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MANAGER SES PROJETS ET SON ORGANISATION

AVEC LE DESIGN THINKING

Éléments de compréhension et bonnes pratiques du design thinking,


véritable stratégie d’innovation centrée sur l’humain. Inspirez-vous-en
pour devenir un meilleur manager ! A l’intention des organisations pri-
vées comme publiques.

Préface de
Gérard Pitance
REMERCIEMENTS

Cette publication n’aurait pas été possible sans l’implication de profes-


sionnels passionnés et passionnants. Nous leur adressons nos plus sin-
cères remerciements pour le temps et l’énergie qu’ils ont consacrés à
ce projet. Leurs relectures et contributions ont été précieuses, elles ont
grandement contribué à la pertinence du contenu proposé ici. Elles nous
ont permis de croiser les regards du manager, du designer, de l’anthro-
pologue... et nous ont fait grandir. Merci !

Nous remercions particulièrement :

• Clio Brzakala et Cyrielle Doutrewe, respectivement directrice et chef


de projet chez Wallonie Design (B)

• Remco Lenstra, Knowledge Transfer Manager chez Flanders Inshape (B)

• Olivia Verger-Lisicki, consultante et fondatrice de l’agence


d’innovation Qamaqi (F)

• Yves Voglaire, designer de services et fondateur de l’agence


Designenjeu (B)

• Olivier Wathelet, anthropologue et consultant innovation (F+B)

Enfin, nous remercions chaleureusement Monsieur Gérard Pitance, fon-


dateur et administrateur délégué de Stûv, pour son enthousiasme sur ce
projet et l’écriture de la préface de ce livre blanc.

Le contenu de cette publication est développé sous licences CC-BY-NC-SA.


Auteur : Design Innovation
Illustrations : Adeline Guerriat pour Innerfrog.com
Publication : mai 2016

2
A PROPOS DE L’AUTEUR

Design Innovation est le Centre de compétence wallon dédié au design.


A la fois stratégique et transversal, le design est un levier de déve-
loppement durable pour notre région, pour notre société, mais aussi
pour votre entreprise.

Design Innovation, au travers de ses missions d’information, de forma-


tion et d’interconnexion, apporte aux professionnels et aux futurs pro-
fessionnels (designers et non designers) :

• l’inspiration propice au développement de leurs activités et de leurs projets,

• les compétences essentielles pour relever les défis de demain,

• l’étonnante force d’un réseau de formés et d’informés.

Par le design, nous construisons ensemble des réponses innovantes


aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux.

Pour soutenir l’inspiration de ses publics et stimuler leur potentiel créa-


tif, Anne-Sophie Prévost est, depuis fin 2008, responsable de la veille
chez Design Innovation.

Passionnée par les sujets du design et de la créativité, elle cherche au


quotidien à mettre ses compétences en veille et en management de l’in-
formation au service du centre pour la diffusion de sujets inspirants et,
plus largement, la sensibilisation de tous à la plus-value du design sous
toutes ses formes. Elle a piloté ce projet de livre blanc.

3
TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE DE GÉRARD PITANCE 5

AVANT PROPOS 9

QU’EST-CE QUE LE DESIGN THINKING ?

1# LE DESIGN THINKING : UNE STRATÉGIE D’INNOVATION QUI


REMET L’HUMAIN AU CŒUR DE L’ORGANISATION ET DE SES PROJETS 11

2# DU DESIGN AU DESIGN THINKING, ÉLÉMENTS DE COMPRÉHENSION 24

FOCUS SUR LE MANAGEMENT DE PROJET PAR LE DESIGN THINKING

3# A QUELLES QUESTIONS RÉPONDRE ? PLACE À LA RECHERCHE UTILISATEUR. 37

4# CO-CRÉER LA SOLUTION, EN INTERNE ET EN EXTERNE 45

5# PROTOTYPER ET TESTER AVANT DE DÉVELOPPER, C’EST RÉDUIRE LES COÛTS ! 52

6# IMPLÉMENTER POUR INNOVER, AU-DELÀ DE LA CRÉATIVITÉ 59

FOCUS SUR LE MANAGEMENT D’ENTREPRISE PAR LE DESIGN THINKING

7# RECRUTER (OU COLLABORER AVEC) UN ANTHROPOLOGUE 71

8# AMÉLIORER LE PROCESSUS DÉCISIONNEL DE L’ORGANISATION,


C’EST RÉDUIRE LES RISQUES DE REJET 78

9# INNOVER DANS SON BUSINESS MODEL, C’EST OSER ! 83

POUR CONCLURE : LE DESIGN THINKING MÈNE VERS L’INNOVATION DE RUPTURE


ET IMPACTE LE MANAGEMENT 87

BIBLIOGRAPHIE 91

DESIGN INNOVATION VOUS ACCOMPAGNE VERS LE DESIGN THINKING 96

4
PRÉFACE DE GÉRARD PITANCE

Dites à un designer, en croyant le complimenter, qu’il est un spécialiste


de la forme et sa réaction risque de vous surprendre. Aussitôt, il s’insur-
gera devant cette affirmation à ses yeux bien trop réductrice et il entre-
prendra de vous expliquer en quoi consiste réellement cette profession
qu’il vénère et qu’il place bien plus haut qu’un simple effet de style.

Il est assez paradoxal, après des décennies de foisonnement de l’indus-


trie des biens de consommation et d’équipement durables, d’encore de-
voir expliquer en quoi consistent les tenants et aboutissants de ce mé-
tier et de cette mystérieuse gymnastique intellectuelle dont émanent
souvent des projets étonnants, inédits et inspirés.

C’est l’ambition de ce Livre Blanc que de vous aiguiller sur les chemins
de ce mode de pensée complexe où s’entrecroisent pensée analytique
et pensée créative pour le plus grand bien des entreprises et des orga-
nisations qui ont fait du progrès et de l’innovation les moteurs de leur
activité et de leur prospérité.

A raison, l’Auteur se garde bien de faire l’apologie du design et de placer


le designer sur un piédestal. Ce serait en effet le pire service à lui rendre
que d’attribuer un rôle plus important qu’il se doit à sa contribution à la
dynamique d’innovation. A ce titre, une certaine forme de vedettariat,
entretenue par le marketing autour du design d’auteur et relayée par les
médias, est une des causes de la confusion qui entoure la discipline. Sans
enlever une once de mérite à ceux qui enchantent notre quotidien par
leur talent à dessiner des objets usuels, on peut se demander par quelle
forme de priorité de l’esprit le designer d’un objet, aussi beau soit-il,
puisse être porté aux nues alors que les équipes qui conçoivent et en-
voient des engins ultrasophistiqués aux confins de l’univers restent, en
dehors de leur cercle restreint, dans un parfait anonymat ? Dans toute
organisation qui innove, l’humilité est de mise et les égos sont à ranger
au placard.

Ce n’est pas dévoiler le contenu de cet ouvrage que d’en extraire, en vue
de les commenter, certains propos :

« Le design mobilise des savoirs et des outils dont l’usage exige des com-

5
pétences spécifiques. Le designer ne maîtrise pas tous les domaines de la
conception, loin de là et n’est donc pas pertinent sur tous les sujets. En
revanche, il aura suffisamment de ressources et d’aptitudes à la transver-
salité pour savoir chercher les bonnes compétences, au bon moment. A
chaque problématique qui se posera depuis la conception jusqu’à la com-
mercialisation, il saura trouver la personne la plus pertinente (…) et pren-
dra en compte l’ensemble des acteurs intervenants sur la chaîne de valeur
du produit. » Emmanuël THOUAN

Il est particulièrement passionnant de vivre au quotidien l’intimité de


fonctionnement d’une équipe pluridisciplinaire. Miser sur le potentiel et
la richesse d’une telle cohabitation est au départ un véritable challenge
et la réussite de l’expérience passe par l’instauration d’un questionne-
ment des acteurs en présence sur les spécificités de leurs métiers res-
pectifs, sur ce qui distingue l’approche d’une discipline de celle d’une
autre, sur l’objectivation des compétences... Lorsque ces différences
sont enfin identifiées au sein de l’équipe, s’installe une sérénité excep-
tionnelle et une efficacité démultipliée par un vrai travail collaboratif.
Bien sûr, les différences subsistent entre les nécessités du court terme
et les ambitions du long terme ou entre le cartésianisme des uns et la
créativité des autres, mais elles sont reconnues et acceptées en tant que
facteurs d’efficacité et d’équilibre.

« Design thinking is a human-centred approach to innovation that draws


from the designer’s toolkit to integrate the needs of people, the possibili-
ties of technology and the requirements for business success » Tim BROWN

Cette réalité généreuse, pour devenir effective, nécessite de la part de


toute organisation qui prétend s’en inspirer d’avoir la volonté sincère de
miser sur l’humain, non seulement dans son business mais aussi en son
sein. Cela suppose qu’elle ait mis en place les conditions propices à la
réalisation de cet objectif ambitieux et cela pourrait constituer aussi une
excellente définition de la fonction du ‘DESIGN MANAGEMENT’.

Identifier et formaliser les valeurs et les fondements de l’IDENTITE de


l’entreprise sont les premières actions qui concourent à la réussite de cet
objectif. Le ‘Connais-toi toi-même’ que les Grecs anciens préconisaient à
l’individu vaut également à l’échelle d’une entreprise car la juste percep-
tion qu’elle a de son identité et de ses valeurs lui permettra de communi-
quer efficacement sur ce qu’elle est. A charge pour ceux qui ambitionnent
de s’associer à son projet d’en accepter les objectifs et les contraintes.

6
« Connais-toi toi-même et tu connaitras l’Univers et les Dieux … »

Cette approche centrée sur l’humain donne du sens au projet d’entre-


prise et fédère les équipes autour du projet. Mais elle procure encore
bien d’autres bénéfices ! Affirmer son identité et ses valeurs, c’est aussi
se différencier et clarifier son positionnement. En termes d’image, cela
permet d’être reconnaissable et de construire l’identité visuelle autour
de laquelle s’articulera ensuite la propriété intellectuelle de l’entreprise.
On sait à quel point il est important pour une entreprise qui innove de
protéger ses investissements par une propriété intellectuelle forte.

Le design est avant tout une question de cohérence formelle, de justesse,


de lisibilité, de simplicité et d’adéquation. PLATON qui proclamait « Le
Beau est la splendeur du Vrai » aurait été le meilleur des professeurs
de design et, reconnaissons-le, il est le véritable inventeur du DESIGN
THINKING lorsqu’il nous propose d’explorer sans relâche les concepts
du Beau, du Bien et du Vrai.

Indépendamment de la remarquable pertinence de son contenu, ce Livre


Blanc peut apparaître comme un anachronisme ou dans une certaine
mesure comme un prêche dans le désert. Il y a en effet un décalage
important entre la maturité managériale et industrielle que requiert
l’application des principes développés dans ce Livre Blanc et la réalité
économique que constitue la quasi-disparition des entreprises manufac-
turières du paysage des régions auxquelles cet ouvrage est adressé.

En Wallonie et en France comme dans beaucoup d’autres pays d’Eu-


rope de l’ouest, les entreprises manufacturières et les industries de la
sous-traitance, terrain d’expression des techniciens, des ingénieurs et
des designers, se raréfient ou se réduisent de plus en plus à de simples
plateformes logistiques. On assiste depuis longtemps déjà à un véritable
exode industriel des pays d’Europe de l’ouest vers les pays d’Europe de
l’est. Ainsi, ce sont les entreprises les plus créatrices de valeur ajoutée,
d’emplois et de bienfaits économiques qui disparaissent inexorablement
de notre environnement parce que les conditions de leur survie finan-
cière et de leur compétitivité ne sont plus assurées.

Le glissement, auquel on assiste, des activités industrielles vers les in-


dustries de la connaissance et de la fourniture de services ne suffira pas
à combler le déficit social et économique découlant de la disparition des
activités de production. Les emplois les moins qualifiés et les métiers

7
manuels seront les laissés-pour-compte de cette politique d’abandon et
l’accentuation du déséquilibre entre productifs et improductifs enveni-
mera toujours davantage le débat politique.

« La montée en puissance du design thinking correspond à un changement


de culture et aujourd’hui, les professionnels les plus pointus sont plutôt mo-
tivés par la perspective d’utiliser leurs talents à résoudre des problèmes qui
en valent la peine. Améliorer l’existence des gens se situe en tête de leur
liste. » Tim BROWN

Si le design a apporté une large contribution à l’essor d’une certaine so-


ciété de consommation, avec les conséquences catastrophiques que l’on
sait, le design thinking, par sa capacité à générer de nouvelles solutions
qui encourageraient l’adoption de comportements plus responsables,
pourrait bien devenir un des moteurs du changement vers ce qu’il est
convenu d’appeler aujourd’hui Le Développement Durable.

La raréfaction des énergies fossiles et des matières premières, le ré-


chauffement climatique, l’explosion démographique, la dégradation de
notre environnement, le péril sanitaire,... sont autant de problématiques,
vitales pour l’avenir de l’humanité, qui nécessitent de repenser fonda-
mentalement les solutions actuelles et nos comportements. Toutes les
composantes de la société doivent rêver cette nouvelle ère portée par le
sens et agir pour qu’elle se concrétise.

Il faut applaudir Design Innovation, Auteur de ce Livre Blanc, lorsqu’il


rappelle que les moteurs de l’Entreprenariat ne sont pas incompatibles
avec l’éthique sociétale et lorsqu’il proclame que l’INNOVATION DU-
RABLE constitue une magnifique opportunité de réconcilier les intérêts
sociaux, sociétaux, économiques et environnementaux.

Il faut aussi espérer que le monde politique puisse tirer les leçons de cet
ouvrage et en appliquer les bons principes selon lesquels les différences
de pensée sont source d’enrichissement et d’équilibre et qu’à l’opposé,
les velléités monopolistiques, qu’elles soient économiques ou politiques,
paralysent les visions à long terme seules garantes de progrès véritables.

Gérard PITANCE
Designer Entrepreneur, Stûv

8
AVANT PROPOS
Popularisé par Tim Brown1, CEO de la célèbre agence américaine IDEO et
devenu depuis lors une référence internationale, le design thinking est
défini par ce dernier comme « une discipline qui utilise la sensibilité, les
outils et méthodes des designers pour permettre à des équipes pluridisci-
plinaires d’innover en mettant en correspondance attentes des utilisateurs,
faisabilité technologique et viabilité économique ».2

Le design thinking est un peu comme une cure de jeûne pour le mana-
ger. Comme pour ce type de cure, une prise isolée pourra paraitre mi-
raculeuse, mais l’effet s’estompera rapidement. C’est l’adoption réelle
d’un autre mode de pensée, ou plutôt d’action, et la récurrence de la
méthode, qui révèleront sa force.

Cure de jeûne, le jeûne de ce qui paralyse parfois le manager au quotidien :


la peur de l’échec, le manque de droit à l’erreur. Le design thinking vous
invite à jouer ! Jouer avec les idées, les modeler, les dessiner, leur donner
vie, les tester... pour les implémenter sous leur meilleure forme, pour amé-
liorer la qualité de vie des gens qui vous entourent, celle de vos clients, de
vos usagers, de vos salariés, de vos partenaires, celle de la société.

L’enjeu actuel des organisations réside dans le management de l’inno-


vation, fonction transversale de l’entreprise, c’est à dire la création
des conditions les plus favorables au développement et à la production
d’innovations concrètes, cherchant à améliorer l’existant, de façon incré-
mentale ou en rupture.

