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Travail

N° 363 AVRIL – MAI – JUIN 2016 

&CHANGEMENT
Comment bien conduire
un projet de conception ?
• Simuler le travail de demain
• Anticiper les effets
• Adopter des démarches collaboratives

ARGUMENTS (p. 5 à 8)
Jean-Luc Reinero (CINOV Ergonomie)
Marie Benedetto-Meyer
(Master TEO-CDC)
Yoann Lebrun (Play Research Lab)
Laurent Van Belleghem (CNAM)
Jacques Boulet (MSH-Paris Nord)
Pascal Faure (DGE)

CÔTÉ ENTREPRISES (p. 9 à 14)


Coiffure
Action collective : une idée
pour changer de tête !
Bancaire
Un déménagement porteur
de qualité de vie au travail
Agroalimentaire
Ergonomie et production :
un concept mûr
Industrie
Sécurité à la conception :
l’enjeu de l’usine 4.0
Services
Pas de recyclage,
mais un traitement de solutions

Publication du réseau Anact-Aract pour l’amélioration des conditions de travail


ENJEUX

Comment bien conduire


un projet de conception ?
• Simuler le travail de demain • Anticiper les effets • Adopter des démarches collaboratives

Face aux mutations économiques, technologiques et sociales, les entreprises répondent le


plus souvent par des approches compartimentées qui occultent la réalité multidimensionnelle
du travail. En faisant de l’organisation la clé d’entrée de leurs modèles futurs, elles peuvent
inverser la logique et mettre en œuvre des approches globales, collaboratives et performantes.

C
oncentration, restructurations, duction) ; et les projets technologiques d’une lecture globale de la transfor-
nouveaux usages de consom- (le plus souvent associés aux outils mation. « La conduite du changement
mation, marchés de compétition informatiques et aux processus de est le plus souvent menée dans une
inédits, explosion numérique… Jamais numérisation des entreprises). logique pointilliste d’adaptation des
les entreprises n’ont été prises dans un métiers, mobilisant des outils de ges-
tel mouvement de mutations à la fois Inverser les logiques tion a posteriori (communication, for-
concomitantes et intégrées. mation), et non dans une lo gique
Face à ce flux devenu structurel, leur Si nul ne conteste la nécessité de globale d’anticipation de l’organisation
capacité d’adaptation devient un res- « conduire » le changement, les poli- (conception discutée et concertée). Les
sor t objectif de compétitivité et de tiques mises en œuvre sont le plus effets de cette logique sont connus.
pérennité. Pour mieux expliquer et souvent sous-tendues par une vision Pour les salariés : perte de repères,
défendre des transformations parfois très — voire exclusivement — tech- dégr adation de s conditions et du
douloureuses, beaucoup se rangent nique. Pour les définir et les encadrer, sens du travail, désengagement…,
derrière un même mot d’ordre : « la les entreprises font appel à des experts développe Ludovic Bugand, chargé
conduite du changement ». métier s : architec tes, ingénieur s, de mission au département
Celle - ci s’ar ticule génér alement consultants en système d’information… Expérimentations et développement
autour de trois grands types de projets : C et te « pr ofe s sionnal is ation » de des outil s et méthodes (EDOM) de
les projets architecturaux (structures l’approche a pour effet de comparti- l’Anact. Et pour les entreprises : absen-
mobilières et aménagement des menter les décisions, en les enfermant téisme, turn-over, dépassement des
espaces de travail et de vie) ; les projets dans des champs d’inter vention budgets, non atteinte des objectifs
industriels (notamment liés à la pro- étanches, et d’empêcher l’expression fixés, dysfonctionnements… »

BIEN
CONCEVOIR
LE TRAVAIL
DE DEMAIN

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ÉDITORIAL
Il est donc temps pour les entreprises d’une meilleure prénotion de ces trans-
de se départir d’une vision exclusivement formations. Certaines enquêtes sur les Hervé Lanouzière,
technique et économique d’adaptation conditions de travail montrent qu’il directeur général de l’Anact

U
au changement, pour s’inscrire dans n’existe pas nécessairement de lien
une approche globale de conception et entre progrès techniques et technolo- n projet, de quelque nature
qu’il soit, présente des risques
importants lors de sa mise en
« Il s’agit d’inverser les logiques : œuvre si lors de la phase de conception,
ne plus adapter le travail aux systèmes, alors que tout est encore possible,
mais adapter les systèmes au travail. » on a négligé la prise en compte
Ludovic Bugand, chargé de mission au département EDOM de l’Anact des conditions dans lesquelles le travail
devra et pourra concrètement être
réalisé dans la nouvelle configuration.
La maîtrise des coûts et la parole
de pilotage de projets de transformation. giques et réduction des pénibilités. de l’expert circonscrivent en effet trop
Cette vue suppose que l’on remette le « Lorsque l’activité des salariés est
souvent le projet à un modèle théorique
travail à réaliser au centre des préoc- absente de la définition des futurs sys-
cupations, comme un ressort essentiel tèmes de travail ou réduite à sa produc- optimal, que la réalité se charge vite
de la conception des modèles d’organi- tivité apparente, il y a fort à parier que de faire mentir.
sations. « Bref, il s’agit d’inverser les les innovations mises en place s’accom-
logiques : ne plus adapter le travail aux
systèmes, mais adapter les systèmes
pagnent de dysfonctionnements préju-
diciables à la santé des salariés et à la « L’idéal serait d’aborder
au travail », note Ludovic Bugand. performance », indique Ludovic Bugand.
tout projet comme une
Trois familles
3 Mutations sociales -
opportunité, une
de mutations enjeux de qualité de vie au travail

On peut identifier trois grandes familles


Pyramide des âges et pérennité des
systèmes de protection sociale vont
occasion favorable pour
de mutations, qui soulèvent des enjeux contraindre les salariés à travailler plus améliorer les conditions
de travail. »
majeurs pour les entreprises et tout longtemps. Or, quand les études pointent
leur écosystème. la dégradation de l’emploi et des condi-
tions de travail, les entreprises doivent

1 Mutations économiques -
enjeux de performance
D’un côté, des contraintes de compéti-
inventer des systèmes de travail sou-
tenables, voire capacitants. La prise en
compte dans le projet des modalités
Après coup, quand les incidents et
dysfonctionnements se font jour, l’on
tivité qui pèsent de plus en plus fort. De d’exercice du travail doit devenir une reste souvent atterré par l’imprévision
l’autre, des gisements de performance ressource dès la phase de conception, des concepteurs.
qui se réduisent comme peau de chagrin. et non une contrainte, pour que cette
L’analyse préalable des risques est
Dans ce contexte de tension, les projets finalité soit partagée par les salariés.
d’entreprise ne peuvent plus être réduits Cela faisant, les entreprises se dotent un moyen d’éviter cet écueil. Mais l’idéal
à un seul objectif de productivité. Ils de manières innovantes de concevoir le serait plutôt d’aborder tout projet
sont aussi l’opportunité de répondre travail à réaliser qui ouvre de nouvelles comme une opportunité, une occasion
simultanément à des enjeux environ- possibilités d’apprentissage pour les
favorable pour améliorer les conditions
nementaux, de QVT (qualité de vie au salariés et les acteurs de l’élaboration
de travail.
travail) et d’attractivité par exemple. de l’organisation.
Cet épaississement des enjeux ouvre Comment ? En donnant la parole à ceux
la porte à une conduite décloisonnée du Construction qui ont l’expérience et le souci
changement, où les différents volets de collective de l’efficacité du travail à faire demain :
la performance entrent plus efficace-
les salariés eux-mêmes.
ment en résonnance. Comment relier ces trois grandes
dimensions du changement ? La simulation, dont le numérique

2 Mutations technologiques -
enjeux d’anticipation
Robotisation, objets connectés, RFID
En invitant les futurs utilisateurs à
prendre part au projet de conception.
Une meilleure connaissance des situa-
démultiplie les possibilités, permet
de débattre des choix qui se révèleront
payants pour tous les usagers du projet.
(Radio Frequency Identification)… Toutes tions de travail existantes, des popula-
ces innovations transforment parfois tions concernées, des compétences
radicalement le travail et les métiers ignorées qu’elles mettent en œuvre,
en positif ou négatif, d’où l’importance permet de fixer des orientations cohé-

