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Clic Musique 

! ClicMag n° 92
Votre disquaire classique, jazz, world Avril 2021

ClicMag

FRANÇOIS DUMONT
...sculpte Fauré

©©Concerto
©Jean-Baptiste
Francesc
Winderstein
Masriera
Millot

Retrouvez les 25 000 références de notre catalogue sur www.clicmusique.com !


Sélection Acte Préalable

Cyprian Bazylik : Intégrale de René de Boisdeffre : Œuvres pour René de Boisdeffre : Œuvres pour Joanna Bruzdowicz : Lella, oratorio Franciszek Brzezinski : Intégrale de Ignacy Feliks Dobrzynski : Musique
l'œuvre, mélodies de la Renais- violoncelle et piano hautbois et piano profane l'œuvre pour piano de chambre avec piano
sance polonaise Luca Fiorentini; Jakub Tchorzewski Musiciens divers Liliana Gorska; Aline Rico; Osmose; Barbara Pakura, piano Ensemble Les Explorateurs
Ars Nova; Cantilena; Ensemble Subtilior NeoQuartet
AP0325 - 1 CD Acte Préalable AP0418 - 1 CD Acte Préalable AP0445 - 1 CD Acte Préalable AP0367 - 1 CD Acte Préalable AP0267 - 1 CD Acte Préalable AP0279 - 1 CD Acte Préalable

T. Dubois : Œuvres pour piano, F. Fourdrain : Mélodies Wojciech Gawronski : Œuvres pour Joachim Kaczkowski : Concertos Gabriel Kaczmarek : Msza 1050 Jan Baptysta Kleczynski : Trios à
vol. 1 Liliana Górska, mezzo-soprano; Piotr alto et piano pour violon n° 1 et 2 (1050ème anniversaire des début du cordes, op. 4 n° 3, 4 et 5
Artur Cimirro, piano Ejsmont, piano Marcin Murawski; Anna Starzec-Ma- Agnieszka Marucha; Wojciech Rodek Christianisme en Pologne) Trio Alegrija
kandasis Cheung Chau, direction
AP0431 - 1 CD Acte Préalable AP0323 - 1 CD Acte Préalable AP0420 - 1 CD Acte Préalable AP0470 - 1 CD Acte Préalable AP0364 - 1 CD Acte Préalable AP0265 - 1 CD Acte Préalable

Raul Koczalski : Concertos pour Stanislaw Moniuszko : Mélodies Zygmunt Noskowski : Œuvres pour Feliks Nowowiejski : Concertos et Michał Kleofas Oginski : 24 Józef Poniatowski : Messe en fa
violon et violoncelle pour baryton et piano piano, vol. 4 autres œuvres pour orgue Polonaises majeur
Agnieszka Marucha; Lukasz Tudzierz; Leszek Skrla; Anna Mikolon Anna Liszewska, piano; Anna Mikolon, Stanislaw Diwiszek, orgue Załuski Iwo, piano Solistes; Chœur de l'Académie de Gdansk;
Wojciech Rodek piano AP0408/09 - 2 CD Acte Préalable Przemyslaw Stanislawski
AP0504 - 1 CD Acte Préalable AP0435 - 1 CD Acte Préalable AP0415 - 1 CD Acte Préalable AP0177 - 1 CD Acte Préalable AP0356 - 1 CD Acte Préalable

Emile Pierre Ratez : Œuvres pour Emile Pierre Ratez : Exhibition, vol. Ludomir Rózycki : Musique de Philipp Scharwenka : Œuvres pour Apolinary Szeluto : Mélodies A. Tansman : Enfants au jeu;
alto et piano 2. Musique de chambre chambre avec piano violon et piano Aleksandra Kaminska, mezzo-soprano; Recréations; Piano in progress;
Marcin Murawski; Hanna Holeska Ewa Murawska, flûte; Marcin Murawski, Jerzy Godziszewski; Quatuor Wilanów Oriana Masternak; Slawomir Cierpik Laura Sobolewska, piano Pièces faciles
alto; Hanna Holeska, piano Elzbieta Tyszecka, piano
AP0358 - 1 CD Acte Préalable AP0366 - 1 CD Acte Préalable AP0253 - 1 CD Acte Préalable AP0395 - 1 CD Acte Préalable AP0338 - 1 CD Acte Préalable AP0270 - 1 CD Acte Préalable

A. Tansman : Mélodies pour voix A. Tansman : Musique pour piano Alexandre Tansman : Œuvres pour Juliusz Wertheim : Mélodies J. Wieniawski : L'Œuvre vocale Joseph Wieniawski : Quatuor; Grand
et piano Elzbieta Tyszecka, piano piano à 4 mains Krzysztof Bobrzecki; Anna Mikolon Chœur de l'Académie des Arts de Szcze- Duo pour violon et piano; Sonate
Małgorzata Woltmann-Zebrowska; Barbara E. Tyszecka; A. Lasko; M. Piechnat cin; Barbara Halec pour violoncelle; Pensée fugitive
Dmochowska Musiciens divers
AP0276 - 1 CD Acte Préalable AP0326 - 1 CD Acte Préalable AP0447 - 1 CD Acte Préalable AP0462 - 1 CD Acte Préalable AP0410 - 1 CD Acte Préalable AP0468 - 1 CD Acte Préalable

Joseph Wieniawski : Trio pour Wladyslaw Zelenski : Œuvres Wladyslaw Zelenski : Œuvres Wladyslaw Zelenski : Mélodies O.M. Zukowski : Opera Omnia O.M. Zukowski : Opera Omnia
piano; Sonates pour violon et piano chorales profanes chorales sacrées Wiktoria Zawistowska, mezzo-soprano; Religiosa, vol. 2 Religiosa, vol. 1
Musiciens divers Musiciens divers Chœur Trybunału Koronnego w Lublinie; Marta Trybulec, soprano; Witold Wrona, Katarzyna Dondalska; Ewa Wolak; Paweł Dondalska; Marciniec; Kusiewicz; Kaczo-
Przemyslaw Stanislawski ténor; Elzbieta Konopzak, piano Pecuszok; Robert Kaczorowski; Ewa Rytel rowski; Rytel; Art'n'Voices
AP0469 - 1 CD Acte Préalable AP0363 - 1 CD Acte Préalable AP0374 - 1 CD Acte Préalable AP0384 - 1 CD Acte Préalable AP0343 - 1 CD Acte Préalable AP0288 - 1 CD Acte Préalable

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En couverture / Musique contemporaine
précipices, le pianiste citant en préam-
bule à ses passionnantes notes l’envoi
de Camille Saint-Saëns, toujours si fin
juge, à son ami : "Des accords savou-
reux, inouïs, téméraires, Semant un
vague effroi Apportant un écho des
surhumaines sphères Inconnus avant
toi." L’ardeur de ce clavier, la folie des
emballements, les appassionatos fan- L. van Beethoven : Intégrale des
Harrison Birtwistle (1934-) tasques des sections des Deuxième trios pour piano
L. Le Flécher, V. Constant, F. Dumont
Gawain, opéra en 2 actes et Cinquième Nocturnes, la musique
BRIL96148 - 5 CD Brilliant Classics
Marie Angel; Anne Howells; François Le Roux; d’elfe, les inventions irréelles des pages
John Tomlinson; Chœur et Orchestre du ROH; médianes des Sixième et Septième
Elgar Howarth, direction Nocturnes (fascinant de comparer dans
Gabriel Fauré (1845-1924) celui-ci la proposition de Dumont et le
NMCD200 • 2 CD NMC
Intégrale des nocturnes pour piano rouleau que nous en a laissé Fauré),
I l fallait le souffle symphonique d’Har-
rison Birtwisle pour relever le défi de
mettre en musique ce conte noir tiré de
François Dumont, piano (Piano Gaveau, 1922)
PCL10186 • 1 CD Piano Classics
les rubans en apesanteurs dénoués et
renoués du magique Huitième Noc-

P rès d’un demi-siècle de musique turne, l’élégie comme voilée d’un crêpe
la saga arthurienne. A la cour d’Arthur pour Noémie Lalo qui fait du Onzième
passe dans ses treize opus, le ton
un chevalier propose à qui le veut de lui Nocturne un Tombeau dans une lignée
aventureux, les harmonies dorées,
trancher la tète à condition qu’il subisse toute française, montrent déjà dans le F. Liszt : Wagner Transcriptions.
l’allant de barcarolle (4e), des premiers
lui-même le supplice une année et un jeu si présent de François Dumont, les Extraits d'opéras.
laissant peu à peu un abîme s’ouvrir François Dumont, piano
jour plus tard. Gauvain relève le gant. jusqu’à l’autre monde des deux ultimes vertiges noires, la violence sourde, les PCL0073 - 1 CD Piano Classics
Décapité, le chevalier repart avec sa Nocturnes, syntaxe abstraite où la sur- traits définitifs des deux ultimes opus,
tète en rappelant le serment. Gauvain dité produit un nouveau monde sonore, un autre monde, et alors parmi ce qui
entreprendra un voyage initiatique sous celui d’une oreille de l’âme, Fauré s’écrivait de plus radical pour le piano.
l’influence de Morgane – c’est elle qui rejoignant Beethoven. Charnu, intense, L’éloquence noire du Gaveau, son grain
a introduit le Chevalier à Camelot – et aux registres immédiats, ce Gaveau âpre, ses basses d’orgue, c’est la nuit ul-
de retour au château royal réalisera qu’il sans apprêt est d’une beauté sauvage, time, la mort elle-même, il faut entendre
n’appartient plus au cercle des Cheva- et fait mentir l’idée d’un Fauré jouant comment François Dumont saisi cet
liers. Morgane a accompli son œuvre, du piano de salon, c’est toute l’âpreté univers pétri d’absolu, allant aussi loin
l’unité de la cour d’Arthur est défaite. magnifique de sa langue qui éclate ici, dans le Si mineur que jadis Albert Fer-
Opéra noir, enténébré dans une nuit tant de présence qu’on peut toucher les ber, vacillant le texte, puis le saisissant
M. Ravel : Intégrale de l'œuvre pour
constante, d’une tension incessante, et notes, s’enivrer des harmonies, Fran- dans une ultime profération. Le disque piano seul
il faut bien l’avouer fascinant. Birtwisle çois Dumont sculptant à pleine pâte à peine tût, je reviens a son début. François Dumont, piano
y écrit un orchestre fuligineux, contraint ces nuits gorgées d’étoiles, lacérées de (Jean-Charles Hoffelé) PCLD0055 - 2 CD Piano Classics
ses chanteurs à un parlando diabolique,
et l’œuvre s’écoute sans relâche, atelier cor français; "Nine by Five", pour quatuor Swiss Chamber Soloists consacré au
d’un merveilleux de magie noire qui à vent; Premier mouvement de la Sonatine
plus européen des compositeurs amé-
prends le pas sur la parabole. L’éditeur pour hautbois et clavecin
publie l’écho de la reprise à Covent Sarah Wegener, soprano; Felix Renggli, flûte; Heinz
ricains. Ce portrait éclectique d’Elliott
Garden en 1994 – Salzbourg verra l’ou- Holliger, hautbois; François Benda, clarinette; Carter (1908-2012) rassemble autour
vrage en 2013 preuve que sa dramatur- Sergio Pires, clarinette; Olivier Darbellay, cor; de cette pièce pour soprane seule, la
gie comme sa musique se sont impo- Diego Chenna, basson; Irene Abrigo, violon; Jürg
série des Huit Etudes et une Fantaisie
sées – alors que Marie Angel incarnait Dähler, alto; Daniel Haefliger, violoncelle; Peter
Solomon, clavecin pour Quatuor à Vents, un des piliers de
une Morgane vampirique à souhait et
GEN21731 • 1 CD Genuin sa musique, chacune abordant un pro-
François Le Roux un Gawain rongé par Elliott Carter (1908-2012)
blème compositionnel spécifique, ainsi
le doute, confronté à une constante re-
mise en question. Œuvre clef de l’opéra
britannique contemporain, à découvrir.
Huit études et une fantaisie pour quatuor
à vent; "La Musique", pour voix seule; Trio C ourt hommage écrit à l’occasion du
150ème anniversaire de la publica-
tion des Fleurs du Mal de Baudelaire, La
que la très belle suite de neuf courts
à cordes; Poème de Louis Zukofsky pour Poèmes de Louis Zukofsky pour Cla-
(Jean-Charles Hoffelé) clarinette et soprano; "Retracing II", pour Musique donne son nom à ce disque du rinette et Soprano – lui-même ancien
ténor de chœur, Carter sait y faire en
BRIL95463 • 1 CD Brilliant Classics issus d'un post-romantisme anglais matière de voix humaine. Dans le Trio
Sélection ClicMag ! nourri d'airs populaires et de la tradition
U ne révélation ! La musique de cette à Cordes, l’alto, à la voix plus sombre,
compositrice encore largement tchèque liée aux danses villageoises prend le dessus sur le violon et le vio-
ignorée s'avère attachante, inven- que Mucha s'était appropriée avec une
aisance stupéfiante (quatuors). Des loncelle, tandis que Retracing II, pour
tive et... nécessaire. D'ascendance
traits renvoyant aussi bien à Bartok qu'à cor français, s’inscrit, à la manière
écossaise, elle développa très tôt ses
Prokofiev (Naše cesta), évoquant le des autres Retracing, qui fonctionnent
talents, conseillée par l'influent Arnold
raffinement ravélien ou le mordoré des comme des quasi-transcriptions
Bax. Mariée en 1942 à un Tchèque
cuivres chez Britten — quelle poésie
correspondant de guerre à Londres et d’œuvres antérieures, dans les pas de la
dans l'incroyable gamme de veloutés
fils d'un peintre de l'Art Nouveau, elle partie pour cor du Quintet pour Piano et
que suscite ici l’écriture dans l'admi-
suivit, après l'armistice, son époux à rable quintette à vents — se fondent, Vents de 1991. L’idée originale de Nine
Geraldine Mucha (1917-2012) Prague. Les avatars du communisme portés par un flux sans heurt, où l'effet, By Five est de coupler chaque instru-
Quatuors à cordes n° 1 et 2; Pièces pour
déterminèrent la vie du couple : persé- l'éclat démonstratif, l'emportement
cution ouverte puis relative tolérance, ment (à l’exception du cor) avec un autre
piano; "Our Journey", pour flûte et piano; n'ont pas leur place. Pas de patchwork
Quintette à vent; "Epitaphe à la mémoire de durcissement avec l'invasion soviétique (le hautbois avec le cor anglais, la flûte
ici, les coutures sont invisibles, diffé-
Jiri Mucha", pour hautbois, flûte et quatuor de 1968, d'où l'installation en Angle- renciation nuance, contrastes s'opèrent avec le piccolo…), élargissant ainsi la
à cordes terre jusqu'à l'effondrement du système palette des formes et des timbres de ce
presque insensiblement, figures d'une
Patricia Goodson, piano; Jan Machat, flûte; Vilém en 1989. Les œuvres réunies ici s'éche- syntaxe méticuleuse, sûre et sereine,
Veverka, hautbois; Alena Grillova, piano; Stamic
quintette à vents. Enfin, la Sonatine pour
lonnent de 1944 à 2008 mais on est fruits d'un délicat travail d'orfèvre. Tout
Quartet [Jindrich Pazdera, violon; Josef Kekula, Hautbois et Clavecin, inachevée et à
frappé dès les premières par la singu- est mû par une palpitation qui vient du
violon; Jan Peruska, alto; Petr Hejny, violoncelle]; l’élégance typique des débuts de Carter,
Prague Wind Quintet [Jan Machat, flûte; Jurij lière capacité de synthèse de l'écriture : dedans, plutôt que par un souffle. De
Likin, hautbois; Vlastimil Mares, clarinette; Milos en une trame serrée et minutieusement là le style prenant de cette musique. est enregistrée ici pour la première fois.
Wichterle, basson; Jan Voboril, cor français] construite sont intégrés des éléments (Bertrand Abraham) (Bernard Vincken)

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Contemporain / Alphabétique

Sélection ClicMag ! A l'écoute de ces deux volumes des


Suites pour Violoncelle de Bach
transcrites pour guitare par le violoncel-
hauts risques que l'interprète a choisi
pour son premier disque se révèle au
fil de l'écoute une réussite même si la
liste croate Valter Despalj, on pourrait mayonnaise retombe parfois au gré de
introduire cette chronique par cet inci- la dynamique des mouvements lorsque
pit : Petrit Ceku "Le guitariste aux doigt l'on vient à chercher une autre qualité de
de fée". Car pour démêler l’inextricable
timbre, un autre registre d'expression.
et complexe écriture de ces partitions
Peut-être eut-il fallu changer l'instru-
destinées au violoncelle, il faut aller
ment (non précisé dans la notice) pour
chercher au bout de ces dix doigts des Johann Sebastian Bach (1685-1750)
trésors d'articulation, de vocalité et la caractériser au mieux chaque Suite ? Si
Sinfonias des Cantates, BWV 12, 35, 49,
conscience quasi intuitive de la grande l'on salue avec véhémence la prestation
52, 146, 156, 169, 174, 188
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
forme. Le jeune guitariste kosovar Petrit de l'interprète, la prise de son exem-
Takashi Watanabe, orgue; Ensemble Cordia;
Suites pour violoncelle n° 1-6 (transcrip- Ceku né en 1985 possède indéniable- plaire de clarté due au format SACD Stefano Vegetti, direction
tions pour guitare) ment ces qualités et son interprétation contribue elle aussi à l’intérêt de cette
Petrit Çeku, guitare
BRIL96218 • 1 CD Brilliant Classics
ne démérite jamais l'écoute continue. première tentative au disque. A suivre.
EUD1602 • 2 SACD Eudora Ce programme de transcriptions à (Jérôme Angouillant)
E ntre 1726 et 1729, Bach reprend
à Leipzig son style des cantates de
Weimar : pas de chœurs introductifs,
Intégrale de l'œuvre pour guitare qu'elles soient celles des pays ou celles mais des sinfonias. En les réunissant,
Flavio Nati, guitare des genres musicaux. A preuve ce nou- ce disque offre à qui connaît son Bach
STR37150 • 1 CD Stradivarius vel album de ses musiques devenues l’occasion de s’extasier sur son talent

P remier compositeur japonais voué


à une reconnaissance internatio-
nale, initiée notamment par l’intérêt
si familières. Avec un talent plein de
délicatesse poétique, le guitariste grec
formidable pour faire du neuf avec du
vieux : elles proviennent en effet pour
la plupart (BWV 35, 49, 146, 156, 169,
George Tossikian joue avec un vrai
que porte Stravinsky à son Requiem bonheur les œuvres brèves du com- 188) de concertos perdus (pour violon,
pour Orchestre à Cordes de 1957, flûte ou hautbois) arrangés d’abord en
positeur fraîchement cinquantenaire.
Toru Takemitsu (1930-1996) se forme concertos pour clavecin (BWV 1052,
Patrick Ozzard-Low (1958-) essentiellement seul, très à l’écoute Les transcriptions qu'il nous propose
1053, 1056 et 1059) avant de passer
Sonate pour piano n° 2; Sonate pour alto des expériences sérielles, concrètes, élargissent le monde de Tiersen, ou
"In Opposition" [alpha; beta; gamma; delta; à l’orgue. D’autres (BWV 52 et 174)
électroniques, du renouveau de la plutôt le prolonge en respectant son
epsilon; zeta] empruntent les premiers mouvements
musique occidentale qu’il découvre à goût de l’ellipse, d'un certain mini- des Concertos Brandebourgeois 1 et 3
Andrew Zolinsky, piano; Elisabeth Smalt, alto
la radio, n’intégrant son intérêt pour les malisme tendre et ironique, son talent
0015067KAI • 1 CD Kairos en les enrichissant. S’y ajoute une seule
musiques traditionnelles japonaises et pour les mélodies qui semblent autant sinfonia originale, celle de la célèbre
L a plus grande partie de son œuvre,
Patrick Ozzard-Low la consacre au
piano : il s’inspire d’abord de l’écri-
asiatiques en général qu’après sa ren-
contre avec John Cage, en 1964. Les
œuvres pour guitare interprétées ici
d'évidences improbables qui campent
un climat qui lui est propre. On pourra
"Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen" BWV
12… composée justement à Weimar.
ture de Jean Barraqué - il la découvre par Flavio Nati datent de la troisième toujours chercher des sources à cet art Dans les œuvres avec orgue Taka-
"sauvage, belle, essoufflée, exaltée, période du compositeur, celle de la (Satie par exemple), mais cela pourra shi Watanabe déploie des guirlandes
sans peur…" -, avant de s’intéresser maturité, de la transparence, de la "mer paraître assez vain. Après le piano de fluides qui emportent l’adhésion, et sa
à la microtonalité, puis de la délaisser de tonalité" comme il aimait à la nom- Jeroen Van Veen (également paru chez prestation au clavecin dans les autres
petit à petit pour une esthétique plus mer, à l’esthétique évoquant Debussy ne passe pas inaperçue malgré la mo-
Brilliant), on se laissera surtout aller au
mélodique et tonale, tout en conservant ou Ravel, bien plus que ses anciennes destie de sa partie. L’Ensemble Cordia
plaisir des histoires que racontent ces
un intérêt particulier pour les compo- incursions avant-gardistes, mais dotée au contraire me paraît défavorisé par
musiques et où la réunion des deux
santes spectrales. S’il compose depuis d’une sorte de seconde peau, un supra- une prise de son qui le fait sonner
1976, nombre de ses pièces substan- derme profondément japonais, au par- talents, celui du compositeur et celui gras et compact alors qu’on ressent
tielles demeurent inachevées - en tout fum de philosophie Zen et d’amour de de l'arrangeur-interpète, semble ce sou- son dynamisme et sa maîtrise tech-
cas toujours sujettes à réajustements, la nature. C’est doux, agréable, sans venir des vers de García Lorca où six nique : petite frustration qui n’enlève
évolutions, remaniements. Ozzard-Low aspérité, mais aussi presque sans cordes, six demoiselles, trois de chair rien au plaisir de traquer les différences
voit sa Sonate pour piano n°2, dédiée contour quand, dans les Douze Chan- et trois d'argent, dansent avec les rêves. entre avatars d’œuvres bien connues.
à son professeur Bill Hopkins, comme sons pour guitare, Takemitsu parcourt (Marc Ossorguine) (Olivier Eterradossi)
un point culminant, voire un tournant les fondamentaux de la mémoire popu-
dans sa façon de composer : entendre laire, visite éclectique de l’inconscient
jouer sa partie 5 lors de la première de collectif du Summertime de Gershwin plesse de toucher et de discours. Les
2007 l’incite à explorer plus encore la au Hey Jude de Lennon et McCartney. Sélection ClicMag ! danses prennent ainsi toute leur ampleur
tonalité - ce mouvement, particulière- (Bernard Vincken) et Gavottes et Gigues fuguées enflent et
ment attachant, adopte une résolution s'envolent comme des ballons. Profitant
tonale sans pour autant se soumettre à de la légère réverbération de l'instru-
un status quo. In Opposition est une de ment, une très belle copie de Blanchet
ces pièces qui ont résisté au point final : (1730), cette lecture savante, aérienne
conçue en 1988 et retravaillée jusqu’en et voluptueuse aux tempi parfaitement
2007, cette sonate pour violon est jouée choisis (à part quelques Courantes un
pour la première fois en 2015 et doit son peu ou volontairement précipitées) ne
titre à l’invocation, par un instrument souffre d'aucune scorie, gageure sur
solitaire, d’opposés extrêmes sans syn- le parcours difficultueux des Six Suites
thèse ni résolution - un conflit insoluble. Johann Sebastian Bach (1685-1750) mais pour celui qui grava pratiquement
(Bernard Vincken) Yann Tiersen (1970-) Suites anglaises n° 1-6 l'essentiel du clavier de Bach et connaît
Pieter-Jan Belder, clavecin l’œuvre de ce dernier sur le bout des
La Valse des Monstres; La Plage; La Valse
d'Amélie; Comptine d'un autre été, l'après BRIL96060 • 2 CD Brilliant Classics doigts, il s'effectue haut la main. Jan

