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University of Toronto

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HISTOIRE GÉNÉRALE

DES

AUTEURS SACRÉS
ET ECCLÉSIASTIQUES.
ANGERS.
irSmMËRÏË^DFcÔSNÎÊR'ËrîI^
HISTOIRE GÉNÉRALE
DES

AUTEURS SACRES
ET ECCLÉSIASTIQUES
OUI CONTIENT
L' ANALYSE
. . rRTTinT-FLE JUGEMENT, LA CHRONOLOGIE,
LEU. VIE, LE DE LECRS OUVRAGES;
^^'''^'''^^'':\^^'l'^l^^^^^^^
DES ^»"'
ET LE DÉNOMBREMENT PT SUR LA DISCIPLINE DE
L'ÉGLISE,
^^^^''If^
C. 0. ..S
-EERME.T^.E^LUS
^^^^^^
GENtHALA
TANT
^^^^^^^ ^^ES ACTES CHOISIS DES MAKTVHS,
l'histoire DES CONCILES
>.

PAR LE R. P. DOM REMY CEILLIER

NOUVELLE ÉDITION

PAR Ui\ BmECÏElll DE GRAIVB SEMINAIRE,


DÉDIÉE

ATI CLERGÉ CATHOLIQI-'E FRANÇAIS

PLDSIEDBS ÉîtllDES,
HIMUÉE DES SBFFBJtES DE

pajs eltangers.
de la France et des

TOME HUITIÈME

PARIS
LIBRAIRE-ÉDITEUR
CHEZ LOUIS VIVES,
5, RUE DELAMBRE, 5.
1861
MSSfy
1 6 1933
TABLE
DES CHAPITRES, ARTICLES ET PARAGRAPHES

CONTENUS DANS CE VOLUME.

IV« ET V« SIECLES. Pages


CHAP. XII. Sulpice Sévère, disciple de saint
Pages Martin, prêtre d'Aquitaine, [écrivain la-
CHAPITRE [". De quelques auteurs sj-riens. . 1 tin vers l'an 420, ou 410 selon d'autres]. 110
CHAP. II. Saint Boniface. pape et confesseur, CHAP. Xin. Saint Célestin, pape, [confesseur, en
[en 422] 3 l'an 422] 127
CHAP. archevêque de Constautiuo-
ni. Atticus, CHAP. XIV. Jean Cassien, prêtre et abbé de
ple, [auteur grec, en 423] 13 Marseille, [écrivain latin, après l'an 432 ou
CHAP. IV. Théodore, évèque de Mopsueste en 433] 147
Cilicie, [auteur grec, vers l'an 428] ... 17 Art. I. Histoire de sa vie. , J47
CHAP. V. Synéîius, archevêque de Ptoléniaïde Art. Des écrits de Cassien
II. 149
en Libye, [auteur grec, vers l'an 430]. . 22 § I. Des Institutions monastiques 149
CHAP. VI. Saint Gaudence, évèque de Brosse, § II. Des Conférences de Cassien 161
[confes-^eur, auteur latin, après l'an 410]. 34 § m. Des sept livres de Cassien touchant
CHAP. VIL Panodore et Annien, moines égyp- l'Incarnation, contre Nestorius 193
tiens, [auteurs grecs, sous Arcade]. ... 44 § IV. Jugement des écrits de Cassien : édi-
CHAP. VIII. Bachiarius [le moine, auteur latin tions qu'on en a faites 200
du V* siècle] 44 CHAP. XV. Saint Nil, prêtre et solitaire du mont
CHAP. IX. Saint Paulin, sénateur et consul ro- Sina'i. [écrivain grec, après l'an 430]. . . 203
main, puis évèque de Noie, [père latin, Art. I. Histoire de sa vie 203
en 431] 30 Art. II. Des écrits de saint Nil 208
Article i". Histoire de sa vie 50 § I. Du traité de la Vie monastique. . . . 209
Art. II. Lettres de saint Paulin 33 § II. Du traité de la Pratique de la vertu, et
Art. III. Des poèmes de saint Paulin .... 82 de la fuite des vices 209
Art. IV. Des ou-\Tages de saint Paulin qui sont § III. Du de la Pauvreté' volontaire.
traité . 210
perdus et d^ ceux qui lui sont faussement § IV. De quelques autres traités de saint Nil,
attribués 88 ou qui lui sont attribués 211
Art. v. Doctrine de saint Paulin 89 § V. Des lettres de saint Nil 21
Art. VI. Jugement des écrits de saint Paulin : Art. m. Doctrine de saint Nil, jugement de
éditions qu'on en a faites 9G ses écrits, éditions qu'on en a faites. . . 224
CHAP. X. Prudence, poète chrétien, [écrivain CHAP. XVI. Des Actes du martyre des solitaires
latin,après l'an 405] 100 du mont Sinai 230
CHAP. XI. Sédulius, poète et prêtre chrétien, CHAP. XVII. Léporius, prêtre de l'Eglise d'Hip-
[écrivain latin, au commencement du v* pone, [écrivain latin, après l'an 429]. . . 232
siècle] 107 CHAP. XVIII. Acace, évèque de Bérée en Syrie
VI TABLE DES CHAPITRES
Pages
pages
CHAP. XXVI. Saint Arsène, solitaire d'Egypte,
[en 434]; Paul d'Einèse [après l'an 436]; 398
[auteur grec, vers l'an 445]
Jean d'Antiocbe [en 441], tous écrivcoins de
238 CHAP. XXVII. Saint Procle , archevêque
grecs
249 Constanlinople et docteur de l'Eglise
CHAP. XIX. Saint Sixtepape. [En 440].
III, . .

403
grecque, [écrivain grec, en 446]
CHAP. XX. Saint Cyrille, patriarche d'Alexan-
docteur de l'Eglise grecque et con-
CHAP. XXVIII. Capréolus,évêque deCarthage;
drie, du
236 Vital et Tonantius, [écrivains latins
fesseur 417
236 Y* siècle]
AnT. I. Histoire de sa vie
poète chrétien; saint
de saint Cyrille. ..... 262 CHAP. XXIX. Victor,
ART ji. Des écrits
Orient, évèque d'Auch; Evagre, prêtre,
De ses commentaires sur l'Ecriture
§ I.
~^^^ et Paulin, [écrivains latins du V siècle] . 420
sainte ;
sur l'In- CHAP. XXX. Saint Hilaire, archevêque d'Arles,
S u. Des traités sur la Trinité et
433
[auteur latin, en 449]
carnation ' '

Saùit Eucher, archevêque de Lyon,


"

saint Cyrille. 278 CHAP. XXXI.


§ m. Des homélies de .

évèque d'Octodure [auteurs


281 et Salvius,
§ Des lettres de saint Cyrille
IV. 4*2
304 en l'an 449]
latins,
§ V. Des traités sur la Foi
contre Nestorius. 306 CHAP. XXXIl. Vincent de Lérius, prêtre et
§ VI. Des cinq livres
. .

moine, [écrivain latin, vers l'an 450]. . . 456


défense des douze
§ VU. Des écrits po-..i- la
309 CHAP. XXXUI. Saint Pémen, abbé en Egypte,
auathématismes ^^^
Julien l'Apostat. 311 [vers l'an 451]
§ VIII. Des dix livres contre
318 CHAP. XXXIV. Sainte Pulcbérie, vierge, [445];
Du livre contre les Anlhropomorphites.
§ IX.
et du recueil des
Eudoxie, impératrice, [écrivains grecs, en
§ X. Du livre de la Trinité 471
l'Ancien Testa- l'an 460]
Explications morales sur
322 CHAP. XXXV. Saint Isidore de Péluse, prêtre
ment 476
abbé, [écrivain grec, en 449]
;

Cyrille et
§ XI. De quelques ouvrages de saint '*''^
en 1638. 323 Art. Histoire de sa vie
I.
omis dans l'édition de Paris, .

Cyrille qui n'ont Art. II. Des écrits de saint Isidore de Péluse. 479
§ XII. Des écrits de saint lettres de saint
' perdus. 324 § I. Le premier livre des
pas encore vu le jour, ou qui sont 479
323 Isidore ' " ."

Art. m. Doctrine de saint Cyrille de saint Isi-


§ II. Deuxième livre des lettres
Art. IV. Jugement des écrits de saint Cyrille :
488
344 dore ' ' .'

éditions qu'on en a faites


S Troisième b^Te des lettres de saint
III.
Isi-

Appendice au chapitre de Dom Ceillier sur saint 491


^'* dore
Cyrille d'Alexandrie de saint Isi-
Quatrième livre des lettres
§ — Tome
I. I des œuvres de saint Cyrille
347 § IV.

dore
92
^ — Tome
II. II
348
Cinquième livre des lettres de saint Isi-
.'

§ — Tome m
111.
349 § v.
495
I
_ Tome IV
IV.
^^^ dore
Jugement des écrits de saint Isidore ;

§ _ Tome VU
V.
352 § VI.
éditions qu'on eu a faites
i97

g Yi. — Tome VIII


354
des
CH\P. XXXVI. Marins Mercator, défenseur
§ — Tome IX
VII.
339
mystères de la grâce et de l'incarnation,
§ — Tome X
viii.
364
[écrivain latin, en 449] • •
498
Constan-
CHAP. XXÏ. Nestorius, archevêque de historien ecclésias-
366 CHAP. XXXVII. Philostorge,
tiuople, [écrivain grec, en l'an 439]. V
.
.
du siècle]. 509
tique, [écrivain grec . . •

Parthène;
CHAP. XXII. Alexandre d'Hiéraple; historien ecclésiasti-
CHAP. XXXVIII. Socrate,
Jean de Germanicie; Maximin d'Ana- 5U
que, [écrivain grec du v« siècle]. • • • •

zarbe André de Samosate Eulhérius de ;


historien ecclésias-
CHAP. XXXIX. Sozomène,
;

Thyanes; Dorothée de Marcianople; Hi- du v« siècle]. 525


tique, [écrivain grec . . .

mérius de Nicomédie [Eusèbe d'Alexan- ;


Jean lEutychéen,
.... CHAP. XL. Philippe de Side et
drie]; auteurs grecs du V siècle
374
grecs
historiens ecclésiastiques, [écrivains
CHAP. XXHI.Hellade de Tarse; Méléce de Mop- 535
Trauquil- du V siècle]
sueste; Epiphaue d'Alexandrie; v
d'Antioche en Pisidie; Hésychius de
CHAP. XLI. Des concUes du siècle.
Itn de
Pho- ART. I. Des conciles de Carthage [en 401],
Castabales; Ihas d'Edesse; Iréuée;
prêtre Milève [en 402], de Plolémaïde [en 411],
tius;Abibus et Hypacie; [Timotbée, [en
Timotbée, et de plusieurs conciles de Carthage
de Jérusalem; autre Timotbée ;
iâ6
403, 404, 405, 407, 408, 409, 410]. . . .

Béryte,]
prêtre d'Antiocbe Timotbée de ;
Romain sous le pape In-
385 Art. u. Du concile
écrivains grecs du y« siècle [en
Tbéodote nocent I", et du concile de Cirtbe
CHAP. XXIV. Acace de MéUliue et
544
siècle].. 388 412]
d'AucjTe, [écrivains grecs du v« 548
Rhéginus de Art. lu. Du concile de Brague [en 411]. . .

CHAP. XXV. Memuon d'Ephèse ;

IV. Des conciles contre les


pélagiens :

Constanti- ART.
Conslantia; Alypius, curé de Jérusa-
même Concile de Carthage [en 411], de
nople; Maximieu, évèque de la Pales-
Eusèbe lem [en 415], de Diospolis ou de
villeles abbés Dalmace Bazile et ,
[en 416] , de
tine [en 415], de Carthage
;

de Dorylée, [auteurs grecs du


siècle]. v 393
"^
TABLE DES CHAPITRES.
Pages
Pages
d'Orange [en 441] de Vaison [en 442]
.
-

de
Milève [en 417], de Carthage [en
'.17],
d'Arles [en 443] et de Besançon [en 444]. 605
Carthage[en 418] • • • ^^^ 614
Appendice à Théodore de Mopsueste
ART. V. Des conciles de
Tusdre [en 411], de sur
ART. I. Des commentaires de Théodore
Telle ou Zelle, et divers autres conciles les Petits Prophètes
<51*
^''*'
dans Bvzacène aux Ga-
ART. II. Du commentaire surl'Epitre
la
Des conciles de Carthage dans
l'af-
lates et sur l'EpUre aux Ephénens
Art. VI. attribué
^^-
faire d'Apiarius [en 419] commen-
à saint Hilaire de Poitiers. Ce

Art. VII. Des conciles de Ravenne


[en
'.19J,
taire est lœuvre de Théodore de ^lop-
d'Hippone
de Carthage [en 421, 42G], sueste
42G, 429],
[en 426] de Constantinople [en 634
Table analytique dos matières
.

Rome [en 430] S69


d'Egypte et de ... 667
Table des additions faites par l'éditeur. .

Art. Des conciles d'Alexandrie [en430J,


viii' par l'édi-
quel- Table des principales notes ajoutées
d'Ephèse [le général en 431] et de
^'^ teur
ques autres ^^^^
[en 439], Errata
ART. IX. Des conciles de Riez

FIM UE LA TABLE DES CHAPITRES.


HISTOIRE GÉNÉRALE
DES

AUTEURS SACRÉS
ET ECCLÉSIASTIQUES.

AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
[suite des iv^ et v^ siècles.]

CHAPITRE I.

De quelques Auteurs Syriens.

i . L'auteur de la Vie de saint Ephrem re- l'usage de l'Eglise depuis le concile de Nicée, theb. in Ktbi-
cis, par(. 1,
marque *
que plusieurs d'entre ses disciples ditque saint Ephrem fut le premier qui com- cap. T, § *.

se rendirent célèbres, soit par leurs discours, posa contre les hérésies de son temps, des
soitpar divers commentaires sur les Ecritu- hymnes et des odes pour être chantées que ;

par leur zèle à annoncer la vérité à


res, soit diverses autres personnes doctes travaillè-
ceux qui ne la connaissaient pas. Il met de rent sur le même sujet, entre autres Isaac et
ce nombre un nommé connu des écri- Isaac, Balœus, et qu'ils prirent pour matière de
vains syriens et arabes, mais que quelques- leurs cantiques, les endroits des psaumes de
uns d'eux ont confondu avec un prêtre d'An- David jugèrent les plus propres à leur
qu'ils
tioche qui portait le même nom ne prenant , dessein. Barthebaeus ne doutait pas que Ba-
pas garde qu 'Isaac d'Antioche était disciple lœus n'eût été presque contemporain de saint
de Zénobius, et non pas de saint Ephrem. Ephrem, puisqu'il ajoute que vers le temps
Nous avons parlé ailleurs d'un Isaac, juif, du concile d'Ephèse, c'est-à-dire vers l'an
converti à la foi, et auteur d'un traité inti- 430, on vit d'autres personnes illustres par
tulé : De la foi de la sainte Trinité et de l'In- leur piété, chez les Cuchites, qui, emportées
carnation du Seigneur. M. Assémani l'attribue par la ferveur du Saint-Esprit composèrent
,

à Isaac, disciple de saint Ephrem; mais il aussi divers chants. Ce qui prouve encore
n'en donne point de preuves. Il ne donne l'antiquité de Baleeus, c'est qu'il est cité avec
pas non plus le catalogue des livres compo- S. Ephrem et Isaac, dans un livre syriaque
sés par cet Isaac, apparemment parce qu'il intitulé Beth-Gaza, dont Hottinger- fait men-
n'en a rien trouvé en particulier dans les ma- tion dans sa Bibliothèque orientale. Au reste,
nuscrits syriaques du Vatican. il ne faut pas confondre ce Baleeus avec le

2. Grégoire Barthebaeus parlant des airs moine Belseus, maitre de l'abbé Mios, dont ou
et des chants ecclésiastiques introduits dans lit quelques passages dans les Apophthegmes

^ Porro singuli ex ejus discipulis secundum datam mortalibus veritatis lucem el sempitemam salutem at-
sibi sapieniiam sermones et expositiones seu commen- tulerunt. Assémani, pag. 1G5.
turios scripserurd, el divino lumine illuslrati, muHis * Hotting., Biblioth. Orient., pag. 287.
vm. 1
ECCLÉSIASTIQUES.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS
droits de V Histoire ecclésiastique, et
des autres
des Pères '
:
dans la Syrie;
Ralœus vivait
R ne faut pas non écritsde Théodoret 6.
BelEeus dans l'Egypte.
Balœus avec un nommé Pau- Absamias, fds de la sœur de saint
4. pag. Ib9.
plus confondre
ce Père Ephrem, et prêtre de l'Eglise d'Edesse, était
lone, disciple de saint Eplirem, que
en grande réputation de doctrine chez
les
rejette dans son Testament comme un apos-
Syriens vers l'an 400 de Jésus-Christ. R ne
tat de la vraie foi, puisque Balœus a toujours
écrit nous reste rien de ses écrits mais dans une :

passé pour orthodoxe, et qu'il n'a rien


religion. Gennade, chronique de la ville d'Edesse sur l'an 715
contre les vérités de la on
sous le de l'ère des Grecs, de Jésus-Christ 404,
qui fait mention ^ de ce Paulone,
qu'il avait de l'incursion
écrit l'histoire
prêtre Paulin, dit qu'après la mort
lit
nom du des Romains, des
des Huns sur les terres
de saint Eplirem, son maître, il composa
plu-
hymnes et des sermons. On trouve la même
contraires à la foi. Les accu-
sieurs traités
concile de chose dons la Chronique de Denis, patriarche
sateurs d'Ibas d'Edesse, dans le Grecs,
des Jacobites, sur l'an 708 de l'ère des
Ghalcédoine 3, formèrent leur cinquième chef parlé d' Ab-
prêtre de Jésus-Christ 397. H est aussi
d'accusation de ce qu'il avait ordonné
homme d'une vie infâme. samias dans la Collection des Statuts syno-
un certain Balœus,
l'édition daux 7 d'Ebed-Jésu mais au lieu de la qua-
Mais il est à remarquer que dans
,

on lité de prêtre, on lui donne


ceUe d'évêque
grecque de ce concile, au lieu de Balœus,
D'ailleurs, le Balœus dont nous d'Edesse.
lit Yalentius.
parmi 5. Grégoire, abbé d'un monastère dans la Grégoii
parlons, étant placé par Barthebœus abbé, p. I

Palestine sur la fin du quatrième siècle, était


les auteurs qui ont vécu avant le concile d'E-
pas le confondre avec le très-connu et très-eslimé de saint Epiphane,
phèse, on ne doit
même nom, ordonné par Ibas, qui comme on le voit par la lettre de ce saint
prêtre de
ce con- évêque à Jean de Jérusalem, traduite en la-
n'a été élevé àl'épiscopat que depuis
plusieurs hymnes envers tin par saint Jérôme. De Palestine, Grégoire
cile. Balœus écrivit
passa eu Chypre, où il gouverna un monas-
pentasyllabiques, et quelques vers en quatre
tère, et y établit sa demeure. Cela
parait par
et en sept syllabes une de ces pièces était
:

Aaron. Sozo- une note au dos d'un mauuscrit qui ren-


sur la mort du grand-prêtre
a aucun genre de poésie ferme un discours de «et abbé, et par une
mène * qu'il n'y
dit
quelque de ses lettres où il appelle saint Epiphane
dans lequel Balœus n'ait composé
que ni lui son fils, et où il l'exhorte à s'exercer dans
chose; mais il ne faut pas croire
les rigueurs de la vie monastique. R y
a eu
inventeurs des
ni saint Ephrera soient les même nom, dont l'un vi-
et de douze
plusieurs abbés du
vers de quatre, de cinq, de sept
Bardesane et vait dans un monastère situé sur les bords
syllabes, puisque avant eux,,

de l'Euphrate, et l'autre était archimandrite


Harmonius en avaient composés en ces dilie-
du monastère de saiat Théodose, dans-le dé-
rentes manières.
sert de Jérusalem mais ils n'ont vécu que
:

3. Saint Ephrem parle dans


son Testament,
comme depuis l'abbé Grégoire dont nous parlons,
pag'Tc''."' de Zénobius, qu'il nomme Gazirœus, Epiphane, ou
renfermée par l'Eu- et qui mourut ou avant saint
étant né à Gazira, île
Vie de ce saint ap- peu après. Grégoire écrivit en syriaque un
phrate ^ L'auteur de la
ni la
ville d'Edesse. livre dont nous ne savons ni le titre
pelle Zénobius diacre de la
d'Isaac, prê- matière, dix discours ascétiques et trois let-
D'autres disent qu'il fut maître
son Ca^a- tres; la première au moine Théodore, les
38 tre d'Antioche. Ebed-Jésu, dans
contre Mar- deux autres à saint Epiphane.
logue,lui attribue divers écrits quatrième
lettres à 6. Ce fut encore sur la fin du Mari
cion et contre Pamphilius, avec des dans la pag. n
Job. Zé- siècle que vécut Maruthas, évêque
Isidore, à Lucillus, à Abraham et à
qui ait Mésopotamie, aussi célèbre par ses miracles
nobius n'est pas le seul des Syriens
Marcion ce qui fait voir que que par sa doctrine. Les anciens auteurs
écrit contre :
quali-
en grecs et latins qui ont parlé de lui, le
cette hérésie s'était beaucoup répandue
fient évêque, sans marquer de
quelle ville il
en-
Syrie; et on le voit encore par plusieurs

comprise entre l'Euphrate et le Khabour.


la partie
1 Tom. Monutn. Cotcl., pag. 570.
1
[L'éditeur.)
Geuuad., de Script. Ecoles., caç. m. m ^, ., .
.
2
V Hist., cap. XS.XI, et Phdot.,
6 Tlieodoret., lib.
s Goucil. Chalced., Ad. 10.
Vit. S. Jacobi.
* Sozomen., lib. III Hist., cap. xvi.
''••
spécialoment 7 Part, 1, cap. ni, pio'-
s Ce uom désigne la Mésopotamie, et
[iv^ ET V^ SIÈCLES.] CHAPITRE I. — ISAAC/BAL^US, SÉNOBIUS, ETC.
l'était; mais les Syriens nous assurent qu'il Chronique de Denis, patriarche des Jacobites,
gouverna l'Eglise de Tagrite, ville que Pro- sur l'an 725 de l'ère des Grecs, de Jésus-
cope appelle Martyrople, et qu'il dit être
• Christ 414, et cet auteur remarque que la

située dans le pays de Sopliosène d'où vient : foi de Nicée y fut confirmée. Ces deux con-
que Marutbas est appelé par Pliotius ^ évê- ciles se tinrent en deux voyages diflerents

que des Supliaréniens, ou des Sophoséniens, que Marutbas fit en Perse le premier, lors-
:

dont Tagrite ou Martyrople est la métropole. qu'Isaac était évêque de Ctésiphon; ce fut
INlaruthas, touché de commisération pour les dans ce concile qu'il fit vingt -six canons que
chrétiens qu'Isdegerde, roi de Perse, persé- l'on a en syriaque dans un manuscrit de

cutait cruellement , vint à Constantinople Florence le second, sous l'épiscopat de Ja-


:

prier l'empereur Arcade de s'employer pour ballac. Photius ^ dit que Marutbas assista a
faire cesser cette persécution. Mais comme un autre concile que Flavien, patriarche
iltrouva en cette ville Théophile d'Alexan- d'Antioche, assembla à Side en Pamphilie,
drie, assemblé avec plusieurs évoques contre contre les messaliens. Il est parlé de ce con-

saint Cbrysostôme, il p'y fît pas un long sé- cile dans Théodoret ^, mais il ne nomme pas
jour, et s'en retourna presque aussitôt en Marutbas, ni Basile de Séleucie, ni Samus
Mésopotamie, ne croyant pas que ce fût le parmi les évêques qui y assistèrent. Amrus
temps de traiter avec Tempereur des afiaires et quelques autres écrivains nestoriens, met-
de l'EgHse de Perse. C'est ce que nous li- tent Marutbas au nombre des évêques qui se
sons dans Sozomène ^ et dans Socrate. Ar- trouvèrent au concile de Constantinople sous
cade étant mort *, son fils Théodose envoya le règne de Théodose -le -Grand; mais son
Marutbas vers Isdegerde, roi de Perse, pour nom ne se lit point dans les souscriptions de
l'engager à faire alliance avec les Romains, ce concile. M. 1 abbé Renaudot " croit qu'au
et à traiter les chrétiens avec plus de dou- lieu de Marcus Amidénus, il faut lire Ma-
ceui. Cet évêque fut reçu très-civilement par rutbas cela ne se peut sans confondre la
:

