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Annales.

Economies, sociétés,
civilisations

Une richesse historique en cours d'exploitation. Les registres


paroissiaux
Pierre Goubert

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Goubert Pierre. Une richesse historique en cours d'exploitation. Les registres paroissiaux. In: Annales. Economies, sociétés,
civilisations. 9ᵉ année, N. 1, 1954. pp. 83-93;

doi : https://doi.org/10.3406/ahess.1954.2245

https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1954_num_9_1_2245

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ENQUÊTES

Une richesse historique en cours d'exploitation

LES REGISTRES PAROISSIAUX

Nul n'est prophète en son pays : il y a beau temps que des hommes de
toutes sortes se sont intéressés à ces documents si humbles et si communs, les
registres de baptêmes, mariages et sépultures, ancêtres et modèles de nos
modernes registres d'état-civil. Des hommes qui n'étaient pas seulement
des généalogistes à gages, ou de simples curieux à la recherche de leurs
ancêtres, — mais des hommes d'État, des « philosophes », de vrais historiens.
Sans remonter à Graunt, à Petty, à Sussmilch, nul n'ignore qu'on a publié
les actes paroissiaux de Paris depuis 1670, et chacun sait qu'après Vauban le
libraire Saugrain, Expilly, Messance et Moheau ont travaillé, ou fait
travailler, sur les registres paroissiaux. Travaux fameux, maintes fois loués,
cités, pillés, — mais jamais étudiés dans leurs sources mêmes, avec un souci
critique de vérification. Voici un siècle, Feillet appuyait par des relevés de
registres paroissiaux son célèbre ouvrage sur la misère au temps de la Fronde1.
A la même époque, un médecin dijonnais, trop oublié, publiait un travail
admirable sur la mortalité à Dijon depuis le xvne siècle2. En de nombreux
endroits, des érudits « locaux » ont effectué le relevé des baptêmes, mariages
et sépultures de leur paroisse natale8. Leurs publications n'ont jamais été
très remarquées, ce qu'on peut regretter.
Depuis quelques années, un intérêt nouveau semble s'être attaché aux

1. Alphonse Feillet, La Misère au temps de la Fronde et saint Vincent de Paul, lre édition,
Paris, 1868, in-8°. Extraits de registres d'état-civil, p. 369-373 et 558-561 de la 5e édition, Paris,
1886.
2. Dr. Louis Noirot, Études statistiques sur la mortalité et la durée de la vie dans la ville et
l'arrondissement de Dijon depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours, Paris et Dijon, 1850, in-8o,
88 p.
3. Citons, parmi les plus récents : Abbé J. Canard, Les Mouvements de la population à Saint-
Romain d'Urfé de 1612 à 1946, dans Bulletin de la Diana, t. XXIX, n° 4, p. 118-155 ; chanoine
L. Clément, Routot, des origines à la Révolution, Fécamp, 1950, in-8°, vm-306 p. (excellent) ;
René Samson, Un village de l'Oise au XVIIe siècle, Cannes, 1952, 48 p., dans Bibliothèque du
Travail, n° 187-188 (malheureusement trop condensé).
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recherches de démographie ancienne. Des problèmes ont été posés, ce qui


peut paraître relativement aisé. Mais beaucoup trop rares, et toujours trop
limités, ont été les travaux d'approche. Et cependant, géographes,
historiens, démographes professionnels paraissent persuadés de l'intérêt des
anciens registres paroissiaux, et vont parfois jusqu'à les ouvrir. Il n'est pas
jusqu'aux archivistes qui ne leur prodiguent des soins jaloux, souvent un peu
tardifs1. Et chacun d'espérer fermement la collaboration des autres, en offrant
la sienne. -Il faut se féliciter de cette unanimité, et souhaiter que la
conjonction des efforts et des compétences aboutisse à des résultats fructueux. Pour
notre part, nous avons dépassé le stade des vœux pieux, tant au point de vue
de la collaboration que du travail effectif.