1 Vous retrouverez dans cette publication de nombreuses références à Tim Brown et bon nombre d’extraits de
ses ouvrages. Si nous avons pris soin de varier les points de vue, il n’en reste pas moins la référence en ma-
tière de design thinking, tant dans le développement de la théorie qui accompagne ce mouvement que dans
sa mise en pratique. Ses propos nous ont donc paru, à de nombreuses reprises, incontournables.
2 T. Brown, Design Thinking, Harvard Business Review, 2008

9
Les « bonnes pratiques » qui suivent ont vocation à illustrer la diversité
de l’intégration du design thinking, pour le management de l’innovation,
sujet de fond, transversal, multi-thématiques et multi-enjeux, dans les
projets et les organisations. Elles illustrent également la diversité de ses
bénéfices, pour l’organisation privée comme publique.

Ces « bonnes pratiques » ont aussi vocation à vous inspirer dans votre
pratique managériale, comme elles ont pu nous inspirer l’écriture de ce
livre blanc. Celui-ci constitue une synthèse créative faisant un état des
lieux du design thinking, prenant un peu de recul sur plusieurs années de
lectures, d’observations, d’échanges, au croisement de différents éco-
systèmes régionaux et de différents sujets.

Nous ne prétendons pas inventer ici de nouveaux préceptes ou de nou-


velles méthodes, ce n’est pas l’objet, mais plutôt vous faire partager
notre conviction à la découverte de méthodes alternatives de manage-
ment.

Cette synthèse porte un objectif à la fois pratique et stratégique  : in-


former, inviter à intégrer la démarche, orienter vers de nouvelles prises
de décision, transformer les organisations. Quelques exemples ou réfé-
rences vous donneront un petit aperçu des réalisations de « ceux qui ont
testé ». Inspirez-vous-en pour faire grandir votre organisation !

Enfin, ce livre blanc n’a pas pour ambition d’être exhaustif sur le design
thinking, que ce soit en matière de bonnes pratiques ou d’outils. Nous
espérons donc que votre curiosité vous amènera à en chercher et à en
découvrir de nouveaux, et pourquoi pas à en (co-)créer au sein de votre
organisation ? Design Innovation sera là pour vous y aider.

Bonne lecture.

10
1# L
 E DESIGN THINKING : UNE
STRATÉGIE D’INNOVATION QUI
REMET L’HUMAIN AU CŒUR
DE L’ORGANISATION ET DE SES
PROJETS

La place de l’humain et le rôle de l’empathie


Le design thinking est ce que nous pouvons appeler une stratégie de
définition et de transformation d’opportunités de création de valeur,
pour l’organisation comme pour son usager, en solutions.

Celle-ci s’applique à faire cohabiter la désirabilité des solutions, c’est-à-


dire cette valeur pour l’utilisateur, issue de critères objectifs d’usages et
de critères émotionnels, avec leur faisabilité technique et leur viabilité
économique, mais elle est avant tout focalisée sur l’humain et sur l’expé-
rience que vont lui apporter ces services ou ces produits.

11
1#
Utilisant les méthodes et outils du designer et d’autres disciplines
comme l’ethnographie, le marketing, l’ingénierie, le management, pour
mettre en place cette approche multidisciplinaire centrée sur l’humain,
le design thinking peut être source d’innovation.

Intégrer le design thinking dans votre organisation, c’est donc mettre


le curseur sur l’humain et ainsi (re)donner du sens à vos produits/ser-
vices, à votre activité et au travail de vos salariés. Vous apporterez des
réponses à des besoins réels d’utilisateurs et, au-delà, à des besoins
de la société.

Cela est vrai pour les organisations publiques, les services publics cher-
chant en permanence à s’adapter aux nouvelles attentes des usagers, à
maintenir un service de qualité, à apporter des réponses pertinentes à
leurs besoins. Tout ceci donne un sens réel à leurs actions.

Mais les organisations privées ont, elles aussi, besoin de remettre le cur-
seur sur l’humain et de redonner du sens à leurs activités, ne serait-ce
que pour coller aux évolutions des attentes des utilisateurs et aux chan-
gements sociétaux3.

Si certains pensent encore que l’objectif d’une organisation privée et


de ses managers est avant tout de vendre, de croître et de faire pro-
gresser ses bénéfices et opposent alors innovation sociale et innovation
économique – la première serait sensée aider l’humain sans but lucratif
tandis que la seconde n’aurait vocation qu’à faire du business sans pré-
occupations morales – chez Design Innovation, nous préférons parler
d’innovation durable, fédérant les intérêts sociaux/sociétaux, éco-
nomiques et environnementaux. Et c’est possible !

3 C’est ce que nous explique Christophe Rebours, PDG de Inprocess, agence d’innovation stratégique : « Même
de grands groupes cotés en bourse ont perdu de vue le sens de leur action. Ils ne savent plus pourquoi ils pro-
duisent. Ils ont oublié pour qui ? Dans leurs organisations complexes, l’homme, cet être vivant, charnel, le sourire
pas toujours ultra bright qui vit dans une famille pas toujours en or, a disparu des radars. Ces entreprises-là inves-
tissent des sommes faramineuses en R&D et en marketing, mais elles sont désemparées : elles ne comprennent
pas pourquoi les gens n’achètent plus leurs produits. » Source : « L’innovation de demain s’appuiera sur l’expé-
rience des utilisateurs », article de Christophe Rebours, publié le 8 juin 2015 sur le site LesEchos.fr.

12
1#

Aujourd’hui, c’est la société tout entière, « de l’analphabé-


tisme des adultes au réchauffement climatique » nous dit Tim
Brown4 qui devient «  question de design  », un challenge
pour les générations actuelles et futures de designers, les
équipes pluridisciplinaires, les entreprises, les citoyens, qui
doivent œuvrer à un équilibre des trois piliers du dévelop-
pement durable et unir leurs forces pour apporter des so-
lutions innovantes et durables.
Tim Brown ajoute :
« La montée en puissance du design thinking correspond à un
changement de culture et aujourd’hui, les professionnels les
plus pointus sont plutôt motivés par la perspective d’utiliser
leurs talents à résoudre des problèmes qui en valent la peine.
Améliorer l’existence des gens se situe en tête de leur liste. »

En réalité, les «  consommateurs  » d’aujourd’hui cherchent du sens et


s’approvisionnent auprès des organisations (qu’elles soient à vocation
sociale et/ou économique) qui leur en donnent.

C’est particulièrement vrai pour la génération Z qui n’agit qu’à condition


de comprendre le sens de son action et place le « pourquoi ? » en tête de
ses préoccupations.5

Yves Voglaire, designer de services et fondateur de l’agence Designen-


jeu, également formateur chez Design Innovation et enseignant à La
Cambre, école supérieure de design à Bruxelles, enchérit : « le design se
donne pour projet de donner du sens à ce qui nous entoure. »

4 Extrait de L’Esprit design, Tim Brown, Pearson, 2009 (p.38)


5 Pour mieux comprendre les générations Y et Z, nous vous invitons à visionner l’intervention suivante de
Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project et WoMen’Up : https://www.youtube.com/watch?v=gkd-
vEg1kwnY

13
1#
Pour les entreprises, placer l’humain au centre de leurs préoccupations
servira leurs propres intérêts. A travers cette approche, l’entreprise
comprendra mieux ses utilisateurs et clients, également ses salariés, la
force vive de sa richesse de conception et de production, elle répondra
de façon plus efficace à leurs attentes voire à leurs besoins latents et son
offre rencontrera donc plus facilement son public, faisant ainsi croître
ses ventes sur de nouveaux marchés.6

A noter que l’approche vise non seulement à faire émerger de nou-


veaux produits ou services mais aussi de nouveaux processus de travail
voire même une nouvelle stratégie. L’innovation est donc aussi ma-
nagériale et organisationnelle ; elle peut concerner jusqu’au business
model de l’organisation.

L’empathie est ainsi au cœur du design thinking. Il s’agit de se mettre


« à la place » de l’autre (usager/utilisateur, client, collaborateur, parte-
naire...) pour comprendre ses sentiments, ses émotions, son état d’es-
prit... L’empathie demande beaucoup d’ouverture et de savoir écouter.
Elle passe par le fait de se rendre sur le terrain en situation vécue par
l’autre. Elle se travaille, elle se partage.

6 C’est ce qu’explique Caroline Gagnon, directrice du programme en design de produits de l’Ecole de design de
l’Université de Laval (CA), en parlant du design empathique : « La prétention de cette démarche est aussi lucra-
tive, c’est-à-dire qu’elle devrait en principe aboutir à la découverte de nouveaux besoins souvent non exprimés et,
par conséquent, viser la création de nouveaux produits et de nouveaux marchés. » Source : « L’empathie : un rôle
à jouer en design », article de Caroline Gagnon, publié en septembre 2014 sur le blog de l’université de Laval.

14
1#
L’agence américaine IDEO, spécialiste du design thinking, propose ainsi
de comprendre l’empathie en se mettant « dans les chaussures de l’usa-
ger » en milieu hospitalier. La vidéo « Empathy : The Human Connection to
Patient Care » révèle à quel point l’empathie doit être au cœur du design,
l’influencer et pourquoi elle doit être la base de la définition du « de-
sign brief ».

Sur le terrain, dans le cadre des projets, des outils permettent de


développer cette capacité d’empathie, mais aussi de formaliser les
ressentis relatifs à une personne ainsi captés pour espérer en tirer le
meilleur par la suite.

15
1#

Dans le cas du travail mené par Design Innovation sur la redéfinition de


sa proposition de valeur pour ses publics professionnels, ce sont des
outils comme les personas et les cartes d’empathie qui ont permis à
l’équipe du centre de remettre le curseur sur ses usagers et de stimuler
en interne l’identification de difficultés dans leur parcours d’accès aux
services puis de formuler de nouvelles hypothèses de réponse à leurs
besoins. Dans ce cas, la carte d’empathie a permis de caractériser le com-
portement, les préoccupations et besoins des personas. Elle a aidé à éta-
blir une proposition de valeur juste pour ces personas7.

L’équipe est ensuite allée à la rencontre de ses usagers (actuels et poten-


tiels) et de ses non-usagers pour les interroger, collecter un maximum
d’« insights »8 et mieux comprendre leurs besoins et problématiques.

Persona réalisé chez Design Innovation dans le cadre de séances de travail sur le parcours usagers, novembre
2015. © Photo : Design Innovation

7 Un persona est un archétype. Il permet de représenter sous la forme d’un personnage un groupe de per-
sonnes dont les comportements et motivations sont proches (ou sensés l’être). Ces personas permettent,
tout au long du processus de conception, de rester centré sur l’utilisateur final afin que le curseur soit en per-
manence ramené vers l’humain. Ainsi, le persona est le garant de la désirabilité de la solution envisagée, mais
il ne représente pas pour autant un individu déconnecté de tout contexte. Il prend vie au travers du prisme
ethnographique bien sûr, mais aussi du marché et de la stratégie de l’organisation (sa vision, son business
model).
8 Valérie Bauwens et Laure Kloetzer, dans un livre intitulé «L’ethnographie au service de l’entreprise», paru
chez Fyp en 2013, définissent l’insight comme une «prise de conscience» (du chercheur, qui comprend mieux
le consommateur potentiel), et soulignent qu’en marketing, il s’agit de «l’expression d’un besoin du consom-
mateur».

16
1#
Notons que, à l’inverse du client « type » ou « moyen » utilisé en marke-
ting, la démarche de design thinking intègre également ceux que l’on
appelle les utilisateurs extrêmes. Ils ne correspondent pas à des clients
ou des cibles potentielles. L’observation et l’analyse de leurs comporte-
ments permettent de détecter des contournements possibles en termes
d’usages ou des besoins potentiels.

Olivier Wathelet, anthropologue et consultant en innovation, pense que


l’essentiel de l’apport des phases terrains se jouent ici, dans l’observa-
tion et l’intégration des utilisateurs extrêmes, car « l’étude de son propre
marché est souvent déceptive sauf à faire de l’incrémental, dit-il. Ainsi, les
non utilisateurs, pour comprendre les freins à l’usage, sont souvent plus
pertinents que les usagers « classiques » qui ont développé une routine ef-
ficace avec leurs produits. »

On rentre alors dans une démarche de « design for all », où il s’agit de


concevoir pour ces extrêmes, en se basant sur le fait que si ça marche
pour eux, alors ça marche pour tous, y compris les utilisateurs plus « stan-
dard ».9

9 Dans le cas des stratégies BoP (« Base of the Pyramid »), les publics « pauvres » (assimilés alors à des utilisa-
teurs extrêmes) permettent d’imaginer de nouveaux produits ou services pour de nouveaux besoins et de
nouveaux usagers, voire de repenser des business models pour l’ensemble des segments marché. On parle
alors de « reverse innovation ». Parmi les projets BoP, nous pouvons citer l’exemple de l’implication de Schnei-
der Electric auprès de La Poste du Bénin, visant à fournir « un accès à l’énergie fiable, abordable et durable ».
A découvrir ici.

17
1#
Parfois, il faut partir sur le terrain des utilisateurs, en immersion. La 27e
Région, laboratoire d’innovation publique en France, a ainsi fait de l’im-
mersion l’outil phare au service de l’empathie de son dispositif «  Ter-
ritoires en Résidences  ». En 2012, ils ont consacré une petite vidéo à
l’immersion, pour montrer comment les méthodes inspirées de l’ethno-
graphie leur permettent de comprendre des gens, des situations, des
problématiques.

18
1#

La démarche de design thinking

Le design thinking est pour certains un « état d’esprit », une philosophie,


une culture d’entreprise.10 Pour d’autres, elle est une méthode structu-
rée de gestion de projet dont le processus a été résumé en trois ou 5
phases-clés par des experts praticiens comme Tim Brown chez IDEO.

1. INSPIRATION : Il s’agit de comprendre les utilisateurs, leur environ-


nement, de se mettre en empathie avec eux. Cette phase permet
d’identifier, sur base d’intuitions issues de cette immersion (appelées
« insights »), une question en corrélation avec leurs besoins ou aspira-
tions. Elle nécessite d’observer le fonctionnement de la proposition
existante ou l’absence de proposition (phases «  empathy  » et «  de-
fine » sur le schéma ci-dessous).

2. IDEATION : Il s’agit de trouver des idées, jusqu’au concept qui permet-


tra de répondre à la question, collectivement et en faisant appel à dif-
férentes méthodes de créativité, pour étendre le champ des possibles
et favoriser l’exploration (phase « ideate »).

3. IMPLEMENTATION  : Il s’agit de concevoir la forme qui incarnera ce


concept  : on construit et expérimente des prototypes dans une lo-
gique d’amélioration continue avant d’entrer dans un développement
important qui préfigure une mise sur le marché de la solution (phases
« prototype » et « test »).

10 Le design thinking est en fait un mix entre une attitude, une culture, des outils, des méthodes, des process,
car adopter une attitude prend du temps et s’appuie sur des méthodes, d’où le choix de cette terminologie.
On peut aussi parler de stratégie d’innovation.

19
1#

Le processus de design thinking en 5 phases, selon IDEO

Cette démarche proposée par IDEO n’est néanmoins pas linéaire, il ne


s’agit pas d’un processus au sens strict. Des phases sont proposées, des
jalons existent, mais à chacun de trouver ses marques et de jongler avec
ces phases en fonction du contexte et de la question. Il faut pouvoir s’ap-
proprier cette démarche, la malmener et l’adapter pour la faire sienne,
tout comme les outils qui l’accompagnent. Deux aspects sont malgré
tout primordiaux : la nécessité de (re)définir la question sous l’angle
de vue de l’usager et celle d’avancer par itération.

