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20 Chap 14
20 Chap 14
Contamination alimentaire
Jean-Claude Panisset, Éric Dewailly, Hélène Doucet-Leduc
Contamination alimentaire
Jean-Claude Panisset, Éric Dewailly, Hélène Doucet-Leduc
1. Introduction
2. Analyse et gestion du risque
2.1 Évaluation du risque des résidus chimiques
2.2 Gestion du risque alimentaire
3. Toxi-infections alimentaires
3.1 Epidemiologic et principales causes
3.2 Émergence de nouveaux problèmes
3.3 Contamination virale
3.4 Parasitoses
3.5 Autres conséquences des toxi-infections alimentaires
3.6 Évaluation du risque associé à la contamination
par les microorganismes
3.7 Méthodes diagnostiques de la contamination bactérienne
4. Toxines présentes dans les mollusques et les poissons
4.1. Toxines des mollusques
4.2 Toxines des poissons
5. Intoxications par les plantes
5.1 Substances toxiques naturelles des plantes
5.2 Produits d'herboristerie
5.3 Mycotoxines
6. Contaminants environnementaux
6.1 Contamination des aliments liée aux pratiques agricoles et mesures
prises pour diminuer le risque pour la santé
6.2 Produits dont l'utilisation indirecte rend possible l'accumulation dans
les aliments : résidus de médicaments vétérinaires
6.3 Métaux lourds et hydrocarbures aromatiques polycycliques halogénés
7. Substances toxiques introduites au cours de la transformation
des aliments
7.1 Amines hétérocycliques
7.2 Gras trans et les produits d'oxydation des graisses
7.3 Hydrocarbures aromatiques polycycliques
7.4 Nitrosamines
7.5 Produits qui migrent à partir des matériaux en contact avec les aliments
7.6 Additifs alimentaires
8. Nouvelles biotechnologies
9. Prévention des risques liés à la contamination alimentaire
9.1 Mesures adoptées par l'industrie et les gouvernements
9.2 Règles nutritionnelles
10. Conclusion
370 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE
ont l'avantage d'être de plus en plus sensibles et termes de signification toxicologique des résidus
spécifiques; il reste à démontrer la signification pour en arriver au concept de concentration
toxicologique des quantités de contaminants ou de niveau acceptable ou inacceptable.
retracées. L'évaluation du risque a permis ainsi d'arriver à
Mesure de l'exposition aux contaminants ali- une estimation raisonnable de la quantité de
mentaires: par la détermination de contaminants contaminants chimiques q u i peuvent être
dans l'organisme, à partir d'échantillons humains ingérés quotidiennement au cours d'une vie,
(cheveux, sang, urine, tissu adipeux et lait mater- sans que le risque pour la santé ne dépasse un
nel); par l'évaluation de la prise quotidienne de niveau tolérable. Cet énoncé répond à la défini-
contaminants qui s'effectue par la mesure de leur tion de l ' O M S de la dose journalière acceptable,
concentration dans les aliments et l'évaluation de DJA ou A D I (acceptable daily intake). On par-
la consommation des aliments contenant le con- lera plutôt de dose hebdomadaire tolérable provi-
taminant au moyen d'enquêtes nutritionnelles ou soire ( D H T P ) dans le cas de contaminants qui
de statistiques de consommation. s'accumulent dans l'organisme. Bien que la
Ces éléments font partie du processus systé- notion de risque et de niveau acceptable soit
matique de l'évaluation du risque alimentaire encore très controversée, on s'accorde à dire
dont les étapes sont bien définies. L'évaluation qu'un risque de l'ordre de 10 -6 (un cancer par
du risque peut être très précise lorsqu'il s'agit de m i l l i o n de personnes exposées) est acceptable
la relier à la contamination d'un produit ou dans le cas des produits chimiques qualifiés de
d'une technologie et à son mode d'emploi déter- cancérogène chez l'animal. Pour les produits
miné. Elle est beaucoup moins précise et prévi- non cancérogènes, l'établissement de seuils
sible pour la contamination d'origine environ- repose la plupart du temps sur les notions de
nementale accidentelle, ou pour toute N O E L (No Observed Effect Level) ou de
contamination provenant de la mauvaise utilisa- N O A E L (No Observed Adverse Effect Level)
tion d'une technologie. définies antérieurement (chapitres 5 et 8).
L'évaluation toxicologique des pesticides, par Les protocoles utilisés pour déterminer les
exemple, nous montre comment cette démarche concentrations ne présentant pas de danger
aide en premier lieu à définir les diverses (niveau acceptable, niveau résiduel maximal,
atteintes possibles (risques toxiques) de l'orga- tolérance) sont généralement agréés par
nisme par un produit chimique donné et ensuite plusieurs organismes nationaux et interna-
à mener à l'établissement de normes alimen- tionaux, tels que la Food and D r u g A d m i -
taires dont l'observation garantit la sécurité ali- nistration (FDA) aux États-Unis, la direction
mentaire ou l'innocuité des aliments. Cet objec- générale de la Protection de la Santé (Santé
t i f ultime ne pourra être atteint sans l'utilisation Canada) et, surtout, le comité conjoint
d'un système de prévention dont les éléments O M S / F A O d'experts sur les additifs alimen-
principaux sont l'inspection alimentaire sévère, taires (JECFA). Dans le cas d'un produit non
l'utilisation de produits de remplacement et, cancérogène, le N O E L est déterminé d'après les
surtout, la pratique d'une bonne hygiène ali- études faites chez les animaux de laboratoire et
mentaire. divisé par un facteur de sécurité de 100,
habituellement pour déterminer la DJA pour
l'être humain, q u i est exprimée en fonction du
2.2 Gestion du risque alimentaire
poids corporel, de la quantité et du type d'ali-
Autrefois, les concentrations de contaminants ment ingéré. Ce facteur de sécurité de 100 est le
permises dans les aliments étaient tributaires de multiple de deux facteurs de 10: le premier tient
la sensibilité des méthodes analytiques utilisées compte de l'incertitude liée à l'extrapolation
alors pour leur détection. Le «seuil 0» corres- faite de l'animal à l'homme, le deuxième tient
pondait à la non-détection d'un contaminant. compte de la variabilité ou des différences entre
Lorsqu'un résidu était détecté, il était alors populations humaines cibles. Le facteur de sécu-
déclaré illégal. Avec le perfectionnement des rité, dans certains cas, peut être différent, voire
méthodes analytiques et la détection de quan- encore plus grand. Une fois le consensus scien-
tités infinitésimales de contaminants, il a fallu tifique établi sur la valeur de la DJA, celle-ci
éliminer le concept du «seuil 0» et penser en est utilisée avec d'autres facteurs pour établir la
372 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE
limite maximale de résidus (LMR) permise dans tion par des microorganismes. L'élevage
différents aliments. On tient compte ici du type intensif augmente la transmission de ma-
de toxicité observée, du métabolisme et de la ladies d'un animal à l'autre et contribue à la
distribution du contaminant et de ses métabo- contamination de l'eau et des sols. Les
lites possibles dans divers aliments, de l'exis- risques de contamination sont aussi accrus
tence de populations ou de groupes parti- par l'utilisation de nouvelles sources d'ali-
culièrement exposés (nourrissons, enfants, ments pour les troupeaux, comme les farines
vieillards) et de la quantité d'aliments ingérés. À à base de protéines animales ou de litières
la suite de ce processus, on obtient des normes provenant des élevages de poulets ( A n n ,
de concentrations acceptables de résidus chi- 1996).
miques dans les aliments. • Les changements dans le mode de vie des
Même si cette approche demeure controver- populations: augmentation des repas pris à
sée, trop conservatrice ou trop alarmiste, il reste l'extérieur du foyer et de la consommation
que, de cette façon, les seuils de contamination d'aliments prêts-à-servir peu ou pas chauffés
sont établis à partir d'une évaluation crédible du avant d'être consommés.
risque qui aide à atteindre la sécurité alimen-
• La mobilité plus grande des populations
taire.
