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Romania

Du cheval de Guillaume de Machaut à Charles II de Navarre


Jacques Chailley

Citer ce document / Cite this document :

Chailley Jacques. Du cheval de Guillaume de Machaut à Charles II de Navarre. In: Romania, tome 94 n°374, 1973. pp. 251-
258;

doi : https://doi.org/10.3406/roma.1973.2369

https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1973_num_94_374_2369

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DE GUILLAUME DE MACHAUT A CHARLES II DE NAVARRE 251

DU CHEVAL DE GUILLAUME DE MACHAUT


A CHARLES II DE NAVARRE

La période de la vie de Guillaume de Machaut qui s'étend entre


1347 et les alentours de 1360 reste encore assez mal connue 1, et
nos informations abondent en contradictions. La seule chose
était encore récemment que le poète-musicien, entre 1349 e*
1357, avait affirmé son attachement envers le jeune roi de Navarre,
Charles II, dit le Mauvais, pour qui il avait écrit le Jugement du
Roi de Navarre, daté par lui-même du 9 novembre 1349 ; lui et
son frère Jean obtinrent diverses charges sur l'intervention de
Charles, et Guillaume lui demeura fidèle lors de sa captivité (1356-
1357) provoquée par ses incessantes intrigues contre la Maison de
France, témoignant de cette fidélité par le Confort d'Ami ; au-delà
de cette date de 1357, toute allusion à Charles II disparaît de ses
écrits, et aux alentours de 1360, Machaut semble de plus en plus
se rapprocher des adversaires de Charles II : en octobre 1360, il
accompagne à Calais, via Saint-Omer, le duc de Berry qui va
comme otage en Angleterre 2 ; en 1361 (date établie par
Hoepffner), il adresse au même Jean de Berry le Dit de la Fontaine
Amoureuse 3, héberge en décembre de la même année le régent
1. 1347, date où mourut Bonne de Luxembourg, qui avait gardé à
son service le secrétaire de son père le roi Jean, tué à Crécy l'année
précédente ; 1360, date approximative à partir de laquelle Guillaume,
qui depuis 1340 déjà séjournait de plus en plus souvent à Reims, s'y
retire définitivement pour y jouir tranquillement des bénéfices de son
canonicat, et au surplus multiplie les témoignages de son attachement
à la Cour de France, ennemie de Charles IL
2. Machabey, A., p. 52 (cf. note suivante). On notera que, selon les
termes employés par Machaut, qui narre le fait dans La Fontaine
(cit. Machabey), il s'agit plutôt d'une invitation amiable que d'un
service commandé : la nuance d'orgueil satisfait que décèle le récit
s'accommoderait mal de la seconde hypothèse.
3. Machabey, A., p. 53. Armand Machabey ayant multiplié ses
écrits sur G. de M. avec des titres qui se répètent parfois, nous les
désignerons par des sigles : Mach. A = Guillaume de Machault, la vie
et l'uvre musical, Paris, Richard Masse, t. I, 1955. Mach. B =
Guillaume de Machault, la vie et l'homme, Revue Musicale, 1930,
252 MÉLANGES
Charles de Normandie, futur Charles V, dans son logis à Reims 1,
et narrant dans le Voir Dit un séjour qu'il fit en 1363 à Crécy en
Brie près du même Charles de Normandie, se dit expressément « sa
droite créature » et « fait de sa nourriture » 2.
Comment interpréter, entre ces extrêmes, les rapports entre
et le roi de Navarre ? D'un écrit à l'autre de son principal
biographe, Armand Machabey, les expressions varient fort : en
1930, il n'est encore question, pour le roi Charles, que de «
» le poète 3 ; le retournement de Machaut est attribué au « rôle
peu élégant de son jeune protecteur, qui le 26 février 1358 pénétrait
dans Paris avec la complicité d'Etienne Marcel » ; Guillaume est
« au service de la Maison de France » à la fin de 1360 4.
Dans le livre de 1955, les termes se précisent : « dès novembre
1349 [G- ¿e M.] faisait son entrée dans sa maison [de Charles II] » 5.
Mais « tout en suivant Charles de Navarre, il [Machaut] conservait
un pied dans la maison royale (...) nous allons le voir jouer le jeu
de la double fidélité » « ; en effet, le Remède de Fortune, vers 1356,
suggère qu'« il continuait à être en bons termes avec Jean II et son
entourage » 7. La mention ci-dessus du Voir Dit montre sans aucun
doute que « Guillaume était attaché à la personne de Charles, futur
Charles V » 8.
Dans l'article de 1954, de rédaction sans doute postérieure à
celle du livre, les termes sont encore plus affirmatifs : «
qui pour certaines raisons se méfiait de Jean II, devint