En effet, le brief initial du projet est rarement clair, la capacité de le re-


définir est une clef du processus, afin de reformuler la proposition de
valeur. Yves Voglaire, designer de services et fondateur de l’agence De-
signenjeu, résume efficacement l’enjeu de cette redéfinition du brief
initial : « L’observation, et tout ce qui permet au concepteur de se mettre
en empathie avec l’usager, doit impérativement conduire à une remise en
cause du brief ou du cahier des charges, et à une redéfinition de l’objectif à
atteindre (l’étape « define »). Avant d’aller plus loin, il faut que l’entreprise
ou l’organisation valide cette nouvelle définition du problème (sous forme
de scénario d’usage ou de cahier des charges), de façon à ce que tout le

20
1#
monde soit bien sur la même longueur d’onde, et que les piliers « faisabilité »
et « viabilité » s’accordent sur le pilier « désirabilité » qui vient d’être redéfini. »

Le schéma suivant, créé par Jasper Liu, Lead UX architect chez ICF Inter-
national, représente efficacement la méthode design thinking.11

Le « Problem Statement », situé au cœur du schéma, nous invite à consi-


dérer la définition du problème comme partie intégrante du proces-
sus, et le brief comme livrable à part entière de la démarche de design
thinking.

11 Pour découvrir sa réflexion à ce sujet : https://medium.com/@JasperLiu/visualizing-the-4-essentials-of-de-


sign-thinking-17fe5c191c22#.nq3dg39iz

21
1#
L’itération doit quant à elle être perpétuelle. Comme l’illustre le sché-
ma de Jasper Liu, le design thinking fait intervenir des phases de diver-
gence puis de convergence, respectivement appliquées à la définition
du problème puis à la conception de la solution. Ces phases se répètent
à plusieurs reprises. Ces méthodes itératives évitent de se focaliser sur
le mauvais problème ou la mauvaise solution, en envisageant l’étendue
des possibles et en développant une vision globale de la situation.

A chaque itération, le prototypage, le test, l’expérimentation, per-


mettent d’invalider ou de confirmer les hypothèses, de les préciser, de
donner matière à une nouvelle itération et donc à une amélioration de la
solution. A l’instar du designer qui a cette capacité à « faire » les choses,
à donner vie aux idées, le design thinking est aussi une invitation à réveil-
ler le maker qui sommeille en vous !

1# A retenir :

• Le design thinking est une stratégie d’innovation focalisée


sur l’humain et sur l’expérience proposée à la personne
par l’usage du produit/service, ou plus globalement par
l’organisation.
•
Il permet d’apporter des réponses à des besoins
réels d’utilisateurs ou plus largement à des besoins
sociétaux, via la création de valeur pour les utilisateurs
de ces solutions.
• Cette innovation centrée sur l’humain ouvre ainsi des
perspectives de croissance durable et de nouveaux mar-
chés à l’entreprise.
• La démarche de design thinking combine une série de
phases selon un processus non linéaire, ces phases se
chevauchent entre elles et reviennent de façon itérative
dans la définition de la question et la recherche de solu-
tion. Le prototypage sous toutes ses formes est un des
éléments clés de chacune de ces itérations.

22
1#
Voici la représentation visuelle de cette méthode d’innovation que nous
vous proposons et qui nous guidera à travers ce livre blanc. Elle intègre,
au-delà du « parcours » du manager et de son équipe, les notions fonda-
mentales d’empathie, de co-création, de multidisciplinarité, d’itération...
qui lui sont inhérentes. Si cette représentation laisse à penser que le par-
cours sera long et difficile, sachez que le design thinking peut en réalité
être un véritable catalyseur d’innovation !

23
2# D
 U DESIGN AU DESIGN THINKING,
ÉLÉMENTS DE COMPRÉHENSION

Le design, au-delà du produit


L’International Council of Societies of Industrial Design (ICSID), rebaptisé
World Design Organisation (WDO), a introduit en 2015 une nouvelle dé-
finition du design, que nous traduisons ici12 :

«  Le design industriel est un processus de résolution de problème straté-


gique qui favorise l’innovation, construit la réussite des entreprises et
conduit à une meilleure qualité de vie grâce à des produits, systèmes,
services et expériences innovants. Il s’agit d’une profession transdiscipli-
naire qui exploite la créativité pour résoudre des problèmes et co-créer des
solutions avec l’intention de rendre un produit, système, service, expérience
ou entreprise meilleur. En son cœur, le design industriel fournit un moyen
plus optimiste d’envisager l’avenir en transformant les problèmes en oppor-
tunités. Il relie l’innovation, la technologie, la recherche, les entreprises et
les clients pour apporter une nouvelle valeur et un avantage concurrentiel
dans les domaines économiques, sociaux et environnementaux.

Les designers industriels placent l’humain au centre du processus. Ils ac-


quièrent une profonde compréhension des besoins de l’utilisateur par
le biais de l’empathie et appliquent un processus pragmatique de résolu-
tion de problèmes centré utilisateur pour concevoir des produits, systèmes,
services et expériences. Ce sont des acteurs stratégiques dans le processus
d’innovation et ils sont bien positionnés pour marier les disciplines profes-
sionnelles et les intérêts commerciaux. Ils apprécient l’impact économique,
social et environnemental de leur travail et leur contribution à la co-créa-
tion d’une meilleure qualité de vie. »

12 Pour retrouver la version originale (EN) : http://www.icsid.org/about/about/articles31.htm

24
2#
Remco Lenstra, responsable du programme de transfert des connais-
sances chez notre partenaire Flanders Inshape, nous a fait part de sa
définition du design  : «  Le design est le processus utilisé pour rendre
quelque chose meilleur pour quelqu’un. »13

Il s’agit donc d’un domaine de création de valeur allant au-delà de la ré-


solution de problèmes et visant à maximiser la façon dont une organi-
sation rencontre les besoins et aspirations des clients et utilisateurs et
améliore leur qualité de vie.

Remco Lenstra nous explique : « « Quelque chose » couvre un bien plus


large périmètre que juste votre produit. Cela peut être votre service, ou
votre business model  ; cela peut être l’expérience que vous offrez à vos
utilisateurs par une combinaison intelligente de ces aspects. De même,
« quelqu’un » va au-delà de votre client, il peut également s’agir de vos em-
ployés, des différents partenaires de votre chaîne de valeur ou – pourquoi
pas – de vous-même ? »

A partir du moment où vous intervenez dans l’objectif de «  concevoir


quelque chose de mieux pour quelqu’un », vous designez, dit-il. C’est en
ce sens que le design thinking fait de nous tous des designers.

« Penser comme un designer peut transformer la façon dont


vous développez des produits, des services, des processus – et
même votre stratégie. »
Tim Brown, IDEO, Harvard Business Review

13 « Design is the process used to make something better for someone. »

25
2#
On distingue habituellement deux types de design :

• le design en tant que « discipline », celle de la conception de solutions


(produits/services/environnements)  ; on parle de design d’exécution
(« exécutive design ») et de designers ;

• le design management, qui consiste à créer les circonstances idéales


pour l’executive design. Le design management « implique de ne pas consi-
dérer le design comme un aspect secondaire mais plutôt comme un aspect
stratégique de l’entreprise. »14 Ce rôle est joué par le design manager.

On peut considérer que le design thinking relève du design management


car il est une approche multidisciplinaire centrée sur l’humain visant à
proposer des solutions innovantes. Il permet aux designers d’exceller. Il
constitue un niveau « méta » du design. L’enjeu est donc de faire des ma-
nagers des design managers ou « design leaders ». En dehors des chefs
de projets et dirigeants, l’aspect interdisciplinaire du design thinking
peut amener l’un ou l’autre professionnel de l’équipe (y compris le de-
signer) à manager le design thinking dans les projets ou l’organisation.

La valeur économique du design pour l’organisation


Grâce au design, l’entreprise ne cherche plus à convaincre l’utilisateur
d’acheter son produit/sa solution, elle cherche à créer une solution qui
réponde à de vrais besoins/insatisfactions/aspirations (néanmoins sou-
vent inexprimés voire inconscients). En outre, elle crée de la valeur pour
son utilisateur. Plus le design s’inscrit dans la stratégie de l’entreprise,
plus il porte ses fruits. Cela se manifeste notamment par l’augmentation
du chiffre d’affaires.

14 Extrait de l’article « Le design thinking, vecteur d’innovation », écrit par Julien Soulard et publié le 15 juin
2015 : https://www.1min30.com/brand-marketing/design-thinking-vecteur-innovation-25369

26
2#
Dans une récente étude intitulée « The Design Value Index »15, le Design
Management Institute (DMI) analysait la performance financière des en-
treprises guidées par le design et celle des entreprises non guidées par
le design. La conclusion de cette étude confirmait que les entreprises
qui avaient intégré le design dans leur ADN en faisaient un véritable le-
vier. Financièrement, ces entreprises sont deux fois plus performantes
que leurs concurrentes non guidées par le design.

Par ailleurs, la vision du design comme une source non technologique


d’innovation permettant d’augmenter la compétitivité des entreprises
européennes a, depuis quelques années, trouvé sa place dans la déclara-
tion d’objectifs de l’industrie européenne16. Le design est donc devenu
un aspect incontournable de l’innovation et de la compétitivité.

15 Design Value Index (2013), Design Management Institute, Motiv Strategies : http://www.dmi.org/?Design-
Value
16 « A stronger European Industry for Growth and Economic Recovery », Industrial Policy Communica-
tion Update, COM (2012) 582. : http://ec.europa.eu/enterprise/policies/innovation/files/design/de-
sign-swd-2013-380_en.pdf

27
2#

L’intégration du design dans l’entreprise


La Danish Design Ladder17, outil développé par le Danish Design Center,
identifie quatre niveaux d’intégration du design dans l’entreprise :

On peut considérer que le design thinking correspond à l’intégration


du design comme process, voire comme stratégie : il s’agit d’intégrer
le design au plus tôt dans le processus de développement des projets,
d’être guidé par les utilisateurs, de faire appel à un large panel de com-
pétences pour résoudre le problème et innover. La démarche peut même
conduire à l’innovation de business model : repenser la chaîne de créa-
tion de valeur, revoir le business en tout ou en partie.

17 Pour en savoir plus sur la Danish Design Ladder : http://ddc.dk/en/2015/05/the-design-ladder-four-steps-of-


design-use/

28
2#

Le design thinking, méthode héritée du design


Petit historique du design thinking18 :
• 1950’s : Le publicitaire américain Alex Osborn, en mettant au point la technique du
brainstorming, sensibilise le monde de l’entreprise à la pensée créative.

• 1958 : Création d’un premier programme inter-départemental centré sur l’humain


à l’université de Stanford, aujourd’hui devenu le Stanford Design Program :
http://designprogram.stanford.edu/history.php

• 1973 : Robert H. McKim, à l’origine des développements du programme de Stanford


et mentor de David Kelley, publie l’ouvrage « Experiences in Visual Thinking ».

• 1980’s : Rolf Faste, enseignant de Stanford, popularise le design thinking en se ba-


sant sur les travaux de Robert H. McKim.

• 1987 : Peter Rowe publie son ouvrage « Design Thinking » aux presses du MIT.

• 1991 : David Kelley, qui enseigne à Stanford depuis 1978 (après y avoir obtenu son
diplôme de design) et participe depuis lors au développement des cursus,
fonde l’agence de design IDEO, héritière de l’entreprise « David Kelley De-
sign » qu’il avait fondée dès 1978. 

• 2000’s : Tim Brown, designer industriel de formation, devient CEO de IDEO (aupa-
ravant à la tête des bureaux de San Francisco et de Londres). Multiplication
des publications, des colloques et des cours sur le Design Thinking dans les
plus grandes universités du monde.

• 2005 : fondation par David Kelley du « Stanford University’s Hasso Plattner19 Insti-
tute of Design », première « d.school » : http://dschool.stanford.edu/

• 2009 : Publication de “Design Thinking” par Tim Brown, pour Harvard Business Review.

• 2012 : Fondation de la Paris-Est d.school (devenue Paris d.school), à Paris.

• 2015  : IBM formalise sa méthodologie «  IBM Design Thinking  » et engage 1000


designers pour répondre au mieux aux besoins de ses utilisateurs.

18 Cet historique est initialement inspiré du dossier «Qu’est-ce que le design thinking ?» publié par FrenchWeb
en septembre 2013, nous en avons sélectionné certains éléments et les avons enrichis d’éléments incontour-
nables, notamment en lien avec les travaux menés à Stanford au fil des ans.
19 Pour en savoir plus sur Hasso Plattner : http://dschool.stanford.edu/bio/hasso-plattner/

29
2#

Le design thinking : du design par tous ?


Le design et le design thinking – et les organisations en général – par-
tagent donc la même vocation  : concilier la désirabilité des solutions
imaginées, leur faisabilité technique et leur viabilité économique. Néan-
moins un aspect semble caractériser le design thinking : cette démarche
ne serait pas exclusivement réservée aux designers.

Il s’agit en effet de se constituer en équipe pluridisciplinaire, intégrant le


designer et ses compétences auprès d’autres professionnels, et pilotée
par le manager. Les managers, à leurs différents niveaux, chefs de pro-
jets ou dirigeants d’organisation, doivent en effet comprendre et inté-
grer ce mode de pensée, piloter cette stratégie d’innovation, au niveau
de la gestion des projets ou de la stratégie de l’organisation.

Nous pouvons donc définir le design thinking comme la modélisation


du mode de pensée et de la méthodologie du designer et affirmer
que, à ce titre, il peut être appliqué par d’autres profils. Nous affirmons
également qu’il est d’autant plus efficace qu’il est appliqué par une
équipe qui comprend un designer et ce, afin de prendre part non pas
uniquement à la mise en forme de la solution pour son implémentation
(executive design), mais aussi et surtout à l’identification et à l’analyse
de la question, à la médiation et à la traduction visuelle et physique
des idées tout au long du projet, depuis l’inspiration jusqu’à l’implé-
mentation. Il ne s’agit aucunement de se passer du designer et de ses
compétences, mais au contraire de l’intégrer du début à la fin du projet.

Notre position est donc la suivante : on peut pratiquer le design thinking


sans être designer, mais on ne doit idéalement pas pratiquer le design
thinking sans designer.

30
2#

Le designer « Facilitateur » et garant de la méthode

Au-delà de l’executive design, pour certains, le designer sera le garant


de la méthode. C’est le point de vue défendu par Aurélie Marchal et
Mathilde Adriaenssens, consultantes en innovation et design thinking :
« point de design thinking, sans designer ». Pauline Rochart, qui retrans-
crit leur pensée, ajoute :

« Le concept est à la mode, pour autant, il répond à une méthodologie précise et il
ne s’agit pas de s’improviser designer pour prétendre faire du design thinking. »20

Emmanuel Thouan, cofondateur de l’agence française DICI design, rap-


pelle ainsi qu’un des nombreux atouts de l’intégration d’un designer
dans une organisation est moins de bénéficier d’un expert omniscient
que de bénéficier de quelqu’un capable d’aller chercher la compétence
là où elle se trouve21 :

«  Le design thinking mobilise des savoirs et des outils dont l’usage exige
des compétences spécifiques. Certes, le designer ne maîtrise pas tous les
domaines de conception, loin de là et n’est donc pas pertinent sur tous les
sujets. En revanche, il aura suffisamment de ressources et d’aptitudes à la
transversalité pour savoir chercher les bonnes compétences au bon endroit
et au bon moment. Bref, le designer prend en compte l’ensemble des ac-
teurs intervenants sur la chaîne de valeur du produit. »

20 Article « Le design thinking, l’innovation au service de l’utilisateur », écrit par Pauline Rochart et publié
le 13 février 2015 : http://www.carewan.com/fr/blog/post/le-design-thinking-linnovation-au-service-de-
lutilisateur/283
21 Article « Design thinking, mode d’emploi. Entretien avec Emmanuel Thouan », par Sylvain Allemand, publié le
5 février 2015 : http://www.media-paris-saclay.fr/design-thinking-mode-demploi-entretien-avec-emmanuel-
thouan/

31
2#
En effet, à travers le design thinking, le designer devient parfois mé-
diateur. Sa tâche consiste alors moins à trouver une solution à une pro-
blématique qu’à guider les acteurs du système (internes et externes à
l’organisation : salariés, clients, usagers...) afin d’élaborer ensemble une
réponse adaptée à cette problématique. Il est le garant de la méthode,
amorce puis anime la dynamique de collaboration, s’assure de l’atteinte
des objectifs. Il est un véritable moteur pour le groupe, depuis la phase
de veille et d’observation jusqu’à celle du test et de l’expérimentation,
en passant éventuellement par l’animation des ateliers de co-création.

