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Inflammation & système nerveux central 2OO9

PLAN

I. INTRODUCTION.

II. RAPPELS ANATOMO-HISTO-PHYSIOLOGIQUES :

II.1. ANATOMIE DU SNC.

II.2. HISTOLOGIE ET PHYSIOLOGIE DU SNC.

II.3. LA BARRIERE HEMATO-ENCEPHALIQUE.

III. STATUT IMMUNITAIRE PRIVILÉGIÉ DU SNC :


III.1. NAISSANCE DU CONCEPT DU PRIVILEGE IMMUNITAIRE.

III.2. EVOLUTION DU CONCEPT DU PRIVILEGE IMMUNITAIRE.

III.3 STATUT IMMUNITAIRE PRIVILEGIE DU SNC.

IV. NEUROINFLAMMATION :
IV.1. DEFINITION.

IV.2. CAUSES DE LA NEUROINFLAMMATION.

V. EXEMPLES DE PATHOLOGIES INFLAMMATOIRES DU SNC :

V.1. LA SCLEROSE EN PLAQUES.

V.2. LA MALADIE D’ALZHEIMER.

VI. CONCLUSION.

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I. INTRODUCTION :

Le système nerveux central (SNC) constitue un milieu réfractaire au développement de


réponses immunes et des réactions inflammatoires ce qui lui vaut « le statut immunitaire
privilégié », cependant, malgré ce privilège, de nombreuses pathologies touchant le SNC
sont accompagnées d’une réaction inflammatoire. Cette réaction inflammatoire appelée
encore « neuroinflammation » regroupe un ensemble de mécanismes impliquant des
médiateurs solubles et des cellules, appartenant à l’immunité innée ou à l’immunité
spécifique et entraînant des lésions tissulaires du parenchyme nerveux.

II. RAPPELS ANATOMO-HISTO-PHYSIOLOGIQUES 


II. 1. ANATOMIE DU SNC :

Le SNC est constitué de l’encéphale et de la moelle épinière. L’encéphale, constitué par le


cerveau, le tronc cérébral et le cervelet  est contenu à l’intérieur de la boite crânienne. La
moelle épinière est située dans le canal rachidien de la colonne vertébrale. Tous les deux
sont enveloppés par les méninges (la dure-mère, l’arachnoïde et la pie-mère) qui délimitent
un espace rempli du liquide cérébro-rachidien (LCR) (Figure 1).

II.2. HISTOPATHOLOGIE DU SNC :

Le tissu nerveux est composé de deux types de cellules : les neurones (10%) et les cellules
gliales ou gliocytes (90%) (Figure 1).

a. Les neurones : il existe de nombreux types de neurones dont la structure diffère selon le
rôle qu'ils jouent dans le système nerveux ; un neurone sensoriel n'a pas la même
conformation qu'un neurone moteur ou qu'un interneurone de la moelle épinière ou de
l'écorce cérébrale. Quelle que soit sa fonction, le neurone se compose toujours de trois
parties essentielles, le corps cellulaire ou soma, les dendrites et l’axone.

b. Les cellules gliales : Les cellules gliales doivent leur non du mot grec GLOIOS qui veut dire
colle. Elles constituent le tissu de soutien des neurones et interviennent dans
développement et fonctionnement du tissu nerveux. Trois types de gliocytes existent au
niveau du SNC : les astrocytes, les microglies et les oligodendrocytes. Les astrocytes et
les oligodendrocytes proviennent d’un progéniteur commun à celui des neurones appelé
« Neural progenitor cells » tandis que Les microgiles ont une origine hématopoïétique,
elles dérivent des précurseurs hématopoïétiques mésodermaux qui ont infiltré le SNC au
cours des premiers stades de son développement. Les caractéristiques morphologiques
et fonctionnelles des différentes cellules gliales sont résumées dans le tableau 1.

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Figure 1 : Anatomie, histologie du SNC.

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Cellules gliales Morphologie Fonctions

Morphologie étoilée  Rô le de support physique et métabolique


des neurones ;

Les plus abondants,  Rô le important dans la mise en place et le


occupent à eux seuls maintien de la barrière
50% du volume du hématoencéphalique ;
cerveau.
Astrocytes
 Fonctions immunitaires « cellule de
l’immunité innée » : expriment
constitutivement des récepteurs
impliqués dans l’immunité innée (TLR,
CD14, les récepteurs scavenger,
récepteurs des fractions du complément
…). Lors d’une réaction inflammatoire les
astrocytes secrètent des médiateurs
solubles tels que le CXCL10, le CCL2, l’IL-
6 et le NO.

Morphologie  Macrophages résidents du SNC. A l’état


dendritique physiologique : les microglies sont en état
au repos, amiboïde de repos. Lors d’une réaction
après activation. inflammatoire, ils augmentent
Microglies l’expression des récepteurs de l’immunité
innée (PRR, C’-R, Fc-R)et acquièrent la
Représentent environ plupart des fonctions effectrices des
10 % des cellules macrophages ;
gliales.
 Sont capables de présenter l’Ag.

 Constituent la première ligne de défense


lors d’une agression tissulaire du SNC.

 Leur rô le principal est l'élaboration de la


myéline qui entoure les axones.

Oligodendrocyte  Dans les nerfs périphériques, les cellules


s de Schwann sont analogues aux
oligodendrocytes.

Tableau 1 : Caractéristiques morphologiques et fonctionnelles des cellules gliales.

II.3. LA BARRIERE HEMATOENCEPHALIQUE :

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Du fait de son rôle fondamental, le tissu nerveux est particulièrement bien protégé des
agressions externes, par la boîte crânienne et les méninges. Il est aussi mis à l’abri des
agressions internes (substances toxiques, infections) par une structure particulière appelée
barrière hématoencéphalique (BEH).

La BHE est formée par la paroi vasculaire des capillaires cérébraux. Cette paroi est faite de
cellules endothéliales unies par des jonctions serrées. A cette paroi vasculaire s’ajoute la
lame basale de l’endothélium, les péricytes d’origine hématopoïétique, les macrophages
périvasculaires et de nombreux pseudopodes astrocytaires qui entourent étroitement les
vaisseaux sanguins cérébraux (Figure 2).

Figure 2 : La barrière hématoencéphalique.