Encore faut-il savoir ce que sont les registres paroissiaux, et ce qu'on


peut leur demander : ils n'ont point été établis pour satisfaire la curiosité des
historiens démographes. L'étroitesse, la naïveté de trop de travaux, ce qu'ils
révèlent d'incuriosité et d'absence d'information obligent à redire des choses
qu'on aurait crues élémentaires.
Il existe une législation des registres paroissiaux, qui se trouve résumée
avec compétence par quelques archivistes départementaux, dan? des préfaces
d'inventaires ou de répertoires2. Si l'on doit ne pas ignorer les ordonnances
de 1539 et de 1579 — surtout lorsqu'on en parle3 — l'ordonnance civile de
1667 (titre XX, art. 7 à 14) et la Déclaration du 19 avril 1736 méritent une
attention spéciale. La première a créé un type nouveau de registres
paroissiaux : elle imposait l'inscription sans « blancs » et dans l'ordre chronologique
de tous les actes de catholicité, de quelque nature qu'ils fussent ; auparavant,
il existait presque toujours trois registres, ou trois listes séparées : baptêmes,
mariages, sépultures. La même ordonnance rappelait, avec quelque raison,
l'ancienne obligation de déposer au greffe du bailliage une « copie » des
registres. La Déclaration de 1736 prescrivit l'établissement d'actes précis
et copieux; elle ordonna la rédaction simultanée de deux registres
identiques, tous deux authentiques ; l'un allait au bailliage, l'autre restait à la
cure.
En ces époques de prétendu « absolutisme », de telles dispositions
recevaient une application fort inégale. Telle paroisse de Sologne découvre Гог-
1. Est-ce une mesure bien heureuse que le rassemblement aux Archives départementales
des anciens registres originaux jusqu'ici conservés dans les mairies? Pour supprimer des risques
partiels de perte, ne crée-ton pas un risque permanent de destruction totale? Qu'on pense à
Orléans....
2. Citons, parmi les meilleures préfaces aux inventaires ou répertoires de E, supplément :
pour la Loire, l'Introduction de 57 p. au t. I (arr. de Montbrison) de VIm>. somm. de E,
supplément (Saint-Ëtienne, 1899) par Fréminville, avec une bibliographie ; — pour l'Allier, celle de
Claudon (Moulins, 1906) ; — pour l'Aube, l'Introduction (p. xn) du Répertoire des documents
conservés dans les communes (Troyes, 1911) ; — pour la Somme, la Préface de J. Estienne à son
État sommaire des registres paroissiaux... (Fontenay-le-Comte, 1928, in-8°).
3. Les art. 50 à 53 de l'ordonnance de Villers-Cotterets n'ont jamais prescrit l'inscription
des mariages et des décès (sauf ceux des bénéficiera) ; c'est pourtant ce que parait croire
L. Henry, p. 282, lignes 18 à 20 de : Une Richesse démographique en friche, les registres
paroissiaux, dans Population, 1953, n° 2, p. 281-290.
LES REGISTRES PAROISSIAUX 85
donnance de 1667 avec quatre années de retard1 ; il est vrai qu'en Touraine
on avait mis jusqu'à douze années8. Le diocèse de Léon manifeste
généralement une forte indépendance8. En 1746,. on4 tenta d'imposer un registre
séparé de sépultures, pour des raisons fiscales : cette fois, le diocèse de Léon
se montra fort obéissant ; par contre le diocèse de Beauvais ignora tout de
l'affaire ; quant à nos Solognots, ils l'oublièrent après quelques années
d'application. Sans doute les évêques, les lieutenants de bailliage, maints
petits officiers étaient censés contrôler les registres. Assez sévère, par
moments, à Blois et à Beauvais, cette surveillance s'avéra souvent toute
théorique. Maîtres de leurs registres, les curés s'appliquent ou non ; ils
dressent eux-mêmes de magnifiques copies, ou bien s'en remettent au
courage chancelant d'un magister ou d'un domestique. Ces copies, ils les versent
au bailliage ; souvent, par erreur, ils versent l'original, — ou bien les deux, —
ou bien rien du tout. C'est dire que chaque groupe paroissial apporte au
chercheur son originalité, parfois bien décevante. Il faut pourtant s'attacher
à la découvrir : les règles de la critique des sources s'appliquent aussi à cette
catégorie de documents, — Charles Oursel l'avait bien compris5.
Apparente complication : on découvrira souvent qu'une même paroisse
se trouve pourvue de deux, de trois séries même de registres paroissiaux,
presque toujours mélangées. La série originale, qui devrait se trouver aux
archives communales8, se reconnaît aisément : à partir de 1640 ou 1660, les
intéressés « signent » généralement les actes ; à défaut de signature, les
différences d'écriture, ou d'encre, permettent une identification facile.
Identification nécessaire, puisqu'il est tant de copies négligées, résumées, ou
cavalièrement raccourcies7. Copies de bailliage, qu'on doit retrouver aux archives
départementales (série E, supplément) ; copies versées au greffe de l'évêché
à l'occasion des synodes ; copies dressées par de consciencieux curés, dans le
dessein parfois de constituer un répertoire nominatif8. Presque toutes,
bonnes à mettre au panier, du moins avant 1736.... Si l'on admet cette
méfiance, qui repose sur l'expérience, on ne publiera plus de relevés
démographiques sans indiquer la catégorie de registres qui les a permis.

Pourvu des registres originaux, allons-nous, comme tant d'autres, nous


mettre à compter furieusement, interminablement ? Tant de causes d'erreur
nous guettent encore.... Les plus graves concernent les sépultures.

