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NICOLAS GROS

Pourquoi un croquis sur un coin de table permet-il de dénouer une discussion qui
était bloquée ? Pourquoi est-ce si compliqué de trouver sa route en demandant
« Un livre référence indispensable pour quiconque souhaite
insuffler une dynamique d’animation pour embarquer
NICOLAS GROS

LE GRAND LIVRE
son chemin, et si simple à l’aide d’une carte ? Pourquoi un affichage facilite-t-il un collectif vers plus d’alignement, d’engagement,
de fun et d’efficacité dans la co-construction.
l’apprentissage et la mémorisation ?
L’effet est immédiat et l’expérience mémorable ! »
Ce livre décode l’impact des visuels sur la pensée, leur rôle dans la compréhen- Maja Merz
Facilitatrice et consultante interne en créativité et innovation collaborative
sion du monde et leur intérêt pour la communication.
chez Malakoff Humanis, Coach professionnelle certifiée
• Maîtrisez l’impact des visuels sur la pensée et les interactions. DE LA

FACILITATION
« La facilitation graphique est un état d’esprit qui transcende
• Découvrez comment rendre les interactions plus vivantes et productives. nos modes de travail individuels et collectifs. Elle a transformé
mon mode de management et me permet d’accompagner

FACILITATION GRAPHIQUE
• Accédez à un éventail de techniques et d’outils pour mettre les effets des mes équipiers dans la compréhension de la complexité
visuels au service de vos besoins. et dans sa gestion. »
Yoann Le Roux

GRAPHIQUE
• Déployez la méthode VOIR® pour rendre la complexité accessible.
Automotive Original Equipment VP Marketing – Michelin
• Adoptez les bons réflexes pour construire en temps réel des visuels qui

LE GRAND LIVRE
« Dans cet ouvrage, Nicolas nous donne toutes les clés
soutiendront et accompagneront une discussion.
pour nous saisir de ces techniques puissantes
et les mettre au service de nos projets. »
Noemi Brousmiche
Facilitatrice interne à l’Agence spatiale européenne

DE LA
Pionnier de la facilitation graphique en France, Nicolas Gros œuvre pour le
développement, la transmission et la reconnaissance de ces techniques
au sein des entreprises. Convaincu que les compétences de facilitation
graphique sont nécessaires à la communication au sein d’un groupe, il sait
les rendre accessibles. À l’origine des premières formations en France à
ces techniques visuelles, il a formé plusieurs milliers de personnes et
facilité autant de rencontres professionnelles et d’ateliers collaboratifs à
travers le monde.

39 €

ISBN : 978-2-416-00888-7
Code éditeur : G0100888
Couverture : Studio Eyrolles © Éditions Eyrolles
Illustrations : © Nicolas Gros
Pourquoi un croquis sur un coin de table permet-il de dénouer une discussion qui « Un livre référence indispensable pour quiconque souhaite
était bloquée ? Pourquoi est-ce si compliqué de trouver sa route en demandant insuffler une dynamique d’animation pour embarquer
son chemin, et si simple à l’aide d’une carte ? Pourquoi un affichage facilite-t-il un collectif vers plus d’alignement, d’engagement,
de fun et d’efficacité dans la co-construction.
l’apprentissage et la mémorisation ?
L’effet est immédiat et l’expérience mémorable ! »
Ce livre décode l’impact des visuels sur la pensée, leur rôle dans la compréhen- Maja Merz
Facilitatrice et consultante interne en créativité et innovation collaborative
sion du monde et leur intérêt pour la communication.
chez Malakoff Humanis, Coach professionnelle certifiée
• Maîtrisez l’impact des visuels sur la pensée et les interactions.
« La facilitation graphique est un état d’esprit qui transcende
• Découvrez comment rendre les interactions plus vivantes et productives. nos modes de travail individuels et collectifs. Elle a transformé
mon mode de management et me permet d’accompagner
• Accédez à un éventail de techniques et d’outils pour mettre les effets des mes équipiers dans la compréhension de la complexité
visuels au service de vos besoins. et dans sa gestion. »
Yoann Le Roux
• Déployez la méthode VOIR® pour rendre la complexité accessible.
Automotive Original Equipment VP Marketing – Michelin
• Adoptez les bons réflexes pour construire en temps réel des visuels qui
« Dans cet ouvrage, Nicolas nous donne toutes les clés
soutiendront et accompagneront une discussion.
pour nous saisir de ces techniques puissantes
et les mettre au service de nos projets. »
Noemi Brousmiche
Facilitatrice interne à l’Agence spatiale européenne

Pionnier de la facilitation graphique en France, Nicolas Gros œuvre pour le


développement, la transmission et la reconnaissance de ces techniques
au sein des entreprises. Convaincu que les compétences de facilitation
graphique sont nécessaires à la communication au sein d’un groupe, il sait
les rendre accessibles. À l’origine des premières formations en France à
ces techniques visuelles, il a formé plusieurs milliers de personnes et
facilité autant de rencontres professionnelles et d’ateliers collaboratifs à
travers le monde.
LE GRAND LIVRE
DE LA

FACILITATION
GRAPHIQUE

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 1 07/03/2023 18:10


Éditions Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75240 Paris Cedex 05
www.editions-eyrolles.com

Depuis 1925, les éditions Eyrolles s’engagent en proposant des


livres pour comprendre le monde, transmettre les savoirs et culti-
ver ses passions !
Pour continuer à accompagner toutes les générations à venir,
nous travaillons de manière responsable, dans le respect de
l’environnement. Nos imprimeurs sont ainsi choisis avec la plus
grande attention, afin que nos ouvrages soient imprimés sur du
papier issu de forêts gérées durablement. Nous veillons égale-
ment à limiter le transport en privilégiant des imprimeurs locaux.
Ainsi, 89 % de nos impressions se font en Europe, dont plus de la
moitié en France.

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de repro-


duire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur
quelque support que ce soit, sans l’autorisation de l’éditeur ou
du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des
Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Éditions Eyrolles, 2023


ISBN : 978-2-416-00888-7

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NICOLAS GROS

LE GRAND LIVRE DE LA

FACILITATION
GRAPHIQUE
Postures, outils, techniques et méthodes de pensée visuelle pour collaborer

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Ce qu’ils en disent
« On me demande sans cesse des outils pour comprendre facile- « La facilitation graphique a été une vraie rencontre. Au-delà
ment le rôle de la facilitation graphique et comment l’appliquer. d’un processus ou d’une technique, elle donne envie et redonne
Le livre de Nicolas Gros y répond parfaitement en intégrant du cœur à l’ouvrage avec ardeur et conviction. Elle permet la ré-
les modèles de facilitation et les éléments graphiques à utiliser. alisation de soi dans la réussite collective et crée une vraie diffé-
Cette approche normative et accélérée rend l’ouvrage encore rence vis-à-vis de nos parties prenantes.
plus intéressant et facile à lire ! » Cet ouvrage manquait car il répond à une nécessité de compré-
Stéphanie Nassenstein hension et au besoin d’une mise en pratique directe. »
Lead, Event Design, Global Programming – World Economic Forum Anne-Laure Tantôt
Senior HR Manager – Cern
« À mon sens, la facilitation graphique permet de synthétiser de
façon simple, visuelle et impactante les messages clés d’une ré- « J’utilise les histoires et leur mise en images pour la transmission
union. Les bénéfices sont multiples : amélioration de l’attention de stratégie, de vision ou d’innovation. Par leur capacité à trans-
et de la mémorisation mais aussi renforcement de la cohésion mettre des informations sans dépendre de l’expérience directe,
d’équipe. » ce sont des ponts puissants entre les arguments et les actions,
Alexis Offergeld les intentions et les résultats, les stratèges et les opérationnels.
Directeur de MovinOn LAB – Michelin Au-delà encore de ce pouvoir, les techniques de facilitation gra-
phique utilisées durant les ateliers d’idéation ou les formations
« En faisant émerger une vision partagée, la facilitation gra- sont des outils puissants pour engager les équipes dans l’instant
phique renforce l’engagement des équipes lors des moments col- et favoriser la créativité. »
laboratifs. C’est également un soutien précieux lors de processus Cécile Eurendjian
créatifs. Ce livre est une bible pour la collaboration et la commu- Directrice de l’innovation et de la transformation digitale
nication en entreprise et je suis certaine qu’il permettra à beau- – Thales DIS/MCS
coup de personnes de se lancer dans la facilitation graphique ! »
Anne Gradvohl « La facilitation graphique nous a permis de capturer plus rapi-
Directrice de l’Innovation – Groupe Vyv dement et plus synthétiquement la vision commune qui émanait
des équipes. »
« Ludique et concis, l’ouvrage de Nicolas donne les clés pour em- Daniel Neuenschwander
brasser l’art de la facilitation graphique. La sélection de modèles Directeur du Transport spatial à l’Agence spatiale européenne.
prêts à l’emploi est un must-have dans la trousse à outils de tout
facilitateur. C’est sans aucun doute un livre à garder précieuse-
ment sous la main pour tout manager ou coéquipier en recherche
de techniques pour booster ses réunions, formations, conférences
et autres workshops ! »
Anne Saez
Learning & Development Consultant – Dassault Systèmes

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« Un livre référence qui permet de rendre enfin accessible à tous « J’utilise la facilitation graphique régulièrement pour animer nos
la pratique de cette approche puissante et innovante encore trop ateliers, nos réunions et pour engager l’ensemble des acteurs de
peu répandue dans le monde de l’entreprise. Indispensable pour l’entreprise. Ce livre est essentiel et d’une richesse exceptionnelle
quiconque souhaite insuffler une dynamique d’animation pour pour qui souhaite améliorer et maximiser la productivité des inte-
embarquer un collectif vers plus d’alignement, d’engagement, de ractions entre équipes. Vous ne pratiquerez plus jamais vos réu-
fun et d’efficacité dans la co-construction. L’effet est immédiat et nions et ateliers comme avant ! »
l’expérience mémorable ! » Pierre Le Stunff
Maja Merz Chief Technical Officer (CTO) – Fortuneo
Facilitatrice et consultante interne en créativité et innovation col-
laborative chez Malakoff Humanis, Coach professionnelle certifiée « Nous sommes (presque) tous des analphabètes du langage vi-
suel ! Cette forme de communication est en effet la grande ou-
« Une simple représentation graphique a des impacts sur notre bliée de notre éducation. Le livre de Nicolas Gros apporte une
façon de penser. C’est le ressort de la facilitation graphique et réponse à ce déficit. Son ouvrage, très documenté, nous apprend
ce livre permet d’en comprendre l’usage. Il est accessible et gé- une nouvelle langue extraordinairement puissante : la facilitation
néreux en explications, à l’image de son auteur ! À mettre entre graphique ! Dans notre monde toujours plus visuel, ce livre est
les mains de tout manager qui y trouvera des notions, des tech- déjà un incontournable ! »
niques et des astuces utiles. » Pr. Sylvain Bureau
Marie Agostini Professeur ESCP Business School, cofondateur du réseau Art
Responsable protection de la clientèle/Lutte anti-fraude et an- Thinking
ti-corruption/Investissements – Crédit Agricole Assurances
« Ce livre ouvre en grand les portes de l’art de la facilitation gra-
« Ce livre est une pépite pour toute personne qui voudrait rendre phique et initie avec simplicité à ses arcanes. Il prend la main du
plus efficace des ateliers ou tout simplement soutenir les interac- lecteur et l’emmène dans les situations de la vie des organisations
tions et cheminements de pensées d’un groupe de travail. Les où la facilitation graphique s’avère un atout de la prise de déci-
enseignements de Nicolas m’accompagnent au quotidien au sein sion et de l’action des collectifs de travail. La variété des angles
de la Cnav. » de vue et la clarté des propos permettent une lecture pour tous.
Mhâeva Lemoing À la fois pour les équipes et leurs managers qui veulent commen-
Chargée de méthodes et qualité, Facilitatrice graphique à la cer à pratiquer et aussi, pour les professionnels de la facilitation.
Direction des Systèmes d’information – Cnav Pour tous, c’est un rappel précieux des bonnes pratiques et une
formidable mine à idées. Félicitations à Nicolas pour ce travail de
fond, remarquable de clarté. »
André-Benoît de Jaegere
Senior Executive Advisor Capgemini Invent

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En préambule ...................................................................................9

SECTION I : COMPRÉHENSION SECTION II : MISE(S) EN ŒUVRE

Chapitre 1 | Facilitation et facilitation graphique .......................14 Chapitre 4 | Principes d’application .............................................80


Origines et définitions ......................................................................................14 Modéliser pour faire émerger une vision commune ............................82
Pourquoi recourir à l’usage des visuels ?..................................................24 Modéliser pour partager une vision ...........................................................83
Précisions et clarifications ..............................................................................32 La facilitation graphique appliquée à une conférence ......................84
La facilitation graphique appliquée à une table ronde .....................85
Chapitre 2 | Pour des visuels qui facilitent ...................................37
La facilitation graphique appliquée à une formation.........................85
L’usage des visuels et leurs intérêts ...........................................................37 La facilitation graphique appliquée à une session de travail
Arrêt sur un modèle particulier : les métaphores .................................57 collaboratif ............................................................................................................86
Limites et précautions dans la conception Accompagner une session de travail par une fresque
et l’usage des modèles visuels ......................................................................61 de synthèse ...........................................................................................................89
Pour « en finir » avec les modèles ! ..............................................................63 Exemple détaillé d’une session de codéveloppement ........................91
La facilitation graphique appliquée à une session en distanciel ...94
Chapitre 3 | Sélection de modèles pertinents en facilitation ....64
La facilitation graphique appliquée à une session hybride .............94
Modèles utilisables en design d’atelier .....................................................65 Modéliser une vision commune pour faciliter une transformation...95
Modèles utilisables pour la dynamique
de groupe et son animation...........................................................................72 Chapitre 5 | Exemples et contre-exemples d’application ..........100
Modèles utilisables pour la compréhension Impact du visuel ..................................................................................................100
et le traitement des informations ................................................................74
Posture et exécution .........................................................................................116

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SECTION III : TECHNIQUES

Chapitre 6 | Introduction aux techniques de facilitation Technique des Post-it.........................................................................................232


graphique...........................................................................................132 Technique de mind mapping...........................................................................234
Le modèle de l’iceberg......................................................................................132 Technique de scribing........................................................................................236
Les processus à mettre en œuvre................................................................134 Progresser dans les techniques de cartographie en temps réel....247
Structures et organisation des informations...........................................136
Chapitre 9 | Technique de cartographie en différé.......................250
Contextes de mise en œuvre et limites des visuels produits............139
Conseils pour s’approprier les techniques et développer Utiliser un modèle pour présenter un sujet..............................................250
ses compétences.................................................................................................141 Contenu d’un modèle visuel............................................................................251
Approche générale de la modélisation.....................................................251
Chapitre 7 | Compétences de formalisation.................................142
La méthode VOIR®.............................................................................................252
Notions de vocabulaire graphique et de grammaire visuelle..........142 Concepteur versus utilisateur........................................................................264
Introduction au dessin.......................................................................................146
Principes d’usage de la couleur en facilitation graphique................146 Chapitre 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles....265
Les tracés...............................................................................................................147 La fresque de synthèse.....................................................................................266
Les formes..............................................................................................................148 Les spécificités des canevas (templates)...................................................276
L’écriture..................................................................................................................155 Les images inductives........................................................................................288
Conseils sur la posture physique..................................................................160 Les images situationnelles..............................................................................290
Gestion de l’espace d’écriture........................................................................161 La vidéo pédagogique......................................................................................292
Variation de police de caractères................................................................164 Le vote par gommette.......................................................................................293
Les huit principes de spatialisation.............................................................167
Les pictogrammes...............................................................................................180
Les personnages génériques.........................................................................183
Les personnages spécifiques.........................................................................193 SECTION IV : RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES
Le dessin.................................................................................................................198 DISPONIBLES EN LIGNE
Pour aller plus loin dans la formalisation..................................................205 Le matériel, physique et digital.....................................................................296
Chapitre 8 | Techniques de cartographie en temps réel..............214
Post-production et usages...............................................................................297
Principes d’entraînement.................................................................................298
Clarification sur la posture de capture en temps réel.........................214
Développer les compétences mises en jeu...............................................220
Avant d’intervenir en temps réel...................................................................229
Conseils pour commencer en temps réel..................................................231 Remerciements.................................................................................299

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Pour les consultants, facilitateurs, animateurs, responsables
d’équipe et toute personne ayant conscience de l’impact des
visuels sur la façon de penser ; à tous ceux qui veulent utiliser cet
impact consciemment et s’en servir à des fins de facilitation.

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En préambule
Toute ma vie, je me souviendrai de ce jour de février 2001 à
Grenoble. De ce moment précis où on m’a tendu un marqueur
et dit : « Nicolas, maintenant tu vas capturer sur ce tableau le
contenu des échanges que nous allons avoir. » C’était ma pre-
mière rencontre avec le monde du travail collaboratif : une réunion
de préparation au projet MINATEC, complexe scientifique sur les
micro- et nanotechnologies.
Marqueur en main et la trouille au ventre, ne sachant absolument
pas comment m’y prendre, ne comprenant absolument rien au
sujet, je tentai tant bien que mal de visualiser la discussion des
protagonistes. J’ai produit un visuel. Était-il efficace, pertinent, faci-
litant ? Quel était son effet ? J’étais incapable de le dire à l’époque.
Pourtant ce jour fut un point de bascule dans ma vie.
Je n’en avais alors aucune conscience.
J’ai pu observer l’usage des techniques de facilitation graphique
dans des lieux et des contextes où dessiner sur des murs ne sem-
blait pourtant pas une priorité ! Par exemple, elles sont utilisées
depuis plus de quinze ans au sein du Forum économique mondial,
mais aussi au ministère des Armées en France, ou dans le groupe
Airbus… Elles se retrouvent même au cœur de certains pro-
grammes du MIT (Massachusetts Institute of Technology).
Alors, je me questionne : pourquoi ces pratiques ne cessent-elles
de s’étendre ? Parce qu’elles produisent de jolis visuels ? Non !
On utilise ces techniques parce qu’elles sont aussi puissantes
qu’efficaces.
Depuis 2001 et cette rencontre avec les équipes de l’ASE
(Accelerated Solutions Environment) qui mettaient alors en œuvre
la méthode MG Taylor chez Capgemini, j’ai eu l’occasion de contri-
buer à la conception et à l’accompagnement de nombreux ateliers
de travail.
Mon expérience s’est enrichie au fil des collaborations au sein
du ValueWeb et de mes projets professionnels chez Wild is the
Game®.

En préambule 9

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Ce parcours a été l’occasion d’accompagner tous types de réu- La richesse de ces expériences m’a offert le terrain pour déve-
nions, d’ateliers, de séminaires, de toutes tailles et dans de nom- lopper une pratique expérimentale. En prenant du recul, en
breux domaines : observant minutieusement les effets produits, en formulant
­
• du parcours d’insertion et d’accès à l’emploi des primo-­arrivants, des hypothèses, en les mettant à l’épreuve de la réalité, en les
à la stratégie d’Airbus Helicopters ; confrontant et les partageant avec d’autres facilitateurs, j’ai
pu construire, pas à pas, une compréhension fine de cette pra-
• du Forum économique mondial à Davos, en Chine et au
tique. Il m’a fallu pour cela prendre conscience des intérêts, des
Mexique, à la protection du littoral avec Surfrider Foundation ;
limites, des conditions d’usage, des enjeux de posture, de l’état
• du développement d’un verger en AMAP, à la transformation d’esprit nécessaire, des compétences sollicitées et de leur niveau
de la gouvernance d’un hôpital ; d’importance dans l’usage des visuels. Cela m’a permis de com-
• de la coordination des associations accompagnant les Roms, prendre comment la mise en œuvre des techniques visuelles peut
au partage de bonnes pratiques au sein de la Fondation Abbé faciliter le travail d’un groupe. Ce sont ces apprentissages que je
Pierre ; transmets ici et au travers des formations Marker Power®.
• de l’accompagnement individuel de personnes, à celle d’un co- Avec cet ouvrage, je souhaite rendre compréhensibles et ac-
mité de direction ; cessibles les compétences liées à la conception et à l’usage des
• de la prise de brief d’une commande client, à la démarche visuels, dans un objectif de facilitation. Pour me concentrer sur
commerciale ; l’impact des visuels, j’ai volontairement décidé de ne pas aborder
en détail les notions de facilitation (champ disciplinaire à part
• de la présentation d’un sujet complexe, à la coconstruction
entière avec ses courants et méthodes…), de conception d’atelier
d’une vision commune avec différents acteurs…
et d’animation de groupe. Inévitablement, je serai amené à y faire
Au cœur de la diversité de tous ces contextes, les visuels et leurs allusion puisqu’elles sont inhérentes à la facilitation graphique.
usages ont joué un rôle déterminant dans la réussite du travail Ces notions ne sont pas le cœur de cet ouvrage mais celui-ci per-
entrepris. mettra d’en comprendre le rôle et l’importance par rapport à la
facilitation graphique.
L’ensemble des informations que je vais à présent partager avec
vous reste empreint de cette approche de facilitation. Celle-ci
provient des États-Unis et d’une culture anglo-saxonne. Mon ex-
périence est quant à elle ancrée dans la vie et la transformation
des organisations. Il se peut alors que je fasse usage d’un vo-
cabulaire et de références qui vous sembleront peu familiers. Je
m’efforcerai d’en expliquer au mieux le sens dans le contexte.

10 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Vous avez entre les mains un outil de développement, autant sur Vous pouvez choisir de le lire en suivant l’ordre des chapitres.
la compréhension de la posture de facilitation graphique que Mais vous pouvez également le parcourir en faisant des allers-
sur les compétences opérationnelles qu’elle implique. Cet outil retours entre les différentes parties, grâce aux renvois qui vous
va vous permettre de développer votre pratique et d’utiliser la sont proposés, à la manière d’un « livre dont vous êtes le héros ».
puissance des visuels dans l’exercice de votre métier. Ces liens vous invitent à construire votre propre parcours pour
Abordez-le avec légèreté si vous le souhaitez. Reposez-le pour l’adapter au mieux à votre contexte, à vos besoins de compréhen-
laisser infuser les idées et les principes que vous y aurez décou- sion et de développement de compétences. Enfin, des QR codes
verts. Reprenez-le pour approfondir un point particulier ou dé- sont proposés au fil des pages pour enrichir votre expérience et
velopper un nouveau pan de votre pratique. Ou dévorez-le avec votre lecture grâce à des contenus en ligne.
appétit ! Je vous souhaite de belles découvertes !

En préambule 11

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SECT I ON I

Compréhension

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Origines et définitions
A priori, si vous avez ce livre entre les mains, c’est que vous avez
déjà entendu parler de facilitation graphique. Et, si vous l’avez
ouvert, c’est peut-être aussi que vous avez besoin d’y voir plus
clair. Personnellement, je réalise qu’il y a une méconnaissance
des termes, des techniques et des usages. Cela engendre des
confusions. L’objet de ce livre est de clarifier ce que signifie la fa-
cilitation graphique et de vous donner des techniques et repères
pour la pratiquer.
CHAPITRE 1 - FACILITATION ET FACILITATION GRAPHIQUE

Le meilleur moyen de comprendre ce qu’est la facilitation gra-


phique est de remonter à ses origines.
CHAP ITR E 1 Le visuel a toujours existé, il était déjà un support de communi-
cation avant que les civilisations ne se développent en sociétés
et en organisations.

Facilitation
En revanche, le fait d’utiliser les visuels pour aider un groupe
dans sa compréhension, dans son avancée vers la résolution d’un
objectif de travail, s’est structuré dans les années 1970, à Palo

et facilitation
Alto.
C’est en effet dans cette ville de la péninsule de San Francisco,
et à cette époque, que des courants de recherches et de pen-

graphique
sées se sont croisés pour donner naissance à l’école de Palo Alto.
Influencée par l’anthropologie, la psychologie, la cybernétique,
l’antipsychiatrie, la notion d’interaction et de comportement inter­
personnel, la théorie des groupes, cette école développe une ap-
proche systémique par opposition à une approche analytique.
De ce bouillonnement intellectuel émergeront le design thinking
pour la conception de produits et de services, l’approche agile
dans le monde informatique et la facilitation pour l’accompagne-
ment des organisations. Toutes ces approches ont en commun
d’appréhender le travail sous l’angle de la collaboration.
C’est à cette époque que David Sibbet pose les prémices de la
facilitation graphique en utilisant des visuels pour cartographier
et rendre compte de sujets complexes. Matt et Gail Taylor (res-
pectivement architecte et pédagogue à l’école Montessori) com-
mencent à explorer, formaliser et répertorier différents moyens

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de faire collaborer un groupe d’individus. Ils intègrent ces moyens leur évolution et dans celle de leurs problématiques. C’est à par-
dans une méthode qui porte aujourd’hui leur nom : la méthode tir de cette conscience qu’ils conçoivent un parcours, sur mesure,
MG Taylor. de réflexion et d’évolution pour le groupe, correspondant à un
Avec d’autres, ils formalisent le principe du travail collaboratif, enchaînement de séquences de travail.
questionnent l’intérêt et la possibilité de croiser différentes dis- Ils poussent leur démarche jusqu’à imaginer des environnements
ciplines, s’interrogent sur la créativité et les autres modes de de travail évolutifs, dans le but de créer et d’accompagner la dy-
travail. Ils cherchent à libérer l’intelligence collective nécessaire namique nécessaire à chaque séquence de travail.
à la résolution de problèmes complexes. Ils intègrent dans leurs C’est ainsi qu’ils abordent la notion de « facilitation » et que, aidés
recherches tout élément pouvant influencer la dynamique d’un par Bryan Coffman, ils y intègrent l’usage des visuels.
groupe et sa réflexion. Ils développent ainsi une conscience ai- Les fondements de la facilitation graphique étaient posés.
guë des nécessités d’un groupe et de ses membres, sur les plans
intellectuel, émotionnel et physiologique, dans la conscience de

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 15

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L’ESSOR ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA FACILITATION
GRAPHIQUE EN SIX MOUVEMENTS SUCCESSIFS

1er mouvement – initiateurs – années 1970 : David Sibbet,


Jennifer Landau et les membres fondateurs de Grove
Consulting (Palo Alto, Californie, USA).
2e mouvement – initiateurs – années 1980 : Jim Channon,
Matt Taylor et Bryan Coffman avec MG Taylor Corporation
(Colorado, USA).
3e mouvement – premiers adeptes – années 1990 :
personnes qui ont appris auprès des initiateurs et
contribué à ensemencer le marché américain ; celles qui
ont commencé à appliquer ces pratiques dans le cadre du
management de la transformation des organisations et
celles qui les ont appliquées dans les causes humanitaires
et à but non lucratif. Géographiquement, la pratique s’étend
depuis les États-Unis vers le Canada et l’Europe.
4e mouvement – première majorité – années 2000 :
personnes apprenant encore de la génération précédente
et par l’expérimentation, utilisant des méthodes et outils Vous l’aurez repéré, « facilitation graphique » est un groupe nomi-
analogiques (de type marqueurs et murs), mais commençant
aussi à introduire des outils numériques. La pratique gagne nal qui comporte un nom – facilitation – et un adjectif – graphique.
le territoire australien. J’ai envie de dire que dans « facilitation graphique », graphique
5e mouvement – majorité autonome – années 2010 : est « seulement » le qualificatif. En quelque sorte, il n’a de sens
personnes qui apprennent ces pratiques par leurs propres que par le nom auquel il se rapporte.
moyens, à partir de livres et de vidéos publiés par les
praticiens des quatre vagues précédentes. La pratique Si j’insiste et décortique ainsi l’expression, c’est que je constate
gagne l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, le Moyen- une confusion entre l’outil et l’usage.
Orient, l’Inde, l’Afrique et l’Asie.
L’outil est le graphique (le visuel), l’usage est la facilitation (ce à
6e mouvement – à venir : les collaborateurs et innovateurs quoi sert le visuel).
traversent les frontières géographiques pour partager
les bonnes pratiques et faire évoluer cet art, tissant et Autrement dit, la facilitation est une posture globale d’accom-
incorporant la spiritualité et les sagesses indigènes dans les pagnement, quand le visuel est l’un des moyens existants, parmi
pratiques visuelles existantes, éveillant les consciences sur
l’évolution humaine. d’autres, pour faciliter.
Source : Kelvy Bird, Generative scribing, PI Press, 2018. Les facilitateurs utilisent de plus en plus des techniques et des ou-
tils visuels, pour leurs effets puissants sur un groupe. Ils prennent
alors une posture de facilitation graphique.

16 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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I M AG I N O N S …
Une discussion à laquelle vous participez tourne en rond. En ef- avoir essayé de visser avec ! Chaque outil a une raison d’être, un
fet, les personnes parlent du même sujet, mais n’arrivent pas à se usage pour lequel il est efficace et au-delà duquel il ne l’est plus.
comprendre. Leurs contributions se font à des niveaux différents1. Si vous utilisez un marteau pour faire autre chose que planter un
Intervenir et leur permettre de se rendre compte que leurs contri- clou, vous allez peut-être arriver à quelque chose, mais ce ne sera
butions ne s’opposent pas, mais alimentent une partie différente pas optimal, et vous risquez même d’être contre-productif. Et de
du sujet, est un acte de facilitation. Formaliser leurs contributions vous planter !
en les notant sur un tableau pour montrer que chacune d’elles L’enjeu avec ce client fut de placer la discussion au bon niveau
vient éclairer un aspect spécifique du sujet est un acte de facilita- – Quels sont vos objectifs ? Que voulez-vous obtenir ? Qui de-
tion graphique. Vous pouvez donc prendre le rôle de facilitateur vrait participer aux réflexions ? – pour pouvoir lui proposer une
sans avoir recours à l’usage de techniques visuelles. Cependant, approche et des techniques associées afin de répondre à ses
le fait de rendre les contributions visibles – par un visuel – permet problématiques.
d’apporter un repère fixe et physique autour duquel la suite de la
On est aussi hors du domaine de la facilitation quand on croise
discussion va pouvoir se développer.
un « facilitateur graphique » qui produit un visuel pour se faire
Voici une situation vécue qui met en évidence la nécessité de dis- plaisir. Il réalise certainement quelque chose de très appréciable
tinguer la posture de facilitation, des outils de facilitation. au niveau esthétique, en déployant toutes ses compétences
Un client fait appel à mes compétences de facilitation graphique ­techniques de formalisation. Cependant, sans conscience réelle
pour concevoir et animer un atelier de travail. Très vite, lors de de l’impact que produit son visuel, il n’est pas en train d’accompa-
notre premier échange, il me dit : « Attention, si c’est pour utiliser gner le groupe. Il n’est donc pas dans une posture de facilitation.
des Post-it, ça ne m’intéresse pas ! » Par conséquent, il n’est pas à proprement parler un facilitateur
Son exclamation est significative de la lassitude ressentie vis-à- graphique.
vis de certains outils. Outils qui, mal utilisés, dans une mauvaise Soyons clairs : le facilitateur graphique peut évidemment prendre
posture, ne sont pas efficaces et finissent par irriter ceux qui y du plaisir en effectuant son travail. Et je le lui souhaite ! Ce plaisir
sont exposés. ne doit pas uniquement se trouver dans la réalisation du visuel
Vous l’aurez noté, ce client me parle d’un outil quand il devrait mais plutôt dans l’effet produit par le visuel, pour les personnes
m’exposer ses enjeux et ses objectifs. En réalité, ce n’est pas à qu’il accompagne, et pour ce qu’il leur permet de faire dans leur
lui de choisir les outils, c’est à moi, facilitateur graphique, de les contexte.
lui proposer, en sélectionnant ceux qui accompagneront le plus
efficacement le groupe, en fonction du processus de travail.
Processus qui, à ce stade de la conversation, n’est évidemment
pas défini.
Mais, son vécu l’a amené à penser : « Le Post-it, ça ne sert à rien. »
Or c’est comme si on disait « Un marteau, ça ne sert à rien » après

1. Je vous renvoie sur ce point au Vantage point model théorisé par MG Taylor et
formalisé par Bryan Coffman (voir chapitre 3, Sélection de modèles pertinents en
facilitation).

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 17

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QUELQUES DÉFINITIONS DE LA FACILITATION

« La facilitation peut être vue comme un ensemble de


fonctions dynamiques qui sont exécutées avant, pendant et
après une rencontre pour aider un groupe à atteindre ses
objectifs. »
Source : Wikipédia.

« La facilitation, c’est aider les gens à mieux penser et


travailler ensemble quand ils sont nombreux et que la
situation est complexe. »
Source : définition partagée par Philippe Labat, auteur de l’ouvrage
Développer l’intelligence collective, Vuibert, 2019.

« La facilitation, c’est gérer l’énergie et la direction d’un


groupe hétérogène pour aider à créer de nouvelles
conversations sur de vieux sujets. »
Source : définition partagée par Dan Newman, auteur de l’ouvrage
From The Front Of The Room, Matter Group, 2015.

« La facilitation, ce n’est ni réussir, ni faire réussir de façon


directe, c’est l’art de créer des situations propices à la
réussite d’humains face à des enjeux forts. »
Source : définition partagée par Julien Goby, fondateur de Wild is
the Game®.

Le plaisir dans la seule réalisation est souvent source d’une re- « Faciliter c’est créer un contexte pour permettre un nouveau
type d’interactions. »
lation égotique à sa production. Or, cette relation a tendance à
Source : définition partagée par Philipe Coullomb, auteur de
enfermer la conscience. Alors que le déploiement de cette même l’ouvrage Collaboration by Design, Mané Huily, 2021.
conscience, en facilitation, doit se situer dans les interactions en
cours, dans leur accompagnement et nulle part ailleurs.

18 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Être facilitateur, c’est être capable d’intégrer l’ensemble du sys- C’est l’ensemble du système qui doit construire la solution. C’est
tème dans la réflexion : toutes les parties prenantes, quel que aussi le rôle du facilitateur de suggérer les personnes devant être
soit leur niveau d’implication, toutes les formes d’organisations impliquées dans la réflexion et de composer avec la réalité du
qui structurent et lient les parties prenantes, leurs trajectoires, contexte.
leurs liens et leurs évolutions… En effet, une solution ne peut être Dans la mesure où il est parfois impossible matériellement ou
acceptée par un système que si elle le prend en compte dans sa humainement de réunir l’ensemble du système, il est de la res-
globalité. ponsabilité du facilitateur d’imaginer des ressorts permettant de
Les organisations ont compris qu’un produit ou un service, même pallier ce manque.
élaborés avec les meilleurs experts, seront souvent bien plus per- Le facilitateur reconstitue alors un système représentatif de la
tinents s’ils ont été conçus avec l’utilisateur. C’est un des principes réalité et y opère pour développer et intégrer d’autres éléments
du design thinking : inclure l’utilisateur final dès les premières tels que l’objectif à atteindre, les livrables attendus, les sujets
phases de conception d’un produit ou d’un service. Il en est de de réflexion, les entrants pour alimenter les discussions, les sé-
même pour la transformation d’une organisation. Pour qu’une quences de travail et leurs enchaînements, les modalités d’inter-
nouvelle organisation ait la moindre chance de fonctionner effi- actions, les éléments logistiques…
cacement, il est nécessaire que les personnes qui la font vivre et
Le facilitateur doit avoir conscience des impacts d’un change-
celles qui en dépendent puissent faire partie de la réflexion lors
ment sur l’ensemble du système.
de son élaboration.

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 19

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Cette compréhension systémique – nécessaire et primordiale au Dans From The Front Of The Room2, Dan Newman parle du fa-
moment de la conception d’un processus de travail collaboratif – cilitateur comme de quelqu’un qui décide consciemment d’am-
doit bien évidemment se retrouver présente dans l’animation du plifier ou d’atténuer un signal, une information. Il prend donc en
processus qui a été imaginé. considération sa propre action sur le système qu’il accompagne
Le facilitateur travaille avec du vivant. Il est nécessaire pour lui comme faisant partie du système lui-même.
d’appréhender le système en jeu, ses interactions, existantes ou
manquantes, de générer, solliciter, créer, exploiter les boucles
d’interactions qui le composent. 2. Matter Group, 2015.

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I M AG I N O N S …
Vous facilitez un groupe de travail. Lors d’une discussion entre anime, garante de la bonne tenue des échanges. Avez-vous re-
participants, vous entendez un sujet potentiellement polémique. marqué que les participants ont tendance à vous parler à vous
Vous pouvez décider de le creuser ou de le contourner. Votre directement alors que les propos qu’ils tiennent s’adressent en
décision va donner à l’échange un tour radicalement différent. réalité aux autres participants ? C’est que, bien que vous affichiez
Votre choix doit donc être éclairé par le besoin du groupe. Si vous une certaine neutralité, vous faites partie du système, vous l’in-
décidez de ne pas intervenir, ce choix aura aussi son propre im- fluencez. Dès lors, vous pouvez choisir de prendre le rôle de la
pact. Le simple fait que vous soyez là, vous facilitateur, influence personne qui reçoit les contributions, parce que cela peut aider
le système. le groupe. Mais vous pouvez également choisir de vous sous-
Voici un autre exemple pour illustrer l’ensemble des aspects dont traire, même physiquement, à ce rôle. En n’étant plus en face des
le facilitateur doit être conscient. personnes, en quittant leur champ de vision, vous permettez alors
aux participants de s’adresser directement à leurs pairs. Votre
Vous avez peut-être été dans le rôle de celui qui anime une discus-
positionnement dans la salle a aussi une influence, un impact, sur
sion, une réunion, un atelier de travail. Avez-vous remarqué que
ce qui est en train de se produire.
votre rôle vous positionne dans un jeu d’interactions spécifiques
avec les participants ? Vous êtes identifié comme la personne qui

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 21

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Enfin, le facilitateur doit prendre en compte un certain nombre de de son évolution. Elle questionne également la manière de créer
modes de fonctionnement actifs entrant en jeu au sein du groupe ces espaces.
qu’il accompagne. Ce sont des modèles de comportement répé- La facilitation est la capacité à concevoir, et savoir animer, avec
titifs que les individus suivent inconsciemment. On parle aussi de cohérence, l’ensemble des étapes d’un travail de groupe, leurs
patterns comportementaux. enchaînements, leurs modalités propres.
Il arrive par exemple que, pour des raisons culturelles, les indivi- La facilitation permet de guider un groupe, de lui faire faire des
dus ne s’expriment pas ouvertement avant leur responsable hié- choix afin d’avancer vers son objectif de travail.
rarchique. Identifier que ce mode de comportement est à l’œuvre
Dans ce cadre et cette posture de facilitation, le choix et l’usage
permet au facilitateur de le contourner, d’en contrôler les effets
des techniques visuelles relèvent du terme de « facilitation gra-
sur la capacité du groupe à collaborer ou encore de l’utiliser.
phique ». Voici la définition que j’en donne :
POU R R É S U M E R La facilitation graphique est l’usage des visuels au service des
interactions pour soutenir un processus de travail.
La facilitation est la réflexion méta sur un système que l’on ac-
compagne (un groupe, son contexte, son objectif, les relations qui À travers cette définition, on comprend la place que prend le
le font vivre, etc.) et les actions menées sur ce système à partir visuel dans la facilitation graphique : celui de MOYEN permet-
de ce niveau de réflexion. La facilitation questionne les espaces tant de solliciter, stimuler, cadrer, soutenir, accompagner, des
– physique, intellectuel et émotionnel – nécessaires pour que ce échanges d’informations. Cette place précise est fondamen-
système s’exprime, se comprenne, ait conscience de lui-même et tale. Trop souvent, par ignorance de l’intérêt de la facilitation
graphique, ou par un positionnement égotique du facilitateur

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graphique, le visuel devient le résultat. Or, définitivement, le vi-
suel n’est ni l’objectif ni le résultat recherché. Autrement dit, le LA FACILITATION GRAPHIQUE LA FACILITATION GRAPHIQUE
N’EST PAS… EST…
visuel est un moyen au service d’un résultat. Il influence le type
ou le niveau de discussion. Et c’est ainsi que, développé avec la
… le recours à l’utilisation de
posture de facilitation, avec la conscience qu’il intègre le système
techniques visuelles (qui peuvent
(et, par voie de conséquence, l’influence), il peut contribuer à l’at- … du dessin.
inclure du dessin) pour faciliter
teinte de l’objectif du groupe. l’atteinte d’un objectif de travail.
Au regard de ces confusions, il me semble important d’envisager
… une posture faisant appel à de
également la facilitation graphique sous l’angle de ce qu’elle n’est
multiples compétences.
pas (voir tableau ci-contre). … un métier.
Certaines personnes se spécialisent
J’espère vous avoir donné un aperçu suffisamment éloquent de et en font leur métier.
ce qu’est la facilitation pour vous permettre de saisir le lien fort
qui l’unit à la facilitation graphique. … la possibilité de rendre visible
le sens des informations par leur
Si vous souhaitez aller plus loin dans l’exploration de la facili- agencement dans l’espace. Elle
tation, je vous recommande vivement la lecture des ouvrages en simplifie la compréhension, en
suivants : facilite l’appropriation et l’usage
… un rébus de dans la réflexion.
• Philippe Labat, Développer l’intelligence collective, Vuibert, pictogrammes.
Alors que l’assemblage de
2019 pictogrammes s’apparente à un
• Dan Newman, From The Front Of The Room, Matter Group, rébus. Il impose, au cerveau de la
2015 personne qui l’observe, d’en décoder
le sens.
• Philippe Coullomb et Charles Collingwood-Boots, Collabo-
… le recours, dans une intention de
ration by Design, Mané Huily, 2021 facilitation, à certaines techniques
• Chris Peterson, Leaping the Abyss, Knowhere Pr, 1997 visuelles choisies en fonction d’un
objectif.
… le scribing ni le Le choix peut se porter sur du
mind mapping. scribing, du mind mapping (voir
chapitre 8) ou une autre technique
(voir chapitres 9 et 10), en
fonction du besoin, du contexte à
accompagner.
… une compréhension systémique
… l’usage de visuels. des sujets que l’on vient faciliter par
le recours à des techniques visuelles.

… une manière efficace d’avoir les


… une manière ludique bonnes discussions et les bons
d’attirer l’attention. échanges d’informations au sein
d’un groupe.

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 23

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Après cette présentation du lien entre facilitation et facilitation grimper ce pourcentage à 80 %4. Bien entendu, ces pourcentages
graphique, la question se pose d’elle-même : pourquoi et en quoi dépendent de la qualité du visuel et de la complémentarité des
l’usage des visuels facilite-t-il la compréhension d’un sujet ? messages (oraux et visuels). Une étude du Massachusetts Institute
Je vous l’explique maintenant. of Technology (MIT)5 montre que notre cerveau peut traiter des
images entières que l’œil n’a « aperçu » que 13 millisecondes.
Outre ces chiffres qui parlent d’eux-mêmes, je retiens trois raisons
Pourquoi recourir à l’usage des visuels ? majeures de recourir à l’usage des visuels dans le cadre de la faci-
Selon une étude réalisée par l’Institut Max Planck3, notre cerveau litation (graphique) : l’utilisation des visuels permet de faire appel à
analyse les visuels soixante mille fois plus vite que du texte. Le vi- une « vision repère », d’accéder à une « vision globale » et de créer
suel intervient également dans nos capacités de mémorisation : une « vision commune ».
notre cerveau retient 20 % de ce qui est dit (oral) et 30 % d’un
visuel utilisé seul. Le visuel combiné à la parole permet de faire 4. Source : le psychologue Jerome Bruner (New York University) cité par P. M.
Lester, dans « Syntactic Theory of Visual Communication », California State Univer-
sity, Fullerton, 2006.
3. Source : « Visual Perception: Psychophysics, Physiology and fMRI Studies », Max 5. Source : M. C. Potter, « Detecting meaning in RSVP at 13 ms per picture », Atten-
Planck Institute for Biological Cybernetics. tion, Perception and Psychophysics, 2014.

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Une vision repère Le visuel est utilisé ici comme support inclusif de l’information
Dans l’apprentissage, dans la transmission d’informations, dans puisqu’il propose les repères adaptés à des personnes aux profils
la communication, la pensée visuelle est sollicitée par l’usage hétérogènes.
d’images pour montrer, expliquer des idées ou des modèles Explorons un autre contexte dans lequel le visuel est utilisé cette
complexes. fois pour soutenir le processus d’appropriation d’un sujet. Et res-
Partons d’un exemple simple pour aborder cette notion de vision tons dans un exemple facile à appréhender, car nous y avons tous
repère : le bulletin météo télévisé. été confrontés : l’apprentissage de l’alphabet.
Que se passe-t-il lors d’un bulletin météo télévisé ? Le présenta- Pourquoi affiche-t-on un alphabet (visuel) dans les classes
teur vous parle tout en appuyant son discours par l’utilisation d’une maternelles ?
carte de France, affichée à l’écran. Vous allez écouter ce que dit le À ce moment de leur apprentissage, les enfants doivent faire l’as-
présentateur tout en cherchant, sur la carte (le visuel), les infor- sociation entre le nom de chaque lettre et les différents styles
mations qui vous concernent et vous intéressent. Si vous habitez d’écriture qui lui sont associés. Cet apprentissage est complexe
à Marseille, vous regarderez les températures qui y sont prévues, car il implique de faire le lien entre un concept abstrait et ses
peut-être aussi celles de Brest si vos parents y habitent ou encore différentes représentations. Le « A » (en capitales d’imprimerie)
de la Drôme si vous avez décidé d’y partir en vacances. Mais vous et le « a » (en script) ne se ressemblent pas graphiquement. Et si
ne regarderez pas les températures prévues à Strasbourg. Elles on ajoute les cursives majuscules et minuscules, le tout multiplié
seront néanmoins affichées, pour l’Alsacien, dont les intérêts dif- par vingt-six lettres, réalisez le nombre de formes à mémoriser et
fèrent des vôtres. à savoir nommer !

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 25

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L’apprentissage est favorisé par le nombre de liens que nous fai-
sons entre le nouveau contenu et les références dont nous dis- Une vision globale
posons déjà. Or les élèves n’ont pas tous les mêmes références Le repère fixe et physique évoqué précédemment a d’autant plus
et ne font pas les mêmes liens. Pour accompagner cette réalité, de sens et d’utilité s’il propose également une vision globale du
le professeur des écoles propose un repère visuel (l’alphabet af- sujet traité et des éléments qui le composent.
fiché au mur) autour duquel il multiplie les contextes d’appren-
tissage. Au gré des exercices, au moment qui lui est nécessaire, En effet, le cerveau humain ne fonctionne pas de façon linéaire6,
chaque élève peut se référer à l’alphabet affiché, créant ainsi, à mais par association d’idées. Il a une tendance naturelle à sau-
son rythme, les liens entre nom et formes des lettres, nécessaires ter d’une idée à une autre. De plus, les sujets que nous traitons
à son apprentissage. sont de plus en plus complexes. Ce sont des systèmes en soi, des
éléments qui s’influencent les uns les autres. Ils sont tout à la fois
Les élèves vont entendre les mêmes exemples, faire les mêmes imbriqués et codépendants au sein d’un enchevêtrement d’inter­
exercices, mais les connexions ne se feront pas forcément au actions et de possibilités.
même moment chez chacun. En revanche, la référence visuelle,
elle, reste identique. Les techniques et moyens de communication que nous utilisons ha-
bituellement pour décrire ces sujets, les partager et les explorer,
Le visuel représente dans ce cas un repère fixe, toujours acces- nous imposent de le faire de façon séquentielle ou linéaire (tex-
sible, dont l’ensemble va être intégré au fur et à mesure. En cela, tuellement ou oralement). Cela engendre nombre de diffi­cultés à
on peut dire que le visuel offre une vision repère. comprendre et à opérer dans la globalité du système. Il est alors
Si le visuel apparaît comme un outil puissant et nécessaire pour bon de se questionner sur les outils de réflexion et de communi-
l’apprentissage par les enfants d’un sujet complexe, pourquoi se- cation : ne serait-il pas judicieux de préférer l’usage de ceux qui
rait-ce différent pour l’adulte ? soutiennent et accompagnent le mode de fonctionnement naturel
En effet, nous retrouvons le même enjeu en milieu professionnel du cerveau plutôt que ceux qui viennent le contraindre ?
lorsque nous faisons une présentation devant un groupe. Pour Au risque de vous choquer, je l’avoue, j’adore PowerPoint ! C’est un
s’approprier le sujet, chaque personne de notre audience a be- des outils les plus visuels qui soit. En effet, il permet, sur une seule
soin de faire des liens en s’appuyant sur ses propres repères. diapositive, de rendre visible et accessible un système entier. C’est
Afficher l’image globale de notre sujet comme un repère fixe per- en cela un outil puissant pour faciliter la compréhension. Je ne m’at-
met à chacun de s’appuyer sur ses connaissances existantes. Lors tarderai pas sur les bons ou les mauvais usages de PowerPoint, ce
de notre présentation, chacun est en mesure, à l’aide du visuel, de n’est pas mon sujet. Cependant, je souhaite en faire mention, car
créer les liens qui lui sont nécessaires à l’appropriation du sujet. il permet de bien comprendre le rapport entre la vision globale (le
Le visuel, qui propose une vision de l’ensemble des informations, sujet systémique qu’on est en train de traiter) et la linéarité (des
est un repère fixe et physique dans lequel chacun peut se repérer informations) avec laquelle nous décrivons le sujet.
selon ses propres besoins. Le contenu est plus facilement appro- Gardons en tête que lors d’une présentation notre objectif pre-
priable et réutilisable par chacun. mier est de s’assurer de l’appropriation, par d’autres personnes,
d’un ensemble d’informations que nous maîtrisons.

6. Je ne vous cache pas que, pour ces raisons, l’exercice d’écriture de ce livre est
pour moi une épreuve !

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I M AG I N O N S … Par exemple : vous souvenez-vous du quatrième mouvement de
Que se passe-t-il pour votre auditoire lorsque vous recourez à un l’essor et du développement de la facilitation graphique à travers
diaporama PowerPoint ? le monde ? Non ? J’ai pourtant précisé cette information précé-
Sur la première diapositive, vous présentez des informations im- demment. Mais vous avez tourné les pages : vous n’avez plus sous
portantes, utiles pour la compréhension de la suite. Puis, vous les yeux ce point de repère. Heureusement, dans votre situation
passez à la diapositive suivante. de lecteur, vous êtes en capacité de revenir aisément en arrière
(en l’occurrence p. 16) ou de vous reporter au sommaire qui offre
D’un point de vue cognitif, vous proposez des points de repère et une vision globale du livre. Mais quand vous êtes face à un dia-
d’assimilation, mais vous les retirez (soustrayez à la vue) dès que porama, ce n’est pas vous qui faites défiler les diapositives. Et
vous passez à la diapositive suivante. Ces points de repère ne pourtant vous en auriez besoin.
sont donc plus accessibles pour votre auditoire. Or il en a besoin
pour s’approprier le système que vous êtes en train de décrire. Lorsque c’est vous qui faites la présentation, vous êtes expert
Plus vous passez de diapositives, plus vous demandez à ceux qui du sujet que vous exposez. En tant qu’expert, vous savez vous
vous écoutent de mémoriser des points de repère que vous faites orienter au sein du système que vous avez à décrire. Vous en
disparaître aussitôt. Vous ne leur offrez donc pas tous les outils connaissez les liens, les raccourcis, les pièges, les impasses, les
nécessaires à l’appropriation du sujet. points d’entrée et de sortie, etc. Vous connaissez par cœur ce
labyrinthe !

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 27

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Présenter votre sujet de façon séquentielle et linéaire (par le Aussi, laissez-le à disposition alors que vous déroulez vos diapo-
simple usage des diapositives), c’est guider votre auditoire à tra- sitives. Il y a différentes façons de le faire : vous modélisez le sys-
vers le labyrinthe. Ce n’est pas mauvais en soi, vous êtes même tème et l’affichez dans la salle, ou vous l’imprimez et le distribuez
prolixe en informations, à chaque intersection vous décrivez les afin que les participants puissent l’annoter, ou encore vous leur
différentes options et leurs issues. Vous faites votre travail de imprimez votre présentation, ils auront alors toute la liberté de
guide. Mais, une fois seuls dans le labyrinthe, ceux qui vous ont faire les allers-retours qui leur sont nécessaires.
écouté sont-ils capables de s’y retrouver sans l’aide du guide, Le visuel a un impact majeur sur leur capacité à s’orienter seuls,
sans le fil d’Ariane que vous étiez pour eux ? car il leur donne une vision globale du labyrinthe. En leur offrant
Le propos de votre présentation n’est-il pas de transmettre des cet outil, vous leur permettez de parcourir et d’explorer le dédale,
informations, c’est-à-dire de vous assurer qu’elles sont reçues de s’y repérer de façon autonome et consciente.
ET intégrées ? De permettre à vos interlocuteurs de gagner en En proposant un visuel de l’ensemble d’un système, vous per-
connaissance et en autonomie sur le sujet ? mettez à vos interlocuteurs d’accéder à une vision globale. Elle
Ce dont vos interlocuteurs ont besoin, c’est de vos explications, leur donne les moyens d’embrasser le tout et de voir comment
mais aussi et surtout d’une carte du labyrinthe. Cette carte, c’est chaque élément s’y insère et interagit avec les autres. Vous met-
le visuel ! tez ainsi à leur disposition un outil puissant d’appropriation et
d’autonomisation.

28 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Cette vision globale peut s’appliquer à l’échelle d’une discussion, dernier est une composition de différents aspects : son éducation,
rendant ainsi accessibles toutes les informations déjà partagées. ses expériences passées, sa personnalité, son identité, son état
La vision globale appliquée à chaque séquence d’un atelier de physiologique, la somme des cultures de tous les groupes aux-
travail génère une vision globale d’ordre supérieur que l’on nom- quels elle appartient, en bref, tout ce qui la caractérise. Quand
mera « vision panoramique », pour le spectre étendu des sujets cette personne participe à la discussion, elle va répondre, non
qu’elle rend accessibles. pas à ce que vous dites, mais à la résonance que ce que vous
venez de dire a eue chez elle. Son « oui » par exemple pourrait
vous faire croire qu’elle a compris ce que vous venez de dire. Or,
Une vision commune
en réalité, son « oui » signifie uniquement : « OK, ça résonne chez
Outre une vision repère et une vision globale, le visuel permet moi. »
également d’atteindre une vision commune. Il est un support pour On se croit alors aligné. On l’est effectivement sur des mots, mais
aligner les compréhensions. Il augmente la capacité à collaborer. pas sur notre compréhension réelle, parce qu’on n’a pas aligné
Lors d’une discussion, à chaque moment de partage de l’informa- nos modèles de pensées (ou pas vérifié que nos modèles de pen-
tion, d’écoute et de réflexion, des divergences de compréhension sées étaient alignés).
sont présentes. Le recours au visuel permet de « rendre objet » la discussion, de
Lorsqu’une personne reçoit de l’information, elle va la traiter à créer un modèle commun de réflexion. Ce support partagé est le
partir de son propre prisme, de son propre modèle mental. Ce moyen de s’aligner sur une vision commune.

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 29

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I M AG I N ON S … C’est parce qu’il propose un support pour dénouer les incompré-
Vous êtes au restaurant avec un ami et vous discutez. Vous consta- hensions que le visuel permet d’arriver à une vision commune, en-
tez que vous ne semblez pas vous comprendre. Pour vérifier, vous jeu premier d’une collaboration.
prenez un crayon et, sur le coin de la nappe en papier, vous faites Pour étendre mon propos au monde du travail, je vous livre le
un gribouillis. Vous « visualisez » ce que vous avez compris dans le témoignage d’un ancien stagiaire de mes formations. Il s’agit
discours de l’autre. Or, à la vue de votre gribouillis, votre ami vous d’un responsable grands comptes d’une entreprise de moteurs
dit : « Ah ! mais en fait, ce n’est pas ça que je voulais dire. » électriques. Il devait finaliser un contrat de vente pour rééqui-
Le gribouillis – le visuel – aura permis de dénouer la discussion. per tout le fret ferroviaire allemand. Pour clôturer le contrat, il
Vous aurez figé, rendu tangible ce que vous croyiez comprendre organise une réunion en Suisse. Autour de la table, il y a donc
dans le discours de l’autre. des Allemands, des Français et des Suisses ; parmi lesquels fi-
Le visuel aura permis à votre interlocuteur de reprendre, d’ajus- gurent différents profils professionnels : commerciaux, juristes,
ter, d’apporter des compléments pour vous expliquer mieux ce acheteurs, ingénieurs… Tout le monde parle en anglais (qui n’est
qu’il voulait vous dire. Et cet effet n’a rien à voir avec vos compé- la langue maternelle de personne). Je vous laisse imaginer les
tences en dessin ni avec l’esthétisme du « gribouillis ». différences de modèles mentaux en présence et la complexité qui
en découle !

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Ils achoppent sur un point : il est question de comprendre l’impact C’est sur la base de ce visuel qu’une compréhension commune a
d’une « défaillance endémique » sur la couverture contractuelle. émergé, permettant de finaliser très rapidement le contrat. Le
L’enjeu est de taille, le contrat pèse des millions d’euros. Il est visuel a non seulement dénoué la conversation, mais également
absolument nécessaire de qualifier au plus juste cette « défail- permis de créer une vision commune.
lance », sinon le contrat serait trop fragile pour pouvoir être signé. Pour la petite histoire, ce responsable grands comptes m’a confié
Le temps passe, chacun essaye d’expliquer sa vision de la « dé- que, grâce à l’usage du visuel, le regard du client et la relation
faillance endémique » en question. Ils ne parviennent pas à se qu’ils entretiennent ont également changé.
mettre d’accord. Le directeur grands comptes repense alors à ce Utiliser un visuel permet d’« objectiver » le sujet discuté, de le
qu’il a appris en formation. Il se lève et dessine ce qu’il comprend rendre « objet ». Ainsi, au cours de la discussion, ce ne sont pas
du sujet. Par son dessin, il rend tangible sa pensée et permet aux des systèmes de pensées qui sont mis en cause, c’est l’objet lui-
autres de la valider ou de l’ajuster. même. Le sujet devient donc plus facilement manipulable et sa
représentation visuelle s’enrichit au gré des échanges, devenant
ainsi une vision commune.

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 31

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POU R R É S U M E R • Dans un tel système, le tout est supérieur à la somme des parties
Les visuels jouent un rôle important dans l’apprentissage, la mé- le constituant.
morisation, l’appropriation des sujets et la capacité à créer de • Il y existe des groupes de composants capables de s’auto-­
nouveaux modèles. organiser et dotés de propriétés émergentes (autopoïèse).
On a recours aux visuels car ils permettent, en rendant acces- • Les éléments et les sous-ensembles de ce système sont liés les
sible le système global, de faire appel à une vision repère, d’ac- uns aux autres par des principes de rétroactions, si bien qu’il
céder à une vision globale et de construire une vision commune. n’est pas possible de déterminer les causes à l’origine d’un effet
Par la vision repère, le visuel permet à chacun de s’appuyer sur (équifinalité).
des repères fixes et de construire ainsi un raisonnement ou des • La réaction du système n’est pas prédictible. Le seul moyen de la
liens de compréhension. connaître est de faire l’expérience avec le système ou avec une
Par la vision globale, le visuel permet de faire des allers-retours représentation réduite de celui-ci.
entre un élément du système et son intégration dans l’ensemble • La forme du système est variable et se transforme en agissant.
du système. Suivant ces principes, un groupe de personnes, dans un travail
Par la représentation visuelle d’un sujet, une base tangible est de réflexion et de conception, est un système complexe. En consi-
créée pour permettre la construction d’une vision commune. Elle dérant le monde actuel sous l’angle de VUCA7, on comprend
est nécessaire à toute collaboration fructueuse. ­l’importance, pour les entreprises, de savoir prendre en compte la
La nature du visuel, la manière de le construire et de l’organiser complexité et de jouer avec elle.
auront un impact sur la capacité de ses utilisateurs à recourir à La facilitation graphique permet de clarifier la compréhension d’un
ces trois visions : repère, globale et commune. système complexe en matérialisant les liens, les interactions, et en
formalisant les concepts et notions invisibles qui le composent et
Section III, Techniques l’influencent.
Reposons maintenant la définition :
La facilitation graphique est l’usage des visuels au service des
Précisions et clarifications ­interactions pour soutenir un processus de travail.
J’ai expliqué ce que j’entendais par « facilitation », puis éclairci com-
À propos de « complexité »… ment l’usage des visuels vient optimiser nos modes de partage, de
compréhension et d’appropriation des informations.
Les systèmes vivants et les systèmes sociaux sont des exemples de
complexité. Ce ne sont pas les seules notions à poser clairement dès ce pre-
mier chapitre. En effet, dans cet ouvrage, je vais régulièrement re-
Si l’on regarde simplement dans Wikipédia, la complexité y est dé- venir à des termes clés en lien avec la facilitation. Je vous livre ici
crite comme « ce qui caractérise le comportement d’un système dont la façon dont il convient de les comprendre pour appréhender au
les composants interagissent localement et de façon non linéaire. plus juste les chapitres à venir.
Cela se traduit par un comportement difficilement prédictible ».
Pour compléter cette définition, voici quelques principes de la pen-
sée systémique et la théorie des systèmes pour définir les systèmes 7. Acronyme de volatility (volatilité), uncertainty (incertitude), complexity (complexi-
complexes. té) et ambiguity (ambiguïté).

32 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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« Objectif de travail » Un atelier se divise en plusieurs séquences qui peuvent être les
suivantes : cadrer la raison d’être de l’atelier, partager un input
Je vais fréquemment parler d’« objectif de travail ». C’est en effet
(données entrantes), récolter les réactions, identifier les actions
la première raison pour laquelle nous, facilitateurs graphiques,
à prendre, les prioriser et décider du plan d’action. Ceci est un
accompagnons un groupe : en facilitant, nous aidons le groupe à
exemple de séquençage simple qui, selon les sujets, pourra se
atteindre l’objectif qu’il s’est fixé.
complexifier davantage : la séquence peut parfois être elle-même
Ce terme va recouvrir deux réalités qu’il vous faut savoir distin- découpée en plusieurs « phases ».
guer. La première est l’objectif général du groupe qui travaille.
Tous les mots en gras sont autant de possibilités de séquences
Cet objectif répond aux questions : « Pourquoi ce groupe se réu-
avec chacune un objectif propre. Chaque objectif donne lieu à
nit-il ? », « Qu’est-ce que le groupe cherche à accomplir à l’issue
un processus de travail pour lequel vous, facilitateur graphique,
de ce temps de travail ? » L’objectif général peut être l’objectif de
vous poserez la question : « Quelle technique visuelle est la plus
la réunion, l’objectif du séminaire, l’objectif de l’atelier…
appropriée pour cette séquence ? »
La deuxième réalité du terme est l’« objectif de la séquence de
C’est à l’objectif de la séquence que je ferai référence dans les
travail ».
chapitres suivants.

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 33

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« Contexte » Lors de votre intervention de facilitateur graphique, vous devez
intégrer les informations relatives à tous ces niveaux de contexte.
Tout comme pour l’objectif, il y a plusieurs niveaux de contexte
Vous êtes ainsi capable d’accueillir chaque nouvelle informa-
dont il faut prendre conscience. Ils vont eux aussi permettre
tion et de comprendre son niveau d’impact sur l’ensemble des
d’opérer des choix d’animation.
dimensions de l’atelier (objectifs, participants, sujets, séquences,
Il y a d’abord le contexte général dans lequel évolue l’organisation entrants…).
qui est accompagnée. Il s’agit du contexte au sein de cette orga-
nisation : ses directions et orientations, ses projets, sa stratégie…
« Processus de travail »
Il y a ensuite le contexte de l’atelier de travail, en lien avec le
contexte général de l’entreprise : à quel moment intervient-il, Je vais également souvent utiliser le terme de « processus de tra-
pourquoi, dans quel(s) but(s)… ? vail ». Il désigne la suite d’activités qui permet à chaque séquence
Il y a encore le contexte de l’intervention du facilitateur gra- d’être effective.
phique : ses moments d’intervention dans la temporalité de Comme je l’ai précisé dans mes explications sur l’objectif de tra-
l’atelier. vail, une séquence peut exister en tant que telle ou se découper
Et enfin, il y a le contexte spatiotemporel et logistique dans lequel en plusieurs phases : introduction, explication des consignes de
les actions du facilitateur graphique prennent place. travail, constitution des sous-groupes, lancement des travaux en
sous-groupes, formalisation, restitution.

