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Gérard Pitance
REMERCIEMENTS
2
A PROPOS DE L’AUTEUR
3
TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE DE GÉRARD PITANCE 5
AVANT PROPOS 9
BIBLIOGRAPHIE 91
4
PRÉFACE DE GÉRARD PITANCE
C’est l’ambition de ce Livre Blanc que de vous aiguiller sur les chemins
de ce mode de pensée complexe où s’entrecroisent pensée analytique
et pensée créative pour le plus grand bien des entreprises et des orga-
nisations qui ont fait du progrès et de l’innovation les moteurs de leur
activité et de leur prospérité.
Ce n’est pas dévoiler le contenu de cet ouvrage que d’en extraire, en vue
de les commenter, certains propos :
« Le design mobilise des savoirs et des outils dont l’usage exige des com-
5
pétences spécifiques. Le designer ne maîtrise pas tous les domaines de la
conception, loin de là et n’est donc pas pertinent sur tous les sujets. En
revanche, il aura suffisamment de ressources et d’aptitudes à la transver-
salité pour savoir chercher les bonnes compétences, au bon moment. A
chaque problématique qui se posera depuis la conception jusqu’à la com-
mercialisation, il saura trouver la personne la plus pertinente (…) et pren-
dra en compte l’ensemble des acteurs intervenants sur la chaîne de valeur
du produit. » Emmanuël THOUAN
6
« Connais-toi toi-même et tu connaitras l’Univers et les Dieux … »
7
manuels seront les laissés-pour-compte de cette politique d’abandon et
l’accentuation du déséquilibre entre productifs et improductifs enveni-
mera toujours davantage le débat politique.
Il faut aussi espérer que le monde politique puisse tirer les leçons de cet
ouvrage et en appliquer les bons principes selon lesquels les différences
de pensée sont source d’enrichissement et d’équilibre et qu’à l’opposé,
les velléités monopolistiques, qu’elles soient économiques ou politiques,
paralysent les visions à long terme seules garantes de progrès véritables.
Gérard PITANCE
Designer Entrepreneur, Stûv
8
AVANT PROPOS
Popularisé par Tim Brown1, CEO de la célèbre agence américaine IDEO et
devenu depuis lors une référence internationale, le design thinking est
défini par ce dernier comme « une discipline qui utilise la sensibilité, les
outils et méthodes des designers pour permettre à des équipes pluridisci-
plinaires d’innover en mettant en correspondance attentes des utilisateurs,
faisabilité technologique et viabilité économique ».2
Le design thinking est un peu comme une cure de jeûne pour le mana-
ger. Comme pour ce type de cure, une prise isolée pourra paraitre mi-
raculeuse, mais l’effet s’estompera rapidement. C’est l’adoption réelle
d’un autre mode de pensée, ou plutôt d’action, et la récurrence de la
méthode, qui révèleront sa force.
1 Vous retrouverez dans cette publication de nombreuses références à Tim Brown et bon nombre d’extraits de
ses ouvrages. Si nous avons pris soin de varier les points de vue, il n’en reste pas moins la référence en ma-
tière de design thinking, tant dans le développement de la théorie qui accompagne ce mouvement que dans
sa mise en pratique. Ses propos nous ont donc paru, à de nombreuses reprises, incontournables.
2 T. Brown, Design Thinking, Harvard Business Review, 2008
9
Les « bonnes pratiques » qui suivent ont vocation à illustrer la diversité
de l’intégration du design thinking, pour le management de l’innovation,
sujet de fond, transversal, multi-thématiques et multi-enjeux, dans les
projets et les organisations. Elles illustrent également la diversité de ses
bénéfices, pour l’organisation privée comme publique.
Ces « bonnes pratiques » ont aussi vocation à vous inspirer dans votre
pratique managériale, comme elles ont pu nous inspirer l’écriture de ce
livre blanc. Celui-ci constitue une synthèse créative faisant un état des
lieux du design thinking, prenant un peu de recul sur plusieurs années de
lectures, d’observations, d’échanges, au croisement de différents éco-
systèmes régionaux et de différents sujets.
Enfin, ce livre blanc n’a pas pour ambition d’être exhaustif sur le design
thinking, que ce soit en matière de bonnes pratiques ou d’outils. Nous
espérons donc que votre curiosité vous amènera à en chercher et à en
découvrir de nouveaux, et pourquoi pas à en (co-)créer au sein de votre
organisation ? Design Innovation sera là pour vous y aider.
Bonne lecture.
10
1# L
E DESIGN THINKING : UNE
STRATÉGIE D’INNOVATION QUI
REMET L’HUMAIN AU CŒUR
DE L’ORGANISATION ET DE SES
PROJETS
11
1#
Utilisant les méthodes et outils du designer et d’autres disciplines
comme l’ethnographie, le marketing, l’ingénierie, le management, pour
mettre en place cette approche multidisciplinaire centrée sur l’humain,
le design thinking peut être source d’innovation.
Cela est vrai pour les organisations publiques, les services publics cher-
chant en permanence à s’adapter aux nouvelles attentes des usagers, à
maintenir un service de qualité, à apporter des réponses pertinentes à
leurs besoins. Tout ceci donne un sens réel à leurs actions.
Mais les organisations privées ont, elles aussi, besoin de remettre le cur-
seur sur l’humain et de redonner du sens à leurs activités, ne serait-ce
que pour coller aux évolutions des attentes des utilisateurs et aux chan-
gements sociétaux3.
3 C’est ce que nous explique Christophe Rebours, PDG de Inprocess, agence d’innovation stratégique : « Même
de grands groupes cotés en bourse ont perdu de vue le sens de leur action. Ils ne savent plus pourquoi ils pro-
duisent. Ils ont oublié pour qui ? Dans leurs organisations complexes, l’homme, cet être vivant, charnel, le sourire
pas toujours ultra bright qui vit dans une famille pas toujours en or, a disparu des radars. Ces entreprises-là inves-
tissent des sommes faramineuses en R&D et en marketing, mais elles sont désemparées : elles ne comprennent
pas pourquoi les gens n’achètent plus leurs produits. » Source : « L’innovation de demain s’appuiera sur l’expé-
rience des utilisateurs », article de Christophe Rebours, publié le 8 juin 2015 sur le site LesEchos.fr.
12
1#
13
1#
Pour les entreprises, placer l’humain au centre de leurs préoccupations
servira leurs propres intérêts. A travers cette approche, l’entreprise
comprendra mieux ses utilisateurs et clients, également ses salariés, la
force vive de sa richesse de conception et de production, elle répondra
de façon plus efficace à leurs attentes voire à leurs besoins latents et son
offre rencontrera donc plus facilement son public, faisant ainsi croître
ses ventes sur de nouveaux marchés.6
6 C’est ce qu’explique Caroline Gagnon, directrice du programme en design de produits de l’Ecole de design de
l’Université de Laval (CA), en parlant du design empathique : « La prétention de cette démarche est aussi lucra-
tive, c’est-à-dire qu’elle devrait en principe aboutir à la découverte de nouveaux besoins souvent non exprimés et,
par conséquent, viser la création de nouveaux produits et de nouveaux marchés. » Source : « L’empathie : un rôle
à jouer en design », article de Caroline Gagnon, publié en septembre 2014 sur le blog de l’université de Laval.
