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Chapitre III - Gouvernance Portuaire
Chapitre III - Gouvernance Portuaire
Économie Portuaire
Cours proposé par Mr Foued Aloulou
Maître de conférences en Economie
1ère année Master Professionnel
Management des affaires maritimes
2019-2020
Dans la plupart des pays développés et/ou en voie de développement, les ports faisaient partie
traditionnellement des activités réglementées. Cette intervention des Etats dans le financement, le
fonctionnement et l’organisation de ce secteur, est dictée par diverses raisons d’ordre technique,
économique, politique et stratégique.
Cependant, ce secteur avait une tendance d’enregistrer des pertes d’efficacité dues essentiellement à
la défaillance de cette politique réglementaire. Les systèmes réglementaires nationaux qui
encadraient les ports sont devenus caducs à cause de leur inadaptation avec l’évolution technico-
économique de ce secteur. Ils s’avèrent incapable d’atteindre leurs objectifs assignés, à savoir la
modernisation du port et l’amélioration de sa performance et sa compétitivité.
La tendance actuelle dans la construction et la gestion portuaire, vise à réduire les interventions des
Etats, à encourager les initiatives privées et à donner un rôle plus important aux mécanismes du
marché pour réguler ces activités. Ce mouvement de désengagement des Etats est fondé sur les
idéologies libérales qui prévalent aujourd’hui et qui se basent sur les préoccupations de l’efficacité
que celles de la prestation d’un service public.
Notons aussi qu’en face de l’enrichissement des coûts d’investissement dans les infrastructures
portuaires et l’insuffisance des ressources de financement public, l'intervention du secteur privé
s’avère nécessaire pour combler le besoin de financement, d’où le développement des politiques de
concession BOT (build operate and transfer) qui consiste à livrer les opérations de construction et
de gestion des ports à des opérateurs privés.
Aujourd’hui, plusieurs pays ont entamé des réformes structurelles et organisationnelles de leurs
ports tout en dépassant les contraintes des procédures de réglementation traditionnelle et ajustant les
mécanismes de fonctionnement portuaire à l’évolution des marchés et des technologies. Ces
réformes ont concerné aussi bien la construction des infrastructures portuaires que la gérance de ses
activités commerciales et administratives. Elles visent à améliorer le rendement des ports, réduire
les coûts, capter plus de trafic et préserver l’intérêt public dans un environnement de marché de plus
en plus concurrentiel. Elles convergent toutes vers la réduction de l’intervention de l’Etat dans les
diverses fonctions du port, à promouvoir la concurrence et à motiver les initiatives privées.
Les expériences de la déréglementation portuaire ont été variées et se distinguent d’une nation à une
autre et d’un port à un autre. Elles ont engendré une restructuration du marché, une diversification
des services offerts, une baisse des prix et une concentration portuaire de plus en plus importante.
Elles ont incité les acteurs portuaires à être de plus en plus efficaces afin de réduire leurs coûts et de
renforcer leurs compétitives.
Cependant, il n’a pas encore été prouvé que la déréglementation élimine totalement les surcoûts de
la réglementation sans entraîner elle-même d’autres effets contraires ou indésirables. Il est par
conséquent naturel de s’interroger sur les motifs et les effets de la déréglementation portuaire.
Paraissait-il naturel d’associer marché déréglementé et service public ? Un autre problème qui
s’impose à savoir l’existence des économies d’échelle et des situations de monopole naturel dans les
activités portuaires viendraient-ils contrarier les effets attendus de la concurrence ? Quelle est la
forme organisationnelle la plus adéquate pour corriger à la fois les défaillances du marché et les
défauts de la réglementation et de concilier entre l’intérêt public et l’efficacité économique ? Quel
rôle sera occupé par les autorités portuaires face à l’ouverture et à la déréglementation portuaire ?
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Chapitre III : La Gouvernance Portuaire
Quelles mesures d’accompagnements doivent être prises pour éliminer les effets pervers de la
déréglementation portuaire ? Etc.
Dans ce chapitre on va essayer d’apporter certains éléments de réponses à ces questions.
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Cours économie Portuaire_______________________________________________Foued Aloulou
Marché et réglementation
Le marché et la réglementation sont conçus comme des mécanismes de coordination entre les
décisions des agents économiques et la conciliation entre les intérêts individuels et l'intérêt collectif.