34 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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À chacune de ces phases correspond un processus de travail plus appropriés pour faciliter le processus de travail propre à la
propre : séquence ou à la phase.
• l’introduction permet de partager le cadre et l’intention ;
• l’explication des consignes clarifie le mode opératoire et le « Posture et intention »
mode de réflexion à venir ;
La « posture » est inhérente à votre rôle de facilitateur : c’est l’état
• la constitution des sous-groupes répartit de façon consciente d’esprit fixe à partir duquel vous opérez. Je l’ai détaillée dans le
les participants et les oriente ; premier paragraphe de cette introduction.
• le lancement des travaux en sous-groupes amorce la discus- L’« intention » émane de la posture, mais de façon contextualisée.
sion et les échanges ; Elle est l’élan avec lequel vous agissez dans un objectif de facilita-
• la formalisation prépare et organise les éléments à restituer ; tion. L’intention se définit dans la conscience du (des) contexte(s),
• la restitution est la mise en commun, et en perspective, des de l’objectif, du processus de travail et de l’environnement hu-
contributions de chaque sous-groupe. main dans lequel vous intervenez (les relations interpersonnelles,
émotionnelles… que vit le groupe).
Lors de chaque séquence, ou lors de chaque phase de la sé-
quence, vous vous interrogerez sur le visuel ou la technique les

CHAPITRE 1 | Facilitation et facilitation graphique 35

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« Techniques et outils » Il est donc important de vous focaliser sur les principes fonda-
mentaux de la facilitation graphique, c’est-à-dire (et à redire !) :
La technique est la manière d’utiliser des outils pour mettre en
l’impact que les visuels peuvent produire pour permettre d’aller
œuvre et réaliser un visuel.
plus loin dans les réflexions, de partager et de se comprendre
Les outils sont l’ensemble du matériel qui permet de créer une mieux, de collaborer plus efficacement.
trace visuelle. Ils peuvent être physiques et/ou digitaux.
Vous l’avez compris, au-delà de l’effet « Waouh ! », c’est l’effet
Le visuel, une fois produit, devient à son tour un outil de facilitation. « Mais oui ! » qui est recherché. L’effet « Waouh ! » relève du vernis
Vous trouverez une description des techniques de facilitation et de l’esthétisme quand l’effet « Mais oui ! » relève du contenu et
graphique ainsi que l’état d’esprit et les compétences à dévelop- de sa compréhension. L’effet « Waouh ! » est subjectif et ne garan-
per pour les utiliser dans la section III de cet ouvrage. tit pas la pertinence du visuel. L’effet « Mais oui ! » est la consé-
quence visible de l’efficacité du visuel dans un objectif de travail.
Section III, Techniques
On pourrait encore dire que l’effet « Waouh ! » déclenche une
réaction d’admiration (pour le visuel, pour celui qui le produit)
quand l’effet « Mais oui ! » mixe l’enthousiasme à l’idée d’avoir
« Compétence versus métier » compris et l’engagement dans le processus qui en découle.
Dans cet ouvrage, j’aborde la facilitation graphique comme une Alors, pour vous permettre de déclencher, entre autres, cet effet
posture à partir de laquelle mettre en œuvre différentes compé- « Mais oui ! » sur les groupes que vous accompagnez, commen-
tences et différentes techniques (usages d’outils), afin d’utiliser çons par explorer la façon dont les visuels impactent la pensée.
la puissance des visuels pour améliorer l’efficacité d’un processus
de travail.
La facilitation graphique est pertinente chaque fois qu’il y a né-
cessité de collaborer. Vous pouvez développer les compétences
qu’elle réclame, sans pour autant décider d’en faire votre métier.
L’objet de cet ouvrage est de vous les rendre compréhensibles et
accessibles dans un objectif de facilitation.
Au même titre qu’il n’est pas concevable de limiter la facilitation
à de l’animation, ou de limiter la collaboration à du brainstorming,
la facilitation graphique ne peut être réduite à sa partie ludique,
à l’effet « Waouh ! » qu’elle peut produire.
Certes, cet effet existe. Mais le propos premier de la facilitation
graphique n’est pas de capter l’attention d’un public, ni de créer
une animation qui change de l’ordinaire, ni de proposer un as-
pect ludique. Rester sur ces aspects mène à un cul-de-sac. Que
restera-­t-il lorsque l’effet de mode sera passé, lorsque la pratique
sera archiconnue, lorsque l’effet « Waouh ! » sera dissipé ?

36 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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L’usage des visuels et leurs intérêts
Pour être partagées, transmises, comprises, les informations ont
besoin d’être structurées. Structurer les informations permet de
se projeter dans une prise de décision et dans l’action.
Dans leur transmission, l’écriture a joué, et joue encore, un rôle
essentiel. Les visuels viennent compléter l’écrit. Ils permettent en
outre de rendre compte et d’appréhender des informations plus
nombreuses.
Les visuels contribuent à capitaliser et transmettre les informa-
tions depuis la nuit des temps. J’en prends pour illustration les
cartes permettant aux navigateurs de formaliser leurs voyages,

CHAPITRE 2 - POUR DES VISUELS QUI FACILITENT


leurs explorations et leurs découvertes. Ces outils visuels servent
CHAP ITR E 2 également de repères pour les futurs déplacements. Ils aident à
appréhender les territoires, préparer et anticiper les excursions
à venir.

Pour des
Ces cartes nous servent chaque jour pour décrire des lieux, des
itinéraires. Elles nous permettent de nous repérer, de nous orien-
ter, de prendre du recul, de considérer des options, de décider,

visuels qui
de nous engager et de faire demi-tour si nécessaire.

Comprendre et interpréter la réalité grâce aux

facilitent
visuels
Lorsqu’on considère la capacité des visuels à rendre compte et
la possibilité d’interprétation des informations qu’ils offrent, on
comprend l’intérêt qu’ils représentent pour toute personne cher-
chant à comprendre. Au sens large, les visuels permettent de
faire un état des lieux.
Différents visuels donnent l’occasion de mettre en jeu plusieurs
entrées et variables, de montrer des proportions, des relations
entre divers éléments. Ils peuvent aller du simple graphique de
type camembert, histogramme, nuage de points, etc., à des re-
présentations plus complexes comme des cartographies de sys-
tèmes (humains, informatiques, mécaniques…).
Les graphiques et les cartographies aident à comprendre et in-
terpréter une masse de données. Simplement écrites ou listées

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dans un tableur, elles seraient plus difficilement interprétables,

© Slavomir Valigursky/AdobeStock
voire incompréhensibles, dans leur globalité. Traduites en un vi-
suel, elles se révèlent, notamment parce qu’elles s’appuient sur
une représentation qui n’est plus une succession d’informations
mais une version agrégée, compréhensible et interprétable.
Les visuels permettent de comprendre des ensembles, des rela-
tions, des influences, des variations…

© 88 studio/AdobeStock
Concevoir avec des visuels
La compréhension induite par les visuels est une base pour faire
des hypothèses, orienter des choix, prendre des décisions.

© corepics/AdobeStock
Les visuels sont des prototypes pour rendre tangibles des pos-
sibles, pour anticiper, tester, comprendre, arbitrer, choisir.
Dans la conception de produits ou d’interfaces, il est courant
de passer par des phases de prototypage, qui démarrent dès
les brouillons dessinés à main levée, les croquis, se prolongent
par d’autres formalisations allant du découpage-collage aux

38 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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maquettes physiques s’approchant de plus en plus du produit fini.
À chacune de ces étapes, c’est un support visuel qui permet de se
projeter et de se poser des questions de conception.

© Atstock Productions/AdobeStock
On retrouve ces principes d’usage (de prototype dessiné ou ma-
quetté) dans des métiers comme l’architecture, l’automobile, le
génie civil, l’ingénierie…
Dans ces situations, le visuel est également un support pour
toutes les parties prenantes du projet, jusqu’aux utilisateurs fi-
naux. En leur soumettant le prototype, on les engage, on les
incite à se projeter, réagir et interagir. Le résultat de ces interac-
tions vient influencer, préciser, orienter la suite de la conception.

Transmettre par les visuels


Au sein d’une entreprise, l’usage des visuels est d’autant plus
important lorsqu’il s’agit de communiquer des informations com-
plexes d’une unité à une autre, d’un métier à l’autre.
Dans notre exemple de prototypage, une fois les réactions prises
en compte, elles sont implémentées dans la maquette, dans un

© DC Studio/AdobeStock
nouveau prototype, afin de transmettre la vision de l’objet et de
son ingénierie aux différentes personnes qui auront à contribuer
à sa réalisation.
Le visuel est alors une référence commune, un support de
dialogue entre les différentes parties prenantes d’une organisa-
tion (de l’ingénierie à la production, en passant par la commer-
cialisation, le marketing…). Les visuels sont ensuite déclinés en
plans d’exécution puis présentés à des focus group. Ils servent
aussi d’illustration pour des supports de communication et de
commercialisation.
En termes de transmission, des outils visuels sont également uti-

© Ngampol/AdobeStock
lisés pour la gestion de projet, l’organisation et la coordination
des différents contributeurs. Je pense notamment aux visuels que
sont les diagrammes de Pert ou Gantt…
L’usage des visuels permet d’accompagner, de soutenir, de faci-
liter d’autres champs, comme celui de la collaboration : du par-
tage d’une intention et du cadre de réflexion, à la création d’une

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 39

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compréhension commune de la situation et d’une vision partagée vaut mille mots, c’est qu’il est aussi interprétable de mille façons
de l’objectif ; de l’exploration des possibles à l’alignement sur la différentes !
manière de s’y prendre et à la conception d’un plan d’action. Il faut donc oublier cette croyance, accepter qu’un visuel sera
Chacune de ces phases va pouvoir bénéficier d’outils visuels. interprété, puis utiliser ces interprétations comme des déclen-
cheurs de dialogue et d’échange.
Un dessin vaut mille mots ! Encore une fois, en facilitation graphique, le visuel est un moyen
et non un objectif.
Cet adage est connu et compris par tous, a priori… car il a aussi
Il nous appartient donc de garder en mémoire que les visuels
un sens caché.
vont être interprétés et vont avoir un effet sur nos réflexions.
Il est communément utilisé pour souligner l’importance des
images, leur capacité à exprimer de nombreuses notions. En un
seul dessin, il est effectivement possible de représenter un sujet Impact du visuel sur la pensée et le cerveau
qui, à l’écrit, nécessiterait de longues lignes de description. « Un Pour aborder ce sujet, partons d’une expérience que nous avons
dessin vaut mille mots ! » signifie donc, dans l’acception courante, tous vécue. Elle illustre l’impact que peuvent avoir les visuels sur
que le dessin remplace le « blabla ». notre façon de penser.
Or, ce n’est pas juste, ou tout du moins c’est incomplet. En effet, Dans un roman, l’histoire, les personnages, les décors et l’intrigue
il est erroné de croire que remplacer un long texte par un des- sont décrits avec des mots. À la lecture, le cerveau suit cette
sin suffit à assurer une compréhension claire. Car, si un dessin description et se construit une représentation mentale. Plus la

40 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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description est détaillée, plus notre cerveau a de points d’appui. Ce phénomène s’explique par le fait que le cerveau imagine et
Cependant, même lorsque les détails sont nombreux, une marge conçoit une représentation sur la base de ce qu’il a déjà expéri-
d’interprétation demeure. menté. Il réceptionne les informations et les traite en sollicitant
Dans un film tiré de ce roman, les interprétations sont décidées ses expériences précédentes, en tissant des liens de correspon-
par le réalisateur. Elles ne correspondent pas à celles faites lors dance avec ce qui lui est connu.
de notre lecture. Le réalisateur propose, voire impose, une for- Après avoir vu un film adapté d’un roman, le cerveau est res-
malisation du livre. Chacun a déjà vécu le décalage entre ce qu’il treint dans sa capacité à imaginer autre chose. Lorsqu’on prend
avait imaginé en lisant et l’incarnation proposée par les images conscience de cet impact des visuels sur la pensée, il devient im-
de l’adaptation cinématographique. portant de le considérer pour pouvoir le solliciter ou le modé-
Maintenant, évoquons la lecture d’un roman après avoir vu son rer lors de l’usage de techniques visuelles, en fonction de l’effet
adaptation en film. recherché.
Les images qui nous viennent lors de la lecture sont fortement Ce phénomène nous intéresse donc directement parce qu’il va
suggérées par celles du film. Il est en effet très compliqué de faire nous permettre de questionner le type de visuel que nous forma-
abstraction des images vues pour s’en inventer d’autres. lisons et proposons.

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 41

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I M AG I N ON S … Prenons le cas d’une phase de divergence.
Un facilitateur graphique accompagne la discussion d’un groupe ré- Pour plus de précisions sur ce concept, vous pouvez vous référer au
fléchissant à un nouveau business model. Pour faciliter la discussion, modèle de « divergence-convergence » détaillé dans le chapitre 3.
il capture en temps réel les messages clés et les cartographie face
aux participants. Lors de cette discussion, le sujet de « surface de Chapitre 3, Modèles utilisables en design d’atelier
vente » est évoqué. Le facilitateur sait que c’est un point à retenir et à
formaliser. Il lui trouve une place dans son visuel et le formalise ainsi : C’est une phase où l’objectif est d’explorer les possibles, de créer
et générer des idées, d’émettre des hypothèses. Lors de cette
phase, l’intention n’est surtout pas de brider les idées.
Or, si dans cette phase il est question de « surface de vente »
sans autre précision, la formalisation qui vient d’être faite a po-
tentiellement « tué des idées ». Comme le réalisateur d’un film,
le facilitateur vient d’imposer une représentation particulière et
personnelle de la « surface de vente », d’orienter et de limiter la
réflexion du groupe.
Dans une phase de divergence, il faut éviter que la réflexion des
participants ne soit orientée.
Le principe de « surface de vente » doit être compris très large-
ment comme une « surface de contact avec les prospects ». À ce
stade du processus de travail, le type de surface n’est pas spéci-
fié. Il est donc contre-productif de lui donner une formalisation
précise. Il reste néanmoins nécessaire de formaliser ce point.
Il sera alors préférable de représenter le principe de « surface de
Au premier regard, cela peut sembler correct. Mais notre facili- vente » comme ceci :
tateur graphique vient potentiellement de créer un biais dans la
discussion, biais qui peut être préjudiciable pour le groupe et sa
réflexion. Et pourtant, cette représentation paraît anodine.
Pourquoi la représentation d’une surface de vente peut-elle por-
ter préjudice à la discussion alors que ce sont les participants
eux-mêmes qui l’ont évoquée ?
Revenons à la définition de la facilitation graphique : l’usage des
visuels au service des interactions pour soutenir un processus de
travail.
Nous savons que la représentation faite de la surface de vente a
un impact sur la pensée des individus. Cet impact soutient-il ou
freine-t-il le processus de travail en cours ?

42 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Pause-expérience
Je vous propose de prendre quelques instants pour faire un exer-
cice : répondez à la question suivante et notez vos réponses.

Les participants resteront ainsi libres d’interpréter et de pour- J’ai proposé ici un cadre à remplir. L’usage de ce canevas visuel
suivre la divergence. En effet, une formalisation générique laisse (ou template) a un impact non négligeable sur la pensée.
la porte ouverte à diverses interprétations : un magasin de proxi- En voyant trois cases, le cerveau a en effet identifié qu’il fallait
mité, une grande surface en zone d’activité commerciale, un site fournir trois informations. Il s’est donc forcé à trouver une troi-
internet, un camion qui se déplace de ville en ville, un réseau de sième réponse s’il n’en avait identifié que deux et il a arrêté ses
vente à domicile… recherches lorsqu’il en a sélectionné trois. Pourtant, la consigne
Au contraire, lors d’une phase de convergence où il s’agit d’élimi- ne spécifie pas de limite, ni inférieure ni supérieure.
ner des options, de préciser la pensée, le choix d’une représen- En proposant trois espaces à remplir, j’ai donc fortement impacté
tation plus spécifique sera favorable, en accord avec la pensée votre réflexion.
du groupe.
Nous retiendrons donc que proposer une structure finie et délimi-
On constate bien dans cet exemple comment le mode de repré- tée sous forme de canevas va orienter fortement les réflexions et
sentation visuelle impacte la réflexion. Il convient donc de veiller les discussions. Encore une fois, ce type d’impact doit être connu
à avoir conscience de cet impact pour faire des choix de repré- et consciemment utilisé.
sentation qui facilitent le travail du groupe.

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 43

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La branche vide
Il est possible d’inciter un groupe à pousser plus loin sa réflexion. Il suffira de tirer une branche laissée volontairement vide.
En accompagnant et soutenant une discussion avec la technique Cet acte peut paraître anodin, mais il invite les participants à
du mind mapping. aller chercher le sujet qui correspond à cette branche. De plus,
l’emplacement de cette nouvelle branche dans la cartographie
Chapitre 8, Techniques de cartographie en temps réel
va influencer l’angle et le sujet qu’ils vont creuser.

Dans cette configuration, le groupe Dans cette configuration, le groupe


va être invité à identifier un nouvel angle du sujet de discussion. va être invité à approfondir un sujet existant.

44 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Choix pair ou impair ? Choix propre ou influencé
Pour que les personnes se positionnent de façon tranchée, il est Voici un autre impact visuel qui est loin d’être anodin en facilitation.
préférable de choisir un nombre d’options de réponses pair plu- Pour faire voter un groupe sur des idées, il est d’usage de distribuer
tôt qu’impair. En effet, avec deux ou quatre options, il n’y a pas de des gommettes pour que les participants les placent sur les idées
choix médian. La personne qui répond à la question est obligée qu’ils souhaitent sélectionner.
de se prononcer d’un côté ou de l’autre. Avec trois ou cinq possi- Si les personnes font leurs votes au fur et à mesure, en les rendant
bilités de réponses, si le répondant a le sentiment de prendre des visibles par le collage de gommettes, les premiers votes ont de
risques, il aura tendance à se positionner sur la réponse médiane fortes chances d’influencer les votes suivants, et ce d’autant plus
et donc à ne pas « se positionner réellement ». si les votes sont regroupés sur les mêmes idées. En effet, dans ces
Lorsqu’on demande à un groupe de classer des informations sur conditions, il peut être plus difficile de voter pour une autre idée
une matrice de quatre cases, les participants sont « forcés », ou car cela reviendrait à afficher ouvertement un choix contradictoire.
plus enclins, à avoir les discussions qui leur permettent d’arbitrer Il est alors plus facilitant de demander aux personnes de repérer
et de se positionner. individuellement les idées qu’elles souhaitent sélectionner puis de
En revanche, sur une matrice de neuf cases, il est plus facile pour voter toutes en même temps.
eux d’« éviter » les discussions qui fâchent en plaçant les informa-
tions sur les cases médianes.

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 45

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Pour approfondir les notions abordées précédemment : Cela peut paraître loin de la pratique du dessin ou de l’aspect
technique de construction d’un visuel. Or cela nous intéresse au
• canevas (templates) : conceptions et usages, Chapitre 10,
plus haut point puisque notre intention première est de rendre
Techniques mixtes et autres techniques visuelles ;
lisible et compréhensible le visuel que nous proposons.
• modèles : natures et usages, Chapitre 2, Pour des visuels qui
facilitent ; La théorie de la Gestalt part des postulats suivants :
• exemples de modèles, Chapitre 3, Sélection de modèles per- • premier principe : le tout est perçu avant les parties le for-
tinents en facilitation ; mant. Autrement dit : l’ensemble prime sur les éléments qui le
• mind mapping : Chapitre 8, Techniques de cartographie en composent ;
temps réel. • deuxième principe : la structuration des formes ne se fait pas
au hasard, mais selon certaines lois dites « naturelles » et qui
Pour clore ce développement traitant de l’impact des visuels sur s’imposent à une personne lorsqu’elle perçoit.
le cerveau, il convient d’aborder les principes de la Gestalt.
Voici une expérience : Que voyez-vous ici ?
Image globale et Gestalt
La Gestaltpsychologie ou psychologie de la forme naît au début
du xxe siècle, en Allemagne, à la croisée des recherches en phi-
losophie et en psychologie. Le philosophe Franz Brentano (1838-
1917) en est le précurseur. Son élève, Christian von Ehrenfels,
publie « Über Gestaltqualitäten », un article dans lequel il énonce
une loi fondatrice de la théorie de la Gestalt : « Le tout est supé-
rieur à la somme des parties. »
Il observe que nous avons tendance à retenir la mélodie d’une
musique comme un ensemble structuré de notes musicales et non
comme une juxtaposition et succession de notes unitaires et sé-
parées. Il explique que dans l’acte de perception nous ne consi-
dérons pas une somme de détails, mais que nous percevons des
ensembles, des structures signifiantes, qui font sens pour nous.
C’est ce qu’il appelle Über Gestalt, soit des « formes globales »
ou « formes supérieures ». Elles sont le traitement et l’assemblage
des détails en un ensemble cohérent.
Il pose ainsi les prémices théoriques de la notion de « forme ».
Les lois de la Gestalt décrivent comment notre cerveau perçoit
les formes. En comprenant l’impact de ces principes, on les uti-
lise pour appuyer une intention de facilitation, au moment de la
conception des visuels, ainsi que dans la façon d’organiser les
informations dans l’espace.

46 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Vous avez vu un dalmatien ? En réalité, ce n’est qu’un ensemble C’est par cette même loi qu’un carré apparaît dans l’image
de formes noires. suivante.
Vous venez d’expérimenter la loi principale de la Gestalt : la loi
de la bonne forme.
Cette première loi expose le principe suivant : un ensemble de
parties informes (comme des groupements aléatoires de points)
tend à être perçu d’abord comme une forme.
Cela signifie que le cerveau cherche automatiquement à recons-
tituer un groupe d’éléments dissociés et à les assembler en une
forme qui fait sens pour lui. C’est ce que la Gestalt nomme « la
bonne forme ».

Le carré apparaît avant même les points noirs situés derrière.


Ces points noirs sont perçus comme tels mais chacun d’eux n’est
en réalité qu’un assemblage de formes noires distinctes.
Pourquoi ? Parce que le cerveau part de la vision d’ensemble
avant d’aller interpréter les détails.
En facilitation graphique, c’est cette loi que nous mettons à profit
en plaçant les informations dans l’espace de manière à ce qu’une
structure générale s’en dégage et porte le sens des informations
qui la composent. Et cela bien entendu dans le but de permettre
à notre audience de prendre du recul et d’atteindre son objectif
de travail.
Voyons ensemble certaines lois qui découlent de cette première
loi principale de « la bonne forme ». Elles vont particulièrement
nous intéresser en facilitation graphique.

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 47

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 47 07/03/2023 18:10


Elle nous dit que des points rapprochés tendent à être perçus Cette loi affirme que nous regroupons les choses sous forme de
d’abord dans une continuité, comme des prolongements les uns figures fermées ou complètes. Nous ne les voyons pas comme des
par rapport aux autres. figures ouvertes. Par conséquent, nous avons tendance à ignorer
les discontinuités et à nous concentrer sur la forme générale.

Lorsqu’on crée un visuel, cette loi permet de réaliser des formes


qui ne sont pas fermées mais qui restent interprétées comme
étant fermées. Elle a été utilisée pour encadrer la cartographie
d’information ci-dessous, réalisée en temps réel.

En facilitation graphique, c’est cette loi que l’on convoque lorsqu’on


utilise des pointillés, pour signifier un lien subtil par exemple.

48 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Nous avons tendance à voir comme un groupe les points rappro- Si la distance ne permet pas de regrouper les éléments, le cer-
chés les uns des autres. veau va s’attacher à repérer les éléments similaires pour perce-
En facilitation graphique, on retrouve l’usage de cette loi dans la voir une forme.
façon de gérer les espaces, et notamment lorsque l’on écrit. Pour cette raison, nous avons tendance à voir ici des lignes par
association de formes communes plutôt que des colonnes qui
comporteraient une alternance de formes.
Sans forcément retracer ou voir une forme, on associe ou relie les
éléments similaires entre eux.
En facilitation graphique, on utilise cette loi dans l’usage des cou-
leurs et des formes. Nous aborderons cet aspect plus précisé-
ment avec la notion de « grammaire visuelle ».

Chapitre 7, Compétences de formalisation


Ces différentes formes sont … ce qui n’est plus le cas ici,
perçues comme faisant partie où nous voyons trois groupes
d’un même groupe… distincts

Lorsqu’elles sont disposées proches l’une de l’autre, le cerveau


interprète les deux notions comme une seule.
En travaillant les espaces, séparant les différents blocs de texte,
nous permettons au cerveau de les interpréter comme des groupes
séparés et donc comme des informations séparées.

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 49

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Voici ci-dessous un exemple de l’impact de la couleur pour illus- Dans l’exemple ci-dessous, la loi de similarité n’est pas exploitée.
trer cette loi. L’interprétation est donc aléatoire alors qu’elle pourrait servir la
compréhension. Aussi est-il important d’utiliser les couleurs des
Post-it pour exploiter cette loi de similarité et apporter du sens.

La loi de la proximité nous fait penser que la niche présentée ici


appartient au chien qui est assis à côté.

Dans cet exemple, la loi de la similarité nous fait comprendre que la


niche est en fait celle du chien de gauche puisque la gamelle et le
collier sont orange tous les deux.

Crédit photo : Camille Picot


Un autre principe découle de cette loi de similarité. C’est le prin-
cipe de point focal ou d’emphase. Par la loi de similarité, le cer- Comme dans l’illustration suivante, où ce qui est différent attire
veau ayant tendance à assembler des éléments similaires, l’œil l’œil et crée un lien visuel entre les Post-it de même couleur ou
va être attiré par ce qui est différent. comportant le même graphisme.

50 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Allez, avant de conclure ce paragraphe et juste pour le
plaisir : Que voyez-vous ici ?

Le cerveau a tendance à percevoir les formes les plus familières


ou les plus significatives pour lui.
Par exemple, il interprète ces trois points comme étant un feu de
circulation tricolore.

Dans ce cas, le cerveau fait référence aux expériences vécues et


les sollicite. Cette interprétation est en premier lieu individuelle.
Cependant, elle peut être collective lorsqu’il s’agit de vécus par-
tagés et donc de culture.
Dans cet autre exemple et avec notre culture, l’usage de ces deux
couleurs peut influencer la perception, ou influencer un choix s’il
s’agit de sélectionner l’un des scénarios.

.............................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.............................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.............................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.............................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Si rien n’apparaît, laissez-moi vous montrer quelque chose…

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 51

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Parce qu’on lui a montré une cohérence dans un
ensemble, le cerveau l’a enregistrée. Cela veut dire
que, face à la même image (revoir la page précé-
dente), le cerveau la reconnaît automatiquement :
il se réfère à l’expérience vécue et suit la loi de « la
bonne forme ».
En facilitation graphique, donner et créer du sens
est ce que nous cherchons à faire en rendant vi-
sibles des informations pour les personnes que
nous accompagnons. La forme donnée à un visuel
doit révéler les patterns ou les structures d’infor-
mations, même si celles-ci semblent à première vue
disparates.
Pour résumer et conclure, ces lois de la Gestalt sont
celles à partir desquelles notre cerveau interprète
les visuels.
Puisque la facilitation graphique est l’usage des vi-
suels au service des interactions, nous comprenons
mieux comment les choix de représentation et de
structuration vont impacter les interprétations et
réflexions individuelles et, par conséquent, les inter-
actions au sein du groupe.

Chapitre 7, Notions de vocabulaire graphique et


de grammaire visuelle

Les modèles : natures et importance pour


la pensée
S’il est une notion centrale à intégrer en facilitation
graphique, c’est la notion de modèle. Un modèle est
une référence autorisant différents usages. Il peut
être un archétype, un idéal, un exemplaire et ser-
vir d’objectif à atteindre. Il peut également être un
moule, une forme, une empreinte, une matrice, un
patron qui permet de reproduire. Il peut encore être
un étalon, un gabarit, un calibre et servir de me-
sure et d’évaluation. Enfin, il peut être un prototype,

52 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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un spécimen pour rendre une idée palpable en lui donnant une d’observer leur nature et les modèles qui s’en dégagent. Voici des
forme. exemples de situations : toutes les contributions sont positives ; une
Un modèle est défini par un ensemble de caractéristiques qui seule est négative ; certaines parlent de processus de travail et
­varient selon le sujet. d’autres de valeurs ; les nouveaux sujets sont toujours amenés par
la même personne ; des personnes sont restées silencieuses…
En facilitation graphique, nous considérons trois types de mo-
dèles de natures spécifiques. Ce que l’on observe ici relève des faits avant qu’ils ne soient
interprétés.
• Les modèles perçus : ensembles de caractéristiques issues de
la perception de la réalité. La nature « perçue » des faits ne demeure pas longtemps dans
cette forme originelle. En effet, ils sont rapidement travestis par
• Les modèles mentaux : ensembles de références issues de nos
l’interprétation que nous en faisons. Cette interprétation peut être
expériences directes et indirectes.
inconsciente et intervenir de façon si rapide que la nature réelle
• Les modèles objets : ensembles de caractéristiques formali- des faits n’est même plus perceptible.
sées, servant de support aux échanges et à la réflexion.
Comprendre leur nature et la façon dont ils s’influencent les uns Chapitre 3, The Ladder of Inference
les autres est la clé de la facilitation graphique. Celle-ci nous ser-
vira dans la manière d’aborder une situation et ses informations, L’expérience proposée par Edward Adelson en 1995, appelée
mais aussi dans la façon de les traiter, de formaliser un visuel et Checker Shadow9 ou « échiquier d’Adelson », permet d’expérimen-
de l’utiliser. ter ce travestissement. Cette expérience est d’autant plus « vio-
lente » que, même après avoir obtenu la solution, notre cerveau
Les modèles perçus refuse d’y croire. Ce refus révèle la puissance de l’interprétation
Il s’agit de l’ensemble des informations perçues avant interpréta- et la dominance qu’elle peut exercer sur la perception.
tion. Ces informations « perçues » ne sont pas encore traitées, ni Nous savons par expérience, et ce savoir n’a jamais été contre-
déformées, ni même catégorisées ou interprétées. Elles se rap- dit, que les cases d’un échiquier sont une alternance de couleurs
prochent donc le plus de la réalité objective. Cependant, elles noires et blanches. Les deux cases proposées à la comparaison,
restent dépendantes de notre capacité à les percevoir et à en dans l’expérience d’Adelson, appartiennent pour l’une à la caté-
avoir conscience8. Il est intéressant de remarquer la façon dont gorie des cases blanches et pour l’autre à la catégorie des cases
elles sont organisées. Leur agencement peut présenter certaines noires. C’est pour cette raison qu’il est « évident » pour notre cer-
caractéristiques : organisation par catégorie, organisation avec veau qu’une des cases est plus foncée que l’autre.
un schéma récurrent (algorithmique) et, par opposition, organi- La perception originelle, à savoir la teinte de la case, est transfor-
sation avec dissonance, ou même organisation chaotique. mée et interprétée à l’aune de ce que notre cerveau connaît et a
expérimenté auparavant.
I M AG I N O N S …
L’interprétation met en jeu un autre type de modèles, les modèles
On demande à une équipe d’apporter son avis sur son mode d’or- mentaux.
ganisation. Chacun parle et contribue à la discussion. Sans juger de
la pertinence ou du sens des contributions, il peut être intéressant

8. À ce sujet, voir David McCandless, The Visual Miscellaneum, Collins Design, 9. Je vous invite à observer cette expérience sur l’une des nombreuses vidéos dis-
2009, p. 104-105. ponibles sur Internet.

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 53

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Les modèles mentaux percevoir et de comprendre le monde, dans notre façon de choi-
Le cerveau fonctionne par association d’idées, se référant aux sir et de décider et dans notre façon d’agir. C’est à travers eux
expériences vécues et aux connaissances acquises directement que nous influençons le monde.
et indirectement. Cet ensemble de repères lui permet d’inter- S’ils nous aident à l’interpréter et à le comprendre, ils biaisent
préter les signaux qu’il reçoit au travers des cinq sens. L’individu également notre réflexion. Ils sont à la fois très utiles, et même
développe et met à jour ces repères. Ils constituent ses modèles ­nécessaires, mais ils sont également limitants. Prendre conscience
mentaux. Ils sont construits par notre éducation, nos expériences, des modèles mentaux par lesquels nous opérons permet de véri-
nos apprentissages, nos lectures, nos rencontres. Ils sont nos « sa- fier que la limitation qu’ils nous imposent est acceptable et que
voirs », nos croyances, nos peurs, nos ambitions, nos représenta- ces modèles sont utiles dans la situation que nous avons à gérer.
tions, nos valeurs, nos certitudes… Il devient alors possible de chercher, de développer ou de choisir,
En cela, ils sont les prismes au travers desquels nous lisons le un autre modèle de réflexion.
monde, l’interprétons, le comprenons. Ils sont à l’origine de notre Les modèles objets
représentation du monde et vont influencer notre façon d’agir et
d’interagir avec lui. Parmi la diversité des modèles objets, nous privilégions les
modèles visuels en facilitation graphique. Ils donnent à voir et
Dans le livre Stratégie Modèle Mental10, les auteurs évoquent dif- à considérer les éléments d’un sujet et leurs relations. Ils four-
férents niveaux de modèles. nissent une représentation de la dynamique possible du sujet.
Voilà ce que j’en retiens : Ils comprennent des acteurs, des périmètres, des liens, des anno-
• le niveau individuel concerne les apprentissages et les expé- tations et un titre.
riences propres ; • Les acteurs : ils représentent des éléments du système à re-
• le niveau collectif contient deux niveaux : le niveau groupe et le présenter. Il ne s’agit pas exclusivement de personnes mais
niveau sociétal ; également d’objets, d’outils, de processus, d’organisations, de
• le niveau groupe procède des valeurs, modes de pensées, com- structures ou de sujets plus abstraits tels que les sentiments,
portements, véhiculés et portés par les groupes dont nous fai- les concepts…
sons partie (familles, amis, équipes, associations, entreprises, • Les périmètres : ils peuvent bien sûr être des limites géogra-
groupes de supporters, corporations…) ; phiques mais aussi des regroupements de sens, des zones d’in-
• le niveau sociétal concerne les modèles culturels plus généraux. fluence, d’action, de pouvoir…
Exemples de modèles mentaux sociétaux : la Terre appartient • Les liens : ils caractérisent les relations existantes entre les ac-
à l’Homme, l’Homme est supérieur à l’animal, l’Homme n’est teurs, entre les périmètres, et entre les acteurs et les périmètres.
pas un animal, l’avenir est basé sur une croissance économique • Les annotations : elles rendent explicites les éléments repré-
continue, les ressources fossiles sont renouvelables… sentés, elles les caractérisent, elles permettent de limiter leur
À chaque instant, nous traitons les informations que nous per- interprétation et de clarifier leur transmission.
cevons au travers d’une imbrication de ces niveaux de modèles • Le titre : il indique le sujet représenté mais aussi l’angle par
mentaux. Répétons-le : ils nous influencent dans notre façon de lequel il est considéré dans cette représentation.
Les modèles visuels servent de référence pour alimenter une ré-
10. Philippe Silberzahn et Béatrice Rousset, Stratégie Modèle Mental : cracker enfin
le code des organisations pour les remettre en mouvement, Diateino, 2019.
flexion en creusant ou en proposant un nouvel angle. Ils permettent

54 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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de faire l’audit d’une situation pour mieux la comprendre, de for- Le premier modèle, concept fondateur de l’analyse transaction-
maliser une idée dans le but de l’explorer et/ou de la tester. nelle, concerne « les états du moi ». Il pose trois composantes
Véritable outil, le modèle visuel permet de transmettre un point principales de la personnalité à travers lesquelles l’individu va
de vue, une compréhension, une expertise. Il rend palpables des communiquer avec les autres : le parent, l’adulte et l’enfant. Ce
sujets abstraits et complexes. Il permet d’en proposer une repré- sont trois postures, trois prismes. L’individu va traiter et réagir à
sentation stable, qui constitue un support de réflexion. Ces ré- une situation à travers l’une de ces trois postures.
flexions pourront faire évoluer à la fois les modèles mentaux, le Le deuxième modèle est celui du « triangle de Karpman12 », aussi
modèle visuel lui-même et les sujets en jeu. connu sous le nom de « triangle dramatique ». Il met en corres-
pondance trois rôles que peuvent incarner des personnes dans
Chapitre 1, Vision commune une relation : le rôle du persécuteur, le rôle de la victime et le rôle
du sauveur.
Comprendre l’influence de chacun de ces types de modèles sur
Au cours d’une même discussion, les individus sont susceptibles
les autres permet de mieux opérer avec les techniques de facili-
de changer de rôle.
tation graphique, dans leur mise en œuvre et dans leurs usages.
Connaître ces modèles permet d’identifier, dans une situation
Les modèles mentaux permettent de traiter les modèles perçus,
réelle, les postures qu’ils décrivent lorsqu’elles sont prises par l’un
de décider et d’agir. Les modèles visuels permettent d’évaluer et
ou l’autre des protagonistes. Il est alors possible d’intervenir de
d’explorer différemment les modèles perçus, mais aussi de parta-
manière adéquate pour rétablir une communication constructive.
ger et de transmettre des modèles mentaux, de les questionner,
de les influencer, de les mettre à jour11.
Dans le chapitre suivant nous aborderons d’autres modèles pou-
vant s’avérer utiles en facilitation graphique.

Puissances et risques des modèles


Nous venons de l’exposer : les modèles donnent une grille de lec-
ture pour explorer une situation, la comprendre et agir sur elle.
Bien qu’ils soient une aide à l’interprétation, ils impliquent un
biais d’observation loin d’être anodin.
Si le modèle porte en lui la puissance de proposer un angle de
vue, il présente simultanément le risque de faire abstraction des
autres points de vue.
Prenons l’exemple de deux modèles appartenant à l’analyse tran-
sactionnelle. Cette dernière est une approche de théorisation de
la personnalité et des rapports sociaux. Elle a été formalisée en
1952 par Éric Berne, médecin psychiatre et psychanalyste.

11. Vous pouvez aller plus loin dans ces notions d’influence en vous référant au mo-
dèle des trois chats de MG Taylor (Three Cat Model). 12. Proposé en 1968 par Stephen Karpman dans l’article « Fairy Tales and Script
https://legacy.mgtaylor.com/mgtaylor/glasbead/3catmod.htm Drama Analysis ».

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 55

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56 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Ces modèles peuvent tous deux être appliqués à une même situa-
tion mais ils n’en révèlent pas les mêmes aspects. Ils proposent des
angles différents pour observer une même réalité.
Lorsque nous utilisons un modèle, prendre la part de réalité qu’il
nous révèle comme étant LA réalité est un véritable risque. Cela
reviendrait à oublier qu’il n’est qu’une représentation, qui nous fait
penser de manière figée, alors que la réalité est plus complexe
voire changeante. Nous sommes tentés de « figer et arrêter » notre
perception de la réalité dans un format fixe (le modèle) bien trop
subjectif. Les actions qui en découlent risquent d’être en décalage
par rapport au contexte dans lequel nous nous trouvons.
D’autres modèles sont extrêmement puissants mais tout aussi ris-
qués : les métaphores.

Arrêt sur un modèle particulier :


les métaphores
Il est un type de modèle qui facilite le passage et les allers- C’est par analogie que les raisonnements menés sur le plan
retours entre modèles mentaux, modèles observables et modèles métaphorique pourront s’appliquer à la réalité.
visuels : la métaphore.
La métaphore est donc une clé puissante pour comprendre et
En rhétorique, la métaphore consiste à désigner une chose par potentiellement agir sur la réalité.
une autre chose, qui lui ressemble ou qui partage avec elle une
Cependant, les risques induits par le choix d’une « mauvaise »
qualité essentielle.
métaphore sont à la hauteur des effets positifs que peut déclen-
L’intérêt de cet usage est d’explorer la réalité au travers d’une cher l’emploi d’une métaphore juste.
autre représentation. La métaphore permet de changer de plan
Aussi, son choix n’est pas anodin et requiert la plus grande vi-
de réflexion.
gilance. Il faut être familier avec le champ métaphorique choisi
Il en va de même pour la métaphore dite visuelle : représenter pour pouvoir explorer facilement la réalité par ce prisme.
une chose pour en évoquer une autre dont elle partage certains
Choisir une métaphore nécessite d’avoir exploré méticuleuse-
éléments, liens et principes.
ment le champ de pensée qu’elle peut induire pour éviter l’impact
Utiliser une métaphore visuelle permet d’aborder les réflexions qu’aurait une interprétation malheureuse. Par exemple, si vous
sur un plan qui n’est pas celui de la réalité. La ressemblance entre travaillez sur le plus gros projet jamais entrepris et qu’il doit in-
ces deux plans questionne la réalité depuis le plan métaphorique. clure l’ensemble de votre organisation, évitez de le comparer à un
Alors qu’il peut être coûteux et difficile de changer la réalité, il est paquebot. Même s’il n’est « pas facile de le gouverner » et même si
beaucoup plus simple de raisonner, de faire des hypothèses et de « tout le monde doit être à bord, sur le pont, embarqué… », cette
jouer avec elles sur un plan métaphorique, où la réalité n’est pas métaphore a une limite, celle de l’histoire du Titanic… Le destin de
impactée. celui-ci n’est pas ce que vous souhaitez pour votre projet !

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 57

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Expliquer et transmettre au travers d’une
métaphore
On peut également employer une métaphore pour parler d’un su-
jet, pour en simplifier l’accès ou un raisonnement associé. Après
avoir identifié les acteurs clés et leurs liens dans le sujet réel,
nous les conserverons et chercherons un autre domaine dans
lequel ces mêmes liens existent. Ce domaine devient le plan mé-
taphorique. On transposera alors les acteurs et on explorera les
analogies entre la métaphore et la réalité. Ces allers-retours sont
à faire pour identifier les correspondances entre les deux plans
pour les composantes du modèle (acteurs, liens et périmètres).
En procédant ainsi, on veillera à explorer les biais induits par la
métaphore et leurs impacts sur la compréhension de la réalité.
Cela permettra d’identifier les limites de la métaphore choisie.
On évitera ainsi l’usage de métaphores inappropriées et les in-
terprétations qui les accompagnent.
Lorsque la limite est trouvée et qu’elle ne sert pas notre propos,
elle nous invite à renouveler les trois étapes pour sélectionner
Explorer les modèles mentaux par la métaphore une métaphore mieux adaptée : identifier les acteurs et leurs
Lors d’un échange, une métaphore potentielle est repérable liens dans la réalité, identifier un champ métaphorique dans le-
lorsque notre interlocuteur emploie un mot emprunté au vocabu- quel ces mêmes liens existent et explorer le changement de plan
laire d’un autre univers, comme dans ce début de phrase : « Les entre réalité et métaphore.
fruits de ce projet… ». L’analogie peut être filée pour explorer la Lors de la recherche d’une métaphore, les biais de réflexion qui
conception que notre interlocuteur a du sujet. Il conviendra alors nous amènent à l’identifier tendent à nous faire croire qu’elle est
de poser des questions en utilisant les éléments de la métaphore LA métaphore idéale. Nous avons même tendance à chercher
et son champ lexical : « Quelles sont les racines du projet ? » ; « À des justifications, voire à tordre la réalité sans nous en aperce-
quelle étape du projet en est-on : le bourgeonnement, la floraison, voir, pour qu’elle s’imbrique parfaitement avec la métaphore ima-
avant l’éclosion ? » ; « Un greffon a-t-il été fait ou est-il nécessaire ? » ; ginée. Ce sont des biais de confirmation. C’est un comportement
« Qui va tailler et élaguer ? » ; « Quelle est la récolte attendue ? »… naturel. Pour y remédier, confronter son idée auprès de personnes
Pour faciliter l’exploration, il est conseillé de poser des questions n’ayant pas suivi les mêmes biais permet de se reposer des ques-
ouvertes afin que notre interlocuteur explore la métaphore par tions. Nous identifierons alors les petits arrangements faits avec
lui-même. S’il la conforte, l’utilise avec aisance et s’y réfère pour la réalité et reprendrons notre recherche en conséquence.
expliquer son projet, alors on pourra exploiter cette métaphore Après l’excitation d’avoir trouvé « LA » métaphore, cet exercice
visuellement. d’hygiène mentale peut sembler frustrant mais il est absolument
nécessaire.

58 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Moins nous tomberons amoureux de nos idées, plus elles seront Le choix d’une métaphore a des impacts sur le type de raisonne-
faciles à remettre en cause et plus nous développerons de flexibi- ment qu’elle induit, qu’elle autorise ou qu’elle limite. Les choix de
lité mentale pour en imaginer d’autres. formalisation ont des impacts similaires en influençant les ques-
tionnements et les raisonnements.
Structurer un visuel par une métaphore Prenons un exemple : nous choisissons la métaphore du pont
pour décrire un projet. Chacun imagine rapidement que les rives
Lorsqu’on explore une métaphore et qu’elle semble apporter des reliées par le pont peuvent représenter l’état de départ (ce que
facilités de compréhension et d’exploration, qu’elle ait émergé au nous savons faire, notre marché, l’état de l’organisation) et le
cours d’un échange ou qu’elle ait été choisie, d’autres précautions point d’arrivée (une nouvelle compétence, un nouveau territoire,
doivent être prises lors de sa formalisation visuelle. un nouveau marché…).
Mais qu’en est-il du choix de représentation du pont ?

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 59

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Un pont simple va montrer l’équilibre et la liaison. Un pont romain questionnera les différents niveaux de constructions
qui soutiennent les suivants, la durabilité de l’ouvrage…

Un pont suspendu va questionner ce que représentent les piles, leur Avec un pont à haubans, l’emplacement des piles, la forme des
nombre, leur positionnement mais aussi ce que représentent les suspentes et leur positionnement évoquent d’autres formes
suspentes principales, les suspentes verticales… d’organisation et d’architecture du projet réel.

Cet exemple souligne le lien et l’impact du modèle visuel sur les Il n’y a pas de limite dans le nombre de champs métaphoriques
modèles mentaux et observables. à explorer. Mais des limites réelles apparaissent dans ce que le
Avec les métaphores, le champ des possibles est vaste. Elles plan métaphorique choisi permet de comprendre, d’interpréter,
peuvent être choisies parmi les objets, les organisations et mé- d’explorer, de la réalité ou du sujet traité.
canismes, les êtres vivants, les organisations et systèmes vivants,
les croyances…
David Sibbet propose un classement de métaphores, des plus
inertes (un objet) aux plus complexes (les organisations et sys-
tèmes vivants et systèmes plus holistiques encore). Chacun de
ces groupes propose un autre niveau de complexité et d’appré-
hension du sujet. Les métaphores ne permettent donc pas les
mêmes considérations et réflexions.

60 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Limites et précautions dans la conception
et l’usage des modèles visuels
Qu’elles soient observables, mentales ou visuelles, toutes les re-
présentations sont subjectives et incomplètes. En effet, comme l’a
spécifié Alfred Korzybski13 : la carte n’est pas le territoire.
Cette affirmation est essentielle car elle marque précisément la
distinction entre la réalité et sa représentation. Cette dernière
n’est qu’un fragment de la réalité, faisant abstraction de nom-
breuses données et informations. Ces abstractions peuvent être
conscientes, comme lors d’un choix éditorial, mais également
inconscientes. représentation plus complète va permettre d’inclure, dans les ré-
flexions, un ensemble de composants influençant le sujet. Au mo-
Nous ne percevons pas l’ensemble de la réalité. La représenta-
ment de la conception, on ne cherchera donc pas à simplifier le
tion que nous allons produire en est donc tronquée. En effet, nous
sujet mais à en rendre accessible la complexité.
ne pouvons pas considérer et traiter les informations dont nous
n’avons pas conscience. Enfin, on retiendra que toute représenta- Concevoir la représentation d’un sujet implique d’en faire une
tion est une déformation de la réalité. abstraction, de couper sa réalité dans un sens, d’en « prélever » un
fragment pour le rendre accessible.
Cet état de fait est fondamental. Il implique plusieurs principes
que nous devrons intégrer en facilitation graphique, notamment Lors de cette conception, savoir qu’il est impossible de tout re-
au moment de la conception d’un visuel et de son usage. présenter nous invite à faire un choix réfléchi des éléments à sé-
lectionner. Lorsqu’il conçoit le visuel, le facilitateur graphique doit
être conscient des critères qui lui permettent de « discriminer » les
Conception de la carte informations.
Lors de la conception d’un modèle visuel, nous resterons conscients
de ses limites et garderons en tête l’impact qu’il peut avoir dans Chapitre 8, Sélectionner les informations
l’interprétation du sujet qu’il présente, dans la compréhension qu’il Chapitre 9, Focus sur la Vocation
propose et dans les réflexions qu’il engage.
Cette précaution est d’autant plus capitale que le sujet que nous On gardera en tête que les informations traitées ne représentent
avons à partager est complexe. Les personnes à qui nous le trans- qu’une partie de la réalité. Cela nous invite à relativiser la véraci-
mettons ont besoin d’en saisir les subtilités, pour faire des choix et té des cartes et des visuels que nous produisons.
prendre des décisions pertinentes. Un modèle simplifiant le sujet De plus, lorsque nous traitons de l’information, nous le faisons à
va tendre vers des pensées simplistes, car ce type de représenta- travers notre éducation, notre expérience, nos représentations
tion fait abstraction de la complexité du sujet. En revanche, une du monde. Notre subjectivité et les abstractions inhérentes au
processus de conception du visuel nous invitent à questionner
13. Auteur de Science and Sanity: an Introduction to Non-Aristotelian Systems and
l’usage que nous en faisons.
General Semantics (Institute of General Semantics, 1995) et fondateur de la séman-
tique générale.

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 61

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Usage de la carte
Conscients de l’ensemble des biais de conception, nous nous en-
gageons à éviter de tomber dans une approche manipulatoire
de nos interlocuteurs. Dans une posture de facilitation, il est de
notre responsabilité de créer les meilleures conditions pour per-
mettre d’ajuster, de contrebalancer ces biais.
Avant tout, nous porterons à la conscience de nos interlocuteurs
l’angle par lequel nous avons opéré une coupe sur la réalité. Puis,
parmi les informations révélées par cet angle, nous clarifierons
le cadre des informations que nous avons décidé de traiter. Ces
éléments (angle et cadre) peuvent être véhiculés par un titre et
un sous-titre. Y ajouter une explication orale se révèle particuliè-
rement efficace.
Ainsi, nos interlocuteurs prennent conscience du point de vue de-
puis lequel nous avons réalisé le visuel.
Présenter le visuel comme une proposition donne l’occasion à nos
interlocuteurs de comprendre que notre production n’est pas une
injonction, ni un produit fini, ni la réalité. Il doit en effet être perçu
comme le point de départ d’une réflexion à laquelle les interlo-
cuteurs vont contribuer, un point d’appui vers une compréhension
commune.
Enfin, puisque le visuel produit est issu de notre interprétation
personnelle, créer un espace d’échanges avec nos interlocuteurs
leur permet d’exprimer leurs propres interprétations, de donner
une autre compréhension du sujet traité. Cet espace de dialogue
est la pierre angulaire de l’appropriation, par chacun, du sujet
présenté. Devenu constructif, le dialogue donne lieu à l’émer-
gence d’une compréhension commune.

USAGE APPROPRIÉ
BIAIS DE CONCEPTION
DE LA PRODUCTION

Impossibilité de tout représenter Rendre conscient l’angle de vue

Impossibilité d’avoir accès à


Présenter une proposition
toutes les informations
Interprétation au travers de nos
Créer un espace d’échange
propres représentations

62 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Du point de vue de la facilitation, nous retrouvons ici l’intérêt de
faire collaborer les différentes parties prenantes du système, car
ZO NE DE RÉ FLEXIVITÉ
leurs contributions viennent l’éclairer sous de nouveaux angles.
La somme de ces points de vue permet de comprendre le sys- Prenez le temps d’identifier et de noter ici les points de ce
tème en s’approchant au plus près de la réalité. chapitre qui vous semblent clés.

Chapitre 1, Origines et définition

Pour « en finir » avec les modèles !


L’existence des modèles nous permet de percevoir, de traiter la
réalité et d’opérer sur elle. Chacun d’eux reste une façon spéci-
fique de voir cette réalité, de l’aborder, de la considérer.
Grâce à eux nous pouvons prendre du recul, décrypter, explorer,
conscientiser des parties de la réalité, d’une situation, d’un sujet.
C’est là toute leur puissance.
Les modèles offrent une certaine facilité pour aborder un sujet,
mais, de façon concomitante, ils créent des angles morts, des
points aveugles, des zones qui échappent à la conscience lors-
qu’elles empruntent l’angle de vue proposé par le modèle.
Le modèle doit être considéré comme un outil, avec ses limites et
ses usages appropriés.
Dans ce sens, nous développerons une culture des modèles, joue-
rons à en prendre conscience, à les rendre explicites et à en culti-
ver la diversité pour les choisir et les adapter au contexte et à
l’objectif poursuivi.
Cette culture sera d’autant plus utile en facilitation graphique
que nous allons avoir à opérer dans une variété quasi infinie de
contextes et d’objectifs.
Lors de la conception d’un modèle, nous garderons à l’esprit qu’il
nous permet de transmettre comme il nous permet d’interpré-
ter. Le choix des représentations est donc primordial : de lui, dé-
pendent des interprétations et des usages.

CHAPITRE 2 | Pour des visuels qui facilitent 63

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 63 07/03/2023 18:10


CHAPITRE 3 - SÉLECTION DE MODÈLES PERTINENTS EN FACILITATION

C HAP ITR E 3

Sélection La notion de modèle est centrale. Formaliser les concepts en un


modèle objet permet de créer un outil de transmission, un sup-
port d’évaluation, de questionnement et de partage.

de modèles Dans ce chapitre, je vous livre un recueil, loin d’être exhaustif, de


modèles qui m’ont été utiles dans la découverte et l’apprentis-
sage de la facilitation graphique. Ces modèles sont de natures

pertinents en diverses et recouvrent des réalités différentes. Puissent-ils vous


offrir de nouveaux regards sur le monde !

facilitation

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 64 07/03/2023 18:10


Modèles utilisables en design d’atelier Cet écart crée une tension, appelée « tension créative ». Elle
invite à chercher des solutions pour réduire le décalage entre
la situation et la vision qu’on en a. Des réflexions peuvent alors
Creating the Problem s’orienter vers une évolution des conditions ou une diminution des
ambitions induites par la vision.
Ce modèle, issu du corpus méthodologique MG Taylor, décrit
l’écart fondamental expérimenté par toute organisation en trans-
formation. Pour être comblé, cet écart doit être rendu explicite.
Ce modèle fait également référence au modèle Creative Tension
de Robert Fritz.

Intérêt et usage
Le modèle Creating the Problem peut être utilisé pour auditer
une situation : quelle est la vision ? Comment est-elle comprise et
partagée ? En quoi est-elle en rupture par rapport à la situation
présente ? En quoi les conditions actuelles constituent une vision
partagée ? Comment sont-elles vécues par toutes les parties
prenantes ?
Il peut servir de référence pour concevoir les différentes sé-
quences d’un atelier de travail en révélant la tension créative et en
mettant les participants dans une dynamique de transformation.
Il peut également être utilisé pour cartographier les informations
d’une discussion. Partagées de manière spontanée, on les orga-
nisera en regroupant d’un côté celles faisant référence à l’état
actuel et, d’un autre, celles décrivant la vision. Ces deux zones
Inspiré du modèle Creating the Problem de MG Taylor
distinctes laissent apparaître, en creux, la tension créative.
© 1984, MG TAYLOR CORPORATION
Implicitement, les questions deviennent alors : comment rejoindre
Description la vision depuis la situation actuelle ? Quelles décisions prendre ?
Quelles actions mener ? Quelles étapes créer ? etc.
Le partage d’une vision (objectif à atteindre) est nécessaire à la
mise en mouvement d’une organisation. Mais il n’est pas suffisant.
La compréhension de l’état présent d’une situation, ainsi que ses
conditions (son contexte) sont également essentielles à partager.
Ce sont les différences entre la vision et les conditions présentes
qui rendent le problème tangible. Plus l’écart entre les conditions
de la situation et la vision est important, plus le problème est
perçu comme difficile.

CHAPITRE 3 | Sélection de modèles pertinents en facilitation 65

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La phase Focus est l’occasion de découvrir le problème sous diffé-
Scan-Focus-Act rents angles, par l’exploration de scénarios. Pas obligatoirement
réalistes, ces scénarios permettent de fractionner le problème,
de l’éclairer, d’en affiner la compréhension, de préciser les enjeux
en fonction des conditions, d’approfondir des pistes de solution,
d’identifier les points d’arbitrage nécessaires. Les pistes de solu-
tion sont d’autant plus riches que le décalage de pensée créé en
Scan a été important.
La phase Act est l’occasion pour le groupe de lever les dernières
résistances, de créer les conditions d’engagement, de clarifier la
nature des arbitrages pour que la solution puisse exister dans
la réalité de l’organisation. Il s’agit alors de prioriser, de créer
un plan d’action et de s’engager dans la mise en œuvre de la
© 1984, MG TALOR CORPORATION solution.

Intérêt et usage
Description Ce modèle est essentiel dans la conception d’une session de
travail. Connaître ses différentes phases donne des indications
Autre modèle important du corpus méthodologique MG Taylor,
sur la nature et la maturité des informations qui y sont parta-
formalisé en 1984, le modèle Scan-Focus-Act présente trois
gées. Lorsqu’on accompagne une séquence de travail avec des
phases clés, distinctes, d’un atelier de travail collaboratif. Ces
techniques visuelles, son appartenance à l’une de ces phases ap-
phases permettent aux membres d’un groupe d’interagir entre
porte des indications précieuses sur les informations à sélection-
eux et avec le sujet, de manière spécifique, afin que l’intelligence
ner et sur les choix de leur formalisation.
collective se déploie et œuvre à l’identification de solutions per-
tinentes et partagées.
La phase Scan ne se limite pas à une génération d’idées. Elle a
pour objectif de créer le groupe comme une entité supérieure
à l’ensemble des individus, d’établir l’état d’esprit, le niveau de
relation et de réflexion adéquat, de créer un terreau fertile
d’idées potentielles, conditions essentielles à l’émergence de
l’intelligence collective. On y retrouve les enjeux présentés par
le modèle Creating the Problem (partage d’une compréhension
commune de la vision et des conditions). Cette phase inclut éga-
lement des enjeux d’inspiration, d’exploration de sujets divers, de
pensées décalées, d’émergence de nouveaux modèles de pen-
sée. À ce stade, il n’est surtout pas question de répondre au pro-
blème ou de statuer sur des solutions.

66 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Ces notions de pensée divergente et convergente ont été forma-
Principes de divergence et de convergence lisées par le psychologue Joy Paul Guilford (1897-1987).
En design thinking, pour apporter une réponse créative à une
situation, ces phases sont utilisées deux fois de suite dans une
structure appelée « double diamant ».
La première séquence de divergence/convergence permet de
définir le véritable problème à résoudre. La divergence se base
sur une découverte par recherche et observation afin de com-
prendre en détail la situation, de ne pas laisser nos biais interpré-
ter trop vite les éléments (voir plus loin The Ladder of Inference).
Une fois la problématique posée correctement, une deuxième
séquence de divergence/convergence est menée pour créer la
solution à apporter. On retrouve ici les techniques d’idéation et
de sélection d’idées décrites plus haut.

Intérêt et usage
Lorsqu’on accompagne une séquence de travail, savoir que
celle-ci intervient pour alimenter une phase de divergence ou de
Description convergence est déterminant dans la manière de traiter l’infor-
mation. La formalisation (forme, attribut graphique et organisa-
Ce modèle, très connu des facilitateurs et designers d’ateliers de tion) ayant un impact sur la pensée, il est impératif de faire des
travail, met en exergue deux phases nécessaires à la créativité. choix qui accompagnent et soutiennent la phase en cours.
Pour qu’une solution soit « créative », c’est-à-dire qu’elle soit suffi-
samment décalée par rapport à ce que nous aurions pu imaginer Chapitre 2, Impact du visuel sur la pensée et le cerveau
sans ce processus de réflexion, on passera par une phase de di-
vergence puis une phase de convergence. Dans une phase de divergence de type brainstorming, nous cher-
Lors de la divergence, il n’y a pas de censure. Toutes les idées sont chons à créer des ouvertures. Noter uniquement des mots-clés
les bienvenues, même les plus farfelues, ce sont d’ailleurs elles qui peut aider parce qu’ils sont interprétables et créent donc des
vont permettre d’ouvrir des pans de réflexion inattendus. On ex- connexions avec des idées nouvelles.
plorera le sujet sous tous les angles possibles. Des techniques de Dans une phase de convergence, nous préférons éviter de réou-
créativité seront précieuses pour générer les idées (consultant vrir sur des pensées et interprétations. On notera l’information
virtuel, connexions forcées…). clé, à savoir le mot-clé et son contexte.
En phase de convergence, l’objectif n’est plus de générer des De même, lors de l’organisation des informations sur un visuel,
idées mais de les « discriminer », de les sélectionner, de les prio- il est intéressant de garder en tête qu’un classement soutient le
riser afin d’éliminer des options. Lors de cette phase, les critères processus de convergence alors qu’une organisation plus chao-
permettant d’affiner le champ des possibles sont primordiaux. tique favorise des connexions aléatoires. Ces dernières, propices
à de nouvelles idées, font l’objet d’une phase de divergence.

CHAPITRE 3 | Sélection de modèles pertinents en facilitation 67

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Business Model Canvas

Description
Créé par Alexander Osterwalder, ce modèle met en relation les Enfin, le modèle invite à comparer la structure de coût de l’affaire
principaux éléments à considérer lors de la conception d’un nou- au flux de revenu généré par les achats des clients.
veau modèle d’affaire.
Intérêt et usage
Il invite à explorer le système d’organisation à concevoir en arti-
culant une partie « distribution » et une partie « production » au- Utiliser ce modèle évite d’oublier un composant clé d’une affaire.
tour d’une proposition de valeur. Sa structure en canevas permet de garder une vue d’ensemble
tout en travaillant sur chacun des éléments.
La première partie présente le marché et les segments de clients
à qui s’adresse la proposition de valeur. Elle est complétée par Cependant, la présentation apparemment simple de ce canevas
les canaux de distribution qui vont permettre d’apporter la pro- cache une réalité plus complexe. En effet, chaque partie du sys-
position aux clients ainsi que les moyens de communication et de tème présente des spécificités et des relations avec les autres.
construction de la relation avec ces derniers. Pour concevoir un système cohérent, une réelle démarche et une
réflexion sur l’organisation du travail, à partir de ce canevas, sont
Dans la deuxième partie, le modèle invite à définir les activités et nécessaires. Le visuel, aussi pertinent et complet soit-il, ne suffit
ressources clés ainsi que les partenaires permettant de produire, pas. Il n’est qu’un moyen d’accompagner et de soutenir un pro-
de rendre accessible la proposition de valeur, de créer et d’entre- cessus de travail.
tenir la relation avec les clients.

68 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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mais elle doit également impliquer une posture de rôle modèle :
5 E’s of Education le contenu de la formation doit s’incarner dans la personne qui
l’encadre, dans son énergie, sa posture et sa manière de faire.
Voici une autre représentation visuelle, plus fluide, de ce modèle.
Elle invite à penser l’expérience (Experience) non comme un bloc
séparé des autres mais comme la membrane qui inclut l’ensemble
du processus d’apprentissage. Par exemple, considérer l’expé-
rience comme un exercice séparé de l’explication (Explain) dé-
grade grandement la force et l’impact de cette dernière.

© 1984, MG TAYLOR CORPORATION

Description
Voici un autre modèle de la méthodologie MG Taylor qui invite
à revisiter les approches traditionnelles de formation. Bien en-
tendu, on y retrouve des éléments fondamentaux tels que des
explications théoriques (Explain), des exemples (Exemplify) et
des mises en application (Experience). Combinés entre eux, ces
éléments conduisent l’apprenant à atteindre le niveau attendu.
Ce qui va créer une différence et lui permettre de dépasser les
attentes (Expect), c’est la place laissée à son exploration libre
(Explore). © 1984, MG TALOR CORPORATION
Notons quelques précisions concernant ce modèle et ses
composants.
Bien entendu, les attentes (Expect) doivent être définies en Intérêt et usage
amont. Mais au-delà de cette étape, le modèle n’impose pas un
Ce modèle est relativement simple à comprendre et à utiliser. On
ordre précis dans l’organisation des éléments d’une formation.
veillera à ne pas le cantonner à des actions labélisées « forma-
L’essentiel est que tous ses composants soient présents.
tion », mais à l’employer dans la conception et l’accompagnement
La partie Exemplify fournit des exemples de la partie théorique, de tout processus et dans toute condition d’apprentissage.