p. 425-452, suivi de Guillaume de Machault, l'uvre, ibid., 1931, p. 320-


344 et 402-416. Mach. C = Guillaume de Machault, Música, juillet
1954. Mach. D = article Machault dans G. Gatti, Encyclopédie La
Música, III, Turin, Utet, 1966. Mach. E = id. dans M. Honegger,
Dictionnaire de la Musique, II, Paris, Bordas, 1970. On ne relève ici
que les écrits relatifs à la biographie.
1. Mach. A, p. 56.
2. Ibid., p. 59.
3. Mach. B, p. 439.
4. Ibid., p. 441. Bien que non justifiée en cet endroit, l'assertion
semble se fonder sur le voyage de Calais. Voir la note 2, p. 251.
5. Mach. A, p. 43.
6. Ibid., p. 46.
7. Ibid., p. 50.
8. Ibid., p. 59.
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secrétaire de Charles de Navarre, irréductible ennemi de la
de Valois » *. Pour la France par contre il n'est plus
que de « bons rapports » en 1360 2.
Nouvelle variante en 1966 : l'encyclopédie italienne La Música
parle seulement d'un « nuovo appoggio » auprès de Charles II,
abandonné en 1357 pour retourner définitivement près de la famille
royale 3. Le texte de 1970 se réfugie dans une prudente ambiguïté :
«le chanoine alors se tourne vers Charles le Mauvais... mais se
rallie finalement aux petits-fils de Jean de Bohême » 4.
Machabey ne semble pas avoir connu le fait que Machaut figure
encore en 1361 dans les comptes de la cour de Navarre 5. Le
en cause, découvert par D. Aurelio Sagaseta, maître de
de la cathédrale de Pampelune, a été publié en 1970 par
H. Angles dans son ouvrage posthume Historia de la Música
en Navarra 6, et nous le reproduisons en son entier 7.

« Charles par le gr(a)ce de Dieu roy de Navarre et conte d'Evrex,


à n(ost)re amé et féal trésor(ier) de n(ost)re royaume, salut. Nous
som(m)es tenuz à n(ost)re amé escuier Jeh(an) Teste d'Or en la som(m)e
de cinquante escuz de Jehan pour une haguenée p(re)use rachetée de
lui p(ar) nos gens et donn(ee) de no(st)re com (m) andern (en) t à
de Machau, et p(ou)r un roncin q(ue) n(ost)re dit escuier perdy
en un voiage ou n(ost)re treschère co(m)paigne la Royne l'envoia en

1. Mach. C, p. 38.
2. Ibid., p. 38.
3. Mach. D, p. 216.
4. Mach. E, p. 663.
5. Signalé par Ursula Günther au ge congrès de la Société
de Musicologie de Salzbourg, 1964 (Bericht..., I, p. 196-197)
d'après Castro, Archivio General de Navarra, Sección de comptos, 16 vol.
publ. de 1952 à 1956 ; III, doc. 1025, caja n. 139. Cf. de la même,
Zur Biographie einiger Komponisten der Ars subtilior, dans Archiv für
Musikwissenschaft, XXI, 1964, p. 195, note 160.
6. Pampelune, 1970, p. 196-197.
7. Nous remercions D. Aurelio d'avoir bien voulu nous
la photocopie du document, qui nous a permis quelques
sur le texte d'Angles (notamment Machau pour Machaut, roncin
pour roucin, Teste d'Or pour Testa d'Or, ycelles pour les dictes, quictance
pour quietance, etc.). La graphie haguenée pour haquenée est par contre
confirmée.
254 MELANGES
Breban en la som(m)e de trente roiaulz. Si vous mando(n)s q(ue) les
d(ic)tes som(me)z vous paiez a n(ost)re diet escuyer et à noz amez et
feaulz les gens de nos comptes que ycelles som(m)es de l'escuz de Jehan
et XXX roiaulz alloent es bie(n)s en rend(ant) quict(ance) de n(ost)re
dit escuier avecques ces p(rese)ntes. Donn(é) à Gavray le XVIe jour
d'octobre l'an de gr(ac)e mil CCCLXI.
Par le Roy present
Mo(n)s. R. de Bragniot
N (?) Froissart
Angles analyse comme suit :
« un documento por el cual vemos que Carlos el Malo, rey de
Navarra y conde de Evreux, ordena al tesorero de su reino que pague
a Juan Testador, escudero, 50 escudos de Juan por una hacanea que
se le compró y se la dio por su orden a Guillaume de Machaut, más
30 reales por un rocín que le pertenecía y que perdió en un viaje
que hizo a Brabant el antedicho Machaut, por orden de la reina ».

