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ETUDES

REVUE PARAISSANT LE 5 ET LE 20 DE CHAQUE MOIS

58e ANNEE. – TOME 166° DE LA COLLECTION

FRANCE: UNION POSTALE:

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Un an 30 fr. Six mois 16 fr. UNAN 35 fr. Six mois.. 18 fr.

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5 JANVIER 1921
I.
– '`·Ie EN'
XOMUDE C~~D~~PIRITUS
DÉ^ÈeRITURE SAINTE D'APRÈS
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II. –
NÎENCYWQÙESP/fi/TUS PAIiACUTUS.
PAItACLII'US. Joseph
~oseph Huby
LA RECONSTRUCTION SPIRITUELLE DU PAYS..
– LE RECRUTEMENT DU SACERDOCE
QUELQUES
Huby

Paul Doncœur
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III.– LE PROBLÈME DU BÉNÉFICE,
SOLUTIONS MODERNES (Fin) du Henri Passage. 32
LES JUIFS EN HONGRIE. – BÊLA Kl/JV OU
IV. –
UN
JEAN HUNYADE.
CRIMINEL.
III. L'ACTION LÉGALE. Joseph
NOUVELLE
Boubée.
Philippe Henriot
5.
V. 67

TICAN,
VI. CHRONIQUE DU MOUVEMENT RELIGIEUX.
AU PALAIS-BOURBON. – LA REPRISE DES
RELATIONS DIPLOMATIQUES AVEC LE VA-
Yves de la
REVUE DES LIVRES. Religion et Piété N. A. Condamin; A. Oldra
Brière
· 83
VII.
C. Gonthier; C. Sadet Plus H. Watrigant J. Navatel. Morale
Mgr Chollet A'. Lehmknhl V. Cathrein.– Philosophie E. Rignano
E. Lasbax. Questions historiques et sociales Action Popu-
taire L. Groulx J. Lescure P. Nourrisson P. Pezeu. Hagio-
graphie Mgr Touchet A. Renaud Mgr H. Debout A. Hamon

Aubert
D.-J.~Mcoldï. Monographies: A. Lahure P. Desmarquest;
F. Lavallée J. Vaudon. Questions actuelles P. Heuzé Cher-
fils E. Lémonon A. Ferry C. de Lazerme. Poésie J. Suber-
ville M. Leclerc Th. Botrel. Sciences A. Jacquet Ch. Mou-
reu ;R. Lespiau F.Soddy. -Arts A.-C. Emmerich et Malo Renault.
A. Boinet; M. 10a
VIII. ÉPHÉMÉRIDES DU MOIS DE DÉCEMBRE ig2o 127

PARIS
BUREAUX DES ÉTUDES
5, PLACE SAINT-FKANÇÔIS-XAVIER (VIIe)
(Place du Président-Mithouard)
1921 –
Compte de chèques postaux
M. Jalabert, n» 155.55
ÉTUDES
REVUE FONDÉE EN 1856

pa#Èe^%res DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

> ET PARAISSANT LE 5 ET LE 20 DE CHAQUE MOIS

68* ANNÉE. – TOME 166* DE LA COLLECTION

JANVIER-FÉVRIER-MARS 1921

PARIS
BUREAUX DES ÉTUDES
5, PLACE. SAINT-FRANÇOIS-XAVIBR (VHO
–I 9 2 I–
L'ÉTUDE DE L'ÉCRITURE SAINTE
xs^n^K d>après
UmmCLIQUE
SPIR1TUS PARACLITUS