La BHE assure deux principales fonctions ; d’abord, elle exerce un contrôle strict sur les
échanges entre le sang et le parenchyme cérébral, permettant ainsi le maintien de
l’homéostasie du liquide interstitiel cérébral ; de plus, elle limite l’infiltration intracérébrale
par les agents pathogènes, les cellules circulantes et les facteurs solubles du SI, assurant un
rôle important dans le maintien du statut immunitaire privilégié du SNC.

III. STATUT IMMUNITAIRE PRIVILÉGIÉ DU SNC 


III.1. NAISSANCE DU CONCEPT DU PRIVILEGE IMMUNITAIRE :

En 1948, Sir Peter Medawar, prix Nobel en 1960, observait que des coupes de peau de lapin,
transplantées sur la peau d’un autre lapin, sont bien rejetées ; pourtant ces mêmes tissus,
transplantés à la surface du cerveau de l’animal receveur, sont tolérés. Cette observation a
marqué l’origine du concept du « privilège immunitaire » du SNC.

Cette première observation de Medawar a été suivie par d’autres travaux faisant constater
que le tissu nerveux à la différence des autres tissus, n’était pas drainé par des vaisseaux

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lymphatiques et qu’il était séparé de la circulation sanguine par une barrière quasi
imperméable pour les macromolécules et les cellules, la barrière hématoencéphalique (BHE).

L’ensemble de ces observations, a donné naissance au concept du privilège immunitaire qui


postule que le SNC est exclu de la surveillance immunologique.

III.2. EVOLUTION DU CONCEPT DU PRIVILEGE IMMUNITAIRE :

Au cours du siècle passé, les expériences de Medawar étaient considérées comme une
démonstration de l’immunoprivilège inaliénable du SNC. Le SNC était très largement perçu
comme un sanctuaire immunologique, ce qui est pourtant loin d’être exact. En effet, des
expériences sur le modèle animal ont montré que des réactions immunitaires cellulaires,
dirigées contre des antigènes cérébraux (Encéphalite Auto-immune Expérimentale) et des
réactions d’hypersensiblité retardée pouvaient être induites au niveau du SNC.

Ces résultats suggèrent que Le SNC n’est pas totalement exclu de la surveillance
immunologique, ainsi, Medawar aurait seulement démontré que les greffons d’origine
cutanée sont rejetés plus tardivement quand ils sont placés au sein du SNC que lorsqu’ils
sont implantés dans l’épiderme.

Au cours de ces vingtaines dernières années, de nombreux travaux ont permis de constater
une communication bidirectionnelle entre le SNC et le système immunitaire. D’abord, à
l’état physiologique les lymphocytes T activés peuvent traverser la BHE et ce
indépendamment de leur spécificité antigénique. De plus Les antigènes cérébraux sont
drainés via le LCR dans les ganglions lymphatiques cervicaux. Ces constations ont conduit à
une reconsidération du dogme préexistant, ainsi le concept du privilège immunitaire a
évolué vers celui du statut immunitaire privilégié.

III.3 STATUT IMMUNITAIRE PRIVILEGIE DU SNC :

Le concept de statut immunitaire privilégié postule que Le SNC peut en effet être le siège de
foyers inflammatoires et de réponses immunitaires, mais leur survenue est modulée par la
conjonction de nombreux facteurs :

 Facteurs anatomiques,
 Facteurs histologiques,
 Facteurs moléculaires.

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A. Facteurs anatomiques  :

1. La barrière hématoencéphalique (BHE) : la BHE limite la pénétration dans le SNC


des cellules circulantes du SI, des protéines du complément et des Ig.

2. Absence d’un système de drainage bien organisé : dans les organes


périphériques, une partie importante des substances libérées dans l’espace
intercellulaire est drainée par la lymphe vers les ganglions lymphatiques. Dans le
SNC, le liquide interstitiel se draine le long des espaces péri-vasculaires, appelés
espaces de Virchow-Robin, vers le LCR qui est, lui, résorbé au niveau des sinus
veineux arachnoïdiens. L’administration d’antigènes solubles au sein du SNC
provoque généralement une réponse humorale au moins comparable aux
réponses obtenues par administration périphérique localisée. Ceci peut
s’expliquer par le fait qu’une proportion non négligeable (10-40 %) du LCR aboutit
quand même dans les ganglions lymphatiques cervicaux en suivant les racines des
nerfs crâniens.

B. Facteurs histologiques :

1. Absence de CPAs professionnelles : le parenchyme nerveux ne contient pas de


cellules dendritiques.

C. Facteurs moléculaires :

1. Expression du Fas-L : les neurones et les cellules gliales expriment le Fas-L ce qui
permet l’élimination par apoptose des lymphocytes infiltrant.

2. Faible (voir absence) expression des molécules du CMH : les neurones et les
cellules gliales présentent une expression faible en molécules de CMH classe I,
une expression quasi nulle des molécules de CMH classe II. Les études in vitro ont
montré que Les neurones matures (actifs) sont Particulièrement réfractaires à
l’induction de l’expression des molécules de classe I par les cytokines pro-
inflammatoires (l’IFN-γ), Cependant, après induction d’une paralysie neuronale
par le blocage des canaux sodiques avec de la tétrodotoxine les neurones
paralysés se mettent à synthétiser des molécules du CMH sous l’action l’IFNγ. Ces
études suggèrent que l’activité « électrique » de la membrane neuronale pourrait
délivrer des signaux suppresseurs inhibant l’expression des molécules du CMH.
Quant aux trois autres types cellulaires qui constituent le parenchyme nerveux
(oligodendrocytes, astrocytes et microglie), le déficit d’expression des molécules
de CMH serait dû à l’action suppressive des cytokines anti-inflammatoires (TGF-
β) et de certains facteurs humoraux (nerve growth factor ou NGF) qui sont
sécrétés par les neurones.

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3. Activité modulatrice des neurones sur les cellules gliales : des travaux récents
ont démontré que les neurones, loin d’être de simples acteurs passifs au cours de
la réponse immune, exercent une importante activité régulatrice sur les cellules
gliales et ce via des facteurs solubles et des interactions membranaires :

a. Facteurs solubles : les neurones sécrètent des cytokines anti-inflammatoires


(TGF-β) ainsi que d’autres facteurs humoraux dont le NGF qui exerceraient
un effet modulateur sur l’activité des cellules gliales.
b. Interactions membranaires : l’interaction de certaines molécules
membranaires exprimées à la surface des neurones tels que le CD22, le CD47
et le CD200 avec leurs récepteurs respectifs CD45, SIRPa et CD200-R
exprimés par les microglies, exerce une régulation négative sur l’activité
phagocytaire et proinflammatoire des ces derniers (Figure 3).