T
midi; Le Banquet; La Dispute; A Quai; el un archéologue chevronné creu- Belder fort de son abondant catalogue
Comptine d'été n° 1; Comptine d'été n° 2; sant inlassablement une terre battue baroque et de cette expérience d'inter-
Sur le Fil; (Transcriptions pour guitare de prète ne lâche rien (Tactus inflexible),
et rebattue, le claveciniste Pieter Jan
G. Tossikian)
Belder poursuit son exploration des s'autorisant même des ornementations
George Tossikian, guitare
œuvres du Cantor avec ces Six Suites abracadabrantes mais si intriquées
BRIL96124 • 1 CD Brilliant Classics Anglaises BWV 806-811. Dès les Pré- dans le discours qu'elles en deviennent

Toru Takemitsu (1930-1996)


D epuis le phénoménal succès d'Amé-
lie Poulain, la musique de Yann Tier-
sen continue de franchir les frontières,
ludes le claveciniste prend ses aises.
Aucune rigidité ni contrainte dans ce jeu
qui se caractérise par une grande sou-
pertinentes (Sarabandes). Bach &
Belder une association qui fera date !
(Jérôme Angouillant)

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Alphabétique
grale puisqu’elle a gonflé au fil des ans trouver des solutions originales à des
de façon disproportionnée par rapport problèmes de doigtés ou de couleurs
aux découvertes d'œuvres jusqu'alors (pour les bariolages de la Chaconne, par
ignorées, voici la Bach Quintessence exemple). Le résultat est formidable :
(titre de la collection dans laquelle on est hypnotisé par la précision ryth-
s'inscrit le produit). Quintessence de mique des mouvements vifs (auquel
la quintessence d'ailleurs, puisqu'il fait s’oppose le côté faussement improvisé
suite à un coffret de 10 cd paru il y a des Adagio et Grave), la profondeur
quelques années, consacré lui aussi à des couleurs, la perspective sonore,
Johann Sebastian Bach (1685-1750) ces Famous concertos ! Vulgarisation ? l’engagement… et dans la Chaconne, Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonates, BWV 1020, 1032, 1039; Choral, Plutôt recyclage, reproduction, compi- on se demande comment l’interprète Symphonie n° 5, op. 67 (trans. F. Liszt);
BWV 622; Sinfonias, BWV 794 et 799; Trio lation, resucée (et non anthologie), dont va pouvoir faire croître jusqu’au bout le An die ferne Geliebte (trans. F. Liszt);
super, BWV 655; Fuga Canonica in epidia- on connaîtra, gageons-le, de nouveaux poids mis dès le début. Au bout de ces Concerto pour piano n° 3, op. 37 (trans. De
pente, BWV 1079; Contrapunctus VI et IX, avatars. Tout ceci magnifié de façon ré- impressionnantes quatorze minutes, C-V. Alkan)
BWV 1080; Trio, BWV 583 vélatrice par l'abominable couverture de on est littéralement étreint par les deux Leonardo Pierdomenico, piano
Stefano Bagliano, flûtes à bec; Andrea Coen, la notice qui substitue à la reproduction dernières notes : la Sinfonia BWV156 PCL10224 • 1 CD Piano Classics
clavecin, orgue du tableau d'époque de la précédente
D
en paraît presque anodine, voire futile, eux éditions existent pour la trans-
BRIL95777 • 1 CD Brilliant Classics livraison un mur de magnétophones à mais nécessaire pour apaiser tant de cription de la Symphonie °5 de

B ach n’a composé aucune œuvre de cassettes ! ! ! Certes, on retrouve avec tension. Prise de son simplement ma- Beethoven par Liszt. C’est la seconde
musique de chambre directement les Brandebourgeois de l'ensemble Am- gistrale de Gonzalo Noqué… Un régal qui a été, ici, choisie. Quelques modi-
pour la flûte à bec. Les célèbres sonates phion et de J.P Belder, avec les concer- pour tout amateur de guitare et de Bach. fications mineures pour une lecture
BWV 1030-1035, notamment, ont été tos pour violon de T. Zehetmair, ce qu'il (Olivier Eterradossi) toute en tensions, concentrée dans
composées pour la flûte traversière. y avait de meilleur, de plus abouti, de la pulsation dynamique et rythmique.
Mais Bach était un maître de la trans- plus recommandable dans la très iné- Nulle information, hélas, sur le piano
cription et de l’arrangement, si bien gale intégrale. Mais tenez-vous bien, et c’est bien dommage. Celui-ci ferraille
que Stefano Bagliano et Andrea Coen vous aurez droit, avec le 5e CD au Bach passablement – les aigus cassent - et la
ont eu peu de peine à assembler un VIRTUEL, car il faut, il faut à tout prix, prise de son brouille en partie la poly-
programme complet pour flûte à bec que Bach ait composé des concertos phonie de l’écriture. Pourtant, le jeune
et clavecin ou orgue. Au cœur de ce pour flûte à bec ! ! ! Quand cessera-t- pianiste italien comprend viscéralement
programme, on trouve trois sonates : la on d'utiliser de façon abusive l'argu- cette musique dont il restitue la dimen-
BWV 1032, jouée en Do au lieu de La ; ment — historiquement fondé —, selon sion théâtrale et l’élan. Il y a beaucoup
la BWV 1039, écrite à l’origine pour la lequel on ne fait que prolonger là une de panache et d’intelligence dans cette
viole de gambe et dont il existe aussi pratique courante à l'époque et dont version qui préserve la dimension
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
une transcription pour deux flûtes tra- Bach a amplement usé. On en vient ainsi classique de la partition sans lui don-
à qualifier de "concertos célèbres" des Le Roi Étienne, op. 117, musique de
versières et basse continue ; et la BWV scène; Ouvertures "Léonore" n° 1-3; Ouver- ner les “ailes” du grand romantisme
1020, attribuée à Carl Philipp Emanuel œuvres qui n'ont jamais existé ! ! ! ! ! pianistique lisztien. La transcription,
ture "Fidelio", op. 72
Bach et jouée en La au lieu de Sol (NB : La reconstruction à tout va, la gestation également de Liszt, du lied An die ferne
Bernd Tauber, récitant; Czech Philharmonic
la pochette intervertit malheureusement artificielle, à coup d'airs de cantates mis Choir of Brno; Capella Aquileira; Marcus Bosch, Geliebte est un peu dure, corsetant le
cette sonate avec la BWV 1032, qui bout à bout, de concertos fourre-tout, direction souvenir de la voix. Alkan arrangea et
ouvre en réalité le disque). Entre ces bouffis, poulets aux hormones du ba- proposa une cadence pour le premier
CPO777771 • 1 CD CPO
trois sonates sont intercalées diverses roque homologués sous des numéros mouvement du Concerto n°3 de Bee-
petites pièces dans lesquelles le charme
si singulier de la flûte à bec opère pleine-
fictifs de BWV, ça suffit ! Ce dernier CD
est, à mon sens, d'une laideur, d'une L e Roi Etienne ou le premier bienfai-
teur des hongrois… Tel est le titre de
l’œuvre en un prologue, une ouverture
thoven. Le compositeur suggère le
dialogue concertant entre l’orchestre
ment : atmosphère pastorale, innocente vulgarité, d'un kitsch insupportables. et le piano. Leonardo Pierdomenico a
(Bertrand Abraham) et huit parties. Elles alternent chœurs
légèreté, gravité douce et suave liberté. saisi la respiration et l’ampleur de la
d’hommes, chœurs de femmes, et
(Emmanuel Lacoue-Labarthe) partition qu’il joue (et “dirige”) avec
pièces purement orchestrales. Elles
une belle netteté du trait. Voilà une
baignent surtout dans l’esprit du mélo-
rareté discographique bienvenue.
drame si présent dans les premières
(Jean Dandrésy)
années du 19e siècle. Il s’agit d’une
partition de circonstance célébrant
l’inauguration du théâtre de la ville
impériale de Pest ainsi qu’un souverain
protecteur des arts. De fait, Beethoven
multiplie les marches et les chœurs qui
rendent hommage à la civilisation hon-
Johann Sebastian Bach (1685-1750) groise. Pour les germanistes, la voix
Johann Sebastian Bach (1685-1750) Prélude de la partita, BWV 1006; Sonates, légèrement enrouée de l’acteur Bernd
BWV 1001 et 1003; Chaconne de la partita, Tauber est un régal. La tension ryth-
Les Concertos Brandebourgeois; Concertos
BWV 1004; Sinfonia, BWV 156
pour violon, BWV 1041-1043, 1052, 1056; mique, les climats de mystère imposés
Concertos pour hautbois, BWV 1053, 1055, Bin Hu, guitare René de Boisdeffre (1834-1906)
par Marcus Bosch restituent la force de
1056, 1060; Concertos pour flûte à bec, EUD1803 • 1 SACD Eudora la partition. On est étonné par l’impact Mélodies, op. 30, 39, 53; Les Echos des
BWV 731, 1053, 1055

A près avoir été quelque peu cueilli de cette musique déjà presque berlio- bois, op. 8; Larmes humaines; L'Aube,
Karl Süske, violon; Giorgio Kröhner, violon; Walter op. 79
à froid par un prélude de la Par- zienne. Beethoven en fut si conscient
Heinz Berstein, clavecin; Andrius Puskunigis, Dominika Paczkowska-Gajdzis, mezzo-soprano;
haubois, hautbois d'amour; Simona Venslovaite, tita BWV1006 qui perd une partie de qu’il songea à l’utiliser dans un opéra.
Jakub Tchorzewski, piano
violon; Erik Bosgraaf, flûtes à bec; Ensemble sa force en courant à perdre haleine, il Par ailleurs, il est astucieux d’avoir
Cordevento (instruments d'époque); Musica ne m’a pas fallu longtemps pour plon- réuni les trois ouvertures de Léonore. AP0481 • 1 CD Acte Préalable
ger tête la première dans les abîmes L’auditeur perçoit ainsi l’évolution de
L a firme polonaise Acte Préalable
Amphion; Pieter-Jan Belder, clavecin, direction;
Amsterdam Bach Soloists; Thomas Zehetmair, sonores ouverts par la guitare de Bin l’écriture et l’intérêt pour les ouvertures consacre, après une dizaine de livrai-
violon, direction; Gewandhausorchester Leipzig; Hu. Les œuvres, beaucoup enten- n°2 et n°3, à l’élan si irrésistible. La Ca- sons presque exclusivement dévolues à
Kurt Masur, direction; St Christopher Chamber
dues dans des transcriptions dues à pella Aquileia joue de sonorités crues, sa musique de chambre, un premier CD
Orchestra; Donatas Katkus, direction
des légendes de la guitare, semblent soulignant l’originalité des harmonies aux mélodies de ce compositeur fran-
BRIL96197 • 5 CD Brilliant Classics comme renouvelées sous les doigts du et la puissance dramatique. L’ouver- çais aujourd’hui quelque peu oublié. En-

O bjet singulier que ce coffret, en ce


qu'il met à nu les aspects contra-
dictoires et complémentaires des
trentenaire chinois. Qu’il développe une
transcription de Marco Tamayo (BWV
1001), adopte celle de David Russel
ture de Fidelio, l’unique opéra de Bee-
thoven, est interprétée dans l’esprit du
drame qui va introduire le premier duo
treprise intéressante, d’autant que ces
pièces sont loin d’être musicalement
négligeables et qu’un copieux livret tri-
mythologies qui hantent le marché de (Sinfonia de BWV156) ou propose les de l’opéra. Cela préserve l’attention de lingue (mais dont le français est hélas
la musique enregistrée. Après la Bach- siennes propres, il joue une guitare en l’auditoire avec beaucoup de justesse. parfois approximatif), accompagne la
intégrale qui n'a jamais été assez inté- scordatura de luth lui permettant de (Jean Dandrésy) publication. Le texte des poèmes est

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même inclus dans son intégralité, ce Sergei Bortkiewicz (1877-1952) oublier l'équipe Martineau (Hypérion) pompeux sauf peut-être dans l'impro-
qui n’arrive pas si souvent. Or, c’est là le Concerto pour piano n° 2 pour la main et les duos Tear/ Ledger et Esswood/ bable fugue du "Comes Autumn" final.
maillon faible, si la mezzo possède des gauche; Concerto pour piano n° 3 Griffett eux aussi indissociables de ce Les "Variations on an Irish Folksong"
capacités vocales avérées, sa diction est Stefan Doniga, piano; Janacek Philharmonic répertoire anglo-saxon. Aux côtés du (1932) s'expliquent en partie par l'as-
telle que le recours aux textes se révèle Orchestra; David Porcelijn, direction pianiste Marco Scolastra qui s'acquitte
cendance irlandaise du compositeur,
constamment indispensable. On le re- PCL10146 • 1 CD Piano Classics avec une aimable efficacité de sa partie,
grette d’autant plus quand on apprend le ténor anglais Mark Milhofer (plutôt elles donnent en tout cas matière à de
que l’artiste polonaise réside depuis
plusieurs années en France où elle
E tonnant Sergei Bortkiewicz. Je
célébrais voici peu l’intégrale de sa
musique de piano sans connaitre les
vu à l'opéra) déploie une stupéfiante
palette d'expressions et d'affects, tour
délicates textures orchestrales. Le bref
"Cowboy's Breakdown" qui clôt le pro-
participe à l’activité musicale de divers à tour tendre, brutal, comique, gouail- gramme doit, quant à lui, beaucoup au
trois Concertos qu’il aura écrits pour
ensembles. Puisque deux autres vo- leur...etc, frôlant parfois l'expression- Copland de "Rodéo" et de "Billy the Kid".
son instrument. La veine mélodique
lumes de mélodies sont en préparation, nisme comme s'il cherchait vainement (Jérôme Angouillant)
emporte tout ici, souvenir évident de
retardés par le contexte sanitaire actuel, la scène et le public. Le timbre est sen-
Tchaïkovski qui souligne encore sa
peut-être ce report pourrait-il être uti- suel et agréable, l'articulation toujours
proximité, de style, de syntaxe, de
lement mis à profit pour réduire ces soignée. Même si l'on peut regretter
vocabulaire, avec le jeune Rachmanino.
imperfections, dans l’intérêt de tous, quelques artifices çà et là, on retrouve
Pourtant ce pianisme ardent, saturé de
notamment du public francophone qui ces mêmes qualités vocales et notam-
notes me fait irrésistiblement penser à
ne demande certainement qu’à pour- ment cette faculté d'articuler dans les
Nikolaï Medtner. Serait-il décidément
suivre sa découverte d’un tel répertoire. chansons françaises travaillées par Brit-
le troisième homme du piano russe
(Alain Monnier) ten où le ténor s'avère particulièrement à
postromantique ? Stefan Doniga a eu
l'aise. Un must-have qui complète sans
l’heureuse idée d’enregistrer les deux
démériter les références déjà citées.
Concertos n° 2 et 3 il me semble bien en
(Jérôme Angouillant)
première mondiale. Le Deuxième, écrit
Francesca Campana (?1610-1665)
à l’intention de la main gauche de Paul
Wittgenstein s’ouvre sur un tempétueux Airs et mélodies choisis / R. dell'Arpa :
allegro dramatico dont l’effet est souf- Canzon / S. Stella : Partite sopra la
flant. Quelle musique ! qui prouve toute Romanesca / I. Tartagliano : Canzona sopra
la singularité du talent de Bortkiewicz. Susanna / G. de Macque : Partite sopra
Wittgenstein goutait particulièrement Ruggiero; Prima Gagliarda / F. Lambardi :
l’œuvre qu’il joua souvent dans les an- Gagliarda
Johannes Brahms (1833-1897) nées vingt, Stefan Doniga de son clavier Ricercare Antico [Vittoria Giacobazzi, soprano; Lila
Scherzo de la sonate F-A-E; Sonate pour généreux saisit aussi bien les effets dra- Hajosi, mezzo-soprano; Riccardo Pisani, ténor;
violon et piano n° 3 / C. Franck : Sonate matiques du premier mouvement que la Enrico Correggia, basse; Serena Bellini, flûte à
pour violon et piano; Mélancolie merveilleuse musique de chambre de Edward Joseph Collins (1886-1951) bec; Paolo Perrone, violon; Flora Papadopoulos,
Ana María Valderrama, violon; Victor Del Valle, l’allegretto. Il trouve tout aussi aisément Hymn to the Earth; Variations on an Irish harpe; Giovanni Bellini, archiluth, théorbe; Matteo
piano Folksong; Cowboy's Breakdown
les chemins plus tortueux du Troisième Coticoni, violone]; Francesco Tomasi, théorbe,
EUD1802 • 1 SACD Eudora Concerto (1927) "Per aspera ad astra", Henry Waddington, basse; Jane Irwin, mezzo- guitare baroque, direction

M ettre en regard deux sonates de œuvre méditative qui enchaine cinq soprano; Jeni Bern, soprano; Peter Auty, ténor;
Royal Scottish National Orchestra & Chorus; Marin BRIL96008 • 1 CD Brilliant Classics
la même année 1886 est une mouvements et me semble absolument

L
Alsop direction a musique vocale à une, deux ou
idée originale pour nous plonger dans l’égal par l’invention dramatique, le ton
une atmosphère romantique de deux rapsodique, du Troisième Concerto de TROY650 • 1 CD Albany trois voix de cette compositrice

D
compositeurs en pleine maturité. Dès Medtner.La science pianistique de Ste- e tous les volumes que compte romaine du 17e s. est présentée ici ac-
l’allegro initial de la 3ème sonate pour fan Doniga s’y emploie avec évidence, l'édition dédiée au compositeur compagnée de pièces de compositeurs
piano et violon de Brahms, une force portée par les timbres évocateurs de américain Edward Joseph Collins que ayant vécu un peu avant elle. Le tout
de méditation saisissante ne se relâche l’Orchestre Philharmonique Janaek publie le label Albany, ce disque pré- forme un ensemble plutôt intéressant,
jamais. Ana Maria Valderrama et Victor d’Ostrava qui David Parcelijn règle avec sente un intérêt particulier, celui de soigneusement concocté par Fran-
del Valle ont une complicité de dialogue art comme il le faisait également dans le comporter son unique opus choral :
cesco Tomasi, directeur artistique de
capable de nous emporter dans la pas- Deuxième Concerto. Et si demain il avait oratorio ou cantate "Hymn to the Earth"
de nous graver les deux Symphonies ? pour quatre solistes chœur et orchestre. l’ensemble Ricercare Antico qu’il dirige
sion, comme dans l’humour : le 3ème
mouvement Presto et con sentimento, (Jean-Charles Hoffelé) Né en 1886 dans l'Illinois, Collins suit au théorbe et à la guitare baroque. La
obsédant, est irrésistible. Ces qualités des études musicales à Chicago puis à maitrise et l’enthousiasme des instru-
se retrouvent dans la célèbre sonate Berlin avant de s’enrôler dans l'armée mentistes s’expriment d’ailleurs parfai-
de Franck, évoquée par Proust dans durant la première guerre mondiale. Il tement et de manière communicative
"A la recherche du temps perdu" qui, sera un temps chef-assistant à Bayreuth dans les parties qui leur sont confiées,
hormis le modérato du 3ème mouve- puis, revenu aux États-Unis, poursuivra
dont certaines (cf. accompagnement
ment, ne laisse aucun répit, dans un une carrière d'enseignant à Chicago.
des plages 2, 7, 14…), assez dyna-
climat palpitant, haletant, à couper "Hymn to the Earth" comporte six sec-
le souffle. Les deux pièces brèves et tions basées sur des textes écrits par miques, feraient penser à l’art de Chris-
rares qui encadrent ces deux sonates Collins lui-même. L'argument, une ode tina Pluhar, ce qui n’est tout de même
sont des pépites à ne pas négliger : à la Nature, prend sa source dans une pas un mince compliment. Mais, côté
nous y découvrons un Brahms plus Benjamin Britten (1913-1976) sorte de dévotion spirituelle et esthé- chant, même si celui-ci ne peut être pris
jeune, d’une fougue revigorante. tique devant les beautés de la nature en défaut, l’énergie n’est pas toujours
Intégrale des mélodies populaires pour
Voilà deux artistes espagnols sur qui et du changement des saisons. Cette assez évidente. On pourra regretter en
voix et piano
il faudra continuer à compter. Pour combinaison entre mystique et littéra-
Mark Milhofer, ténor; Marco Scolastra, piano particulier que les voix féminines ne
ne rien gâcher, la prise de son, avec ture pourrait évoquer aussi bien Mahler
BRIL96009 • 2 CD Brilliant Classics traduisent assurément pas suffisam-
un excellent équilibre entre les deux (Les symphonies avec chœur, le Chant