NEnyCÊ"jqïii$S?reme centenaire de la mort de saint Jérôme,


Sa SâÎBïeiféïtf pape Benoît XV voulu offrir
a au « très grand »
docteur un digne tribut de louanges. 11 a adressé à tous les
fidèles une Lettre pour célébrer les mérites du traducteur
et commentateur de nos saints Livres. L'éloge qui met en
lumière le parfait accord de saint Jérôme avec l'enseigne-
ment de l'Église catholique, a donné au Souverain Pontife
l'occasion de confirmer et de préciser d'importants points
de doctrine, relatifs à l'Écriture. Le présent article n'a
d'autre but que de signaler, par un bref commentaire, ces
enseignements du Siège apostolique'.
I
L'Encyclique commence par résumer la vie de saint
Jérôme, en s'attachant à montrer quel fut son zèle pour
l'étude de la Bible. Elle rappelle ses labeurs austères au
désert de Chalcis, près d'Antioche de Syrie, son assiduité
aux leçons de saint Grégoire de Nazianze à Constantinople,
son activité à Rome sous le pape Damase, le patient travail
de ses dernières années à Bethléem9.
Après cette esquisse, le Souverain Pontife expose quelle
fut la doctrine de saint Jérôme sur l'Écriture. Le fonde-
ment en est le dogme de l'inspiration. Les livres du Vieux
et du Nouveau Testament ont été écrits sous l'inspiration
i. Le texte latinde l'Encyclique a paru dans les Acta Aposlolicae Sedis du i5 sep-
tembre 1930; une traduction française en a été donnée par la Documentation catho-
lique (16 et 23 octobre 1990) et de notables extraits par te* Nouvelles religieuses
(i5 octobre, i et 15 novembre 1930).
a. Les récenta articles de M. Adhémar d'Alès ont donné là-decsua aux lecteurs des
Iludes, tous les renseignements désirables.
du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur et ont été transmis
comme tels à l'Église catholique; mais l'action divine ne
supprime pas la libre coopération de l'homme. Saint Jérôme
maintient également ces deux points les affirmations de
l'Écriture sont vraiment l'expression de la pensée divine,
car elles ont Dieu pour cause principale, et en'même temps
chaque écrivain sacré garde sa personnalité propre, tour
d'imagination, langue, style. L'homme est instrument, mais
instrument vivant, raisonnable et libre. L'action divine, qui
se coule aux profondeurs les plus intimes de l'être, est
assez souple pour le mouvoir sans lui enlever sa liberté,
pour le diriger par le dedans sans le mécaniser.
L'explication que saint Jérôme donne du comment de
l'inspiration, s'accorde avec ce que l'Encyclique appelle la
-doctrine catholique « commune », entendant par là, sans
doute, la doctrine communément reçue dans les écoles
catholiques et considérée comme certaine. D'après cette
doctrine, l'inspiration comprend- une grâce de lumière qui
éclaire l'intelligence de l'auteur sacré sur la vérité que Dieu
veut proposer aux hommes; une motion surnaturelle sur sa
volonté pour le porter à consigner par écrit cette vérité;
une assistance divine spéciale dans le travail même de
rédaction, jusqu'à l'achèvement du livre. On sait que les
théologiens catholiques discutent sur la nature de cette
assistance divine qui accompagne le travail de rédaction.
Les uns, comme le cardinal Franzelin, l'entendent d'une
providence extérieure spéciale, plutôt que.d'un influx divin
s'insinuant dans l'esprit de l'écrivain; les autres, en parti-
culier les théologiens thomistes, l'expliquent par une grâce
intérieure. L'Encyclique, en employant le terme général
adesse, « assister n, se tient en dehors de cette controverse.
Saint Jérôme conformait sa pratique à sa croyance; dans
les controverses, il recourait à l'Écriture comme à la parole
même de Dieu et se servait de ses' témoignages comme
d'arguments décisifs et péremptoires. •
Du dogme de l'inspiration découle une conséquence
nécessaire que saint Jérôme, d'accord avec la tradition des