Le marché est caractérisé par la propriété individuelle des facteurs de production, la
décentralisation des décisions, l'autonomie et la liberté de la prise de ces décisions et la recherche
de l’intérêt privé. Ces comportements opportunistes et égoïstes des agents économiques se trouvent
parfois en contradiction avec l'intérêt de la collectivité. Sous certaines conditions (conditions d'un
marché purement concurrentiel), les mécanismes du marché permettent d'ajuster les intérêts privés
à l'intérêt de la collectivité. Nous pouvons ainsi atteindre une situation optimale à partir de la
réalisation de l’équilibre de chaque agent et du marché. Dans ce cas, l'Eta n'intervient ni pour
orienter les choix des agents privés ni pour produire des biens et service ni pour contrôler le marché
ni pour fixer des prix et planifier les investissements.
Cependant, si l’une des conditions de la concurrence pure et parfaite n’est pas vérifiée, le marché ne
peut pas aboutir à une situation optimale désirée par la collectivité. Dans ce cas, on parle de
défaillance du marché. Plusieurs causes peuvent engendrer cette défaillance du marché, telles que la
présence d’un monopole naturel, de concurrence destructrice, de biens et/ou services publics et
d’externalité.
Dans ces cas, l’Etat doit jouer un rôle central pour assurer la coordination entre les décisions des
agents économiques et concilier les intérêts privés à ceux de la collectivité. Pour satisfaire les
besoins de la collectivité, les organes publics se chargent de gérer, contrôler et investir dans
certaines activités économiques.
Le rôle de la réglementation est ainsi de corriger les défauts du marché qui empêchaient de parvenir
à une allocation optimale des ressources et une tarification au coût marginal.
Les objectifs de la réglementation sont:
• Atteindre une allocation optimale des ressources lorsque l’équilibre général du marché
n’arrive pas à le faire
• Corriger les défaillances du fonctionnement du marché
• Combattre le pouvoir du marché et discipliner les comportements des monopoles
• Compromettre l’intérêt privé à l’intérêt public
• Maximiser le bien-être de la collectivité
• Offrir les biens et des services publics et investir dans les secteurs stratégiques, etc.
• Neutraliser les effets externes négatifs et promouvoir ceux positifs.
Depuis longtemps, les ports maritimes font l’objet d’une réglementation massive portant aussi bien
sur la quantité et la qualité des services offerts que sur les prix et les conditions d’accès sur le
marché. L’Etat intervient dans tous les aspects de l’investissement, construction, financement,
exploitation, production, tarification, organisation et structure de marché portuaire. Il définit le
régime domanial du port, le droit de travail, les règles d’hygiène, de sécurité et de protection de
l’environnement.
Les ports se trouvent ainsi en situation de dépendance vis à vis d’une autorité de tutelle attachée au
ministère de transport. Cette tutelle est une organisation publique ayant pour but de veiller au bon
fonctionnement du port. Elle impose les règles de gestion des opérateurs (ou entreprises) portuaires,
elle décide le choix des investissements et les conditions d’accès et de travail au port, elle fixe les
tarifs et les conditions techniques de navigation maritime, etc.
L’objectif de cette réglementation était de corriger les défauts du marché portuaire qui empêchaient
de parvenir à une allocation optimale des ressources et une tarification au coût marginal. Au delà de
ces objectifs économiques, l’intervention de l’Etat dans la gestion portuaire a d’autres motivations
telles que, la sécurité, la souveraineté, la défense nationale, le développement régional et urbain, la
protection de l’environnement, la promotion du commerce extérieur, etc.
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Chapitre III : La Gouvernance Portuaire
Les modalités de la réglementation portuaire ont pris plusieurs formes allant de la création des
offices et entreprises publiques relevant directement d’un ministère de tutelle à un contrôle indirect
appliqué par l’Etat sur l’ensemble des entreprises privées, en passant par l’intermédiaire des
contrats de concessions.
En se référant aux diverses caractéristiques technico-économiques du port la réglementation du
secteur est fortement justifiée. Le port est un exemple illustratif des défaillances du marché. Il est
caractérisé à la fois par l’existence d’une structure de marché de monopole naturel, de concurrence
destructrice, de biens et/ou services publics et d’externalité.