(émigration, voyages); des bactéries apparais-
sent ainsi dans des zones où elles étaient
3. TOXI-INFECTIONS ALIMENTAIRES inexistantes.
• La globalisation des marchés qui entraîne
3.1 Epidémiologie et principales causes
une augmentation des importations et des
Contrairement à ce qu'on observe avec les con- exportations de denrées alimentaires.
taminants chimiques, la présence de micro-
• La méconnaissance ou la non-observance par
organismes dans les aliments n'est pas perçue
les consommateurs des méthodes de conser-
par les consommateurs comme un risque
vation et de préparation des aliments, parti-
majeur. Pourtant, de tous les problèmes de santé
culièrement celles issues des nouvelles tech-
publique, les intoxications d'origine alimentaire
nologies, comme le micro-ondes ou
font partie des maladies qui affectent le plus
l'emballage sous-vide (Mermelstein, 1998).
grand nombre d'individus et causent le plus de
décès. Des centaines de millions de personnes à • Le vieillissement de la population, l'augmen-
travers le monde souffrent de maladies causées tation des maladies qui causent une d i m i n u -
par la contamination des aliments. Le problème tion de la défense immunitaire (diabète, ma-
est plus aigu dans les pays en voie de développe- ladies hépatiques et rénales, VIH),
ment où plusieurs maladies entériques et para- l'utilisation de médicaments immunosup-
sitoses sont endémiques. Toutefois, comme presseurs pour les greffes d'organes, la
l'indique un rapport de l ' O M S (Käferstein, chimiothérapie de même que la malnutrition
1997), le nombre d'intoxications alimentaires a accroissent l'incidence et la gravité des toxi-
augmenté au cours des dernières années dans les infections (Morris et Potter, 1997). Chez les
pays industrialisés, en dépit d'un approvision- personnes âgées, les infections à salmonelles
nement adéquat en eau potable, de normes sont plus susceptibles d'entraîner une bac-
d'hygiène satisfaisantes et de l'utilisation de térémie et augmentent le risque d'une issue
techniques modernes de conservation des ali- fatale. Des études rapportées par Morris et
ments. L'augmentation de l'incidence des ma- Potter (1977) signalent que les sidéens sont
ladies transmises par les aliments tient à sept aussi plus vulnérables aux infections à salmo-
causes principales. nelles, Campylobacter, listeria ainsi qu'aux
parasitoses (Toxoplasma gondii, C r y p t o -
• L'industrialisation de la production alimen- sporidium et autres). Les traitements par
taire et sa corollaire, l'augmentation du nom- chimiothérapie sont toxiques pour les
bre d'individus affectés par une éventuelle muqueuses du tractus gastro-intestinal, ce
contamination. qui favorise l'entrée dans l'organisme d'a-
gents pathogènes présents dans les aliments.
• L'augmentation de la consommation de
Par ailleurs, suite aux traitements, les can-
viande, denrée la plus sujette à la contamina-
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 373
céreux sont souvent neutropéniques, ce qui L'industrie alimentaire est confrontée avec le
augmente les risques de septicémie. problème des bactéries pathogènes q u i se
développent aux températures de réfrigération:
Listeria monocytogenes, Yersinia enterocolitica,
3.2 Émergence de Bacillus cereus et Clostridium botulinum type E.
nouveaux problèmes Les aliments prêts à consommer sont de plus en
plus populaires; or, ils sont susceptibles
Salmonella typhimurium et enteritidis ainsi que d'héberger de telles bactéries.
Campylobacter jejuni sont les bactéries respon-
La contamination possible des aliments par
sables du plus grand nombre de toxi-infections
des bactéries pathogènes comme Listeria, et
dans les pays industrialisés (Doyle, 1994). Aussi, surtout leur prolifération durant la conservation,
l'émergence de souches résistantes de salmo- soulève des craintes légitimes. La contamination
nelles et de Campylobacters pose-t-elle un accidentelle du fromage par Listeria monocyto-
sérieux problème de santé publique. Aux États- genes pose un problème particulier (Goulet et
Unis, 34 % des salmonelles décelées lors de toxi- coll., 1995). Si l'incidence de l'intoxication est
infections étaient résistantes à cinq antibio- rare, cette infection est caractérisée en revanche
tiques (Glynn et coll., 1998). par une forte mortalité. La fabrication du fro-
En plus, des bactéries ont été décelées dans mage au lait cru est menacée du fait de la
des aliments habituellement considérés sans présence de bactéries pathogènes dans la matière
danger. Ainsi, S. enteritidis (figure 14.1) a été première (Farber, 1998). La pasteurisation dé-
décelé à l'intérieur des œufs, si bien que l'utili- truit ces bactéries mais aussi le goût savoureux de
sation en cuisine d'oeufs crus (mayonnaise, ces fromages, sans toutefois les prémunir contre
salades, mousses) ou à peine cuits (œufs mollets, la contamination en cours de fabrication, ce qui
omelettes) est à déconseiller aux personnes plus peut être prévenu par le contrôle de la qualité de
susceptibles de contracter des toxi-inrections. E. la matière première en appuyant surtout sur la
coli 0 1 5 7 : H 7 et différentes souches de salmo- réception du lait cru et sur sa qualité, de même
nelles ont été trouvés sur des fruits et légumes que sur la nécessité d'un contrôle renforcé des
frais; la contamination a été reliée soit à l'eau laits à la ferme en plus des différentes étapes de
d'irrigation ou à la glace employée pour le fabrication, de l'ensemencement au stockage et à
l'expédition ( C N E R C - C N R S , 1993). Listeria
refroidissement des produits, soit aux fumiers
monocytogenes est particulièrement nocive pour
utilisés sur les cultures (Tauxe, 1997).
3.5 Autres conséquences tion à des taux nocifs d'agents pathogènes ali-
des toxi-infections alimentaires mentaires et du manque de connaissances scien-
tifiques quant aux relations doses-effets des
En plus des troubles qui apparaissent dans les pathogènes et de leurs toxines.»
heures ou les jours qui suivent, des effets
chroniques sont associés à certaines toxi-
3.7 Méthodes diagnostiques de
infections: arthrite septique et réactionnelle
consécutive à divers toxi-infections; syndrome la contamination bactérienne
hémolytique urémique causé par E. coli 0157 et Le contrôle microbiologique des produits finis et
autres bactéries produisant une vérotoxine; syn- des matières premières fait partie des obligations
drome de Guillain-Barré associé à l'infection à des industries alimentaires. Jusqu'ici, on utilise
Campylobacter jejuni; encéphalite chronique des techniques bactériologiques traditionnelles
rapportée chez les personnes immunodéprimées de culture sur milieux sélectifs. Trop souvent, les
à la suite d'une toxoplasmose; la maladie de délais d'incubation trop longs (de 48 h à 5 jours)
Crohn et d'autres maladies auto-immunes peu- permettent uniquement les contrôles a posteriori
vent aussi être déclenchées à la suite des toxi- de la qualité des aliments, en particulier pour les
infections alimentaires (Lindsay, 1997). viandes. Ces temps de réponses analytiques n'é-
En plus des souffrances et des décès, les toxi- tant pas compatibles avec les délais d'utilisation
infections occasionnent des pertes économiques de ces produits diagnostiques, il est donc très
considérables: coûts associés aux traitements et à approprié de disposer de techniques rapides et
l'hospitalisation, à la perte de jours de travail, à fiables tenant compte de l'évolution tech-
la confiscation de denrées alimentaires, aux con- nologique et du risque d'apparition de nouveaux
séquences sur les exportations et sur le tourisme. germes (Lefrançois, 1996).
Ces coûts sont estimés aux Etats-Unis pour 7 Actuellement, les nouveaux tests diagnos-
agents pathogènes (C. jejuni, C. perfringens, tiques (tests de détection génétique) sont basés
E.coli 0 1 5 7 : H 7 , L. monocytogenes, Salmonella, soit sur le principe général de détection de frag-
S. aureus, Toxoplasma gondii) et se chiffrent ments d ' A D N ou d ' A R N spécifique (sonde
entre 6,5 et 34,9 milliards US$ (valeur 1995) moléculaire) d'une souche bactérienne et font
(Buzby et coll., 1997). appel à la PCR (Polymerase Chain Reaction) ou
à l'hybridation moléculaire, soit sur des réac-
3.6 Évaluation du risque tions immunologiques telles que la technique de
détection de bioluminescence de l'ATP présent
associé à la contamination dans les cellules bactériennes, une technique
par les microorganismes rapide, non spécifique, utilisée dans les systèmes
de contrôle de la qualité tel que le Hazard
Comme nous l'avons vu plus haut, l'évaluation
Analysis and Control Point ( H A C C P ) appelé en
du risque associé aux contaminants chimiques
français «Analyse du risque et maîtrise des
peut varier de plusieurs ordres de grandeur, défi-
points critiques» (encadré 14.1).
nis par les facteurs d'incertitude et compensés
par des marges de sécurité à respecter pour Toutes ces nouvelles techniques sont à la
assurer l'innocuité des aliments. source de nombreux tests commerciaux qui
À l'opposé, l'évaluation du risque lié à la con- doivent nécessairement franchir l'étape de la va-
tamination biologique est beaucoup plus d i f f i - lidation des organismes internationaux comme
cile à apprécier. Ce risque biologique ou micro- l'AOAC ou l ' A F N O R (Lefrançois, 1996).
bien dépend de quatre facteurs complexes et
variables dont l'évolution est souvent imprévisi- 4. TOXINES PRÉSENTES DANS LES
ble: la survie, la prolifération, la dissémination
des agents biologiques dans les écosystèmes et
MOLLUSQUES ET LES POISSONS
leurs effets directs et indirects sur la santé Les poissons, crustacés et mollusques peuvent
(Powell, 1998). «Dans la plupart des cas, la élaborer des toxines ou concentrer dans leurs tis-
quantification du risque n'est pas réalisable avec sus des toxines élaborées par les organismes
beaucoup de précision, en raison de l'absence de marins dont ils se nourrissent. Les produits
données rigoureuses sur la probabilité d'exposi- marins étant très périssables, ils étaient aupara-
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 377
Afin d'assurer l'innocuité des aliments, de nombreux pays utilisent l'analyse de risque comme modèle
d'évaluation et de gestion du risque. Ainsi, en matière de salubrité des aliments, on procède à l'im-
plantation du programme HACCP à tous les échelons de la production, de la transformation, de la
distribution et de la consommation des aliments. On se sert de l'analyse du risque et des plus récentes
technologies pour l'inspection des aliments.
