de DCNS).
• groupe Air France-KLM : 18,57 % en 2007 (Air France : 57 % en 2000).
• EADS : 15,04 % en 2007.
• Renault : 44 % en 2000, 15,01 % en 2007.
• Entreprises non cotées :
• La Banque postale : 100 % en 2006 (via La Poste).
• Nexter (anciennement GIAT Industrie) : 100 % en 2006.
• Charbonnages de France : 100 % en 2006, établissement dissout le 1er janvier 2008.
• EMC : 100 % en 2006.
• DCNS (de la Direction des constructions navales de la DGA) : 75% en 2007 (les 25 % restants
étant détenus par Thales).
• La Française des jeux : 72 % en 2007.
• Autres entreprises publiques (pas des sociétés anonymes comme les précédentes mais, en général, des
EPIC ; publiques à 100%, directement ou non) :
• Caisse des dépôts et consignations (statut particulier ; possède de nombreuses entreprises ou
participations : CNP Assurances (36,49%), Groupe Caisse d'épargne, Transdev, Compagnie des
Alpes, CNR (29,43%), TDF (24%)...).
• Média : France Télévisions, France 24 (50%), Arte France, TV5, Radio France, RFI.
• etc.
Ces participations sont gérées par l’Agence des participations de l'État (APE), satellite de la Direction générale
du Trésor et de la Politique économique (DGTPE).

Les sociétés par actions simplifiées et la loi de démocratisation du secteur public : mariage imposé ou
impossible ? Laurent Ayache et Jean-Paul Markus, JCP-E-n° 15, 15 Avril 2010, 1364.

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Le tribunal d'instance de Paris a donné raison aux salariés d'une société par actions simplifiée qui entendaient
participer, en vertu de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, à l'élection du
conseil d'administration de leur entreprise-mère Aéroports de Paris. Pourtant, cette loi ne mentionne que les
sociétés anonymes, à l'exclusion des sociétés par actions simplifiées apparues plus tard dans le corpus légal.
Si ce jugement paraît conforme à l'esprit de la loi de démocratisation du secteur public, il ne va pas sans
soulever de nombreuses difficultés d'ordre à la fois juridique et pratique (TI Paris, 7 mai 2009, Aéroports de
Paris).

§ 6. Les sociétés de droit commun et les


sociétés à statut spécial
C'est le critère de la vocation, de l'activité, de l'objet social qui joue ici.
• Certaines sociétés ont une vocation générale et sont régies par le Code du commerce et par les articles
du C. civ. sur les sociétés. Ce sont des sociétés de droit commun à vocation civile ou commerciale,
bénéficiant ou non de la personnalité morale. Ce sont des sociétés - types : SNC, SCS, SARL, SA, SCA,
SAS, Société en participation et société créée de fait.
• D'autres sociétés, de plus en plus nombreuses, sont créées pour répondre à des besoins spécifiques,
à partir des sociétés - types dont les formes ne sont pas apparues satisfaisantes. Nous en avons cité
quelques-unes. Il s'agit de sociétés particulières soit par leur statut juridique (1) soit par leur objet (2) :
les SEL, les GAEC, les SDR, les sociétés civiles.

Remarque
N.B. Le décret fixant les conditions de constitution et de contrôle des sociétés de participations financières
de profession libérale pluriprofessionnelles est paru. Notamment, une déclaration de constitution doit être
adressée aux autorités compétentes (Décret 2014-354 du 19 mars 2014 : JO du 21 mars p. 5618).

Les professionnels du droit et du chiffre vont pouvoir se grouper au sein de sociétés pluri-professionnelles
pour proposer à leurs clients une gamme de prestations plus complète. Les décrets précisant le régime de
ces sociétés sont attendus au plus tard le 1er juillet 2017 (Ordonnance 2016-394 du 31 mars 2016 : JO du
1er avril texte n° 51).

Voilà pour le classement ; d'autres critères sont envisageables et retenus :


• Sociétés à risques illimités ou limités,
• Sociétés de famille ou non,
• Sociétés unipersonnelles ou pluripersonnelles,
• Sociétés nationales ou européennes,
• Sociétés cotées ou non cotées.

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