3
ENJEUX

rentes pour le projet. Il s’agira de révé- Autre atout de la simulation : elle consti- coopération entre acteurs de la concep-
ler ce qui doit être amélioré et au tue un socle de mise en discussion du tion et opérateurs, est une condition de
contraire, les ressources qui doivent travail futur. Chaque situation de travail la maîtrise des transformations. Une
être préservées pour ne pas entraver scénarisée va permettre aux différents telle démarche acte un décloisonnement
l’activité des salariés. acteurs (décideurs, concepteurs, utili- de la conduite du changement pour
La possibilité pour les travailleurs de sateurs) de confronter leurs points de qu’elle ne s’établisse pas sur un registre
purement défensif. Ce rapprochement
peut aussi s’opérer entre les acteurs
« Lorsque l’activité des salariés est absente de la définition
externes à l’entreprise dans le cadre
des futurs systèmes de travail, il y a fort à parier que les des dispositifs publics de soutiens au
innovations mises en place s’accompagnent de développement des entreprises. Ainsi,
dysfonctionnements. » l’expérimentation de projets de coopé-
ration entre protagonistes d’un même
Ludovic Bugand, chargé de mission au département EDOM de l’Anact
territoire et/ou d’une filière, mobilisant
de s re s source s le plus sou vent à
participer à des simulations relatives vue, d’interagir et de proposer des l’échelle régionale (réseaux de compé-
au futur système de travail est décisive. aménagements dans une logique itéra- tences pluridisciplinaires, plates-
Le but est d’approcher l’activité future tive de co-conception des systèmes formes ouvertes de simulation, outils
des utilisateurs pour révéler et corriger futurs. Dès lors, un tel processus de financement), ouvre de nouveaux
des problèmes le plus tôt possible dans garantit une plus grande maîtrise du horizons pour concevoir des systèmes
le projet. projet, fiabilise la prise de décision sur de travail inédits et soutenir les entre-
Les techniques de simulation s’avèrent la base de critères d’évaluation précis prises dans leurs projets de dévelop-
ici très pertinentes, qu’elles relèvent et par tagés et permet à chacun de pement.
des outils les plus simples (plans 2D, s’approprier les changements à venir.
maquettes 3D), aux logiciels les plus L’instauration d’une construction col- Muriel Jaouën, journaliste
aboutis de modélisation dynamique lective du projet, qui permet la partici-
en 3D. p a t i o n d e s s a l a r i é s e t f a c il i te l a

% *

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A RG U M E N T S

Initier la conduite du changement


le plus en amont possible
du processus de transformation
Démarches participatives, simulation, ergonomie… Inclure, par ces méthodes, le plus en amont
possible les acteurs concernés par les transformations en tant que co-constructeurs du projet initié
répondra, in fine, à un enjeu de performances pour l’entreprise.

Le point de vue des invités du réseau Anact-Aract Propos recueillis par Muriel Jaouën

Q
Quel peut-être le rôle de l’ergonomie
dans la conduite de projets ?
JEAN-LUC REINERO,
Parce qu’elle repose sur une approche
président de la Fédération des syndicats
transversale, pluridisciplinaire et systé-
des métiers de la prestation intellectuelle du conseil,
mique, l’ergonomie est sans doute la dis-
de l’ingénierie et du numérique CINOV Ergonomie,
cipline la mieux outillée pour accompagner
et président fondateur de Rainbow Ergonomie
toute la chaîne de conduite du changement.
Et ce, quelle que soit la nature des projets
engagés : fabrication, réhabilitation,
modernisation… L’ergonome est en mesure
de prendre en compte les fonctions psy- conduite du changement le plus en amont étant de créer un aménagement architec-
chologiques, cognitives, bio mécaniques possible du processus, si possible en tural susceptible de faciliter la meilleure
pour construire des scénarios d’activités impliquant les opérateurs dans la co- adéquation entre prestation de service et
futures probables et les confronter à leurs construction des projets. C’est aussi prévention de la santé. En s’appuyant sur
utilisateurs. C’est ce que l’on appelle la pourquoi l’appor t de l’ergonome est l’analyse du travail réel, l’ergonome va
simulation, qui peut mobiliser des logiciels essentiel, depuis la phase des études de accompagner l’entreprise dans la conduite
de visualisation interactive dynamique très programmation, jusqu’à la réception des du changement, en articulant dimension
sophistiqués, mais aussi des techniques espaces, des produits, des équipements, spatiale, dimension organisationnelle et
plus basiques de maquettes solides, à en passant par les études de faisabilité. dimension stratégique.
l’échelle ou non.
Jusqu’à la dimension stratégique ? Peut-on dire qu’il a un rôle
Quid de la « confrontation » avec Oui. Prenons le cas d’une demande portant de médiateur ?
l’ingénierie pure ? sur un projet de réhabilitation et/ou Absolument. La dimension pluridiscipli-
Le travail itératif avec les ingénieurs ou reconstruction d’un établissement et naire de l’ergonomie garantit le repérage,
les experts métiers est bien sûr néces- service d’aide par le travail (ESAT). La la compréhension et la prise en compte
saire. En revanche, l’ergonome est sans démarche ergonomique doit ici répondre des attentes et inquiétudes des différents
doute le seul à maîtriser tous les ressorts à un double enjeu. En effet, les ESAT acteurs embarqués dans un projet de
de confrontation d’un projet avec le travail. doivent d’une part augmenter leur capa- transformation. L’ergonome sera dès lors
cité d’autofinancement par la productivité en mesure d’éduquer les uns et les autres,
En tant que connaisseur du travail, ou la rentabilité de marchés signés avec de cerner et d’atténuer les zones et facteurs
l’ergonome peut donc intervenir les entreprises, d’autre part œuvrer pour de tension, et de veiller à ce que l’appro-
très en amont ? le maintien en emploi dans le secteur priation du projet et la manière dont il est
Toute conduite de projet implique des protégé ou pour l’intégration dans les conduit soient le plus également partagées
éléments organisationnels et entraîne structures de travail « ordinaire ». Il s’agit par tous. Car ne l’oublions pas – comme
des effets cognitifs, des conséquences donc d’établir un diagnostic sur les condi- on le fait trop souvent –, on ne change pas
sur la perception de l’espace, sur le rap- tions réelles du travail, qui va permettre parce qu’on l’a décidé, mais parce qu’on a
port au temps, sur les activités. Voilà de construire un cahier des charges compris le sens du changement.
pourquoi il est essentiel d’initier la portant sur les équipements. L’objectif

5
A RG U M E N T S

Le point de vue des invités du réseau Anact-Aract

C
MARIE BENEDETTO-MEYER,
professeur associée en sociologie, codirectrice du Master Travail
Comment a évolué la notion
Expertise Organisation/Conduite du changement (TEO-CDC)
de conduite du changement dans
à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
les entreprises ?
Dans la période précédente, les entreprises
ont lourdement investi dans de gros projets
informatiques (ERP ou Enterprise Resource
Planning, CRM ou Customer Relationship témoigne d’un intérêt nouveau pour les travail et questionner les changements à
Management, SIRH ou Système d’Infor- pratiques et apports des sciences sociales. la lumière de son analyse.
mation Ressources Humaines…) très Les démarches participatives sont en outre
structurants, avec de fortes visées orga- de plus en plus spontanément proposées, Le digital est-il réellement envisagé
nisationnelles sur des cibles clairement même si elles ne vont pas toujours au bout comme un levier de mobilisation
identifiées. Avec la digitalisation, elles de leurs promesses. et d’implication des équipes ?
introduisent des outils beaucoup plus Incontestablement. Les entreprises sont
informes (réseaux sociaux, outils collabo- Le travail est-il davantage pris de plus en plus nombreuses à mettre en
ratifs, messageries instantanées), dont en compte en amont des projets place des dispositifs fondés sur la gami-
les finalités stratégiques sont souvent très de transformation ? fication, de type MOOC (Massive open online
floues et les cibles plus diffuses. À la faveur Ceci est loin d’être systématique. De courses) ou serious games. Cela permet
de la transformation digitale, on voit émer- manière générale, la conduite du change- d’une certaine manière de démystifier les
ger de nouvelles tendances. ment continue de reposer en grande outils numériques et d’en faciliter l’appro-
partie sur deux briques : la communication priation. Certaines proposent à leurs
Par exemple ? et la formation. La logique de compensation collaborateurs des visites-découvertes
Le seul fait qu’on parle moins de « résis- est encore souvent la règle. Dans le cas de startups. D’autres encore invitent à la
tance au changement » (au sens où les d’un déménagement vers un open space, création de réseaux d’apprentissage
salariés refuseraient de se conformer aux les entreprises vont plutôt être soucieuses autour de projets spécifiques d’innovation.
attentes), mais que l’on se soucie davantage de « faire passer la pilule », en communi- Dans ces cas-là, le numérique est un
de la diffusion d’une « culture » digitale (au quant largement sur des offres annexes : excellent outil d’accompagnement… de la
sens où les collaborateurs doivent « s’em- baby-foot, cafétéria, coins détente… sans digitalisation.
parer » des outils et en inventer les usages) prendre en compte les spécificités du

financée par l’Aract, qui nous en a confié combien de fois, etc.). Il est donc beaucoup
YOANN LEBRUN,
l’exploitation informatique. Fabriquée par plus aisé d’agir par itérations, pour faire
chef de projet informatique
une société française, RFIdées, cette table progresser les scénarios, jusqu’à la simu-
chez Play Research Lab
comprend une superficie d’affichage simi- lation la plus aboutie.
(Chambre de commerce et d’industrie
laire à une télévision posée à l’horizontale
Grand Hainaut/Serre Numérique)
et une surface (écran Full HD de 47 pouces) La fonction participative est