CD47 : Integrin-associated protein


SIRPa : Signal regulatory protein-a
Figure 3 : Interactions membranaires (neurones/microglies) impliquées dans l’activité modulatrice
des neurones sur les microglies.

Au total, le statut immunitaire privilégié du SNC est la conséquence de mécanismes


régulateurs multiples. Ces mécanismes sont mis en place, en permanence, par le SNC afin de
limiter le développement d’une réponse immune spécifique (BHE, absence d’un système de
drainage lymphatique bien organisé, absence de CPAs professionnelles, faible expression
des molécules de CMH, expression du Fas-L) et l’activation des cellules de l’immunité innée
(activité immunorégulatrice des neurones sur les cellules gliales via des facteurs solubles et
des interactions membranaires).

IV. NEUROINFLAMMATION 
IV.1. DEFINITION :

La neuroinflammation est définie comme un ensemble de mécanismes impliquant des


médiateurs solubles et des cellules, appartenant à l’immunité innée ou à l’immunité
spécifique et entraînant des lésions tissulaires du parenchyme nerveux (démyélinisation,
atteinte axonale, neurodégénérescence).

IV.2. CAUSES DE LA NEUROINFLAMMATION :

La neuroinflmmation survient principalement dans les situations suivantes :

 Infections bactériennes (méningites) virales (VIH) ou parasitaires (Toxoplasmose) ;

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 Traumatismes cérébraux ;

 Accidents vasculaires cérébraux (stroke) ;

 Maladies autoimmunes du SNC : la sclérose en plaques, syndromes neurologiques


paraneoplasiques touchant le SNC (encéphalomyélite paranéoplasique)… ;

 Maladies neurodégénératives : maladie d’Alzheimer, de Parkinson, de Huntington…

V. EXEMPLES DE PATHOLOGIES INFLAMMATOIRES DU SNC :


V.1. LA SCLEROSE EN PLAQUES :

1. Généralités sur la sclérose en plaques :

La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire démyélinisante du SNC. Elle


survient le plus souvent chez les jeunes adultes (70% des cas sont enregistrés chez des
sujets âgés entre 20 et 40 ans). Le sexe ratio est de 2 femmes pour 1 homme. La
prévalence de la maladie est très variable selon les pays. On distingue ainsi :
 Une zone à haut risque avec une prévalence supérieure à 30 pour 100 000
habitants (les pays industrialisés du Nord de l’Europe, de l’Amérique du nord et
le Sud-Est de l’Australie) ;
 Une zone à risque moyen où la prévalence se situe entre 5 et 30 pour
100000 habitants (certains pays du Sud de l’Europe) ;
 Une zone à risque faible où la prévalence est inférieure à 5 pour 100 000
habitants (les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud).

Il reste admis qu’il existe un gradient nord-sud de prévalence dans l’hémisphère nord et inverse
dans l’hémisphère sud. Au sein d’une même zone, il existe des différences importantes de
prévalence avec des foyers à très haute prévalence pouvant dépasser 100 pour 100000 habitants
comme dans certaines régions d’Écosse, de Scandinavie ou en Europe du Sud, par exemple en
Sardaigne.

2. Signes cliniques et évolution de la maladie :

2.1. Singes cliniques  :

La clinique de la SEP est caractérisée par la variété topographique des signes et des
symptômes rencontrés, liée à la dissémination des lésions dans l’espace, et dans le temps.
Les signes inauguraux sont par ordre de fréquence décroissante : les signes moteurs (de 35 à
40 %), les névrites optiques (environ 25 %), les troubles sensitifs surtout subjectifs (environ
20 %), une diplopie (5 à 10 %), un trouble de l’équilibre (5 à 10 % des cas), et des troubles
sphinctériens (environ 5 %). On considère qu’un peu plus d’un tiers des patients sont
polysymptomatiques dès le début.

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2.2. Évolution de la maladie :

La classification des formes évolutives de SEP a fait l’objet d’une tentative de consensus
international. Il a été proposé de retenir trois formes :

 La forme rémittente (SEP-R), la plus fréquente, caractérisée par des poussées et des
rémissions avec ou sans séquelles ;

 La forme progressive secondaire (SEP-SP), caractérisée par une évolution progressive


du déficit neurologique après une phase rémittente ;

 La forme progressive primaire (SEP-PP), caractérisée par une évolution progressive


d’emblée sans poussée associée ni avant ni pendant cette progression.

3. Immunopathologie de la sclérose en plaque  :

La SEP est une maladie inflammatoire chronique du SNC qui passe communément pour une
maladie autoimmune causée par des lymphocytes T qui, stimulés en dehors du système
nerveux central (SNC), franchissent la barrière hématoencéphalique (BHE) et se nichent au
sein du cerveau et de la moelle épinière. Selon ce concept, la reconnaissance de l’auto-
antigène spécifique par les cellules effectrices intruses déclenche une réaction
inflammatoire, qui aboutit à la destruction des gaines myélinisées et des axons.

Cependant, il faut souligner que, même si à l’heure actuelle cette pathogénie reste à être
confirmée formellement, elle est renforcée par un certain nombre d’arguments
convergents.  D’abord, l’histologie suggère un processus immunopathologique. Dans leur
état actif, les plaques présentent typiquement des foyers inflammatoires, avec des cellules
immunes (lymphocytes et macrophages) qui enveloppent les vaisseaux sanguins, formant
des « manchons », et qui pénètrent dans le tissu nerveux voisin. De plus, on a trouvé dans
des lésions de SEP des cellules T spécifiques d’auto-antigènes de myéline. Chez l’animal
l’immunisation contre des constituants du SNC entraîne une pathologie similaire dans ses
aspects histopathologiques et cliniques à la SEP (Encéphalite Auto-immune Expérimentale).
Enfin, le succès clinique des thérapies immunomodulatrices (INF-β) suggère fortement une
pathogénie autoimmune.