L'HACCP est le fruit d'une collaboration de la NASA, de l'armée américaine et de la société Pillsbury
visant à assurer l'absolue innocuité des aliments destinés aux astronautes. Ce système est maintenant
internationalement reconnu et utilisé pour l'inspection des aliments. Son rôle est de prévenir les
problèmes en utilisant des contrôles à des étapes critiques tout au long du processus de fabrication.
Ce système repose sur sept principes (Bryan, 1981):
vant consommés près des lieux de pêche. Avec mentaire marine mais, contrairement aux m o l -
les technologies modernes de conservation et de lusques, les poissons sont sensibles à ces poisons
transport, on retrouve sur nos tables des pois- et la plupart meurent avant d'accumuler dans
sons venant de partout dans le monde. Aussi, leur chair des concentrations qui pourraient être
une bonne connaissance des risques potentiels nocives pour l'humain. Certains organes comme
de contamination est-elle nécessaire pour éviter le foie concentrent davantage les toxines, ce qui
des problèmes de santé autrefois inconnus sous constitue une menace pour les poissons carni-
nos latitudes. vores ou les oiseaux prédateurs qui consomment
le poisson entier.
Les symptômes dépendent de la nature de la
4.1 Toxines des mollusques
toxine présente, de sa concentration dans le
Sur les milliers d'espèces de phytoplancton qui mollusque, de la quantité de mollusques con-
constituent la base de la chaîne alimentaire sommés et de l'état de santé de la personne
marine, quelques dizaines seulement sont toxi- atteinte. On distingue quatre types de syn-
ques. Ces organismes simples peuvent se m u l t i - dromes ( V i v i a n i , 1992): intoxication para-
plier très rapidement et produire des masses lysante, (PSP, Paralytic Shellfish Poisoning)
d'algues qui sont spectaculaires (marée rouge) et habituellement liée à la présence de saxitoxine;
parfois catastrophiques. Ils peuvent aussi pro- intoxication diarrhéïque (DSP) due à l'acide
duire des cellules dormantes qui survivront des okadoïque; intoxication neurotoxique (NSP)
années sur les fonds marins et q u i , transportées par intoxication à la brévétoxine et intoxication
par les courants ou encore par l'eau qui sert de amnésique (ASP) provoquée par l'acide
ballast aux navires, iront coloniser des endroits domoïque. À l'exception de cette dernière,
très distants non encore affectés (Anderson, toutes les toxines sont produites par des algues
1994). Les mollusques eux-mêmes ne sont pas dinoflagellées. Les symptômes peuvent varier,
affectés, mais un seul d'entre eux peut concen- mais sont habituellement gastro-intestinaux ou
trer assez de toxines pour tuer un homme. Les neurologiques, souvent les deux à la fois. La
algues toxiques se propagent dans la chaîne ali- DSP cause diarrhée, nausées, vomissements,
378 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE
ainsi que des frissons et de la fièvre. Les symp- des troubles cardiaques apparaissent à la longue
tômes de PSP comprennent des picotements et (arythmie, bradycardie ou tachycardie, hypoten-
des engourdissements de la bouche, des lèvres et sion). Les symptômes sont réversibles si la con-
des doigts, accompagnés d'une sensation de sommation de poisson est arrêtée. Toutefois, cer-
fatigue. Des doses importantes peuvent entraî- tains effets peuvent devenir chroniques durant
ner la m o r t par paralysie respiratoire. Au des semaines ou des mois (Miller, 1991). Les
Canada, la PSP est le type d'intoxication le plus poissons le plus souvent impliqués dans ce type
préoccupant en santé publique à cause du nom- d'intoxication sont les poissons des mers chaudes
bre élevé de cas et des décès qui s'ensuivent. du Pacifique et des Caraïbes, particulièrement le
Comme une surveillance des zones de pêche est vivaneau, le mérou et le barracuda. Ces espèces
assurée par Pêches et Océans Canada, les into- sont de plus en plus disponibles sur les marchés
xications sont dues à l'ignorance ou au non- des pays tempérés. Plus le spécimen est gros, plus
importante est la concentration de toxine.
respect des avis publiés dans les journaux locaux
et placardés sur les plages. En 1987, au
Intoxication par les scombroidés
Guatemala, où une telle surveillance n'existait
pas, un épisode de contamination a causé 187 Certains poissons de la famille des scombroidés
intoxications dont 26 décès (FDA, Bad Bug (thon, maquereau, albacore) contiennent un
Book). Le syndrome neurotoxique commence pourcentage élevé d'histidine. À défaut d'une
par des troubles gastro-intestinaux suivis de réfrigération rapide, l'histidine se transforme en
histamine sous l'action des bactéries. L'ingestion
douleurs musculaires, d'étourdissements, de
de poisson provoque alors des symptômes qui
transpiration excessive et de picotements. En
persistent pendant plusieurs heures: nausées,
1987, au Canada, des patients ont souffert de
crampes abdominales, céphalées, baisse de la
troubles de mémoire après une intoxication par
pression, rougeurs aux parties supérieures du
des moules provenant de l'île-du-Prince-
corps et démangeaisons cutanées. L'histamine
Edouard. La toxine a été reconnue comme étant
n'est pas détruite par la congélation, la cuisson,
l'acide domoïque, une toxine produite par une
le fumage ou la mise en conserve. Le dosage de
algue unicellulaire (diatomée), Nitzchiapungens, l'histamine permet de surveiller la qualité des
habituellement inconnue dans les eaux froides. produits.
Lors de cet épisode, 153 personnes ont été affec-
tées, 22 hospitalisées et 3 sont décédées (Perl et Tétrodotoxine
coll., 1990). Cet épisode a amené le gouverne-
L'intoxication causée par cette toxine est extrême-
ment à modifier son système d'inspection des
ment violente. Elle ne concerne heureusement
cultures de mollusques; la fermeture des bassins
qu'un nombre restreint de poissons de la famille
est maintenant exigée lorsque la teneur en acide
des Tétraodontiformes (puffer fish, Fugu).
domoïque des moules dépasse 20 µg/g. L'organisme (algue ou bactérie) qui produit cette
toxine n'a pas été défini. Le foie et les organes
4.2 Toxines des poissons (intestins et ovaires) de ces poissons-boules peu-
vent contenir suffisamment de toxine pour causer
Ciguatera une mort violente. La chair par contre peut être
Le ciguatera est un empoisonnement très comestible. Les premiers symptômes ressemblent
fréquent (de 10 000 à 50 000 cas annuellement à la PSP; il s'agit de légers engourdissements des
dans le monde) causé par la ciguatoxine présente lèvres et de la langue qui apparaissent entre 20
dans certains poissons tropicaux. Celle-ci est pro- minutes et 3 heures après la consommation du
duite par une algue dynoflagellée commune dans poisson; vient ensuite une paresthésie du visage et
les régions tropicales et sous-tropicales. Les symp- des extrémités. Par la suite, la paralysie progresse,
tômes, d'ordre gastro-intestinal et neurologique, et la mort survient dans 50 à 60 % des cas, en
apparaissent quelques heures après la consomma- moins de 4 à 6 heures.
tion du poisson toxique: engourdissements et Si l'incidence d'intoxication est relativement
picotements autour de la bouche et aux élevée (646 cas déclarés entre 1974 et 1983 et
extrémités, nausées, vomissements, diarrhée. Les 179 décès [FDA, Bad Bug Book]) au Japon où
signes neurologiques s'intensifient par la suite le poisson Fugu est fort prisé, elle est rare
(maux de tête, vertiges, faiblesse musculaire), et ailleurs.
