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Départements des Sciences Economiques

S5 semestre
Parcours : Economie et gestion
Sections : 1 - 2 - 3 - 4

Pr. F. BEN EL HAJ

Cours : Histoire de la pensée


économique

(Les classiques)

Année universitaire 2020/2021

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Introduction générale

L'histoire de la pensée économique, souvent présentée sous l'intitulé « théorie économique »


ou encore « analyse économique » peut être définie comme l'histoire des idées, des méthodes,
des théories fondatrices de l'économie politique d'une part, et des doctrines communes à
plusieurs auteurs, d'autre part.
Cette définition soulève le problème posé pendant très longtemps par les économistes et
tombé aujourd'hui en désuétude : la distinction entre les théories économiques et les doctrines
économiques. Elle a cependant l'intérêt d'affirmer la double perspective de l'étude de l'histoire
de la pensée économique- analyse et doctrine- et de souligner le caractère pluriel de
l'économie politique. Quant à nous, le parti que nous adopterons, ici, est plus modeste et très
différent. Il s'agit de présenter les principales œuvres économiques qui ont marqué les grandes
étapes de la discipline dans le but de dégager les principaux outils d'analyse économique. Il
sera donc, essentiellement, question de théorie. Car pour un économiste, la partie la plus
intéressante et la plus utile de l'histoire de la pensée, c'est l'histoire de la science économique
ou de l'analyse économique c'est-à-dire celle du raisonnement économique. La science
économique se caractérise -rappelons-le - par l'existence de diverses théories, paradigmes ou
programmes de recherche. Ces approches parfois contradictoires, parfois complémentaires
sont le produit d'une longue évolution au cours de laquelle la discipline économique se
constitue et s'autonomise, non sans traverser un certain nombre de crises.
Seuls donc nous intéresseront ici les auteurs qui ont fait œuvre scientifique en élaborant des
théories et qui ont participé lentement et patiemment à la réalisation des progrès de l'analyse
économique. Nous mettrons l'accent sur les efforts d'explication systématiques des
mécanismes économiques qui consistent à décrire scientifiquement les phénomènes
enregistrés et les classer selon des critères objectifs. Ce sont ces efforts qui constituent
l'analyse économique. Des efforts qui ont débouché- au prix de nombreuses ruptures-sur des
progrès dans la conceptualisation, dans le raisonnement et dans l'évolution des techniques
d'analyse. Enseigner l'histoire de l'économie politique c'est étudier comment peu à peu a été
perfectionné les outils d'analyse servant à présenter la réalité économique et tenter de
comprendre comment la réflexion économique s'est dotée progressivement des concepts et
des théories qui lui sont propres.
Le cours d'histoire de l'analyse économique programmé cette année, en cinquième semestre
est une introduction aux théories fondatrices de l'économie politique. Il a pour ambition
de fournir aux étudiants un guide d'accès aux grands courants de pensée qui ont contribué à
façonner les conceptions contemporaines en matière économique, de leur apprendre la rigueur
d'une pensée, de les amener à une connaissance des principaux concepts et les intéresser au
débat d'idées. Il repose sur la connaissance et la méthode. L'une ne va pas sans l'autre, car,
savoir et savoir-faire ne s'opposent pas mais se complètent. C'est cette constatation qui nous
servira de guide pour élaborer un cours où la réflexion l'emporte sur l'accumulation des
connaissances et la rigueur de l'analyse sur le vague de « la culture générale ».
L'exposé se fera d'une manière essentiellement chronologique. Nous nous efforcerons de
préciser le paradigme que propose chaque courant d'établir les principaux rapports de celui-ci
avec les autres courants de pensée économique et signaler chaque fois que nous en aurons
l'occasion les filiations intellectuelles dans les théories et dans les domaines des méthodes qui
existent entre les auteurs d'époques différentes.
Ce cours est articulé en trois parties : les deux premières correspondent aux analyses
classiques et marxistes. La troisième partie traite l'analyse néoclassique. Nous n'étudierons
que quelques auteurs considérés comme les pères fondateurs de l'économie politique : (A
Smith, D Ricardo, R. Malthus...K Marx, Jevons, Menger et Walras) Nous centrerons notre
analyse sur quelques problèmes initiaux des théories fondamentales : valeur et répartition des

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revenus et leur implication sur les crises de production, et la problématique de la croissance
économique.
Notre cours ne prétend pas être complet ou exhaustif. Bien des auteurs n'y figurent pas et
l'on n'y.... trouvera que des indications sommaires ou succinctes sur ceux dont les idées sont
présentées. De nombreux ouvrages d'histoire de la pensée économique existent et mettent à la
disposition des étudiants à la fois l'essentiel des connaissances à acquérir, et un instrument de
travail permettant de se familiariser avec les textes fondateurs de l'économie politique.
Généralement bien structurés et clairs, ils sont des appuis et des compléments aux cours. Ils
aident à approfondir les connaissances et à saisir les mécanismes de la pensée d'un auteur.
Les travaux dirigés ne sont pas en reste dans ce mouvement d'intégration des idées. Ils
constituent, sans doute, le mouvement privilégié de la compréhension et de
l'approfondissement des connaissances et de la maîtrise de la cohérence d'une pensée
économique. C’est à ce moment-là en effet, dans une séance de TD, « que se lient le texte et
l'explication, l'ouvrage de référence et le cours, la source et le commentaire ». Y assister c'est
mettre tous les atouts de son côté, pour aborder sereinement le cours d'Histoire d'Analyse
Économique et acquérir les fondements solides permettant la réussite postérieure.

Première partie : la pensée économique classique


La révolution industrielle que connait la Grande Bretagne au XVIII e siècle et qui
s'amorce dans quelques autres pays révèle un nouveau courant de pensée, fondement de
l'économie politique moderne. La pensée classique ou « l'économie politique classique »,
expression que l’on doit à K. MARX, formule les premières véritables théories du capitalisme
industriel naissant, et, se donne pour objet l'étude des rapports réels de production régissant la
société nouvelle.
L'école classique étend son règne sur un peu plus d'un demi-siècle. Si l'on veut l'encadrer par
des dates, qui sont plutôt des repères, on peut dire qu'elle apparaît en 1776, date de la
publication des « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », œuvre
maîtresse d’A. Smith ; et amorce son déclin en 1848, date de la parution des « Principes de
l'économie politique » de John Stuart Mill.
L'école classique se développe très rapidement et connait un tel succès que l'on peut la
considérer comme l'école dominante en économie politique, jusqu'à la naissance du
marginalisme, en 1871, qui marque son évincement par des théories nouvelles. Ses auteurs
sont devenus célèbres et vont connaître, une réelle notoriété, même en dehors de la Grande
Bretagne. A. Smith, Considéré comme «le Père fondateur de l'économie politique », va
exercer une influence considérable sur ceux qui lui succèdent et qui se référent tous à son
œuvre. D. Ricardo, figure emblématique de l'école classique est sans conteste l'auteur majeur
de cette école. Avec lui la pensée classique se confirme et va dominer la réflexion
économique près d'un siècle. Parmi les classiques incontournables figurent aussi Thomas
Robert Malthus, auteur influent de son temps, et le français, Jean Baptiste Say vulgarisateur
des thèses de Smith, mais qui s'en démarque, cependant, sur un certain nombre de points.
Les économistes classiques, au moment où s'accomplit la « révolution industrielle »,
cherchent à comprendre la dynamique du capitalisme ; soit les conditions de l'enrichissement
social, à travers l'emploi du travail salarié régulé par le marché. Il s'agit pour eux de construire
une connaissance objective de la réalité économique, une véritable science de l'économie qui
rend intelligible le monde nouveau et capable de formuler des lois permettant de comprendre
l'interdépendance économique des individus et de leurs actions interdépendance entre les
activités productrices, entre les revenus qu'elles engendrent, entre consommation,
investissement et croissance, entre l'action économique de l'Etat et l'activité privée.

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A partir d'une définition matérielle de la richesse, ils proposent un cadre d'analyse de
l'accumulation du capital, et veulent montrer que le marché concurrentiel, lieu d'expression
des intérêts privés, coordonne les décisions des individus et réalise un emploi approprié des
ressources. Ils considèrent que l'économie politique est une science, qui sur la base de
l'existence d'un surplus physique, se pose la question de sa production et de sa répartition par
un système de prix qui assure la reproduction globale de l'économie. Pour les économistes
classiques, l'essentiel de cette science réside dans la constitution d'une théorie des prix de
production ou encore « les prix naturels »qui ont pour fonction d'assurer la reproduction de
l'économie considérée, et de dégager un surplus en valeur permettant l'accumulation.
L'approche adoptée est macroéconomique, dynamique et globale ; elle met l'accent sur la
question de la reproduction du système économique, sur l'accumulation du capital, sur la
détermination de la valeur et des prix et sur la création de la richesse et sa répartition au sein
de la société. Elle s'attache aux conditions de la croissance d'une économie marchande et
capitaliste. Il s'agit de comprendre les lois de l'accumulation et de l'échange du point de vue
de la société toute entière, structurée en classes sociales aux intérêts conflictuels, mais dont
les fonctions assurent l'enrichissement national.
Les classiques sont des libéraux convaincus, hostiles à toute intervention de l'Etat dans la vie
économique, qu'ils jugent, non seulement inutile mais néfaste, car elle fausse les mécanismes
correcteurs du marché. Selon eux la concurrence marchande est capable de coordonner les
activités privées et de réaliser une allocation efficace des ressources. Leurs analyses reposent
sur une idée force : La foi dans les vertus de la concurrence et dans les lois du marché. Le
marché est le modèle de référence des libéraux. Il constitue le régulateur le plus efficace de
l'activité économique ; la concurrence, quant à elle, autorise la réalisation de l'équilibre
économique. Lorsque celui-ci n'est pas atteint, les prix s'ajustent à la hausse ou à la baisse.
D'où le credo libéral « laisser faire, laisser passer ».
L'analyse du marché, des règles de l'échange et la détermination de la valeur et des prix des
marchandises et la répartition des revenus, occupe donc une place centrale dans leurs théories.
Pour saisir la pensée classique dans son mouvement et apprécier les étapes de sa formation et
de son développement nous présenterons dans les chapitres qui suivent, les principales œuvres
économiques des principaux auteurs classiques (A Smith, T.R Malthus, D. Ricardo et J.B.
Say) et mettrons l'accent sur les grandes problématiques élaborées par ces derniers.