Q
de détection d’objets, permettant d’immer- également essentielle ?
ger l’utilisateur dans l’univers de la réalité C’est même la fonction centrale. Notre table
augmentée. peut aisément faire interagir six personnes,
Qu’est-ce que la Serre Numérique ? voire huit ou dix. Rien n’est d’ailleurs figé
La Serre Numérique est un lieu de rési- Comment fonctionne-t-elle ? en la matière. On peut envisager des sur-
dence et d’échange des savoirs développé Avec des objets intégrant un tag RFID. Une faces tangibles plus importantes encore,
à Valenciennes par la CCI Grand Hainaut fois posés sur la table, ils vont pouvoir être ou à l’inverse des écrans plus petits qui
et entièrement dédié aux métiers de l’image associés à des formes virtuelles repré- pourront être facilement transportables
et de la création numérique. sentant soit d’autres objets (machine, table, d’une équipe à une autre. L’idée, à terme,
chaise…), soit des personnages que les est plutôt de rendre les Aract autonomes
Vous avez développé avec l’Aract participants seront libres de déplacer à dans l’utilisation de l’outil de simulation.
un outil de simulation sur table loisir sur la surface d’affichage. L’un des Nous avons opté pour la conception de
interactive. Quelle en est la finalité ? grands intérêts d’une table est qu’elle systèmes relativement génériques, que
L’idée, pour l’Aract, était d’accompagner permet de joindre à tout déplacement l’on peut exploiter avec un nombre illimité
les projets de conception de ses clients en d’objet un complément d’information sur d’objets tangibles. En gros, il suffit d’insé-
y intégrant au maximum des facteurs l’écran (par exemple la distance parcourue rer un plan et un scénario sous la forme
humains. Pour ce faire, nous travaillons par quelqu’un). De surcroît, toutes les d’un tableau Excel dans l’outil de simulation.
avec un outil particulièrement innovant et interactions sont enregistrées (quel avatar Une petite formation doit suffire pour
riche de potentiels : une table interactive, ou quel objet a été déplacé, à quel moment, pouvoir animer les séances.

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LAURENT VAN BELLEGHEM,
ergonome, professeur associé au Conservatoire ressources nécessaires. Car une démarche
national des arts et métiers (CNAM), dirigeant de participative, quand elle s’inscrit dans un
Realwork cadre méthodologique rigoureux, prend

Q
du temps et appelle des aménagements
spécifiques en matière d’organisation
(groupes de travail, comité de suivi…).
Quel est l’apport de l’ergonomie travail est déterminante. Elle fait de
dans les démarches de conduite l’intervention ergonomique le fil conduc- Quel est le rôle de la simulation ?
de projets ? teur du projet. Elle consiste à mettre le projet à l’épreuve
L’ergonomie a beaucoup à apporter, tant de l’activité — quand, dans les faits, c’est
dans le cadre des stratégies de transfor- Le cadre méthodologique est-il souvent l’inverse qui prévaut. On utilise
mation à proprement parler que pour des fondamental ? des maquettes modulables en carton et
projets qui concernent davantage le quo- Dès lors que l’on intègre le travail comme des petits personnages-avatars, à partir
tidien du travail, par exemple dans l’outil- une question centrale, on doit inclure tous desquels les salariés vont éprouver autant
lage des espaces de discussion. L’attente les acteurs de la situation concernée par de scénarios de situation de travail que
première de l’entreprise n’est pas toujours les transformations, et ce, le plus en amont nécessaire. La maquette tangible est à
clairement formulée. En outre, elle se possible pour en faire les co-constructeurs mes yeux plus pertinente que le logiciel
réduit bien souvent à une demande unidi- du projet initié. C’est pour moi un impéra- de simulation 3D, car elle permet à plu-
mensionnelle : aménagement de poste, tif méthodologique. Cela répond à un enjeu sieurs personnes d’interagir sans requé-
problème de troubles musculo-squelet- de validation et d’adhésion du collectif de rir de compétences technologiques
tiques (TMS)... Le travail de l’ergonome travail aux transformations qui seront particulières. Dans le cadre de simulations
consiste donc d’abord à formaliser le mises en œuvre, donc de performances. organisationnelles, on devra faire un effort
projet, puis à en élargir la portée pour Pour autant, cela ne va pas de soi. Il faut d’imagination pour concevoir un support
intégrer le champ du travail dans sa com- en effet convaincre la direction de l’entre- qui puisse représenter des systèmes de
plexité : organisation, management, prise d’annoncer un projet dont on ne règles, des processus ou des services, et
performance, qualité de vie au travail, etc. connaît pas encore la teneur finale. Ensuite, les avatars ne seront plus des person-
Cette prise en compte de la question du il faut qu’elle s’engage à mobiliser les nages, mais par exemple des dossiers.

L
L’architecte peut-il peser sur
les projets de transformation
des entreprises ?
En tant qu’architecte, je n’ai pas compé-
tence à discuter des stratégies de trans-
formation des entreprises. En revanche,
je sais que chacune d’elles appelle une
représentation du travail et donc de l’amé-
nagement des espaces de travail. En
JACQUES BOULET,
architecte DPLG, professeur d’architecture,
responsable du diplôme universitaire
« Aménager l’espace du travail », Université
Paris-Est, Marne-la-Vallée, coordonnateur
de recherches à la Maison des Sciences
Y a-t-il quelques signaux qui vont
dans le sens d’une réduction
du hiatus entre travail prescrit
et travail réel ?
On voit apparaître depuis quelques années
des notions nouvelles qui ont toutes en
l’occurrence, ce qui me frappe, c’est qu’au-
de l’Homme (MSH-Paris Nord). commun de proposer un dépassement de
delà de la spécificité, voire de la singularité la stricte dimension de travail. Je pense
de chaque projet d’entreprise, il y a une aux thématiques du « vivre ensemble »,
vision assez convenue et standardisée du de la « qualité de vie au travail », qui sous-
travail, de son organisation et surtout de tendent aujourd’hui un accueil du « hors
l’espace du travail. Le meilleur de l’apport d’espaces et de situations de travail dif- travail » et résonnent avec l’émergence
des architectes se situe dans la capacité férenciées. Cette évolution, aussi rapide de nouvelles solidarités. Autre nouveauté :
à transformer le convenu dans un inattendu qu’incontestable, ne constitue pas pour un souci de l’environnement urbain qui va
répondant au plus près aux configurations autant une révolution. Ce qui est tendan- au-delà de la qualité des services, des
mouvantes de la vie au travail. ciel, c’est la décomposition en lieux sépa- commerces et de l’accessibilité par les
rés de temps de travail différenciés qui transports publics. Certaines opérations
Comment se traduit cette vision étaient liés en un même endroit. Ce qui immobilières cherchent ainsi à projeter
convenue ? est nouveau dans cet écho lointain d’une l’entreprise dans un espace public élargi
Elle s’inscrit dans une tendance qui pro- « organisation scientifique » du travail, (trottoirs, rues, jardins, parvis), avec
meut la migration d’un travail supposé c’est une invocation quelque peu magique quelque chose de l’ordre du don : comment
statique vers un travail délocalisé – à où la coexistence dans un même espace l’entreprise peut-elle restituer son activité
l’extérieur comme à l’intérieur de l’entre- de covisibilité, pour ne pas dire panoptique, à la collectivité ? Le « hors travail » au
prise. En bref, le poste de travail tend à est supposée porteuse de convivialité, de travail, serait-il le signe de l’avènement
disparaître au profit d’une multiplicité collaboration, de productivité, etc. d’une autre valeur travail ?