Isdegerde; mais les mages, jaloux des hon- ville d'Amidas avec celle de Tagrite ou Mar-

neurs que ce prince lui rendait, et appréhen- tyrople, distante l'une de l'autre de deux-
dant qu'il ne le convertit à la religion chré- cent-quarante stades, selon Procope. Le
tienne parce qu'il l'avait guéri par ses
,
corps de Marutbas, après avoir été enterré
prières d'une maladie dont ils n'avaient pu dans la ville de Martyrople, fut transporté en
le soulager, usèrent de divers artifices pour Egypte et mis dans le monastère de Scété.
le faire chasser de la Perse. Le roi les dé- Les Syriens l'honorent comme saint le 16 fé-
couvrit, et pour punir les imposteurs, il les vrier, les Latins et les Grecs le 4 décembre.
fit décimer, et rendant à Marutlias de plus Nous avons encore la lettre que saint Cbry-
grands honneurs que jamais, il lui permit de sostôme écrivit à sainte Olympiade, où il la
bâtir des églises. Il aurait lui-même fait pro- prie de rendre à Maruthas tous les services
fession de la religion chrétienne, s'il n'avait qu'elle pourra.
été prévenu par la mort. Marutbas, usant de 7. Les écrits de Maruthas qui se trouvent Ecrits lia

l'indulgence que lui accordait Isdegerde parmi les manuscrits syriaques de la biblio- M^f"""»
tru tb
, pag. 174.
s'appliqua à réparer les églises ruinées, et à thèque du Vatican, sont une Liturgie et des
rétablir la discipline ecclésiastique. Il tint à commentaires sur l'Evangile, où il établit
cet eQet deux conciles , l'un à Ctésiphon clairement la présence réelle, et dit ces pa-
avec Isaac et Jaballac qui
l'autre à Séleucie, roles remarquables ^ « Toutes les fois que
:

en étaient évéques. Il en est pailé dans la nous approchons du corps et du sang de

* Procop., lib. Ido Bello Persic. eosve ad tanti mysterii cognitionem adducere potuis-
* Phot., Cod. 52. sef? Hoc etenim fréquenter, et compluribus creditu
3 Sozomen., lib. VIII, cap. xvi, et Socrat., lib. VI, difficillimum erat. Prœterea cœteri subsequeniium
cap. XV. — * Socral., lib. VII, cap. vin. temporum fidèles a communione corporis et sanguinis
» Phot., Cod. 52. exiorres fuissent. Verum nunc quotiescumque ad corpus
« Theod., lib.IV, cap. xi. et snnguinem accedimus, eaque super mamts 7iosiras
' Toni. II Liturg. Orient., pag. 271. accipimus, sic credimus, nos corpus amplecli, et car-
* Hoc, itiquit, f'acito semper in meam commémora- neni ex carne ejus, osque ex ossibus ejus fieri, sicut
tionem. Necessarium erat et valde consentaneum ut scriptum est : nam etiam Christus fiyuram et s^peciem
istud fieret; nam si perpétua savramentorum partici- haud ipsum appellavit, sed dixit : Hoc vere est cor-
palio liaud tradita fuisset, undenam passent partam a pus mcum, et hic est sauguis lueus.
Cfiristo salutem ugnovisse? Aut quis eis persucidcre,
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
nous le recevons entre nos
Jésus-Christ, et que loppa des évêques, des prêtres, des diacres,
mains, nous croyons que nous embrassons des moines, des vierges et des personnes de In Catalog
pag. 50.

son corps, et que notre cliair se forme de la tout sexe et de toute condition. Ebed-Jésu
Maruthas une traduction sy-
sienne, et nos os de ses os, comme il est attribue aussi à

écrit. Car Jésus-Christ n'a pas appelé sa chair riaque des canons de Nicée, et l'histoire
figure et apparence, mais il a dit Ceci est : même de cette assemblée. On n'a pu encore
véritablement mon corps, et ceci est mon sang. » découvrir un ouvrage si précieux. [Un ma-
Maruthas dit encore au même endroit « U : nuscrit de la bibUothèque de Florence contient

était convenable et même nécessaire que, lescanons du concile de Séleucie que Maru-
suivant le précepte de Jésus - Christ l'on of- thas tint en 410, et qui furent rédigés par
frit le sacrifice en mémoire de Jésus-Christ,
lui.]

parce que si l'on n'avait pas accordé dans [8. A la même époque, deux saints per-
*

tous les siècles suivants aux fidèles la parti- sonnages d'Arménie rendaient le plus émi-
nent service à leur nation c'étaient le pa-
cipation des mystères, ils n'auraient pas connu :

le salut que le Sauveur leur a procuré, et il triarche Sahag et son coadjuteur Mesrob

aurait été difficile de leur faire connaître un honorés l'un et l'autre comme saints parmi
si grand mystère; d'ailleurs, ces mêmes fi-
leurs compatriotes. Sahag, autrement Isaac,
dèles auraient été privés de la communion dixième patriarche d'Arménie, était fils de
de ce corps et de ce sang précieux. » Selon saint Nersès, qui lui-même, après la mort

M. Assémani, à la fin du manuscrit où l'on de sa femme avait été revêtu de la même


,

trouve ces commentaires de Maruthas, il est dignité pendant trente-quatre ans. U descen-

marqué qu'il fut écrit en 861. Les autres ou- dait, à la sixième génération, de saint Gré-

vrages de ce saint évêque, sont l'histoire


' goire riUuminateur, apôtre de l'Arménie. Il
des martyrs qui souffrirent dans la persécu- appartenait aussi à la race royale des Arsa-
tion de Perse des hymnes et des cantiques
,
cides. Il avait épousé une femme de cette

sur leurs soufirances. Cette histoire était di- dynastie impériale de Perse, qui s'était trans-
visée en deux parties : dans la première plantée en Arménie. Cette femme mourut
après peu de temps, en lui laissant une
Maruthas parlait de ceux qui avaient souffert
dans la première persécution sous Sapor. filleunique, qu'il maria plus tard à un prince
Dans la seconde il racontait les souffrances de la même famille. Longtemps avant d'être
de ceux qui avaient été martyrisés sous les élevé à la dignité patriarcale Sahag s'était ,

règnes d'Isdegerde et de Yararane. [On y acquis une haute réputation de sagesse et de

trouve aussi, à la suite, des notices sur quel- sainteté. Sa vie entière et la puissance de

ques martyrs qui ont péri dans l'Empire ro- son éloquence lui avaient attaché un grand
main.] Les actes de ces martyrs se sont con- nombre de disciples, qui l'accompagnaient
servés en partie; mais ils n'ont pas encore vu et le secondaient dans les prédications qu'il
le jour 2. M. Assémani en a rapporté quel- ne cessait de dans les principales villes
faire

ques circonstances dans le premier tome de de l'Arménie. Aussi est-ce par l'assentiment
sa Bibliothèque orientale. L'édit ^ de Sapor général du peuple et du clergé arménien
qui fut comme le prélude des maux qu'il fit qu'il fut investi de la première dignité sacer-

aux chrétiens, leur défendait de de-


souffrir dotale de sa patrie, en l'an 390. Au milieu
meurer dans l'étendue de ses Etats, à moins des révolutions auxquelles était exposé son
qu'ils n'adorassent le soleil, le feu et l'eau, pays, il lui rendit des services sans nombre
par le crédit dont il jouissait auprès de ses
et qu'ils ne mangeassent du sang des ani-
maux, sous peine, aux contrevenants, d'être compatriotes, et même auprès du roi de
tourmentés par ordre des magistrats et ,
Perse.
d'être mis à mort. Cette persécution enve- Mesrob était distingué par ses connais-

Ebed-Jesu,
* in Catalog., pag. 50. morelur, quin solem adoret, ignem et aquam colat^
* Ils
ont été publiés en syriaque et en latin, par atque animantium cruorem comedat. Qincumque ista
Etienne Evode Assémani, 2 vol. iu-fol, Romae, 1748. facere detredaverit, magistratibus traditus ex ipso'
loin. III, pag. 324. ram senlentia torqueatur et pereat. Maruthas, tom. 1
Nous en avons donné l'analyse au
et suiv. {L'éditeur.) Biblioih. Orient.
3 Quicuinque me amat meumque regnum cupit
,
Tout ce numéro est tiré de Rorhbacher, Histoire
'*

illud sibi curandum intelligat, ut nul/us christiano de l'Eglise, tom. VII. pag. 419, 420. (L'éditeur.)
notus nomine in suis finibus aut sua subditione com-
[IV« ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE II. — SAINT BONIFACE , PAPE.

sances dans les langues grecque, persane et tiré de plusieurs signes de l'ancienne écri-
syriaque, ainsi que par la perspicacité de son ture du pays joints à d'autres inventés
,

esprit. Le patriarche Nersès en avait fait son exprès. Il fut mis en usage en l'année 406,

secrétaire. Après la mort de Nersès, en 374, et adopté dans toute l'Arménie, par ordre

ilremplit les mêmes fondions auprès du roi du roi Bharam Sapor. On envoya ensuite un
Varzatad. Plus tard, il embrassa l'état ecclé- grand nombre de jeunes gens, parmi eux le
siastique et se confina dans une retraite pour célèbre historien d'Arménie, Moïse de Koren,
étudier la langue grecque dans les écoles
se livrer avec plus de tranquillité à l'étude
d'Antioche, d'Edesse, d'Alexandrie, de Cons-
des lettres. Quand Sahag fut monté sur le
tantinople et d'Athènes. Ils en rapportèrent,
trône patriarcal, il le pressa de venir auprès
au bout de plusieurs années, une collection
de lui, et il le fit son coadjutcur. Le premier
et le plus ardent de ses soins fut de
pour- de livres grecs traduits, ou en original, et
l'EgUse d'Arménie posséda une version com-
suivre les idolâtres qui restaient encoie en
plète de la Bible en 410. Mesrob alla en Ibé-
Arménie, mesure qu'il regarda comme non
rie ou Géorgie, et, de concert avec le roi Ar-
moins utile à l'Etat qu'à la religion, parce
zil et l'évêque Mayre, il y établit l'usage d'un
que ces dissidents, ennemis des rois chré-
alphabet de trente-huit lettres, semblable à
tiens, étaient toujours prêts à soutenir les
celui d'Arménie. Il en fit autant en Albanie,
Persans, ou des révolutions intestines.
Mesrob, considérant de plus que la com- quelques années après, de concert avec le
roi Arsvalé et l'évêque Jérémie. Cet alphabet
munauté de l'alphabet en usage en Arménie
l'adop- est perdu maintenant; mais celui d'Ibérie est
et en Perse était un grand obstacle à
universelle de la religion chrétienne, encore en usage chez les Géorgiens pour les
tion
livres d'Eglise. C'est à la savante coopération
par la facilité qu'on avait de se procurer des
livres proscrits, tandis que nos Livres saints, de ces deux saints personnages qu'on doit la
avec des lettres étran-
des langues et conservation de la langue et de la httérature
écrits
gères, n'étaient à la portée de personne, il arménienne qui, sans cela, auraient fini par
résolut, de concert avec le patriarche Sahag, se confondre avec celles des Persans ou des
Syriens. C'est elle aussi qui a distingué
de composer un alphabet qui fut particulier
d'une manière particulière la nation et l'E-
aux Arméniens, et de faire une traduc-
glise arménienne, lui a conservé son indé-
tion complète de l'Ecriture en leur langue.
Cet alphabet, composé de trente-six letti-es, pendance pohtique et a perpétué jusqu'à
auxquelles depuis on en ajouta deux , fut nous son existence '.]

CHAPITRE 11.

Saint Boniface, pape et confesseur.

[En 422.]

i . Aussitôt après la mort du pape Zosime été résolu que tout le monde s'assemblerait
SiiDt Koni-
ûce rst élu arrivée sur la fin de décembre de Tan 418, dans de Théodore, pour procéder à
l'église
l'élection. Mais, avantmême queles funérail-
I>ape en 418.
lliffirulié sur Symmaque -, préfet de Rome, parla au peu-
les fussent achevées, une partie du peuple,
SOD éleitlun.
ple pour l'avertir de ne point troubler l'élec-

tion de son successeur, et de laisser au clergé avec les diacres et quelques prêtres qui
la liberté de décider de toutes choses avec avaient avec eux l'archidiacre Eulalius, se
paix ; il menaça même les corps des métiers saisit de la basilique de Latran, et en ferma

et les chefs des quartiers, s'ils troublaient le presque toutes les portes. C'était un ven-
repos de la ville. Il n'y eut aucun trouble dredi : cette foule demeura deux jours dans
jusqu'aux funérailles de Zosime ; et il avait l'église en attendant le jour solennel de l'or-

* Biograph. univers., art. Sahag et Mesrob; Histoire Mémoire sitr l'Arménie. [L'éditeur.) — * Baron., ad
du Bas Empire, liv. XXVllI, n. 31, 35 Saint Martin,
;
ann. 418 et 419.
6 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
dination, c'est-à-dire le dimanche prochain, l'empereur. Boniface ne laissa pas que de se
qui, cette année 418, 29 de décembre,
était le mettre en chemin, et le peuple battit l'officier
pour élire pape, Eulahus. Mais la plus grande que Symmaque avait envoyé. Symmaque
partie du clergé et du peuple s'assembla dans en étant averti, marcha vers Saint-Paul hors
l'église de Théodore, avec neuf évêques de de la ville, et voulut, mais inutilement, em-
diverses provinces, et résolut d'élire Boni- pêcher Boniface d'y entrer. Pendant ce
face, ancien prêtre, très-instruit dans la loi temps-là Eulalius, appuyé de l'autorité du
de Dieu, qui s'était acquis beaucoup de ré- préfet, faisait l'office dans l'église de Saint-
putation par ses bonnes mœurs, et qui ne Pierre. Tout cela se passait sans aucune sé-
voulait point être évêque. Symmaque l'ayant dition, et Symmaque, persuadé que c'était
su, fit venir tous ces prêtres, ils étaient au à l'empereur à juger ce différend, en écrivit
nombre d'environ soixante-dix, et les avertit à l'empereur pour lui demander ses ordres.
en présence du tribun Sérénien, de prendre Dans le même temps les prêtres qui avaient
garde qu'on ne fit rien contre les règles. Les élu Boniface, adressèrent une requête à ce
*

menaces du préfet ne les empêchèrent pas de prince, où, après avoir exphqué la vérité du
continuer à exécuter leur projet. Ils envoyè- fait, ils le priaient de révoquer son premier

rent eux-mêmes trois prêtres dénoncer par rescrit et d'obliger Eulalius, avec ceux de son
écrit à Eulalius, au nom de tous les autres, de parti, de se rendre à la cour, promettant de
ne rien entreprendre sans le consentement leur part que Boniface s'y rendrait aussi avec
de la plus grande partie du clergé. Mais ces ceux qui l'avaient élu. Cette requête eut son
trois prêtres furent maltraités par le parti effet. Honorius envoya ordre à Symmaque
d'Eulalius, et mis en pi-ison. Ceux qui les le lo janvier de suspendre l'exécution de son
avaient envoyés ne laissèrent pas de s'assem- premier rescrit, et de signifier à Boniface et
bler dans l'église de Saint-Marcel, et d'y élire à Eulalius qu'ils eussent à se trouver à Rar-
Boniface, évêque de Rome, le dimanche 29 venne le 8 février, avec ceux qui les avaient
de décembre. Il fut consacré avec toutes les élus, afin que
l'on jugeât lequel des deux
solennités requises, par les neuf évêques l'avait légitimement, ajoutant que ce-
été
dont nous venons de parler; et les prêtres lui qui manquerait de se rendre au jour mar-
qui s'étaient assemblés avec eux, souscrivi- qué se jugerait lui-même coupable. L'empe-
rent à l'acte qui en fut dressé. On le conduisit reur convoqua en même temps des évêques
ensuite avec cérémonie à la basilique de de diverses provinces pour venir juger ce
Saint-Pierre, et le peuple en témoigna sa joie différend. Ils s'assemblèrent plusieurs fois
par ses acclamations. Eulalius, de son côté, pour examiner l'affaire, sans pouvoir la ter-
se fit ordonner le même jour par quelques miner, parce qu'ils se trouvaient partagés :
évêques, et entre autres par celui d'Ostie, et comme la solennité de Pâques approchait,
que ceux de son parti avaient fait venir, ilfut résolu d'attendre qu'on pût assembler
quoique très-malade parce que la coutume
, après Pâques un plus grand nombre d'évê-
que l'évêque d'Ostie ordonnât le Pape.
était ques. Cependant le concile de Ravenne or-
Cependant Sj'mmaque écrivit le même jour à donna qu'aucun des deux contendants n'en-
l'empereur Honorius, à Ravenne, tout ce qui trerait dans Rome, de peur qu'ils n'y occa-
s'était passé. Mais comme le préfet avait été sionnassent quelque sédition parmi le peu-
gagné ou trompé par Eulalius, il appuya son ple, et déclara que celui qui le ferait, per-
parti.Le prince, prévenu par la relation de drait par cela seul tout le droit qu'il pouvait
Symmaque se déclara entièrement pour
, prétendre. Honorius autorisa cette sentence,
Eulalius, et ordonna que Boniface sortirait et les parties consentirent même par écrit à
de Rome, et qu'il en serait même chassé de l'observer. Mais comme on ne pouvait pas se
force s'il résistait. Le rescrit d'Honorius était passer à Rome d'un évêque qui y célébrât la
daté du 3 janvier de l'an 419. Symmaque le fête de Pâques, ce prince, de l'avis du concile
reçut au jour d'une solennité, c'est-à-dire, et du consentement des parties, ordonna que
celle de l'Epiphanie, lorsque Boniface était les saints mystères j seraient célébrés par
près d'aller processionnellement en l'éghse Achille, de Spolète, qui ne se déclarait ni pour
de Saint-Paul, faire l'office. Aussitôt le pré- Boniface ni pour Eulalius. Celui-ci, oubliant
fet lui envoya dire par son premier secré- sa promesse, vint à Rome le 18 de mars, et y
taire de s'abstenir de celte cérémonie, et de
le venir trouver pour apprendre l'ordre de 1 Tom. I Ep'st. Décrétai., pag. 1007.
[IV ET Y"= SIÈCLES.] CHAPITRE IL — SAINT BONIFACE, PAPE.
entra en plein raidi. Dès le soir même Sym- sénat et du peuple. Le schisme ainsi termine,
maque reçut des lettres d'Acliille, qui lui l'empereur écrivit le 7 d'avril au procon-
mandait qu'il était commis pour célébrer à sul d'Afrique de conlremander les évêques
Rome l'office de Pâques, et il y arriva etiecli- de cette province, et apparemment tous les

vement trois jours après. A son arrivée il se fit autres qui devaient venir au concile qu'il
quelque émotion parmi le peuple. Symma- avait indiqué à Spolète pour le 13 de juin.
que, avec les principaux de la ville s'avança ,
Cependant les légats Faustin, Philippe
2.

pour l'apaiser; mais le désordre s'augmenta et Asellus que le pape Zosime avait dépu-

de manière qu'Achille ne put s'ouvrir aucun tés en Afrique pour l'allaire d'Apiarius y ,

passage au travers de la foule du peuple. Le étaient encore, et ils assistèrent au concile


préfet qui ne s'était point opposé à l'entrée général de cette province, qui se tint à Car-
d'Eulalius, parce qu'il n'a^ait point encore thage le 23 de mai de cette année 419. Il y
reçu les ordres de l'empereur à cet égard, fut résolu que l'on prierait le vénérable évê-

manda à Constance ce qui était arrivé, en le que de l'Eglise romaine, Boniface, d'envoyer
priant d'envoyer ses ordres avant Pâques aux Eglises de Constantinople, d'Alexandrie
pour éviter de nouveaux tumultes parmi le et d'Antioche, afin d'en faire apporter les
peuple. Constance avait épousé Galla Placi- exemplaires du concile de Nicée. On y pro-
dia, sœur de l'empereur. Ce prince le char- posa encore d'informer amplement le Pape
gea d'un rescrit daté du 23 mars, dans lequel de ce qui venait de se passer dans celui de
il se plaignait fort de l'entreprise d'Eulalius. Carthage; tout le concile en étant convenu,
Constance envoya ce rescrit parVitulus, son on écrivit une lettre au pape Boniface, et ou
chanceher, qui le rendit à Symmaque le 27 lui envoya les actes de ce concile. Les évê-

du même mois. 11 portait « Puisqu'Eulalius : ques disent dans cette lettre « Nous deman-:

est entré dans Rome au mépris des ordres dons que Votre Sainteté nous fasse observer
précédents, il doit absolument en sortir sous ce qui a été ordonné au concile de Nicée et ,

peine de perdre non-seulement sa dignité, que vous fassiez pratiquer chez vous ce qui
mais sa Quiconque, parmi les clercs,
liberté. est contenu dans l'instruction de Zosime; »
communiquera avec lui, sera puni de même, c'est-à-dire les deux canons du concile de
et les laïques à proportion. L'évêque de Sardique, qu'ils rapportent tout entiers.
Spolète fera l'office pendantles cinq jours de Puis ils ajoutent : « Si ces dispositions sont
Pâques c'est pourquoi l'église de Latran ne
: contenues dans le concile de Nicée, et ob-
sera ouverte qu'à lui seul, n Eulalius à qui servées chez vous en Italie, nous ne voulons
Symmaque lit signifier ce rescrit le même plus en faire mention, et nous ne vous dé-
jour qu'il l'avait reçu, dit qu'il en délibére- fendons pas de les soufi'rir. S'il y a autre-
rait; mais il ne voulut point sortir de Rome, ment dans les canons de Nicée, nous croyons
quoiqu'on l'en priât extrêmement. Le lende- avec la miséricorde de Dieu que tant ,

main on lui fît sommation de sortir, et au que vous présiderez à l'Eglise romaine, nous
lieu de le faire, il s'assembla avec le peuple ne souffrirons plus cette vexation, et que l'on
dans la basilique de Latran. Symmaque, nous traitera suivant la chanté fraternelle
après en avoir délibéré, y envoya toute la que vous connaissez si bien. En attendant les
milice de la ville, qui contraignit Eulalius de éclaircissements sur cette affaire, nous pro-
sortir de cette église. Ensuite il la fit garder, mettons d'obsei'ver ce qui nous a été allégué
afin qu'Achille y pût faire l'office sans aucun dans l'instruction de Zosime touchant les
trouble. Honorius, informé du refus qu 'Eu- appellations des évêques à l'évêque de Rome,
lalius avait fait de sortir de Rome, adressa le et le jugement des clercs devant les évêques
3 avril un rescrit à Symmaque, par lequel il de leurs provinces. »

déclarait qu'Eulalius s'étant condamné lui- 3. La même


année 419, les ecclésiastiques I.etirc de
Boniface à
même par sa conduite, selon la sentence du de la ville de Valence présentèrent au pape Patrocle
aux antres
et

concile, et selon sa propre signature, et étant Boniface une requête contre Maxime leur , évoques des
Gaules , en
ainsidéchu de tout le droit qu'il avait pré- évêque, dans laquelle ils l'accusaient de plu- 419, p. 101?.

tendu avoir au pontificat, il fallait recevoir sieurs crimes, prétendant qu'il les avait
Boniface dans la en laisser le
ville, et lui commis à la vue de toute la province de
gouvernement qu'il avait justement mérité Vienne. Ils l'accusaient entre autres d'avoir
par sa modération. Boniface y arriva deux été engagé dans la secte des manichéens,
jours après, et y fut reçu aux acclamations du c'est-à-dire apparemment des priscillianistes,
8 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.