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CHAPITRE I : ADAM SMITH (1723-1790)
« Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » (1776)
Adam Smith est le père fondateur de l'économie politique moderne. Il publie en 1776 son
œuvre majeure « la Richesse des nations » que l'on considère comme le texte inaugura l de
l'économie politique et le point de départ de l'école classique. Dans cet ouvrage, Smith
cherche à déterminer Le moyens susceptibles d'accroître la richesse de la nation, et à
démontrer les bienfaits de la liberté n individuelle, qui agissent comme une « main invisible »
et assurent un développement rapide et - harmonieux de toute la société. Il interprète les
relations économiques comme un ensemble régi par des lois ; ces relations engendrent d'elles-
mêmes leur cohérence globale par le jeu du marché. Smith donne à l'économie politique un
objet propre séparé des autres phénomènes sociaux et fonde la doctrine économique libérale :
c'est le marché qui organise l'emploi des ressources, la répartition des revenus et la
distribution des produits qui constituent la richesse de la nation.
L'analyse de la production marchande liée à l'importance de l'échange devient ainsi, le centre
de la théorie économique, et c'est à partir de là que s'organisent toutes les idées et les thèmes
développés par Smith.
Section I : Le thème de la division du travail
A- La division du travail fondement de la richesse
La richesse de la nation est constituée par « l'ensemble des choses nécessaires et commodes à
la vie » que permet d'obtenir le travail annuel. Plus précisément, elle est formée par les biens
utiles et agréables produits annuellement, qui peuvent être consommées par les habitants et
qui assurent la vie du peuple. La richesse selon Smith est donc réelle et non monétaire.
L'origine de cette richesse provient de la production matérielle, et la production est elle-même
issue du travail.
Pour augmenter la production afin d'enrichir la nation, il faut accroître les quantités de travail
mises en œuvre et améliorer la puissance productive du travail, c'est à dire la productivité (la
quantité de biens par unité de travail) : cela suppose l'extension de la division de travail et la
spécialisation des individus dans les tâches qu'ils exécutent.
Pour montrer que la division du travail est un moyen essentiel pour accroître la productivité
du travail, Smith reprend l'exemple célèbre de la manufacture d'épingles. Dans cette
manufacture, le processus de production d'épingles et divisé en 18 opérations successives et
distinctes. Chaque ouvrier est affecté à une opération ou à quelques-unes. Dans cette
organisation où les ouvriers sont spécialisés selon les étapes de fabrication, on obtient une
production beaucoup plus importante que si chacun effectue toutes les opérations. La division
du travail conduit donc à une amélioration spectaculaire de la productivité du travail, grâce à
l'habilité accrue des travailleurs et à leur spécialisation dans une tâche donnée, aux gains de
temps et à l'amélioration des techniques et l'utilisation des machines.
B- Division du travail et échange
Pour Smith, c'est l'échange, penchant naturel à tous les hommes et lien économique
fondamental entre eux, qui est la cause de la division du travail et de la spécialisation.
L'homme ne peut vivre isolé et ne peut produire qu'une infime partie de ce qui lui est
nécessaire. Il a presque continuellement besoin de l'aide de ses semblables, mais il ne peut
s'adresser à leur seule bienveillance. Il ne peut obtenir ce dont il a besoin que contre ce qu'il
produit et donne en échange ; ce qui rend possible la division du travail. C'est donc par
l'échange (troc ou achat) que les hommes se fournissent ce qui leur est mutuellement
nécessaire. Et c'est aussi par l'échange que la grande partie des leurs besoins se trouve
satisfaite. Dans cette perspective la division du travail est conçue comme une conséquence de
l'échange. « C'est l'échange écrit Smith, qui entraîne la division du travail en extension »

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La division du travail peut toutefois être limitée par l'étendue du marché : si le marché est
étroit la division du travail est limitée et la productivité du travail faible, par contre si le
marché est vaste la division du travail sera plus approfondie et la productivité du travail plus
importante.
Par ailleurs, Smith considère que les hommes sont guidés exclusivement par la recherche de
leur intérêt personnel mais, dans le cadre de la concurrence, le mécanisme des prix conduit
chacun à concourir à la satisfaction de l'intérêt général. C'est la fameuse métaphore de « la
main invisible » qui règle les intérêts individuels soumis à la pression de la concurrence, dans
le cadre de la liberté de la production du commerce des prix et de l'échange toile de fond de la
doctrine libérale dont se réclame Smith et qu'il défend.

Section II La valeur et les prix des marchandises


Une fois reconnue la nécessité et l'existence de l'échange, il reste à déterminer sur quelles
bases s'effectue cet échange. C'est la question de la détermination de la valeur d'échange des
marchandises ou leurs prix qui se posent à présent.
A- La théorie de la valeur
Avant de procéder à l'analyse de la valeur, Smith remarque tout d'abord que le mot valeur a
deux significations différentes : la valeur d'usage (qui est l'utilité de l'objet) et la valeur
d'échange (la capacité d'un bien à acquérir un autre bien). Ces deux valeurs peuvent s'opposer
comme le montre le paradoxe de l'eau et du diamant : il n'y a rien de plus utile que l'eau mais
sa valeur d'échange est extrêmement faible, puisqu'elle ne peut presque rien acheter, tandis
que le diamant a une valeur d'usage limitée, mais sa valeur d'échange est très élevée. Il s'en
suit que l'utilité (la valeur d'usage) ne peut servir à fonder une théorie de la valeur d'échange
c'est-à-dire à expliquer les prix des marchandises. Dans ses analyses relatives à la valeur,
Smith dresse un programme en trois étapes :
1) identifier la mesure réelle e la valeur ;
2) isoler ses parties constituantes ;
3) distinguer entre prix naturel et prix de marché et analyser les facteurs qui peuvent expliquer
leurs écarts.
1- La mesure de la valeur
Dans la pratique des échanges, la quantification des marchandises, s'effectue à l'aide de leurs
prix en monnaie. La monnaie un bien étalon, semble donc la mesure adéquate de la valeur
d’échange. Smith rejette cette mesure. Selon lui, la monnaie -or ou argent- est elle-même une
marchandise produite, sa valeur peut varier d'une période à une autre. « L'or et l'argent,
comme toute autre marchandise, varient dans leur valeur, ils sont tantôt chers tantôt meilleur
marché. ». Par sa nature même la monnaie ne peut donc servir d'étalon aux autres
marchandises. Il faut donc une mesure invariable de la valeur, une unité de compte qui ne
varie pas dans le temps. Pour Smith seul le travail remplit ce rôle : la valeur d'une
marchandise doit être mesurée par la quantité de travail qu'elle « commande » ou achète.
«...Ainsi la valeur d'une denrée quelconque pour celui qui la possède et qui n'entend pas en
user ou la conserver pour lui-même, mais qui a l'intention de l'échanger pour autre chose
équivaut à la quantité de travail que cette dernière le met en état d'acheter ou de commander »
Le travail commandé par une chose est donc une mesure parfaite, universelle, parce qu'il
semble former un étalon invariable des valeurs échangeables des marchandises. Smith,
oppose ainsi, la bonne mesure, le prix réel d'une marchandise qu'exprime la quantité de travail
que l'on obtient en échange de cette marchandise, à la mesure par la quantité de monnaie.
2- Les parties constituantes du prix des marchandises
Pour expliquer comment se détermine la valeur d'échange d'une marchandise, Smith raisonne
d'abord dans le cadre d'une société primitive et ensuite dans celui d'une société évoluée.

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 Dans une société primitive, l'accumulation du capital n'existe pas et la terre n'est pas
appropriée privativement. On produit donc avec du travail uniquement. Dans cette société
c'est la quantité de travail nécessaire dans la production d'une marchandise qui détermine
la valeur d'échange de celle-ci. C'est ce qu'on appelle le travail incorporé dans la
marchandise considérée. Si la production d'une tonne de blé nécessite deux jours de
travail par exemple, on dira que ces deux jours représentent le travail incorporé dans le
blé c'est-à-dire la quantité totale de travail dépensée pour sa production. Dans cette
société, chaque individu peut, pour obtenir un bien, soit le produire par son travail soit
l'acquérir auprès d'un autre, en cédant en contrepartie, le produit de son propre travail.
L'échange dans ce cadre ne peut être fondé que sur les quantités de travail incorporées
dans les biens. Ce qui revient à dire que si deux marchandises A et B ont la même valeur
et peuvent s'échanger, c'est parce que leur production - nécessite la même quantité de
travail. Arrivé à ce stade de raisonnement, on peut remarquer que, la valeur d'échange
d'une marchandise (la quantité de travail qu'elle commande) est égale à la quantité de
travail qu'il faut pour la produire. Autrement dit la quantité de « travail incorporé » est
égale à la quantité de « travail commandé en échange.
 Dans une société évoluée où l'appropriation privée du sol et l'accumulation du capital ont
été introduites, trois facteurs de production concourent à la production : le travail, le
capital et la terre. Chacun de ces facteurs perçoit une rémunération. Au travail correspond
un salaire, au capital un profit et à la terre une rente. La somme de ces trois facteurs
constitue la valeur d'échange d'une marchandise. Salaire, profit et rente sont les trois
sources constituantes du prix des marchandises dans toute société civilisée. Ils sont les
causes de la valeur d'échange des marchandises. La totalité du prix réel d'une
marchandise se résout alors en salaire, profit et rente. Ce sont les trois sources primitives
de tout revenu, comme de toute valeur échangeable. La théorie de la valeur- travail de
Smith se transforme ainsi en théorie de coût de production, car le prix réel d'une
marchandise (ou valeur d'échange) est expliqué par les revenus occasionnés par la
production de celle-ci. La solution retenue par Smith est. Évidemment incompatible avec
la précédente, et ce n'est en rien une théorie de la valeur - travail. Mais quoiqu'il en soit,
la position définitive de Smith peut se résumer en trois points :
- Dans une société avancée le prix réel se décompose en trois revenus : salaires
profits et rentes : Prix réel = salaire + profit + rente
- La quantité de travail demeure la mesure mais n'est plus la cause de la valeur
des marchandises ;
- La théorie de la valeur travail devient une théorie de coût de production.
3- Prix naturel et prix de marché
Dans l'économie de chaque société, il existe à un moment et en un lieu donné un « taux
moyen ou ordinaire » qui est celui-auquel on rémunère habituellement le travail, le capital et
la propriété foncière. Ce « taux moyen ou ordinaire » du salaire, du profit et de la rente est
appelé par Smith « le taux naturel ». Lorsque le prix d'une marchandise est la somme du
salaire, du profit et de la rente payée à leurs taux naturels Smith parlera alors de prix naturel.
Le prix naturel d'une marchandise est donc le prix qui est obtenu, lorsque ses trois
composantes (salaires, profits et rente) sont à leur niveau naturel c'est-à-dire à leur taux
moyen ou ordinaire. Celui-ci dépend du niveau de la richesse, qui dépend à son tour de
l'accumulation du capital. A son prix naturel, une marchandise est vendue « précisément ce