7
A RG U M E N T S

Les transformations constituent d’immenses


opportunités pour les entreprises industrielles
Lancé par le président de la République en avril 2015, le projet Industrie du Futur vise à accompagner
les entreprises vers la modernisation de leur outil industriel et la transformation de leur modèle
économique. Une dynamique qui repose notamment sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs
économiques à l’échelle des territoires.

C
Comment la notion de transformation Les enjeux de formation et d’adaptation
sous-tend-elle les nouveaux ressorts des compétences sont essentiels pour
de compétitivité pour permettre aux entreprises de tirer le PASCAL FAURE,
les entreprises aujourd’hui ? meilleur parti de la nouvelle offre tech- directeur général de la Direction
Les entreprises vivent actuellement un nologique disponible. Qui plus est, les générale des entreprises (DGE)
ensemble de transformations structu- évolutions liées à l’automatisation et à la
relles majeures. Très récemment, l’accord robotisation, en particulier la cobotique,
sur le climat de 195 pays à Paris, les levées déchargent l’homme de certains travaux
de fonds record dans la French Tech ou pénibles et sont un facteur d’attractivité
encore le baril de pétrole qui frôle désor- pour l’industrie. Enfin, loin des modèles concurrence, de la consommation, du travail
mais les 30 dollars ont constitué quelques hiérarchiques verticaux, les nouvelles et de l’emploi) travaillent par exemple main
résultats emblématiques de ces transfor- organisations industrielles s’emploient dans la main avec les Aract pour concrétiser
mations. Celles-ci constituent d’immenses à mettre en œuvre de nouveaux modèles l’Industrie du Futur. Il s’agit dans certaines
oppor tunités de compétitivité, qu’il de management, favorisant autonomie régions d’organiser des échanges entre
convient de saisir en s’appuyant sur nos des salariés, valorisation des compé- entreprises pour diffuser les meilleures
importants atouts. Ces transformations tences techniques et des savoir-être. pratiques de management ou encore de les
sont non seulement majeures, mais elles Au sein du projet Industrie du Futur, un accompagner dans la mise en place de nou-
se déroulent également à un r ythme important pilier a donc été constitué sur veaux outils de production. Ces travaux sont
effréné. Chaque jour, les nouvelles tech- le sujet des res sources humaines. remarquables, car ils couplent la vision
nologies pénètrent de plus en plus vite Associant les organisations syndicales prospective de l’Industrie du Futur avec ses
dans l’entreprise (fabrication additive, de salariés actives au sein du Conseil conséquences immédiates sur l’entreprise
analyse massive de données, Internet national de l’industrie, ce pilier comporte et ses salariés.
industriel, intelligence artificielle…). Ces à la fois un volet prospectif et un volet Par ailleurs, la DGE organise chaque année
technologies font système grâce au numé- opérationnel, avec la conception et la mise la Semaine de l’industrie pour valoriser
rique, les cloisons tombent entre industries en place de formations adaptées. C’est et promouvoir les métiers de l’industrie.
et services et cela bouleverse, dans tous ainsi que le plan « Osez l’industrie » a été Sixième édition cette année (14-20 mars
les secteurs, les organisations, les modes sélectionné dans le cadre du Programme 2016), elle a pour thème précisément
de conception et de commercialisation. d’investissements d’avenir (PIA), pour l’Industrie du Futur. Elle avait rassemblé
La démarche Industrie du Futur, lancée créer un portail Internet d’information à 200 000 participants en 2015 autour de
par François Hollande le 14 avril 2015, a destination des élèves et leurs familles plus de 2 600 événements organisés sur
précisément pour objectif d’aider chaque sur les métiers, les formations et les l’ensemble des territoires. À cette occa-
entreprise à appréhender ces mutations besoins de recrutement de l’industrie du sion, les entreprises industrielles qui le
et à franchir un pas vers la modernisation futur, en lien avec les entreprises. souhaitent sont invitées à ouvrir leurs
de son outil industriel et la transformation portes au grand public afin de valoriser
de son modèle économique, gages de sa Comment l’État s’engage-t-il dans les savoir-faire de leurs salariés et de
compétitivité future. les territoires pour soutenir présenter leur outil de production. Ces
la modernisation des entreprises ? efforts pour valoriser l’attractivité de
Quelle place accorde-t-on La mobilisation autour de l’Industrie du Futur notre tissu économique sont indispen-
à la question du travail dans est globale. Dans les territoires, plus de 1 100 sables à notre compétitivité.
ce programme ? entreprises se sont déjà engagées dans cette Les entreprises l’ont bien compris : cette
La montée en compétences des salariés dynamique, avec un objectif de 2 000 à fin démarche globale de transformation doit
et la formation des futures générations 2016. Un dispositif exceptionnel est mis en nourrir de grandes ambitions, des PME
aux nouveaux métiers constituent la place pour nourrir les ambitions des PME qui aux grands groupes, des salariés aux
condition sine qua non du succès de l’Indus- font la richesse de notre tissu économique : pouvoirs publics. C’est une aventure
trie du Futur. Un simple chiffre donne une de nombreuses actions sont mises en place collective, qui est au cœur des préoccu-
indication de la mission à accomplir : deux dans les territoires. pations du gouvernement. La DGE s’y
tiers des métiers de 2050 n’existent pas Dans plusieurs régions, les DIRECCTE engage avec force.
encore ! (Directions régionales des entreprises, de la

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C ÔT É E N T R E P R I S E S

Un double regard d’ergonomie et d’architecture d’intérieur a permis à la directrice du salon Annie Coiffure
et son équipe de créer un projet participatif améliorant esthétique du magasin et conditions de travail.

Action collective : une idée


pour changer de tête !
E ANNIE COIFFURE
n 2013, une quinzaine de et conseillent dans ces moments
salons de coiffure de la région de rénovation, poursuit Michaël Secteur : coiffure
avaient déjà travaillé avec Paquin. Il nous a semblé important Activité : salon de coiffure
l’Aract Lorraine sur la question de de replacer le chef d’entreprise, Effectif : 2 salariés
la fidélisation des salariés, un enjeu avec son équipe, comme le décideur Région : Lorraine
fort du secteur. « Le thème de la et le porteur de son projet. Il n’y a
conception des espaces avait été pas que la dimension décorative en
évoqué, mais nous n’avions pu alors jeu, pour les salariés la fonction-
le traiter », indique Michaël Paquin,
chargé de mission à l’Aract. C’est
nalité est aussi un élément de
fidélisation dans un salon. »
été trouvée pour en faire aussi un
espace de stockage de matériel. De
@ C O N TA C T
Michaël Paquin
désormais chose faite avec une même, l’échange avec l’ergonome m.paquin@anact.fr
action collective qui a rassemblé Maquettes 3D l’a convaincue d’opter pour des bacs
de nouveau 15 salons ayant un à shampoing réglables en hauteur.
projet de transformation à mener. « Nous avions 3/4 grands pôles « On a beaucoup moins de pro-
L’objectif de cette démarche ? précis à respecter, parmi lesquels blèmes au niveau des postures »,
L’élaboration d’un guide de recom- une cabine pour les prothèses estime-t-elle avec un an de recul à
mandations à usage de tous les capillaires, tout en améliorant le
professionnels (lire encadré ci- m o b i l i e r, r a c o n t e É l i s a b e t h
contre) alors que le secteur emploie Dumontet. Je ne suis pas seule dans « Seule, je ne l’aurais pas fait.
près de 6 000 salariés en Lorraine. l’histoire, nous sommes trois à Là, ils ont tenu compte de ce que
« Par définition, un salon de coiffure travailler à temps plein et nous
surfe beaucoup sur la mode et avons planché sur les différents
nous voulions réellement. »
l’esthétique, relève Michaël Paquin. projets présentés pour finir sur la Élisabeth Dumontet, directrice du salon Annie Coiffure
Ces entreprises sont amenées plus composition d’un sixième. » « Au
régulièrement que d’autres à ni v e au d e l a di sp o si tio n d e s
reconfigurer leur espace de travail, meubles, on arrivait bien à se pro- présent. « On voit mieux ce qu’on
elles sont de facto dans une logique jeter avec les maquettes 3D », fait, on ne se gêne plus entre nous ;
de reconception. » explique Alexandra Petitpoisson, en termes de bien-être, cela a tout
qui travaille depuis 10 ans au salon. changé », se félicite-t-elle. « C’est
L’équipe, chef à bord « Sans ces maquettes, j’aurais un plaisir de venir travailler quand
diminué au maximum les toilettes, c’est refait à neuf », dit en écho
« J’avais aussi des problèmes de trouvant que c’était de la place Alexandra Petitpoisson.
réseaux électriques et de respect per due », dit aus si Él is abeth
de nor me s sur le s mobil ité s Dumontet, alors qu’une solution a Caroline Delabroy (journaliste)
réduites », complète Élisabeth
Dumontet, qui a repris début 2007
MICHAËL PAQUIN, chargé de mission à l’Aract Lorraine
le salon à Épinal. Elle a ainsi can-
didaté pour participer à cette action
collective, faisant intervenir en Une méthode en trois temps
binôme un ergonome et une étu-
Les accompagnements se sont déclinés en de conception participative, eu égard à ce
diante en architecture d’intérieur. trois phases, consistant en un diagnostic de que cela apporte en matière de fiabilité du
« Seule, je ne l’aurais pas fait, dit-elle l’existant et l’écoute du projet du dirigeant projet et d’implication de l’équipe. Un docu-
avec le recul. Un maître d’œuvre du salon, en la conception et la formalisation ment* recensant toutes les étapes clés a pu
fait toujours un peu à son idée. Là, 3D de plusieurs scénarios possibles, sous être diffusé à tous les salons de la région.
ils ont tenu compte de ce que nous l’angle ergonomie et architecture d’intérieur,
*Il est aussi téléchargeable en ligne :
voulions réellement. Et puis cela puis un retour au salon pour les mettre en http://www.anact.fr/memento-pour-
évite les mauvaises surprises, ça discussion avec le gérant et le collectif. Nous reussir-la-transformation-de-mon-salon-
faisons la démonstration que cela a du sens, de-coiffure-avec-les-salaries
rassure sur les investissements. »
« Dans ce secteur, ce sont beaucoup y compris dans les TPE, d’avoir une démarche
les fournisseurs qui sont en appui