CHAPITRE 3 | Sélection de modèles pertinents en facilitation 69

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KISS Description
KISS – anagramme de Keep, Improve, Stop, Start – est une mé-
thode de gestion orientée vers l’action. Elle aide, à travers des
questions simples, à identifier les étapes menant à une améliora-
tion du système de gestion. Il peut s’agir de tout type de gestion :
du temps, de la relation client, d’agenda, d’équipe… peu importe
le sujet. Une fois celui-ci fixé, Phil Daniels, professeur en psycho-
logie à la Brigham Young University et auteur de cette méthode,
propose de poser les quatre questions suivantes :
• Keep : Que faisons-nous de bien et qu’il faut continuer à faire ?
En quoi nos pratiques sont-elles renforcées ?
• Improve : Que faisons-nous déjà mais qui aurait besoin d’être
amélioré pour être plus efficace ?
• Stop : Que devons-nous cesser de faire parce que ça ne porte
pas ses fruits ou que ce n’est plus nécessaire ?
• Start : Que devons-nous commencer à faire parce que c’est
pertinent ?
Ces quatre questions permettent d’identifier les actions réalistes
à mettre en place.

Inspiré de la méthode KISS de Phil Daniels Intérêt et usage


Cette méthode a le mérite d’être pragmatique. Elle permet de
revenir à un plan très opérationnel. Elle peut être utile à titre
individuel, en fin de formation par exemple, mais également
à titre collectif après un atelier de travail dont le contenu fait
changer les habitudes. C’est une très bonne séquence pour ini-
tier la construction d’un plan d’action sur la base de contributions
individuelles.
Lors de l’usage de ce modèle, il est préférable d’inciter à l’identifi-
cation d’actions réalistes pour ne pas faire de plan sur la comète.
Le modèle suivant – SMART – représente un bon guide pour cela.

70 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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SMART Le modèle SMART (qui signifie « intelligent » ou « malin » en an-
glais) est une évolution du management par objectifs, concept
développé par Peter Ferdinand Drucker et décrit dans The
Practice of Management (1954). Ces cinq lettres sont un acro-
nyme et un moyen mnémotechnique pour donner des directives
lors de la définition d’objectifs ou lors de la construction d’un plan
d’action.
L’objectif doit être :
• Spécifique : simple à comprendre, clair, explicite, précis et rat-
taché à une personne.
• Mesurable : quantifié, qualifié, afin d’avoir une limite, un seuil
qui permette de juger s’il est bien atteint.
• Ambitieux : il doit donner envie, représenter un certain défi.
• Réaliste : parce qu’un objectif non atteignable est démotivant.
• Temporel : défini par une date fixe de réalisation, une période
claire et précise.
Un sixième volet commence à émerger pour compléter ce mo-
Description dèle : le volet Écologique. Les objectifs fixés doivent servir le
Au stade de l’identification d’actions à mettre en place ou de système considéré et donc être en adéquation avec ses besoins
la définition d’objectifs, ceux-ci restent à l’état théorique. Il est et ses valeurs. Cet aspect est à considérer aux niveaux indivi-
donc très facile d’imaginer tout et n’importe quoi. Or, tout ce qui duel, d’une équipe, d’une organisation, de son écosystème, de la
ne pourra pas être mis en œuvre contribue au fameux wishful planète.
thinking (vœu pieux) et provoque une démotivation.
Intérêt et usage
Il est toujours utile de rappeler ce modèle à un groupe emporté
par la frénésie et l’excitation de la solution qu’il a conçue. Lui don-
ner ce prisme de réflexion, c’est lui donner la chance de réussir
la mise en œuvre de ses ambitions. Il lui permet d’identifier des
objectifs et des actions « intelligentes », et sert aussi de référence
pour challenger ses pairs et construire un plan d’action efficient.

CHAPITRE 3 | Sélection de modèles pertinents en facilitation 71

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Modèles utilisables pour la dynamique
de groupe et son animation
Lors d’un tour de table, plusieurs problèmes se présentent. Les
personnes qui commencent n’ont pas forcément eu le temps né-
Tour de table versus tour des participants cessaire à la réflexion. De plus, savoir que leur moment de parole
approche peut leur faire ressentir une pression : celle de devoir
s’exprimer et d’être observé. Cette pression n’aide pas à une ré-
flexion sereine. Elle impacte la qualité de la contribution et limite
la capacité d’écoute.
Un tour des participants, sans suivre la disposition du tour de
table, offre une autre dynamique. La parole est donnée à la per-
sonne qui se sent prête à commencer. De même, c’est la personne
qui se sent prête qui prend la suite pour se présenter et contri-
buer, et ainsi de suite.
Ce modèle présente plusieurs intérêts. La prise de parole n’est
pas imposée, elle est prise par chaque individu. Cette liberté crée
des conditions bénéfiques à une contribution impliquée, à une
écoute active et un accueil favorable des contributions.

Intérêt et usage
Dans ce modèle, l’intégrité des personnes est prise en compte et
respectée. Cela se ressent dans la qualité et l’organisation des
informations. Les participants prennent la parole en créant du
sens par rapport aux contributions précédentes. Ils complètent,
soutiennent la contribution qu’ils viennent d’écouter, soulignent
une opposition ou mettent en exergue un autre lien avec leur
Description contribution.
Bien souvent, les réunions, formations, ateliers commencent par Le modèle du tour de table, imposant l’ordre de passage de fa-
un tour de table de présentation, qui suit un modèle d’organisa- çon arbitraire, fractionne les informations.
tion par défaut : le tour physique de la table. Dans ce modèle, la
Le modèle du tour des participants laisse émerger un modèle
parole est donnée à une première personne, puis à la personne
d’information plus facile à intégrer par les participants et par le
située à côté d’elle, puis à la suivante, et ainsi de suite jusqu’à ce
facilitateur.
que le tour soit complet. L’objectif est que chacun puisse se pré-
senter et faire rapidement connaissance avec les autres partici- Rendre visibles ces contributions et ce modèle émergent donne
pants. Souvent, pour enrichir la présentation, on leur demande de la visibilité sur la position du groupe au regard du sujet auquel
de partager leurs attentes ou autres contributions personnelles. il lui a été demandé de contribuer.
Un petit moment personnel de réflexion est alors nécessaire.

72 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Ces trois niveaux peuvent être observés sur le plan de l’engage-
3 niveaux d’engagement ment individuel et sur le plan collectif lors d’une discussion. Les
participants parlent-ils d’eux-mêmes, de leurs réalités propres, de
leurs perceptions (niveau 1) ? Questionnent-ils leurs modèles indi-
viduels au travers des échanges (niveau 2) ? Construisent-ils un
nouveau modèle (niveau 3) ?

Intérêt et usage
Être au clair avec soi-même (niveau 1) et au sein du groupe (ni-
veau 2) favorise la capacité de construire avec les autres (ni-
veau 3). C’est ce que permet un moment d’inclusion. Ce dernier
crée un cadre de confiance propice à l’expression et à la recon-
naissance individuelle.
Une activation des participants sur le niveau 1 peut se faire par
des moments de reconnexion individuelle, qui favorisent la réso-
nance avec ce qui se construit collectivement. Une implication
consciente dans la suite de la construction collective est alors plus
simple. Institutionnalisez ces moments de réflexivité et d’ancrage,
Description facilitez-les en proposant un prisme d’observation et de conscien-
tisation de l’expérience vécue. Par exemple, le prisme « tête-cœur-
Lors d’une session de travail collaborative, l’engagement de cha-
corps » invite à prendre conscience de ce que dit le mental, du
cun se situe, se construit et fluctue sur trois niveaux : individuel,
ressenti émotionnel et de ce que dit le corps.
individuel au travers des autres et collectif. À ce dernier niveau se
trouve l’intelligence collective, où ce qui est produit est supérieur Les moments de sous-groupes sont par nature favorables à l’ac-
à la somme des contributions de chaque individu. Pour l’atteindre tivation du niveau 2. L’enjeu n’est pas de produire pour le groupe
collectivement, il est intéressant de considérer et travailler les mais d’échanger de personne à personne. Les groupes sont alors
deux niveaux précédents. composés sur des critères autres que professionnels et favorisant
la rencontre (par ville ou région d’origine, par pratiques sportives…).
1. Moi avec moi : c’est un recentrage, une intégration et conscien-
tisation par un dialogue intime. Une session construite suivant les principes Scan-Focus-Act (voir
précédemment dans ce chapitre) favorise l’engagement au ni-
2. Moi au travers des autres : je construis une expérience person-
veau 3. Des modules expérientiels suivis de moments de réflexivité
nelle et consciente de la session, en miroir et en réaction à mes
permettent à l’entité « groupe » de se questionner au niveau 1 en
interactions avec autrui.
prenant conscience de ses modes de fonctionnement.
3. Moi avec les autres : j’interagis et nous produisons de l’intelli-
Ces réflexions collectives peuvent être stimulées par une fresque
gence collective.
et accompagnées par une capture en temps réel.
Une réflexion individuelle (niveau 1) alimente le niveau 2, puis
nourrit les niveaux 1 et 3 par exposition aux autres et par interac- Chapitre 8, Techniques de cartographie en temps réel ;
tion avec les autres. Chapitre 10, La fresque de synthèse

CHAPITRE 3 | Sélection de modèles pertinents en facilitation 73

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Modèles utilisables pour la compréhension Description
et le traitement des informations Le Golden Circle est un modèle présenté par Simon Sinek lors
d’une conférence TED de 2009 intitulée Start with Why: How
Great Leaders Inspire Everyone to Take Action. Dans cette confé-
The Golden Circle (Why, How, What) rence, qui comptabilise près de dix millions de vues, Simon Sinek
explique ce qui nous pousse à agir et comment organiser les mes-
sages pour mettre en mouvement les personnes. Alors qu’il est
facile de décrire le What – ce que nous faisons – et le How – la
manière dont nous nous y prenons –, ce qui fait la différence, ce
qui nous engage dans le mouvement, c’est la raison pour laquelle
nous agissons : le Why. C’est le moteur, la raison profonde qui
sous-tend nos actions. Ce sont les croyances qui nous poussent à
agir. Et elles sont d’ordre émotionnel.
Cette raison première peut être identifiée à l’aide d’un autre mo-
dèle : les 5 Why. Il invite à interroger avec un « pourquoi », un fait,
une action ou une pensée, puis à répéter cinq fois le processus à
partir des réponses successivement obtenues.

Intérêt et usage
Connaître ces distinctions permet d’organiser les informations
que nous communiquons lors d’un atelier au moment du par-
tage des consignes de travail aux participants. N’énoncer que ce
qu’ils ont à faire, c’est leur demander de nous faire confiance et
d’exécuter. On posera d’abord l’intention de cette séquence, son
propos, avant d’en décrire la mécanique et le contenu. Présenter
la raison pour laquelle cette séquence de travail existe donne
le sens et l’énergie première pour mobiliser les participants.
L’énergie créée est radicalement différente et la production des
participants en est impactée.
Connaître l’importance de ce Why permet de l’identifier, s’il est
partagé lors d’une introduction d’atelier, lors d’une conférence ou
dans un texte de présentation. Cela permet également de don-
ner à ces informations l’emphase visuelle qu’elles méritent.

74 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 74 07/03/2023 18:10


Vantage Point Model entreprise, lui permettant d’agir comme un tout cohérent. Bien
gérées, elles assurent une stabilité de l’organisation et per-
mettent également d’innover.
2. Le niveau Culture regroupe les comportements et relations
des différentes parties de l’organisation. C’est son identité, la
manifestation de ses valeurs.
3. Le niveau Policy définit les règles du jeu. Dans sa forme la plus
inspirante, c’est l’expression de la raison d’être, de l’intention,
des objectifs. Dans sa forme la plus étriquée, c’est l’ensemble
des principes dont découlent les niveaux suivants.
4. Le niveau Strategy est l’agencement, dans l’espace et le temps,
des moyens nécessaires pour réaliser les objectifs définis par
le niveau Policy.
5. Le niveau Tactics concerne l’art de faire correspondre les
moyens logistiques à la stratégie et de les déployer de ma-
nière efficace.
6. Le niveau Logistics est l’ensemble des moyens qui permettent
de distribuer et gérer les ressources, l’énergie et la connais-
sance au sein de l’entreprise.
7. Le niveau Tasks est l’ensemble des activités opérationnelles et
© 1984, MG TAYLOR CORPORATION
la manière de les mener.

Intérêt et usage
Description
Lors d’un échange, il arrive souvent que des personnes aient du
Les valeurs et la culture d’une organisation peuvent être obser- mal à se comprendre. Elles ne raisonnent pas depuis le même
vées dans la manière dont un collaborateur mène ses activités point de vue. La plupart du temps, chacune des perceptions est
et la façon dont il a appris à le faire. Une exécution continue et valable et concerne le même sujet mais sur des niveaux diffé-
routinière de ces activités peut faire perdre de vue les valeurs et rents. Avoir ce modèle en référence permet de comprendre la
les raisons qui les sous-tendent. Comme tous les modèles de MG compatibilité des points de vue et de faire passer la conversation
Taylor, celui-ci peut être utilisé comme guide de réflexion pour la à un autre niveau. Savoir naviguer entre ces différents niveaux
gestion comme pour l’audit d’une situation. Il présente l’intrication permet également d’assurer la cohérence du sujet de discussion.
de sept niveaux différents reliant les valeurs et les tâches menées
Par ailleurs, changer les valeurs d’une organisation par une
dans une entreprise.
déclaration ne suffit pas. Les valeurs doivent trouver leur écho
1. Le niveau Philosophy est l’ensemble des croyances fonda- dans chacun des niveaux jusqu’à s’incarner dans la tâche la plus
mentales, des valeurs qui unissent toutes les parties d’une opérationnelle.

CHAPITRE 3 | Sélection de modèles pertinents en facilitation 75

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The Ladder of Inference Description
Créé en 1970 par Chris Argyris, professeur à Harvard Business
School, ce modèle a été rendu populaire par sa description dans
The Fifth Discipline de Peter Senge. Il décrit comment chacun
construit et entretient ses modèles mentaux et comment ceux-ci
orientent les actions.
Il présente différentes étapes qui, à partir de données obser-
vables, nous mènent à prendre des décisions. La forme la plus
commune de ce modèle est celle d’une échelle appuyée sur une
réalité observable.
À partir de données factuelles, certaines informations sont sé-
lectionnées et traitées parce qu’elles nous semblent pertinentes
alors que les autres ne sont pas considérées. Le mental attribue
un sens aux informations sélectionnées. Le sens donné est la base
de construction d’une hypothèse. Cette dernière mène à une
conclusion qui mène elle-même à une croyance. Cette croyance
devient à son tour la base de décisions et d’actions.
Cette échelle, gravie parfois très rapidement et de manière in-
consciente, fait suivre à notre mental des biais successifs qui
l’éloignent de la réalité. Pour mener des actions « justes », on
questionnera ces différents biais et on évitera de les prendre
pour la réalité.
Nos croyances ont tendance à orienter notre sélection d’informa-
tions : nous choisissons plus volontiers celles qui les renforcent.
C’est un « biais de confirmation ». En avoir conscience permet de
minimiser ses effets.

Intérêt et usage
Ce processus affecte toute prise de décision. Les choix faits en
facilitation graphique n’y échappent pas. Lors de la conception
d’un visuel, en temps réel comme en différé, on restera au plus
proche des faits, des informations qui nous sont accessibles.
Chaque interprétation nous éloigne de la réalité et biaise l’im-
pact du visuel.

76 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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ZO NE DE RÉ FLEXIVITÉ
Quels modèles avez-vous l’habitude d’utiliser ?
Pensez à une difficulté que vous rencontrez actuellement.
Quel est le modèle qui vous fait vivre le contexte comme
difficile ? Quels modèles alternatifs pourriez-vous appliquer
dans ce même contexte pour le vivre différemment ?

J’ai sélectionné ces modèles avec plaisir. Ils ont été, et restent
encore, importants et utiles pour moi. Leurs descriptions sont suc-
cinctes, j’espère néanmoins qu’elles vous donneront envie de les
explorer plus en détail. Mais laissez-moi vous prévenir… tous ces
modèles sont faux !
Explorer de nouveaux modèles et enrichir sa bibliothèque est es-
sentiel pour pouvoir choisir le modèle adéquat dans la lecture
d’une situation, dans le traitement des informations, dans leur
représentation et leur transmission.
L’instant où notre cerveau « bugge », où l’information que nous
recevons ne rentre pas dans les cases, correspond aux limites de
nos modèles de pensée. Restons à l’affût et en posture d’accueil,
car ces moments sont une invitation à s’ouvrir à d’autres modèles,
voire à en inventer de nouveaux…

CHAPITRE 3 | Sélection de modèles pertinents en facilitation 77

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BibleFacilitationGraphique_V7.indd 78 07/03/2023 18:10
SECT I ON I I

Mise(s) en œuvre

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Dans la section I de cet ouvrage, nous avons décrit ce qu’est la
facilitation graphique et tracé son lien avec la facilitation. Nous
avons abordé l’importance de l’objectif de travail et du processus
associé pour y arriver. Nous avons exploré l’intérêt des modèles
et leur influence. Cette deuxième section présente la manière de
mettre en action ces notions selon les contextes.
Nous avons évoqué les différents niveaux qui caractérisent le
contexte et le rendent spécifique. Le mode d’accompagnement
idéal doit lui aussi être spécifique. Il serait donc inapproprié de
proposer une recette ou un agenda tout faits, prêts à l’emploi. En
CHAPITRE 4 - PRINCIPES D’APPLICATION

effet, il s’agirait d’un simple modèle et nous en connaissons dé-


sormais les travers. Ils pourraient être résumés par cette pensée :
C HAP ITR E 4

Principes
d’application

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Fournir une recette reviendrait à vous proposer une référence Tableau d’objectifs (non exhaustifs) et catégorisation
dont il vous faudrait vous détacher pour l’ajuster aux caractéris-
tiques uniques de chaque contexte. Or, intégrer une méthode et
savoir s’en détacher sont deux mouvements opposés qu’il est très Faire un état des lieux… Partager une expertise…
compliqué de faire simultanément. Ce n’est pas infaisable, mais Décider d’un plan d’action… Cascader des décisions…
cela requiert une expérience certaine. Par exemple, inspirez… Prioriser des actions… Présenter un processus…
puis expirez… À présent, inspirez et expirez en même temps… Sélectionner parmi des Enseigner une démarche…
Vous constatez que l’exercice n’est pas aisé. C’est pourquoi je possibilités… Donner un cadre de
préfère vous proposer une approche plus élémentaire. Clarifier un problème… réflexion…
En fonction du contexte et du groupe à accompagner, le pro- Concevoir un processus… Donner une consigne…
cessus de travail peut présenter une alternance de séquences. Imaginer des idées et Partager un objectif…
solutions… Présenter un plan d’action…
Cette organisation plus ou moins complexe, appelée design de
la session de travail, crée les conditions qui doivent permettre Définir une stratégie… Présenter un rapport…
au groupe d’atteindre les objectifs fixés. Pour chacune des sé- Imaginer un nouveau Présenter une stratégie…
­business model…
quences de travail, ces conditions de réussite sont une combinai- Expliquer un business model…
son de plusieurs facteurs : intention, sujet, approche de pensée, Identifier des périmètres
d’action… Raconter une expérience…
typologie de répartition du groupe de participants, profil des Présenter un état des lieux…
Classer des informations…
participants-contributeurs, constitution des groupes, consigne
de travail, entrants, production recherchée, place de la séquence Analyser une situation…
dans l’agenda, durée et aspects logistiques (matériels, outils, sup- Comparer plusieurs options…
ports, espace de travail…). Si le design d’une session peut être Recueillir des avis…
complexe et présenter des dynamiques de sujets et de groupes Définir un positionnement…
qui varient, une lecture « simple » peut en être faite en observant Collecter des contributions…
le mode de partage des informations.
Au travers des milliers d’ateliers et séquences de travail que j’ai eu
la chance d’accompagner, quelles qu’en aient été les modalités,
j’ai identifié deux catégories élémentaires de mode d’interaction :
• soit des informations sont partagées pour faire émerger une … c’est partager des … c’est partager des
informations pour faire informations pour
vision commune ; émerger une vision commune transmettre une vision
• soit des informations sont partagées pour transmettre une
vision.
Lors d’ateliers de travail et même lors de simples réunions, nous
retrouvons une alternance de ces deux modes d’interaction
élémentaires.
C’est pourquoi il convient de bien identifier le mode d’interaction
en jeu à l’instant T afin d’y apporter le soutien nécessaire et de
l’accompagner avec une technique adéquate.

CHAPITRE 4 | Principes d’application 81

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Modéliser pour faire émerger
une vision commune
Comme nous l’avons vu, chacun de nous a une vision subjective
d’une même situation. Pour en avoir une compréhension plus ex-
haustive, il convient de collecter et agréger ces différentes per-
ceptions. Lors d’une discussion, chacun contribue et partage ses
propres perceptions.
Pour permettre de faciliter le partage, de favoriser les contribu-
tions, de simplifier leur assemblage, de rendre compréhensibles
leurs relations, nous cartographions les informations partagées,
en temps réel et face aux personnes en discussion.
Cette cartographie propose une vision globale des informations
partagées en les organisant en un seul visuel : une vision com-
mune au sens d’« agrégée ».
Attention, cela ne signifie pas que la vision formalisée est parta-
gée, c’est-à-dire comprise et approuvée par tous. Il est nécessaire
de s’assurer que les contributeurs s’en saisissent en y apportant
des commentaires, des compléments, des ajustements, qu’ils en
questionnent le contenu, qu’ils l’amendent, qu’ils construisent
dessus. Ces interactions sont autant de signaux qui montrent
la progression et l’émergence d’une vision commune au sens de • Analyser les informations : de quelles natures sont les informa-
« partagée ». tions sélectionnées ? À quelles catégories appartiennent-elles ?
La cartographie est produite en temps réel, c’est-à-dire que le Quelles sont les manières de classer ces informations ?
temps de conception et le temps d’usage du visuel sont confondus. Comment ces informations sont-elles liées avec celles déjà for-
La cartographie produite est un modèle visuel de la discussion. malisées ?
Par l’intégration des contributions successives, elle s’ajuste et • Formaliser les informations : quels attributs graphiques choisir
évolue avec la discussion. Elle est comme un effet miroir qui rend pour révéler le sens identifié lors de l’analyse ?
les personnes conscientes de leur sujet aux niveaux individuel et Vous pourrez avoir recours à différentes techniques pour réaliser
collectif. une cartographie en temps réel. Chacune d’elles présente des
Pour procéder à une cartographie d’informations en temps réel, intérêts et une complexité de mise en œuvre différents.
posez-vous les questions suivantes :
Chapitre 8, Techniques de cartographie en temps réel
• Sélectionner les informations : quelles informations sont perti-
nentes, importantes et nécessaires à considérer ?

82 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Modéliser pour partager une vision
À partir du moment où les informations à partager sont stables,
le contexte est favorable à l’usage d’un modèle visuel. Ces occa-
sions sont caractérisées par le fait que les informations ne sont
pas en train d’émerger, nous ne sommes pas en train d’en prendre
connaissance, au contraire nous les connaissons déjà. Le modèle
visuel est alors un moyen utile et puissant pour transmettre et
partager ces informations.
Dans ce type de contexte, la conception du visuel peut se faire
en différé, c’est-à-dire en amont de son utilisation. En cartogra-
phiant les informations, posez-vous les questions suivantes :
• Sélectionner les informations : quelles sont les informations né-
cessaires à la compréhension du sujet à présenter ?
• Analyser les informations : comment ces informations sont-elles
liées les unes aux autres ?
• Formaliser les informations : comment les placer dans l’espace
du visuel pour donner à comprendre les liens ? Quels attributs
graphiques leur donner pour créer du sens ? venir compléter le modèle visuel si celui-ci est une base de
Lors de la conception de cette cartographie, l’enjeu est de rendre construction. Les capturer sur un autre support peut être intéres-
accessible et compréhensible le système à décrire (acteurs, péri- sant dans le cas où le modèle visuel présente un sujet référent et
mètres, liens). que la discussion porte sur la manière dont cette référence nous
Lors de l’usage de ce modèle visuel, l’enjeu est de permettre questionne ou nous informe sur notre réalité.
l’appropriation des informations et non « simplement » de les
transmettre. IMAGINO NS …
Vous êtes en réunion. Un collègue partage le rapport d’une exper-
Chapitre 9, Technique de cartographie en différé tise terrain qu’il a menée. L’objectif est de permettre d’avoir une
vision commune du sujet. Ce collègue a cartographié l’ensemble
Un modèle bien conçu présente une vision globale du sujet mais des informations en un modèle visuel qu’il vous présente. Il dé-
reste toujours soumis à interprétation. Seules les interactions clenche aussi des discussions entre vous, desquelles émergent
révèlent la nature de ces interprétations. Les questionnements, des compléments d’informations sur le sujet. Vous intégrez ces
les liens intellectuels, rendus explicites, permettent d’avoir les informations complémentaires dans le visuel proposé à la base.
échanges nécessaires à l’appropriation du sujet et à une vision
Le visuel est alors un modèle référent augmenté des contributions.
commune.
Autre scénario : vous êtes en réunion. Un représentant d’une en-
Vous l’aurez compris, ces interactions sont une émergence d’in-
treprise présente son organisation. L’objectif est de permettre
formations qu’il pourra être utile, suivant le contexte, de carto-
d’avoir une vision commune de son mode de fonctionnement et
graphier cette fois-ci en temps réel. Les informations peuvent

CHAPITRE 4 | Principes d’application 83

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d’interroger sur ce qu’on peut en apprendre. Cette personne a a donc de fortes chances que l’expert ne soit pas familier avec ce
elle aussi cartographié l’ensemble des informations en un mo- type de représentation et se sente même mis en difficulté. Or, lors
dèle visuel qu’elle présente. Ce visuel déclenche également des de sa présentation, c’est lui qui fait autorité sur le sujet. Changer
discussions, des remarques, des interrogations sur votre propre ses outils de présentation c’est créer un déséquilibre dont il n’a
organisation. Elles contribuent à l’émergence d’une vision com- pas besoin. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas proposer
mune de votre organisation, vision qu’il convient de cartogra- de travailler avec des experts pour leur fournir des outils plus
phier, en temps réel, sur un support différent. efficaces dans la transmission de leur savoir, mais c’est un travail
On est donc en présence de deux visuels : un modèle référent à entreprendre sur le long terme, pas juste avant une conférence.
de l’entreprise externe et un modèle présentant les réflexions sur Dans le contexte d’une conférence, nous sommes donc amenés
votre propre entreprise. (par défaut) à capturer en temps réel les informations transmises
par l’expert. Ce mode de cartographie n’est pas optimal parce
que, fait sur le vif, le visuel n’a ni la clarté ni la pertinence d’une
La facilitation graphique appliquée modélisation en différé. Cette cartographie reste cependant né-
à une conférence cessaire et utile pour les participants. On pourrait redouter un
conflit cognitif entre les supports visuels de l’expert et le visuel
Le contexte des conférences est très spécifique et mérite que
évoluant en temps réel. Mais les outils généralement usités lors
l’on s’y attarde. Lors d’une conférence, un expert, le conférencier,
de conférences restent linéaires, alors qu’une cartographie, en
vient partager son sujet à un grand nombre de personnes. Il le
intégrant les informations dans un ensemble cohérent, présente
fait rarement pour occuper le temps et l’attention de l’audience,
une vision globale et les liens nécessaires à sa compréhension.
mais parce que les informations qu’il a à partager intéressent
cette audience. Lors de sessions de travail, le sujet a même été Chapitre 1, Vision globale
sélectionné pour des raisons particulières : pour clarifier un sujet,
pour permettre aux participants de monter en expertise, pour ali- Notre capture est utile pour l’intégration des informations, mais
menter leurs réflexions et éclairer leurs décisions. elle reste un piège pour le conférencier. C’est encore une fois la
C’est un contexte de transmission de vision, celle de l’expertise limite des modèles. Le conférencier a une compréhension systé-
du conférencier vers les participants. L’enjeu est de permettre mique de son sujet mais utilise un modèle linéaire pour le pré-
l’appropriation de cette expertise par les participants pour qu’ils senter. C’est le cheminement avec lequel il guide son audience
soient en capacité de la solliciter dans leurs travaux à venir. pour parcourir son sujet (séquençage linéaire de son storytelling,
Nous avons rarement l’occasion de modéliser les informations de séquençage linéaire de son diaporama).
cet expert en amont et de lui fournir les supports visuels qui lui La capture graphique, qui tend à reconstruire le système à partir
permettraient d’optimiser l’appropriation recherchée. Ce serait de la représentation linéaire, est un autre modèle de représen-
pourtant nécessaire, mais cela impliquerait que l’expert ait le tation du même sujet. Ce visuel peut susciter des questions chez
temps de nous transmettre son sujet. le conférencier, des réactions dont il n’a pas besoin pendant sa
Il lui serait alors également nécessaire, et ce n’est pas anec- présentation. Le danger est que la capture visuelle vienne le té-
dotique, de s’approprier les nouveaux outils que nous aurions lescoper et le sortir de son cheminement d’exposé.
conçus. Une cartographie présentant une vision globale et systé- Il est donc fortement recommandé de positionner le visuel stra-
mique du sujet reste encore un outil trop peu courant et usité. Il y tégiquement, pour que les participants s’appuient dessus et

84 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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intègrent les informations proposées, sans que le conférencier d’inflexion de la discussion, des articulations des réflexions, des
puisse le voir. angles proposés au développement. Elles vont donc nous donner
des repères sur le déroulement théorique des échanges.
La facilitation graphique appliquée Tous ces modèles doivent être identifiés avant que la table ronde
n’ait lieu. Les prendre en considération facilite la prise de notes
à une table ronde en temps réel. Ces informations constituent une grille de lecture
Une table ronde réunit plusieurs intervenants et une personne théorique pour comprendre et interpréter les échanges. Prendre
dont le rôle est d’animer les échanges. Ce contexte est en tout cette grille théorique comme étant la réalité de ce qui va se pas-
point une situation d’émergence : personne ne connaît la nature ser est un piège qui dégrade inexorablement l’intérêt d’une cap-
exacte des échanges. Ils se construiront en fonction des diffé- ture visuelle en temps réel.
rentes contributions et des réactions qu’elles suscitent. Le choix
Chapitre 8, Techniques de cartographie en temps réel
d’une technique de cartographie en temps réel est donc oppor-
tun. Cette situation, très particulière, met en jeu plusieurs mo-
dèles de natures différentes. La facilitation graphique appliquée
• Premier modèle : la perspective des intervenants. à une formation
Chaque intervenant vient avec sa propre vision du sujet, son
Les formations sont des contextes à privilégier. La facilitation
angle particulier, son expertise. Quelle est la singularité de leur
graphique peut y apporter une valeur ajoutée inégalable. Pour
point de vue ? Qu’est-ce qui rend leur approche particulière ?
que la formation soit efficace, elle doit permettre de mettre en
• Deuxième modèle : la composition de la table ronde. action les différentes visions – globale, repère et commune –, les
Au-delà de l’expertise de chaque contributeur, quelle est la rai- ingrédients et liants nécessaires à l’apprentissage. D’autre part,
son supérieure qui a procédé à leur sélection pour composer l’ingénierie pédagogique peut être imprégnée d’approches et
cette table ? Est-ce que leurs visions s’opposent, est-ce qu’elles de techniques de facilitation. La formation n’est alors plus une
éclairent un même sujet sous des angles différents ? ­affaire de développement de savoirs, savoir-faire et savoir-être
En fonction de la composition de la table ronde, la dynamique individuels, elle devient un espace de coconstruction où le groupe
des échanges différera. est au service de l’individu et les individus au service du groupe.
• Troisième modèle : l’animation de la table ronde. Cette approche implique de considérer le participant comme
un sachant et un contributeur, autant pour l’expérience avec
L’animateur de la table ronde a préparé ses interventions. Il a
laquelle il arrive que pour son expérience durant le processus
une vision de la manière dont il souhaite articuler les contribu-
d’apprentissage.
tions des intervenants. Souhaite-t-il poser des questions et laisser
libre l’ordre des réponses ? Souhaite-t-il que chacun réponde l’un Le formateur-expert doit questionner et faire évoluer sa posture
après l’autre ? Quelle est son intention ? pour développer une posture de facilitateur plus appropriée,
dans l’intérêt de chaque apprenant.
• Quatrième modèle : les sujets abordés par l’animateur.
Avec cette approche de facilitation de la formation, les mêmes
Bien que les informations partagées par les intervenants ne
questions d’émergence et de partage de vision sont à considérer.
soient pas prévisibles, elles sont influencées par les questions
que l’animateur va leur proposer. Ces questions sont des points

CHAPITRE 4 | Principes d’application 85

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• Les moments d’émergence :
Inclusion, expression des attentes, partage des expériences et
connaissances actuelles du sujet, partage des questionnements,
des apprentissages, des expériences pendant la formation,
échanges en sous-groupes pendant les travaux de mise en appli-
cation, moments de réflexivité…
• Les moments de partage de vision :
Partage des objectifs, cadrage des attentes, partage des règles
de vie du groupe, partage de modèles structurants, partage de
contenus spécifiques, exposés par les participants…
Pour favoriser l’apprentissage, il faut maintenir les contenus
accessibles. Et je parle de tous les contenus, qu’ils aient émer-
gé et aient été capturés en temps réel ou qu’ils aient été par-
tagés et préparés en différé. Cette accessibilité contribue à la
vision globale et à la vision repère. C’est la raison pour laquelle
je déconseille fortement l’usage de slides en formation ! Il en va
d’une hygiène de moyens mis à la disposition des participants
pour construire leurs compréhensions et assimiler les contenus
proposés.

La facilitation graphique appliquée


à une session de travail collaboratif
Nous l’avons précisé, la plupart des sessions de travail impliquent
de nombreux participants. Pour optimiser leurs contributions, le
design de la session inclut des phases de travail en sous-groupes
qui abordent des sujets en parallèle. Dans ce cas, l’agenda devra
être interprété sous les deux modes d’interaction élémentaires :
émergence et transmission.
Explorons un exemple fictif reprenant les principes clés, sé-
quences et enchaînements d’une session classique de travail col-
laboratif. Vous pouvez vous référer à ce tableau pour interroger
votre propre agenda de session.

86 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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INTRODUCTION DE LA

SÉQUENCES
INTRODUCTION ET CADRAGE SESSION AU NIVEAU
INTRODUCTION PRÉSENTATIONS PRÉSENTATIONS PRÉSENTATIONS
DE LA SESSION (RÈGLE DU JEU ÉTAT D’ESPRIT ET PRO- RÉPARTITION EN
INCLUSION DE LA CONSIGNE INSPIRANTES INSPIRANTES INSPIRANTES
SUR LES SUJETS) PAR LE COM- CESSUS (RÈGLES DU JEU SOUS-GROUPES
DE TRAVAIL ROUND 1 ROUND 2 ROUND 3
MANDITAIRE STRATÉGIQUE COLLABORATIF) PAR LE
FACILITATEUR
Créer le groupe par une
mise en action. Elle n’a
INTENTION ET OBJECTIF

Partager le cadre de
pas de lien direct avec le réflexion : éclairage Donner de la visibilité
S’assurer d’une
contenu de l’atelier. sur ce que vont vivre
contextuel, pourquoi nous compréhension
les participants. Orienter les participants Proposer des contenus différents et inspirants pour
Dans le meilleur des sommes là, les objectifs, les commune de
Partager l’état d’esprit vers leur sous-groupe de créer des décalages de pensée ou des clarifications
cas, cette séquence contraintes à respecter, ce l’objectif et de
pour aborder, vivre travail. de sujets.
met en jeu des notions qui est entre les mains des la modalité de
sereinement la session et
et comportements qui participants et ce qui est travail.
y contribuer.
peuvent alimenter la intangible…
session.
D’« ORGANISATION »
MODALITÉ

Groupe entier (en cercle


Transition de la plénière
ou autre format en Salle plénière Salle plénière Salle plénière Sous-groupes
vers les sous-groupes.
fonction de l’exercice)
DYNAMIQUE DES
D’INTERACTION/

INFORMATIONS
ANALYSE DES
MODALITÉS

PARTAGE D’UNE VISION


EXPÉRIMENTATION ET PARTAGE D’UNE
PARTAGE D’UNE VISION PARTAGE D’UNE VISION SI LES GROUPES ONT ÉTÉ PARTAGE D’UNE VISION
ÉMERGENCE VISION
PRÉDÉFINIS

C’est au facilitateur Le commanditaire Les grands blocs de La consigne et La liste des sous-groupes S’il est nécessaire de garder une trace du contenu,
de décider s’il est stratégique donne un cadre l’agenda peuvent être la modalité de indiquant les participants on réalisera des captures en temps réel des
nécessaire de rendre qu’il a défini et conçu en modélisés en amont et travail peuvent et leur lieu de travail est présentations. (Les porteurs du sujet ont préparé leur
CONSEILS POUR SOUTENIR CES MODALITÉS

conscients les amont. Ce n’est pas une rester affichés comme être formalisées préparée en amont et intervention mais ne sont pas forcément accessibles
apprentissages de cette improvisation. repère tout au long de la en amont affichée en plénière. avant la session pour modéliser leur contenu.)
PAR LA FACILITATION GRAPHIQUE

séquence ou de les Ce sont les informations session. et affichées Une signalétique visible Attention, les présentations ayant lieu en parallèle,
laisser « infuser » dans le les plus essentielles pour Il en est de même pour en plénière de loin et indiquant le il faudra être attentif à pouvoir couvrir tous les sujets
groupe. l’ensemble de la session. Il est l’état d’esprit et les règles comme support nom des lieux de travail à capturer.
Dans le cas où des donc primordial que, à tout du jeu. d’explication. est préparée en amont
apprentissages sont moment, chaque participant On affichera, et affichée juste avant la
exprimés par les puisse y avoir accès et y faire dans chacun des séquence.
participants, il peut référence. ÉMERGENCE sous-groupes, le Au sein de chaque
être intéressant de les On préparera une même support sous-groupe, une liste
prendre en note en modélisation en différé. pour créer des participants est
temps réel et de les une continuité affichée pour permettre
laisser affichés pour Cependant, ces personnes Il peut arriver que les cognitive.
stratégiques sont rarement règles de fonctionnement aux personnes de
la suite de la session s’assurer de leur bonne
comme un petit rappel, accessibles et disponibles soient définies par
avant la session. les participants. Dans orientation. Elle permet
une présence. également au sous-
Par réalisme et pragmatisme, ce cas, elles seront groupe d’identifier les
on capturera donc ces cartographiées en temps
réel. personnes manquantes.
informations en temps réel.

CHAPITRE 4 | Principes d’application 87

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RAPPORT
INTRODUCTION DE
D’ÉTONNEMENT RÉPARTITION EN TRAVAIL EN PRÉPARATION DE LA RÉACTIONS ET
LA CONSIGNE DE MISE EN COMMUN CONCLUSION DÉCLUSION
EN GROUPE SOUS-GROUPES SOUS-GROUPES RESTITUTION ARBITRAGES
TRAVAIL
COMPLET

Permettre au Faire l’état des lieux


S’assurer d’une groupe de prendre Permettre d’agréger du travail accompli,
Prendre du recul Prendre de la nouvelle
compréhension Permettre à chaque du recul sur ses les contributions Honorer le groupe
et identifier les connaissance des situation au regard et ce qu’il a vécu,
commune de sous-groupe réflexions et des sous-groupes,
apprentissages et travaux des sous- des objectifs.
l’objectif et de la d’explorer un sujet, d’identifier les de prendre du recul, réincarner les
points saillants issus groupes et se les
modalité de travail un angle de travail. points à partager de prendre des Donner de la individus.
des présentations. approprier.
à suivre. avec le reste du décisions. visibilité sur les
groupe. étapes suivantes.

Groupe entier en
Salle plénière Salle plénière Sous-groupes Sous-groupes Salle plénière Salle plénière Salle plénière
cercle

FINALISATION D’UNE
ÉMERGENCE D’UNE PARTAGE D’UNE PARTAGE DE DIFFÉ- PARTAGE D’UNE
ÉMERGENCE VISION EN VUE DE ÉMERGENCE ÉMERGENCE
VISION VISION RENTES VISIONS VISION
Voir les précisions SON PARTAGE
sur la répartition
en sous-groupes
de la séquence
précédente.
Ce moment est La consigne et Il faudrait C’est une phase de Afficher la Ces réactions Préparer des Il s’agit d’officialiser
capital. C’est une la modalité de accompagner cette convergence du production des sont une nouvelle supports en amont la fin du collectif
construction de travail peuvent émergence en sous-groupe qui sous-groupes phase. C’est une pour bien ancrer sur cet espace-
groupe que l’on être formalisées en temps réel. peut être facilitée permet d’avoir une prise de recul, les messages clés, temps de travail.
accompagnera par amont et affichées Cependant, par un canevas vision globale pour un assemblage notamment les Cartographier
une cartographie en plénière la pensée des préparé en amont l’ensemble des des différentes étapes à venir. en temps réel ne
en temps réel. comme support groupes évoluant et rempli par le participants. perspectives Cependant, le remplirait pas
d’explication. en parallèle, il n’est sous-groupe en Les questions apportées par les contenu de la l’objectif, qui est
On affichera dans pas possible pour temps réel. d’approfondissement sous-groupes. C’est conclusion est de rendre son
chacun des sous- une seule personne peuvent venir un réel moment souvent très individualité à
groupes le même d’accompagner tous compléter les d’appropriation. dépendant du chacun.
support pour créer les groupes. supports en temps Une capture en travail accompli.
une continuité réel. temps réel soutient Il ne peut pas
cognitive. ce moment clé et forcément être
permet d’ancrer les préparé dans
décisions. son intégralité en
amont.
Une capture en
temps réel est donc
envisageable.

88 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Vous pouvez vous référer aux détails sur les techniques et leur fondamentale est partagée, si ce n’est en suivant et soutenant la
mise en œuvre opérationnelle en section III de ce livre. discussion de bout en bout ? Si vous venez sporadiquement, com-
ment savoir si ce que vous entendez est un exemple ou un contre-
Section III, Techniques exemple, une décision qui ne sera pas remise en cause par la
suite… ?
Peut-être avez-vous remarqué quelques subtilités dans l’exemple
Donc, si une session fait travailler plusieurs sous-groupes en pa-
proposé ? En effet, il y a des moments d’émergence que je dé­
rallèle, voici les options de facilitation graphique à considérer :
conseille de capturer en temps réel et des moments de transmis-
sion d’une vision que je conseille de capturer en temps réel… Cela • avoir un facilitateur graphique par sous-groupe ;
peut sembler en désaccord avec les principes que j’ai partagés en • sensibiliser, s’il y en a, les animateurs des sous-groupes à l’im-
début de chapitre. portance de prendre des notes communes au fur et à me-
Mais il est un principe qui primera toujours sur le reste : le principe sure de la réflexion, pour agréger les contributions et faciliter
de réalité. l’émergence des pensées. Cela peut représenter une difficulté
­supplémentaire pour eux, surtout si l’animation n’est pas leur
Notre conception théorique et analytique peut être étayée et com-
métier. On vulgarisera alors l’approche de facilitation gra-
plète, les conditions réelles resteront toujours celles auxquelles nous
phique en proposant des techniques simples et accessibles ;
aurons à nous soumettre et avec lesquelles nous aurons à composer.
• sensibiliser les sous-groupes à l’importance de prendre des
Il est difficile d’avoir accès à l’introduction du commanditaire avant
notes communes, au fur et à mesure de leurs échanges. Là non
une session. Ces conditions réelles empêchent de préparer des
plus, on ne recherche pas la performance mais plutôt la possi-
­visuels en amont, comme il est conseillé de le faire lors d’une trans-
bilité de mettre en évidence et de rendre accessible un levier
mission de vision. Cependant, l’importance des informations par-
de facilitation pour le groupe et ce qu’il a à faire.
tagées à ce moment de la session ne change pas. Dans une telle
situation, il reste nécessaire, utile et important, de formaliser ces
informations. On les capture alors par une technique de cartogra- Accompagner une session de travail
phie en temps réel. par une fresque de synthèse
Un autre moment spécifique auquel on peut être confronté, ce
sont les séquences au cours desquelles plusieurs sous-groupes tra- Parallèlement aux actions de facilitation graphique qui sou-
vaillent en parallèle. Bien que chaque sous-groupe soit dans une tiennent les différentes séquences d’une session de travail, une
phase d’émergence d’une vision sur son sujet de travail, il est im- autre démarche peut être entreprise pour accompagner l’émer-
possible de couvrir seul plusieurs sous-groupes en temps réel. On gence et le cheminement du groupe sur son sujet. Il s’agit de la
pourrait croire que c’est pour une raison logistique qui vous impo- réalisation d’une fresque mettant en perspective les messages et
serait de changer de salle, d’étage, voire de bâtiment pour passer sujets clés abordés sur l’ensemble de la session.
de sous-groupe en sous-groupe (oui, c’est une situation qui peut Véritable journal de bord, cette fresque reflète en temps réel le
arriver). Il n’en est rien. Accompagner un groupe tout au long de chemin parcouru par le groupe.
sa discussion, c’est l’accompagner dans les aléas et les méandres Sa conception et la posture à adopter pour la réaliser en font une
de ses réflexions, dans ses fulgurances, ses confrontations, ses re- technique spécifique qui se positionne à cheval entre un contexte
tournements. Dans cette phase parfois chaotique et nécessaire de temps réel et un contexte de cartographie en différé.
à l’émergence, comment être là au moment où une information

CHAPITRE 4 | Principes d’application 89

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En effet, son contenu émerge de la session et ne peut être an- La fresque allie la fraîcheur et la spontanéité du live à la struc-
ticipé. De plus, son développement se calque sur le temps de la ture réfléchie du différé. Cette trace sensible et tangible de la
session. Ces deux aspects en font une technique de cartographie session peut être un très bon outil pour le groupe afin de prendre
en temps réel. du recul, d’alimenter un moment de réflexivité.
La spécificité de cette technique réside dans la capacité à distin- La fresque sera particulièrement utile pour permettre au facilita-
guer le moment de l’émergence des informations et le moment teur et au groupe de reprendre le cours de la session après une
de leur formalisation sur la fresque. On peut donc identifier les pause déjeuner ou une nuit de repos.
informations, les sélectionner puis prendre un temps, après leur C’est aussi un excellent livrable pour parler de la session à des
émergence, pour les analyser, les structurer, les formaliser. personnes qui n’y ont pas assisté.
Chapitre 10, La fresque de synthèse

90 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Exemple détaillé d’une session
P RO P OSIT IO N D’EXER C IC E
de codéveloppement
Avant de lire la suite, à partir de ce que vous avez compris
Prenons l’exemple d’un groupe qui participe au long cours à des
des intérêts et usages des techniques de facilitation gra-
séances de codéveloppement. Le principe est simple : l’animateur
phique, reprenez les principes d’une session de codévelop-
de la session fait respecter le processus offrant l’occasion à une per-
pement et imaginez comment y appliquer les techniques de
sonne, appelée « le client », d’exposer sa problématique. Les autres
facilitation graphique.
participants, appelés « les consultants », l’aident à trouver des pistes
de solutions et les actions à mettre en place pour faire évoluer la Commencez par identifier les modalités d’échanges d’infor-
situation problématique et la résoudre. Au cours de la session sui- mations pour déterminer s’il s’agit d’un moment d’émergence
vante, la personne porteuse de la problématique relate au groupe ou d’un moment de transmission.
les suites données, les évolutions et les avancées réalisées. Puis, en vous référant aux techniques détaillées en section III,
Le processus de ces sessions est codifié. Voici quel pourrait être posez-vous ces questions :
un agenda de ce type de session. • Quelles techniques de facilitation graphique je recomman-
derais à l’animateur pour faciliter le processus de partage
INTRODUCTION DE LA SESSION d’informations pendant la session ?
RETOURS SUR LE CODÉVELOPPEMENT PRÉCÉDENT : • À quel moment vais-je suggérer d’utiliser ces techniques ?
REVUE DU PLAN D’ACTION ET DE SA MISE EN ŒUVRE
C’est à vous de composer !
EXPLICATION DU PROCESSUS DE LA SESSION
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
CHOIX DU SUJET DU JOUR :
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Recueil des problématiques
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vote pour sélectionner le sujet du jour
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
PARTAGE DE LA PROBLÉMATIQUE :
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Exposition de la problématique par le client
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Questions de clarification des consultants et réponses du client
Reformulation de la problématique par les consultants en accord avec le client ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

IDENTIFICATION DU PLAN D’ACTION POUR RÉSOUDRE LA PROBLÉMATIQUE : ............................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les consultants partagent leurs expériences et approches. Ils échangent ............................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


pour dénouer la situation. Le client n’intervient que pour demander des
clarifications et orienter si besoin. Il prend des notes.
Le client sélectionne les actions qui résonnent pour lui.
Vous trouverez une proposition d’application des techniques de
Il énonce le plan d’action retenu. facilitation graphique pour ce processus de codéveloppement
CONCLUSION ET RETOUR DES PARTICIPANTS SUR LA SESSION dans les pages suivantes.

CHAPITRE 4 | Principes d’application 91

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Identification des séquences et modes de partage des informations

RETOURS SUR LE
EXPLICATION DU VOTE POUR EXPOSITION DE
INTRODUCTION DE LA CODÉVELOPPEMENT RECUEIL DES
PROCESSUS DE SÉLECTIONNER LE SUJET LA PROBLÉMATIQUE
SÉANCE PRÉCÉDENT (REVUE PROBLÉMATIQUES
LA SESSION DU JOUR PAR LE CLIENT
DU PLAN D’ACTION)

À ce stade, rien de C’est un partage Ce processus peut être Utiliser des Post-it Utiliser des Bien que ce soit
structurant en termes qui peut s’appuyer modélisé en amont. Il individuels de taille gommettes ou le partage d’une
de processus, c’est sur le visuel de la contient des éléments A5 pour favoriser des points faits au connaissance du
plutôt un accueil et problématique (voir de cadrage et de la lisibilité des marqueur par les porteur, il n’aura
une inclusion. plus loin pour la repère. La réalisation contenus. Chaque participants. pas eu le temps et
problématique du peut être faite sur un participant note sa n’a pas forcément
jour) et sur le plan support réutilisable à problématique puis les compétences
d’action formalisé chaque session. Le fait vient la présenter au pour formaliser un
en fin de session de réutiliser le même groupe et afficher son visuel en amont.
précédente. support permet au Post-it. L’animateur
groupe de s’approprier peut capturer
plus rapidement et en temps réel,
plus facilement ce avec la technique
processus. Laisser du scribing, les
ce support affiché informations
permet à chacun de partagées.
retrouver un repère de
la séquence actuelle et
de celles à venir, ainsi
que le rôle qu’il doit y
jouer.
Tout au long de la
session, l’animateur
peut s’appuyer sur ce
visuel pour rappeler
la séquence qui vient
de se passer et celles
à venir.

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REFORMULATION DE ÉCHANGES, PRISE DE RECUL
QUESTIONS DE
LA PROBLÉMATIQUE PROPOSITIONS ET PAR LE PORTEUR
CLARIFICATION DES RETOURS
PAR LES EXPLICATIONS PAR ET SÉLECTION DES ÉNONCÉ DU PLAN
CONSULTANTS ET DES PARTICIPANTS CONCLUSION
CONSULTANTS EN LES CONSULTANTS ACTIONS D’ACTION RETENU
RÉPONSES SUR LA SESSION
ACCORD AVEC POUR RÉSOUDRE QUI RÉSONNENT
DU CLIENT
LE CLIENT LE PROBLÈME POUR LUI

Le visuel réalisé Ces Ces échanges Le client, après Les actions sont Capture en La date et
sert d’ancrage reformulations entre consultants, avoir écouté la présentées à temps réel sur le lieu de la
pour l’assimilation peuvent être sont à capturer conversation et l’aide du support Post-it A5. La session suivante
et les réflexions notées sur en temps réel en s’appuyant choisi (Post-it A5 formulation des peuvent avoir
des consultants. des Post-it A5 sur un nouveau sur le visuel ou canevas). apprentissages été préparés
Les réponses à et placées à support. Le des échanges, peut être en amont sur
leurs questions proximité du premier visuel identifie les faite par les des supports
pourront venir visuel. Elles décrivant la actions qu’il participants. de type Post-it
compléter le peuvent être problématique souhaite retenir L’animateur peut A5. L’animateur
visuel. écrites par les est donc et mettre en structurer les peut s’appuyer
participants préservé. place. contributions au sur le visuel
eux-mêmes ou Les actions cours de la mise du processus
être collectées retenues sont en commun. pour rappeler
et notées par formalisées sur l’action que
l’animateur. La Post-it A5 ou sur devra prendre le
reformulation un canevas « plan porteur auprès
retenue est mise d’action ». du groupe lors de
en exergue. cette prochaine
session.

On numérisera les visuels produits afin de pouvoir les envoyer Section IV, Post-production et usages
aux participants et les réutiliser lors de la session suivante.

CHAPITRE 4 | Principes d’application 93

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La facilitation graphique appliquée à une Le contexte distanciel implique inévitablement une couche
session en distanciel ­technique supplémentaire. Pour l’apprivoiser avant d’intervenir,
on considérera cet espace comme un véritable espace de travail
Dans des contextes de travail en distanciel, la présence et l’im- physique ; on l’organisera et on prendra soin d’accompagner les
pact des visuels sont essentiels. participants dans cet environnement.
Nous l’avons vécu lors de la crise sanitaire, une session de travail Si le contexte distanciel a induit un développement des usages
en distanciel est amputée par rapport à une même session en de solutions technologiques, les « bonnes vieilles » méthodes n’en
présentiel. Les unités de temps et de lieu, qui aident le groupe à restent pas moins valables. L’approche, la réflexion, les processus
se former et à aborder ses sujets, sont réduites, en distanciel, à la de traitement de l’information restent les mêmes. Seuls les outils
simple unité de temps. de formalisation ont été appelés à évoluer, et encore…
Certes, nous nous retrouvons sur une même plateforme mais l’éner- En effet, il n’est pas nécessaire de vous équiper de tablettes
gie, la dynamique du groupe y est toute différente. Elle impacte « dernier cri » pour pouvoir accompagner une discussion par une
l’implication et la capacité individuelle à se focaliser sur le sujet en capture en temps réel. Vos marqueurs restent dans la course et
cours. La membrane commune, induite par le contexte présentiel, performants. Il est « juste » essentiel de filmer votre action de
n’existe plus ou est difficile à créer. Les risques de « décrochage » formalisation.
d’attention sont amplifiés et les moyens pour y pallier sont limités.
Section IV, Le matériel physique et digital
Dans ce contexte, il est recommandé de recourir à des espaces de
collaboration en ligne, véritables palliatifs au lieu physique parta-
gé, propre au présentiel.
La facilitation graphique appliquée
Des solutions applicatives en ligne existent14 et proposent des pos-
sibilités assez similaires pour accueillir les informations, les organi- à une session hybride
ser et structurer le parcours de réflexion de votre session. Vous y Une session hybride se caractérise par le fait qu’une partie du
retrouverez la possibilité de créer des Post-it, de les déplacer, de groupe assiste à la session de travail dans une même pièce alors
former des liens, des zones, de partager des documents, de faire que d’autres participants la suivent à distance, depuis des lieux
des annotations… Bref, vous avez de quoi modéliser visuellement différents.
les informations structurantes et émergentes de votre session.
Cette situation a un impact radical sur la dynamique de groupe.
Une prise en main est forcément nécessaire, mais ces applications Recréer un espace de travail commun en distanciel est déjà un
sont relativement intuitives et leur appropriation est rapide (tant enjeu de taille. En session hybride, cela devient critique. Nous ne
mieux pour les participants). sommes plus en effet dans un contexte qui invite à l’inclusion mais
au contraire dans une situation qui génère de l’exclusion. En effet,
14. Miro, Mural, Klaxoon… une partie de l’équipe se retrouve dans les conditions habituelles

94 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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de réunion : elle partage le même espace-temps. La tendance na- Si le distanciel semblait être, il y a encore peu de temps, une hé-
turelle de ces participants va être de se tourner sur eux-mêmes, résie en termes de collaboration, sa nécessité, imposée par le
excluant de fait les participants qui sont seuls, chez eux, parfois contexte sanitaire, a permis de développer des usages reprenant
sur des fuseaux horaires différents. les principes de facilitation. Aujourd’hui, la jonction du présen-
Pour pallier cette singularité, les solutions à trouver doivent tiel et du distanciel, dans ce contexte hybride inédit, ouvre une
permettre de garder de l’agilité : les participants en distanciel nouvelle aire de développement et d’exploration, tout comme le
doivent pouvoir contribuer sur le bon sujet au bon moment, récent métavers…
conserver leur motivation et leur engagement tout au long de Dans tous les cas, et quels que soient les contextes, le besoin d’une
la session, continuer à influencer la vie du groupe par leurs pré- vision commune demeure, tout comme ses principes d’émergence
sences et leurs interventions. et de transmission.
Il est également nécessaire de recréer une forme d’égalité entre
les participants où qu’ils soient, pour que les expériences vécues Modéliser une vision commune
soient communes et qu’aucune d’entre elles ne soit bridée par la
coexistence d’un contexte différent.
pour faciliter une transformation
L’usage de robots de téléprésence individuels mobiles15 dans Entreprendre, c’est avoir un projet. C’est pouvoir transformer
l’espace présentiel contribue à renforcer la présence des partici- une situation actuelle en une situation souhaitée afin que celle-ci
pants en distanciel. Il permet aussi d’utiliser les leviers ­habituels devienne une nouvelle réalité. C’est le mouvement nécessaire à
de facilitation propres au présentiel. Une fresque de synthèse l’évolution de toute organisation. Si la nécessité de cette mise en
reste par exemple utile et consultable. Mais les visuels ont mouvement est facile à comprendre, la rendre effective et opéra-
d’autres rôles à jouer. Ils sont à penser comme des espaces de tionnelle peut relever d’une réelle complexité.
collaboration permettant de synchroniser les réflexions et les Les difficultés rencontrées sont liées au contexte de l’organisation,
actions. Des canevas de travail permettront de guider les par- à des moyens (matériels, économiques, humains), et sont d’ordre
ticipants, où qu’ils soient, sur une même trame de réflexion et organisationnel (comment opérer, dans quel ordre, à quel rythme),
d’organisation des informations. Des solutions technologiques mais elles résident également dans la capacité des personnes à se
sont à explorer pour créer des espaces hybrides où chacun peut projeter dans cette transformation.
contribuer et agir.
Pour transformer une situation, on a besoin d’une vision commune.
Cette vision se décline autant dans le « Pourquoi se transfor-
15. Ces solutions, grâce à leur système audio et vidéo embarqué, permettent aux mer ? », que dans le « Vers où se transformer ? », et encore dans le
collaborateurs en distanciel d’être présents, d’avoir une présence physique, de se
déplacer, d’interagir avec les interlocuteurs en présentiel comme s’ils étaient sur « Comment se transformer ? ». Pour chacun des éléments de cette
place (salle de réunion, couloirs, machine à café…). vision, il est essentiel d’avoir une compréhension et une interpréta-
tion partagées par les parties prenantes de l’organisation. Cette
compréhension commune se construit. Et c’est là que les ­techniques
de facilitation graphique jouent un rôle de premier plan.

CHAPITRE 4 | Principes d’application 95

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En effet, s’il est compliqué de transformer la réalité (encore plus L’approche nécessaire suit trois phases majeures. Une première
lorsqu’elle implique un grand nombre d’acteurs), il reste facile de étape consiste à modéliser la situation actuelle. Une deuxième
transformer un modèle visuel, une représentation. C’est justement étape invite à « jouer » avec la représentation pour qu’elle cor-
parce que c’est une représentation que nous pouvons la modeler responde au modèle de la situation souhaitée. Enfin, le nouveau
différemment, tester de nouvelles formes. Le niveau d’abstraction modèle sert de référence pour guider les actions et rendre la
qu’offre une représentation visuelle enlève momentanément la nouvelle réalité concrète.
lourdeur des changements dans la réalité. Elle donne la liberté En fonction du contexte et de l’ampleur de la transformation en-
de tester des idées sans créer d’impact immédiat sur la situation. visagée, chacune de ces trois étapes peut être déclinée en véri-
Elle ouvre des espaces de réflexion qui ne provoquent pas (ou table projet.
moins) de barrières mentales et autres obstacles à l’émergence
d’idées.

96 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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État des lieux et abstraction Évolutions du modèle

Comme nous l’avons vu, chacun de nous a une vision subjective En jouant sur le modèle visuel, nous jouons sur les représenta-
d’une même situation. Pour en avoir une compréhension plus ex- tions mentales et donc sur notre façon de concevoir, vivre et agir
haustive, on collectera et agrégera ces différentes perceptions. sur la situation.
Formaliser et intégrer ces contributions et perceptions en un seul La nature du contexte et la complexité de la transformation sou-
visuel permet la création d’une vision commune. haitée mènent à différents types d’évolution. Dans le cas d’une
En fonction du contexte de l’organisation, la collecte peut prendre évolution dite « incrémentale », le modèle correspondant à la si-
différentes formes. tuation souhaitée sera une évolution « simple » du modèle de la
• Une « simple » discussion rassemblant les parties prenantes situation actuelle.
sera accompagnée par une technique de cartographie en
temps réel.
• Une démarche, plus lourde et longue, d’interviews et de concer-
tations est parfois nécessaire. La structuration des retours et
leur restitution seront facilitées par une cartographie d’infor-
mation en différé.

CHAPITRE 4 | Principes d’application 97

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Prenons l’exemple d’une relation tripartite. La formalisation du modèle envisagé, pour l’expliquer au reste
Voici quelques représentations visuelles mettant en scène les des parties prenantes, relève de la transmission d’une vision et
trois acteurs et signifiant des relations différentes. Je vous laisse sera réalisée par une cartographie en différé.
imaginer pour chacune de ces représentations la situation qu’elle Dans le cas d’une évolution de rupture, la situation actuelle est
implique pour chaque partie prenante. tellement différente de la situation cible (dont la conception peut
être un véritable projet en soi) qu’il est nécessaire de créer des
modèles intermédiaires. Chacun de ces modèles correspond à
des phases clés de la transformation, abordables et accessibles,
depuis la situation précédente.
Dans une telle situation, il est conseillé d’utiliser une approche
spécifique qui est en elle-même l’usage d’un autre modèle.
En effet, par habitude, nous avons tendance à imaginer une
progression des modèles allant de la situation actuelle vers la
situation cible. Cette approche n’est pas suffisamment efficace
car notre cerveau a du mal à se détacher de ce qu’il connaît. Les
évolutions sont donc difficiles à imaginer ou trop peu disruptives
pour mener efficacement à la situation de rupture souhaitée.
À partir de la modélisation de la situation actuelle, il « suffit » Dans le cadre d’une telle évolution, il sera plus facile d’imaginer
donc de bouger, modifier la disposition des acteurs et leurs rela- les modèles intermédiaires à partir de la situation souhaitée, en
tions pour « transformer » la situation. revenant vers la situation actuelle.
Pour imaginer une situation en rupture avec la situation ac- Un axiome de la méthode MG Taylor donne le ton : « You can’t get
tuelle, on optera pour une démarche favorisant des pensées et there from here. But you can get here from there16. »
réflexions décalées. Par exemple, vous pouvez proposer de réflé-
chir à partir de scénarios extrêmes (« Nous avons un budget illi-
mité » ; « La technologie n’est pas une barrière » ; « Vous êtes une
spin-off de l’organisation et gagnez en agilité de décision et de
gouvernance »…), à partir de modèles d’organisation alternatifs,
symboliques d’une évolution de rupture (Airbnb, Uber, SpaceX…),
ou encore de modèles d’organisation décalés (colonie d’abeilles,
mode opérationnel des GI’s, festival Burning Man…).
Sur la base de ces modèles, des réflexions et des échanges émer-
gent : ce qui nous surprend, ce qui est remarquable, les questions
soulevées, ce que nous décidons de retenir ou de ne pas appli-
quer, la définition de notre nouveau modèle…
On appliquera à cette vision émergente des techniques de carto-
graphie en temps réel. 16. « Vous ne pouvez aller d’ici à là-bas. Mais vous pouvez aller de là-bas à ici. »

98 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Transformer la réalité
Avoir un modèle visuel d’une nouvelle situation ne garantit pas en ZO NE DE RÉFLEXION
soi une transformation. Il est nécessaire non seulement de s’as-
surer que cette vision est partagée, c’est-à-dire comprise de la Quelle situation avez-vous besoin de transformer ?
même façon par toutes les personnes impactées, mais également Représentez-la de manière schématique.
de la traduire en actions.
Quelles sont les nouvelles priorités, les nouveaux processus, les
nouvelles interactions, les nouvelles orientations, les nouvelles at-
titudes, que devons-nous conserver, que devons-nous améliorer,
que devons-nous cesser de faire, que devons-nous développer
comme compétences, comme connaissances… ?
Identifier ces actions, les classer, les prioriser, leur attribuer des
porteurs et les inscrire dans un horizon temporel sont des phases
d’émergence qui pourront être accompagnées par une technique
de cartographie en temps réel.
Partager ces actions auprès des équipes qui auront à les rendre
effectives, cascader ce plan d’action dans l’organisation, sont des
phases de transmission de la vision. Ces phases peuvent donc
être accompagnées par une cartographie réalisée en différé. Représentez la situation idéale de façon schématique.
Vous trouverez dans le chapitre suivant des exemples et contre-
exemples qui illustrent les propos que je viens d’exposer.