3.1. Initiation de la réponse (auto)immune  :

Plusieurs théories ont été proposées pour expliquer le déclenchement de la réponse auto-
immune observée au cours de SEP (molecular mimicry, bystander activation, epitope
spreading…). La théorie du mimétisme moléculaire est la plus communément admise à
l’heure actuelle, selon cette théorie, le déclenchement du processus auto-immun serait
consécutif à une infection virale ou bactérienne induite par des germes ayant des épitopes

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communs avec les constituants de du SNC (constituants de la myéline) ; les effecteurs
générés suite à ces infections, seraient dirigés, non seulement, contre le germe infectieux
mais aussi, par réaction croisée, contre les constituants du SNC.

Nous donnons, à titre d’exemple, les travaux d’Holmoy et col (2004)  : Holmoy a isolé à partir du LCR
de malades atteints de SEP des lymphocytes T CD4+ spécifiques de la MBP (MBP85-99) qui réagissent de
façon croisée avec la RNA polymérase de l’EBV (EBV627-641).

IL faut, par ailleurs, souligner que malgré la multiplication des travaux visant à identifier le
germe responsable du déclenchement du processus auto-immun observé au cours de la SEP,
aucun germe précis n’a été retenu jusqu’à présent (Tableau 2).

Tableau 2 : Mimétisme moléculaire dans la SEP.

3.2. Pénétration des lymphocytes auto-réactifs dans SNC :

La pénétration des lymphocytes auto-réactifs dans le SNC reste une énigme capitale :
comment les lymphocytes T auto-réactifs peuvent-ils franchir la BHE imperméable à la
plupart des cellules et macromolécules sanguines ? De plus, comment peuvent-ils
fonctionner effectivement dans un milieu réputé immunosuppressif ? Énigme de l’arrivée,
énigme centrale de la SEP.

Pour tenter de résoudre cette énigme, l’équipe d’Alexander Flügel a utilisé un protocole
permettant le marquage des lymphocytes T auto-réactifs par l’introduction d’un gène
encodant la protéine fluorescente verte (Green Fluorescent Protein, GFP), gène dérivé d’une
méduse marine bioluminescente. Introduit dans des lymphocytes T auto-réactifs à l’aide
d’un vecteur rétroviral, le gène PFV est fortement exprimé, sans gêner la fonction
(auto)immune. Après marquage, les lymphocytes T auto-réactifs (lymphocytes T dirigés
contre la MBP : protéine basique de myéline) sont transférés à des rats génétiquement

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susceptibles au développement de l’EAE (rat Lewis). Le suivi de la migration de ces
lymphocytes par microscopie à fluorescence, a montré que les lymphocytes auto-réactifs
pénètrent dans le SNC en deux phases. La première phase survient quelques heures après le
transfert adoptif et est faite d’un très faible nombre de lymphocytes auto-réactifs. La
deuxième phase survient 3 à 4 jours après le transfert et est caractérisée par une invasion
massive du SNC par les lymphocytes auto-réactifs qui coïncide avec le début des signes
cliniques. Pendant la période prodromique de 3 à 4 jours qui précède la deuxième phase, les
études immuno-histochimiques ont montré une up-régulation des molécules d’adhésion au
niveau des cellules endothéliales du SNC et une neo-expression des molécules de CMH par
les cellules gliales. Reste maintenant à expliquer ces observations !

Sans preuve formelle, il semble que les premiers lymphocytes T infiltrant le SNC (première
phase) secrètent des cytokines proinflammatoires dont l’INF-γ et la TNF-α qui vont entrainer
l’augmentation d’expression des molécules d’adhésion au niveau des cellules endothéliales
et la néo-expression des molécules de CMH, d’adhésion et de costimulation par les cellules
gliales. De ce fait la BHE, jadis imperméable, s’effondre, permettant ainsi une invasion
massive du SNC par les lymphocytes auto-réactifs (deuxième phase).

Question décisive : comment se fait la pénétration des premiers lymphocytes dans le SNC ?

Au cours de ces vingtaines dernières années, les travaux sur le modèle animal ont réussi à
démontrer que les lymphocytes T activés peuvent traverser la BHE en situation
physiologique. Ces lymphocytes patrouilleurs pénètrent dans le SNC à un très faible nombre,
en dehors de leurs spécificités antigéniques, et seraient impliqués dans l’immunosurveillance
du SNC. La nature des signaux dirigeant la pénétration des lymphocytes T à travers une BHE
« naïve » reste à l’heure actuelle inconnue.

Ces lymphocytes se localisent principalement au niveau de l’espace périvasculaire ou


l’espace de virchow-robin où ils interagiraient avec les macrophages périvasculaires qui
joueraient le rôle de CPA en présentant des Ag exogènes (Ag microbiens) ou des auto-Ag.

En situation normale, les lymphocytes pénétrant ne reconnaissant pas l’auto-Ag vont soit
mourir d’apoptose soit ressortir du SNC pour gagner la circulation sanguine.

En situation pathologique, au cours de l’encéphalite autoimmune expérimentale, les


lymphocytes auto-réactifs pénétrant dans le SNC, reconnaitraient l’auto-Ag (ex MBP)
présenté par les macrophages périvasculaires. Les lymphocytes ainsi réactivés sécrètent des
cytokines proinflammatoires (INFγ, TNFα) qui vont entraîner l’expression des molécules
d’adhésion par les cellules endothéliales permettant une infiltration massive du système
nerveux central par les lymphocytes auto-réactifs.

3.3. Mécanismes effecteurs :

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En se basant sur les études post mortem chez des patients atteints de SEP, des données
obtenues à partir du modèle EAE, le mécanisme pathogénique de la SEP est classiquement
attribué à une réponse Th-1 prédominante, avec une surexpression des cytokines type Th-1
(INF-γ) et une accumulation des cellules mononucléée au niveau des espaces
périvasculaires et au sein des lésions (plaques).

Cependant, de nombreux arguments permettent de démontrer que le paradigme Th-1 ne


suffit pas, à rendre compte de l’ensemble des mécanismes immunopathologiques de la SEP.
En effet de nombreux travaux récents suggèrent un rôle potentiel d’autres effecteurs de
l’immunité spécifique à savoir les lymphocytes Th-17, T CD8+ et les lymphocytes B.