Il s’agit de mettre les acteurs du projet « en capacité » d’imaginer et de tes-


ter de nouvelles solutions. Le designer doit exploiter le potentiel créatif
de chacun des acteurs, il est en quelque sorte devenu un méta-designer.

Cette capacité de médiation entre les différents acteurs, le desi-


gner la doit par exemple à sa faculté à partager des idées par les
outils de visualisation, à construire un récit qui donne vie à une
image mentale ou encore à expérimenter rapidement des solutions
jusqu’alors imaginaires. Tous ces éléments réunis contribuent à don-
ner vie et sens aux projets de l’équipe. En remettant l’utilisateur (l’hu-
main) au centre de la réflexion et du processus créatif, les designers fa-
cilitent le dialogue entre usagers et organisations, pour des solutions
plus désirables et efficaces22.

Le designer représente le profil « T » par excellence : il possède une com-


pétence pointue (axe vertical du T) et une aptitude à la transversalité,
un esprit de collaboration, ainsi que de bonnes connaissances générales
sur des activités périphériques à son cœur de métier (axe horizontal du
T) qui le prédisposent à jouer un rôle central dans une démarche comme
le design thinking.

22 Pour atteindre cet objectif de facilitation, le designer devra donc développer ses compétences en médiation
et en animation. Sur base de ce constat, l’agence IDEO, en collaboration avec Acumen, vient de proposer
l’outil de formation « Facilitator’s Guide » dans la lignée de « The Course for Human-Centered Design ».

32
2#
Rappelons ici les propos de Tim Brown :

«  Ma collègue Jane Fulton Suri a commencé à explorer l’étape suivante


dans l’évolution du design, passé successivement du stade où les designers
créent pour le public à celui où ils créent avec lui, pour aboutir à cette phase
ultime où le public crée lui-même en appliquant un contenu généré par l’uti-
lisateur et en exploitant l’innovation en accès libre. »23

Même si le fait de permettre aux acteurs de la société (internes ou ex-


ternes à l’organisation) de concevoir leurs propres réponses aux ques-
tions identifiées semble intéressant, nous émettons quelques réserves
vis-à-vis de la pertinence d’une délégation complète de conception.

Alexandre Musche, designer de l’agence Talking Things, formateur chez Design Innovation et facilitateur lors
de la Creative Jam organisée par Design Innovation dans le cadre de RECIPROCITY design liège, octobre 2015.
© Photos : Rino Noviello

23 Extrait de L’Esprit design, Tim Brown, Pearson, 2009 (p.59-60)

33
2#
Pour conclure, le design thinking représenterait-il la diffusion d’une vé-
ritable culture du design dans l’organisation ? C’est du moins la question
posée par Pierre-Julien Cazaux dans son mémoire24 :

« Est-ce une méthode, une approche, ou tout simplement la manifestation


de l’intégration progressive mais profonde du design dans nos mentalités ?
(...) Le design thinking, en valorisant le design et le présentant de manière
plus appréhendable par des esprits analytiques, permet aux designers
d’avoir des interlocuteurs plus ouverts à leurs propositions et d’accéder à
des positions facilitant la collaboration entre les différents membres d’un
projet. Au-delà d’un vocabulaire, les outils sont plus facilement mis à dis-
position, les méthodes sont mieux perçues et la mentalité de chacun passe
d’une éventuelle «  peur de l’inconnu  » à une ouverture et un positivisme
constructifs. Ceci offre donc aux designers un outil pour appliquer leurs
convictions et leurs savoir-faire à un niveau stratégique de l’entreprise. Ceci
leur permet alors de se préoccuper de leur impact à court et long terme sur
l’entreprise, son organisation et ses produits. »

24 Cazaux, Pierre-Julien, 2013. « Design thinking without designers ? ». Mémoire du Mastère spécialisé « Inno-
vation by Design » ENSCI – Les ateliers sous la direction de Mathias Béjean.

34
2#

2# A retenir :

• Le design est une discipline de résolution de problèmes


et de création de valeur visant à maximiser la façon dont
une organisation rencontre les besoins des utilisateurs.

• Deux types de design cohabitent dans l’organisation :

• L’executive design, s’appliquant à la conception de


produits, de services, d’environnements.

• Le design management, visant à créer les conditions


idéales de déploiement de l’executive design dans
l’entreprise. Le design thinking relève du design ma-
nagement et permet l’innovation.

• Le design thinking, comme le design, repose sur trois


piliers : la désirabilité, la faisabilité technique et la via-
bilité économique des solutions envisagées. Il permet
de faire émerger de nouveaux produits, mais aussi de
nouvelles stratégies.

• Le design, grâce au design thinking, concerne aujourd’hui


d’autres acteurs que les designers : les professionnels avec
qui ils collaborent, ainsi que les managers, dirigeants d’en-
treprises comme managers de projets. La collaboration du
designer dans l’équipe reste néanmoins nécessaire.

35
FOCUS SUR LE MANAGEMENT DE
PROJET PAR LE DESIGN THINKING
«Le projet est le vecteur par lequel l’idée passe du
concept à la réalité.»
Tim Brown, L’Esprit design

36
3# A
 QUELLES QUESTIONS
RÉPONDRE ? PLACE À LA
RECHERCHE UTILISATEUR.

37
3#
Dans un schéma de conception linéaire (heureusement de moins en
moins présent) où les organisations peinent à combiner les trois piliers
de «  l’innovation d’expérience  » (désirabilité, faisabilité, viabilité), les
projets et développements initiés par la R&D sont au mieux, invalidés
en bout de course par le marketing car « ne répondant pas à un besoin
du marché », au pire, lancés à grand renfort de communication pour des
budgets faramineux ainsi jetés par la fenêtre lorsque le succès n’est pas
au rendez-vous. L’idéal, direz-vous, n’est-il pas de savoir, au plus tôt, quel
projet marchera ?

Optez pour un autre mode de management des projets, placez le pilier


humain (la désirabilité, qui recouvre des critères d’usage objectifs comme
des critères émotionnels) au premier plan. La recherche utilisateurs
vous permettra de comprendre où se situent les besoins conscients
ou inconscients de ces utilisateurs et, surtout, où se situe potentiel-
lement la création de valeur.

C’est même dans l’expression des besoins latents que le design thinking
peut jouer ses meilleures cartes. Ceux-ci sont des besoins souvent in-
conscients ou impossibles à exprimer. Olivier Wathelet, anthropologue
et consultant en innovation, nous a aidé à préciser cette notion : il s’agit,
par exemple, d’intentions non assouvies, de difficultés observées dans
les usages, d’aspirations impossibles à traduire en mots, d’expériences
inédites et gratifiantes non espérées.

Ainsi, ce que l’on nomme la « recherche utilisateur » est un complé-


ment essentiel des techniques marketing pour percevoir les besoins
réels des utilisateurs et les opportunités de création de valeur. Plu-
sieurs techniques peuvent être utilisées permettant d’atteindre, sous
conditions de ressources suffisantes en temps et en expertise, jusqu’aux
besoins latents, aux aspirations et désirs, de ces utilisateurs, là où se joue
souvent l’innovation de rupture.

38
3#

Schéma proposé par Flanders Inshape, basé sur les travaux de Froukje
Sleeswijk Visser, Delft University of Technology

Attention, bien définir la question et y dédier le projet ne vous garantit


pas pour autant sa réussite ! La mise en œuvre du projet est tout aussi
importante. Mais s’assurer de répondre à une question juste et justifiée
est la première étape à franchir, comme l’affirme cette célèbre citation
émanant du Design Council :

« Design the RIGHT thing, THEN design the thing right. »

Le design thinking permet donc d’aborder les problèmes sous un


autre angle, celui de l’utilisateur, et ainsi de reformuler la question
initiale. Il s’agit d’une véritable redéfinition créative des problèmes.25

25 Olivia Lisiski, consultante en innovation et fondatrice de Qamaqi, et Maurille Larivière, co-fondateur et


CEO de The Sustanaible Design School, le confirment : « Le design est cette démarche de questionnement,
de déconditionnement par rapport aux repères habituels, qui amène à ré-interroger les problèmes posés : «si
on demande à un designer de dessiner un pont, il cherchera d’abord un autre moyen de traverser la rivière». »
Propos issus de l’article « Le design ou l’innovation pensée par et pour tous », publié dans L’Express le 22
février 2013 : http://www.lexpress.fr/emploi/business-et-sens/le-design-ou-l-innovation-pensee-par-et-pour-
tous_1223165.html

39
3#
Comme l’explique Christophe Rebours26, designer et fondateur de l’agence
d’innovation stratégique InProcess, la question de départ pour concevoir
la « bonne chose » est « pour qui ? ». Tâche ensuite pour l’équipe de conce-
voir la meilleure solution possible pour répondre aux besoins identifiés.

Ainsi, tâchons de ne pas oublier que la création de valeur pour l’usager


comme pour l’organisation réside tant dans l’identification de « besoins »
(nouveaux marchés), que dans la façon de les satisfaire (nouveaux services/
offres), que dans leur intégration dans un modèle économique et sociétal.

« Les entreprises qui auront le plus de succès dans les années


à venir vont équilibrer la maîtrise analytique et l’originalité
intuitive dans une interaction dynamique que j’appelle le de-
sign thinking. »
R. Martin, The Design of Business, 2009, p.6

26 Ces propos sont issus de l’article « Avant, j’étais designer... » publié sur son site le 17 juillet 2013 : http://
www.christophe-rebours.com/avant-jetais-designer/

40
3#

Les modes de raisonnement

Les modes de raisonnement doivent être combinés. La logique


analytique, reposant sur la déduction et l’induction, doit être
combinée à une logique intuitive, celle de l’abduction.27

L’abduction peut être difficile à comprendre pour ceux qui


réagissent selon une logique analytique. Elle révèle en fait
ce que certains appellent « la pensée magique » du desi-
gner. Les outils du design thinking permettent de dévelop-
per la capacité de créer par abduction. Ce sont les outils de
l’exploration et ils sont particulièrement mis en œuvre lors
de la « recherche utilisateur ». En effet, le design thinking
prend comme première source d’inspiration de cette in-
tuition l’analyse et la compréhension des (futurs) usagers.
L’abduction intègre l’observation de faits épars dans les-
quels elle trouve des suites logiques. L’abduction permet
de créer, de générer des hypothèses plausibles, de décou-
vrir de nouveaux espaces de création de valeur. Elle est, se-
lon Charles Sanders Peirce, philosophe américain du XIXè
siècle et figure de l’école des pragmatistes, « la logique de
ce qui pourrait être ».

27 «Toute la richesse de la démarche de Design Thinking repose sur cette capacité à rassembler et à synthétiser
les pensées analytiques (issues notamment des domaines de l’ingénierie, du marketing, de la finance) et les
pensées intuitives (issues notamment du domaine de l’art et de la création) portées par les membres du groupe
pluridisciplinaire pour en extraire le meilleur. Une gymnastique intellectuelle qui rend le rôle du designer à la fois
fondamental et complexe.» Le design thinking au service de l’innovation responsable, Xavier Pavie, Corinne
Jouanny, Daphné Carthy et François Verez, Maxima Laurent du Mesnil, 2015 (p.34)

41
3#
Sur le terrain, pour comprendre et analyser quels sont les besoins des
utilisateurs, les membres de l’équipe doivent faciliter leur expression.
Ils mettent alors en place une observation de type ethnographique et
exercent leur faculté d’empathie pour se mettre dans les chaussures de
l’usager, là où celui-ci ne peut être sollicité.28

L’immersion, idéalement avec les équipes projets, et le reportage


photo/vidéo des pratiques contextualisées permettent de s’appliquer
à observer et comprendre les utilisateurs et leurs usages, en contexte !
Cette posture, loin d’être passive (entretiens qualitatifs sont aussi de la
partie) est par ailleurs à l’opposé de la figure de l’expert omniscient et
permet de prendre en compte le contexte d’usage de la solution exis-
tante ou à venir ainsi que ses contraintes.

C’est ainsi la vidéo et même la réalité virtuelle que Chris Milk, artiste
visuel spécialiste de ces techniques, a récemment utilisées pour faciliter
l’empathie des membres de l’ONU. Il a réalisé pour l’organisation un film
documentaire intitulé Clouds Over Sidra, qui explore la vie d’un enfant
Syrien de 12 ans vivant dans le camp de réfugiés en Jordanie. Cette mise
en empathie les a convaincus du bien fondé de s’attaquer à cette problé-
matique humanitaire.

Conférence de Chris Milk, TED2015

28 Véronique Hillen, directrice de la Paris d.school explique la complémentarité de cette approche ethnogra-
phique avec une approche marketing :
« A l’analyse objective de données issues du passé et basées sur une logique de segmentation, la recherche eth-
nographique exploite à l’opposé une interprétation empathique axée sur le recueil de données qualitatives par
rapport aux individus et à leurs comportements.
Découvrir des besoins non exprimés pour inspirer de nouvelles idées en est l’objectif principal, objectif qui
s’oppose à une logique d’amélioration de l’offre existante basée sur la formulation de besoins explicites. En
termes de méthode, les données sont collectées par l’observation directe de contextes réels, en privilégiant des
conversations dynamiques et l’apprentissage d’utilisateurs extrêmes, contrairement à des protocoles basés sur
des interactions avec des groupes cibles représentant un grand potentiel de marché dans des environnements
contrôlés impliquant l’utilisation de questionnaires préétablis. »

42
3#
Dans le cas de Design Innovation, c’est la cartographie des parcours uti-
lisateurs29, intégrant les différents points de contact et les canaux, ainsi
que les coulisses du service lui permettant de fonctionner (les actions de
l’équipe), qui s’est révélée particulièrement parlante et source d’amé-
liorations potentielles, allant de nos supports de communication à nos
process internes, en passant par notre partenariat avec notre réseau de
formateurs-experts, par exemple.

29 La cartographie du parcours utilisateur est une représentation visuelle du parcours d’un utilisateur à travers
un service ou l’usage multiple (multitâche, multicontexte, multiusager) d’un produit, montrant toutes les dif-
férentes interactions entre ce produit/service et cet utilisateur. Cette cartographie permet de voir quels mo-
ments/quelles parties du service constituent pour l’utilisateur des moments « magiques » ou « de vérité » et
quels moments ou quelles parties pourraient être améliorées. C’est cette analyse fine qui peut permettre de
s’attaquer aux « vraies » problématiques.