Sur une autre feuille, identifiez les actions qui permettent de


passer d’une situation à l’autre.

CHAPITRE 4 | Principes d’application 99

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Pour compléter cette section consacrée à la mise en application
des principes de facilitation graphique, je souhaite partager avec
vous des expériences que des professionnels et moi-même avons
vécues. Pour des raisons de confidentialité, il n’est pas toujours
possible de vous présenter le visuel produit. Quoi qu’il en soit, ces
expériences présentent un éventail de situations et de contextes
qui pourront vous inspirer et compléter votre compréhension de
la facilitation graphique et de ses enjeux. Ces témoignages sont
classés en deux parties : ceux qui éclairent l’impact du visuel et
ceux qui parlent de la posture pour exécuter le visuel.
CHAPITRE 5 - EXEMPLES ET CONTRE-EXEMPLES D’APPLICATION

C HAP ITR E 5 Impact du visuel

L’identité des participants

Exemples Les principes de facilitation graphique peuvent concerner des


aspects très triviaux, voire a priori anodins, tels que la façon de

et contre-
préparer le badge des participants. Quelles informations y faire
figurer et de quelle manière ?
Le badge est considéré comme nécessaire par tout organisateur

exemples
de session de travail parce qu’il permet à chacun de savoir à
qui il s’adresse. L’objectif est donc de permettre aux participants
de rentrer facilement en contact avec leurs pairs. Or, vous re-

d’application
marquerez que bien souvent le prénom et le nom des personnes
sont écrits en tout petit. Les informations sont bien présentes
sur le badge mais, quasi illisibles, elles n’aident pas à la mise en
contact. Il faut en effet s’approcher très près de la personne pour
accéder à son identité. Ce n’est ni très pratique, ni très facile,
pour entrer en relation.
Pour faciliter cette mise en contact, les informations du badge
doivent être lisibles à trois mètres afin de pouvoir « connaître »
l’identité de la personne avant même de s’adresser à elle.
En fonction du contexte et du travail à réaliser, on cherche à
créer des interactions particulières. Un exemple frappant a
été vécu lors d’une session de travail organisée par le Forum
économique mondial sur un sommet régional en Afrique. Le

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L’agenda visuel
S’il est un élément qui aide les participants à se plonger sans
retenue dans un atelier de travail, c’est le cadre dans lequel ils
vont opérer et interagir. Leur donner un cadre clair, c’est leur
permettre de se repérer dans les séquences de travail et dans
leur enchaînement. C’est aussi répondre à leurs questions : « Que
sommes-nous en train de faire ? » ; « Quand allons-nous aborder
ce sujet important pour moi ? » ; « Quelle est la logique qu’il nous
est proposé de suivre ? » ; « Quand aura lieu la pause ? » ; « J’ai un
mail important à écrire, quand serai-je en mesure d’y consacrer
du temps ? »…
Leur permettre de trouver les réponses à ces questions, c’est leur
donner les moyens de se consacrer pleinement au contenu à tra-
vailler pendant les séquences.
C’est la raison pour laquelle l’agenda de l’atelier est présen-
té dans ses grandes lignes aux participants en début d’atelier.
Cependant, cette référence nécessaire est trop souvent présen-
tée sur une diapositive puis retirée. Les participants n’y ont donc
plus accès alors que leur besoin de s’y référer peut émerger à
thème de l’atelier était celui-ci : soulever la question de la cor- n’importe quel moment de l’atelier.
ruption. Un sujet on ne peut plus sensible, vous en conviendrez…
La question cruciale était alors : comment éviter la langue de bois, Chapitre 1, Une vision repère
les biais et retenues, afin de permettre des échanges pertinents ?
Le choix de facilitation a été d’« anonymiser » les participants, Appliquer les principes de facilitation graphique, c’est s’assurer
de leur enlever tout attribut qui les rendrait reconnaissables. que ces éléments structurants sont et restent accessibles pen-
Pour cela, les organisateurs leur ont fourni un habit drapant et dant toute la durée de l’atelier.
un masque. Ainsi, afficher un agenda rend cet accès pérenne. Créer un agen-
Sur ce principe, posons-nous la question des informations que da visuel permet, par les choix de formalisation, de fournir des
nous rendons visibles et qui vont influencer les perceptions, les informations importantes et complémentaires aux sujets, telles
postures des participants et donc leurs interactions. Quels sont que l’intention des séquences, les modalités de travail, etc.
les modèles mentaux à activer, quels sont ceux favorables et né- Affiché en continu, l’agenda visuel sert de repère pour les parti-
cessaires aux objectifs de la session ? cipants comme pour le facilitateur. Il peut y faire référence pour
animer l’articulation entre les différentes séquences : « Voilà ce
que nous avons fait, voilà vers quoi nous nous orientons, et voici
ce que nous allons faire tout de suite. »

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 101

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Cet agenda présente le parcours conjoint
de participants demandeurs d’emploi et de
participants employeurs. L’agenda a été
préparé en amont et complété en temps
réel avec les objectifs et livrables de la
session, exprimés pendant l’introduction.

102 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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La consigne visuelle Quand le nuage obscurcit la pensée
Autre cadre de réflexion et autre repère pour les participants, la Il y a quelques années, on a vu apparaître des applications per-
consigne de travail joue un rôle essentiel. Partagée par le facili- mettant de réaliser un nuage de mots à partir d’une quantité d’in-
tateur, elle indique aux participants l’angle de réflexion qui leur formations, qui sont utilisées un peu à tort et à travers.
est proposé sur la séquence suivante. Au cours du travail, les ré- L’usage de tels visuels pose question. En effet, ils sont construits
flexions ne suivent pas un schéma de pensée linéaire. Il est fré- sur le principe suivant : plus le nombre d’occurrences d’un mot est
quent que les participants, désorientés, aient besoin de se référer présent, plus sa taille dans le visuel est importante. Cependant,
à nouveau à la consigne pour se replonger de manière efficace le sens d’un mot est donné par le contexte dans lequel il est uti-
et pertinente dans leur travail. La consigne visuelle leur apporte lisé. Or le système qui crée le nuage de mots ne prend pas en
ce point de repère. Les informations qui y sont présentes peuvent compte cet aspect essentiel de l’information. Il ne considère que
suivre le modèle du Golden Circle pour permettre d’engager les le nombre de fois où un même mot a été utilisé.
participants : partager l’intention (Why), l’approche (How), et ce
Par exemple, les phrases « Un visuel ne sert à rien » et « Rien ne vaut
qui leur est demandé concrètement (What).
un visuel bien construit » expriment deux sens opposés. Et pourtant,
Utiliser ce genre de consigne rend chaque participant autonome les mots « rien » et « visuel » seront comptés deux fois. Pire encore, si
dans ses besoins de repères. Elle rend également le groupe plus l’une des phrases utilise « visuels » au pluriel, « visuel » et « visuels »
conscient et acteur de son mode de fonctionnement pour l’ajus- n’auront qu’une occurrence alors que « rien » en aura deux et se
ter si besoin. Enfin, cette autonomie permet au facilitateur de se retrouvera alors inscrit en plus gros dans le nuage de mots.
consacrer aux questions spécifiques durant la séquence et d’anti-
De plus, l’application choisit arbitrairement les couleurs à appli-
ciper et préparer celles à venir.
quer à chaque mot. Cela peut suggérer un rapprochement séman-
tique pas forcément réaliste par rapport aux informations traitées.
Le nuage de mots utilisé ici en illustration a été composé à partir
des occurrences des mots présents dans ce paragraphe. Vous est-
il utile ?

Cette consigne présentée en plénière a permis d’expliquer les


intentions de l’atelier, sa mécanique et les livrables.

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 103

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 103 07/03/2023 18:10


Il faut donc rester vigilant quant à l’interprétation dégagée par cartes visuelles d’une discussion. Le visuel était impactant parce
un nuage de mots. Pour utiliser cet outil, il est préférable de bien qu’il les aidait à réaliser ce dont ils discutaient réellement !
circonstancier la question qui est posée aux participants et d’in- À partir de là, nous avons examiné en détail tous les éléments pré-
terpréter le résultat visuel, non comme une représentation ré- sents. Ces échanges ont permis à tous d’intégrer les différentes
aliste, mais comme un point de départ pour stimuler et lancer contributions, y compris celles qui ne correspondaient pas à leur
une discussion. Dans ces conditions, il est alors possible de re- point de vue individuel.
faire émerger les nuances de sens qui auront été ignorées par
Nous avons déplacé du contenu, modifié quelques mots, et voilà !
l’application.
Ils pouvaient alors voir de façon partagée LEUR sujet et étaient
capables de raconter l’histoire qu’ils cherchaient à transmettre !
Le visuel, source de clarté et de langage commun Je reste vraiment étonné par le niveau de créativité et d’accepta-
Alfredo Carlo, facilitateur graphique et fondateur de Housatonic tion que le visuel a généré dans ce contexte. En début de réunion,
j’étais face à des participants nerveux et contre-productifs. À l’is-
J’ai été amené à travailler avec une équipe de cinq managers
sue de la réunion, ils étaient souriants et pleins de bonne volonté.
ayant des rôles différents au sein d’une fondation (communica-
tion, financement, ressources humaines, direction). Il s’agissait de La simple action de dessiner quelque chose pour quelqu’un
les aider à créer une explication visuelle claire de la nouvelle stra- d’autre (et je fais personnellement beaucoup d’efforts pour m’as-
tégie. Prolixes dans leurs contributions, les participants avaient surer que ce que je dessine dans ces contextes est au service des
des points de vue différents. Leur demande : aidez-nous à voir ce autres et non pour moi-même) suscite toutes sortes de nouvelles
que nous ne voyons pas ! réflexions et d’acceptations.
L’explication visuelle à produire avait pour vocation d’être parta- Chacun peut enfin voir clairement ce que lui-même et ce que les
gée aux collaborateurs au sein même de l’organisation, afin que autres membres du groupe cherchent à décrire.
chacun puisse comprendre la stratégie, se l’approprier, la parta- J’ai appris que mon intervention orale n’est pas forcément né-
ger et l’expliquer à d’autres, qu’il s’agisse de collègues, de parte- cessaire et que ma main peut s’y substituer, en dessinant et en
naires ou de clients. restituant les échanges. Cette forme de contribution a le pouvoir
Jusqu’alors, ils ne racontaient pas tous la même histoire. de créer de l’incertitude, de la curiosité, et permet aux personnes
d’être dans un état d’esprit plus constructif.
Lors de notre première réunion virtuelle, j’ai écouté toutes les
contributions sans intervenir. À la fin de cette première conversa-
tion, d’environ 45 minutes, lors de laquelle chacun avait un point
d’entrée différent sur le sujet, ils m’ont demandé mon avis. J’ai
alors partagé mes notes visuelles en donnant peu d’explications
complémentaires, puisque j’estime que les images parlent surtout
d’elles-mêmes !
Ils ont été surpris de reconnaître leur conversation en miroir : mi-
roir des contenus principaux de leurs contributions mais égale-
ment miroir de la confusion due à leurs différents points de vue.
Je suis régulièrement saisi et amusé par l’efficacité que peuvent
avoir une « simple » écoute et la transcription en images et en

104 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Reconnaissance et usage de la facilitation graphique La richesse de cette expérience réside dans les vrais échanges
que j’ai eus avec les participants et dans l’impact immédiat de
Yann Chapus, facilitateur graphique
ma production sur la leur. Elle se situe également dans la recon-
Lors d’un atelier de travail dont l’objectif était de casser les silos naissance de l’intérêt du visuel : il est utilisé comme outil, même
entre départements de l’organisation, mon intervention a été de après la session.
trois types. Le premier visait à créer avec les facilitateurs un envi-
ronnement immersif et favorisant les interactions par la création
de signalétique et d’éléments en volume. Le second consistait à
capturer en direct tous les contenus qui émergeaient de chacune
des séquences. Enfin, le troisième était de synthétiser sur une
grande fresque les éléments clés qui allaient être retenus en clô-
ture de session.
Ces interventions sont plutôt classiques. Ce qui m’a plu et ce que
j’ai appris lors de cette session, c’est de ne jamais se fier à sa
feuille de route et de se laisser surprendre. Il a fallu improviser
car l’agenda a changé en cours de session.
Au bout de quelques échanges, capturés face aux participants, le
responsable hiérarchique a soudain compris que je matérialisais
en direct le contenu partagé entre lui et les participants. Ça a
été un séisme. Il m’avait catalogué « illustrateur » et s’attendait à
de jolis dessins vaguement en rapport avec ses sujets. Il a alors
changé de posture en devenant attentif aux visuels. Il y a trouvé
un moyen efficace pour que chacun s’engage, y compris lui.
À ce moment-là, arrive un deuxième séisme. Après une première
vague d’échanges, la maturité du groupe nécessitait d’adapter
l’agenda. Il fallait donc revoir ma manière d’accompagner le
groupe. Nous arrivons au point de bascule que j’aime : un exer-
cice d’équilibriste entre expérience et découverte. J’ai laissé
mes marqueurs et supports physiques pour attraper ma tablette
graphique et partager mon écran via un vidéoprojecteur. Nous
avons coconstruit un template, avec les facilitateurs et les parti-
cipants. Cet outil visuel a permis de collecter leurs contributions.
Parce que le patron avait reconnu la pertinence de ma présence,
l’adaptation des techniques de facilitation graphique au bénéfice
du groupe a été possible.

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 105

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Ils paraissent surpris de mon incompréhension et/ou du fait que
Créer du sens en révélant le non-sens je ne partage pas leur franc enthousiasme pour cette « super
Renaud Combes, facilitateur graphique idée ». Tous sauf un, qui esquisse un imperceptible sourire.
Lors d’une récente session de travail, le facilitateur me demande Mais ils s’exécutent, soit par compassion à l’égard de mon manque
d’aider un groupe à préparer un support visuel pour la restitution de vivacité, soit par la trop grande confiance dans le fait qu’une si
à venir. Composé depuis deux jours, ce groupe réunit six mes- bonne idée ne peut être que simple et efficace.
sieurs d’âges et de qualités similaires, mais de pays différents. Chacun leur tour, ils m’expliquent qui fait quoi, à quel moment,
Ils œuvrent à la création de nouveaux systèmes de valeurs pour comment ils digitalisent ceci, conseillent cela, externalisent, cap-
leur activité commune. J’empoigne donc aussitôt les quelques turent des données, les stockent ici, les cuisinent là-bas… Et moi
marqueurs dont je dispose et me présente à ces messieurs, heu- je gribouille.
reux de voir débarquer un « artiste » qui saura sans grande peine Tout cela prend une petite quinzaine de minutes. Après trois ou
« rendre joli » leur concept. quatre itérations sur mes grands panneaux effaçables, tout le
– Bonjour, on m’a dit que vous aviez besoin d’aide, je m’appelle monde a l’air d’accord avec ma représentation graphique. Nous
Renaud, je suis facilitateur graphique. avons schématisé leur processus de bout en bout, avec toutes les
– Salut Renaud, c’est super, tu vas nous faire un truc super, on a informations importantes, pour pouvoir le valider.
trouvé une idée super… Je reprends alors : « Donc, si je résume, ce que vous voulez pré-
– Super ! Comment puis-je vous aider ? senter à vos collègues, c’est l’idée suivante : … » Je déroule mon
exposé en reprenant leurs termes et en suivant mon schéma,
– Alors voilà : le truc c’est de dessiner un truc super, ici, qui ferait
jusqu’à la fin.
ci et ça, et aussi un autre dessin d’un autre truc où il se passerait
ça, et aussi ça et ça… …
–… Silence.
Tout le monde parle en même temps. Je suis perdu. Tout ce que …
je comprends, c’est que je vais passer les prochaines soixante- – Ouais… c’est nul en fait !
douze heures à… ILLUSTRER ! – Ça marche pas du tout !
N’étant ni bon ni rapide en illustration, je fais entièrement – Ça existe déjà, d’autres le font et mieux.
confiance à la petite voix dans ma tête qui me dit : « Es-tu certain – Ça va coûter trop cher.
d’avoir compris de quoi ils parlent ? »
– C’est impossible à mettre en place dans les temps.
J’ose alors un courageux : « Attendez ! Vous voulez bien me ré-
expliquer le processus, du début à la fin ? Qui sont les parties –…
prenantes, à chaque étape, quels sont les bénéfices pour les uns Je ressens alors une drôle d’impression, celle de les avoir fait re-
et les autres… ? » culer alors que j’étais censé les aider à avancer. En réalité, en
Si je me permets cette question, c’est que, les côtoyant depuis formalisant leurs propos, je les ai aidés à prendre conscience que
deux jours, j’ai en tête les objectifs de leur atelier et je sais à leur « super idée » ne l’était pas. Ils ont gagné du temps à ne pas
quelle étape du processus d’idéation ils en sont. travailler plus longtemps dessus. Le participant à l’imperceptible
sourire l’accentue alors à peine plus, mais cette fois j’y lis de la
Ce qui se passe alors m’étonne !

106 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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bienveillance. Il m’emprunte poliment mon feutre rouge et, en techniques leur permettait de nourrir leurs discussions, de clari-
s’adressant à ses collègues, commence des esquisses de part et fier les situations et d’enrichir leurs solutions.
d’autre de mon dessin, piquant alors l’intérêt de ses homologues… Six mois après la fin de ce programme, les participants me
Je me retire discrètement. ­confirment qu’ils sont en route vers les solutions qu’ils avaient
Je n’ai jamais illustré le support de restitution de ce groupe de modélisées et que cette approche a renforcé leur équipe et leur
travail, mais je l’ai facilité graphiquement ce jour-là. zone d’action.
À l’issue de cette expérience, mon intuition est donc confirmée :
connaître et pratiquer les fondamentaux de la facilitation est
La modélisation : catalyseur de transformation
un vrai booster pour une équipe. Changer les habitudes de tra-
Caroline Isidore Weibel, ingénieure de formation et facilitatrice vail en équipant les personnes avec une nouvelle posture et des
de processus collaboratifs – Apprenance ­techniques visuelles favorise l’efficacité (évite la réunionite), en-
J’ai eu la chance de cocréer avec Nicolas Gros un programme gage les parties prenantes et permet de passer à l’action.
d’accompagnement court et innovant pour des équipes natu-
relles ou transversales, afin qu’elles puissent contribuer à la
transformation de leurs organisations.
Un parti pris a orienté la conception de ce programme : dans un
contexte de complexité, la clarté favorise la discussion, l’appro-
priation, l’engagement, la mise en action et donc la transforma-
tion. Ainsi, pour mettre une organisation dans un mouvement de
transformation, les équipes doivent pouvoir communiquer leurs
idées et initiatives de manière claire en mettant à jour leur repré-
sentation des systèmes et de leurs interactions.
Dans ce cadre, nous avons naturellement choisi de former les
participants à la modélisation graphique pour leur permettre de
casser les codes et de clarifier en un temps court des situations
complexes. L’objectif, pour ces artisans de la transformation, est
de disposer d’outils adaptés qui permettent à toutes les parties
prenantes de s’approprier les solutions et de les enrichir pour
mieux s’engager dans leur mise en œuvre.
Lors de la journée de formation sur la modélisation, les parti-
cipants sont arrivés avec des pistes de solutions sur lesquelles
ils avaient déjà travaillé, souvent dans une formulation linéaire.
Appliquées à leur sujet, les techniques visuelles ont apporté
une approche et un média différents, faisant évoluer le regard
des participants et la conception de leur solution. Tout au long
de la journée, j’ai pu observer à quel point l’acquisition de ces Crédit photo : Martin Boudier

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 107

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La structure visuelle comme fil d’Ariane Du point de vue du design, le dialogue autour de la coconception
du modèle nous a permis de débloquer un processus qui n’avan-
Philippe Coullomb, facilitateur chez Openfield
çait plus. Les commanditaires se noyaient dans le volume de
Une organisation internationale, achetant des matières pre- contenu et la complexité de la question. L’utilisation d’un modèle,
mières agricoles dans plus de quinze pays en voie de développe- et la représentation visuelle de leur situation à travers ce modèle,
ment, souhaite supprimer le travail des enfants de sa chaîne de a facilité la création de sens et la focalisation sur les éléments les
valeur. Les responsabilités sur ces sujets sont dispersées à tra- plus structurants.
vers l’organisation et personne ne dispose d’une vue d’ensemble
Le visuel a également outillé les commanditaires pour raconter
des initiatives en cours, de leur coût ou de leur impact. Le nou-
le projet comme une histoire dans laquelle chacun pouvait se
veau responsable en charge du respect des droits de l’homme
reconnaître. La version du modèle, itérée pendant la session, a
dans l’organisation nous sollicite pour concevoir et faciliter une
ensuite servi de point de départ à plusieurs sessions visant des
démarche collaborative. Il s’agit de construire une trajectoire à
publics plus larges dans les pays concernés.
trois ans et un plan d’action à un an.
Notre principal enjeu était de faire émerger une vision parta-
gée, de créer une représentation commune de l’état des lieux,
de la cible et des options pour y arriver. Nous avons compris très
vite que la visualisation serait le levier le plus efficace pour créer
de l’alignement et débattre des options. En nous appuyant sur
le modèle Creating the Problem de la méthodologie MG Taylor,
nous avons collecté une multitude d’intrants. Nous les avons po-
sitionnés sur une grande fresque. Avec nos commanditaires, nous
avons également coconçu une grille de représentation du porte-
feuille de projet et une grille d’évaluation d’impact.
Après des itérations successives sur le format et le contenu, nous
avons fini par créer une représentation visuelle jugée complète
et facilitante par les commanditaires. La session a entièrement
été conçue autour de celle-ci. Chaque activité était une occasion
d’explorer une nouvelle section. Pour engager les participants
connectés à distance et pour faciliter la poursuite des travaux
après la session, le visuel a été produit à la fois en salle et dans
un espace virtuel partagé. Visuel réalisé par Jean-Baptiste Vincent
Du point de vue des participants, le visuel a donné un sens à l’en-
semble de la démarche, bien au-delà de la session. Il a permis de
créer une vision holistique du sujet et de mettre en cohérence
toutes les initiatives et toutes les parties prenantes.

108 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Visualiser pour comprendre et résoudre des situa- La formalisation et qualification des relations évite aux partici-
tions en groupe pants de considérer le problème exclusivement dans un schéma
statutaire ou hiérarchique.
Philippe Labat, facilitateur
Lorsque la situation est partagée, le groupe échange sur ce mo-
Nous sommes dans une grande ville du sud du Bénin. Vingt-sept
dèle visuel et imagine des résolutions, en identifiant qui pourra
artisans (électriciens, mécaniciens, vulcanisateurs, matelassiers,
les mettre en œuvre en tant que conciliateur, arbitre, négocia-
coiffeuses, couturières, photographes, menuisiers, tisserands…),
teur, médiateur… ou agitateur.
membres de bureaux d’associations professionnelles, sont en for-
mation avec moi. Cette formation porte sur leurs rôles de ges- Cette visualisation est immédiatement adoptée par les groupes
tion, d’animation de réunion, de montage de projets, d’informa- d’artisans. Elle est très accessible et leur évite l’écriture labo-
tion auprès des adhérents, de compréhension et résolution de rieuse de longues phrases linéaires. Elle les oblige à décrire
situations tendues. schématiquement mais complètement la situation, plutôt que de
suivre la première idée de solution qui leur passait par la tête
Ces dernières sont variées : litiges au sujet d’apprentis, membres
(très souvent « c’est au président de prendre la décision »). Elle
ne respectant pas le règlement, trésorier démissionnaire, tru-
leur permet de partager une même représentation du problème
blions dans les réunions, atelier ouvert par un artisan sans di-
lors des discussions pour le résoudre.
plôme, artisan prenant le travail d’un autre, refus de cotisation,
idées du bureau incomprises des membres, trésorier malhonnête,
jalousies sur les postes, président autocrate ou abusant du pou-
voir, ancien responsable opposant, rôles flous, manque d’infor-
mation sur la situation financière…
Les participants ayant déjà été familiarisés à l’usage des visuels
au cours de la formation, je leur propose d’utiliser ces outils pour
présenter, comprendre et résoudre les situations. Ils sont invités
à représenter chacune d’elles sur une affiche, sans tenter de la
résoudre, en suivant des étapes simples. Ils commencent par faire
une liste des parties prenantes et exprimer leurs besoins (ce que
chacun veut et ne veut pas). Ils représentent chaque partie pre-
nante sur un cercle, puis identifient et qualifient leurs relations Photo : Philippe Labat
sur des traits reliant les personnages : opposition, alliance, subor-
dination, influence…
La formalisation de la situation incite les participants à adopter
une vision large sur les parties prenantes. Ils peuvent y inclure
des personnages pas forcément impliqués directement mais qui
jouent un rôle important (une autorité administrative ou tradi-
tionnelle, un ancien président de l’association qui est aussi l’oncle
d’un des membres, un fournisseur local…).

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 109

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Voici leurs dessins :
La visualisation graphique comme support
à la médiation stratégique
Martin Serralta, fou de la cité, prospectiviste et facilitateur
J’interviens dans une situation de médiation entre les trois asso-
ciés de l’entreprise HOMEXT17. Ils sont en désaccord sur les orien-
tations stratégiques pour les années à venir.
La tension est montée entre eux et dévie sur une situation de
conflit interpersonnel mettant en danger l’entreprise et leurs re-
lations pourtant historiquement amicales. Classiquement dans
ce type de situation, les positions individuelles se polarisent et
chacun campe sur les siennes.
Dans le système à considérer, il y a quatre acteurs principaux en Après un petit temps d’observation des dessins, j’invite chacun à
jeu : les trois associés – Alexandre, Bérénice et Claude – et l’entre- expliquer en deux minutes (temps décompté avec un sablier) son
prise HOMEXT elle-même. point de vue sur la situation.
Alexandre et Claude arrivent extrêmement tendus à la rencontre • Alexandre est conscient des enjeux pour HOMEXT et que des
et se parlent à peine. Après avoir posé un cadre de sécurité pour décisions importantes sont à prendre. Il a l’impression que
l’échange, je rappelle l’ambition de trouver une solution com- Claude s’éloigne et se désintéresse. Il perçoit une sorte de tra-
mune. Claude pose que ce n’est pas possible, Alexandre marque hison de leur pacte historique alors que ce serait le moment de
des premiers signes d’exaspération, Bérénice leur demande se serrer les coudes.
d’essayer… • Bérénice estime que la tension ne concerne que l’entreprise et
Leurs dernières conversations sont lourdes de sous-entendus et son contexte et non leur relation elle-même. Cette dernière est
de projections. Il faut changer de registre ! La visualisation gra- simplement mise à rude épreuve. Elle cherche à apaiser la si-
phique s’impose pour modifier le mode de conversation : je distri- tuation et invite ses collègues et amis à l’harmonie, rappelant
bue feuilles et marqueurs. le sens même de leur projet initial.
Je demande aux associés de dessiner la situation actuelle, telle • Claude réaffirme son engagement au service de HOMEXT. Il
qu’ils la perçoivent. Je leur impose de le faire individuellement a l’impression qu’Alexandre cherche à prendre le pouvoir et à
et avec un vocabulaire graphique commun : un personnage pour tout décider seul. Il reconnaît une part de légitimité à cela car
chacun d’eux avec l’initiale de leur prénom et l’entreprise elle- l’entreprise était l’idée initiale d’Alexandre. Il admet qu’il se met
même sous forme d’une maison marquée d’un « X ». davantage dans une position de suiveur face à cette posture
autocratique. Claude met aussi en avant le fait que cela ne
les concerne pas seulement tous les trois mais également leur
équipe.
17. Par souci de confidentialité, tous les noms ont été changés.
J’affiche leurs dessins pour les aider à visualiser le jeu psycho-
logique qui s’est installé. Cela crée une nouvelle dynamique de
dialogue et d’écoute entre eux.

110 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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• Alexandre réalise que Claude se sent dépossédé de sa respon- Les trois associés remettent la raison d’être de l’entreprise au
sabilité alors que lui-même attend qu’il se positionne en équiva- centre de la discussion et peuvent ainsi progresser à nouveau.
lence. Il est rentré dans le rôle du bourreau. Le reste de l’équipe est intégrée au schéma et fera partie de la
• Bérénice se rend compte qu’elle tente de recoller les morceaux recherche de solution.
sans traiter le problème et en évitant de parler de ses propres Dans ce type de situation, la visualisation graphique « objective »
ressentis ou envies. Elle joue à la sauveuse. le problème.
• Claude, qui est pourtant le plus âgé avec des airs de vieux L’« objet » créé (le dessin) est tangible : il est donc facile à manipu-
sage, prend conscience qu’il joue la victime et abandonne un ler et à remettre en question. Sa manipulation, sa transformation,
peu la partie. font évoluer les points de vue sans heurter directement l’intégrité
À partir de ce constat, je leur demande de me donner des ins- et les ressentis de chacun.
tructions pour dessiner une vision de la situation sur laquelle ils En l’occurrence, il aura permis de trouver une solution commune,
seraient tous les trois d’accord. pour l’entreprise et pour la qualité de la relation entre associés.

PowerPoint interdit au Comex !


Lors de mon parcours, j’ai accompagné et formé des personnes
œuvrant à la transformation d’une grosse banque française,
sur la partie commerce de détail. Après la formation, lors d’un
échange informel avec une personne de cette organisation, j’ap-
prends que lors des revues de projets le comité exécutif (Comex)
a interdit les PowerPoint et n’accepte dès lors que des modélisa-
tions faites à la main ! Plutôt étrange et inhabituel, non ?
Étrange parce que, à cet endroit et à ce niveau de l’organisation,
avouons qu’il n’est pas habituel de voir des dessins et schémas
faits à la main… Ce contexte est dit « sérieux » ; les sujets sont
« sérieux » ; il faut être « sérieux ». Or, un dessin à la main n’est pas
réputé « sérieux »… Ah, quel beau modèle mental !
En réalité, cette décision s’appuie sur plusieurs facteurs impor-
tants. Lorsqu’on utilise PowerPoint, on a vite tendance à accumu-
ler du contenu pour se rassurer et parce qu’on n’est pas limité
La tension interpersonnelle entre Alexandre et Claude se réduit.
dans le nombre de diapositives. On n’opère donc pas le tri né-
Alexandre affirme son envie de décider en équivalence et réaf-
cessaire pour les membres du Comex qui n’ont alors pas le temps
firme que même si HOMEXT est son idée au départ, ils ont été
d’intégrer toutes les informations. Ils ont pourtant besoin d’une
chacun indispensables à sa réalisation. Claude dit son envie de
synthèse qui leur permette de prendre des décisions.
trouver un futur souhaitable à HOMEXT et prend sa part de res-
ponsabilité. Bérénice partage pour la première fois sa vision pour D’autre part, il y a une différence flagrante entre ce que donnent
la suite et notamment ses envies en matière de gouvernance. à voir des informations saisies informatiquement et celles faites

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 111

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à la main. Dans le premier cas, l’aspect est « léché », lisse, il donne Leur présenter un support fait à la main impose non seulement
le sentiment de quelque chose de figé. Dans le deuxième cas, il de faire une vraie synthèse des projets mais leur donne aussi le
y a une sorte de vibration organique du trait fait à la main qui sentiment qu’ils contribuent à un travail en cours.
déclenche l’impression d’un work in progress. Attention, chaque contexte étant différent, il convient de valider l’ac-
Lors d’une revue de projets, le Comex a besoin de piloter, d’arbi- ceptation d’un tel outil, qui vient remettre en question des modèles
trer, d’infléchir, d’orienter les projets qui sont présentés. Lui pro- mentaux puissants, dont le fameux « Un dessin n’est pas sérieux ».
poser des informations sur des supports qui semblent « figés » ne
lui donne pas le sentiment d’ouverture à la contribution du projet.
Les membres du Comex ont le sentiment, même inconscient, qu’il
va falloir « taper fort », s’énerver pour faire bouger les choses.

112 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Un processus de conception soutenu en situation de handicap de tester et de réagir à l’outil que nous
par la facilitation graphique fabriquons.
Olivier Sampson, facilitateur graphique Très rapidement, en lisant le texte et en proposant mes premiers
dessins sur le mur, nous réalisons que ce qui était prévu initia-
Le CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et
lement va considérablement évoluer par l’apport des personnes
des familles) de Roubaix envisage la publication d’une plaquette
concernées (celles à qui s’adresse la plaquette).
FALC (facile à lire et à comprendre) sur la thématique des vio-
lences sexuelles. Son objectif est de communiquer auprès de D’abord, elles sont extrêmement joyeuses et s’amusent du sujet
publics en situation de handicap, et de rendre plus accessibles (à rebours de la gravité et du sérieux dans lequel nous sommes).
les informations à partager. C’est un sujet délicat et un contexte Parler de nudité, de fesses, de sexe, de seins, les rend hilares.
spécifique imposant certaines contraintes. Quand je matérialise aux marqueurs ces sujets, imaginez… : le
climat se détend, on s’amuse bien. Il faudra tenir compte de cet
aspect dans le rendu final.
Le texte et les dessins sont aussi clairement remis en cause : « Je
ne comprends pas ce mot », « C’est quoi qui est dessiné, là ? »…
Le point de vue des intéressés est différent du nôtre. Certains
concepts, certaines images ne sont pas perceptibles pour eux. Il
faut se mettre à la bonne hauteur pour répondre au besoin et à
l’objectif de la séance : produire des visuels qui vont être justes,
clairs, et faire passer les informations de manière fluide.
Le travail est parfois cru, on y met un peu de jeu, de sourires. À
force d’itérations facilitées par un support effaçable, ça marche :
« Ah oui, là, je comprends mieux ! » Le visuel permet de parler
ensemble de la même chose, de cristalliser le sujet sur lequel on
est en train d’échanger.
Les échanges de cette séquence ont été extrêmement forts,
émouvants, drôles et structurants pour la suite. La plaquette, qui
devait initialement être éditée au niveau local, le sera finalement
Extrait de la plaquette issue de l’accompagnement en facilitation
au niveau national.
graphique, réalisée par Olivier Sampson. Bien souvent, les choses ne se passent pas comme prévu. Cette
Illustrations : Olivier Sampson ; maquette : Fanny Duirat expérience a questionné mes certitudes quant à « ce qui doit »
être fait. J’ai réappris à être souple, à accueillir ce qui vient, à
être plus que jamais à l’écoute et au service des personnes et de
Nous organisons un atelier de travail avec deux personnes en si-
l’objectif final.
tuation de handicap, le CIDFF et des travailleurs sociaux, sur une
base de travail fournie par ces derniers. L’objectif de l’atelier est
de créer les visuels en direct et de permettre aux deux personnes

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 113

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 113 07/03/2023 18:10


Une histoire qui compte et un impact mesurable
Guillaume Lagane, facilitateur graphique
Qu’est-ce que la facilitation graphique apporte à l’intelligence
collective ? Concrètement ? Pourrons-nous un jour quantifier la
valeur ajoutée de notre métier ?
Le trouble du comportement alimentaire est une maladie mentale
fréquente qui représente la deuxième cause de décès chez les
15-25 ans. Les patients montrent un profil neurocognitif particu-
lier dont des problèmes de cohérence, des difficultés de synthèse
d’information. Le Dr Louis Carrier (clinique Saint-Vincent-de-Paul
à Lyon) a choisi de poser la question suivante pour encadrer sa
thèse de psychiatrie : la facilitation graphique pourrait-elle amé-
liorer la discussion et la qualité de vie familiale et donc renforcer
les outils psychothérapeutiques en thérapies familiales ?
En 2017, la clinique a choisi seize patientes entre 12 et 16 ans.
Deux groupes de huit patientes (accompagnées par leurs pa-
rents, frères et sœurs) ont suivi la même thérapie (trois jours éta-
lés sur plusieurs mois) avec l’aide de médecins, de psychologues
et d’infirmières. Des tests neuropsychologiques ont été réguliers
pendant six mois sur les deux groupes. J’ai eu la chance d’ac-
compagner l’un de ces deux groupes (groupe GF) et de mettre
en place plusieurs expériences facilitées graphiquement avec les Visuel réalisé par Guillaume Lagane
soignants. Les échanges avec et au sein de la famille ont été for-
malisés visuellement. Les visuels produits ont été affichés dans la
chambre de la patiente et remis à sa famille.
Les résultats de l’étude ont montré une amélioration de l’ensemble Durant ce travail d’un an et demi, le monde médical a expérimen-
des critères retenus pour les deux groupes. L’amélioration des cri- té de nouveaux « outils souples » comme la facilitation graphique.
tères « qualité de vie » des patientes et de leur famille ainsi que Ce genre d’outils de développement dans le domaine médical
des critères spécifiques « ascétisme » (perception de la maigreur) POURRAIT aider à améliorer la qualité de vie des patients.
était SIGNIFICATIVEMENT plus importante chez le groupe GF Le doctorat a reçu le plus haut niveau de mérite des spécialistes
(probabilité < 0,05). L’amélioration était SOUS-JACENTE (ten- français en psychiatrie.
dancielle) (probabilité < 0,1) pour les critères spécifiques « perfec-
tionnisme » et pour « flexibilité mentale » dans ce même groupe.

114 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Puissance de l’image… invisible Bien sûr, nous avons détaillé les aspects supposés positifs comme
ceux supposés négatifs de chaque option. Le choix à faire pro-
Julien Goby, facilitateur et fondateur de Wild is the Game
voque une réelle tension dans le style de leadership de notre
La directrice générale d’une entité de plus de 12 000 employés cliente, entre la nécessité d’assumer un style naturel ou d’en
d’une multinationale française fait appel à nos services de fa- épouser un autre, moins naturel, mais éventuellement nécessaire.
cilitation. Elle porte une mission sociétale importante qui doit
Cette image évoquée initialement sans autre volonté que de sim-
impacter toute l’organisation. Depuis un an, elle s’appuie sur la
plifier des propos, nous est devenue irrésistible. Elle s’installe et
bonne volonté des directions terrain, par influence progressive
devient un repère fort et commun. Au sein de l’équipe Wild is the
et par invitation à coopérer, à contribuer à cette transformation
Game®, elle est convoquée souvent dans nos réflexions sur les
et à uniformiser leurs pratiques au fil du temps. Parce que cette
choix à faire pour mobiliser le groupe. Notre cliente, son direc-
démarche n’avance pas assez vite, elle souhaite optimiser leur
teur de cabinet et son directeur stratégique l’ont adoptée aussi :
coopération et permettre des prises de décisions alignées.
« Mais là, assouplir cette mesure, c’est intelligent, mais c’est plutôt
Lors de la discussion pour comprendre ses enjeux, nous avons uti- “fuite” » ; « Évidemment que nous allons débattre, mais le débat
lisé une pensée visuelle pour lui présenter deux options de mobi- ne doit pas trop faire durer cette séquence, c’est “la cape” de
lisation collective. Et c’est le chemin puissant de cette métaphore toute façon ».
toute simple qui m’a marqué.
Je réalise après coup que cette image simple nous permettait de
Nous lui proposons l’option qu’elle demandait : renforcer sa parler de choses plus difficiles ou subtiles, sans avoir à traverser
démarche actuelle basée sur la bonne volonté, en donnant un toute la complexité que couvrait notre discussion. Serait-on arri-
rythme intelligent, et en optimisant les phases coopératives. vés jusque-là sans cette image ? Je ne le pense pas.
Durant le rendez-vous, nous avons puisé dans le vocabulaire ma-
Son usage est toujours d’actualité chez ce client…
rin et nommé cette approche : « la fuite ». Face à une tempête, la
fuite est le choix tactique assumé de lui tourner le dos, en avan-
çant dans le même sens qu’elle. Poussé par elle, cela prend du
temps mais permet de la passer sans trop de secousses.
Avec cette métaphore marine en tête, nous proposons une autre
option : « la cape ». C’est le choix tactique consistant à baisser la
voilure, à aller droit vers la tempête et à serrer les dents. « Ça va
secouer », il faut s’y préparer, tenir bon, mais ça passera plus vite
que « la fuite ». Concrètement cela veut dire, pour cette leader,
user de son pouvoir de manière quasiment autoritaire, affronter
le presque statu quo en imposant une exigence d’uniformité dans
l’instant… puis, dans un second temps, inviter les directeurs et di-
rectrices aux initiatives et autonomies pour ajuster la démarche.

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 115

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Posture et exécution

Lorsque les limites sont atteintes


J’ai pris conscience de certaines limites pendant une intervention
avec un groupe de l’industrie aérospatiale. Cette session réunis-
sait les cent vingt top-managers du groupe. Le facilitateur qui
l’animait avait identifié plusieurs séquences à capturer en temps
réel. Parmi elles, deux me paraissent notables a posteriori pour
ce qu’elles m’ont appris. Pour les deux, c’est la question du temps
qui était en jeu.
La première séquence concernait la restitution des travaux en
sous-groupes. Pressé par le temps, plutôt que de laisser s’expri-
mer un rapporteur par table, l’animateur n’autorisa que le par-
tage d’un seul mot par personne. Dans le même souci de gestion
du temps, il gardait le micro en main et accélérait le rythme en le
tendant à chaque personne.
Je me retrouvai à n’avoir que des mots-clés, sans leur sens et dic-
tés à un rythme impossible à suivre sans en perdre une partie.
La pression était si forte et les conditions tellement dégradées
que faire quelque chose de sensé était irréalisable. Il m’était tout
simplement impossible de structurer les informations. Or, ne pas
capturer certains mots revient à envoyer au contributeur le signal
que ce qu’il a dit ne mérite pas d’être noté… C’est une situation
par défaut, imposée par les contraintes de temps et d’animation
et non un choix réfléchi.
La deuxième séquence proposait le retour d’expériences de pro-
jets. Les présentateurs se succédaient et chacun disposait de cinq
minutes pour présenter les points clés de son projet. Ce temps
très court poussa le présentateur à être ultra synthétique, ce qui
laissa peu de place à un nouveau niveau de synthèse pour le vi-
suel. Là encore, par manque de temps et sans avoir pu prendre ces limites sont connues et partagées avec le commanditaire
connaissance des projets en amont, les conditions de capture ont et la personne en charge de l’animation de la session. Cela ne
mené à un contenu visuel décevant. protège pas des aléas d’animation et de gestion du temps, mais
Suite à cette expérience, j’ai pris conscience des limites de l’exer- la conscience partagée de ces limites permet de relativiser et
cice. Depuis, lorsque je prépare une intervention, je m’assure que d’ajuster les attentes de production.

116 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Moins de temps qu’il n’en faut pour manger une me dit que « le charisme du manager n’était pas suffisant » et qu’il
brioche… craignait que l’attention des membres de l’équipe ne soit détour-
née par le visuel que j’allais produire.
Il m’a été donné d’expérimenter un autre contexte de conditions
extrêmes : le pitch d’un projet en trois minutes. Mon commandi- Interloqué, je lui expliquai que les principes de mon interven-
taire animait une session dans laquelle il faisait intervenir des tion n’étaient pas de faire une animation mais de structurer les
start-up qui pitchaient leurs propositions de valeur et leurs so- messages clés pour les rendre compréhensibles et palpables.
lutions, devant une audience variée. Les informations partagées Autrement dit, que le visuel était justement là pour aider le ma-
étaient certes importantes mais les conditions ne permettaient nager à faire passer ses messages. La session allait débuter. La
cependant pas de produire un visuel qui faisait sens. pression était palpable. Le facilitateur n’est pas parvenu à chan-
ger de point de vue. J’ai donc accepté cette réalité et ai captu-
Le pitch est un exercice de style très particulier18, qui nécessite
ré en temps réel sans que le visuel ne puisse être vu pendant la
un travail important en amont s’il veut être percutant et engager
présentation.
ses interlocuteurs. C’est donc un travail de préparation millimétré
où chaque information est importante et articulée de manière Je suis encore déçu de ne pas avoir pu apporter l’aide que j’étais
précise sur un temps très court. en mesure de fournir à cette équipe. C’est la vie, petit !
Fort de mon expérience précédente, j’ai partagé aux commandi-
taires les limites de l’exercice de capture en temps réel et décliné
la proposition. Dans de telles conditions et parce que l’enjeu pour
les start-up est d’engager leur audience en passant un message
clair, il faut préférer un travail de visualisation en différé à une
capture en temps réel.

Attention à l’attention
Je fus également contacté pour accompagner le séminaire d’une
équipe internationale. Pendant la préparation avec le facilita-
teur, nous avions identifié les moments et les techniques visuelles
à utiliser pour soutenir l’intention des séquences.
Le jour J, il m’informa du contexte et mit l’accent sur la difficul-
té du manager à faire passer des messages clairs à son équipe.
Pour cette raison, il me demanda de ne pas me positionner à
proximité du manager mais de manière à ce que l’équipe ne voie
pas la capture des messages de cadrage. Ne comprenant pas
les raisons qui sous-tendaient cette demande, je l’interrogeai. Il

18. J’en profite pour partager la référence du très bon livre de Corine Waroquiers
et Sylvain Bureau, Free your pitch, Pearson, 2018.

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 117

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Structure des informations, modalités et réalité
L’équipe Open Innovation du groupe EDF m’invita à suivre et
accompagner une journée sur le thème de l’innovation. Au pro-
gramme, trois grandes séquences :
• le management de l’innovation au service de la création de va-
leur (avec trois interventions de trente minutes chacune) :
- Pascal Picq, paléoanthropologue, pour aborder les principes
d’innovation,
- Florin Paun, théoricien de l’évolution des modèles et outils
d’innovation,
- Bernard Scherrer, directeur de l’innovation chez EDF ;
• des innovations réussies (trois présentations de trente minutes
chacune) : exemples de Gemalto, Bouygues eLab et EDF ;
• l’écosystème de l’Open Innovation : table ronde d’une heure et
demie avec six intervenants.
Les trois séquences portaient toutes sur le même thème et
avaient la même durée. En revanche, les angles d’approche du
sujet différaient de par leur nature et de par les modalités des
séquences.
J’ai opté pour un support par séquence et il en résulta des for- La deuxième séquence était, par la nature des sujets, une jux-
malisations très différentes. Pour la première séquence, les trois taposition d’exemples spécifiques de mises en œuvre réussies
intervenants, bien que se succédant, abordèrent le même sujet d’innovation. Leurs spécificités impliquaient que, sur un même
sous des angles différents et complémentaires. Il n’était donc pas support de capture, les sujets restent « séparés ». En effet, leur
étonnant que le visuel présente une version intégrée de leurs valeur résidait dans le contexte spécifique de l’entreprise, dans
contributions qui décrivaient le même « objet ». son approche et sa gestion de l’innovation et dans le produit ou
service créé. Il n’y avait donc pas de sens à chercher à les inté-
grer. Avec le recul, j’aurais même voulu accentuer visuellement
cette séparation… mais, cela restait une capture en temps réel.

118 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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troisième présentation a pris fin, me laissant seul face à un pan-
neau vide, alors que le temps défilait, une grande solitude s’est em-
parée de moi. Je peux même dire qu’un abysse s’est ouvert et m’a
aspiré !
Je paniquais : « Je n’ai rien capturé, je dois capturer quelque chose !
Si je formalise les présentations suivantes, quelle place me reste-
ra-t-il pour la vraie discussion ? Et si je les capture maintenant,
quid des premières ? Impossible de rattraper ces informations
perdues ! »
Il m’a fallu attendre encore vingt minutes supplémentaires, et vingt
minutes dans ces conditions, c’est extrêmement long et déstabi-
lisant. Vingt interminables minutes donc, avant que les présen-
tations ne cessent pour laisser enfin place au sujet de la table
ronde, objet que je devais visualiser. Dans la portion congrue de
temps restant, il n’y eut que très peu d’informations échangées.
J’ai donc opté pour une structuration visuelle très simple, que
voici :

La dernière séquence, d’une durée d’une heure et demie, avait


une modalité tout autre. C’était une table ronde qui accueillait six
contributeurs aux profils assez divers, représentatifs des parties
prenantes de l’écosystème de l’Open Innovation. En regardant le
résultat, vous vous rendrez compte que le visuel ne ressemble pas
du tout aux autres, surtout si je vous précise que le « BIG UP for
innovation team » a été ajouté ultérieurement. Il est relativement
vide pour une heure et demie d’informations…
En réalité, cette heure et demie, initialement dédiée au sujet de la
table ronde, a été cannibalisée par la présentation individuelle de
chacun des intervenants.
Les informations spécifiquement liées aux profils, parcours, études,
expériences des intervenants ne concernaient pas le sujet de la
table ronde. Je n’ai donc pas capturé la première présentation,
ni la deuxième, attendant les « vraies » informations… Lorsque la

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 119

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Cette expérience m’a longtemps questionné. Elle m’a permis d’in- lui le programme de la journée : une introduction en plénière, sui-
terroger les relations entre la nature des sujets et les modalités vie d’une conférence d’une heure et demie puis une série de cinq
d’intervention, entre la structure des informations telles que nous sessions de huit ateliers en parallèle et une conclusion informelle.
les recevons, la structure naturelle des informations et la struc- Re-hum… Et j’étais seul à tout couvrir…
ture visuelle que nous formalisons. Vous retrouverez ces appren-
Je sondai alors le contenu en espérant trouver un fil rouge, des
tissages dans la section III et particulièrement dans les principes
indices qui m’indiqueraient quels ateliers je devrais suivre sur
de cartographie d’information en temps réel.
chacune des cinq sessions. Mais cela resterait une sélection de
cinq ateliers sur les quarante initialement prévus !
Quand mes modèles sautent en éclats Je lui exposai mes questionnements pour que nous coconstrui-
Je fus, à une autre occasion, contacté par l’organisateur d’une sions la solution. Mais sa réponse fut sans appel (et c’est un eu-
rencontre de l’Agile Tour pour accompagner une journée réunis- phémisme !) : « Tu te démerdes, ce n’est pas à moi de te dire ce
sant environ cent cinquante personnes de la communauté Agile, que tu dois faire, tu as carte blanche. »
aux niveaux d’expérience très hétérogènes. Lorsque je qualifiai la Aïe !
demande, il m’expliqua qu’il cherchait une animation différente C’était mon premier contact avec les méthodes agiles…
de celle de l’année précédente. Il avait alors fait intervenir un
Après avoir bien cerné le problème (voir à nouveau le modèle
groupe d’improvisation de jazz.
Create the Problem !) et la tension existante entre l’ambition d’ap-
Hum… Une « animation »… porter de la valeur à la communauté et les conditions qui se résu-
Je trouvai difficile de me projeter avec cette description et d’iden- maient pour moi à être seul à capturer, je me retrouvai bien isolé
tifier la valeur que j’allais pouvoir apporter. J’explorai alors avec dans la prise de décision et la responsabilité qui en découlait.

120 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Il m’a fallu remettre en question mes modèles mentaux liés à la Retrouver l’équilibre
relation au commanditaire, au principe client-fournisseur, aux
Camille Picot, designer et facilitatrice graphique
modèles habituels d’intervention, aux conditions de sélection des
informations à traiter. J’ai ainsi construit une nouvelle approche. Une de mes expériences les plus marquantes en facilitation gra-
phique a été une capture live, lors d’un séminaire pour la DSI d’un
La solution imaginée a été la réalisation d’une fresque sur l’en-
grand groupe français.
semble de la journée, basée sur un nouveau principe pour moi :
ce n’est pas moi qui allais écouter et sélectionner les informations Installée en contrebas de la scène avec mes chevalets et cartons
importantes de la rencontre pour refléter sa richesse (c’était im- plume, je m’apprête à entamer ma deuxième heure consécutive
possible seul) mais ce serait la communauté elle-même qui ferait de live (j’étais donc bien échauffée). Comme je n’ai pas eu l’occa-
cette sélection pour alimenter une fresque. sion d’échanger en amont avec l’intervenant, je me présente à
lui quelques instants avant sa montée sur scène pour lui indiquer
Ainsi, à travers la fresque, chacun est venu partager, avec le reste
que je capturerai visuellement son intervention.
de la communauté, ce qu’il lui semblait important et nécessaire
de mettre en avant. Je n’oublierai jamais sa réponse : « Good luck ! »
Mon rôle a donc été de structurer ces informations et de les for- Il s’agit d’une intervention inspirante de 45 minutes. Il prend la
maliser pour en donner une compréhension intégrée. Le résultat, parole. Je me fige instantanément : je ne comprends pas un mot
exemple d’agilité dans sa conception, dans sa réalisation et dans de ce qu’il dit. Un problème de mâchoire rend son élocution par-
son contenu, a été salué par l’ensemble de la communauté et a ticulièrement difficile.
servi de référence pour les années suivantes. Raide comme un bâton, plantée devant mon panneau, mille pen-
C’est une des interventions où j’ai appris le plus sur mon position- sées se déversent alors dans ma tête : comment vais-je faire ? ! Je
nement et celui de la facilitation graphique. Je remercie encore ne comprends rien ! Je ne peux rien capturer ! Mais je ne peux pas
ce commanditaire qui a su créer l’espace et me faire confiance. me rasseoir non plus, tout le monde me regarde… Au secours !
Bouger les lignes et remettre en cause ses propres modèles men- Je me retourne alors et jette un coup d’œil à mes collègues consul-
taux (« se démerder », comme il m’avait dit !) est loin d’être facile tants assis au fond de la salle. Ils partagent mon désarroi dans
et agréable mais c’est un passage qui est finalement incontour- ce qui est en train de devenir un immense moment de solitude.
nable pour explorer de nouveaux territoires, pour innover, pour Par chance, cet excellent orateur sait l’effet qu’il provoque sur
créer ce qui est pertinent et ajusté à la situation. son auditoire. Il opte pour l’« approche américaine », qui consiste
à introduire une présentation durant cinq bonnes minutes par
un traditionnel : « Pourquoi suis-je ici pour vous parler de cela ? »
Fort heureusement car, peu à peu, mes oreilles s’habituent à sa
diction et je commence à suivre son propos, à m’aligner sur sa
« fréquence ». Le calme revient en moi. J’ai trouvé sa « longueur
d’onde ».

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 121

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Il a brillamment construit sa présentation et la projette avec des développement lorsque vous le voyez représenté ici en quelques
images évocatrices appuyées de quelques idées clés bien choi- traits ? »), d’une métaphore imagée (« Vous voulez dire que cette
sies. C’est en me raccrochant à cette combinaison que je peux offre est comme un pont vers l’avenir ? Comment puis-je imaginer
reprendre pied et produire une synthèse fidèle à ses propos. ce pont ? ») ou de quelque chose d’autre qui émerge du dialogue.
Ce jour-là, j’ai compris que, quelle que soit la situation, se laisser Souvent, je peux utiliser une figure de style que mon interlocuteur
happer par le regard ou la réaction des autres n’aide pas, pas me propose spontanément (comme dans l’exemple du pont), ou
plus que toutes les pensées qui vrombissent dans la tête. Seul le autre chose : un geste, par exemple.
retour au calme intérieur permet de trouver la fréquence vocale Voici une histoire vécue dont j’ai extrait les premiers échanges
de l’autre et de suivre le flow de l’intervention en cours. accompagnés par le visuel.
Ce visuel a permis au groupe de « raccrocher » aux moments où Lors d’une séance de coaching, une cliente me décrit son état
il peinait à comprendre. La synthèse a également accompagné émotionnel comme suit : « Je me sens tellement déchirée et déta-
le séminaire durant cinq jours. Elle a permis aux participants de chée en ce moment… »
se replonger dans cette belle intervention et d’en solliciter les Elle souligne cette révélation par un geste spontané de la main.
apprentissages. Je dessine ainsi ce mouvement.
Pour ma part, je remercie l’intervenant pour cette belle expé-
rience de mise en déséquilibre.

Travailler avec les images présentes


Martin Haussmann, facilitateur visuel, écrivain spécialisé et fonda-
teur de Bikablo Je lui demande : « Est-ce que ça a un sens pour vous si je le repré-
Au cours de mes vingt années de recherche sur les possibilités sente comme ça ? »
de la pensée visuelle, je suis sans cesse revenu à l’essentiel en Elle hoche la tête avec intérêt.
me posant cette question : quel est l’impact réel du visuel sur un « Vous associez ce mouvement à votre situation actuelle que vous
dialogue ? souhaitez changer. Pourquoi ne pas aller vers la situation que
Selon moi, la visualisation peut être un puissant outil de trans- vous souhaitez atteindre et la décrire également par un geste ? »
formation. Mon interlocuteur partage une pensée (un insight, un Elle fait un nouveau geste que je représente.
sentiment, une idée, une question). Je la traduis en un dessin, lui
rendant ainsi sa propre pensée visuellement transformée. Cette
réalisation permet d’aller plus loin dans le dialogue : « De quoi
prenez-vous conscience ? Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? »
Au fil du temps, j’ai développé des stratégies conscientes et intui-
tives d’usage des visuels pour un travail de transformation. Il peut
s’agir d’une représentation structurée du contenu (« J’ai résumé Puis elle dit : « Je veux me sentir ronde à nouveau, protéger mon
nos pensées graphiquement ici, quel schéma récurrent identi- intégrité, peut-être quelque chose comme… (elle regarde mon
fiez-vous ? »), d’une forme simple (« Comment ressentez-vous votre dessin) construire un nid… »

122 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Je lui réponds : « Voici où vous êtes, et voici où vous voulez aller. prochaines étapes que vous voulez franchir dans votre vie ? »
Disons que la ligne de gauche se transforme en celle de droite. Cela donne le coup d’envoi d’une exploration profonde et dé-
À quoi ressemble la ligne intermédiaire qui rend cela possible ? » taillée. La cliente spécifie ainsi concrètement les changements
Spontanément, elle fait ce geste. à mettre en place, sur un plan émotionnel autant que pratique,
en suivant ces cinq étapes. Rétrospectivement, elle m’expliquera
que la représentation visuelle de ses gestes a créé l’élan crucial
pour elle. Elle reconnaîtra l’« encrage » de ses gestes comme un
ancrage de transformation à avoir toujours avec elle.
Cet exemple montre que la visualisation n’a souvent rien à voir
avec l’originalité d’une idée d’image à représenter, ni avec des
Puis elle dit : « Je… je suppose que je dois d’abord m’installer. compétences techniques de représentation. Il s’agit plutôt de la
Entrer dans une sorte d’hibernation. Mais dans ce repos, il y a « résonance » qu’une visualisation génère dans la conversation.
aussi un potentiel, vers le cercle de droite !
Les images sont partout : dans nos pensées, dans notre langage,
– Alors, quel est le changement entre la ligne du milieu et le cercle dans nos mouvements et dans notre environnement. Nous pou-
de droite ? vons utiliser tout cela pour élaborer de meilleures solutions par
– Je prends de l’élan ici (précise-t-elle en faisant un geste), je me le dialogue. C’est pour moi un domaine de recherche incroyable-
prépare à redevenir entière. » ment passionnant !

L’effet retour
J’ai eu la chance d’intervenir pour accompagner une série d’in-
terventions d’entrepreneurs, invités pour partager leurs par-
cours et la richesse de leurs apprentissages. Dans ce type de
« Comment passez-vous de votre état actuel à ce que vous avez contexte, je cartographie en temps réel les interventions. Je
appelé l’hibernation ? » m’arrange donc toujours pour avoir un échange en amont avec
chaque intervenant. Comprendre un peu de quoi ils vont parler
Elle hésite, puis répond : « Peut-être quelque chose comme ça… ? »
est en effet fort utile. Ce fut aussi le cas avec un entrepreneur,
champion olympique de ping-pong handisport. Au moment de
son passage, embarqué par le contexte et parce qu’il n’avait
pas l’habitude de ce type d’intervention, il a digressé et n’a pas
parlé du sujet pour lequel il avait été invité, évoqué lors de notre
discussion préalable.
« Je dois d’abord passer de ce sentiment de brisure à un état de Je me suis retrouvé alors dans une situation délicate : ma cap-
calme, en acceptant cette brisure, en lâchant prise… ture était quasiment vide alors qu’il partageait de l’information.
Que pouvais-je faire ? Noter ce qu’il disait pour avoir un visuel
– Et maintenant que vous avez décrit visuellement votre trans-
fourni ? Ne pas capturer sa présentation parce qu’elle ne cor-
formation, qu’est-ce que cela signifie précisément pour les
respondait pas à l’objet prévu de son intervention ?

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 123

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Je m’en suis tiré avec quelques pirouettes mais, globalement, le Prendre soin de la confiance que les participants
visuel est resté plutôt vide comparé aux visuels des autres inter- nous accordent
venants. Après son intervention, alors qu’il reprenait place par-
En tant que facilitateur, s’il est une chose à construire, chérir, pré-
mi les spectateurs, il a réalisé, à la vue du visuel, qu’il avait été
server et dont il faut prendre soin, c’est la relation de confiance
hors sujet. Avant la clôture des présentations, il a redemandé la
avec les participants. Elle n’est pas acquise de prime abord et ne
parole pour compléter son partage. J’ai donc repris son visuel
peut pas être négligée. Une façon de l’entretenir est d’être trans-
pour le compléter moi aussi avec les messages importants qu’il
parent avec eux. J’aimerais partager avec vous la manière dont
a finalement partagés avec le public.
j’aborde ce point dans la formation au Scribing de Marker Power®.
Ce ne fut une situation facile ni pour moi, qui ai produit un visuel Pour une raison pédagogique, l’objectif prioritaire de la troisième
« vide » face aux participants, ni pour lui, qui s’est rendu compte et dernière journée de formation n’est pas de rajouter du savoir
de son « loupé ». mais de minimiser la marche à franchir entre l’espace-temps sécu-
Mais finalement, le décalage entre la réalité et l’objectif qui risé de la formation et la réalité professionnelle des participants.
nous était fixé (à lui et à moi) nous a permis, par l’effet retour Nous construisons alors, sur mesure, le programme de cette der-
qu’a produit le visuel « vide », de créer les conditions pour at- nière journée sur la base des nouveaux besoins exprimés par les
teindre l’objectif. participants. Nous prenons donc un moment, la veille, pour faire

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émerger les besoins de chaque personne afin que la dernière Un visuel n’en vaut pas un autre
journée soit la plus bénéfique possible pour chacune. Pour nos
Dans les formations Marker Power®, on apporte un soin particu-
formateurs, la soirée est ainsi une belle session d’ingénierie pé-
lier à relier les nouvelles compétences aux situations réelles, pro-
dagogique afin que toutes les personnes soient satisfaites.
fessionnelles et spécifiques des participants. C’est l’occasion de
Le lendemain, nous pouvons accueillir les participants et com- créer un pont entre la théorie et la mise en pratique. Cela permet
mencer le programme fraîchement conçu. Cette approche d’identifier les contextes quotidiens et les cas concrets auxquels
s’appuie entièrement sur la confiance que les participants nous bénéficieront les techniques transmises pendant la formation.
accordent car leurs questions sont les suivantes : « Quand allons-­
Un contexte identifié de manière récurrente par des participants,
nous aborder le sujet dont j’ai besoin ? » ; « Est-ce que mes at-
porteurs de projets dans leur entreprise, est la « revue de projets »
tentes ont réellement été prises en compte ? »…
auprès du comité de pilotage (Copil). C’est effectivement le mo-
Pour créer les conditions qui permettent aux participants d’être ment où le porteur de projet doit donner une vision d’ensemble
pleinement concentrés sur l’expérience et le vécu de ces derniers en mettant en perspective les enjeux, les acquis, les points blo-
moments précieux, nous leur présentons l’agenda de la journée. quants, etc. Dans ce cadre, une modélisation pourrait lui sembler
Mais pas n’importe comment. Nous leur proposons de voir, dans opportune.
cet agenda, quand leurs besoins seront traités. Pour leur per-
Mais en creusant un peu le contexte, et en explorant la manière
mettre d’intégrer cette transition de « mes besoins personnels »
dont ces revues de projets se déroulent, il s’avère que la modéli-
vers « les séquences d’apprentissage que nous allons vivre col-
sation n’est pas une si bonne idée.
lectivement », nous appliquons les principes de facilitation gra-
phique. Ils retrouvent les post-it qu’ils ont produits la veille, mis en En effet, le comité de pilotage enchaîne la supervision de pro-
lien avec l’agenda de la journée. jets. Il lui est donc nécessaire de pouvoir rentrer sans effort dans
chaque sujet et d’accéder rapidement aux informations lui per-
Cette formalisation donne la visibilité et la compréhension né-
mettant d’arbitrer.
cessaires à un engagement individuel, complet et intense, dans
cette dernière journée de formation.