14
1#
L’agence américaine IDEO, spécialiste du design thinking, propose ainsi
de comprendre l’empathie en se mettant « dans les chaussures de l’usa-
ger » en milieu hospitalier. La vidéo « Empathy : The Human Connection to
Patient Care » révèle à quel point l’empathie doit être au cœur du design,
l’influencer et pourquoi elle doit être la base de la définition du « de-
sign brief ».
15
1#
Persona réalisé chez Design Innovation dans le cadre de séances de travail sur le parcours usagers, novembre
2015. © Photo : Design Innovation
7 Un persona est un archétype. Il permet de représenter sous la forme d’un personnage un groupe de per-
sonnes dont les comportements et motivations sont proches (ou sensés l’être). Ces personas permettent,
tout au long du processus de conception, de rester centré sur l’utilisateur final afin que le curseur soit en per-
manence ramené vers l’humain. Ainsi, le persona est le garant de la désirabilité de la solution envisagée, mais
il ne représente pas pour autant un individu déconnecté de tout contexte. Il prend vie au travers du prisme
ethnographique bien sûr, mais aussi du marché et de la stratégie de l’organisation (sa vision, son business
model).
8 Valérie Bauwens et Laure Kloetzer, dans un livre intitulé «L’ethnographie au service de l’entreprise», paru
chez Fyp en 2013, définissent l’insight comme une «prise de conscience» (du chercheur, qui comprend mieux
le consommateur potentiel), et soulignent qu’en marketing, il s’agit de «l’expression d’un besoin du consom-
mateur».
16
1#
Notons que, à l’inverse du client « type » ou « moyen » utilisé en marke-
ting, la démarche de design thinking intègre également ceux que l’on
appelle les utilisateurs extrêmes. Ils ne correspondent pas à des clients
ou des cibles potentielles. L’observation et l’analyse de leurs comporte-
ments permettent de détecter des contournements possibles en termes
d’usages ou des besoins potentiels.
9 Dans le cas des stratégies BoP (« Base of the Pyramid »), les publics « pauvres » (assimilés alors à des utilisa-
teurs extrêmes) permettent d’imaginer de nouveaux produits ou services pour de nouveaux besoins et de
nouveaux usagers, voire de repenser des business models pour l’ensemble des segments marché. On parle
alors de « reverse innovation ». Parmi les projets BoP, nous pouvons citer l’exemple de l’implication de Schnei-
der Electric auprès de La Poste du Bénin, visant à fournir « un accès à l’énergie fiable, abordable et durable ».
A découvrir ici.
17
1#
Parfois, il faut partir sur le terrain des utilisateurs, en immersion. La 27e
Région, laboratoire d’innovation publique en France, a ainsi fait de l’im-
mersion l’outil phare au service de l’empathie de son dispositif « Ter-
ritoires en Résidences ». En 2012, ils ont consacré une petite vidéo à
l’immersion, pour montrer comment les méthodes inspirées de l’ethno-
graphie leur permettent de comprendre des gens, des situations, des
problématiques.
18
1#
10 Le design thinking est en fait un mix entre une attitude, une culture, des outils, des méthodes, des process,
car adopter une attitude prend du temps et s’appuie sur des méthodes, d’où le choix de cette terminologie.
On peut aussi parler de stratégie d’innovation.
19
1#
20
1#
monde soit bien sur la même longueur d’onde, et que les piliers « faisabilité »
et « viabilité » s’accordent sur le pilier « désirabilité » qui vient d’être redéfini. »
Le schéma suivant, créé par Jasper Liu, Lead UX architect chez ICF Inter-
national, représente efficacement la méthode design thinking.11
21
1#
L’itération doit quant à elle être perpétuelle. Comme l’illustre le sché-
ma de Jasper Liu, le design thinking fait intervenir des phases de diver-
gence puis de convergence, respectivement appliquées à la définition
du problème puis à la conception de la solution. Ces phases se répètent
à plusieurs reprises. Ces méthodes itératives évitent de se focaliser sur
le mauvais problème ou la mauvaise solution, en envisageant l’étendue
des possibles et en développant une vision globale de la situation.
1# A retenir :
22
1#
Voici la représentation visuelle de cette méthode d’innovation que nous
vous proposons et qui nous guidera à travers ce livre blanc. Elle intègre,
au-delà du « parcours » du manager et de son équipe, les notions fonda-
mentales d’empathie, de co-création, de multidisciplinarité, d’itération...
qui lui sont inhérentes. Si cette représentation laisse à penser que le par-
cours sera long et difficile, sachez que le design thinking peut en réalité
être un véritable catalyseur d’innovation !
23
2# D
U DESIGN AU DESIGN THINKING,
ÉLÉMENTS DE COMPRÉHENSION
24
2#
Remco Lenstra, responsable du programme de transfert des connais-
sances chez notre partenaire Flanders Inshape, nous a fait part de sa
définition du design : « Le design est le processus utilisé pour rendre
quelque chose meilleur pour quelqu’un. »13
25
2#
On distingue habituellement deux types de design :
14 Extrait de l’article « Le design thinking, vecteur d’innovation », écrit par Julien Soulard et publié le 15 juin
2015 : https://www.1min30.com/brand-marketing/design-thinking-vecteur-innovation-25369
26
2#
Dans une récente étude intitulée « The Design Value Index »15, le Design
Management Institute (DMI) analysait la performance financière des en-
treprises guidées par le design et celle des entreprises non guidées par
le design. La conclusion de cette étude confirmait que les entreprises
qui avaient intégré le design dans leur ADN en faisaient un véritable le-
vier. Financièrement, ces entreprises sont deux fois plus performantes
que leurs concurrentes non guidées par le design.
15 Design Value Index (2013), Design Management Institute, Motiv Strategies : http://www.dmi.org/?Design-
Value
16 « A stronger European Industry for Growth and Economic Recovery », Industrial Policy Communica-
tion Update, COM (2012) 582. : http://ec.europa.eu/enterprise/policies/innovation/files/design/de-
sign-swd-2013-380_en.pdf
27
2#
28
2#
• 1987 : Peter Rowe publie son ouvrage « Design Thinking » aux presses du MIT.
• 1991 : David Kelley, qui enseigne à Stanford depuis 1978 (après y avoir obtenu son
diplôme de design) et participe depuis lors au développement des cursus,
fonde l’agence de design IDEO, héritière de l’entreprise « David Kelley De-
sign » qu’il avait fondée dès 1978.
• 2000’s : Tim Brown, designer industriel de formation, devient CEO de IDEO (aupa-
ravant à la tête des bureaux de San Francisco et de Londres). Multiplication
des publications, des colloques et des cours sur le Design Thinking dans les
plus grandes universités du monde.