registres
1. Tremblevif,
déposés aux
aujourd'hui
Arch. dép.Saint-Viâtre (Loir-et-Cher, arr. Romorantin, canton Salbris) ;
2. Bourré (Loir-et-Cher, arr. Blois, canton Montrichard) ; registres déposés aux Arch. dép. ;
Bourré dépendait alors de Tours.
3. Études effectuées dans le canton de Taulé (Finistère, arr. Morlaix).
4. Arrêt du Conseil du 12 juillet 1746. Il s'agissait de faciliter le contrôle des décès
entraînant droits de mutation.
5. Introduction, p. ni, de Charles Oursel, Ville de Dijon, Inv. somm. des Arch. comm., t. V,
Dijon, 1910, in-4».
6. Se trouve parfois aux Arch. dép., dans une mairie voisine, voire dans un presbytère.
7. Il nous est arrivé de trouver des copies qui, par rapport à l'original, ne contenaient qu'un
acte sur deux 1 Cf. Estienne, ouvr. cité, p. vu à ix.
8. Répertoires alphabétiques qu'on trouve parfois dans les localités importantes (Château-
dun, Provins, Montereau) ; ces répertoires sont rarement complets.
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Pendant tout le xvie siècle et la plus grande partie du xvne siècle, les
registres pèchent généralement par défaut : le curé n'inscrit que les décès des
notables de la paroisse, ceux qui ont fondé un obit ou donné un lopin à la
fabrique ; certains vont jusqu'à inscrire les décès notables du voisinage1.
Très souvent, les morts d'adultes sont correctement notées ; mais d'enfants,
point. Ils apparaissent ici en 1620, là en 1660, ailleurs en plein xviii6 siècle ;
et comme tout se rencontre dans l'ancienne France, telle « trêve » bretonne
inscrit, par contre, les seuls décès d'enfants. Ceux-ci font-ils enfin leur entrée
parmi les actes mortuaires? Alors, ils sont trop ! Aux enfants du pays, on
joint les nourrissons de la ville voisine : à Auneuil, au xvnie siècle, il. mourait
plus de nourrissons de Paris que d'enfants du pays3. Du moins leur qualité
de nourrisson paraît-elle toujours indiquée. C'est pourquoi on ne peut plus
tolérer les trop nombreuses erreurs causées par les nourrissons étrangers
dans tant de travaux de démographie historique, anciens et nouveaux, et
non des moindres. Que l'on fasse tant de cas des chiffres donnés par Messance,
et qui sont faux, routine sans doute ; mais que l'on renouvelle au xxe siècle
la plus grave cause d'erreur commise par le secrétaire de La Michodière, voilà
qui passe toute mesure8. *
Faut-il encore attirer l'attention sur d'autres pièges, si facilement
décelables ? Sur les « ondoyés-décédés », qui sont nos morts-nés, qu'il faut compter
deux fois, ou pas du tout, mais non pas seulement au chapitre des décès,
comme on le fait presque toujours? Sur les bans et fiançailles, qui ne sont
pas des mariages, pas plus que les transcriptions ? Sur les étrangers, qui ne
sont pas des gens de la paroisse ? On rougirait d'insister sur ces évidences,- si
l'expérience n'apprenait à quel point l'erreur la plus grossière peut être
courante. A la fin du xviii6 siècle, les curés fournissaient aux subdélégués, sur
des états imprimés, leur relevé annuel de baptêmes, mariages et sépultures :
on les retrouve souvent en fin de registre4. Qu'on refasse les additions
des curés : huit fois sur dix, elles sont fausses5. Que penser alors des
« statistiques » du xvnie siècle, qui reposent sur les chiffres fournis par les
curés ?
C'est dire à quel point il faut se méfier de ces anciens documents chiffrés
de population que Georges Bouchard réunissait récemment sous ce titre
spirituellement exact : « La douce enfance de la statistique »e. Écartons
résolument les « dénombremens d'habitans » de nos soucis et de notre ensei-

1. Par exemple à Thézée (Loir-et-Cher, arr. Blois, canton Saint-Aignan).


2. Auneuil (Oise, arr. Beauvais) ; sépultures pour 1773 : 8 enfants du pays, 9 nourrissons de
Paris ; sépultures pour 1778 : 12 enfants du pays, 16 nourrissons de Paris.
3. Abel Châtelain, Notes sur la population d'un village bugiste, Belmont, XVIIe-XXe siècles,
dans Revue de Géographie de Lyon, 1953, n° 3, p. 113-120. On peut se demander si l'auteur n'a
pas inclus les nourrissons de Lyon dans le total des décès de son village, — ce qui changerait
quelque peu ses observations. Il écrit en effet : « A Belmont, on signale des décès de nourrissons
lyonnais, ce qui contribue à accroître la mortalité, et réduit ainsi l'excédent des naissances. »
4. A partir de 1775, à la fin des registres de Saint- Viâtre (déjà cités) et de Saint-Dyé-sur-
Loire (Loir-et Cher, arr. Blois, canton Bracieux).
5. Fausses de quelques unités (et toujours dans le môme sens) surtout pour les décès, mais
aussi pour les naissances ; le total des mariages est presque toujours exact.
6. Georges Bouchard, La Famille du conventionnel Basire et quelques Aperçus profitables
sur le XVIII* siècle, Paris, 1952, in-8°, 196 p. ; c'est le titre du chap, ví (p. 63) de ce charmant
ouvrage, plein d'une érudition souriante... et profitable*.
LES REGISTRES PAROISSIAUX 87
gnement : ce sont documents souvent ridicules, comme viennent de le prouver,
avec un inégal bonheur, le R. P. de Dainville et M. Georges Bouchard1»
D'autant que les plus connus pourraient se trouver les plus inexacts. Deux
ou trois parmi les plus oubliés mériteraient quelque considération, à
condition d'être repris, à l'exemple de Dijon, dans un cadre local, — le seul valable
en matière de démographie ancienne.
Ainsi apparaît l'inquiétante solitude démographique du registre
paroissial, même excellent. Trop souvent, nous ignorons le chiffre, la structure par
âge, par profession, et par état matrimonial de la population à laquelle il se
rapporte. Nous ne faisons qu'entrevoir, à côté de son mouvement naturel,
les mouvements migratoires qui l'agitent peut-être ; ils constituent, en fin
de compte, notre plus grave souci. Et sans doute faut-il encore craindre
souvent que telle paroisse ne constitue qu'un « cas particulier ». — Faut-il
donc renoncer à mieux connaître l'ancienne population de la France à l'aide
des registres paroissiaux?

