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TD 4 : Les dirigeants /Transformation et dissolution de

la société
• Exercice 1 : Cas pratique :

Devant le succès de la société Fosse & Cie, Paul, le nouveau gérant de la société, pense à
diversifier son activité et passionné de yoga, il a décidé de proposer des vidéos de yoga sur le
site de Fosse & Cie.

Ses associés sont moyennement convaincus par cette idée qu’ils trouvent saugrenue. D’autant
que Paul est parti durant l’été 2020 plusieurs mois à Bali afin de trouver les meilleurs
professeurs de yoga. Il en profité pour séjourner dans les plus beaux hôtels de Bali où il a
rencontré Shangrila, une merveilleuse intermédiaire qui lui a fait rencontrer de nombreuses
personnes.
Paul a finalement grâce à elle signer de nombreux contrats avec différents professeurs de yoga
pour une somme de 50 000 euros, ce qui dépasse le montant prévu par une clause des statuts
de la SARL Fosse &Cie nécessitant une délibération d’AGO dès que le gérant engage la société
pour plus de 10 000 €.

Contre toute attente, les vidéos tournées à Bali rencontrent un très grand succès et suscitent
des gains supplémentaires importants.

Marina, furieuse de ce succès, souhaite intenter un ou des recours contre Paul et vous
demande conseil.

1. Marina pense à demander officiellement un contrôle de la gestion de Paul, notamment


des contrats passés par Paul à Bali. Proposez-lui des moyens juridiques pour agir.
Corrigé :
Il s’agit ici de se demander si Marina en tant qu’associé peut demander des explications
au gérant en dehors des assemblées générales ou désigner une personne habilitée à
contrôler une ou plusieurs opérations effectuées comme en l’espèce par le gérant :
Rappelons que :
Ø En dehors de la période des assemblées générales :
• Tout associé peut prendre connaissance au siège social de la société des comptes
annuels, des rapports soumis aux assemblées, des procès-verbaux d’assemblées,
pour les 3 derniers exercices et il peut se faire assister d’un expert (L223-26 C.com).
• Tout associé peut également deux fois par exercice poser des questions écrites au
gérant sur tout fait de nature à compromette la continuité de l’exploitation (L223-
36 C.com)
Ø Avant les assemblées générales notamment celles d’approbation des comptes
annuels, tout associé a également le droit de poser de questions écrites au gérant
avant les assemblées d’approbation des comptes (L.223-26 al.3).
Un ou plusieurs associés détenant le vingtième des parts sociales ont aussi la
faculté de faire inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée des points ou projets de
résolution qui sont portés à la connaissance des autres associés. (L223-27 al.5)

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Marina peut également penser à recourir à l’expertise de gestion, autorisée dans les sociétés
par actions et la SARL, concernant les contrats passés par Paul à Bali.
Contrairement à la SA, la demande d’expertise de gestion n’est pas conditionnée à une
question écrite préalable posée sur l’opération envisagée au dirigeant social.

En effet, lorsque un ou plusieurs associés souhaitent être éclairés sur une opération en
particulier liée à la gestion d’un dirigeant, il est, possible en application de l’article L223-37 du
Code de commerce, à un ou plusieurs associés de SARL représentant au moins le dixième du
capital social (attention ce n’est donc pas possible pour un apporteur en industrie), soit
individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, de demander en justice
la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs
opérations de gestion. S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine
l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge
de la société.

Le rapport rédigé par l’expert est adressé au demandeur, au ministère public, au CSE, au
commissaire aux comptes s’il existe ainsi qu'au gérant. Ce rapport doit, en outre, être annexé
à celui établi par le commissaire aux comptes s’il existe en vue de la prochaine assemblée
générale et recevoir la même publicité.

En l’espèce, Marina, titulaire de 240 parts sociales, et donc de 35,3% du capital social (donc
supérieur à 10% du capital social) serait donc en mesure de demander en justice que soient
examinées les dépenses de Paaul en ce qui concerne la nouvelle activité qu’il a développée
relativement aux cours de yoga, sur la prise en charge de son voyage et de son séjour à Bali
dans des hôtels luxueux et l’intervention de Shangrila (rémunérée ?)) afin de détecter un
éventuel abus de biens sociaux.

A cet égard, il ne faut pas confondre l’expertise en gestion avec la demande de nomination
d’un administrateur provisoire.