Les imperfections du marché portuaire se manifestent surtout dans les situations suivantes :
Si on suppose qu’il existe une seule firme qui produit une certaine quantité d’un bien Y satisfaisant
toute la demande du marché à un coût total: CT(Y) = Y . CM(Y)
Si cette même quantité sera produite par deux firmes ayant les mêmes technologies de production et
partagent égalitairement le marché, chacune produit ainsi ½ Y à un coût moyen CM(½ Y )
supérieur à CM(Y).
Le coût total de production en présence de deux firmes de petites tailles sera égal à : CT1(½ Y) +
CT2 (½ Y) = CM (½ Y) Y.
Etant donnée que CM(½ Y) > CM (Y), alors: CT (Y ) < CT1(½ Y) + CT2 (½ Y).
Donc, avec des coûts moyens décroissants, le monopole est capable de produire de la façon la plus
économique, quel que soit le niveau de la demande.
Les consommateurs préféreront cette situation à une situation oligopolistique ou même
concurrentielle puisqu’ils peuvent payer un prix inférieur à celui pratiqué dans les deux structures
précédentes (à condition que le monopoleur soit discipliné par une réglementation ou par une
concurrence potentielle).
L’existence d'un monopole naturel présente toujours comme une justification importante à la
réglementation. Quatre arguments justifient ce principe.
Un monopole naturel permet de fournir la totalité de production nécessaire à la satisfaction
des besoins de la société au moindre coût qu’une situation concurrentielle. Dans ce cas
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l’Etat peut apporter des solutions adéquates permettant d’avoir des situations optimales et
d’éliminer la source d’inefficacité.
le marché et feront baisser le prix (cette pratique est connue sous le nom "d’écrémage"). Les
nouvelles entreprises choisissent de se lancer que sur les marchés les plus rentables (la crème des
marchés) tout en abandonnant les marchés non rentables aux fournisseurs qui désirent rendre un
service universel.
L'existence de missions de service public impose donc l’obligation de l’intervention de l’Etat pour
veiller au respect de ses principes, superviser, contrôler, gérer les outils et les ouvrages du port,
assurer la sécurité de l’environnement marin, accorder les licences ou les concessions aux
opérateurs portuaires, etc. La notion d’intérêt commun fonde donc ses compétences et exige la prise
en considération des préoccupations d’ordre politico-économique telles que l'indépendance
nationale, l'aménagement du territoire, la promotion des exportations, la redistribution des revenus
et la création d’emploi.
La puissance publique a le pouvoir de moduler les tarifs en fonction de sa politique de transport
pour assurer l’équilibre de marché et la fluidité de la mobilité. Les opérateurs de transport publics
auront besoins de certaines subventions pour combler leurs déficits induits par l’application des
tarifs réduits et l’exploitation des certains services non rentables. Ils doivent être protégés contre
toute forme de concurrence particulièrement celle qualifiée de destructrice.
Toutes ces caractéristiques technico-économiques du port, ont été toujours présentées comme une
justification importante à la réglementation du fonctionnement de ce secteur.
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Au niveau théorique, plusieurs approches ont été développées pour mettre en cause que ce soit les
raisons d’être de la réglementation que ses pratiques et modalités. Elles ont contesté les avantages
de la réglementation et furent à l’origine du grand mouvement de déréglementation.
Parmi ces théories, on peut citer la théorie du choix public (Buchanan, 1986), la théorie de capture
(Stigler 1971), la théorie des marchés contestables (Baumol, Panzar et Willig, 1982), la théorie des
incitations (Laffont et Tirole, 1993), la théorie des enchères (Demsets, 1968, etc.)
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bien privé car ils répondent aux caractéristiques d’un bien privatif. A titre d’exemple, l’emploi d’un
pilote par un navire, prive d’autres navires du service du pilote, en fait, il s’agit d’un service
privatif, même si le pilotage est un service public.
Les services portuaires sont de caractère industriel et commercial qui s’échappe du principe de non
exclusion et de non rivalité. Ils ne sont ni gratuits ni répartis égalitairement entre les usagers. Ces
derniers paient des prix qui dépassent même le coût moyen social pour acheminer leurs
marchandises. On peut exclure les usagers du port de la consommation des services rendus par des
prix de rationnement. Le tonnage traité ou le nombre des navires accostés dans un port à un moment
donné ne doit pas dépasser ses capacités. Sauf certains services comme la sécurité, le balisage,
seront offerts collectivement à tous les usagers sans qu’ils soient divisibles.