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qu'elle vaut ou ce qu'elle coûte réellement à celui qui la porte au marché. » Le prix naturel est
celui qui doit être payé pour que la marchandise soit produite. C'est ce qu'il est nécessaire de
payer pour produire celle-ci à son taux naturel. Il est tel que le producteur puisse couvrir les
frais normaux de sa production et renouveler son activité.
Le prix de marché ou prix courant est le prix auquel une marchandise est effectivement
vendue. Il n'est pas forcement égal au prix naturel. Ce prix est déterminé par la confrontation
entre l'offre disponible (donnée à court terme) et la demande qui se manifeste au prix naturel,
que Smith qualifie de demande effective (la demande effective peut être définie comme la
quantité de marchandises que les demandeurs sont prêts à acheter à des prix naturels c'est-à-
dire comme la demande d'équilibre qui attire effectivement la marchandise sur le marché
puisqu'elle assure aux facteurs de production leur rémunération naturelle.)
Le prix de marché peut être au-dessus, au-dessous ou au niveau du prix naturel. Cela dépend
de la proportion qui existe entre la quantité offerte et la demande effective. Trois situations
peuvent être présentées, traduisant la convergence du prix de marché vers le prix naturel ou «
gravitation ».
- Lorsque la quantité disponible sur le marché est inférieure à la demande effective (O<D), il
existe un déficit puisque tous les demandeurs n'ont pas la possibilité de procurer les
marchandises alors que certains consentiront à payer davantage. La concurrence entre les
acheteurs établira le prix de marche au-dessus du prix naturel. L'afflux de capitaux et de main
d'œuvre engendre un accroissement de l'offre, ce qui ramènera le prix de marché au prix -
naturel.
- Lorsque la quantité offerte est supérieure à la demande effective (O>D), il existe un
excédent, La concurrence entre les vendeurs fera tomber le prix de marché au-dessous du prix
naturel. Dans cette situation, les facteurs de production sont rémunérés à un taux inférieur au
taux naturel. Pour être mieux rémunérés les producteurs quittent les secteurs où l'offre est
surabondante pour profiter des gains où elle est insuffisante Travail ; capital et terre seront
réalloués : l'offre diminue là où elle est excédentaire, elle augmente là où elle est insuffisante.
Sur tous les marchés, les quantités offertes se rapprochent des quantités demandées, les prix
de marché « convergent » vers les prix naturels. La concurrence aboutit donc à l'adaptation de
la structure de l'offre globale à celle de la demande.
- Lorsque l'offre disponible coïncide avec la demande effective, le prix de marché est égal au
prix naturel. Cela signifie que la quantité mise sur le marché est juste suffisante à remplir la
demande effective.
Section III : la théorie de la répartition
Le prix ou la valeur d'échange d'une marchandise, on l'a vu, se décompose en salaires, profits
et rente : Le salaire est la rémunération du travail, le profit rémunère le capital avancé dans la
production, la rente, quant à elle est le loyer payé par le fermier au propriétaire foncier pour
exploiter la terre. Pour chacune de ces catégories de revenus, Smith va s'employer ä
déterminer le taux naturel et le taux courant.
A- Les salaires
Le salaire ne pose aucun problème de définition. Il est la contrepartie d'un travail effectué.
Comme toute autre marchandise le travail a un taux naturel et un taux courant.
- Le taux naturel ou prix naturel du travail est le salaire de subsistance. C'est le salaire qui
permet à un ouvrier non seulement de survivre, mais aussi d'élever une famille, sinon « sa
lignée ne pourrait pas se maintenir au-delà d'une génération. » On peut le mesurer par la
valeur des subsistances nécessaires à l'entretien des travailleurs et de leur famille. Pour
Smith, le salaire de subsistance est plutôt historique que physiologique. Il dépend, comme
le dira plus tard Ricardo « des mœurs et des coutumes des pays ». Il varie d'un pays. à un
autre et évolue dans le temps ce qui lui confère un caractère historique qui le rend:
compatible avec l'amélioration séculaire du bien-être.

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- Le taux courant ou prix courant du travail est celui que perçoit effectivement un ouvrier.
C'est ce qu'il est convenu d'appeler salaire réel ou pouvoir d'achat. Sa détermination peut
être présentée en distinguant le court terme du long terme.
 Dans le court terme, le taux courant est déterminé sur le marché par la confrontation
de l'offre et la demande de travail. Le travail sera cher quand les bras sont rares et à
bon marché lorsqu'ils abondent. L'offre de travail c'est la population travailleuse que
représente le volume de la main d'œuvre disponible sur le marché. Elle dépend de
l'importance de la Population en âge de travailler. La demande de travail quant à elle,
est la proposition faite par un employeur ; de prendre à son service pendant un temps
donné et pour une rémunération convenue un travailleur. Elle dépend du fonds de
subsistances offert par l'employeur pour entretenir les travailleurs. L'insuffisance de
l'offre de travail par rapport à la demande a une incidence sur le niveau de salaire. En
effet, lorsque la demande de travail de l'employeur excède l’offre des travailleurs, le
taux de salaire augmente. C'est le mécanisme de marché qui joue, à l'instar de ce qui
se passait pour n'importe quel autre produit. L'excès de la demande sur l'offre, pousse
certains travailleurs à quitter les secteurs où l'offre de travail est abondante, pour
s'embaucher dans d'autres secteurs ou d'autres branches souffrant de pénuries de main
d'œuvre et offrant de meilleurs salaires. L'afflux de la main d'œuvre engendre un
accroissement de l'offre, ce qui amènera à l'égalité de l'offre et de la demande de
travail. En conséquence le prix courant se rapprochera du prix naturel.
 Dans le long terme deux raisons expliquent la détermination du taux courant ou salaire
réel : la nature du marché de travail et les mécanismes démographiques.
 le marché de travail est asymétrique et peu concurrentiel. Il se caractérise par
l'existence des intérêts antagonistes des ouvriers et des employeurs, et des rapports
de forces inégaux. Les ouvriers désirent gagner autant que possible, les
employeurs cherchent à payer le moins possible. Mais sur le marché, les choses ne
sont pas égales. Les « maîtres », étant moins nombreux se concertent plus
facilement et s'entendent pour que les salaires ne montent pas. La législation est
aussi de leur côté puisqu'elle reste très discrète quand il s'agit d'ententes entre les
employeurs, alors qu'elle est très vigilante contre les concentrations des ouvriers.
Dans ce rapport de force, les ouvriers sont : beaucoup plus faibles, ne peuvent
imposer des salaires élevés. Ils cèdent pour avoir de quoi gagner leur subsistance ;
ce qui entraîne une tendance à la baisse des salaires. Mais cette baisse ne peut
cependant tomber au-dessous du minimum de subsistances, un minimum
nécessaire à la survie de l'ouvrier et de sa famille.
 Les mécanismes démographiques ou plus précisément la fécondité des ouvriers,
expliquent en partie la détermination du salaire réel ou taux courant. Smith part ici,
de l'idée selon laquelle l'accroissement des salaires se traduit automatiquement par
un accroissement du nombre d’ouvriers (plus tard. Systématisée par Malthus.
1798). Lorsque la demande de travail ; donc le fonds de subsistances pour
l'entretenir, croît plus vite que la population, le salaire réel s'élève. Le taux courant
ou salaire de marché se trouve ainsi fixé au-dessus de son niveau naturel.
L'amélioration des conditions de vie qui en résulte diminue la mortalité (surtout
infantile) et pousse les ouvriers à élever plus d'enfants, ce qui accroît au bout d'un
certain temps le volume de la main d'œuvre offerte sur le marché. Cet
accroissement de la population travailleuse, augmente l'offre de bras qui dépasse la
demande de travail. La concurrence au sein de la population excédentaire fait
diminuer les salaires et les ramène au minimum de subsistances, un minimum qui
autorise le maintien et le renouvellement de la main d'œuvre et, permet ainsi la
reproduction de la population.