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 125

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C’est la raison pour laquelle il est demandé aux porteurs de pro- Fresque émergeante
jets d’inscrire les éléments de ces derniers dans un canevas. Cette
Anne-Laure Prévost, facilitatrice graphique
grille est similaire pour chaque projet. Cette structure unique de
présentation donne les points de repère aux membres du comité Les établissements de l’ouest de la fondation hospitalière Saint-
de pilotage. Ils savent alors où aller chercher quelle information Jean-de-Dieu ont organisé un forum ouvert, destiné à leurs
et gagnent ainsi un temps précieux. équipes. C’était la première fois qu’elles se retrouvaient à cette
échelle du territoire. Pendant la première demi-journée, l’inten-
La présentation par la modélisation rendrait l’exercice plus com-
tion était de faire connaissance. L’enjeu de la journée suivante
pliqué pour le Copil, puisqu’il lui faudrait, pour chaque projet,
était de créer des synergies entre les membres des personnels
s’adapter à une nouvelle manière de présenter le sujet.
des différents établissements.
En revanche, pour les parties prenantes (contributeurs, utili-
La place de la facilitation graphique n’était pas réellement défi-
sateurs, partenaires…), une modélisation serait bénéfique. Son
nie a priori, ce qui me générait un peu d’inconfort. J’avais dans
usage leur permettrait en effet d’avoir une référence pour leurs
l’idée qu’elle soutiendrait des moments précis de travail (cap-
contributions et travaux.
ture en temps réel de prises de parole inspirantes, restitution
L’objet de la facilitation graphique est d’adapter le visuel au des ateliers du forum ouvert notamment) mais sans pouvoir en
profil des participants, à l’objectif et au contexte de travail à projeter réellement la forme. En arrivant sur place, mon collègue
accompagner. facilitateur et moi, découvrons un grand mur blanc, derrière une
scène. C’est un espace rêvé parce qu’il est visible de tous. Nous

126 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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y plaçons un support de capture, sans bien encore savoir ce que Finalement, du forum ouvert, je n’ai gardé que les titres des ate-
j’allais y faire figurer. liers qui ont émergé lors d’une séquence appelée « la place du
Au cours de la première après-midi, je scribe quelques prises de marché ». La fresque a beaucoup plu, mais surtout elle a pu être
parole structurantes, puis j’observe avec enthousiasme les mo- photographiée et réimprimée pour être affichée dans les diffé-
dules d’interconnaissance se succéder, amenant petit à petit le rents établissements participants, et jouer un rôle de témoin de
groupe à se créer, au-delà des différentes entités réunies. cette journée fondatrice.
Le soir, ayant récolté pas mal de matériau, je décide de me lancer Cette expérience m’a appris quatre choses (au moins !) :
dans une fresque, qui reprend les différentes étapes vécues par • laisser de la place à l’émergence, ce qui est possible lorsque
les participants. Je choisis de me focaliser presque autant sur le la confiance du commanditaire est là (et que l’on a embarqué
process qu’ils ont vécu et qui les a amenés à faire groupe, que sur avec soi du matériel autre que le strict nécessaire), tout en res-
le contenu capté au cours de mon observation. Ce que je perçois pectant bien sûr les engagements pris lors de la préparation ;
à ce moment-là, c’est que cette fresque a un triple potentiel : • se laisser influencer par l’espace dans lequel on travaille et en
• soutenir cette mise en mouvement de l’organisation ; utiliser le plein potentiel au service des participants ;
• faciliter le récit de cette journée et demie auprès des soignants • faire confiance aux participants pour imaginer des usages « dé-
et des résidents restés dans les établissements ; rivés » de la facilitation graphique et s’approprier les visuels ;
• agir comme un miroir pour les participants en démarrage de • … et ne jamais oublier d’emporter ses recharges d’encre !
la deuxième journée, leur permettant ainsi dès le lendemain de
retracer le fil de ce qu’ils ont pu vivre ensemble dans ce lieu.

Visuel réalisé par Anne-Laure Prévost

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 127

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Impact de la présence Travailler sur tablette en temps réel m’a permis de créer des vi-
suels, supports de débriefing immédiat après la séance avec les
Ester Loubradou, facilitatrice graphique
facilitateurs. Ils les ont utilisés pour préparer et ajuster leur se-
Dans une période de transition inconfortable, liée à un change- conde journée. Ils ont été des supports puissants pour l’interven-
ment d’organisation interne, un grand groupe organise un sémi- tion des facilitateurs auprès des participants le lendemain matin.
naire pour travailler sur sa culture d’entreprise, sa mission et sa L’effet produit sur le collectif, surpris par un résultat visuel qui lui
vision. Le départ éventuel d’un des dirigeants, de nombreuses ressemblait, a facilité la suite des travaux.
rumeurs, des enjeux de délocalisation et les conditions liées au
Le binôme de facilitateurs, ayant constaté l’impact des visuels sur
Covid renforcent le malaise.
le groupe, a souhaité intégrer ce dispositif « improbable » dans
Le hasard a voulu que je sois dans l’impossibilité de me déplacer ses futures propositions.
pour faciliter graphiquement cette session. Je les accompagne-
Ce fut une très belle expérience, riche en prises de conscience
rai donc à distance avec l’intention de restituer visuellement les
tant sur l’affirmation de la posture de facilitateur graphique que
échanges, les idées générées et de rassembler les collaborateurs
sur la posture intérieure nécessaire pour être présent au groupe
autour de visuels parlants pour eux.
sans l’être physiquement.
Sans système de visioconférence complet, j’avais peu de visibilité
sur ce qui se passait sur place. Les participants, eux, n’en avaient
aucune sur ma production. Comment prendre ma posture de fa- « Ils ont littéralement marché dessus »
cilitatrice dans ce contexte distanciel ? Comment donner à voir Guillame Lagane, facilitateur graphique
l’invisible ? Ils ne me connaissent pas et ne m’ont jamais vue. Je
ne peux qu’écouter. Écouter activement, profondément, avec Je fais partie d’une équipe qui prépare et facilite une session
ma tête, avec mon corps. Distinguer les bruits, les respirations, pour cent cinquante ingénieurs d’une entreprise d’aéronautique.
entendre les informations, les émotions, les joies comme les ma- L’un des enjeux d’un groupe à mission complexe consiste à tenter
laises. Me voilà donc « petite » et « invisible » mais pleinement régulièrement d’apaiser le quotidien des collaborateurs en sup-
présente pour sentir l’identité du collectif. primant quelques nœuds, quelques règles, quelques lourdeurs…
Le titre de la session est « Engineering Simplicity ».
Plus que jamais, j’ai ressenti le besoin de changer d’état, d’être
dans le flow, alignée avec l’intention. La confiance s’est installée Comme souvent lorsque les participants sont nombreux, je fais
rapidement et les participants sentaient ma présence, au point les choses en grand et en quantité : signalétique massive, titre
qu’ils promenaient spontanément le système audio, me parlant, et Knowledge Wall (fresque de synthèse) des grands soirs… Je
s’assurant que je puisse écouter au mieux. Cela a créé une atmos- couvre les murs de scribing, je dresse des tours de planches de
phère facilitante pour le travail du groupe. Les participants se carton plume pleines de contenu… Je me déplace parmi les par-
sont sentis écoutés et impliqués. J’étais comme un témoin neutre ticipants et écoute dans tous les sens. Je les observe. Ils sont
et invisible de leurs échanges, créant par là même un lien parti- concentrés sur leurs travaux, semblant fermés aux angles de ré-
culier entre eux. Je n’aurais pas imaginé que ce dispositif puisse flexion qui pourraient être « simples »…
avoir un impact humain aussi fort.

128 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Photo : Guillaume Lagane

Me vient alors une idée que je transforme en un instant : « La sim- Ils ont littéralement marché dessus ! Je suis certain qu’ils l’ont
plicité est déjà là, mais on ne la voit pas. » J’inscris cette phrase tous lu mais n’ai aucune certitude sur ce qu’ils en ont fait.
sur un carton plume de la taille d’une carte de visite que je pose Les retours visuels proposés par le facilitateur graphique ne sont
en plein milieu de l’espace. pas toujours imposants d’un point de vue physique et graphique.
Moins d’une minute plus tard, le premier ingénieur trébuche, jure, Ils ne restent qu’une proposition dont les participants peuvent se
se baisse pour ramasser, lit le message, remet le carton plume où saisir ou non. Cette expérience questionne également la résis-
il devait être, puis passe son chemin et retourne au travail… Puis tance des modèles de pensée.
un autre, puis une autre et encore quelques-uns, jusqu’à ce que
la dernière « victime » décide de mettre cet « obstacle » hors du
passage.

CHAPITRE 5 | Exemples et contre-exemples d’application 129

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BibleFacilitationGraphique_V7.indd 130 07/03/2023 18:10
SECT I ON I I I

Techniques

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Quels que soient le contexte et la technique utilisée, l’enjeu de
la facilitation graphique est de créer un accès simple à un sujet
complexe. Complexe par sa nature ou par les conditions dans les-
quelles le sujet est traité. Les techniques de facilitation graphique
permettent de donner une vision de l’ensemble des composants
du sujet (vision globale), de créer les repères favorisant l’appro-
priation, la prise de recul et la réflexion (vision repère) et de fournir
CHAPITRE 6 - INTRODUCTION AUX TECHNIQUES DE FACILITATION GRAPHIQUE

aux participants le support de discussion menant à une compré-


hension partagée (vision commune).
Reposons la définition de la facilitation graphique dans le modèle
C HAP ITR E 6 de l’iceberg et faisons le lien entre la posture et la mise en pratique.

Le modèle de l’iceberg

Introduction Ce modèle présente deux axes essentiels à articuler.


Sur l’axe horizontal, la posture met en perspective l’usage du visuel

aux
comme un moyen pour soutenir, stimuler, alimenter, structurer les dis-
cussions nécessaires à l’atteinte de l’objectif recherché (Chapitre 1,
« Objectif de travail ») : c’est la raison pour laquelle nous opérons.

techniques Sur l’axe vertical, les actions et processus sont les moyens à mettre
en œuvre pour produire le visuel.
Le visuel est la partie émergée et accessible, résultant de ces ac-

de facilitation tions. Il s’appuie sur des processus invisibles mais déterminants et


prend forme grâce à eux. L’ensemble de ces actions est orienté
par la posture.

graphique Ces deux axes se croisent en un point commun : le visuel. Ce croi-


sement amène souvent à une confusion. Le visuel est bien la résul-
tante de la mise en œuvre des techniques de facilitation graphique
mais, en ce qui concerne la démarche de facilitation graphique, il
est le moyen et non le résultat. Le résultat étant l’atteinte de l’ob-
jectif de travail.
Dans les sections précédentes, nous avons exploré l’axe horizon-
tal : l’usage d’un visuel pour faciliter. Dans cette troisième section,
nous allons aborder l’axe vertical : les processus à mettre en œuvre
et les compétences associées, dans les deux grands contextes que
sont le temps réel et le différé, pour produire le visuel.

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CHAPITRE 6 | Introduction aux techniques de facilitation graphique 133

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Les processus à mettre en œuvre
Pour réaliser un visuel en facilitation graphique, quelle que soit
la technique employée et quel que soit le contexte de mise en
œuvre, on considérera trois processus principaux : la récolte,
l’analyse et le tri, et la formalisation des informations.

La récolte des informations


Ce processus consiste à sélectionner les informations à traiter
pour alimenter le visuel. Pour être pertinente, cette sélection se
fait au regard de l’objectif de travail et du profil des personnes
accompagnées : est-ce que ces informations servent le propos ?
Permettent-elles de mieux comprendre le sujet en jeu ? Sont-elles
nécessaires pour les personnes à qui doit servir le visuel ?
À ce stade, il est important de se libérer des a priori. Ce sont des
facteurs qui peuvent occulter des informations essentielles

Chapitre 3, The Ladder of Inference

La manière de récolter les informations dépend du contexte et


de la technique employée.

L’analyse et le tri des informations : créer du sens


Ce processus concerne le traitement des informations sélection-
nées. Il s’agit de les analyser et d’identifier les liens qui existent
entre elles (oppositions, appartenances, conséquences, succes-
sions, contributions…). Ces liens sont créateurs de sens et sont
nécessaires pour comprendre la structure et la nature des infor-
mations, les motifs (patterns) qui s’en dégagent et les organisa-
tions possibles : comment les informations sont-elles liées les unes
aux autres ? Comment s’articulent-elles ? Quels regroupements
peuvent être faits ? Quels manques apparaissent ?…
C’est lors de cette réflexion qu’interviennent les modèles que nous
connaissons. C’est en les sollicitant que notre cerveau identifie les
organisations potentielles. Il s’agit alors de faire le choix de l’orga-
nisation et des liens pertinents en fonction de l’objectif de travail.

134 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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récolte. Les nouvelles informations ainsi captées peuvent trans-
La formalisation des informations : donner à voir former les liens identifiés précédemment et changer radicale-
À ce stade, il s’agit de donner une forme aux informations. Des ment la compréhension de la « big picture » (image globale) à
liens ont été sélectionnés pour leur pertinence – il faut les rendre créer. Vous éviterez donc le simple cumul d’informations qui ajou-
perceptibles : comment rendre ces informations visibles et li- terait de la confusion au sein du visuel en construction.
sibles ? Comment être explicite et minimiser les interprétations ? Éclairés par ces nouvelles données, vous refaites l’analyse sous
Comment disposer les informations dans l’espace du visuel, pour un angle nouveau.
rendre compte de leurs relations ? Quels attributs graphiques Articulés ainsi, ces trois processus permettent de donner à voir
donner aux informations ? Comment les utiliser de manière cohé- les informations de manière à faciliter les interactions et les ré-
rente ? Quelle hiérarchie créer et faire ressortir ? flexions sur le sujet traité.
Les techniques détaillées dans cette section articulent ces trois Les techniques de facilitation graphique transforment les infor-
processus. Ils sont définis ici séparément et présentés de manière mations en un nouveau format qui apporte plus de sens.
linéaire : récolte/analyse/formalisation. Mais ils ne peuvent en
aucun cas être appliqués comme des étapes : récolter, puis ana-
lyser, puis formaliser. Cette façon de faire ne mènerait qu’à des
visuels pauvres et peu impactants puisque, à chaque étape, des
biais de réflexion seraient accumulés.

Chapitre 3, The Ladder of Inference

Pour y remédier, on considérera ces processus au cours de boucles


successives. Ces boucles ne peuvent suivre le simple schéma :
récolte/analyse/formalisation/récolte/analyse/formalisation/
récolte…
Il convient de déstructurer ce cycle pour opérer des boucles ité-
ratives plus courtes, comme illustré ci-contre.
En effet, chaque processus vient interroger et remettre en ques-
tion le processus précédent.
Nous opterons alors plus volontiers pour une succession de type :
récolte/analyse/récolte/analyse/formalisation/analyse/récolte/
analyse/formalisation…
De cette manière seulement, nous aurons créé les conditions
pour faire émerger un visuel qui donne à voir le sens des informa-
tions : un visuel dont la forme parle du fond.
Par exemple, lors de l’analyse et du tri, vous observez des manques.
Des questions surgissent, vous invitant à compléter le travail de

CHAPITRE 6 | Introduction aux techniques de facilitation graphique 135

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Structures et organisation des informations faite pour passer de l’un à l’autre. Au-delà d’un séquençage mé-
canique linéaire, cette structure s’appuie sur la nature des infor-
Les techniques de facilitation graphique servent à donner aux mations. Elle présente et révèle les liens qui existent entre elles.
informations une forme plus accessible. La structure spatiale est l’organisation des informations dans l’es-
Plus facilement conscientisées, les informations sont alors pace. Elle permet de représenter le système de façon visuelle.
comprises, traitées et sollicitées au cours des réflexions et des Comme la structure narrative, la structure spatiale rend compte
échanges. de la nature des informations et de la nature de leurs liens.
La carte n’est pas le territoire. Les sujets sont multidimensionnels Contrairement à la structure linéaire de l’oralité ou de l’écrit,
dans leur réalité. Les partager, les expliquer, les transmettre, im- qui impose une seule dimension pour agencer les informations,
plique de déformer cette réalité. la structure spatiale permet d’utiliser deux dimensions pour un
visuel et une dimension additionnelle pour une modélisation 3D.
Chapitre 2, Limites et précautions dans la conception et La structure spatiale offre une possibilité de représentation du
l’usage de modèles visuels sujet plus proche de sa nature réelle.
Cette déformation s’effectue à plusieurs stades : En facilitation graphique, il est nécessaire de dépasser la struc-
ture temporelle pour comprendre comment les informations sont
• lors du choix des parties et des aspects que nous allons traiter ;
liées les unes aux autres. On doit saisir leur nature et la nature
• lors de l’interprétation des informations en vue de leur partage ; de leurs liens. Une attention portée sur la structure narrative,
• lors de la formalisation des informations, imposée par le moyen notamment en considérant les mots de liaison, permet de com-
choisi pour les véhiculer. prendre l’ordre par lequel l’émetteur des informations aborde le
On distinguera alors plusieurs types de structuration d’informa- sujet. Dans le cadre d’une présentation de type texte, article ou
tions : la structure réelle/naturelle, la structure temporelle, la conférence, cette structure narrative est réfléchie et choisie en
structure narrative et la structure spatiale. amont. Elle est donc facilement compréhensible. Lors d’une dis-
cussion ouverte au cours de laquelle les contributions se font à
La structure naturelle des informations est le système/sujet multi-
bâtons rompus, la structure narrative est plus chaotique. Dans
dimensionnel, tel qu’il est, tel qu’il existe avant toute déformation
tous les cas, s’appuyer sur les mots de liaison permet de repé-
pour le transmettre.
rer comment les informations s’articulent en réalité. Ces connec-
Les structures suivantes, « déformations » de cette structure ori- teurs – en parallèle, par conséquent, par ailleurs, a contrario, en
ginelle, sont inévitables lors de la transmission des informations. revanche, d’un autre côté, en complément, précédemment, avant
La structure temporelle correspond à l’ordre dans lequel les in- cela, puis, ensuite, après quoi… – donnent des clés de compréhen-
formations sont organisées pour être transmises. À l’oral comme sion de la structure narrative. En outre, ils fournissent des infor-
à l’écrit, elles sont séquencées dans le temps et prennent alors mations sur les liens existant entre les différentes parties du sujet
une structure linéaire. abordé. Ils nous aiguillent dans nos choix de formalisation.
Imbriquée à la structure temporelle des informations, une autre Savoir que ces structures coexistent et savoir les distinguer per-
structure se dégage : la structure narrative. Contrairement à la met de mieux comprendre les informations, de les cartographier
structure temporelle, imposée par l’oralité et l’écrit, la structure en créant du sens. Pour se familiariser avec leur reconnaissance
narrative est un choix éditorial. Elle correspond à l’ordre des su- et leur formalisation, on développera des compétences liées à
jets et à l’angle par lequel ils sont abordés, à l’articulation qui est l’écoute et à la spatialisation.

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CHAPITRE 6 | Introduction aux techniques de facilitation graphique 137

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De plus, ne connaissant pas la réalité multidimensionnelle, on tra- les confrontations d’idées et les questions en suspens…
vaille la plupart du temps à partir d’une déformation et structura- Accompagner ce contexte avec des techniques de temps réel
tion linéaire et narrative. Les modèles nous servent de référence permet de rendre les contributeurs conscients de l’état de leurs
pour comprendre et interpréter les informations. Ainsi, il est pos- échanges tout au long de la discussion. Les participants peuvent
sible d’intégrer ces dernières dans une structure qui donne du s’appuyer sur le visuel pour prendre du recul, faire un lien entre
sens. La connaissance de nombreux modèles est donc un atout deux informations partagées à des moments différents, reconsi-
indéniable. dérer un sujet qui n’est pas épuisé…
Chapitre 3, Sélection de modèles pertinents en facilitation Les visuels produits dans ces conditions facilitent donc le déve-
loppement des interactions.
La compréhension de ces différentes structurations est essen- Réalisés dans les règles de l’art, ils correspondent à un compte
tielle dans la mise en œuvre des techniques de facilitation gra- rendu des échanges.
phique. En effet, elles nous éclairent sur : Ils sont également utiles pour rappeler a posteriori des informa-
• l’organisation des informations, telles que nous y avons accès ; tions qui ont été partagées et peuvent servir de support pour
• l’organisation que nous formalisons pour créer les visions – glo- informer les participants absents du contenu des échanges.
bale, repère et commune ; Sur la base unique des visuels, les participants absents auront
• l’organisation réelle du sujet traité. du mal à comprendre les détails et les spécificités du contenu de
l’atelier. Cette limite doit être connue, quelle que soit la technique
employée en temps réel et quel que soit le degré de synthèse
Contextes de mise en œuvre appliqué aux informations.
et limites des visuels produits Pour être pleinement compréhensibles des absents, les visuels
doivent nécessairement être accompagnés par des informations
Comme nous l’avons exploré précédemment (Chapitre 4,
complémentaires, ou commentés par une personne ayant assisté
Principes d’application), il existe deux grands contextes de mise
aux discussions.
en œuvre : le temps réel et le différé. Nous y retrouvons les struc-
turations évoquées dans le paragraphe précédent. Les proces- Le contexte de différé correspond aux moments où les informa-
sus de récolte, d’analyse et tri, et de formalisation décrits plus tions sont connues et doivent être transmises. Dans ces situa-
haut s’y appliquent également mais de manière différente. tions, les informations sont stables et accessibles. Elles peuvent
être « manipulées », pour trouver une formalisation adéquate,
Le contexte du temps réel correspond aux moments où les infor-
sans subir la pression du temps et d’un flux continu d’informations
mations émergent. Les informations à formaliser ne sont acces-
(contexte du temps réel). On a la possibilité de les considérer,
sibles qu’une fois exprimées.
de les laisser de côté le temps d’en traiter d’autres, de revenir
Ce contexte est propice à l’émergence d’une vision partagée. On dessus, de jouer avec, afin de trouver leur organisation visuelle
collectera alors les différentes contributions que l’on formalisera optimale.
au fil de l’eau en les organisant et en les structurant, de manière
Les visuels produits dans ce contexte sont des cartographies
cohérente et pertinente au regard de l’objectif recherché.
qui peuvent inclure un niveau de complexité important. Bien que
Ce type de cartographie sédimente donc en temps réel les aléas nous cherchions à rendre ces visuels les plus autosuffisants pos-
des échanges, les culs-de-sac et les retournements de discussion, sible, les moins interprétables, ils resteront interprétés. Il est donc

CHAPITRE 6 | Introduction aux techniques de facilitation graphique 139

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impératif de les accompagner d’une présentation qui va générer Celles-ci vous informent un peu plus sur le visuel à construire et
les échanges nécessaires à la pleine appropriation du sujet qu’ils vous devez les inclure dans l’organisation des pièces déjà posées
présentent. sur la table. Vous avez à tester et à faire des choix d’assemblage
Pour résumer, imaginez-vous devoir construire un puzzle dont il sans perdre ou ignorer les nouvelles pièces qui vous sont propo-
manque une information essentielle : le couvercle de la boîte pré- sées. Et ainsi de suite…
sentant l’image à reconstituer. Vous n’avez donc pas d’idée du Dans la singularité de ces contextes, on utilise des méthodes dif-
visuel à produire. férentes pour construire des visuels qui facilitent. Chacune de ces
Dans le contexte du différé, toutes les pièces sont à disposition méthodes sollicite des compétences spécifiques à développer et
sur la table et vous avez le temps de les trier, de les regrouper, de mettre en œuvre. En revanche, ces deux contextes font appel aux
tester leur assemblage jusqu’à trouver leur organisation, celle qui mêmes compétences de formalisation.
révélera et donnera à voir le visuel final du puzzle.
Dans le contexte en temps réel, des pièces vous sont proposées
au fil de l’eau, en un flot continu. Vous devez décider si ces pièces
appartiennent au puzzle ou non. Vous devez encore les position-
ner tout en réceptionnant de nouvelles pièces.

140 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Conseils pour s’approprier les techniques expérience pour conscientiser ce qui a été nouveau, spécifique,
et développer ses compétences similaire, inattendu, afin de capitaliser sur l’expérience que vous
venez de vivre.
Dans les chapitres suivants, nous aborderons les différentes Dans les chapitres suivants, vous allez découvrir les compétences
techniques de facilitation graphique. Chacune d’elles présente opérationnelles qui vous permettront de mettre en pratique
un intérêt particulier en fonction du contexte à accompagner les techniques de facilitation graphique. Bien que classées par
mais implique également des limites. Il est donc intéressant de grands contextes de mise en œuvre (temps réel – temps différé)
les connaître toutes afin de pouvoir sélectionner celle qui corres- et par techniques, nous aborderons en premier lieu les compé-
pond le mieux au contexte que vous avez à faciliter. tences de formalisation parce qu’elles sont utiles quelle que soit
Comme vous l’avez compris, les conditions de mise en œuvre des la technique employée. Cependant, vous l’avez compris, elles ne
processus permettant de construire un visuel facilitant sont radi- correspondent qu’à la partie émergée de l’iceberg. Même si elles
calement différentes selon le contexte d’une exécution en temps sont satisfaisantes à développer, ces compétences ne prennent
réel ou en différé. Certains facilitateurs graphiques se sentent tout leur sens que si elles s’appuient sur les autres processus à
plus à leur aise dans les conditions imposées par le temps réel mettre en œuvre. Je vous invite donc à ne pas vous arrêter après
parce qu’ils entrent dans un flow de production. D’autres au le chapitre suivant mais à plonger dans toute la suite de l’ouvrage,
contraire, dans les mêmes conditions, se sentent oppressés par pour embrasser l’ensemble des compétences et ­techniques qui y
ce flot continu et la pression du temps. sont décrites.
De même, certains peuvent se sentir rassurés par le temps dispo-
nible, existant en différé, lorsque d’autres seront tétanisés par les
choix successifs à faire, tout au long du processus de construc-
tion du visuel.
C’est un fait : vous serez inévitablement plus à l’aise dans un exer-
cice plutôt que dans l’autre.
Le conseil que je vous donne est de développer toutes les
­techniques. Chacune d’elles met en jeu des compétences qui
vous aideront pour l’usage des autres techniques. Par exemple,
si vous appréciez le temps réel mais avez du mal à gérer l’orga-
nisation des informations, travailler cette compétence en différé
vous donnera l’occasion, sans pression, de progresser dans l’or-
ganisation spatiale. Il vous sera alors plus facile de solliciter ces
nouvelles compétences dans le contexte contraint du temps réel.
De plus, chaque sujet et contexte rencontré sera différent des
précédents. Vous ne pourrez pas vous y prendre exactement de
la même façon à chaque fois.
Je vous invite donc, si vous souhaitez progresser, à multiplier
les occasions de pratique et à prendre un temps après chaque

CHAPITRE 6 | Introduction aux techniques de facilitation graphique 141

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L’objet de ce chapitre est de vous offrir un premier champ de
développement de compétences qui seront utiles quelles que
soient les techniques employées.

Notions de vocabulaire graphique


et de grammaire visuelle
Vous avez certainement entendu parler de « vocabulaire gra-
phique »… Moi aussi ! Et bien souvent, je constate que la notion
est mal comprise, incomplète ou confondue avec la grammaire
visuelle.
CHAPITRE 7 - COMPÉTENCES DE FORMALISATION

Pourtant, lorsqu’on formalise des informations dans un visuel, on


CHAPITR E 7 doit faire des choix graphiques. Tous ces choix font référence
aux deux notions que sont le vocabulaire graphique et la gram-
maire visuelle.

Compétences
Le vocabulaire graphique correspond à tous les attributs gra-
phiques qui permettent de créer une différence visuelle et donc
de différencier les informations. Ce vocabulaire peut être re-

de
groupé en huit familles : les typographies, les couleurs, les tracés,
les formes, les espaces, les pictogrammes, les personnages et les
dessins.

formalisation
La grammaire visuelle est l’usage cohérent et récurrent d’un
même vocabulaire graphique pour formaliser les mêmes notions.
Elle crée une hiérarchie, des niveaux de valeur visuelle qui aident
à la compréhension générale des informations présentées.
Cette cohérence est à développer au sein du même visuel. D’un
visuel à l’autre, la grammaire peut changer. Au sein d’une famille
de visuels, qui ont été conçus comme tels, on devrait retrouver
une grammaire similaire.
Pour retenir la différence et le lien entre ces deux notions clés,
vous pouvez vous référer au vocabulaire et à la grammaire à
l’écrit. Plus vous maîtrisez de vocabulaire, plus vous pouvez être
précis dans vos descriptions. Mais le simple fait de juxtaposer du
vocabulaire, sans l’application des règles de grammaire, n’aide
pas à transmettre des informations de manière intelligible.

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CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 143

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Pour bien comprendre l’application concrète de ces notions, étu- Dans ce visuel, c’est autre chose. J’ai volontairement choisi un vi-
dions des exemples. suel dont le texte n’est a priori pas compréhensible. Cependant,
Dans l’exemple ci-dessus, on trouve de nombreuses couleurs et l’usage cohérent du vocabulaire graphique nous aide à com-
des cadres différents, des formes, des typographies, des dessins… prendre facilement ce qu’il s’y passe.
Bref, « ça pique un peu les yeux ». Le cerveau ne repère aucune D’un côté, des questions en vrac qui interrogent la situation de
cohérence. Rien ne se dégage de l’ensemble, et pourtant chaque droite : un personnage marche tranquillement sur un fil pour re-
élément est différent de l’autre. joindre une autre rive. Cette situation semble se dérouler (jusqu’à
Diagnostic : l’auteur de ce visuel a utilisé beaucoup trop de vo- sa résolution) en cinq étapes, chacune décrite par un titre et une
cabulaire graphique sans appliquer de grammaire visuelle. Il n’y explication. C’est la grammaire visuelle qui nous permet de le
a aucune hiérarchie, aucun regroupement qui nous permette de comprendre : c’est-à-dire l’usage cohérent et récurrent du voca-
nous orienter dans le visuel et de comprendre facilement de quoi bulaire pour des notions similaires.
il est question. Décomposons cette grammaire :
• toutes les questions sont regroupées dans une même zone ;
• elles sont toutes présentées dans un cadre ovale et sont toutes
orientées différemment ;
• chaque étape est marquée par une puce qui présente un chiffre
rouge sur un disque noir ;
• le nom de chaque étape est souligné par des vagues bleues.

144 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Dans l’exemple ci-dessus, tout est encadré… Et donc, rien n’est Oui, cette information est « lisible » dans le visuel, mais est-elle
« encadré ». facile à lire ?
En effet, un cadre sert à mettre en exergue. Il crée une différence Ici, le cerveau est obligé de changer de mode de lecture presque
entre l’information encadrée et celle qui ne l’est pas. Si tout est à chaque lettre pour comprendre une seule et même information !
mis en exergue, tout est au même niveau, donc plus rien n’est réel- L’objet de la facilitation graphique est de faciliter l’accès et la com-
lement mis en exergue. préhension de l’information. Pour aider les personnes que nous
accompagnons, nous devons faire en sorte que leurs efforts de
réflexion portent sur le contenu et non sur le déchiffrage du visuel.
Vous l’avez compris à travers ces exemples : il existe différents
« vocabulaires graphiques ». Parmi les huit familles de vocabu-
laire graphique, six ne nécessitent pas de compétences parti-
culières en dessin : les typographies, les couleurs, les tracés, les
formes, les espaces et les pictogrammes. Une famille supplémen-
taire reste très accessible : celle des personnages. Avec ces sept
familles, vous avez déjà suffisamment de moyens pour construire
des visuels en différenciant les informations qu’ils contiennent.
Dans les pages suivantes, lorsque vous développerez vos compé-
tences et augmenterez votre palette de vocabulaire graphique,
rappelez-vous que ce dernier n’est qu’un moyen de différencier
les informations. Il est donc à utiliser consciemment afin d’orien-
Dans ce dernier exemple, je vous laisse le soin de compter le
ter une compréhension et doit éviter de créer des difficultés sup-
nombre d’éléments différents (couleurs, typographies, tracés, es-
plémentaires pour les personnes à qui il s’adresse.
paces…) utilisés pour formaliser cette seule et même information :
« 20 principes et idées de création de présentations visuelles ».

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 145

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Introduction au dessin Chapitre 1, Origines et définitions ; Chapitre 2, Impact du vi-
suel sur la pensée et le cerveau
Je ne compte plus le nombre de fois où des interlocuteurs m’ont
dit : « Oui mais moi je ne sais pas dessiner… » ou : « Non mais moi Bien que nous comprenions que le dessin n’est pas forcément né-
c’est vrai, je dessine comme un pied ! » cessaire et n’est qu’une partie des moyens à mettre en œuvre
Nous sommes ici dans l’illustration de la prédominance des mo- pour les techniques de facilitation graphique, nous entretenons
dèles mentaux. Quand j’étais petit, quelqu’un m’a dit : « Quoi ? ! avec lui une relation émotionnelle très ancrée. Pas simple de se
Ça, c’est un cheval ? On dirait plutôt une théière ! Ha, ha, ha… » libérer d’un modèle mental…
À partir de ce jour, j’ai eu des appréhensions à montrer mes des- Je vous propose d’essayer ensemble. Pour cela, commençons par
sins. J’avais perdu l’excitation du créateur. Je me suis même mis à explorer les différentes familles de vocabulaire graphique.
juger moi-même mes dessins, développant une exigence extrême
et la frustration qui va avec. Et j’ai arrêté de dessiner…
Principes d’usage de la couleur
On notera de plus que, très rapidement à l’école, les compé-
tences en dessin ne sont plus sollicitées, sauf pour « les artistes » en facilitation graphique
qui ont continué eux… « parce qu’ils ont un don ». Vous n’aurez pas à chercher bien loin, vous allez vite trouver de
Ça résonne suffisamment en vous ou je continue ? la littérature sur la théorie des couleurs. Bien qu’intéressante,
Malgré tout, nous avons de la chance : la facilitation graphique elle ne peut être appliquée telle quelle dans des contextes de
n’est pas du dessin ! facilitation graphique. Par exemple, vous pouvez tout simplement
Comprendre d’où vient la confusion entre facilitation graphique être limité par les couleurs à votre disposition. Cependant, il y a
et dessin permet de résoudre le problème. Comme nous l’avons quelques principes sur lesquels s’appuyer pour le choix des cou-
vu avec le modèle de l’iceberg (Chapitre 6, Introduction aux leurs et leur usage.
­techniques de facilitation graphique), le visuel est la partie émer- Les couleurs ne sont qu’une des huit familles du vocabulaire gra-
gée, et donc visible, de la démarche de facilitation graphique. phique. Alors, ne cherchez pas à tout exprimer au travers de leur
C’est ce qui est palpable, ce qui reste physiquement. C’est même utilisation. Si votre palette de couleurs vous offre la possibilité de
le support qui est présenté sur les réseaux sociaux pour parler de choisir, je vous recommande de rester simple. La couleur est un
la facilitation graphique. C’est le moyen (le visuel) qui est présen- marqueur visuel à fort impact. Il ne faut donc pas en abuser mais
té et non le résultat : ce qu’il a permis de faire. Nous ne voyons l’utiliser de façon consciente et à propos.
que le visuel, bien souvent réalisé par des professionnels ayant Personnellement, pour le texte, je choisis une couleur qui
des compétences en dessin. Pas étonnant alors que la confusion contraste fortement avec le support physique sur lequel je tra-
règne et que le dessin soit identifié comme central et essentiel. vaille. Je privilégie alors le noir. Ainsi, je m’assure de la lisibilité
La réalité, c’est que le dessin n’est qu’une des huit familles de du texte. Cela ne m’empêche pas de mettre une information tex-
vocabulaire graphique ; que le vocabulaire graphique n’est tuelle en couleur mais je sais alors qu’elle sera chargée d’un im-
rien sans la grammaire visuelle ; et que ces deux notions inter- pact visuel plus important.
viennent dans un seul des trois processus à mettre en œuvre pour
construire un visuel qui facilite. Oui, le dessin est bien loin d’être
central. Nous avons même vu qu’il pouvait desservir la facilitation
et être contre-productif.

146 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Les couleurs permettent de renforcer visuellement des groupes Inspirez-vous de ces principes et cherchez à créer du sens par
d’informations ou des liens à mettre en exergue. rapport au contenu que vous êtes en train de formaliser et non
J’affectionne particulièrement le bleu clair et l’orange, deux cou- par rapport à une théorie, quelle qu’elle soit.
leurs opposées sur le cercle chromatique. Vous pouvez choisir La puissance visuelle de la couleur permet également de créer
d’autres ensembles parmi les principes suivants : un lien entre des éléments qui ne sont pas reliés physiquement
dans votre visuel. C’est la mise en œuvre de la loi de la Gestalt
dite de similarité.

Chapitre 2, Image globale et Gestalt

Les tracés
Vous pouvez jouer sur l’épaisseur et la continuité des tracés pour
différencier des informations. Donner une épaisseur plus impor-
Des couleurs Des couleurs Des couleurs tante au tracé d’un cadre lui confère une présence visuelle plus
analogues donnent opposées créent complémentaires
forte. Un tracé continu est clair, affirmé et non ambigu alors qu’un
un sentiment d’unité une opposition adjacentes créent
à l’ensemble du tranchée. une opposition tracé discontinu est suggéré, potentiel, indicatif.
visuel. entre deux principes Il y a un lien très fort entre le matériel que vous utilisez et les
tout en permettant tracés. Par exemple, un marqueur avec une pointe ogive ne per-
d’apporter des
nuances au sein de met de faire qu’une seule épaisseur de trait lorsqu’un marqueur à
l’un d’eux. pointe biseautée en permet trois.

Des couleurs Une triade de Des couleurs


réparties en couleurs permet de réparties en carré
tétrade créent une mettre en exergue permettent de
opposition et des trois pôles ou mettre en exergue
nuances possibles thématiques. quatre pôles ou
au sein de chaque thématiques.
principe.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 147

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Les formes

L’alphabet visuel
L’alphabet visuel est l’ensemble des formes basiques à partir de
l’assemblage desquelles vous serez en mesure de créer du voca-
bulaire graphique.
Il est composé du point, de la ligne, du triangle, du carré et du rond.
Dès que vous tracez quelque chose, que ce soit une lettre, un
cadre, une flèche, un pictogramme, un personnage ou un des-
sin, c’est toujours un assemblage, plus ou moins complexe, de ces
formes de base ou de parties de ces formes. En jouant avec, et en
les déformant, vous pouvez tout formaliser.
Peu importe l’angle que vous donnez à votre marqueur,
le tracé est toujours de la même épaisseur.

En fonction de l’orientation que vous donnez à la pointe biseautée,


vous pouvez, avec un même marqueur,
faire un tracé gras, moyen et fin.

Vous pouvez appliquer ces effets sur les lettres, les liens, les cadres,
les pictogrammes, les dessins. Jouer sur les tracés permet de
mettre en exergue des éléments graphiques par rapport à d’autres.

148 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Les contenants
Les contenants peuvent être un cadre, un nuage, une bulle de Les mêmes principes s’appliquent aux bulles de paroles que nous
parole et toute autre forme contenant de l’information. Par dé- utilisons pour mettre en avant une citation, le commentaire d’une
finition, les cadres permettent de mettre en exergue un contenu. personne…
Comme nous l’avons constaté par un exemple en début de cha-
pitre, il ne sert à rien de tout mettre en cadre. La forme du conte-
nant donne une connotation aux informations qu’elle contient.

Une bulle Une bulle Une bulle


rectangulaire à rectangulaire à coins rectangulaire en
angles droits procure arrondis donne au pointillé exprime un
de l’assertivité au contenu un aspect chuchotement.
message donné. officiel mais exprimé
Un cadre rectangulaire Un cadre Un cadre en pointillé avec douceur.
à angles droits procure rectangulaire à coins exprime un potentiel.
à son contenu un arrondis donne à son
aspect formel, tranché, contenu un aspect
officiel. plus doux, moins
tranché.

Un nuage est Un nuage en pointillé Une bulle en forme


l’expression d’une évoque une pensée molle exprime un
pensée claire. floue. désarroi.

Un nuage donne un Un nuage en pointillé Une forme molle


aspect léger, moins est encore plus souligne un contenu
palpable. Il convient « vaporeux ». qui n’est pas défini ou
bien pour des idées, pas stable.
des concepts, des
pensées, des contenus
qui ne sont pas Un halo exprime une Une forme à piques
formels. idée lumineuse. suggère un contenu
agressif, irritant,
explosif.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 149

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Conseils pour tracer les cadres
Il y a quelques astuces pour tracer des cadres nets, aux formes
agréables et claires.
On peut avoir tendance à tracer le cadre avant de noter l’in-
formation qu’il doit contenir. Cela mène inévitablement à la
contrainte de faire tenir le texte dans le contenant, au risque de Lorsque vous avez tracé un Pensez qu’un cadre est
devoir déformer les lettres et de les rendre illisibles. premier bord, fiez-vous à celui-ci une bordure qui délimite
On commencera donc plutôt par noter les informations, puis on pour tracer le deuxième de façon un intérieur et un extérieur.
parallèle. Les bords doivent donc être
tracera le cadre en fonction de la taille du texte à encadrer. proprement joints.

Ici les bords sont joints mais ils Pour éviter les angles arrondis,
se croisent. Cela donne un effet soulevez le marqueur entre le
Lors du tracé d’un cadre, on doit prendre en compte d’autres « pas fini », non ajusté, pas clair. tracé d’un bord et le tracé du
aspects : la rectitude de la forme, éviter les bords obliques, les suivant.
bords qui ne se joignent pas ou qui forment une intersection, ou
encore les coins arrondis.
Pour le tracé des nuages, une fois le contenu écrit, on tracera de
manière successive un grand arc de cercle puis un ou deux plus
petits, etc. Pour donner un effet plus naturel au nuage, la taille
et l’orientation des arcs doivent être aléatoires. Sinon le nuage
prend une forme spécifique manquant de naturel. Ici, les arcs sont tous de taille Ici, la forme générale du nuage
similaire. n’est pas assez aléatoire,
un rythme est visible dans
l’agencement des arcs de
cercle.

Ici, la forme du nuage paraît plus naturelle car moins mécanique,


plus aléatoire.

150 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Ici, les piques sont toutes de taille similaire. Ici, un rythme est visible dans l’agencement Ici, la forme paraît plus naturelle car moins
des piques. mécanique, plus aléatoire.

Ici, les rayons sont tous de taille similaire. Ici, la forme ovale n’est pas respectée. Ici, la forme paraît plus naturelle.

Le tracé d’une forme à piques suit le même principe que celui des
nuages. Une fois le contenu écrit, on tracera de manière succes-
sive une grande pique puis une ou deux plus petites, etc. Pour
donner un effet plus aléatoire, faites varier la taille des piques.
L’effet du halo provient d’une mise en œuvre de la loi de la bonne
forme (Chapitre 2, Image globale et Gestalt). Pour faire appa-
raître la forme ovale perçue à l’intérieur du halo : une fois le
contenu écrit, tracez les rayons à partir du centre vers l’extérieur
et placez le départ du rayon sur cette forme ovale. Vous pouvez
également faire varier la taille des rayons.
Attention, dans ces deux dernières formes, les piques et le halo
prennent de la place. Elles sont donc à utiliser avec parcimonie.
Pour appuyer la mise en exergue, on utilise les ombrages ou des
cadres plus spécifiques. Ils sont décrits et détaillés en fin de cha-
pitre (Pour aller plus loin dans la formalisation).

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 151

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Il existe de nombreuses autres formes et manières de mettre du
contenu en exergue. Elles nécessitent parfois une technicité plus Les liens
importante, comme les phylactères. Ils permettent d’exprimer et de rendre compréhensible la rela-
tion qui existe entre les informations. Ils sont donc essentiels pour
rendre accessible le système en jeu dans le sujet traité.
Il existe plusieurs types de liens. Certains peuvent être exprimés
par les principes de spatialisation. D’autres doivent être forma-
lisés de manière plus explicite. Voici quelques formes que vous
pouvez utiliser. Leur nature et les caractéristiques de leurs tracés
leur donnent un sens différent.
Les liens peuvent prendre la fonction de contenants. Ils per-
mettent alors de combiner la nature du lien et un contenu à
mettre en exergue (flèche bulle, inscrit dans un signe infini, bulle
double flèche, bannière flèche, etc.).

Accédez à des vidéos explicatives et exercices d’entraînement


pour développer vos compétences.

152 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 152 07/03/2023 18:10


Les différents principes

Lien simple Lien unidirectionnel Lien bidirectionnel simple Lien bidirectionnel spécifique
Il rend explicite Il montre un sens précis, un lien Il rend compte d’une Il rend compte d’une
l’interdépendance des deux de conséquence, la transmission interconnexion, d’une information interconnexion de nature
informations liées. d’une information. qui circule dans un sens comme différente. Les informations
dans l’autre. qui circulent dans un sens sont
différentes de celles qui circulent
dans l’autre sens, par leur nature
ou par leur temporalité.

Les différents tracés


Ces différents principes et tracés peuvent être combinés pour cor-
respondre au plus juste à la nature des informations et à leurs liens.

Épaisseur Pointillés Formes du tracé Inscrit dans une forme


Jouer sur l’épaisseur donne aux Un tracé plein affirme le lien. La forme du tracé est une Un lien, ou un ensemble de liens,
tracés un caractère particulier Un tracé en pointillé donne à information sur la nature du lien. peut s’inscrire dans une forme
et une importance différente. comprendre la subtilité du lien, Un lien rectiligne est franc, direct, plus générale. Cette forme donne
un potentiel, un caractère non sans appel. également des indications sur la
permanent. nature des relations.
En zigzag, il exprime un lien
chaotique et compliqué. Un lien bidirectionnel inscrit
dans un cercle rend compte d’un
En courbe, il exprime une certaine dialogue, d’un échange perpétuel.
souplesse, une notion de calme,
de non-contrainte temporelle.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 153

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Conseils pour améliorer sa production
ZO NE DE RÉFLEXION

Entraînez-vous en reproduisant des liens présents ici ou avec


d’autres exemples pour compléter votre bibliothèque de liens.

Lien qui lie Pointe centrée


La fonction d’un lien est, par Pour que votre flèche-contenant
définition, de… lier ! soit équilibrée visuellement,
Pour que le lien soit explicite et alignez sa pointe sur l’axe de
non interprétable, les formes symétrie.
doivent se toucher, d’autant
plus lorsque votre visuel met en
scène beaucoup d’informations
différentes.

Ailettes alignées Gagner en place et en sobriété


Pour que votre flèche-contenant Pour économiser de la place
soit « juste » visuellement, et gagner en sobriété, évitez
alignez les ailettes de la pointe les flèches trop anguleuses et
sur une même ligne. agressives, en réduisant la taille
de la pointe, en évitant que les
ailettes ne forment des ergots
et en simplifiant la queue de la
flèche.

Accédez à des vidéos explicatives et exer-


cices d’entraînement pour développer vos
compétences.

154 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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L’écriture
Comprendre ce qu’est la facilitation graphique, c’est intégrer que
nous n’opérons pas pour nous-mêmes mais pour les personnes
dont nous cherchons à faciliter la compréhension.
Dans cette perspective, même si nous savons que le dessin, les
pictogrammes, la couleur, ont un impact, le texte reste un moyen
simple et efficace de formaliser des informations dans les visuels.
Nous n’éviterons donc pas un point sur l’écriture !

Principes génériques pour l’écriture


Contrairement au dessin, vous n’avez jamais cessé de pratiquer
l’écriture. L’usage de ce média a été plus dense à certaines pé-
riodes de votre vie, comme lors de vos études. Alors qu’à la sortie
de l’école vos lettres étaient bien formées, tracées avec applica-
tion, elles ont fini, avec le temps, par se déformer, s’éroder.
Puis la fréquence d’usage de l’écriture a diminué alors que l’ordi-
nateur entrait dans votre vie. Cela a entraîné une perte du geste.
Pour ma part, il m’est même arrivé d’avoir des crispations, des
difficultés à écrire vite ou tout simplement proprement.
Et je ne suis pas le seul. N’est-ce pas en effet un peu absurde Pour favoriser l’attention portée à votre façon d’écrire, entraî-
que l’écriture de votre médecin ne soit lisible que par lui et, au nez-vous à écrire en majuscules. Il n’est pas interdit d’écrire en
mieux, par votre pharmacien ? Pourtant les informations qu’il minuscules mais, en le faisant, votre écriture habituelle et ses dé-
note sur ses prescriptions sont importantes pour vous puisqu’elles formations risquent de réapparaître rapidement et de vous faire
concernent votre santé ! perdre en lisibilité.
Faire de la facilitation graphique, ce n’est pas écrire pour soi mais Les lettres capitales sont principalement composées de traits
écrire pour les autres. Il y a donc un enjeu de lisibilité qui implique droits. Les mouvements pour les tracer sont donc plus simples et
d’intégrer un nouveau paradigme. leur apprentissage plus rapide.
Pour cela, il faudra peut-être désapprendre votre écriture habi- Dans un premier temps, nous allons voir comment développer une
tuelle et en réapprendre une plus appropriée. Je n’écris pas de la écriture basique, c’est-à-dire simple à apprendre et très lisible.
même manière lorsque je prends des notes pour moi et quand j’en
prends pour les autres. Les conseils suivants vous permettront de
réapprendre à faire le moins de gestes possible et à vous concen-
trer sur les plus simples.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 155

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Dessiner les lettres
Pour vous aider à sortir de votre écriture habituelle, opérez un
petit changement d’état d’esprit : considérez, imaginez, que vous
n’écrivez pas une lettre mais que vous dessinez une forme qui
sera interprétée comme une lettre.
Vous pouvez par exemple imaginer le « A » comme la pointe d’un
crayon ou comme une montagne au sommet enneigé.
Pour avoir une écriture lisible, décomposez les lettres en formes
basiques de l’alphabet visuel (traits et arcs de cercles) en vous ap-
pliquant à soulever le marqueur entre le tracé de chaque forme.
Vous pouvez vous référer au ductus ci-après pour la composition
des lettres et des chiffres.

La lettre A est composée La lettre B est composée Le C est composé d’un Le D est composé de Le E est composé de
de trois traits distincts. de trois formes seul arrondi. deux traits distincts : quatre traits distincts.
distinctes : un trait un trait vertical et un
vertical et deux arrondis. arrondi.

156 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 157

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La police de caractères basique Conseils pour gagner en lisibilité
Vous veillerez particulièrement à être précis dans vos tracés.
Bien joindre les traits évite les débordements, les espaces et les
arrondis qui ne devraient pas exister. Cela peut paraître anodin,
mais ce sont des informations visuelles que notre cerveau doit
traiter et compenser pour reconnaître la lettre. Alors, autant lui
faciliter la tâche !

Pour une écriture basique, on évitera de rajouter des empatte-


ments (sérif) aux lettres. Les sérifs sont des petites barres (exten-
sions) ajoutées au bout des traits composant la lettre. Ils les alour-
dissent visuellement et requièrent plus de temps.
Vous pouvez faire une exception pour le J et le I, surtout lorsque
vous écrivez en anglais le pronom de la première personne du sin- Vous éviterez les traits doublés induits par le fait de ne pas sou-
gulier « I ». lever la pointe du marqueur entre le tracé de chaque forme ba-
sique composant la lettre.

Avec empattement Sans empattement

158 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Pour une bonne lisibilité du texte, le tracé et sa netteté sont im- Portez une attention particulière à votre matériel. Votre mar-
portants, mais la taille du texte l’est également. Il faut penser à queur doit être bien rempli d’encre, son tracé doit être dense.
la personne qui est au fond de la pièce, à 10 mètres, et qui doit Comme déjà évoqué, privilégiez des couleurs qui créent un vrai
pouvoir aussi se référer au contenu que vous produisez. contraste avec le support utilisé : l’encre noire sur fond blanc est
Je vous conseille de tracer des lettres d’environ 4 centimètres de préférable à une encre jaune sur fond blanc.
haut pour les informations générales. Cette taille permet de ne Attention aux marqueurs avec pointe ogive, vous risquez d’écrire
pas occuper trop de place sur votre support et reste lisible de petit et de ne plus être lisible de loin.
loin. Rien ne vous empêche, si nécessaire, de proposer des carac-
tères plus grands pour mettre en avant une information. Faites
un essai et vérifiez la lisibilité depuis toutes les places de la pièce.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 159

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Biais de déformation Le bon positionnement
Il y a de fortes chances pour que votre écriture ait tendance à Il est plus facile d’écrire proprement lorsque la main est en
monter, à descendre, à se rétrécir ou à s’agrandir, voire à subir face du regard. Alors positionnez-vous bien en face du support.
plusieurs de ces déformations à la fois. Déplacez-vous si besoin.
De même, si vous devez écrire en bas d’un tableau ou d’un
flipchart, n’hésitez pas à fléchir les genoux, voire à vous mettre
à genoux.

Le petit appui qui fait du bien


Lorsque vous êtes debout, face à la surface de travail, vous pouvez
avoir tendance à écrire sans prendre appui sur la surface. Cela
vous oblige à contrôler les articulations de l’épaule, du coude, du
poignet et des doigts. Il est compliqué de gérer l’ensemble de ces
articulations pour effectuer un geste avec précision.
En prenant appui sur la surface avec le tranchant de la main,
la deuxième phalange du petit doigt ou le bout de celui-ci, vous
Rien de grave. Il s’agit d’un biais qui existe dès le tracé de la pre-
n’avez plus à gérer que l’articulation des doigts !
mière lettre et celui de la suivante. Il est reporté et s’applique
ainsi à chaque lettre que vous tracez. Ce biais devient visible Acquérir le réflexe peut demander un peu d’entraînement mais
après quatre à cinq lettres et flagrant sur toute une ligne. cela assure la précision du tracé.
Pour le corriger, je vous invite à prendre un peu de recul dès l’écri-
ture de la quatrième lettre en vous référant à la première lettre Conseils pour développer ses compétences
tracée. Vous pouvez alors identifier la déformation et l’éviter vo- Sortir de ses habitudes et apprendre de nouveaux gestes de-
lontairement pour tracer la suite de votre texte. Plus vous reste- mande un effort. C’est certain. Mais cet effort va aller en s’ame-
rez concentré sur la lettre que vous êtes en train de tracer, moins nuisant jusqu’à ce que de nouveaux automatismes se mettent en
vous aurez conscience du biais de déformation. Il vous faut donc place. Multipliez alors les mises en pratique en favorisant une
écrire avec attention et garder conscience de l’ensemble de ce posture debout, seul moyen d’acquérir les bons gestes.
que vous êtes en train de donner à voir.
Trouvez des moments qui ne sont pas liés à la facilitation gra-
phique pour pratiquer : écrire une adresse sur une lettre, faire
Conseils sur la posture physique une liste de courses, laisser un Post-it pour un collègue ou pour
votre conjoint… Bref, dès que vous avez à écrire, vous pouvez
Vous allez vite remarquer qu’écrire sur une surface verticale est considérer que c’est l’occasion de pratiquer !
différent d’écrire dans un carnet. Voici quelques conseils pra-
tiques pour une écriture en position debout.

160 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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atteignions la fin de la feuille. Alors nous passons à la ligne sui-
vante. C’est une habitude, un modèle qu’il faut remettre en cause.
Accédez à des vidéos explicatives En effet, comme illustré dans l’exemple ci-après (partie de gauche),
et exercices d’entraînement pour une phrase peut séparer en deux l’espace disponible. Les informa-
développer vos compétences. tions que vous allez noter par la suite devront par défaut être d’un
côté ou de l’autre. Vous ne serez donc pas en mesure de relier des
informations qui sont situées de part et d’autre de la phrase.
Pour éviter cette limite, revenez à la ligne régulièrement lorsque
vous notez des informations, afin qu’elles prennent la forme d’un
Gestion de l’espace d’écriture bloc. Vous préserverez ainsi un espace qui vous permettra d’agen-
cer et de relier les informations suivantes.
L’écriture est un codage d’informations. C’est un ensemble
de signes. Leur place et leur association font varier le sens.
L’identification de chaque signe est donc primordiale. Nous avons
vu plus haut une façon de les tracer pour les rendre lisibles. Il s’agit
maintenant de voir comment les assembler et quelle latitude nous
avons pour continuer à être lisibles sans utiliser trop de place, dans
un espace limité et contraint.
Vous allez découvrir des conseils et astuces pratiques pour gé-
rer, optimiser l’espace disponible et conserver la lisibilité de votre
contenu. Appliquer ces principes vous permettra de garder de la
flexibilité et une latitude pour compléter et agencer le contenu de
votre visuel. L’espace se gagne aussi dans les détails. Nous avons déjà évoqué
qu’une taille de lettre de 4 centimètres de hauteur est suffisam-
Pour la personne qui observe, l’encrage des informations est aussi
ment lisible pour la plupart des salles de réunion et permet de limi-
important que les espaces vides qui rendent ces informations li-
ter la place utilisée par l’écriture.
sibles et distinctes.
Il est également préférable de
tracer les lettres comme si elles
Préserver l’espace étaient inscrites dans un rectangle
De manière globale, la façon dont vous allez remplir l’espace vous haut et étroit plutôt que dans un
permettra, ou vous empêchera, de créer des liens entre les diffé- carré. En procédant ainsi, vous
rentes informations. Or, en facilitation graphique, il ne s’agit pas uni- gagnez presque 50 % d’espace
quement de capturer des informations. Il s’agit de les relier afin de disponible.
faire apparaître le système qui est en jeu. Lorsque vous notez des
informations, préservez donc cette capacité de mise en relation.
Par exemple, notre façon habituelle d’écrire nous pousse à no-
ter une phrase sur une seule et même ligne, jusqu’à ce que nous

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 161

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 161 07/03/2023 18:10


L’interlettrage
Les quatre espaces de lisibilité L’interlettrage est l’espace qui sépare les lettres. Cet espace est
Pour rester pleinement lisible et optimiser la place que vous avez nécessaire pour que la lettre soit reconnaissable et identifiable
à disposition, il y a quatre types d’espaces à considérer et à tra- par le cerveau. Mais il n’a pas besoin d’être important et peut être
vailler lorsque vous notez des informations. réduit au maximum. Certaines lettres peuvent même se toucher
Cette gestion est une application concrète des lois de la Gestalt, sans que cela nuise à leur lisibilité.
et notamment de la loi de proximité.

Chapitre 2, Image globale et Gestalt

En revanche, d’autres lettres ne peuvent supporter cette proximi-


té sous peine de ne plus être lisibles car confondues avec la lettre
voisine. C’est le cas par exemple du I et du L, du M et du P. Vous
pouvez donc gagner de l’espace en tassant les lettres d’un même
mot. La limite à respecter reste la capacité à identifier les lettres.

L’inter-mots
L’inter-mots est l’espace situé entre les mots. Avant même que le
cerveau ne lise les lettres et ne les recode en sons et sens, ces
espaces rendent perceptibles les mots, unités qui composent une
phrase. Ces espaces donnent un rythme et séquencent la phrase.
Il est donc primordial de les rendre distincts. Habituellement, on
respecte ces espaces. Mentionnons tout de même que, pour être
perceptibles, leur taille doit être supérieure à l’interlettrage. Si
vous réduisez l’interlettrage au maximum, l’espace entre les mots
n’a pas besoin d’être important.

162 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 162 07/03/2023 18:10


L’interlignage
L’interlignage est l’espace qui sépare deux lignes de texte.
Comme l’interlettrage, l’interlignage peut être réduit fortement.
Vous éviterez tout de même de faire se toucher les mots de lignes
différentes. La gestion de cet espace permet au cerveau d’identi-
fier le bloc de texte comme une seule et même information. Si l’in-
terlignage est important, le cerveau comprend que chaque ligne
appartient à des informations différentes. Ce n’est qu’en lisant
le contenu qu’il doit, en associant les informations, comprendre
qu’elles ne forment qu’une seule et même unité. Encore une fois,
il s’agit d’aider et d’optimiser la compréhension des personnes à
qui l’on donne à voir ces informations.

Justification du texte
Ne cherchez pas à justifier le texte. Cela reviendrait à jouer sur
les interlettrages et inter-mots pour que chaque ligne de texte
commence et s’arrête au même niveau. C’est un effort trop impor-
tant à faire manuellement et qui n’apporte aucune valeur réelle.
Ce serait également modifier les « réglages » du cerveau pour
décoder le contenu de votre bloc de texte.
En revanche, aligner toutes les lignes d’un même bloc sur la
gauche (fer à gauche) renforce l’indication que les lignes appar-
tiennent au même bloc d’information.
Lorsque vous cartographiez des informations, votre enjeu pre-
mier est d’en faciliter l’accès et la lecture. Optimiser et gérer ces
quatre types d’espaces vous assure une flexibilité dans l’organi-
L’inter-blocs sation de votre visuel mais surtout permet de favoriser l’identi-
fication des lettres, des mots et des informations, pour les per-
L’inter-blocs est l’espace qui sépare deux blocs d’information.
sonnes à qui le visuel s’adresse.
Cet espace permet de distinguer visuellement les informations,
comme l’espace entre les mots est nécessaire pour aider le cer-
veau à lire en les distinguant. Ne pas créer ces espaces revient
Accédez à des vidéos explicatives
à obliger le cerveau à faire cette séparation par lui-même après
et exercices d’entraînement pour
avoir lu et compris le contenu du texte. Veiller à l’existence de cet
développer vos compétences.
espace, c’est préserver l’intégrité des informations que vous pré-
sentez et assurer leur facilité de traitement pour un autre niveau
de réflexion.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 163

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 163 07/03/2023 18:10


Variation de police de caractères
Police grasse
Comme évoqué précédemment, la façon dont on écrit fait partie Pour réaliser cette police, il faut suivre les mêmes conseils que
du vocabulaire graphique. On peut donc, en faisant varier son pour la police basique.
écriture, marquer, signifier une différence. C’est par exemple le
cas entre le corps du texte général et un titre. Puis, lorsque vous faites le premier trait de chaque lettre, doublez­-
le pour réaliser la partie grasse.
Une typographie est une famille de polices de caractères. On y
retrouve donc un même style de lettrage mais avec des varia-
tions. Helvetica est une typographie, Helvetica gras, Helvetica
light, Helvetica italique, Helvetica Neue Condensed black… sont
des polices.
Dans notre contexte, nous cherchons à réapprendre des gestes
simples. Voyons donc comment créer, à partir de l’écriture ba-
sique vue précédemment, une variation de police de caractères.

Conseils pratiques :
• décalez bien le tracé du second trait ;
• les deux traits doivent se toucher ;
• le second trait ne doit pas repasser sur le premier ;
• faites cette opération au moment du traçage de la lettre, et non
une fois que le mot est écrit – vous perdriez alors en lisibilité ;
• pour les lettres courbes, faites un trait droit à l’intérieur de la
courbe.

164 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Police extra-grasse Police enrichie
Pour réaliser cette police, suivez les mêmes conseils que pour la Pour réaliser cette police, suivez les mêmes conseils que pour la
police basique en doublant cette fois tous les traits. police basique.
Puis, lorsque vous ferez le premier trait de chaque lettre, doublez­-
le pour réaliser la partie « enrichie ».

Conseils pratiques : Conseils pratiques :


• décalez bien le tracé des seconds traits ; • décalez bien le tracé du second trait ;
• les deux traits doivent se toucher ; • les deux traits ne doivent pas se toucher ;
• le second trait ne doit pas repasser sur le premier ; • faites cette opération au moment du traçage de la lettre, et non
• faites cette opération au moment du traçage de la lettre, et non une fois que le mot est écrit – vous perdriez alors en lisibilité ;
une fois que le mot est écrit – vous perdriez alors en lisibilité. • pour les lettres courbes, faites un trait droit à l’intérieur de la
courbe ;
• cette caractéristique de police impose de « fermer » le I avec
des empattements.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 165

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Police light Conseils sur les variations de police
Pour réaliser cette police, suivez les mêmes conseils que pour la Entraînez-vous ! Vous verrez que le doublage des traits au mo-
police basique. ment de tracer chaque lettre est relativement facile puisqu’il
« suffit » de répéter le même mouvement.
Vous allez vite vous rendre compte également que les polices
grasse, extra-grasse et enrichie demandent plus de temps. Ce
temps supplémentaire n’impactera pas forcément votre produc-
tion si vous êtes en différé. En revanche, il aura un impact consi-
dérable sur une production en temps réel. Je vous conseille donc
de ne les utiliser que pour des titres et à des moments où la pres-
sion du temps vous le permet.

Accédez à des
vidéos explicatives
et exercices
d’entraînement
pour développer
vos compétences.

