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CAHIER SPÉCIAL MARSEILLE

LES ARCHIVES INVISIBLES :


RÉVÉLER LES RÉCITS HABITANTS
AU CŒUR D’UNE BIENNALE
Entretien avec Joana Monbaron
Propos recueillis par Sylvia Girel

Proposé par le volet éducation et médiation – rebaptisé Tiers Programme – de la


biennale de création contemporaine Manifesta 13 Marseille, le programme Archives
Invisibles souhaite introduire un « tiers regard » pour nourrir les discussions sur
la construction des représentations symboliques et imaginaires de la ville et des
actions qui la façonnent. Les Archives Invisibles remettent en question les discours
« dominants » produits sur la ville, son histoire, ses mouvements de population grâce
aux ressources mémorielles portées par des collectifs citoyens et racontées par un.e
artiste invité.e. Entretien avec Joana Monbaron, coordonnatrice du programme.

L’Observatoire – Comment êtes-vous J. M. – C’est la première fois que je à ce qui n’est pas financé et qui ne fait
arrivée dans cette aventure Manifesta travaillais avec des urbanistes et des pas partie de la culture dite « légitime »,
13 ? architectes, et c’est une approche très ou de rencontrer de petites associations
différente de celle existante dans le champ développant d’autres manières de faire.
Joana Monbaron – J’ai une formation culturel. Cela nous a permis d’avoir une
en Histoire de l’art qui m’a amenée à réflexion, voire des frictions, du fait de la L’Observatoire – La diversité culturelle
m’intéresser au lien entre art et société. vision parfois abstraite et totalisante de la à Marseille a-t-elle tout de suite figuré
N’étant pas française, je n’aborde pas une ville que peuvent avoir les urbanistes. Je parmi vos préoccupations ?
ville et ses institutions culturelles avec le cherchais l’humain, le social, des formes
même regard ni avec la même familiarité. de résistance aux projets urbanistiques. J. M. – Dans une ville comme Marseille, il
Je suis née et j’ai grandi à Genève, où j’ai L’invention du quotidien de Michel De est difficile de passer à côté. J’ai découvert
fait mes études. Puis, je me suis intéressée Certeau m’a beaucoup inspirée. Pour que la marche était ici un mode exploratoire
aux Cultural Studies et j’ai fait un autre Marseille, cette entrée par l’urbanisme privilégié, un « instrument » dont se sont
master à l’université de Manchester. a été fondamentale. Cela nous a permis emparés des architectes, des sociologues,
J’ai eu différentes expériences de travail de saisir la ville mais aussi les pratiques des artistes marcheurs1 pour approcher
sur le thème de l’éducation à l’art, de ses citoyens. Ce qui n’aurait pas été le la ville. Traverser les quartiers Nord et
notamment dans le cadre de Manifesta cas si j’avais privilégié uniquement l’angle Sud permet de se rendre compte très
10 à Saint-Pétersbourg. L’équipe de de la production culturelle. À Marseille, vite de la diversité culturelle, ethnique et
Manifesta 13 cherchait quelqu’un pour j’ai été très impressionnée à la fois par un sociale de la ville. À partir de là, plusieurs
accompagner l’étude urbaine menée par récit autour des politiques urbaines allant questions ont émergé : que signifie d’avoir
l’agence MVRDV, en amont de la venue à l’encontre des habitants, mais aussi par une biennale de création contemporaine
des commissaires, et pour développer les recherches-actions qui sont menées aujourd’hui  ? Comment fait-on pour
une nouvelle manière d’approcher la et par les travaux de Michel Anselme ou travailler avec des publics qui ne sont pas
ville. Cette étude devait servir de base de Marcel Roncayolo sur l’imaginaire constitués ? Ce sont ces questionnements
de réflexion pour la programmation de la ville. C’est à partir de là que nous qui font la particularité de Manifesta.
artistique. avons observé la « fabrique » de la culture Quand elle prend place dans une ville, elle
à Marseille, en rencontrant le tissu commence par y établir une cartographie
L’Observatoire – À votre arrivée à associatif, certaines personnalités, afin de subjective en repérant ce qui existe, tant
Marseille, comment avez-vous appré- comprendre sa politique culturelle. Il était sur un plan culturel très large que sur un
hendé la ville ? aussi important de porter une attention plan urbanistique. Le pôle éducation et

l’Observatoire - No 56, été 2020 - dossier - cahier spécial Marseille | page 75

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