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B -Les profits et les intérêts
Le profit est la rémunération du capital employé dans la production. C'est un revenu lié à
l'avance du capital et non celui du travail.
Le capital peut prendre la forme de salaires distribués aux travailleurs, de matières premières,
de machines ou de bâtiments destinés à lancer l'activité productive. Il représente donc une
avance sur la production future. Puisque le profit rémunère cette avance, il prend d'abord la
nature de la rémunération du temps qui sépare l'immobilisation du capital (c'est-à-dire
l'investissement) de la vente des produits et la récupération des dépenses engagées
initialement dans la production. Mais par ailleurs, la récupération du capital avancé n'est
jamais sûre. Le profit doit donc, également, rémunérer le risque ; il est la somme d'un intérêt
pur et d'une prime de risque. Cette somme est appelée par Smith le profit brut.
Profit = intérêt pur + prime de risque
Le profit peut se définir alors comme la rémunération du capital immobilisé et le risque pris
par « L'entrepreneur qui hasarde ses capitaux » dans une affaire. Le profit se proportionne
naturellement avec le capital employé. Cette proportion ramenée à l'unité de temps est
appelée taux de profit ; c'est-à-dire le rapport du profit total à la valeur du capital. Smith
considère que les taux de profit ont tendance à s'égaliser en raison de la concurrence des
capitaux. Etant mobile le capital se dirige là où les emplois sont plus rentables, ce qui égalise
les taux de profit dans l'ensemble de l'économie. La concurrence des capitalistes conduit, ainsi
à l'égalisation des taux de profits.
Certains capitalistes, au lieu d'employer eux-mêmes leurs capitaux dans les affaires, préfèrent
les prêter à d'autres individus qui se chargent de les employer productivement. Le revenu
qu'ils perçoivent en contre partie s'appelle l'intérêt de l'argent.
L'intérêt constitue, pour Smith, un revenu secondaire, dérivé du profit car, prélevé sur celui-ci
C'est la part du profit que les entrepreneurs versent aux capitalistes, propriétaires du capital
qui avancent l'argent nécessaire au financement de l'accumulation. L'intérêt est
nécessairement inférieur au profit puisqu'il est prélevé sur ce dernier. La différence sur les
deux est une sorte de « prime d'assurance » que l'emprunteur empocherait pour se prémunir
contre le risque qu'il prendrait en s'engageant dans les affaires.
Le taux d'intérêt est le rapport de l'intérêt perçu par période au capital prêté en début de
période. Il dépend de l'offre et de la demande des fonds prêtables, et varie en fonction de
l'abondance et de la rareté des capitaux. Le taux d'intérêt est inférieur au taux de profit, car le
risque des placements est moins grand que celui des investissements dans les affaires...
Smith n'a pas réussi à déterminer de façon satisfaisante, comme il l'a fait pour les salaires, le
taux naturel et le taux moyen des profits. Il a montré cependant que le taux d'intérêt peut
constituer un bon indicateur ou une valeur approchée, pour avoir une idée sur l'évolution du
profit : Là où les perspectives de profits sont élevées, les intérêts payés pour les fonds prêtés
sont élevés et inversement si ces perspectives sont faibles. Autrement dit, plus le profit
réalisable est élevé plus l'argent est recherché pour être investi dans des projets.
C- la rente
La rente « est le prix payé pour l'usage de la terre par le fermier : » Elle représente ce qu'il
faut. Payer au propriétaire de la terre pour avoir le droit d'exploiter et recueillir les fruits de
celle-ci.
La rente est aussi un prix de monopole, car elle est liée à l'exercice d'un pouvoir. Elle n'est
nullement en proportion des améliorations apportées à la terre par le propriétaire foncier ; elle
échoit à tout propriétaire quel que soit la nature et la qualité de sa terre. La rente rémunère une
ressource non produite et un facteur de production non reproductible, la terre, qui, appropriée
privativement confère un revenu de monopole qui revient aux propriétaires fonciers.
Concernant la détermination de la rente, Smith explique qu'elle est déterminée par les prix des
produits agricoles. Sur les prix agricoles, le fermier paie les salaires, achète et entretient les
instruments de labourage et les bestiaux, amortit le capital et prélève un profit. Le reste qui

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subsiste constitue la rente. Elle résulte de la différence entre le prix de la récolte d'une part, et
d'autre part de la somme des charges occasionnées par cette récolte et les profits ordinaires
qui rémunèrent le capital engagé dans la production. La rente a donc la nature d'un surplus
différentiel : C'est ce qui reste une fois rémunérés le travail et le capital.
Quant au rôle de la rente dans la valeur, elle n'a pas le même statut que le salaire et le profit :
Alors que les niveaux des salaires et des profits déterminent le niveau du prix, le niveau de la
rente dépend du niveau du prix. La rente entre, selon Smith, dans la composition des prix des
marchandises de façon différente des salaires et des profits. « Le taux élevé des salaires et des
profits est la cause du prix élevé ou bas des marchandises, le taux élevé ou bas de la rente est
l'effet du prix. » Ce passage pose un problème de cohérence si on replace la théorie de la
rente dans le contexte de la théorie de la valeur. En effet dans la théorie de la valeur Smith
explique le prix d'une marchandise par les parties constituantes, c'est dire les revenus
occasionnés par sa production, alors qu'en cherchant la détermination de la rente, il explique
que ce revenu est déterminé par le prix de la marchandise !
Section IV : l’échange international
Smith dénonce les conceptions mercantilistes considérées comme favorisant les monopoles du
commerce « commerce exclusif » et le protectionnisme. Il se montre favorable à la liberté du
commerce et à une division internationale du travail rationnelle, qu'il explique dans sa théorie
des avantages absolus. Son analyse insiste sur le rôle bénéfique des importations et
consécutivement de la spécialisation. Pour souligner le rôle positif des importations, Smith
applique à l'échange international le raisonnement qui lui a permis de montrer les bienfaits de
la division du travail dans une industrie naissante. De même que dans son exemple célèbre de
la manufacture d'épingles la spécialisation des travailleurs accroît la productivité globale, de
même le recours à l'échange international et aux importations va permettre de se fournir à des
coûts moindres.
En étendant le principe de la division du travail et de la spécialisation à l'échange entre les
nations, Smith avance sa théorie des avantages absolus.
Selon cette théorie, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production et l'exportation
des produits pour lesquels ses coûts de productions sont inférieurs à ceux des pays
concurrents, et à acquérir à l'étranger les produits à un prix inférieur à leur fabrication dans le
pays. Pour illustrer sa théorie Smith développe l'exemple de deux régions l'Ecosse et le
Bordelais produisant deux produits, le vin et les textiles Le tableau suivant présente les
quantités de travail exigées pour produire une unité de produits dans les deux régions :
l'Ecosse et le bordelais.
Régions Couts en équivalents -travail
Vin textiles
Ecosse 80 90
Bordelais 60 100
L'Ecosse possède un avantage absolu dans la production de textiles car elle produit la même
quantité que le bordelais mais en moins de temps, le bordelais quant à lui produit la même
quantité de vin, en moins de temps que l'Ecosse. Par conséquent chaque région doit se
concentrer sur la production du produit qui lui coûte le moins cher et importer celui produit à
l'étranger à moindre coût. Dans le modèle proposé par Smith, l'échange international
s'explique ainsi par les différences des coûts de production. Un pays importe un produit si la
production de celui-ci est plus coûteuse que son importation. Les différences de coûts de
production peuvent provenir, selon Smith, soit des conditions naturelles (climat, fertilité des
terres, présence de minerais,) soit d’une faiblesse des coûts de production (niveau des salaires
ou des prix) soit encore de certaines particularités acquises (réseaux de communication,
qualification de la main d'œuvre).

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Chapitre II Thomas Robert Malthus: (1766-1834)
« Essai sur le principe de population » (1798)
« Principes d'économie politique du point de vue de leur application pratique » (1820)
Malthus occupe une place originale dans l'école classique. On peut dire ; en effet qu'à
l'enquête sur la richesse des nations, il oppose une enquête sur la pauvreté des nations et plus
précisément, une tentative d'explication de la misère de la classe ouvrière engendrée par la
révolution industrielle. Par ailleurs il se démarque des autres économistes classiques par sa
prise de position dans la controverse sur la loi des débouchés de J.B Say.
Son ouvrage « Essai sur le principe de population » publié pour la première fois en 1798, reste
sans conteste, l'œuvre la plus connue. Elle a valu la célébrité à l'auteur Malthus y énonce sa «
loi de population » et développe les principaux arguments pour freiner la croissance
démographique, ce qu'on appellera plus tard le malthusianisme. L'autre ouvrage «les «
Principes d'économie politique... », Est une œuvre théorique qui traite des principaux thèmes
étudiés par les classiques. De ses nombreuses contributions on peut retenir la théorie de la
rente, le concept de la demande effective et l'épargne.
Section I : Malthus et le principe de population
L'idée de l'existence d'une relation entre la taille de la population et le volume des
subsistances est centrale dans « L'Essai sur le principe de population. De cette dépendance ...
Malthus a érigé une véritable thèse. Il lui a donné un relief particulier en la formulant comme
une opposition entre deux lois d'accroissement (progression géométrique contre progression
arithmétique) en insistant sur le caractère dramatique de ses conséquences...
A- la loi de population
C'est dans son « Essai sur le principe de population » que Malthus formule sa loi de
population selon laquelle la population croît plus vite que les vivres. La population selon
Malthus, lorsqu'elle ne rencontre aucun obstacle double tous les vingt-cinq ans et s'accroît
spontanément selon une progression géométrique (1, 2, 4,8...) alors que les subsistances
croissent, dans les meilleurs des cas suivant ‘une progression arithmétique (1, 2,3. 4...).
L'accroissement lent des ressources alimentaires qui est régi par une progression arithmétique
ne peut suivre le rythme rapide de la croissance de la population qui est régi par une
progression géométrique. Il en résulte une tendance à la surpopulation par un
appauvrissement de la société au point de la menacer de disette et d'empêcher le
développement économique.
Deux séries d'obstacles permettent de limiter la croissance de la population : les obstacles
destructifs et les obstacles préventifs :
• les obstacles destructifs ou les obstacles naturels sont les facteurs qui permettent une
autorégulation de la population. Si celle-ci croit trop fortement par rapport aux : ressources
dont elle dispose, des famines, des épidémies liées à la sous- alimentation se répandent et des
guerres dues à la concurrence pour le sol éclatent obligatoirement : Cette situation provoque
l'augmentation de la mortalité et permet ainsi de limiter l'excès de la population.
• Pour ne pas arriver là, il faut mettre en place des obstacles préventifs. Les obstacles
préventifs ou artificiels agissent sur le taux de natalité. Pour, cela Malthus préconise le
mariage tardif, la chasteté conjugale, l'absence de relations sexuelles avant et hors mariage et
la limitation du nombre d'enfants en fonction du revenu, qui sont des moyens décisifs pour
limiter le nombre des naissances. Ce type de freins est une spécificité de l'homme et un acte
volontaire : « l'obstacle privatif en tant qu'il est volontaire, écrit Malthus, est propre à l'espèce
humaine, et résulte d'une faculté qui le distingue des animaux, à savoir la capacité de prévoir
et d'apprécier des conséquences éloignées. »