43
3#

3# A retenir :

• Les projets devront être motivés par les besoins des utili-
sateurs ou la création de valeur pour ces derniers – qui re-
présentent une valeur économique potentielle – et tenir
compte du contexte technologique.

• Les besoins latents, c’est-à-dire non exprimés et parfois


non conscients, sont particulièrement porteurs de poten-
tiel d’innovation.

44
4# C
 O-CRÉER LA SOLUTION, EN
INTERNE ET EN EXTERNE

45
4#
La co-création est aujourd’hui une méthode brandie à tout va, mais tout
succès a ses raisons !

En interne, réunir toutes les forces vives et permettre à vos salariés de


s’impliquer dans l’élaboration de réponses potentielles aux questions
identifiées, c’est leur permettre de mettre un peu d’eux-mêmes dans les
produits et services conçus par l’entreprise. Leur fierté et leur motiva-
tion sur le projet (et sur les suivants) n’en seront que plus importantes.
Cette implication des salariés permet de créer le pivotage global de l’or-
ganisation, d’un management pyramidal à une organisation transversale
s’appuyant sur l’intelligence collective et l’innovation participative. Cela
permettra le développement personnel et l’empowerment (ou mise en
capacité) des salariés qui se sentiront pousser des ailes !30

Ce mode de collaboration sur un projet permet donc de sortir des silos


de l’organisation, favorise l’interdisciplinarité et abolit toute hiérarchie.
On comprend alors qu’il ne suffit pas de réunir les meilleurs profils
professionnels pour assurer la réussite du projet, l’appétence de ces
personnes pour le changement et leur esprit de collaboration sont tout
aussi importants sinon plus.

En matière de management, les réflexions actuelles sur l’entreprise li-


bérée omettent souvent de faire la connexion avec le design thinking.
Mais prenons l’exemple d’IDEO : IDEO est une entreprise libérée, qui ap-
plique à son organisation propre les principes appliqués à la conception
de produits et services (collaboration, co-création, organisation non li-
néaire et non hiérarchique, désirabilité de la solution proposée...) et cela
a évidemment un impact sur la gestion de ses projets et sur la nature
des innovations développées. En son sein, les « designers-managers-fa-
cilitateurs » adoptent tous l’attitude du design thinking et possèdent un
pouvoir de décision partagé.

30 C’est ce que souligne Tim Brown : « Chacun doit être persuadé qu’il a le pouvoir (ou son équipe) de créer de
nouvelles idées susceptibles de combler des besoins non satisfaits et d›avoir un impact positif. » Extrait de
L’Esprit design, Tim Brown, Pearson, 2009 (p.79)

46
4#
Nous citerons encore l’exemple de l’agence Base Design  dont Thierry
Brunfaut, designer, cofondateur et creative director à Bruxelles, expo-
sait dernièrement l’organisation au salon Objectif Com 2016. Collabo-
ration, agilité, pouvoir de décision partagé... sa présentation « Travailler
moins, travailler mieux » peut être retrouvée ici : http://fr.slideshare.net/
SarahThielens/travailler-moins-travailler-mieux-la-recette-en-5-points-
de-la-semaine-idale-par-thierry-brunfaut

Par ailleurs, l’équipe projet n’est plus nécessairement une équipe


interne. Au contraire, elle fait sauter les verrous de l’organisation et
s’adjoint les compétences de profils multiples et variés, provenant
des sciences humaines et sociales (philosophes, psychologues, ethno-
graphes...) comme des sciences dures, de l’ingénierie ou encore du mar-
keting, du design ou des arts.

En externe, la co-création avec les utilisateurs (ou usagers) prend place


à différentes phases. Les séances de co-création et les échanges sous
toutes leurs formes ont lieu aussi bien en phase d’inspiration (pour iden-
tifier les opportunités de création de valeur), qu’en phase de conception
(où les itérations permettent d’améliorer les solutions envisagées avec
les utilisateurs) ou en phase de test (test de concept, d’usage ou d’accep-
tabilité, en « lab » ou sur le terrain).

Il ne s’agit dès lors plus de personnes sondées, mais bien d’utilisateurs


co-créateurs.

On a également vu émerger ces dernières années les démarches de crowd-


sourcing qui visent à donner une dimension collaborative à la résolution
d’un problème, alors exposé à un grand nombre de participants potentiels.

47
4#
Ainsi, co-créer avec les usagers revient à s’assurer d’un usage attendu et
efficient de la solution par ses futurs utilisateurs. Bref, un incontournable
pour assurer autant que faire se peut la réussite du projet !31 Encore faut-
il trouver aux côtés de l’entreprise des utilisateurs prêts à s’investir dans
ce que Tim Brown appelle « un nouveau contrat social ». La réciprocité
est de mise : les entreprises considèrent ces utilisateurs comme de vé-
ritables collaborateurs, ces derniers contribuent à la mise sur pied de
nouvelles solutions innovantes.

Le site Millénaire 3 qui retranscrit la démarche de prospective du Grand


Lyon synthétise bien ce double enjeu de la co-création, en interne et avec
les usagers :

«Le vrai mouvement d’ouverture de l’innovation, qui balaie la planète ac-


tuellement, est la co-conception avec les utilisateurs, pouvant aller jusqu’à
la délégation de conception.

(...)

L’enjeu central ici a trait à l’association étroite des utilisateurs dans la dé-
finition de ce qui leur est destiné, et à un marketing de l’innovation plus
sophistiqué, qui suppose la mobilisation de compétences en anthropologie,
ethnologie, sociologie, psychologie... qui vont étudier les usages dans toute
leur profondeur pour comprendre les ressorts de la société, ses valeurs, ses
aspirations. La relation avec la société est décisive dans une perspective
d’innovation.»32

31 Ce passage du design vers le « co-design » est une évolution marquante fortement liée au marketing, comme
l’explique Tim Brown : «Autrefois, on voyait le consommateur comme un objet d’analyse, ou pis encore, comme
la cible malheureuse de stratégies marketing prédatrices. On entre désormais dans l’ère d’une collaboration de
plus en plus profonde, non seulement entre les membres de l’équipe de design, mais entre l’équipe et le public
qu’elle veut atteindre.» Extrait de L’Esprit design, Tim Brown, Pearson, 2009 (p.59-60)
32 Article « Le rôle primordial des utilisateurs dans le processus d’innovation », interview de Marc Giget,
publié par Millénaire3 le 16 décembre 2014 : http://www.millenaire3.com/interview/2014/le-role-primor-
dial-des-utilisateurs-dans-le-processus-d-innovation

48
4#
Sur le terrain, la co-création peut faire appel à de nombreuses tech-
niques ! Par exemple, lors de cet atelier visant à imaginer des solutions
favorisant la mobilité durable vers un lieu d’organisation d’événements
professionnels, nous avions utilisé des cartes « inductrices de scénarios »
permettant d’envisager toutes sortes de cas, probables ou plus inatten-
dus (« et que se passe-t-il s’il neige ? s’il y a une panne d’électricité ? si
l’un des protagonistes est absent ? »). Elles ont permis une conception
réellement partagée, en amont, des représentations et des enjeux.

Atelier de co-création de scénarios d’usages en mobilité durable, workshop vousnous design organisé par Design
Innovation et animé par Yves Voglaire et son équipe, juin 2013. © Photos : Vincent Foret

49
4#
Autre exemple, des vidéos ont été réalisées par La 27e Région dans le
cadre du travail prospectif “Ma vie de ch’ti en 2040”, pour la direction
prospective du Nord – Pas de Calais :

Elles résultent également de la co-création et permettent de donner vie


aux scénarios d’usages, c’est-à-dire aux situations dans lesquelles les uti-
lisateurs vont utiliser la solution imaginée. Elles racontent une histoire
« comme si on y était », c’est l’art du storytelling.

La « mise en récit » donne un sens à nos idées et les met en images. Elle
intervient en complément de storyboards, de prototypes « lowtech »
ou par le jeu33 (Lego, Playmobil) qu’elle met en scène.

33 Le jeu est un outil puissant pour le prototypage. Les personnages des Playmobil et Lego, héros de notre
enfance, incarneront les protagonistes de l’histoire et leurs accessoires planteront le décor ! L’enthousiasme
actuel pour la méthode Lego Serious Play témoigne des atouts de ces outils.

50
4#
A noter que, de façon générale, les outils de visualisation sont précieux
car ils permettent à tout un chacun de communiquer une image mentale
(qu’elle existe ou non physiquement) à d’autres personnes, rendant ainsi
plus efficace la collaboration au sein du groupe. C’est une des raisons
pour lesquelles les designers sont efficaces dans ces méthodes. Le « vi-
sual thinking » est à la base de nombreux développements en matière de
design thinking et reste un des points forts du designer, facilitant ainsi la
compréhension et le partage des informations.

4# A retenir :

• La co-création interne à l’organisation est source de moti-


vation et de développement personnel pour les salariés.

• La co-création est également externe à l’organisation,


elle s’effectue avec des professionnels aux profils variés
et avec les utilisateurs.

• Les utilisateurs deviennent co-concepteurs, assurant à


l’organisation un usage efficient de la solution et s’assu-
rant pour eux-mêmes d’une réponse pertinente à leurs
besoins et aspirations.

51
5# P
 ROTOTYPER ET TESTER AVANT
DE DÉVELOPPER, C’EST RÉDUIRE
LES COÛTS !

52
5#
En tant que project manager, vous êtes le garant du respect des
contraintes liées au projet, ce qui se traduit principalement par le
respect des deadlines et du budget. La pression est dès lors importante.
A chaque nouvelle proposition de l’équipe, peut-être vous dites-vous
« combien cela va-t-il coûter ? », « est-ce le bon choix ? » car le droit à
l’erreur est souvent inexistant et la prise de risque par conséquent
rarement assumée.

Dans les organisations, trop de projets se traduisent à terme par des


échecs. Si le droit à l’échec est à développer car il est source d’appren-
tissage, d’amélioration et même d’invention, il est important de com-
prendre le plus tôt possible si les voies empruntées ne sont pas les plus
pertinentes, pour ne pas mettre à mal le projet et l’organisation.

Prototyper et tester permet d’explorer toutes les solutions a priori in-


téressantes et d’accélérer le processus de sélection en éliminant rapi-
dement les solutions mauvaises. Il s’agit d’avancer en utilisant l’essai
erreur à moindre coût. C’est donc un moyen d’éviter des investisse-
ments à perte. Et nul besoin de prototype perfectionné, le tout est
qu’il soit en mesure de valider – ou non – une idée sur le terrain de
l’expérimentation. Papier, carton, bricolage, ou jeu font bien souvent
l’affaire. Même quand ils sont plus perfectionnés, ils restent souvent
« lowtech », permettant d’éviter à ce stade tout développement tech-
nologique coûteux. En fait, les design thinkers sont des makers. En
expérimentant au plus tôt, ils peuvent évaluer et améliorer les solu-
tions proposées, quel atout pour le manager !

53
5#

«Le laps de temps qui s’écoule entre le concept et la réalisa-


tion du premier prototype traduit la vitalité de la culture de
l’innovation dans l’entreprise. Avec quelle rapidité les idées
sont-elles matérialisées en vue d’être testées et améliorées ?
Les dirigeants devraient systématiquement encourager l’ex-
périmentation et accepter l’échec aux premiers stades du dé-
veloppement de l’idée, parce qu’il constitue un fabuleux outil
d’apprentissage.»

Tim Brown, L’Esprit design, Pearson, 2009 (p.234-235)

L’expérimentation peut être de plusieurs types : elle peut se faire au sein


de l’équipe projet, pour tester un concept, dans le cadre d’un « lab » pour
un atelier de mise en situation ou sur le terrain. Dans le cadre du lab, il
s’agira d’un prototypage rapide permettant de tester une orientation
ergonomique, par exemple, tandis que l’expérimentation sur le terrain
permettra d’être en phase avec le contexte du projet et d’évaluer l’im-
pact du prototype en termes d’usages réels.

Le test intervient à de nombreuses reprises au cours du projet, au fil des


itérations et en fonction de la phase dans laquelle on se trouve, soit pour
tester le concept ou pour tester l’usabilité et l’acceptabilité de la solu-
tion prototypée.

La plus-value du prototypage et du test dans cette approche itérative


est également reconnue et utilisée dans les projets « lean startup »34.

34 L’école de gestion de la production dite « lean » recherche la performance par l’amélioration continue et l’éli-
mination des gaspillages (ici les gaspillages de temps et d’argent nécessaires à des développements « High
tech »). L’expression « Lean Startup » renvoie quant à elle à une approche spécifique du démarrage d’une
activité économique et du lancement d’un produit. Elle repose sur la vérification de la validité des concepts,
l’expérimentation scientifique et le design itératif. Dans cette optique les startups cherchent à concevoir
des produits et services qui satisfont au mieux la demande de leurs consommateurs, avec un investissement
initial minimal. C’est le cas de l’approche par le design thinking.

54
5#
Sur le terrain, les scénarios et jeux de rôles déjà cités détaillent des situa-
tions dans lesquelles les utilisateurs interagissent avec la solution et l’af-
finent ainsi. Ils sont particulièrement utiles dans un contexte de service où ils
permettent également le prototypage des interactions entre les personnes.

Jeux de rôles lors de la Creative Jam “Mieux se nourrir à l’ICADI” organisée par Design Innovation dans le cadre
de Reciprocity Design Liège, octobre 2015.
© Photos : Rino Noviello

Le prototype (physique et/ou digital) de la solution peut quant à lui être


très simple et c’est alors la boite à outils du bricoleur du dimanche – ou du
« maker », au choix – qui fera office de support. Une version plus précise du
prototype permettra plus tard d’affiner les détails de forme et de fonction.

55
5#
Il y a quelques années, une équipe d’IDEO travaillait pour Gyrus ACMI en
vue du développement d’instruments médicaux de pointe. Lors d’une
des premières séances de travail avec des chirurgiens pour identifier
les besoins de ces professionnels, un membre de l’équipe d’IDEO maté-
rialisa une idée du groupe en assemblant divers objets à sa disposition
dans la salle. Le premier prototype du Diego Powered Dissector Sys-
tem était né et suscitait déjà l’engouement de ses futurs utilisateurs
qui s’empressèrent de faire part d’améliorations potentielles. Après
plusieurs phases d’itération et d’amélioration, la version finale de ce
matériel pouvait être commercialisée.

Prototype basique et version finale du Diego Powered Dissector, by IDEO

En effet, le prototype peut être fonctionnel ou non. Dans certains cas, le


simple fait d’inscrire une maquette non fonctionnelle dans un espace per-
met de suggérer une activité et de tester sa pertinence. Ailleurs, il faudra
qu’un minimum de manipulation soit rendu possible. Enfin, concernant les
tests d’usabilité, il faudra que l’interaction de l’usager avec la solution soit
riche pour qu’on puisse évaluer la pertinence de chaque interacteur.

56
5#
Au-delà du prototype en lui-même, le test porte également des enjeux,
dont celui de la prise en compte du contexte : parfois celui-ci est minimal,
c’est la manipulation du prototype qui compte, parfois il est riche car c’est
l’inscription du concept dans l’espace ou dans les pratiques qui compte.

Autorisez-vous à maquetter et à tester ! Le jeu et l’expérimentation ne


sont pas réservés aux designers. Que vous soyez responsable financier,
ingénieur ou commerçant, réveillez le « maker » qui sommeille en vous !