•\

Ne renonçons pas. Dans huit départements de la région de Paris, des


recherches ont été entreprises ; nous espérons les étendre encore. Gomme telle
enquête sur le Beauvaisis, elles reposent sur les registres paroissiaux ; mais
elles ont bénéficié d'indications et de critiques venues de toutes parts, et
spécialement de celles de Louis Henry*. Un vieil ami nous a promis le
concours de sa très riche expérience provençale. Plusieurs archivistes
départementaux ont bien voulu s'intéresser par le menu à cette enquête
démographique, qui essaiera d'embrasser les xvie, xvne et xviii6 siècles. Elle
s'est ouverte sous le patronage de la VIe Section de l'École pratique des
Hautes Études. Pour son extension et son succès, toutes les bonnes volontés
seront accueillies avec joie.
Maints exemples, plus encore de mécomptes personnels nous ont conduit
à choisir méticuleusement les paroisses à étudier. Nous avons dû poser le
principe de dépouillements régionaux, surtout ruraux, en des pays à
population aussi catholique et aussi sédentaire que possible.
Jamais de paroisse isolée : il est impossible de croire à ce genre de sondage,
dont nous avons fait et vu faire trop souvent l'expérience. Des groupes de
trois à six paroisses, toutes situées dans le même « pays ». Qui aurait l'idée de
joindre un village de la « Côte » et un village de la « Montagne »
bourguignonne ? — un village de batellerie et le bourg voisin perché sur le plateau ?
— un village de tisserands et un village de vignerons? Pour l'historien, il

1. Francois de Dainville, Un Dénombrement inédit au XVIII* siècle; l 'enquête du


contrôleur général Orry, 1745, dans Population, 1952, n° 1, p. 49-68 ; — Georges Bouchard, Dijon au<
XVIIIe siècle; les dénombrements d'habitants, dans Annales de Bourgogne, t. XXV, fasc. I,
1953, p. 30-65.
Le premier émet quelques doutes, trop timides (p. 54), sur la valeur de sa « découverte ».
Le second traite assez rudement le premier (p. 41-42) et se livre, dans le cadre dijonnais qui lui
est cher, à une analyse serrée des dénombrements, qu'on pourra retenir comme un modèle,
malgré le ton badin de quelques savoureuses parenthèses.
2. Article cité de Population. Nous tenons à remercier Louis Henry pour ses conseils et ses
critiques, écrits et oraux.
88 ANNALES
n'est pas de démographie « pure », je veux dire de démographie sans contexte :
aucun groupe paroissial ne saurait constituer une abstraction, moins encore
un simple fournisseur de chiffres. Le dépouillement démographique et l'étude
économique et sociale s'éclairent réciproquement.
Il est trop évident que nous devions exclure de nos recherches les régions
où vivaient des groupes de Réformés : même quand les anciens registres
protestants ont été conservés, ils cessent à la Révocation, pour ne reprendre que.
beaucoup trop tard. La question israéliste ne se pose qu'en de rares endroits,
bien connus..
Pour tourner, autant que possible, le gros obstacle des mouvements
migratoires, nous essayons d'éviter les régions où ils sévirent fortement,
comme l'Auvergne et certaines banlieues. La longueur du travail, la
multiplicité des paroisses qui accroît les causes d'erreur, la plus grande fluidité de
la population, la présence de couvents et d'hôpitaux, — autant de raisons
pour négliger les villes importantes, provisoirement du moins. En revanche,
nous négligeons aussi les très petits villages, où la moindre erreur acquiert
une importance relative considérable ; par surcroît, on y rencontre souvent
les prêtres les plus médiocres, les moins soigneux.
Ajoutons que nous cherchons à utiliser les registres paroissiaux les plus
anciens, à condition qu'ils ne comportent pas de lacune importante depuis
le début du xvne siècle, au moins pour les baptêmes. On s'en doutera peut-
être : nous sommes restés devant un choix extrêmement restreint : on ne
soupçonne guère l'étendue des lacunes qui se trouvent dans des registres
satisfaisants à première vue, — lacunes que n'indiquent presque jamais les
inventaires d'archives1.
Ces précautions prises, nous pensons obtenir des résultats solides pour la.
période 1730-1790, des résultats acceptables pour la période Louis XIV, des
indications utiles pour la période Louis XIII. L'état des sources ne nous
'permet pas de grands espoirs pour les années antérieures ; le xvie siècle
démographique ne sera que faiblement éclairé par notre enquête.