En ce qui concerne l’intervention d’un administrateur provisoire, l’article L811-1 du Code de


commerce permet à tout associé, le Comité social et économique, les créanciers sociaux, le
commissaire aux comptes, voire le dirigeant lui-même, ou toute personne qui y a intérêt, de
saisir le président du tribunal de commerce dans le ressort duquel la société a son siège social
afin de voir désigner un administrateur judiciaire qui viendra prendre la place du dirigeant.
Toutefois, ce n’est possible qu’en cas de circonstances exceptionnelles, entraînant la
paralysie du fonctionnement de la société ou mettant gravement en péril les intérêts de la
société.

En l’espèce, il ne semble pas que Marina puisse arguer d’une situation de crise de la
société, celle-ci étant semble-t-il prospère et la nouvelle activité développée par Paul
semblant donc plutôt être favorable à la société. Donc l’expertise de gestion oui,
l’administration provisoire non.

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2. Marina estime que ces contrats ne sont ni conformes à l’objet social ni à l’intérêt social ni
aux statuts. Proposez-lui des actions civiles et/ou pénales susceptibles d’être menées par
elle.
Corrigé :
Ø Le principe posé par l’article L223-18 du code de commerce est que Paul en tant
que gérant de SARL, dispose dans l’ordre interne et à l’égard des associés des
pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société
et dans son intérêt, toutefois il doit respecter l’objet social, les clauses statutaires
limitant ces pouvoirs et l’intérêt social.

Or en l’espèce, en développant une activité secondaire par le biais de vidéos de yoga, il est
légitime de s’interroger sur le fait de savoir s’il n’a pas dépassé l’objet social de la société Fosse
& Cie qui était à l’origine le streaming des spectacles vivants.

Il serait possible pour Marina d’invoquer cette violation de l’objet social statutaire.

La SARL étant une société à risque limité, la société sera engagée par un contrat conclu par
le gérant dépassant l’objet social, sauf si le tiers avec qui il l’a passé était de mauvaise foi, à
savoir connaissait en l’espèce le dépassement de l’objet social. Cela semble en l’espèce peu
probable pour les professeurs de yoga qui sont à Bali et n’auront pas pensé à vérifier l’objet
social concret de la société.

Paul a semble-t-il violé également la clause des statuts qui limitait ses pouvoirs de conclure
des contrats seul avec des tiers à 10 000 €, puisqu’il a conclu en l’espèce des contrats pour la
somme de 50 000 €. Dans ce cas, les clauses statutaires sont dites inopposables aux tiers
contractants notamment, qu’ils soient de bonne ou de mauvaise, et donc toute société, à
risque limité comme à risque illimité sera engagée par les contrats dépassant le montant
indiqué dans la clause.

Ø Quelles sanctions peut-il encourir ?

A l’égard des associés, il pourrait se voir révoquer car il n’a pas respecté le pacte social, et
cela pourrait être invoqué en AGO comme juste motif de révocation. On sait toutefois que la
révocation du gérant associé, conformément à l’article L. 223-25 du Code de commerce, doit
être décidée pour un juste motif, qui existe bien en l’espèce, mais par un ou plusieurs associés
représentant plus de la moitié des parts sociales sauf statuts contraires, et il est certain que
Paul ne votera pas pour sa propre révocation.

En l’espèce, il est titulaire de 200 parts sociales et 60 parts en industrie donc si l’ensemble des
autres associés votent pour sa révocation en AGO, il devra quitter la société.

Il existe aussi une autre possibilité pour se séparer d’un gérant de SARL : la révocation
judiciaire. L’article L223-25 du Code de commerce précise que le gérant d’une SARL est
révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.

Ainsi, si Marina n’arrivait pas à mobiliser les autres associés contre Paul, elle pourrait
également saisir le tribunal compétent pour réclamer sa révocation judiciaire. Elle devrait

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invoquer pour ce faire une « cause légitime » de révocation, assimilée par la jurisprudence au
juste motif. En l’espèce, la violation de l’objet social ou de la clause statutaire pourrait justifier
cette cause légitime.

Marina pourrait aussi engager la responsabilité civile de Paul afin de réclamer à titre de
dommages-intérêts le remboursement des 50 000 euros dépensés, sur le fondement d’une
action sociale ut singuli.

Toutefois, cette action en responsabilité civile nécessite la preuve d’un préjudice social et en
l’espèce, il est précisé que « les vidéos tournées à Bali rencontrent un très grand succès et
suscitent des gains supplémentaires importants», par conséquent la société ne semble pas
avoir subi de préjudice, au contraire. Une telle action ne saurait donc prospérer.