C
instruments, est une réelle réussite. es Folks Songs que Benjamin Britten de la Terre) que les symphonies pro- ment, dans toutes ses nuances, la clarté
(Dominique Gérard) composa tout au long de sa carrière grammatiques de Vaughan Williams. En et la fraicheur du baroque italien. On
de compositeur pour raviver son ins- ce qui concerne Collins, sa réputation peut également déplorer que les textes
piration et alimenter ses programmes n'a jamais dépassé les frontières et son chantés ne soient aucunement dispo-
de concerts avec le fidèle Peter Pears écriture musicale reste fidèle à une cer- nibles, ni dans le livret ni via le site de
ont déjà fait l'objet d'enregistrements taine tradition "locale", évoquant loin- l’éditeur. Les notes d’accompagnement
notables. Britten lui-même en a gravé tainement Elgar ou Delius. L’œuvre, ici
ne consacrent d’ailleurs, en anglais
quelques-unes aux cotés de Pears et illustrée brillamment par un orchestre et
l'ensemble du recueil a été enregistré un chœur écossais dirigé par la cheffe puis en italien, respectivement que
chez Naxos par Philip Langridge, Tho- Marin Alsop, possède cependant une trois pages à la compositrice et à son
mas Allen et Felicity Lott sous la direc- véritable dimension élégiaque et pan- œuvre qui mériteraient plus et mieux.
tion du pianiste Graham Johnson. Sans théiste qui ne donne jamais dans le (Alain Monnier)

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chinoiseries du temps de Louis XV, lui offrant des couleurs à profusion
Sélection ClicMag ! fond noir motifs dorés, ajouts de qu’elle tempère dans des sfumatos de
bronze, intérieur rouge, le meuble est peintre. L’usage des pédales élargi où
magnifique, mais l’instrument lui- modère la focale, le son de ce Pleyel
même, restauré avec art par l’équipe de peut être immense, mais il ne claironne
Klavierhaus New York, donne une idée jamais, l’équilibre des registres y veille.
juste des grands pianos de concert que Ce n’est pas trahir la pianiste – je la
Debussy put entendre dans sa jeunesse, sais artiste – d’avouer que j’écoute
et qui faisaient la joie de la génération d’abord l’instrument, et c’est même la
Nicolo Corradini (?1685-1646) précédente, de Camille Saint-Saëns, féliciter de le faire entendre avant tout,
Ricercars / Fra Mattia Vendi : Canzoni de Gabriel Fauré. Debussy, semble-t-il, et Debussy avec lui : quelle fantaisie
Federico Del Sordo, orgue, clavecin préférait le son moins brillant des Erard, pour Le vent dans la plaine, avec ses
Claude Debussy (1862-1918) leurs couleurs plus subtiles. Hiroko éclats soudains, quel effacement du son
BRIL96136 • 1 CD Brilliant Classics
Préludes, livres 1 et 2 Sasaki le sait-elle, qui joue de ce grand dans Des pas sur la neige, quel quasi
Hiroko Sasaki, piano clavier sonore avec une finesse cher- rien dans Canope et quelle épure pour
chant d’abord la poésie ? Son jeu ne Feux d’artifice. Disque fascinant, qui
PCL0064 • 1 CD Piano Classics manque pas de caractère, Danseuses prouve que Debussy forgea son ima-

C e grand Pleyel de concert est connu


d’abord pour son décor rare, orné
comme un clavecin dans le goût des
de Delphes, très dit, donne le ton d’une
lecture élégante jusque dans le mystère,
les sortilèges des registres orchestraux
ginaire dans des instruments qui, par
bonheur, n’ont pas tous disparus…
(Jean-Charles Hoffelé)

lies surprises. Le quintette avec piano et Antonín Dvorák (1841-1904) Hans Vonk (Simeon); Jasper Schweppe (Gaoler);
hautbois (1907) met en valeur la sono- Susanna ten Wolde (Benjamin, l'étranger); Tom Sol
Intégrale de l'œuvre pour piano
rité fruitée du hautbois qui le pimente, (Jacob, le général); Nationaal Kinderkoor; Viri Can-
Théodore Dubois (1837-1924) Inna Poroshina, piano
et sa délicieuse Canzonetta mériterait tores; Musica ad Rhenum; Jed Wentz, direction
Quintette pour piano en fa majeur; Quatuor BRIL96193 • 5 CD Brilliant Classics
de devenir un vrai "tube". Quant au qua- BRIL96107 • 3 CD Brilliant Classics

L
pour piano en la mineur
tuor avec piano (1905), il montre que es presque cinq heures de musique
Oliver Triendl, piano; Nina Karmon, violon; Stefan
Schilli, hautbois; Anja Kreynacke, alto; Jakob
Spahn, violoncelle
l’influence schumanienne s’éclaircit au
contact de l’élégance d’un Saint-Saëns
qui composent tout le catalogue
du compositeur tchèque ont été enre- L e succès rencontré par le premier
oratorio anglais de Haendel (Esther)
gistrées par la pianiste ukrainienne suscita à Londres une foule de voca-
CPO555357 • 1 CD CPO ou d’un Fauré. On salue une fois encore
entre 1997 et 1998, pour le label amé- tions. Parmi ces épigones figure Willem
le travail des musiciens allemands

L a postérité n’a pas été tendre avec réunis par CPO autour de l’infatigable ricain Ess.a.y. C’est une bonne idée de Fesch, liégeois né en Hollande et par-
Théodore Dubois. Pour avoir été Oliver Triendl, en plaidant pour que la que d’avoir réédité cette somme, que venu à Londres après un emploi à An-
couvert d’honneurs de son vivant (prix résurrection de l’œuvre de chambre l’interprète joue avec beaucoup de vers. On ne peut nier son opportunisme,
de Rome, directeur du conservatoire, de Théodore Dubois ne s’arrête pas là, tempérament. Il en faut aux danses, sa Judith suivant de peu Esther, et son
membre de l’Institut, commandeur de car il y a encore de nombreuses par- humoresques, polkas et autre furiant ! Joseph arrivant 10 jours après la pre-
la Légion d’Honneur) il fut taxé d’acadé- titions dignes d’intérêt à redécouvrir. Un tempérament que l’on aurait aimé, mière reprise de celui de Haendel ! Épi-
misme sinon de passéisme dès la fin de (Richard Wander) toutefois, un peu moins “explosif” dans gone mais pas plagiaire, car sa manière
sa vie ; cependant son "traité d’harmo- les partitions plus intimistes. Inna Poro-
est fort différente de celle du maître :
nie" est demeuré une référence pendant shina possède une technique à toute
beaucoup moins majestueuse, plus hu-
des décennies. Quant au compositeur, épreuve, un toucher puissant, qui lui
permet de contraster avec force les maine et apparentée à l’opéra… avec en
il fut rejeté durablement et sa résurrec-
attaques et de jouer avec un minimum particulier un texte qui n’emprunte pas
tion est récente ; CPO avait déjà exhumé
de pédale. Ce sont ainsi des dizaines de aux sources bibliques mais imite la poé-
son concerto pour violon et sa sonate.
L’invraisemblable fécondité du maître pièces, parfois des miniatures qui tra- sie ou le théâtre élisabéthains, et qui vit
joua également contre lui. Pourtant, versent toute la vie de Dvorak. Elles sont plus qu’il ne moralise. Redécouvert en
l’audition de ces deux pages tardives de comme des carnets d’esquisses, des 1980, l’oratorio n’a pas eu les faveurs
musique de chambre révèle de bien jo- danses parfois aux origines curieuses, à du disque jusqu’à celui-ci (qui n’est pas
l’instar de ces Ecossaises ! L’interprète une première, contrairement à ce qu’af-
démontre à quel point le compositeur firme la notice, mais la réédition du cof-
kowski montre dans ses dolce, dans ses était un génie de la mélodie, pouvant, fret NM Classics de 2001). Au passage,
Sélection ClicMag ! registres étoilés d’harmoniques, à quel en quelques mesures, créer un univers on a perdu le texte du livret (à téléchar-
point ce piano qu’aurait pu toucher le sonore, “orchestrer” des atmosphères
ger sur le site de l’éditeur) ce qui est un
jeune Debussy dévoile l’atelier du com- sans nécessairement avoir l’ambition
absolu contresens éditorial : à la fois
positeur. La poétique de sa grammaire de les développer. Pas de grandes
s’y incarne avec un naturel troublant. pièces aux vastes proportions, des pour des raisons d’acoustique trop ré-
Sans brusquer l’instrument, mais sans sonates impressionnantes, pourtant à verbérée et de prononciations exotiques
abandonner l’éloquence où l’abon- la grande heure du romantisme ! C’est on ne comprend pas grand-chose de
dance, ce pianiste dont je ne savais une musique qui plait immédiatement ce texte qualifié par le compositeur
rien trouve tous les secrets de ses pre- car elle est d’une sincérité impossible à de "totalement nouveau". Par contre la
miers opus, Suite bergamasque nostal- mettre en défaut. Assurément, voilà l’in- caractérisation des personnages (tout
gique et joueuse à la fois, Arabesques tégrale de Dvorak à un prix imbattable ! spécialement Joseph) est très intéres-
Claude Debussy (1862-1918) arachnéennes, pièces éparses qui s’an- (Jean Dandrésy) sante, fruit d’une réflexion sur l’adéqua-
Suite bergamasque; Deux Arabesques; noncent pour le salon, mais sont autant tion voix/caractère de chacun. Peu sol-
Images (1894) de jardins (et parfois nocturnes, la licités, les choristes sont remarquables
Hubert Rutkowski, piano (Erard 1880) Ballade), jusqu’aux Images oubliées de quoique captés avec une certaine com-
PCL0091 • 1 CD Piano Classics 1894 où la langue se libère des charmes pacité. Le triomphateur est un orchestre

E t si une part du mystère des œuvres simples qui en faisaient encore des en- vif et articulé, habitué de la musique
de piano de Debussy résidait dans fants du XIXe Siècle. Si le piano est féé-
instrumentale du compositeur… Reste
l’instrument ? C’est vrai pour la plupart rique, l’interprète est son magicien, qui
à savoir si le choix de renforcer cer-
des compositeurs, mais certainement l’anime avec tant de poésie. J’apprends
taines parties de cordes par des vents
plus encore pour l’auteur du Prélude à que ce beau musicien s’est dévoué à l’il-
lustration des élèves de Chopin, Fonta- colla parte, et de compléter des parties
l’après-midi d’un faune, qui dans l’inti-
mité de son studio de musique appro- na and co, je vais chercher ses disques, Willem de Fesch (1687-1761) de cuivres et timbales, rencontrera
chait de nouveaux mondes sonores. mais s’il me lit, qu’il persévère chez l’adhésion de tous les auditeurs. Un
Joseph, oratorio en 3 actes
Dès le subtil décalque fauréen du Noc- Debussy sur cet Erard, son album date disque presque exceptionnel, mais qui
Claron McFadden (Joseph); Robert Alexander
turne, le demi-queue Erard de 1880 de 2013 et n’a pas eu de suite à ce jour. (Femme de Potiphar); Susanna Moncayo von pâtit trop des prestations des solistes.
que touche avec tant d’art Hubert Rut- (Jean-Charles Hoffelé) Hase (Reuben); Nico van der Meel (Potiphar); (Olivier Eterradossi)

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mondial de l’op.1 de Giustini (par An- no"). Il se pose une autre question : "Sa- Köln, toujours prompt à mettre une
Sélection ClicMag ! drea Coen sur une copie d’un Cristo- chant ce que le piano est devenu, que scène dans leur symphonie, ils les ani-
fori de 1726), Brilliant Classics remet le peuvent-elles nous dire aujourd’hui ?". ment d’un geste preste et brillant qui
couvert, et voilà un disque passionnant Sur deux Fazioli F218, il les reconstruit magnifie les inventions sonores de ces
à divers titres. L’œuvre, tout d’abord : à sa façon : nuances, dynamique, dis- œuvres où se célèbre l’omniprésence
à ce qu’on sait, il s’agit de la première crets ornements et même pédale sont de la danse. C’est merveille durant tout
composée intentionnellement pour les de son cru et voilà que s’animent ces l’album, et cela change radicalement
"petits marteaux" de l’instrument nou- petites merveilles scarlattiennes traver- le visage d’une œuvre qu’on aura trop
veau-né. A ce titre tout pianiste devrait sées d’étranges et fugitives prémoni- souvent entendue sagement jouée.
La sélection est pertinente, et lorsque
l’avoir entendue, voire jouée. Le choix tions. Toutes proportions gardées, on
parait la réinterprétation de la Sonate
interprétatif, ensuite : se démarquant n’est pas si loin de la démarche d’Ho-
de Corelli, on mesure alors toutes les
de Coen ou de Wolfgang Brunner (chez rowitz avec Scarlatti (exact contempo-
Lodovico Giustini (1685-1743) fausses proximités de ces deux arts
CPO), Zentolin ne cherche pas à savoir rain de Giustini… tout comme Bach
Sonates n° 1-12, op. 1 qui pourtant appartenaient bien au
ce qu’un Cristofori copié peut nous et Haendel) et c’est un petit régal.
Paolo Zentilin, piano même univers. Espérons que Concerto
raconter sur ces 12 suites de danses si Une version à placer sur les étagères
BRIL96173 • 3 CD Brilliant Classics Köln nous offre un second volume !
proches du clavecin (avec des nuances à côté de celles de Coen et Brunner,
(Jean-Charles Hoffelé)
U ne dizaine d’année après nous avoir
donné le premier enregistrement
très limitées, pour l’essentiel des effets
d’écho avec indications "forte" ou "pia-
elles auront des choses à se dire.
(Olivier Eterradossi)

Friedrich Gernsheim (1839-1916)


Intégrale des sonates pour violon
Mario Gangi (1923-2010) François-Joseph Gossec (1734-1829) Francesco Geminiani (1687-1762) Christoph Schickedanz, violon; Ernst Breidenbach,
Suites italienne, espagnole et baroque; Oratorio de Noël "La Nativité"; Motet à 2 Concertos Grossos, op. 7 n° 2 et 6; piano
Fantas; Fabulae voix "Christe Redemptor"; Requiem Concerto Grosso en ré majeur, op. 3 n° 1; CPO555330 • 2 CD CPO
Duo Pace-Poli Cappelli [Andrea Pace, guitare; Concertos Grossos, op. 2 n° 1-2; Concerto

F
Elisabeth Scholl, soprano; Pascal Bertin, Grosso d'après la Sonate pour violon de riedrich Gernsheim, dont on avait
Cristiano Poli Cappelli, guitare]
contreténor; Dirk Snellings, basse; Hendrickje van Corelli, op. 5 n° 3; Concerto Grosso en mi commencé à reconnaître le talent
BRIL95818 • 1 CD Brilliant Classics Kerckhove, soprano; Philippe Gagné, contreténor; mineur, op. 3 n° 6; Concerto Grosso en si grâce à la publication de l’enregis-

T roisième volume des œuvres du Robbert Muuse, basse-baryton; Robert Gretchell, mineur, d'après une sonate pour violon, trement de ses quatre symphonies
compositeur et guitariste italien ténor; Ex Tempore; Les Agrémens; Mannheimer op. 4 n° 1
(CPO777758 et CPO777848), fut
Mario Gangi publié par le label Brillant, Hofkapelle; Florian Heyerick, direction Mayumi Hirasaki, violon; Concerto Köln
l’élève pour la composition d’Edward
ce volume est consacré aux pièces CPO777869 • 1 CD CPO 0301285BC • 1 CD Berlin Classics Rosenhain, d’Ignaz Moscheles pour le

U
pour deux guitares. Né en 1923, Gangi piano, et devint le familier apprécié de
C et album regroupe trois œuvres du ne injustice poursuit Geminiani : la
consacra sa carrière musicale à son répertoire sacré de ce compositeur comparaison constante qu’il subit Brahms et Bruch. Lors de cinq années
instrument, concerts internationaux, à ses dépens avec Corelli. Pourtant ces parisiennes (1855-1860), il fréquenta
célébré à son époque qu'était Gossec.
professorat à Naples et à Rome, édition Concerti Grossi savants, aux écritures Gouvy, Lalo, Rossini mais aussi Liszt,
L'oratorio en français La Nativité créé
d’œuvres (Tarrega, J.S.Bach). Il com- complexes, aux mélodies élégantes Saint-Saëns. Ultérieurement, Anton Ru-
posa nombre d’œuvres pour guitare en 1774 met en scène bergers, ber- binstein, Mahler, Richard Strauss furent
qui savent se parer parfois de saveurs
solo ou en duo destinées au concert gères, mages et chœur d'anges. Son populaires, aux rythmes subtils, font aussi de son cercle. Il en résulte une es-
ou à ses étudiants. Loin des études écriture s’imprègne d'un lyrisme léger tout un théâtre baroque qui semble jus- thétique musicale composite mais non
traditionnelles et des pièces originales et gracieux, sans démonstrations, avec tement s’éloigner du classicisme que sans intérêt pour son lyrisme sincère
déjà enregistrées, ce disque présente quelques effets orchestraux, de carac- Corelli fonda. Cette dimension lyrique, et attachant. En témoignent les quatre
quelques Suites originales conçues tère dynamique et allègre. Le motet à ces gestes dramatiques n’ont pas Sonates pour violon et piano (1853,
pour les deux instruments illustrant deux voix Christe Redemptor qui suit échappés aux musiciens de Concerto 1859, 1885, 1898), présentées ici
parfaitement la qualité d'échanges célèbre lui aussi la nativité et s'enchaine
spécifique des duos à cordes. Gangi naturellement à l'oratorio. Cette œuvre signataire entre autres de fort belles
comme nombre de compositeurs avant
lui exploite et développe à sa façon les
probablement de jeunesse que l'on a Sélection ClicMag ! symphonies de Widor (CPO). Accom-
longtemps crue perdue et crée en 1763 pagné ici par l'inévitable Nicol Matt et
topoï de la folklorique traditionnelle
bénéficie d’une écriture mélodique son orchestre de chambre de Stuttgart,
tout en s'inspirant largement du lan-
plaisante et lumineuse caractérisant il nous livre l'intégralité des opus (selon
gage de ses prédécesseurs (Sor, Tar-
l'agréable discours entre le baryton et l'édition Breitkoft Urtext est-il précisé)
rega, Brouwer, Ponce). Sa Suite Italiana
la haute-contre. Les deux interprètes que Haendel composa pour l'orgue :
reprend deux danses traditionnelles : l'Op.4, l'Op.7 classés numériquement
Saltarello et Tarentella et se distingue rayonnent dans cette pièce au caractère
et complétés par les quatre derniers
par une tonalité enjouée et l'attachante épanoui. Le Requiem présenté ici est
concertos sans numéros d'opus dont le
mélodie de son Adagio central. La Suite une variante allégée de l'œuvre compo- fameux 13ème intitulé The Cuckoo and
Spagnola plus extravertie brille de mul- sée en 1760 retrouvée dans la collection the Nightingale et six voluntary pour
tiples contrastes. Les trois mouvements d'Abel Regibo léguée en 1897. Une de Georg Friedrich Haendel (1685-1759) clavier (orgue ou clavecin) déjà docu-
solaires et dansants (Andalusa, Fandan- ses originalités tient au fait que les nu- mentés ailleurs. Face à des concurrents
Intégrale des concertos pour orgue
go et Sevillana) privilégient davantage méros cinq à neuf sont issus du Stabat redoutables plus historiquement fidèles
Christian Schmitt, orgue; Stuttgarter Chamber
le partage et la complémentarité entre Mater de Haydn adaptés et s'insérant Orchestra; Nicol Matt, direction (Egarr ou Ghielmi) ou les antiques
les deux solistes que la pure virtuosité. Pinnock, Tachezi ou Chorzempa,
judicieusement au sein de l'œuvre. Si BRIL96196 • 5 CD Brilliant Classics
Quant à la Suite Barocca elle tisse un Schmitt et Matt s'illustrent par des
cette version n'a pas l'intensité de l'ori-
très sage contrepoint à la manière des
maîtres du dix-septième siècle. Plus ginale, le discours reste de belle facture,
classique, au lyrisme chantant et mesu-
O n attendait en piaffant d'impatience
cette réédition complète des concer-
tos pour orgue de Georg Friedrich
tempi modérés, un équilibre cohérent
entre un orgue lambda sans réelle per-
surprenantes et quasi improvisées, les sonnalité et un orchestre bonhomme
deux dernières pièces Fantas et Fabulae ré accompagné d'un orchestre que l'on Haendel, par le grand label fédérateur chaussé de semelles de vent. L'en-
illustrent le versant contemporain de aurait souhaité plus étoffé et dynamique. Brillant Classics, d'autant que le soliste semble de bon aloi vaut surtout pour
l'inspiration versatile du compositeur. L'ensemble reste agréable à découvrir. Christian Schmitt n'est pas le premier son exhaustivité et son prix imbattable.
(Jérôme Angouillant) (Laurent Mineau) venu, il est l'organiste que l'on sait, (Jérôme Angouillant)