Que peuvent donc nous donner, en fin de compte, tous ces registres
paroissiaux lentement mis en fiches ?
Très peu de ces données de démographie pure que Louis Henry aimerait
à retrouver, mais tout de même quelques-unes, pour le xvine siècle. Pour
mesurer la fécondité, la nuptialité, l'âge au mariage, la proportion des
remariages, la mortalité par âge et par état matrimonial, les registres paroissiaux,
doivent fournir continûment un luxe de détails qui apparaît rarement avant
1736, et pas souvent après cette date. Certes, nous ne négligeons pas ces
précieux renseignements ; mais ils ne pourront fournir que des résultats
épisodiques et tardifs. Quant à la « reconstitution des familles et de leur

1. Quelques exceptions : les inventaires de Merlet pour l'Eure-et-Loir (E, supp., 3 tomesb
1871, 1877, 1882) ; ceux de la Loire (t. 1, 1899, t. II, 1951, ce dernier, œuvre de l'abbé Canard,,
particulièrement précieux).
LES REGISTRES PAROISSIAUX .89-

histoire démographique », pour désirable qu'elle apparaisse, elle relève peut-


être du domaine de l'utopie. Louis Henry a pourtant tenté l'entreprise.
L'énormité du travail risque d'aboutir à des résultats bien partiels, peu sûrs,
fort limités dans le temps et dans l'espace : estrce là rechercher le « maximum
de renseignements sûrs dans le minimum de temps»1? Ce qui ne veut pas
dire qu'il faille renoncer2. Peut-être est-il préférable d'entreprendre d'abord
des travaux dont le « rendement » soit plus rapide, et la signification
historique et géographique beaucoup plus large.
Assez tôt dans le xvne siècle, nous pouvons connaître l'âge moyen au
décès : donnée capitale. Sans doute nous a-t-on bien reproché ceux que noua
avions naguère calculés. On nous a dit que notre âge au décès — une
vingtaine d'années, en Beauvaisis, au milieu du xvne siècle — était beaucoup
trop élevé, puisque les curés n'inscrivaient jamais les sépultures d'enfants
très jeunes. Certes, à cette date, des mentions de ce genre ne sont pas
communes : nous en avons cependant trouvé assez pour tenter l'opération, après
un tri soigneux des registres. Il se trouve, par surcroît, que Louis Henry nous
a fait le reproche inverse2 : notre âge moyen au décès serait. trop bas... et
le démographe professionnel cherche à expliquer les erreurs de l'amateur.
Comme, nous n'avons pas tenu compte des décès des nourrissons, il ne peut
s'agir que du « courant migratoire permanent entraînant le départ de jeune*
adultes ». De ces migrations « permanentes », nous relevons, à vrai dire,
quelques traces : impossible de les chiffrer. N'a-t-on pas beaucoup exagéré
ces déplacements de population? Pour quelques témoignages dramatiques,,
mais fort localisés dans l'espace et le temps, n'a-t-on pas généralisé bien vite,
comme on le fait trop souvent en histoire? Paroisse d'origine des épouxr
paroisse d'origine des décédés, — nous avons assez relevé de telles
indications pour affirmer que l'enracinement au -village natal fut un fait éclatant
dans l'ancienne France, mises à part certaines provinces,- certaines années,
et certaines « basses » classes, peu nombreuses. Certes, aucun document ne
nous présente, comme sur un plateau, ces « populations fermées station-
naires » pour lesquelles Louis Henry voudrait, fort justement, voir réserver
l'expression d'« espérance de vie à la naissance » : les registres paroissiaux
n'ont pas de ces amabilités démographiques. Nous maintenons les âges
moyens au décès que nous avons présentés : ils sont la correcte mise en
œuvre des documents dont nous disposions : 20 à 25 ans pour le troisième
quart du xvne siècle, 30 à 35 pour la fin du xvine.
Des âges au décès, nous en avons d'ailleurs calculé bien d'autres.
Reconnaissons-le : pour la seconde moitié du xvne siècle, c'est bien souvent le
chiffre de 25 ans qui est à retenir ; 25 ans, soit, mais plutôt moins que plus.
Ce chiffre, les démographes retendent généreusement à toute la période de
fécondité dite « naturelle », — tout au moins jusqu'à cette « révolution
démographique de la mortalité populaire »4 que nous avons retrouvée dans notre
1. Ce sont les propres termes de A. Sauvy (Population, 1953, n° 2, p. 392).
2. Nous comptons en effet entreprendre des reconstitutions de famill
paroisses.
3. Article cité de Population, p. 285-286.
4. L'expression est d'Ernest Labrousse.
90 ANNALES
première enquête, après 1760-1770. Généralités qu'il faudra quelque jour
revoir d'assez près. En certaines provinces — Quercy, Sologne, Basse-
Bretagne — la « révolution de la mortalité » ne s'est pas produite au
xvnie siècle. Enfants et adultes y meurent comme par le passé : épidémies
et crises cycliques les déciment encore aux approches de la Révolution ; nous
en fournirons les preuves en temps utile. Il y a plus : l'on retrouve, en
certains bourgs solognots, et jusqu'à la fin du xvine siècle, un âge moyen au
décès à peine égal à 20 ans1 ; et nous savons, pour ces villages, qu'une
immigration probable devait compenser une émigration douteuse. Certains coins
Vlu Gâtinais ne paraissent pas non plus très favorisés2. Sans doute alléguera-
t-on des conditions spéciales d'insalubrité. En de telles contrées, la mortalité
devait atteindre et dépasser 40 pour 1 000 8, — et aussi la natalité, par une
sorte de compensation qu'on a décelée depuis longtemps4. En outre, leur lent
dépeuple'ment est assez probable, même en plein xviii6 siècle.
Admet-on que de longs graphiques paroissiaux — mariages surtout,
naissances aussi, décès quand nous le pouvons — puissent rendre compte
de l'évolution d'ensemble du nombre des hommes ? On nous accordera alors
que l'historien doit d'abord s'intéresser à cette évolution. En Beauvaisis,
nous avions souligné, avant la Fronde, la présence d'une population
nombreuse et croissante. — Paradoxe, nous fut-il répondu ; paradoxe aussi de
minimiser le rôle des « pestes » d'entre 1629 et 1638. Paradoxe, non pas ; maie
sans doute réalité locale. Des recherches nouvelles ont confirmé ici, corrigé
ailleurs notre impression première. Il est certain que le Midi et les pays de la
Loire connurent, vers 1630-1631, une épouvantable saignée5 ; et les marches
de l'Est, quelques années plus tard8. Mais le niveau de la population s'y
trouvait alors fort élevé7, et la récupération y fut parfois très rapide,
particulièrement en Blésois. « Les peuples » paraissent souvent abonder encore à
la veille de la Fronde, et même à la veille de cette famine de l'Avènement
qui fut, pour eux, la marque inaugurale du règne personnel de Louis XIV.