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B- les conséquences pratiques de « L'Essai sur le principe de population »
L'originalité de Malthus est moins d'avoir établi ure dépendance étroite entre population et
subsistance que d'avoir su organiser quelques principes simples dans une théorie d'ensemble
et d'en avoir tiré des conséquences pratiques et théoriques.
1- Les conséquences pratiques
Sur le plan de la politique économique, le principe de population a des conséquences très
importantes. Il débouche sur une critique vigoureuse et une condamnation sans appel de toute
politique d'aide aux pauvres et notamment les « lois sur les pauvres » qui faisaient obligation
aux paroisses de secourir les indigents. L'effet immédiat de ces lois est, selon Malthus,
d'accroître la consommation des pauvres et de les inciter à faire plus d'enfants, ce qui favorise
la croissance de la population. « Ces lois créent donc les pauvres qu'elles assistent », conclut-
il. Par ailleurs l'assistance donnée aux pauvres est perçue comme un détournement de la part
du revenu qui revient à la population en activité, c'est-à-dire les membres de la société la plus
laborieux et les plus méritants.
Pour Malthus les lois sur les pauvres n'atteignent pas le but pour lequel ont été adoptées et
conduisent à des effets pervers. Loin de régler le problème de la misère, elles créent, au
contraire, des pauvres supplémentaires. Pour cela il propose leur abrogation, et préconise la
suppression de toute assistance et de toute charité en faveur des pauvres pour ne pas les
encourager dans leur comportement nataliste.
Malthus condamne, pour son inefficacité la distribution des secours pour les pauvres, car elle
n'agit pas, sur la cause profonde de la pauvreté à savoir l'augmentation de la population au-
delà des ressources disponibles. Mais, il retient « la contrainte, morale » (chasteté et mariage
tardif) pour limiter l'expansion de la population. Or, comme cette solution ne peut être
imposée autoritairement et doit être adoptée volontairement par les pauvres eux-mêmes, le
plus sûr moyen d'enrayer l'augmentation rapide de la population est la misère elle-même .En
effet ,croyant en « l'utilité de la misère » Malthus juge que seule l'extrême misère peut
dissuader les pauvres à avoir plus d'enfants qu'ils n'en peuvent nourrir, et se rendre compte
que leur intérêt est de diminuer leur descendance, ce qui leur permettre à long terme
d'améliorer leurs conditions vie et soulager ainsi leur détresse.
2- Les conséquences théoriques
D'un point de vue théorique, le principe de population confirme pour les classiques, l'idée déjà
retenue par A. Smith et selon laquelle la pression démographique conduit constamment le
taux de salaire à se rapprocher du taux de subsistance. Le principe de population fournira
également au modèle Ricardien sa théorie du salaire qui veut que la rémunération du travail,
sous l'effet des mécanismes démographiques, se fasse au minimum vital.
Section Il : « les Principes d'économie politique... » (1820)
Les « Principes d'économie politique...) est un ouvrage fondamentalement théorique. Malthus
y expose ses principales idées économiques relatives à la valeur, à la répartition, à la demande
effective, à l'épargne et à leur rôle dans la production De ses nombreuses analyses nous n'en
retiendrons, ici que la rente différentielle, la demande effective et l'épargne.
A- La théorie de la rente foncière
La rente est considérée comme « l'excédent de la valeur du produit total sur ce qui est
nécessaire pour payer les salaires des journaliers et les profits du capital employé à la culture
de la terre. »
La rente est donc l'excédent du prix du produit agricole sur les frais de production. Il y a cet
excédent dans la mesure où les produits agricoles sont vendus à un prix supérieur à leur coût
de production. La rente revient au propriétaire foncier une fois, qu'ont été payées toutes les
dépenses nécessaires à l'obtention de la production et prélevé le profit ordinaire par le fermier
qui exploite la terre. Mais elle n'est pas liée à une forme de monopole. Elle tient à la

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caractéristique de la terre qui produit parfois, plus que ce qui est nécessaire et peut être de
plus ou de moins bonne qualité.
Concernant la détermination de la rente, Malthus montre que celle-ci découle de
l'accroissement de la population, de la rareté comparative des terres et de leurs différences de
fertilité.
Comme les terres fertiles sont rares, la croissance démographique oblige, après que les
meilleures terres ont été utilisées, à mettre en culture des terres de moins en moins fertiles.
Une terre fertile ; par rapport à une autre terre moins fertile permet de produire à un coût
moindre. Ces conditions font que les coûts de production soient différenciés et varient selon
les terres d'où provient la production agricole. Le coût de production ou le prix de revient du
produit n'est pas donc le même sur les terres fertiles que sur les terres de moins bonne qualité.
Par ailleurs sur le marché, le prix de vente du produit agricole, le blé par exemple, est le prix
qui doit être payé pour couvrir les coûts de production du blé provenant des terres les moins
fertiles. Plus. Précisément, le prix de vente doit être égal au coût de production sur la terre de
la moins bonne qualité effectivement cultivée (la terre marginale) sinon les fermiers qui
travaillent sur les terres les moins fertiles ne pourraient pas mettre leur production en vente,
faute de rentabilité et ces terres cesseraient d'être cultivées.
Le prix ainsi déterminé, s'applique non seulement au blé produit sur la terre marginale (la
terre la moins fertile cultivée), mais aussi au blé en provenance des autres terres les plus
fertiles. Ces terres ayant par définition des coûts de production plus faibles que sur la terre
marginale peuvent dégager un surplus qui résulte de la différence du prix de vente et des coûts
de production augmentés des profits naturels sur les terres non marginales. Ce surplus ou
écart constitue la rente foncière qu'on qualifie de rente différentielle parce qu'elle provient
des différences de coûts de production entre la terre marginale et les autres terres non
marginales.
L'élément central de la théorie de la rente développé par Malthus, et aussi par Ricardo,
consiste à poser que, lorsque des terres de fertilité inégale sont mises en culture, le prix de
vente du blé est déterminé en fonction des conditions de production sur les la terre marginale
c'est-à-dire la terre la moins fertile et dont la mise en culture entraîne le coût le plus élevé. En
faisant dépendre le prix unique du blé du coût marginal qui correspond au coût de production
sur la terre marginale, Malthus (ainsi que Ricardo d'ailleurs) énonce bien avant les
néoclassiques, un principe fondamental en économie politique : le principe de raisonnement
à la marge ou principe de la tarification au coût marginal.
B- La demande effective et l'épargne
Malthus est aussi l'un des premiers classiques à se rendre compte de l'importance de la
demande effective et de l'épargne comme facteur stimulant de la production.
- Il définit la demande effective des produits comme « la demande faite par ceux qui ont les
moyens d'en donner un prix suffisant » C'est la quantité d'une certaine marchandise
recherchée par ceux qui peuvent en payer le prix. Elle n'est pas un phénomène purement
quantitatif puisqu'elle n'est pas liée seulement au nombre d'habitants ou de consommateurs,
mais à leur volonté et à leur pouvoir d'achat qui leur permet d'acquérir les biens dont ils ont
besoin. Malthus accorde une très grande importance au rôle de la demande effective dont
l'insuffisance rend possible surproduction, contrairement à la loi de Say (ou loi des
débouchés) qui nie la possibilité d'une crise générale et durable de surproduction. Il considère
que l'augmentation du volume de la production n'engendre pas nécessairement une
augmentation du volume des débouchés, dans la mesure où seule une fraction des nouveaux
revenus distribués sera utilisé pour acheter le supplément de production .Ainsi apparaît une
insuffisance de la demande effective par rapport à la production Malthus a donc pressenti que
la consommation pouvait ne pas être suffisante pour acheter la production ce qui signifie
qu'une crise de sous consommation est possible. Il peut ainsi contester la loi des débouches de
J B. Say, pourtant couramment admise par l'ensemble des classiques.

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- Malthus se distingue des autres classiques sur un autre point, celui de l'épargne. Il considère
que l'épargne est nécessaire, mais indique qu'elle n'est pas automatiquement investie pour
favoriser un accroissement de la production mais peut être thésaurisée. Ce qui le conduit à
rejeter l'idée de Smith selon laquelle toute épargne est systématiquement investie. Par ailleurs
Malthus pressent qu'une épargne excessive pouvait provoquer des fluctuations dans la
production, l'emploi et les profits, donc un recul de l'activité économique.
Si la tendance de transformer tout revenu en capital au-delà d'un certain point permet
d'accroître la production, elle risque aussi de provoquer une insuffisance de la demande
effective. En effet d'une part les travailleurs reçoivent moins qu'ils ne produisent et, d'autre
part les propriétaires du capital doivent épargner une fraction importante de leur revenu pour
investir et renouveler leur capital. Les travailleurs et les capitalistes n'ont donc pas un pouvoir
d'achat suffisant pour acheter toute la production additionnelle. Là encore apparaît le
problème de l'insuffisance de la demande effective par rapport à la production. C'est l'épargne
et l'accumulation du capital qui rendraient la consommation insuffisante. L'épargne est donc
une cause de sous-consommation. Elle ne peut, selon Malthus, être favorable à l'économie
que dans la mesure où elle se développe parallèlement à la demande des biens et non au
détriment de celle-ci.