D'où son commentaire :


« Este documento es, pues, bien explícito en demostrar que en octubre
de 1361 Guillaume de Machaut estaba aún al servicio del rey y de la
reina de Navarra. El hecho de que la reina pudiera ordenar a Machaut
el que fuera a Brabant, nos señala que el poeta-músico estaba
al servicio de la corte real de Navarra. Ello no quiere decir
que Machaut tuviera allí una capilla de música, sino que estaba allí
a sueldo de la real corona. Quizá con el tiempo aparezcan otros
que nos aclaren cuanto tiempo Machaut estuvo en la corte del
rey Carlos el Malo, y en qué consistía el cargo que allí tenia ».
L'autorité qui s'attache au nom du grand musicologue disparu
donne à cette affirmation toutes chances de faire autorité 1, et c'est
pourquoi il nous a semblé nécessaire d'en proposer l'examen.
Peut-on vraiment en effet suivre cette interprétation ? Sans
conteste pour la première partie : le 13 octobre 1 361, Charles ordonne
à son trésorier de payer à son écuyer Jehan Teste d'Or une somme
de 50 écus de Jehan en paiement d'une « haguenée preuse » achetée
sur son ordre pour en faire don à Guillaume de Machaut. Mais en

1. On rappelle qu'il s'agit d'un ouvrage posthume publié d'après


des notes que l'auteur eût sans doute revues s'il avait procédé lui-
même à la publication.
DE GUILLAUME DE MACHAUT A CHARLES II DE NAVARRE 255
est-il de même pour la seconde partie du document ?
« l'envoia » ne peut se rapporter qu'à « nostre dit escuier »,
et ce dernier est identifié dans la première partie comme « notre
amé escuier Jehan Teste d'Or ». C'est pour la perte du roncin que
l'on indemnise le propriétaire, et ce propriétaire est nommé : c'est
l'écuyer Teste d'Or. Machaut, qui s'est amplement et complaisam-
ment raconté, ne souffle mot de ce voyage en Brabant. Il ne reste
aucune trace en dehors de ce document, dans les Archives de
aujourd'hui publiées, d'un rôle quelconque tenu par Machaut
à la cour 1, ce qui serait surprenant s'il était exact, comme Angles
l'écrit p. 236, que le musicien ait été au service de cette cour durant
douze ans, de 1349 à 1361. Enfin, nous connaissons assez bien
aspects de l'activité de Machaut durant toute cette période.
Qu'il ne reste aucune trace d'un quelconque voyage en Espagne
ne serait pas décisif 2. Mais on note le contraste entre sa réception
comme chanoine de Reims en 1337, qui dut se faire par
alors qu'il était secrétaire du roi de Bohême, et le fait qu'il
séjourna régulièrement à Reims tout au long de la période en
cause 3. Au surplus, si en décembre 1361, Charles de Normandie,
régent du Royaume de France, se rendant à Reims, y convoque
ses rendez-vous « en son logis chez maistre Guillaume de Machaut »
(ibid. 56), peut-on croire que ce dernier vînt seulement de s'y
en n'ayant que depuis deux mois cessé son service chez
avoué de la Cour de France ? Il semble donc n'y avoir
aucune liaison entre l'affaire du roncin appartenant à l'écuyer
Teste d'Or et que ce dernier a perdu dans un voyage où la reine
« l'envoya » (= envoya l'écuyer) et l'affaire de la haquenée que les
gens du roi ont achetée à ce même écuyer pour en faire don par
ordre du roi à Guillaume de Machaut. Le seul lien entre les deux
serait l'identité du créancier, qui motive la réunion des deux affaires
en un même ordre de paiement. Et par voie de conséquence dispa-