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 379
L'exposition chronique à des faibles doses de genre D D T de la classe des organochlorés étaient
mycotoxines peut constituer un risque pour les chimiquement très stables, résistant à la dégrada-
humains. Plusieurs mycotoxines, dont l'aflato- tion, et pouvaient demeurer intacts dans l'envi-
xine, ont d'ailleurs été classées comme poten- ronnement durant plusieurs années. Par le fait
tiellement cancérogènes pour l'humain par le même, leur présence était inévitable dans la
Centre international de recherche sur le cancer. chaîne alimentaire, contaminant ainsi le public
Aussi, il importe de prévenir le croissance des consommateur. Ces produits ont été progressive-
moisissures par des traitements phytosanitaires ment remplacés par des pesticides orga-
avant la récolte et par des méthodes d'entre- nophosphorés et carbamates beaucoup moins sta-
posage qui minimisent le développement des bles chimiquement, ce qui rend peu probable
moisissures. La transformation des aliments leur accumulation dans l'environnement,
n'élimine pas complètement les mycotoxines qui réduisant de beaucoup le risque à long terme
sont détectées, entre autres, dans les produits pour la santé. Par contre, ces nouveaux pesticides
céréaliers, les produits de boulangerie et la bière. sont extrêmement toxiques de façon aiguë, et leur
La présence de mycotoxines dans l'alimentation manipulation doit être en tout temps sécuritaire,
du bétail peut entraîner la contamination de la selon les indications du fabricant, pour éviter la
viande et du lait, ce qui constitue un risque pour contamination accidentelle et les accidents chez
les jeunes enfants. À cet égard, la contamination les manipulateurs.
du jus de pomme par la patuline est aussi pré- Les intoxications aiguës associées à l'ingestion
occupante. Plusieurs pays ont adopté des limites d'aliments contaminés sont, de façon générale,
de tolérance concernant les teneurs en mycoto- rares et dues la plupart du temps à des erreurs de
xines dans les aliments du bétail et dans certaines manipulation, à des fraudes ou à l'utilisation de
denrées comme le lait, le jus de pomme, les con- pesticides non indiqués pour certaines cultures.
centrés de tomates, les noix et les arachides. Le public consommateur se préoccupe cepen-
dant davantage des effets à long terme de faibles
quantités de pesticides pouvant être ingérées quo-
6. CONTAMINANTS
tidiennement au cours d'une vie. Précisons tout
ENVIRONNEMENTAUX de suite que parmi les pesticides utilisés jusqu'ici
et normalement homologués, à part les fongi-
6.1 Contamination des aliments liée cides qui constituent un groupe particulier, ceux
aux pratiques agricoles et mesures qui ont été reconnus et classés cancérogènes chez
prises pour diminuer le risque l'animal selon la terminologie de l ' O M S ont été
pour la santé retirés du marché - ou leur mode d'utilisation ou
leur indication ont grandement été réduits -
Les pesticides (herbicides, insecticides, fongi- pour éliminer les quantités résiduelles pouvant
cides, etc.) sont des outils indispensables à l'agri- contaminer l'alimentation afin de les rendre
culture. Ils aident à combattre les insectes nuisi- inoffensives ou négligeables.
bles, les mauvaises herbes et plusieurs types de Dans tous les pays industrialisés, les proces-
champignon, et contribuent ainsi à la production sus d'enregistrement ou d'homologation sont
la plus économique d'aliments en grande quan- sensiblement identiques et suivent les recom-
tité. Par contre, mal utilisés, les pesticides peu- mandations de la FAO (Food and Agriculture
vent être très dangereux pour la santé. Ils sont Organisation) et de l ' O M S . L'innocuité des ali-
devenus depuis bon nombre d'années une préoc- ments traités est assurée essentiellement
cupation du public qui appréhende la contami-
- par l'établissement de niveaux résiduels
nation des aliments par leurs résidus. Cependant,
admissibles ou tolérés pour chaque pesticide
il faut dire que, à l'heure actuelle, la plupart des
et chaque indication selon le mode d'applica-
pesticides les plus rémanents à cause de leur pro-
tion recommandé par le fabricant;
priété lipophile, comme le D D T , la dieldrine,
l'heptachlor et l'aldrine, ont été remplacés par des - par l'évaluation de l'exposition des popula-
produits beaucoup moins stables et rémanents tions;
(laissant peu de résidus), mais par contre beau- - par l'évaluation toxicologique des pesticides
coup plus toxiques. Les premiers pesticides du utilisés.
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 381
Au Canada, par exemple, chaque pesticide et 6.2 Produits dont l'utilisation indirecte
chacune de ses utilisations ou indications men-
rend possible l'accumulation dans les
tionnées sur l'étiquette du produit doivent être
approuvés ou homologués avant de pouvoir être aliments: résidus de médicaments
mis en vente. Le manufacturier doit en premier vétérinaires
lieu démontrer que le pesticide est efficace et
Tous les médicaments utilisés chez les animaux
déterminer la quantité résiduelle de ce pesticide
de consommation doivent être évalués et homo-
qui correspond à un degré d'efficacité o p t i m u m .
logués par les autorités avant de pouvoir être
Ces quantités résiduelles déterminées servent
commercialisés, cette mesure ayant pour but de
ensuite à établir des niveaux de tolérance, ce qui
garantir que l'utilisation est sécuritaire pour le
représente un compromis dans l'évaluation des
public consommateur. Cette première mesure
risques et des bénéfices de cette utilisation. Les
est associée à d'autres qui surveillent et assurent
quantités résiduelles sur ces cultures font l'objet
le niveau de contamination des produits.
d'une surveillance pour évaluer les niveaux de
Il reste que l'utilisation de médicaments chez
contamination.
les animaux de consommation, qu'elle soit
Les autorités réglementaires établissent par la
thérapeutique ou nutritionnelle - terme utilisé
suite le niveau d'exposition d'un consommateur
pour désigner l'effet de stimulation de la crois-
type exposé à un aliment contenant des résidus
sance recherché avec des antimicrobiens -, peut
d'un pesticide appliqué sur une culture à la
présenter des risques pour la santé publique.
concentration maximale pour ainsi établir la
contribution résiduelle m a x i m u m théorique Antibiotiques
(CRMT). Nous prendrons ici l'exemple des antibiotiques
À partir des données toxicologiques obtenues qui sont la classe de médicaments la plus utilisée
chez diverses espèces animales pour un pesticide en industrie animale.
(mesure du N O A E L ) , on peut calculer la DJA Plusieurs études bien documentées ont établi
qui représente la quantité de résidu de ce pesti- le lien entre la présence de résidus d'antibio-
cide pouvant être absorbée quotidiennement tiques dans le lait et l'apparition de réactions de
sans qu'il ne se manifeste un effet délétère type allergique immédiates ou chroniques
anticipé durant toute une vie. Cette DJA maxi- (Boonk et Van Ketel, 1982; Wilson, 1994). En
male est ensuite divisée par un facteur de sécu- effet, certaines maladies du bétail exigent un
rité de 10 à 10 000 (habituellement 100) qui traitement aux antibiotiques qui peut résulter,
tient compte des variations individuelles et en cas d'utilisation inadéquate, en la présence de
interespèces, même si ces dernières proviennent résidus médicamenteux mesurables dans le lait,
d'espèces animales les plus sensibles. Selon cer- résidus non détruits par la pasteurisation.
tains, ce terme de facteur de sécurité devrait à Une autre préoccupation est liée à l'appari-
juste titre être intitulé «marge de protection», tion de populations bactériennes antibiorésis-
pour conserver une certaine prudence par rap- tantes, à la suite de l'utilisation intensive d'an-
port au risque alimentaire (Goldstein, 1990). tibiotiques comme traitements ou comme
Le facteur de sécurité normalement utilisé stimulants de croissance. Un article publié dans
peut varier selon l'évolution des données toxi- Science (Neu, 1992) a remis en lumière la gravité
cologiques disponibles. Ainsi, tout récemment, et la complexité du problème de l'augmentation
la US EPA (US Environmental Protection de l'antibiorésistance dans la population, à une
Agency) recommandait aux manufacturiers de période de retour en force de certaines maladies
pesticides un programme de réduction du infectieuses d'origine bactérienne, phénomène
niveau d'exposition aux pesticides, en augmen- lié, entre autres, aux effets de la pauvreté et du
tant le facteur de sécurité normalement utilisé sida. Toute cette question a bien sûr été reprise
de 100 à 1000. Cette modification de la régle- par les médias et a fortement sensibilisé le public
mentation a pour but d'apporter une meilleure à ce problème. Du point de vue santé publique,
protection particulièrement pour les enfants, on se pose depuis longtemps la question sui-
vante: L'utilisation des antibiotiques en indus-
une population traditionnellement plus sensible
trie alimentaire contribue-t-elle à l'augmenta-
aux effets toxiques des produits chimiques
tion de l'antibiorésistance chez l'être humain?
(Kleiner, 1998).
382 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE
Cette question a été fort discutée, depuis le viande à des prix très compétitifs (Boyce, 1998).
début de l'utilisation massive des antibiotiques Il reste que l'utilisation vétérinaire des anti-
chez les animaux destinés à la consommation biotiques et des antimicrobiens doit être repen-
(vers les années 1950), par divers comité d'ex- sée, et le processus d'homologation par les
perts, O M S , F D A , Commission S W A N N , autorités doit être modifié. C'est du moins ce
Office of Technology Assessment, Council for que laisse entrevoir la F D A aux Etats-Unis qui
Agricultural Science and Technology, National autorisait, en 1996, l'utilisation vétérinaire
Academy of" Science of USA ( O M S , 1997). d'une fluoroquinolone assortie de l'obligation
L'évaluation du risque potentiel pour la santé pour le fabricant de faire une étude de pharma-
publique a été depuis longtemps concentrée sur covigilance pour surveiller le développement
l'utilisation prophylactique et nutritionnelle des possible de la résistance bactérienne dans la
antimicrobiens dans les élevages industriels où population animale traitée. Par ailleurs, on a
plus de 50 % de la production totale d'antibio- assisté également en 1996 à la mise en place
tique est utilisée. La principale inquiétude n'est d'un programme national de surveillance du
pas reliée à la présence de résidus d'antibiotiques développement de l'antibiorésistance chez les
dans les aliments, mais plus à la question de la animaux destinés à la consommation
sélection de matériel génétique (Facteur R, plas- (Programme N A R M S , National Antimicrobial
mides), facteur d'antibiorésistance chez l'animal, Resistance M o n i t o r i n g System, créé conjointe-
pouvant être transmis à l'être humain et pou- ment par la F D A , le C D C et la U S D A * ) pour
vant, à la limite, interférer avec l'efficacité des surveiller les changements de susceptibilité à 17
anitibiotiques. Le transfert de tels plasmides de antimicrobiens chez des pathogènes d'origine
l'animal à l'homme est maintenant bien établi. animale et humaine (Tollefson et coll., 1998).