En examinant la répartition de la prestation des services portuaires entre les secteurs public et privé,
une étude de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED)
datant de 1975, a montré que seul les services suivant révèlent du caractère public : Aide à la
navigation, Police portuaire et Lutte contre les incendies, alors que tous les autres services
(Pilotage, Remorquage, Mouillage/appareillage, Réparations, Arrimage, Manutention de
marchandises, Surveillance des marchandises, Entreposage) peuvent être exercées par des
opérateurs privés.
De même, la notion de service public a fait l’objet de plusieurs critiques et a été même rejetée. Elle
n’a pas une définition précise ni des conditions d’existence claire. Elle revient plutôt à une décision
politique qu’économique prise par les pouvoirs publics selon des considérations politico sociales
pour exercer un certain pouvoir de contrôle.
Par ailleurs, la mission de service public confiée au port constitue un des facteurs qui entravent sa
performance. Les tarifs sont appliqués au détriment de la rentabilité financière. Le port ne peut pas
dégager certain profit pour l’investir dans les nouvelles technologies et améliorer sa gestion. Les
subventions versées par l’Etat pour combler les déficits du service public ou pour financier les
investissements, ont découragé les responsables d’agir efficacement afin de réduire les coûts et
d’améliorer leur productivité. La rentabilité des ports publics était ainsi négative, les déficits
s’accumulent, ce qui demande plus de subventions qui constituent une charge supplémentaire pour
la collectivité.
Les effets des mutations technologiques et stratégiques des ports sur le rôle de l’Etat :
Parmi les facteurs qui ont contribué à la mise en cause de la réglementation on trouve aussi, les
modifications technologiques et les stratégiques des armateurs dictées particulièrement par le
développement du trafic des conteneurs. La nouvelle génération portuaire apparue à partir des
années 1990, en raison de l’extension au niveau mondial de la conteneurisation et de l’inter-
modalité conjuguées aux exigences croissantes du commerce international, offre une diversité de
services intégrés dans la toute chaîne logistique de transport. Les ports se sont transformés en
centres de transport intégré et en plates-formes logistiques du commerce international dans lequel
on assiste à l’organisation d’un réseau de transport international.
Outre les services de contrôle de douane, des prestations fournis au navire, à la marchandise
transportée, à la transformation et à la distribution des produits, le port de la quatrième génération
assure aussi un service de transbordement en développant un réseau de trafic de type hub and
spocks..
Ces ports réseaux sont gérés par des mégas opérateurs maritimes dans le cadre d’une chaîne
logistique intégrée ou par des opérateurs portuaires implantés dans divers ports étrangers soit par le
jeu des alliances ou d’investissement direct. Les grands armateurs s’allient avec les opérateurs du
port et/ou investissent et gèrent leurs propres ports ou terminaux portuaires en offrant pour leur
propre compte tous les services portuaires nécessaires aux traitements de leurs navires et des
marchandises transportées.
Ces transformations exigent une plus grande flexibilité dans la gestion portuaire, un ajustement
instantané face aux diverses mutations et un besoin de développer un réseau d’information bien
organisé pour pouvoir détecter et collecter une demande, transférer électroniquement les données et
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les documents de transport et répondre aux nouvelles exigences des chargeurs qui sont devenus de
plus en plus sensibles à la qualité de service.
Elles ont provoqué à la fois une concurrence entre les ports et même au sien d’un même port et une
menace de marginalisation des ports caducs.
Un grand nombre de ports sera écarté des plannings d’escale des grandes compagnies maritimes
faute de moyens, d'efficacité et de capacité d’accueil des navires. Seulement un nombre réduit de
ports qui peuvent répondre à ces évolutions technologiques, informationnelles et logistiques qui ont
marqué récemment l'activité de transport maritime. Cela va conduire à la concentration de trafic
maritime dans ces ports performants au détriment des autres ports traditionnels.
Ces progrès imposent ainsi un grand défi de modernisation, d’extension et d’investissement dans les
ports qui désirent conserver une place stratégique sur le marché maritime mondial. Si la gestion et
les équipements portuaires n’évoluent pas au même rythme que l’évolution de la gestion et de la
technologie de navigation, le port sera abandonné et marginalisé.
Les autorités portuaires souffrant d’un manque de financement et de performance, se sont trouvées
incapables de poursuivre ces évolutions, de moderniser leurs équipements, de renforcer leur
compétitivité et de répondre aux nouvelles exigences qualitatives des usagers.