• 2005 : fondation par David Kelley du « Stanford University’s Hasso Plattner19 Insti-
tute of Design », première « d.school » : http://dschool.stanford.edu/
• 2009 : Publication de “Design Thinking” par Tim Brown, pour Harvard Business Review.
18 Cet historique est initialement inspiré du dossier «Qu’est-ce que le design thinking ?» publié par FrenchWeb
en septembre 2013, nous en avons sélectionné certains éléments et les avons enrichis d’éléments incontour-
nables, notamment en lien avec les travaux menés à Stanford au fil des ans.
19 Pour en savoir plus sur Hasso Plattner : http://dschool.stanford.edu/bio/hasso-plattner/
29
2#
30
2#
« Le concept est à la mode, pour autant, il répond à une méthodologie précise et il
ne s’agit pas de s’improviser designer pour prétendre faire du design thinking. »20
« Le design thinking mobilise des savoirs et des outils dont l’usage exige
des compétences spécifiques. Certes, le designer ne maîtrise pas tous les
domaines de conception, loin de là et n’est donc pas pertinent sur tous les
sujets. En revanche, il aura suffisamment de ressources et d’aptitudes à la
transversalité pour savoir chercher les bonnes compétences au bon endroit
et au bon moment. Bref, le designer prend en compte l’ensemble des ac-
teurs intervenants sur la chaîne de valeur du produit. »
20 Article « Le design thinking, l’innovation au service de l’utilisateur », écrit par Pauline Rochart et publié
le 13 février 2015 : http://www.carewan.com/fr/blog/post/le-design-thinking-linnovation-au-service-de-
lutilisateur/283
21 Article « Design thinking, mode d’emploi. Entretien avec Emmanuel Thouan », par Sylvain Allemand, publié le
5 février 2015 : http://www.media-paris-saclay.fr/design-thinking-mode-demploi-entretien-avec-emmanuel-
thouan/
31
2#
En effet, à travers le design thinking, le designer devient parfois mé-
diateur. Sa tâche consiste alors moins à trouver une solution à une pro-
blématique qu’à guider les acteurs du système (internes et externes à
l’organisation : salariés, clients, usagers...) afin d’élaborer ensemble une
réponse adaptée à cette problématique. Il est le garant de la méthode,
amorce puis anime la dynamique de collaboration, s’assure de l’atteinte
des objectifs. Il est un véritable moteur pour le groupe, depuis la phase
de veille et d’observation jusqu’à celle du test et de l’expérimentation,
en passant éventuellement par l’animation des ateliers de co-création.
22 Pour atteindre cet objectif de facilitation, le designer devra donc développer ses compétences en médiation
et en animation. Sur base de ce constat, l’agence IDEO, en collaboration avec Acumen, vient de proposer
l’outil de formation « Facilitator’s Guide » dans la lignée de « The Course for Human-Centered Design ».
32
2#
Rappelons ici les propos de Tim Brown :
Alexandre Musche, designer de l’agence Talking Things, formateur chez Design Innovation et facilitateur lors
de la Creative Jam organisée par Design Innovation dans le cadre de RECIPROCITY design liège, octobre 2015.
© Photos : Rino Noviello
33
2#
Pour conclure, le design thinking représenterait-il la diffusion d’une vé-
ritable culture du design dans l’organisation ? C’est du moins la question
posée par Pierre-Julien Cazaux dans son mémoire24 :
24 Cazaux, Pierre-Julien, 2013. « Design thinking without designers ? ». Mémoire du Mastère spécialisé « Inno-
vation by Design » ENSCI – Les ateliers sous la direction de Mathias Béjean.
34
2#
2# A retenir :
35
FOCUS SUR LE MANAGEMENT DE
PROJET PAR LE DESIGN THINKING
«Le projet est le vecteur par lequel l’idée passe du
concept à la réalité.»
Tim Brown, L’Esprit design
36
3# A
QUELLES QUESTIONS
RÉPONDRE ? PLACE À LA
RECHERCHE UTILISATEUR.
37
3#
Dans un schéma de conception linéaire (heureusement de moins en
moins présent) où les organisations peinent à combiner les trois piliers
de « l’innovation d’expérience » (désirabilité, faisabilité, viabilité), les
projets et développements initiés par la R&D sont au mieux, invalidés
en bout de course par le marketing car « ne répondant pas à un besoin
du marché », au pire, lancés à grand renfort de communication pour des
budgets faramineux ainsi jetés par la fenêtre lorsque le succès n’est pas
au rendez-vous. L’idéal, direz-vous, n’est-il pas de savoir, au plus tôt, quel
projet marchera ?
C’est même dans l’expression des besoins latents que le design thinking
peut jouer ses meilleures cartes. Ceux-ci sont des besoins souvent in-
conscients ou impossibles à exprimer. Olivier Wathelet, anthropologue
et consultant en innovation, nous a aidé à préciser cette notion : il s’agit,
par exemple, d’intentions non assouvies, de difficultés observées dans
les usages, d’aspirations impossibles à traduire en mots, d’expériences
inédites et gratifiantes non espérées.
38
3#
Schéma proposé par Flanders Inshape, basé sur les travaux de Froukje
Sleeswijk Visser, Delft University of Technology
39
3#
Comme l’explique Christophe Rebours26, designer et fondateur de l’agence
d’innovation stratégique InProcess, la question de départ pour concevoir
la « bonne chose » est « pour qui ? ». Tâche ensuite pour l’équipe de conce-
voir la meilleure solution possible pour répondre aux besoins identifiés.
26 Ces propos sont issus de l’article « Avant, j’étais designer... » publié sur son site le 17 juillet 2013 : http://
www.christophe-rebours.com/avant-jetais-designer/
40
3#
27 «Toute la richesse de la démarche de Design Thinking repose sur cette capacité à rassembler et à synthétiser
les pensées analytiques (issues notamment des domaines de l’ingénierie, du marketing, de la finance) et les
pensées intuitives (issues notamment du domaine de l’art et de la création) portées par les membres du groupe
pluridisciplinaire pour en extraire le meilleur. Une gymnastique intellectuelle qui rend le rôle du designer à la fois
fondamental et complexe.» Le design thinking au service de l’innovation responsable, Xavier Pavie, Corinne
Jouanny, Daphné Carthy et François Verez, Maxima Laurent du Mesnil, 2015 (p.34)
41
3#
Sur le terrain, pour comprendre et analyser quels sont les besoins des
utilisateurs, les membres de l’équipe doivent faciliter leur expression.
Ils mettent alors en place une observation de type ethnographique et
exercent leur faculté d’empathie pour se mettre dans les chaussures de
l’usager, là où celui-ci ne peut être sollicité.28
C’est ainsi la vidéo et même la réalité virtuelle que Chris Milk, artiste
visuel spécialiste de ces techniques, a récemment utilisées pour faciliter
l’empathie des membres de l’ONU. Il a réalisé pour l’organisation un film
documentaire intitulé Clouds Over Sidra, qui explore la vie d’un enfant
Syrien de 12 ans vivant dans le camp de réfugiés en Jordanie. Cette mise
en empathie les a convaincus du bien fondé de s’attaquer à cette problé-
matique humanitaire.