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C ÔT É E N T R E P R I S E S

Un déménagement porteur de qualité


Des mesures individuelles ont accompagné les 500 personnes impactées par la construction du nouveau
siège social du Crédit Agricole régional, distant de 70 km. Le projet a aussi revu l’organisation et les
méthodes de management.

V
CRÉDIT AGRICOLE RÉGIONAL
@ C O N TA C T
Romain Chevallet
ingt ans après avoir
fusionné, la caisse régionale
du Crédit Agricole Charente-
Secteur : bancaire
Activité : banque assurance
r.chevallet@anact.fr
Maritime Deux-Sèvres franchit une Effectif : 1 744 salariés
nouvelle étape. À la rentrée 2016, Région : Poitou-Charentes
elle inaugurera dans l’aggloméra-
tion de La Rochelle un nouveau
siège social flambant neuf aux
normes HQE (haute qualité environ- gement. « L’objectif était qu’au tions de travail (CHSCT) Serge Lebrun
nementale) pointues, abritant m o m e nt o ù l e s d é c i s i o n s s e affilié à la CFDT (Confédération
quatre étages de bureaux, un atrium prennent, les impacts soient en française démocratique du travail),
central et un vaste auditorium ayant grande partie identifiés et l’accom- qui se remémore « des premiers
vocation à être ouvert au public de pagnement pensé dès le début, mois un peu compliqués, où toutes
les organisations syndicales n’ont
pas négocié ». « Mais nous avons
« Deux sujets à travailler : l’aspect social vite acté un calendrier sur le mode
avec les mesures d’accompagnement, de consultation des instances repré-
sentatives du personnel, poursuit-
et l’aspect conditions de travail sur le futur site. » il. Il y avait deux sujets à travailler
Serge Lebrun, secrétaire du CHSCT en comité : l’aspect social avec les
mesures d’accompagnement, et
l’aspect conditions de travail sur le
partenaires, entreprises et asso- déclare Fabrice Bouffet, directeur futur site de La Rochelle. Nous
ciations, la banque comptant sur le du développement des ressources avons beaucoup discuté des risques
territoire près de 547 000 clients. humaines. À ce moment-là, a été psychosociaux liés au déménage-
Concrètement, pour les 500 salariés construit et établi avec les parte- ment, puis étendu les échanges à
qui travaillaient jusqu’alors sur les naires sociaux un calendrier et des toutes les problématiques de santé
sites de Niort (230 personnes) et engagements qui ont été tenus. » au travail. »
Saintes (270 personnes), cela va se Concernant le volet accompagne-
traduire par un déménagement de Acter un calendrier ment, « une “Task Force” de 15
leur lieu de travail, distant d’environ personnes a été mobilisée au niveau
70 km. Depuis que le projet a été « Il fallait faire avancer les choses », de la direction des ressources
acté, en 2013, la banque coopérative affirme de son côté le secrétaire du humaines pour recevoir individuel-
et mutualiste se prépare à ce chan- Comité d’hygiène sécurité et condi- lement chacun des 500 salariés
concernés », explique Fabrice
Bouffet. L’objectif était de faire un
ANNE BIZOUARD, directrice études et développement des ressources humaines premier diagnostic des situations
à la Fédération nationale du Crédit Agricole individuelles, autant profession-
nelles que personnelles. « Il nous
Le Crédit Agricole construit sa propre méthode fallait être cer tains qu’aucune
situation difficile ne nous échappe.
Qu’il s’agisse de projets immobiliers, infor- Bizouard. Cela, pour réunir deux choses Il fallait aussi pouvoir rapidement
matiques ou de process, le Crédit Agricole essentielles : concevoir à partir de la réalité détecter les difficultés et demandes
expérimente une méthodologie conçue par du travail et créer avec les salariés. Quelle de reconversion afin de proposer un
son Observatoire national des conditions de que soit la nature du projet, il faut montrer programme de formation adapté.
travail, en partenariat avec l’Anact. « Nous qu’en faisant autrement, on produit des L’engagement de la direction, pour
avons mis l’accent sur le fait que la conduite résultats différents. La performance est une les personnes ne voulant pas aller
de changement ne doit pas seulement être réponse équilibrée à la satisfaction clients, à La Rochelle, est de retrouver un
sur l’aval (formation, communication), mais entreprise et collaborateurs. » projet professionnel dans les
bien sur les phases amont, explique Anne
réseaux de proximité en proposant
un accompagnement personnalisé. »

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C ÔT É E N T R E P R I S E S