Protoypage et jeux de rôles lors de la Creative Jam “Mieux se nourrir à l’ICADI” organisée par Design Innovation
dans le cadre de Reciprocity Design Liège, octobre 2015.
© Photos : Rino Noviello

57
5#
Enfin, des tiers-lieux peuvent vous ouvrir leurs portes. Ces espaces non
seulement permettent de laisser libre cours à la créativité, mais l’encou-
ragent ! Ils constituent des lieux d’expérimentation sans obligation de
performance, où il est permis d’oser.

Les FabLabs (ou « ateliers de fabrication ») vous permettront de proto-


typer rapidement. Ils intègrent du matériel à la fois low-tech et high-tech
comme des imprimantes 3D. L’impression 3D s’avère être un accéléra-
teur, permettant de réaliser une maquette et de tester sans passer par
un fournisseur ou une CAO (Conception Assistée par Ordinateur) lourde.
Elle représente un levier à actionner par les TPE notamment à qui elle
permettra même de faire de la pré-série rapidement.

Les living labs permettent quant à eux de co-créer et de tester avec


les utilisateurs.

5# A retenir :

• Prototyper et tester permet d’évaluer toutes les solutions


a priori intéressantes pour n’améliorer que celles qui en
valent réellement la peine.

• Le prototype peut être basique, il évite tout développe-


ment technologique coûteux. Place à la maquette et au
« système D » ! Il est un élément clé de l’itération et de
l’amélioration des solutions.

58
6# IMPLÉMENTER POUR INNOVER,
AU-DELÀ DE LA CRÉATIVITÉ

59
6#
Passé le cap enivrant de la conceptualisation ou du prototype, l’élan re-
tombe parfois. Et avec lui la motivation. Quoi de plus frustrant pour son
personnel ou ses collaborateurs que cette impression d’avoir fait « tout
ça pour rien ! ». Même si la démarche alors initiée est déjà orientée action
et pourra porter un certain nombre de fruits – élan créatif, renforcement
des collaborations, envie de l’équipe... – votre force résidera dans votre
capacité à implémenter les projets.

Ainsi, si des ponts existent entre les différentes phases du processus


itératif et si le prototypage est un premier pas dans le « faire » - à tra-
vers l’écriture de scénarios, la mise en récit, la conception de prototypes
et leurs tests... les personnes impliquées dans le processus de design
thinking sont déjà dans le « faire » -, il n’engage pas encore le projet dans
une réalisation effective. Il faut comprendre par là que le design thinking
ne doit pas se limiter à un exercice de créativité.

Pour faciliter la concrétisation du projet, l’équipe devra continuer à appli-


quer le mode itératif en s’inspirant des méthodes agiles de gestion de
projet : une amélioration continue basée sur des objectifs et des enga-
gements à court terme. Ils passeront ainsi peu à peu de prototypes à des
versions commercialisées du produit/service de plus en plus abouties.

Méthode de créativité ou stratégie d’innovation ?

Pour certains professionnels, le design thinking n’est au fond qu’une


méthode de créativité, son approche centrée sur l’humain permettant
d’émettre plus d’idées nouvelles, d’explorer plus de solutions poten-
tielles, le tout en collaborant davantage.

60
6#
Chez Design Innovation, il nous semble que le potentiel du design
thinking dépasse le cadre d’une méthode de créativité pour atteindre
celui d’une stratégie d’innovation. Par innovation, nous entendons ici
l’amélioration effective de l’existant. Là où la créativité envisage des
solutions pour résoudre un problème, l’innovation ancre ses solutions
dans une réalité, c’est-à-dire les concrétise, les implémente. Dès lors,
tout l’enjeu du design thinking réside dans la capacité de ses pratiquants
à concrétiser les solutions : « passer du design thinking au design doing »
diront certains, pour que la solution devienne réalité et constitue une
nouvelle offre sur le marché.

L’innovation est par ailleurs souvent définie comme l’invention qui a


trouvé son marché, ce qui met en avant la composante business qui doit
être intégrée comme un véritable enjeu tout au long du projet : là où la
créativité n’a que faire du réalisme financier, le design thinking comme
stratégie d’innovation se doit de l’intégrer.

Dans cette nécessité d’être dans l’action, de passer du «  thinking  » au


« doing », le designer est un précieux collaborateur, et ce tout au long du
projet. Le designer est le maker par excellence. Au fil du projet, à chaque
pas, il donne à voir, représente, matérialise, donne vie aux idées et à des
prototypes, il est sans aucun doute un élément clé de la dimension ac-
tion du projet et le reste dans la capacité de l’entreprise à implémenter
les solutions imaginées.

Sans cette transformation de la pensée par l’action, les solutions imagi-


nées ne prendront pas vie. Elles resteront non plus dans les tiroirs, mais
sur les post-it, au mieux des storyboards, sans jamais accéder au statut
d’innovation. Elles resteront à jamais « des (bonnes) idées ».

61
6#

Le designer, un maker (pas) comme les autres ?

Le design thinking est une attitude faisant appel à des méthodes et à


un processus de conception itératif. Il repose sur des compétences de
management d’une part et de conception d’autre part. Le problème,
nous explique Olivier Wathelet, anthropologue et consultant en
innovation, est donc d’avoir des ressources capables de manager et
de concevoir, de « faire » dans un mode agile. Les designers sont tout
indiqués en théorie, mais selon lui il s’agit moins de travailler avec un
designer «  coûte que coûte  » que d’avoir une/des personne(s) ayant
ces capacités de conception. L’essentiel est selon lui de combiner les
capacités d’empathie (désirabilité), de « faire » (faisabilité) et d’écriture
de business model (viabilité).

L’ensemble des compétences du designer apporte une réelle plus-value


au projet, rappelons-le. Yves Voglaire, designer de services et fondateur
de l’agence Designenjeu, l’a résumé dans les lignes qui suivent :

« Au-delà d’un processus, adopter le design thinking comme attitude et


comme base de travail prend du temps. Nous avons vu au début de cette
publication que le design thinking découlait directement des compétences
et de la pratique des designers, or les études de designer prennent de 3 à 5
ans pour placer les étudiants dans cet état d’esprit. Ils doivent apprendre
à voir d’abord de façon holistique et globale, pour aller petit à petit vers le
soin des détails, à remettre en question le cahier des charges en le confron-
tant à la réalité du terrain et des usagers, à exprimer chaque étape de façon
concrète (visuelle, volumique, sensorielle…) de façon à ce que chacune des
parties prenantes puisse l’appréhender, à exprimer dans la forme le sens, l’ex-
périence, l’usage (affordances), le positionnement, etc. du produit/service.
Enfin à proposer des innovations correspondant à des besoins encore inex-
primés, découverts par des « insights » lors de l’observation, et proposés au
moyen de croquis, d’images 3D, de maquettes, de protos… à casser. »

62
6#
Par ailleurs, alors que la pensée analytique, basée sur les logiques d’in-
duction et de déduction, domine le monde, le design et sa forme du de-
sign thinking proposent la création de connaissance et de valeur par l’in-
tuition, basée sur la logique de l’abduction, et guidée par l’observation,
l’étonnement, l’expérimentation. Le designer a exercé depuis ses études
cette faculté à penser par abduction.

« Le problème est que le design est un tout, explique Dominique Sciamma35,
Directeur de Strate Ecole de Design, et que sa pensée est consubstantielle
d’une pratique : il n’y a pas de Design Thinking sans Design Doing, et les sé-
parer, c’est les stériliser. C’est parce qu’il « représente », à chaque moment
de sa démarche – de la création à la communication, en passant par l’ob-
servation, la formalisation et le test, que le designer trouve des solutions
innovantes. Vouloir Penser sans Faire est donc voué à l’échec.

Plus que de vouloir se substituer au designer, en lui empruntant en solitaire


sa méthode, il est plus que nécessaire d’intégrer des designers dans
des équipes pluridisciplinaires et faire alors de la méthode le champ
méthodologique dans lequel baignent tous les acteurs, les designers en
étant les producteurs autant que les garants. »

35 Propos à retrouver dans l’article « Design : de la pensée à l’action », par Dominique Sciamma, Directeur de
Strate Ecole de Design, publié le 19 avril 2016 : http://journaldesgrandesecoles.com/strate-ecole-de-design/

63
6#

Du design management à l’executive design

Pour bon nombre d’auteurs et de spécialistes, la capacité à passer du


« thinking » au « doing » réside dans la capacité de mener à bien la col-
laboration avec un designer. En réalité, le designer est présent depuis
le démarrage du projet et sa plus-value intervient, nous l’avons dit, aus-
si bien dans la recherche utilisateurs, que dans l’identification des « in-
sights », la visualisation des concepts et l’intermédiation, la concrétisa-
tion des scénarios, le prototypage... Dans cette phase d’implémentation,
il s’agit d’entrer dans la sphère de l’ « executive design » pour concevoir
et développer le produit, le packaging, l’espace, l’interface... imaginé
collectivement en amont. L ‘équipe pourra coopérer avec des designers
internes ou externes pour cela.

L’histoire de l’école idéale, imaginée par les enfants et les enseignants


et concrétisée par la designer Matali Crasset  a été rapportée par le
journal Le Monde36 :

«  Excédées par les conditions dans lesquelles étudiaient leurs élèves, les
enseignantes d’une école primaire de Trébédan, un village ouvrier des
Côtes-d’Armor, ont planché sur une école idéale. Les réflexions menées avec
les enfants ont fait émerger un établissement adapté à leur pédagogie ori-
ginale, qui prône « l’autonomie et la créativité comme clés de voûte de l’en-
seignement », explique Nolwenn Guillou, directrice de l’école de ce village rural.

C’est dans le cadre de l’action Les Nouveaux Commanditaires, soutenue par


la Fondation de France, qu’elle a contacté la designer Matali Crasset, qui a
tout dessiné, des classes à la médiathèque, en passant par la montgolfière
en bois de la cour et le mobilier, fabriqué par un menuisier des environs. »

36 Article « Trop classe, le design de ma classe ! » par Marie Godfrain, publié le 1er septembre 2015. URL :
http://www.lemonde.fr/m-design-deco/article/2015/09/01/un-design-tres-classe_4742292_4497702.ht-
ml#xtgPBMLc2pHWZu0b.99

64
6#
Son site fait état de commanditaires désireux de « rendre visible et ren-
forcer le rôle social et culturel de l’école » au sein de la communauté :

« Pour ce faire, Matali Crasset propose d’une part de réaménager l’espace


enseignant et d’autre part, d’ouvrir l’école au reste de la population, grâce
à des espaces prévus pour un usage commun et des micro-architectures
baptisées Extensions de générosité, situées dans et à proximité de l’école.
Un projet éminemment innovant. »

Il s’agit là de la concrétisation par le designer des attentes exprimées


et inexprimées par les usagers, qu’ils cherchaient à intégrer depuis des
années dans le projet pédagogique et les installations.

Pour en savoir plus : http://www.eternalnetwork.fr/projets/article/ecole-


le-ble-en-herbe

© Philippe Piron

65
6#
Sur le terrain, pour réaliser la tâche délicate de synthétiser des informa-
tions conceptuelles et fonctionnelles pour en assurer la communication
en interne et permettre la lisibilité du projet pour tous les acteurs qui
contribueront à sa réalisation, le designer utilisera les outils de la pen-
sée visuelle, tels que la facilitation graphique qui consiste à représen-
ter des informations sous une forme visuellement adaptée, attractive et
en facilitant la compréhension et les interactions. Ces objectifs ont par
exemple été atteints lors du mind mapping participatif réalisé en mars
2014 par Fabrice Bronsart, coach chez Wins Elévation, dans le cadre de
l’inauguration du Bubble Hub à Charleroi, permettant de partager une
vision commune des défis de Charleroi.

© Photos : Design Innovation

66
6#
Bien sûr, l’enjeu est d’intégrer un bon designer, en termes de compé-
tences, d’expériences, de personne aussi puisqu’il est avant tout ques-
tion de collaboration, et de l’intégrer au plus tôt dans l’équipe projet.

Le profil en « T » du designer est indispensable, combinant une expertise


et des compétences de conception pointues (barre verticale) avec une
capacité d’ouverture, de collaboration, d’adaptation, d’empathie et de
bonnes connaissances des domaines connexes au sien (barre horizontale).

De designer à design manager, l’exemple de Gérard


Pitance chez Stûv
A travers le design thinking, nous parlons beaucoup du design manage-
ment en entreprise, ou comment intégrer et gérer le design dans son
organisation, d’un point de vue stratégique et opérationnel. Certains
designers évoluent parfois vers une fonction de management, soit en
devenant « design manager » – celui qui gère dans l’entreprise le design
dans ses aspects stratégiques – soit en devenant « designer-manager »
et en créant une entreprise « à leur image », souvent porteuse de la vi-
sion et de la culture du designer qu’ils sont. Et l’on sait à quel point la
conviction du dirigeant est importante dans l’adoption du design comme
du design thinking.

Le design manager est « un mouton à cinq pattes », quelqu’un capable,


selon Natalie Nixon, directrice du MBA strategic design à l’université de
Philadelphie37, « d’intégrer l’intelligence créative du design avec l’intelli-
gence analytique du business ». Même si peu de gens semblent être nés
avec de telles compétences, elles peuvent s’acquérir, avec la formation
et l’expérience, et donc le temps.38

37 Pour en savoir plus sur Natalie Nixo, et retrouver ses propos : http://www.philau.edu/strategicdesignmba/
meet_the_director.html
38 C’est l’avis partagé par Remco Lenstra de Flanders Inshape, pour qui : « Il est parfaitement possible pour les
« business thinkers » d’apprendre à penser comme des designers et vice versa ».

67
6#
Ce « mouton à cinq pattes », nous l’avons rencontré en la personne de Gé-
rard Pitance, designer de métier et fondateur de l’entreprise Stûv dont
il est l’actionnaire principal et administrateur délégué. Bien qu’il ait dé-
légué aujourd’hui toutes ses fonctions opérationnelles, Gérard Pitance
reste très présent dans le processus décisionnel et dans la définition des
stratégies, en accordant une attention toute particulière à la pérennisa-
tion de l’esprit d’entreprise.

Si le premier poêle à bois Stûv est né de la « frustration » de Gérard Pi-


tance et de son épouse de ne trouver sur le marché aucune offre répon-
dant à leurs attentes, le leitmotiv de l’entreprise est toujours le même
aujourd’hui : « filtrer l’air du temps » et comprendre ce dont les gens ont
besoin. Mais loin de s’attacher à une quelconque tendance passagère,
« l’air du temps » doit ici être compris comme l’évolution des modes de
vie et de consommation, les aspirations exprimées et inexprimées des ci-
toyens d’aujourd’hui, les frustrations des utilisateurs et non-utilisateurs
de leurs solutions.

Car c’est un projet de société que défend Gérard Pitance à travers son
projet entrepreneurial. En référence à Platon, il est à la recherche de
sens à travers l’exploration du beau, du bien, du vrai. C’est cette quête
de sens qui est le ciment de son entreprise et de ses équipes car ce qu’il
espère pour ses clients, Gérard Pitance le souhaite avant tout en interne.

Stûv, c’est donc un projet d’entreprise monté et vécu comme un projet


de société, portant haut des valeurs fortes comme celles de la qualité de
vie, du plaisir, mais aussi du développement durable, de la simplicité et
de la sobriété.