8  ClicMag avril 2021  www.clicmusique.com


Alphabétique
dans des interprétations très soignées
et convaincantes. On ne cherchera pas
dans ce laps de temps une évolution
sensible du style du compositeur mais
plutôt un approfondissement de sa
veine intimiste, qu’exposent par ailleurs
l’Introduction et Allegro appasionato
(1876) et l’Andante en fa majeur (1853),
judicieusement ajoutés par l’éditeur à Swan Hennessy (1866-1929) Raul Koczalski (1885-1948) Johann Kaspar Kerll (1627-1693)
ces deux CDs bien dignes de retenir l’at- Rhapsodie Celtique, op. 50; Au Village, Intégrale des mélodies, vol. 1. Sicilienne, Intégrale des œuvres pour orgue et
tention d’auditeurs épris d’une musique op. 22; Berceuse, op. 13; Deux Morceaux, op. 107; Ob ich dich liebe ?; So war's mein clavecin
instrumentale parfaitement composée op. 68; Valses Caprices, op. 41; Pièce König, WoO; Psaume 121, op. 120; 21 Ge- Matteo Messori, orgue, clavecin
Celtique, op. 74; Sonate Celtique, op. 62 dichte, op. 122; Quatre lieder romantiques,
et très souvent séduisante par la charge BRIL94452 • 3 CD Brilliant Classics
Marcin Murawski, alto; Anna Makandasis, piano op. 63; Quatre Hafis-Lieder, op. 104

D
émotive immédiate qu’elle transmet. Katarzyna Dondalska, soprano; Michal Janicki, e Johann Kaspar KERLL (1627-
AP0490 • 1 CD Acte Préalable
(Jacques-Philippe Saint-Gerand) baryton; Michal Landowski, piano 1693), J.-S. Bach dira qu’il "aimait

L e compositeur américain Edward


Swan Hennessy était d’origine irlan-
AP0601 • 1 CD Acte Préalable sa musique" ; il instrumenta d’ailleurs
le Sanctus de l’une de ses messes.
daise. Il vécut essentiellement à Paris.
Il se passionna pour la culture et la L es harmonies dorées de la Siziliane,
sa ligne de chant belle comme une
arabesque de Klimt font soudain Koc-
Elève de Carissimi à Rome, Kerll devint
musicien de l’archiduc à Bruxelles, puis
musique celte, les folklores en général maître de chapelle à la cour de Munich
et le jazz qui se répandit progressive- zalski proche de Josef Marx, mais ce et enfin organiste de la cathédrale de
ment en Europe, au lendemain de la n’est pas l’essence de ses autres mélo- Vienne. Son oeuvre ne contient "que" 24
Première Guerre mondiale. Nombres de dies : le chant déclamé des Hafiz, les numéros d’opus, mais, sur le nombre,
ses pièces portent des titres évocateurs humeurs contrastées du grand cahier à certains sont en fait des Suites com-
avec les mots “celtique”, “irlandaise”, une ou deux voix (et alternant soprano plètes. L’organiste/claveciniste Mat-
“gaélique”. Marcin Murawski a transcrit et baryton)qui composent les 21 Lieder teo Messori possède de nombreuses
Joseph Haydn (1732-1809) pour alto plusieurs d’entre elles. Cela tirés du Divan de Goethe, indiquent, cordes à son arc : il fut l’élève d’Artu-
Intégrale des concertos pour clavier a pour effet d’ouvrir les possibilités outre une fascination pour l’orient que ro-Benedetti Michelangeli pour le piano,
Mélodie Zhao, piano; David Nebel, violon; Came- expressives et surtout narratives des Koczalski partageait avec Szymanowski, d’Umberto Pineschi pour l’orgue, de
rata Schweiz; Howard Griffiths, direction œuvres. En effet, l’alto est, par tradi- une dilection pour langue allemande, Sergio Vartolo pour le clavecin ; et en
tion, l’instrument des confidences, le jusque dans la ligne douloureuse et tant que chef de la Cappella Augustana,
CPO555400 • 2 CD CPO
“barde” comme se décrivait, d’ailleurs, les mots amers du Psaume 120. Sur- il fit paraître quasiment toute la musique

H aydn s’est peu préoccupé de la pro-


motion de ses propres concertos,
le compositeur. Les morceaux sont
charmants et d’une harmonie parfois
prenant, à quel point celui que j’aurais
connu seulement comme pianiste
sacrée de Schütz en 19 Cds ( !). Il a
choisi de présenter son intégrale Kerll
y compris de leur édition comme si ce délicate à l’instar du cycle Au village qui durant tant d’années se révèle un grand sur trois clavecins (copies d’anciens)
répertoire lui était relativement indif- est dédié à Max Reger. Les influences compositeur, non seulement par le ton et sur un orgue historique allemand de
férent. Assurément, il s’agissait à ses de Debussy et de Fauré sont percep- personnel, mais par les audaces harmo- 1732. Si les Magnificat pour orgue (CD
yeux, d’un genre mineur qui répondait tibles. De même, le jazz dans l’une des niques qui pimentent le cycle de Goethe III) peuvent paraître d’un intérêt relatif
aux exigences de commandes d’un in- partitions éponyme, correspond davan- dés le premier lied, duo à peine tempé- (car bien joués mais fort brefs...), les
tage à ce que l’on nomme aujourd’hui le ré. Paille relative du disque, le baryton Toccate et Canzone (CD I), les Suites
térêt secondaire. Qui plus est, certaines
ragtime. Plus remarquables encore sont dur, sec, de Michal Janicki, s’il rend bien pour clavecin, et surtout la Ciaccona
partitions étaient destinées à son usage
les sept Valses Caprices teintées d’un compte des rudesses de bien des lieder, et la Passacaglia (CD II) sont de tout
personnel et ne devaient en aucune humour bienveillant (valse rustique, ne s’accorde pas vraiment avec la pulpe premier ordre. Dans celles-ci, l’inter-
façon être publiées. Un argument sup- canaille, distraite, boiteuse, érotique). surabondante de sa soprano, qu’il induit prétation de Matteo Messori est exem-
plémentaire confirme ces impressions : Marcin Murawski et Anna Starzec- parfois en faussetés. C’est dommage plaire : jamais métronomique, elle sait
contrairement à Mozart et Beethoven, Makandasis interprètent ce pro- vraiment, car ces opus radicaux qui ménager des silences, des rallentandi et
Haydn n’était pas un virtuose du cla- gramme avec beaucoup de tendresse éclairent le catalogue de Koczalski sont accelerandi bienvenus qui "expriment"
vier bien qu’il appréciât tant par la suite et de saveur. Une jolie découverte. exigeants à la mesure de leurs qualités. au mieux la beauté de ces musiques.
l’évolution de la facture instrumentale, (Jean Dandrésy) (Jean-Charles Hoffelé) Deux petits bémols : dommage que le
du clavecin, de ses premiers concertos
aux pianofortes des derniers opus. Ce Divertissements de chambre (écoutez la Grande Sérénade en Ré,
sont donc cinq concertos que l’on en- Sélection ClicMag ! Capella Alamire; VivaVoce; Oxford Camerata; véritable opus de parade) toute une cer-
tend auxquels s’ajoute le Concertino en Dufay Ensemble; Chapelle Du Roi; Nova Schola taine alacrité, les splendeurs très roco-
Gregoriana; Ensemble San Felice; Fortuna En- co des Messes, merveilles absolues qui
Ut ainsi que le Double Concerto. Les in-
semble; Concerto Palatino; The Schutz Academy;
terprètes utilisent un orchestre à effectif Ars Nova; Choir Of King’s College, Cambridge;
peuvent voisiner avec celles de Joseph
réduit et “historiquement informé”, no- Stuttgart Chamber Orchestra; Dresdner Kreuzchor; mais aussi avec celles d’Amadeus, et
tamment en ce qui concerne le phrasé Opella Musica; Camerata Lipsiensis; Dufay jusqu’au singspiel, si démarqués de
Collective; Chamber Choir of Europe; Netherlands Mozart, si virtuoses, jusqu’à la musique
et le vibrato contenu. Les timbres sont Philharmonic Orchestra... de chambre (les Quintettes à deux altos
particulièrement justes et on pourrait
BRIL95885 • 28 CD Brilliant Classics si libres de formes, si profus en mélo-
presque regretter que la démarche
W eber et Diabelli furent ses élèves, dies) tout ce que l’on peut entendre ici
ne soit pas poussée à son terme avec dans la vaste œuvre de ce maître prouve
Joseph son grand frère, Michael
l’utilisation du clavecin et pianoforte. La Johann Michael Haydn (1737-1806)
qu’il avait aussi son étincelle de génie
Haydn ne souffrit guère des succès
magnifique prise de son, très chaleu- Johann Michael Haydn Edition. 26 Sym-
de son ainé, il régna sur la vie musi- et pas seulement cet impeccable métier
reuse et le toucher aussi racé que précis phonies; Sénénade, MH86; 2 Divertis- qui s’entend partout. Brilliant a assem-
sement; 3 Nocturnes; 3 Concertos pour
cale de Salzbourg, musicien chéri de
de Mélodie Zhao suscitent le plus vif l’Archevêque Colloredo qui le préférait blé une collection magistrale qui docu-
violon; 2 Concertos pour flûte; Concerto
intérêt. Il y a un mélange astucieux entre pour clarinette; Concerto pour basson; à Mozart et même à son glorieux frère. mente quasi tous les versants de ce
la forme baroque héritée des Bach, une 3 Concertos pour cor; 2 Concertos pour Mozart… Michael le vénérait, quelque vaste catalogue (manquent seulement
inventivité de tous les instants, très trompettes; 2 Concertos pour trombone; chose de l’italianita de Mozart, de son les œuvres de clavier, les concertos, les
Concerto pour trompette et trombone; lyrisme solaire, s’est infusé dans toute lieder, où il y a des merveilles pourtant),
“Sturm und Drang”, et le caractère sur- 11 Messes; 2 Requiems; Répons pour la sa musique, pas si classique que cela : les illustrant d’interprétations parfois
prenant d’une écriture qui jongle avec Semaine Sainte; 6 Salve Reginas; 2 Te studieuses, parfois inspirées, mais peu
l’élan assez Sturm und Drang des Sym-
l’orchestration et compose avec le style Deums; De profundis, MH280; Diffusa est
gratia, MH281; Tenuisti manum, MH695; 3 phonies (la 35e !), le ton brillant jusqu’à importe au fond, car on tient là de quoi
galant français. Cette variété des styles une certaine impertinence des Séré- s’immerger dans l’univers d’un des
opéras (Andromeda e Perseo, Die Hochzeit
bien restituée fait tout le prix si plaisant. auf der Alm, Der Bassgeiger zu Wörgl); 6 nades et des Divertimenti qui mettent tout grand compositeur de son temps.
(Jean Dandrésy) Quatuors à cordes; 5 Qintettes à cordes; 4 dans leur plein air des jeux de masques (Jean-Charles Hoffelé)

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Plein-jeu de l’orgue ne soit pas très bien la vocalise pleine et fusante, pour elle
accordé et que le haute-contre ait une Sélection ClicMag ! la soirée, aussi provinciale soit-elle,
voix ultra blanche. Mais ne boudons serait déjà historique, mais l’entourage
pas cette parution - au moins pour les fait bien mieux que ne pas la déparer, à
deux premiers CDs - d’autant plus que commencer par Gustav Kühn, dont les
ce coffret est vendu à prix très doux. Mozart piétons s’oublient ici, sa battue
(Jean-Paul Lécot) emportée par un orchestre léger et qui
lui fait Mozart plus italien qu’il ne l’aurait
jamais pensé. L’équipe de chant, sinon
Gustav Mahler (1860-1911) le Ferrando un peu court de timbre de
Symphonie n° 4 / Johann Strauss : Kaiser- Richard Decker, joli dragueur blond
Walzer, op. 437; Schatz-Walzer, op. 418 à la scène, se hausse au niveau de sa
Renaud Capuçon, violon; Katja Lämmermann, Wolfgang A. Mozart (1756-1791)
diva, Monica Bacelli donnant le meilleur
violon; Antoine Tamestit, alto; Clemens Hagen, Così fan tutte, opéra en 2 actes, K588 d’elle pour Dorabella, sa voix avait en-
violoncelle; Alois Posch, contrebasse; Magali Anna Caterina Antonacci (Fiordiligi); Monica
Mosnier, flûte; Sebastian Manz, clarinette; Albrecht
core alors de l’étoffe et du style. Admi-
Bacelli (Dorabella); Laura Cherici (Despina);
Mayer, hautbois; Herbert Schuch, piano; Gereon Richard Decker (Ferrando); Albert Dohmen rable, le Guglielmo de grand caractère
Kleiner, harmonium; Martin Grubinger (Guglielmo); Sesto Bruscantini (Don Alfonso); campé par Albert Dohmen, irrésistible
Pietro Antonio Locatelli (1695-1764) C925161 • 1 CD Orfeo Chœur Lyrique Marchigiano "Vicenzo Bellini"; la Despina rouée de Laura Cherici qui
Marchigiana Philharmonic Orchestra; Gustav est plus que le soprano en voix de tête
Q
Intégrale des concertos pour violon
uel contraste entre les touches Kuhn, direction
Ensemble Violini Capricciosi; Igor Ruhadze, d’épingle qu’on y distribue trop sou-
tendres de l’aquarelliste Webern
violon, direction C243913 • 3 CD Orfeo vent. Sur ce quintette vif comme du
qui caresse de son pinceau la Schatz-

L
BRIL96194 • 5 CD Brilliant Classics a représentation aurait pu passer Marivaux règne le marionnettiste grand
Walzer et la débauche d’or dont Arnold
teint de Sesto Bruscantini, comme
R endant compte (dans ClicMag 74) Schoenberg pare la Kaizer-Walzer, cette inaperçue, si, en ce soir de l’été
de mon écoute de l’Arte del Violino 1990, Anna Caterina Antonacci n’osait débarqué d’un opéra de Rossini. Soi-
mise en regard dit assez qu’au sein
par Diego Conti (Tactus), j’avais men- même de cette doxa de la Seconde sa Fiordiligi, justement devenue légen- rée précieuse, qu’il faut connaître  : elle
tionné à quel point ce dernier avait mis Ecole de Vienne jusqu’aux exercices daire. Elle avait tout pour être le grand n’est pas marginale dans la discogra-
l’accent sur la relation avec Paganini. De les plus pratiques démasquaient des soprano Mozart de sa génération, phie surabondante de Cosi fan tutte.
son côté, Ruhadze avait choisi en 2013 personnalités en tous points opposées. l’ardeur des mots, l’élégie de la ligne, (Jean-Charles Hoffelé)
de pointer l’autre versant de l’œuvre : Renaud Capuçon et ses amis mettent
oui, Locatelli fut l’élève de Corelli. Avec beaucoup d’hédonisme à ces mises surpris de la voir se mesurer aux Rüc- Nikolai Medtner (1880-1951)
l’ensemble Violini Capricciosi, il nous en bouche, et plus encore dans la kert Lieder, chasse gardée des mezzos,
offre un véritable répertoire de danses fluide Quatrième Symphonie qu’Erwin Poèmes, op. 32, 36, 37 et 45
mais elle parvient comme jadis Chris-
dans une perspective résolument Stien a réduit pour onze solistes et Ekaterina Levantal, mezzo-soprano; Frank Peters,
tine Schäffer, à y glisser son timbre,
baroque (même si stylistiquement, il une voix, arrangement qui connait une piano
chargeant les mots au-delà de ce que
y aurait peut- être à redire à ces stac- belle fortune au disque, mais n’aura
sa voix lui permet. Coda surprenante : BRIL96061 • 1 CD Brilliant Classics
catos généralisés). Plus athlétique que jamais rencontrés des interprètes aussi
La Vie céleste qu’elle chantait hier avec
musical dans les mouvements vifs
incluant les caprices (mais pouvait-
on attendre de lui autre chose que cet
subtils, des virtuoses aussi musiciens
qui assemblent leur fabuleux concert
aux nuances infinies autour du piano
les solistes réunis au Festival de Salz-
bourg est cette fois-ci enclose dans le
L a mezzo Ekaterina Levental et le pia-
niste Frank Peters poursuivent l’édi-
tion de cette intégrale des mélodies de
engagement sans peur mais pas tou- d’Herbert Schuch et capturent l’essence seul piano, mais c’est Mahler qui joue,
la soprano ayant callé son chant sur Medtner, laquelle devrait comporter cinq
jours sans reproche ?), et sur un bien même de l’œuvre, si bien que vous
le défilement du rouleau perforé pour volumes. Dans les opus présentés ici,
beau violon italien du tout début du n’aurez pas à chercher ailleurs, d’autant
dix-huitième siècle, il est ébouriffant. que pour La Vie céleste Christiane Karg Welte Mignon, effet étrange, assez sé- l’œuvre de Pouchkine tient toujours une
Les 12 concertos de l’opus 3 en res- est désarmante de pureté et de fantai- duisant, au même titre qu’Ich ging mit place prédominante, suivie d’assez loin
sortent piquants comme des chardons, sie à la fois. Mahler lui va décidément Lust réalisé avec les mêmes procédés. par des poèmes de Fiodor Tiouttchev,
et d’une acidité stimulante comme un bien, dont elle grave aujourd’hui, soit (Jean-Charles Hoffelé) plus pessimiste, dont un poème donne
quartier de citron. Ils sont complétés huit ans plus tard, un plein album de
lieder avec le piano poète de Malcolm son titre au cd, et Afanassi Fet. C’est
par 29 minutes de bonus : le premier
enregistrement de deux concertos sans Martineau. Evidemment les Lieder de dire que l’inspiration du musicien qui
numéros d’opus (ni caprices), qui pour- jeunesse lui vont comme un gant, la vécut jusqu’à la moitié du siècle suivant
rait donner une raison supplémentaire trouvant conteuse enjouée, délicieuse- reste très ancrée dans le 19e s. et son
d’ajouter ce coffret à l’un des autres ment mutine, l’esprit populaire du Kna- esthétique. On peut cependant consi-
op.3 intégraux disponibles (Wallfisch, ben Wunderhorn s’élevant à des raffine-
ments que seule Elisabeth Schwarzkopf dérer, avec les interprètes, qu’il s’agit là
Fanfoni ou Conti) malgré l’étalement sur
5 disques au lieu de 3 habituellement. y avait osés, comparez seulement leurs de pièces indémodables parce que hors
(Olivier Eterradossi) versions de Verlor’ne Müh’. Je suis plus du temps, figures immarcescibles d’une
Russie éternelle. C’est d’ailleurs, avec
C842111 • 1 CD Orfeo Mozart fut toujours un des objets de l’art pianistique consommé qu’on lui
Sélection ClicMag ! son art, tôt il le documentera avec un connait, le traitement que leur réserve
P armi la théorie des instrumentistes
autopropulsés chefs d’orchestre,
Alexander Lonquich passa relativement
album où il préférait aux Sonates des
pièces brèves, disque magnifique dis-
le compositeur. Ce qui en fait tout le
charme, essentiellement élégiaque, et
inaperçu. Dommage, car l’écho de ce paru depuis longtemps et qui fit comme
en explique également le pathétique,
un prélude à l’intégrale des Sonates
concert au Mozarteum donne envie parfois jusqu’à l’exagération (op. 37).
pour violon et piano avec Frank-Peter
d’en entendre plus, Danses allemandes
Zimmermann, autre manière de servir Ce que l’interprétation traduit précisé-
pleines d’esprit jusque dans sa turque-
Mozart plutôt que de s’en servir. Les ment, et qui plaira ou non, question de
rie ironique, Symphonie Linz altière, très
italiens eurent la chance de l’entendre sensibilité, mais mérite certainement
dessinée (ces cordes qui attaquent), faire une quasi intégrale des Concer-
Musique funèbre maçonnique sépul- le détour. Un livret en anglais propose,
tos, et les faire avec une élégance, une
Wolfgang A. Mozart (1756-1791) crale, qui vient étrangement assombrir simplicité, une pudeur que l’on retrouve outre les traductions des poèmes (origi-
l’atmosphère jusque-là solaire. Etait- intactes dans ce fluide 22e joué sur les naux russes sur le site de l’éditeur), une
Musique funèbre maçonnique en do
mineur, K 477; Symphonie en do majeur,
ce pour opérer une transition avec les pointes, miraculeux par son absence analyse intéressante de ce que, par sa
KV 425 "Linzer"; Concerto pour piano brillantes élégies du 22 e Concerto, cet de sentiments, son giocoso tendre, ses poétique propre, la musique apporte ici
en mi bémol majeur, KV 482; 6 Danses opus chéri par Wanda Landowska qui lumières diffuses, ses ornements de
lui donna pour notre vingtième siècle un aux textes, éclairage constituant donc
allemandes pure fantaisie. Ne serait-ce que pour lui,
Mozarteum Orchester Salzburg; Alexander visage inoubliable ? Après tout, Alexan- connaitre ce concert est indispensable. un accompagnement d’écoute utile.
Lonquich, piano, direction der Lonquich est resté d’abord pianiste, (Jean-Charles Hoffelé) (Alain Monnier)