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Chapitre III David Ricardo (1772-1823)
« Des principes de l'économie politique et de l'impôt » (1817)
David Ricardo est sans conteste l'auteur majeur de l'école classique : Avec lui, la pensée
libérale s'affirme et l'économie politique devient fondamentalement théorique abstraite et plus
formelle...
Ricardo développe une conception nouvelle de l'économie politique qui tranche d'avec celle
de ses prédécesseurs et notamment Smith. Il ne s'interrogera plus sur la nature et les causes de
l'enrichissement des nations, mais, considérera désormais que le problème essentiel de
l'économie politique est d'expliquer comment se répartit le produit entre le salaire, le profit et
la rente. Il va centrer sa réflexion sur la relation salaire-profit car c'est elle qui commande le
taux de profit ; explique la dynamique du capitalisme et conditionne étroitement à long terme,
l'évolution de l'ensemble de la société. Si l'analyse de la répartition est centrale chez Ricardo,
celle de la valeur n'est pas en reste. Elle occupe une place de choix dans les << Principes … »,
puisque le premier chapitre lui a été consacré ; elle constitue ainsi un préalable à l'étude de la
répartition des revenus. C'est donc par-là que nous commencerons. Valeur, répartition et
commerce international, tel est le schéma général que nous suivrons.

Section 1 : La théorie de la valeur


A- Le principe général : la théorie du travail incorporé
Selon Ricardo l'utilité ne peut fonder la valeur d'échange d'une marchandise. Elle n'intervient
que pour déterminer si un objet aura ou non une valeur échangeable. Cette dernière dépend de
la rareté des objets et de la quantité de travail nécessaire à leur production. Mais la rareté ne
joue qu'un rôle limité dans l'analyse de Ricardo, car elle ne concerne que les biens non
reproductibles, c’est-à-dire les objets dont l'offre est fixe et la quantité est limitée, comme les
œuvres d'art, les produits de luxe ou les vins de grande qualité. Lorsqu'il s'agit de biens
reproductibles c'est-à-dire de biens produits industriellement par le travail de l'homme et
échangés librement sur un marché concurrentiel, pour ces marchandises « c'est la quantité de
travail fixé dans une chose qui règle sa valeur échangeable.» C'est donc le travail incorporé
dans la marchandise, c'est-à-dire la quantité de travail nécessaire pour la produire qui explique
et mesura sa valeur échangeable. Ricardo réfute ainsi l'analyse de Smith selon laquelle, ce qui
détermine la valeur d'échange d'une marchandise, c'est la quantité de travail que cette
marchandise commande, arguant que la valeur du travail est elle-même variable. Elle subit
deux types de variations : d'une part, elle est influencée par le rapport de l'offre et de la
demande, et d'autre part, par la variation du prix des subsistances sur le marché. Il se sépare
de Smith sur un autre point, celui de la validité du principe du travail incorporé et son
utilisation comme fondement de la valeur. On l'a vu Smith, en avait limitée l'application à la
société primitive, puis abandonné ; Ricardo, le maintien et le généralise.
B- Le problème posé par l'introduction du capital
La quantité de travail incorporé dans une marchandise doit être comprise comme celle qui
entre directement, mais aussi indirectement, dans sa production. Il s'agit du travail direct
effectué par le travailleur dans la période sur une marchandise produite, et du travail indirect,
celui qui a été nécessaire pour produire les moyens de production. On distinguera ici, le
capital fixe (machines, bâtiments etc.) qui participe à plusieurs cycles de production et dont la
valeur n'entre dans celle de la production qu'au prorata de la fraction « usée » dans la période ;
et le capital circulant (vivres, matières premières, etc.) consommé lors du processus de
production et dont la valeur entière entre dans celle de la production. Une fois précisée la
nature du travail incorporé et son contenu, Ricardo explique que la valeur de chaque
marchandise dépend de la quantité de travail direct et indirect qui a été consacrée à sa
production ainsi qu'à la proportion du capital qui a été utilisé pour ce faire. Dès lors ‘les

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variations de la valeur viennent, non seulement de la quantité de travail directement incorporé
dans la marchandise, capital. Mais aussi de la variation de la quantité de travail qui y est
incorporée indirectement par le recours au capital.
Dans un troisième temps, il détruit lui-même, en grande partie, la théorie qu'il vient de
construire et de généraliser : II annonce, en effet, dès le titre de la section IV du chapitre I que
« l'emploi des machines et des capitaux fixes modifie considérablement le principe, qui veut
que la quantité de travail consacrée à la production des marchandises détermine leur valeur
relative. » Ricardo montre ici que la structure des capitaux utilisés dans la production influe
sur les prix relatifs des marchandises, contrairement à ce qu'il a écrit juste avant. La prise en
compte de la répartition, a aussi, des effets sur la théorie de la valeur travail. Plus précisément
les prix relatifs des marchandises seront affectés le partage salaire - profit, contrairement à ce
qu'affirmait Ricardo au paravent. Ce qui fragilise encore plus le construit théorique obtenu
jusqu'ici.
Après avoir montré les limites de sa propre théorie, Ricardo en vient cependant à considérer
que ces phénomènes (emploi des de capital fixe, répartition) n'ont qu'une faible importance et
qu'en définitive la valeur d'une marchandise par rapport à une autre dépend des conditions
relatives à la production, et varie avec la quantité de travail direct et indirect et le profit sur le
capital utilisé dans la production.
Section II : la théorie de la répartition
La théorie de la répartition des revenus joue un rôle très important dans la pensée de Ricardo,
car celui-ci cherche à déterminer les règles qui président au partage de la valeur totale du
produit : Pour expliquer comment s'effectue ce partage, Ricardo commence d'abord à
présenter sa conception de la rente et exposer ensuite l'antagonisme entre les salaires et les
profits.
A- La rente foncière
Selon la célèbre définition de Ricardo « la rente est cette portion du produit de la terre que
l'on paie au propriétaire foncier pour avoir le droit d'exploiter les facultés productives et
impérissables du sol. » Elle ne doit être assimilée ni à un intérêt ni à un profit du capital. Elle
découle de l'appropriation privée des terres et de leurs différences de fertilité. Concernant
l'origine de la rente, Ricardo répertorie quatre sources : la force productive de la terre, la
quantité limitée (rareté), la qualité inférieure (fertilité) et la localisation.
 La force productive c'est-à-dire le rendement des terres et leur rareté caractérisent
l'agriculture intensive et donnent lieu à la forme intensive de rente. Cette conception
de la rente suppose l'utilisation de doses de capital et de travail supplémentaires pour
accroître les rendements des terres décroissants.
 La qualité des terres (fertilité) et leur localisation caractérisent l'agriculture extensive
et sont à l'origine de la rente extensive. Dans le cadre de cette agriculture, différentes
terres sont mises en culture par ordre décroissant de fertilité et en fonction de leur
localisation, car la croissance de la population oblige à cultiver des terres de moins en
moins fertiles et de moins en moins bien situées.
Ricardo développe une conception différentielle de la rente. Celle-ci apparaît pour deux types
de raisons.
- La première est liée au principe de population de Malthus : Pour nourrir, une population
dont le nombre augmente, il faut mettre en culture des terres de moins en moins fertiles
ou de moins en moins bien situées. Sur les différentes terres ainsi classées, les mêmes
dépenses en travail n'apportent pas la même quantité de produit selon les terres. Sur les
terres de moindre qualité, pour produire une unité de blé, il faut des quantités de travail
nécessaires plus grandes, car les conditions de production y sont défavorables et plus
difficiles. Or le blé qui a exigé pour sa production le plus de travail, est le régulateur du

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prix du blé, faute de quoi, la production sur les terres les moins fertiles se fera à perte ou
ne se fera pas. Le prix du blé se règle donc sur la quantité de travail nécessaire à la
production d'une unité de blé sur la dernière terre mise en culture, appelée terre
marginale. Cette dernière ne donne pas lieu au paiement de la rente. Par contre sur les
autres terres de meilleure qualité apparaît une que l'on qualifie de différentielle parce
qu'elle provient de la différence de coûts de production entre la terre marginale et les
autres. La rente dont il s'agit ici est la forme extensive de la rente.
- La deuxième raison est liée à la loi des rendements décroissants en agriculture. Sur une
terre donnée, de qualité donnée, si on double les doses de travail et de capital utilisées, la
production fera moins que doubler. L’emploi d'unités supplémentaires de travail et de
capital sur des terres fertiles, par exemple, donne lieu à une production moindre.
Autrement dit, la productivité de la terre, pour une dépense en travail et capital qui
augmente, est moindre sur les terres à fertilité décroissante. Investir dans ces terres
signifie une productivité marginale décroissante des unités du capital -travail. La valeur
du blé s'accroît donc, puisque sa production exige des quantités plus grandes de capital et
de travail sur les mauvaises terres. La rente nait ici sur des terres de qualité donnée, mais
dont le rendement est décroissant. Elle résulte de l'excès de production réalisée par la
première dose de capital et travail sur celle réalisée par la seconde dose. La forme
théorique de la rente foncière développe ici, est de la rente intensive. Là aussi, la rente à
la nature d'un surplus différentiel. D'où la conclusion de Ricardo : « la rente a toujours la
différence entre les produits obtenus par l'emploi de deux quantités égales de capital et de
travail »
Le même élément d'explication est fourni par Ricardo dans les deux cas (rente extensive et
rente intensive), pour expliquer la détermination de la rente et son apparition. Il ne peut y
avoir qu'un seul taux de profit car la concurrence que se livrent les fermiers pour louer les
terres assure que le taux de profit courant prévaut dans tous les emplois possibles de leur
capital utilisé dans la production. En effet, en raison de la péréquation du taux de profit, elle-
même liée à la concurrence entre les fermiers, les profits généraux du capital se déterminent
entièrement sur les profits de la dernière portion du capital consacré à la production. Le taux
de profit réalisé sur la dernière terre mise en culture, s'impose aussi bien sur les terres les
moins fertiles, que sur les terres de bonne qualité. En conséquence, le taux de profit baisse
pour tous les fermiers ; ce qui autorise l'apparition d'un surplus sur les terres les plus fertiles,
qui du fait de la propriété privée de la terre se transforme en rente.
La rente n'apparaît donc pas dans la composition de la valeur du blé, dictée par les conditions
de production les plus mauvaises. En effet le prix naturel du blé est déterminé en fonction des
quantités de plus en plus grandes de travail et de capital sur les terres marginales ne payant
pas de rente ; cette dernière est absolument sans influence sur les prix. Ricardo déduit de cette
conception que c'est la cherté croissante du prix du blé qui fait monter la rente, et non
l'accroissement de la rente qui fait monter le prix du blé. « Le blé ne renchérit pas parce qu'on
paie une rente ; mais, au contraire, c'est parce que le blé est cher qu'on paie une rente ». A la
différence de Smith qui affirme que c'est la hausse de la rente qui conduit à la hausse du prix
naturel, Ricardo, lui, conclut que « la rente n'est une composante du prix. »
B- Les salaires
Pour Ricardo le travail est une marchandise. Et comme toute marchandise qui se vend et
s'achète, il a un prix naturel et un prix courant.
- Le prix naturel est « celui qui fournit aux ouvriers les moyens de subsister et de perpétuer
leur espèce sans accroissement ni diminution. » Il s'agit donc simplement du salaire de
subsistance. Les ressources de l'ouvrier, pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille,
dépendent de la quantité de subsistances et autres objets, qui, avec l'habitude sont devenus
nécessaires à l'entretien du travailleur et de sa famille. Le prix naturel du travail ou salaire
naturel n'est pas fixe. Il dépend du prix des biens qui entrent dans la consommation dans la