3.3.1. Mécanismes effecteurs des lymphocytes T CD4+  :

Plusieurs arguments plaident en faveur d’une réponse Th-1 prédominante au cours de la


SEP :

 Dans le modèle expérimental d’EAE, le transfert adoptif de lymphocytes Th1 auto-réactifs-


mais pas celui des lymphocytes Th-2 auto-réactifs-suffit pour induire la maladie ;

 L’analyse du LCR des patients atteints de SEP montre que la surexpression des cytokines Th1
(IL-2, IFNγ et TNFα) est corrélée aux formes actives de la maladie.

 Enfin, l’effet bénéfique des traitements visant à favoriser le développement des


lymphocytes Th2 (traitement à l’INF-β).

Le rôle pathogénique des lymphocytes Th-1 est lié principalement à son activité pro-
inflammatoire grâce à son pouvoir inducteur des cytokines pro-inflammatoires (IL-6, TNF-α,
IL-1) et de chimiokines sur les cellules gliales, et des molécules d’adhésions sur les cellules
endothéliales, entraînant le recrutement in-situ des macrophages et d’autres lymphocytes
périphériques. Les macrophages ainsi recrutés, de même que les macrophages résidents
(microglies) exercent une activité phagocytaire sur les gaine de myéline entraînant la
démyélinisation des neurones, l’analyse en microscopie électronique révèle qu'ils se
chargent de débris myéliniques après avoir contacté, déroulé et phagocyté la gaine de
myéline. De plus sous l'action de l'IFN-γ, ceux-ci peuvent sécréter du TNF-α, du monoxyde
d'azote (NO), des radicaux oxygénés et des enzymes protéolytiques (gélatinase B), ayant un
effet toxique sur les neurones. Par ailleurs, l’induction des molécules de CMH (I et II), des
molécules d’adhésion et de costimulation sur les cellules gliales sous l’effet de l’INF-γ et du
TNF-α favorise la présentation de nouveaux auto-antigènes (nouveaux épitopes) aux
lymphocytes T nouvellement recrutés, Ce dont résulte une diversification de la réponse
auto-immune (epitope spreading).

Au cours de ces dernières années, plusieurs études récentes concordantes ont suggéré un
rôle potentiel des lymphocytes Th-17 dans l’immunopathogénie de la SEP. En effet
Les travaux sur le modèle animal (EAE) ont montré que le transfert adoptif de lymphocytes
Th-17 induit une EAE nettement plus sévère que celle induite par le transfert des

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lymphocytes Th-1. (Langrish et al 2005). Chez l’Homme, la mesure du taux d’expression du
mRNA de l’IL-17A au niveau des CMN montre que Les patients atteints de SEP présentent
une expression plus importante par rapport aux sujets sains et que les patients en
exacerbation clinique expriment 3 à 5 fois de mRNA de l’IL-17A comparativement aux ceux
en rémission clinique. Les CD myéloïdes des patients atteins de SEP produisent plus d’IL-23,
suggérant une expansion des Th-17 chez ces patients. Enfin l’examen post mortem du tissu
cérébral de certains patients atteints de SEP montre une expression élevée de l’IL-23 qui
pourrait indiquer une expansion des lymphocytes Th-17 in-situ.

3.3.2. Mécanismes effecteurs des lymphocytes T CD8+  :

Au cours de cette dernière décennie, de nombreux auteurs ont insisté sur le rôle des
lymphocytes T CD8+ dans L’immunopathogénie de la SEP. En effet :

 Les lymphocytes CD8+ constituent la sous population lymphocytaire prédominante au sein


des lésions. Dans certaines lésions, ils sont 10 fois plus nombreux que les lymphocytes T CD4
 In-vitro, une activité cytotoxique des lymphocytes TCD8+ sur des cultures de neurones a été
démontrée.

 Certaines études ont montré une corrélation positive (statistiquement significative) entre le
nombre de LTCD8+ et le degré de l’atteinte axonale.

Par ailleurs, il faut souligner que malgré la multiplication des travaux visant à établir le rôle
pathogénique lymphocytes T CD8, ce dernier reste à l’heure actuelle hypothétique. Les
données obtenues à partir du modèle animal et des études in-vitro suggèrent deux
mécanismes effecteurs potentiels des lymphocytes T CD8 au cours de la SEP :

Selon le premier mécanisme les lymphocytes T CD8 exercent un effet cytotoxique via un
mécanisme Fas-FasL dépendant sur les axones, entrainant une atteinte axonale.

Selon le second mécanisme les lymphocytes T CD8 exerce un effet cytotoxique via un
mécanisme Fas-FasL dépendant sur les oligodendrocytes entrainant une démyélinisation et
une exposition des axones aux effets toxiques des médiateurs inflammatoires (MMP, NO,
TNF-α).

3.3.3. Mécanismes effecteurs des lymphocytes B :

A coté des lymphocytes T qui constituent la population majoritaire, des lymphocytes B et des
plasmocytes sont retrouvés au sein des lésions. L’analyse par isoélectrofocalisation des LCR
des patients atteints de SEP mis en évidence une synthèse intrathécale d’IgG (bandes
oligoclonales dans le LCR) dans 95 % des cas. Les données obtenues du modèle animal
montrent que la présence auto-anticorps n’est pas requise au développement de l’EAE mais
serait un facteur aggravant de la maladie.

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Les spécificités antigéniques des auto-anticorps produits aux cours de la SEP sont très
diverses. Ces auto-anticorps peuvent être dirigés contre les différents constituants de la
myéline (MBP, MOG, PLP, MAG) ou même contre certaines protéines d’oligodendrocytes
(AN-2 pour oligodendrocyte-precursor surface protein et OSP pour oligodendrocyte-specific
protein). La fixation des auto-anticorps sur leurs cibles antigéniques expose la gaine de
myéline et l’oligodendrocyte aux effets toxiques du complément (complexe d’attaque
membranaire) et des macrophages (opsonisation/phagocytose, ADCC) entraînant une forte
démyélinisation des neurones.

Le rôle pathogène des lymphocytes B ne se limite pas à la production d’auto-anticorps, en effet les
lymphocytes B peuvent jouer le rôle de CPA en présentant des auto-Ag aux lymphocytes T
nouvellement recrutés, entrainant ainsi une diversification de la réponse auto-immune (epitope
spreading).