28 Véronique Hillen, directrice de la Paris d.school explique la complémentarité de cette approche ethnogra-
phique avec une approche marketing :
« A l’analyse objective de données issues du passé et basées sur une logique de segmentation, la recherche eth-
nographique exploite à l’opposé une interprétation empathique axée sur le recueil de données qualitatives par
rapport aux individus et à leurs comportements.
Découvrir des besoins non exprimés pour inspirer de nouvelles idées en est l’objectif principal, objectif qui
s’oppose à une logique d’amélioration de l’offre existante basée sur la formulation de besoins explicites. En
termes de méthode, les données sont collectées par l’observation directe de contextes réels, en privilégiant des
conversations dynamiques et l’apprentissage d’utilisateurs extrêmes, contrairement à des protocoles basés sur
des interactions avec des groupes cibles représentant un grand potentiel de marché dans des environnements
contrôlés impliquant l’utilisation de questionnaires préétablis. »
42
3#
Dans le cas de Design Innovation, c’est la cartographie des parcours uti-
lisateurs29, intégrant les différents points de contact et les canaux, ainsi
que les coulisses du service lui permettant de fonctionner (les actions de
l’équipe), qui s’est révélée particulièrement parlante et source d’amé-
liorations potentielles, allant de nos supports de communication à nos
process internes, en passant par notre partenariat avec notre réseau de
formateurs-experts, par exemple.
29 La cartographie du parcours utilisateur est une représentation visuelle du parcours d’un utilisateur à travers
un service ou l’usage multiple (multitâche, multicontexte, multiusager) d’un produit, montrant toutes les dif-
férentes interactions entre ce produit/service et cet utilisateur. Cette cartographie permet de voir quels mo-
ments/quelles parties du service constituent pour l’utilisateur des moments « magiques » ou « de vérité » et
quels moments ou quelles parties pourraient être améliorées. C’est cette analyse fine qui peut permettre de
s’attaquer aux « vraies » problématiques.
43
3#
3# A retenir :
• Les projets devront être motivés par les besoins des utili-
sateurs ou la création de valeur pour ces derniers – qui re-
présentent une valeur économique potentielle – et tenir
compte du contexte technologique.
44
4# C
O-CRÉER LA SOLUTION, EN
INTERNE ET EN EXTERNE
45
4#
La co-création est aujourd’hui une méthode brandie à tout va, mais tout
succès a ses raisons !
30 C’est ce que souligne Tim Brown : « Chacun doit être persuadé qu’il a le pouvoir (ou son équipe) de créer de
nouvelles idées susceptibles de combler des besoins non satisfaits et d›avoir un impact positif. » Extrait de
L’Esprit design, Tim Brown, Pearson, 2009 (p.79)
46
4#
Nous citerons encore l’exemple de l’agence Base Design dont Thierry
Brunfaut, designer, cofondateur et creative director à Bruxelles, expo-
sait dernièrement l’organisation au salon Objectif Com 2016. Collabo-
ration, agilité, pouvoir de décision partagé... sa présentation « Travailler
moins, travailler mieux » peut être retrouvée ici : http://fr.slideshare.net/
SarahThielens/travailler-moins-travailler-mieux-la-recette-en-5-points-
de-la-semaine-idale-par-thierry-brunfaut
47
4#
Ainsi, co-créer avec les usagers revient à s’assurer d’un usage attendu et
efficient de la solution par ses futurs utilisateurs. Bref, un incontournable
pour assurer autant que faire se peut la réussite du projet !31 Encore faut-
il trouver aux côtés de l’entreprise des utilisateurs prêts à s’investir dans
ce que Tim Brown appelle « un nouveau contrat social ». La réciprocité
est de mise : les entreprises considèrent ces utilisateurs comme de vé-
ritables collaborateurs, ces derniers contribuent à la mise sur pied de
nouvelles solutions innovantes.
(...)
L’enjeu central ici a trait à l’association étroite des utilisateurs dans la dé-
finition de ce qui leur est destiné, et à un marketing de l’innovation plus
sophistiqué, qui suppose la mobilisation de compétences en anthropologie,
ethnologie, sociologie, psychologie... qui vont étudier les usages dans toute
leur profondeur pour comprendre les ressorts de la société, ses valeurs, ses
aspirations. La relation avec la société est décisive dans une perspective
d’innovation.»32
31 Ce passage du design vers le « co-design » est une évolution marquante fortement liée au marketing, comme
l’explique Tim Brown : «Autrefois, on voyait le consommateur comme un objet d’analyse, ou pis encore, comme
la cible malheureuse de stratégies marketing prédatrices. On entre désormais dans l’ère d’une collaboration de
plus en plus profonde, non seulement entre les membres de l’équipe de design, mais entre l’équipe et le public
qu’elle veut atteindre.» Extrait de L’Esprit design, Tim Brown, Pearson, 2009 (p.59-60)
32 Article « Le rôle primordial des utilisateurs dans le processus d’innovation », interview de Marc Giget,
publié par Millénaire3 le 16 décembre 2014 : http://www.millenaire3.com/interview/2014/le-role-primor-
dial-des-utilisateurs-dans-le-processus-d-innovation
48
4#
Sur le terrain, la co-création peut faire appel à de nombreuses tech-
niques ! Par exemple, lors de cet atelier visant à imaginer des solutions
favorisant la mobilité durable vers un lieu d’organisation d’événements
professionnels, nous avions utilisé des cartes « inductrices de scénarios »
permettant d’envisager toutes sortes de cas, probables ou plus inatten-
dus (« et que se passe-t-il s’il neige ? s’il y a une panne d’électricité ? si
l’un des protagonistes est absent ? »). Elles ont permis une conception
réellement partagée, en amont, des représentations et des enjeux.
Atelier de co-création de scénarios d’usages en mobilité durable, workshop vousnous design organisé par Design
Innovation et animé par Yves Voglaire et son équipe, juin 2013. © Photos : Vincent Foret
49
4#
Autre exemple, des vidéos ont été réalisées par La 27e Région dans le
cadre du travail prospectif “Ma vie de ch’ti en 2040”, pour la direction
prospective du Nord – Pas de Calais :
La « mise en récit » donne un sens à nos idées et les met en images. Elle
intervient en complément de storyboards, de prototypes « lowtech »
ou par le jeu33 (Lego, Playmobil) qu’elle met en scène.
33 Le jeu est un outil puissant pour le prototypage. Les personnages des Playmobil et Lego, héros de notre
enfance, incarneront les protagonistes de l’histoire et leurs accessoires planteront le décor ! L’enthousiasme
actuel pour la méthode Lego Serious Play témoigne des atouts de ces outils.