10  ClicMag avril 2021  www.clicmusique.com


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Tabarro, cédant au souhait de Günther (qui vient de nous quitter), quel Luigi
Sélection ClicMag ! Rennert, il en resta à la version alle- ardent et frustre dessine de sa grande
mande assez habile signée par Alfred voix rapace Robert Ilosfalvy. Le drame
Brüggemann. L’ouvrage avait d’ailleurs se noue, inexorable, à mesure qu’il se
fait dans cette traduction une belle déroule tout devient irrémédiablement
carrière dans les pays germaniques, sombre jusqu’à l’assassinat de Luigi,
Munich pouvait y réunir une vraie Sawalisch précipitant son orchestre
équipe autour du Michele ombrageux dans un geste effrayant où Dietrich
de Dietrich Fischer-Dieskau, dont la Fischer-Dieskau rugit son meurtre. Les
Wolfgang A. Mozart (1756-1791) Giorgetta de Julia Varady était, comme
derniers échanges, spectraux, entre
Symphonie n° 38 "Prague"; Symphonie n° l’exige Puccini, sa cadette de plus de
Marcelo et Giorgetta, sont pénétrés par
41 "Jupiter" vingt ans. Cette véracité des âges et
un sentiment de terreur, Sawallisch re-
Camerata Academica Salzburg; Sándor Végh Giacomo Puccini (1858-1924) des caractères donne un relief sup-
tenant l’orchestre jusqu’à l’ouverture de
C486981 • 1 CD Orfeo Il tabarro plémentaire au réalisme (qui n’est pas
vérisme) de Puccini, Sawallisch faisant la houppelande découvrant le cadavre
Julia Varady; Hertha Töpper; Robert Ilosfalvy; de Luigi. Il faudrait qu’Orfeo documente
Dietrich Fischer-Dieskau; Kieth Engen; Orchester son miel de ce qui est sans doute le
plus subtil orchestre qu’ait brossé le systématiquement les années de Sawal-
der Bayerischen Staatsoper; Wolfgang Sawallisch
compositeur de Tosca, seine brumeuse, lisch à l’Opéra de Munich, la reprise
C463971 • 1 CD Orfeo en italien de ce Tabarro, le Falstaff de
cornes lointaines sur le fleuve, échos de

1 973. A l’Opéra de Munich, on avait


déjà coutume de donner le réper-
toire italien dans la langue originale,
limonaire, à quoi se superpose les cou-
leurs d’un drame piqué de caractères
Verdi, le Rosenkavalier et l’Arabella
avec les prises de rôles de Lucia Popp,
saisissants : quelle Frugola campe en il y a tant de merveilles qui dorment…
Sawallisch s’y employait, mais pour ce deux mots l’extraordinaire Herta Töpper (Jean-Charles Hoffelé)
Wolfgang A. Mozart (1756-1791)
Serenade n° 6 en ré majeur, K239 'Sere-
nata Notturna' / A. Dvorak : Serenade for
Strings in E major, op. 22 / F. Mendelssohn
L ’Angleterre aurait connu l’honneur
de produire un second Mozart, ainsi
s’exprimait-on à la mort prématurée
pertoires. Les partitions pour piano sont
indubitablement influencées par Chopin
(mazurkas), mais aussi par Tchaïkovski.
C urieux disque en vérité, dont l’intel-
ligence du programme est minée
par la réalisation. Bonne idée en effet
: String Symphonie n° 9 en do majeur / H. de G. F. Pinto. A l’audition de ces trois Il est vrai que Pachulski enseigna au d’associer les versions pour deux pia-
Wolf : Italian Serenade en sol majeur charmantes sonates, nous pencherions Conservatoire de Moscou et qu’il côtoya nos de la Valse de Ravel et de l’op.98
Camerata Academica Salzburg; Sándor Végh plutôt pour un rapprochement avec les aussi bien Scriabine, que Rachmaninov, de Brahms. Les deux œuvres ont été
C486981 • 1 CD Orfeo Sonatines D. 384, 385 et 408 de Schu- Goldenweiser ou Taneiev. Les pièces qui données en avant-première dans cette

C ertaines révolutions étaient passées bert. Sans doute une existence plus alternent entre piano, violon, violoncelle, configuration par les deux compo-
par là, dont celle d’Harnoncourt, et longue aurait permis à Pinto de s’affir- orgue et voix témoignent d’un catalogue siteurs (Ravel avec Alfredo Casella,
d’autres plus strictement historique- mer comme un jalon important dans la dédié à la “musique de salon”. Rien de Brahms avec Ignaz Brüll), et la me-
ment informées d’abord, mais même si construction de la musique de chambre péjoratif dans ce terme qui fait allusion sure ternaire de la Passacaille qui clôt
Sandor Vegh, en musicien consommé, germanique. Mais, telle quelle cette aussi à l’influence de la musique fran- l’op.98 peut faire vaguement écho à
les entendait et les connaissait, il n’en musique, qui ne connut une brève revi- çaise si présente dans les milieux de la Valse. Ajoutons aussi le jeu de mot
avait pourtant au fond guère cure. Son viscence qu’au milieu du XIXe siècle, la haute-bourgeoisie et de la noblesse (pour mélomanes germanistes) qui
Mozart, fréquenté en quatuor du violon mérite qu’on s’y arrête grâce au talent russe. C’est donc le chant qui prévaut fait se refléter dans la marque des
depuis que sa main gauche caressait de deux excellents interprètes polonais, deux pianos contemporains de l’œuvre
dans les Feuilles d’album, une Chanson
ou serrait les cordes et que son archet particulièrement engagés (le violoniste, (Ehrbar, 1877) les mots de l’invitation
triste, des Morceaux de fantaisie… Les
se savait soprano lui courait dans en particulier, opte pour de subtils envoyée par Brahms à ses amis pour
interprètes trouvent le ton juste et sur-
les veines, et avec sa très peu Aca- enrichissements de l’ornementation de la première audition ("ehrbare Annähe-
tout l’atmosphère feutrée et précise à
démique Camerata Salzbourg il avait sa partie) auxquels on ne reprochera rung"). Certes, mais tout cela ne suffit
la fois pour varier les couleurs de ces
mis bien du sang neuf aux Sérénades, seulement que d’avoir été enregistrés pas. Si vous avez dans les oreilles la
pages charmantes. Au détour de l’une
Marches, Cassations, Danses. Plus déli- de très, trop près. À côté de l’enre-
d’elle, pour violoncelle et piano, par Valse par Argerich et Freire ou l’op.98
cat d’écoute, et d’approbation reste le gistrement de son œuvre pour piano
exemple, on croit entendre du Massenet dirigé par Carlos Kleiber en 1980, vous
disque (C486981) qui couple la Prague (PCL10177) par le même interprète, à
ou du Saint-Saëns. C’est aussi la nostal- n’y retrouverez pas vos petits. Alors
et la Jupiter. La première manque d’élan, côté des interprétations concurrentes
gie qui irrigue toutes ces pages encore que les deux œuvres nécessitent des
de Míceál O'Rourke (CHAN9798) ou
mais on est tard (1996) ceci expliquant teintées des nocturnes de Chopin. Nous trésors de coloris et de précision pour
Riko Fukuda (OCLC34169448), voilà
peut-être cela. La Jupiter captée plus tôt sommes alors à la veille de la pre- rendre perceptible la complexité des
une très belle occasion à ne pas man-
(1992) est autrement éclatante, sans mière révolution russe et le temps qui formes, la perspective est ici comme
quer de découvrir un musicien pétri de
pourtant atteindre à la concentration de passe laisse poindre une urgence. Les écrasée par deux pianistes qui peinent
talent mais à la carrière bien trop brève.
l’album Decca. Alors laissez vous plutôt interprètes et en premier lieu la pianiste à distinguer lignes, sonorités, rythmes
(Jacques-Philippe Saint-Gerand)
par le disque des Sérénades (C630041) Anna Mikolon traduisent parfaitement et nuances, ne donnant qu’une pâle
regroupant des extraits de deux les sentiments ambigus de ces pièces, idée de la virtuosité des construc-
concerts donnés en 1986 et herborisant en apparence assez simples, et qui sont tions et nous laissant crouler sous un
de Mozart à Wolf – irrésistible Sérénade déluge d’informations sonores non
enregistrées en première mondiale.
italienne avec quelque chose d’un peu hiérarchisées. Dommage, dommage.
(Jean Dandrésy)
ivre è en passant par Mendelssohn et (Olivier Eterradossi)
Dvorak. Le public exulte, et moi aussi.
(Jean-Charles Hoffelé)

Henryk Pachulski (1859-1921)


2 Mazurkas, op. 18; Prélude, op. 8 n° 1;
Pièces, op. 3 et 9; Feuilles d'album, op.
16; 2 mélodies, op. 14; Morceau de Fantai-
sie, op. 4 n° 2; Chanson triste, op. 4 n° 3;
Album pour la jeunesse, op. 23 Maurice Ravel (1875-1937)
Anna Mikolon, piano; Alicja Rumianowska, mezzo- Poème chorégraphique "La Valse" (version Ferdinand Rebay (1885-1953)
soprano; Anna Sawicka, violoncelle; Andrzej
originale pour 2 pianos) / J. Brahms : Sonates pour violon et guitare en mi
George Frederick Pinto (1786-1806) Kacprzak, violon; Stanislaw Maryjewski, orgue
Symphonie n° 4, op. 98 (version originale mineur et do mineur; Sonate pour alto et
Sonates pour piano et violon n° 1-3 AP0487 • 1 CD Acte Préalable pour 2 pianos) guitare en ré mineur

L
Marek Toporowski, piano-forte; Robert Bachara, e troisième volume que le label Acte Duo Stenzl [Hans-Peter Stenzl, piano; Volker José M. Alvarez, violon; Joaquin Riquelme, alto;
violon Préalable consacre au compositeur Stenzl, piano] Pedro Mateo González, guitare
BRIL96156 • 1 CD Brilliant Classics polonais réunit des pièces de divers ré- GEN20719 • 1 CD Genuin EUD1501 • 1 SACD Eudora

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de songer que celles-ci furent, pour la densité, un grain dans les basses et
Sélection ClicMag ! plupart, composées comme des esser- le médium. Les aigus piquants mais
cizi ! Il faut “des doigts” pour jouer nullement agressifs chantent avec
cette musique et plus encore un esprit beaucoup de lumière. Tout le matériau
affûté, un sens des couleurs et de la est ainsi réuni pour que l’on goûte à la
justesse des rythmes, un tempéra- diversité des timbres, mais surtout aux
ment pour tout dire. Christoph Ullrich audaces harmoniques de Scarlatti. Les
fait preuve d’un humour certain quand changements incessants, l’intranquil-
il “raconte” ce que nous dit chaque lité propre de cette musique fascine et
sonate, conçue comme un monde clos. peu de pianistes ont ainsi transcendé Erik Satie (1866-1925)
L’articulation est splendide, les accents l’expression de la joie de vivre qui porte Trois mélodies; Trois autres mélodies;
ne sont jamais forcés, les contrastes l’œuvre pour clavier de Scarlatti. Ce Hymne, Pour le "Salut Drapeau" du "Prince
Domenico Scarlatti (1685-1757)
de Byzance" du Sâr Péladan; Socrate,
menés avec justesse. C’est un piano nouveau volume est à marquer d’une
Sonates pour piano, K 177-205 drame symphonique en 3 parties pour
qui rebondit et sait danser, mais aussi pierre blanche. En bonus, le clarinettiste
Christoph Ullrich, piano soprano et voix
faire preuve de nostalgie. L’interprète Ib Hausmann propose la pièce Scarlark,
TACET267 • 2 CD Tacet Barbara Hannigan, soprano; Reinbert de Leeuw,
ne songe pas à retrouver la pâte sonore une improvisation dans l’esprit ou la
piano

L e pianiste allemand propose le cin-


quième volume de son intégrale
du clavecin. Il transpose son imaginaire
sur un Steinway magnifiquement bien
suggestion d’un Scarlatti transposé à
son instrument. Etonnant et bien vu. WIN910234-2 • 1 CD Winter & Winter
des Sonate de Scarlatti. Il est amusant réglé. En effet, il possède une réelle (Jean Dandrésy)
N e fuyez pas ! Dans un premier temps
ce que fait le soprano singulier de
Barbara Hannigan dans les Trois Mélo-

E n 2015, c’était le premier enregis-


trement de ces 3 sonates de Rebay
dont je connaissais le nom mais n’avais
d’inspiration post-romantique et très
proche de l’esthétique brahmsienne que
lui avait transmise Joseph Fuchs, mais
partitions de 1794 et 1797 qui se situent
dans le droit fil de celles de Haydn.
L’écriture en est brillante, les thèmes
dies "nues" de 1886 pourra vous effrayer.
Avec raison, et vous agacer également
le ton volontairement niais qu’elle met à
(honte sur moi !) jamais entendu la compositeur bien égaré dans la Vienne souvent d’une bonhomie savoureuse
celles des "Trois Autres Mélodies". Une
musique. Étrange compositeur en vérité expérimentale des premières décennies qui évoque immanquablement "papa
fois passé "l’Hymne pour le Sar Pela-
que ce pianiste, compositeur et chef de du XXe siècle, loin de Berg, Schönberg, Haydn". Certes la brièveté des dévelop-
dan", et si vous avez survécu, oserez-
chœur autrichien qui se prit de passion ou Webern. D’autant qu’une large frac- pements (chaque symphonie de ce CD
vous entrer dans ce pourquoi existe ce
pour la guitare en raison d’influences fa- tion de son œuvre est constituée de trop court ne dépasse guère les vingt
disque : Socrate. Les voix féminines y
miliales et amicales, et qui resta jusqu’à plus de 600 œuvres composées pour minutes) et la trop grande dépendance
la guitare — dont sa nièce Gerta Ham- sont rares, jadis Suzanne Danco l’avait
la fin réfractaire aux aventures de la au style du modèle limitent la valeur
merschmied était virtuose — se mêlant tenté dans la version orchestre, à la
nouvelle école de Vienne. Les œuvres de ces partitions mais le charme de la
à différentes combinaisons instrumen- découverte est incontestable. En com- demande de Darius Milhaud, puis reve-
qu’on entend ici ont été composées
tales. Écarté de la vie musicale viennoise plément, une brillante et très mozar- nant à la version avec piano, Hugues
entre 1941 et 1942, et le moins qu’on
puisse dire est que leur post-roman- à partir de l’Anschluss de 1938, Rebay tienne ouverture pour un opéra au sujet Cuénod avait littéralement confisqué
tisme plutôt léger (et parfois à la limite sombra peu à peu dans l’oubli et mou- classiquement inspiré de l’Antiquité (La l’œuvre. Eh bien, dans la récitation mo-
de la futilité) contraste énormément rut dans la pauvreté (1953) sans que magnanimité de Scipion fait écho à la dale de Socrate, Hannigan est magni-
avec la noirceur de l’époque… peut- son œuvre le signalât à la postérité. Il clémence de Titus). Kevin Griffiths n’a fique d’attention, de poésie, d’allusion,
être un sommet "d’esprit viennois" ? A est vrai que les pièces présentées sur ce pas son pareil pour faire ressortir les et soudain le piano de Reinbeert de
l’écoute, j’ai été frappé par l’écart très CD font appel très souvent à un second timbres de son orchestre néerlandais et Leuw, si rompu à la langue de Satie, ne
audible entre un violon aux influences degré pour être appréciées, comme en mener avec brio ses troupes à l’assaut l’accompagne plus, mais ce marie à ce
"Mitteleuropa" et une guitare profonde témoignent les Variations sur une chan- de la réhabilitation de Romberg. Rien timbre si clair. Tout l’album dégage un
très "classique espagnol" : je me serais son populaire dans le style des plus d’essentiel on l’aura compris, mais une parfum d’étrange, quelque chose de dé-
plutôt attendu à des timbres plus acérés, grands compositeurs autrichiens, pour fort jolie découverte cependant dans concertant qui assez dans "l’esprit Satie"
que mon souvenir associe (peut-être Guitare, Flûte, Clarinette et Voix, ainsi l’exploration du classicisme viennois. pour qu’en accepte le propos radical.
à tort) au jeu de Tröster, Söllscher ou que les deux autres séries de Variations (Richard Wander) (Jean-Charles Hoffelé)
Ragossnig par exemple. Par contre l’al- ou le Trio en la, toutes pièces enre-
liage sonore avec l’alto est somptueux gistrés ici avec beaucoup de finesse.
De belles découvertes à savourer. relative chronologie, de la Valse op.1
tout au long de la sonate en ré mineur,
à connaître. S’il prenait à Eudora l’en- (Jacques-Philippe Saint-Gerand) Sélection ClicMag ! entre Schubert et Chopin, des Mazurkas
déjà plus de la même jeunesse, un peu
vie un peu folle d’exhumer l’ensemble
fantasques, aux visions des Poèmes,
des partitions du "Ferdinand Rebay
des Danses sacrificielles, du salon au
Project" des éditions Bergmann, voilà
temple païen, du charme à l’extase. Tout
une aventure à suivre attentivement !
un monde où se télescopent des météo-
(Olivier Eterradossi) rites et des paysages, se mêlent l’intime
et l’immense (reclus dans le bref), se
contrastent l’élégie et la transe, tout
cela Dmitri Alexeev dans son piano de
grande école, aux sonorités si nobles,
Alexandre Scriabine (1872-1915) le fait chanter et exploser avec un art
Andreas Romberg (1767-1821) où ne manque ni la poésie ni l’extrava-
Valses, op. 1 et 39; Allegri, op. 4 et 18;
Symphonies n° 1 et 3; Ouverture "Die Nocturnes, op. 5 et 9 n° 2; Impromptus, gance et encore moins l’ivresse. Serait-
Großmut des Scipio" op. 7, 10, 12 et 14; Polonaise, op. 21; ce la grande intégrale moderne qui nous
Phion Orchestra of Gelderland & Overijssel; Kevin Mazurkas, op. 3, 25 et 40; Fantaisie, op. manquait depuis celle de Michael Ponti
Griffiths, direction 28; Scherzo, op. 46; Rêverie, op. 49 n° 3; et dont seule jusqu’ici Maria Lettberg
Ferdinand Rebay (1885-1953) CPO777052 • 1 CD CPO Morceaux, op. 45 n° 1 et 2, op. 51 n° 1, 3 avait su approcher ? Certainement, et
et 4, op. 52 et 57; Pièces, op. 56 n° 2 et 3;
Variations pour guitare, flûte, clarinette
et voix, FRWV IV 4/6; Trio pour flûte,
clarinette et guitare, FRWV IV 5/10;
L a postérité n’a guère été clémente
avec Andreas Romberg. Pourtant
ce quasi-contemporain de Beethoven,
Feuillets d'album, op. 58; Poèmes, op. 32,
34, 36, 41, 44, 59, 61, 63, 71, 72; Danses,
comme à l’encontre de celle-ci, outra-
geusement moderniste, mais avec quel
talent ! Dmitri Alexeev en vrai russe
op. 73
Variations pour flûte, clarinette et guitare, avec qui il jouait les quatuors de Haydn, célèbre toutes les ambigüités de Scria-
Dimitri Alexeev, piano
FRWV IV 5/11/IV et FRWV IV 5/13/IV; Petite était en son temps estimé presque à bine, et reprend dans son jeu stylé les
rhapsodie espagnole pour flûte, clarinette BRIL95931 • 3 CD Brilliant Classics
l’égal de Beethoven, Haydn et Mozart. hauts faits des Neuhaus, de Feinberg,

S
et guitare, FRWV IV 5/12/IV onates, Préludes, Etudes, Dmitri
Significativement, c’est à lui qu’échut la de Sofronitzki, d’Horowitz, hissant son
Esteso Trio [Marcello Fantoni, guitare; Carlo Enrico Alexeev aura pensé son intégrale
succession de Louis Spohr à Gotha. De intégrale au Panthéon des anciens.
Sandrini, clarinette; Alessandra Alfonsi, flûte]
ses dix symphonies, six nous sont par- Scriabine par genre, pari risqué qui Et maintenant, que Brilliant lui trouve
BRIL96063 • 1 CD Brilliant Classics venues. Kevin Griffiths avait déjà gravé au terme regroupe en trois disques un orchestre et un chef, pour graver

É trange destin que celui de Ferdi-


nand Rebay, compositeur autrichien
sa quatrième avec "turquerie", il revient
aujourd’hui avec les 1ère et 3ème, deux
emplis à débord, tout le reste, ordonné
par numéro d’opus et donc dans une
Prométhée, la Fantaisie, le Concerto !
(Jean-Charles Hoffelé)

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de la pure partition symphonique. Le des critiques fut aiguisée. La maladie
compositeur n'a pas mis uniquement s’en mêla, cette bronchite doublée de
“des pas en musique” : il a donné un dépression qui, trois ans plus tard,
poids psychologique à chaque person- finirait par l’emporter, le contraignant à
nage, ce que l’orchestre traduit parfois laisser le plus gros des répétitions à la
avec une certaine véhémence. Le Conte discrétion de Mario Rossi. Il en résulta
de Perrault, La Belle au bois dormant, une soirée singulière, et pas seulement
servit de modèle au ballet qui était une par ses irrégularités, les incertitudes
commande du directeur des théâtres entre la fosse et la scène, et pour les
Robert Schumann (1810-1856) impériaux de Russie. Tchaïkovski fit chanteurs pourtant rompus à la battue Carl Maria von Weber (1786-1826)
Arabesque en do majeur, op. 18; Kin- explicitement référence à l’esprit de Lul- suggestive du chef (sinon Dragica Mar- Sonates pour piano n° 1-4
derszenen, op. 15; Kreisleriana, op. 16; ly, de Bach et de Rameau pour traduire tinis), le devoir de se jeter dans la tem-
"L’Oiseau-prophète", extrait de "Scènes des Elzbieta Tyszecka, piano
la magie du conte. Barry Wordsworth pête comme dans la confidence sans
bois", op. 82 n° 7; Romance en fa dièse sécurité, finirent par produire un Otello AP0488/89 • 2 CD Acte Préalable
restitue, plus encore que les deux
mineur, op. 28 n° 2