et alléguaient en preuve de ses crimes, non- l'évêché de Patras à celui de Corinthe. Boni-
seulement des actes synodaux, mais encore face ne douta point que leur requête ne vînt
des actes de juges séculiers, où l'on voyait de l'amour ardent qu'ils avaient pour la reli-
qu'il avait été poursuivi devant eux pour gion et le bien de leur Eglise mais il fut:

cause d'homicide, et même mis à la question. surpris qu'en lui demandant Périgène pour
Toutefois Maxime se disait toujours évêque, évêque, ils n'eussent pas joint à leur requête
dans les lieux où il se tenait caché, et ne une lettre de Rufus, évêque de Thessalonique,
voulait point subir le jugement de ses con- vicaire du Saint-Siège dans l'Achaïe et la
frères,quoique les Papes l'y eussent souvent Macédoine, selon les décrets des papes Da-
renvoyé. Les évêques des Gaules se joigni- mase, Sirice et Innocent. Il écrivit donc à Ru-
rent au clergé de Valence, et envoyèrent au fus, et lui envoya en même temps la requête

pape Boniface des mémoires contre Maxime. des Corinthiens. Comme Rufus, depuis qu'il
Le Pape, dans sa réponse qui est datée du 13 avait été constitué vicaire du Saint-Siège
de juin 419, et adressée à Patrocle, Remy, dans les Eglises de l'Illyrie, avait consulté le
Maxime, Sévère, Valère, Julien et huit autres pape Boniface sur divers points de discipline,
qui y sont nommés, et en général aux évê- il en reçut aussi une ample réponse, avec plu-

ques des Gaules et des sept provinces, leur sieurs lettres que Boniface écrivait à divers
dit qu'il eût pu dès lors condamner Maxime évêques, pour maintenir la discipline dans
sur de se justifier mais
le refus qu'il faisait , sa pureté, et fermer la porte aux nouveautés
que. pour ne pas donner lieu de l'accuser de que l'on voulait introduire. Rufus notifia tou-
précipitation, il veut bien accorder à cet évê- tes ces lettres à qui elles étaient adressées,
que jusqu'au 1" de novembre, pour venir etmanda ensuite au Pape que plusieurs évê-
se présenter devant les évêques de la pro- ques, en particulier Adelphius et Périgène,
vince, à l'assemblée desquels il remet le ju- consentaient à observer ce qu'il leur avait
gement des crimes dont il était accusé, et écrit; mais que les autres s'y opposaient, et
ordonne que dans ce terme il serait jugé, pré- qu'il y avait des abus h corriger. Nous n'a-
sent ou absent, sans aucun autre délai. Le vons ni ces lettres de Rufus, ni celles que le
Pape ajoute qu'il est nécessaire qu'il con- Pape lui adressa pour divers évêques mais :

firme par son autorité le jugement que le


* Boniface ne voulant ni répondre aux Corin-
concile aura rendu en cette occasion, lors- thiens, ni écrire à Périgène qu'il n'eût eu sur
qu'on lui en aura fait le rapport. « Et afin, cela l'avis de Rufus, il écrivit à celui-ci une
dit-il, que Maxime ne puisse s'excuser sur seconde lettre le 19 septembre 419, où après
l'ignorance nous envoyons des lettres par
, l'avoir loué de sa vigilance à remplir les fonc-
toutes les provinces. » tions de vicaire du Saint-Siège, et lui avoir
i.ettre de 4. Vers Ic mois d'août de la même année recommandé en général le soin des provinces
RÛflis^niis! 419, les Corinthiens adressèrent une requête qui lui étaient confiées, il le prie de lui ré-
m'i.
^
au pape Boniface à cette occasion. Il y avait crire promptement sur l'atfaire de Périgène,
chez eux un nommé Périgène, homme de lorsqu'il se serait informé exactement des
grande réputation de probité, qui était né à faits énoncés dans la requête des Corinthiens.
Corinthe, qui y avait été baptisé et qui, après Personne ne forma de plaintes contre Péri-
avoir passé par tous les degrés du clergé, y gène Rufus appuya par sa réponse la de-
;

faisaitdepuis plusieurs années les fonctions mande des Corinthiens, et se déclara pour
de prêtre avec beaucoup d'édification et d'in- l'élection de Périgène contre quelques per-
tégrité. Le siège de Patras, en Achaïe, étant sonnes qui voulaient s'y opposer. Boniface
devenu vacant, l'évêque de Corinthe en or- ayant donc examiné toutes choses, l'établit
donna Périgène évêque mais le peuple ne ; évêque de Corinthe, en ordonnant qu'il serait
l'ayant pas voulu recevoir, ni permettre qu'il intronisé dans le siège métropolitain de cette
entrât dans la ville, il s'en retourna à Corin- ville, et il envoya pour cela un pouvoir à Ru-

the. Quelque temps après l'évêque de cette fus. La première des deux lettres de Boniface
ville étant mort, les Corinthiens demandèrent est sans date, ce qui a fait croire à quelques-
au pape Boniface qu'il leur donnât Périgène uns que ce Pape ne l'avait point envoyée, et
pour évoque, et qu'il agréât sa translation de qu'il s'était contenté de faire passer à Rufus

• Quidquid autem vestra chariias de hac causa nostra, ut condecet, necease est aucfoiitate firmetur.
duxerit decernendum, cum ad nos relaium fuerif, pag. 1018.
[iV* ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE II. — SAINT BONIFACE, PAPE. 9

celle qui est la seconde, et datée du 19 sep- maintenir ses anciens règlements. Pour l'y
tembre 419. Mais elles sont rappelées toutes engager, il lui rapporte des prières que
les deux dans une autre lettre que le même l'Eglise faisaitdans la célébration des divins
Pape écrivit à Rufus le H de mars 422 elles : mystères pour la félicité de son empire. Il
furent même citées dans le concile de Rome relève aussi le zèle que ce prince faisait pa-
en 531, sous Boniface II, comme ayant été raître pour la véritable religion, soit en main-
apportées de Thessalonique à Rome. tenant la vérité soit en détruisant le culte
,

5. La même année 419, Julien le Pélagien des idoles, soit en réprimant l'insolence des
et dix-huit autres de cette secte écrivirent hérétiques. Cette lettre est du premier de
une lettre à Rufus pour l'engager, s'ils pou- juillet. L'empereur y répondit par un rescrit

vaient, dans leurs erreurs. Julien en envoya dont il chargea les mêmes députés, et où il
une autre à quelques pélagiens qui étaient à dit « Si, contre nos vœux, il arrivait quelque
:

Rome, pour les confirmer dans l'hérésie et accident à Votre Sainteté, que tout le monde

y en attirer d'autres. Dans cette dernière sache qu'il faut s'abstenir des brigues, et que
lettre, il traitait les catholiques de mani- si deux personnes sont ordonnées contre les

chéens, afin d'en donner de l'horreur aux règles, aucun des deux ne sera évêque, mais
ignorants. Quelques catholiques ayant re- seulement celui qui sera élu de nouveau du
couvré ces deux lettres, les portèrent au pape nombre des clercs par le jugement de Dieu,
Boniface. Alypius vint à Rome vers le même et d'un consentement unanime. »

temps. Le Pape le reçut avec beaucoup d'a- 7. Les évêques qui s'étaient opposés à l'élec- Lettre
HoDorins.
mitié, le retint chez lui pendant le peu de tion de Périgène, et qui ne voyaient qu'avec
temps qu'il demeura en cette ville l'en- ,
peine que l'Eglise romaine prétendit avoir des
tretint avec grande confiance, et parla sou- droits sur l'IUyrie, obtiiu-ent de l'empereur
vent avec lui de saint Augustin. A son départ Théodose une constitution du 14 de juillet
de Rome, qui fut sur la fin de cette année, le 421, adressée à Philippe, préfet du prétoire
Pape lui remit les deux lettres des pélagiens en rillyrie orientale, par laquelle, sous pré-
où saint .\ugustin était nommé et calomnié, texte d'observer les anciens canons, il or-
afin de les lui rendre en mains propres, et donne '
que pourront naî-
les diflficultés qui
qu'il y répondit lui-même. Il le fit par quatre tre à l'avenir sur l'observation de ces canons,
livres qu'il adressa au pape Boniface, et qu'il seront réservées au jugement du concile de
commence par des sentiments de reconnais- que l'on
cette province, à condition toutefois
sance sur témoignages d'amitié qu'il lui
les en dormera connaissance à l'évêque deCons-
avait donnés par Alypius. « Depuis qu'il a eu tantinople, qui jouit des prérogatives de l'an-
le bonheur de vous voir, et d'être reçu de cienne Rome. Le pape Boniface, informé de
vous avec toute la bonté et toute la cordialité cette loi, et voyant qu'elle attaquait les droits
possible, j'ai d'autant mieux connu votre mé- de son Eglise, s'adressa à l'empereur Hono-
rite, que j'ai eu plus de part à votre amitié. rius, et lui envoya des députés munis appa-
Car encore que vous soyez dans un siège remment d'une lettre de sa part -, pour ob-
plus élevé, vous n'en avez pas de plus hauts tenir, à la recommandation de ce prince, que
sentiments de vous-même, et vous ne dédai- cette loi n'eût point d'effet, et qu'on ne vio-
gnez point l'amitié des personnes qui vous lât point, par de nouvelles constitutions, les
sont beaucoup inférieures, et vous y répondez privilèges étabhs par les Pères en faveur de
par une aflfeclion réciproque. » l'Eglise romaine, qui avaient été en vigueur
6. Cependant le pape Boniface fut attaqué jusqu'alors. Honorius fît ce que le Pape sou-
d'une longue maladie pendant l'été de l'an- haitait ^ il écrivit
: à l'empereur Théodose,
née suivante 420. Dans la crainte que s'il qui à sa prière cassa ce que les évêques d'il-
mourait il n'y eût des brigues pour l'élection lyrie avaient obtenu par surprise. Ce prince
de son successeur, comme il y en avait eu à déclare dans sa réponse à l'empereur Hono-
la sienne, il écrivit à l'empereur Honorius, rius, qu'il a écritconformément à sa volonté
par des évêques députés en son nom et en aux des provinces d'Illyrie, de réta-
olliciers
celui de toute l'Eglise romaine, le priant que blir l'ordre ancien, et de maintenir les privi-
sous son règne l'Eglise eût au moins la liberté lèges de l'Eglise romaine. Sa lettre n'est
qu'elle avait sous les empereurs païens, de point datée, non plus que celle d'Honorius,

> Tom. I Décrétai., pag. 1029. « Ibid. — 3 Ibid.


to HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
mais on croit qu'elles sont Tune et l'autre de liope séparés de sa communion, s'ils n'obte-
la tin de l'an 421, c'est-à-dire de la même naient grâce par son intercession. Quant à
année que la constitution de Tliéodose, qui Maxime qui avait été mal ordonné, le Pape
est du 14 juillet 421. déclare qu'il doit être déposé du sacerdoce.

lettres à
^- ^^^ évêquos dc Tlicssalie avaient aussi Dans la seconde lettre qui est aux évêques
f^l'qui-s °do obtenu de l'empereur Théodose une loi con- de Thessalie, le Pape leur fait une répri-
ric Macédoine' tralrc aux privilèges de l'Eglise romaiue ;
mande très-forte de ce qu'ils méprisaient
103* niais ce prince cassa, encore à la prière d'Ho- l'autorité de Rufus. Il l'appuie de tout son
'a suh.
norius, ce qu'il leur avait accordé. Le but de pouvoir et leur défend d'ordonner aucun
ces évéques était de se soustraire de la juri- évêque dans l'Illyrie sans sa participation il ;

diction particulière de Rome et de celle de ajoute que si Rufus avait fait quelque faute,
Thessalonique. Ils avaient à cet etiet intéressé ils pouvaient en faire leurs plaintes au Saint-

Atticus de Constantiuople dans leur cause, Siège. Comme venue


cette lettre n'est point
pour avoir sa protection, et ils commençaient entière jusqu'à nous, on ne doit pas être
déjà àmépriserRufus, à lui contester l'autorité surpris de n'y rien trouver de Pérébius ni de
que Rome lui donnait dans l'IUjaie, et à vou- Maxime, ni des trois autres qu'il avait me-
loir assembler un concile à Corintiie pour nacés d'excommunication, s'ils n'obtenaient
examiner Tordination de Périgène. Ce fut à leur grâce par l'intercession de Rufus.
cette occasion que le pape Bonifacc écrivit La troisième adressée à Rufus en
lettre est

trois lettres datées du 11 mars 422. La pre- particulier, en général aux évêques de
et
mière est adressée à Rufus, à qui il mande Macédoine, d'Achaïe, de Thessalie, d'Epire,
de ne pas céder à ceux qui veulent innover de Prévale et de Dacie, c'est-à-dire, au con-
et s'attribuer une dignité qui ne leur est pas cile qui devait s'assembler à Corinthe pour

due il voulait parler d'Atticus, évêque de


;
examiner l'élection de Périgène. Le Pape
Constantiuople. Il l'exliorte au contraire à commence cette lettre en disant que saint
soutenir de tout son pouvoir l'autorité du Pierre a reçu de Jésus-Christ ^ le soin de
Sainl-Siége en sa personne, sans se laisser l'Eglise universel, et qu'on voit par l'Evangile
abattre par les orages et les tempêtes d'une que c'est sur cet apôtre que l'Eglise est fon-
mer agitée, et l'assure que de son côté il fait dée. Il déclare ensuite que l'affaire de Péri-
toutce qu'il peut. [11 a envoyé, dit-il, des lettres gène ayant été consommée par le Saint-
pleines de menaces et de réprimandes à ceux Siège après une mûre délibération, il n'était
de Thessalonique. Les lettres qu'il a adres- plus permis à ces évêques de l'examiner, et
sées au concile de Corinthe font comprendre se plaint fortement, mais sans le nommer, de
à tous les frères 1° qu'ils ne devaient aucu- l'èvêque de Constantiuople qu'il accuse d'or-
nement s'assembler sans l'aveu de Rufus, gueil et d'usurpation; il lui reproche d'avoir
2" qu'on ne doit point revenir sur le juge- osé indiquer cette assemblée. Il fait voir que
ment du Saint-Siège « car, ajoute le Pape,
:
suivant les canons, l'èvêque de cette ville n'a
il n'a jamais été permis de traiter de nou- pas le second siège après l'Eglise romaine,
veau de ce qui a été une fois statué par le et que celles d'Alexandrie et d'Antiocbe ont
Siège apostolique *.] Il dit ensuite à Rufus la pi'éèminence sur celle de Constantinople.

d'examiner soigueusement l'affaire de Péré- Toutefois ces deux Eglises ont eu, comme il
bius, évêque de Pbarsale, qui, dans une re- le montre, recours à l'Eglise romaine dans

quête envoyée à Rome, se plaignait de la vio- les grandes affaires, en particulier sous l'é-

lence de ses confrères; de lui en faire ensuite piscopat de saint Athanase et de Pierre d'A-
le rapport, afin que son jugement pût être lexandrie, et sous celui de Mèlèce et de Fla-
confirmé par le Saint-Siège, et que les évo- vien, tous deux évêques d'Antiocbe. « C'est
ques qui poursuivaient Pérébius sussent que pourquoi, ajoute-t-il, je vous défends de vous
ce qu'ils pourraient avoir fait contre la cou- assembler pour remettre en question l'ordi-
tume, méritait d'être cassé. Il lui manda en- nation de Périgène. Mais si, depuis qu'il a été
core que dans sa lettre aux évêques de Thes- établi évêque par notre autorité, on prétend

salie, il a déclaré Pausien, Cyriaque et Cal- qu'il ait commis quelque faute, notre frère

' Nun'juam enim licuit de eo rwsus quod semel s(a- dominicam universalis Ecclesiœ ab hoc soîlicitudo
tutum estab apostolica Sede tractari. Num. 2, col. 776, suscepta; quippe quant, Evangnlio teste (Matth. XVI,
édit. Migne. {L'éditeur.) 18), in se noverit esse fundatam. Pag. 1039.
î Mmiet beatum apostolum Pctrum per senteniiam
flY* ET \- SIÈCLES.] CHAPITRE II. — SAINT BONIFACE, PAPE. H
Rufus en prendra connaissance avec les au- présenta pour évêque de Fussale un
fait, lui

tres qu'il choisira, et nous en fera le rap- jeune homme nommé


Antoine, qu'il avait

port. confirme l'autorité qu'il lui avait


» Il élevé dès l'enfance, mais qu'il n'avait encore

donnée, exhorte les évoques d'Illyrie à lui employé dans aucune fonction de la clérica-
obéir en tout -, et particulièrement à n'or- ture que dans celle de lecteur. Le peuple de

donner aucun évéque sans sa participation, Fussale l'accepta avec une entière soumis-
et menace ceux qui contreviendraient à ces sion, et Yalentin l'ordonna évêque. Antoine

ordres, d'être séparés de la communion du ne fut pas longtemps sans donner des preu-
Saint-Siège. Ces trois lettres furent envoyées ves qu'on s'était trop pressé de l'élever à l'é-

par un notaire de l'Eglise romaine nommé piscopat. Il se conduisit d'une manière scan-
daleuse, et il fallut en venir h un jugement.
Sévère.
9 Ce fut encore en 422 que le pape Boniface
.
Il se à Hippone devant saint Augustin et
fît

reçut une lettre du clergé et du peuple de plusieurs autres évoques de la province qui
Lodève en Languedoc en plainte de ce que, s'y assemblèrent à cet effet. Antoine y fut
leur évêque étant mort, Patrocle d'Arles leur accusé d'exercer sur son peuple une domi-
en avait ordonné un qu'ils n'avaient pas de- nation insupportable de rapines, de concus-
mandé, sans la participation d'Hilaire de
et sions et de violences. Il y eut môme des
Narbonne, leur métropolitain. Le Pape ayant étrangers qui l'accusèrent d'impureté, mais
égard à leurs plaintes, écrivit le 9 février de ils ne purent l'eu convaincre. Les évoques

la même année à cet évêque comme au mé- de ce concile ne le trouvant pas assez cou-
tropolitain de la province, et lui envoya en pable pour le déposer de l'épiscopat, le con-
môme requête du clergé et du peu-
temps la damnèrent seulement à restituer à ceux de
ple de Lodève, avec ordre d'aller sur les Fussale ce qu'il leur avait pris, à demeurer
lieux, et d'y ordonner un évêque suivant le privé de la communion jusqu'à ce qu'il eût
désir du clergé et du peuple, tant par son restitué, et ensuite à quitter ce peuple qui

droit de métropolitain, que par lautorité du ne pouvait plus le souffrir. Ainsi ils lui lais-
Saint-Siège. Boniface ne parle point du pri- sèrent l'honneur de l'épiscopat, mais sans
vilège que Zosime, son prédécesseur, avait église, espérant qu'étant encore jeune, il

accordé à Patrocle d'Arles; mais il le déclare pourrait se corriger. Antoine acquiesça à la


tacitement de nul effet, voulant que, confor- sentence, et consigna l'argent suivant l'esti-
mément au sixième canon de Nicée, le gou- mation qui en avait été faite, afin de rentrer
vernement de chaque province appartienne dans la communion. Mais abusant delà dou-
à son métropolitain, et non à celui d'une au- ceur dont on avait usé envers lui, il appela
tre province. au Saint-Siège, et présenta une requête au
10. Il y avait à treize lieues ou environ pape Boniface, où, dissimulant le fait, il de-
d'Hippone un bourg nommé Fussale, où il mandait d'être rétabli dans son Eglise, pré-
ne se trouvait que peu de catholiques, et où tendant que s'il était coupable il devait être
il y avait encore des donatistes. Saint Au- déposé de l'épiscopat, et que, puisqu'on ne
gustin étant trop éloigné pour confirmer l'avait pas déposé, on n'avait pas dû non plus

ceux-là dans la véritable foi, et ramener le priver de son siège. En même temps il alla

ceux-ci à l'unité de l'Eglise, résolut d'y éta- trouver le primat de Numidie, qui lavait or-
blir un évêque, et destina à cette dignité un donné, et obtint de lui par ses artifices
prêtre qui savait la langue punique. Il écrivit qu'il le recommanderait au pape Boniface

donc au primat de la province, qui était Va- comme un homme en qui il n'y avait rien à
Icntin de Baia pour le prier de venir l'or-
,
redire. Boniface, sur la lettre du primat, jugea
doimer. Ce vénérable évêque vint avec beau- en faveur d'Antoine, et écrivit en Afrique
coup de peine, parce qu'il demeurait loin pour le rétablir dans son siège, mais avec
d'Hippone mais celui sur lequel saint Au-
:
cette précaution « S'il avait exposé fidèle-
:

gustin avait compté, refusa absolument d'ac- ment l'ordre des choses. » Antoine fit valoir

cepter l'épiscopatde Fussale. Saint Augustin ce jugement du Saint-Siège, et menaça de le

n'osant renvoyer le primat sans avoir rien faire exécuter par la puissance séculière.

' lUud etiam hortamur et repetito sœpms sermone celebrare prœsumat, cui vice nostra cuncta committi-

prœcipimus, ut in omnibus huic i-iro obedientiam dis- mus. Sibi certo hujiis prœsumptionis auctores imputa-
positionibus commodelis. Nullus ut fréquenter dixi-
, bunt in posterum, cum se videritit apostolicœ charita-,
mus, alicujus ordinationem citra ejus conscientiani tis exiorres. Pag. 1044.
12 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
C'est ce qui obligea saint Augustin d'écrire dans les contrées qui ne sont point encore
au pape succéda peu après à
Célestin, qui converties.]
Boniface, pour le prier d'empêcher qu'An- 13. On attribue quelques décrets au pape néorets at-

toine ne fût rétabli. On ne doit pas être sur- Boniface, mais dont ou ne trouve aucun ves- '„Haïe!ttm.°i

pris ni du décret de Boniface, puisqu'il ne tige dans les lettres qui nous restent de 'bm^Vi lom
.'

l'avait rendu que sur le témoignage du pri- lui. Ily en a un qui défend d'ordonner prê- "s'eët'iss!:
*"
mat d'Afrique, qui, conformément au sep- treun clerc qui n'aura pas trente ans accom- 422.°"°"'

tième canon du troisième concile de Car-


* plis. Mais ce décret que Gratien cite comme

Ihage, devait être instruit de tous les juge- de Boniface, est attribué par Yves de Char-
ments rendus en la cause des évêques de sa tres au pape Fabien, et se trouve dans la col-

province. On ne peut non plus blâmer saint lection de Martin de Bragues comme tiré du
Augustin de n'avoir pas appelé au jugement concile de Néocésarée ^. L'autre décret que
qu'on devait rendre dans l'atiaire d'Antoine, Gratien cite d'une lettre de Boniface aux
le primat de Numidie, puisque cette atfaire évêques des Gaules, est tiré de la Novelle
demandant de la célérité, il pouvait, selon le 123 de Justinien. Il porte que s'il survient
dixième canon ^ du second concile de Car- quelques difficultés entre les évêques d'un
thage, se contenter de la faire juger par même concile, soit touchant le droit ecclé-
douze évêques de la province, sans y appeler siastique, soit sur quelqu'autre affaire, le

le métropolitain. métropolitain en jugera le premier. Gratien


Le pape H . Ou croit avcc assez de vraisemblance et Burchard en citent un troisième sous le

"omleTespt- que Ic papc Bonifacc sollicita la constitution nom du même Pape, où il est dit que tout ce
lagiens.
^^ l'empcreur Honorius, mentionnée dans qui est offert à Dieu, soit homme, soit bête,

une lettre que ce prince écrivit de Ravenne soit champs, appartient aux prêtres et que ,

à Aurélius de Carthage, le 9 juin 419. Elle celui-là est inexcusable qui s'empare des
porte que, pour ^ réprimer l'opiniâtreté de choses qui appartiennent à Dieu et àl'Eghse ;

quelques évêques qui soutiennent encore la qu'on doit le regarder comme un sacrilège
doctrine de Pelage, il est enjoint à Aurélius ait restitué , et que s'il refuse
jusqu'à ce qu'il
de les avertir que ceux qui ne souscriront il excommunié. Mais ce règlement
doit être
pas sa condamnation, seront déposés de l'é- se trouve presque en mêmes termes dans les
piscopat, chassés des villes, et excommu- décrets d'Isaac de Langres, et dans le sixième
niés. livre des Capitulaires. On décida aussi quel-

Loiire da Mausi *a publié une lettre très-courte


i^^- que chose de semblable dans le concile de
aurfro!l"Té- du pape Boniface aux trois légats en Afrique, Yaison en 442. On en cite un quatrième sous
fuV.
*" ^^'"
pour les féliciter de la bonne intelligence le nom de ce Pape, qui défend de traduire
qu'ils y avaient rétablie, et pour leur de- jamais un évêque devant un juge civil, et qui
mander de plus amples renseigements. D'a- prive de sa charge le juge qui l'a ordonné.
près cette lettre qui est du 26 avril 419, on Mais ce décret parait postérieur au siècle de
voit que les différends antérieurs avaient été ce Pape. On lit dans les Pontificaux qu'il or-
conciliés. On ne peut douter que les évêques donna qu'aucune femme, pas même les reli-
d'Afrique n'aient reconnu le droit d'appeler gieuses, ne pourrait ni toucher aux nappes
à Rome. de l'autel, ni les blanchir, ni mettre l'encens
Mansi a aussi publié ^ le commencement dans l'église que cela serait réservé au mi-
Lettre de ^ ;

lionifuce à
Jnsle, ovcqne
d'une lettre à Juste, evêque*
de Cantorbery
'
."'
nistre, apparemment au sous-diacre et que ,

de^ cantur-
en ja Graudc-Bretagne, à qui le Pape envoie l'on ne pourrait faire clerc un esclave sans le
le pallium. Dans cette lettre, le souverain consentement de son maître. Le pape Boni-
Pontife accorde à Juste le pouvoir de célébrer face mourut sur la fin de l'an 422, après avoir
des ordinations épiscopales quand les cir- tenu le Saint-Siège trois ans huit mois six
constances le demanderont, afin que l'Evan- ou sept jours. Le Martyrologe romain met sa
gile se dilate par l'annonce de plusieurs fête au 25 octobre. [On trouve les lettres

' Quisquis episcoporum accusaiur, ad primatem pro- gare, ne in crimine remaneat, a duodecim episcopis
vincicE ipsius causam déférât. Goncil. Gartbag. 111 audiatur. Goucil. Garthag., can. 10.
can. 7. 3 August., Epist. 201, et loin. I Décrétai., p. 1052.
* Si quis episcopus in reatum aliquem incur revit, et ' Mausi, Concil., tom. IV, col. 30. {L'éditeur.)
fueril ei nimia nécessitas non posse plurimos cuiigre- >>
Ibid. — 6 Voyez tom. lll.
[iV ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE III. — ATTICUS DE CONSTANTINOPLE. 43

de saint Boniface dans Constant, Lettres des ordre différent, tom. IV et VIII Collection des
Souveroms Pontifes, Rome, 1721 toni. I dans , ,
conciles; dans la Patrologie latine de M. Migne,
Galland^tom. IX; dansSchœnemann,Zi>7;-es tom. XX, où les lettres sont reproduites avec
authentiques des Souverains Pontifes, Goetlin- les notes et les commentaires de Constant et

gue, 1796, tom. 1; dans Mansi, mais dans un les additions de Mansi.