Conseil pratique : utilisez la partie fine de la pointe biseautée de


votre marqueur. Pour aller plus loin sur les polices de caractères
La typographie et les polices qui vous sont proposées ici sont
largement suffisantes pour commencer, pour hiérarchiser du
contenu, pour différencier des informations. Couplées à l’usage
de couleurs différentes, elles fournissent déjà une large palette
de variations possibles. Ceci étant dit, vous pouvez avoir envie
d’aller plus loin et d’explorer d’autres typographies.
Vous trouverez sur les réseaux sociaux de nombreux exemples
de réalisations et des tutoriels pour travailler la calligraphie.
Rappelez-vous simplement une chose : votre objectif en facilita-
tion graphique reste d’être lisible et efficace pour les personnes
à qui s’adresse votre visuel. Votre objectif n’est pas de faire du
« beau ». La beauté recherchée n’est pas dans l’aspect esthétique
mais dans l’efficience de votre action.

166 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Les huit principes de spatialisation
ZO N E D’ E X E RC ICE
Lorsqu’on construit un visuel, on doit donner une forme aux infor-
Profitez de cet espace pour pratiquer les différentes variantes mations mais aussi leur attribuer un espace. La façon dont on dis-
de polices. pose les informations dans le visuel doit être porteuse de sens.
Dans l’exemple ci-dessous, on constate que la façon de spatialiser
les mêmes éléments (acteurs et liens entre les acteurs) donne à
voir des choses radicalement différentes.
Vous choisirez la façon de spatialiser vos informations de manière
à ce que la structure visuelle qui s’en dégage donne à comprendre
le sens porté par les informations. Prenons un exemple : pour re-
présenter un lien de temporalité entre deux informations, il est pré-
férable de les aligner sur une ligne horizontale et de les organiser
pour mettre la première information, chronologiquement parlant,
sur la gauche et la deuxième sur la droite. Cet exemple s’appuie
sur la manière courante de représenter le temps dans les pays oc-
cidentaux : une ligne horizontale allant de gauche à droite.
Nous venons d’illustrer l’un des principes élémentaires de spatiali-
sation. Ils sont au nombre de huit et permettent de rendre visibles
et compréhensibles les liens existant entre les informations.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 167

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Plutôt utilisé par défaut, ce principe permet de visualiser un élé- Utilisé pour évoquer des regroupements d’éléments de natures si-
ment du système dont on ne connaît pas encore le lien avec les milaires, ce principe est essentiellement formalisé par des zones
autres éléments. et des rapprochements qui évoquent l’inclusion ou l’exclusion.
Il permet également de montrer un isolement par rapport à On retrouve ce principe dans ces représentations :
d’autres informations reliées entre elles.
L’accumulation de son usage donne ce qui est appelé « une orga-
nisation en pop-corn ».
On retrouve ce principe dans ces représentations :

168 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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La linéarité est utilisée pour représenter un cheminement et donc Le principe d’horizontalité (certainement le plus commun de tous)
des étapes, un séquençage, un ordonnancement. Ce principe est essentiellement utilisé pour représenter une notion de temps.
évoque forcément aussi une notion de temps. Il peut également être utilisé pour montrer une égalité.
On retrouve ce principe dans ces représentations : On retrouve ce principe dans ces représentations :

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 169

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Le principe de verticalité est à utiliser vers le haut pour représen- La symétrie permet de comparer, de mettre en opposition. Il n’est
ter les notions d’évolution ou de construction, et vers le bas pour pas nécessaire d’avoir exactement les mêmes éléments d’un côté
évoquer une conséquence ou quelque chose « qui découle de… ». comme de l’autre, ni même de tracer l’axe de symétrie.
C’est un principe utilisé pour exprimer un lien de « contrôle sur », Placer des éléments côte à côte permet de mettre en exergue
de subordination ou de valeur. leurs différences.
On retrouve ce principe dans ces représentations : On retrouve ce principe dans ces représentations :

170 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Ce principe est utilisé pour évoquer des notions de convergence Ce principe est utilisé pour représenter une notion de système ou
ou de divergence mais aussi des principes de déploiement et d’interdépendance, d’interactions.
donc de composants et d’appartenance. Attention, sa formalisation n’est pas forcément un cercle.
On retrouve ce principe dans ces représentations : On retrouve ce principe dans ces représentations :

Ces principes restent élémentaires. Ils peuvent être associés pour


rendre visibles des ensembles complexes de liens. Observons en-
semble quelques exemples concrets où ils ont été assemblés.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 171

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E N T RA Î N EZ-VO US ! Une telle structure per-
met de montrer l’apparte-
Avant de lire la façon dont les visuels suivants ont été archi- nance des éléments d’une
tecturés, sur la base des principes élémentaires de spatialisa- colonne à un sujet posi-
tion, essayez de faire vous-même le travail de décomposition. tionné en titre de colonne.
Observez le visuel et essayez d’identifier les principes qui ont De même pour chaque ligne.
été utilisés.

Exemple 1

Cette structure permet éga-


lement de comparer les infor-
mations contenues dans deux
colonnes ou sur deux lignes
Dans un tableau à deux entrées, on retrouve à plusieurs différentes.
reprises les principes d’appartenance et de symétrie. C’est la raison pour laquelle
on retrouve cette organisa-
tion dans des comparatifs
d’offres de services. Il est alors
très aisé d’identifier les diffé-
rences entre les services ou
les produits proposés.

172 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Exemple 2

Une structure en mind mapping utilise le principe radial de


façon fractale.

D’abord à partir du centre, qui est le sujet principal auquel Ensuite, au bout de chaque branche se trouve un sujet qui,
appartiennent les branches qui en partent. de façon radiale, se déploie en informations lui appartenant.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 173

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Exemple 3
Le visuel ci-dessous présente les trois processus collaboratifs
proposés par une équipe internationale à ses clients, et ce que
produit chacun d’eux.

174 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Trois principes sont utilisés dans le visuel. Le principe d’hori-
zontalité permet de séquencer la provenance des actions, les
approches et les résultats que les clients peuvent en attendre
dans le temps.

Le principe radial permet de montrer que ces trois approches


ont la même source : l’équipe internationale.

Le principe de symétrie permet de comparer les résultats et


donc de choisir l’approche associée.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 175

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Exemple 4

176 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Dans ce modèle, rencontré en début de chapitre, on identifie Le principe radial montre les composants de la notion de voca-
plusieurs principes de spatialisation. D’une part, il y a une sy- bulaire graphique.
métrie pour comparer les deux notions.

D’autre part, le principe de verticalité indique ce que produit Ce dernier principe est aussi utilisé pour présenter la conver-
chacune des notions. gence : ce que produisent les deux notions (vocabulaire &
grammaire) pour « créer du sens ».

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 177

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Exemple 5
Ce visuel présente une proposition de join venture entre deux
entreprises. C’est un résumé d’une proposition de 300 pages.
Comme toute modélisation, il a servi de support à une présen-
tation détaillant les grands principes du sujet présenté.
Sans aller dans le détail de la présentation, observez l’archi-
tecture et l’organisation spatiale des éléments qui composent
le visuel.
La structure générale qui
se dégage s’appuie sur un
principe de verticalité qui
met en exergue la base de la
démarche, la démarche elle-
même et ce qu’elle permet
de construire : le titre.

Un premier principe d’ap-


partenance est utilisé pour
qualifier la démarche « jour-
ney to excellence » par rap-
port à l’organisation alors en
place.

178 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Le principe linéaire a été utilisé
pour expliquer les trois grandes
phases de déploiement de la
Le principe radial permet
proposition.
de montrer les éléments qui
composent la base de la join Cependant, ces trois grandes
venture. phases ne s’articulent pas
comme des étapes successives
mais doivent être comprises
comme étant des démarches
coexistantes.

Un principe de symétrie est uti-


Le principe d’appartenance lisé pour montrer cette coexis-
est à nouveau utilisé pour spé- tence et son évolution dans
cifier tout ce qui est lié à l’en- le temps. Il permet de rendre
gagement et à l’énergie des perceptible que la « troisième »
équipes, depuis ce qui existe phase commence dès le début
déjà jusqu’à l’aboutissement de la démarche.
de la démarche.

Le principe d’appartenance a
Un principe de symétrie été utilisé pour montrer que la
montre la complémentarité et première phase va se faire par
la spécificité des équipes des lots ou périmètres d’activités.
deux entreprises.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 179

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Lorsque vous composez votre visuel, les principes de spatialisa- nous pouvons et savons dessiner. Ils viennent panser la blessure
tion sont à appliquer sur les liens entre les informations et entre ancienne générée par les remarques et jugements désobligeants
les familles d’informations. sur notre production dessinée. Avec les pictogrammes, nous dessi-
Vous pouvez donc vous retrouver avec des structures dans nons quelque chose de simple et reconnaissable. Ils nous réconci-
d’autres structures, comme vu dans les exemples précédents. lient avec le dessin. Quoi de plus gratifiant personnellement ? Nous
avons le droit de dessiner ! Nous retrouvons l’autorisation de créer !
En cela, développer ses compétences de dessin avec les picto-
Les pictogrammes grammes est essentiel. Cependant, nous créons des visuels pour
Aaaaaaah, les pictogrammes… ! aider les autres à comprendre leur sujet de réflexion et non pour
nous faire plaisir. Explorons donc les travers de leur surutilisation
Ils sont à la fois nécessaires, par l’impact qu’ils peuvent produire,
afin de les éviter.
mais également source d’une incompréhension qui peut nous frei-
ner dans le développement de nos compétences de facilitation Bien souvent, j’ai observé une tendance chez les personnes dé-
graphique. veloppant leurs compétences de visualisation : elles traitent une
information en la transformant en un pictogramme. Puis elles
Pour dessiner des pictogrammes, il suffit d’agencer les formes ba-
traitent une nouvelle information qu’elles traduisent à nouveau en
siques de l’alphabet visuel et de jouer avec.
pictogramme.
Une telle pratique mène, au pire, à construire un rébus ; au mieux
elle produit une mosaïque d’idées dont aucune trame ne se dégage.

Muriel, support réalisé


Ils représentent une marche facilement accessible pour entrer
dans le cadre d’une
dans le monde de la visualisation. Par leur facilité d’exécution, ils formation
sont aussi source de satisfaction rapide : ils sont la preuve que

180 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Ce n’est pas mauvais en soi et c’est même certainement mieux que Pour éviter l’effet mosaïque, il n’y a qu’un seul moyen : faire appa-
rien. Mais mettons-nous à la place de la personne qui s’appuie sur raître les liens entre les idées. Comprendre et représenter com-
votre visuel. ment les idées sont liées les unes aux autres permet de rendre le
Puisqu’une image vaut mille mots, c’est qu’une image est interpré- système visible.
table de mille façons différentes. Cela veut dire que, pour chaque Pour cela, je vous conseille de dépasser la traduction d’un mot-
pictogramme, la personne qui observe doit passer en revue les clé en pictogramme, de ne pas considérer le dessin comme une
interprétations possibles, retenir celles qui peuvent faire sens et simple illustration de l’idée à transmettre mais comme un moyen
les tester en les combinant avec les interprétations possibles des de faire un lien entre plusieurs idées.
autres pictogrammes. On comprend alors bien qu’un rébus est
tout sauf facilitant. Les rébus sont d’ailleurs utilisés comme jeux
de devinette sollicitant la réflexion.
Pourtant, pour vous qui avez traduit les idées en pictogrammes,
leur sens est extrêmement clair. Le piège vient de la différence
entre le biais de conception et le biais d’interprétation.
Il est primordial d’apprendre à opérer un décalage de pensée, de
savoir épouser le point de vue de l’autre au moment de la concep-
tion, pour s’assurer que les messages que nous souhaitons faire
passer sont bien réceptionnés.

Une mosaïque d’images ne donne


pas à voir et à comprendre la
structure qui se dégage
des informations.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 181

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Prenons l’exemple d’une phrase entendue et de trois représenta-
tions possibles. Voici la phrase : « Nous avons besoin de mettre en
perspective nos projets. »

SI ON S’ATTACHE À LA NOTION DE « MISE EN PERSPECTIVE » SI ON S’ATTACHE AU SENS DE LA PHRASE

Du point de vue illustratif : Du point de vue pictogramme : Du point de vue dessin qui crée du lien :

Schématisation de la pensée : qu’est-ce qui me Schématisation de la pensée : mettre en Schématisation de la pensée : mise en
fait penser à une perspective ? perspective, c’est permettre de voir loin. perspective de quoi ?
Réponse : une jetée. Je fais le choix de dessiner une longue-vue. Réponse : des projets. Nos projets nous
(Biais de conception) permettent de voir plus loin.

On retrouve la notion de perspective mais le Le pictogramme tel quel illustre la notion mais On comprend ici que la mise en perspective
contexte ne correspond pas au sujet abordé. ne met rien en lien. est un moyen d’observer les projets. Ils sont
représentés et on a donc la possibilité de
les développer. Il est également possible de
placer au bout de la flèche « ce à quoi sert
cette mise en perspective ».

Ce que ça produit pour l’observateur : une Ce que ça produit pour l’observateur : une icône Ce que ça produit pour l’observateur : une
sortie du contexte. qui appelle l’œil mais qui n’en dit pas beaucoup possibilité d’appréhender les différentes
plus que l’information écrite. notions et de les intégrer dans une vision
globale.

Les pictogrammes sont des visuels mais ils ne produisent pas Pour rappel, les pictogrammes ne sont qu’une famille de vocabu-
à eux seuls l’effet nécessaire pour faciliter la compréhension. laire graphique. Or, il ne vous viendrait pas à l’idée de n’apprendre
Surdévelopper vos compétences en pictogrammes risque de vous que des adverbes pour pratiquer une langue étrangère. Il vous
faire oublier que l’essentiel est l’information et non le dessin. faut donc développer d’autres éléments de vocabulaire graphique.

182 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Les personnages génériques

Dessiner des personnages peut faire peser une certaine pression.


Alors mettons les choses au clair tout de suite : nous ne sommes
pas aux Beaux-Arts !
Vous n’avez pas le temps de parvenir au niveau de dessin que
Savoir dessiner des personnages est important. Ils permettent de propose un cursus d’apprentissage de plusieurs années. Et pour-
rendre plus humains les sujets et projets que l’on traite, même tant, vous avez besoin de pouvoir représenter les acteurs d’un pro-
s’agissant des plus techniques. jet, les protagonistes d’une scène, les membres d’une équipe…
Un personnage apporte de la vie et crée une proximité avec l’ob- Voyons pourquoi il est important de savoir dessiner des person-
servateur. On peut les mettre en situation, les faire parler, bref, nages génériques.
mettre en scène le sujet. Un personnage générique est asexué et n’a pas d’attributs parti-
culiers précisant plus en détail son identité. Chacun peut s’y identifier.
Si vous lui ajoutez une coiffure ou un objet spécifique, vous donnez
des indications. Cela a un impact sur l’interprétation des personnes
à qui s’adresse le visuel. Par exemple, en ajoutant une cravate à
un personnage générique, vous le rendez clairement masculin. Les
hommes vont donc s’y identifier plus facilement que les femmes
qui ne s’y reconnaîtront pas ou très rarement. C’est pourquoi nous
nous concentrerons, dans cette partie, sur les personnages dits
« génériques ».
Je vous propose de suivre pas à pas une méthode pour dessi-
ner facilement et rapidement des personnages, un groupe, une
foule et les émotions principales. Commençons par un person-
nage simple avec une forme de corps en rectangle. L’intérêt d’un
Même si vous pensez que vous ne savez pas dessiner, vous allez tel corps est qu’il nous donne des repères évidents pour la suite
vite découvrir, en suivant mes conseils, que dessiner des person- du dessin. Les angles du rectangle indiquent d’où faire partir les
nages est largement à votre portée ! membres (bras et jambes).

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 183

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Allons-y !

Tracez un ovale pour la Pour le corps, faites un Tracez les jambes en Ajoutez les pieds en Tracez les bras à partir des
tête du personnage. rectangle au moins deux partant des angles formant un angle avec la angles supérieurs du corps.
Commencez assez haut fois plus haut que large. inférieurs du corps. jambe. Tracez des bras courbes
puisque c’est la partie du Vous n’êtes pas obligé de Les jambes doivent être pour ne pas avoir à faire
personnage positionnée le coller le corps à la tête. plus longues que le corps. le coude. Ils doivent être
plus haut. plus longs que la hauteur
du corps.

Tracez un trait pour le Pour les yeux, placez deux Tracez la bouche. La forme Jusqu’alors, votre
pouce et un trait au moins petits traits verticaux au de la bouche renseignera personnage « flottait »
deux fois plus long pour la milieu du visage. beaucoup sur l’émotion du dans la page. Rajoutez une
paume et les doigts de la Ils apportent de la vie au personnage. ligne fine et horizontale qui
main. personnage. coupe les jambes. Elle crée
Vous pouvez faire un un espace dans lequel est
petit angle entre le trait positionné le personnage.
de « paume-et-doigts » et
le bras pour montrer le
poignet.

184 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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EXERCEZ-VOUS !

En suivant les mêmes étapes, vous pouvez réaliser d’autres types


de personnages génériques. Pour cela, il vous suffit de changer la
façon de tracer le corps :
• En faisant des hachures qui gardent les mêmes proportions
que celles montrées précédemment : un corps deux fois plus
haut que large.
• En faisant une forme de haricot. Attention, sur ce dernier, il faut
« accrocher » les bras bien en haut du haricot pour ne pas don-
ner l’impression qu’ils partent du milieu du corps. Cette der-
nière forme permet, en fonction de l’orientation qu’on lui donne,
d’exprimer une posture spécifique.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 185

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 185 07/03/2023 18:10


Le regard et les principales émotions
EX ER CEZ-VOUS !
Comme nous l’avons vu avec les personnages précédents, deux
traits verticaux suffisent pour créer un regard.
En jouant avec le positionnement des yeux dans le visage, vous
allez donner l’orientation du regard.
En jouant avec la forme et le positionnement de ces deux
traits, vous pouvez créer des expressions différentes. La forme
de la bouche va également contribuer à suggérer l’émotion du
personnage.
Référez-vous au tableau ci-après pour représenter les principales
émotions.
Vous pouvez également imaginer d’autres combinaisons yeux-
bouche pour créer de nouvelles émotions.
Testez et amusez-vous !

186 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Cette cambrure donne au personnage une certaine assurance et
Les mains suggère la fierté. (1)
Les mains sont également un élément indiquant l’état d’esprit, Orienté différemment, le personnage a l’air découragé, désengagé. (2)
l’intention ou l’action du personnage. Comme vous l’avez vu dans Ici, le dos est arrondi, le personnage semble porter un poids sur ses
le « pas à pas », inutile de dessiner tous les doigts, toutes les pha- épaules. (3)
langes… Quelques principes simples vous permettent d’être très Lorsque la courbure du dos est prolongée par la tête, le personnage
expressif. s’incline devant quelqu’un ou va ramasser quelque chose. (4)
Pour donner une orientation au corps, il suffit d’orienter les
membres comme ci-après.

Postures et notion d’équilibre


Une simple orientation des pieds donne une direction
Lorsqu’on dessine un personnage, sa posture physique donne des à l’ensemble du corps.
informations sur son état d’esprit et sur la situation dans laquelle
il se trouve.
Pour cela, il suffit de jouer avec l’orientation du corps (orientation
du haricot ou déformation du rectangle) en respectant les prin-
cipes d’« accrochage » des membres.

Faire passer un bras devant le corps souligne son orientation.

1 2 3 4

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 187

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Dessiner un personnage qui donne l’impression de tomber n’est Lorsqu’il est nécessaire de marquer la pliure du coude ou du genou,
pas anodin et doit être fait à propos. Autant connaître la règle qui pensez que cet angle est situé (à peu près) au milieu du membre.
va créer cette impression pour l’utiliser consciemment et non par Pour les postures en mouvement telles que la course, pensez-les
défaut. Elle est très simple. comme une succession de postures. Choisissez et représentez celle
Pour qu’un personnage debout semble dans une posture d’équi- qui sera la plus emblématique, la plus expressive.
libre, il faut que la projection sur le sol de son centre de gravité Pour les postures déséquilibrées, il suffit de positionner les deux
(situé au niveau du ventre) soit à l’aplomb du point d’appui ou entre pieds à droite ou à gauche du centre de gravité.
ses deux points d’appui au sol.

Ici les personnages semblent avoir leur équilibre,


même si la posture est dynamique.

Dans ces exemples, les personnages semblent en déséquilibre.

188 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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À VOUS D E J O U E R !
Amusez-vous avec les personnages précédents.
Regardez autour de vous et dessinez la posture des personnes
que vous voyez.
Tapez « image postures de yoga » dans votre moteur de re-
cherche et vous aurez de quoi pratiquer ! Veillez tout de même
à commencer par des postures simples : l’objectif ici n’est pas
de se mettre des challenges mais de trouver l’opportunité de
pratiquer.
Continuez à vous amuser en reproduisant ces personnages et
à jouer avec pour vous les approprier. Modifiez le regard, les
émotions, la position du corps, des membres, pour leur donner
des postures qui servent votre propos et ce que vous souhaitez
illustrer.
Si toutefois, malgré les conseils et principes énoncés plus haut,
vous n’êtes pas satisfait des personnages que vous avez des-
sinés, voici quelques éléments à contrôler pour améliorer vos
productions :
• vérifiez que les bras ne partent pas du milieu du corps ;
• vérifiez que la forme du corps est plutôt allongée ;
• vérifiez que les bras ne sont pas trop courts ;
• vérifiez que les jambes ne sont pas trop courtes ;
• vérifiez que les pieds forment bien un angle avec la jambe.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 189

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Les groupes et les équipes
Lorsqu’on représente des projets, on fait régulièrement référence
à des équipes, à des groupes, plus ou moins grands, d’individus.
Apprenons donc à les représenter ! Il est possible de reproduire
les personnages côte à côte comme vu précédemment. Mais il
existe une approche encore plus simple et rapide.

Commencez par tracer des arches Rajoutez une forme ovale au- Pour donner un effet plus dense, Plus vous en rajoutez, plus vous
représentant le haut du corps des dessus de chaque corps pour ajoutez des arcs de cercle faites apparaître une foule.
personnages. représenter les têtes. entre les têtes existantes : ils
À ce stade, vous avez un groupe symbolisent le haut des têtes des
de cinq personnes. personnes placées au deuxième
rang.

Ne tracez pas tous les bras. Ajoutez deux traits verticaux


Un bras à chaque extrémité suffit dans la tête des personnages
pour donner une posture au du premier rang pour dessiner
groupe. les yeux et donner vie au visage.
Jouez avec leur positionnement
pour indiquer l’orientation des
regards.

190 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Les mouvements
Il peut s’avérer nécessaire d’introduire des mouvements, pour les
personnages et/ou les objets. Voici quelques principes utiles.
Pour dessiner un objet en mouvement, vous allez imaginer puis
représenter les deux dernières positions précédant celle qui est Objet qui tourne sur Les deux positions La trajectoire du
dessinée. Vous allez ensuite ajouter, avec un tracé plus fin, la tra- lui-même dans sa précédentes de mouvement est symétrique
jectoire du mouvement et lui donner une impression de vitesse. position dessinée. l’objet. de part et d’autre du bâton.
En appliquant ces principes, il est donc possible de combiner les
mouvements.

Objet articulé dans Les deux positions Ajouter la trajectoire


Objet qui tombe Les deux positions La trajectoire du sa position dessinée. précédentes de du mouvement donne
dans sa position précédentes de mouvement est ici l’objet. une impression de
dessinée. l’objet. rectiligne. vitesse.

Objet lancé vers le Les deux positions La trajectoire du Objet qui s’envole Les deux positions La trajectoire
haut dans sa position précédentes de mouvement est ici dans sa position précédentes de du mouvement
dessinée. l’objet. une parabole. dessinée. l’objet. correspond au
déplacement de
l’objet.

Objet qui rebondit Les deux positions La trajectoire du


dans sa position précédentes de mouvement montre Objet qui chute dans Les deux positions La trajectoire du
dessinée. l’objet. le rebond. sa position dessinée. précédentes de mouvement reprend le
l’objet. zigzag de la chute.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 191

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Une fois que vous avez compris ces principes de personnages Pour aller plus loin sur les personnages génériques
simples, de posture, de regard, d’émotion, de mouvement, les
Il existe plusieurs autres formes génériques. Si vous souhai-
possibilités sont infinies !
tez vous les approprier, je vous renvoie aux ouvrages qui y
Il ne vous reste plus qu’à pratiquer, à essayer, à tester, à jouer sont dédiés, comme les livres Bikablo publiés par les éditions
avec ces objets et personnages. En vous familiarisant avec eux, Kommunikationslotsen.
vous en faites des alliés pour les mises en scène de vos sujets !
Accédez à des vidéos explicatives
et exercices d’entraînement pour
développer vos compétences.

EXERCEZ-VO US !

Jouez avec les personnages, leurs positions et leur mise en situation (objets, mouvements, émotions, paroles…).

192 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Les personnages spécifiques mentaux, cognitifs, provenir d’un trouble de santé invalidant ; en-
fin, ils peuvent être physiques. La représentation d’une telle diver-
Bien que les personnages génériques soient amplement suffi- sité ne peut se faire par l’image du fauteuil roulant.
sants pour humaniser vos sujets et vos visuels, vous aurez peut- On représentera plutôt une personne en situation de handicap
être besoin de les rendre plus spécifiques. par un personnage générique en y ajoutant la mention néces-
Mais ne l’oubliez pas : en ayant recours aux personnages spé- saire, par exemple « PSH », en s’assurant que cet acronyme est
cifiques, vous optez pour une représentation particulière. compris et connu des personnes qu’on accompagne.
Inévitablement, elle exclura certaines personnes. Je le répète : le choix de formaliser un personnage spécifique doit
Aussi, gardez en mémoire cet avertissement : attention aux biais être un choix conscient.
générés par le visuel !
Lors d’une session de travail sur les questions et les enjeux du ma-
nagement, je me suis autorisé à dessiner des personnages plus
spécifiques. Je formalisais les échanges en utilisant ces nouveaux
personnages quand une participante m’interpella ainsi, devant
tout le monde : « Pourquoi ne représentez-vous que des managers
hommes ? »
C’était un excellent rappel à l’ordre ! Bien que sachant pertinem-
ment qu’un manager n’est pas forcément un homme, je ne l’avais
pas laissé transparaître dans mes choix de visualisation.
De plus, si j’avais représenté un homme et une femme en situa-
tion, ce choix aurait figé un cas spécifique pour illustrer une situa-
tion générique.
Si on opte pour une représentation spécifique alors que la situa-
tion est générique, on arrive à des extrêmes où il serait nécessaire
de considérer toutes les combinaisons possibles entre managers
et collaborateurs : homme-femme, femme-homme, femme-femme
et homme-homme… Et encore, c’est sans compter la complexité
des questions de genre qui ne se limitent pas à la simple distinc-
tion femme/homme.
Dans de telles situations, on reviendra donc à l’usage de person-
nages génériques.
La question du handicap est un autre cas notable. En effet, par
l’usage du symbole de la personne en fauteuil roulant, on ren-
force, dans l’imaginaire collectif, un biais qui exclut les autres
types de handicap. 80 % des situations de handicap sont en réa-
lité invisibles. Les handicaps peuvent être psychiques, sensoriels,

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 193

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Un simple changement de la forme du corps permet de créer dif- Bien entendu, ce changement est flagrant lorsque l’enfant est
férents types de personnages, sans apporter de spécifications placé à proximité d’un personnage générique « normal » : l’adulte.
précises. Vous pouvez par exemple créer des enfants en chan-
geant les proportions du personnage générique. Pour cela, il suf-
fit de faire une tête plus ronde, un corps moins élancé.

On peut aller plus loin dans la spécification des personnages en


leur donnant des attributs. Un simple accessoire ou une coupe de
cheveux suffit parfois. On ira vers encore plus de précision en leur
ajoutant des vêtements.

194 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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À VOUS D E J O U E R !
Pratique 1 – Recopier c’est progresser !
Reproduisez les personnages de la page ci-contre pour vous
familiariser avec eux. Si vous rencontrez des difficultés, je vous
invite à vous imprégner des conseils donnés à la fin du cha-
pitre dans le paragraphe « Vers une approche décomplexée
du dessin ».

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 195

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Pratique 2 – Laissez faire le hasard !
Munissez-vous d’un dé à six faces et lancez-le successivement
pour chacune des lignes. Le chiffre donné par le dé vous in-
dique une posture, un attribut et un mouvement à utiliser pour
dessiner votre personnage.
Amusez-vous ainsi à créer et découvrir des personnages. Il y a
plus de 216 combinaisons, plus toutes les situations que vous
allez imaginer !

196 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Pour aller plus loin sur les personnages spécifiques
EXERCEZ-VOUS !
Passer du personnage simple à un personnage plus réaliste :

Le personnage
rectangle
donne les
proportions.
Donnez-lui la
posture souhaitée.

Ajoutez des
vêtements adaptés
au contexte ou à la
situation
à illustrer.

Épaississez
les membres
simplement.

Ajoutez une coupe


de cheveux.
Ces personnages demandent plus de technicité et donc plus de
pratique et d’expérience. D’autre part, ils seront connotés (par
Testez des combinaisons, cherchez d’autres exemples, recopiez, leurs spécificités) et auront donc une influence sur la perception
amusez-vous ! Un personnage se dégagera certainement et trou- et l’interprétation qui en seront faites.
vera à vos yeux une certaine présence. Développez-le et déclinez- En fonction de vos compétences actuelles et de votre ambition,
le au gré des sujets que vous traitez. vous pouvez choisir ou non de développer ces compétences de
formalisation. Dans tous les cas, restez conscient de leurs im-
pacts et utilisez-les à propos.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 197

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Le dessin
Vous avez appris l’alphabet visuel. En jouant avec des formes Vers une approche décomplexée du dessin
basiques et en composant à partir de ces formes, vous avez dé-
veloppé les moyens de dessiner toutes les formes. Vous avez vu Moi-même, en pratiquant la facilitation graphique, j’ai mis plu-
comment tracer des lettres lisibles, comment optimiser l’espace sieurs années avant de savoir dessiner des personnages. Avant
disponible pour cartographier des informations, vous avez re- de m’autoriser à dessiner des personnages, devrais-je écrire. Non
tenu plusieurs polices d’écriture. Vous avez dessiné des formes pas parce que c’était inaccessible, mais parce que je n’employais
qui servent de cadres et contenants pour les informations et qui pas la bonne méthode, je n’avais pas le bon état d’esprit.
marquent les liens entre ces informations. Vous avez vu comment, Les choses se sont débloquées lorsque j’ai réalisé que ma façon
en fonction du placement des informations dans l’espace du vi- de penser créait des limites. Je me fixais moi-même des barrières
suel, vous pouviez exprimer leurs liens. Vous avez envisagé com- que je reconnaissais et confortais en permanence.
ment choisir et utiliser les couleurs. Vous avez appris comment Alors voici quelques pensées limitantes que vous reconnaîtrez
utiliser les pictogrammes, comment dessiner des personnages certainement et les conseils que j’ai suivis pour les dépasser.
génériques et comment leur donner un aspect spécifique. Puissent-ils vous être utiles !
Vous avez à présent tout ce qu’il faut pour formaliser des infor- Pour chacune d’elles, je vous propose une pensée alternative et
mations en appliquant les techniques de cartographie en temps des actions concrètes pour progresser.
réel et différé, exposées dans les chapitres suivants.
Pour la facilitation graphique, il n’est pas nécessaire de dévelop-
per plus loin vos compétences en dessin.
Ce n’est pas nécessaire mais peut-être en avez-vous envie. Alors,
sans avoir à prendre des cours de dessin, voici quelques éléments
qui peuvent vous y aider.

198 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Pensée constructive :
Objectivement, j’ai les compétences : je sais tenir un stylo, je sais tracer des formes
et j’ai appris à dessiner avant de savoir écrire. Par contre, je n’arrive pas à dessiner
ce que j’ai en tête et/ou je n’ai pas l’entraînement nécessaire pour y arriver.

Action à mettre en place :


Je cherche une image existante se rapprochant de ce que je souhaite dessiner et je
la recopie.

Pensée constructive :
Lorsque je m’adresse à quelqu’un, je ne me dis pas : « Il va me juger parce que je ne
construis pas mes phrases comme le ferait un romancier. »
Alors, soyez convaincus par vos dessins !
J’ai observé qu’à partir du moment où je suis convaincu par ce que je dessine, les
personnes ne perçoivent pas mon dessin de la même manière.

Action à mettre en place :


Je suis convaincu de l’importance de ce moyen d’expression et je m’autorise à re-
mettre en cause mon dessin.

Pensée constructive :
Je n’ai pas encore les compétences que j’aimerais avoir.

Action à mettre en place :


Je trouve une image existante de ce que je voudrais savoir dessiner et je la recopie.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 199

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Pensée constructive :
C’est le dessin qui est questionné, remis en cause, pas ma personne.

Action à mettre en place :


C’est l’occasion parfaite pour questionner et comprendre ce qui a orienté votre
interlocuteur vers une autre interprétation. Il va alors vous indiquer des pistes
d’amélioration.

Pensée constructive :
Je m’y suis peut-être mal pris ou je m’y suis pris comme les autres fois, alors j’obtiens
le même résultat.

Action à mettre en place :


Je remets en question ma façon de faire, pas seulement au niveau gestuel mais sur-
tout dans ma manière d’observer le modèle que je recopie.

Pensée constructive :
Je recopie maintenant pour acquérir les gestes et l’observation nécessaires qui me
permettront plus tard de dessiner ce que j’ai en tête.

Action à mettre en place :


Je m’entraîne régulièrement à la copie d’un objet précis et me fixe une échéance
pour y arriver sans modèle.

200 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Pensée constructive :
J’ai une ambition forte, c’est bien, elle me donne une direction et un objectif.
J’accepte de n’avoir peut-être pas le niveau et/ou la technique nécessaires pour y
parvenir maintenant.

Action à mettre en place :


Je trouve des objectifs intermédiaires plus facilement atteignables mais qui m’em-
mènent dans la bonne direction.

Pensée constructive :
Je peux commencer avec le matériel que j’ai déjà à disposition.

Action à mettre en place :


Je m’achèterai du matériel pour me récompenser d’avoir engagé la démarche avec
mes premiers entraînements.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 201

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Cultiver cinq principes favorables Principe de réalité
En plus des pensées constructives à mettre en place, voici des La plupart du temps, nous n’avons tout simplement pas travail-
principes essentiels pour un état d’esprit favorable au développe- lé notre capacité à dessiner. Lorsque nous essayons de dessiner,
ment de vos compétences en dessin. nous nous retrouvons à « bricoler » avec le niveau de compé-
tences que nous avions lorsque nous avons arrêté… trop souvent
à l’époque de l’école primaire ! Reconnaître et accepter cet état
de fait permet de reprendre son apprentissage sereinement.

Principe d’intention
Il y a des jours « avec » et des jours « sans », mais l’important est
de toujours faire de son mieux. Ce qui compte, c’est l’intention et
l’attention que vous avez ou que vous allez développer pour le
faire. Ce couple « intention et attention » est la pierre angulaire
de vos progrès.

Principe des petits pas


Laissez le temps au temps. L’apprentissage se fait pas à pas.
Pratiquez régulièrement. Faites ces pas les uns après les autres.
Prenez un petit temps pour faire un exercice court mais faites-le
régulièrement.

Principe d’incrémentation
De temps en temps, mesurez le chemin parcouru. Comparez vos
productions à celles que vous réalisiez avant. Identifiez les pro-
grès accomplis. Évitez de comparer vos productions à celles des
autres.

Principe de réalisme
Avoir une ambition forte vous donne la motivation pour vous
mettre en mouvement et pratiquer. En revanche, pour chaque
moment de pratique, donnez-vous le bon niveau d’ambition. C’est
en premier lieu celui qui va vous apporter du plaisir. Il est soit dans
votre zone de compétence actuelle, soit légèrement au-delà.

202 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Développer ses compétences en dessin
Nous avons trop souvent tendance à considérer le visuel plutôt
que ce qu’il a permis de faire. Nous pensons que développer des
compétences en dessin, c’est avant tout développer des capaci-
tés techniques de tracé.
Bien entendu, dessiner implique des capacités gestuelles et la
facilité d’usage du matériel. Mais pour développer des compé-
tences en dessin, il faut regarder ailleurs et comprendre ce qui
est en jeu.
Si nous n’en avons pas l’habitude, dessiner est aussi compliqué
que de chercher à décrire un rêve tel que nous l’avons vécu pen-
dant le sommeil. Au moment où nous cherchons à formaliser
l’idée pour la transmettre, elle devient floue, moins claire.
Pour apprendre à dessiner, il faut d’abord s’entraîner à recopier. Pour éviter cet effet automatique, il faut prendre conscience du
Mais là encore, il faut faire attention au modèle mental. moment où nous sommes en train d’« inventer ». En général, cela
arrive lorsque nous n’avons pas repris contact avec le modèle réel
depuis quelques secondes. Oui, quelques secondes suffisent ! On
fera donc des allers-retours assez fréquents entre le modèle réel
à recopier et le dessin. Avec l’expérience, vous serez en mesure
de sentir à quel moment vous passez d’une référence au modèle
réel à une référence au concept mental.

En effet, l’objet que nous observons et que nous souhaitons des-


siner vient activer le modèle mental correspondant : le concept
de l’objet que l’on a développé au gré de nos expériences. Très
rapidement, ce n’est plus le modèle réel observé que nous dessi-
nons mais le concept que nous avons en tête que nous essayons
de retranscrire.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 203

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Avec ces va-et-vient constants, vous allez pouvoir dessiner effica- Si vous souhaitez développer vos compétences en dessin, progres-
cement en adaptant votre dessin à la réalité observée et en dé- sez petit à petit avec cette pratique. Vous verrez qu’elle s’avère très
veloppant une aisance gestuelle. Cette pratique permet surtout relaxante et très reposante, proche d’une pratique méditative.
de mettre à jour le modèle mental que vous avez de l’objet. Avec ces conseils, principes et techniques, vous avez de quoi dé-
velopper un nouveau rapport au dessin. Vous pouvez maintenant
sortir du jugement, de la restriction et de la peur de « mal faire ».
Vous avez les clés pour reconstruire une relation calme et sereine
au dessin.
Alors attrapez un marqueur, un crayon, ce qui vous tombe sous la
main, et en avant !

EXERCEZ-VOUS !

Utilisez les principes d’observation que vous venez de lire pour


recopier l’image ci-dessous en respectant les proportions.

C’est cette mise à jour qui permet, lorsque vous n’avez pas le mo-
dèle en face de vous, de le dessiner de tête.
Cette pratique est très efficace. Mais bien entendu, elle peut né-
cessiter une gradation dans la difficulté. Commencer par copier
la réalité (une plante par exemple) peut s’avérer trop compliqué
et donc décourageant. En effet, ce que nous voyons est en trois
dimensions, avec des surfaces courbes, des ombrages, de la pro-
fondeur, des couleurs complexes qui progressent en fonction de
l’éclairage… Il faut simplifier cette réalité pour la mettre en deux
dimensions. Pour contourner temporairement cette difficulté, vous
pouvez trouver une image (par définition plate) de la plante. Là en-
core, une gradation est possible pour trouver le niveau de difficulté
qui convient aux compétences que vous avez à cet instant. Cette
image peut aller d’une photo de la plante à un schéma en passant
par plusieurs niveaux de simplification (en perspective, avec om-
brage, en noir et blanc, au trait, en esquisse…).

204 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Pour aller plus loin dans la formalisation Assemblage par mise en contact
Voici plusieurs manières de positionner une forme au contact
Il y a de nombreuses techniques à explorer pour développer d’une autre, tout en donnant à voir une relation différente entre
votre capacité à formaliser des informations et à leur donner du les formes.
sens. Elles peuvent parfois être complexes et longues à acquérir.
Voyons ensemble quelques principes d’assemblage et des as-
tuces simples pour créer de la profondeur dans vos visuels.

Principes d’assemblage
Les principes que nous allons explorer ici jouent avec les conte-
nants et les liens. Ils permettent, par assemblage, de donner une Une forme est au-dessus de Une forme entre dans l’autre.
forme qui rend explicite le contenu des informations, une forme l’autre. Il y a une prévalence de L’importance est donnée à la
qui « parle » du fond. la forme au premier plan. C’est forme pleine mais la forme de
d’ailleurs celle-ci qu’il faut tracer l’autre reste présente en pointillé.
Assemblage en rayon en premier.

C’est une mise en œuvre directe du principe radial de


spatialisation.
Il permet de montrer ce qui est contenu dans une notion ou dans
un objet. Pour cela, il suffit de tracer des rayons concentriques au-
tour d’une forme et de positionner le contenu au bout des rayons.

Deux formes se joignent. Il y a Deux formes fusionnent. Les


un équilibre entre les formes. Il formes initiales ne sont presque
n’y en a pas une plus importante plus visibles en leur point de
que l’autre. Les deux formes jonction. C’est l’assemblage des
restent visibles en pointillé et font deux qui est mis en évidence.
apparaître leur jonction. Pour cela, commencez par tracer
le début de la jonction.

Ces principes peuvent être utili-


sés avec d’autres formes comme
les bulles : elles indiquent le type
de relation entre ce qui est dit
ou entre les personnes qui le
disent.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 205

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Assemblage par association
Dans ce principe d’assemblage, on utilise une forme qui donne
des informations sur une autre forme.

Ici, c’est l’ensemble de la notion En faisant partir la flèche de En créant un effet de profondeur, En faisant passer la flèche à
(le nuage) qui est en mouvement, l’intérieur de la forme, c’est plutôt c’est l’intérieur qui est en travers la forme, le contenu de la
indiqué par la flèche. le contenu de la forme qui est en mouvement. forme marque une sorte de point
mouvement. d’étape dans le mouvement.

Sur une surface non effaçable, on


aura soin de séquencer le tracé
en commençant toujours par l’ob-
jet qui est au premier plan puis en
traçant successivement les plans
suivants.
Pour que le cerveau assimile les
deux parties de flèche comme un
seul et même élément, on mettra
en œuvre la loi de la continui-
té (Chapitre 2, Image globale
et Gestalt). Faites attention à
bien tracer les deux parties en Cela donne l’impression qu’il se Il est difficile de comprendre intuitivement que les parties de part et
respectant la même orienta- passe quelque chose dans la d’autre du nuage sont un seul et même objet.
tion, la même largeur et leur forme qui réoriente la direction
alignement. donnée par la flèche.

206 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Bien entendu, en fonction de la forme que l’on donne au conte-
nant et au lien, on exprime des notions différentes.
EXERCEZ-VOUS !
En associant une bulle et une flèche, on donne à voir un principe
de transmission d’informations ou le fait de passer la parole.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 207

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 207 07/03/2023 18:10


Assemblage par détournement de forme Assemblage de texte et de forme
Le principe est simple : on utilise une forme et on la détourne de De manière générale, on privilégiera une écriture droite et hori-
son usage premier pour exprimer une notion spécifique. zontale car elle est toujours plus lisible. On évitera les écritures
Ici, on détourne une flèche en bulle. La flèche influence la com- verticales, trop difficiles à déchiffrer.
préhension des informations contenues dans la bulle. Cependant, un texte peut qualifier la forme elle-même en suivant
cette dernière ou en l’épousant.
Ici les lettres gardent les mêmes proportions mais suivent la
forme.

Cette forme véhicule quelque chose d’autoritaire, comme une in-


jonction. Ici, le détournement d’une flèche en escalier donne à
voir une notion d’ascension, marche après marche ou étape par
étape.
Ici, la proportion des lettres évolue pour épouser la forme. Ces
cas peuvent paraître amusants à mettre en pratique. Cependant,
ils sont à utiliser avec parcimonie et uniquement pour servir le
contenu de l’information.

208 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 208 07/03/2023 18:10


Créer de la profondeur dans les visuels
EXERCEZ-VOUS !
Les principes pour créer de la profondeur, comme les om-
brages et les perspectives, peuvent nécessiter des compétences
techniques spécifiques. Nous n’aborderons donc pas ces deux
notions en détail. Mais, si votre visuel vous apparaît parfois un
peu « plat », voici quelques principes qui vous permettront de lui
donner de la profondeur.
Un premier principe est de créer des superpositions d’éléments
au sein de votre visuel, en faisant passer un élément devant ou
derrière un second.

Assurez-vous que ces superpositions n’altèrent pas la lisibilité des


informations contenues dans les formes.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 209

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 209 07/03/2023 18:10


Un autre principe est de créer des ombres. À l’aide de zones plus
sombres ou de simples hachures régulières, faites apparaître la
profondeur dans le visuel.

Une ombre en perspective donne l’impression d’une pancarte po-


sée sur une surface.
Pour réaliser cet ombrage, après avoir écrit le contenu puis tracé Pour réaliser cet effet, après avoir écrit le contenu puis tracé le
le cadre rectangulaire, tracez un cadre de taille identique mais cadre rectangulaire, partez du coin inférieur gauche et tracez
légèrement décalé sur la gauche et vers le bas, comme si ce se- un petit segment en diagonale (ne dépassez pas la moitié de la
cond cadre passait sous le premier. Vous pouvez noircir ou ha- hauteur du cadre). Enfin, tracez une droite parallèle au côté su-
churer de manière régulière la partie visible de ce second cadre. périeur du cadre pour former la zone d’ombre.

Tracez le cadre. Tracez le même Remplissez l’ombre Tracez le Tracez la Tracez le bord Remplissez
cadre en décalé. pleinement ou avec cadre. diagonale. horizontal. l’ombre.
des hachures.
CON S EI L S P O U R A M É L I O RE R SA P RO DU CT IO N CO NSEIL S P O U R AMÉL IO RER SA PR OD UC TION

Respectez la taille du cadre Dessinez l’ombre strictement Tracez un angle à 45° en Le bord horizontal de l’ombre
pour la taille de l’ombre : les parallèle aux bords du cadre. diagonale. Il donne un effet de doit être parallèle au bord
bords doivent avoir une longueur Une déformation de l’ombre pancarte redressée sur une horizontal du cadre. Ces bords
proportionnelle. Seuls les donne un effet moins impactant. surface. se correspondent puisque l’un
décalages à gauche et en bas est la projection de l’autre.
doivent être visibles.

210 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 210 07/03/2023 18:10


La forme générale de la zone hachurée doit être cohérente avec
la forme dont elle représente l’ombre. Elle doit être à peu près de
la même taille et ne peut avoir une forme incongrue.

D’autres styles d’ombrages sont possibles à l’aide de hachures Les principes de superposition et d’ombrage sont cumulables. Ils
régulières. Elles donnent l’impression d’une zone plus sombre. sont très intéressants pour créer de la profondeur tout en ren-
Placées sous une forme, elles créent un effet de lévitation. dant explicite le décalage entre les objets superposés.
Attention à la zone hachurée : elle donne une indication sur la
profondeur de la forme en lévitation.

CON S EIL S P O U R A M É L I O RE R SA PRO DU CT IO N


Pour que l’effet de lévitation soit perceptible, les hachures ne
doivent pas toucher la forme initiale.

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 211

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CO NSEIL S P O U R AMÉL IO RER SA PR OD UC TION

Une bannière utilise le principe de superposition par un effet de


pliage et d’ombrage pour accentuer la profondeur. Pour simplifier la lisibilité de Pour réaliser cette forme,
Après avoir écrit le contenu puis tracé le cadre rectangulaire, cette forme, conservez une imaginez que c’est une bande de
hauteur identique pour toutes les papier qui est pliée deux fois. Les
réalisez la forme : tracez des cadres d’une même hauteur mais
parties. Une hauteur différente angles sont formés par le même
situés à l’arrière et de chaque côté du premier cadre. implique des notions de bord, qui suit deux pliures.
Assurez-vous que les cadres ont une surface de recouvrement perspective qui sont beaucoup
suffisante. Pour finir, reliez les coins inférieurs des cadres et om- plus complexes à traiter
brez la surface ainsi obtenue. correctement.

EXERCEZ-VOUS !

Tracez le cadre. Derrière, tracez des cadres de


même hauteur.

Tracez la diagonale entre les deux Remplissez l’ombre.


angles.

212 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 212 07/03/2023 18:10


Voici un exemple utilisant les principes de superposition et
d’ombrage.
EXERCEZ-VOUS !

Avec ce chapitre, vous êtes entré dans la pratique de formali-


sation et avez acquis des connaissances techniques, sans ja-
mais perdre de vue l’objectif de la facilitation graphique. Ces
techniques sont utilisables différemment, selon les situations de
temps réel ou de différé. Il est grand temps de les explorer en
profondeur toutes les deux !

CHAPITRE 7 | Compétences de formalisation 213

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 213 07/03/2023 18:10


Nous avons déjà décrit ce qui caractérise les contextes de temps
réel et comment la facilitation graphique permet d’y accompa-
gner l’émergence d’informations et la construction d’une vision
commune. Dans ce chapitre, nous allons explorer différentes
techniques permettant de rendre les contributions des partici-
pants visibles et de les organiser, pour servir la discussion et les
échanges en cours.

Chapitre 4, Modéliser pour faire émerger une vision commune


CHAPITRE 8 - TECHNIQUES DE CARTOGRAPHIE EN TEMPS RÉEL

Les principaux intérêts de la facilitation graphique pour un


groupe, et pour chacun de ses membres, sont de permettre de
prendre du recul sur la réflexion, de la voir se développer et de
CHAPITR E 8 pouvoir ainsi y faire référence pour l’orienter, la compléter, etc.

Chapitre 1, Pourquoi recourir à l’usage des visuels ?

Techniques de
Une capture en temps réel sert le groupe en discussion et a pos-
teriori les personnes qui ont contribué aux échanges. En aucun
cas elle n’est suffisante, sans accompagnement ni explications
complémentaires, pour une personne qui n’aurait pas assisté aux

cartographie échanges.
Quelle que soit la technique de cartographie employée, elle né-
cessite de développer et d’adopter une posture spécifique.

en temps réel Clarification sur la posture de capture


en temps réel
Capturer en temps réel et accompagner un échange, c’est faire
partie intégrante de la discussion. En capturant en temps réel
et de manière visible, on influence la discussion en cours. Être
conscient de cette influence, c’est se donner les moyens de la
mettre au service du groupe pour la faciliter.

Qui tient le marqueur ?


Cette question ouvre des possibles et certaines prises de
conscience. Faut-il être un « facilitateur graphique » pour tenir le

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 214 07/03/2023 18:10


marqueur ? Certainement pas ! Toute personne qui, au sein d’un d’informations à traiter et à formaliser. Il sera donc affairé, en-
groupe en discussion, attrape un marqueur pour prendre des voyant un autre signal au groupe.
notes communes se place de fait dans une posture de facilita- Il existe d’autres influences plus directement liées au praticien lui-
tion. Elle permet d’encrer et ancrer les informations, les rendant même, comme celle de ses réflexions qui vont l’aider à œuvrer
ainsi accessibles, disponibles. Chaque contributeur peut alors au service du groupe ou qui vont l’en détourner. Enfin, à chaque
les solliciter au moment opportun pour étayer, développer, faire instant, sa production visuelle va l’influencer dans ses choix de
évoluer les échanges. C’est pour cette raison qu’il est essentiel formalisation comme dans l’activation de ses réflexions.
d’inciter un groupe de travail à prendre des notes communes et à
les rendre visibles pour tous. Celle ou celui qui prend les notes n’a Influence et importance de l’effet miroir
alors pas forcément conscience de ce qui est en jeu : le système Nous savons que l’attention des personnes fluctue et qu’il est com-
d’influences qui se met en place, l’effet miroir de la capture, l’im- pliqué de rester attentif très longtemps. Les participants à une dis-
pact du mental et de l’attention, la confusion possible entre les cussion n’y échappent pas : ils restent concentrés sur le sujet cen-
rôles (contributeurs à la discussion, preneur de notes, animateur) tral des échanges. Puis, leurs pensées partent vers d’autres sujets.
et l’impact de cette confusion sur le groupe… Cela peut être une prise de recul simple : « Qu’est-ce que nous nous
Développer une posture de facilitation graphique, c’est devenir sommes dit ? », « Pourquoi avons-nous cette discussion ? », « Que
conscient de tout cela, c’est développer les compétences asso- devons-nous encore aborder ? »…
ciées et en jouer au bénéfice du groupe. Avec la fatigue ou des déclencheurs extérieurs (notifications, télé­
Notre posture physique, comme notre emplacement dans la phone qui sonne…), d’autres pensées surgissent. Elles sont hors
salle, notre attention, notre niveau d’écoute, nos réflexions sur les sujet : « Qu’est-ce que j’y gagne ? », « Je ne dois pas être en retard
informations, nos choix de représentation et de formalisation, ont sur mon prochain rendez-vous ! », « Qui va chercher les enfants ce
tous une influence sur la discussion. On s’attachera donc à bien soir ? », « Je ne dois pas oublier de prendre du pain », « J’ai faim »,
comprendre ce qui est en jeu et à développer des compétences « C’est long… », etc.
pour influencer la discussion de manière adéquate. Capturer les informations clés des échanges permet à chacun de
s’y référer pour revenir dans la discussion.
Jeu d’influences La capture rend compte à un instant T de l’état de la discussion.
Lors d’une capture en temps réel, un véritable système d ­ ’influences C’est un témoin silencieux mais influent. C’est un repère précieux
se met en mouvement. pour les participants.
La première influence recherchée est l’effet miroir produit par la Dans un groupe, il arrive parfois qu’une personne affirme sans
capture visuelle sur les participants et la discussion. cesse la même idée, le même point de vue. Ce comportement est
souvent le signe de la crainte de ne pas être entendu, de la peur
Une autre influence importante vient de notre posture physique
que sa contribution ne soit pas prise en compte. Cette peur peut
et de notre manière de capturer, de nous mouvoir, de « danser »
être légitime mais elle maintient, bloque, la personne sur sa pen-
avec le visuel. L’énergie du praticien est un signe visible qui re-
sée. Capturer la contribution et lui donner une place dans le visuel
flète l’état de la discussion. Si celle-ci tourne en rond ou s’égare,
envoie un signe très clair de reconnaissance. La présence physique
le praticien va arrêter de capturer, envoyant ainsi un signal au
de son idée, visible de tous, permet à cette personne de porter son
groupe. Au contraire, si les échanges sont pertinents et pleine-
attention sur la suite et de contribuer pleinement à la poursuite
ment orientés vers l’objectif de travail, le praticien aura beaucoup
des échanges.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 215

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 215 07/03/2023 18:10


Influences en jeu lors d’une capture en temps réel

216 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Fluctuation de l’attention et impact de la capture en temps réel

Un sujet dont la formalisation présente de nombreuses informa- Fonctionnant à partir de modèles (Chapitre 2, Les modèles : na-
tions donne le sentiment d’avoir été bien abordé. Au contraire, tures et importance pour la pensée), le cerveau s’occupe de traiter
un sujet isolé dans le visuel est une invitation à le considérer, le les informations : les filtrer, les comparer, les classer, les analyser.
creuser, le développer. Lors d’une capture en temps réel, on ne En ce sens, il est précieux et capital. Mais, parce qu’il utilise des
traite pas les informations de manière exhaustive. On sait que le modèles, il interprète et déforme ces informations. Souvenez-vous
miroir que nous proposons aux participants, pour observer leur de cette citation d’Abraham Maslow : « Si le seul outil que vous avez
discussion, est un miroir déformant. Il nous appartient donc de est un marteau, vous verrez tout problème comme un clou. »
faire en sorte que la déformation soit la plus bénéfique possible On développera une culture des modèles afin d’éviter de les ap-
au groupe. Cette déformation est fonction de notre capacité à pliquer de manière répétitive, par défaut. Cette culture permet
écouter et à sélectionner les bonnes informations, à les « com- de nourrir le cerveau, de le maintenir actif, à jour sur sa capacité
prendre » et à les traiter de manière sensée, puis à les restituer à lire le monde dans sa complexité.
visuellement.
Notre mental est également déterminant. « Notre mental », c’est
Les influences de notre mental la petite voix qui nous susurre qu’on ne va pas y arriver, qu’on s’y
prend mal, qu’on a perdu de l’information, qu’on aurait dû faire
Notre cerveau est l’organe qui nous permet de procéder aux
ceci ou cela… Cette petite voix est toujours présente, sournoise
choix et aux actions que nous avons à mettre en œuvre. Il est
et handicapante. Vous remarquerez qu’elle a tendance à vous
donc extrêmement précieux, dans ce contexte de temps réel.
emmener ailleurs, à faire ressurgir des expériences passées, à
Précieux, mais aussi dangereusement pernicieux.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 217

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 217 07/03/2023 18:10


imaginer des futurs possibles, à alimenter des peurs, à vous dé-
tourner de ce que vous êtes en train de faire. Accepter le contexte et les contraintes du temps réel
Dans le « modèle de l’attention » présenté plus haut, le mental est ce Capturer en temps réel est un jeu d’équilibriste. On ne sait pas ce
qui peut nous faire perdre contact avec ce pour quoi nous sommes qui va être dit, ni vers où va évoluer la discussion… Et pourtant,
là : être attentifs à la discussion en cours pour en sélectionner les nous avons à rendre compte des échanges, au fil de l’eau, pour ai-
informations pertinentes. Capturer en temps réel nécessite donc der le groupe à atteindre l’objectif de la discussion. Nous devons
de savoir « gérer » cette petite voix. Vouloir la faire taire est per- accepter la difficulté de ces conditions.
du d’avance parce qu’elle est inhérente à notre fonctionnement et Après une capture en temps réel, vous aurez toujours la sensa-
parce que se battre contre elle ne fait que la renforcer. Il n’y a tion que vous auriez pu mieux faire, que vous auriez dû organiser
qu’une seule façon de la gérer : accepter qu’elle existe ! comme ceci plutôt que comme cela, que si vous aviez su vous
Des maîtres de méditation décrivent le mental comme un tor- auriez structuré le visuel différemment…
rent puissant dans lequel nous sommes embarqués. En prendre Oui, parce qu’a posteriori, vous n’êtes plus dans les conditions
conscience, c’est déjà ne plus être dans le torrent mais sur la berge, du temps réel ! Vous avez maintenant une vision globale de ce
à pouvoir observer les pensées qui passent. Le torrent est là, les qui s’est passé. Il vous était juste impossible d’avoir ces réflexions
pensées n’ont pas faibli mais nous ne sommes pas emportés par pendant la capture. Non pas parce que vous n’en étiez pas ca-
elles. pable, mais parce que les conditions du temps réel ne vous en
Opérer depuis cette berge, c’est être pleinement conscient de ce donnaient pas les moyens.
qui se passe. Cette posture permet de toucher un état de flow. Avec Accepter ces conditions particulières, c’est être tendu vers l’ob-
la pratique (entraînements et expériences), la capture en temps jectif de faire un visuel cohérent, structuré et pertinent pour l’ob-
réel peut être vécue comme un exercice méditatif dans lequel on jectif de la discussion, tout en sachant que les conditions vous
est pleinement présent et concentré, conscient de tout ce qui est empêchent de produire le visuel parfait. Et c’est aussi abandon-
en jeu, confiant dans ce qui se passe dans l’ici et le maintenant. ner l’idée que le visuel est l’objectif de votre action.
Les freestylers qui descendent des pentes enneigées à une vi- Vous devez être pleinement aligné avec le fait que c’est le jeu que
tesse folle n’ont pas le temps de penser à ce qui se passerait s’ils vous avez accepté de jouer : vous engager intégralement à faire
s’y prenaient mal. Ils n’ont pas non plus le temps de se poser la le mieux en sachant que vous ne pourrez faire qu’« au mieux ». Cet
question « Comment aborder ce terrain ? » ou de réfléchir à la engagement complet et conscient est une condition de réussite.
technique pour orienter leurs skis. Ils doivent être pleinement
présents et solliciter des compétences techniques acquises, pour
gérer ce qui se présente à eux.
La situation est similaire lorsque l’on capture en temps réel, on n’a
pas le temps de réfléchir au « comment », à la manière de dessi-
ner telle ou telle chose. Pour pouvoir solliciter ses compétences
sans perdre le fil de la discussion en cours, on les aura acquises
et travaillées en amont.

218 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Le rôle de contribution
Les rôles et leur articulation Ce rôle nous est plus familier et plus facilement appréhendable
Trois rôles coexistent dans une discussion facilitée. Ils ont des ob- que les précédents. Lorsque vous l’endossez, vous êtes partie pre-
jectifs, des approches et des actions sur les échanges différents. nante de la discussion et vous devez y contribuer en tant que tel.
En fonction de votre contexte, vous aurez potentiellement à in- C’est d’ailleurs ce qu’attendent de vous les autres participants.
carner plusieurs ou même tous ces rôles en même temps. Vous pouvez être amené à incarner un ou plusieurs rôles à la fois.
Alors, autant bien les distinguer, les connaître et apprendre à les La clé de la réussite réside dans votre capacité à être conscient
articuler correctement. du rôle que vous jouez à l’instant T, conscient du moment où vous
changez de rôle, et à savoir rendre ce changement clair et ex-
plicite. Voici donc quelques conseils pour articuler ces différents
rôles et honorer chacun d’eux.

Être animateur et en capture


• Avant de capturer une discussion, assurez-vous que son péri-
mètre et son objectif sont clairs pour tout le monde.
• Posez une question ouverte et large pour lancer les échanges.
• Vous pouvez parfois décider de vous retourner face à votre
support et attendre. C’est un signal fort pour que les partici-
pants se saisissent du sujet.
• Au cours de la discussion, vous pouvez relancer ou creuser des
sujets sans être forcément face aux participants.
Le rôle de capture
Ce rôle se concentre essentiellement sur les questions « D’où vient
la discussion ? » et « Où en est la discussion ? ». C’est ce qu’il traite
pour produire l’effet miroir et aider le groupe à prendre conscience
de l’état des échanges. Ce rôle nécessite d’avoir une posture
« neutre », c’est-à-dire la moins déformante possible face aux in-
formations à traiter. Cette neutralité s’applique à la sélection des
informations, à leur traitement et à leur restitution visuelle.

Le rôle d’animation
Ce rôle se concentre essentiellement sur les questions « Où en sont
le groupe et la discussion ? » et « Où et comment doivent-ils s’orien-
ter ? ». L’animateur doit aider le groupe à mener à bien la discus-
sion en la ravivant, en la cadrant, en reformulant, en questionnant,
en s’assurant que tout le monde a pu parler, en étant conscient du
processus de travail dans lequel s’intègre cet échange.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 219

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Attention, il est important : Développer les compétences mises en jeu
• d’avoir anticipé ce changement de rôle en s’assurant d’avoir le
matériel adéquat et opérationnel ; Pour capturer en temps réel, vous développerez une qualité d’at-
tention, une qualité d’écoute, une compréhension des informa-
• de rester conscient du temps qui passe pour pouvoir rythmer
tions à sélectionner, une manière de les traiter en les analysant
la discussion.
et en les formalisant.
Être contributeur et en capture
Il est essentiel de préserver la capture d’information comme Développer son attention
étant celle du groupe. Si, au cours de la capture, vous souhaitez Notre capacité d’attention dépend de notre capacité à être pré-
intervenir et contribuer à la discussion : sents et en prise avec la situation telle qu’elle se déroule. Cette
• retournez-vous face aux participants – c’est le signal physique capacité d’attention influence donc notre accès à l’informa-
que vous changez de rôle. Vous pouvez également le préciser : tion. Elle relève d’un état de présence et de concentration que
« J’arrête de capturer pour vous dire que… » ; viennent perturber les pensées parasites de notre mental. Celles-
• une fois votre contribution partagée, retournez-vous face au ci alimentent souvent nos peurs et génèrent du stress. Le stress
support pour continuer la capture. est donc un signal pour revenir à un état de présence, d’attention.
Attention : ne capturez surtout pas votre contribution mais ren- Pour protéger notre esprit des bruits et pensées qui nous em-
dez visibles les réactions à celle-ci. Le visuel restera ainsi le reflet pêchent de rester concentrés, nous pouvons créer une bulle
de la discussion et non celui de vos propres notes. de protection. Elle contient notre support de capture, les par-
ticipants et nous-même. Il s’agit d’en éloigner tout parasitage,
Articuler les rôles d’animateur et de contributeur comme un matériel défaillant, un téléphone allumé, etc.
pendant une capture
De plus, comme me l’a dit un stagiaire de formation : « Il faut
En général, le contenu de votre intervention définit clairement le couper Radio “Moi-même”. » C’est la voix du poste qui va juger,
rôle depuis lequel vous opérez : détail et expertise pour le contri- critiquer, alimenter nos peurs, nos ambitions, nos objectifs per-
buteur, posture méta avec questions, cadrage et gestion des dy- sonnels… Développons plutôt un esprit clair.
namiques de la discussion pour le facilitateur.
Attention : lors d’arbitrages, laissez le choix au groupe pour éviter
qu’il ne se sente manipulé.
Capturer en temps réel est en soi un jeu d’équilibriste. Endosser
un second ou un troisième rôle, c’est augmenter drastiquement
la difficulté. Pourtant, vous ne pouvez pas y échapper. Pour ré-
duire cette difficulté, choisissez une technique de cartographie
en temps réel simple et accessible. Je les détaille en fin de cha-
pitre, dans le paragraphe « Progresser dans les techniques de
cartographie en temps réel ».