68
6#
Chez Stûv, l’élaboration du cahier des charges d’un nouveau concept est
un processus évolutif qui s’étale jusqu’aux toutes dernières phases pré-
cédant la mise en marché. La méthodologie utilisée induit des change-
ments de direction au fil des découvertes résultant du travail de déve-
loppement. Les différents départements de l’entreprise sont sollicités
pour faire remonter vers la R&D des guides de conception liés à leurs
objectifs et contraintes spécifiques. Outre les points récurrents du ca-
hier des charges (respect de l’identité, réduction des coûts, positionne-
ment, différenciation, protection intellectuelle...) sont également prises
en compte les contraintes réglementaires ou normatives ainsi que les
inputs des installateurs, des prescripteurs et des techniciens chargés de
la maintenance des produits.

Focaliser sur l’humain, le comprendre, tirer des « insights » de ses ren-


contres avec le marché, imaginer sans cesse, prototyper, essayer (quitte
à se tromper). Cette stratégie, Gérard Pitance l’a développée « par la pra-
tique », elle est devenue sa culture d’entreprise avant de savoir qu’elle
portait un nom : le design thinking.

6# A retenir :

• La collaboration avec un designer permet de visualiser et


de concrétiser les solutions envisagées tout au long du
projet. Passé le stade du prototypage, elle maximise les
chances d’implémenter efficacement la solution.

• Plus qu’une technique de créativité, le design thinking


est une stratégie d’innovation aboutissant à la mise sur le
marché des solutions développées.

69
Nous avons tracé ensemble les grandes lignes du design thinking comme pro-
cessus itératif de gestion de projet, mais le design thinking concerne, au-delà du
projet, l’organisation tout entière, car il contribue à développer un terreau fer-
tile pour l’innovation. Il impacte le fonctionnement même de l’organisation et la
culture de l’entreprise en devenant une attitude, un « état d’esprit » permanent
d’exploration, de proactivité, d’expérimentation et de création de valeur.

FOCUS SUR LE MANAGEMENT


D’ENTREPRISE PAR LE
DESIGN THINKING
«Oser ; le progrès est à ce prix.»
Victor Hugo

70
7# R
 ECRUTER (OU COLLABORER
AVEC) UN ANTHROPOLOGUE

71
7#
« Pardon ? », direz-vous sans doute. Quand on pense innovation, on est
en effet plus habitués à s’attacher la collaboration d’un ingénieur R&D.
Bien que ces derniers aient un apport certain que nous ne remettons pas
en question, l’innovation par le design thinking, qui s’attache aux utilisa-
teurs, à l’humain et à ses usages, ouvre la porte des entreprises (grandes
ou petites) aux professionnels des sciences humaines. Ethnographes, an-
thropologues ou encore philosophes investissent ainsi les open spaces
et les team buildings. L’enjeu est bien sûr de bénéficier de leur capacité
à observer « in situ » et à interroger le monde, les gens et les choses qui
nous entourent au travers des yeux de ces personnes.

En collaborant avec ces professionnels, vous comprendrez donc mieux


vos utilisateurs, les ferez entrer dans l’ADN de votre entreprise et ferez
gagner votre offre en pertinence. Au-delà de vos produits ou services,
c’est l’expérience utilisateur qui sera au cœur de vos préoccupations.

Certains budgets R&D ou marketing utilisés inefficacement puisque dé-


diés à une offre non pertinente permettront désormais de développer
et de valoriser une réponse pertinente aux besoins de vos utilisateurs, le
tout donc pour un ROI (retour sur investissement) bien plus important.

«  L’innovation est entrée dans une nouvelle ère, celle de


l’expérience. Elle puise ses fondements de la connaissance
intime de la vie des gens grâce à des observations anthro-
pologiques in situ. »
Christophe Rebours, PDG de InProcess39

39 Article « L’innovation de demain s’appuiera sur l’expérience des utilisateurs », par Christophe Rebours, publié
le 8 juin 2015 sur LesEchos.fr : http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-133709-nous-entrons-
dans-une-nouvelle-ere-de-linnovation-1126216.php

72
7#
L’apport des sciences humaines réside ainsi dans l’observation et l’inter-
prétation des comportements des gens, de leurs usages et des émotions
induites par leur expérience. Elles opèrent comme des traducteurs entre
les usagers et les organisations. Surtout, elles posent la question de la
valeur des choses en croisant les éléments rationnels et irrationnels de la
désirabilité et de l’usage d’un produit et service. Elles apportent un sou-
tien dans ce que l’on nomme parfois aujourd’hui le design émotionnel. Il
s’agit alors de donner autant sinon plus d’importance au sens émotion-
nel des produits/services qu’à leur fonction. Mais gardons en tête que la
valeur est bien la somme de l’émotion et de la raison et que les sciences
humaines et sociales ont leurs raisons d’être au-delà des éléments émo-
tionnels. Elles sont par ailleurs des alliés certains pour identifier des be-
soins latents et, au-delà, des opportunités de création de valeur. La va-
leur naît de l’usage, de la signification, du problème ainsi résolu ou de la
valorisation que l’on en tire. La valeur naît des outils qui permettent de
voir avec les yeux d’autrui et de l’analyse de ces « visions ».

L’exemple de l’intégration de l’anthropologie par SEB est assez parlant.


Il nous est rapporté par le journaliste Thibaut De Jaegher :

« Son obsession ? Se rapprocher du terrain. Pour sortir des sentiers battus et


se démarquer de la concurrence à bas coût venue d’Asie, SEB a décentralisé
au maximum son processus d’innovation. (...) Le terrain pour SEB, c’est aussi
la maison de monsieur-tout-le-monde aux quatre coins du monde. L’entre-
prise prend donc le temps d’observer comment on mange, on cuisine ou on
prend soin de sa maison dans différents pays pour alimenter son «pipe».
C’est par exemple en observant les femmes japonaises repasser à genou
que l’idée du fer à repasser sans fil a vu le jour. Un anthropologue, intégré
à l’entreprise, est particulièrement chargé de décrypter ces us et coutumes
pour alimenter le moteur des idées. »40

40 Article « SEB : dis-moi ce que tu manges et je saurai comment innover », par Thibaut De Jaegher, publié le 27
janvier 2014. URL : http://www.industrie-techno.com/seb-dis-moi-ce-que-tu-manges-et-je-saurai-comment-
innover.27538

73
7#
Lorsque nous l’avions rencontré en novembre 2014, Olivier Wathelet
était alors anthropologue et chef de projet innovation au sein du Groupe
SEB. Fervent défenseur du mouvement « Design Anthropology », il nous
livrait sa vision des liens entre design et anthropologie41 et rappelait que
l’anthropologie ne consiste pas à « observer » d’un regard extérieur, ou
à interroger les gens sur ce qu’ils souhaitent, mais à comprendre pour-
quoi des différences existent entre ce qu’ils disent et souhaitent faire,
et ce qu’ils font vraiment : « comprendre les contraintes qui les poussent à
agir différemment de leurs désirs initiaux, c’est se donner la possibilité de
leur proposer des produits/services répondant mieux à leurs contraintes et
à leurs aspirations. »

Olivier Wathelet nous dira qu’il retire une règle de sa pratique : « C’est
quand il y a un écart entre les valeurs que les gens portent (ex. : manger
sainement et varié) et le possible de leurs pratiques (je dois faire avec peu
d’idées, de temps, en tenant compte du goût variable de mes enfants), qu’il
y a une opportunité de création de valeur. »

« Comment améliorer le petit-déjeuner des étudiants ? » Projet mené par SEB en collaboration avec l’école de
management de Grenoble. © Olivier Wathelet

41 Propos recueillis à l’occasion des Rencontres du design et de l’alimentation organisées par Design Innova-
tion les 17 et 18 novembre 2014 à Villers-le-Bouillet (B).

74
7#

«Le problème des études de marché, c’est que les gens


ne pensent pas leurs sentiments, ils ne disent pas ce qu’ils
pensent et ne font pas ce qu’ils disent.»42 David Ogilvy

Olivier rappelle la vision souvent réductrice des sciences humaines dans


un article co-écrit avec Anne-Gaël Bilhaut et Marie-Cécile Girard paru en
décembre 201543 :

« L’ethnographie des pratiques de consommation est souvent caricaturée et


réduite à un enregistrement vidéo des usages d’un produit, parfois conduit
dans le contexte quotidien d’usage. Or bien souvent, la valeur d’un produit
ou d’un service se joue au-delà de la manipulation fonctionnelle. L’enquê-
teur s’intéresse alors aux motivations des clients quant au choix du produit
ou du service, à ses usages, détournements inclus, aux représentations aux-
quelles il renvoie ainsi qu’aux routines quotidiennes qui contraignent ou ac-
compagnent leur adoption. » Mais aussi et de plus en plus, elle consiste à
regarder au-delà du marché, pour comprendre les pratiques des usagers
extrêmes, des non-usagers ou des usagers analogues et quelles proposi-
tions de valeur sont clefs pour de nouveaux services et produits.

Olivier milite également pour une intégration continue de l’anthro-


pologie au fil du projet et dans l’entreprise : « L’anthropologie permet
d’identifier des moments de clarté et de donner des directions à un pro-
jet. Cependant, son rôle ne s’arrête pas après l’émission des idées ou
pistes de solutions pour le problème identifié. Elle agit également dans
les phases de développement de la solution et de test des prototypes,
pour préserver et enrichir la proposition de valeur en lien avec les usa-
gers. Trop souvent, les contraintes du projet dégradent cette relation et
écopent d’un résultat décevant. »

42 Citation extraite de l’ouvrage « Le design thinking au service de l’innovation responsable », par Xavier Pavie,
Corinne Jouanny, Daphné Carthy et François Verez, Edition Maxima Laurent du Mesnil, 2015 (p.33)
43 Article « Pour être plus innovant, si vous faisiez appel à un anthropologue », par Anne-Gaël Bilhaut, Ma-
rie-Cécile Girard, Olivier Wathelet, publié le 17 décembre 2015. URL : http://www.hbrfrance.fr/chroniques-
experts/2015/12/9117-pour-etre-plus-innovant-si-vous-faisiez-appel-un-anthropologue/

75
7#

«L’avenir de l’innovation se joue dans l’observation et la com-


préhension subtile des usages émergents et de l’expérience
souhaitable. Nos ingénieurs et hommes de marketing ont le
talent nécessaire pour la transformer en offre pérenne. Dans
tous les domaines, désormais, l’avenir ne s’invente pas, il s’ob-
serve.»
Christophe Rebours, PDG de InProcess44

L’anthropologue Olivier Wathelet teste avec les usagers. Russie, projet sur la consommation du thé. © Olivier
Wathelet

 rticle « L’innovation de demain s’appuiera sur l’expérience des utilisateurs », par Christophe Rebours, publié le 8 juin
44 A
2015 sur LesEchos.fr : http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-133709-nous-entrons-dans-une-
nouvelle-ere-de-linnovation-1126216.php

76
7#

7# A retenir :

• Les sciences humaines permettent de mieux comprendre


les utilisateurs dont l’expérience est au cœur des
préoccupations des organisations, pour générer des idées
et tester des concepts et produits en préservant le lien
avec le contexte.

• En complément des études marketing qui définissent


des groupes de clients, les sciences humaines et sociales
sont utiles pour identifier les attributs des usages
actuels et potentiels qui ont le plus de valeur. Et, par des
observations d’événements remarquables, susciter la
créativité et l’inventivité.

77
8# A
 MÉLIORER LE PROCESSUS
DÉCISIONNEL DE L’ORGANISATION,
C’EST RÉDUIRE LES RISQUES DE REJET

78
8#
Nous l’avons dit, l’approche design thinking, par l’utilisation du proto-
typage rapide et du test, constitue une aide précieuse pour le pilotage
d’un projet car elle permet de « faire les bons choix » et, accessoirement,
le plus rapidement possible.

Le design thinking permet de faire les bons choix car il permet à l’entre-
prise de construire une proposition de valeur la plus juste possible, dans
le sens où la solution proposée aboutira à une utilisation effective par
l’utilisateur et sera porteuse de sens pour celui-ci :

«Concrètement, élaborer une offre «centrée usages» va consister à


prendre en compte les usagers dans la boucle de conception afin de dé-
coder leurs pratiques quotidiennes et de réduire les risques de rejet»
affirme Tim Brown.45

Autre atout, la démarche, grâce à ses phases de divergence, envisage


de nombreuses solutions et met tout en œuvre pour que celle retenue
soit la plus pertinente. Elle se distingue en cela de techniques comme,
par exemple, les études de marché qui regardent des marchés et des
produits « déjà là », et non des gens et des problématiques à résoudre
dans un nouveau marché. Les études focalisent alors sur une solution et,
de par leur coût important, ne peuvent pas toujours être répliquées sur
l’ensemble des solutions « potentielles ».

Au-delà «du rejet client», les parties prenantes internes du projet (direc-
tion, équipes) et externes (distributeurs, par exemple) sont également
concernées par ce risque de rejet. Le design thinking permet de penser
l’expérience globale du parcours (vers l’extérieur) et, par l’immersion et
le prototypage, de créer de la conviction en interne et en externe.

45 Extrait de l’ouvrage « Are you design ? du design thinking au design doing », écrit par Nicolas Minvielle et
Martin Lauqin, Pearson, 2015 (p.29)

79
8#
Dans cette petite vidéo tournée à l’initiative de Design Innovation il y a
quelques années, Gérard Pitance nous explique comment le concept de
foyer à trois modes de fonctionnement intégrés a été totalement rejeté
par les commerciaux internes et externes qui avaient été amenés à juger
de sa pertinence :

« Il est amusant de savoir que confrontées récemment au prototype qu’elles


avaient rejeté il y a quelques années, les mêmes personnes ont cette fois
pris conscience du potentiel de vente qu’il aurait pu représenter et du degré
d’innovation dont il est porteur. L’innovation, indépendamment de toutes
les précautions que l’on puisse prendre, restera toujours une affaire d’au-
dace, de prise de risque et de vision. » nous dit Gérard Pitance.

80
8#
Le design thinking et son utilisation maximisée du prototypage améliorent
donc la gestion de projet et, par extrapolation, le processus décisionnel
de l’organisation, tout en donnant le droit à l’erreur. Magnifique, non ?

Quand on sait que ce droit à l’erreur est souvent ce qui manque cruellement
aux managers, ce qui annihile la prise de risque et parfois l’innovation, on
se dit que ça vaut le coup de cultiver une culture d’entreprise intégrant
l’esprit d’initiative et l’essai, quitte à ce qu’il s’agisse d’essai-erreur.

Ainsi, par sa culture de la collaboration, de l’empathie, de la co-création,


du prototypage, le design thinking donnerait-il une chance supplémen-
taire aux idées de se concrétiser et de terminer le parcours du combat-
tant que représente l’innovation au sein des organisations ? Nous l’espé-
rons, car bon nombre de nouvelles idées – potentiellement bonnes – ne
parviennent pas à la fin de ce parcours car elles demandent d’y consacrer
du temps, de l’argent, de l’énergie, bref des ressources que l’organisa-
tion ne peut pas toujours lui consacrer. Le design thinking facilite la vie
et le choix des managers.

Notez par ailleurs que, si nous avons beaucoup parlé de méthodes et


d’étapes jusqu’à présent – cela génère peut-être chez vous le sentiment
d’un processus long – le design thinking peut être un véritable accéléra-
teur de projet et de développement.

Si on va au bout de notre réflexion, on peut donc affirmer que le design


thinking concerne bien, au-delà du projet, le processus décisionnel de
l’entreprise, par son impact sur la culture d’entreprise et la gestion du
changement dans l’organisation.

81
8#
Une dimension essentielle du design thinking est ainsi de créer une vi-
sion partagée au sein de l’entreprise, un résultat qui est décisif dans la
conduite de projet et son succès, et le succès de l’entreprise en général.
C’est la capacité de créer de l’intelligence collective qui est en jeu.