En définitive, le développement de cette nouvelle activité pourrait être analysée ainsi comme
contraire à l’objet social et à la clause statutaire de limitation de pouvoirs.

Mais cette nouvelle activité est-elle conforme à l’intérêt social ?


Marina aura sans doute quelques difficultés à démontrer que la nouvelle activité mise en place
par Paul, par le biais de son voyage à Bali a été contraire à l’intérêt social, car l’activité
développée est légale et prospère pour la société.
De plus, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante, sauf exceptions (ex : abus de
biens sociaux), la simple violation de l’intérêt social ne suffit pas à entraîner la remise en cause
des engagements souscrits par le gérant d’une SARL à l’égard des tiers (Com., 16 oct. 2019, n°
18-19.373 ; Com., 14 févr. 2018 ; Com., 12 mai 2015 et également pour une SAS Com., 19 sept.
2018, n° 17-17.600 ; Com., 14 févr. 2018, n° 16-16.013)

Il serait néanmoins nécessaire si les associés souhaitent pérenniser cette nouvelle activité
d’opérer un changement d’objet social en assemblée générale extraordinaire et donc de
statuts pour que l’objet social réel soit conforme à l’objet social statutaire.

A l’égard des tiers, les actes passés par le dirigeant social d’une société à risque limité comme
l’est la SARL, qui dépassent l’objet social, engagent la société sauf si le tiers avec qui le
dirigeant à contracter est de mauvaise foi et connaissait le dépassement de l’objet social.

De plus les clauses statutaires qui limitent les pouvoirs du dirigeant social sont inopposables
aux tiers et la société est donc engagée à l’égard de ces derniers même si la clause statutaire
est dépassée par ce dernier.

En l’espèce, le tiers sera chaque professeur de yoga, et si ces derniers demandent à la société
le paiement de la facture des 50 000 euros, la société aura l’obligation de le régler car rien
n’est dit sur la connaissance par le vendeur, à l’étranger, de l’objet social réel de la société, sa
mauvaise foi doit être prouvée et la limitation de pouvoir de Paul à 10 000 € ne pourra pas
davantage lui être opposé, même s’il est de mauvaise foi. Les professeurs de yoga situés à
l’étranger, peuvent ne pas connaître la réalité de l’objet social de la société. La clause
statutaire ne leur étant pas opposable par la société, la somme de 50 000 euros devra être
réglée par la société, quitte à elle à se retourner contre Paul pour lui demander de lui

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rembourser. Toutefois, comme l’activité liée aux vidéos est un succès, pas de préjudice pour
la société et donc d’action de responsabilité civile susceptible d’être intentée à l’appui de cette
demande car la société ne subit aucun préjudice puisqu’elle en tire un profit important.

3. De son côté, Paul souhaiterait exclure Marina de la société, car son opposition
systématique commence à l’épuiser alors qu’il vient d’être nommé « Entrepreneur de
l’année ». Est-ce possible et à quelles conditions ?
Corrigé :
Le principe est que tout associé a le droit de rester dans la société jusqu’à sa dissolution et ne
peut pas être exclu sauf si une clause d’exclusion figure dans les statuts (Com.12 mars 1996).

En l’espèce, rien n’est précisé dans les statuts quant à la présence d’une clause d’exclusion.
Par conséquent, soit elle existe et il faut la suivre à la lettre soit elle n’existe pas, et il faudrait
modifier les statuts en AGE. Si tous les associés sont présents lors de cette AGE, Marina aurait
la possibilité avec ses 35,3%% de droits de vote de s’opposer à l’insertion de cette clause dans
les statuts car elle possède une minorité de blocage (un 1/3 des parts sociales des associés
présents ou représentés). Il serait possible d’agir contre elle en abus de minorité en prouvant
qu’elle a favorisé son intérêt personnel en s’opposant à l’insertion de cette clause car elle a
craignait de se voir exclure de la société. La désignation d’un mandataire ad-hoc pourrait
permettre de justifier l’insertion de la clause et si c’est l’AGO qui est compétente pour
prononcer l’exclusion, les associés pourraient réussir à faire sortir Marina de la société mais
cela risque d’être long.
Rappelons que la Cour de cassation interprète très strictement la clause d’exclusion quand
elle existe et demande que soient précisés les motifs d’exclusion, la procédure à suivre, et que
l’associé ne peut être exclu de voter à l’assemblée générale prononçant son exclusion.