Pères, n'a pas manqué de dégager les Livres saints sont
exempts de toute erreur (error) comme de tout mensonge
(fallacia). Par le fait même qu'il inspire l'hagiographe à titre
de cause principale, Dieu se porte garant de ses assertions.
On entend par assertions les jugements que l'écrivain sacré
prend à son compte, qu'il endosse, y engageant la vérité et
la véracité de sa propre pensée, pour les distinguer des
jugements qu'il consigne à litre de simple rapporteur, sans
les faire siens, tel le blasphème de l'impie « Dieu n'existe
pas. » Dieu, étant le Dieu de vérité, ne peut patronner
l'erreur ni le mensonge.
Qu'on ne dise pas que l'Esprit-Saint, tout en restant
auteur principal des Écritures, a pu permettre quelque
erreur qui serait imputable à la seule faiblesse de l'instru-
ment humain. Le pape Léon XIII, par l'Encyclique Proui-
dentissimus Deus (1893), a déjà exclu cette conception mini-
miste et erronée de l'inerrance scripturaire
Dieu, par sa vertu surnaturelle, a excité et mû les hagiographes-
et les a assistés dans leur rédaction de telle manière qu'ils concevaient
exactement par l'intelligence tout et cela seulement qu'il ordonnait,
qu'ils voulaient le consigner fidèlement et l'exprimaient justement,
avec une infaillible' vérité sinon, il ne serait pas l'auteur de toute-
l'Écriture.
Pourtant, après cette Lettre de Léon XIII, certains théo-
logiens et exégètes catholiques, que la nouvelle Encyclique
ne désigne pas autrement, ont donné de l'inerrance scrip-
turaire une explication qui ne s'accorde pas avec la saine
doctrine. Ils maintiennent, il est vrai, l'inspiration et
l'étendent à toutes les sentences et même à tous les mots
de l'Écriture, mais, par un déplorable illogisme, ils en
arrêtent les effets et, en premier lieu, l'immunité de toute
erreur dans l'écrivain sacré. Ils distinguent dans l'Écriture
un élément premier ou religieux et un élément secondaire
ou profane, et restreignent la garantie divine de l'inerrance
à ce qui est proprement religieux tout ce qui se rapporte
aux disciplines profanes, sciences physiques et historiques,
et sert comme de vêtement à la vérité révélée, est aban-
donné aux risques de l'humaine faiblesse. Après Léon XIII,
Benoît XV repousse ces restrictions mises à l'inerrancé
comme l'inspiration, l'inerrance s'étend toutes les parties
de là Bible,, et toute assertion de l'écrivain sacré est exempte
d'erreur1. Léon XIII, il est vrai, a fait remarquer que lors-
qu'il s'agit de phénomènes physiques, l'auteur inspiré se
contente de les décrire comme ils apparaissent aux sens, sans
proposer à proprement parler de théories scientifiques.
Mais ce n'est pas là erreur, pas plus, qu'on n'accuse d'erreur
celui qui use des formules courantes du langage humain,
fondées sur les apparences sensibles « Le soleil se lève,
monte, disparaît à l'horizon. » En rapportant des phéno-
mènes de ce genre, l'écrivain sacré veut simplement décrire
ce qui apparaît aux yeux, et cette description est exacte.
Traitant plus spécialement des parties historiques de la
Bible, l'Encyclique rejette une manière de dire et une
explication qui ont été proposées en ces derniers temps.
Plusieurs exégètes ont distingué, en histoire, vérité absolue
et vérité relative. Le choix de cette dernière expression était
malheureux vérité relative suggère l'idée d'une vérité qui
serait mobile et changeante avec les temps, les pays, les
esprits, « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà ».
Mais il y avait plus qu'une formule maladroite. Elle était
l'expression d'une théorie, qui, poussée à ses dernières
conséquences, ruine la valeur historique de la Bible. De
même, a-t-on dit, que les auteurs inspirés, en décrivant des
phénomènes physiques, ont rapporté ce qui était représenté
aux sens, de même ils ont raconté les événements histo-