de vie au travail

Former les managers tidien », relève Louis du Hamel. La mettre d’accord avec la direction
digitalisation des échanges, en sur la mise en place d’un baromètre
« Dès 2013, nous avons engagé un interne comme dans la relation social qui, en relation avec l’Obser-
vaste mouvement de formation de client, constitue l’une des réponses, vatoire des conditions de travail, va
notre encadrement sur l’analyse de de même que l’équipement de 100 % permettre d’élaborer un plan
travail, pour bien préparer l’en- des salariés en ordinateur portable. d’actions concret », cite-t-il en
semble des managers à porter ces L’espace des nouveaux bureaux a exemple. « Un sujet en tire d’autres,
changements-là » ajoute le directeur par ailleurs été pensé « pour favo- poursuit-il. Sur le numérique, la
du développement des ressources riser les échanges ». « Nous instal- direction a accepté de discuter aussi
humaines. Il met en avant « la lons de plus un mode de du devoir et du droit à la décon-
logique d’innovation sociale » sous- management visuel, afin d’être en nexion. On élargit le spectre des
tendant ce projet de déménagement totale interaction avec l’ensemble premières négociations que l’on
qui, souligne-t-il, « n’est pas seule-
ment un sujet immobilier, mais
également un sujet de vivre et tra- « Faire un premier diagnostic des situations individuelles,
vailler ensemble, de se projeter dans
autant professionnelles que personnelles. »
un nouvel environnement ». Aussi,
la caisse régionale a-t-elle souhaité Fabrice Bouffet, directeur du développement des ressources humaines
« prendre un temps d’avance pour
que chaque salarié puisse trouver
ses repères dans le nouveau site », de l’équipe », indique-t-il, soulignant avait pu avoir. Si le début a été dif-
cela dans une démarche de co- qu’une démarche parallèle est ficile pour les salariés, ils sont
construction. Un travail a été mené menée avec l’ensemble des 171 désormais nombreux à se projeter,
avec le CHSCT et un ergonome sur agences du réseau, grâce à la mise et des actions concrètes sont en
la manière d’organiser les services en œuvre d’un nouveau concept train de se mettre en place sur la
dans le futur siège social. Il a dans favorisant la collaboration et la qualité de vie au travail. » De son
un premier temps consisté à partir relation client. « Les deux évolutions côté, Fabrice Bouffet espère faire
des réalités du travail et méthode doivent se faire en même temps », la démonstration que « plus les
de chaque unité, avant de se projeter affirme-t-il. salariés sont accompagnés et
sur une nouvelle manière de tra- Le secrétaire du CHSCT met éga- impliqués dans la transformation
vailler et d’animer les équipes. lement en avant une vision plus de leur entreprise, plus la perfor-
« macro ». « Sur un projet de démé- mance globale est au rendez-vous ».
Baromètre social nagement, nous sommes arrivés à Pour l’heure, 9 salariés sur 10 ont
construire des choses qui inté- totalement fait le choix de suivre
« En arrivant à La Rochelle, nous ressent aussi notre réseau leur poste à La Rochelle.
aurons modifié un certain nombre d’agences », souligne ainsi Serge
de pratiques et de fonctionnements Lebrun. « Nous avons réussi à nous Caroline Delabroy
internes », déclare Louis du Hamel,
directeur de la transformation des
moyens et des projets immobiliers, ROMAIN CHEVALLET, responsable du département Élaboration de solutions de transfert à l’Anact
qui se félicite de ce que « les chan-
gements soient initiés en amont » et « Un fort enjeu de transfert »
non, comme trop souvent, en réac-
tion à un nouvel environnement. Dans tous les essais menés par le Crédit de nombreux projets. Il y a également un
Dans les mesures d’accompagne- Agricole avant de labelliser sa méthodolo- fort enjeu de transfert. Plus de 300 per-
ment, il a par exemple été acté, pour gie, on retrouve ces trois ingrédients : sonnes ont été formées dans les caisses
l’ensemble des salariés, la possibi- l’analyse du travail réel, la co-conception régionales pour intégrer l’analyse de travail
avec les utilisateurs et la simulation pour dans les projets de transformation. Le
lité de travailler 25 jours dans
projeter le travail futur avec l’usager. À profil était au début plutôt RH, puis chefs de
l’année à distance, dans une agence
partir du moment où il y a un socle d’analyses projet et services d’organisation… cela me
du réseau. « Cela nous oblige à
posé et éprouvé, il est possible de toucher paraît révélateur d’un besoin.
revoir nos fonctionnements au quo-

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C ÔT É E N T R E P R I S E S

Ergonomie et production :
un concept mûr
La filière agroalimentaire régionale encourage les entreprises à intégrer les conditions de travail à
leurs projets d’investissement.

IL ÉTAIT UN FRUIT testé le marché et validé que le projets ». « Pour aller plus loin dans
Secteur : agroalimentaire « concept tenait la route ». « À pré- notre dynamique régionale sur les
Activité : fabrication de fruits séchés sent, nous sommes en phase d’in- conditions de travail, nous avons
Effectif : 4 salariés dustrialisation pour rentrer dans un souhaité traiter les problématiques
Région : Languedoc-Roussillon prix de revient intéressant », déclare d’ergonomie comme un levier de
Laure Vidal, qui s’apprête pour cela per formance, poursuit Anne
à déménager dans un nouvel atelier Chassang. Nous nous sommes

@
C
C O N TA C T ’est une toute nouvelle entre- et site de production. tournés vers notre expert en perfor-
Catherine Pinatel prise agroalimentaire de la mance industrielle pour la connais-
c.pinatel@anact.fr région. « Il était un fruit » a Former un binôme sance qu’il avait des projets potentiels
germé dans l’imagination de Laure et nous avons choisi de former un
Vidal en 2013, jusqu’à ce qu’elle Adhérente à l’association Languedoc- binôme en associant ses compé-
dépose ses statuts en mai 2014. Roussillon Industries Agroali- tences à celle d’un ergonome. »
« Nous sommes partis d’une idée mentaires (LRIA), qui assiste les
innovante, il nous fallait tout entreprises du secteur dans leur Intégrer le capital
construire », raconte aujourd’hui la développement, elle a tout de suite humain
chef d’entreprise. Partant du prin- répondu favorablement au projet
C’est justement cette complémen-
tarité qui a séduit Laure Vidal. « Cela
« Le fait d’avoir ce regard croisé a été très positif répondait à un double objectif pour
nous, celui de la performance indus-
pour concevoir notre nouvelle unité de production. »
trielle et de l’ergonomie, énonce-t-
Laure Vidal, chef d’entreprise de « Il était un fruit » elle. Je considère comme essentiel,
dans notre croissance, d’intégrer le
capital humain. Le fait d’avoir ce
cipe qu’il n’est pas toujours facile de d’un accompagnement en partenariat regard croisé a été très positif pour
manger quotidiennement des fruits, avec l’Aract Languedoc-Roussillon. concevoir notre nouvelle unité de
elle a développé une gamme attrac- Celui-ci s’est inscrit dans une action production. » Les échanges avec
tive de fruits séchés, des fruits de collective rassemblant une dizaine l’ergonome lui ont par exemple
saison et produits localement, d’entreprises dans l’objectif, explique permis d’intégrer tout de suite la
commercialisés dans des sachets Anne Chassang, chargée de mission question de l’éclairage, afin de favo-
aisément transportables, à l’école à la LRIA, de « montrer que le fait riser la lumière naturelle. Côté
ou sur son lieu d’activité. La pre- d’intégrer les conditions de travail per formance, l’entreprise a pu
mière année, la jeune entreprise a est une modalité de réussite des inclure à sa réflexion « tous les flux,
sans oublier le traitement des embal-
lages vides ». Pour parvenir à une
CATHERINE PINATEL, chargée de mission à l’Aract Languedoc-Roussillon « structure suffisamment souple et
flexible en fonction des fruits de
saison », dont le traitement implique
Une bibliothèque de situations de référence des machines différentes, il a fallu
L’idée de cette action collective est d’accompa- réflexion sur le projet d’entreprise et permettre pas moins de 11 versions du projet.
gner des entreprises dans leur projet d’inves- d’anticiper le travail futur. Nous sommes en Pas de quoi décourager l’équipe de
tissement en y injectant les dimensions train de capitaliser sur une bibliothèque de « Il était un fruit », pour qui cette
ergonomie et performance industrielle. Cette situations de référence concrètes, que viendra anticipation a aussi permis d’aborder
double approche leur montre que les conditions compléter un support numérique mis à dispo- plus sereinement la phase de consul-
de travail contribuent à leur performance sition des sociétés pour leur apporter des tation des entreprises travaillant sur
industrielle. L’ergonome va apporter des élé- repères méthodologiques et les aider à intégrer la nouvelle unité de production. Le
ments plus spécifiques sur les méthodes de la qualité de vie au travail à leur conduite de déménagement est prévu en mai.
réalisation des tâches, qui vont alimenter la projet de développement.
Caroline Delabroy

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Tout au long du chantier, cette filiale du groupe Eramet a imposé aux constructeurs et fournisseurs
une analyse des risques et des modifications en conséquence des différents lots.

Sécurité à la conception :
l’enjeu de l’usine 4.0
FILIALE ERAMET

L
’équipe projet a vécu de 2008 à aussi les opér ationnel s. « J’ai Secteur : industrie
2012, le temps de concevoir, demandé à la maîtrise d’œuvre Activité : métallurgie de pointe
construire et lancer l’usine du d’intégrer dans les cahiers des Effectif : 1 500 salariés
Puy-de-Dôme destinée à héberger charges ces hypothèses de base HSE Région : Auvergne-Rhône-Alpes
le nouveau four d’élaboration sous (hygiène, sécurité, environnement) »,
vide du métallurgiste Aubert & Duval. indique Benoît Delvincourt.
Le rôle de cet équipement est d’éla- chef de projet. L’expérience d’exploi-
borer sous vide des aciers et super­ Méthode AMDEC tant sur le four ancien et l’étude HSE
alliage, en obtenant ainsi une grande ont permis de compléter la cartogra-
propreté et des propriétés méca- L’autre phase décisive du projet a phie. Concernant le four d’élaboration
niques élevées. Et ce, pour les mar- consisté à imposer à tous les fournis- sous vide, l’étude a coûté 50 000 € et
chés de l’aéronautique, de l’énergie, seurs et constructeurs une analyse a identifié plus de 500 dangers. « Pour
du nucléaire ou encore du secteur de risques selon la méthode AMDEC*. chacun d’eux, nous avons décidé
de la défense. Autrement dit, à lister et coter les d’actions, dont la plupart étaient à la
risques en fonction de leur fréquence conception. » Six journées de travail
Partir de l’étude et de leur gravité qu’il s’agisse de en commun ont par ailleurs été
de flux sécurité, d’environnement, de main- menées avec le constructeur pour