CHAPITRE III.

Atticus, archevêque de Constantinople.

[Eu 425.]

Test inirns
1. Atticus, originaire de Sébaste en Ar- 2. La mort du saint archevêque arrivée en L'EglisB
roiTiaiDe ne
> siëse
sianfi-
ménie ', fut élevé dès son enfance dans la 407, ne put porter l'Eglise romaine à rece- veul pis le
reconnaiire
eu 106.
discipline monastique, par des moines - dis- voir Atticus dans sa communion; et elle fut avaot qu'il ait
réubli la mé-
ciples d'Eustathe, évêqne de cette ville, qui imitée en cela par les antres Eglises d'Occi- moire desaiiil
Chrysostiime.
suivaient comme lui l'hérésie des macédo- dent, et particnhèrement par celles de l'Illy-

niens. Mais quand Atticus fut un peu avancé rie. Une partie même du peuple **
de Cons-
en âge, il quitta l'erreur, et embrassa la foi tantinople continua à se séparer d'.A.tticus;
catholique. Quelques années après il fut or- et il moins de personnes dans les
se trouvait
donné prêtre de de Constantinople.
l'Eglise églises de cette viile
que dans les assemblées
Il se joignit à ceux qui travaillaient par leurs des défenseurs de saint Chrysostôme, quoi-
intrigues à chasser de cette ville saint Chry- qu'ils fussent obUgés de s'assembler en plein

sostome, leur évéque, et un auteur contem- air. Atticus, néanmoins, travailla si bien '

porain 3 l'accuse même d'avoir été le princi- dans la suite à gagner ceux qui lui étaient
pal moteur de toute la cabale. Ce qu'il y a opposés tant à la cour que parmi le peuple,
de certain, c'est qu'Arsace et lui se portèrent que plusieurs consentirent à communiquer
plusieurs fois pour témoins * contre saint avec lui; mais il ne put ramener le reste
Chrysostôme, dans le conciliabule du Chêne, qu'en rétablissant la mémoire de saint Chrj'-
en 403, et qu'ils y pressèrent tous deux sa sostôme. Alexandre, qui succéda vers l'an
condamnation. Ce saint évêqne ayant été 414 à Porphyre, évêque d'Antioche, facihtu
chassé de Constantinople en l'an -404, Ar- à Atticus cette démarche pour laquelle il pa-
sace fut mis en sa place mais étant mort ; raissait avoir tant d'éloignement. Cet évêque,
l'année suivante, Atticus fut préféré à plu- après avoir réuni les eustathiens séparés du
sieurs personnes qui la briguaient , et or- corps de son Eglise depuis quatre-vingt-cinq
donné évêque de Constantinople en 406. ans, mit aussi le nom de saint Chrysostôme
Nous avons parlé ailleurs des cruautés qu'on dans les dyptiques, rétablit les évêques chas-
exerça contre les fidèles de cette ville, et sés de leur siège à cause de ce saint, et par
contre les évêques dOrient, qui refusèrent ce moyen obtint du pape Innocent la com-
de le reconnaître pour légitime évêque et ; munion et la paix. Après l'avoir obtenue, il
on ne peut douter, après le témoignage de vint à Constantinople ^, y excita le peuple à
Pallade, qu'.\tticus n'ait été auteur de toutes demander le rétabhssement de la mémoire
ces violences. Ce fut lui aussi qui offrit, ou de saint Chrysostôme, et en fit presser vive-
du moins qui fit offrir ^ une somme consi- ment Atticus; mais celui-ci résista encore
dérable aux évêques envoyés d'Occident, pour cette fois. Théodote ayant succédé en
pour demander un concile œcuménique, s'ils 416 dans l'épiscopat d'Antioche à Alexandre,
voulaient communiquer avec lui et ne point mit, de même que son prédécesseur, le nom
parler en faveur de saint Chrysostôme. de saint Chrysostôme dans les dyptiques.

* Sozomen., lib. VIII, cap. xxvii. 5 Pallad., iu Dialog., pag. 13.


» Socrat., lib. VI, cap. xx. 6 klein, ibid., pag. 59.
» Pallad., in Dialog., pag. 38. * Nicephor., lib. XIV, cap. xxvii.
» Photius, Cod. 59, pag. 57 et 60. 8 Nicephor., lib. XIV, cap. xxvi.
14 IIISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Comme s;i conduite pouvait déplaire à Atti- pereur Théodose un récrit qui avait pour but vcntattriburr

cus, Acace de Béiée lui envoya un prêtre, de soumettre peu à peu à l'Eghse de Cous- droirs^à^sun

avec une lettre, pour lui faire ou approuver tantinople toutes les provinces de l'Illyrie iV.^'

ou excuser ce qu'avait fait Théodote. Ce orientale. Mais le pape Boniface, qui voulait

prêtre, à son arrivée à Constantinople, ré- maintenir l'autorité que ses prédécesseurs
pandit dans le peuple le sujet de son voyage avaient accordée sur ces provinces à l'évêque
et le contenu de la lettre dont il était por- de Thessalonique obtint, par la recomman-
,

teur; ce qui pensa causer une grande émo- dation de l'empereur Honorius, que ce res-
tion dans la ville. Atîicus, jugeant par la crit ne serait point exécuté; et en effet il fut

forte inclination que tout le peuple témoi- cassé l'année suivante.


gnait pour saint Cluysostôme, qu'il n'y avait 4. Les pélagiens qui, sous prétexte de de- pemière

pas d'autre moyen de réunir les esprits en sa mander un concile, tâchaient de troubler cus'°sà mon"

faveur, soit à Constantinople, soit dans l'Oc- l'Orient aussi bien que l'Occident, députèrent
cident, consentit à remettre le nom de ce à Constantinople , vers l'an 422, quelques-
saint évcque dans les dypliques de son uns de leurs évêques déposés qui dégui-
,

Eglise. Il écrivit même à saint Cyrille d'A- sèrent leurs sentiments impies, se couvrant
lexandrie, pour le porter à faire la même sous de fausses apparences mais Atticus ^ :

chose, et engagea Pierre et Edésius, diacres les rejeta en leur opposant la foi ancienne et

de la même Eglise, à Ty disposer. Saint Cy- la tradition de l'Eglise, les renvoya couverts s

blâma Alticus d'avoir mis le


rille résista, et ' de confusion, et les poursuivit avec tant de
nom de Jean au rang des évêques, comme vigueur, qu'il ne leur donnait pas seulement
d'une entreprise contre les canons. Mais le loisir de s'arrêter dans la ville. Il envoya *

quelques années après il changea de senti- ensuite à Rome les actes de ce qu'il avait
ment, et suivant les avis de saint Isidore de fait contre eux. En 423 il alla ^ à Nicée pour

Péluse, il rendit à la mémoire de saint Chry- y ordonner un évêque, et y eut un entretien


sostôme l'honneur qui lui était dû. Atticus avec Asclépiade, évêque de cette ville pour
n'eut plus de peine, après cela, d'obtenir la les novatiens. En quittant Nicée, il dit à Cal-
communion de Rome et de l'Occident, que liope qui en était prêtre, de se hâter de le

le pape Innocent lui avait refusée jusqu'alors, venir voir à Constantinople avant la fin de
nonobstant les instances de Maximien 2, l'automne, parce que s'il tardait davantage,
évêque de Macédoine. Mais il n'y a pas de il ne le trouverait plus. Il mourut en eti'et
doute que ce saint Pape, en lui accordant sa le dixième d'octobre de la même année.

communion, ne l'ait obligé à rempHr toutes 0. Il nous reste de lui quelques écrits, et ses écrits.
Lettre à sdiiit
les conditions sous lesquelles il l'avait ren- en particulier sa lettre à saint Cyrille d'A- ^"11°'
Cyrille, Tôm.
tom.
jjier. -'
Cy-
due à Alexandre, évêque d'Antioche;
saint lexandrie, où il se justifie de ce qu'il avait ^',^7'
,p 16-201.

ces conditions étaient, que non-seulement il été obligé de mettre le nom de suint Chry-
rétablirait la mémoire de saint Chrysostôme, sostôme dans les dyptiques. Mais ni dans
mais encore de tous les évêques chassés de cette lettre ni dans les autres qui sont venues
leur siège à cause de ce saint. Elles sont jusqu'à nous, il ne dit rien ni du défaut de
marquées dans les lettres de ce saint Pape à son entrée à l'épiscopat, ni de l'injustice de
Acace de Bérée et au prêtre Boniface, qui la persécution qu'il avait faite à ce saint évê-
résidait de sa part à Constantinople auprès que. raconte à saint Cyrille le voyage de
Il

de l'empereur. Tout cela arriva apparem- saint Alexandre à. Constantinople, pour l'en-
ment avant l'an 419, puisqu'on cette année gager à rétablir la mémoire de saint Chry-
le concile d'Afrique résolut de s'adresser à sostôme la lettre que Théodote lui avait
;

saint Boniface, alors évêque de l'Eglise ro- fait écrire par Acace de Bérée pour le prier
maine, pour le prier de demander aux évê- de lui pardonner ce qu'il avait fait par né-
ques de Constantinople d'Alexandrie et, cessité; le tumulte que cette lettre et le

d'Antioche, les exemplaires du concile de prêtre qui en était porteur, causèrent dans
Nicée, avec le témoignage de leurs lettres. Constantinople. En ayant été alarmé, ajoute-
3. En 421, Atticus sollicita auprès de l'em- t-il, il était allé trouver l'empereur pour

t Cyrillus, Episl. ad Attic, lom. V, part. 2 , pag. » Tom. IFI Concil., pag. 333, et tom. 1 Décrétai.
204. pag. 1114 et 1J34. — * Tom. I Décrétai., pag. 1L26.
* Imiocont., Episf. 22 ad Mnximian,, pag. 8Î8. s
Socrat., lib. VIT, cap, xxv.
[iv« ET V SIÈCLES.] CHAPITRE m. — ATTICUS DE COXSTANTINOPLE. 15

chercher les moyens d'apaiser le peuple et faire la distribution, il ne laisse pas de lui
de procurer la paix; et ce prince ayant ré- marquer de préférer aux autres ceux qui ont
pondu que pour un aussi grand bien que la honte de mendier. Il souhaite encore qu'il
concorde, il n'y avait point d'inconvénient n'ait attention qu'àdonner à manger à ceux
d'écrire le nom d'un homme mort, il avait qui ont faim, sans avoir égard aux diûerends
cédé à celte autorité ei i l'inclination du touchant la religion.

peuple, et de saint Jean


fait écrire le nom 8. En 419, les évêques du concile de Car- ,
,j„g ^

Chrysostôme dans les tables ou dyptiques thage ayant écrit à Atticusparle sous-diacre 'J^°„'^'^ fj^;

ecclésiastiques. Atlicus établit pour maxime Marcel;, pour le prier de leur envoyer la co- "g ||tJ'"-

qu'il y a des occasions où il faut préférer le pie des canons du concile de Nicée, la plus
bien de la paix à l'exactitude des règles authentique qu'il eût dans son Eglise, Atticus
quoiqu'on ne doive pas accoutumer le peuple la leurenvoya avec une lettre dont il char-
à gouverner comme dans une démocratie. gea le môme sous -diacre, en se plaignant
((Au reste, dit-il ensuite, je ne crois point en quelque façon qu'il n'avait pu le retenir à
avoir péché contre les canons, attendu qu'on Constantinople autant de temps qu'il l'aurait
nomme seulement le bienheureux Jean, non- souhaité.
seulement avec les évèques défunts, mais 9. Nous avons dans les Actes du concile Discours

avec les laïques et les femmes. Et il y a d'Ephèse trois passages tirés d'un sermon Noeuim'ln
- . . , . 1 , . T
Concil., pag.
grande ditféreuce entre les morts et les vi- taitpar Atticus le Jlour de la
'^
naissance du in, bis «
et 850.
vants;, puisqu'on les écrit même en différents Sauveur, où il établit clairement qu'il y a *

livres. La sépulture honorable de Saiil n'a deux natures en Jésus-Christ. Dans une lettre
point fait de tort à David l'arien Eudoxe ne : à Eupsichius, citée dans le concile de Chal-
nuit point aux apôtres, quoique mis sous le cédoine, mais dont il ne nous reste qu'un
même autel Paulin et Evagre, auteurs du
:
fragment il étabhssait aussi l'union des
,

L. schisme d'Antiocbe, ont élé reçus après leur deux natures en Jésus -Christ, en sorte
mort dans les sacrés dyptiques, il y a long- qu'elles- conservaient chacune sa propriété.
temps, pour maintenir la paix et la con- Geunade ^ et Marcellin nous apprennent qu'il
corde parmi le peuple. Commandez donc, avait aussi condamné par avance l'hérésie
pour la même raison, aux Eglises d'Egypte, de Nestorius dans un livre intitulé De la Foi :

afin de rétablir la paix dans toutes celles et de la Virginité, adressé aux reines, c'est-à-

du monde, d'écrire dans les tables le nom dire à Flaccille et à Pulchérie, fille de l'em-
de ce mort, c'est-à-dire de saint Cbrysos- pereur Arcade. Il est mis par saint Cyrille
tôme. » d'Alexandrie * au nombre des anciens qui
6. Nous avons encore une lettre d'Atticus ont appelé la sainte Vierge Mère de Dieu dans
Piefri'lt à aux diacres Pierre et Edésius. Il y fait men- leurs écrits.
feph''r!," lib. tion de celle qu'il avait écrite à saint C\-rille, 10. Socrate ^ nous a conservé quelques
p^^^,^ ^^_
XIV, cap. , . ,^ . , , y .
'
xivi. et les prie de s mteresser pour la réunion paroles de l'entretien qu'Atticus eut à Nicée %1"12
des esprits et le rélabhssement de la paix avec Asclépiade, évêque des novatiens de
dans toutes les Eglises, en Iravaillant à faire cette ville. « Quelques-uns, dit cet historien,
remettre le nom de saint Chrysostôme dans ayant remontré à Atticus qu'il ne fallait pas
les dyptiques. permettre que les novatiens fissent leurs as-
7. Socrate rapporte de lui une troisième semblées dans les villes Vous ne savez pas, :

Tbvii"
lettre qu'il écrivit à Calliope, prêtre de Ni- leur répondit-il, combien ils ont souffert de
"" cée, en lui envoyant trois cents écus d'or mauvais traitements avec nous sous le règne
pour subvenir aux besoins des pauvres de do Constantius et de Valens; et encore qu'ils
cette ville. Quoiqu'il le rende le maître d'en se soient séparés de nous, ils n'ont rien

1 Qtii sine principio est, sub principio corporeo fuit. ieret : quatenus vero per carnem cum morte congrei'
Qui perfeclus est, crescit. Qui est immutabilis, profi- cognatam carnis naturam contemj)^
sus, simul et per
cit. Qui clives est, in diversorio nascitur. Qui operit tum mortis ostenJnret, pariterque etiam per ipsius
cœlum in nubil/us, pannis involvitur. Qui rex est, poni'- mortem Novi Testamenti jura firmarentur. Tom. IV
iur in prœsepio. Tom. lll Concil., pag. 849. Concil., pag. 832.
* Meditatione assumptœ carnis, et unitione Dei * Gennad., de Viris. Illust., cap. LU, et Marcellin.,
Vertii ad hominem qui ex Maria est, utrumque fac- in C/ironic, ad aun. 416.
tum est: ita ut ex utraque Christus, quatenus Deus * CjTill., Epist. ad Acacium, pag. 44.
s
est, in propria impassibilis dcitatis dignilale persis- Socrat., lib. VII, cap. xxv,
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
changé dans àNicée, il de-
la foi.» Etant ces superstitieux n'ayant plus trouvé le tom-
manda combien il y avait de
ù Asclcpiade beau, cessèrent de s'assembler. »
temps qu'il était évêque des novatiens. Ce- 11. Le même Socrate - attribue à Atticus
lui-ci lui ayant répondu qu'il y avait cin- un fort grand sens naturel, beaucoup de ju-
quante ans « Vous êtes heureux, lui répli-
: gement et une grande application pour l'é-
qua Atticus, d'avoir passé un si long temps tude mais il relève surtout son amour pour
;

dans une si sainte fonction. » Il lui dit une les ouvrages ^ des anciens et des plus célè-
autre fois : « Je loue Novat, mais je n'ap- bres philosophes. Il était moins instruit ''

prouve pas les novatiens. » Asclépiade ayant dans les saintes Ecritures, suivant le témoi-
paru étonné de cette parole, et lui en ayant gnage de Pallade, et il n'y avait point appris
demandé la raison, il lui dit « Je loue No- : comment un évêque se doit conduire. Etant
vat de n'avoir pas voulu admettre à la com- prêtre ^, il composait ses sermons et les ap-
munion ceux qui avaient aux idoles, sacrifié prenait par cœur. Devenu plus hardi depuis
et je ne les y aurais pas admis non plus que qu'il fut fait évêque, il prêchait sur le champ,

lui mais je ne saurais souffrir que les nova-


;
et même d'une manière plus fleurie et plus

tiens en retranchent les laïques pour des élevée. Avec tout cela ^ ses discours étaient
fautes assez légères. » Asclépiade lui répon- toujours médiocres; on ne s'y pressait pas
dit : « Outre l'idolâtrie, il y a plusieurs autres beaucoup, et ses auditeurs ne croyaient pas
péchés à la mort, comme parle la sainte qu'ils valussent lapeine de les écrire, quoi-
Ecriture, pour lesquels nous en retranche- qu'ils ne fussent pas tout à fait sans érudi-

ions aussi les laïques, réservant à Dieu le tion. Son zèle contre les pélagiens lui mérita
pouvoir de leur pardonner. » Les paroles les élogesdu pape saint Célestin '; mais
d'Atticus, prises à la rigueur, pourraient don- nous ne voyons personne qui l'ait loué de
ner lieu de douter de la pureté de sa foi tou- son indulgence envers les novatiens, et l'his-
chant le pouvoir des clefs que Jésus-Christ a toire ne nous fournit rien qui marque qu'il
donné à son Eglise, et s'il ne croyait pas, ait réparé en quelque manière le défaut de
comme Novat, qu'on devait renvoyer à Dieu son entrée dans l'épiscopat. Ce qu'il fit même
ceux qui avaient sacrifié, pour en obtenir le pour rétabhr la mémoire de saint Chrysos-
pardon, et se contenter de les exhorter à la tôme ne mérite pas beaucoup de louanges,
pénitence. Socrate fait honneur à Atticus
*
ne l'ayant fait que de très-mauvaise grâce ^.
d'avoir pris un si grand soin d'abolir les su- On a ^ sous son nom une lettre au pape Bo-
perstitions. «Ayant appris, dit cet historien, niface au sujet de l'exemplaire des canons
,

que ceux qui avaient fait schisme entre les de Nicée mais on convient qu'elle est sup-
;

novatiens, au sujet de la célébration de la posée. Atticus eut pour successeur Sisinnius,


fête de Pâques, avaient fait apporter le corps homme d'une foi pure et entière, et qui eut
de Sabbatius de l'ile de Rhodes, et qu'ils fai- soin de la conserver telle qu'elle était venue
saient la nuit des prières à son tombeau, il jusqu'à lui. Son nom se trouve à la tête '*^

le fit déterrer et cacher en un autre endroit ;


d'une lettre à Vérinien, à Amphiloque et à

1 Socrat.j lib. VU, cap. xxv. Calliste (lib. XIV Hist. eccles., cap. xxvui) a dit de
s Idem, lib. VII, cap. n, et lib. VI, cap. xx. saint Cyrille d'Alexandrie, qu'il l'aveiit fait par un
' Idem, lib. Vil, cap. ii. zèle mal entendu, et non selon la science. S'il per-
* Pallad., in Dialog., pag. 38. sista longtemps à ne pas mettre le nom de son
6 Socrat., lib. VII, cap. ir. dans les dypliques, il se conduisit
saint prédécesseur
* Sozomen., lib VIII, cap. xxvii. en cela comme saint Cyrille lui-même, qui fut encore
' Celcstin., tom. I Décrétai., pag. 1204 et 1207. plus longtemps à remplir ce devoir, croyant que
8 Le jugement de l'auteur sur Atticus, est d'une saint Chrysostôme avait été justement condamné.
sévérité outrée. II est vrai que l'entrée d'Atticus Atticus a été loué par saint Célestin, par saint Maxime,
dans l'épiscopat fut illégitime, mais devenu posses- par saint Prosper, par Théodoret, Socrate, saint
seur légitime de son siège, il édifia sou troupeau et Léon-le-Grand, par la concile de Chalcédoine. Son
l'instruisit. D'après Théodoret (lib. V Hist. eccles.), nom se trouve dans quelques Ménologes des Grecs
il demanda plusieurs fois la paix à ceux (|u'il avait et des Latins, et cet évêque reçut de temps immé-
offensés par son entrée illégitime, et à cet effet, il morial un culte dans l'Eglise grecque. Vid. Bollan-
leur envoya de fréquentes ambassades. Evidemment distes au mois d'août, tom. I, pag. 32, et Migue, tom.
Théodoret désigne ici surtout l'Eglise romaine, qui LXV de la Patrologie grecque, col. 637 et suiv. [L'é-
reçut enfin Atticus en communion, après qu'il eut diteur.)
rempli les conditions fixées par le pape saint Inno- 9 Tom. I Décrétai., pag, 1048.
cent. On peut dire de cet évèque, pour excuser ses 10 Tom. III Concil., pag. 447; et Socrat., lib. VU,
Vorts euverd saiut Chrysostôme, ce que Nicéphore cap. XXVI.
[IV^ ET Y« SIÈCLES.] CHAPITRE IV. — THÉODORE DE MOPSUESTE. 17

quelques autres évêques de la Pampliylie conjointement avec eux. [Le tome LXV de la
contre l'hérésie des messaliens. Elle fut Patrolo(jie grecque contient une notice tirée

écrite dès le commencement de son épisco- des Bollandistes sur Atticus, avec l'indication
pat, c'est-à-dire en 426, au mois de février; de ses écrits mais on regrette de ne pas les y
:

un grand nombre d'évéques s'étaient assem- trouver et d'être obligé de recourir aux ditïé-
blés pour son sacre, et il écrivit cette lettre rents ouvrages qui les contiennent.]