A
autres chefs d’orchestre, l’élégance de que j’écoute toujours avec passion. ttention, les mélomanes qui les ont
Nino Gvetadze, piano
l’écriture qui n’a rien à envier aux sym- Entendez seulement comment Ramon entendues par (dans l’ordre) Arrau,
CC72855 • 1 CD Challenge Classics phonies de la maturité du compositeur. Vinay fait dans l’orchestre orant de Fur- Guilels, Richter et Fleischer risquent

U n premier album Chopin (les Pré-


ludes) m’avait laissé au bord du che-
min, ce Schumann parfois aussi. Non
(Jean Dandrésy) twängler son Dio mi potevi. Furtwängler
a son monde, et l’offre à qui veut y vivre,
et d’abord au Iago brute dangereuse de
de ne pas reconnaître les quatre éton-
nantes et redoutables "grandes sonates"
que Nino Gvetadze ne sache où elle va : Paul Schöffler, qui abandonne le style romantiques de Weber sous les doigts
son Arabeske alentie, pleine d’ombres, que Karl Böhm lui imposait pour creu- d’E.Tyszecka. L’Allegro de l’op.24 m’a
est assez sentie, mais ces fins de ser son personnage, mettant dans sa immédiatement paru bien long… 14
phrases qui s’enterrent dans le morne, voix la trogne du traitre. Génial. Toute minutes là où d’habitude on est parti
cette absence de dynamiques défont ce l’équipe de chant s’y retrouve d’ail- pour 8 ou 9… Et le célèbre Presto
qu’elle y met de poésie. Ses Scènes d’en- leurs, à commencer par le Cassio de "perpetuum mobile" a confirmé mes
fants sont mieux venues, les contrastes Dermota et le Roderigo de Jaresch, craintes : 7 minutes contre les 3 et demi
y paraissent, et la narration fait mouche et si l’on peut ne pas aimer le timbre
d’Arrau (qui exagère peut-être, lui, a
plus d’une fois. Ce sera le meilleur de de Dragica Martinis, sa Desdémone
l’album puisque la pianiste entend
Giuseppe Verdi (1813-1901) contrario). L’op.49 souffre du même
noble et sensible, chantée et dite d’une
d’abord le lyrisme et sait le transcrire. Otello grande voix au style surveillé, n’est pas mal : 40 minutes contre les 25 d’un
Mais pour les élans et les précipices Anton Dermota, ténor; Josef Greindl, basse; Paul loin d’être en bien des points parfaite, Richter pourtant en public ! Les op.39
de Kreisleriana, il faut une vision, voir Schöffler, baryton-basse; Ramon Vinay, ténor; Sie-
comme son Emilia, la magnifique Sie- et 70 sont eux un peu plus proches de
glinde Wagner, contralto; Wiener Philharmoniker;
des visions, et surtout d’autres doigts. glinde Wagner. Et Furtwängler ? Sa la tradition. Côté technique c’est aussi
Wiener Staatsoper; Wilhelm Furtwängler, direction
Dommage, car les idées ne manquent tempête atmosphérique, même avec déroutant : malgré la lenteur générale
pas, ni les volontés. Alors, écoutez C880132 • 2 CD Orfeo
un canon à contretemps, aura inspiré des traits sont bousculés, quelques
là plutôt disant L’Oiseau prophète.
(Jean-Charles Hoffelé) L ’Allemagne produisit dans les années
trente la première réévaluation du
legs verdien, alors même que l’Italie,
Carlos Kleiber, l’attention qu’il porte
aux divers lacis de l’intrigue montre que
accords, rythmes et enrobages de
pédale sont approximatifs, les nuances
derrière Boito il voit Shakespeare, le
abandonné aux délices du symbolisme grand ensemble de l’ambassade de Ve- sont à peine marquées et la dynamique
ou aux splendeurs du vérisme ne voyait nise est saisissant et plus saisissantes très resserrée. Gommées aussi nombre
plus en Verdi qu’un Dieu dont on véné- encore les couleurs délétères avec d’indications de climat ("passionato",
rait seulement quelques idoles. Fritz lesquelles il peint le quatrième acte, si "leggermente", "con gusto"…). La mer-
Busch, Karl Böhm, Josef Keilberth, bien que marginal comme il le fut tou- veilleuse vocalité des thèmes y perd
Hans Schmidt-Isserstedt puis Ferenc jours dans la discographie, et d’autant beaucoup (pourtant... Weber !), l’arti-
Fricsay, rendirent Verdi à Verdi, mais en plus présent qu’Orfeo s’est abreuvé à culation du discours aussi. Est-ce une
langue allemande, et même après l’ère plusieurs sources pour rendre justice
volonté de "calmer le jeu", ou encore
nazie. Furtwängler n’y trempa guère à l’ensemble de la soirée (puisqu’aussi
et lorsque le Festival de Salzbourg bien le Festival ne fit que radiodiffuser une sorte de "déconstruction"  ? Je
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
l’annonça comme maitre d’œuvre d’un la représentation), ce sombre Otello crois plutôt à un raté mais je peux me
Intégrale des ballets
nouvel Otello pour l’édition de 1951 continue de déployer son crépuscule. tromper : à chacun de se forger un avis.
Royal Philharmonic Orchestra; Nicolae Moldo-
veanu, direction; Barry Wordsworth, direction; la curiosité des mélomanes comme (Jean-Charles Hoffelé) (Olivier Eterradossi)
David Maninov, direction
BRIL96195 • 5 CD Brilliant Classics
habitués savaient qu’il réalisait une magistral le Walther de Windgassen qui
Sélection ClicMag !
R egrouper les trois ballets de Tchaï-
kovski (Le lac des cygnes, La Belle
au bois dormant et Casse-Noisette)
toute autre part de son art dans les
Meistersinger. Son sens de l’humour
détaille avec art l’évolution psycholo-
gique du personnage face à l’Eva alerte,
légendaire, la tendresse lyrique dont il mutine, subtile d’Elisabeth Grümmer
en un coffret est une bonne idée. Qui savait faire preuve, une certaine liberté au timbre éternellement juvénile. Tous
plus est, avec le Royal Philharmonic même dans sa direction, trouvaient un seraient à citer, mais il faut décerner
Orchestra, phalange qui possède une terrain d’élection dans la comédie phi- une mention spéciale à la Magdalena
sérieuse tradition dans ce répertoire losophique de Wagner. En 1960, le pla- d’Elisabeth Schärtel, aussi finement
depuis l’époque de son fondateur, Sir
teau est d’un équilibre souverain, Josef chantée (quel beau mezzo) que jouée.
Thomas Beecham. Casse-Noisette,
Greindl donnant une épaisseur drama- Knappertsbuch se régale, portant l’ani-
par exemple, fut gravé en intégralité
tique à son Sachs. On en aura connu mation du II à son comble, emportant
sous les baguettes d’Ashkenazy et de
de plus poètes, mais ce timbre sombre, avec panache les scènes chorales, et le
Rodzinski. Dirigé par David Maninov, Richard Wagner (1813-1883)
l’ouvrage s'adresse autant à l'enfance immédiatement reconnaissable campe concours du III, montrant dans l’accom-
Les maîtres chanteurs de Nuremberg
qu'au monde des adultes. La soif d’exo- un personnage saisissant. Magnifique, pagnement des dialogues et des scènes
Josef Greindl, Sachs; Elisabeth Grümmer, Eva;
tisme irrigue de nombreuses danses Theo Adam étrenne son Pogner, chant intimes une subtilité dans les colora-
Wolfgang Windgassen, Walther; Karl Schmitt-
du ballet. Tchaïkovski puise son inspi- Walter, Beckmesser; Gerhard Stolze, David; Theo admirable de noblesse auquel répond tions, une fluidité dans la conduite, et
ration dans les danses les plus prisées Adam, Pogner; Elisabeth Schärtel, Magdalena; l’étonnante composition buffo du Koth- dans les moments les plus lyriques une
à la fin du XIXe siècle : danse arabe (le Ludwig Weber, Kothner; Donald cloche, Ein ner de Ludwig Weber : le temps était poésie élégiaque qui achèvent de rendre
Nachtwächter; Orchester der Bayreuther Festspiele; venu pour lui des emplois de caractère ces Meistersinger de 1960 inoubliables,
café), espagnole (le chocolat), chinoise
Hans Knappertsbusch, direction malgré un instrument toujours aussi d’autant qu’ils sont enfin rendus ici dans
(le thé), russe (Trepak)… Pour sa part,
Nicolae Moldoveanu dirige le Lac des C917154 • 4 CD Orfeo superbe. Idem pour Karl Schmitt Walter toute leur magnificence sonore, l’édi-
Cygnes avec le souci du spectaculaire
et de l’impact. Sa conception paraît
plus proche de la chorégraphie que
S i le Ring et plus encore Parsifal
sacrèrent Hans Knappertsbusch
dieu absolu sur la Colline Verte, les
qui colore de sentiments ambigus son
Beckmesser, le sauvant de toute cari-
cature. Génial le David altier de Stolze,
teur ayant travaillé avec soin d’après les
bandes originales de la Radio Bavaroise.
(Jean-Charles Hoffelé)

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Alphabétique / Récitals
brillante carrière de virtuose en Europe ture, étant considéré comme la basse et Stefania Scapin (harpe). Le réper-
ou il côtoya Liszt, Wagner, Berlioz. du hautbois. Trois interprètes espagnols toire choisi est constitué de pièces de
Napoléon III l'affectionnait particuliè- en font découvrir ici quelques aspects. Fauré, Debussy et Ravel. Les textes de
rement. Il enseigna à Moscou, fonda Deux Duos concertants de François poètes prestigieux s'effacent au profit
sa propre école de musique à Varso- Devienne (1759-1803) pétillent d’un de l'écriture mélodique et d'atmos-
vie, avant de s'établir définitivement à charme bavard très français. Quatre phères évocatrices. Cela apporte un
Bruxelles où il finit ses jours en 1912. Sonates de Von Dürnitz (1756-1807), nouvel éclairage à ces compositions
Durant sa vie, il ne cessa jamais de dont on ne connait guère par ailleurs à l'élégance délicate mettant en avant
défendre la musique de son compa- qu’une insignifiante variation sur la toute la poésie de la musique. L'invi-
Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) triote Moniuszko et composa surtout fameuse Valse de Diabelli, montrent un tation au rêve de Debussy, l'exotisme
Concertos pour flûte et orchestre à cordes pour le piano. Privilégiant la forme clas- aspect plus sérieux, parfois Sturm und rafraichissant et la spiritualité envoû-
n° 1 et 2; Symphonie n° 7 sique et faisant étalage d'une notable Drang. La Sonate KV 292 de Mozart tante de Ravel, les superbes sensibilité
Lukasz Dlugosz, flûte; The Silesian Chamber virtuosité, les quelques cahiers de confère enfin à l’enregistrement sa et légèreté de Fauré trouvent dans ces
Orchestra; Robert Kabara, direction Mazurkas et de Romances sans Paroles pleine valeur musicale classique par la transcriptions une grâce sublimée par
DUX1589 • 1 CD DUX interprétés ici avec grâce et sobriété beauté de ses thèmes et l’ingéniosité l'association harmonieuse du timbre
par Agnieszka Schulz-Brzyska offrent
L ’œuvre de Weinberg prend sa source de son traitement contrapuntique. Une caressant de la flûte à celui velouté de
dans diverses esthétiques musicales de nombreuses réjouissances. Pépites prise de son de qualité restitue enfin la harpe. L'auditeur est entrainé au sein
du 20e siècle : tonalité, atonalité, poly- étincelantes (N°4 et 8 de l'Op.23) ou ici à l’instrument vedette la richesse d'un songe musical bien agréable. La
tonalité, exubérance, épure, musique rêveries éthérées (n°2 et 58 de l'Op.14), et le velouté de ses sonorités. Sans fluidité de la harpe aux doux pincements
pure et influences du folklore avec une entre convivialité et introversion (la doute ces œuvres mériteraient-elles de cordes, la chaleureuse musicalité de
place centrale de la culture juive. Celle- plupart des pièces sont dédiées à des aussi que Sophie Dervaux, nouvelle la flûte, le lyrisme enjôleur des mélodies
ci n’est pas simplement une inspiration, femmes de l'aristocratie), la person- bassoniste solo du Vienna Phil’s, et qui et les harmonies colorées exercent un
mais l’essence même de son art. Wein- nalité du compositeur se dévoile peu prolonge la tradition française de l’ins- charme apaisant et réjouissant. À cela
berg subit les drames de son temps et à peu. Bientôt un sixième volume ? trument, se penche également sur elles. s'ajoute la finesse de l'interprétation du
sa musique exprime de manière unique (Jérôme Angouillant) (Jacques-Philippe Saint-Gerand) duo particulièrement appréciable. Ainsi,
les errances d’un homme qui se consi- on redécouvre ces pièces avec plaisir.
dérait comme un grand témoin. Achevé (Laurent Mineau)
en 1961, le Premier Concerto pour flûte
évoque de manière stupéfiante le thème
et la texture instrumentale du Premier
Concerto pour piano de Chostakovitch.
Les lignes mélodiques paraissent tour-
noyer sur elles-mêmes dans une danse
continue. La flûte de Lukasz Dlugosz
respire avec beaucoup de simplicité et
de gravité à la fois dans le magnifique Musique pour basson Transcriptions pour flûte et harpe
mouvement lent alors que les motifs F. Devienne : Duos Concertants, op. 3 n° 1 C. Debussy : Nuit d'étoiles; Rêverie; Beau
empruntés à la musique klezmer co- et 2 / T.W. von Dürnitz : Sonates pour bas- Soir; Arabesque; 2 Romances / M. Ravel : 5 Musique romantique italienne
lorent le finale. Le soliste est tout aussi son et piano n° 1, 3, 5, 6 / W.A. Mozart : Mélodies Populaires Grecques; 2 Mélodies pour harpe et piano
à son aise dans le Second Concerto Sonate pour basson et violoncelle, KV 292 Hébraïques / G. Fauré : Les Berceaux; Sici-
F. Pollini : Grande sonate pour harpe et
pour flûte de 1987. Le caractère nos- Carmen Mainer Martin, basson; Violeta Mur, lienne; Clair de Lune; En Prière; Chanson
piano / B. Negri : Caprice pour harpe et
talgique et mystérieux de l’œuvre est violoncelle; Enrique Escartin Ara, piano d'amour; Notre amour; Après un rêve
piano sur la cavatina "Dia piacer mi balza
d’autant mieux souligné que les cordes BRIL96020 • 1 CD Brilliant Classics Andrea Manco, flûte; Stefania Scapin, harpe il cor" de la "Gazza ladra" de Rossini / S.
de l’orchestre possèdent une belle pâte
C e CD consacré au basson, il fagotto, BRIL96018 • 1 CD Brilliant Classics Mercadante : Mélodie pour harpe et piano
sonore. Enrichie du clavecin, la Sym-
V
/ L. Rossi : Divertiemento pour harpe et
aurait plu à Fernand Oubradous, oilà un bien charmant album ! L'art
phonie pour cordes n° 7 rend hommage piano
grand virtuose français d’un instru- de la Mélodie française, ce genre
au concerto grosso classique. A l’étude Anna Pasetti, harpe; Michele Gioiosa, piano
ment que l’on a trop souvent cantonné raffiné pour voix et piano ou orchestre,
des timbres s’associe une écriture, aujourd’hui au rôle du grand père de nous est ici proposé à travers des BRIL95926 • 1 CD Brilliant Classics
aux cordes, postromantique. Curieuse
partition, parfois minimaliste et, pour-
tant, d’une veine lyrique constante.
Pierre et le Loup, mais qui fut doté au
XVIIIe siècle d’une intéressante littéra-
transcriptions pour flûte et harpe réa-
lisées par le duo Andrea Manco (flûte) C e disque rassemble quatre œuvre
rares pour harpe et piano, la plupart
(Jean Dandrésy)
fut un improvisateur qui laissait couler retour aux instantanés d’Albéniz : la for-
Sélection ClicMag ! de sa plume des musiques pour ensuite mule obsessive de "Leyenda" est hypno-
les calligraphier au concert, ajoutant tique, prise dans un tempo insoutenable
tout ce que l’humeur du moment lui qui provoque une tension que peu y au-
suggérait. La "Suite Espagnole" d’Albé- ront mise, avant que la "Fantasia", jouée
niz n’aborde jamais Grenade, mais il très Chabrier ne fasse revenir la lumière,
faut entendre comment le jeune pia- prodigieusement détaillée, en couleurs,
niste la joue dans un clavier débordant en rythmes, en accents, conduisant à
de couleurs, en sonorités amples, avec une "Seguedillas" pleine de guitares et
du velours dans les doigts : sa Saeta, de castagnettes. Les accords en vitrail
Joseph Wieniawski (1837-1912) élégante et un peu nostalgique est une du "Capricho", son chant beau comme
pure merveille, sa Sevillane racée, qui un air d’opéra, conduisent soudain ail-
8 Romances sans paroles, op. 14; 8 Teo Gheorghiu
Mazurkas, op. 23
chante autant qu’elle danse, avec un leurs, dans ce piano doré, si plein, si
E. Granados : Quejas o la Maja y el alentissement fabuleux dans son centre, sonore, si profond. Magnifique pianiste
Agnieszka Schulz-Brzyska, piano
Ruisenor / I. Albéniz : Suita Espanola, op. ne pâlirait pas face à celle d’Alicia de La- dont je crois me souvenir d’un premier
AP0474 • 1 CD Acte Préalable 47 / C. Debussy : La sérénade interrompue; roccha ! Au centre de la Suite, il intègre disque chez Sony où des Impromptus

E nième opus de la collection Wie- La puerta del vino; La soirée dans Grenade les trois Préludes où Debussy peint son de Schubert m’avaient surpris en bien.
/ M. Ravel : Alborada del Gracioso / M. de
niawski paru chez Acte Préalable, Espagne de fantaisie justement apprise L’album se clôt sur la "Danse rituelle du
Falla : Danza ritual del fuego
ce cinquième volume de l’œuvre pour chez Albéniz, jolie idée, mais joués peut feu", on voit le cercle du guitariste, Can-
Teo Gheorghiu, piano
piano de Joseph montre une fois de être trop plein de son, comme avec delas dansant dans la lueur du feu, Teo
plus l'importance de ce musicien, frère CLA3021 • 1 CD Claves un souvenir de Claudio Arrau, et aussi Gheorghiu évoquant l’invocation, jouant
d'Henrick le violoniste, pendant la deu-
xième moitié du XIXe siècle. Né à Lublin
en 1837, Joseph fit ses études de piano
D uende, vraiment ? Le ton de grande
improvisation que Teo Gheorghiu
donne à "Quejas a La Maya y el Ruise-
"l'Alborada del Gracioso" où cette fois,
sous ses doigts, Ravel aura croqué
un méchant, ironique, et qui prends le
de son clavier pour faire voir les ombres
et les lumières. Le Duende promis
parait enfin. Fascinant, à l’image de ce
et de composition à Paris auprès de nor", avec ses ornements beaux comme temps de dire sa sérénade grotesque : disque qui révèle un tout grand pianiste.
Marmontel et d'Alkan, puis entama une des arabesques, rappelle que Granados je ne l’avais jamais entendue ainsi. Puis (Jean-Charles Hoffelé)

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Récitals
Kalistratov, Nikolai Karetnikov, Sergei quelques de compositeurs de la même qu'elle avait déjà enregistré à plusieurs
Sélection ClicMag ! Rachmaninov époque, bénéficient de l'approche auto- reprises. Assez souple sur les tempi,
Yurlov Academic Choir; Stanislav Gusev; National risée du Chœur Yurlov. Plus exaltants la guitariste privilégie la sensualité du
Choir of Ukraine "Dumka"; Yevhen Savchuk; The encore, les deux volumes intitulés toucher et des cordes. Elle complète
Orthodox Singers Male Choir; Georgy Smirnov;
Chants Sacrés à Moscou reprennent judicieusement son programme avec
Rybin Male Choir; Valery Rybin
des enregistrements réalisés par le quelques compositeurs satellites de
BRIL95969 • 6 CD Brilliant Classics Rybin Male Choir pour le Chant du Villa. Ernesto Nazareth (son brejeiro