50
4#
A noter que, de façon générale, les outils de visualisation sont précieux
car ils permettent à tout un chacun de communiquer une image mentale
(qu’elle existe ou non physiquement) à d’autres personnes, rendant ainsi
plus efficace la collaboration au sein du groupe. C’est une des raisons
pour lesquelles les designers sont efficaces dans ces méthodes. Le « vi-
sual thinking » est à la base de nombreux développements en matière de
design thinking et reste un des points forts du designer, facilitant ainsi la
compréhension et le partage des informations.
4# A retenir :
51
5# P
ROTOTYPER ET TESTER AVANT
DE DÉVELOPPER, C’EST RÉDUIRE
LES COÛTS !
52
5#
En tant que project manager, vous êtes le garant du respect des
contraintes liées au projet, ce qui se traduit principalement par le
respect des deadlines et du budget. La pression est dès lors importante.
A chaque nouvelle proposition de l’équipe, peut-être vous dites-vous
« combien cela va-t-il coûter ? », « est-ce le bon choix ? » car le droit à
l’erreur est souvent inexistant et la prise de risque par conséquent
rarement assumée.
53
5#
34 L’école de gestion de la production dite « lean » recherche la performance par l’amélioration continue et l’éli-
mination des gaspillages (ici les gaspillages de temps et d’argent nécessaires à des développements « High
tech »). L’expression « Lean Startup » renvoie quant à elle à une approche spécifique du démarrage d’une
activité économique et du lancement d’un produit. Elle repose sur la vérification de la validité des concepts,
l’expérimentation scientifique et le design itératif. Dans cette optique les startups cherchent à concevoir
des produits et services qui satisfont au mieux la demande de leurs consommateurs, avec un investissement
initial minimal. C’est le cas de l’approche par le design thinking.
54
5#
Sur le terrain, les scénarios et jeux de rôles déjà cités détaillent des situa-
tions dans lesquelles les utilisateurs interagissent avec la solution et l’af-
finent ainsi. Ils sont particulièrement utiles dans un contexte de service où ils
permettent également le prototypage des interactions entre les personnes.
Jeux de rôles lors de la Creative Jam “Mieux se nourrir à l’ICADI” organisée par Design Innovation dans le cadre
de Reciprocity Design Liège, octobre 2015.
© Photos : Rino Noviello
55
5#
Il y a quelques années, une équipe d’IDEO travaillait pour Gyrus ACMI en
vue du développement d’instruments médicaux de pointe. Lors d’une
des premières séances de travail avec des chirurgiens pour identifier
les besoins de ces professionnels, un membre de l’équipe d’IDEO maté-
rialisa une idée du groupe en assemblant divers objets à sa disposition
dans la salle. Le premier prototype du Diego Powered Dissector Sys-
tem était né et suscitait déjà l’engouement de ses futurs utilisateurs
qui s’empressèrent de faire part d’améliorations potentielles. Après
plusieurs phases d’itération et d’amélioration, la version finale de ce
matériel pouvait être commercialisée.
56
5#
Au-delà du prototype en lui-même, le test porte également des enjeux,
dont celui de la prise en compte du contexte : parfois celui-ci est minimal,
c’est la manipulation du prototype qui compte, parfois il est riche car c’est
l’inscription du concept dans l’espace ou dans les pratiques qui compte.
Protoypage et jeux de rôles lors de la Creative Jam “Mieux se nourrir à l’ICADI” organisée par Design Innovation
dans le cadre de Reciprocity Design Liège, octobre 2015.
© Photos : Rino Noviello
57
5#
Enfin, des tiers-lieux peuvent vous ouvrir leurs portes. Ces espaces non
seulement permettent de laisser libre cours à la créativité, mais l’encou-
ragent ! Ils constituent des lieux d’expérimentation sans obligation de
performance, où il est permis d’oser.
5# A retenir :
58
6# IMPLÉMENTER POUR INNOVER,
AU-DELÀ DE LA CRÉATIVITÉ
59
6#
Passé le cap enivrant de la conceptualisation ou du prototype, l’élan re-
tombe parfois. Et avec lui la motivation. Quoi de plus frustrant pour son
personnel ou ses collaborateurs que cette impression d’avoir fait « tout
ça pour rien ! ». Même si la démarche alors initiée est déjà orientée action
et pourra porter un certain nombre de fruits – élan créatif, renforcement
des collaborations, envie de l’équipe... – votre force résidera dans votre
capacité à implémenter les projets.
60
6#
Chez Design Innovation, il nous semble que le potentiel du design
thinking dépasse le cadre d’une méthode de créativité pour atteindre
celui d’une stratégie d’innovation. Par innovation, nous entendons ici
l’amélioration effective de l’existant. Là où la créativité envisage des
solutions pour résoudre un problème, l’innovation ancre ses solutions
dans une réalité, c’est-à-dire les concrétise, les implémente. Dès lors,
tout l’enjeu du design thinking réside dans la capacité de ses pratiquants
à concrétiser les solutions : « passer du design thinking au design doing »
diront certains, pour que la solution devienne réalité et constitue une
nouvelle offre sur le marché.
61
6#
62
6#
Par ailleurs, alors que la pensée analytique, basée sur les logiques d’in-
duction et de déduction, domine le monde, le design et sa forme du de-
sign thinking proposent la création de connaissance et de valeur par l’in-
tuition, basée sur la logique de l’abduction, et guidée par l’observation,
l’étonnement, l’expérimentation. Le designer a exercé depuis ses études
cette faculté à penser par abduction.
« Le problème est que le design est un tout, explique Dominique Sciamma35,
Directeur de Strate Ecole de Design, et que sa pensée est consubstantielle
d’une pratique : il n’y a pas de Design Thinking sans Design Doing, et les sé-
parer, c’est les stériliser. C’est parce qu’il « représente », à chaque moment
de sa démarche – de la création à la communication, en passant par l’ob-
servation, la formalisation et le test, que le designer trouve des solutions
innovantes. Vouloir Penser sans Faire est donc voué à l’échec.
35 Propos à retrouver dans l’article « Design : de la pensée à l’action », par Dominique Sciamma, Directeur de
Strate Ecole de Design, publié le 19 avril 2016 : http://journaldesgrandesecoles.com/strate-ecole-de-design/
63
6#
« Excédées par les conditions dans lesquelles étudiaient leurs élèves, les
enseignantes d’une école primaire de Trébédan, un village ouvrier des
Côtes-d’Armor, ont planché sur une école idéale. Les réflexions menées avec
les enfants ont fait émerger un établissement adapté à leur pédagogie ori-
ginale, qui prône « l’autonomie et la créativité comme clés de voûte de l’en-
seignement », explique Nolwenn Guillou, directrice de l’école de ce village rural.