nombre1. Pard'actes
exemple
analysés
Saint-Viâtre,
: 1079 ; bien
déjà entendu,
cité : âge étrangers
moyen deetlanourrissons
mort de 1771
ontà été
1790
écartés.
: 20, 59 ans ;
2. Beaumont-du-Gâtinais (Seine-et-Marne, arr. Melun, canton Château-Landon) ; âge
moyen au décès, période 1771-1791 : 23,02 ans ; nombre d'actes analysés : 779.
3. Chiffre que nous avions naguère fourni pour la natalité d'une seule paroisse, à une époque
assez sombre (1718).
4. Rappelons seulement Maurice Halbwachs, Réflexions sur un équilibre démographique,
dans Annales Œ. S. C), 1946, p. 289-305 ; voir p. 292 la citation de Malthus (« C'est des morts
que dépendent principalement les naissances et les mariages »), et, p. 295, l'entretien avec
Bergson.
5. Entre vingt exemples, cette note du curé sur le registre de Saint- Dyé-sur-Loire, en 1631 :
« Lannee précédante et lannee présente... ont este sy misérables et sy calami teuses que Ion ny
peut rien adiouster. Car il y a eu une sy grande cherté et disette que le septier de bled mesure de
Beaugency y a vallu ... jusques à trente livres. Ensuitte il y a eu une telle peste quy a régné plus
dun an de sorte quil est deceddé tant a cause de la disette et cherté que de la peste presque la
moittié du peuple... » — La moitié du peuple, certes non. Mais le témoignage du curé de Saint-
Dyé sur les origines de la mortalité est à retenir.
6. Sur Metz, terriblement atteinte en 1635-1636, cf. Jean Rigault, La Population de Metz
au XVIIe siècle ; quelques problèmes de démographie, dans Annales de l'Est, 1951, n° 4, p. 308-
315, — et ses Renvois à Zeller, La Réunion de Metz à la France, Paris, 1926. — Sur la
Bourgogne à la même date, vision assez noire dans G. Roupnel, Les Populations de la ville et de la
campagne dijonnaise au XVIIe siècle, Paris, 1922, in*8°, p. 38-39.
7. En attendant, la publication de nos recherches, on peut se référer aux chiffres de naissances
donnés par Rigault pour Metz, par Clément pour Routot (article et ouvrage cités) ; on verra
qu'ils n'infirment pas ce que nous disions du Beauvaisis à l'époque Louis XIII.
LES REGISTRES PAROISSIAUX 91
L'on nous a reproché aussi le rôle que nous avions attribué au prix des
grains dans le déclenchement des grandes « mortalités ». Du moins ne
pouvons-nous accepter qu'on rende la guerre dite de la «.Ligue d'Augsbourg »
responsable de la mortalité de 1694, surtout dans la région lyonnaise1. La
seule cause, véritable et immédiate, de toutes les mortalités, ce seraient les
maladies ; — allons plus loin : des arrêts du cœur, en série.... Mais quelles
sont enfin les causes des contagions? Pourquoi se produisent-elles presque
toujours quand les « bleds » atteignent leurs plus hauts cours? Faut-il redire,
après vingt autres, ce que disent mille documents, publiés depuis plus d'un
siècle ? — Que les innombrables pauvres ne pouvaient, en temps de cherté,
acheter ni pain, ni blé ; — qu'ils consommaient d'immondes nourritures
abondamment'
décrites : charognes, sang et «issues» des bêtes abattues,
trognons de choux bouillis, pains de racine de fougère, son bouilli dans le jus
des morues salées2 ; que leur faiblesse et leur alimentation les rendaient
malades ; que la contagion, favorisée par l'absence d'hygiène, étaient
exagérée par les déplacements accomplis pour mendier? — Le seul fait qui reste
à expliquer, c'est l'atténuation des «disettes» après 1750, du' moins en
certaines régions ; les famines antérieures nous paraissent parfaitement
claires à interpréter.
Plus rarement abordée, beaucoup plus délicate à élucider, l'éternelle
question du « contrôle » des naissances. On sait que les démographes
professionnels avancent habituellement, pour la France, l'expression de « fécondité
naturelle », tout au moins jusqu'au troisième quart du xviii® siècle. C'est
bien ce qui ressort du texte de L. Henry : il s'attache à expliquer les chutes
brutales de natalité au moment des grandes crises « cycliques » du xvne siècle
sans faire intervenir la notion de contrôle des naissances. Avouons que, sans
aborder nettement la question, nous avons paru adopter les conceptions
classiques : en citant notamment quelques mots de Moheau qui semblaient
dénoncer l'extension des procédés de restriction3.
Il est trop certain que nos ancêtres ne nous ont point, en ce domaine,
laissé leurs confidences. On n'ignore pas que des procédés de contrôle
relativement simples furent connus de toute antiquité : la Bible ne les signale-t-
elle pas4? On sait que la décadence grecque fut contemporaine d'une déna-