CHAPITRE IV.

Théodore, évêque de Mopsueste en Cilicie.

[Vers l'an 428.]

Théodore, Syrien d'origine, et né,


1. Dieu sa pénitence par des prières conti-
comme l'on croit, à Antioche ', de parents nuelles, il lui écrivit pour le détourner du
également nobles et riches ^, se rendit ha- mariage, lui faisant entendre qu'après s'être
bile dans la rhétorique ^, dans la philoso- uni par des vœux à l'époux céleste, il ne
phie et dans la connaissance de l'histoire. pouvait se marier sans commettre un véri-
Saint Chrysostôme, avec qui il avait étudié table adultère. Théodore, frappé des raisons
l'éloquence * vers l'an 367, sous le sophiste de saint Chrysostôme, reconnut sa faute, re-
Libanius, ayant quitté le barreau l'année nonça de nouveau aux richesses, et reprit les
suivante pour se donner tout entier aux exercices de la vie solitaire,
exercices de piété lui persuada d'en faire
, 2. Ils s'appliquèrent ensemble, et avec
Théodore
de même. Théodore commença donc ^ à se Maxime, depuis évêque de Séleucie, à la étudie
Diodore
soas
de
Tnrse et sons
retirer du commerce du monde, à lire les li- piété et aux pratiques de la vie religieuse, Carte re.

vres sacrés, à ne voir que des personnes de sous Cartère ^ et Diodore, qui gouvernaient
piété et à vivre dans la simplicité chré- de célèbres monastères aux environs d' An-
tienne, méprisant les plaisirs et foulant aux tioche.
pieds tout ce qui se ressentait tant soit peu S.Théodore fut aussi disciple '" de Flavien
du luxe. Le démon ^, jaloux de ce nouveau d' Antioche, et n'empêche qu'on ne dise
rien
genre de vie, tâcha de l'en dégoûter par plu- que ce fut ce saint évêque qui l'éleva à la
sieurs de ses amis qui l'exhortèrent à donner prêtrise, puisque Mélèce ", successeur de
encore quelque temps à l'étude des sciences Flavien dans l'épiscopat d'Antioche, dit que
humaines avant que de songer à la retraite, Théodore avait été le docteur de cette
Théodore leur répondit sagement « Si, dans : Eglise. C'était vers l'an 382 ou 383. Quel-
ce peu de temps, je viens à mourir, comment ques années après, et comme l'on croit, en
comparaitrai-je devant celui qui a dit : Ne 392 Olympius évêque de Mopsueste, qui
, ,

vous convertir au Seigneur, et


dilTérez pas à avait assisté en 381, au concile général de
ne remettez pas d'un jour à l'autre. » La Constantinople , étant mort Théodore fut ,

tentation fut néanmoins plus que sa ré-


forte mis en sa place.
sistance et le démon étant revenu à la
, 4. En 394, il assista à un concile tenu à Tl assiste à
an coDCile de
charge, Théodore succomba; il revint à la Constantinople le 29 septembre. Il était venu Constantiao -
pie, en 3ï4.
ville, se mit dans les plaisirs, et pensa " au quelque temps auparavant en cette ville, et
mariage. Saint Chrysostôme ^, touché de sa y avait prêché devant l'empereur Théodose.
chute, le pleura, et pour ne rien omettre de Ce prince avait souhaité le voir, et après l'a-
'-
ce qui était en lui, après avoir demandé à voir entendu daus l'église, il ne l'admira

* Daus les manuscrits du Vatican publiés par le 6 Ghrysoàt. — "^


Sozomen., lib. VIII, cap. n.
cardinal Mai, Théodore se nomme ça et là Antio- 8 Cbrysost. — ^ Socrat., lib. VI, cap. ui; Sozo-
chenus. {L'éditeur.) men., lib. VIII ; Tbeodoret., Vit. Pair., cap. XL.
* Tbeodoret., lib. V Hist., cap. xxxix. 10 Facund., Ub. 11, pag. G-2.

* Sozomen., lib. VUl, cap. n. —


* Socrat., lib. VI, 1' Tom. V Concil., pag. 875.
cap. lu. —
^ Sozomen., lib. VllI, cap. n. '- Facund., lib. II, cap. ii, pag. 62.

VIII.
18 HISTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
pas moins que lorsqu'il l'eut entretenu en catholiquedu péché originel, où il combat-
Il se rendit encore célèbre
particulier. par ' tait Jérôme et saint Augustin sans
saint ,

ses prédications dans toutes les villes de l'O- néanmoins les nommer, désignant le pre-
rient, et il instruisit même les Eglises
^ mier sous le nom d'Haram. Photius rap- •'^

éloignées. porte en abrégé cinq chefs particuliers que


On l'opposait ^ de tout côté aux hérésies
5. Théodore y reprenait 1° Les hommes pè- :
Il combat
les héréfies.
comme le défenseur commun de la foi; et il chent par nature, non par celle en laquelle
en Orient durant près de
les combattit toutes Adam bonne,
fut créé d'abord, car elle était

quarante-cinq ou cinquante ans, surtout celle et l'ouvrage de Dieu; mais par celle qu'il
des apoUinaristes. Il retira * la ville de Mop- eut en partage après son péché, qui est mau-
sueste de l'hérésie arienne, que Macédonius vaise et mortelle : ainsi les hommes sont de-
et Auxence y avaient répandue sous le rè- venus mauvais et ont péché dans leur nature
gne de Constance. La province de Cihcie et non par choix. 2» Les enfants môme nou-
en 404, au sujet de
s'étant trouvée partagée veau-nés. ne sont pas exempts de péché,
saint Chrysostùme ce saint évêque pria
, parce que depuis la chute d'Adam, la nature
Péan d'en prendre soiu, et d'en écrire à est soumise au péché, qui s'éteud à toute sa
Théodore de Mopsueste. dans Celui-ci fit race, « dont on apporte pour preuve, dit
celte occasion tout ce que la reconnaissance Théodore, ces paroles J'ai été conçu en ini- :

exigeait de lui; et quoique ses travaux n'eus- quité, et d'autres passages semblables le :

sent pas eu un entier succès saint Chrysos- "=>,


baptême et la communion du corps de notre
tùme ne laissa pas de l'en remercier. On Seigneur pour la rémission des péchés, puis-
voit que dans un concile ^, Théodore reprit qu'on les donne même aux enfants. » 3" Il
ouvertement un nommé Rabula, depuis évê- n'y a aucun juste entre les hommes. 4" Jé-
que d'Edesse en Mésopotamie et ce fut peut- ;
sus-Christ même, notre Dieu, n'a pas été pur
être ce qui porta Rabula à poursuivre dans de péché, puisqu'il a pris la nature qui en
la suite la condamnation de la mémoire et des était infectée. 5" Le mariage et tout ce qui

écrits de Théodore. sert à la propagation du genre humain, sont


6. Prêchant un jour à Antioche, il avança
'^
les œuvres de la mauvaise nature où Adam
11 aïanoe
quelques pro-
positioDs er-
quelques propositions qui scandalisèrent ses est tombé par son péché. Ce sont là les er-
ronées et se
rétracta. auditeurs on n'en connaît pas bien le sujet;
: reurs que Théodore de Mopsueste attribuait
car on a pu tirer de quelques endroits de ses à saint Jérôme et à saint Augustin; mais
écrits ce qui est rapporté par quelques-uns^, elles ne sont en effet que la doctrine de l'E-
qu'il ne voulait pas dire nettement que Jé- ghse catholique, comme les pélagiens la dé-
sus-Christ fût tout ensemble Dieu et homme; figuraient pour en donner de l'éloignement.
et par d'autres, qu'il avait blâmé le terme de Il y a apparence que Théodore composa cet

Mère de Dieu. Ce qui est certain, c'est que ouvrage vers l'an 421, dans le temps que Ju-
son discours excita ^ un grand bruit parmi le lien et les autres évêques pélagiens déposés
peuple. Nestorius, qui y était, fut le premier en 418, et contraints de quitter l'Occident,
à témoigner qu'il ne pouvait l'appi'ouver, et se retirèrent, après avoir parcouru diverses
beaucoup d'autres ecclésiastiques firent la provinces ", dans celle de Cilicie, regardant
même chose. Théodore, pour arrêter ce trou- Théodore comme un des leurs. Cependant,
ble qui pouvait avoir des suites, monta en après qu'ils en furent sortis, les évêques de
chaire quelques jours après, et rétracta pu- cette province ayant tenu quelque temps
bhquement ce qu'il avait avancé. après un concile contre l'hérésie pélagienne
7. Ce qu'il fit à l'égard des pélagiens l'a et ceux qui en étaient infectés, Théodore s'y
r appoie
les pélagiens fait regarder comme un des plus puissants trouva avec les autres '-, condamna le dogme
et écrit contre
les catholi-
ques, Ters l'an
protecteurs de cette hérésie et il y en a , des pélagiens, et dit anathème à Julien.
«21.
même qui l'en ont fait auteur. Pour la soute- Théodore vivait encore en 428, puisque
8.
nir, il composa cinq livres contre la Créance nous lisons '^ que Nestorius passant en cette 428.^Srdil
ciples.

1 Idem, lib. II, cap. i, pag. Gl, G2. 7 Tom. III ConciL, pag. 392.
2 Tom. IV ConciL, pag. 664. 8 Tom. V ConciL, pag. 464.
3 Facuud., lib. VIII, cap. iv, et lib. Il, cap. ii, 9 Tom. V ConciL, pag. 364 et 448, et tom. Ilf,
pag. 331, 333, 337 et 61. pag. 391. — 10 Phot., Cod. 177, pag. 396.
* Tom. IV ConciL, pag. 664. » Facuud., — lib. VII. 11 Mercator, Prœfat. in Symb. Theod.
cap. vu. — 6 Tom. IV Concil., pag. CGC. î2 Facuud., lib. X, cap. i. — i^ Evagr., 1. I, c. ii.
[i\- ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE IV. — THÉODORE DE MOPSUESTE. 19
année-là par Mopsueste pour aller gouver- cinquième concile général '^ avec ses ouvra-
ner l'Eglise de Constantinople dont il avait ges '^.

élé élu évèque, y vit Théodore et conféra On a fait monter ** à plus de dix mille
9. Ses écrita
cor les Psau-
avec lui. On prétend même qu'il apprit de lenombre des écrits que publia Théodore '5. mes.

lui la mauvaise doctrine qu'il enseigna de- Le premier fut un commentaire sur les Psau-
puis. Théodore mourut peu de temps après, 7nes. Il n'avait alors qu'environ dix-huit ans.
et eut pour successeur Mélèce qui, à cause * Léonce de Byzance de qui nous l'apprenons "*,
de Théodore, aima mieux mourir en exil que parle fort mal de cet ouvrage, et se plaint de
d'abandonner le parti de Neslorius. Entre ce que Théodore avait méprisé ceux qui
autres disciples qu'il avait élevés et qui avaient travaillé avant lui sur cette matière,
avaient étudié auprès de lui, on nomme -
au de profiter de leurs lumières ill'ac-
lieu :

Barsumas qui , suivant la doctrine de son cuse encore d'avoir rejeté absolument les
maître, corrompit par des dogmes impies les inscriptions des hymnes, des psaumes et des
fidèles de Perse qu'il gouvernait. Théodore cantiques, et d'avoir rapporté, comme les
avait occupé l'cpiscopat de Mopsueste pen- Juifs, tous lespsaumes, excepté trois, à Zo-
dant trente-six ans ^, et il l'occupait encore * robabel et à Ezéchias. On l'a blâmé '" aussi
lorsqu'il mourut. On ne voit point qu'il ait d'avoir donné des sens moraux aux endroits
été condamné de son vivant, ni qu'il soit qui devaient s'entendre de Jésus-Christ.
mort hors de la communion de l'Eglise. 11 Théodore '* avoua lui-même depuis qu'il n'a-
était si aimé et si respecté dans Mopsueste, vait pas été exact dans ce commentaire, et
que Mélèce ^, son successeur, nous assure qu'il y avait embrassé des sentiments qu'il
qu'on l'aurait assommé s'il eût fait la moin- avait ensuite rejetés après s'être mieux ins-
dre chose au préjudice de ce que Théodore truit. On dit '^ même qu'étant informé des
avait enseigné à son peuple. Dans les autres plaintes le monde en faisait, il pro-
que tout
villes ^ de l'Orient, on entendait les peuples mit de supprimer, mais qu'il n'exécuta pas
le
s'écrier dans les éghses qu'ils ne suivaient sa promesse. Enexphquant le psaume XLrv%
point d'autre foi que celle de Théodore. Enti'e il reconnaissait personnes en -^ l'unité des
ceux qui l'ont comblé d'éloges, on doit met- Maï a publié quel-
Jésus-Christ. [Le cardinal
tre surfout Facundus '
et Théodoret. Mais le ques fragments de ce commentaire sur les
prêtre Hésichius ^ s'est déclaré absolument Psaumes, d'après les manuscrits du Vati-
contre dans son Histoire Ecclésiastique.
lui can 21.]

[Il même de saint Cyrille d'Alexan-


en fut de 10. Photius
-- parle d'un commentaire
de
Sur la Ge-
drie, qui d'abord l'avait comblé de beaucoup Théodore sur la Genèse ou la Création, divisé nèse et sur
r Exode.
d'éloges. Le cardinal Maï a publié quelques en sept tomes. On cita quelques fragments
fragments des ouvrages perdus de ce Père du quatrième et du cinquième, dans le cin-
contre Théodore et Diodore de Tarse ^] On quième -^ concile général. Jean Philoponus 2^,
ôta le nom de Théodore des dyptiques de son hérétique du septième siècle, réfuta cet ou-
Eglise '0 comme d'un homme indigne d'être vrage de Théodore, dans un écrit qu'il fit
nommé à l'autel parmi les évêques catholi- lui-même sur l'ouvrage des six jours. On
ques il fut traité d'hérétique par beaucoup "
: trouve encore quelques fragments de Théo-
de personnes, et enfin anathématisé dans le dore sur la Genèse dans les chaînes des Pères

' Lupus, Epist. 174 et 190. " Vid. Leonis Allatii Diatribam, tom. VI Biblioth.
î Leont., lib. III in Eutych., pag. 1007. [Angelo Nov. Mai, pag. 116 et seq. et prœfationem, tom. IV
Mai a retrouvé grec des fragments de Théodore,
le Scriptorum veterum, auctore Mai, Roma, 1832. [L'é-
recueillis par Léonce,
et l'a reproduit dans le qua- diteur.)
Irièuie volume des Scriptores leieres, pag. 279-312. 1* Facund., lib. X, cap. iv, et lib. II, cap. n.
Le texte latin avait été donné par Gauisius et Bas- Le cardinal Mai observe avec raison que le mot
*5

nage.] —
Théodoret., lib. V, cap. iv.
3
myriade, en grec, est employé pour un nombre indé-
* Facund., lib. VIII, cap. iv,
pag. 332. s
Lupus, — terminé. [L'éditeur.)
Epist. 174, pag. 354. —
6 Cyrill., Epist.
52, pag. 197. ifi
Leout., lib. III contra Nestorium, pag. 1006.
J
Facund., lib. II, cap. n, et lib. VIII, cap. m, iv, " Tom. V Concil., pag. 470. — i» Facund., lib. III,
v; Théodoret., lib. V Vit., cap. xxvil et XL.
cap. VI. — »9 Tom. V Concil., pag. 470.
* Tom. V Concil., pag. 470. ^^ Facund., ILb. IX, cap. i.
9 Biblioth. Nova Patrum, tom. IV, pag. 451-455. -' Tom. VII Biblioth. Nov., pag. 390
{L'éditeur.) — lo u^jj.^
p^g. 493. tom. III, pag. 453-456. (L'éditeur.)
et seq. et

" iMercator, Praef. in Sy>nb. Theod. «* Cod. 38, pag. 24. —


"Tom. V CowcîV., pag. 449,
'- Toui. V Concil., pag. 590. 450. — s- Phot., Cod.
43, pag. 29-
20 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
grecs SU7' le Pentateuque. [Les Chaînes du concile rapporte un passage de son livre

Vatican, d'après le cardinal Mai, présentent intitulé l'Interprétation de l'Evangile selon

divers fragments de Théodore sur l'Exode, saint Matthieu ^, et plusieurs de ses com-
les Nombres, Josué, les Juges '.] mentaires sur le même Evangile ^ sur ,

11. On dans le cinquième con-


cita aussi - saint Luc ^^, sur saint Jean *', sur les Actes

cile général un écrit de Théodore, où il par- des Apôtres '^ et sur l'Epitre aux Hébreux ^^.

lait du livre de Job en des termes injurieux. On voit ailleurs '* qu'il avait aussi commenté
Il n'en parlait ^ pas mieux dans ses commen- les epitres aux Corinthiens et aux Galafes.

taires sur les Psaumes, où il rejetait aussi les Théodore avait encore *^ écrit un livre sur
Epitres catholiques de saint Jacques et de les Miracles de Jésus- Christ, divisé en plu-

saint Jude, avec la seconde et la troisième sieurs parties. La seconde est citée par saint
de saint Jean, les deux livres des Paralipo- Maxime '^, et dans la session cinquième du
mènes et Esdras. On ne trouve aucun frag- concile de Latran en 649 •^. [Fritzche a re-
ment de Théodore dans les chaînes sur Job, cueilli et mis en ordre tous les fragments

mais le Père Cordier rapporte quelques- des commentaires de Théodore de Mopsueste


uns de ses commentaires sur les Psaumes sur le Nouveau Testament qu'il a pu trouver,
dans sa Chaîne sur ce livre. [Ebed-Jésu, cité Zurich, 1847, in-8°. Le cardinal Maï,tom. VU
par Allatius, dit que Théodore avait composé Nova, pag. 396-408, a publié quel-
Bibliot.

deux tomes sur Samuel, un livre sur l'Ecclé- ques nouveaux fragments sur l'Evangile se-
siaste.] lon saint Jean. Théodore y cite ses commen-
Sar Can-
le 12. Ou en trouve de son commentaire sur taires sur saint Matthieu. Le Spicilége ro-
tiqne des Can-
tiques. le Cantique des Cantiques dans le cinquième main., tom. IV, pag. 499-573. contient aussi
concile * général; et l'on y voit qu'il l'avait en grec des scholies sur l'épître de saint
fait à la prière d'un de ses amis. Les frag- Paul aux Romains. On y trouve un témoi-
ments qui en sont rapportés font horreur. gnage très-clair de la procession du Saint-
Théodore ne voulait ^ pas même que l'on Esprit par le Fils '^, et un autre témoignage
mit ce livre au rang des Ecritures canoni- de la prédication de saint Pierre à Rome '^.
ques, ni qu'on y cherchât aucun sens spiri- On trouve encore un fragment sur l'Epitre
tuel et prophétique, et il appuyait son senti- aux Romains, et quelques autres sur l'Epitre
ment sur la coutume de l'Eglise, qui, pour aux Corinthiens, aux Galates, tom. VII Bi-
des raisons bien difierentes , ne le faisait blioth. Nov. de Mai, pag. 407-408. Les Chaî-

point lire publiquement. nes de Cramer sur le Nouveau Testament,


13. Le même concile ^ cite trois passages contiennent des fragments de Théodore de
Sur les Pro-
phètes,
du commencement de son commentaire sur Mopsueste sur l'Evangile selon saint Mat-
les douze petits Prophètes, où Théodore préten- thieu, selon saint Jean, sur les Epitres de

dait montrer que leurs prophéties ne doivent saint Paul aux Corinthiens, aux Galates, aux

point s'entendre de Jésus-Christ, mais des Ephésiens, aux Colossiens, aux Philippiens
Juifs. [
' Il avait aussi interprété tous les pro- et aux Thessaloniciens.]
phètes.] Gennade dit ^o que Théodore n'étant
15.

14. [D'après Ebed-Jésu cité par Allatius, encoi'e que prêtre, composa un ouvrage sur

Théodore avait commenté les quatre Evan- l'Incarnation contre les apoUinaristes et les

giles des Apôtres et toutes les Epitres de saint eunomiens, divisé en quinze livres. Il parle
Paul. Les commentaires sur l'Epitre auxGa- avec éloge de l'auteur, l'appelle un homme
lates et sur celle aux Ephésiens ont été pu- sage dans la science et éloquent dans ses
bliés par Dom Pilra dans le Spicilége de So- paroles; il ne parle pas moins avantageuse-
lesme sous le nom de saint Hilaire de Poi- ment de l'ouvrage, disant que Théodore y en-
tiers; il en sera question dans l'Appendice seigne avec une doctrine très-pure, que Jé-
placé à la fin du volume.] Le cinquième sus-Christ avait tout ensemble la plénitude

< Tom. V Concil., pag. 457. lî Pag. 446. — 13 Pag. 441. — >^ Pag. 448.
» Tom. VII Biblioth. Nova, pag. 15 Facund., lib. III, cap. vi, et Leont., lib. III contr.
121. {L'éditeur.)
3 Leont., contra Nestor, et Eutych., pag. 1006. Nestor., pag. 1012. — i6 Lupus, Epist. 43, pag. 226.