36 Article « Trop classe, le design de ma classe ! » par Marie Godfrain, publié le 1er septembre 2015. URL :
http://www.lemonde.fr/m-design-deco/article/2015/09/01/un-design-tres-classe_4742292_4497702.ht-
ml#xtgPBMLc2pHWZu0b.99
64
6#
Son site fait état de commanditaires désireux de « rendre visible et ren-
forcer le rôle social et culturel de l’école » au sein de la communauté :
© Philippe Piron
65
6#
Sur le terrain, pour réaliser la tâche délicate de synthétiser des informa-
tions conceptuelles et fonctionnelles pour en assurer la communication
en interne et permettre la lisibilité du projet pour tous les acteurs qui
contribueront à sa réalisation, le designer utilisera les outils de la pen-
sée visuelle, tels que la facilitation graphique qui consiste à représen-
ter des informations sous une forme visuellement adaptée, attractive et
en facilitant la compréhension et les interactions. Ces objectifs ont par
exemple été atteints lors du mind mapping participatif réalisé en mars
2014 par Fabrice Bronsart, coach chez Wins Elévation, dans le cadre de
l’inauguration du Bubble Hub à Charleroi, permettant de partager une
vision commune des défis de Charleroi.
66
6#
Bien sûr, l’enjeu est d’intégrer un bon designer, en termes de compé-
tences, d’expériences, de personne aussi puisqu’il est avant tout ques-
tion de collaboration, et de l’intégrer au plus tôt dans l’équipe projet.
37 Pour en savoir plus sur Natalie Nixo, et retrouver ses propos : http://www.philau.edu/strategicdesignmba/
meet_the_director.html
38 C’est l’avis partagé par Remco Lenstra de Flanders Inshape, pour qui : « Il est parfaitement possible pour les
« business thinkers » d’apprendre à penser comme des designers et vice versa ».
67
6#
Ce « mouton à cinq pattes », nous l’avons rencontré en la personne de Gé-
rard Pitance, designer de métier et fondateur de l’entreprise Stûv dont
il est l’actionnaire principal et administrateur délégué. Bien qu’il ait dé-
légué aujourd’hui toutes ses fonctions opérationnelles, Gérard Pitance
reste très présent dans le processus décisionnel et dans la définition des
stratégies, en accordant une attention toute particulière à la pérennisa-
tion de l’esprit d’entreprise.
Car c’est un projet de société que défend Gérard Pitance à travers son
projet entrepreneurial. En référence à Platon, il est à la recherche de
sens à travers l’exploration du beau, du bien, du vrai. C’est cette quête
de sens qui est le ciment de son entreprise et de ses équipes car ce qu’il
espère pour ses clients, Gérard Pitance le souhaite avant tout en interne.
68
6#
Chez Stûv, l’élaboration du cahier des charges d’un nouveau concept est
un processus évolutif qui s’étale jusqu’aux toutes dernières phases pré-
cédant la mise en marché. La méthodologie utilisée induit des change-
ments de direction au fil des découvertes résultant du travail de déve-
loppement. Les différents départements de l’entreprise sont sollicités
pour faire remonter vers la R&D des guides de conception liés à leurs
objectifs et contraintes spécifiques. Outre les points récurrents du ca-
hier des charges (respect de l’identité, réduction des coûts, positionne-
ment, différenciation, protection intellectuelle...) sont également prises
en compte les contraintes réglementaires ou normatives ainsi que les
inputs des installateurs, des prescripteurs et des techniciens chargés de
la maintenance des produits.
6# A retenir :
69
Nous avons tracé ensemble les grandes lignes du design thinking comme pro-
cessus itératif de gestion de projet, mais le design thinking concerne, au-delà du
projet, l’organisation tout entière, car il contribue à développer un terreau fer-
tile pour l’innovation. Il impacte le fonctionnement même de l’organisation et la
culture de l’entreprise en devenant une attitude, un « état d’esprit » permanent
d’exploration, de proactivité, d’expérimentation et de création de valeur.
70
7# R
ECRUTER (OU COLLABORER
AVEC) UN ANTHROPOLOGUE
71
7#
« Pardon ? », direz-vous sans doute. Quand on pense innovation, on est
en effet plus habitués à s’attacher la collaboration d’un ingénieur R&D.
Bien que ces derniers aient un apport certain que nous ne remettons pas
en question, l’innovation par le design thinking, qui s’attache aux utilisa-
teurs, à l’humain et à ses usages, ouvre la porte des entreprises (grandes
ou petites) aux professionnels des sciences humaines. Ethnographes, an-
thropologues ou encore philosophes investissent ainsi les open spaces
et les team buildings. L’enjeu est bien sûr de bénéficier de leur capacité
à observer « in situ » et à interroger le monde, les gens et les choses qui
nous entourent au travers des yeux de ces personnes.
39 Article « L’innovation de demain s’appuiera sur l’expérience des utilisateurs », par Christophe Rebours, publié
le 8 juin 2015 sur LesEchos.fr : http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-133709-nous-entrons-
dans-une-nouvelle-ere-de-linnovation-1126216.php
72
7#
L’apport des sciences humaines réside ainsi dans l’observation et l’inter-
prétation des comportements des gens, de leurs usages et des émotions
induites par leur expérience. Elles opèrent comme des traducteurs entre
les usagers et les organisations. Surtout, elles posent la question de la
valeur des choses en croisant les éléments rationnels et irrationnels de la
désirabilité et de l’usage d’un produit et service. Elles apportent un sou-
tien dans ce que l’on nomme parfois aujourd’hui le design émotionnel. Il
s’agit alors de donner autant sinon plus d’importance au sens émotion-
nel des produits/services qu’à leur fonction. Mais gardons en tête que la
valeur est bien la somme de l’émotion et de la raison et que les sciences
humaines et sociales ont leurs raisons d’être au-delà des éléments émo-
tionnels. Elles sont par ailleurs des alliés certains pour identifier des be-
soins latents et, au-delà, des opportunités de création de valeur. La va-
leur naît de l’usage, de la signification, du problème ainsi résolu ou de la
valorisation que l’on en tire. La valeur naît des outils qui permettent de
voir avec les yeux d’autrui et de l’analyse de ces « visions ».
40 Article « SEB : dis-moi ce que tu manges et je saurai comment innover », par Thibaut De Jaegher, publié le 27
janvier 2014. URL : http://www.industrie-techno.com/seb-dis-moi-ce-que-tu-manges-et-je-saurai-comment-
innover.27538
73
7#
Lorsque nous l’avions rencontré en novembre 2014, Olivier Wathelet
était alors anthropologue et chef de projet innovation au sein du Groupe
SEB. Fervent défenseur du mouvement « Design Anthropology », il nous
livrait sa vision des liens entre design et anthropologie41 et rappelait que
l’anthropologie ne consiste pas à « observer » d’un regard extérieur, ou
à interroger les gens sur ce qu’ils souhaitent, mais à comprendre pour-
quoi des différences existent entre ce qu’ils disent et souhaitent faire,
et ce qu’ils font vraiment : « comprendre les contraintes qui les poussent à
agir différemment de leurs désirs initiaux, c’est se donner la possibilité de
leur proposer des produits/services répondant mieux à leurs contraintes et
à leurs aspirations. »
Olivier Wathelet nous dira qu’il retire une règle de sa pratique : « C’est
quand il y a un écart entre les valeurs que les gens portent (ex. : manger
sainement et varié) et le possible de leurs pratiques (je dois faire avec peu
d’idées, de temps, en tenant compte du goût variable de mes enfants), qu’il
y a une opportunité de création de valeur. »
« Comment améliorer le petit-déjeuner des étudiants ? » Projet mené par SEB en collaboration avec l’école de
management de Grenoble. © Olivier Wathelet
41 Propos recueillis à l’occasion des Rencontres du design et de l’alimentation organisées par Design Innova-
tion les 17 et 18 novembre 2014 à Villers-le-Bouillet (B).