Chargé de mener à bien ce vaste


chantier, Benoît Delvincourt s’est
appliqué « à mettre de la sécurité à la « Tout a commencé par l’étude de flux pour dimensionner
conception », la politique de l’entre-
l’usine et travailler sur leur simplification. »
prise rejoignant « des convictions
personnelles » fortes d’une longue
Benoît Delvincourt, chef de projet lors de la construction de l’usine
© Michel Label
expérience professionnelle qui lui a
fait « avoir du recul sur les différents
métiers opérationnels ». Un techni- tenance, de qualité des produits, de valider une analyse unique. « C’est un
cien sécurité à l’élaboration a ainsi montage, etc. « La méthode peut jalon du projet stratégique, parce que
fait partie de l’équipe projet. « Ce sujet paraître lourde, certains construc- nous pouvions encore alors changer
était complètement intégré à l’orga- teurs n’étaient d’ailleurs pas très l e s c h o s e s  » , c o n c l u t B e n o î t *Analyse des modes
de défaillances,
nisation », relève Benoît Delvincourt. convaincus, mais cela nous a tout de Delvincourt, qui a inauguré la nouvelle de leurs effets
Selon lui, « tout a commencé par suite permis de cibler tous les risques usine en 2012. et de leur criticité.
l’étude de flux pour dimensionner et d’imposer une modification de
l’usine et travailler sur leur simplifi- conception et de design », déclare le Caroline Delabroy
cation ». « Pendant plusieurs mois,
nous nous sommes beaucoup chal-
BENOÎT DELVINCOURT, chef de projet lors de la construction de cette nouvelle usine
lengés pour avoir la fabrique la plus
fluide possible, poursuit-il. Nous en
sommes sortis avec des décisions de Une démarche généralisée dans le groupe
conception et de flux permettant Nous avons réalisé 10 AMDEC sur les diffé- n’aurait pas impacté le démarrage, mais le
d’éliminer les risques sécurité. » À rents lots avec cette démarche de co-appro- fonctionnement à terme aurait été plus
l’extérieur du bâtiment, il a été décidé priation fournisseur-client, ce qui est très accidentogène. L’accès aux zones de main-
d’une circulation à sens unique des rare dans les projets d’investissements. C’est tenance est par exemple sécurisé et facile.
véhicules pour éviter tout croisement. quelque chose que nous avons généralisé La montée en puissance de l’usine s’est faite
À l’intérieur, les visiteurs évoluent depuis dans le groupe. Cela a un coût, mais comme prévu. Depuis trois ans, il n’y a pas
sur un passage sécurisé à 6 mètres il faut regarder les effets positifs sur la eu de problème de sécurité lié à la conception.
du sol, sans accès aux zones de travail, performance, la sécurité, les conditions de Par ailleurs, il y a eu très peu de modifications,
travail optimisées. Si nous n’avions pas mené de fiabilisation, qui d’habitude coûtent cher
mais avec une vision globale de l’ate-
toutes ces études sur les risques, cela dans les premières années.
lier. Au total, une centaine d’avis ont
découlé de cette étude, qui a impliqué

13
C ÔT É E N T R E P R I S E S

Pas de recyclage,
mais un traitement de solutions
Dans cet accompagnement, la démarche a d’abord consisté à séquencer les activités de l’atelier avant
de mettre au débat les différents schémas du nouvel aménagement.

D ESAT LA GIBAUDIÈRE
es différentes activités opé-
rées dans l’agglomération Secteur : services
angevine par l’ESAT La Activité : traitement des déchets
Gibaudière, le tr aitement des Effectif : 125 personnes
déchets est la plus visible et connue Région : Pays de la Loire
du public. L’établissement, qui
emploie 105 travailleurs handicapés

@ C O N TA C T
Guénolé Trébossen
et 20 encadrants, a 10 ans d’expé-
rience dans la collecte, le tri et le
consiste en un bâtiment principal qui
abrite deux grosses presses à balles,
lignes de l’aménagement futur de
l’atelier, avec l’appui du chargé de
g.trebossen@anact.fr recyclage de cartons, plastiques un parc aérien servant à la réception, mission Aract. Il a dans un premier
durs et souples et autre polystyrène. au stockage et à l’expédition des temps recensé les machines et
Au moment de doubler l’effectif, et déchets, ainsi que plusieurs abris postes de travail à positionner, et
de développer une nouvelle offre de annexes affectés à d’autres fonc- recouru à la méthode des chaînons
valorisation du bois, l’entreprise a tions. « Il fallait donner une lecture de l’Institut national de recherche et
sollicité l’Aract Pays de la Loire pour de flux, séquencer les différentes de sécurité pour la prévention des
un accompagnement portant sur activités et mettre en évidence cette accidents du travail et des maladies
l’amé­­nagement de l’atelier de 1 000 m². évolution avec une notion de “front” professionnelles (INRS) afin de
« Je voyais tout ce flux nouveau, et et “back-office” », analyse Guénolé faciliter les transferts entre eux.
l’organisation du travail qui n’avait Trébossen, chargé de mission à Dans un deuxième temps, différents
pas évolué… ma priorité était la l’Aract Pays de la Loire. Mais avant schémas ont été débattus à l’aide de
sécurité avant tout », déclare Hervé toute chose, il fallait partir d’un simulation sur papier représentant
Rémy, directeur de la structure. diagnostic commun sur l’existant. les éléments à placer. « Par cette
« C’est quelque chose de véritable- technique d’essais erreurs, une
Séquencer ment pédagogique, basé sur le implantation acceptable et respec-
les activités constat », souligne Hervé Rémy, qui tant au mieux les critères a pris peu
qualifie l’ensemble de la démarche à peu forme », obser ve Guénolé
À titre d’exemple, des personnes de « très structurante ». Trébossen.
faisaient du tri de détail au milieu du « Cette simulation a été décisive, elle
va-et-vient de camions. L’atelier Passer par a permis d’impliquer les personnes
la simulation qui vivent dans l’atelier », souligne
de son côté Hervé Rémy. « L’atelier
« Cette simulation a été décisive, Après ces premières réflexions, le n’est plus le même aujourd’hui,
elle a permis d’impliquer les groupe composé de la direction, du poursuit-il. Nous avons fait des
personnes qui vivent dans l’atelier. » responsable de production et du travaux pour refaire une dalle et
moniteur a travaillé sur les grandes tourner de 90° l’axe du compacteur.
Hervé Rémy, Directeur de l’ESAT La Gibaudière
Les personnes qui travaillaient dans
le préau sont désormais dans un
local aménagé pour éviter bruits et
GUÉNOLÉ TRÉBOSSEN, chargé de mission à l’Aract Pays de la Loire
courants d’air. À l’extérieur, nous
avons posé des racks de stockage et
Des investissements mieux répartis limité les zones de croisement dan-
Outre son aspect participatif, fondamental sur l’analyse de la question : quelle est la gereuses. » Tout cela en respectant
dans la gestion de projet, cette démarche problématique qui se pose derrière ? Une fois le budget initial de 25 000 €, précise
permet d’éviter d’aller trop vite vers les solu- l’interrogation bien formulée, le groupe peut le directeur, qui s’est aussi donné le
tions et de dépassionner le débat, entre trouver la bonne réponse. Les simulations temps d’éprouver à la réalité le
attentes d’un côté et budget de l’autre. Le permettent alors de rester dans le concret. nouveau schéma. D’abord tempo-
premier travail consiste en effet à amener les Au final, il apparaît dans ce cas que l’investis- raires, les nouveaux marquages au
protagonistes à temporiser cette dynamique sement a pu être mieux réparti en fonction des sol vont ainsi être bientôt pérennisés.
de recherche de solutions pour se focaliser besoins réels.
Caroline Delabroy

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A L L E R P L U S LO I N

De l’intention à la réussite
d’un projet
Le réseau Anact est engagé auprès des collectivités, des branches professionnelles et des filières pour soutenir
les TPE et PME dans leurs projets d’investissement.
Fiche réalisée par Ludovic Bugand (contact : l.bugand@anact.fr)

ACCOMPAGNEMENT D’ENTREPRISES CONDUITE D’ACTIONS COLLECTIVES

• Diagnostic basé sur l’analyse du travail. • Montage et coordination d’ingénierie collective.