riques, comme se les figurait l'opinion populaire ou les
narraient des témoignages non contrôlés. Les parties histo-
riques de la Bible nous feraient connaître ce qu'à telle
époque on disait de tel événement, et non pas nécessaire-
ment ce qui s'était réellement passé.
A bon droit, l'Encyclique repousse cette distinction qui
enlèverait à l'histoire toute valeur propre. La fin première
de l'histoire n'est pas de raconter les faits comme le vulgaire
i. A considérer les choses du point de vuede l'inspiration et de l'inerrance, il n'y
a donc pas dans l'Écriture d'assertions religieuses et d'assertions profanes qui soient
adéquatement distinctes et for. jent comme deux domaines strictement indépendants.
Saint Thomas distinguait plus exactement un révélé per se et un révélé per accidens:
le révélé per se est constitué par l'objet premier et principal de la révélation, Dieu
dans le mystère de la sainte Trinité le révélé per accidens, c'est tout le reste qui sertI
à la minitestation du révélé premier et principal. Toute assertion de l'écrivnin sacré,
qui n'est pas du révélé perse,Tentre dans le révélé per accidens, et par conséquent est
enlevée au domaine strictement profane.
se les représente, mais comme ils sont arrivés. L'opinion
populaire peut s'accorder avec la réalité, elle peut aussi s'en
écarter; rapporter cette opinion n'implique donc pas de
soi garantie de la vérité des événements racontés. Pour em-
prunter un exemple à l'Encyclique, ce n'est pas sauvegarder
l'historicité des évangiles, mais la battre en brèche, que d'y
voir le tableau de la foi de la communauté chrétienne vers
l'an 70, si l'on n'ajoute pas que ce tableau répond fidèlement
à ce que furent l'œuvre et la prédication du Christ pendant
son ministère sur la terre.
Cette juste conception de l'histoire fut celle de saint
Jérôme. Les textesde ses ouvrages, allégués en sens contraire,
n'ont pas la portée générale qu'on leur attribue. Ils s'ap-
pliquent à des cas particuliers, appellations de lieux et de
personnes, où l'auteur inspiré suit l'usage courant. Ainsi
les évangélistes ont pu donner à saint Joseph le titre de
« père de Jésus », comme faisaient les contemporains. Mais
tout leur récit montre qu'ils n'entendent pas signifier la
paternité de la chair et du sang.
L'histoire de l'exégèse suffirait à elle seule à témoigner
qu'il y a dans la Bible des passages dont il est difficile de
doser l'exacte historicité. Pour venirà bout de ces difficultés,
les exégètes catholiques ont appliqué divers principes de
solution distinction des genres littéraires, une vision
prophétique ou de simples annales historiques pourront
donner au même événement une tonalité différente, tout en
s'accordant sur l'affirmation du fait; -citations implicites
l'écrivain inspiré, sans le déclarer expressément, rapporte
des documents ou des témoignages qu'il n'entend pas faire
siens, ou dont il garantit seulement l'historicité substan-
tielle, non l'ultime détail. L'Encyclique ne condamne pas
l'emploi de ces principes d'exégèse, en de justes limites.
Elle rappelle qu'en leur application, les exégètes doivent
procéder avec mesure et prudence, ne pas recourir « trop
facilement » aux citations implicites, éviter d'introduire dés
genres littéraires ou des hypothèses sur l'origine des Livres
saints qui mettent en péril l'intégrale vérité de l'Écriture, se
guider. constamment d'après le sens catholique et les juge-
ments de l'Église.
Ces doctrines de l'inspiration et de l'inerrance qui, par-delà
saint Jérôme, remontent jusqu'à la prédication du Christ,
doivent toujours être présentes à l'esprit du fidèle qui ouvre
l'Écriture sainte. L'Encyclique ne se contente pas de les
enseigner. S'appuyant sur lea exemples et les écrits de saint
Jérôme, elle s'attache à exposer en détail ce que sera pour
un chrétien la lecture de la Bible.