220 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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EX ER CIC E P RAT I Q U E P O U R C L A RIFIER SO N E SP RIT
Parmi les nombreux exercices de concentration et de méditation,
en voici un très efficace.
Choisissez un support de concentration. Je vous conseille de vous
concentrer sur votre respiration. Elle est toujours en mouvement
et donc plus facilement perceptible.
Portez toute votre attention sur votre respiration, sans la modi-
fier. Prenez conscience des moments d’inspiration, des moments
d’expiration, des micro-pauses entre les deux.
Ne développez pas de pensée : ne jugez pas votre respiration,
ne la qualifiez pas, n’y posez pas d’étiquette, accueillez-la telle
qu’elle est dans l’instant.
Restez dans la conscience, dans une attention pleine et entière
du mouvement.
Lorsque vous vous rendez compte que votre esprit a divagué, que
votre pensée vous a emmené ailleurs, accueillez cette prise de
conscience comme un fait. Sans vous juger.
Et revenez au support de concentration et à l’attention au souffle.
À force de pratique et de non-jugement, la durée, entre le dé-
tournement de la conscience par les pensées et la prise de Développer son écoute
conscience de ce détournement, raccourcit. La fréquence de ces
détournements diminue et les pensées sont moins nombreuses. La qualité et le type d’écoute influencent la quantité d’informa-
Avec ces diminutions vient l’augmentation de votre qualité d’at- tions que l’on est en mesure de considérer. Il faut penser son écoute
tention et de présence. comme le faisceau de lumière d’un éclairage de scène : plus il
est concentré, plus la partie éclairée est étroite et son éclairage
intense. Mais cela signifie également qu’une plus grande partie
de la scène reste dans l’ombre, non visible. Plus vous concentrez
votre écoute, plus vous occultez des informations.
Attention, la concentration dont il est question ici relève de la
quantité d’information que nous allons prendre en compte. Elle
est à distinguer de « l’état de concentration » qui permet d’avoir
une attention de qualité à la discussion en cours.
On distingue différents types d’écoute.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 221

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 221 07/03/2023 18:10


Écoute sélective Sélectionner les informations
Lorsque l’objectif est d’identifier un seul type d’information au Une fois les informations rendues accessibles grâce à l’attention
sein d’une discussion plus large, on adoptera une écoute sélec- et à l’écoute, une question se pose : quelle information choisir et
tive. Celle-ci occulte des informations pour ne mettre en lumière pourquoi ?
que celles dont on a besoin. Vous l’avez compris, ce type d’écoute
nous fait perdre une grande quantité d’informations, dont cer-
taines peuvent parfois changer la donne. On ne le choisira donc
que lorsque c’est nécessaire, pour sélectionner les informations
qui alimenteront la séquence de travail à suivre par exemple.

Écoute spatiale
Ce type d’écoute permet essentiellement de s’assurer de la pré-
sence de tous les sujets de la discussion. Il requiert une prise de
recul sur les informations elles-mêmes, pour comprendre à quel
sujet elles font référence. L’écoute spatiale s’attache à les distin-
guer, à analyser si le sujet a déjà été abordé ou non. Elle cor-
respond à un éclairage de scène dont chaque spot éclaire un
sujet, le reste demeurant dans l’ombre. L’écoute spatiale est utile
lorsqu’il s’agit de collecter des idées.

Écoute complète
Ce type d’écoute permet de prendre conscience des sujets de la
discussion et de comprendre les relations qui existent entre eux.
Elle correspond à un éclairage de l’ensemble de la scène, révé-
lant tout ce qui s’y déroule. Les relations et les sujets sont donc
accessibles et il nous appartient de les choisir ou de les suivre
pour les mettre en exergue avec un éclairage plus puissant. C’est
l’écoute qui permet de comprendre le système abordé. Elle est
souvent nécessaire pour répondre aux objectifs des discussions.
C’est également celle qui demande le plus d’attention, d’entraîne-
ment et de pratique.

222 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Le choix que l’on opère impacte directement le contenu du visuel
et donc impacte aussi l’influence qu’il aura sur la discussion.
Disons-le tout de suite : nous sommes clairement un filtre et nous
ne pouvons pas capturer toutes les informations !
Dans les conditions du temps réel, le rythme d’émergence et de
partage des informations peut être très soutenu. Vouloir tout
capturer vous mènera inévitablement à un niveau de stress diffi-
cile à soutenir et à une attention dégradée. Accepter de ne pas
être exhaustif est une clé de réussite. Concentrez-vous alors sur
les informations principales.

Identifier les informations qui ont du poids


Toutes les informations n’ont pas la même valeur. Certaines
peuvent être essentielles quand d’autres sont anecdotiques,
voire hors sujet. Le poids relatif des informations
Trois éléments déterminent le poids des informations : le contexte On peut avoir tendance à attribuer un poids plus important aux
dans lequel la discussion a lieu, l’objectif de l’échange et le profil contributions faites par un responsable hiérarchique. Or ce poids,
des personnes qui y contribuent. Une même information n’aura accordé en fonction d’une position dans l’organisation, doit être
pas la même importance si elle est partagée au sein d’un groupe relativisé par la dynamique de la discussion et la posture que
d’experts du sujet ou au sein d’un groupe hétérogène dont les cette personne adopte pour y contribuer. Lorsque le responsable
métiers sont impactés par le sujet. cadre la discussion (parce que c’est son rôle), ses contributions
L’objectif de la discussion et le profil des participants sont les donnent des limites à ne pas franchir et délimitent l’espace de la
deux critères principaux qui permettent de distinguer les infor- discussion. Le poids des informations est alors extrêmement fort.
mations à retenir et celles à oublier. Mais, lorsque ce même responsable contribue au sein de l’espace
Une affirmation peut être importante à capturer alors qu’un de discussion au même titre que les autres participants, le poids
exemple n’est qu’une caractérisation spécifique d’une notion. n’est pas plus important que celui d’une autre contribution.
Pour cette raison on s’abstiendra, dans la plupart des cas, de De même, vous remarquerez que certaines personnes peuvent
capturer les exemples. Ces derniers n’en restent pas moins inté- être extraverties, parler fort ou sous le coup de l’émotion. Leur
ressants à écouter. L’éclairage qu’ils apportent permet de mieux contribution n’a pas forcément plus de poids que celle de la
comprendre la notion qu’ils illustrent. personne qui s’exprime calmement et de façon modérée. Les
Notons cependant qu’un exemple dont la charge émotionnelle personnes s’exprimant peu contribuent parfois avec des informa-
est forte pour le groupe doit trouver place dans le visuel. tions qui structurent la discussion ou la font basculer.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 223

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Les signaux avertisseurs Opérer aux bons niveaux
Parfois, des informations clés surviennent sans « s’annoncer ». Votre écoute et votre réflexion doivent être portées à des ni-
Elles ne sont perceptibles que par la qualité de notre attention et veaux différents.
de notre écoute. D’autres fois, les informations importantes sont Concentrez votre réflexion à un niveau méta pour comprendre
signalées : les personnes prennent soin de « vous » avertir qu’ils les liens qui existent entre les informations. En position méta,
s’apprêtent à partager une information clé. vous observez et questionnez la discussion : « Cette information
Repérer ces signaux avertisseurs vous assure d’être pleinement sert-elle le propos de la discussion ? » ; « A-t-on déjà parlé de ce
attentif et à l’écoute pour accueillir ce qui suivra. Ce sont les ex- sujet ? » ; « En quoi cette information est-elle différente de celles
pressions du type : « S’il ne faut retenir qu’une chose… », « Il y a que j’ai déjà cartographiées ? » ; « Comment est-elle liée à celles
trois règles à connaître… », « Ça se résume par… », « L’élément clé déjà présentes dans le visuel ? »…
est… », « Le point critique est… », « L’incontournable est… », « Le Ce niveau de réflexion aide à sélectionner l’information et à lui
fondamental est… », « La clé du succès est… », etc. trouver la place appropriée sur le visuel.
De manière générale, rester aligné avec l’objectif est un point es- Si la réflexion et l’analyse des informations se passent sur un ni-
sentiel pour créer une cartographie efficace, qui a du sens et qui veau méta, notre écoute et notre capture restent au niveau de ce
facilite. qui est réellement dit.
• Lorsque vous cartographiez de l’information, vous ne travaillez Pour que le visuel produise l’effet miroir attendu et soit le moins
pas pour le responsable hiérarchique, ni pour l’intervenant, ni déformant possible, on évitera tout changement ou interpréta-
pour vous-même, mais pour les personnes qui contribuent à la tion dans le contenu des informations. On note donc les informa-
discussion. tions telles qu’elles ont été dites, en utilisant le même vocabulaire.
• L’objectif de la discussion doit être très clair pour vous. C’est
lui qui vous permet d’identifier, de sélectionner les informations
importantes et de les structurer de façon utile.

224 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Analyser et trier les informations laisser cette trame se confirmer, ou non, au fur et à mesure des
échanges.
C’est le processus où les modèles mentaux interviennent. Ils nous
sont utiles comme ils peuvent nous tendre des pièges. Proposer et imposer une trame et une structure d’organisation
est en soi une orientation donnée aux échanges. Cela relève d’un
Chapitre 2, Les modèles : natures et importance pour la pensée choix d’animation. Nous l’explorerons avec les canevas. La pos-
ture de capture en temps réel doit rester dans l’accueil de ce qui
émerge.
Solliciter et utiliser ses modèles
Les modèles nous aident dans la posture méta. Ils sont une réfé- Chapitre 10, Les spécificités des canevas (templates)
rence qui permet, par comparaison, d’analyser les informations,
de comprendre de quoi il est question, mais aussi de faire des Les modèles des intervenants doivent également être maniés avec
choix dans la manière de classer les informations. précaution. Prenons un exemple : lors de son introduction, un in-
Par exemple, si nous accompagnons une discussion dont l’objectif tervenant présente son plan : « Je vais aborder ce sujet sous trois
est de définir un projet à mettre en place, nous allons faire appel angles spécifiques… » Cette annonce ne doit surtout pas vous me-
à notre « modèle mental du projet ». Nous pouvons donc anticiper ner à découper votre espace de capture en trois parties. En effet,
que certains sujets seront abordés. A minima, il sera question du rien ne vous indique avec certitude le temps que passera l’interve-
ou des objectifs du projet, des ressources physiques, matérielles nant sur chacun des angles annoncés. Ni même l’importance de
et financières, d’une échelle de temps. Notre modèle peut être chacun d’eux vis-à-vis du sujet. Rien ne vous certifie non plus qu’il
plus détaillé avec : les livrables du projet, les étapes clés, les ins- ne va pas finalement se limiter à deux angles ou encore en ajouter
tances et méthodes de gouvernance, les contributeurs et parte- un quatrième.
naires, les objectifs et livrables intermédiaires, les bénéficiaires… L’indication donnée par l’intervenant reste un potentiel. On peut la
En gardant ce modèle en tête, il est plus facile de comprendre garder en tête mais en aucun cas elle ne permet d’anticiper ce qui
et d’identifier à quelle catégorie appartiennent les informations va réellement se passer.
partagées. Pour rester pertinent et faciliter la discussion, on doit accompa-
Dans de telles situations, nos modèles sont donc utiles et gner et structurer le visuel en fonction des informations réellement
nécessaires. partagées. D’autre part, le modèle par lequel elles sont organi-
sées, avant leur partage, n’est pas forcément le modèle qui sera
Les pièges des modèles pertinent pour les participants.
Mais nos modèles mentaux nous piègent quand ils nous font an- Prenons un autre exemple : lors d’une formation sur l’organisation
ticiper la nature et la structure des informations. d’un plateau de cinéma, deux experts viennent partager leurs
Ils ne sont pas la réalité. Ils ne sont qu’une référence théorique, expériences avec des personnes qui apprennent et développent
qu’une projection possible de ce qui pourrait être abordé. Ils ne leurs compétences dans ce domaine. On pourrait anticiper cette
peuvent donc en aucun cas nous donner un repère fiable et sûr structure : différencier les expériences partagées par chacun des
pour organiser les informations à venir, pour anticiper et créer intervenants.
une structure qui va les accueillir. Ils donnent une trame poten- Ce modèle provient du fait que les expériences procèdent de deux
tielle que nous ne pouvons pas tenir pour certaine. Il faut alors sources différentes. Mais est-il utile pour les apprenants ? Ont-ils

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 225

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besoin de savoir qui a vécu telle expérience et telle autre ? Si l’ob- peuvent avoir du sens. Mais ils ne servent pas le même usage.
jectif est de leur permettre de développer leur compréhension de Vous pouvez opter pour un classement par ordre alphabétique
l’organisation d’un plateau de cinéma, la provenance de l’expé- des titres, par ordre alphabétique des auteurs, par genre de livre
rience n’est pas nécessaire. On formalisera plutôt les échanges en (documentaires, essais, romans, romans graphiques, bandes des-
regroupant les informations liées à chaque corps de métier, à leurs sinées, recueils de photos…), par thématique (sociologie, policier,
interactions, pour comprendre, sur la base des expériences parta- montagne, vie sauvage…). Il en est de même pour les informa-
gées, le fonctionnement d’un plateau de cinéma. tions. Elles peuvent être classées, triées, organisées de diffé-
Il faut se méfier du modèle d’organisation des informations et laisser rentes manières. L’objet est de choisir un mode de regroupement
émerger un modèle pertinent pour les personnes accompagnées. qui permette de faciliter l’accès à l’objectif de travail.

Identifier les boucles au sein des échanges Rester en contact avec le modèle émergent
Pour sortir du modèle d’organisation des informations telles que Poursuivons l’analogie avec la bibliothèque. Lors d’une capture
nous les recevons (format linéaire et séquentiel) et commencer à en temps réel, c’est comme si une ou plusieurs personnes vous
déceler le modèle naturel du sujet (Chapitre 6, Structures et or- tendaient des livres de manière continue. Vous êtes en charge de
ganisation des informations), on peut identifier les boucles et les les ranger de façon ordonnée dans une bibliothèque. Ne connais-
répétitions. Décrire un sujet multidimensionnel dans un format li- sant pas à l’avance les livres, leur contenu, leurs thèmes, vous êtes
néaire impose de repasser par des points de jonction. Comme si, obligé d’évaluer s’ils ont une place dans votre bibliothèque et, le
à une intersection, vous décidiez d’explorer d’abord une première cas échéant, d’analyser leur titre et leur contenu pour leur choisir
rue puis reveniez au carrefour pour explorer une seconde rue. De une place spécifique, commençant ainsi votre organisation.
façon linéaire, vous revenez deux fois à l’intersection. De façon Cette organisation est un modèle émergent. À chaque instant
spatiale, il n’y a qu’un seul carrefour. vous devez être conscient des livres que vous avez déjà placés et
Identifier ces boucles dans un discours ou une discussion permet de la manière dont vous les avez organisés. C’est le seul moyen
de mieux comprendre la façon dont les informations sont réelle- de pouvoir accueillir et ranger correctement un nouvel ouvrage.
ment liées. Chaque nouveau livre va venir interroger l’organisation que vous
avez mise en place pour la conforter ou la modifier.
Regrouper les informations pour créer du sens C’est la même chose lorsque vous cartographiez en temps réel.
Faciliter graphiquement un groupe c’est lui proposer une organi- Rester conscient de la manière dont vous avez organisé les infor-
sation de l’information qui fait sens pour lui et lui permet de mieux mations dans votre visuel vous permet de conforter la modélisa-
appréhender et comprendre le sujet qu’il traite. Cette organisa- tion que vous êtes en train de produire et de la faire évoluer en
tion commence par le regroupement, dans un même espace, des fonction de la réalité des informations partagées.
informations qui font référence au même thème. En effet, pour Dans un contexte en temps réel, le visuel que vous produisez est
être efficace dans la recherche d’un ouvrage, il ne vous viendrait en mouvement. Il s’ajuste, se transforme au gré de la réalité des
pas à l’idée de ranger votre bibliothèque en vrac, sans organisa- échanges. Il est à la fois le résultat de votre analyse, de votre
tion précise. Vous n’y retrouveriez pas un livre au moment où vous compréhension, et la base à partir de laquelle vous développez
en avez besoin. Vous optez donc pour une organisation qui va fa- et adaptez cette dernière.
ciliter votre recherche ou un usage particulier de vos livres. Vous
devez alors opérer un choix, car plusieurs modes d’organisation

226 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Formaliser et donner à voir les informations
Les compétences relatives à la formalisation des informations
ont largement été traitées dans le chapitre 7. Cependant,
quelques précisions spécifiques au contexte du temps réel sont
importantes à aborder.

Comment noter les informations ?


Notre visuel doit présenter les informations clés de manière ex-
plicite. Dans cette perspective, on évitera d’utiliser des abrévia-
tions ou signes spécifiques. On pourrait avoir l’impression de ga-
gner du temps à les utiliser en pensant que tout le monde connaît
tel ou tel symbole. Or, un symbole peut être évident pour nous
mais complètement inconnu de certains participants. C’est donc
un biais qu’il faut éviter.
De plus, les symboles sont un encodage des informations. Tel un
rébus, ils imposent aux participants un décodage pour accéder
Attention à la densité des informations
à l’information. Restez donc le plus explicite possible et notez les
informations de façon simple et intelligible. On distinguera donc les informations qui ont du poids de celles
qui n’en ont pas. De même, on prêtera attention à la densité des
De même, évitez de noter uniquement les mots-clés. La pression
informations.
du temps, inhérente au contexte du temps réel, pousse à vou-
loir trop synthétiser au point de ne capturer que des mots-clés. Ce n’est pas parce que les personnes parlent qu’il faut captu-
Cette action n’est pas mauvaise en elle-même mais elle est une rer ce qu’elles disent. En effet, elles peuvent tourner autour du
véritable perte de sens pour les personnes que l’on accompagne. pot, questionner le cadre de réflexion sans aborder le vrai su-
En effet, après plusieurs allers-retours et retournements dans la jet, ou même en sortir… Ces digressions sont identifiables par un
discussion, les mots-clés sont interprétés de multiples façons. Cet changement de ton dans la voix, un changement d’énergie dans
effet est loin de l’alignement recherché. la salle… Dans ces moments, beaucoup d’informations sont par-
tagées mais la densité d’« informations importantes » est faible.
C’est le contexte dans lequel ces mots-clés ont été pronon-
Une partie de notre attention peut alors être portée sur les choix
cés qui leur donne leur sens. On s’attachera alors à capturer
de formalisation.
une phrase courte qui comprend le mot-clé ET son contexte.
Habituellement, le verbatim exact de la phrase prononcée fonc- En revanche, une fois que le cadre d’échange est clair et que
tionne parfaitement. le groupe est entré dans le vif du sujet, des informations essen-
tielles peuvent arriver en salve. Dans ces moments, la quantité
d’informations partagées peut être similaire à une situation de
digression, mais la densité d’« informations importantes » est
forte. Notre attention se portera alors uniquement sur l’écoute
et l’écriture.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 227

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Utiliser le buffer Ces moments sont clés. Ils correspondent à des instants durant
Nous avons une mémoire-tampon. Elle permet de conserver des lesquels aucune information capitale n’est partagée. Ils nous per-
informations pendant un temps limité, en attendant de pouvoir mettent de respirer, de reprendre pied, de prendre du recul sur
les formaliser. Avec entraînement et concentration, cette capaci- notre posture et sur notre production. Ils correspondent à des
té mémorielle peut être étendue. Mais le stress est un facteur qui moments de répétition, de redite, d’hésitation, d’introduction, de
limite l’accès au buffer et qui peut en effacer le contenu. mise en place du contexte avant de partager une information clé.
Ils correspondent encore à des moments de partage d’exemples
En tant que facilitateurs graphiques, nous pouvons artificielle-
n’apportant pas de clarification, des instants de contextualisa-
ment gonfler la quantité d’informations stockées en attente de
tion et des questions de l’animateur…
traitement, en prenant des notes sur un carnet ou tout autre sup-
port non visible des participants. Attention, si ces moments nous « offrent » du temps, on gardera
néanmoins une oreille attentive. L’exemple d’une notion peut en
Si cette astuce se révèle d’une grande aide, elle ne peut être une
révéler un aspect spécifique et important à capturer, tout comme
manière systématique de procéder. En effet, plus nous stockons
les questions et orientations de l’animateur fournissent des indi-
des informations importantes, moins nous avons le temps de les
cations sur les informations qui vont suivre.
traiter car d’autres continuent d’arriver. De plus, stockées, elles
ne sont pas rendues accessibles pour les participants qui en ont Les bons moments pour dessiner
besoin. Lors d’une capture en temps réel, au-delà des moments-cadeaux
On attendra donc d’identifier un « moment-cadeau » pour pouvoir propices au dessin, il nous arrive toujours de vouloir dessiner
vider cette mémoire tampon. Je vous explique tout de suite de quelque chose et de nous retrouver confrontés à notre incapaci-
quoi il s’agit ! té à le faire rapidement. Or, les flux d’information restent pressu-
risants et nous devons prioriser la captation du contenu clé des
Repérer les « moments-cadeaux »
échanges. Dans une telle situation, il n’y a qu’une seule solution :
Le contexte du temps réel nous impose d’articuler l’écoute et la ne pas chercher à dessiner ! Bien que cela puisse être décevant,
sélection des informations, leur analyse, leur classement et leur frustrant, cette renonciation est nécessaire. Le temps, l’attention
formalisation. Porter son attention sur l’ensemble de ces processus et l’énergie que nous allons dépenser dans la recherche et l’exé-
en même temps est tout bonnement impossible ! Entendre une in- cution du dessin nous isolent de ce qui est en train de se dérou-
formation clé et se concentrer sur sa formalisation peut nous faire ler dans la discussion. Nous ne pouvons pas nous permettre cet
perdre d’autres informations importantes auxquelles il aurait fallu écart et les pertes d’information associées.
être attentif. On articulera donc de manière habile ces processus.
Dans une telle situation, on renverra à plus tard le développe-
Être conscient de la densité des informations est déjà une bonne ment de notre capacité à illustrer cette même idée. Les com-
indication. Lors des périodes denses, nous nous limitons à la pétences de dessin sont des compétences techniques qui ne
simple écriture des informations. peuvent s’improviser pendant une capture en temps réel. Elles
Les moments-cadeaux sont les moments « moins denses » pen- sont à travailler dans un contexte plus propice : sans la pression
dant lesquels nous avons le temps de vider notre buffer, de traiter du temps, sans la nécessité de maintenir une qualité de présence
les informations qui y étaient stockées, de dessiner, de mettre en et d’attention sur un autre support (les échanges). Une fois déve-
exergue, de fignoler, de compléter les détails graphiques, de re- loppées, les compétences de dessin pourront être plus facilement
prendre les espaces que nous avons laissés de côté… sollicitées et mobilisées en temps réel.

228 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Avant d’intervenir en temps réel • Quel usage est prévu pour les visuels pendant et après les
échanges ?
Si l’attention est nécessaire pendant une capture en temps réel, • Quel est le sujet dans ses grandes lignes ?
elle l’est également en amont lors de la préparation, et dès l’iden-
• Y a-t-il de la documentation à consulter pour se familiariser
tification du besoin. Je vous propose de voir ensemble quelques
avec le sujet et avec le vocabulaire ?
éléments clés pour vous préparer et éviter certains pièges.
Si vous échangez avec un commanditaire, il est probable qu’il n’a
pas toutes les réponses, ou bien qu’il n’a pas conscience de la
Au moment de l’identification du besoin manière d’utiliser efficacement les visuels, ou même qu’il n’y voit
Ce moment peut être initié par une personne tierce, un comman- qu’une animation « sympa ». C’est à vous de le conseiller, de l’aider
ditaire, un collaborateur, un client, mais vous pouvez également à construire de la valeur en utilisant à bon escient les ­techniques
en être à l’initiative. À cet instant, tout est théorie et projection. visuelles. Vous en connaissez les intérêts, les conditions d’effica-
Cependant, des éléments essentiels sont à identifier. Ils sont dé- cité, les limites. Ne créez pas d’attente inatteignable, ne faites
terminants pour les étapes suivantes de la préparation, de l’inter- pas de fausses promesses. Restez lucide et droit, orienté sur la
vention et de ses suites. création de valeur pour le groupe et son objectif de travail.
Dans un tel cas, vous devez, d’une manière ou d’une autre, trou-
ver des éléments de réponse aux questions listées ci-dessous. La Préparation en amont du jour J
liste n’est pas exhaustive, les questions ne sont ni obligatoires ni
Au-delà de la préparation logistique (trajets, salle, matériel…), vous
proposées dans un ordre précis. Cependant elles vous donnent
avez certainement envie de vous préparer au contenu des échanges.
un cadre de référence pour qualifier les conditions de votre
intervention. Vous avez raison. Plus vous serez imprégné des notions et du vo-
cabulaire qui seront utilisés, plus vous serez à l’aise pour com-
• Dans quels contextes les échanges prennent-ils place ?
prendre et interpréter les informations que vous entendrez.
(Chapitre 1, « Contexte »)
Attention toutefois à ne pas faire de projection. Prenez ce travail
• Quel est l’objectif des échanges ? À quoi doivent-ils servir ? comme le développement de votre culture générale sur le sujet et
Quels en sont les enjeux ? non comme une préparation juste et optimisée sur l’échange que
• Qui sont les personnes qui y contribuent ? Quels profils (mé- vous allez accompagner.
tiers, séniorité…) ? Quels sont leurs positionnements sur le su- De plus, vous pouvez développer et travailler votre vocabulaire
jet ? Pourquoi leur présence est-elle pertinente et nécessaire graphique, des icônes, des dessins d’objets, de personnages,
pour la discussion ? leurs attitudes, leurs attributs… Vous n’avez pas la pression du
• Comment seront animés les échanges ? temps. C’est le bon moment pour dessiner, pour chercher, pour
• Quand auront lieu les échanges ? Quelle est la durée prévue ? essayer et développer vos capacités de formalisation.
Quelle langue sera utilisée ? Attention à garder en tête plusieurs choses importantes. Dans le
• Où auront-ils lieu ? Dans quel environnement ? Avec quels contexte du temps réel, vous n’aurez pas la même sérénité et ne
moyens et quelles contraintes ? serez peut-être pas en mesure de produire la même qualité de
• Y a-t-il des besoins spécifiques à prendre en compte ? rendu. Dans le contexte que vous allez accompagner, vous n’au-
rez peut-être pas besoin, ou pas l’occasion, de réutiliser ce travail.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 229

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Ce n’est pas grave, mieux vaut rester en contact avec la réalité C’est là que « ça se passe ». Nulle part ailleurs. Et la peur n’y existe
des échanges et être naturel dans votre production que de forcer pas.
de manière artificielle l’usage des dessins que vous avez travail- Vous pouvez initier un petit rituel pour rentrer dans cette bulle.
lés. L’impact sera immédiat sur l’effet miroir que vous cherchez à J’ai croisé de nombreux praticiens, chacun ayant son propre
produire. « truc » : faire des lignes d’écriture pour rentrer en concentration
Capturer en temps réel peut être très énergivore ! Autant que grâce au contact avec son matériel et le support vertical ; se
faire se peut, prenez soin de votre état physique. Il a un impact pencher en avant, détendre son dos, sa nuque, ses épaules, ses
direct sur votre capacité à rester concentré et attentif. bras ; prendre de profondes inspirations et expirations, faire des
visualisations…
Préparation juste avant d’intervenir Je me rappelle Kelvy Bird lors de son intervention pour capturer
les échanges entre les présidents du G7, au sommet du Forum
Assurez-vous d’avoir le temps nécessaire pour organiser votre es- Économique Mondial à Davos. Outre les présidents, Kelvy était la
pace de travail sereinement. Il n’y a rien de pire que de se sentir seule personne admise dans la salle. Même les membres organi-
dans le rush alors que les échanges vont commencer. sateurs du forum n’étaient pas autorisés à assister aux échanges.
Assurez-vous d’avoir le matériel nécessaire et un matériel de se- C’était une grosse pression. Son « truc » à elle a été de s’ancrer
cours à portée de main. Ainsi, vous ne vous retrouverez pas avec au sol, puis de visualiser des racines partant de ses pieds et
un marqueur qui n’a plus suffisamment d’encre ! de rejoindre ainsi la nature environnante, ses arbres, ses mon-
Pensez à des choses très triviales mais qui peuvent vous sortir tagnes. Se sentir connectée, en lien et partie intégrante d’un tout
de la concentration et de l’attention nécessaires : mettez votre plus grand qu’elle, lui a permis de revenir sereinement à l’instant
téléphone en mode avion (a minima en mode silencieux), placez présent.
une bouteille d’eau à portée de main, passez aux toilettes… oui, En ce qui me concerne, l’idée que les personnes qui vont inter-
des choses aussi triviales que ça ! venir sont plus intelligentes que moi m’oppresse et alimente une
En fonction de la complexité du sujet et de la durée envisagée de peur que je dois quitter pour être pleinement à ce que j’ai à faire.
la capture, pensez à vous équiper d’un buffer artificiel : carnet et Pour cela, j’ai besoin de voir les personnes, de rentrer en contact
stylo feront l’affaire. avec elles. Comme si constater qu’elles ne sont que des êtres hu-
La concentration peut vous faire perdre la notion du temps. mains, comme moi, dans leur beauté faite aussi de leurs défauts,
Aussi, gardez une montre accessible pour avoir toujours une idée me rassure et me ramène sur terre, dans l’instant présent.
du temps restant.
Enfin, quoi que vous ayez préparé, quels que soient les dessins
auxquels vous vous êtes entraîné, les lectures que vous avez
faites, les idées que vous avez échafaudées… n’y restez pas atta-
ché ! Accueillez ce qui s’offre à vous. Acceptez de ne pas maîtriser.
Faites-vous confiance pour pouvoir solliciter votre travail prépa-
ratoire au moment opportun, s’il s’avère pertinent.
Rentrez dans le moment présent, dans votre bulle incluant ma-
tériel, support, espace de discussion et personnes y contribuant.

230 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Le piège du monde parallèle Conseils pour commencer en temps réel
Lors d’une préparation, le risque principal est de chercher à se
Quelle que soit la technique utilisée, voici quelques conseils
rassurer en prévoyant ce qui pourrait se passer. Cette recherche
précieux.
de sécurité nous pousse à croire que ce que nous imaginons est
ce qui va réellement se passer. Pourtant, c’est aussi peu probable
que le fait que vous soyez en train de boire un verre d’eau en Comprendre la dynamique en place
lisant précisément ce paragraphe. Or, notre appréhension face La dynamique des échanges est différente selon qu’ils ont lieu
à l’imprévisibilité, inhérente au contexte du temps réel, va nous lors de la présentation d’un expert, d’une table ronde, d’un débat,
pousser à y croire. C’est un mécanisme de défense naturelle. d’une conversation animée, d’une discussion libre…
Si vous intervenez pour accompagner et capturer la présenta- L’organisation des informations, la répartition de la parole et des
tion d’un expert, vous aurez peut-être l’opportunité d’accéder à sujets ne sont alors pas les mêmes. Une partie de cette dynamique
son support de présentation et même d’échanger quelques mots est imaginable en amont et indiquée par le format des échanges.
avec lui. Ne cherchez pas à tout savoir, imprégnez-vous simple- L’autre partie est à découvrir et à accueillir sur le moment.
ment du sujet. Le pire que vous puissiez faire est de compulser
son diaporama. Ne prenez pas son support comme argent comp-
tant. Ne cherchez pas à imaginer comment vous allez formaliser Attendre « le bon moment »
le contenu de sa présentation… C’est pourtant la première chose Il peut être pressurisant de ne pas capturer d’information alors
que vous allez faire (!)… parce que ça vous rassure. En réalité, que des échanges ont lieu. Mais ne vous jetez pas sur votre sup-
vous ne savez pas si la présentation sera modifiée ou non. C’est port ou sur l’espace encore disponible. Attendez que des infor-
peut-être celle qu’il a partagée sur une précédente intervention. mations importantes soient partagées. Le vide est nécessaire : il
Il va certainement travailler dessus la veille au soir et changer permet de faire vivre ce qui est déjà formalisé. Le remplir à tout
l’ordre des diapositives. Il va en insérer de nouvelles, en suppri- prix serait noyer le reste.
mer d’autres… Pire encore, vous imaginez comment vous allez
illustrer telles et telles idées. Ainsi vous renforcez l’existence fan-
tasmée d’un monde parallèle dans lequel vous auriez le temps Organiser et révéler le système
de faire ce que vous voulez et ce que vous avez prévu. Or, pour Dans le « chaos » des informations telles que vous y avez accès,
capturer en temps réel vous devez être pleinement dans l’ici, et cherchez à regrouper, dans un même espace, celles qui appar-
présent à ce qui se passe. tiennent au même thème. Montrez et formalisez les liens expri-
Le plus inconfortable qui soit est d’avoir les pieds dans l’ici et la més entre ces informations.
tête dans un monde parallèle. C’est extrêmement désagréable
d’essayer de raccrocher ce monde à la réalité. Illustrer les liens plutôt que les idées
Si vous vous retrouvez dans cette situation, la seule façon de vous
Attention au syndrome de la « micro-illustration ». C’est celui qui
en sortir est de lâcher prise sur « ce qui était prévu » et d’accepter
consiste à identifier une idée et à la transformer en pictogramme.
de sauter entièrement dans la réalité vivante du moment présent.
Cela mène à une simple mosaïque de notions. Mais utiliser les
­illustrations pour rendre visibles les liens entre les notions ap-
porte un plus indéniable pour la compréhension des participants.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 231

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Accueillir ce qui est
Ne vous fiez pas à ce qui est prévu ou ce qui est annoncé, gardez
ces informations potentielles comme un guide pour comprendre
ce qui arrive réellement mais ne les prenez jamais comme quelque
chose de sûr. Vous pouvez vous appuyer dessus seulement si ces
informations sont confirmées par la réalité. De même, ne vous fiez
pas à ce que vous imaginez, mais seulement à ce qui se passe en
réalité.
Explorons maintenant des techniques de capture en temps réel.
Je les ai classées de la plus abordable à la plus spécifique et
complexe.

Technique des Post-it


Les sessions de travail utilisant le support des Post-it sont nom-
breuses. Rien de plus normal puisqu’ils assurent une flexibilité
d’usage presque inégalée à ce jour. Simples à utiliser, ils sont
accessibles à tous. Faciles à positionner et à repositionner, ils
permettent d’organiser des regroupements d’informations. Ils
permettent également d’engager chaque participant dans une ré-
flexion et une contribution au sujet en cours.
La récolte d’informations sur Post-it nécessite plusieurs précautions.
En premier lieu, invitez les participants à ne noter qu’une seule idée
par Post-it. De cette manière, il est possible de classer les informa-
tions de façon appropriée.
Ensuite, lors de la récolte, ne laissez pas les Post-it désorganisés.
Exploitez leur caractéristique autocollante et repositionnable pour
regrouper les idées similaires, trier, catégoriser les idées. Cette or-
ganisation permet de créer du sens et de donner du recul pour
faire avancer les réflexions. Deux critères permettent de procéder
à un tel regroupement : la nature même des idées ainsi que les su-
jets et prismes permettant d’alimenter la réflexion de la séquence
de travail suivante.

232 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Dans tous les cas, assurez-vous de rendre visibles et intelligibles On choisira alors une épaisseur de feutre/marqueur qui pousse les
les regroupements que vous faites. Pour cela, donnez un titre au participants à écrire de manière suffisamment grosse pour être li-
regroupement et notez-le sur un nouveau Post-it. Assurez-vous sible de loin. De même, on proposera un format de Post-it permet-
alors que la mise en exergue permet de différencier ce Post-it tant aux participants de transcrire clairement leurs idées.
titre des autres Post-it. Pour ce faire, vous pouvez jouer avec une Dans de telles conditions, le contenu reste accessible à tous. Le fa-
ou plusieurs familles de vocabulaire graphique (typo spécifique, cilitateur peut alors s’assurer de la participation de chacun et des
cadre autour du Post-it, taille du Post-it, couleur du Post-it). relances sur les sujets. Il est en mesure de conserver une posture
Nous avons déjà abordé la nécessité d’être vigilants quant à la et une réflexion méta sur la dynamique en cours afin de l’accompa-
manière dont nous utilisons leurs couleurs. Il est également né- gner et de la développer dans une direction utile pour le groupe.
cessaire de porter une attention particulière au matériel que l’on Attention, des limites importantes sont à prendre en compte.
utilise et à l’impact qu’il aura sur l’accessibilité à l’information.
L’usage des Post-it permet de faire des liens simples d’appar-
Chapitre 2, La loi de similarité tenance (par regroupement), de séquençage (par ordonnance-
ment), de hiérarchie (par usage de la verticalité). Mais cet usage
Mettre de petits Post-it et des stylos à bille à disposition des par- ne permet pas de rendre visibles des liens, ou des architectures
ticipants leur permet effectivement de noter leurs contributions. de liens plus complexes.
Mais ce matériel a un impact non négligeable sur le processus de
Chapitre 7, Les huit principes de spatialisation
travail. En effet, au moment de partager les différentes contribu-
tions et de positionner les Post-it sur un mur, leur contenu, bien
De plus, lors du partage des Post-it, les informations complémen-
que formulé à l’oral par le contributeur, n’est pas lisible par le
taires données à l’oral ne sont pas capturées. Or ce sont elles qui
reste du groupe. Par défaut, cela implique que les participants
donnent du contenu aux notions, notées souvent de façon trop
doivent mémoriser toutes les contributions, savoir où elles ont été
synthétique. Ce manque de granularité rend la cartographie de
affichées et suivre leur mouvement en cas de repositionnement
Post-it rapidement inexploitable, puisqu’elle nécessite que les
et de réorganisation. Cette mémorisation est très compliquée
participants mémorisent les informations manquantes.
voire impossible selon la quantité de Post-it partagés. Or les par-
ticipants doivent rester en contact et en prise avec l’ensemble du
contenu. Accédez à des vidéos
Par définition, le facilitateur est garant du processus de travail. explicatives et exercices
Dans des conditions « facilitantes », il doit permettre à tous les d’entraînement pour
participants de rester en prise avec l’ensemble du contenu, en développer vos
leur permettant d’avoir une vision globale. Mais, dans les condi- compétences et optimiser
tions matérielles décrites ci-dessus, le facilitateur se retrouve l’usage des Post-it.
seul à détenir la vision globale. Cette situation est l’inverse d’une
situation facilitante.
Pour limiter cet effet, pour réengager les participants et leur don-
ner de l’autonomie sur la réflexion en cours, le contenu des Post-it
doit donc être lisible de chacun.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 233

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Technique de mind mapping
Pour commencer une carte
Dans le cerveau, les idées ne se développent pas de façon linéaire
Commencez toujours au centre de votre espace de capture. Vous
mais par associations. Il en va de même pour une discussion de
disposez alors de 360° pour développer la carte et accompa-
groupe. La technique du mind mapping est particulièrement utile
gner ainsi la discussion dans toutes les directions.
pour accompagner l’émergence d’une discussion. Appelée « carte
heuristique » en français, elle se décline sous plusieurs formes (carte Si la discussion commence par un thème important, tracez une
conceptuelle, carte panoramique…). Cette technique ancienne a branche depuis le sujet central et notez le thème à l’extrémité.
été démocratisée dans les années 1970 par le psychologue anglais Si c’est un sujet précis qui est partagé, identifiez mentalement le
Tony Buzan et appliquée principalement dans la prise de notes thème auquel il appartient, tracez une branche depuis le centre,
personnelles, pour faire par exemple le résumé d’une lecture. notez ce thème, tracez une extension de la branche et notez l’in-
La technique et les principes présentés ici diffèrent de l’approche formation précise à l’extrémité.
de Tony Buzan par le fait que nous considérons leur usage dans Si un nouveau thème est abordé, notez-le à l’extrémité d’une nou-
le cadre de l’accompagnement d’un groupe pour en faciliter les velle branche tracée à partir du centre. Prenez soin de toujours
échanges. garder de l’espace pour pouvoir accueillir les informations telles
que la discussion les aborde. Ainsi vous préférerez tracer la deu-
xième branche principale à l’opposé de la première plutôt qu’à
Pourquoi ça marche ?
proximité de celle-ci.
Le mind mapping est un bon point d’entrée dans le monde de la
pensée visuelle. Une fois qu’on en a compris les principes, cette
Pour continuer la carte
technique est facile et rapide à mettre en œuvre. C’est un outil de
facilitation puissant pour cartographier l’émergence d’idées, l’ex- Faites-la grandir vers l’extérieur si la discussion vous invite à
ploration d’un sujet et enregistrer les différentes contributions à une ajouter des informations et développer dès lors une série de
discussion. Le mind mapping permet de voir toutes les informations branches. Vous révélez ainsi une classification des informations
en un coup d’œil en proposant leur classement dans une image glo- et prenez soin de toujours conserver le maximum de place pos-
bale. Avec ce type de cartographie, il est plus facile de mettre des sible autour des sujets, pour accueillir d’autres informations si la
idées en relation que lorsque l’on écrit sous forme de texte. discussion se déploie dans ce sens.
Le mind mapping n’est pas un outil qui structure notre pensée. Gardez en conscience les informations déjà présentes sur la
C’est notre pensée qui structure cet outil ! carte et posez-vous les questions suivantes :
• De quoi parle-t-on maintenant ?
Fonctionnement • À quel sujet, déjà existant ou non, appartient cette information ?
Contrairement aux textes ou aux listes, ce média est bidimension- • Où dois-je commencer une nouvelle branche ?
nel, ce qui en fait un outil extrêmement flexible. En effet, il permet
d’insérer une nouvelle information à tout moment et n’importe
où dans la carte, par le simple ajout d’une branche. Finalement,
sa structure en arborescence rappelle les différents niveaux d’un
texte : titre, sous-titre, paragraphe.

234 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Respecter l’effet miroir et jouer avec
Rappelez-vous que la carte tracée a un effet sur le groupe en dis-
cussion et lui donne des repères. Formalisez donc les liens dès
que possible. Ne pas le faire reviendrait à présenter au groupe un
nuage d’informations comme des Post-it non organisés.
D’autre part, si vous avez également le rôle d’animateur, et que
vous souhaitez que le groupe explore un autre aspect du sujet,
vous pouvez tracer une branche principale en la laissant vide. Le
signal envoyé ainsi invite à identifier un nouveau thème.
Vous pouvez également être plus précis et directif en inscrivant le
thème vous-même et en demandant au groupe de le développer.

Chapitre 2, Impact du visuel sur la pensée et le cerveau, La


branche vide

Compétences mises en jeu


Le mind mapping requiert une écoute et une sélection d’informa-
tion fines. Leur formalisation ne nécessite pas de savoir dessiner.
Une écriture propre et lisible des informations clés est suffi-
sante. La structuration visuelle se fait par leur organisation en
arborescence et la mise en valeur du sujet central et des thèmes
principaux.

Accédez à des vidéos explicatives et exercices d’entraînement


Limites
pour développer vos compétences.
Bien que très accessible et permettant d’organiser, en temps réel,
des informations dans un visuel structuré, cette technique présente
des limites. D’une part, comme avec toute technique de temps
réel, la carte produite ne sera pas compréhensible pour quelqu’un
n’ayant pas assisté à sa construction et sans des explications com-
plémentaires. D’autre part, la forme visuelle, quel que soit le sujet
traité, sera toujours du même type : un sujet central d’où partent
des branches vers des sous-sujets, départs de nouvelles branches…
La forme du visuel ne reflète pas pleinement le contenu du sujet.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 235

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Technique de scribing
Le scribing consiste à modéliser en temps réel, c’est-à-dire à cap-
turer de manière graphique, les éléments clés d’une discussion.
Contrairement au mind mapping, cette technique est libre de toute
structure préétablie. La structure se développe de façon organique
en accompagnant la discussion. Le visuel est réalisé pour que les
personnes en discussion puissent le voir en continu, l’effet miroir
qu’il produit leur donne les repères nécessaires pour intégrer les
éléments clés et alimenter la construction d’une vision commune.
Cette technique est aussi appelée graphic recording. Les experts
attribuent le terme de graphic recording à la construction d’une
fresque sur le temps d’un atelier. Mais restons dans le sens pre-
mier du terme, « enregistrement graphique » : le scribing est bien
un enregistrement graphique d’une discussion.

Chapitre 10, La fresque de synthèse

Parce qu’il permet de garder flexible la structure du visuel, le scri-


bing rend compte de la structure naturelle des informations de
­façon plus précise. Il produit un visuel pertinent parce que la forme
parle du fond.
Précisons encore qu’il existe une différence fondamentale entre
le sketchnoting et le scribing. Le sketchnoting consiste à prendre
des notes dessinées sur un support personnel (carnet, feuille…).
Les deux techniques sont réalisées en temps réel. Toutes deux né-
cessitent de sélectionner des informations, de les analyser et de
les formaliser. Elles sollicitent donc des compétences similaires.
Cependant, la posture est une différence essentielle : l’une des
techniques est réalisée pour soi (origine du sketchnoting), l’autre
pour des personnes en discussion. Cette différence change radi-
calement la qualité de l’attention requise, la sélection des infor-
mations ainsi que les choix réalisés lors de leur analyse et de leur
formalisation. Dans un cas, l’impact de nos biais personnels n’in-
fluence pas la discussion (le groupe ne voit pas notre visuel). Dans
Capture en temps réel d’une
l’autre cas, ces mêmes biais auront un impact dommageable sur présentation faite par Emmanuel
la discussion (le groupe voit le visuel, s’y réfère et s’appuie dessus). Delannoy sur les « systèmes
vivants »

236 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Le sketchnoting est fait pour la personne qui le réalise. Le scribing Commencer en haut à gauche risque de vous faire retomber dans
remplit pleinement les conditions d’accompagnement et de facili- les travers d’une prise de notes linéaire. Commencer au centre va
tation d’un groupe. vous pousser à développer une cartographie de type mind map.
Ce sont les informations partagées qui vous indiquent comment
Pour commencer la carte structurer le visuel. Le point de départ peut donc être suggéré par
le contenu.
« Où commencer la capture ? » est LA grande question que se
Prenons quelques exemples.
posent toutes les personnes commençant à pratiquer cette
technique. En effet, le départ en scribing est libre contrairement au Dans tous les cas, le principe de la construction en temps réel
mind mapping, où le point de départ est imposé par la technique. impose de développer la suite du visuel en composant avec ce
que vous avez déjà cartographié.
Si aucune obligation n’est imposée, on peut cependant, par ex-
périence, écarter certaines options et en privilégier d’autres.

Si la discussion commence Si les échanges Si vous entendez « Tout Si la première chose qui Si aucune indication
par aborder la notion commencent par « La base commence par… », il vous est dite est « Le sujet se spécifique, telles que
d’objectif, c’est une de tout ça c’est… », il sera est clairement indiqué que résume par… », cela signifie décrites ci-dessus, n’est
invitation à noter les cohérent de commencer à les informations qui suivent qu’on vous livre la synthèse partagée, il vous faut tout
informations liées à cette noter des informations sur s’inscrivent au départ générale du sujet, dès le de même commencer
notion sur la partie droite le bas du visuel, comme d’une ligne temporelle début. Vous pouvez noter quelque part. Vous
du visuel. une « base » sur laquelle ou comme socle d’une ces informations sur la veillerez à ne pas prendre
va se développer la suite construction. Dans ce cas, partie haute (= tout ce qui une option trop forte :
du sujet. vous pouvez commencer va être dit vient construire elle pourrait vous gêner
sur la gauche du support ce résumé) ou la partie ensuite. Sans indication
ou sur la partie basse. basse (= le résumé découle précise, les zones les moins
de tout ce qui va être dit risquées restent les zones
sur le sujet). des tiers. Elles permettent
de déployer la capture
dans toutes les directions.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 237

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Pour poursuivre la carte Compétences mises en jeu
La suite de la cartographie reste orientée par le contenu des in- Le scribing est la technique de cartographie en temps réel la plus
formations qui vous sont transmises. Une fois que vous avez iden- spécifique et complexe mais aussi la plus spectaculaire. En effet,
tifié une information importante, cherchez sa relation (indiquée elle nécessite de mettre en jeu l’intégralité des compétences : at-
dans la discussion) avec les informations que vous avez déjà tention, écoute, sélection des informations, analyse et tri, forma-
cartographiées. Regroupez les informations liées aux mêmes lisation. Comparée aux autres techniques, elle permet d’exploiter
thèmes. Utilisez les principes de spatialisation pour placer cette l’ensemble des principes de spatialisation et des compétences
nouvelle information de manière relative à celles déjà cartogra- techniques de dessin, pour rendre compte de la nature des infor-
phiées. Formalisez le lien en choisissant les attributs graphiques mations et rendre accessible la complexité du sujet.
qui renforcent les principes de grammaire visuelle employés. Cette complexité, dans le jeu d’équilibre du temps réel, en fait
L’architecture du visuel se construit donc au fur et à mesure, sur une technique compliquée à acquérir et à développer. Elle ne
la base de la nature des informations partagées. peut être transmise par écrit et de façon théorique. Elle nécessite
Travailler sur un support effaçable vous donne la possibilité de la pratique et un accompagnement. Chaque expérience de
de déplacer des informations et de réorganiser votre capture. capture permet d’identifier les points positifs et les acquis sur les-
Attention, cette flexibilité reste toute relative. Elle peut être uti- quels capitaliser. Elle permet également d’identifier les manières
lisée sur une ou deux informations, guère plus. Plus la discussion alternatives de s’y prendre, dans sa posture, dans le maintien
avancera, plus il sera compliqué de tout réorganiser. Le principe de son attention, dans les informations sélectionnées, dans les
reste donc de construire avec ce que vous avez déjà formalisé. moyens de formaliser ce que l’on a analysé et compris.
Si vous devez déplacer une information, je vous conseille de la
noter d’abord au nouvel endroit avant d’en effacer la première
occurrence. Vous pourrez à tout moment stopper ce processus
de déplacement pour accueillir une nouvelle information clé et
la traiter sans perdre aucune des deux informations. Ne pas pro-
céder dans cet ordre nécessite d’utiliser une partie de votre mé-
moire tampon et de prendre le risque de perdre l’information que
vous avez effacée.

238 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Capture en temps réel d’une
présentation d’un nouveau
service de Pôle emploi pour
accompagner les demandeurs
d’emploi en situation de handicap

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 239

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Capture en temps réel d’une présentation faite par Martial Vidaud sur la « pleine conscience »

240 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Capture en temps réel d’une présentation faite par Solenne Roland-Riché sur « la bienveillance et l’exigence »

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 241

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Capture en temps réel du débrief d’un groupe de managers suite à une mise en situation

242 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Capture en temps réel d’une mise en commun après un travail en sous-groupes chez Pôle emploi sur le parcours des primo-arrivants

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 243

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Capture en temps réel d’une présentation faite par Lucie Lauras sur « l’intelligence émotionnelle »

244 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Capture en temps réel d’une présentation faite par Justine Laurent sur « la sobriété et la frugalité »

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 245

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Capture en temps réel d’une présentation faite par Fabrice Liut sur « la compréhension systémique et la complexité »

246 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Progresser dans les techniques
de cartographie en temps réel
Le tableau page suivante présente les techniques de cartogra-
phie en temps réel selon leurs difficultés, elles-mêmes liées aux
compétences requises.
Cette progression n’est pas une obligation. Vous pouvez tout à
fait explorer et développer la technique de votre choix ou celle
qui se présente à vous, dans l’exercice de votre métier.
On ne traite pas ici de la pertinence des outils et des techniques.
Ils dépendent du besoin à satisfaire et du contexte d’usage.
Cette progression vous permet donc de choisir et d’adapter la
technique, en fonction de vos compétences et des besoins parti-
culiers de votre contexte.

Enfin, si pour présenter un sujet vous avez préparé un visuel en


amont, ne cherchez pas à le reproduire en temps réel pendant
que vous expliquez son contenu. Vous augmenteriez la difficulté
artificiellement et sans bénéfice pour la discussion.
Pour présenter votre sujet, l’intérêt n’est pas de créer un show
mais de permettre aux personnes de bien comprendre ce sujet.
Affichez l’ensemble du visuel préparé en amont (donc « en dif-
féré ») et concentrez-vous sur les informations et explications
complémentaires données à l’oral (en « temps réel »). Concentrez-
vous encore sur l’énergie et la relation que vous créez avec vos
interlocuteurs, c’est l’essentiel.
Réservez les techniques de cartographie en temps réel aux si-
tuations où les informations émergent. Pour d’autres situations,
préférez le différé. Et pour en connaître les spécificités, voir le
Capture en temps réel des apprentissages issus d’un atelier mené chapitre suivant.
par Michel Frisque sur les postures du manager.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 247

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TECHNIQUES COMPÉTENCES SOLLICITÉES

• Écoute « sélective » afin d’identifier les informations pertinentes pour remplir le canevas.
USAGE DE • Placement des informations.
CANEVAS • Écriture lisible des informations.
CHAPITRE 10

• Écoute « spatiale » et identification des informations importantes de la discussion.


• Écriture synthétique et lisible des informations, imposée par la taille des supports.
• Regroupement des informations par sens.
USAGE
DE POST-IT • Hiérarchisation des informations en donnant des titres aux regroupements.

• Écoute « spatiale » et identification des informations importantes de la discussion.


• Regroupement des informations par sens.
• Gestion de l’espace disponible pour la lisibilité de la cartographie.
LE
MIND MAPPING • Écriture synthétique et lisible des informations.
• Usage d’un vocabulaire graphique plus varié incluant couleurs et pictogrammes.
• Hiérarchisation des informations en créant des titres, des branches et sous-branches
et en développant une grammaire visuelle cohérente.

• Compétences proches de celles sollicitées par le scribing.


LE
SKETCHNOTING • Cependant, elles sont fortement impactées par les circonstances : capture pour soi, dans un carnet,
non visible par les participants pendant la discussion.
(MARCHÉ INTER-
MÉDIAIRE VERS
LE SCRIBING)

• Écoute « complète » et identification des informations importantes de la discussion.


• Écriture synthétique et lisible des informations.
• Regroupement des informations par sens.
LE SCRIBING • Gestion de l’espace disponible pour la lisibilité de la cartographie.
• Principes de spatialisation pour rendre visible la nature des liens.
• Exploitation possible de tout le vocabulaire graphique.
• Hiérarchisation des informations en développant une grammaire visuelle cohérente.

248 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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INTÉRÊTS DE LA TECHNIQUE POUR LA PROGRESSION
LIMITES DE LA TECHNIQUE
DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

• Cet outil permet de travailler la structure visuelle • Ne correspond pas à toutes les discussions car les réflexions sont extrêmement
générale avant le moment de prise de notes. guidées par les sujets/espaces du canevas.
• Le canevas est figé et ne permet pas de s’adapter à la réalité de la discussion.

• L’espace limité permet de travailler la synthèse des • Difficulté à formaliser d’autres natures de liens que celui d’appartenance à un
messages. même groupe.
• Les informations peuvent facilement être • L’usage des attributs graphiques est limité.
réorganisées. • Visuellement, un Post-it ressemble à un autre Post-it. Il faut entrer dans leur
contenu respectif pour différencier l’information.
• La forme et la structure du visuel ne représentent pas la nature du contenu.
• Attention : il y a un enjeu fort de lisibilité des informations !

• Permet de sortir plus facilement de la prise de notes • Difficulté à représenter des liens transverses.
linéaire. • La forme et la structure du visuel ne représentent pas la nature du contenu.
• Permet de mettre en œuvre l’ensemble des processus
liés à la capture en temps réel : écoute et sélection
des informations, analyse et tri, formalisation.
• La structure visuelle est très limitée et prédéfinie dans
ses principes.

• Le sketchnoting n’est pas une technique de facilitation • Les biais personnels sont très présents et plus difficilement canalisables.
graphique mais peut servir dans la progression • Le sketchnoting ne permet pas de faciliter une discussion puisque les personnes ne
des compétences. En effet, ces dernières peuvent voient pas la cartographie en train de se faire.
se rapprocher de celles nécessaires au scribing
et s’exercer sans subir la pression du regard des • Il ne permet pas de travailler la pertinence des choix des informations, de
participants. leur compréhension et de leur formalisation car ces choix sont personnels et
n’influencent pas la discussion.

• Permet de travailler les principes de structuration • Son niveau de technicité rend son usage compliqué lorsque l’on doit également
dans l’espace. tenir le rôle d’animateur de la discussion.
• La structure du visuel qui en découle est en lien direct
avec la nature des informations qui y figurent.

CHAPITRE 8 | Techniques de cartographie en temps réel 249

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On utilise le terme de « différé » pour spécifier que la conception
du visuel précède son utilisation. Le temps de la conception et le
temps de l’utilisation sont complètement distincts, contrairement
à un contexte de temps réel dans lequel la conception accom-
pagne l’usage et inversement.

Utiliser un modèle pour présenter un sujet


CHAPITRE 9 - TECHNIQUE DE CARTOGRAPHIE EN DIFFÉRÉ

Un modèle est une représentation d’une partie de la réalité, ou


C HAP ITR E 9 d’un concept. Il propose un prisme, des repères, un angle pour les
observer, les réfléchir et les comprendre.
Ne pouvant représenter la totalité d’une réalité, il fait abstraction
de certaines parties pour en mettre d’autres en exergue. Utiliser

Technique de un modèle, c’est donc accepter d’ignorer une partie de la réalité.


La modélisation d’informations est un processus qui mène à trou-
ver la structure visuelle qui soutient et révèle au mieux la logique

cartographie des informations à présenter. Autrement dit, la modélisation per-


met de rendre visibles les informations principales et la façon dont
elles sont liées.

en différé Contrairement aux techniques de cartographie en temps réel, la


modélisation est un processus qui s’attache à cartographier des
informations stables et connues. L’usage du visuel a lieu en différé
par rapport au temps de production.
Comme dans toute technique de facilitation graphique, le visuel
n’est pas à considérer comme le résultat de la démarche. Le résul-
tat est le type d’échanges et de discussions que le visuel permet
d’avoir. Le visuel est le fruit d’une réflexion et d’un processus de
conception. En ce sens il est à considérer comme un moyen. En dif-
féré, le visuel est un modèle qui permet de partager et transmettre
une vision, de rendre accessible la complexité d’un sujet.

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Contenu d’un modèle visuel « problème-solution » empreint de multiples biais de réflexion et
de conception, pour créer une solution pertinente.
Le contenu du modèle et les choix de représentation vont impac-
ter directement les échanges et le type d’interaction générés lors
de son usage.
De l’abstraction…
Un contenu très général, mettant en scène des principes, laisse
une grande marge d’interprétation dans la manière de rendre
ces principes concrets. Le champ de discussion généré peut donc
être très large. Il laisse chacun contribuer et partager sa propre
vision en détaillant et concrétisant les principes.
Ce type de modèle propose un cadre qui favorise les contribu-
tions en mode bottom-up.
… à la description
Au contraire, un contenu très détaillé, mettant en scène des élé-
ments et informations concrets et spécifiques, laisse moins de
place à l’interprétation. Il favorise l’exécution et la mise en œuvre
directes du sujet.
Ce type de modèle soutient favorablement le partage d’exper-
tise en mode top-down.

Approche générale de la modélisation


Dans le contexte de modélisation, on ne cherche pas à trans-
mettre de l’information mais à s’assurer qu’elle est bien reçue.
C’est pour cela que l’objectif de la modélisation n’est pas le vi-
suel mais la discussion qu’il permettra d’avoir, une fois conçu.
Avant même cette discussion, on veillera à considérer le point Le processus de modélisation commence toujours par une phase
de vue des personnes qui doivent s’approprier le sujet et ce, dès de cadrage. Des phases de recherche et de formalisation se suc-
la conception du modèle. On s’attachera donc, tout au long du cèdent ensuite. La non-linéarité de ces phases est nécessaire
processus de réflexion et de formalisation de la cartographie, à pour trouver et faire émerger une forme dont la structure donne
adopter le point de vue des personnes à qui le visuel s’adresse. à comprendre le contenu du sujet. Mais le processus de modéli-
Respecter ce changement de point de vue assure la pertinence sation ne peut s’arrêter là ! Vous devez vous assurer de l’impact
de votre production. Cela vous donne l’opportunité de sortir qu’a cette représentation.
de vos modes de pensée habituels pour vous adapter à vos in- Je vous propose pour cela de suivre une méthode élaborée au fil
terlocuteurs. La modélisation vous invite à sortir du syndrome de mes années de pratique.

CHAPITRE 9 | Technique de cartographie en différé 251

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La méthode VOIR® I pour Informations : c’est le moment de finaliser le visuel. Une
fois la structure visuelle construite, il s’agit d’y rajouter les images
Cette méthode permet de s’assurer de la production d’une carto- et les annotations qui vont rendre les messages explicites et
graphie d’informations utile. donc rendre l’observateur autonome dans son appropriation du
Ne vous connaissant pas réellement, je n’ai qu’une représentation contenu.
théorique de qui vous êtes et de ce dont vous avez besoin. Je vais R pour Résultat : rappelons que la production du visuel n’est pas
donc vous proposer trois formes différentes de représentation de l’objectif de la démarche. Le visuel doit être considéré comme
la méthode. Elle reste la même, mais les façons de la décrire et le moyen de générer les bonnes conversations avec les interlo-
de la formaliser diffèrent. L’intérêt est que vous puissiez trouver cuteurs à qui on le présente. Le résultat est donc le type et le
la formalisation qui vous parle le plus. niveau de discussion que le visuel permet d’avoir. Bien entendu, il
La première emprunte la structure linéaire du texte. devrait correspondre à la vocation du visuel, définie en début de
La deuxième met l’accent sur l’aspect temporel entre le début du processus de conception.
processus de modélisation et l’usage du visuel.
La troisième met en avant la réflexion non linéaire nécessaire à Représentation temporelle
la production du modèle. La représentation ci-contre montre deux séquences successives
qui permettent de passer d’un ensemble d’informations stables à
Présentation linéaire textuelle l’usage du modèle lors d’une présentation.
L’acronyme VOIR permet de mémoriser les séquences à observer La première séquence, le prototypage, propose de se concentrer
pour s’assurer de la conception d’un visuel qui a du sens dans son principalement sur la structure visuelle des informations en tra-
contexte d’utilisation. vaillant sur leur spatialisation.
V pour Vocation : il s’agit d’identifier et de définir les éléments de Cette réflexion de spatialisation est menée à partir des informa-
contexte et l’objectif d’usage du visuel à construire. Cela inclut tions identifiées comme principales, pour les personnes à qui l’on
bien entendu le profil des personnes à qui on va le présenter et va présenter le modèle et pour le type de discussion visée. Les
ce à quoi la discussion doit permettre d’aboutir. liens entre ces informations sont rendus visibles par la spatialisa-
tion des informations.
Ces éléments sont essentiels puisque ce sont eux qui permettent
de faire des choix et d’orienter les réflexions tout au long de la Dans un deuxième temps, l’objectif est de finaliser le visuel en
conception. habillant la structure avec les informations et les attributs gra-
phiques. Ils vont former les détails du visuel et le rendre le plus
O pour Organisation : il est ensuite temps de définir la façon dont compréhensible possible.
les informations seront organisées dans le visuel. Cette phase
ne peut être linéaire puisqu’elle articule les processus de récolte
d’informations, d’analyse et de tri ainsi qu’une formalisation suc-
cincte. Cette phase produit une structure schématique du visuel
qui porte déjà en elle les principes d’articulation des messages
principaux.

252 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Vous remarquerez que cette représentation utilise les principes L’intérêt de cette représentation est qu’elle permet de com-
de divergence et de convergence dans une structure appelée prendre la perspective temporelle et l’intention de chaque
« double diamant ». phase. Sa limite est qu’elle donne l’illusion que la réflexion est
linéaire. Or, une réflexion linéaire recourt inconsciemment à
Chapitre 3, Principes de divergence et de convergence des biais cognitifs, influençant par défaut le contenu du visuel
et par conséquent la teneur des échanges.

CHAPITRE 9 | Technique de cartographie en différé 253

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 253 07/03/2023 18:10


Représentation non linéaire
Bien que l’on retrouve les mêmes éléments en entrée et sortie,
cette représentation met en avant l’aspect non linéaire du pro-
cessus de réflexion.