• Enrichissement du cahier des charges. • Animation de réseaux de conseils en entreprise.
• Animation des démarches de simulation. •M
 aillage des ressources du territoire (écoles, fab lab,
centres techniques…).
• Appui à la construction de projets collectifs et participatifs.
• Transfert vers les entreprises (sensibilisation, outillage…).
• Évaluation de nouveaux systèmes de travail.

OBJECTIF : rendre accessibles des outils et des méthodes comme la simulation qui permettent aux entreprises
de réussir leur projet et de concevoir un travail futur de qualité.

ÉTAPE 1 Enjeux Actions


ANTICIPER • Maîtriser la faisabilité du projet en identifiant  Construire avec les salariés concernés un même
très tôt les réels besoins et les opportunités. diagnostic de la situation existante.
« ANALYSER L’EXISTANT • Anticiper et accompagner les changements  Définir les objectifs du projet dans toutes ses
POUR MIEUX PENSER induits par le projet. dimensions (économique, technique,
organisationnelle, RH, environnementale).
L’AVENIR »
 Identifier les situations atypiques, les aléas, les
variabilités à simuler dans la phase de conception.
 Définir les modalités d’implication, d’information
et d’accompagnement des salariés.

PISTE 2 Enjeux Actions


CONCEVOIR • Prendre les bonnes décisions en se projetant  Modéliser différents scénarios de conception sur
concrètement dans l’avenir grâce des supports (plan, maquette 3D…) facilitant la
à la simulation. visualisation par des non-experts et la simulation.
« ENVISAGER PLUSIEURS
OPTIONS ET SIMULER • Maîtriser le projet en formalisant un cahier  Simuler l’activité future avec les usagers.
des charges.  Utiliser une grille d’évaluation sur la base
LE TRAVAIL FUTUR
• Permettre aux futurs utilisateurs des objectifs du projet et du diagnostic.
AVANT DE RETENIR de s’approprier les changements en cours.  Formaliser des attentes précises dans le cahier
LA SOLUTION »
des charges transmis au prestataire.

PISTE 3 Enjeux Actions


RÉALISER • Éviter les mauvaises surprises lors  Passer par une étape d’expérimentation
de l’implantation. (prototype, ligne pilote…).
« S’AJUSTER POUR • Gérer au mieux la phase de transition.  Suivre régulièrement le chantier au regard
FACILITER LA “PRISE des exigences du cahier des charges.
EN MAIN” DU NOUVEAU  Adapter les ressources et/ou les objectifs le temps
des modes dégradés.
SYSTÈME »
 Répondre aux besoins de formation.

PISTE 4 Enjeux Actions


UTILISER • Optimiser l’utilisation du nouveau système  Mettre en place des retours d’expériences avec
de travail. l’équipe projet et des utilisateurs.
« CONTINUER • Maintenir l’implication des salariés.  Procéder aux ajustements nécessaires.
À DISCUTER DU TRAVAIL • Faire progresser l’organisation.  Rester en soutien des équipes.
POUR NE PAS DÉCEVOIR »  Accompagner le développement d’usages non
prévus.

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AUX ÉDITIONS DE L’ANACT
à lire PUBLICATIONS
DU RÉSEAU
ANALYSER LES USAGES DES SYSTÈMES
D’INFORMATION ET DES TIC :
QUELLES DÉMARCHES, QUELLES MÉTHODES ?
Conduire un projet d’amélioration
des conditions de travail dans M. Benedetto-Meyer, R. Chevallet
le secteur agroalimentaire.
Les bonnes questions à se poser Un système d’information sous-utilisé, des usages
pour réussir un projet «détournés», des collaborateurs soupçonnés de «résis-
d’investissement en y intégrant
ter au changement», des performances loin des objectifs
la prévention des risques,
Guide méthodologique, Aract Nord- fixés… le constat n’est pas rare. Pour aider les entreprises
Pas-de-Calais, 2015, 24 p. à éviter les écueils, cet ouvrage montre comment l’ana-
lyse d’usage permet d’anticiper et d’ajuster les conditions nécessaires à l’appropria-
Mémento pour réussir tion d’un système ou de TIC par l’organisation et les utilisateurs. Il donne à voir huit
la transformation de mon salon démarches et méthodes de chercheurs — sociologues, gestionnaires, ergonomes,
de coiffure avec les salariés, psychologues — et d’un consultant. Commandités par le réseau Anact, en partenariat
Aract Lorraine, 04/2015, 6 p. avec le CIGREF et Orange Labs, ces travaux, menés en entreprises, ont une forte visée
opérationnelle.
Concevoir la boulangerie de
demain : aménagement des
locaux et organisation du travail.
Guide pour les artisans
boulangers et boulangers-
pâtissiers, Espaces de travail
Aract Languedoc-Roussillon et coll.,
10/2013, 16 p.
Ergo-conception : intégrer une www.anact.fr/themes/
approche ergonomique dans les
projets d’investissement. Retours
espaces-de-travail

sur anact.fr
La gestion d’un projet RFID : d’expériences sur 12
conseils et témoignages. Ce qu’il
faut savoir avant de commencer
accompagnements, Investissement industriel
Aract Pays de la Loire et coll. 2007, 9 p.
un projet RFID…, www.anact.fr/themes/
Aract Nord-Pas-de-Calais, CITC et investissement-industriel
coll., 2013, 54 p. AUTRES PUBLICATIONS
La conception des situations Théorie, méthodes et
de travail dans les petites et organisations de la conception,
moyennes entreprises. Comment A. Hatchuel, B. Weil, P. Le Masson,
prendre en compte les conditions Presses des Mines, 11/2014, 462 p.
de travail ?,
Aract Basse-Normandie, 11/2011, 28 p. L’impact des TIC sur
les conditions de travail,
Réussir un projet de conception T. Klein, D. Ratier, Centre d’analyse
et d’aménagement de bâtiment stratégique, 2012, 328 p.
en PME : l’enjeu des conditions
de travail, Conception des lieux et E-learning « Réussir son
R. Chevallet, D. Baradat, Anact, des situations de travail. Santé projet d’investissement »
03/2010, 40 p. et sécurité : démarche, méthodes de l’Aract Picardie
et connaissances techniques,
sur le web

De la faisabilité à la réalisation INRS, 09/2011, 152 p. www.cestp.aract.fr/


de vos… projets d’investissement. -E-learning-
Le guide des bonnes pratiques Simulation organisationnelle :
de conduite de projet, innovation ergonomique pour
M. Coppi, N. Juran, CESTP-Aract innovation sociale, Alliance Industrie du Futur
Picardie, 2009, 10 p. L. Van Belleghem, SELF, 2012, 9 p. www.allianceindustrie.wix.
Réussir un projet système Des fonctions de la simulation com/industrie-dufutur
d’information en PME : l’enjeu des situations de travail en
des conditions de travail, ergonomie,
R. Chevallet et coll., Anact, 2007, 48 p. F. Daniellou, Activités revue
électronique, n° 2, 2007, pp. 77-83.
Réussir un projet industriel
en PME : l’enjeu des conditions Prendre en compte l’activité
de travail, de travail pour concevoir,
D. Baradat, L. Bugand, M. Coppi, P. Béguin, Activités revue
P. Bossard, Anact, 2007, 40 p. électronique, n° 2, 2007, pp. 107-114.

TRAVAIL & CHANGEMENT, une publication du Réseau Anact-Aract pour l’amélioration des conditions de travail.
Directeur de la publication : Hervé Lanouzière – directrice de la rédaction : Stéphanie Da Costa – directeur technique et scientifique : Olivier Mériaux. Contributeurs au dossier :
Ludovic Bugand, Romain Chevallet, Michaël Paquin, Catherine Pinatel, Guénolé Trébossen. Réalisation All Contents – chef de projet : C. Girard ; journalistes : C. Delabroy,
M. Jaouën ; secrétaire de rédaction : P. Rosset ; directeur artistique : A. Dubois ; illustratrice : S. Allard ; fabrication : R. Galrão – 23 bis, rue de Turin, 75008 Paris – impression :
imprimerie Chirat, 744, rue Sainte-Colombe, 42540 Saint-Just-la-Pendue. Dépôt légal : 2nd trimestre 2016. Une publication de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail,
192, avenue Thiers-CS 800 31-69457 Lyon Cedex 06, tél. : 04 72 56 13 13, e-mail : travailetchangement@anact.fr

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