1
On n'aborde pas l'Écriture sainte comme on aborde un
livre profane elle est une source de vie surnaturelle. Pour
s'en approcher avec fruit, il faut une préparation diligente,
une volonté bien disposée, une âme accordée aux choses
divines. Saint Jérôme reste un modèle admirable de cette
préparation soigneuse et pieuse. L'Écriture a été pour lui la,
perle précieuse à laquelle il a tout sacrifié, les délices de
Rome, les joies des relations aimables. Il a cherché la soli-
tude, il s'est astreint à un genre de vie austère. Il ne lui a
pas suffi d'écarter les obstacles extérieurs. En plein désert,
Jérôme se sentait poursuivi d'un tel amour des lettres pro-
fanes qu'il était tenté d'abandonner l'Écriture pour les comé-
dies de Plaute et les discours de Cicéron. Les prophètes lui
paraissaient incultes, sans éclat. La lumière pourtant était
là, la splendeur reluisait en eux, mais ses yeux non dessillés
ne pouvaient pas la percevoir; il accusait le soleil, alors que
la faute en était toute à ses yeux malades. Pour reconnaître
dans l'humilité de l'Écriture le Christ doux et humble de
cœur, il lui fallait revêtir cette douceur et cette humilité.
Jérôme se mit' résolument à ce labeur de sa perfection, il
pratiqua la plus dure ascèse, il s'éprit de la Croix et ses yeux
.purifiés s'ouvrirent à la lumière.
Il apprit ainsi par expérience que, pour exposer l'Écri-
ture, nous avons toujours besoin de la venue de l'Esprit-Saint,
qu'il faut la lire et la comprendre dans l'esprit de Celui qui
l'a inspirée. -Aussi le grand exégète demandait-il dans ses
prières et faisait-il demander par ses amis-les illuminations
duParaclet, et il renvoyait à ce divin Esprit tout le fruit de
«es travaux. Et comme l'Église catholique est ici-bas la dépo-
sitaire et la gardienne du sens vrai des Écritures, l'épouse de
l'Esprit-Saint qui la préserve de toute erreur, saint Jérôme
ne se fiait pas à son propre jugement comme à la norme su-
prême, mais il tenait l'œil fixé sur la tradition des Pères qui
l'avaient précédé, et sur le jugement du Siège apostolique.
Aux âmes préparées par l'esprit de piété et d'humilité,
l'Écriture doit être un morceau du pain de chaque jour.
Jérôme en recommandait la lecture journalière à tous ses
amis et correspondants, aux matrones romaines comme
Laeta, aux vierges consacrées à Dieu, comme Eustochie. Fort
de sa propre expérience, il leur garantissait qu'elles y trou-
veraient ce goût de Dieu, qui pénètre jusqu'au Saint des
Saints, jusqu'au cœur des mystères chrétiens.
L'Encyclique adresse aux fidèles de notre temps la même
exhortation que chaque jour ils lisent l'Écriture, spéciale-
ment quelque passage des Évangiles, des Actes des Apôtres
et des Épîtres du Nouveau Testament; que cette lecture ne
soit pas une vue superficielle, mais une véritable assimilation
de la pensée divine. De nos jours, plusieurs associations
catholiques, et au premier rang la Société de Saint- Jérôme,
se sont employées à faciliter aux'fidèles cette lecture de la
Bible; elles ont largement répandu les écrits du Nouveau
Testament, sous une forme attrayante et portative. L'Ency-
clique leur apporte des encouragements, qui ne pourront
que promouvoir cette heureuse diffusion.
Salutaire à tous les fidèles, la lecture de l'Écriture s'im-
pose spécialement aux clercs et prêtres qui ont reçu la
mission de prêcher la doctrine du Christ. Les conseils que
saint Jérôme donnait au moine Rustique et au prêtre Népo-
tien sont toujours de saison la familiarité avec l'Écriture
sera le gage d'une doctrine fidèle, d'une prédication fruc-
tueuse. Nul prêtre ne peut trouver d'excuse à l'ignorance
en ces matières, et l'humilité dont cette ignorance cherche-
rait à se couvrir, ne serait qu'unevaine et fausse parure. Tous
doivent donc s'efforcer d'acquérir une connaissance solide
de la Bible; plusieurs, professeurs ou écrivains, ont besoin
d'une science éminente. Il est à désirer qu'une élite reçoive
cette formation supérieure à l'Institut Biblique de Rome.
Quels fruits chercher dans ce commerce assidu avec la
Bible? Ils sont variés, tous excellents. L'Écriture est l'ali-
ment de choix qui entretient la vie spirituelle et la porte à
sa perfection. La lecture habituelle de la Bible prendra
comme d'instinct la forme d'une méditation qui nourrira
l'âme du prêtre et lui donnera force et lumière pour l'apos-