Q ue rêver de mieux pour l'aficionado


de musique religieuse russe que
cette collection de six disques initiée par
Monde entre 1990 et 1991. Les œuvres
de Gretchaninov, Chesnokov et Golo-
vanov, Kastalsky et Ippolitov-Ivanov
danse traditionnelle plutôt espiègle fait
écho au choros de VL), Guinga et Anibal
A Sardinia Garoto. Très beau Choro de
Brillant Classics de pages liturgiques sont restituées avec un savant mélange Pixinguinha un grand musicien brésilien
de tradition orthodoxe proposant les de simplicité et de noblesse. Écoutez méconnu auquel il est bon de rendre un
La musique chorale orthodoxe compositeurs attendus (Tchaïkovski, seulement les quelques minutes du si tendre hommage. Enfin aux confins
russe Rachmaninov) mais aussi de nombreux We sing unto thee signé Kalinnikov. Un du flamenco et de la bossa nova, L'Agua
Oeuvres de Dimitri Bortnianski, Anonyme, noms beaucoup moins documentés. La pur bijou. On découvrira aussi parmi e vinho du maître Egberto Gismonti
Vasily Polikarp Titov, Stepan Degtyaryov, Liturgie Op.41 du premier et les Vêpres ces trésors indémodables les noms étrangement retenu, et le plus classique
Artemi Lukyanovich Vedel, Piotr Ilyitch du second n'apporteront rien de bien des représentants "modernes" de cette
Tchaikovski, Alexander Grechaninov, Chora coracao d'Antonio Carlos Jobim.
nouveau au mélomane sinon l'idioma- tradition séculaire, les compositeurs
Mikhail Ippolitov-Ivanov, Alexandr Gaëlle n'oublie pas non plus d'inscrire
tique et sage lecture datée de 2001 du Valery Kalistratov et Nikolai Karetnikov
Kastalsky, Alexander Nikolsky, Nikolai quelques compositions de son cher
Golovanov, Konstantin Shvedov, Nikolai
Chœur National Académique d’Ukraine au langage authentique mais éman-
professeur et ami Roland Dyens, dont
Kedrov, dobri Hristov, Alexey Kosolapov, "Dumka". En revanche Les Concertos cipé de toute convention. Un coffret
ce Tuhu qui donne son nom à l'album
Georgy Izvekov, Apostol Nikolaev-Strumski, Sacrés de Bortniansky qui ouvrent le passionnant proposé à prix doux  !
et la belle troisième Saudade, hommage
Viktor Kalinnikov, Yan Burakovsky, Valery coffret, judicieusement complétés par (Jérôme Angouillant)
de ce dernier au Brésil "son pays d'adop-
tion". Un disque évasion indispensable
étant enregistrées ici pour la première EUD1903 • 1 SACD Eudora brésilien. Œuvres de Villa-Lobos, Dyens, en ces temps de morosité ambiante.
Garoto, Gismonti, Guinga, Jobim, Nazareth

L
fois. Toutes demandent de la part des a prise de son, tout d’abord, remar- (Jérôme Angouillant)
interprètes une virtuosité certaine. La et Pixinguinha
quable de définition et de présence,
première est une Sonate classique de Gaëlle Solal, guitare
enchante. Elle nous fait entrer dans les
Pollini, qui a étudié quelques temps trois univers de ces compositeurs aux EUD2003 • 1 SACD Eudora

L
avec Mozart. Mais le premier mouve- esthétiques éloignées mais qui sont nés a guitariste Gaëlle Solal a fait ses
ment est d'une ampleur inconnue dans dans la même décennie. Profondément études musicales à Marseille auprès
les duos de Mozart (presque 12 minutes affaibli par la maladie, Debussy renia sa de René Bartoli puis à Paris avec Roland
de musique, avec cadences de la harpe Sonate pour violon et piano, comme s’il Dyens. Elle suit depuis une carrière in-
comme dans un Concerto). Le capriccio refusait l’impression de liberté qui en ternationale mais a pris tout de même
de Negri est une séquence de variations est la marque profonde. Pourtant, dès le temps d'enregistrer deux albums.
sur un thème emprunté à la Pie Voleuse la première mesure, on sait l’auteur On la sait enjouée comme le montre la
de Rossini. Il y fait montre d'une re- de la partition attentif aux plus infimes superbe photo de pochette mais aussi La tradition organistique des
cherche de sonorités originales - dont détails et jusque dans les harmonies curieuse de répertoires nouveaux. Ce
un trémolo de piano dans l'extrême Pouilles et de Naples
hispanisantes du premier mouvement. nouveau disque intitulé Tuhu (surnom
aigu tandis que la harpe joue la mélodie Œuvres de Gaetano Greco, Ignoto Galli-
Les deux interprètes définissent l’es- donné à Villa-Lobos par sa mère) est polino, Niccolo Jommelli, Alessandro Scar-
dans le medium. Mercadante est sans pace sonore de cette musique à l’écri- une invitation au Brésil, son art de latti, Leonardo Leo, Giacomo Insanguine,
doute le compositeur le plus célèbre de ture si distendue et qui s’achève dans vivre, sa tradition. Du padre Heitor, Rocco Rodio, Nicola Bonifacio Logroscino,
cette sélection. Sa Mélodie est écrite sur les parfums ibériques d’une Habanera. quelques extraits de la Suite Populaire Fedele Fenaroli, Giovanni Paisiello,
le modèle d'une cavatine d'opéra avec C’est davantage l’univers de l’opéra et, Niccolo Porpora
Brésilienne et le célèbre Choros n°1,
accents dramatiques au milieu et brève en l’occurrence celui de Katia Kaba- Margherita Sciddurlo, orgue Petrus De Simone,
ici formidablement exécuté, montre
cadence improvisée pour conclure. nova, qui ouvre la Sonate de Janacek. Italie, 1747
la profonde accointance de l'inter-
Musicien globe-trotter (il a occupé des Le caractère du piano aurait pu être prète pour son compositeur fétiche TC670004 • 1 CD Tactus
fonctions au Mexique, à Cuba), Rossi davantage rhapsodique. Pour autant, la
reste un compositeur foncièrement ita- diversité des climats est restituée avec
lien. Son Divertissement est dédié à des beaucoup d’élégance. C’est comme si sonante, ornements expressifs. Jonas
amatrices qui devaient être d'un niveau le romantisme encore si présent dissi- Sélection ClicMag ! Nordberg ménage à volonté virgules,
remarquable pour surmonter les em- pauses et silences sans négliger le
mulait le caractère expressionniste et
bûches de la partition. Ici, c'est le piano grand arc afin de divertir au mieux
profondément désespéré de la parti-
qui prédomine. La harpiste Anna Pasetti l'auditeur. Cette façon de ponctuer et le
tion. Les deux solistes sont plus à leur
dont le répertoire s'étend de la musique son ample et quelquefois rauque de son
avantage dans la Sonate de Strauss.
baroque à Bruno Maderna défend ces théorbe met particulièrement en valeur
Cette œuvre de transition, entre la fin
œuvres avec conviction. Elle est accom- la subtile dentelle de l'écriture du com-
des études et le début des premiers
pagnée par Michele Gioiosa sur piano positeur. Les quelques pièces de Weiss
poèmes symphoniques, révèle en
moderne qui s'avère attentif à l'équilibre jouées au luth gagnent sous les doigts
pleine lumière la personnalité du com-
- délicat - entre les deux instruments. de l'interprète en mélancolie et en noir-
positeur. Les deux interprètes font jeu
(Thomas Herreng) ceur. L'admirable contrepoint tissé par
égal : ils possèdent le sens de l’espace
et savent porter les phrases jusqu’à leur Œuvres pour théorbe et luth Weiss est ici vecteur direct de l'affect.
dernier souffle. C’est une belle lecture R. de Visée : Suites en la mineur et mi Friselis et légers tremblements du jeu
rayonnante du romantisme finissant. mineur / S.L. Weiss : Cinq Pièces / F. illustrent cette fébrilité, cette inquiétude
(Jean Dandrésy) Dufaut ( ?-1682) : Suite en sol mineur secrète. La Suite en Sol mineur, tonalité
Jonas Nordberg, théorbe, luth sombre là aussi, de Dufaut est une belle
EUD1502 • 1 SACD Eudora démonstration de style brisé. L'écriture
fluctuante et contrastée du compositeur

V oilà un magnifique programme de


Suites et pièces de Robert de Visée,
François Dufaut et Silvius Léopold
s'accorde parfaitement avec le jeu pré-
cieux et lunatique du luthiste. Une brève
et alerte Courante Suédoise, tirée d'un
Weiss conçu par le luthiste et théorbiste thème populaire nordique précède un
Sonates pour violon et piano
Jonas Nordberg. Les deux Suites en Tombeau, celui de Mr Blancrocher qui
C. Debussy : Sonate pour violon et piano,
mineur pour théorbe de Robert de Visée clôt la Suite dans cette même veine
L 140 / L. Janácek : Sonate pour violon et
piano, JW VII/7 / R. Strauss : Sonate pour possèdent les mêmes caractéristiques : bilieuse et tendue. Une très belle réa-
violon et piano, op 18 architecture de cathédrale, danses aux lisation, éditée en SACD proposée par
Aitzol Iturriagagoitia, violon; Enrique Bagaria, Musique brésilienne pour guitare rythmes contrastés, harmonie fluide Eudora, un label espagnol à suivre.
piano Musique pour guitare de compositeurs et mouvante parfois subtilement dis- (Jérôme Angouillant)

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Récitals
épuise la matière sonore mais l’envole bracht" de la Passion selon Saint Jean gois où il s’engloutissait dans l’océan
Sélection ClicMag ! aussi. Ce qu’est une voix qui parle dans (qui deviendra son Bach favori), c’est des trois dernières sonates. Ce disque
le chant, il l’incarna jusqu’à l’épuise- a une histoire : Richter, le trouvant un
ment. Les enregistrements assemblés Dresde dévastée par les bombes, rasée, jour publié, le fit interdire, fait rarissime,
par Berlin Classics rappellent qu’il ce que le gamin vit et dont il se souvient alors que je l’ai vu à Milan embrasser
demeura fidèle au long d’une grande Nikos Velisiotis qui avait édité sans lui
cinq ans plus tard, alors oui, tout est
partie de sa carrière au label est-alle- demander la moindre autorisation les
mand Eterna. C’était faire allégeance à consommé, ce qu’essaye d’apaiser un échos sonores médiocres de concerts
ses années d’enfance, et se souvenir de Agnus Dei hors du temps, vraie prière de oubliables. Il vous suffira d’entendre
son temps de manécanterie au sein du les accords de tonnerre du prestis-
paix et de douleur mêlées. Le reste, lie-
Dresden Kreuzchor. Justement l’album simo de l’Opus 109 pour comprendre.
s’ouvre par un plein disque regroupant dersänger, ténor d’opéra et d’église est Se réécoutant, Richter a eu peur car
Peter Schreier quelques captations de son temps d’al- mieux connu, mais les gravures Eterna ce jour là il avait trouvé non pas l’Opus
CD 1 : Enfant de choeur alto au sein du to, principalement des œuvres de son 109, mais Beethoven. Alors, je ne vais
Dresdner Kreuzchor / CD 2 : Lieder de maitre de chœur, Rudolf Mauersberger, furent toujours rééditées au compte pas épiloguer, mais cette trilogie arra-
Schubert, Beethoven, Mendelssohn, celui qui l’encouragea, le contraignit goutte, et retrouver son héritage quasi chée à un piano transfiguré à force
Schumann / CD 3 : Airs d'opéras de Mozart, presque, à assumer sa voix d’adulte une de pure violence, cette crucifixion
Nicolai, Haendel, Strauss, Rossini, Lort- complet, le faisant entendre en récital,
fois la mue passée : son ténor d’homme de sons m’ont conduit si loin que je
zing, Monteverdi / CD 4 : Airs extraits de à la scène, au culte, de Bach à Britten
ne serait jamais aussi beau que son n’en puis revenir et que j’ai renoncé
cantates et d'oratorios de Bach, Haendel,
alto d’enfance, mais il en conserverait en passant par Mozart et le lied roman- à écouter les quatre bis pieusement
Haydn, Britten
l’art si émouvant. Heureusement hors ajoutés par un éditeur érudit et parfait.
Peter Schreier; Otmar Suitner; Siegfried Kurz; tique dont il fut l’un des maitres abso-
Mauersberger, il y eu deux Cornelius (Jean-Charles Hoffelé)
Helmut Koch; Wolf-Dieter Hauschild; Herbert Kegel
(Die Könige, Simeon surtout, ses pre- lus au XXe Siècle, compose plus qu’un
0301543BC • 4 CD Berlin Classics mières gravures en 1948, treize ans), portrait, il résume son art ardent qui

O n sait quel ténor de grand caractère


fut Peter Schreier, timbre ingrat
mais mots ardents, voix dardée qui
deux Schütz objet principal avant même
Bach du Kreuzchor, et une section de
cinq Bach. Ce que proclame "Es ist voll-
déjà transfigurait le chant de l’Enfant.
(Jean-Charles Hoffelé)

où même le piano d’Hermann Reutter,


dont on créait ce soir-là l’Epitaph für
einen Dichter sur un poème de Faulk-
ner, semble se mouvoir dans l’ éther.
(Jean-Charles Hoffelé) Jacques Offenbach (1819-1880)
Orphée aux Enfers, opéra bouffe en 2 actes
et 4 tableaux
Joel Prieto (Orphée); Kathryn Lewek (Eurydice);
Max Hopp (John Styx); Anne Sofie von Otter
Musique vocale et instrumentale (L'Opinion publique); Marcel Beekman (Aristée/
Richter in Leipzig
Pluton); Martin Winkler (Jupiter); Vocalconsort
de la Renaissance L. van Beethoven : Sonates pour piano n° Berlin; Wiener Philharmoniker; Enrique Mazzola,
Œuvres de Holborne, Ortiz, Dowland, Melli 30-32 / J. Brahms : Pièces pour piano, op. direction; Barrie Kosky, mise en scène
Ensemble A Musicall Banquet [Rebeca Ferri, flûte, 118 et 119 / F. Chopin : 3 Nocturnes pour CM803008 • 1 DVD C Major
viole de gambe, violoncelle baroque; Francesco piano, op. 15
Tomasi, guitare espagnole, luth; Massimiliano Dra- CM803104 • 1 BLU-RAY C Major
Sviatoslav Richter, piano

A
goni, percussion; Baltazar Zuniga, voix, direction] llez, passez sur le français rela-
Lucia Popp PACD96032 • 1 CD Parnassus
BRIL96241 • 1 CD Brilliant Classics tif des chanteurs, de toute façon

C
Arnold Schoenberg, Franz Schubert,
e qu’à profusion Sviatoslav Richter le spectacle loufoque, et assez irré-
Richard Strauss : Lieder choisis
me donne dans ce concert Leipzi- sistible avouons-le, de Barrie Kosky,
Lucia Popp, soprano; Irwin Gage, piano
C789101 • 1 CD Orfeo
évidemment, où elle fait assaut de style,
C hez elle à Munich, et pour un public
habitué à la voir en scène chez
Mozart ou Richard Strauss, Lucia Popp
Sélection ClicMag ! mais également les véristes illustrés ici,
et à nouveau quel chant tenu, surveillé,
qui cherche la vérité des personnages
ose un programme ambitieux. Des
en raffinant les portraits psycholo-
Schubert fluides, naturels, ouvrent le
giques. Puccini est au centre de l’al-
récital d’une manière presque ingénue,
bum, et d’abord Butterfly qu’elle saisit
Nicolai Gedda mais les clore par Der Einsame est déjà
de toute sa grande voix jusque dans le
Bach, Fauré, Poulenc, Schubert, Strauss : l’aveu de ce qui va suivre : l’opus 2 de
récit à l’enfant du deuxième acte, animé
Lieder, Mélodies, Cantates Schoenberg chanté avec une inten- avec une ardeur que je n’y avais pas
Nicolai Gedda; Hermann Reutter; Aurèle Nicolet sité expressionniste saisissante qu’on entendu depuis Sena Jurinac. Comme
C508011 • 1 CD Orfeo n’attendait pas de cette voix solaire. leurs voix sont proches dans ce réper-
Elle augmentera encore l’audace en Krassimira Stoyanova
U n programme conçu comme une toire. Manon Lescaut est vénéneuse
commençant sa section Strauss par Catalani, Cilea, Giordano, Mascagni, plutôt que charmeuse, un angoisse
petite anthologie du Lied de Bach à
les inclassable Lieder der Ophelia que Puccini : Airs d'opéra étreint Liu comme Angelica (géniale
Strauss, avec au centre une échappée
Schwarzkopf marqua à jamais de son Krassimira Stoyanova, soprano; Münchner Senza mamma). L’air de Fidelia, si fine-
belle en France pour deux Fauré embau-
més, et quatre Poulenc pleins de carac- génie avec rien moins que Glenn Gould Rundfunkorchester; Pavel Baleff ment fait, me donne envie de réécou-
tère et ne craignant pas la charge pour au piano. Un peu trop pour elle ? La C899171 • 1 CD Orfeo ter Edgar. A la fin de l’album, un Vissi
voix n’y est pas aussi à l’aise que dans
L
mieux laisser paraître l’émotion dans A a voix est grande, agile et profonde à d’arte anthologique commande qu’elle
sa guitare. La flûte d’Auréle Nicolet le les lieder plus courus qui suivent, ma- la fois, Krassimira Stoyanova m’avait enregistre tout le rôle, comme celui de
rejoint pour Ach, zieher die Selle, les gique Meinen Kinde, Hat gesagt- bleibt’s époustouflé en Luisa Miller à Bastille, Cio-Cio-San. Hors Puccini règne là, son
Schubert s’ouvrent sur le rare et émou- nicht dabei spirituel en diable, c’est cela magnifique dans l’élégie, capable d’un Adrienne mesurée, suprêmement chan-
vant Lied des Florio et culmine dans un le vrai visage de Lucia Popp qui au bis chant orné qui aurait pu se mesurer à tée, sa Suzel, sa Wally étreignante, sa
Du bist die Ruh comme échappé d’un rayonne dans un doublé merveilleux l’apogée du bel canto. Ses ascendances Maddalena di Coigny et son souvenir
voyage d’hiver. Conclusion par trois pris chez Schubert, An Sylvia et Selig- slaves l’auront plutôt poussée vers le des émeutes si poignant. Une rareté,
Strauss déclamés (Liebeshymnus) puis keit, où enfin on peut oublier le piano répertoire russe, faisant son miel des la grande scène du troisième acte de
murmurés (Die Nacht) avant que ce tout sec, façon boite d’allumettes, d’un héroïnes de Tchaïkovski, de Rimski- la Lodoletta de Mascagni, achève de
chant capiteux rêve les yeux ouverts Irwin Gage aux abonnés absents… Korsakoff, mais c’est bien aux italiens faire de cet album un indispensable.
pour un Freundliche Vision suspendu (Jean-Charles Hoffelé) que sa voix pulpeuse la destinait. Verdi (Jean-Charles Hoffelé)

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DVD et Blu-ray
conçu pour le Komische Oper de Ber- piano; D'ou venez-vous fillette ? Mélodie les mots, leur sens rayonne. Qui aurait
lin et capté au Festival de Salzbourg Sélection ClicMag ! populaire pour voix & piano / Arnold
Schoenberg : Brettl Lieder / Francis Pou- chanté ces Roses avec tant de par-
qui tenait à célébrer le bicentenaire de
lenc : Fêtes galantes, Mélodie pour voix & fums dans la voix et tant de nostalgie
la naissance de l’auteur des Contes
piano / Jacques Offenbach : La Perichole
d’Hoffmann, est pensé pour un public aussi, sinon Victoria de Los Angeles ?
Frederica von Stade, mezzo; Martin Katz, piano
germanophone. D’ailleurs le ton de
C870121 • 1 CD Orfeo Puis vient Mandoline, et dans le tempo
la charge et de la satire est donné par