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consommation ouvrière et varie selon l'époque, les pays et en fonction des habitudes et des
progrès de la société.
- Le prix courant de travail ou salaire de marché est celui que perçoit réellement l'ouvrier. Il
est déterminé par l'offre et la demande de travail : Quand l'accumulation est soutenue et la
main d'œuvre est rare, le prix courant s'élève au-dessus du prix naturel, parce que l'offre de
bras est insuffisante relativement à la demande de bras. Par contre lorsque l'offre de bras
devient supérieure à la demande de bras, le prix courant baisse, et se situe au-dessous du prix
naturel de travail.
Pour expliquer les fluctuations du prix courant autour du prix naturel, Ricardo utilise le
principe de population de Malthus. Deux situations peuvent être distinguées :
-Si le prix courant est supérieur au prix naturel, les ouvriers connaissent une aisance et voient
leurs conditions de vie s'améliorer, ce qui les encourage à augmenter le nombre de leurs
enfants, ce qui se traduira par l'accroissement de la population. Mais l'augmentation de la
population travailleuse ramènera le prix courant au prix naturel.
-Si, inversement, le prix courant est inférieur au prix naturel, il y aura un appauvrissement de
la population et les ouvriers endurent des privations qui finissent par voir le nombre de leurs
enfants se réduire par des restrictions de naissances ou une forte mortalité infantile. Du coup
cela diminue l'offre de bras et partant pousse le salaire courant à converger vers son niveau
naturel.
C- Les profits
Ricardo, à l'instar des autres classiques, considère que la mobilité du capital conduit à une
égalisation des taux de profit dans les différentes activités où le capital est engagé. Du fait de
l'égalisation du taux de profit, l'observation de l'évolution dans un secteur permet de
connaître, par extrapolation, cette évolution pour l'ensemble de l'économie. Le secteur qui se
prête particulièrement à l'analyse est le secteur agricole. Ricardo définit les lois de l'évolution
du produit total, analyse les salaires et les rentes et montre que les profits apparaissent comme
un résidu. Le profit du fermier est présenté comme étant « le surplus du produit de la terre,
après que le propriétaire et les travailleurs sont payés ». Le profit est conçu comme un résidu,
c'est-à-dire, ce qui reste, une fois que les salaires et les autres frais que nécessite la production
ont été payés. Or sachant que la rente est nulle sur la terre marginale et inexistante dans
l'activité industrielle, la valeur ne se partage qu'entre salaires et profits, pour le blé de la terre
marginale et pour les produits industriels. En conséquence, si les salaires restent les mêmes,
les profits ne changeront pas. Par contre les profits seront en hausse ou en baisse selon la
baisse ou la hausse des salaires. Tout ce qui est susceptible d'accroître les salaires réduit donc
les profits. « Le salaire ne peut augmenter qu'au dépens du profit et vice versa » affirme
Ricardo.
Pour Ricardo les profits tendent naturellement à la baisse et le taux de profit (rapport de la
masse du profit à la valeur du capital) est voué selon lui à baisser à long terme.
L'explication qu'il fournit repose sur l'évolution du salaire naturel puisque selon lui « rien ne
peut affecter les profits, si ce n'est une hausse des salaires. » C'est donc la relation inverse
entre les salaires et les profits qui expliquent la baisse tendancielle du taux de profit.
Au cours du processus d'accumulation du capital, la population a tendance à augmenter.
L'accroissement de la population se traduit, à son tour, par un accroissement de la demande de
subsistance qui entraîne une augmentation des surfaces cultivées. Sont alors mises en culture
des terres de moins en moins fertiles ou moins bien localisées. L'exploitation de ces terres
exige de plus en plus de travail et une part croissante de la valeur produite pour son entretien.
Ainsi la part des salaires augmente dans la valeur produite, celle des profits diminue ; la
valeur du capital (par l'intermédiaire des salaires) augmente, la masse du profit diminue. Le
taux de profit baisse parce que la part de la valeur du produit disponible pour la rémunération
du travail augmente. La baisse du taux de profit n'est pas propre à l'agriculture, elle concerne
toutes les branches du fait de la hausse des salaires. Avec l'évolution de la société, le profit

19
finira par présenter une part de plus en plus réduite de la valeur des biens : Or, comme la
réalisation d'un profit : constitue la motivation principale de l'accumulation du capital,
condition préalable pour que la production puisse croître, sa réduction dissuadera les
capitalistes d'investir. L'accumulation de capital cessant par manque d'incitation, le stock de
capital existant se stabilisera et n'apportera aucun profit, le volume de l'emploi stagnera car
aucun travail additionnel ne sera demandé, la population cessera de croître et les salaires en
viendront à leur niveau de subsistances. On aboutira alors à un état stationnaire, situation
caractérisée par l'absence de croissance consécutive à un arrêt de : l'accumulation.
L'arrêt de l'accumulation signifie non seulement l'arrêt de la croissance économique, mais
encore celui de la croissance démographique car l'accroissement de la population est limité à
long terme par le volume de subsistances disponibles et le volume constant de la production.
Le système ne pourra plus poursuivre dans la voie du progrès et de l'accumulation, et se
stabilisera. Ce sera une situation stable dans laquelle les différentes variables économiques et
sociales (production, consommation, revenus, population...) se reproduiront à l'identique. La
stagnation et l'état stationnaire qui menacent peuvent être retardés par le progrès technique qui
perfectionne les machines, l'innovation dans le domaine agronomique et l'ouverture des
frontières pour importer du blé moins cher.
Section III la théorie du commerce international
Généralisant le modèle d'Adam Smith, D. Ricardo propose une justification du libre-échange
reposant sur la théorie des avantages comparatifs. Selon cette théorie, même si un pays est
moins performant que les autres dans tous les secteurs, il a intérêt à se spécialiser dans les
produits pour lesquels il est le plus avantagé ou le moins désavantagé. Même en l'absence
davantage absolu, un pays, précise Ricardo, peut se spécialiser dans la production d'un bien
dès lors qu'il possède un avantage comparatif. C'est ce qu'il explique en prenant l'exemple
devenu célèbre de la production de drap et de vin par deux pays, le Portugal et l'Angleterre
Les coûts de production exprimés en quantités de travail nécessaire à la production des deux
produits sont donnés dans le tableau suivant :
Pays Angleterre Portugal
Vin 120 80
Drap 100 90
Dans cet exemple numérique, le Portugal dispose d'un avantage absolu et l'Angleterre d'un
désavantage absolu en termes de coûts de production dans les deux secteurs. Si l'on s'en tenait
à l'analyse d'A. Smith, le Portugal produirait et exporterait à la fois du drap et du vin, et
l'Angleterre se contenterait d'importer ces deux biens. Par conséquent les facteurs de
production, les industries et les capitaux seront transférés au Portugal. Mais puisque les
facteurs de production sont : immobiles entre nations, la spécialisation devient, selon Ricardo,
recommandable.
Vin Drap Coûts comparatifs
Drap / Vin Vin / Drap
Portugal 80 90 90/80=1.125 80/90=0.88
Angleterre 120 100 100/120=0.83 120/100=1.2
A la vue de ces nouvelles données, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production
pour laquelle il dispose d'un avantage relatif et importer l'autre produit. Ainsi l'intérêt de
l'Angleterre est d'importer du vin et d'exporter en contrepartie du drap, tandis que le Portugal
gagnerait à exporter du vin et à importer du drap. Cette spécialisation se fait en fonction du
différentiel de coûts de production, c'est-à-dire en comparant les coûts relatifs des deux
produits dans chaque pays. Ainsi, en Angleterre le coût relatif du vin en termes de drap est de
120 /100.c'est dire 1.2, alors qu'au. Portugal il est de 80/90 soit 0.88: L'Angleterre n'a aucun
avantage à produire du vin parce qu'elle doit renoncer à la production de 12 unité de drap pour
pouvoir produire pouvoir produire une unité de vin. Elle a donc intérêt à importer du Portugal

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si elle peut le payer en termes de drap, à un prix inférieur à 1.2. Le Portugal lui est
désavantagé dans la production du drap. Pour produire une unité de drap il doit renoncer à la
production de 90/80.soit 1.125 Il a tout à gagner d'importer du drap de l'Angleterre s'il peut le
payer en termes de vin exporté à un prix inférieur 90/80 unité de vin par unité de drap.
Chacun des deux pays a donc intérêt à se spécialiser sur la base de l'avantage relatif. Les deux
pays gagneront à l'échange dès lors que le rapport de l'échange international (REI) se situe
entre les coûts relatifs de chaque pays.
L'analyse des coûts comparatifs de Ricardo marque l'apparition incontestée du concept du
libre-échange dans le commerce international. Elle démontre l'intérêt de l'ouverture des
frontières et de la libéralisation des échanges extérieurs, puisqu'elle incite les pays à exporter
les biens pour la production lesquels ; ils disposent d'un avantage relatif et importer ceux
qu'ils produisent dans des conditions défavorables.
En proposant sa théorie, Ricardo montre que le libre échange est bénéfique à chaque nation
qui y participe, ce qui va à l'encontre de la conception mercantiliste qui considérait que le
commerce est un jeu à somme nulle.