Par ailleurs, les instruments traditionnels de l’intervention publique dans les ports s’avèrent
inefficients et inadaptés aux nouvelles exigences de la mondialisation et de l’ouverture portuaire. La
globalisation des opérateurs portuaires a accordé à ces derniers un pouvoir assez important pour
imposer leurs logiques non seulement sur leurs concurrents mais aussi sur les gouvernements
Les opérateurs maritimes et portuaires, ont mis en cause les mécanismes d’intervention des Etats et
les ont obligé d’ajuster leurs fonction selon les nouvelles circonstances d’exploitation des ports.
Donc, la pression conjuguée de tous ces éléments a joué contre la politique de réglementation et
justifie l’exigence exprimée par de nombreux économistes, d’apporter des réformes radicales à cette
politique. La réglementation est devenue de nos jours un synonyme de défaillance et de
bureaucratie. Elle n'a pas pu atteindre ses objectifs assignés à savoir combler les défaillances du
marché et assurer le maximum du bien être social.
Au cours des années passées toute une gamme de propositions de réformes, allant de la
restructuration portuaire et l’adaptation progressive des systèmes de réglementation aux conditions
changées du marché jusqu’à la privatisation totale, a été mise au point en vue d’améliorer
l’efficacité et le rendement des ports.
Récemment, presque tous les pays du monde ont entamé des reformes organisationnelles et
structurelles afin de commercialiser la gestion portuaire et de motiver les privés à investir dans le
secteur portuaire. Cette tendance générale justifie bien les effets positifs du désengagement des
autorités portuaires de la gestion et de la production des services sur la productivité et les
rendements du port.
Elle vise :
• La correction des défaillances de la réglementation ;
• La Promotion de la concurrence et l’intégration les mécanismes de marché dans le
fonctionnement des économies ;
• La réduction des subventions de l’Etat et la fourniture des recettes supplémentaires pour
alléger les problèmes d’endettement ;
• L’amélioration de l’efficacité et la compétitivité des secteurs économiques et le niveau des
services offerts ;
• Limitation de l’hémorragie financière due aux déficits des entreprises publiques
Les modalités d’application de la déréglementation sont très différentes d’un pays à un autre et d’un
secteur à un autre de telle sorte qu’aucun modèle standard ne s’impose. Elles doivent s’adapter aux
spécificités du secteur et de la politique économique du pays et répondre aux objectifs de
performance et de compétitivité.
Ces dix dernières années, plusieurs ports ont adopté des réformes structurelles fondées sur la
promotion de la concurrence et la libéralisation du secteur en s’efforçant surtout de séparer la
production des services des autres fonctions administratives et de procéder à la privatisation totale
ou partielle des activités commerciales du port.
Les modèles traditionnels de gestion portuaire (port service) fondés sur la propriété publique des
infrastructures et superstructures portuaires gérées par des entreprises publiques monopolistiques,
ont été progressivement abandonnés et substitués par des structures industrielles fondées sur la
propriété privée et le régime concurrentiel. Les marchés portuaires nationaux précédemment
protégés contre des nouveaux entrants potentiels seront ainsi ouverts non seulement à des
opérateurs et investisseurs privés nationaux mais aussi multinationaux qui règnent dans un
environnement concurrentiel multidimensionnel. Le rôle de l’État en tant que propriétaire de port a
été réduit et restructuré. Les entreprises publiques portuaires ont souvent été privatisées. Les
conditions de libéralisation ont été instaurées et les mécanismes du marché ont été renforcés.
Cependant, les formes et les modes d’application de ce processus de déréglementation se
distinguent d’un pays à l'autre et d’un port à un autre, mais elles sont fondées particulièrement sur la
segmentation verticale des activités portuaire, la privatisation des services commerciaux et la
concession..
La séparation verticale
Le system portuaire est composé généralement de trois activités empilées gérées auparavant par une
même entreprise occupant une position de monopole public : une infrastructure portuaire, une
activité administrative et des activités commerciales et industrielles. Cette intégration a été mise en
cause par la déréglementation et aussi par les évolutions technologiques et structurelles qui
caractérisent les ports modernes.
La déréglementation est fondée sur la séparation entre la gestion des infrastructures portuaires et les
fonctions opérationnelles à caractère commercial et industriel préalable à une éventuelle ouverture à
la concurrence.