1. C'est ce qui paraîtrait résulter des hésitations de Châtelain sur l'interprétation des
« années noires » (1689-1695) de son village bugiste.
2. Enumeration qu'on pourrait indéfiniment prolonger. Celle-ci repose, en dehors de notre
expérience en Beauvaisis, sur : Canard, art. cité, p. 131 (pain de fougère, de coques de noix,
herbe) ; — Fernand Bournon, La Misère dans le Blésois en 1662, Blois, 1882, in-8°, 13 p., pour
charognes et trognons de choux ; — Paul-M. Bon dois, La Disette de 1662, dans Reoued Hist. Êc.et
Sociale, 1924, fasc. I. p. 53-118 (spécialement p. 70, son, eau de morue, trognons de choux...).
L'exploitation méthodique des recueils bien connus de Dbpping, Clément et Boislislb,
livrerait bien d'autres exemples, qu'il ne laut pas tous prendre à la lettre. Cependant l'« herbe »
et les « racines », au sens moderne de ces deux . mots, employés comme nourriture, ne sont pas
des légendes. Boiscuilbert, entre autres, l'atteste (Traité des grains, p. 346, de Daire,
Économistes et Financiers du XVIIIe siècle, 2e édition, Paris, 1851, gr. in-8°).
3. « Les femmes riches ... ne sont pas les seules qui regardent la propagation de l 'espèce comme
Une duperie du vieux temps : déjà ces funestes secrets, inconnus à tout animal autre que l'homme,
ces secrets ont pénétré dans les campagnes ; on trompe la nature jusques dans les villages »
(Moheau, Recherches et Considérations sur la population de la France, 1778, p. 258 de l'édition
Paris, Gonnard, 1912, in-8°).
651 4.p. Genèse,
(p. 388).
XXXVIII, 9. Référence due à Landry, Traité de démographie, Paris, 1945, in-8°,
92 ANNALES
talité volontaire, qui paraît bien établie. Mais on enseigne que le christianisme
mit fin à de tels errements, qu'il fut, et reste, fortement nataliste. Il semble
pourtant que les prostituées, avec certaines grandes dames, se fussent peu
souciées, sur ce point précis, des commandements de l'Église1. Et lorsque
Moheau s'indigne, avec une assez neuve liberté de langage, ne semble-t-il pas
surtout regretter l'extension à de larges couches sociales de pratiques qui
auraient dû rester l'apanage des classes aisées des grandes villes ?
D'ailleurs, est-on sûr que ce malthusianisme primitif se soit limité toujours
aux grandes dames et aux professionnelles des vastes cités ? L'examen détaillé
de la natalité lors des crises démographiques aiguës mérite peut-être attention.
Voici, dominant le Cher, perché sur son coteau, Bourré, village de
vignerons, peut-être 500 âmes/ Au lendemain de la «disette et peste » de 1631,
les naissances tombent de plus de moitié (octobre 1631-septembre 1632).
Après la famine de 1661-1662, elles n'atteignent pas, en deux années, le tiers
du total habituel (octobre 1661 -septembre 1663). Après l'année 1693-1694,
elles sont aux deux cinquièmes de la normale (septembre 1694-octobre 1695).
Accuserons-nous, avec Louis Henry, les avortements « spontanés », la
mortalité des femmes enceintes, la disparition de femmes mariées qui « auraient
eu» des enfants cette année-là2? A ces hypothèses, joignons cette
supposition : l'épuisement physique d'une population sous-alimentée et malade
diminuant la fécondité.... Il se trouve que, dans les trois cas précédents,
nous connaissons le nombre des morts, enfants compris : il varie de 60 à 96,
et n'atteint jamais le cinquième de la population. Parmi les victimes, le»
femmes mariées ne paraissent pas figurer en nombre exceptionnel, les enfants,
petits et grands, étant surtout frappés. Comment 12 à 20 p. 100 de décès
suffiraient-ils à provoquer un abaissement de natalité compris entre 55 et
70 p. 100 ? Sinon par une restriction volontaire, primitive dans ses procédés,
et bien compréhensible en période de misère aiguë? L'examen des registres
de Gien-le-Vieil et de Saint-Romain-d'Urfé a conduit Jean Meuvret et l'abbé
Canard aux mêmes constatations3, Joseph Ruwet, qui a étudié l'ancienne
démographie du pays de Liège4, a bien voulu nous faire part de ses
conclusions, qui sont identiques. Versons encore au dossier le témoignage de
quelques paroisses, fort variées, que résume le tableau ci-contre.
Il est même permis, en étudiant certaines paroisses, de se demander si ce
primitif birth control n'a pas joué aussi en dehors des périodes de crise.
Pendant le triste et long déclin du règne de Louis XIV, il semble bien, du
moins en certaines contrées, que les mariages se raréfièrent, et même qu'au
sein des mariages les naissances furent moins nombreuses. Dans la
bourgeoisie aisée, la restriction des naissances paraît même installée vers 1720.