* Tom. V Concil., pag. 452.-5 ibid., pag. 453. iT Tom. II oper., pag. 91.
6 Tom. V Concil., pag. 442. 1* 'Oti Îx. tou Tsoû ksL! to nvît/,a* aux. aXXorpiov Tuf
^ Voyez l'appendice à la fiu du volmne. (L'éditeur.) rtsTf/xMC ©îoShtijc îo-tu Pag. 525.
8 Ibid., pag. 447. — 9 Ibid., pag. 448. 19 Ibid., pag. 571. (L'éditeur.)
»o Ibid., pag. 442. — i' Pag. 440. *« Gcnnad., de Vir. tllusir., cap. Xll.
[iv ET Y" SIÈCLES.] CHAPITRE IV. — THÉODORE DE MOPSUESTE. 21

de la divinité et de l'humanité, et il assure dans la Cappadoce. Son ouvrage était divisé


qu'il parle avec piété tant des créatures que en trois livres, et adressé ** à Mastubius, ar-
de la Trinité incréée et seule incorporelle. ménien et chorévêque. Théodore y combat-
Aussi Facundus de cet ouvrage beau-
' a tiré tait principalement les magiciens ou mages

coup d'endroits pour la justification de Théo- de Perse. [Le nom de maguséens n'était au-
dore. On ne laissa pas d'en alléguer un grand tre que celui de mages.]

nombre pour le condamner dans le cin- 18. On voit par Facundus '^ que Théodore Ouvrages
contre les
quième concile général -. Mais on ne peut adressa à un nommé Cerdon un livre de l'Al- Uripéaistes.

guère douter que cet ouvrage n'ait été cor- légorie et de l'Histoir'e, contre Ûrigène, ce
rompu par les hérétiques. Du moins Théo- qiii lui attii'a, dit-il, l'aversion des origénis-
dore proteste, dans un écrit qu'il fit trente tes. L'on croit que cet ouvrage n'est pas
ans après, que les apoUinaristes voyant qu'ils dilïérent des cinq tomes de Théodore cantine
ue pouvaient répondre à son ouvrage sur lesAllégories, qu'on dit avoir été traduites du
rIncarnat ion, y avaient ajouté diverses cho- grec en syriaque. Libérât '^ se contente de
ses qui allaient à montrer qu'il y a deux fils dire, en général, que Théodore avait beau-
dans Jésus-Christ, quoiqu'il enseignât le con- coup écrit contre Origène.
traire dans ses discours publics et particu- 19. On cite •* cinq passages d'un discours I.irre
BarlHine.fkl-
da

liers, et même dans cet écrit. L'ouvrage que


Artémius
de Théodore à ceux qui venaient d'être bap- tre à
et à Domnus,
du
tisés; une lettre de lui à Artémius '^, prêtre
explication
Théodore composa trente ans après celui symbole de

d'Alexandrie, et une autre à Domnus '^, où il


Nicée , cinq
de l'Incarnation, était intitulé d'Apollinaire et livres sur le
péché origi-
de son hérésie. On en cite ^ les troisième et relevait l'union des deux natures en Jésus- nel. Antres
écrits de Théo-
quatrième livres. Il avait encore composé *
Christ, mais en ne la regardant que comme dore.]

un autre ouvrage contre les Sunousiastes ou une union de volonté, et une explication du
ApoUinaristes. L'historien Hésychius ^ parle Symbole de Nicée; mais Léonce de Byzance
des blasphèmes que Théodore enseignait l'accuse de l'avoir non-seulement altéré '',
dans ses discours mystiques. Facundus cite mais entièrement détruit, et d'avoir donné
aussi un passage du treizième livre d'un ou- sa croyance au lieu de la foi de ce concile.
vrage auquel Théodore avait donné le titre On lui a aussi attribué un symbole rapporté
de Mystique ^. dans les conciles d'Ephèse, de Chalcédoine et
Apologie 16. Léonce " de Byzance parle désavanta- de Constantinoplc. Celui d'Ephèse '^ auquel
sile MDlre geusement de l'apologie que Théodore fit Charisius, prêtre de Philadelphie, le présenta,
iDomias.
pour saint Basile contre Eunomius, disant le rejeta comme plein des impiétés de Nes-
que c'était plutôt une apologie d'Eunomius torius, et condamna à la déposition ou à l'a-
contre ce saint évêque. Mais Photius ^ sou- nathème tous ceux qui en tiendraient les
tient que Théodore combattait fortement sentiments. Mais ce concile '^ ne dit rien de
Eunomius dans cet ouvrage, et qu'il y réfu- Théodore, afin que ceux qui avaient de l'es-
tait presque tout de suite l'écrit de cet héré- time et du respect pour lui, ne prissent pas
siarque, "montrant même qu'il ignorait entiè- occasion des censures dont on l'aurait flétri,
rement non-seulement la science de l'Eglise, pour se séparer de l'Eglise. Mercator -*^ et
mais encore les lettres et les auteurs profa- quelques autres paraissent croire que ce
nes. Celte apologie était divisée en vingt- symbole est effectivement de Théodore de
cinq ou vingt-huit livres. Facundus cite ^ un Mopsueste, mais ils n'osent l'assurer. Facun-
passage du dixième. dus soutient, au contraire, qu'il n'est point
'-'

F.criU con-
e les ({a|l-
17. Théodore écrivit aussi contre "^'Icsma- de Théodore; et Manuel Caléca en fait au-
eos guséens, qui étaient des païens répandus teur Nestorius. Aussi les disciples de cet hé-

* Facund., lib. IX, cap. m, pag. 380, et lib. III, " Phot.. Cod. 81, pag. 200.
cap. u, pag. 103. i-i
Facund., lib. III, cap. vt, pag. 129.
» Totu. V Concil., pag. 441, 444, 445. 447, etc. 1* Libérât., cap. xxiv. —
i*Tom. V Concil., pag. 446.
* Facund., lib. III, cap. u, pag. 100, et lib. IX, cap. i!>
Facund., lib. III, cap. v, pag. 12+. — i^ Sirmond.
IV, pag. 392, et tom. V
ConcU., pag. 436, 439. ou Auastas., in uot. ad p. 379 Facundi. — *" Leont.,
* Tom. V Concil., pag 445. —
» Ibid., pag. 470. lib. III co«^/-a Nestor., pag. 1012,1013.
* Facund., lib. III, pag. 100. i« Tom. UI Concil.. pag. 689.
>
Leont., lib. III contra Nestor., pag. 1012. 19 Cyrill., Epist. 54, pag. 200.
8 Pliot.,Cod. 177, pag. 400. 20 Mercator., tom. II, pag. 257, et Justiniau., apud
9 Facund., lib. IX, cap. iv, pag. 391. Facund., lib. III, cap. v.
'0 Leont., lib. UI contra *i Facund., cap. n, pag. 106.
Eutych., pag. 1O09, 1012. lib. III,
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
résiarque * le faisaient signer à Philadelphie seulement des fragments rapportés en divers
en Lydie. [ Nous avons déjà dit au n" 7 que conciles et par quelques écrivains ecclésias-
Théodore avait composé cinq livres contre le tiques. Ceux qui ^ les avaient lus tout en-
Péché originel; pour soutenir Pelage, il avait tiers, disent que le style de Théodore était

aussi composé en deux livres un écrit inti- sans agréments ni beautés plein de ré- ,

tulé Que Dieu a enseigné le péché et a introduit


: pétitions et de redites que le tour en ;

la mort. On en cita quelques passages au était peu naturel, les périodes grandes, en-

cinquième concile général, quatrième confé- chaînées l'une dans l'autre, mais coupées
rence. Allatius soutient que la lettre de Théo- par quantités de parenthèses. Ils ^ convien-
dore à saint Chrysostôme, qui se trouve au nent toutefois qu'il avait une grande abon-
tome I de saint Chrysostôme, édition de dance de raisons, d'arguments et de pensées,
Montfaucon, pag. 801 et seq., est de Théo- et que, comme il savait toute l'Ecriture par
dore de Mopsueste, qui l'écrivit après sa cœur, il en citait toujours quantité de pas-
chute en réponse à la lettre de saint Chry- sages. Quant à son esprit, on dit qu'il était
sostôme. Le cardinal Mai n'ose se prononcer léger et inconstant '^,
timide et couvert, et
sur l'authenticité de cette lettre 2. Ebed-Jésu que, n'osant pas toujours découvrir ses vé-
attribue à Théodore un livre sur les Sacre- ritables sentiments,de peur que la piété des
ments, un sur la Foi, an tome sur le Sacer- peuples n'en fût choquée, il prêchait une
doce, deux sur le Saint-Esprit, un aux Moi- doctrine dans ses sermons, et en enseignait
nes, un sur le Langage obscur, un sur la Per- une autre dans ses écrits. [Ses écrits ont joui
fection des œuvres, un livre intitulé des Per- d'une telle autorité sur les Syriens ,
que la
les, un livre d'Epitres, un Traité de Législa- plupart ont été traduits en syriaque. Le tome
tion, qui fut le dernier. On lui attribue aussi LXVI de la Patrologie grecque, col. 9-1054,
une hymne, des Questions bibliques ^.] contient un commentaire historique et
:

Litnrpie de 20. Théodore avait fait encore une nou- théologique de Fritzche sur Théodore 2" un ;
Tbéoiore.
velle Liturgie, que Léonce de Byzance dit extrait de la Diatribe d'AUatius sur les Théo-
avoir été remplie non de prières, mais de dores, d'après Mai; 3» le commentaire sur
blasphèmes *. Nous en avons une dans la les Petits prophètes; 4° les fragments sur la
collection de M. Renaudot, traduite en latin Genèse; 5° V exposition sur les Psaumes;
du syriaque mais on n'y trouve rien qui
: 6° V Exposition sur Job; 1° V Exposition sur le
mérite les reproches que Léonce lui fait. Cantique; 8" les commentaires sur le Nouveau
Jugement 21. Dc tous Ics ouvra^Tes
*J
dont nous venons Testament, d'après Fritzche 9» les fragments ;
qu'on a porte
?«/.!'«"''""•
[Editions ae
de parler,
^ '
il ne nous en reste aucun, mais '
dogmatiques.]
SCS écrits.]

CHAPITRE V.

Synésius , archevêque de Ptolémaïde en Libye

[Vers l'an 430.]

Sa famille, !• Synésius, né à Cyrène, capitale de la Auxence ^. Il tirait son origine des Doriens
son educa-
Lj^ye cyréuaiquc, y fut élevé avBC uu uommé qu'Aristène avait amenés à Sparte environ

» Tom. III Concil., pag. 675. vie et les écrits du poète par M. CoUombet, dans 1 e-
2 Vide Allatii Diatribam, tom. V Biblioih. Nov. ditiou et la traduction de ses bymnes, Lyon 1839, et
(L'éditeur.) l'ouvrage latin De Synesio philosopho, Libycœ Panta-
3 Vid. AUalium, ibid., pag. 136 et 137 et Fabricii poleos metropolita, Havniae, 1831, par Clausin, licen-
Biblioih. Script veterum cum harles., tom. X. (L'é- cié en tbéologie de Copenbague. On doit néanmoins
diteur.) lireavec précaution le critique luthérien. Le tome IV
'•
Tom. II Lilurg., pag. 610, 621. des Mémoires de la société littéraire de l'université
5 Pbot., Cod. 177, pag. 400. catholique de Louvain, présente d'excellentes études
« Ibid., et Cod. 4, pag. 8. sur la vie et sur les hymnes de Synésius cette étude ;

"^
Tom. V Concil., pag. 469, 470. est de Fr. Toussaint.]
8 Sur Synésius ou jtcul consulter Eludes sur la 3 Synésius, Epist. 60, pag. 240 edit. Paris. 1612.
[n- ET Y« SIÈCLES.] CHAPITRE V. SYNESIUS DE PTOLEMAIDE. 23

onze cents ans avant Jésus-Christ : d'où vient dent comme demi-dieux parmi des mulets;
qu'il appelle Doriques ' les tombeaux de ses non pas entendent mieux que nous ni
qu'ils

ancêtres que l'on voyait à Gyrène. Il acquit mais parce qu'ils en ont
Aristote, ni Platon,

une grande réputation d'éloquence, ce qui vu l'Académie, le Lycée, et la Galerie,dont


le fit d'autant plus admirer qu'elle semblait les stoïciens ont pris leur nom. » Il n'eut
plus diliicile à un homme de Libye, où le pas, dans ce voyage, toute la satisfaction

grec était très-corrompu. Cette réputation qu'il aurait pu s'en promettre, n'ayant rien

lui attirades envieux -, qui ne pouvaient trouvé " d'illustre et de vénérable à Athènes,
souffrir qu'il mît une partie de son temps à que les noms des dieux qui avaient autrefois

polir son style et à donner de l'agrément à été en réputation. Il n'y avait plus ni philo-
ses pensées. Il s'appliqua aussi beaucoup à sophie, ni les belles peintures de Polignote :

l'étude de la géométrie et de l'arithnittique, et cette ville, au heu d'être la demeure des


qu'il regardait ^ comme des règles assurées sages, comme autrefois, n'était plus renom-
et infaillibles pour trouver la vérité. Souvent mée que pour le miel du mont Hyraète.
il veillait * pour observer le lever et le cours 4. Quelque attachement '"-
qu'il eût pour Ses
des astres. Il était doué d'une si grande facilité la philosophie et les belles-lettres, il ne vou- occupations.

d'esprit, qu'il ^ imitait sans peine toute sorte lutjamais en être l'esclave, aimant à vivre
d'auteurs, quelque dilierents que fussent leur libre '3 et dégagé
de toutes sortes de sujé-
style et leurmanière d'écrire. tions et de soins. Il ne voulut pas même s'in-
La réputation d'une femme nommée Hy-
2. quiéter d'affaires '*, lorsqu'il fut en état de
pacia, qui tenait à Alexandrie une école pu- s'en mêler, ne pensant uniquement qu'à con-
blique de la doctrine de Platon et de Plotin ^, server son esprit dans un calme parfait, éloi-
l'engagea à faire un voyage en cette ville, gné de tout ce qui en pouvait troubler la
et il de cette femme ex-
s'y rendit auditeur paix et le repos. Tout son temps était par-
aux autres la porte
traordinaire, qui ouvrait tagé entre la prière, la lecture et la chasse.
des mystères de la philosophie païenne. Il Lorsqu'il étudiait, si c'était quelque chose de
soumit même depuis ses ouvrages au juge- Dieu '^, il fallait qu'il fût seul mais pour se
:

ment de cette femme, pour les exposer avec divertir, il aimait fort la compagnie, et dès
plus d'assurance au jugement du public, qu'il n'avait plus les yeux sur les livres, il

comme on le voit par une de ses lettres ', était prêt à tout ce qu'on voulait. Il dit dans
intitulée : A la maîtresse de la philosophie. On une de ses lettres '^ que Dieu s'était montré
ne sait s'il était marié dès lors, ou si ce fut si favorable à ses prières, qu'il ne se souve-
seulement depuis sa légation à Constantino- nait pas de lui avoir jamais rien demandé
ple. Mais il semble qu'où ne puisse douter sans obtenir. Comme
quelques-uns se mo-
qu'il ne se soit marié à Alexandrie puisqu'il , quaient de de le voir demeurer simple
lui
dit * qu'il y avait eu ses enfants, qu'à cause particulier, pendant que ses parents se don-
de cela il regardait tous ceux d'Alexandrie naient beaucoup de mouvement pour avoir
comme ses concitoyens, et qu'il avait reçu des charges « Puisque l'état des affaires,
:

sa femme de la main sacrée de Théophile leur répondait-il '^, ne souffre plus que les

d'Alexandrie ^. Il ne se maria donc qu'après villes soient conduites par des philosophes,
l'an 385, auquel Théophile fut fait évêque j'aime mieux voir mon âme environnée et
de cette ville. comme gardée par une couronne de vertus,
3. Ce fut moins dans le désir de se perfec- que de voir une troupe de soldats autour de
tionner dans la philosophie, qu'il entreprit mon corps. » Aussi *^ ne prétendait-il pas lais-
le voyage d'Athènes, que pour n'être plus ser beaucoup de bien à ses enfants, et il
obligé "^ de regarder comme avec vénération avait plus de soin d'amasser des livres que
ceux qui y avaient été. « Car ces gens-là, d'augmenter ses fonds de terre. A la chasse
dit-il, quand ils sont parmi nous, se regar- il joignait quelquefois le jardinage '^, se

> Synes., in Catastasi, pag. 302. 8 Idem, Epist. 18, pag. 175.
* Idem, Epist. 153, pag. 290. 9 Epist. 103, pag. 248. — i» Epist. 54, pag. 190.
3 Synes., ad Pœonium, pag. 309. 11 Epist. 135, pag. 272. — 12 Epist. 57, pag. 199.
' Idem, in Catastasi, pag. 302. 13 In Dio>ie, pag. 56. — i* Epist. 57, pag. 194.
* Synes., in Dione, pag. 61 et 62. 15 Syues., Epist. 103, pag. 247.
« Socrat., lib. VII, cap. xv et Phot., Cod. 16, 16 Epist. 79, pag. 227. —
" Epist. 101, pag. 240.
pag. 16.
^
18 In Dione, pag. 59. —
" In Calvitio, pag. 66.
Synes., Einst. 153, pag. 290.
24 HlSTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
cette nouvelle, tout ce qui dépendait de
plaisant à cultiver des arbres et à bêcher la
il fit

luipouréviterl'épiscopatqu'il craignait extrê-


terre.
Les ravages que les Barbares faisaient
5. mement. Dans une de ses lettres ^, il prend
dans la Pentapole et dans les provinces voi- Dieu à témoin que lorsqu'il était seul, il s'é-
sines, engagèrent Synésius à aller à Cons- tait souvent jeté à genoux et prosterné con-

tantinople vers l'empereur Arcade, au nom tre terre, pour le conjurer de lui donner

de la ville de Cyrène, pour lui obtenir quel- plutôt la mort que le sacerdoce. Outre la dif-

que soulagement dans la pauvreté et dans la ficulté qu'il trouvait à changer de vie en ac-

désolation où elle était réduite. On met cette ceptant l'épicopat, il alléguait qu'il n'avait
légation vers l'an 307. Synésius demeura aucune science ^ des choses de l'Eghse ni
troisans à Constantinople, où il eut beau- aucune étude de l'Ecriture. Il disait encore
coup à souffrir. Ayant obtenu une audience qu'il était pleinement persuadé
de diver- "^

de l'empereur, il fit en sa présence un dis- ses opniions qui ne s'accordaient pas avec

cours *, en lui présentant une couronne d'or ce que l'on enseigne ordinairement aux fi-
an nom de la ville de Cyrène. Ce discours dèles; qu'il voulait bien ne pas prêcher ces

est employé, pour la plus grande partie, à choses au peuple, mais qu'il ne pouvait se
donner h Arcade l'idée d'un véritable prince, résoudre à rien dire qui y fût contraire.
et il n'y dit presque autre chose du sujet de Ces * opinions regardaient les âmes, qu'il
sa légation, sinon que la ville de Cyrène croyait avoir été créées avant les corps le ;

avait besoin d'un empereur pour reprendre monde et les parties qui le composent, qu'il

son ancien lustre, qu'elle sortirait de sa pau- disaitne devoir jamais périr: la résurrection
vreté quand le prince le voudrait, et qu'il ne des morts, qu'il ne croyait pas comme on la
tiendrait qu'à lui qu'elle ne lui envoyât une croit dans l'Eglise, s'imaginant que ce qu'en

seconde couronne digne de la grandeur et dit l'Ecriture, avait quelque sens mystique

de l'opulence d'une ville rétablie par un et caché. Enfin une femme ^


il disait : « J'ai

empereur. Mais il dit sur la fin qu'il avait à que j'ai reçue de Dieu et de la main de Théo-
traiter plus amplement avec ce prince des phile. Or, je déclare que je ne veux ni me sé-
demandes des villes de la Pentapole, ce qui parer d'elle, ni m'en approcher en cachette
fait voir qu'il prononça ce discours au com- comme un adultère mais je souhaite d'a- :

mencement de sa légation. Elle finit au bout voir des enfants en grand nombre et ver-
de trois ans, comme on le voit par ce que tueux. Voilà une des choses que ne doit point
dit Synésius 2, que, quand il partit deCons- ignorer celui qui a le pouvoir de m'ordon-
un nommé Photius en partit le ner; et il pourra encore l'apprendre de Paul
tantinople,
même jour sans saluer Aurélien, sjan ami, et de Denys, que le peuple a députés pour
qui était consul. Or Aurélien remplissait cette affaire. » Cette déclaration de Synésius

cette dignité en l'an 400. fait combien c'était une discipline cons-
voir •'^

Il relourne 6. De retour à Cyrène, il eut l'affliction de tante, que les évêques devaient garder la
à (!yrène. Il
eslf-iitévique trouver, non-seulement la guerre en son continence *', puisqu'il propose sa femme
eD4iO.
pays 3, mais encore sa patrie divisée par comme le premier obstacle à son ordination.
plusieurs différends touchant le gouverne- Il écrivit dans *^ le même temps à son frère

ment. Cependant le peuple de Ptolémaïde, Evoptius, pour lui faire connaître tout ce
métropole de la CjTénaïque, qui avait depuis qu'il pensait sur l'épiscopat, lui témoignant

peu perdu son évêque, demanda Synésius souhaiter que sa lettre fût lue de beaucoup
pour lui succéder, et s'adressa pour cet effet de personnes afin qu'il pût être innocent
:

à Théophile d'Alexandrie, de qui le siège de devant Dieu et devant les hommes, quoi qu'il
Ptolémaïde dépendait aussi bien que ceux arrivât dans cette affaire. Il fit aussi ses
d'Egypte. Synésius n'était pas encore bap- remontrances à Théophile *3 et au clergé de
tisé *, mais sa vertu le faisait également ad- Ptolémaïde •^. Mais enfin il fut obligé de cé-
mirer des chrétiens et des païens. Alarmé de der, et se rapporta de tout au jugement de

1 Synes., de Regno, pag. 2. 7 Epist. 105, pag. 249 et, suiv.


2 Episf. 61, pag. 204. 8 Ibid. — 9 Ibid. — i» Ibid.
» S>Tiesuis. Epist. 61, pag. 205. 11 Fleiiry, liv. XXII, pag. 349.
* cap. xv. 12Phot., Cod. 26, pag. 172.
Evagr., lib. I,
8 Epist. 57, pag. 194. 13Synes., Epist. 11, pag. 172.
« Epist. 13, pag. 174. i^Synes., Epist. 11, pag. 173.
[IV ET Y« SIÈCLES.] CHAPITRE V. ~ SYNÉSIUS DE PTOLÉMAIDE. 25

Théophile, se soumettant à ce joug *, dans Outre l'instruction qu'il donnait à son peuple,
l'espérance que celui qui était le maître de il prenait encore soin des
atiaircs tempo-

sa vie, serait aussi son protecteur dans l'état relles de ses diocésains et de celles même
où il l'engageait et sachant que ce qui est
:
qui regardaient ^ le corps de la ville en par-
impossible en soi-même, est possible à Dieu, ticulier. Il chassa de son diocèse ^ les euno-

il se promit qu'avec le secours de sa grâce,


miens qui, sous prétexte de quelques procès,
il le sacerdoce, au lieu de
éprouverait que étaient venus en Libye, mais en effet pour y
descendre de la philosophie et de la
le faire établir leur impiété. Andronic de Bérénice ^

contemplation de la vérité, l'y élèverait en- qui, à force d'argent, était passé de la qua-

core davantage. Il écrivit donc aux


aussitôt lité de pêcheur à celle de gouverneur de la

prêtres de Ptolémaïde pour leur demander Pentapole, s'y étant conduit en tyran et y
de prier pour lui et de commander pour ayant commis plusieurs crimes contre Dieu
son ordination des prières, publiques et et contre les hommes, les peuples affligés

particulières, à tout le peuple de la ville, eurent recours à Synésius; il fit des remon-
etdans toutes les églises de la campagne. trances à Andronic mais elles furent sans
,

11 fut sacré par Théophile, vers l'an 410, eflet. Il lui fit des reproches, et ils ne servi-

sans doute après que cet évêque et ceux rent qu'à l'aigrir, et Andronic, pour lui té-
d'Egypte qui assistèrent à son ordination, se moigner plus de mépris fit attacher à la ,

furent assurés de sa docihté et de sa foi dans porte de l'église une ordonnance par la-
les points essentiels -. On voit, en effet, que quelle il défendait à ceux qui étaient pour-
Synésius persuada à un philosophe nommé suivis par ses ordres, de se réfugier à l'asile
Evagre, sou ami et fon compagnon dans les des autels, et menaçait les prêtres qui les y
lettres humaines, de se faire baptiser et de recevraient, des peines les plus cruelles. Il
croire qu'après la fin du monde, tous les arriva qu'un homme de qualité, qui avait eu
hommes qui sont nés depuis la création, res- avec Andronic quelque différend pour un
susciteront dans leur même corps; que leur mariage, tomba depuis dans quelques mal-
chair deviendra incorruptible et immortelle ;
heurs. Le tyran en prit prétexte pour se
qu'ils vivront ainsi éternellement et recevront venger, et fit tourmenler cet homme en plein
la récompense des actions auront fai-
qu'ils midi, afin que la chaleur du soleil empêchât
tes lorsqu'ils étaient revêtus de leurs corps le monde de Synésius eu étant
s'y trouver.
mortels. Photius ^ dit aussi que Synésius informé, y accourut; mais sa présence ne
aussitôt après son épiscopat, embrassa la fit qu'irriter davantage Andronic, qui, trans-

doctrine de l'Eglise sur la résurrection. porté de fureur, prononça cette impiété


7. Il mit un intervalle
de sept mois entre
* quoique chrétien a C'est en vain que tu es-
:

son ordination et l'exercice des fonctions pères en l'Eglise : personne ne te délivrera


épiscopales, pour se donner le loisir d'en des mains d'Andronic, quand il prendrait les
méditer l'importance et de considérer à quoi pieds de Jésus-Christ même. » Il répéta ce
elles l'obhgeaient. Résolu ensuite de les blasphème jusqu'à trois fois.
remplir autant qu'il serait en lui, il ne se 8. Synésius, regardant Andronic comme II excom-
un mnnie goa-
mit plus en peine ^, ni des honneurs, ni des incorrigible, prit le parti de le retrancher vernear
le
An-
mépris des hommes, croyant même avoir de la société des fidèles. Ayant donc assem- dronic.

obligation ^ à ceux qui le persécutaient, et blé son clergé de Ptolémaïde, il dressa une

regardant les injm'es qu'on lui faisait à cause sentence d'excommunication en ces termes :

de Dieu, comme une espèce de martyre. « Qu'aucun "^ temple de Dieu ne soit ouvert

Moschu3,-in Prato spiritualt, cap. cxcv.