74
7#
42 Citation extraite de l’ouvrage « Le design thinking au service de l’innovation responsable », par Xavier Pavie,
Corinne Jouanny, Daphné Carthy et François Verez, Edition Maxima Laurent du Mesnil, 2015 (p.33)
43 Article « Pour être plus innovant, si vous faisiez appel à un anthropologue », par Anne-Gaël Bilhaut, Ma-
rie-Cécile Girard, Olivier Wathelet, publié le 17 décembre 2015. URL : http://www.hbrfrance.fr/chroniques-
experts/2015/12/9117-pour-etre-plus-innovant-si-vous-faisiez-appel-un-anthropologue/
75
7#
L’anthropologue Olivier Wathelet teste avec les usagers. Russie, projet sur la consommation du thé. © Olivier
Wathelet
rticle « L’innovation de demain s’appuiera sur l’expérience des utilisateurs », par Christophe Rebours, publié le 8 juin
44 A
2015 sur LesEchos.fr : http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-133709-nous-entrons-dans-une-
nouvelle-ere-de-linnovation-1126216.php
76
7#
7# A retenir :
77
8# A
MÉLIORER LE PROCESSUS
DÉCISIONNEL DE L’ORGANISATION,
C’EST RÉDUIRE LES RISQUES DE REJET
78
8#
Nous l’avons dit, l’approche design thinking, par l’utilisation du proto-
typage rapide et du test, constitue une aide précieuse pour le pilotage
d’un projet car elle permet de « faire les bons choix » et, accessoirement,
le plus rapidement possible.
Le design thinking permet de faire les bons choix car il permet à l’entre-
prise de construire une proposition de valeur la plus juste possible, dans
le sens où la solution proposée aboutira à une utilisation effective par
l’utilisateur et sera porteuse de sens pour celui-ci :
Au-delà «du rejet client», les parties prenantes internes du projet (direc-
tion, équipes) et externes (distributeurs, par exemple) sont également
concernées par ce risque de rejet. Le design thinking permet de penser
l’expérience globale du parcours (vers l’extérieur) et, par l’immersion et
le prototypage, de créer de la conviction en interne et en externe.
45 Extrait de l’ouvrage « Are you design ? du design thinking au design doing », écrit par Nicolas Minvielle et
Martin Lauqin, Pearson, 2015 (p.29)
79
8#
Dans cette petite vidéo tournée à l’initiative de Design Innovation il y a
quelques années, Gérard Pitance nous explique comment le concept de
foyer à trois modes de fonctionnement intégrés a été totalement rejeté
par les commerciaux internes et externes qui avaient été amenés à juger
de sa pertinence :
80
8#
Le design thinking et son utilisation maximisée du prototypage améliorent
donc la gestion de projet et, par extrapolation, le processus décisionnel
de l’organisation, tout en donnant le droit à l’erreur. Magnifique, non ?
Quand on sait que ce droit à l’erreur est souvent ce qui manque cruellement
aux managers, ce qui annihile la prise de risque et parfois l’innovation, on
se dit que ça vaut le coup de cultiver une culture d’entreprise intégrant
l’esprit d’initiative et l’essai, quitte à ce qu’il s’agisse d’essai-erreur.
81
8#
Une dimension essentielle du design thinking est ainsi de créer une vi-
sion partagée au sein de l’entreprise, un résultat qui est décisif dans la
conduite de projet et son succès, et le succès de l’entreprise en général.
C’est la capacité de créer de l’intelligence collective qui est en jeu.
8# A retenir :
82
9# INNOVER DANS SON BUSINESS
MODEL, C’EST OSER !
Marketing et design ne s’opposent pas. Ils se complètent, interagissent,
se contraignent et se stimulent.
De même, le business model de l’entreprise est un parti pris qu’il faut inté-
grer au nom de la composante business (pilier économique). Deux possibi-
lités s’offrent alors : le business model contraint le design thinking ; le de-
sign thinking offre des opportunités d’innover dans son business model.
83
9#
Nous reprendrons ici un exemple connu de tous, mais qui permet de bien
comprendre les enjeux d’une démarche centrée humain comme l’est le
design thinking.
84
9#
A noter que, de plus en plus, dans une démarche agile et orientée utili-
sateur, le Lean Canvas prend le pas sur le Business Model Canvas. Ash
Maurya, son auteur, a construit son modèle en adaptant le Business Mo-
del Canvas pour lui apporter les attributs du Lean Startup. Le Business
Model Canvas focalise sur les partenaires, les ressources et les activités
quand le Lean Canvas se centre sur l’adéquation du produit au marché.
Les méthodes « lean startup » sont issues des méthodes agiles initiale-
ment utilisées dans le cadre de la gestion de projets informatiques. Celles-
ci consistent à impliquer fortement le demandeur (le client), à travailler de
façon itérative pour la délivrance des livrables, à collaborer le plus étroite-
ment possible au sein de l’équipe et à réévaluer régulièrement son mode
de fonctionnement dans une démarche d’amélioration continue.
46 Ils vous sont expliqués en quelques minutes en vidéo respectivement ici et là.
85
9#
9# A retenir :
86
POUR CONCLURE : LE DESIGN
THINKING MÈNE VERS L’INNOVATION
DE RUPTURE ET IMPACTE LE
MANAGEMENT
Même quand il est considéré comme stratégie d’innovation et non mé-
thode de créativité, le design thinking divise encore les experts : innova-
tion incrémentale ou de rupture ? Pour certains, il ne peut être qu’une
méthode d’innovation incrémentale c’est-à-dire d’amélioration continue
(presque) imperceptible basée sur les besoins des utilisateurs et n’ap-
portant pas un avantage concurrentiel fort.47
Par ailleurs, s’il est vrai que l’on va très rarement découvrir une innova-
tion de rupture dans le cadre de la co-création, cela ne limite en rien le
besoin de design thinking, qui reste le meilleur moyen de forger l’accep-
tabilité de l’innovation de rupture.