tolat. Elle sera le trésor d'où, comme un bon père de
famille, il tirera les arguments pour l'explication et la
défense du dogme, car l'usage de l'Écriture doit informer
et vivifier toute la science théologique. Elle donnera à sa
parole cette simplicité, cette autorité persuasive que pré-
cédemment Benoît XV, dans sa Lettre Humani generis, pro-
posait aux prédicateurs comme idéal à réaliser.
L'Encyclique complète ces exhortations par le rappel des
règles que suivit saint Jérôme dans ses commentaires. Ces
principes d'interprétation concernent spécialement- les éxé-
gètes de profession. Mais les prédicateurs ont aussi à s'en
inspirer. L'intention maîtresse sera de déterminer quel est
le sens littéral d'un passage, celui qu'avait en vue l'écrivain
sacré. Les applications spirituelles, les sens mystiques et
allégoriques ne viendront qu'en seconde ligne. A ses
débuts, saint Jérôme, il faut le reconnaître, a subi l'influence'
de quelques anciens, Grecs et Latins, trop peu soucieux du
sens littéral et trop friands d'exégèse allégorique Plus tard
un labeur assidu et un amour croissant de l'Écriture l'ont
amené à une conception plus juste de l'exégèse, et il a
donné la première place au sens littéral et historique.
Jamais cependant, une fois ce sens littéral sauvegardé et
mis en lumière, il ne s'est interdit les applications.spiri-
tuelle/s et mystiques il les comparait à l'or enfoui dans la
terre, à l'amande de la noix, à la châtaigne cachée dans sa
coque hérissée. En ce faisan), il restait fidèle à une méthode
qui a toujours été usitée dans l'Église. A l'exemple de saint
Jérôme, prédicateurs et exégètes peuvent greffer sur le
sens littéral des interprétations spirituelles, mais il faut
procéder avec tact et mesure, ne proposer d'applications
allégoriques et mystiques que celles qui trouvent un appui-
dans le sens littéral, offrent des analogies faciles et sans
vaine subtilité, peuvent s'autoriser de l'exégèse d'un bon
nombre de Pères.
t
L'exposition publique de l'Écriture sera simple, exempte
de prétention, dédaigneuse des ornements d'une pompeuse
rhétorique. Clarté, brièveté, plénitude seront ses mérites.
Saint Jérôme a montré par son exemple que le prédicateur
ou l'écrivain qui vise à cet idéal, a chance d'acquérir du
même coup l'élégance et la vivacité d'un style probe.
Les dernières pages de la Lettre Pontificale sont consa-
crées à célébrer les fruits savoureux que saint Jérôme
recueillit dé sa familiarité avec la divine Parole délices
spirituelles que ne purent submerger, ni les afflictions de
l'esprit ni les souffrances du corps, charité active au service
de l'Église, zèle à combattre les erreurs des hérétiques, les
vices des païens, les mœurs relâchées des mauvais chré-
tieni, et, couronnant toutes ces vertus, l'amour enflammé
de Jésus-Christ. « Ignorer l'Écriture, disait saint Jérôme,
c'est ignorer le Christ » il est le centre vers lequel con-
vergent toutes les avenues de l'Ancien et du Nouveau Tes-
tament. Cet amour du Christ, constamment retrempé à la
source des Livres saints, lui inspirait une ardeur infatigable
au travail, l'esprit d'oraison, la dévotion à la sainte Eucha
ristie et à la Vierge Marie, un tendre attachement à cette
terre de Palestine où s'imprimèrent les pas du Verbe
Incarné. La Providence a voulu que, dans la mort même,
saint Jérôme ne fût pas séparé de ces précieux souvenirs;
aujourd'hui ses reliques reposent dans la Basilique majeure
de la Mère de Dieu, près de la crèche du Seigneur.
Sa voix, qui de son vivant remplissait l'univers, s'est tue,
mais ses écrits « jettent toujours leur clarté à travers le
monde comme des lampes divines ». Ils prêchent l'éminente
dignité des Écritures, leur fermeté historique et leur inté-
grité doctrinale, leurs fruits admirables dans les âmes qui
les méditent. 11s prêchent la sainteté de la vie chrétienne,
l'unité de l'Église, la soumission à la Chaire de Pierre. Latin
d'origine, saint Jérôme, par son séjour prolongé en Pales-
tine, a été un trait d'union entre les deux Églises d'Orient
et d'Occident. Puisse-t-il aider à renouer ces liens et à ras-
sembler toutes les brebis dans.le même bercail, « pour qu'il
n'y ait plus qu'un seul troupeau et qu'un seul Pasteur ».
JOSEPH HUBY.

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