1 pag. 18. — * SjTies., Epist. 95, pag. 236.
On ne peut douter qu'il n'ait laissé sa femme,
* 5 Epist. ^1, pag. 191, 198 et 201.
quoi qu'en disent M. Villemain dans ses Mélanges « Synes., Epist. 57, pag. 197.
et Chateaubriand dans ses Etudes historiques. La •J
Epist. 90, pag. 231.
coutume de rigueur de Théophile, la dé-
l'Eglise, la 8 Epist. 5, pag. 169.
termination de Synésius de ne point exercer l'épis- 9 Epist. 57 et 58.
copat avant plusieurs mois d'instruction, l'absence '"
Andronico ejusque sociis, Thoanti et ejus sociis ,

de preuves formelles en faveur de l'opinion con- nuUum Dei fanum aperiatur. Omnis illis religiosa
traire, tout prouve que Synésius fit ce qu'il devait œdes, ac septa claudantur. Nulla diabolo in paradiso
faire. (L'éditeur.) pars est, qui si clam irrepserit, expelletur. Ai cum
3 Facillime enim simul atque episcopus creatus est
pj'ivatis omnibus et magistratibus prœcipio eodem cum
resurrectionis etiam doctrinam credidit. Phot., Cod. 26, illo ne ni: fecto, neque mensa uti, tum sacerdotibus
!26 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
à Andronic, aux siens et à Thoante ;
que gouvernements ensemble, le spirituel et le

tout lieu saint, avec son enceinte, leur soit temporel. voulu *, dit-il, vous faire
« J'ai

fermé : le diable n'a point de part au para- voir par expérience que joindre la puis-
,

dis. Si même il y entre en cachette, qu'il en sance politique au sacerdoce, c'est filer en-
soit chassé. J'exhorte tous les particuliers et semble deux matières incompatibles. L'anti-
les magistrats àne se trouver ni sous même quité a eu des prêtres qui étaient juges. Les
toit ni à la même table; et particulièrement Egyptiens et les Hébreux ont été longtemps
les prêtres, à ne leur point parler de leur vi- gouvernés par les prêtres. Mais, à mon avis,
vant, et à ne point assister à leurs funérail- depuis que celte œuvre divine a été traitée
les après leur mort. Si quelqu'un méprise humainement. Dieu a séparé ces genres de
de sa petitesse, et reçoit
cette Eglise à cause vie : il a déclaré l'un sacré, l'autre politique;
les excommuniés, ne croyant pas devoir lui ila attaché les uns à la matière, les autres à
obéir à cause de sa pauvreté, il doit savoir lui-même; ils doivent s'appliquer aux affai-
qu'il déchire l'Eglise, laquelle, comme le veut res, et nous à la prière. Pourquoi voulez-

Jésus-Christ, doit être une. Et celui-là, soit vous joindre ce que Dieu a séparé, et nous
diacre, soit prêtre, soit évêque, nous le met- imposer une charge qui ne nous convient
trons au rang d'Andronic, nous ne lui tou- pas? Avez-vous besoin de protection? Adres-
cherons point dans lanous ne man-
main, et sez-vous à celui qui est chargé de l'exécu-
gerons point avec lui : que
tant s'en faut tion des lois. Avez-vous besoin de Dieu ? al-
nous communiquions aux saints mystères lez à l'évêque. Le vrai sacerdoce a pour but
avec ceux qui voudront communiquer avec la contemplation, qui ne s'accorde point avec
Andronic et Thoante. » Celui-ci, de geôlier, l'action et le mouvement des affaires. Je ne
était devenu receveur d'une certaine impo- condamne pas toutefois les évêques qui s'ap-
sition, et aidait Andronic à commettre ses pliquent au-x affaires mais, sachant que je;

crimes. L'acte d'excommunication était ac- puis à peine suffire pour l'un des deux, j'ad-
compagné d'une lettre adressée à tous les mire ceux qui peuvent l'un et l'autre. » An-
évêques au nom de l'Eglise de Ptolémaïde, dronic, efl'rayé de rexcommunication pro- ,

dans laquelle Synésius leur marquait les mit de changer de vie. Tout le monde inter-
raisons qui l'avaient porté à rendre cette céda pour lui Synésius était seul d'avis de
:

sentence contre Andronic. Il lut aussi cet ne pas le recevoir, persuadé que ce n'était
acte dans l'assemblée de son peuple mais ; qu'hypocrisie de sa part. 11 céda toutefois à
auparavant il fit un discours où, après avoir l'avis des évêques plus expérimentés que lui,
marqué la répugnance avec laquelle il s'était différa d'envoyer la lettre par laquelle il de-
chargé de l'épiscopat, les peines qu'il y souf- vait notifier son excommunication, et le re-
frait, et en particuher les crimes d'Andronic, çut à condition qu'il traiterait ses semblables
il exhortait son peuple à choisir un autre avec plus d'humanité. Andronic tomba dans
évêque. Il remarque dans le même discours des excès plus grands qu'auparavant et :

qu'il n'est guère possible de réunir deux Synésius faisant valoir la sentence d'excom-

imprimis, qui nec viventes illos salutabunt, nec mor- num opus humano modo fieri cœptum est, Deus ambo
tuos funebri pompa deducent. Sin quisqnam velut an- vitœ gênera separavit, unumque horum sacrum, alte-
gustœ urbis Eccîesiam contempserif, et ab ea damna- rum ad regimen atque imperium constitutum est.
tos receperit, quasi pauperi parère nihil necesse sit ; Alios enim ad infimarum rertim fœcem convertit, àtios
noveril infectam a se Eccîesiam, quam unam esse sibi sociavit : illi in negoliis, nos in oratione coilo-
vult Christus. Atquc hic, sive levita, sive sacerdos sir, cati. Ab utrisque vero quod honestum et consentaneum

sive episcopus, apud nos in Andronici loco reputabitur, est requirit Deus. Quid tu igitur iterum revocas?
neque citm eo dexteram jungemus, nec eadem ex mensa Quid ea conjungere vis, quœ sunt a Deo separatu ?
vescemur U7iquam : tantum abest ut cum iis arcana Patrono opus haies; vade ad eum qui reipublicœ le-
mysteria communicemus , qui cum Andronico et gibus prœest. Deo quapiam in re indiges : vade ad
Thoante partem aliquam kabere voluerint. Epist. 58, urbis antistitem. Contemplatio sacerdoti finis est, si
pag. 203. non falso id sibi nomen usurpet. Contemplatio vero et
1 Jam vero ex ipsis rébus sententiœ meœ suffraga- aciio nequaquam in unum conveniunt, voluntatis enim
tores habere vos de^tinabam; reipublicœ adminislran- impetus motus est in actionem : tiullus auteui sine
dœ vim cum sacerdotio conjungere, perinde esse at- affectu aliquo esse potest. Nec episcopos damno, qui
que ea nere quœ nendo çonnecti nequeant. Prisca lem- negotiis disiinentur. Sed cum noverim vix me horum
pora eosdem sacerdotes ac judices tulerunt. Nam alterutrum assequi posse, qui utrumque prœstarepos-
jEgyptii et Hebrœi longo iempore sacerdotum imperio sint eos admirari solco. Epist. 57j pag. 198.
usi sunt : deinde posteaquam, ut niihi videtur, divi-
[jyc jr-f yc SIÈCLES.] CHAPITRE V. — SYNÉSIUS DE PTOLEiMAlDE, 27

munication, qui n'était que suspendue, aver- ces deux bourgades de la dépendance de
tit évêques de lui interdire l'entrée de
les l'évêque d'Erythres. Synésius s'étant trans-
l'Eglise; « afin que * si nous ne pouvons pas, porté sur les lieux, assembla les fidèles, leur
leur dit-il. remédier à ses désordres, nous rendit les lettres de Théophile, et voulut
évitions du moins d'y participer, en fermant leur persuader d'élire un évêque; mais quel-
aux sacrilèges les temples sacrés. » Cepen- que mouvement qu'il se donnât, il ne put
dant ^ Andronic étant tombé ensuite dans la jamais vaincre l'atleclion que le clergé et le
disgrâce des puissances séculières, Synésius peuple de Palébisque avaient pour Paul,
fut touché de compassion pour son malheur. évêque d'Erythres de qui ils dépendaient.
,

Il se plaignit de la sévérité dont on usait en- Ainsi cette bourgade, de même que celle

vers lui, le délivra par ses instances réité- d'Hydrax, demeura soumise à l'évêque
rées du tribunal funeste où l'on voulait lui d'Erythres. La seconde commission de
faire son procès, et écrivit ^ à Théophile Théophile ® était touchant un ditïérend
d'Alexandrie, pour le prier d'assister ce mal- qui avait été poursuivi entre l'évêque d'Ery-
heureux dans sa misère. 11 finissait sa lettre thres et celui de Dardanis, au sujet d'une
en disant que s'il lui accordait cette grâce, ancienne forteresse située sur les confins des
ce lui serait une marque que Dieu n'avait deux diocèses. Synésius accommoda les par-
pas encore entièrement abandonné Andro- ties, en persuadant à Dioscore, évêque de
nic. Tout ceci se passa pendant la première Dardanis, de vendre à Paul d'Erythres cette
anuée de l'ordination de Synésius. forteresse et toutes les terres qui y étaient
9. Ce fut encore la première année de jointes. Une troisième commission '
de Théo-
son épiscopat, que Synésius consulta Théo- phile, était de régler un démêlé survenu en-
phile d'Alexandrie au sujet d'Alexandre tre deux prêtres, l'un nommé Jason, l'autre
évêque de Basilinople en Bithynie, qui avait Lamponien. Jason avait attaqué de paroles,
été fait évêque par saint Jean Chrysostôme, Lamponien, qui le maltraita. Malgré son re-
et qui, étant demeuré ferme dans la défense penth- et les larmes qu'il versa, Synésius sé-
de ce saint archevêque, avait été contraint para Lamponien de la communion de l'Eglise,
comme les autres de quitter son diocèse, et le renvoya pour obtenir son rétablissement

de venir demeurer à Ptolémaïde. Il y était à la chaire pontificale c'est-à-dire à Théo-


,

lorsque Synésius en prit le gouvernement. phile, et il ne lui accorda point d'autre grâce,
Trouvant qu'on l'y traitait trop rudement et sinon que tous les prêtres qui se trouveraient
qu'on l'y regardait comme un simple parti- présents, pourraient lui donner la commu-
culier, et que quelques prêtres même refu- nion, s'il tombait en danger de mort. S'il re-
saient de le recevoir chez eux, de peur de venait en santé, il retomberait dans la cen-
violer les canons de l'Eglise, il écrivit à sure, jusqu'à ce qu'il eût obtenu le pardon
Théophile * pour savoir ce qu'il avait à faire de l'évêque d'Alexandrie.
lui-même et s'il devait fraiter Alexandre
, 10. Nous voyons par un des écrits ^ de Sy-
comme évêque, ou non. « Car il faut, lui dit- nésius, intitulé Catasfase, que dans une ir-
:

il, que nous honorions la mémoire d'un ruption des Barbares, toutes les villes de la
homme mort, et que la mort éteigne toutes Pentapole se virent à la veille de leur ruine,
les querelles. » Théophile ne jugea pas à et qu'il fut lui-même assiégé dans Ptolé-
propos de repondre à cette lettre, ni à une maïde. Durant tout le temps du siège, il était
seconde que Synésius lui écrivit sur le même réduit à garder une courtine, à être toujours
sujet. Il lui rendait aussi compte dans celle- sur les remparts, à ordonner les gardes pour
ci de diverses commissions qu'il lui avait la nuit, et à monter la garde à son tour,
données dans la Pentapole. La première re- ayant aussi bien que les autj'es le temps ré-
gardait les Eglises de Palébisque ^ et d'Hy- glé pour dormir ^, comme s'il eût été gagé
drax, bourgades sur la frontière des déserts pour porter les armes avec les soldats, plu-
de Libye. Théophile souhaitait que Synésius tôt que pour prier pour les autres. Il dit
mît un évêque à Palébisque, et par là tirât dans ce même ouvrage ***, qu'il composa

1 Synes., Epist. 72, pag. 219. 6 Ibid.. pag. 214.


î Epist. 89, pag. 230 et 231. t Ibid., pag. 215.
s Ibid. 8 Synes., in Catast., pag. 302.
* Syues., Epist. 66, pag. 206. 9 Epist. 88, pag. 230,
" Epist. 67, pag. 211. 10 In Catast., pag. 303.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
apparemment pendant le siège, que s'il se que mette de la différence entre
la vertu qui

trouvait dans la ville au temps de l'assaut, il un un usurpateur; le bonheur


véritable roi et
courrait droit à l'église; qu'il n'eu partirait d'un prince ne consiste pas dans la puis-
point et ne l'abandonnerait point; qu'il s'y sance que Dieu lui a accordée, mais dans la
couvrirait des sacrés lavoirs, et qu'il embras- sage administration de son empire; le fonde-
serait les saintes colonnes qui soutiennent la ment le plus solide de la royauté, est la reli-
table inviolable de l'autel. « C'est là, ajoute- gion et la piété; c'est le luxe qui a causé la
t-il,où je me tiendrai tant que je vivrai, et décadence de l'Empire romain, et cet Em-
où je veux reposer après ma mort. Je suis le pire ne subsisterait pas longtemps, si l'on
ministre et le sacrificateur de Dieu, et il faut continuait à y donner crédit aux nations
peut-être que je lui ofi"re ma vie en sacri- étrangères, entre autres à celle des Goths. II

fice. Il sera sans doute toucbé de voir l'au- fait aussi à Arcade un manière
portrait de la

tel, où on ne lui oflre point de sang, souillé dont un prince doit se conduire en temps de
par le sang du prêtre. » guerre comme en temps de paix, et cela d'a-
Mort des H- ^6 trois cufauts que Synésius avait eus près les écrits des anciens philosophes, et en
s?né\°us! ''r
de son mariage , il ne lui eu restait plus particulier de Platon et d'Aristote, dont il se

même, \Vn qu'uH, lorsqu'il écrivit à son frère sa lettre déclare le disciple.
'""'* n'y avait pas longtemps qu'il était
quatre-vingt-huitième, et on voit par la cent 13. Il p|„„ ^^

vingt-cinquième, qu'il perdit ce troisième et marié, lorsqu'il écrivit son traité intitulé :
dJhcondnu"
dernier fils quelque temps après. Ou ne sait Bion, ou de la Conduite de sa
vie, puisqu'il y vll\lo',ptg.
^^'
point au juste, en quelle année mourut lui- il observe ^ que Dieu promis un en-
lui avait

même mais on ne peut différer sa mort


: faut pour l'année suivante. On peut donc
au-delà de l'an 430, puisque son frère Evop- mettre cet écrit vers l'an 400, en supposant
qui lui succéda dans l'évècbé de Ptolé-
tius, que l'auteur se maria aussitôt après qu'il fut
maïde, assista en cette qualité au concile
' de retour de sa légation. Synésius en fait
d'Ephèse, en 431, et y fut député avec d'au- mention dans sa cent cinquante-troisième
tres, pour défendre la cause de la foi et de épitre, et dit qu'il le composa pour répon-
l'innocence de saint Cyrille. dre à certains sophistes ignorants et envieux,

Ses écrits.
^^- ^^ ûvait composé un assez grand nom- qui lui faisaient des reproches de son appli-

EdiL"par"s'.! t>re d'écrits, qui sout presque tous venus cation aux belles-lettres, à polir son style, à
lln.'^'
'" jusqu'à nous, et ont mérité l'estime des plus exprimer ses pensées avec agrément, et du
habiles critiques. Le premier, dans l'édition goût qu'il avait à citer fréquemment dans
de Paris de 1612, est intitulé De la Royauté, : ses écrits les poètes et les orateurs. Ces
ou de la Conduite des Rois. C'est une haran- mêmes sophistes trouvaient encore à redire
gue que Synésius prononça devant l'empe- sur les exemplaires des livides dont il se ser-
reur vers lequel il fut député de sa province vait, et les accusaient de n'être pas corrects.
vers l'an 397, pour en obtenir quelques se- Il réfute la première de ces accusations, en

cours. Evagre dit - que ce prince était Théo- faisant voir avec beaucoup d'éloquence, que
dose-le-Graud mais il est évident, par le
: l'étude des belles-lettres, la poésie et la rhé-
discours même
de Synésius, qu'il s'adresse torique sont d'une très-grande utilité. Il re-
à un jeune prince, fils d'un autre qui était pousse la seconde en montrant qu'il est quel-
parvenu à l'empire par sa vertu, et qui était quefois bon, pour exercer l'esprit, de n'avoir
mort après avoir défait deux tyrans. Or, on pas des exemplaires si corrects. Il adressa
sait que Théodose-le-Grand parvint à l'em- ce traité * à son fils, quoiqu'il ne fût pas en-
pire, non par sa naissance, mais par ses core né. Il y parle avec éloge de saint An-
belles actions, et qu'il défit les deux tyrans toine ^ et de saint Amon, et s'étend beaucoup
Eusèbe et Maxime. C'est donc à son fils sur les moines ^ et les solitaires par rapport
Arcade que Synésius adressa son discours. à la contemplation et à la connaissance de
Il y donne à ce jeune prince d'excellentes la vérité, qu'il regarde comme ^ un efiort de
instructions pour se conduire dans le gouver- l'esprit et de la méditation de 1 homme. Son
nement, et en particulier celles-ci Il n'y a : désir eût été, dit-il*, que la nature eût rendu

» Tom. IV Concil., pag. 285. 5 Ibid., pag. 48, 51. — ^ Ibid., pag. 45.
"
* Evagr.j lib. I, cap. xv. Ibid., pag. 45 et seq.
' Synes., in Dione, pag. 58. 8 Pag. 46, 47.
* Syues., ibid.
[IV« ET V« SIÈCLES. CHAPITRE V. — SYNÉSIUS DE PTOLÉMAIDE.
l'homme capable de s'appliquer sans dis- temps, représentées sous les noms de deux
continuation à la contemplation de la vérité, frères, rois d'Egypte, appelés Osiris et Ty-

et sans avoir besoin de se relâcher quelque- phon, qui étaient d'un génie opposé. Syné-
fois et de prendre quelque divertissement : sius y fait voir que dans les événements con-

mais comme il n'était pas exempt de ce be- traires de la vie, on ne doit point s'en pren-

soin, comme Dieu, ni réduit à trouver sa sa- dre à la Providence, mais admirer en tout la
tisfactiondans les plaisirs du corps, comme sagesse de Dieu. On croit que par Osiris, il
les bêtes, il ne trouvait point de milieu plus entendait Aurélien qui, en 399, fut préfet
innocent et plus proportionné à son occupa- d'Orient, et qui, ayant été remis dans la même
tion principale, que de s'amuser à faire charge en 414, la garda jusqu'en 416, et
quelque pièce d'esprit et d'éloquence. Il y s'en acquitta au contentement de tous les
reconnaît que l'âme ne peut être le bien
' peuples de l'empire ; et que sous le nom de
souverain et par essence, parce que si cela Tj^phon, il a désigné Gaïnas qui, favorable
était, elle ne serait jamais dans le mal; aux Goths seuls, causa beaucoup de maux en
qu'ainsi il faut qu'elle s'élève au-dessus Occident, et fut même cause de l'exil d'Au-
d'elle-même pour trouver le bien véritable. rélien, en excitant une sédition contre lui.
On a donné à ce traité le titre de Dion, parce 16. Le discours de Synésius sm?' le Psaume Cisconrs
sur le l'saa-
que Synésius y allègue souvent l'exemple de Lxxv« n'est pas entier. 11 s'y applique à dé-
Dion Chrysostôme. montrer qu'on doit passer dans la les fêtes
14. Dion de Gonstantinople ayant fait un piété et dans la sobriété Es-
-; que le même
discours dans lequel il faisait l'éloge des prit a parlé ^ dans l'Ancien et dans le Nou-
cheveux, et s'efforçait de montrer qu'il était veau Testament; à l'imitation d'un peintre
plus convenable à l'homme qu'à la femme habile, il a d'abord ébauché son ouvrage et
de prendre soin de sa chevelure, Synésius ensuite l'a rendu parfait. Il ajoute que l'Es-
entreprit de le réfuter par un écrit intitulé :
prit saint ne s'est point embarrassé du style
Eloge du manque de cheveux à la tète. Quoique dans les écrivains sacrés, ni d'une trop scru-
la matière paraisse extrêmement stérile, Sy- puleuse exactitude dans les choses de moin-
nésius la traite avec beaucoup d'étendue, dre conséquence *.
d'élégance et de netteté, ornant son discours 17. Synésius parle dans son traité des Son- Traité iej
Songes
de beaucoup d'érudition, et d'une variété ges, de sa légation à Gonstantinople ^, comme 132.
, pag.

admirable de raisonnements et de figures. d'une chose arrivée assez longtemps aupa-


Cet ouvrage seul fournit une preuve suffi- ravant. Ainsi il faut mettre cet écrit après
sante de la force, de la beauté et de l'éten- Tan 400. Avant de le rendre public, il l'en-
due de son génie. Il y remarque que les fi- voya avec son Dion à Hypacia, pour en avoir
gures des hommes illustres que l'on gardait son jugement; et afin, lui dit-il ^, que le
dans les cabinets, comme celles de Diogène, nombre fût parfait, il y en joignit un troi-
de Socrate et autres, avaient la tête chauve; sième sur le présent qu'il avait fait durant
selon l'auteur, le manque de cheveux était si sa légation. C'était un astrolabe d'argent,
ordinairement regardé comme une preuve qui, selon la description qu'il en fait dans
de mérite, que les peintres, voulant repré- son discours à Pœon, était proprement un
senter un comédien , lui faisaient une globe céleste, quoiqu'il ne fût pas, ce semble,
belle chevelure, et qu'ils donnaient au con- d'une figure ronde. Le traité des Songes ren-
traire,une tète chauve aux philosophes, ferme plusieurs remarques sur l'origine, la
aux prêtres et aux autres personnes de dis- vertu et les significations des songes. On y
tinction. trouve quelques expressions qui tiennent
13. Son traité de la Providence est divisé beaucoup du paganisme. Nous avons le com-
en deux parties. C'est une description énig- mentaire que Nicéphore Grégoras, patriar-
matique des calamités publiques de sou che de Gonstantinople, a fait sur cet ou-

* Pag. 50. vit) et quod boni pictores faciunt, olim quidem adum*
* Sed Deo dignum le celebratorem prœbeas, ne a
ut brale detineavit; postea vero singulas cugitationis par»
sobria jejunii mensa ad ebriam et vinolentam te con- tes eluboravit. Pag. 130.
féras : quin potius craterem sobria mixtura plenam * Nulla Dca cura divini ac numine afflati sermonis
Deo inimortali offeras. Syues., pag. 130. est, anxiamque in minutis rébus scriptorum diliyen'
* Calix porro unus est ; unus enim idemque spiri- tiam aspernatur. Paa. 130.
tus propheta, atque eum qui a Deo tnissus est inspira 8 Pag. 150. — 6 Pag. 293.
30 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
vrnge '. Synésius s'y dans
dit ^ fort hal)ilc fixé au 19 d'avril. La trente-unième est un
l'art d'expliquer témoigne
les songes, et éloge du préfet Aurélien qui, par son atten-
souhaiter de transmettre cette connaissance tion à faire du bien à tout le monde, méri-

à ses enfants. Il acheva son traité des Songes tait qu'un chacun priât Dieu pour l'en ré-
en une seule nuit, compenser.
sej leiirc... 18. Nous avons cent cinquante-cinq lettres 19. Un officier, nommé Jean, qui était ,^j,_,^,
Cl
p^s. 159
jg Synésius; mais il en avait écrit davan- Phrygien d'origine, fut accusé d'avoir fait m°'pg"
tage, comme on le voit par Nicéphore, qui assassiner Emilius, son propre frère. Quel- f^l^l^i
en compte jusqu'à soixante ^. Photius'* parle ques-uns prétendaient que c'était un faux
aussi d'une de ses lettres à Théophile d'A- bruit inventé par les ennemis que Jean avait
lexandrie, qui n'est pas venue jusqu'à nous =>. dans le conseil de la ville. Synésius, persuadé
La plupart sont peu intéressantes pour notre d'un côté que Jean était très-capable d'avoir
sujet, et extrêmement courtes. On voit par commis ce crime, et de l'autre, qu'on le lui

la première, qui est adressée à Nicandrc, imputait faussement, lui conseilla de se re-
que Synésius lui avait envoyé un de ses ou- mettre entre mains de la justice avec toute
les
vrages avant de le rendre public, aGn qu'il sa compagnie pour justifier sa réputation
,

jugeât s'il en valait la peine. Il fait dans la s'il était innocent, ou pour purger sa faute

quatrième une description d'un naufrage s'il était coupable, et éviter par le supplice

qu'il avait essuyé, et remarque que le pilote, qu'il souffrirait en cette vie, la peine qu'il
qui était juif et aussi scrupuleux observateur aurait dû craindre en l'autre. Il s'étend
de la loi que Machabéos, quitta le gouver-
les sur y a à souffrir en ce monde
l'utilité qu'il

nail la veille du samedi après le soleil cou- plutôt qu'en l'autre, et il dit ^ que la fuite
ché, et qu'on ne put l'obliger de le repren- de tout péché est le premier de tous les
dre, quelques menaces qu'on lui fit, jusqu'à biens, tandis que l'innocence recouvrée est
ce que vers minuit, le vaisseau se trouva en im bien du second ordre. Les épitres cin-
danger de périr. Alors il le reprit, disant que quante-sept, cinquante-huit, soixante-douze
cela lui était permis par la loi, parce qu'il y et soixante-dix-neuf, regardent les crimes
avait danger de mort pour ceux qui étaient d'Andronic et les censures dont Synésius fut
dans le vaisseau. cinquième, ilDans la contraint de le frapper. Il y dit aussi plu-
exhorte les prêtres à combattre les euno- sieurs choses de sa propre conduite. Dans la
miens et à empêcher leurs assemblées; mais soixante-sixième, il parle d'un livre élégant
on doit agir de telle façon à leur égard, qu'il et plein d'érudition que Théophile avait
,

ne paraisse point qu'on en veuille à leurs écrit à Atticus de Constantinople, pour l'en-
biens. La neuvième est un compliment à gager à recevoir ceux du parti de saint Chry-
Théophile d'Alexandrie sur ses Lettres pas- sostôme. La soixante-septième regarde le
cales. Il témoigne dans la onzième qu'il au- différend qui régnait entre Dioscorc, évêque
rait volontiers donné plusieurs fois sa vie de Dardanis, et Paul, évêque d'Erythres, au
pour ne pas être choisi évêque. Il y prie sujet des restes d'un château situé sur les
Dieu, qui l'avait appelé au sacerdoce, de lui confins des diocèses d'Erythres et de Darda-
donner des forces pour en bien rempUr les nis, dont nous avons déjà parlé. Paul pré-
fonctions. La douzième est adressée à un tendait que ce lieu lui appartenait, parce
prêtre ou à un évêque, nommé Cyrille, qui qu'il y avait consacré une église à la place
avait été séparé pour un temps de l'Eglise. d'une autre plus ancienne. Dioscore soute-
Il l'assure que si Théophile eût été encore nait que ce lieu lui appartenait de tout temps;
envie, il lui eût permis de reprendre le soin il convenait, il est vrai, qu'on y avait fait des

de son ti'oupeau, et l'exhorte à recourir à prières dans une incursion d'ennemis, mais
Dieu avec un cœur dégagé des mauvaises qu'U n'était pas plus consacré pour cela que
affections dont il était remph auparavant. Il les montagnes et les vallées où l'on priait en
marque dans la treizième, qui est écrite d'A- pareilles occasions. Synésius ayant pris con-
lexandrie, que le jour de la Pâque était naissance de ce différend par ordre de Théo-

• Sj-nes., pag. 349. s Nicephor., lib. XIV, cap. LV.