47 Cela semble être la position d’Alain Cadix, qui l’explique dans l’article « Design thinking » : que peut-on en
penser ? », publié sur l’Usine Nouvelle en avril 2014 : « Mais cette démarche présente la limite (nous l’avons
dit) de se déployer dans un environnement invariant. Elle en présente une autre : la similitude des solutions
proposées par les firmes concurrentes, puisque, dans un contexte culturel donné, la source des problèmes posés,
des idées avancées (encore faut-il que les gens sachent ce qu’ils désirent et convergent) et les processus qui les
objectivent sont les mêmes. Il ne reste plus alors que le marketing, et le style qui lui est alors subordonné, pour
se différencier. C’est ainsi dans bien des secteurs d’activités, là où l’innovation procède de façon dominante du
design thinking. (...) La méthode «tim-brownienne» fait participer, selon diverses formules, les gens aux trois
phases du Design Thinking : inspiration, idéation, implémentation. Mais nous savons que les utilisateurs, usagers,
consommateurs ne peuvent pas être les vecteurs d’une rupture. »
La position d’Alain Cadix est également celle de Bruce Nussbaum, professeur à la Parsons School of Design,
qui s’appuie sur le fait que la méthode ne porte que sur des produits existants analysés à travers le prisme
des « clients ».
87
Tim Brown défend l’idée que le marché est saturé de solutions qui ne
répondent pas réellement à un besoin, qui sont créées de toute pièce
par des entreprises ne tenant compte que de leurs propres besoins, ob-
jectifs et contraintes et obnubilées par la rentabilité économique. Ren-
verser la machine et changer de paradigme représente donc pour lui un
vrai potentiel :
«Le défaut de méthode le plus répandu est de tenir compte en premier des
contraintes propres à l’entreprise : budgets marketing, réseaux de fournis-
seurs et de distributeurs, etc., et d’extrapoler à partir de là. Cela n’aboutit
qu’à des idées incrémentales, faciles à imiter par la concurrence. Une autre
approche, presque aussi fréquente, privilégie d’abord la technologie, mais
elle est risquée et doit être réservée aux start-ups agiles et suffisamment
audacieuses pour miser sur ce qui est neuf et non encore testé. Commencer
par la composante humaine, en revanche, accroît la probabilité de déve-
lopper une idée innovante et de trouver un marché réceptif - que l’on soit
directeur d’un complexe hôtelier ou paysan cambodgien.»48
Ici aussi, la question du sens se pose. Roberto Viganti, dans son livre
« Design-Driven Innovation » (Harvard Business Press), fait du sens le
moteur de l’innovation pilotée par le design. Il démontre alors que l’in-
novation par le design n’est pas seulement incrémentale lorsqu’elle par-
vient à changer le sens, comme l’illustre le schéma suivant.
88
Dans ce passage d’une innovation incrémentale à une innovation de rup-
ture, Bérangère Szostak, co-responsable de la Mention Management de
l’innovation à l’Université Lyon 2, évoque « combien importe la présence,
aux côtés de ces managers, de professionnels formés, instruits et acculturés
à la discipline du design pendant des années. En effet, les designers déve-
loppent des compétences spécifiques, notamment celles de l’analyse et de
la synthèse des travaux des ingénieurs, des réflexions des marketers, des
observations des ethnologues, des performances des artistes... Cela conduit
à la conception d’idées nouvelles et en cohérence avec les tendances so-
cio-économiques et les évolutions technologiques. En outre, leur approche
dite holiste les amène à considérer l’humain dans sa globalité, i.e. en tant
qu’utilisateur avec ses émotions, son environnement socio-organisationnel,
et ses interactions avec des tiers. À cette fin, les designers développent des
approches prospectives et visionnaires qui sont tout aussi pertinentes que
celle du design thinking. Il s’agit alors non plus de se focaliser sur l’utilisa-
teur pour donner plus de sens aux objets, selon Roberto Verganti, chercheur
italien, mais bien de créer des nouveaux sens aux objets en vue d’innovation
de rupture. »49
49 Extrait de l’article « Managers : enrichissez le Design thinking de votre vision critique du marché ! », par
89
Les réponses à certains doutes, nous ne les aurons qu’en multipliant
les expérimentations qui révèleront le véritable potentiel du design
thinking. Une chose est sûre, le design thinking propose un angle d’ap-
proche du design comme du management réellement différent et c’est
sans doute ce qui explique l’engouement pour la méthode et pour le
terme, comme nous l’expliquent Martin Lauquin et Nicolas Minvielle :
« Ce qu’il faut retenir, c’est que l’approche design thinking est une méthode
de conception itérative. Construire une équipe pluridisciplinaire, impliquer
l’utilisateur le plus en amont possible, tester, se tromper, pour affiner sans
cesse la solution, voilà les fondements du design thinking. Pour Aurélie
Marchal, la démarche s’applique volontiers aux problématiques organisa-
tionnelles. Le design thinking peut être un levier puissant pour fédérer une
équipe, faire travailler les salariés de manière collaborative et finalement
trouver des solutions pertinentes à des problèmes opérationnels.
(...) Bien sûr, le design thinking n’a pas réponse à tout, il présente des limites
(...) et ce n’est pas la seule méthode d’innovation participative. Mais il a le
mérite de ne pas réduire le design au style et de valoriser son apport en ma-
tière d’organisation et de processus de travail. »
90
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• Rebours, Christophe, 2013. « Avant, j’étais designer... ». Site web de Christophe Re-
bours. En ligne. Juillet, http://www.christophe-rebours.com/avant-jetais-designer/.
• Soulard, Julien, 2015. « Le design thinking, vecteur d’innovation ». 1MIN30. En ligne.
Juin, https://www.1min30.com/brand-marketing/design-thinking-vecteur-innova-
93
tion-25369.
•D
.school de Stanford, Hasso Plattner Institute : http://dschool.stanford.edu/
•D
anish Design Centre : http://ddc.dk/
•D
esign Council : http://www.designcouncil.org.uk/
•D
esign for Europe : http://designforeurope.eu/
•D
esign Management Institute : http://www.dmi.org
•D
ESIS Network : http://www.desis-network.org/
•E
NSCI – Les Ateliers : http://www.ensci.com/
•H
arvard Business Review : http://hbr.org/
•L
a 27e Région : http://www.la27eregion.fr/
•P
aris d.school : http://www.dschool.fr/
94
Vidéos (dernière consultation le 10 mai 2016) :
• IDEO
– « Empathy: The Human Connection to Patient Care » : http://designthinking.
ideo.com/?p=1008
Autres ressources :
•C
azaux, Pierre-Julien, 2013. « Design thinking without designers ? ». Mémoire du
Mastère spécialisé « Innovation bu Design » ENSCI – Les ateliers, sous la direction
de Mathias Béjean.
•A
lami, Lina, 2015. « Innover ? innovez ! Innovons. ». Livre blanc. En ligne. Octobre,
http://comment-innover.fr/wp-content/uploads/2015/09/livre_blanc_innovez_in-
novons_Lina_Alami.pdf. Consulté le 10 mai 2016.
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de questions, mais aussi qu’ils ne relèvent pas de l’inné et sont donc acces-
sibles à un plus grand nombre de gens qu’on ne le suppose.»
Tim Brown, L’Esprit design
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