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• Exercice 2 : le dirigeant et la faute détachable de ses fonctions
Analyse de l’arrêt
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 septembre 2019, 16-26.962, Publié au bulletin
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2016), que, par un arrêt définitif, M. A... a
été déclaré coupable de complicité d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la Société des
lubrifiants Elf Aquitaine (la SLEA), à laquelle a succédé la société Total lubrifiants, et condamné à
payer à cette dernière une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; que soutenant avoir agi
au nom et pour le compte de la société Coprim dont il était le dirigeant, M. A... a assigné la société
Sogeprom entreprises (la société Sogeprom), venue aux droits de cette dernière, en
remboursement des sommes versées à la société Total lubrifiants ;

Sur le premier moyen (…);


Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. A... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a constaté que le contrat du 5 mars 1991 avait été souscrit par M. A... en sa
qualité de représentant légal de la société Coprim, dans l'exercice de ses fonctions, au nom et pour
le compte de la société Coprim, qui avait tiré avantage des faits commis par son représentant légal
pour avoir acquis ainsi 40% des droits à construire sur les terrains vendus ; qu'il s'en déduisait que
M. A... était intervenu à l'acte litigieux en sa seule qualité d'organe social dans l'exercice strict de
ses fonctions et dans l'unique but d'accomplir l'objet social de la société qui était d'acquérir des
terrains et des droits à construire ; qu'en jugeant cependant que l'usage illicite des biens de la
société Coprim procédait de la convention du 5 mars 1991 que M. A... avait souscrit en sa qualité
de représentant légal de la société Coprim et que s'agissant d'un acte personnel du dirigeant, il
devait en assumer seul les conséquences, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de
ses constatations, violant l'article 1382 du code civil ;

2°/ que le seul constat de la commission, par le représentant légal de la société agissant ès qualités,
d'une infraction pénale intentionnelle est insuffisant à exonérer la personne morale de toute
responsabilité ; qu'en énonçant que toute infraction pénale intentionnelle commise par un
dirigeant est par essence un acte personnel détachable de ses fonctions, qui n'engage pas la société,
sans rechercher concrètement si l'acte avait été accompli en dehors des fonctions du dirigeant, en
dehors de ses pouvoirs et à des fins strictement personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de
base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. A... avait été définitivement jugé coupable de complicité
d'abus de biens sociaux au préjudice de la SLEA, retenu que cette faute impliquait un usage illicite
des biens de la société qu'il dirigeait, consistant à rémunérer des commissions occultes avec le
patrimoine de celle-ci, et énoncé que la faute pénale intentionnelle du dirigeant est par essence
détachable des fonctions, peu important qu'elle ait été commise dans le cadre de celles-ci, ce dont
elle a déduit que M. A... ne pouvait se retourner contre la société venant aux droits de la société
Coprim pour lui faire supporter in fine les conséquences de cette faute qui est un acte personnel
du dirigeant, que ce soit vis-à-vis des tiers ou de la société au nom de laquelle il a cru devoir agir, la
cour d'appel, qui n'avait pas à faire la recherche invoquée à la deuxième branche, a statué à bon
droit ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen (…)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Commentaire :
A l’égard des tiers, la société est responsable de fautes de son dirigeant commises dans le cadre de
ses fonctions ou missions. Le tiers peut donc agir directement en réparation de son préjudice contre

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la société. Toutefois, si le dirigeant a commis une faute personnelle détachable de ses fonctions, la
société n’est plus responsable. C’est ce qui s’est passé en l’espèce.
Un dirigeant reconnu coupable de complicité d’abus de biens sociaux avait été condamné au
paiement de dommages-intérêts à l’égard d’une société victime et il avait invoqué le fait qu’il avait
agi au nom et pour le compte de la société qu’il dirigeait et demandait à celle-ci le remboursement
des dommages-intérêts versés à la victime.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en cassation formé contre l’arrêt d’appel qui avait reconnu
une faute personnelle de la part du dirigeant, l’empêchant de demander le remboursement de
dommages-intérêts à la société qu’il dirigeait, « faute pénale intentionnelle du dirigeant par
essence détachable des fonctions, peu important qu'elle ait été commise dans le cadre de celles-ci
sans avoir besoin qu’il soit prouvé que cette faute l’avait placé hors de ses fonctions ». Cet arrêt
confirme l’évolution jurisprudentielle qui fait de la faute pénale intentionnelle l’archétype de la
faute détachable des fonctions, « par essence » sans désormais qu’il soit donc besoin de démontrer
qu’elle a placé le dirigeant hors de ses fonctions.