1. Moheau, oup. cité, même édition, p. 257 : « Les personnes livrées à la prostitution ne
font point d'enfants. ... Les filles ou veuves ... ayant renoncé à la chasteté n'ont pas toujours
renoncé à la pudeur, elles craignent la fécondité comme une preuve de leur déshonneur, et sur
deux mille filles ou veuves qui se permettent des liaisons illicites, il n'y en a pas une qui donne
deuxenfans ».' <■
2. Louis Henry, art. cité de Population, p. 287.
3. Jean Meuvret, I es Crises de subsistances et la Démographie de la France d'Ancien Régime,
dans Population, 1947, n° 4, p 643-650, et J. Canard, art. cité, p. 6 du tiré à part.
4. Son travail sera publié en France.
LES REGISTRES PAROISSIAUX 93

Morts Nés tage


Années Population en Pourcentage dans du
Paroisses de temps delà les nombre
crise probable de population 12 mois habituel
crise suiv. de
naissances

Blois, Saint- Saturnin 1662-63 env. 3 500 386 env. 11 71 45


1693-94 » 3 000 274 > 9 80 63
Saint-Dyé (Loir-et-Cher) . 1631-32 » 2 200 ? ? 31 40
» . 1661-62 » 2 000 230 env.11,5 22 27
6 villages Bny (Oise) 1693-94 » 2 400 350 » 14 55 57
Beauvais, 6 paroisses (sur
12) , 1693-94 » 8 000 999 » 12 120 38
Méru (Oise) 1693-94 » 1 500 127 » 8 34 55

II faudra revenir sur ces deux dernières questions, qui ne sont pas mûres.
Il apparaît aussi que de fortes variantes régionales seront à souligner. Bourg-
Achard, en Normandie1, souffrit en 1693-1694 : plus de 100 morts dans un
village de 7 à 800 habitants. Mais l'on n'y voit pas, comme ailleurs, fléchir
nettement le chiffre des naissances : une baisse de 20 p. 100 dans les douze
mois d'après-crise ne permet pas de faire entrer en jeu la restriction des
naissances. La ville de Nemours, sur des chiffres bien plus élevés, et à. la
même date, confirme trait pour trait le village normand.
Toute recherche démographique tentée sur des périodes antérieures au
xviii6 siècle risque-t-elle vraiment d'apparaître comme une «fantaisie»*?
La fantaisie ne nous paraît pas dominer décidément de telles enquêtes ; —
mais plutôt les hésitations, les scrupules, les doutes, le désir d'en savoir plus
encore. Sentiments qui ne suffisent pas à décourager le chercheur qui, dans
sa marche parfois rebutante, a besoin d'aide, et plus encore de judicieuses
critiques. Il espère pouvoir publier bientôt ses premiers dossiers, ceux du
Bassin parisien.
. Pierre Goubert
Paris, C.N. R.S.

Post-Scriptum. — Nous n'avons pu tenir compte de l'article de P. Arïès paru


dans Population, 1953, n° 3. Il touche précisément les origines du birth control. Il
utilise des sources intéressantes, mais seulement littéraires, donc de portée restreinte.
Mais les perspectives qu'il ouvre sont à retenir.

1. Bourg-Achard : Eure, arr. Bernay, canton Routot.


2. C'est l'expression des quatre rapporteurs de la section médiévale d'Anthropologie et
Démographie, dans IXe Congrès international des Sciences historiques, I, Rapports, Paris, A. Colin,
1950, p. 56.

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