F
un fabuleux Max Hopp endossant les ederica von Stade ne fut pas que leste, les mots sonnent, comme quoi…
défroques multiples de John Styx. Gé- Cherubino, et pas même seulement, Evidemment la voix d’ambre et de
nial, comme le sens du tempo imposé une chanteuse d’opéra. Elle aimait la
mélodie, n’était pas avare de récitals, nacre est divine, quoi qu’elle chante,
par Barry Kosky – il sait que le sel de
l’art d’Offenbach réside dans une per- Salzbourg profita justement de sa venue des Fahrenden Gesellen de Mahler,
fection horlogère du défilement du Frederica von Stade en Chérubin dans les Nozze de Karajan savamment évocateur (elle allait encore
temps, dramatique comme musical. Gabriel Fauré : Les roses d'Ispahan, op. pour lui en demander un. Elle l’ouvre
39 n° 4; 5 Mélodies, op. 58 "de Venise"; avec Les Roses d’Ispahan, mélodie de plus loin dans les Rückert), à Charles
Le spectacle se regarde avec un plai-
Au Cimetiere, Mélodie pour voix & piano pur charme, l’une des plus voluptueuse
sir sans frein, on s’immerge dans les Ives (sublime Serenity) en passant
en mi mineur, op. 51/2; La rose, op. 51 n°
délires d’un Second Empire déjanté qui coulée de la plume de Gabriel Fauré.
4 / Richard Strauss : Rote Rosen, Mélodie par Richard Strauss ou Canteloube, le
implose lors du ballet empli d’abeilles pour voix & piano, o.op. 76, Mélodie Son chant sans consonne où le fran-
délirantes, d’un cancan surveillé par pour voix & piano, o.op. 66 : Lieder eines çais flotte en a agacé plus d’un, surtout savant se mariant au populaire dans
un Méphisto tout rouge, ce monde en fahrenden Gesellen / Aaron Copland : 12 lorsque l’album monographique qu’elle cette voix hors style, qui impose son
folie serait-il prêt de rester aux enfers ? Poèmes of Emily Dickinson / Charles Ives : consacra à l’auteur de L’Horizon Chimé-
Serenity, for chœur, harpes & violons ad sourire partout et jusqu’au bis final, une
Les Wiener Philharmoniker allègent les rique avec Jean-Philippe Collard paru
lib & tympans, S. 177; Memories / Thomas sous étiquette EMI, disque voué aux Griserie d’anthologie, chic et trash à la
rythmes, savourent les couleurs dans Pasatieri : Vocal Modesty, pour voix &
la battue vive d’Enrique Mazzola. Mais piano / Joseph Canteloube : Aupres de ma
gémonies dont je me laisse caresser fois, qui rappelle quelle Perichole elle
lorsque parait Léa Desandre, Vénus blonde, Mélodie populaire pour voix & les oreilles sans mauvaise conscience.
Venant d’elle, ce français imprécis ne fut, si singulière. Le charme à l’état pur.
enchanteresse dans la scène de som- piano; Ou irai-je me plaindre ?, pour voix
meil du 2e Tableau, alors soudain, je & piano; Au pre de la Rose, pour voix & m’a jamais gêné, si elle ne restitue pas (Jean-Charles Hoffelé)
regrette que la troupe formidable ne
puisse chanter un si beau français…
(Jean-Charles Hoffelé)
alto; Richard Croft, ténor; José Coca Loza, basse;
Philharmonia Chor Wien; Les Musiciens du
Louvre; Marc Minkowski, direction; Robert Wilson,
un style propre, le metteur en scène s’y
glisse avec une certaine virtuosité, son
art de la distance, du ralenti, voir du figé
L a Reine des Neiges fait figure d’ovni
dans l’univers du ballet. L’argument

mise en scène extravagant du conte d’Andersen en


tissant des correspondances évidentes,
CM803408 • 1 DVD C Major mais l’épure de sa gestique est comme est la cause. Comment transposer à
CM803504 • 1 BLU-RAY C Major embarrassée par le dispositif scénique : la scène l’histoire d’un jeune homme
ce cadre de néon formant cube au fond
R evenant au Messie, Marc Minkowski
choisit la version Mozart, langue
allemande qui change la couleur de
tout en nuances bleutées distant encore
l’absence d’émotion dans une lumière
(Kay) victime d’un miroir maléfique puis
d’un kidnapping par cette reine, au cos-
froide, les vidéos qu’y projettent To-
l’œuvre. Penser la parabole de Jennens masz Jeziorski font hiatus jusque dans tume d’un blanc immaculé ? Comment
pour la scène est une gageure, l’action le dynamitage de l’Alléluia. Je regarde, rendre crédible les péripéties invrai-
Georg Friedrich Haendel (1685-1759) y est nulle, seul le verbe, littéraire ou j’admire évidemment le langage poé-
musical, l’incarne, pourtant Robert tique jusque dans ses étrangetés (le semblables de sa sœur (Gerda) partie
Le Messie, oratorio en 3 parties pour
solistes, chœur et orchestre Wilson est évidemment l’homme de la mannequin sans tête tenant en laisse à sa recherche ? Toutes ces difficultés
Elena Tsallagova, soprano; Wiebke Lehmkuhl, situation. Puisque l’oratorio possède un homard, comme échappé d’une
expliquent que les chorégraphes se
toile surréaliste), mais comment ne pas
avouer que l’œil s’ennuie sinon l’oreille ? soient détournés d’un projet artistique
la chorégraphie met en valeur la liberté Car Marc Minkowski lui proclame le
Sélection ClicMag ! de mouvement et la complicité de dix chef d’œuvre de Haendel, emportant
qui puise davantage dans la morale que
danseuses et danseurs étoiles de la chœur et orchestre dans un mouvement dans la féérie. Christophe Hampson, à
compagnie ! La musique céleste de d’une puissance toute baroque que la tête du Scottish Ballet, a su réunir ces
Chopin apporte à ce ballet un caractère la relecture de Mozart ne parvient pas
à apaiser. Quatuor splendide dominé deux dimensions a priori inconciliables
intimiste propre à séduire le public le
par l’ardent ténor de Richard Croft. pour offrir un spectacle qui ne manque
plus exigeant. Cette heure de poésie (Jean-Charles Hoffelé)
est suivie d’une émouvante biographie ni de charme ni de séduction. Le pari
consacrée à la violoncelliste Jacque- est gagné grâce à la lisibilité de l’action.
line du Pré par la chorégraphe Cathy
Les différents tableaux enchantent par
Philip Feeney (1954-) Marston. The Cellist est non seulement
un hommage rendu à cette immense leurs couleurs et leur poésie. Les inter-
C. Marston : The Cellist, ballet sur une
musique de Philip Feeney / J. Robbins : interprète disparue trop tôt mais aussi prètes sont à saluer pour l’énergie ou la
Dances at a Gathering, ballet sur une une tentative ambitieuse de personnifier sensualité des danses. Quant à l’accom-
musique de Frédéric Chopin
sa relation avec son instrument. Cette
Hetty Snell, violoncelle; Robert Clark, piano; pagnement musical, le choix de recourir
The Royal Ballet; Orchestra of the Royal Opera approche, profondément originale est
magnifiquement défendue par Lau- à un maître incontesté de l’orchestra-
House; Andrea Molino, direction; Cathy Marston, Christopher Hampson (1973-)
chorégraphie (The Cellist); Jerome Robbins, ren Cuthbertson et Marcelino Sambé. tion s’avère payant. Rimski-Korsakov
La Reine des Neiges, ballet en 2 actes sur
chorégraphie (Dances at a Gathering)
Dans les moments fusionnels, Cathy une musique de Nikolai Rimski-Korsakov est l’homme de la situation, pour avoir
OA1318D • 1 DVD Opus Arte Marston sait trouver le ton juste. L’évo- Scottish Ballet [Constance Devernay (La Reine des
OABD7277D • 1 BLU-RAY Opus Arte Neiges); Bethany Kingsley-Garner (Gerda); Andrew composé en 1882 un opéra sur un
cation de la douleur et de la maladie, Peasgood (Kai); Kayla-Maree Tarantolo (Lexi; La

P lacée sous le signe du romantisme, abordée avec pudeur, est transcendée argument proche la Fille des Neiges
Princesse de l'été); Bruno Micchiardi (Maître de
cette soirée londonienne est à mar- par une force bien plus grande : celle l'anneau); Grace Horler (Mazelda, la diseuse de (Snegourotchka). Sa magnifique suite,
quer d’une pierre blanche. La première bonne aventure); Jerome Anthony Barnes (Zac, le
de la passion de Jacqueline du Pré opportunément reprise dans ce ballet
partie du programme s’ouvre de la plus mari de Mazelda)]; Scottish Ballet Orchestra; Jean-
pour la musique et pour son œuvre Claude Picard, direction; Lez Brotherston, décors;
belle des façons en rendant hommage avec d’autres fragments symphoniques,
à Jerome Robbins et à l’une de ses fétiche, le concerto pour violoncelle Christopher Hamspon, mise en scène
d’Edward Elgar qu’elle a si bien servi. OA1329D • 1 DVD Opus Arte est accessible à un très large public.
œuvres majeures Dances at a gathering.
Sur fond de décor azuréen, l’épure de (Jacques Potard) OABD7284D • 1 BLU-RAY Opus Arte (Jacques Potard)

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Sélection hänssler CLASSIC

L. van Beethoven : Missa Solemnis, J. Brahms : Un requiem allemand, A. Dvorák : Stabat Mater, op. G.F. Haendel : Le Messie, HWV 56 J. Haydn : La Création, oratorio A. Honegger : Jeanne d'Arc au
op. 123 op. 45 58/B 71 (arrangement W.A. Mozart) Gächinger Kantorei Stuttgart; Bach-Colle- bûcher, oratorio dramatique 1
Gächinger Kantorei Stuttgart; Bach-Colle- Bach-Collegium Stuttgart; Gächinger Oregon Bach Festival Chorus & Orchestra; Gachinger Kantorei Stuttgart; Bach-Colle- gium Stuttgart; Helmuth Rilling prologue et 7 scènes
gium Stuttgart; Helmuth Rilling Kantorei Stuttgart; Helmuth Rilling Helmuth Rilling gium Stuttgart; Helmuth Rilling OS de la radio de Stuttgart; Helmut Rilling
HAN98053 - 1 CD Hänssler HAN98038 - 1 CD Hänssler HAN98006 - 2 CD Hänssler HAN98022 - 2 CD Hänssler HAN98007 - 2 CD Hänssler HAN98636 - 2 CD Hänssler

Edition Carl Philipp Emanuel J.S. C.P.E. Bach : Symphonie hambour- C.P.E. Bach : Concertos pour violon- C.P.E. J.S. Bach : Quatuors pour J.S. Bach : Œuvres pour clavier B. Bartók : Intégrale de l'œuvre pour
Bach geoises, Wq. 182 celle Wq. 170-172 flûte, alto et pianoforte, Wq 93-95; Robert Hill; Evgeni Koroliov,; Robert Levin; piano seul, vol. 1
Stuttgarter Kammerorchestrer; Wolfram Julian Steckel, violoncelle; Stuttgarter Sonate en trio, Wq 163 Edward Aldwell; Trevor Pinnock Andreas Bach, piano
Christ Kammerorchester W. Brunner; L. Brunmayr-Tutz; I. Korol
HC16000 - 54 CD Hänssler HAN98637 - 1 CD Hänssler HC15045 - 1 CD Hänssler HC16016 - 1 CD Hänssler HC17017 - 26 CD Hänssler HAN98042 - 3 CD Hänssler

A. Bruckner : Te Deum; Psaume 150; A. Bruckner : Œuvres pour piano A. Dvorák : Les Cyprès (Cycle de G. Enescu : L'œuvre pour violoncelle G. Enescu : Intégrale de l'œuvre M.I. Glinka : Mélodies pour soprano
Messe n° 2 Ana-Marija Markovina; Rudolf Meister mélodies & Quatuors à cordes) et piano pour violon et piano et piano
Gächinger-Kantorei Stuttgart; Bach-Colle- Marcus Ullmann, ténor; Bennewitz Quartet Valentin Radutiu, violoncelle; Per Remus Azoitei, violon; Eduard Stan, piano Julia Sukmanova, soprano; Elena
gium Stuttgart; Helmuth Rilling, direction Rundberg, piano Sukmanova, piano
HAN98054 - 1 CD Hänssler HC17054 - 1 CD Hänssler HAN98641 - 2 CD Hänssler HAN98021 - 2 CD Hänssler HAN98035 - 2 CD Hänssler HC17068 - 1 CD Hänssler

G.F. Haendel : Concerti grossi, op. 3 J. Haydn : Messes n° 1, 5, 9, 11-14 J. Haydn : Les symphonies londo- Arnold Mendelssohn : Intégrale des F. Mendelssohn : The Collection F. Mendelssohn Bartholdy : Inté-
Berliner Barock Solisten; Reinhard Goebel Ziesak; Rubens; Danz; Prégardien; Gerd niennes sonates pour piano grale des symphonies
Guglhör; Helmuth Rilling; Owen Burdick Heidelberger Symphoniker; Thomas Fey Elzbieta Sternlicht, piano Heidelberger Sinfoniker; Thomas Fey

HC19031 - 1 CD Hänssler HC15017 - 4 CD Hänssler HC16001 - 4 CD Hänssler HC17088 - 2 CD Hänssler HC16052 - 45 CD Hänssler HC16098 - 6 CD Hänssler

F. Mendelssohn : Elias; Paulus; W.A. Mozart : Concerto pour violon W.A. Mozart : Concerto pour violon W.A. Mozart : Intégrale des sonates K. Penderecki : Concerto piano S. Rachmaninov : Mélodies choisies
Psaumes; Lobgesang n° 1, 3 et 4 n° 2 et 5; Symphonie concertante pour piano et violon "Resurrection" Julia Sukmanova, soprano; Elena
Gächinger Kantorei Stuttgart; ; Bach-Colle- Frank Peter Zimmermann, violon; OS de la pour violon et alto Dmitry Sitkovestky, violon; Antonio Florian Uhlig, piano; OS de la radio Sukmanova, piano
gium Stuttgart; Helmuth Rilling radio bavaroise; Radoslaw Szulc Frank Peter Zimmermann; Radoslaw Szulc Pappano et Konstantin Lifschitz, piano Polonaise; Lukasz Borowicz
HC17082 - 6 CD Hänssler HAN98039 - 1 CD Hänssler HC15042 - 1 CD Hänssler HC17013 - 4 CD Hänssler HAN98018 - 1 CD Hänssler HC16024 - 1 CD Hänssler

Franz Schubert : Œuvres pour piano F. Schubert : Intégrale des quatuors R. Strauss : Lieder / R. Wagner : Anton Urspruch : Œuvres pour R. Wagner : Intégrale des œuvres Silvius Leopold Weiss : Œuvres de
Gerhard Oppitz, piano à cordes Wesendonck Lieder piano seul pour piano et des mélodies pour jeunesse pour luth
Quatuor Verdi Gerhard Siegel; Gabriel Dobner Ana-Marija Markovina, piano Mathilde et Cosima Joachim Held, luth
Maria Bulgakova; Andrej Hoteev
HC16062 - 12 CD Hänssler HC17069 - 8 CD Hänssler HC19078 - 1 CD Hänssler HC16015 - 3 CD Hänssler HC16058 - 1 CD Hänssler HC16045 - 1 CD Hänssler

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Sélection François Dumont Verdi : Otello. Vinay, Dermota, Furtwängler. C880132 13,92 € p. 13 r
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Dvorák : Intégrale de l'œuvre pour piano. Poroshina. BRIL96193 11,76 € p. 7 r Cathy Marston : The Cellist. Jerome Robbins : Dances ... OABD7277D 30,72 € p. 17 r
Willem de Fesch : Joseph, oratorio. McFadden, Alexand... BRIL96107 9,60 € p. 7 r Sélection Acte Préalable
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François-Joseph Gossec : Requiem - La Nativité. Schol... CPO777869 15,36 € p. 8 r René de Boisdeffre : Œuvres pour hautbois et piano. R... AP0445 12,48 € p. 2 r
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Nikolai Medtner : Intégrale des mélodies, vol. 2. Lev... BRIL96061 6,72 € p. 10 r Stanislaw Moniuszko : Mélodies pour baryton et piano.... AP0435 12,48 € p. 2 r
Alexander Lonquich dirige Mozart : Œuvres choisies. C842111 9,60 € p. 10 r Zygmunt Noskowski : Œuvres pour piano, vol. 4. Mikolo... AP0415 12,48 € p. 2 r
Mozart : Così fan tutte. Antonacci, Bacelli, Dohmen, ... C243913 33,60 € p. 10 r Feliks Nowowiejski : Concertos et autres œuvres pour ... AP0408/09 24,00 € p. 2 r
Mozart : Symphonies n° 38 et 41. Végh. C486981 9,60 € p. 11 r Michał Kleofas Oginski : 24 Polonaises. Zaluski. AP0177 12,48 € p. 2 r
Sandor Végh dirige Mozart, Mendelssohn, Dvorak, Wolf ... C630041 9,60 € p. 11 r Józef Poniatowski : Messe en fa majeur. Wojcik, Zulia... AP0356 12,48 € p. 2 r
George Frederick Pinto : Sonates pour piano et violon... BRIL96156 6,72 € p. 11 r Emile Pierre Ratez : Exhibition, œuvres pour alto et ... AP0358 12,48 € p. 2 r
Henryk Pachulski : Œuvres pour piano, vol. 3. Mikolon... AP0487 12,48 € p. 11 r Emile Pierre Ratez : Exhibition, vol. 2. Murawska, Mu... AP0366 12,48 € p. 2 r
Puccini : Il tabarro, opéra. Varady, Fischer-Dieskau,... C463971 9,60 € p. 11 r Ludomir Rózycki : Musique de chambre avec piano. Godz... AP0253 12,48 € p. 2 r
Brahms, Ravel : Œuvres pour 2 pianos. Duo Stenzl. GEN20719 13,92 € p. 11 r Philipp Scharwenka : Œuvres pour violon et piano. Mas... AP0395 12,48 € p. 2 r
Ferdinand Rebay : Sonates pour violon, alto et guitar... EUD1501 12,84 € p. 11 r Apolinary Szeluto : Mélodies. Kaminska, Sobolewska. AP0338 12,48 € p. 2 r
Ferdinand Rebay : Intégrale de la musique pour clarin... BRIL96063 6,72 € p. 12 r Alexandre Tansman : Œuvres pour piano. Tyszecka. AP0270 12,48 € p. 2 r
Andreas Romberg : Symphonies n° 1 et 3. Griffiths. CPO777052 15,36 € p. 12 r Alexandre Tansman : Mélodies pour voix et piano. Wolt... AP0276 12,48 € p. 2 r
Satie : Socrate. Hannigan, de Leeuw. WIN910234-2 16,08 € p. 12 r Alexandre Tansman : Musique pour piano. Tyszecka. AP0326 12,48 € p. 2 r
Scarlatti : Intégrale des sonates pour piano, vol. 5.... TACET267 13,92 € p. 12 r Alexandre Tansman : Œuvres pour piano à 4 mains. Tysz... AP0447 12,48 € p. 2 r
Alexandre Scriabine : Mazurkas, poèmes et impromptus.... BRIL95931 9,60 € p. 12 r Juliusz Wertheim : Mélodies, vol. 2. Bobrzecki, Mikol... AP0462 12,48 € p. 2 r

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Joseph Wieniawski : Musique de chambre, vol. 1. Koncz... AP0468 12,48 € p. 2 r Glinka : Mélodies pour soprano et piano. J. Sukmanova... HC17068 13,20 € p. 18 r
Joseph Wieniawski : Musique de chambre, vol. 2. Frank... AP0469 12,48 € p. 2 r Haendel : Concerti grossi, op. 3. Goebel. HC19031 13,20 € p. 18 r
Wladyslaw Zelenski : Œuvres chorales profanes. Fabrel... AP0363 12,48 € p. 2 r Haydn : Les Grandes Messes. Ziesak, Rubens, Danz, Pré... HC15017 21,12 € p. 18 r
Wladyslaw Zelenski : Œuvres chorales sacrées. Diwisze... AP0374 12,48 € p. 2 r Haydn : Les Symphonies londoniennes : n° 93-104. Fey. HC16001 25,44 € p. 18 r
Wladyslaw Zelenski : Mélodies et duos. Trybulec, Wron... AP0384 12,48 € p. 2 r Arnold Mendelssohn : Intégrale des sonates pour piano... HC17088 21,12 € p. 18 r
Otton Mieczyslaw Zukowski : Opera Omnia Religiosa, vo... AP0288 12,48 € p. 2 r Mendelssohn : The Collection. HC16052 54,48 € p. 18 r
Otton Mieczyslaw Zukowski : Opera Omnia Religiosa, vo... AP0343 12,48 € p. 2 r Mendelssohn : Intégrale des symphonies. Fey. HC16098 32,88 € p. 18 r
Sélection hänssler CLASSIC Mendelssohn : Elias - Paulus - Psaumes - Lobgesang. K... HC17082 24,72 € p. 18 r
Beethoven : Missa Solemnis. Rilling. HAN98053 11,04 € p. 18 r Mozart : Concertos pour violon n° 1, 3, 4. Zimmermann. HAN98039 13,20 € p. 18 r
Brahms : Un requiem allemand. Brown, Cachemaille, Ril... HAN98038 11,04 € p. 18 r Mozart : Concertos pour violon n° 2 et 5 - Symphonie ... HC15042 13,20 € p. 18 r
Dvorák : Stabat Mater. Rilling. HAN98006 18,24 € p. 18 r Mozart : Intégrale des sonates pour piano et violon. ... HC17013 20,40 € p. 18 r
Haendel : Le Messie. Rilling. HAN98022 18,24 € p. 18 r Penderecki : Concerto pour piano "Resurrection". Uhlig. HAN98018 11,04 € p. 18 r
Haydn : Die Schöpfung (La création). Schäfer, Schade,... HAN98007 18,24 € p. 18 r Rachmaninov : Mélodies. J. Sukmanova, E. Sukmanova. HC16024 13,20 € p. 18 r
Honegger : Jeanne d'Arc au bûcher. Rilling. HAN98636 18,24 € p. 18 r Schubert : Œuvres pour piano. Oppitz. HC16062 25,44 € p. 18 r
Edition Carl Philipp Emanuel Bach. HC16000 50,88 € p. 18 r Schubert : Intégrale des quatuors à cordes. Quatuor V... HC17069 32,88 € p. 18 r
C.P.E. Bach : Symphonies hambourgeoise, Wq. 182. Chri... HAN98637 13,20 € p. 18 r Strauss, Wagner : Lieder et mélodies. Siegel, Dobner. HC19078 13,20 € p. 18 r
C.P.E. Bach : Concertos pour violoncelle Wq. 170-172.... HC15045 13,20 € p. 18 r Anton Urspruch : Œuvres pour piano seul. Markovina. HC16015 22,56 € p. 18 r
C.P.E. Bach : Quatuors pour piano, flûte et alto. Bru... HC16016 13,20 € p. 18 r Wagner : Intégrale des œuvres pour piano et des mélod... HC16058 13,20 € p. 18 r
Bach : Œuvres pour clavier. Levin, Pinnock, Hill, Wat... HC17017 35,76 € p. 18 r Silvius Leopold Weiss : Œuvres de jeunesse pour luth.... HC16045 13,20 € p. 18 r
Bartók : Intégrale de l'œuvre pour piano seul, vol. 1... HAN98042 24,00 € p. 18 r
Bruckner : Œuvres vocales sacrées. Coburn, Danz, Seli... HAN98054 11,04 € p. 18 r
Bruckner : Œuvres pour piano. Markovina. HC17054 13,20 € p. 18 r
Dvorák : Les Cyprès (Cycle de mélodies & Quatuors à c... HAN98641 21,12 € p. 18 r
Enescu : L'œuvre pour violoncelle et piano. Radutiu, ... HAN98021 21,12 € p. 18 r
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