• Exercice 3 : Cas pratique :

Paul pense introduire à court terme la société Fosse & Cie en bourse.
Pour cela, il est nécessaire que la SARL soit transformée en SA.

En définitive, les associés s’opposent à la transformation de la société et Paul abandonne ce


projet et décide de vendre ses parts à une amie, Claudia Choufleur, car il compte bientôt se
marier avec Shangrila et s’installer à Bali pour créer une école de yoga.

Une clause des statuts prévoit que la cession de parts entre associés doit se faire à une double
majorité : majorité simple du nombre d’associés et majorité des droits de vote des associés.

Les associés s’opposent totalement à l’entrée de Claudia dans la société.

1. Précisez la procédure nécessaire pour transformer une SARL en SA et quels sont les
obstacles que peut rencontrer Paul pour y arriver.
Corrigé :
L’introduction en bourse nécessite que la société se transforme soit en SA ou en SCA. C’est
la SA qui a été choisie et il est donc nécessaire d’obtenir l’accord des associés en AGE.
Il sera donc nécessaire :
- d’obtenir le quorum habituel (1/4 des parts sociales sur première convocation, 1/5
sur seconde convocation) et la majorité qualifiée des 2/3 si les statuts ne prévoient
pas une majorité supérieure car il s’agit d’opérer une transformation entre deux
sociétés à risque limité et d’une SARL vers une SA (ce serait l’unanimité s’il s’agissait
de transformer la société en SAS).
- de vérifier que les conditions nécessaires à la création de la SA sont remplies à
savoir au moins 37 000 euros de capital social, d’avoir au moins 7 actionnaires ce
qui n’était pas le cas dans la SARL lors de sa création et que ses associés effectuent
tous des apports en numéraire ou en nature, ce qui n’était pas le cas non plus pour
certains associés de la SARL Fosse & cie certains n’ayant fait que des apports en
industrie.
- de passer par un commissaire aux apports pour évaluer les apports en nature sauf
exceptions, et désigner le cas échéant, un commissaire aux comptes.

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- de mettre en place tous les organes de gestion différents dans une SA que dans
une SARL
- d’opérer les modifications relatives aux conditions de forme (RCS, publicité etc).
- d’accomplir toutes les opérations pour l’introduction en bourse.

2. Paul est-il condamné à rester associé de la société Fosse & Cie ?


3. Marina est la seule à pouvoir racheter les parts de Paul mais les autres associés s’y opposent.
Que va-t-il se passer ?
Corrigé 2 et 3 :
Le principe est que tout associé est libre de quitter la société quand il le désire, dès lors qu’il
ne manifeste plus d’affectio societatis. Un associé ne saurait rester en principe prisonnier de
sa société (sauf dans la SNC où la sortie d’un associé nécessite l’accord de tous).

Toutefois, les associés dans les statuts ont pu restreindre cette possibilité par le biais d’une
clause d’agrément, d’une clause de préemption ou d’inaliénabilité.

Dans la SARL, qui est une société hybride entre une société de capitaux et une société de
personnes, le principe est que la cession des parts sociales est libre entre associés (art. L223-
16 al.1 C.com), les statuts pouvant toujours prévoir une clause limitant la cession entre
associés avec un agrément des autres associés à la clé (L223-16 al.2).
Lorsque cette cession a lieu avec un tiers extérieur, elle est conditionnée par la réunion d’une
double majorité, à savoir obtenir l’aval de la majorité des associés représentant la moitié des
parts sociales (L223-14 du Code de commerce).

Les conditions applicables à la cession à des tiers sont alors applicable aux cessions entre
associés.

En l’espèce, la clause statutaire nécessitant la double majorité pour les cessions entre associés
est donc valable.

Dans la mesure où la double majorité prévue par la clause statutaire n’a sans doute pas été
atteinte (ils sont 3 sur 5 sans doute à s’être opposés à cette cession), Marina ne peut donc pas
racheter les parts de Paul.