Ce risque potentiel doit cependant être relativisé De toute façon, cette pratique doit être repensée
par rapport à l'antibiorésistance qui suit les et remplacée par des mesures efficaces de
traitements chez l'homme. D'autre part, les médecine préventive. Enfin, certaines mesures
avantages de cette pratique pour l'industrie ani- d'hygiène des viandes peuvent être préconisées.
male ont jusqu'ici pris le pas sur le risque Par exemple, la pasteurisation de la viande
hypothétique à la santé. La position de l ' O M S emballée et des œufs par la radiation ionisante
rapportée par C r o m et Stöhr (1998) est très sur la chaîne de production s'avère le moyen le
claire: on reconnaît que la plupart des infections plus efficace de bloquer la principale voie de
à Salmonella et à Campylobacter chez l'homme transfert des bactéries antibiosensibles et
proviennent de l'alimentation en général et sou- antibiorésistantes pathogènes de l'animal à
vent d'aliments d'origine animale, incluant des l'homme. Cette technologie cependant doit
infections résistantes aux antimicrobiens causées subir le test de l'équation risque-bénéfice et être
par ces pathogènes. Il semble évident aux experts acceptée par le public, ce qui tarde à venir au
de l ' O M S que l'antibiorésistance des pathogènes Canada.
de l'alimentation est le résultat direct de l'utilisa-
tion thérapeutique et nutritionnelle des antimi- Hormones stéroïdiennes
crobiens chez les animaux destinés à la consom- D'autres médicaments font l'objet d'une sur-
mation (Khachatourians, 1998). L'application veillance particulière ou de controverses scien-
nutritionnelle pour la stimulation de la crois- tifiques qui viennent en limiter l'utilisation.
sance chez les animaux d'élevage est depuis Ainsi, l'utilisation des hormones stéroïdiennes
longtemps très controversée. L'utilisation thé- naturelles ou synthétiques pour l'engraissement
rapeutique de la tétracycline et de la pénicilline des bovins de boucherie est autorisée et stricte-
est interdite depuis longtemps au Japon, en ment réglementée en Amérique, alors qu'elle est
Australie, en Nouvelle-Zélande et en Europe, interdite en France par exemple. Il convient de
alors qu'elle est encore permise aux États-Unis et détruire le mythe que tous les anabolisants sont
au Canada. La Suède interdit l'utilisation nutri- dangereux pour la santé publique. Dès 1983,
tionnelle des antimicrobiens en industrie ani- lors d'un symposium sur les anabolisants orga-
male depuis 1986. Malgré tout, elle produit de la nisés par l'Office International des Epizooties
* CDC: Centers for Disease Control and Prevention, USDA: US Department of Agriculture
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 383
1989). La contamination des poissons de mer taires. Comme le signalent Grandjean et Weihe
est généralement plus faible que celle des pois- (1998), la relation dose-réponse pour de faibles
sons d'eau douce. Toutefois, les grands préda- niveaux d'exposition est encore mal définie, et
teurs tels que l'espadon, le requin et le thon peu- on manque de données quant à l'effet sur la
vent atteindre des concentrations dépassant 1 toxicité du mercure, de la présence dans le pois-
p p m (Foulke, 1994). Les poissons de la son de certains nutriments et de certains autres
Méditerranée présentent des concentrations en polluants.
mercure plus élevées que les poissons de Dans le but de protéger la population,
l'Atlantique et des autres océans (Renzoni et plusieurs pays ont établi des règles administra-
coll., 1998) du fait des énormes dépôts de tives concernant la concentration admissible de
cinabre dans le bassin méditerranéen. Des con- mercure dans le poisson vendu commerciale-
centrations élevées de mercure ont été mesurées ment. Certains, comme le Québec, publient
dans les poissons de lacs et de rivières polluées aussi des avis quant à la consommation de pois-
par des activités industrielles (usines de chlore- sons de pêche sportive en eau douce, selon le
alcali, extraction minière) ou par des opérations niveau de contamination des plans d'eau. S'il
qui favorisent les réactions microbiennes de faut informer le public sur les dangers du mer-
méthylation du mercure telles que la mise en cure dans le poisson, on doit se rappeler que le
eau de réservoirs. poisson est une source importante de protéines
Pour l'ensemble de la population, le niveau de haute qualité, d'acides gras oméga-3, de vita-
d'exposition au mercure ne présente pas de mines et de minéraux, dont la vitamine D et le
risque pour la santé. Les études effectuées dans sélénium. Ce dernier élément aurait d'ailleurs
de nombreux pays industrialisés (Baht et coll., un effet antagoniste sur la toxicité du mercure.
1997) indiquent que l'apport alimentaire Kosatsky et Foran (1996) signalent que des
moyen en mercure se situe bien en deçà de la mesures réglementaires restrictives peuvent
dose hebdomadaire tolérable provisoire avoir des répercussions négatives auprès de cer-
( D H T P ) établie par l ' O M S (1990) à 0,3 mg de taines populations, tant au plan nutritionnel
mercure total par personne, dont 0,2 mg au que social. Aussi, selon ces auteurs, des études
maximum sous forme de méthylmercure. Le épidémiologiques élargies sont nécessaires pour
Japon fait exception avec un apport hebdo- permettre une analyse de risque basée sur les
madaire moyen de 0,13 mg de méthylmercure effets d'une exposition au mercure par la con-
(Nakagawa et coll., 1997). sommation de poisson et pour justifier les
Les populations grandes consommatrices de mesures réglementaires visant à réduire la con-
poissons et de mammifères ichtyophages sont sommation de poisson.
plus exposées, et plus particulièrement les
femmes enceintes ou en âge de concevoir. Plomb
Plusieurs études ont été effectuées auprès de La contamination des aliments par le plomb est
populations de pêcheurs commerciaux, de beaucoup plus diffuse que la contamination par
pêcheurs sportifs et d'autochtones dont l'ali- le mercure. On retrouve du plomb dans toutes
mentation comprend principalement des pro- les classes d'aliments. Les particules aéroportées
duits de la pêche et des mammifères marins. Il a se déposent directement sur les cultures; elles
été démontré que la teneur en mercure dans les peuvent aussi s'infiltrer dans le sol et, dans une
cheveux et dans le sang augmente avec la con- faible mesure, être absorbées par les plantes.
sommation de poisson. Toutefois, elle atteint Chez les animaux de consommation et chez les
rarement les concentrations correspondant à poissons, la majeure partie du plomb absorbé se
l'apparition des signes précoces d'intoxication concentre dans le squelette, mais on en retrouve
( O M S , 1990). On ne peut toutefois conclure dans les tissus mous, particulièrement dans le
que l'exposition au mercure par la consomma- foie et les reins. L'utilisation de soudures au
tion de poisson ne présente aucun danger. plomb dans les boîtes de conserve et, dans une
Certaines études (Grandjean et coll., 1998; moindre mesure, l'application de glaçures à base
Lebel et coll., 1996) ont mis en évidence des de plomb sur la vaisselle contribuent à la
effets subtils sur le système nerveux à des présence de ce métal toxique dans les aliments,
niveaux d'exposition considérés comme sécuri- surtout les aliments acides. Il y a 10 ans, plus de
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 385
60 % de l'apport alimentaire en plomb prove- Compte tenu qu'il ne semble pas y avoir de
nait de boissons et jus de fruits entreposés dans seuil au-dessous duquel le plomb n'aurait pas
des boîtes de conserves soudées au plomb, et 30 %, d'effet toxique, toutes les mesures doivent être
de la consommation de céréales, de fruits et de prises pour réduire le plomb dans l'environ-
légumes (Galal-Gorchev, 1990). Par ailleurs, nement.