En référence aux caractéristiques technico-économiques de ces divers segments du système
portuaire, il s’avère que les infrastructures qui se révèlent du monopole naturel non contestable,
doivent être gérées et contrôlées par l’Etat. Ces infrastructures sont des équipements collectifs,
durables, indivisibles et à coût d’investissement élevé et irrécupérable. Les autres services se prêtent
à une configuration de marché libéralisé et concurrentiel. Ils sont divisibles et peuvent être déplacés
d’un marché à un autre.
La pratique déréglememtaire la plus courante est le contrat d’affermage qui vise à passer d’un
port service où toutes les opérations sont intégrées au sein d’une même entreprise à un port
propriétaire (landlord) où les autorités portuaires se chargent simplement de la construction de
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l’infrastructure dont elles sont propriétaires tout en affectant au secteur privé l’exercice des
fonctions commerciales du port (pilotage, remorquage, manutention, avitaillement, lamanage, etc.),
et l’investissement dans les superstructures (équipements, gares, centres de stockage, etc.)
L’autorité portuaire joue un rôle de régulateur et de coordinateur entre les divers acteurs portuaires.
Elle fournit les services administratifs (balisage, l’aménagement et l’entretien des infrastructures
portuaires, etc.) et veille à la sécurité et au contrôle des mouvements des navires.
Ces services administratifs sont des exemples types de services publics rendus aux navires pour
faciliter leur entrée au port. L’Etat garde aussi sa fonction pour lutter contre les pratiques
anticoncurrentielles et discriminatoires tout en adoptant des règles et des pratiques pour discipliner
le comportement des entreprises privées, interdire les pratiques commerciales restrictives et
promouvoir la concurrence.
Cependant, cette séparation entre l’activité amont (infrastructure) régnée par un monopole public et
les activités avales soumises à la concurrence, pose plusieurs problèmes concernant les charges et
les conditions d’accès à l’infrastructure portuaire par les exploitants, la compatibilité des matériels
avec la configuration des ports, le principe de tarification, la structure verticale optimale du secteur,
l’organisation de la concurrence en aval, les procédures de sélection des gestionnaires, etc.
Par ailleurs, ce type de segmentation du marché aval et la privatisation des opérateurs portuaires, ne
comble pas le besoin de financement pour moderniser ou étendre les capacités des ports.
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que la proposition du concessionnaire des prix les moins chers, engendre une détérioration de la
qualité de service et réduction des frais d’entretien du port.
Par ailleurs, le processus de la concurrence pour le marché peut être compromis par le risque
d'entente entre les enchérisseurs ou aussi par le risque de capture du concédant par le
concessionnaire particulièrement en absence de mécanismes de contrôle efficace.
Donc, cette approche contractuelle s’avère insuffisante pour organiser efficacement le secteur
portuaire et corriger les défaillances de la réglementation traditionnelle. Le concessionnaire cherche
toujours une plus grande liberté d’action et une flexibilité dans la gestion de son projet alors que le
concédant, limite son champ d’action dans le souci de protéger les usagers contre les pratiques
éventuellement abusives des opérateurs privés. Ainsi que l'efficacité de ce contrat est tributaire à la
bienveillance et à la transparence des pouvoirs publics ; chose qui n’est pas toujours évidente.
Il convient alors de chercher un nouveau mécanisme organisationnel des ports qui réduit les
contraintes de réglementation, renforce les jeux du marché et concilie les intérêts privés à ceux de la
collectivité.
III-3- La privatisation
.La privatisation s’avère comme une solution alternative aux contrats de concession pour combler
l’insuffisance du régime contractuel.
Cette nouvelle orientation dans la stratégie portuaire réside dans l’ouverture du secteur portuaire à
la concurrence internationale, le développement des ports de transbordement, la spécialisation
portuaire et le choix stratégique des armateurs qui cherchent à créer leurs propres ports privés.
C’est vrai que les exemples de ports exclusivement privés sont rares, mais ils ont montré des
résultats globalement bénéfiques en termes d’efficience des producteurs et du bien-être des usagers.