1. Angles lui-même est formel sur ce point, p. 207, paragr. 18. Déjà
signalé par U. Günther, Zur Biographie, etc.
2. Charles lui-même était plus souvent en France qu'en Navarre :
après sa captivité, il y demeura jusqu'en novembre 1361 ; le document
étudié est daté de Gavray près Coutances (Manche), et Machaut lui-
même, à la fin de son service chez Jean de Luxembourg, en prenait
à son aise avec sa présence à la cour.
3. Notamment en 1352 Mach. A, I, 47, 1359 et 1360 (ibid., 51).
256 MÉLANGES
raît le seul argument sur lequel pouvait s'étayer la thèse qui
de Guillaume de Machaut jusqu'en octobre 1361 un
» ou tout au moins un membre du personnel de service de la
cour de Navarre. C'est dommage, mais peut-on vraiment
autrement ?

Accessoirement, cette affaire de haquenée élucide quelques petits


problèmes concernant la chronologie des uvres 1. Elle corrobore,
comme l'a supposé Angles, l'hypothèse de Machabey 2 qui reliait
la ballade 26, Donnez seigneurs, aux rapports de Guillaume avec
Charles. U. Günther plaçait cette ballade entre 1356 et 1365,
G. Reaney avait cru devoir la corriger et proposait entre 1349 et
1363. A la lumière du nouveau document, on peut penser que la
ballade a été adressée par Machaut à Charles entre la hbération
de ce dernier et l'achat de la haquenée, pour le prier de ne pas
oublier qu'il lui était resté fidèle durant sa captivité et lui
que cela méritait récompense. La ballade de quémandage se
trouverait ainsi datée entre la fin de 1357 et octobre 1361.
d'U. Günther se trouve confirmée et notablement resserrée,
ce qui s'accorde avec le fait que Machaut atteste en 1359, dans la
ballade A toi Henri 3 ne plus avoir de cheval à ce moment.

1. Sur cette question de chronologie, outre les travaux cités de


A. Machabey, voir Ursula Günther, Chronologie und Stil der Composi-
tionen G. de Machaut, dans Acta Musicologica, 1963, II-III, p. 96-114,
G. Reaney, Towards a chronology of Machaut' s musical works dans
Música Disciplina, 1967, p. 87-96 ; le tableau de la page 95 est
dans le livre Guillaume de Machaut, du même, Londres, Oxford
University Press, 1971, p. 74.
2. Mach. A, II, 39. La référence d'Angles n'est pas tout à fait exacte.
Selon lui, Machabey aurait indiqué que la ballade s'adresse à un «
qui savait être généreux avec ses serviteurs ». Machabey avait
écrit, p. 40 : « Cette ballade exhorte un seigneur à être généreux avec
ses sujets. Peut-être est-elle contemporaine des poèmes destinés à
Charles le Mauvais ? » L'idée du rapprochement vient donc de
mais il y mettait une nuance dubitative.
3. Mach. A, I, 34, 44, 51. Paulin Paris la datait de 1340, mais
Machabey (Mach. A, I, p. 44) démontre qu'elle ne peut être antérieure
à 1349, puisque Machaut parle dans le Jugement du roi de Navarre de
son « palefroi Grisart » (cf. note suivante). Machabey rejoint donc
Hoepffner qui datait déjà la pièce de 1359.
DE GUILLAUME DE MACHAUT A CHARLES II DE NAVARRE 257
La monture de Guillaume de Machaut semble avoir tenu une
place importante dans ses préoccupations et, à la lumière du
document, il est permis de reconstituer avec vraisemblance
une suite de faits bien ordonnés : au début de ses relations avec
Charles, en 1349, date du Jugement, Guillaume possède un palefroi
nommé Grisart auquel il semble tenir particulièrement x ; en 1359,
date de la complainte A toi Henri, il n'a plus de cheval. Il a donc
perdu Grisart entre 1349 e* 1359- Sur ces entrefaites, Charles II,
fait prisonnier, est libéré en novembre 1357 et ne tarde pas à se
montrer généreux envers ceux qui lui sont restés fidèles 2. Machaut,
qui a été du nombre, comme le prouve le Confort d'Ami, lui adresse
alors, en 1359 au P^us tôt et 1361 au plus tard la ballade Donnez
seigneurs. Charles comprend parfaitement l'allusion et fait acheter
pour Machaut par ses gens à son écuyer Teste d'Or une haquenée
dont il ordonne le paiement par l'acte du 16 octobre 1361, dernier
témoignage que nous possédions des rapports entre les deux
hommes. Tout s'enchaîne bien.
Il n'en reste pas moins qu'un an plus tôt, en octobre 1360,
était invité par Jean de Berry à l'accompagner en voyage,
et qu'en décembre 1361, deux mois après avoir reçu le cadeau du
roi de Navarre, il hébergeait à Reims en son logis son adversaire
le régent de France, Charles de Normandie. Double jeu, comme
l'insinue Machabey ? Sans prétendre juger, bornons-nous à
que sont désormais infirmées deux hypothèses : celle selon
laquelle Machaut se fût détourné de Charles dès 1357, e* celle,
inverse, selon laquelle il fût resté à son service jusqu'en octobre
1361, si jamais il l'avait été, ce qui ne nous paraît nullement
prouvé. Il nous suffira que le musicien soit resté fidèle au souve-