l'eau contaminée par le plomb provenant des
conduites du système de distribution contribue Cadmium
à l'apport alimentaire en plomb. La contamination environnementale par le cad-
Si les effets toxiques du plomb sont connus m i u m a augmenté considérablement au cours
depuis longtemps, les données plus récentes sur des années 1980 et 1990 du fait de son utilisa-
les conséquences neurologiques de l'exposition tion industrielle grandissante. L'usage répété
prénatale à ce métal ont suscité la mise en place d'engrais phosphatés et l'épandage de boues non
de mesures pour réduire le plomb dans l'envi- traitées ont aussi contribué à la contamination
ronnement et plus particulièrement dans les ali- des sols. Or, le transfert de cet élément du sol
ments. aux parties comestibles des végétaux est beau-
Au cours de la dernière décennie, l'apport en coup plus important que celui d'autres métaux
plomb de la ration alimentaire a diminué de (Cabrera et coll., 1998). Bien que les concentra-
façon notable dans bon nombre de pays, grâce tions de cadmium dans les végétaux soient
surtout à la d i m i n u t i o n de l'utilisation de faibles, plus de 80 % du cadmium ingéré
l'essence au plomb et à l'élimination quasi totale provient des céréales et des légumes du fait de
des soudures au plomb pour la fabrication des leur place prépondérante dans la ration alimen-
boîtes de conserve. Selon un rapport du taire. Chez les animaux, le cadmium est peu
Programme de surveillance de la contamination métabolisé. Il s'accumule donc de façon
des aliments du Global Environment Monitoring préférentielle dans le foie et les reins. Des con-
System(GEMS/food), les apports hebdomadaires centrations importantes ont été mesurées au
moyens chez les adultes, rapportés par 23 pays Québec dans les foies et les reins des cerfs de
collaborant à ce programme, se situaient pour les Virginie et des orignaux (Crête et Benedetti,
années 1980 à 1988 entre 1-64 µg/kg/semaine 1990). Les concentrations sont beaucoup plus
(Baht et Moy, 1997). Des études récentes rappor- faibles chez les animaux de boucherie, abattus
tent des apports moyens très inférieurs à la en bas âge. Les mollusques et les crustacés peu-
D H T P de 25 µg/kg de poids corporel ( W H O , vent présenter des concentrations importantes
1995), notamment en Espagne (Urieta et coll., de c a d m i u m , t o u t comme les algues.
1996), en Hollande (Brussaard et coll., 1996), L'utilisation d'ustensiles de cuisine en matériel
aux Etats-Unis (Gunderson, 1995) et au Ganada galvanisé contribue aussi à l'apport en cadmium
(Dabeka et McKenzie, 1995). Baht et M o y des aliments. Les pigments de cadmium utilisés
(1997) ne rapportent aucune étude récente dans les glaçures des poteries, dans les plastiques
faisant état de l'apport de la ration alimentaire et sur les emballages peuvent aussi migrer dans
chez les jeunes enfants. Goyer (1996) rapporte les aliments.
que, selon une étude de la F D A , l'apport chez les
L'apport alimentaire moyen en cadmium est
enfants de 2 ans, aux Etats-Unis, est passé de
d'environ 10 à 50 µg/jour dans les zones d'ex-
30 µg/jour en 1982 à environ 2 µg/jour en 1991.
position normale ( O M S / F A O , 1993). Les
En Hollande (Brussaard, 1996), l'apport alimen-
études récentes effectuées en Espagne (Urieta et
taire dépassait la D H T P chez seulement 1,5 %
coll., 1996), aux États-Unis (Gunderson, 1995)
des jeunes enfants, alors que des études
et au Canada (Dabeka et McKenzie, 1995) rap-
antérieures dans différents pays révélaient des
portent des apports moyens inférieurs à la
apports moyens supérieurs à cette norme. Il faut
D H T P fixée à 7 µg/kg de poids corporel
noter que la D H T P englobe le plomb de toute
( O M S / F A O , 1989). En Hollande, un dépasse-
provenance. Or, chez les jeunes enfants, l'apport
ment de cette norme est observé chez 1,5 % des
par les poussières, la terre et les peintures peut
jeunes enfants (Brussaard et coll., 1996). Selon
égaler et même excéder l'apport alimentaire
les données du Programme de surveillance et
(Kirpatrick et Munro, 1982).
d'évaluation des produits alimentaires, l'exposi-
tion au cadmium par l'alimentation constitue
une préoccupation en santé publique du fait
386 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE
que, dans plusieurs pays, l'apport moyen se situe gnitif des enfants exposés in utero, ainsi que des
très près de la D H T P et la dépasse même dans effets sur certains indicateurs de leurs fonctions
certains cas (Baht et Moy, 1997). Présentement, immunitaire et hormonale (Muckle et coll.,
peu de pays imposent des limites de tolérance 1998). Une baisse de la fonction motrice a aussi
pour le cadmium dans les aliments. été démontrée chez des pêcheurs âgés (Schantz
Les usages industriels du cadmium sont et coll., 1999).
nombreux et risquent de s'accroître et d'entraî- Les mesures réglementaires imposées dans de
ner une augmentation de l'exposition à ce nombreux pays concernant l'utilisation des pes-
métal. Des études supplémentaires sont néces- ticides et herbicides organochlorés ainsi que des
saires pour mieux connaître la biodisponibilité BPC ont amené une réduction sensible de ces
du cadmium provenant des végétaux, surtout composés dans les aliments. Les concentrations
ceux q u i contiennent des phytochélateurs de POP dans le lait maternel sont un bon indice
(Groten et Van Blateren, 1994), et sur les con- de l'exposition de la population, et de nom-
ditions de culture et de transformation qui breuses études signalent une réduction de ces
favorisent l'augmentation des teneurs en cad- concentrations depuis 1970. Selon Fensterheim
m i u m dans les aliments. (1993), le niveau actuel de BPC dans la ration
alimentaire, aux État-Unis, est de moins de 1 %
Polluants organiques persistants (POP) de ce qu'il était en 1970. Cet auteur signale que
les concentrations de BPC mesurées dans le
On regroupe sous cette appellation les pesticides
poisson étaient, à la fin des années 1980, 2 à 10
et herbicides organochlorés, les BPC, les dio-
fois inférieures à ce qu'elles étaient au début des
xines ( P C D D ) et les furannes (PCDF). Ces
années 1970. Une baisse importante de l'apport
composés ou leurs métabolites se retrouvent
alimentaire en BPC, P C D D et P C D F a aussi été
dans tous les écosystèmes et sont bioamplifiés
signalée au Royaume-Uni (Harrisson et coll.,
dans les chaînes alimentaires où ils se concen-
1998). L'exposition aux dioxines et furannes
trent dans les graisses des animaux et des pois-
provient à 90 % des aliments, et les initiatives
sons. On les retrouve dans les viandes et volailles, pour réduire les émissions de ces polluants ont
les œufs, les produits laitiers. Les concentrations eu des effets positifs. Toutefois, selon l ' O M S , le
sont habituellement plus élevées dans les pois- niveau actuel d'exposition se situe entre 1 et 3
sons que dans les autres produits d'origine ani- picogrammes/kg de poids corporel, ce qui laisse
male. Parmi les poissons, les espèces «grasses» peu de marge de sécurité, considérant que la
sont plus contaminées. Les mammifères marins dose journalière tolérable a été fixée à 1-4
sont une source importante de polluants picogrammes/kg de poids corporel. Aussi,
organiques persistants dans l'alimentation tradi- toutes les mesures doivent-elles être prises pour
tionnelle de certaines populations. réduire les émissions au plus bas niveau possible
Comparées à la population générale, les po- ( O M S , 1998). Les épisodes de contamination
pulations qui consomment de grandes quantités d'aliments par des dioxines aux États-Unis en
de poissons ou de mammifères marins sont sur- 1997 et en Belgique en 1999 étaient liés à la
exposées aux POP. Les femmes enceintes et leur contamination des farines alimentaires destinées
progéniture sont particulièrement exposés, du aux animaux de boucherie et sont venus
fait que ces composés traversent la barrière pla- souligner la nécessité des mesures de contrôle à
centaire et que, d'autre part, ces composés sont tous les niveaux, de la production à la table du
excrétés dans le lait maternel. Les effets nocifs consommateur.
des pesticides chlorés, des BPC et des dioxines
et furannes ont été bien établis par des études
effectuées sur des humains exposés accidentelle- 7. SUBSTANCES TOXIQUES
ment à de hautes doses et sur des animaux de INTRODUITES AU COURS DE LA
laboratoire. Toutefois, l'ampleur des risques
TRANSFORMATION DES ALIMENTS
d'une faible exposition par l'alimentation reste à
démontrer. Plusieurs études o n t été effectuées À part les fruits et légumes consommés à l'état
sur des populations grandes consommatrices de frais, tous les aliments qui figurent sur la table
poissons et ont signalé des effets négatifs sur le du consommateur ont subi une quelconque
développement physique, psychomoteur et co- transformation. La cuisson est assurément la
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 387
tion. Les viandes traitées ne sont pas les seuls ali- l'eau, etc.). Les aliments préemballés occupent
ments à contenir des nitrosamines. La bière et le une part de plus en plus grande sur le marché.
scotch peuvent être une source tout aussi impor- C'est pourquoi l'innocuité des matériaux doit
tante, selon le procédé de séchage du malt être assurée par une réglementation adéquate et
(Gangolli et coll., 1994). un contrôle efficace.