8# A retenir :

• Le design thinking permet d’élaborer une proposition de


valeur juste : la solution aboutira à une utilisation effec-
tive, le risque de rejet est fortement réduit.

• Seule la solution la plus pertinente aura été retenue et


développée.

• Le design thinking favorise l’esprit d’initiative et cultive


l’apprentissage par l’essai-erreur. Le prototypage est un
précieux allié dans ce sens.

82
9# INNOVER DANS SON BUSINESS
MODEL, C’EST OSER !
Marketing et design ne s’opposent pas. Ils se complètent, interagissent,
se contraignent et se stimulent.

La composante business est tout aussi importante pour une organisa-


tion que la composante humaine ou technique. Ainsi, au fil du dévelop-
pement du projet, lors des phases de convergence notamment, le mar-
ché revient comme un élément d’arbitrage.

De même, le business model de l’entreprise est un parti pris qu’il faut inté-
grer au nom de la composante business (pilier économique). Deux possibi-
lités s’offrent alors : le business model contraint le design thinking ; le de-
sign thinking offre des opportunités d’innover dans son business model.

A travers la créativité, l’individu est souvent encouragé à penser “out of


the box”. Néanmoins, il ne faut pas occulter que l’organisation possède
un cadre, il faut donc soit réintégrer le cadre à un moment donné (celui
du choix, de la convergence), soit rechallenger le cadre lui-même : c’est
l’innovation de business model.

La question centrale est – à nouveau – celle de la création de valeur.

Le design thinking ouvre la porte à de nouvelles offres potentielles ba-


sées sur les besoins des utilisateurs, amène à de nouvelles propositions
de valeur qui, à moins qu’elles ne collent parfaitement au business mo-
del actuel de l’organisation, ont un impact sur les autres “blocs” du mo-
dèle économique (ressources, finances, clients...).

L’innovation de business model n’est pas le propre du design thinking.


Néanmoins, par sa capacité à questionner la création de valeur pour
l’utilisateur et à requestionner des éléments que l’organisation considère
parfois comme figés, la méthode offre une belle opportunité d’innover
dans ce domaine.

83
9#
Nous reprendrons ici un exemple connu de tous, mais qui permet de bien
comprendre les enjeux d’une démarche centrée humain comme l’est le
design thinking.

Airbnb, né en 2008, s’est mis à parler le langage de l’utilisateur, là où


il était jusqu’à présent quasi uniquement question de “clients”. Cette
startup a alors su saisir les opportunités offertes par le numérique
(l’exploitation des données) dans une approche centrée humain, en
misant sur la dimension communautaire de la solution. L’utilisateur, au
coeur du business model, trouve dans la solution proposée une valeur
d’usage, une expérience et du sens, ce qu’il ne trouvait pas (ou plus) dans
les offres du marché.

Autre exemple, celui du développement actuel de l’entreprise Stûv sur


les marchés du gaz et du pellet (granulés), qui l’amène à innover dans
son business model. Cette stratégie d’extension du périmètre produits
repose sur un constat. Les clients distributeurs de Stûv sont, dans leur
grande majorité, multimarques, ce qui dilue l’identité de Stûv parmi les
autres marques présentées.

La stratégie de Stûv repose donc sur une volonté de pouvoir répondre


aux différents aspects de la demande clients (gaz, bois, granulés) afin
de pouvoir défendre pleinement l’identité de ses produits à travers des
magasins monomarques Stûv.

Cette stratégie a également permis à Stûv d’élargir son périmètre de


distribution à de nouveaux marchés où la marque n’était pas présente
jusqu’ici. C’est ainsi que l’entreprise a été congratulée l’an passé par un
prix très convoité aux Etats-Unis et a reçu le BEST WOOD STOVE AWARD
OF NORTH AMERICA.

84
9#

Les travaux de Alexander Osterwalder, auteur avec Yves Pigneur du livre


Business Model génération (http://www.businessmodelgeneration.
com/) vous diront tout de l’innovation de business model. Les outils qui
y sont présentés comme le Business Model Canvas et le Value Pro-
position Canvas46 vous expliqueront ce qu’est l’innovation de business
model et comment structurer ce dernier.

A noter que, de plus en plus, dans une démarche agile et orientée utili-
sateur, le Lean Canvas prend le pas sur le Business Model Canvas. Ash
Maurya, son auteur, a construit son modèle en adaptant le Business Mo-
del Canvas pour lui apporter les attributs du Lean Startup. Le Business
Model Canvas focalise sur les partenaires, les ressources et les activités
quand le Lean Canvas se centre sur l’adéquation du produit au marché.

Les méthodes « lean startup » sont issues des méthodes agiles initiale-
ment utilisées dans le cadre de la gestion de projets informatiques. Celles-
ci consistent à impliquer fortement le demandeur (le client), à travailler de
façon itérative pour la délivrance des livrables, à collaborer le plus étroite-
ment possible au sein de l’équipe et à réévaluer régulièrement son mode
de fonctionnement dans une démarche d’amélioration continue.

Le « lean startup » met cette recherche d’amélioration continue au pro-


fit de la performance, une performance de production « maigre » (lean),
c’est-à-dire au plus juste, sans superflu. Il s’agit de combattre l’ineffica-
cité et les «  gaspillages  » en tous genres (de temps, de compétences,
d’argent, de matières, etc.). Le prototypage est une clé de ce gain de per-
formance. Design thinking et méthodes « lean startup » poussent donc
sur un même terreau qu’il vous faudra cultiver, celui de l’agilité.

Le parallèle peut également être fait avec l’innovation frugale dont la


démarche consiste à répondre à un besoin de la manière la plus simple
et efficace possible en utilisant un minimum de moyens.

46 Ils vous sont expliqués en quelques minutes en vidéo respectivement ici et là.

85
9#

9# A retenir :

• La composante business est tout aussi importante pour


l’organisation que la composante humaine ou technique.
Au fil du projet, lors des phases de convergence, le mar-
ché revient comme un élément d’arbitrage.

• Le design thinking amène à de nouvelles propositions de


valeur pour l’utilisateur et est donc propice à l’innovation
de business model. Il vient requestionner des éléments
que l’organisation considère comme figés.

86
POUR CONCLURE : LE DESIGN
THINKING MÈNE VERS L’INNOVATION
DE RUPTURE ET IMPACTE LE
MANAGEMENT
Même quand il est considéré comme stratégie d’innovation et non mé-
thode de créativité, le design thinking divise encore les experts : innova-
tion incrémentale ou de rupture ? Pour certains, il ne peut être qu’une
méthode d’innovation incrémentale c’est-à-dire d’amélioration continue
(presque) imperceptible basée sur les besoins des utilisateurs et n’ap-
portant pas un avantage concurrentiel fort.47

Néanmoins c’est voir là dans l’empathie uniquement un questionnement


direct des usagers. Or, nous avons vu que l’immersion et l’observation
permettaient de trouver dans les besoins inexprimés ou inconscients des
sources potentiellement importantes d’innovation. La clé réside dans la
capacité à faire de ce moment un moment de divergence réelle, en allant
chercher des usagers différents, extrêmes, analogues, qui offrent des
contre-points à la logique incrémentale.

Par ailleurs, s’il est vrai que l’on va très rarement découvrir une innova-
tion de rupture dans le cadre de la co-création, cela ne limite en rien le
besoin de design thinking, qui reste le meilleur moyen de forger l’accep-
tabilité de l’innovation de rupture.

47 Cela semble être la position d’Alain Cadix, qui l’explique dans l’article « Design thinking » : que peut-on en
penser ? », publié sur l’Usine Nouvelle en avril 2014 : « Mais cette démarche présente la limite (nous l’avons
dit) de se déployer dans un environnement invariant. Elle en présente une autre : la similitude des solutions
proposées par les firmes concurrentes, puisque, dans un contexte culturel donné, la source des problèmes posés,
des idées avancées (encore faut-il que les gens sachent ce qu’ils désirent et convergent) et les processus qui les
objectivent sont les mêmes. Il ne reste plus alors que le marketing, et le style qui lui est alors subordonné, pour
se différencier. C’est ainsi dans bien des secteurs d’activités, là où l’innovation procède de façon dominante du
design thinking. (...) La méthode «tim-brownienne» fait participer, selon diverses formules, les gens aux trois
phases du Design Thinking : inspiration, idéation, implémentation. Mais nous savons que les utilisateurs, usagers,
consommateurs ne peuvent pas être les vecteurs d’une rupture. »
La position d’Alain Cadix est également celle de Bruce Nussbaum, professeur à la Parsons School of Design,
qui s’appuie sur le fait que la méthode ne porte que sur des produits existants analysés à travers le prisme
des « clients ».

87
Tim Brown défend l’idée que le marché est saturé de solutions qui ne
répondent pas réellement à un besoin, qui sont créées de toute pièce
par des entreprises ne tenant compte que de leurs propres besoins, ob-
jectifs et contraintes et obnubilées par la rentabilité économique. Ren-
verser la machine et changer de paradigme représente donc pour lui un
vrai potentiel :

«Le défaut de méthode le plus répandu est de tenir compte en premier des
contraintes propres à l’entreprise : budgets marketing, réseaux de fournis-
seurs et de distributeurs, etc., et d’extrapoler à partir de là. Cela n’aboutit
qu’à des idées incrémentales, faciles à imiter par la concurrence. Une autre
approche, presque aussi fréquente, privilégie d’abord la technologie, mais
elle est risquée et doit être réservée aux start-ups agiles et suffisamment
audacieuses pour miser sur ce qui est neuf et non encore testé. Commencer
par la composante humaine, en revanche, accroît la probabilité de déve-
lopper une idée innovante et de trouver un marché réceptif - que l’on soit
directeur d’un complexe hôtelier ou paysan cambodgien.»48

Par ailleurs, à travers les opportunités d’innovation de business model


qu’il offre, le design thinking peut être un véritable vecteur de rupture,
nous l’avons vu précédemment.

Ici aussi, la question du sens se pose. Roberto Viganti, dans son livre
« Design-Driven Innovation » (Harvard Business Press), fait du sens le
moteur de l’innovation pilotée par le design. Il démontre alors que l’in-
novation par le design n’est pas seulement incrémentale lorsqu’elle par-
vient à changer le sens, comme l’illustre le schéma suivant.

48 Extrait de L’Esprit design, Tim Brown, Pearson, 2009 (p.234)

88
Dans ce passage d’une innovation incrémentale à une innovation de rup-
ture, Bérangère Szostak, co-responsable de la Mention Management de
l’innovation à l’Université Lyon 2, évoque « combien importe la présence,
aux côtés de ces managers, de professionnels formés, instruits et acculturés
à la discipline du design pendant des années. En effet, les designers déve-
loppent des compétences spécifiques, notamment celles de l’analyse et de
la synthèse des travaux des ingénieurs, des réflexions des marketers, des
observations des ethnologues, des performances des artistes... Cela conduit
à la conception d’idées nouvelles et en cohérence avec les tendances so-
cio-économiques et les évolutions technologiques. En outre, leur approche
dite holiste les amène à considérer l’humain dans sa globalité, i.e. en tant
qu’utilisateur avec ses émotions, son environnement socio-organisationnel,
et ses interactions avec des tiers. À cette fin, les designers développent des
approches prospectives et visionnaires qui sont tout aussi pertinentes que
celle du design thinking. Il s’agit alors non plus de se focaliser sur l’utilisa-
teur pour donner plus de sens aux objets, selon Roberto Verganti, chercheur
italien, mais bien de créer des nouveaux sens aux objets en vue d’innovation
de rupture. »49
49 Extrait de l’article « Managers : enrichissez le Design thinking de votre vision critique du marché ! », par

89
Les réponses à certains doutes, nous ne les aurons qu’en multipliant
les expérimentations qui révèleront le véritable potentiel du design
thinking. Une chose est sûre, le design thinking propose un angle d’ap-
proche du design comme du management réellement différent et c’est
sans doute ce qui explique l’engouement pour la méthode et pour le
terme, comme nous l’expliquent Martin Lauquin et Nicolas Minvielle :

«Discipline longtemps méconnue, le design connaît aujourd’hui un regain


d’intérêt grâce au développement des approches d’innovation par le de-
sign comme le «design thinking». Face aux défis auxquels les entreprises
sont confrontées, ces approches incarnent de nouveaux paradigmes pour
penser en rupture. A ce titre, le recours parfois abusif au terme de «design
thinking» par les acteurs de l’économie est surtout le reflet d’un intérêt
pour des démarches différentes de celles que les sciences du management
ont pu promouvoir ces dernières décennies.»50

Nous espérons vous avoir démontré les apports du design thinking et


terminerons avec cette citation de Pauline Rochart qui revient sur ces
aspects51 :

« Ce qu’il faut retenir, c’est que l’approche design thinking est une méthode
de conception itérative. Construire une équipe pluridisciplinaire, impliquer
l’utilisateur le plus en amont possible, tester, se tromper, pour affiner sans
cesse la solution, voilà les fondements du design thinking. Pour Aurélie
Marchal, la démarche s’applique volontiers aux problématiques organisa-
tionnelles. Le design thinking peut être un levier puissant pour fédérer une
équipe, faire travailler les salariés de manière collaborative et finalement
trouver des solutions pertinentes à des problèmes opérationnels.

(...) Bien sûr, le design thinking n’a pas réponse à tout, il présente des limites
(...) et ce n’est pas la seule méthode d’innovation participative. Mais il a le
mérite de ne pas réduire le design au style et de valoriser son apport en ma-
tière d’organisation et de processus de travail. »

Bérangère Szostak, publié le 9 mai 2016 sur le site de latribune.fr. : http://acteursdeleconomie.latribune.fr/


debats/expertise/2016-05-09/managers-enrichissez-le-design-thinking-de-votre-vision-critique-du-marche.
html
50 Extrait de l’ouvrage « Are you design ? Du design thinking au design doing », écrit par Martin Lauquin et
Nicolas Minvielle, Pearson, 2015 (p.4)
51 Article « Le design thinking, l’innovation au service de l’utilisateur », par Pauline Rochart, publié le 13 février
2015 : http://www.carewan.com/fr/blog/post/le-design-thinking-linnovation-au-service-de-lutilisateur/283

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ropa.eu/enterprise/policies/innovation/files/design/design-swd-2013-380_en.pdf

95
DESIGN INNOVATION VOUS
ACCOMPAGNE VERS LE DESIGN
THINKING

Design Innovation est le Centre de compétence wallon


dédié au design.

Chez Design Innovation, nous pensons que le design est


un levier de développement durable pour notre région !
C’est pourquoi nous souhaitons rendre les professionnels
(qu’ils soient ou non designers) plus compétents, plus in-
formés et plus interconnectés en la matière.

Actifs principalement en Wallonie, mais aussi à Bruxelles,


nous avons pour mission de développer les compétences
et l’information en design des professionnels et futurs
professionnels, quels que soient leurs domaines ou leurs
statuts (salariés en entreprises ou en institutions, diri-
geants, indépendants, demandeurs d’emploi, enseignants,
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de formation et de coaching peuvent vous accompagner ainsi que vos
équipes !

www.designinnovation.be

«A travers cet ouvrage, je n’ai pas seulement essayé de montrer que les
talents du designer peuvent effectivement s’appliquer à un large éventail
de questions, mais aussi qu’ils ne relèvent pas de l’inné et sont donc acces-
sibles à un plus grand nombre de gens qu’on ne le suppose.»
Tim Brown, L’Esprit design

96

version 1.0

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