1. Se montay seur mon palefroy


Grisart qui portait l'embleüre
Moult souëf et de sa nature
S'alay aus chans isnellement
Chevauchier par esbatement.
Jugement du Roi de Navarre, 488-492.
Ce même Grisart est nommé en rubrique dans la miniature du
ms. 1587, f° 79, « Comment Guillaume chevauche Grisart et court après
le lièvre ».
2. Angles, loc. cit., p. 197, en donne plusieurs exemples, échelonnés
jusqu'en 1361.
Romania, 94. 17
258 MÉLANGES
rain malheureux et que celui-ci, revenu à l'activité, ait su s'en
montrer reconnaissant. Les deux choses sont assez rares pour
l'estime aux deux protagonistes de cette histoire.

Jacques Chailley.

NOTE SUR LE CYCLE DE LA CROISADE


DU MS. B. N. FR. 12.569 : LES RELIQUES DE LENS

Au cours de la préparation d'une édition des « branches » faisant


suite à la Chanson de Jérusalem et conservées dans le ms. B. N. fr.
12.569 (anc. suppl. fr. 105), ff. 215 v° à 264 v°, mon attention
s'est arrêtée sur une référence à des reliques que Godefroi de
aurait envoyées de Terre sainte à sa mère Ide en France. Il
serait tout à fait inexact de dire que la question n'ait jamais été
traitée, mais je crois pouvoir offrir quelques précisions utiles pour
la datation et les circonstances de composition d'un des
tardifs du Cycle de la Croisade, sans vouloir entamer pour
autant une discussion détaillée de textes relativement mal connus.
Il s'agit du premier cycle, élaboré durant les xne et xine s.,
dont le fr. 12.569 (ca. 1270 ; probablement originaire d' Arras) et
le ms. 3.139 de la Bibliothèque de l'Arsenal (explicit de 1268 au
f . 243 v°) ce dernier à un bien moindre degré étaient tenus
jusqu'ici pour les seules rédactions comportant des « branches »
qui forment, pour ainsi dire, une chronique légendaire des rois de
Jérusalem. On ne peut plus passer sous silence toutefois les
du Jérusalem dans le ms. Londres, Brit. Mus. Add.
36.615, et dans un ms. fort endommagé de Turin : Bibl. nat. ed
univ. L. ni, 25. Et les rapports qui unissent tous ces textes seraient,
pour la plupart, à étudier de plus près, mais nous ne nous donnons
pas cette tâche ici 1.

1. L'inventaire le plus complet des manuscrits du Cycle de la


sinon toujours juste, est donné par A. G. Krüger, Die Quellen
der Schwanritterdichtungen (Hannover, 1936), p. 25-33. Consulter
A. Hatem, Les Poèmes épiques des Croisades (Paris, 1932), p. 79-
116, et S. Duparc-Quioc, Le Cycle de la Croisade (Paris, 1955), p. 9-17.
Pour une vue d'ensemble des poèmes qui constituent le cycle, on se
reportera toujours à l'étude de Hatem, ainsi qu'à H. Pigeonneau, Le

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