Si on a réussi à démontrer la toxicité des
amines hétérocycliques, nitrosamines et autres
7.6 Additifs alimentaires
composés résultant de la transformation des ali-
ments, il est beaucoup plus difficile de démon- Au cours de la transformation des aliments, l'in-
trer la nocivité des aliments qui contiennent ces dustrie a recours à de nombreux additifs pour
éléments toxiques. D'autres composantes des allonger le temps de conservation tout en préser-
aliments peuvent en effet moduler la réponse de vant la couleur, la saveur et la texture des ali-
l'organisme. ments. Certains autres additifs sont nécessaires
pour résoudre des problèmes technologiques
inhérents à la mécanisation des différentes étapes
7.5 Produits qui migrent à partir des
de la fabrication. Une évaluation toxicologique
matériaux en contact avec les aliments est exigée avant l'homologation des additifs. Elle
Les emballages et les matériaux en contact avec donne parfois lieu à des controverses scien-
les aliments peuvent entraîner la migration de tifiques, et certains pays homologuent un additif
substances nocives. Le plomb utilisé pour la alors que d'autres en interdisent l'utilisation. Ce
soudure contribuait d'une façon importante à processus est d'ailleurs revu périodiquement par
l'apport en plomb de l'alimentation, avant que un comité F A O / O M S mixte d'experts (JECFA),
l'industrie ne modifie l'assemblage des boîtes de et les doses journalières admissibles sont révisées
conserve. Le plomb et le cadmium utilisés à mesure qu'apparaissent des données nouvelles.
comme pigments dans les glaçures des poteries Chaque pays détermine les limites tolérables
et les encres d'impression sur les emballages sont dans les aliments, en fonction du nombre d'ali-
autant d'exemples de substances toxiques qui ments dans lesquels l'utilisation de l'additif est
peuvent migrer dans les aliments. Il en est de permise et du niveau de consommation de ces
même de certaines composantes des contenants aliments. L'analyse de risque se base sur le niveau
en plastique (monomères, plastifiants) et des de consommation du plus haut percentile de la
résines qui enduisent les boîtes de conserve. Des population, ce qui ne représente pas des com-
nitrosamines ont été décelées dans les cires qui portements bizarres ou extrêmes, mais corres-
enrobent fruits et légumes, dans les résilles qui pond à des quantités tout à fait normales. Lawrie
entourent certaines coupes de viandes, dans les (1998) cite l'exemple de la consommation
tétines pour les biberons de bébés ainsi que dans moyenne de yogourt q u i , en Angleterre, se
les tubulures et joints de caoutchouc des chiffre à 9 g/jour chez les adultes, du fait que
appareils utilisés dans les usines de transforma- seulement le cinquième de la population en con-
tion des aliments (Sen, 1988). Certains métaux somme; la consommation au 97,5 e percentile est
migrent plus facilement dans des aliments
de 135 g/jour, ce qui est une portion tout à fait
acides; c'est le cas de l'aluminium notamment.
normale. Néanmoins, la quantité d'aliments et
Des chercheurs japonais ont signalé des concen-
de breuvages ingérés, lorsque exprimée en
trations importantes dans certaines boissons
gramme par kilogramme de poids corporel, est
gazeuses vendues dans des contenants d'alu-
beaucoup plus grande chez les enfants que chez
m i n i u m (Aikoh et Nishio, 1996). Une grande
les adultes, et l'exposition aux additifs dépasse,
vigilance doit être observée quant aux matériaux
dans certains cas, la DJA (Lawrie, 1998). Des
qui entrent en contact avec les aliments et ce, à
toutes les étapes de la transformation. Dans le mesures devront être prises pour assurer que l'a-
choix des contenants et emballages, il faut tenir limentation des enfants ne présente aucun
compte de la composition des aliments ( p H , risque.
Les intoxications alimentaires dues aux addi-
teneur en gras) et des traitements auxquels les
tifs alimentaires sont très rares. Toutefois, cer-
aliments emballés seront soumis (congélation,
taines personnes particulièrement sensibles peu-
cuisson au four à micro-ondes, cuisson dans
vent avoir des réactions négatives à certains
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 389
additifs, comme les sulfites, le glutamate biorésistance dans les aliments transgéniques.
monosodique ou certains colorants. Aussi, la D'autre part, dans le but de minimiser les
liste des additifs doit-elle figurer obligatoire- risques inhérents à cette nouvelle technologie, le
ment sur les étiquettes des produits alimen- groupe d'experts a émis des directives concer-
taires. nant l'évaluation toxicologique des aliments et
ingrédients issus des biotechnologies. Des pro-
blèmes écologiques et sociologiques peuvent
8. NOUVELLES BIOTECHNOLOGIES
aussi survenir avec l'introduction de plantes et
Les progrès réalisés dans le domaine des m o d i f i - d'animaux modifiés génétiquement: transfert de
cations génétiques permettent aujourd'hui l'in- gènes aux espèces indigènes, réduction de la bio-
tégration d'un gène d'intérêt au stock génétique diversité, modification de la structure de l'in-
d'une plante. Au cours des dernières années, on dustrie agricole au profit d'importants groupes
a ainsi créé des variétés horticoles (canola/colza, industriels. Malgré la complexité du dossier des
maïs, coton, l i n , soya) tolérantes à certains her- biotechnologies, les intervenants en santé
bicides, des plantes (pommes de terre, maïs, publique doivent s'y impliquer afin d'agir
coton) résistantes à certains insectes, des auprès des organismes réglementaires et d'aider
tomates à mûrissement retardé, des huiles les consommateurs à faire la part entre les infor-
(canola, tournesol, l i n , soya) dont la teneur en mations rassurantes de l'industrie et le discours
acides gras a été modifiée. Le génie génétique alarmiste de certains groupes de pression.
permet aussi de bonifier la valeur nutritive des
aliments et de modifier certaines composantes
9. PRÉVENTION DES RISQUES
des plantes afin d'améliorer leurs propriétés
fonctionnelles. Ainsi, des recherches sont en LIÉS À LA CONTAMINATION
cours afin de produire une variété de riz con- ALIMENTAIRE
tenant de la bêtacarotène, ce qui pourrait enrayer
Les coûts humains et monétaires des maladies
les carences en vitamine A dans les pays asia-
associées à la contamination des aliments sont
tiques; de nouvelles lignées transgéniques de blé
considérables. C'est pourquoi des mesures régle-
produisent une pâte plus élastique, et des mentaires et un contrôle adéquat sont néces-
chercheurs envisagent des modifications du saires à chaque étape de la production, de la
gluten afin d'en tirer de nouvelles applications transformation et du service des aliments afin de
industrielles comme la fabrication de résines ou minimiser les risques de contamination.
de pellicules comestibles. Toutefois, l'éducation des consommateurs est
Malgré ces perspectives excitantes, on peut tout aussi importante, comme l'indique l'aug-
craindre que les biotechnologies n'entraînent mentation des intoxications dans les pays
des risques pour l'innocuité des aliments, par développés où des mesures d'hygiène et des con-
exemple, l'expression de gènes codant pour des trôles de qualité sont appliqués. Le consomma-
substances toxiques ou allergéniques. Des teur est souvent le maillon faible de la chaîne
risques peuvent aussi être associés aux gènes (Mermelstein, 1998); la majorité des toxi-
marqueurs qui sont insérés, en plus du gène infections sont liées à des méthodes de conser-
d'intérêt, pour s'assurer du succès de la trans- vation fautives et à une cuisson insuffisante des
génèse. Des marqueurs d'antibiorésistance ont aliments. Aussi, des programmes d'éducation
été utilisés dans le processus de développement seraient un investissement très rentable.
de la majorité des plantes transgéniques, et des Compte tenu du nombre grandissant de person-
questions ont été soulevées quant au transfert de nes âgées ou immunodéficientes, il serait
souhaitable que des campagnes d'information
ce caractère aux microorganismes présents chez
s'adressent particulièrement à ces populations
les humains et les conséquences sur l'efficacité
pour lesquelles les conséquences des intoxica-
thérapeutique d'antibiotiques. Selon un groupe
tions alimentaires sont plus graves. Dans l'in-
d'experts F A O / O M S (1996) un tel transfert est
dustrie alimentaire, l'implantation du système
peu probable. Toutefois, la question a été référée
H A C C P constitue un moyen efficace pour con-
à un comité qui devra déterminer, le cas
trôler les risques de contamination des aliments
échéant, les conditions et circonstances devant
(voir encadré 14.1). Elle ne peut remplacer l'in-
conduire à l'exclusion des marqueurs d'auto-
390 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE
L'irradiation des aliments est actuellement autorisée dans 40 pays, sur un nombre croissant de den-
rées alimentaires. Toutefois, le volume d'aliments irradiés disponibles sur le marché demeure très
faible.
L'irradiation consiste à exposer les aliments à une source de rayons ionisants provenant du cobalt 60,
ou bien aux rayons X ou aux faisceaux d'électrons produits par des accélérateurs d'électrons. Cette
dernière méthode ne requiert pas de matériel radioactif. Toutefois, elle a le désavantage d'être peu
pénétrante; elle ne peut donc être utilisée que pour un nombre limité d'applications. Les rayons X
ont un pouvoir de pénétration suffisant pour pénétrer des carcasses de viande ou des piles de boîtes
d'aliments frais ou congelés, mais ils requièrent une quantité d'énergie telle que le procédé est peu
efficace.
L'irradiation des aliments fait l'objet d'études depuis une cinquantaine d'années. En 1980, un comité
mixte OMS/FAO/AIEA d'experts sur l'irradiation des aliments a conclu que l'irradiation de denrées ali-
mentaires à une dose globale moyenne de 10 kGy ne représente aucun danger d'ordre nutritif,
microbiologique et toxicologique, et que l'évaluation toxicologique des aliments ainsi traités n'était
plus requise (FAO/IAEA/WHO,1981).