3.4. Mécanismes de régulation  :

Plusieurs mécanismes contribuent à la résolution des lésions inflammatoires :

[1] La mort par apoptose des cellules inflammatoires : Le séjour des cellules inflammatoires
dans le SNC est éphémère, et ne dure que quelques jours. La plupart de ces cellules meurent
d’apoptose.

[2] L’activité régulatrice des lymphocytes T régulateurs : des lymphocytes CD4+ CD25high Foxp3+
sont retrouvés au sein des lésions, cette population lymphocytaire exercerait une activité
régulatrice sur les cellules inflammatoires (lymphocytes T CD4+ notamment) via la sécrétion
de cytokines anti-inflammatoires dont le TGF-β et l’IL-10.

Des études ont montré que des taux élevés de l’IL-10 sont corrélés à la phase de rémission clinique de
la maladie. Les travaux de Viglietta et al. ont montré une diminution du nombre et de l’activité
fonctionnelle (in-vitro) des lymphocytes CD4+ CD25high Foxp3+ chez des patients soufrant de SEP.

[3] Le shift de la balance Th-1/Th-2 : de nombreuses études ont démontré que


l’augmentation des cytokines Th-2 (IL-4, IL-10) est corrélée à phase de rémission clinique de
la maladie.

Le succès thérapeutique de l’IFN-β (cytokine favorisant le développement des lymphocytes Th-2)


constitue une preuve irréfutable du rôle bénéfique des cytokines Th-2 .

L’ensemble de ces mécanismes permet une régulation négative de l’activité des cellules
inflammatoires permettant ainsi la remyélinisation des neurones et la terminaison des
attaques cliniques.

V.2. LA MALADIE D’ALZHEIMER (MA) :


1. Généralités sur la maladie d’Alzheimer :

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Inflammation & système nerveux central 2OO9
La maladie d’Alzheimer, décrite pour la première fois par Alois Alzheimer en 1907, est
définie comme une affection neurodégénérative du système nerveux central caractérisée
par une détérioration durable et progressive des fonctions cognitives associée à des lésions
neuropathologiques représentées par des plaques séniles et des dégénérescences neuro-
fibrillaires. Principale cause de démence, cette maladie touche près de 20 millions personnes
à travers le monde.

Il existe une minorité de cas de transmission familiale monogénique (environ 1 % des


malades) qui surviennent de façon précoce, parfois avant même l’âge de 40 ans. Dans la
majorité des cas, la maladie d’Alzheimer apparaît comme une pathologie multifactorielle
résultant de l’interaction de divers facteurs environnementaux, épigénétiques et de facteurs
génétiques qui pourraient favoriser son apparition. Différentes études ont identifié des «
facteurs de risque » et des « facteurs de protection ». Des facteurs cardiovasculaires comme
l’hypertension artérielle seraient des facteurs de risque. À l’inverse, une bonne hygiène de
vie (activités physique et intellectuelle, consommation de poisson…) semble exercer des
effets protecteurs.

2. Manifestations cliniques de la maladie d’Alzheimer  :

Les signes cliniques de la MA sont corrélés à l’extension du processus neurodégénératif dans


l’espace cérébral. Ce dernier progresse dans l’espace cérébral selon un chemin invariable qui
explique la relative constance des signes cliniques de la MA : atteinte hippocampique au
début, expliquant les troubles de mémoire des faits récents, puis atteinte du cortex temporal
liée aux troubles du langage, ensuite atteinte des régions polymodales associatives (pôle
frontal, pariétal) expliquant la perte globale des fonctions cognitives. Le processus
neurodégénératif continuera son chemin invariablement pour conquérir l’ensemble du
néocortex et les régions sous-corticales.

Caractéristiques Formes familiales monogéniques Formes sporadiques

Mode de transmission Transmission mendélienne classique Ne présentent pas de transmission


autosomique dominante mendélienne classique = Maladie à
génétique complexe

Age de début Formes précoces (avant l’âge de 6O ans) Formes à début tardif (après l’âge de 65 ans)
voire très précoces (<40ans)

Prévalence Rare (<1 %) Majoritaires

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Mutation des gènes :

Étiologie  APP (Amyloid protein precursor) Inconnue ? pathologie multifactorielle :

 Préséniline 1 « L’interaction de facteurs génétiques et


environnementaux prédispose au
 Préséniline 2 développement de la maladie  »

Facteurs génétiques :

 APOEε4

Autres facteurs :

 L’âge ;

 Des antécédents familiaux de MA ;

 Un antécédent de traumatisme
crânien ;

 Un événement de vie grave avant l’âge


de 16 ans, une dépression ;

 Incidence d’une HTA, d’un diabète…

Tableau 3 : principales caractéristiques des formes familiales et sporadiques de la MA.

3. Physiopathologie de la maladie d’Alzheimer  :

Deux principales caractéristiques de La MA :

[1] Des lésions cérébrales localisées dans la substance grise de néocortex qui sont de deux
types : les plaques amyloïdes ou  plaques séniles  et la dégénérescence neuro-fibrillaire
(DNF) 

 Les plaques séniles  sont des dépôts extracellulaires formés d’un polypeptide de 40
à 42 résidus d’aa, appelé peptide amyloïde bêta (pAβ). Le peptide amyloïde bêta (Aβ)
est un fragment protéolytique provenant du catabolisme d’une protéine de grande
taille nommée Amyloid protein precursor (APP). L’APP est une protéine membranaire
ubiquitaire abondamment exprimée à la surface du neurone et jouerait un rôle dans
l’adhésion et la mobilité cellulaire.

 La dégénérescence neurofibrillaire résulte de l’accumulation intraneuronale de


fibrilles formées de filaments très caractéristiques, appelés les paires de filaments
appariées en hélice ou PHF (paired helical filaments). Ces filaments (PHF) sont
constitués principalement de protéines microtubulaires appelées protéines Tau.

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Inflammation & système nerveux central 2OO9
Les protéines Tau sont des protéines associées aux microtubules. Elles sont
principalement exprimées dans les neurones et jouent un rôle dans la
polymérisation et la stabilité des microtubules. Cette fonction est régulée par l’état
de phosphorylation des protéines Tau.
Dans la MA, ces protéines sont hyperphosphorylées, perdant ainsi leur capacité
d’association aux microtubules pour s’agréger entre elles. L’agrégation des protéines
Tau perturbe le fonctionnement neuronal. Si l’altération du transport axonal
constitue la principale perturbation, d’autres conséquences restent encore mal
comprises comme le déficit en agents neurotrophiques et neurotransmetteurs.