254 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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La structuration du visuel est une étape de formalisation, mais Il est donc primordial de la définir dès le départ et de s’y tenir.
elle est issue d’un barattage des informations, de leur sélection, Je vous conseille même de la formaliser physiquement et de la
de leur analyse, de leur tri et de leur spatialisation. C’est seule- garder visible.
ment à l’issue de ces allers-retours, chaotiques, qu’une structure Pour définir la vocation du visuel, posez-vous les questions
pertinente peut émerger. suivantes :
C’est la phase la plus critique pour la valeur apportée à la visuali- • À qui s’adresse ce visuel ? Qui est mon audience ?
sation et, en général, celle qui demande le plus d’efforts.
• Dans quel contexte vais-je parler ? De combien de temps je dis-
Une fois la spatialisation réalisée, l’étape de finalisation permet pose ? Quel sera le degré d’attention de mes interlocuteurs ?
de rendre le visuel autonome pour les personnes à qui il doit être
• Quel type de discussion ai-je besoin d’engager avec eux ?
présenté.
• Pourquoi dois-je leur parler de ce sujet ?
Le modèle est pertinent si la discussion qu’il permet d’avoir corres-
pond à l’objectif recherché par la présentation. • Que savent-ils ?
Les deux représentations visuelles de la méthode VOIR® sont diffé- • Que devraient-ils savoir ?
rentes dans leur forme mais similaires dans leur propos puisqu’elles
décrivent le même objet conceptuel. Il est donc normal d’y retrou-
ver les mêmes notions, le même découpage en deux grandes
séquences…
Ces trois formalisations donnent l’occasion de réaliser et d’expéri-
menter qu’un même sujet peut être représenté de multiples façons.
Pour vos modélisations, la recherche des différentes formes doit
avoir lieu au moment du prototypage, lorsque vous cherchez l’or-
ganisation spatiale des informations. L’arbitrage de la forme adé-
quate se fait par la prise en compte du profil des personnes et par
l’objectif et le niveau de discussion que vous devez avoir avec elles.

Focus sur la Vocation


La vocation du visuel est votre boussole pour l’ensemble de la
conception du modèle. Tout au long du processus de modélisa-
tion, vous avez à faire des choix : dans la sélection des informa-
tions, dans la façon de les trier, dans les liens à représenter, dans
la spatialisation, dans l’émergence de la grammaire visuelle. Vous
allez passer par différents niveaux de réflexion, divers dans leurs
contenus et dans leur granularité. Pour chacun des choix, vous
avez une multitude de possibilités. Cela est déroutant et peut vous
faire perdre de vue la raison pour laquelle vous opérez. À chaque
instant, c’est cette boussole qui vous indique quelle option choisir.

CHAPITRE 9 | Technique de cartographie en différé 255

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 255 07/03/2023 18:10


Focus sur l’Organisation
Lorsque vous commencez l’organisation de votre visuel, vous êtes
au cœur de la modélisation ! C’est la phase qui produit le plus de
valeur car c’est celle qui permet de faire émerger une forme qui
parle du fond. Grâce à elle, au premier coup d’œil sur votre visuel,
vos interlocuteurs auront une compréhension claire du sujet.
Pourtant, cette phase est souvent négligée ou bâclée par manque
d’expérience, par préférence pour la facilité, ou encore parce
qu’elle peut créer un sentiment d’inconfort ou de perte de temps.
Comme pour les puzzles et casse-tête, elle nécessite un état d’es-
prit de chercheur, d’explorateur, de testeur. Elle permet de trou-
ver les emboîtements qui révèlent les informations cachées.
Voyons comment opérer cette phase, cruciale pour l’impact de
votre modèle.

Connaissance et prise en compte des informations


Avant de commencer à penser un visuel, on considérera l’en-
semble des informations. Prenez le temps de les découvrir, de les
comprendre. Si vous partez d’un ou plusieurs textes, lisez-les en-
tièrement. Si vous devez rassembler des informations de prove-
nances diverses, prenez ce temps de récolte avant de commencer.
À ce stade, votre principal point d’attention doit être la conscience
de toutes ces informations.
En vous fiant à la vocation (votre boussole), vous pouvez com-
mencer à identifier les informations les plus importantes ainsi
que la manière dont elles sont liées les unes aux autres.
La plus grosse erreur serait de vouloir les traduire en visuel à ce
stade du processus de modélisation !

256 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 256 07/03/2023 18:10


Identification de la forme naturelle des informations des informations »… jusqu’à ce que vous ayez agrégé toutes les
Après avoir repéré les informations à considérer, vous pouvez informations nécessaires de façon cohérente et sensée.
lancer une réflexion d’analyse et de tri. À ce stade, votre enjeu Vous pouvez procéder en subdivisant le sujet. Travaillez sur une
principal est l’identification des informations clés ainsi que de première partie puis cherchez la structure visuelle d’une seconde
celles qui les étayent et les rendent explicites. partie, et ainsi de suite avant d’explorer l’assemblage des diffé-
Vous cherchez à comprendre la valeur des informations et leur rentes structures, leurs proportions respectives. Chacune des
articulation. Pour aider votre réflexion, posez-vous ces questions : étapes fait l’objet de différents prototypes.
• Quelles sont les informations clés en rapport avec le profil de
mon audience et l’objectif de la discussion à avoir ?
• Quelles sont les informations secondaires ? Quelles sont celles
qui ne sont pas utiles ?
• Comment ces informations sont-elles liées, comment
dépendent-elles les unes des autres ?
Des biais d’interprétation apparaissent lors de ces réflexions. Vos
propres modèles mentaux viennent traiter les informations pour
leur donner du sens. Ils les interprètent, les tordent, les traves-
tissent, les complètent, les éliminent. Au fil de vos pensées, les
biais s’accumulent. Ils vous éloignent d’autant de la réalité des
informations et de leur sens initial. Pour limiter cette dérive, re-
venez régulièrement à la source, aux informations telles qu’elles
vous ont été données.

Ébauche de formalisation par prototypage


Vous êtes maintenant à la recherche de la structure visuelle, du
« squelette » du modèle. La couche graphique et le style viendront
plus tard. Pour l’instant, concentrez-vous sur la manière d’agencer
les informations dans votre espace de travail pour rendre visibles
les liens existant entre elles et pertinents pour votre audience.
Traitez en priorité le placement et l’articulation visuelle des infor-
mations essentielles.
Il n’est pas possible de trouver du premier coup l’architecture À ce moment-là, vous êtes dans un processus émergent. Vos ten-
pertinente. Procédez par itération et brouillons successifs pour tatives de formalisation vous informent et vous questionnent sur
travailler et révéler la structure naturelle des informations. les informations et leur compréhension ainsi que sur vos biais de
Faites plusieurs tentatives avec des angles de réflexion différents. réflexion. C’est en cela que la modélisation n’est pas un processus
Revenez régulièrement à la première étape de « connaissance linéaire.

CHAPITRE 9 | Technique de cartographie en différé 257

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Dix conseils pour prototyper votre visuel
Une des choses les plus compliquées est de changer son angle
de réflexion. Vous avez développé un raisonnement et avez du
mal à le challenger, à le faire évoluer, à le remettre en question, à
accepter de l’abandonner.
Voici quelques conseils pour vous aider au cours de ce processus
qui peut paraître inhabituel et inconfortable.

> CONSEIL N° 2 : JOUEZ POUR ÉVITER LE SYNDROME


« PROBLÈME-SOLUTION »
Ne tombez pas amoureux de votre première idée. Prenez le temps
de chercher et d’essayer plusieurs façons de cartographier les
informations.
La valeur n’est pas dans le résultat mais dans votre capacité à
questionner et identifier la façon dont les informations sont liées
les unes aux autres. Lors du prototypage, jouer à trouver la struc-
ture visuelle la plus efficace doit vêtre une obsession !
> CONSEIL N° 1 : SIMPLIFIEZ-VOUS LA VIE
Prototyper implique de pouvoir changer rapidement d’idée. À ce
stade, simplifiez les informations, ne cherchez pas à noter des
phrases entières. Vous êtes en « mode brouillon ». Utilisez des
mots-clés, des abréviations, des symboles. Ils seront plus faciles
et rapides à « manipuler ». Vous rendrez ces informations expli-
cites et complètes au moment de la finalisation de votre modèle.

> CONSEIL N° 3 : ACCEPTEZ DE VOUS PERDRE


Ne cherchez pas la solution. Explorez les possibilités. Jouez avec
des options, des alternatives. Toutes les pensées latérales qui
permettent de changer d’angle de réflexion sont les bienvenues.

258 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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> CONSEIL N° 4 : EXPLOREZ SANS JUGER > CONSEIL N° 6 : PRENEZ TROIS PAS DE RECUL
Chaque piste de réflexion peut contenir une partie viable de la Référez-vous régulièrement à vos objectifs, au profil de vos par-
solution. Elle peut se trouver dans l’aboutissement de la réflexion ticipants et à leurs besoins, au contenu brut. Que manque-t-il à
mais également dans la mécanique de réflexion. Acceptez que les votre brouillon ?
résultats probants de cette phase ne soient visibles que plus tard.

> CONSEIL N° 5 : REVENEZ RÉGULIÈREMENT > CONSEIL N° 7 : RENOUVELEZ VOTRE REGARD


AUX INFORMATIONS INITIALES
Prenez une pause, faites quelque chose d’autre pour rafraîchir vos
Nos processus de pensée ont tendance à tordre et interpréter les pensées, pour laisser s’estomper vos biais de réflexion. Revenez
informations. Revenir à la source, aux informations telles qu’elles avec un regard neuf. Essayez de ne pas chercher à repartir de
doivent être considérées, nous permet d’identifier celles que nous vos réflexions précédentes mais laissez-en plutôt apparaître de
avons omises, celles que nous avons transformées et celles que nouvelles.
nous avons ajoutées. Ces vérifications sont non seulement néces-
saires mais aussi salutaires.

CHAPITRE 9 | Technique de cartographie en différé 259

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> CONSEIL N° 8 : SOYEZ HONNÊTE AVEC VOUS-MÊME > CONSEIL N° 10 : TESTEZ AUPRÈS D’AUTRES PERSONNES
Présentez votre visuel comme si vous étiez en situation réelle, Testez votre visuel auprès d’un collègue, d’un ami ou bien même
face à votre audience… et soyez honnête avec vous-même : à quel auprès d’un échantillon de votre audience cible. Est-ce que les
moment feignez-vous ? Quand votre discours n’est-il pas aligné discussions qui en découlent sont celles que vous souhaitiez
avec la réalité et votre visuel ? Quand le visuel tord-il la réalité avoir ? Qu’est-ce qui a conduit votre audience à ces discussions ?
de votre sujet ? C’est là que vous devez creuser et travailler à Que manque-t-il ? Quels ajustements sont nécessaires ?
nouveau.

La place du dessin dans le prototypage du visuel


Lors de cette phase de recherche et d’expérimentation, l’objec-
tif et l’intention sont de rester flexible mentalement, de ne pas
s’attacher à une représentation sans en avoir testé d’autres, et
tout cela de manière soutenue. Le dessin peut y prendre place,
mais dans le respect de cette intention. Il serait risqué de trop
se concentrer sur la réalisation, sur l’aspect graphique et fini du
dessin. On veillera à rester souple mentalement afin de pouvoir
remettre en question ses choix.
En fonction de votre rapport au dessin, de la charge émotion-
> CONSEIL N° 9 : TRAQUEZ L’INFORMATION DUPLIQUÉE nelle que vous y mettez, ou tout simplement de l’attention que
cela mobilise, dessiner peut, à ce moment du processus, prendre
Si vous avez deux fois (ou plus) la même information à différents
le dessus sur la raison première de votre travail. Rappelez-vous
endroits du visuel, essayez de ne la cartographier qu’à un seul
que vous recherchez l’articulation des idées, le squelette du vi-
endroit. Puis, posez-vous cette question : comment, en gardant
suel, sa mécanique. Alors, faites des esquisses, des formes gros-
les mêmes liens, les autres informations se redéploient-elles ?
sières, ne cherchez pas à « dessiner ».

260 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Mettre trop d’énergie, d’attention et de temps dans le dessin est
un investissement qui pousse à ne plus faire demi-tour, à ne plus
EXERCEZ-VOUS !
s’autoriser à le remettre en question.
Si vous utilisez des « dessins », faites en sorte qu’ils vous per- Avant d’explorer la finalisation du modèle, prenez quelques
mettent de lier et d’articuler les informations. minutes pour identifier les points clés que vous vous propo-
sez de suivre lors de votre prochain prototypage.
Focus sur les Informations ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Lorsque votre prototype paraît optimal, vous pouvez ajouter la ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


chair autour du squelette. Vous avez travaillé avec des informa- ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
tions simplifiées (mots-clés, abréviations, symboles) pour faciliter
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
le prototypage. Ajoutez maintenant toute l’information textuelle
nécessaire pour que votre visuel ait besoin du moins d’explica- ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
tions possible.
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le travail sur l’organisation crée et utilise des biais de réflexion.
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ils sont tellement visités, revisités, qu’ils deviennent inconscients
et nous semblent évidents. Le risque est alors de ne pas clarifier ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
les informations pour les personnes à qui vous vous adressez, qui ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
elles, n’ont pas les mêmes biais.
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cette phase est l’occasion de revenir sur les informations initiales
à formaliser et de s’assurer qu’elles sont toutes présentes et com- ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
préhensibles. On retrouve ici les enjeux de formalisation des idées ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
clés : ne pas rester sur des mots-clés qui seraient interprétables.
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
À ce stade, vous devez arbitrer sur l’imagerie (icônes, person-
nages, dessins) à inclure dans le modèle. Vous devez également ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
choisir ce que vous mettez en exergue, ce que vous distinguez du ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
reste. Pour cela, vous utilisez les éléments de vocabulaire gra-
phique de manière cohérente pour construire une grammaire ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
visuelle perceptible. Ces choix de hiérarchisation peuvent égale- ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
ment faire l’objet de tests et d’essais.
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Restez attentif, il est fort probable que ce travail fera émerger
de nouveaux discernements, de nouvelles idées pouvant rendre ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
votre visuel plus efficace. Dans ce cas, refaites un prototype pour ............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
les inclure.
............................................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lors de cette phase, vous pouvez exploiter pleinement vos com-
pétences graphiques et vos talents de dessinateur.

CHAPITRE 9 | Technique de cartographie en différé 261

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 261 07/03/2023 18:10


La finalisation du modèle
En fonction des modalités et supports de travail que vous avez
choisis, vous devez finaliser votre visuel avant de l’utiliser et de
le présenter. Si vous avez travaillé sur tablette, cette démarche
peut être relativement rapide. Elle sera plus longue si vous avez
travaillé sur papier. Quoi qu’il en soit, elle est absolument néces-
saire. Vous devrez alors reproduire le visuel dans sa version fi-
nale, celle qui va servir de support à votre présentation.
Si cette finalisation ne vous semble pas représenter une grosse
mobilisation de l’attention, sachez qu’il n’en est rien. Vous n’allez
effectivement pas être mobilisé sur un niveau de réflexion intense
comme lors des phases précédentes. En revanche, votre pleine
attention est encore requise.
Ce que vous allez encrer sera ancré sur le papier. Si ce que vous
avez commencé à finaliser s’avère prendre trop de place au détri-
ment du reste du modèle, vous n’aurez pas la capacité de dépla-
cer et de réduire cette partie. Lors de la finalisation, vous devez
garder la conscience de l’ensemble du modèle, pendant que vous
vous concentrez sur la réalisation d’une partie spécifique.
Pour gérer au mieux la place nécessaire au reste du modèle, je
vous conseille fortement de définir les grandes zones au crayon
de papier, sans appuyer. En travaillant sur une de ces zones pré-
définies, votre attention peut alors y être tout absorbée sans que
votre formalisation n’influence les proportions et l’organisation
du reste du modèle. Il devient ainsi plus facile de se fier à cette
zone réduite pour ajuster la taille du texte et les éléments visuels.

Focus sur le Résultat


Finaliser votre modèle ne vous donne pas le résultat de la modé-
lisation. Vous ne l’obtiendrez qu’en utilisant votre modèle. Vous
serez alors en mesure de voir si votre modélisation est pertinente
et produit les échanges et discussions escomptés.

262 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Usage de votre modèle
Attention, votre vision et votre compréhension du sujet sont dé-
formées par un biais d’expertise. Vous avez exploré les méandres
du sujet, vous l’avez décortiqué, démonté et remonté dans tous
les sens, vous avez fait des arbitrages et décidé d’occulter cer-
taines parties, d’en mettre d’autres en avant, pour créer le mo-
dèle. Vous le connaissez par cœur !
Lors du processus de modélisation, vous avez pris soin de rajouter
toute l’information textuelle nécessaire pour faire en sorte que le
visuel puisse être compris sans explications additionnelles. C’est
l’intention que vous aviez pour vous assurer de sa compréhension.
Mais la réalité est tout autre. Certes, le visuel va être compris,
mais il sera interprété par les modèles mentaux de chacun de vos
interlocuteurs. Vous l’accompagnerez donc d’explications orales.
Vos interlocuteurs ne le découvrent qu’au moment où vous le leur
présentez. Vous devez donc les accompagner en leur donnant
toutes les clés de compréhension.
Commencez par partager l’objectif de votre présentation : rendez
explicite la raison pour laquelle vous leur présentez ce sujet et ce
que vous attendez d’eux à l’issue de la présentation. Vos interlocuteurs vont très rapidement s’appuyer sur le modèle
visuel pour questionner des éléments précis du sujet. C’est la
Puis, décrivez les grandes zones du visuel afin de familiariser vos
preuve que le sujet, dans sa globalité, a été assimilé.
interlocuteurs avec votre support. Inutile d’entrer dans le détail
du sujet à ce stade. Enfin, votre visuel sert de base pour agréger les commentaires et
informations additionnelles.
Maintenant qu’ils savent ce que vous attendez d’eux et où se
trouvent les grandes familles d’informations sur votre support, vos Validation de votre modèle
interlocuteurs ont le cadre et la vision globale. Ils sont prêts à ren- La pertinence de votre modèle ne peut être évaluée qu’à l’aune
trer dans le cœur du sujet et pourront s’appuyer sur le visuel pour du type de discussion qu’il vous permet d’avoir avec vos interlocu-
intégrer, à l’image globale, ce que vous allez leur dire. Vous pouvez teurs. Cette discussion (le résultat) correspond-elle à la vocation
donc faire votre présentation en suivant votre storytelling. que vous aviez définie pour le modèle ?
Faites comme Miss/M. Météo : autant que possible, indiquez à vos Si la discussion n’est pas celle que vous souhaitiez avoir, c’est le
interlocuteurs la zone que vous décrivez à l’oral en la touchant de la signe qu’il faut retravailler votre visuel. Posez-vous ces questions :
main. Lorsque vous passez d’un élément à un autre dans votre pré-
sentation orale, servez-vous du visuel comme d’un repère stable. • Quelles sont les informations manquantes ?
Vous vous appuyez alors sur une vision globale, sollicitez la vision • Quelles informations, ou quelle organisation de celles-ci, ont
repère et construisez une vision commune. généré cette discussion ?

CHAPITRE 9 | Technique de cartographie en différé 263

BibleFacilitationGraphique_V7.indd 263 07/03/2023 18:10


Ne soyez pas étonné de trouver de nouvelles idées, d’avoir de plus grande part de la valeur et du sens du visuel final est créée
nouvelles inspirations qui mériteraient de retravailler votre lors de cette phase. Ce cheminement a une valeur inestimable
visuel ! pour votre commanditaire. Aussi, organisez-vous pour qu’il puisse
Pour finir, créer un modèle visuel pertinent pour transmettre une en bénéficier en l’invitant à la réflexion et à réagir aux différents
vision, rendre accessible la complexité d’un sujet, demande de la prototypes. Confronté à d’autres modèles de son sujet, son mo-
méthode. Avoir conscience des personnes à qui vous vous adres- dèle mental pourra alors évoluer, s’affiner, se renforcer. Les dis-
sez, de leurs profils, de leurs besoins et de ce que vous attendez cussions générées par vos échanges dévoileront les orientations
des échanges, reste votre repère fixe tout au long du processus. à prendre pour la suite de la modélisation.
La valeur du modèle est produite lors de la phase de prototy- Cet engagement dans la coconception crée dès ce stade une ap-
page, lorsque vous recherchez l’organisation pertinente des propriation de l’outil visuel par votre commanditaire.
informations.
Le repère visuel que vous créez ainsi est non seulement utile pour Créer l’appropriation avant l’usage
embarquer vos interlocuteurs et qu’ils s’approprient le sujet, mais
également parce qu’il demeure un repère pour des discussions Parce que vous avez conçu le visuel et que vous êtes passé par
ultérieures. Il peut même servir de support pour que vos premiers toutes les phases de questionnement, d’évaluation, de recherche
interlocuteurs puissent cascader le sujet et les informations clés et de décision, vous en maîtrisez l’usage. Il vous faut maintenant
à leurs équipes. le remettre à votre commanditaire pour qu’il puisse utiliser cet
outil correctement.
Or, c’est un peu comme si l’architecte d’un labyrinthe en remettait
Concepteur versus utilisateur les clés au nouveau propriétaire qui envisagerait de le faire visi-
ter lui-même à d’autres personnes. Il lui faudrait du temps pour
Très vite, à force de créer des discussions de valeur grâce aux
appréhender les lieux…
visuels produits, vous allez être identifié comme une personne-­
ressource. Ce sont donc des commanditaires, internes ou ex- Alors, prévoyez un temps d’appropriation. Cette phase est d’au-
ternes à votre organisation, qui vous solliciteront pour concevoir tant plus cruciale que le commanditaire n’a pas participé à la
des visuels facilitant l’appropriation de leurs sujets. Dans cette coconception du visuel. Décrivez-lui les grandes zones et les prin-
configuration, vous n’êtes plus concepteur ET utilisateur du visuel. cipes de structuration que vous avez utilisés. Proposez-lui de l’ac-
Vous êtes « seulement » concepteur d’un outil que votre comman- compagner à la prise en main du visuel afin qu’il soit autonome
ditaire va utiliser. pour embarquer de nouvelles personnes dans son sujet.
Cette nouvelle configuration invite à reconsidérer deux moments Il devient l’utilisateur de l’outil visuel et doit être conscient que le
de la méthode de modélisation. visuel seul ne fait pas tout, qu’il sera interprété, qu’un échange
et une discussion s’appuyant dessus sont nécessaires. Rendez-le
conscient de ces précautions d’usage (Usage de votre modèle, vu
Inviter à la coconception précédemment).
Lors du prototypage, il s’opère un malaxage d’idées. Elles se
percutent, de nouvelles représentations émergent, de nouveaux
pans du sujet sont dévoilés, de nouvelles compréhensions se
­forment, des réalités potentielles commencent à voir le jour. La

264 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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CHAPITRE 10 - TECHNIQUES MIXTES ET AUTRES TECHNIQUES VISUELLES
Jusqu’à présent, nous avons abordé deux catégories de tech-
CHAP ITR E 1 0 niques : les techniques de cartographie en temps réel et celles
de cartographie en différé.
La cartographie en temps réel permet d’accompagner et de sou-
tenir l’émergence d’une vision. Dans ce contexte, la production

Techniques de la cartographie et son usage sont confondus dans le temps.


La cartographie en différé permet de rendre accessible et cohé-
rente la complexité d’un sujet. La production du visuel se fait à

mixtes partir de données stables et accessibles. Son usage se fait dans


un autre temps, une fois le visuel produit. Ce différé entre temps
de production et temps d’usage permet d’optimiser la formalisa-

et autres tion pour que forme et fond soient en parfaite résonance.


Ces contextes ont des spécificités particulières. Ils donnent aux
techniques des caractéristiques de mise en œuvre précises.

techniques Mais d’autres techniques mixent les contextes et paraissent plus


floues. D’autres encore semblent ne correspondre à aucun des
deux contextes mais relèvent cependant d’une posture de facili-

visuelles tation par l’usage des visuels.


Explorons ces « autres » techniques pour en clarifier le sens, la
mise en œuvre et les usages.

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La fresque de synthèse
Clarifier l’objectif et l’usage de la fresque
La fresque de synthèse est un enregistrement graphique (gra- Avant de vous lancer dans la réalisation d’une fresque, il est pri-
phic recording) dont le contenu ne se limite pas à une discus- mordial d’en définir le propos et l’usage. Le terme « fresque » parle
sion (scribing) mais couvre l’ensemble d’un atelier de travail. La de l’objet réalisé, pas du contenu dont elle doit rendre compte.
période alors considérée pour récolter les informations peut Avec votre commanditaire et l’organisateur de l’atelier, définissez
aller d’une demi-journée à plusieurs jours. Elle regroupe toutes et identifiez la valeur à créer via cette fresque.
les séquences de travail et typologies d’interactions de l’atelier
(inclusion, cadrage, exploration individuelle en sous-groupes, Cette dernière peut avoir pour objectif de refléter les réflexions
inter­vention d’experts, lectures, réflexions, décisions, priorisation, et le travail du groupe. Les participants y retrouveront alors les
­définition d’un plan d’action…). sujets abordés, les angles traités, les messages clés, leurs déci-
sions, leurs questionnements, les questions en suspens… Mais la
Cette technique permet de formaliser, au fur et à mesure, l’évo- fresque peut avoir un tout autre objectif en formalisant un su-
lution et le cheminement du groupe dans l’atelier. Ce type de vi- jet parallèle à celui de l’atelier, s’appuyant sur la présence et les
suel permet aux participants de prendre du recul sur ce qu’ils ont connaissances des participants, mais décorrélé de la mécanique
vécu. Ils peuvent le mettre en perspective avec les activités et les et des sujets de travail de l’atelier.
réflexions qu’ils abordent et le chemin qu’il leur reste à parcourir.
Voici quelques exemples de différents objectifs de fresque, tirés
de situations vécues.

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Exemples de fresques relatant les travaux réalisés
pendant la session

Session d’une journée réunissant des entreprises et filières orga-


nisées en GEIQ. Ce sont des entreprises qui se regroupent et pa-
rient sur le potentiel de personnes en difficulté d’accès à l’emploi
pour résoudre leurs problèmes structurels de recrutement en or-
ganisant des parcours d’insertion et de qualification. Réalisée au
Lab Pôle emploi, cette session avait pour objectif de collaborer
à la rédaction d’une convention de coopération avec les services
de Pôle emploi.

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 267

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L’atelier (une soirée et un jour) réunissait des responsables inno-
vation du secteur industriel de différentes PME. L’objectif de la
fresque était de retracer l’événement et le contenu des moments
clés des échanges. On y retrouve les différentes séquences de
travail.

268 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Exemples de fresques révélant d’autres angles de
réflexion que le contenu des échanges de l’atelier

La session de travail (deux jours) regroupait 500 managers stra- Cette fresque de 9 m x 2 m, réalisée à quatre mains avec Renaud
tégiques d’une organisation. Réunis pour élaborer la stratégie du Combes, symbolise la liberté donnée par la direction du groupe :
groupe et réfléchir à son influence, ils ont travaillé uniquement en prendre la main sur l’avenir. Une fois la session de travail termi-
sous-groupes, avec des missions et des orientations différentes. née, la fresque a été accrochée dans un espace commun à l’en-
Leurs réflexions étaient enrichies par une série de conférences, semble de l’organisation.
de recherches et d’inspirations.

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 269

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Lors de cette session, un grand groupe industriel avait réuni sa formalisées. Comme sur les réseaux sociaux, elles pouvaient être
communauté d’innovation pour mener des réflexions prospec- soulignées et renforcées par les autres membres avec des stic-
tives et stratégiques. L’ensemble des travaux et réflexions étant kers « Like ».
collecté et formalisé par d’autres moyens que le visuel, l’angle Cette fresque de 10 m x 3 m a été réalisée à quatre mains avec
choisi pour la fresque a été la création d’un feedback de la com- Guillaume Lagane.
munauté sur elle-même.
Certains membres ont été interviewés sur l’importance de la
communauté, ses intérêts, les orientations à lui donner, les
écueils à éviter, les points à renforcer. Leurs contributions étaient

270 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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L’organisation accompagnée avec cette fresque anime un réseau Conseils d’usages pendant et après un atelier de
de collaborateurs assumant un rôle de « relais de qualité de vie au travail
travail » (RQVT). Lors d’une journée d’animation du réseau, il leur
Utilisée en cours de session de travail, la fresque permet de faire
était proposé une formation et différents ateliers de réflexion.
un point d’étape. Les participants peuvent se remémorer les élé-
Défini avec le commanditaire, l’objectif de la fresque était de ments clés du travail réalisé et se projeter dans ce qu’il reste à
formaliser le rôle des relais. Elle devait permettre d’alimenter faire. Ces moments de prise de recul sont essentiels et structu-
une réflexion sur la manière de communiquer ce rôle auprès des rants pour la facilitation du groupe. Lorsque la session de travail
collaborateurs. se prolonge sur plusieurs jours, ces points d’inflexion sont très
D’une dimension de 3 m x 1 m, cette fresque a été réalisée par utiles à des moments clés de l’atelier.
Philine Bellenoue, sur la base d’interviews et d’informations gla- En fin de journée, un moment de réflexivité s’appuyant sur la
nées à différents moments du programme. fresque permet de prendre conscience du travail accompli. Cela
À la lecture de ces exemples, vous avez compris qu’il est néces- peut même être l’occasion de se fixer des intentions collectives
saire de définir clairement ce à quoi doit servir la fresque, dans pour le lendemain. Intentions qui infuseront durant la nuit.
quel but et auprès de qui.
Les réponses à ces questions vous permettent d’identifier les infor-
mations à considérer et informent également sur la manière de les
récolter, de les structurer et de les formaliser. Elles vous orientent
également dans le choix du matériel et des supports physiques.

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 271

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En début de journée, la fresque permet de réinvestir le travail de
la veille, de rappeler l’ambition et de lancer la journée avec un Conseils de construction
regard frais. Parce qu’elle est réalisée sur le temps d’un atelier, la fresque est
En fin de session, elle donne une perspective globale qui permet considérée comme une technique de temps réel. Cependant,
de conclure, de célébrer le travail de l’atelier et de l’articuler avec pour créer de la valeur, ce « temps réel » est à relativiser.
les étapes suivantes.
A posteriori, la fresque est un support riche et pertinent pour
communiquer, auprès du reste de l’organisation, sur les travaux
et conclusions réalisés pendant l’atelier. En fonction de l’enjeu et
de l’ambition de la session de travail, la fresque ancre et ravive
des moments fondateurs de la collaboration, de l’émergence et
de la construction collective.
Il n’est pas rare de retrouver dans le hall des sièges d’organi-
sation une fresque relatant les moments clés d’émergence de
stratégies.

Limites de la technique
Comme pour tout visuel issu d’une capture en temps réel, le
contenu reste pertinent sur une durée limitée. Il peut en effet de-
venir obsolète, l’organisation évoluant en même temps que son
environnement. La fresque reste la cristallisation en temps réel
d’un chemin de réflexion collective.
La production d’une fresque se caractérise par un visuel aux Articulez la récolte des informations
dimensions importantes. Il est alors nécessaire d’anticiper les et leur formalisation
aspects logistiques sur l’ensemble de son cycle de vie : appro- Lors d’une discussion scribée, l’attention du facilitateur et sa pro-
visionnement et stockage du matériel, montage des supports, duction sont concentrées sur un temps court (15 minutes à 1 h 30).
installation et flexibilité sur place, numérisation de la production, Dans ce contexte, nous l’avons vu, les processus de sélection,
dépose des supports, emballage et protection, acheminement de d’analyse et tri, et de formalisation sont à articuler de manière
la fresque vers son lieu d’exposition, réinstallation… rapide et continue. Il n’y a pas de réels « temps morts » pendant
lesquels prendre du recul et restructurer le contenu capturé. De
plus, la pression du temps contraint fortement le scriber dans la
mise en œuvre de ses compétences de formalisation.
Lors de l’accompagnement d’un atelier par une fresque, la pé-
riode de travail peut s’étaler de 4 heures à 3 jours. L’attention et
les modes de travail du facilitateur graphique sont donc à adap-
ter à ce contexte temporel.

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Il n’est pas nécessaire de formaliser le contenu au moment où il est
partagé. On a le temps de prendre du recul sur les informations,
de réfléchir aux possibilités de structuration et de formaliser pro-
prement. On articulera donc les moments de récolte (écoute et
sélection des informations) avec les moments de formalisation.

Temps de formalisation : analyse et tri, formalisation du contenu.


Dans ce moment il peut s’avérer nécessaire d’aller interroger nos
biais de réflexion auprès de participants, de consultants. Ceci
constitue une nouvelle récolte d’informations et vient alimenter
le processus d’analyse et tri. La formalisation peut intégrer l’en-
semble des contenus récoltés ainsi que ceux déjà formalisés.
Pour cela, on identifiera les périodes où des informations struc-
Temps de récolte : écoute, analyse et tri. turantes, répondant à l’objectif de la fresque, sont partagées. Au
travers de l’agenda de l’atelier, vous pouvez comprendre les méca-
Dans ce moment, la réflexion sur la formalisation n’a pas lieu
niques de traitement des sujets. Ces mécaniques vous indiquent
d’être. Elle pourrait même être contre-productive ou polluante,
les séquences qui relèvent de la mise en place de conditions de
menant in fine vers de la micro-illustration (accumulation de
travail adéquates, et les séquences desquelles émergeront les in-
pictogrammes).
formations importantes à collecter. Vous identifiez et distinguez
alors les périodes pendant lesquelles vous privilégierez la collecte
et celles où vous aurez le temps d’alimenter la fresque.
Cette approche peut être menée jusqu’aux derniers instants. On
formalisera ces derniers en temps réel afin d’avoir une fresque
finalisée à l’issue de l’atelier.

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 273

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Décomposition des moments d’écoute et d’intervention sur la
fresque (exemple dont le contexte a été détaillé plus haut dans
le chapitre).

Douze groupes travaillent en parallèle lors d’un atelier collaboratif sur


les enjeux des PME. Le traitement et la formalisation des productions sont
réalisées pendant le déjeuner des participants.

Conférence de Bertrand Piccard prise en note sur un carnet, modélisée par


la suite, puis reproduite sur la fresque alors que, de leur côté, les participants
assistent à des ateliers thématiques.

Messages clés de cinq ateliers (déroulés en parallèle) récoltés auprès des


animateurs à l’issue de leur intervention et formalisés à la pause.

Messages clés de trois ateliers (déroulés en parallèle) récoltés auprès des


animateurs à l’issue de leur intervention et formalisés à la pause.

Messages clés d’une intervention en plénière, formalisés en temps réel.

Messages clés d’une intervention en plénière, formalisés sur le temps des


ateliers collaboratifs.

Messages issus de l’instant de réflexivité sur l’événement


et de sa conclusion, réalisés en temps réel.

274 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Laissez émerger la structure de la fresque
En étudiant l’agenda de la session et les objectifs de chaque sé- En fonction des informations réelles récoltées, vous confirmez ou
quence, vous pouvez avoir une idée du type d’informations qui y infirmez alors ces structures visuelles, les adaptez, les transfor-
seront traitées. À partir de ces familles d’informations, vous pou- mez pour qu’elles servent au mieux le contenu et l’objectif de la
vez imaginer comment structurer la fresque. Attention, vous ne fresque.
pouvez « qu’imaginer » ! En aucun cas ces informations ne sont Ce travail de prototypage est à réaliser et à reconsidérer après
suffisantes pour délimiter formellement des espaces. Sinon, ces chaque séquence. En procédant de la sorte, vous accompa-
espaces seraient arbitraires et fondés sur une réflexion théorique gnez l’atelier en temps réel et laissez émerger la structure de la
et donc aucunement en adéquation avec la réalité de l’atelier. En fresque. Elle reflète ainsi la réalité.
effet, la nature réelle des informations et leur quantité ne vous
Au moment de la formalisation de la fresque, travaillez le contenu
seront données qu’au cours de l’atelier. En revanche, vous pouvez
sur trois niveaux de visibilité. Les grands messages structurants
imaginer des organisations en dessinant des structures poten-
doivent être lisibles de loin. Les informations secondaires y
tielles dans un carnet.
afférant sont lisibles à une distance intermédiaire. Enfin, les infor-
Ces réflexions relèvent de l’approche de prototypage que l’on mations détaillées sont lisibles de près. Organiser ainsi les infor-
travaille en différé. Elles permettent de créer et considérer des mations vous sert de guide lors de la construction de la fresque
options d’organisation, de possibles structures, des potentiels. et donne aux participants des points d’entrée et de navigation
dans son contenu.
Chapitre 9, Focus sur l’Organisation

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 275

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Les spécificités des canevas (templates) On considérera chaque canevas comme un outil spécifique. Ce
dernier devant être choisi, ou conçu, parce qu’il correspond exac-
Un canevas, ou template en anglais, est une grille prédéfinie ser- tement à ce dont le groupe a besoin, à un moment précis de son
vant de guide pour classer des informations. Cette trame peut travail.
prendre une forme de poster physique pour des ateliers de tra- Il existe donc autant de canevas qu’il existe de discussions.
vail en présentiel. Elle peut également exister sous forme numé-
Certaines discussions et processus sont récurrents dans la vie des
rique, intégrée dans un espace de travail collaboratif partagé de
organisations, comme l’idéation, l’établissement d’un diagnostic,
type Klaxoon, Mural, Miro…
la création d’une vision, le cadrage de projet, la définition de pro-
Quelles que soient sa forme et la structure qu’il propose, le cane- fils utilisateurs, une priorisation… Certaines de ces réflexions ont
vas permet d’accueillir des informations en les classant. donné lieu à des canevas pouvant être réutilisés. C’est le cas du
Contrairement au scribing, où la structure du visuel émerge en SWOT analysis, du RACI, du KISS, du Speadboat, du diagramme
écho aux informations qui y sont formalisées, la structure du ca- d’Ishikawa, du Persona, du Business Model Canvas…
nevas est préexistante aux échanges. Elle est réfléchie, choisie, Certains canevas comme le Kanban sont mis à jour régulière-
conçue, en amont de l’atelier. Elle est remplie en temps réel avec ment pour donner de la visibilité sur l’avancement et la charge de
les informations émergeant des échanges. Autrement dit, sa travail au sein d’une équipe. Véritable outil de pilotage visuel, le
conception est faite en différé, son usage se fait en temps réel. Kanban permet à l’équipe de prioriser, d’arbitrer, de répartir les
Le canevas est un modèle. Il a donc la propriété de cadrer for- tâches. De nombreuses applications de gestion (Trello, Monday…)
tement les échanges. La structure du canevas, c’est-à-dire les ont repris ce principe.
grandes familles d’informations qu’il présente (et omet de pré- D’autres discussions sont davantage liées à un contexte particu-
senter), influence les réflexions. Ainsi, une structure en quatre lier. À ce titre, elles nécessitent un canevas dédié pour accompa-
points pousse la réflexion à se faire elle aussi en quatre points. gner au mieux les échanges.
De même, la forme visuelle donnée à cette structure influence les Les exemples qui suivent ont été conçus spécifiquement pour
réflexions. soutenir les échanges et cadrer les contributions.

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Un des 24 templates conçus pour Eurordis pour l’ECRD : conférence européenne sur les maladies rares

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 277

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Un des 24 templates conçus pour Eurordis pour l’ECRD : conférence européenne sur les maladies rares

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Un des 24 templates conçus pour Eurordis pour l’ECRD : conférence européenne sur les maladies rares

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 279

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Template conçu pour Genepsy pour accompagner l’anamnèse et le diagnostic neuropsychologique des patients

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Template conçu pour Genepsy pour accompagner l’anamnèse et le diagnostic neuropsychologique des patients

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 281

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Conseil d’usage des canevas
Puisque le canevas cadre fortement les échanges, son usage
doit être évité dans une phase de divergence. En revanche, lors
d’un processus de divergence-exploration-convergence, les deux
derniers temps peuvent éventuellement bénéficier de cet outil de
cadrage.
Lors de ces phases de travail, le canevas peut être utilisé de plu-
sieurs façons en fonction des besoins : il peut servir de support
de capture lors d’une discussion, ou de support de restitution du
travail des sous-groupes, ou encore de support de présentation.

Alors que les exemples de canevas précédents permettent de


collecter et classer les informations au fur et à mesure de leurs
partages, certains canevas servent à alimenter et générer des
échanges. C’est le cas par exemple d’une matrice de priorisation.
Elle est utilisée pour analyser et classer des informations déjà
identifiées. Lorsqu’il s’agit d’actions ou d’idées, les critères de
classement sont souvent « la faisabilité » et « les enjeux ». Le posi-
tionnement sur ces deux axes donne lieu à des échanges et per-
met in fine de mettre en exergue les actions/idées prioritaires :
celles qui présentent le plus d’enjeux pour l’avenir et qui sont les
plus faciles à mettre en œuvre.
Bien évidemment, les deux critères de priorisation peuvent
être adaptés au contexte et relèvent d’un choix stratégique de
facilitation.

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Réflexion-collecte et discussion
Support de collecte d’informations Commencez par présenter le sujet de réflexion en vous appuyant
Un canevas peut être utilisé pour collecter les informations clés sur la structure visuelle du canevas. Cela aide les participants à
d’un échange. Cette collecte peut être faite par le facilitateur naviguer dans les différentes catégories pendant l’émergence de
de l’atelier, lors d’un échange plénier, par un animateur de sous- leurs pensées.
groupe ou par chaque individu lors d’une présentation d’un sujet. Laissez un temps de réflexion individuelle (à formaliser sur Post-it
Ce support permet de capturer les informations uniquement liées par exemple) pour chacune des catégories.
aux catégories présentes dans la structure du canevas. Lorsqu’il Pour collecter les contributions, vous pouvez envisager plusieurs
est bien conçu, il donne à voir les liens qui existent entre les ca- processus :
tégories d’information. Cette technique facilite donc la prise de • collecter les contributions catégorie par catégorie. Cela per-
notes puisque la structure visuelle est déjà existante. met de faire le point et de consolider toutes les informations,
L’usage des canevas prend tout son sens lorsque la sélection d’in- par catégorie ;
formations devient une base pour une réflexion ultérieure, dans • collecter l’ensemble des contributions avant de revenir consoli-
le processus de facilitation. der les données, catégorie par catégorie ;
Lors de l’usage d’un canevas pour collecter les contributions d’un • laisser libre le partage des contributions en allant chercher les
groupe, plusieurs choix s’offrent à vous. suivantes par similarité, opposition ou complémentarité. On ne
considère alors pas les catégories les unes après les autres, ce
qui tisse des liens entre les contributions et rend compte d’une
vision globale plus affinée.
En fin de collecte, une fois l’image globale formée, il est toujours re-
commandé de lancer une discussion qui permet de prendre du recul.

Discussion et capture
Commencez par expliquer l’objectif de la réflexion et la structu-
ration du canevas puis lancez la discussion. Au fil des échanges,
sélectionnez les informations qui alimenteront les différentes ca-
tégories du visuel et placez-les dans les zones prédéfinies.
La discussion peut être libre et couvrir l’ensemble des sujets pro-
posés par le canevas ou être orientée en suivant un ordre, par-
mi les sujets. Dans ce cas, le cheminement parmi les catégories
influence la discussion et doit donc être un choix conscient de
facilitation.
À l’issue des échanges, la vision globale est construite. Il convient
Exemple d’un canevas avec les contributions de participants donc de proposer une prise de recul, en essayant d’identifier les
incohérences, les points de vigilance, les risques, les manques ou
encore les priorités…

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 283

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Si la personne qui capture le contenu d’une discussion dans un
canevas voit son travail facilité par la préexistence de la struc-
ture visuelle, elle doit garder en conscience que cette facilité
ne doit pas se faire au détriment du processus de travail et du
besoin du groupe. En effet, dans tous ces contextes, le canevas
impose un prisme de sélection des informations.
D’autre part, lorsque le canevas et la collecte sont visibles de
tous, le canevas influence également la discussion. Le risque
premier est la perte d’informations importantes sous prétexte
qu’elles ne rentrent pas dans une case du canevas.

Support de restitution des sous-groupes


Lorsque plusieurs sous-groupes travaillent en parallèle, il y a fort
à parier que leurs échanges prennent des directions différentes.
C’est d’ailleurs l’une des raisons premières pour faire travailler
des participants dans cette configuration. En fonction des objec-
tifs de la session et de la phase de travail, il peut être nécessaire
de comparer les différentes productions.
Dans ce cas, il est très intéressant d’utiliser un canevas de
restitution. Il permet non seulement la sélection d’informations
similaires mais également leur présentation dans une même
organisation spatiale. Lors de la restitution des travaux, les
participants peuvent s’approprier rapidement la production des
autres sous-groupes.
Lors du travail en sous-groupe, laissez un temps de discussion
libre qui permet aux réflexions de diverger. Soumettez le canevas
au groupe en fin de phase divergente pour aider les participants
à synthétiser leurs échanges et préparer la restitution.
Ainsi, la production bénéficie du bouillonnement intellectuel
avant que le canevas ne vienne écumer ce qui est à restituer.
Lors de la restitution, sachant que, par nécessité, le canevas n’est
venu sélectionner qu’une partie de la richesse des échanges, pre-
nez soin de demander ce qui a été important dans les discussions
et qui ne figure pas sur le support.

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CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 285

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Dans ce sens, lors de la conception du support, vous pouvez y in- À l’issue de votre présentation, la série de questions-réponses
tégrer un espace dédié : « Autres sujets importants à partager ». peut faire émerger de nouveaux éléments ou des précisions.
Enfin, les canevas de restitution peuvent aussi être pensés comme N’hésitez pas à compléter le contenu du visuel pour augmenter
des supports à assembler lors de la restitution des sous-groupes. l’appropriation de votre sujet par vos interlocuteurs.
Imaginons avoir fait travailler quatre sous-groupes de managers
dans des directions différentes. Il leur est demandé de réfléchir Principes et conseils de construction
à des solutions à mettre en œuvre. Le canevas de restitution qui
leur est proposé les invite à ne sélectionner que les solutions re- La construction d’un canevas se fait en différé, avant son utilisa-
levant de leurs champs d’action et celles relevant de leur zone tion. Le canevas est en réalité un modèle dont le contenu détaillé
d’influence (voir visuel page précédente). est manquant. Vous pouvez donc vous appuyer sur les principes
de la méthode VOIR® : garder les grandes familles d’informa-
tions, identifier les liens entre ces familles, prototyper, formaliser.
Support de présentation
Attention, contrairement au processus de modélisation habituel,
Quel que soit le canevas que vous aurez conçu en amont, com- pour concevoir un canevas vous devez travailler sur les grandes
mencez par partager l’objectif de votre présentation. Puis ap- catégories d’informations. Ne cherchez pas à subdiviser les ca-
puyez-vous sur la structure du visuel pour décrire les grandes tégories en sous-catégories potentielles… Ne faites pas le travail
catégories et donner les repères visuels qui permettront à vos de réflexion du groupe à sa place. L’astuce est de rester sur les
interlocuteurs de naviguer en toute autonomie dans le canevas. questions que vous lui poseriez à l’oral pour lancer sa discussion.
Les informations détaillant chaque catégorie peuvent être no- Vous devez également penser en espaces. L’objectif de la dé-
tées directement dans le support ou être écrites sur des Post-it marche est de laisser le maximum de place pour accueillir les
individuels (une information = un Post-it). informations des utilisateurs du canevas.
La première option révèle directement à vos interlocuteurs Enfin, vous ne pouvez pas présumer de la quantité d’informa-
l’image globale de votre sujet. Avec la deuxième option, vous tions qui viendra compléter chaque catégorie. Elle dépend des
pouvez séquencer le partage des informations en révélant les personnes en discussion, de leur sensibilité et de la tournure que
catégories au fur et à mesure. prennent leurs échanges. Par défaut, veillez à équilibrer les dif-
Autre astuce pour faciliter le séquençage : notez l’ensemble des férents espaces.
informations sur le canevas et cachez-les avec des Post-it que Illustrons ce point par un exemple : vous faites travailler des par-
vous numérotez dans l’ordre de présentation. Vous n’avez plus ticipants sur une transformation. Vous devez leur faire analyser
alors qu’à les révéler un par un. la situation existante, la situation cible, les actions pour passer
Enfin, partagez le contenu de votre présentation, soit en balayant de l’une à l’autre, l’état d’esprit favorable à la transformation et
le canevas catégorie par catégorie, soit en suivant le développe- les écueils à éviter.
ment d’une histoire naviguant d’une catégorie à l’autre.
Quelles que soient les options que vous prenez, vos interlo­cuteurs
bénéficient de la structure visuelle du canevas pour se repérer
dans les catégories d’information.

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Cette formalisation
crée un espace
pour chaque
catégorie
d’information,
mais la structure
ne rend pas visible
la nature des
catégories et leurs
liens.

La schématisation
symbolique
montre les liens
mais ne crée
pas les espaces
pour accueillir
le contenu des Cette configuration semble plus appropriée et remplit tous les
réflexions. critères.

Lors de la conception d’un canevas, vous pouvez avoir envie d’uti-


liser une métaphore. C’est faisable, mais à condition qu’elle serve
bien le propos (Chapitre 2, Arrêt sur un modèle particulier : les mé-
taphores). En effet, utiliser un univers léger et bucolique pour trai-
ter un sujet lourd et impactant pour la vie des personnes ne crée
Cette mise en pas de bonnes dispositions mentales pour la réflexion. Vous risquez
espace montre même de braquer certaines personnes, ce qui ne faciliterait pas
les liens et permet les échanges. Encore une fois, la métaphore est à manipuler avec
d’accueillir les beaucoup de précautions.
informations. Mais
les espaces ne sont Vous trouverez des exemples de canevas (templates) sur Internet.
pas équilibrés. Des entreprises de conseil en ont fait un produit commercial. C’est
le cas de The Grove Consultants de David Sibbet. Enfin, des ou-
vrages exposent de nombreux modèles, comme Bikablo Posters
(Éditions Neuland) qui propose plus de 130 exemples de canevas.

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 287

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Les images inductives
Les images inductives stimulent la réflexion en déclenchant l’ima- Les images apportant de l’émotion et un pont symbolique entre
gination, ou un écho émotionnel, rendant ainsi accessibles et in- les pensées et leur expression, certaines personnes se dévoilent
telligibles des idées et des pensées. Leur usage ajoute un niveau en partageant des informations plus émotionnelles que d’habi-
émotionnel aux pensées rationnelles et permet de travailler les tude, notamment lorsque la question est personnelle et axée sur
représentations. le ressenti.
Pour utiliser cette technique visuelle, un nombre relativement im- Soyez donc prêt à accueillir ce type de contributions.
portant d’images est nécessaire. Une trentaine d’images variées Lors d’une démarche de créativité, vous pouvez stimuler une idéa-
donne le choix aux participants et stimule leur réflexion. Ces tion et des pensées obliques à l’aide de ces images : prendre une
images peuvent être descriptives, symboliques, oniriques, abs- image au hasard, laisser exprimer ce qu’elle évoque et réorienter
traites. Elles doivent proposer une diversité d’objets, de couleurs, la discussion ou la réflexion à partir de cette nouvelle stimulation.
de situations, de lieux, d’actions, de personnes, de matières…
L’usage de ce type d’images a donné lieu à une méthode créée
Vous pouvez utiliser les images du jeu de société Dixit, acheter
dans les années 1960, appelée « photolangage ».
un jeu d’images sur Internet ou tout simplement vous constituer
votre propre jeu.
Leur usage se passe en deux temps : le choix de l’image puis l’ex-
plication du choix.
Commencez par identifier le sujet sur lequel vous souhaitez obtenir
la contribution des personnes. Formulez une question qui permet-
tra aux participants de choisir une image reflétant leur pensée.
Laissez-leur le temps de la réflexion et du choix. Pendant la sélec-
tion, pour permettre à chacun d’aller chercher ce qui l’anime réel-
lement, faites respecter le silence et évitez les échanges. Vous
pouvez autoriser le choix de plusieurs images mais une seule peut
aussi s’avérer suffisante.
Une fois les choix réalisés, le partage peut commencer. Il s’agit
alors de demander à chacun de présenter son image et d’expli-
quer les raisons de son choix.
Lors du partage, veillez à faire respecter les points de vue de
chacun.

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CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 289

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Les images situationnelles
Le principe de ces images est de proposer une situation géné- Elle peut également permettre de créer une dynamique d’enga-
rale et de nombreux personnages la peuplant. Chacun d’eux est gement et la définition d’objectifs personnels, en procédant en
représenté dans une situation spécifique : en observation, en pos- quatre étapes :
ture attentive, attentiste, en situation d’équilibre, de surplomb, de • Première étape, faire l’audit de la situation actuelle : « Où
chute, à différentes étapes d’ascension… vous positionnez-vous aujourd’hui sur tel poste ou sur telle
Une telle image propose aux participants de parler facilement compétence ? »
de leur positionnement par rapport à un sujet ou une situation. • Deuxième étape, projection de la situation cible : « D’ici un an
Vous pouvez, par exemple, demander à chacun de choisir le per- (fixez une projection temporelle réaliste et sensée), où souhai-
sonnage qui symbolise la posture dans laquelle il se sent par teriez-vous être ? »
rapport au sujet principal de la rencontre. Attention, en tant que • Troisième étape, rendre explicite la tension créative : « Quels
facilitateur, ne vous fiez pas à votre propre interprétation de la sont les enjeux ? », « Quelles seraient les conséquences si vous
situation du personnage choisi. Un personnage qui chute peut n’y parveniez pas ? », « Qu’est-ce que cela vous permet de faire,
avoir des significations extrêmes, telles que le lâcher-prise et la vous apporte ? »
confiance ou à l’inverse une perte totale de repères. D’autre part,
deux personnes peuvent avoir choisi le même personnage mais Chapitre 3, Creating the Problem
pour des raisons radicalement différentes. Laissez chacun don-
ner sa propre interprétation. Comme pour une image inductive, • Quatrième et dernière étape, expression de ce qui permet de
la valeur de cette technique se situe dans les raisons du choix. passer d’une situation à l’autre : « Qu’est-ce qui vous permet de
Offrez donc aux participants le temps de s’exprimer. Les par- dire que vous êtes dans la nouvelle situation ? », « Vous êtes ar-
tages sont riches de contenus et d’informations utiles, pour pou- rivé dans la situation cible. Quelles actions concrètes vous ont
voir accompagner chaque individu et le groupe dans son travail. permis d’y parvenir ? Quelle posture ? Quels choix et quelles
Attention, les choix sont entièrement subjectifs : n’en déduisez concessions ? Quels pièges avez-vous évités ?… »
pas de relation et n’en tirez pas de conclusion.
Cette technique peut être utilisée pour auditer une situation :
« Comment vous positionnez-vous sur le sujet de cette forma-
tion ? », « Comment vous situez-vous sur le sujet à l’issue de cette
formation ? », « Comment vous sentez-vous par rapport aux pro-
positions produites dans cet atelier ? »

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CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 291

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La vidéo pédagogique Conseils pour la réalisation de vidéos pédagogiques
Peut-être avez-vous vu des vidéos dans lesquelles une main des- Pour réaliser des vidéos pédagogiques, au-delà des conseils men-
sine « en temps réel » ce que dit le narrateur. Est-ce du scribing ? tionnés plus haut, il est nécessaire de distinguer et de séquencer
Est-ce de la facilitation graphique ? la construction des messages et la construction du visuel.
Pour tenter de répondre, explorons ensemble le sujet. La colonne vertébrale de ce média reste le script de la voix off.
C’est lui que viennent soutenir l’apparition et la formalisation du
Attention aux faux-semblants visuel. Il est donc préférable de travailler le visuel à partir d’un
script validé et définitif.
Tout d’abord, considérons ce que nous voyons : le visuel se forme
La démarche de conception du visuel doit se faire comme celle
en même temps que les messages, on pourrait donc penser qu’il
d’une modélisation. Il est nécessaire de sortir de l’aspect linéaire
s’agit de temps réel. Mais ce n’est pas le cas. Comme pour un film,
de présentation des informations pour travailler leur spatialisa-
la construction du visuel est scénarisée, filmée puis synchronisée
tion afin de rendre visibles et compréhensibles la nature des in-
au montage avec la bande-son. D’autre part, la construction du
formations et leurs liens. Une fois le modèle réalisé et validé, il est
visuel n’aide pas à l’émergence des messages puisqu’ils ont éga-
temps de procéder au tournage. Durant cette captation vidéo,
lement été scénarisés. Ce n’est donc pas du scribing.
l’exécution du visuel doit suivre l’ordre linéaire du script.
N’ayant pas le contexte d’usage de la vidéo, il est impossible de
Cette source visuelle peut alors être synchronisée avec la voix off
garantir qu’elle soutient un processus de travail. Cependant, à
lors du montage.
condition de remplir certains critères, la conception et la réali-
sation de ce type de vidéo peuvent relever d’une démarche de
facilitation graphique.
Mais pour cela, les informations qu’elle présente doivent rester
accessibles tout au long de la vidéo. Effacer les messages clés
présentés pour en afficher d’autres revient à réaliser une vidéo
classique avec un principe de présentation linéaire. Cela em-
pêche l’intégration des informations dans une vision et une com-
préhension globales.
D’autre part, la construction du visuel doit être pensée comme
une modélisation et non comme une simple illustration des pro-
pos. On doit donc y retrouver les messages clés clairement écrits
et une structuration des informations révélant leur structure.
Réalisées de cette manière, ces vidéos peuvent avoir un effet très
productif d’un point de vue pédagogique. Cependant, le format
vidéo étant « descendant » (l’information est poussée vers l’audi-
toire), il ne permet pas de s’assurer de la réception des messages,
de leur compréhension claire ni de l’appropriation du sujet. Seule
une discussion et un échange le permettent.

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Le vote par gommette
Alors qu’une image situationnelle rend explicite le positionnement En revanche, une seule gommette par proposition et par par-
de chaque personne, le vote par gommette rend visible le posi- ticipant révèle l’avis de chacun sur l’engagement du groupe :
tionnement d’un groupe. Ce positionnement permet de prioriser, « Quelles sont les propositions sur lesquelles le groupe devrait
ou d’arbitrer parmi plusieurs propositions, idées ou solutions. s’engager en priorité ? », « Quelles sont les propositions qui pré-
Si la mécanique d’un tel procédé peut sembler simple, elle recèle sentent le plus de chances de réussir dans notre organisation
une petite subtilité qui n’est pas anodine. En effet, le résultat peut telle qu’on la connaît ? »…
changer du tout au tout selon la manière dont vous vous y prenez. Soyez vigilant : lors du vote, il est essentiel de faire se déplacer
Tout d’abord, la question posée, qui permet aux participants de tous les participants en même temps et non chacun à son tour.
faire leur choix, doit être extrêmement claire et sans ambiguïté. Vous pouvez leur demander d’identifier mentalement leurs votes
Ensuite, vous devez savoir ce que vous cherchez à obtenir : est-ce avant de les inviter, tous ensemble, à venir le rendre visible avec
à sélectionner une seule proposition ou celles qui rencontreront leurs gommettes.
le plus de faveur de la part du groupe ? Cela évite, ou réduit, les temps d’hésitation et les influences des
Enfin, si vous octroyez plusieurs gommettes à chaque participant, premiers votes sur les suivants.
la consigne d’usage doit être précisée. Un même participant a-t-il
Vous considérez peut-être que certaines des techniques présen-
le droit de voter plusieurs fois sur la même proposition ? En fonc-
tées dans ce chapitre ne relèvent pas de la facilitation graphique.
tion de la consigne, le résultat est impacté car vous ne mettez
Il m’a semblé important de les aborder car, au-delà de la forme
pas en évidence les mêmes choses. Plusieurs gommettes-votes
ou de l’objet créé/utilisé, elles procèdent d’une même intention :
d’une même personne sur une même proposition révèlent un
permettre la prise de conscience, soutenir et stimuler une discus-
engagement purement individuel en réponse à des questions
sion par le fait de rendre visible et accessible une structure de
du type : « Sur quelles propositions choisissez-vous d’investir
pensées, une structure d’idées. En facilitation, quels que soient
votre temps ? », « Quelles propositions peuvent recevoir votre
l’outil et la technique utilisés, l’intention de leur mise en œuvre
soutien ? »…
doit toujours être au bénéfice du groupe.

CHAPITRE 10 | Techniques mixtes et autres techniques visuelles 293

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SECT I ON I V

Ressources
complémentaires disponibles
en ligne

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Le matériel, physique et digital
En facilitation graphique, le choix du matériel et des outils peut
vite devenir obsédant, voire bloquant. Mais, soyons clair : il n’y a
pas de matériel miracle car le matériel se compose d’outils ayant
chacun leurs intérêts propres et leurs limites.
Le propos de ce chapitre est de vous donner de la visibilité et des
conseils pour vous équiper au mieux, selon vos objectifs et votre
contexte. Ces conseils sont issus de mes expériences et ne sont
donc pas exhaustifs. Ils ont pour but de faciliter vos choix selon
que vous cherchiez à créer vos propres supports, vous adapter à
un contexte et un environnement spécifiques ou que vous décidiez
d’équiper un lieu de travail.
Choisir du matériel adapté, c’est s’assurer de la qualité de la
production visuelle et de sa facilité de traitement numérique en
post-production.
Quels outils et quels supports choisir dans votre contexte ? Quelles
spécificités techniques offrent-ils ? Où vous approvisionner et pour
quel coût ?
Que vous ayez besoin de laisser une trace physique du visuel ou
non, que vous accompagniez un groupe en présentiel ou en distan-
ciel, découvrez en ligne les outils et matériels adéquats ainsi que
des conseils d’usage.

296 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Post-production et usages
Ce chapitre livre les bases et des astuces très concrètes concer-
nant la post-production. Cette dernière concerne toutes les
étapes qui succèdent à la production du visuel et permettent de
l’utiliser dans un autre contexte.
Le visuel sera-t-il présenté sur le support de réalisation ? Le visuel
doit-il être imprimé en plusieurs exemplaires, au format poster ou
plus grand encore ? Sera-t-il projeté sur un écran ?…
Il existe de nombreuses façons de mener les étapes de post-
production. Elles sont dépendantes des outils, des supports de
réalisation et des critères liés à l’usage (transport, transfert, for-
mat, support, temporalité…). Prendre en considération l’usage
final permet d’anticiper et de choisir les outils appropriés à la
production, de gagner du temps et d’assurer une qualité du visuel
et de son usage.
Comment éviter les pièges de la post-production ? Quelles
étapes suivre et comment les optimiser ? Quels outils choisir aux
bons moments ?
Découvrez en ligne les principes vous permettant de digitaliser et
de traiter numériquement vos visuels.

Ressources complémentaires disponibles en ligne 297

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Principes d’entraînement
Certes, la théorie donne des repères et des éléments de compré-
hension. Mais seule la pratique permet de progresser. La qualité
de votre progression est corrélée aux entraînements par lesquels
vous développez vos compétences et aux opportunités de mise
en application de vos nouvelles capacités. Se posent alors plu-
sieurs questions…
Par quelle technique commencer ? Quel objectif se fixer ?
Comment progresser, à quel rythme et sur quelles compétences ?
Découvrez en ligne les réponses à ces questions. Développez
l’état d’esprit adéquat et suivez les conseils pour construire l’en-
traînement qui vous correspond. Appuyez-vous sur une trame
pour concevoir votre premier plan d’entraînement.

298 LE GRAND LIVRE DE LA FACILITATION GRAPHIQUE

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Remerciements

Merci,
À Armelle Chambris pour son aide et son accompagnement précieux à l’écriture… et pour « la maison
que Pierre a bâtie ».
À mon éditrice Julie Berquez pour son accueil et sa confiance et à toute l’équipe chez Eyrolles pour la
finalisation de ce livre.
À tous mes partenaires d’aventure professionnelle : mes compagnons des premières heures à l’ASE, les
membres du ValueWeb, de Wild is the Game® et de Marker Power®, pour nos échanges, nos soutiens
et challenges mutuels, ces moments partagés qui m’ont apporté matière à réflexion, développements
et apprentissages.
À tous ceux qui ont ouvert la voie et qui ont posé des repères : Matt Taylor, Gail Taylor, David Sibbet,
Brian Coffman, Kelvy Bird, Dan Newman, Martin Hausman et les autres.
À toutes les personnes qui ont contribué à ce livre par leurs témoignages ou leurs relectures, conseils
et retours : Matt Taylor, Philippe Labat, Martin Hausman, Philine Bellenoue, Anne-Laure Prévost, Julien
Goby, Alfredo Carlo, Esther Loubradou, Olivier Sampson, Guillaume Lagane, Renaud Combes, Yann
Chapus, Caroline Isidore Weibel, Philippe Coulomb, Maxime Legal.
À tous les clients et participants que j’ai croisés et accompagnés, pour la matière première qu’ils m’ont
offerte afin d’œuvrer à leur bénéfice et au développement de mes expériences.
À vous, lecteur, pour l’intérêt que vous portez à l’impact des visuels. Puisse ce livre vous avoir apporté
des éclairages, des repères, des conseils, des prises de conscience et des pistes pour développer vos
compétences.
Enfin, à ma femme et à mes filles pour leur présence chaleureuse quotidienne et pour le temps offert
pour accoucher de ce livre.

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