En septembre 1997, un groupe de travail issu du comité mixte OMS/FAO/AIEA concluait que les ali-
ments irradiés étaient inoffensifs et adéquats au plan nutritif, quelle que soit la dose utilisée pour
atteindre l'objectif technologique visé (OMS,1997b). Selon le groupe de travail, l'irradiation à forte
dose est analogue aux procédés conventionnels, tel que l'appertisation: elle élimine les risques de
contamination alimentaire sans entraîner de changements physiques ou chimiques qui pourraient
constituer un danger pour la santé.
L'irradiation représente une solution de remplacement à l'utilisation de gaz chimiques toxiques pour
la désinfestation des céréales et autres denrées alimentaires. Elle élimine ainsi la quarantaine exigée
par les pays importateurs pour prévenir l'introduction d'insectes ravageurs. Des doses de moins de 1
kGy sont suffisantes pour la désinfestation des céréales, des fruits et des légumes. On a recours à des
doses beaucoup plus élevées (jusqu'à 30 kGy) pour la stérilisation des épices et des herbes. La germi-
nation des pommes de terre, des oignons et de l'ail est inhibée par l'irradiation à faibles doses, et ce
procédé peut aussi retarder la maturation des fruits et légumes et donc prolonger leur conservation
à l'état frais. Dans les viandes, les volailles et les fruits de mer, une réduction significative des bac-
téries et parasites pathogènes est atteinte avec des doses de 4,5 kGy (7 kGy pour les produits con-
gelés). L'irradiation peut être effectuée sur des aliments préalablement emballés, ce qui réduit les
risques de recontamination.
L'irradiation des aliments, combinée à d'autres mesures de protection, constitue un outil efficace
pour combattre les bactéries pathogènes et les parasites responsables des intoxications alimentaires
et des maladies diarrhéiques qui affligent chaque année des millions d'individus et qui causent de
nombreuses pertes de vie. Il existe peu de procédés capables d'éliminer les pathogènes sur les ali-
ments d'origine animale, volailles, viandes, poissons et crustacés, commercialisés à l'état cru ou con-
gelé. L'irradiation, un procédé «à froid», s'est avérée efficace pour réduire de façon notable les
organismes pathogènes comme les salmonelles, Campylobacters, listeria, trichine, vibrio, de même
que les spores du Clostridium botulinum. L'irradiation du poulet est autorisée dans de nombreux
pays, dont les États-Unis, qui viennent aussi d'autoriser l'irradiation des viandes. Plusieurs pays asia-
tiques procèdent aussi à l'irradiation des crevettes.
Bien que l'innocuité et l'efficacité de l'irradiation des aliments soient reconnue, l'industrie alimen-
taire est lente à recourir à ce procédé en raison de son coût très élevé et de la résistance des con-
sommateurs. L'utilisation du nucléaire a mauvaise presse. Tant que l'on n'aura pas trouvé de solution
au problème de la disposition des déchets nucléaires, nombreux sont ceux qui hésiteront à donner
leur aval à une industrie qui fait appel à des isotopes radioactifs. Pour plusieurs, l'irradiation par fais-
ceaux d'électrons serait plus facilement acceptable puisque la radioactivité disparaît avec l'arrêt de
l'appareil. Bien qu'il ait été démontré que les modifications que l'on observe dans les aliments
irradiés sont de même nature que celles causées par d'autres procédés, les consommateurs redoutent
la formation de produits de radiolyse. Advenant que de nombreux aliments soient irradiés, ils crai-
gnent une diminution de la densité nutritive du régime alimentaire et les conséquences qui en résul-
teraient dans les populations les plus à risque. Aussi, dans tous les pays, les consommateurs exigent
que les produits irradiés soient clairement marqués et que le système d'inspection soit en mesure de
détecter les aliments traités. La détection par résonance paramagnétique électronique permettrait
de répondre à cette exigence dans un proche avenir.
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 391
Le principal obstacle à l'implantation de cette technologie est d'ordre économique et pratique. Peu
d'industries traitent un volume suffisant d'aliments pour justifier un investissement de trois à cinq
millions de dollars. De plus, les coûts associés à l'irradiation sont supérieurs à ceux occasionnés par
d'autres procédés. Les marges de profits sont très faibles dans l'agroalimentaire, et seuls les secteurs
des viandes et des fruits de mer rencontrent les critères de faisabilité. Le Canada a été un des pre-
miers pays à développer des irradiateurs et à effectuer des recherches sur l'irradiation des aliments.
Toutefois, par rapport à d'autres pays européens, il accuse un retard dans la commercialisation
d'aliments irradiés en raison des contraintes économiques de cette technologie et de la résistance des
consommateurs. L'irradiation ne peut à elle seule éliminer tous les risques de contamination des ali-
ments, mais combinée à d'autres technologies elle constitue une arme supplémentaire pour enrayer
le nombre croissant de toxi-infections d'origine alimentaire.
spection par les agences gouvernementales, une et d'entreposage et des matériaux avec ou sur
responsabilité souvent remise en question en ces lesquels les aliments sont préparés;
temps de globalisation des marchés et de com- - du rappel des produits de même que des
pression budgétaire. L'irradiation des aliments, actions légales, poursuites en justice et distri-
associée à d'autres méthodes de conservation, bution des amendes.
pourrait aussi contribuer à la réduction des
Les gouvernements c o n t r i b u e n t aussi à
risques associés aux intoxications alimentaires
réduire les risques de contamination des ali-
(encadré 14.2).
ments par différentes activités d'éducation:
Les contaminants environnementaux, les
métaux lourds, les pesticides et les composés - l'entraînement du personnel de santé
organochlorés présentent des risques pour la publique régulatoire et le contrôle de la qua-
santé, d'autant plus que l'exposition a lieu in lité en matière de prévention et de contrôle
utero ou durant le développement du nourris- des maladies d'origine alimentaire;
son. M ê m e aux concentrations relativement - l'éducation des cadres de l'industrie alimen-
faibles que l'on rencontre dans les aliments, des taire, des superviseurs et des travailleurs ainsi
effets ont été démontrés sur le poids à la nais- que du public sur les dangers et les risques
sance, sur le développement moteur et mental et associés aux maladies d'origine alimentaire et
sur le système immunitaire. sur leur prévention.
chez les personnes mal nourries. Une alimenta- des épidémies ou à des cas d'intoxication ali-
tion équilibrée fournit tous les éléments essen- mentaire individuelle. Il serait dangereux de
tiels aux mécanismes de détoxication; une diète conclure que ces contaminants, souvent retrou-
variée quant aux choix des aliments et à leur vés avec des techniques analytiques très sensibles
provenance minimise le risque d'une exposition à l'état de traces mesurées en p p m , ppb ou
importante. Une alimentation équilibrée et va- même ppt, ne représentent aucun danger pour
riée constitue la meilleure garantie contre les la santé des consommateurs. En effet, on sait
effets nocifs des contaminants présents dans les que, pour les produits de synthèse, les effets que
aliments. l'on doit le plus redouter sont de nature
Néanmoins, en santé publique, certains seg- chronique: cancers, maladies neurologiques
ments de la population doivent faire l'objet d'une dégénératives ou atteintes du système i m m u n i -
préoccupation particulière. Ainsi, le fœtus et l'en- taire. Il est cependant très difficile d'établir un
fant en développement sont plus sensibles aux lien de cause à effet entre l'ingestion, durant une
contaminants environnementaux et devraient longue période, de faibles concentrations de
faire l'objet d'une surveillance épidémiologique résidus de produits chimiques retrouvés dans les
plus grande. Les toxi-infections d'origine bacté- aliments et l'apparition d'une maladie chro-
rienne ou parasitaire peuvent avoir des con- nique, comme le cancer. Seules de grandes
séquences plus graves chez les personnes i m m u - études épidémiologiques peuvent parfois y
nodéprimées. Il serait souhaitable que des arriver après de longues années d'attente. Il reste
programmes éducatifs ciblent cette clientèle plus que le danger des résidus chimiques existe, qu'à
exposée. des concentrations élevées certains sont respon-
sables d'une intoxication et que la prévention de
maladies de type chronique doit faire partie de
10. CONCLUSION nos préoccupations. C'est là où l'évaluation du
risque prend toute son importance.
Nous n'avons pas limité le contenu de ce
chapitre aux seuls contaminants biologiques ou Enfin, on doit retenir que, pour assurer l'in-
chimiques pouvant causer des symptômes cli- nocuité des aliments, il faut 1) utiliser l'analyse
niques propres à une intoxication. Nous avons de risque pour évaluer objectivement le danger,
plutôt voulu montrer que la chaîne alimentaire 2) mettre en place des programmes de préven-
pouvait être contaminée à toutes les étapes, de la tion de type HACCP, 3) assurer la formation des
production à la consommation. Certains con- travailleurs de l'alimentation, et 4) rendre l'in-
taminants chimiques sont rarement associés à formation disponible aux consommateurs.
CONTAMINATION ALIMENTAIRE 393
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