La privatisation a éliminé les restrictions administratives et bureaucratiques qui caractérisent les
entreprises et les autorités publiques et a réduit les risques de détournement des objectifs. Elle a
accordé aux firmes une plus grande liberté d’action et de flexibilité de gestion qui leurs permettent
d'ajuster instantanément leur processus de production à tout changement dans les comportements
des clients ou dans les stratégies des firmes concurrentes ou dans la technologie de production. Dés
lors, les entreprises privées apparaissent mieux adapter que les entreprises publiques à la mise en
œuvre des politiques portuaires davantage orientées vers la satisfaction des besoins du marché
Les entreprises privées sont mieux informées sur les coûts et les capacités productives de leurs
entreprises que l’Etat. Elles subissent moins de pressions politiques et disposent des mécanismes
incitatifs plus efficaces permettant d’améliorer le niveau d’effort des travailleurs et d’augmenter
leur capacité d’innovation.
La privatisation des ports va permettre aussi de réduire les subventions d’Etat aux infrastructures et
aux équipements qui s’avéraient être source de gaspillage.
Cependant, la stratégie d’un port entièrement privé est aujourd’hui de plus en plus critiquée car
d’une part, les entreprises privées ne peuvent pas assurer l’entière responsabilité d’investissement et
d’autre part, on assiste à une concentration verticale et horizontale entre les opérateurs portuaires,
qui risque de constituer des monopoles privés substituant les monopoles publics. Ce transfert de
propriété peut améliorer l’efficacité de l’entreprise concernée mais il n’est pas évident qu’il procure
des avantages aux usagers.
Le propriétaire de l’infrastructure aura le droit de contrôler l’accès au port, d’exercer la
discrimination en choisissant les segments de marchés les plus rentables et les clients les plus
fidèles et d’éliminer les concurrents potentiels. Ce comportement peut même affecter la
concurrence sur le marché portuaire.
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La privatisation a engendré aussi une crainte d’élimination des services publics auxquels certains
usagers auront besoin et a posé la question sur la capacité des privées de coordonner
convenablement des opérations à réaliser en partenariat avec les autres acteurs. Un monopole privé
ne peut pas gérer le réseau portuaire dans l’intérêt de l’économie. Le secteur privé ne cherche que
d’exploiter les activités rentables en renonçant à produire les services publics à faible rentabilité
(balisage, entretien des chenaux, etc.) et ne s’intéresse pas aux effets macroéconomiques d’un port.
Par ailleurs l’étroitesse de certains marchés et la faiblesse de trafic généré, risquent d’affaiblir la
rentabilité des investisseurs privés qui renoncent à participer dans les opérations d’investissement et
même dans les équipements de ces ports.
Malgré ces critiques, certaines expériences de ports privés n’ont pas mis en cause le respect de
l’intérêt général ni le maintien de services publics liés à la sécurité et à la protection de
l’environnement. Les tarifs ont baissé et la productivité s'est nettement améliorée. Même, le
phénomène de concentration verticale ou horizontale entre les opérateurs portuaires, n'a pas abouti à
la concrétisation des rentes de monopole mais plutôt, il a contribué à la réalisation des économies
d'échelle et d'envergure dans les ports et a permis aux opérateurs alliés de s’adapter à l’évolution
technologique et structurelle du secteur et à combler leur faiblesse de rentabilité due à
l’enrichissement des coûts investissements et à la concurrence accrue.
Donc, la théorie des marchés contestables n'a pas comme soucie de faire éloigner l'Etat du
processus de production industrielle, mais elle cherche à rendre son intervention, si elle est
nécessaire, plus rationnelle et moins coûteuse. Elle considère la déréglementation comme une
politique alternative qui peut dans certaines conditions, d'être plus performante et moins coûteuse
que la réglementation tout en contribuant à l'amélioration de la productivité et de l'efficacité du
secteur. Mais, elle ne cherche pas à travers cette politique de créer un environnement de
concurrence pure et parfaite mais plutôt une "concurrence praticable" exercée par les entrants réels
et ou potentiels.
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santé, etc.). Son rôle doit être ainsi exclusivement réservé à l’exercice des prorogatives de la
puissance publique.
Cependant, ce pouvoir de régulation exercé par les autorités portuaires ne doit pas être exorbitant,
contraignant et contredis les objectifs des privés. Les autorités portuaires doivent ainsi améliorer
leurs administrations, bénéficier de certaine autonomie et flexibilité de gestion pour veiller à la
protection des intérêts nationaux et préparer les meilleures conditions économiques et
institutionnelles de fonctionnement du secteur privé.
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