[2] Une réaction inflammatoire locale : les lésions neuropathologiques (plaques séniles et
DNF) sont accompagnées d’une réaction inflammatoire locale  caractérisée par une
activation des cellules gliales et du système du complément.

3.1. Origine des lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer :

La découverte de mutations responsables des formes autosomiques dominantes, et donc


monogéniques, de la maladie d’Alzheimer a profondément influencé notre compréhension
du processus pathologique de l’affection. En 1991, la première mutation sur le gène du
précurseur du peptide amyloïde (APP) était mise en évidence, protéine dont le métabolisme
produit les peptides amyloïdes qui sont les principaux composants des dépôts amyloïdes.
Puis en 1995 ont été mises en évidence des mutations sur les gènes des présénilines 1 et 2
(respectivement, PS1 et PS2). Ces mutations, en particulier celles de PS1, ont très
rapidement été associées à une augmentation de la production des peptides amyloïdes. La
caractérisation de ces gènes mutés a fortement contribué à placer le métabolisme de l’APP
au centre du processus pathologique de la maladie d’Alzheimer et à proposer l’hypothèse
de la cascade amyloïde.

3.1.1. Métabolisme de l’APP  :

À l’état physiologique l’APP est catabolisé par trois complexes d’enzymatiques


membranaires (enzymes à activité α sécrétase, β sécrétase et γ sécrétase), selon deux
voies : la voie non amyloïdogénique « the good » qui est la voie prédominante et la voie
amyloïdogénique « the evil » qui une voie alternative.

α SECRETASES β SECRETASES γ SECRETASES

ADAM-9 β-site APP-cleaving enzyme 1 Préséniline 1 (PS1)


(BACE1)
ADAM-10 Préséniline 2 (PS2)

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ADAM-17

Tableau 4 : Principales enzymes impliquées dans le métabolisme de l’APP. ADAM : A Disintegrin-


and Metalloproteinase-family enzyme.

Dans la voie non-amyloïdogénique, l’APP est clivé, dans un premier temps, par une α
sécrétase en position 83 à partir de l’extrémité C-terminale pour générer un peptide de 83
aa(C83) qui reste attaché à la membrane cytoplasmique et un fragment N-terminal appelé
sAPPα qui est libéré dans la matrice extracellulaire, puis dans un deuxième temps le peptide
C83 est clivé par une γ sécrétase (PS1 ou PS2) conduisant à la sécrétion d’un petit peptide
nonamyloïdogénique appelé P3.

Dans la voie amyloïdogénique, l’APP est clivé dans premier temps, par une β sécrétase
(BACE1) en position 99 à partir de l’extrémité C-terminale pour générer un peptide de 99 aa
(C99) qui reste attaché à la membrane cytoplasmique et un fragment N-terminal appelé
sAPPβ qui est libéré dans la matrice extracellulaire, puis dans un deuxième temps le peptide
C99 est clivé par une γ sécrétase (PS1 ou PS2) conduisant à la sécrétion du peptide
amyloïde β qui est un peptide hydrophobe de 40 à 42 aa ayant tendance à s’agréger et à
former des dépôts amyloïdes.

A l’état physiologique, la voie amyloïdogénique constitue une voie mineure dans le


catabolisme de l’APP et la quantité du pAβ produite, est très faible pour générer des dépôts
amyloïdes.

P3

γ secrétase

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Figure 4 : Métabolisme de l’APP.

3.1.2. L’hypothèse de la cascade amyloïde :

Dans les formes monogéniques de la maladie, Certaines mutations touchant l’APP la PS1,
PS2 (γ sécrétases) sont responsables d’une augmentation de la production du pAβ par la
voie amyloïdogénique entrainant ainsi son accumulation dans la matrice extracellulaire sous
forme de dépôts amyloïde et dans le cytoplasme des neurones sous forme d’oligomères. Les
oligomères du pAβ intraneuronaux entraîneraient une perturbation du métabolisme de la
protéine Tau favorisant son hyperphosphorylation. Les protéines Tau hyperphosphorylées
perdent leur capacité d’association aux microtubules pour s’agréger entre elles et entraîner
la DNF.  

A titre d’exemple nous citons la mutation Swedish du gène de l’APP (APPSwe) dans laquelle la
substitution de 2 aa en positions 670 et 671 sur l’APP augmentant l’affinité de l’APP pour la β
sécrétase entraînant ainsi un shift vers la voie amyloïdogénique avec une production élevée de pAβ.

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Dégénérescence neurofibrillaire (DNF)


Modification
Fibrilles Aβ insolubles du
Aβ oligomeriques Membran
métabolisme
e
de l’APP
cytoplasm
ique

Aβ solubles Formation P P
de PHF
Formation de plaque amyloïde PPP P
P P
Hyperphosph
orylation des
protéines Tau
NEUR
ONE
Accumulation
intracellulaire du peptide
PAβ sous forme
d’oligomères
Figure 5 : L’hypothèse de la cascade amyloïde.

IL est important de souligner que même si l’importance des mutations des gènes APP PS1 et PS2 est
incontestable, ces mutations n’expliquent pas toutes les formes monogéniques de la maladie
d’Alzheimer et, surtout, elles ne sont responsables que de formes très rares de la Pathologie (les
formes monogéniques représentent moins de 1 %).