Toutefois, les associés ne peuvent pas obliger Paul à rester dans la société, et doivent suivre
la procédure prévue à l’article L223-14 du Code de commerce :
-soit ils se mettent d’accord entre eux pour acquérir ses parts, tous ou certains d’entre eux,
soit ils trouvent un tiers extérieur pour les acquérir, dans les 3 mois du refus opposé à Paul
(délai prorogeable jusqu’à 6 mois sur requête du gérant, donc Paul, auprès du président du
tribunal de commerce). En cas de désaccord sur le prix, un expert pourra être désigné par les
parties ou par le tribunal en cas de désaccord. Et si le prix fixé ne convient pas au vendeur, il
peut renoncer à la cession des parts.
- soit la société décide de racheter les parts et dans le même délai d’opérer une réduction de
capital du montant des parts sociales cédées, ce qui est un montant important et il faut qu’elle
en est les moyens, mais il faut que le cédant soit d’accord car sera appliqué un régime fiscal
pas forcément favorable. La société peut demander un délai de paiement jusqu’à 2 ans par le

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président du tribunal de commerce. Donc toutes ces conditions font que cela n’est pas
forcément une opération facile à mener dans les délais impartis.

Si à l’issu du délai imparti, aucune solution n’a été trouvée, la cession initialement prévue
pourra avoir lieu. Toutefois, il est indiqué que Claudia Choufleur n’est plus intéressée par le
rachat des parts de Paulaul.

Il est nécessaire de préciser que la cession des parts sociales doit répondre à des conditions
de forme strictes (nécessité d’un écrit notamment).

NB : Paul qui est aussi gérant, s’il réussit à vendre ses parts, devra donc aussi démissionner de
la direction de la société, ce qui est possible mais s’il cause un préjudice à la société en le
faisant à contretemps ou avec volonté de nuire à la société, il pourra voir sa responsabilité
engagée et devoir verser des dommages-intérêts.

4. Claudia, devant tant de difficultés, a décidé en définitive de renoncer à l’achat des parts de
Paul.
La mésentente entre les associés s’installe et Marina souhaite demander la dissolution de la
société. Est-ce possible ? A quelles conditions ?
Corrigé : La mésentente s’installe entre associés, et Marina souhaite demander la
dissolution.
En principe, il est effectivement possible pour un associé ou plusieurs associés de demander
en justice la dissolution de la société (art. 1844-7, 5 C.civil). Le Code civil prévoit notamment
que cette demande peut être justifiée par le non respect de ses obligations par un associé ou
la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

En l’espèce, cela fait suite à la volonté de Paul de quitter la société et au fait que les autres
associés ne souhaitent pas que Marina rachète ses parts. Cette cession n’a pas pu avoir lieu,
ce qui semble-t-il, a conduit à cette mésentente et l’affectio societatis ne semble plus très
présente.

Les juges ne font cependant droit à une telle demande qu’avec parcimonie :
- la mésentente doit paralyser le fonctionnement de la société
- le demandeur ne doit pas être à l’origine de la mésentente, or en l’espèce, le refus par les
autres associés que Paul vende ses parts est aussi due au comportement très critiquable de
Marina en tant qu’ancien dirigeante et aux fautes récurrentes commises par elle.
- si la société se porte bien, ils vont tenter de dénouer la crise en nommant au préalable un
administrateur provisoire.
En revanche, si les juges constatent qu’il n’y a plus de volonté de collaborer et de travailler
ensemble, ils pourront prononcer la dissolution.
En l’espèce :
- Paul souhaite quitter la société
- Marina a démontré par ses actes qu’elle manifestait peu d’affectio societatis
- Les autres associés ne souhaitent pas que Marina rachète les parts de Paul
- Les juges n’ont pas le pouvoir d’exclure Marina s’il n’y a pas de clause d’exclusion
dans les statuts (Com. 12 mars 1996).

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La dissolution semble alors la solution la plus appropriée.

5. Y aurait-il une alternative à la dissolution judiciaire car la société est particulièrement


prospère ?
Corrigé : Deux solutions seraient envisageables:
-prononcer la dissolution anticipée à l’amiable à la majorité qualifiée exigée pour la
modification des statuts (Marina et Paul peuvent dans ce cas y arriver seuls), beaucoup
plus rapide qu’une action en justice.
- ou s’il s’agit de sauver la société encore très prospère, le mieux est trouver un
repreneur qui rachètera les parts de Paul ou que les 3 associés vendent leurs parts à
Marina qui devra trouver au moins un autre associé pour faire perdurer la société.

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