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Chapitre IV : Jean Baptiste Say (1767-1832)
« Traité d'économie politique » (1803)
« Catéchisme d'économie politique » (1815)
.

En France l'école classique sera moins féconde que l'école anglaise mais aura son représentant
emblématique : J. B Say : Il est le vulgarisateur des thèses d'A. Smith sur un certain nombre
de points il se démarque de son maître. Il préconise la plus grande liberté d'entreprendre sans
entraves réglementaires, défend le libre-échange, et croit en les vertus de la concurrence et de
l'économie de marché, capable selon lui de réaliser le bien-être et éviter les crises.
J.B Say a écrit de nombreux ouvrages. Parmi ses écrits les plus connus on peut citer « Traité
d'économie politique » et « catéchisme d'économie politique » publiés respectivement en
1803 et 1815. L'auteur y aborde la plupart des thèmes étudiés par les classiques. De ses
nombreuses contributions, on retiendra principalement, la production et la valeur ; le rôle de
l'entrepreneur et la loi des débouchés.
Section I : la production et la valeur
A- Produire c'est créer de l'utilité
Say accorde une grande importance à la production. Celle-ci « n'est point une création de
matière, mais une création de richesse ». Il considère que la fabrication matérielle d'un objet
ne constitue pas en elle-même une création de richesse. La quantité de matières disponibles
dans un pays ne se trouve pas augmentée par cette fabrication. Ces matières ont seulement
subi une transformation qui les rend propres à un usage déterminé. Ce qui augmente en
revanche c'est l'utilité qu'avaient ces matières. « Certes, le drap transformé en chemises n'a
pas accru sa dimension, mais il est plus utile en habit qu'en coupon de tissu. » L'activité
productive ne crée pas de matière, elle ne fait que la transformer. Ce qui crée véritablement la
richesse c'est l'utilité. Celle-ci étant « la faculté qu'ont les choses de pouvoir satisfaire aux
besoins des hommes ». Produire pour Say, c'est donc créer de l'utilité, car la fabrication d'un
objet inutile que personne ne voudrait acquérir ne saurait être assimilée à une production de
richesse.
B- L’utilité, source de la valeur
Say considère que « le premier fondement de la valeur est l'utilité. » La valeur est selon lui
liée à l'utilité et celle-ci à la satisfaction des besoins. Si les hommes attachent une certaine
valeur à un objet c'est parce que celui-ci a la propriété de satisfaire un besoin, ce en quoi
consiste l'utilité. La valeur d'un bien est donc mesurée par l'utilité de ce bien. Say estime que
l'individu compare l'importance du sacrifice nécessaire pour se procurer un bien économique
avec la satisfaction qu'il en tire. Il développe ainsi une conception subjective de la valeur. De
cette conception il résulte une nouvelle définition de la production. Celle-ci n'est plus limitée
à la création de biens matériels (comme le faisait Smith), mais concerne aussi la création de
produits immatériels. Ainsi le commerce et les services sont considérés également productifs,
car ils procurent de l'utilité et créent de la valeur tout comme l'agriculture et de l'industrie.
Leurs produits sont tout autant utiles et nécessaires que ceux des autres secteurs. Ils ne se
distinguent des produits matériels que par le fait qu'ils ne peuvent pas être accumulés.

Section II : le rôle de l'entrepreneur


A- Distinction entre capitaliste et entrepreneur
A l'inverse des économistes anglais, Say distingue nettement l'entrepreneur du capitaliste et
lui confère un rôle essentiel. Il définit l'entrepreneur comme « celui qui entreprend de créer
pour son propre compte, à son profit et à ses risques, un produit quelconque. » Le capitaliste,
quant à lui est le propriétaire d'un capital ou d'un fonds de terre qu'il peut prêter à celui qui en
besoin pour produire. Les entrepreneurs existent aussi bien dans l'agriculture que dans
l'industrie ou le commerce. L'agriculteur, le manufacturier ou le commerçant sont des

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hommes d'expérience qui organisent la production en mettant en œuvre les moyens productifs
matériaux et humains afin de créer des produits ou procédés nouveaux. Ils jouent un rôle
essentiel dans la production et dans la répartition.
Le rôle de l'entrepreneur dans la production consiste à juger des « besoins et des moyens » de
les satisfaire, en combinant les services productifs (services productifs naturels, services
productifs de capitaux, travail, etc.) et en profitant des connaissances et des compétences
intervenant dans son entreprise. Il remplit aussi une fonction essentielle dans la répartition des
revenus. C'est lui qui rémunère les différents services productifs qui ont concouru à la
production. Il constitue ainsi le lien entre marché des produits et marché des facteurs de
production c'est-à-dire entre production et réparation. Il joue enfin un rôle d'intermédiaire
entre les consommateurs et les différents et les agents travaillant dans son entreprise.
B- Le profit et l'intérêt
De la distinction du capitaliste et de l'entrepreneur, Say tire une conception du profit qui lui
est propre. Les profits sont constitués, selon lui de deux composantes. Une part, le profit de
l'entrepreneur correspond au revenu que celui-ci obtient de son industrie. Il dépend des
capitaux nécessaires, des capacités requises et des risques encourus. Le profit de
l'entrepreneur est variable et incertain car il est difficile de connaître par avance, l'état des
besoins et les prix des produits permettant de les satisfaire. La variabilité des profits faits que
certains entrepreneurs seront rémunérés par des profits élevés tan disque d'autres finiront par
se ruiner. Une autre part est constituée par les profits du capital que l'entrepreneur n'apporte
généralement pas dans son intégralité. Lorsque le capital est prêté à d'autres pour le faire
valoir, il donne lieu à un revenu, l'intérêt qui est conçu comme un dérivé du profit et dont la
valeur est connue et le montant fixe.

Section III : la loi des débouchés.


La loi des débouchés formulée par J.B. Say dans le « Traité d'économie politique » connaîtra
un succès remarquable. Elle contribuera à la célébrité de l'auteur, et donnera lieu à de
nombreux débats et controverses entre les économistes.
A- Le contenu de la loi
La loi des débouchés dans sa version originale énonce que c'est la production qui ouvre des
débouchés aux produits. » L'ambition de la loi est d'expliquer que les produits s'échangent
contre les produits. L'homme qui crée un produit doit pouvoir trouver en face de lui d'autres
hommes qui auront les moyens de l'acheter. Ces moyens consistent en d'autres produits
résultant de leur production. On résume parfois cette thèse en affirmant que l'offre crée sa
propre demande. Le raisonnement qui la soutient repose sur une conception particulière de la
monnaie. Celle-ci considérée, comme simple véhicule d'échange, n'est pas demandée pour
elle-même, mais pour les produits qu'elle permet d'acheter. N'étant qu'un simple intermédiaire
des échanges, elle ne joue donc pas un rôle essentiel et les produits s'échangent contre les
produits. C'est pourquoi, nous dit Say, dès qu'un individu a vendu un produit, il cherche à
recevoir la monnaie en contrepartie de l'objet vendu. Mais si l'acquéreur peut le payer en
monnaie, c'est parce qu'il a lui-même vendu des produits. Pour acheter il faut donc produire,
et la monnaie n'est donc désirée que par ce qu'elle permet d'obtenir des biens et des services. «
L'argent ne remplit qu'un office passager dans ce double échange, et, les échanges terminés, il
se trouve toujours qu'on a payé des produits avec des produits. »
L'idée de base de la loi de Say (ou des débouchés) est que la valeur de tout produit est aussitôt
transformée en revenus pour ceux qui l'ont créé. On payera des revenus (salaire, profits etc.)
Et cet argent qui circule sera automatiquement dépensé. Ainsi la valeur de la production totale
sera égale à la valeur totale des revenus distribués, qui, elle-même provoquera autant de
dépenses (en biens de consommations et en biens de production). Bref, tout ce qui est produit
sera acheté, car un pouvoir d'achat a été distribué.

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Puisque la production se transforme en revenus qui eux-mêmes se transforment en demande,
il ne peut exister de déséquilibre global entre l'offre et la demande. La loi de Say conduit donc
à considérer que dans les conditions de concurrence, il ne peut y avoir de crise générale et
durable de surproduction. Si certains produits trouvent parfois difficilement acheteurs, ce qui
donne lieu à des déséquilibres sectoriels, c'est parce que d'autres productions ont été
insuffisantes. « Certains produits surabondant, parce que d'autres sont venus à manquer ».
Autrement dit, si on a moins acheté, c'est parce qu'on a moins gagné, et si on a moins gagné,
c'est parce qu’on n’a pas suffisamment produit. Ces déséquilibres partiels sont supposés être
résorbés par le mécanisme des prix qui jouent comme des signaux et par la mobilité des
facteurs de production- (travail et capital) - qui assurera les ajustements de production
adéquats.

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