Concernant les formes sans transmission mendélienne classique, il a été mis en évidence dès 1993,
l’impact majeur de l’allèle ε4 du gène de l’apolipoprotéine E (APOE4) sur le risque de développer la
maladie d’Alzheimer. Les individus porteurs de l’allèle l’APOEε4 ont un risque associée plus élevé à
développer la maladie (odds ratio 6.17; 95% confidence interval: 1.15–33.15). Le gène de l’APOEε4
serait associé à près de 20 % des cas de maladie d’Alzheimer. Néanmoins, l’implication de la protéine
APOE dans le processus physiopathologique n’est toujours pas élucidée. Cette première découverte
essentielle a pu laisser croire que l’étude de la génétique des formes sans transmission mendélienne
classique de la maladie d’Alzheimer serait rapide. Depuis la mise en évidence du gène de l’APOE4, et
malgré la multiplication des analyses, avec près de 200 gènes candidats étudiés et plus de 800
publications qui leur sont consacrées, aucun consensus n’a pu être obtenu quant à la caractérisation
de nouveaux déterminants génétiques de la maladie. Il a toutefois été estimé qu’au moins 4 gènes
majeurs présentant un effet similaire à celui de l’APOE, existeraient. De plus, par analyse de liaisons
génétiques sur les formes présentant une agrégation familiale, plus de 20 loci ont été caractérisés,

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Inflammation & système nerveux central 2OO9
susceptibles de contenir un déterminant génétique de la maladie d’Alzheimer. Un consensus s’est
dégagé pour 4 régions chromosomiques en 9p21, 9q22, 10q21-25 et 12p11-12. Il est donc probable
que plusieurs dizaines de gènes présentant un effet plus modeste, interviennent aussi. La très grande
majorité de la part génétique de la maladie d’Alzheimer reste donc encore à caractériser. Des
perspectives se sont ouvertes grâce au développement des nouvelles approches à haut-débit
permettant l’analyse de milliers de polymorphismes en un temps court et pour un coût par
génotypage faible. Par ailleurs, l’établissement de convergences biologiques pour sélectionner les
gènes candidats les plus pertinents devrait permettre de nouvelles avancées majeures. La
caractérisation de ces gènes devrait aider à la compréhension du (ou des) processus
physiopathologique(s) impliqué(s) dans le développement de la maladie d’Alzheimer.

3.2. La réaction inflammatoire locale  :

Au cours de ces dernières années de nombreuses études ont montré que les lésions
neuropathologiques de la MA sont accompagnées d’une réaction inflammatoire locale. En
effet les études immunohistochimiques post-mortem montrent que les plaques séniles sont
entourées de cellules gliales exprimant les molécules de CMH (classe I et II) et une activation
du complément ; d’autres techniques plus performantes telles que le Western-blot, ELISA, la
mesure de l’expression des mRNA montrent une activation des cellules gliales avec une
surexpression de l’IL-1β, du TNF-α, des cyclooxygénases, du NF-Κb ainsi que d’autres
médiateurs inflammatoires.

3.2.1. Facteurs expliquant le développement de la réaction inflammatoire au cours


de la MA  :

Trois facteurs expliquent le déclenchement de la réaction inflammatoire au cours de la MD :

 Les agrégats du peptide amyloïde β, In-vitro, les agrégats du pAβ induisent


l’activation des cellules gliales en culture ;
 Perte de l’effet modulateur des neurones sur les cellules gliales suite à la DNF ;
 Le neurone dégénéré sécrète lui même des médiateurs inflammatoires dont les
cytokines pro-inflammatoires (IL-1β, TNFα, IL-6), les protéines du complément et le
M-CSF.

3.2.2. Activation des cellules gliales :

Les dépôts du pAβ exercent un effet chimiotactique sur les microglies, l’interaction de ces
dernières avec les fibrilles du pAβ via les récepteurs scavengers-dont le RAGE (RAGE pour
receptor for advanced glycation end products)-entraîne leur activation. Les microglies activées
exercent une activité phagocytaire sur les dépôts du pAβ ainsi que sur les neurones
dégénérés, sécrètent des médiateurs inflammatoires (TNF-α, l’IL-6 et l’Il-1β), des chimiokines
(CCL-2, CCL-3), des prostaglandines et des protéases (MMP) et génèrent des radicaux libres
oxygénés et du NO.

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Les chimiokines CCL-2, CCL-3 libérés par les microglies entraînent le recrutement des
astrocytes qui vont entourer les plaques séniles et sécréter des médiateurs inflammatoire
tels que l’IL-1 et L’IL-6 et le NO.

Les médiateurs inflammatoires dont le TNF-α, les MMP, les radicaux libres oxygénés et le NO
sécrétés par les cellules gliales (notamment les microglies) ont un effet neurotoxique
entraînant la destruction des neurones sains.

3.2.3. Activation du système du complément :

De nombreuses études récentes ont démontré que les dépôts du pAβ, les fibrilles de
protéine Tau et l’ADN du neurone dégénéré, entraînent l’activation du système du
complément par la voie classique.

Le déclenchement de la cascade du complément entraîne la génération d’opsonines C3b et


C5b favorisant la phagocytose des dépôts amyloïdes et d’anaphylatoxines C3a et C5a
entraînant le recrutement des cellules gliales au niveau des lésions. L’activation du système
du complément à la surface du neurone dégénéré entraîne sa lyse par le complexe d’attaque
membranaire.

Les différentes fractions du complément (C1q, C2, C4…) seraient générées localement par les cellules
gliales activées et les neurones dégénérés.

3.2.4. Rôle de la réaction inflammatoire au cours de la MA  :

Quel est le rôle pathogénique de la réponse inflammatoire para-dégénérative ? Selon un


point de vue traditionnel, cette réaction serait franchement néfaste, avec des cellules
inflammatoires sécrétant des facteurs toxiques et ajoutant ainsi à l’endommagement
provoqué par le processus dégénératif intrinsèque. Mais on trouve un autre point de vue,
radicalement opposé. Cette dernière théorie attribue un rôle bénéfique à la réponse
inflammatoire. Elle se fonde sur l’observation du fait que les cellules gliales, en particulier les
microglies, exercent une activité phagocytaires sur les dépôts amyloïdes permettant ainsi de
ralentir le processus neurodégénératif. Par ailleurs il est bien connu qu’après leur activation,
les astrocytes sécrètent des facteurs neurotrophiques, qui protègent les neurones contre les
effets toxiques et au même temps suppriment les réactions inflammatoires exagérées.

VI. CONCLUSION :

Le tissu nerveux constitue un milieu réfractaire au développement de réactions


inflammatoires ce qui lui vaut le statut immunitaire privilégié. Ce dernier résulte de la
conjonction de mécanismes régulateurs multiples permettant de limiter le développement
de réponses immunes spécifiques et de moduler l’activité des cellules gliales.

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Cependant, de nombreuses pathologies touchant le SNC sont accompagnées d’une réaction
inflammatoire. Cette réaction inflammatoire peut résulter de l’invasion du SNC par les
cellules circulantes du système immunitaire (maladies autoimmunes) ou de l’activation des
cellules gliales (maladies neurodégénératives).

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