« Ibid., pag. 145. — ^ Pag. 293. « Phot., Cod. 26, pag. 18.
^ D. daus son prospectus du Specilegium
PiU'a, '
Nam cum nihil omnino peccare maximum omnium
Solemniacense, amioucc deux nouvelles épitres de bonorum est, tum ad justitiam revocari secundum in
Synésius. Elles n'ont point encore paru. {L'éditeur.) bonis locum obtinet, Pag. 184.
[IV* ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE V. — SYNÉSIUS DE PTOLÉMAIDE. 31

phile d'Alexandrie, déclara Dioscore proprié- patriarcat; soit pour y faire approuver son
taire, et que Pan! était dans son tort d'avoir élection. Synésius rend un témoignage très-
apporté en fraude la pierre de l'église et le avantageux à Antoine, tant en son nom qu'au
voile mystique, afin de s'en emparer. Ainsi, nom de deux autres év'êques. Il parle dans
loin de considérer cette maison comme un la cent vingt-unième de l'eau bénite ^ que

lieu consacré, il ne douta point qu'on ne l'on mettait à la porte des églises, pour ser-
dût la considérer comme un lieu ordinaire. vir de purification à ceux qui y entraient. Il
« Je n'estime, dit-il, rien de saint ni de sa- loue la valeur de quelques prêtres qui, au
cré, s'il n'est fait avec justice et sainteté : sortir de la messe, avaient mené leurs pay-
ainsi je n'ai point eu de respect pour cette sans contre les ennemis et les avaient défaits
prétendue consécration. Dieu s'approche de après la prière. Il ajoute qu'un diacre nommé
ceux qui sont sans passions et dans les dis- Fauste, combattit lui-même et eu abattit plu-
positions qui lui conviennent. Mais quand sieurs. Néanmoins, dans la précédente, il re-
on agit par colère, comment le Saint-Esprit connaît que les clercs ne doivent pas prêter
y peut-il venir, lui que la passion chasserait leurs bras à la justice, et qu'il ne leur reste
d'une ûme, s'il y habitait auparavant? » que la prière ^. Il écrivit la cent vingt-sixième
Paul avoua sa faute, et Dioscore s'accommo- après la mort de son troisième et dernier
da avec de ce château à des conditions
lui fils. On y voit qu'il avait dessein de bâtir un

raisonnables. Dans lamême lettre, Synésius monastère sur les bords du tleuve Asclépius,
se plaint à Théophile, que des évoques en et qu'il préparait déjà les vases sacrés qui y
accusaient d'autres d'agir contre les lois ;
étaient nécessaires. La cent vingt-huitième
non pour les faire condamner, mais seule- est adressée à un évêque chassé de son siège
ment pour procurer des gains injustes aux pour n'avoir pas voulu souscrire à l'impiété
gouverneurs devant qui, apparemment, se
, arienue. Il lui dit qu'il n'était pas pour cela
Il s'y plaint encore
faisaient ces poursuites. dépouillé de ce qu'il était, et qu'on n'est pas
des évèques vagabonds ou vacants, qui quit- chassé du trône de la piété, lorsqu'on est sé-
taient volontairement la chaire à laquelle ils paré de la société des impies. Il écrivit la
avaient été destinés, et cherchaient eu divers cent vingt-neuvième dans le temps que la
lieux l'honneur de l'épiscopat, s'arrêtant où ville de (lyrène était obligée de se défendre
ils trouvaient le plus à gagner. Il est d'avis contre les Barbares. C'est pourquoi il y dit à
d'interdire toutes fonctions ecclésiastiques à un de ses amis, qui lui demandait des
ces déserteurs ', de ne leur point offrir ail- poèmes, de prier pour la tranquillité de celte
leurs la première place, de ne pas même les ville, n'.iyant pas le loisir, dans le trouble où

recevoir dans le sanctuaire, et de les laisser elle était, de s'occuper de la lecture. La cent
mêlés avec le peuple, jusqu'à ce qu'ils retour- cinquante- quatrième est une lettre de re-
nent à leur propre Eglise. « Peut-être, dit commandation à un avocat nommé Domitien,
Synésius, ce traitement les y fera retourner, pour une veuve qui se trouvait dans l'oppres-
pour y trouver l'honneur qu'ils cherchent, sion avec son fils. Outre ces lettres, qui se
plutôt que de n'en recevoir nulle part. On trouvent dans l'édition de Paris, le Père Pos-
voit ici un exemple de la communion laïque, sin en a donné une dans ses notes sur le
à laquelle on réduisait les clercs pour les pu- quinzième chapitre du second hvre de Pa-
nir. Dans sa lettre soixante-seizième, Synésius chimère, tirée d'un manuscrit du Vatican, où
recommande à Théophile, Antoine, élu évê- elle est intitulée : Lettre cent vingt-troisième.
que d'Olbiate, bourgade dans la Pentapole, C'est une réponse de Synésius à un de ses
lequel allait à Alexandrie, soit pour être or- amis qui l'avait prié de lui procurer un évê-
donné par Théophile, qui, ce semble, avait ché. Il loue l'élégance de la lettre de son
pouvoir d'ordonner tous les évéques de son ami, et lui répond avec beaucoup de poli-

* Mihi vero, révérende pater,


iia videtur, oportere niaient autem illic saltem, quam nusquam omnino
lis,qui suas ecclesias deseruerinl, omni ecclesia iti' percipere. Epist. G7, pag. 216.
terdici, et priusquam illuc redeunies se rcceperint, 2 Puhlicus gladius non minus quam lustralis aqua^
neminem ad altare eos ndinittere, neque ad primas quœ in templorum vestibulis collocaiur, civitatis est
sedes imitare, sed inier vulgares illos in plebeis sub- piaculum. Pag. 58.
selliis relinquere, cum in ecclesiam irruperint; cito ' Nos fundendis precibus prœpositi simus,
quibui
enim réfèrent se, ubi de honore periclitati fuerint, lex vetat manum ad jura legesque porrigere, et vel
quem capere ubivis mulunt, quam ibi, ubi convenit : sceleratissimum interficere. Epiit. 1-21, pag. 258,
3â HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tesse, que tous évèchés étant remplis,
les trolabe à un homme puissant auprès de l'em-
iln'y en avait point qu'on pût lui donner. pereur. accompagna ce présent d'un dis-
Il

Dii= cours 20. On a mis en suite des lettres de Sj'né- cours adressé à Poénius, qui était apparem-
sar la Teiile
delaN"tivité, sius un fragment d'un discours qu'il pro- ment le même à qui il avait donné l'astrolabe.
pag. 29S.
nonça la veille de la naissance du Sauveur. Il y dit que cet homme avait commencé à

On n'y trouve rien de remarquable. l'assister dans sa légation et à chasser les


Sa Catasta- 21. Le discours suivant est intitulé Catas- chiens qui aboyaient contre lui. Il y parle de
te pag. 2j5.
,
tase, terme dont on ne connaît pas bien la l'astronomie comme d'une science honnête
signification. Synésius, après y avoir fait l'é- et respectable.
loge d'Anysius qui avait conservé la Penta- 24. On a fini le recueil des ouvrages de
pole tant qu'il y était demeuré, décrit en- Synésius par ses hymnes, qui sont au nom-
suite comment, depuis son départ, cette pro- bre de dix. Il parait, par la troisième, qu'il
vince se trouvait tellement accablée par les les composa pendant le séjour que sa léga-
armes des ennemis, qu'il n'y avait plus au- tion l'obligeade faire à Constantinople. Il y
cune espérance de la défendre et d'empê- implore par de fréquentes et de très-ar-
'

cher qu'elle ne tombât entièrement sous la dentes prières le secours de Dieu, afin d'être
puissance des Ausuriens. On y voit que Gen- délivré des passions et des désirs déréglés
nade en était alors gouverneur, et que le duc de Il y reconnaît que les minis-
la cupidité.
Innocent avait le commandement des trou- tres de Dieu, c'est-à-dire ses anges, lui por-
pes. Dans cette extrémité, Synésius attendait tent nos prières, et reconnaît en Dieu une
un vaisseau, et que la mer fût tranquille, trinité de personnes ^ en unité de substance.
Il y donne au Saint-Esprit ^ le nom de centre
pour s'enfuir en y passer le
quelques lies et
reste de ses jours. néanmoins détour-
Il était du Père et du Fils, et parle Passez clairement
né de ce dessein par la pensée qu'en s'en- de l'intercession des saints et du secours que
fuyant, il faudrait donc abandonner l'Eglise, les anges donnent aux hommes dans leurs
l'autel et tout ce qu'il y avait de sacré. Il besoins. Il dit même quelque chose des an-
parle dans ce discours de l'eau lustrale et ges gardiens ^. Il s'exprime d'une manière
des vases qui la contenaient : ce qui peut très-claire sur l'incarnation^ et sur l'union des
s'entendre du baptistère ,
puisqu'il semble deux natures en Jésus-Christ, de qui il es-
que ces vases étaient non à la porte, mais père trouver ^ une vie douce paisible
,

dans l'intérieur de l'église. exempte de peines et de traverses, une jeu-


Eloge d'A-
22. L'éloge d'Anysius est un discours que nesse glorieuse et une vieillesse honorable ,

Djsius
304.
,
pag.
Synésius prononça dans une assemblée des enfin le pardon * des péchés comme naturels
villes de la Pentapole, pour demander à à son cœur et comme nés avec lui dans une
l'empereur qu'il continuâtce gouverneur dans âme souillée.
sa charge, et qu'on lui envoyât un renfort de 23. Synésius parle dans sa lettre cent cin-
deux cents unigardes. C'était des troupes quante-troisième, d'un ouvrage philosophique
de valeur et bien disciplinées. qu'il avait intitulé Cynégétique, et qui était
Discours 23. Nous avons vu plus haut que Synésius extrêmement goûté des jeunes gens. Nous
«ur l'aslrola-
b«, pa^. 306. étant à Constantinople, fit présent d'un as- ne l'avons plus. Il semble aussi marquer sur

^ Tu Pater, tu o beale, tu voraces animi procul custodem anima, custodem vitce, precum custodem,
arceto canes ab anima mea, a precibus nieU, a vita factorum custodem : qui corpus servet liberum a mor-
mea, a factis nieis : at nostrœ mentis libamen tuis bis : qui spiritum servet liberum a lobe. Synes.,
honorai issimis curœ sit ministris sapientibus, qui ad Hymn. 4, pag. 340.
te transmittunt sacras hymnes. Synes. , Hymn. 3, 6 Canamus filium sponsœ, sponsœ non nuptœ homi-

pag. 320. num moriali connubio. Venerandus virginis partus


2 Cano te, Trinitas, unitas es, trinitas cum sis ; tri- hominis edidit formam, qui inter mortales deductor
nitas es, unitas cum sis. venit lucis fontis. Tu lux es prima, una micnns radius
3 Cano etiam Sunctum Spiritum, centrum Genito- cum Paire. Hymn. 5, pag. 341. Canamus immortalem
ris, centrum etiam Filii. Synes., Hymn. 4, pag. mundi opificem Filiutn ex Deo et homine junctam na-
336. turam. Hymn. 1, pag. 344.
Quos angelicis coronasti, o Rex, fulgoribus, tuos 7 Hymn.
8, pag. 345, et hymn. 3, pag. 329, 330.
*

sacros ministros, hi meas beati adjuverunt preces : 8 Christe, Fili Dei alte regnantis, servi
Mémento,
hi meos multos adjuverutitlabores. Hymu. 3, pag. 328. tui, qui misera sorte est peccalor : et mihi prcebeex-
^ ComiteTn vero da, consortem, o Rex, sancti sunc- piationem scelerum cordi insitorum, quœ 77iihi sunt
tum angelum roboris, angelum preces divino ins- innata anima sordido. Hymn. 10, pag. 348.
tinctu suscepias amice et bénigne subministrantem ;

X.
[IV* ET V^ SIÈCLES.] CHAPITRE V. — SYNESIUS DE PïOLEMAIDE. 33

la fin de son Dion qu'il avait, à l'imilalion chose à un néophyte rempli des idées de la
des anciens, composé des comédies et des philosophie païenne.
tragédies. 27. Le livre de la Manière de gouverner fut Edition de
œuTres.
26. Son au jugement de Pliotius ', est
style, traduit en latin par Camérarius, et imprimé !S

pompeux et sublime mais il tient un peu de


;
à Leipsik en looo, in-S", et à Francfort, on
la magnificence de la poésie. Ce critique esti- lo83. 11 parut en français à Paris, en looo,
me - particulièrement ses lettres, « qui sont, de la traduction de Daniel d'Ange, in-8°. Son
dit-il, pleines d'une grâce et d'une douceur Dion fut aussi imprimé en grec et en latin
très-agréables. » Les pensées en sont énergi- à Paris, en 1604, de la traduction du Père
ques, et les raisonnements forts et solides. Petau, et en 1612. Cornarius l'avait traduit
Ses discours ne manquent pas non plus de auparavant, et il traduisit aussi Y Eloge du
grâce ni de solidité, surtout ceux où il en- manque de chevelure qui fut imprimé à Bâle
,

treprend de traiter des matières profanes ou avec les scholies de Beatus Rhénanus, en
purement philosophiques. Quelque sèches 1519, in-i"; en 1521, in-8°, et 1557, in-B". La
qu'elles paraissent, il sait les l'endi'e agréables, traduction dont on s'est servi dans cette édi-
en y faisant entrer des traits excellents de l'his- tion, était de Jean Phrea. Celle de Rudinge-
toire et de la fable, et les plus beaux endroits rus servit dans l'édition du livre de la Provi-
des poètes. Comme il était principalement dence, faite à Bâle en loo6, in-S". Celui qui
appliqué à des écrits de Platon, et
la lecture est intitulé des Songes, fut imprimé en 1489,
qu'il était d'un naturel extrêmement doux, par les soins de Ficinus, et dédié à Pierre de
sa philosophie n'a rien de sévère ni de rebu- Médicis. On le réimprima à Venise en 1497
tant, et dans le temps qu'il semble ne s'oc- et 1516, et à Lyon en 1541, avec un ouvrage
cuper qu'à amuser agréablement son lecteur de Ferrerius sur la même matière à Paris, ;

par de belles narrations et par des descrip- en 1641, dans le recueil des œuvres de Ficinus
tions bien variées, il le mène insensiblement et avec ceux de Cardan, à Bâle en 1562, et à
à la connaissance des vérités importantes. Lyon en 1663. Aldus imprima les lettres de
Ces deux homélies sont ce qu'il y a de moins Synésius avec celles de quelques auteurs
travaillé dans ce qui reste de lui. Ses poé- grecs, à Venise, en 1499,
in-4''. Elles paru-

sies sont très-vives et très-élevées.11 y em- rent aussi chez Morel, à Paris, en 1605, in-8",
ploie, pour honorer ses ancêtres, le dialecte avec les notes de Portus; à Genève, en 1606,
dorique ^. Les nombres dont il se sert ne dans une collection de lettres grecques, et à
sont pas ordinaires, et il convient qu'il en Paris, en 1577 et 1581, parles soins de Henri
avait inventé quelques-uns *. Quoique l'on y Etienne. On en trouve onze en latin seule-
trouve des façons de parler sur la religion, ment de la version d'Annius, dans un recueil-
qui ne sont pas tout à fait exactes, on ne ù!Epitres laconiques de Gilbert Cognalus, à
peut guère douter néanmoins qu'il ne les ait Bâle en 1654, in-12, et l'Epitre à Orus, avec
composés, étant déjà instruit de la rehgion de la Providence en grec et en latin,
le livre

chrétienne, puisqu'il y invoque expressé- en la même ville,en 1656. Cette lettre ne se


ment ^ le Fils de Dieu fait homme mais il :
lit point dans l'édition du Père Petau. [En
pouvait n'avoir pas encore reçu le baptême, 1792, il parut à Vienne une édition in-8" des
lorsqu'il écrivit les quatre premiers. Et, en lettres à l'usage de la jeunesse, et une autre
etiet, il prie Dieu dans le troisième, de lui à Venise en 1812.] L'homéhe faite la veille
donner sa marque ^ et son sceau, c'est-à- de la naissance du Sauveur fut imprimée à
dire le baptême. On doit pardonner quelque Bâle en grec et en latin eu 1567^ chez Oporin,

' Lectœ sunt episcopi Cyrenes, cui Synesio nonien, * Primus modos inveni lui causa, béate immortalis,
de providentia, et de regn'o, aliisque nonnullis ora- note clarissime Virginis, Jesu Solimitane, nuper opta-
tiones. Stylus illi suiliinis guidem et grandis, sed qui tis-numeris quos résonant citharœ fides. Synes.,
ad poeticam simul dictionem aliquaatulum inclinet. hymn. 6, pag. 344.
Phot., Cod. 26, pag. 15. 5 Canamus immortalem Deiim Filium Dei, ingentem
* Lectœ su/it et ejusdem epistolœ varice, venustaie ex Deo et homine janctam naturam. Deus est, thus
ac dulcedine fluentes, cum sententiurum robore ac accipe : aurum régi fera : myrrha monumento con-
densitate. Phot., ibid. gruet. Sed propitius esto, o Rex. Syues., hymn. 1,
3 Post Lesbiamque modulationem, auguslioribus pag. 344.
hymnis cane Dorium carmen. Syues., hymn. 6 Tesse^am dato, signum tuum. Syues., hymn.
\, pag. 3,
pag. 330.
Vlil.
34 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
et à Paris en 1601, par Frédéric Morel. Il fît dans l'édition de Morel, à Paris en 160i, un
imprimer aussi en lo9o et 1601, in-8°, la Ca- discours de la Bénignité, sous le nom de Sy-

de Synésius. Mais elle avait été impri-


fastase nésius mais on convient qu'il n'est pas de
;

mée en grec et en latin à Râle, en 1507, in-8", lui. C'est la sixième oraison de Thémistius.

par Cantérus. Dans ces deux éditions se trouve Le Père Petau, dans l'édition des œuvres de
aussi le discours en l'honneur d'Anysius, et Synésius, a suivi quelques-unes des traduc-
Les hymnes
celui de Synésius sur l'astrolabe. tions anciennes mais en les corrigeant
,

ont été imprimées en grec en latin, parles et dans les endroits qui lui paraissaient ne pas
soins de Cantérus, avec les opuscules dont bien rendre le texte grec ni la pensée de l'au-
nous venons de parler, à Râle en 1567, in-8°, teur. Il a eu recours pour cela à divers ma-
et à Paris en la plus petite forme, en 1568, nuscrits. 11 s'est aussi appliqué à répandre

par Henri Etienne, de la traduction de Por- des lumières sur diverses façons de parler de
tus, avec quelques odes de saint Grégoire de Synésius, en rapportant dans ses notes ce que
Nazianze. On a quelques autres éditions, sa- les anciens ont dit sur les mêmes matières.

voir : à Rome en 1590, 1599, à Rostock en C'est aussi dans ce dessein qu'il a joint aux
1586, et à Genève en 1614, dans le second écrits de cet auteur le commentaire de Nicé-
tome du recueil des Poètes grecs. [La V a phore Grégox'as suT\e\i\re des Songes. On re-
été traduite en allemand, par Rosenmiiller, marque' qu'il y a quantité de fautes dans les

Lcipsik, 1786, in-8".] Jacques de Courtin les ouvrages qu'il a traduits et pai'ticulièrement
rendit en vers français qui furent imprimés dans les hymnes -. [J.G. Rrabingera donné en
à Paris eu lc81,in-12. [MM. Grégoire et Col- 1850 le premier volume des œuvres complè-
lombet ont donné deux éditions des hymnes, tes de Synésius, avec des prolégomènes et

texte grec de M. Roissonnade en regard de des notes critiques, Landwith, 1 vol. in-8»,
la traduction française, Lyon, 1836 et 1839, 1850. Ce même volume a reparu en 1851 en
un volume in-S". L'édition de 1839 est pré- la même ville. Il contient seulement les dis-

cédée d'une étude sur la vie et les écrits du cours et les fragments des homéhes, texte
poète, par M. Collombet. On trouve dans les grec. Le même éditeur avait donné en 1850
préliminaires la liste des éditions et des tra- le livre swr la Pi^ovidence, grec et allemand,

ductions latines. Les hymnes ont été tradui- Schutbach, 1835; l'Eloge des chauves, grec et
tes en italien par A. Fontana, Milan, 1827.] allemand avec des notes, Suttgard, 1834; le
Outre ces éditions particulières, il y en a eu discours sur le Royaume, grec et allemand,
de générales une de Turnèbe, en grec, en
: Munich, 1825. Le tom. LXVI de la Patrologie
1553 une de Cornarius, en latin, à Râle, eu
;
grecque reproduit les œuvres complètes de
1560 une du Père Petan, en grec et en latin,
; Synésius d'après Petau et Krabinger, col.
cà Paris, en 1612, 1633 et 1640. On a joint 1053-1616. Les notes sur les Chauves par
dans cette dernière les catéchèses de saint Krabinger sont renvoyées à la fin du vo-
Cyrille. Cette dernière édition est passée lume.]
dans les Bibliothèques des Pères. On trouve

CHAPITRE VI.

Saint Gaudence, Évêque de Bresse ^


[après l'an 410].

Ce qu'on ^. L'histoire ne nous apprend rien du qu'il l'appeUe son père'*; et si l'on fait atten-
mLiJe H temps ni du lieu de la naissance de ce saint, tion à l'empressement que témoignèrent le
^
de sa ramille. , » . .

et nous ne sommes pas mieux mformés de clergé et le peuple de Rresse pour l'éiever à
sa famille. R y a tout lieu de croire qu'il fut l'épiscopat, on ne pourra guère douter que
élevé sous les yeux de saint Philastre, puis- cette ville ne lui ait donné la naissance. Dans

1 Infinita sunt quœ


peccat Petavius in Synesio ve?^ 3 Voyez les Préfaces de Galéardi, Patrol. Migne.
tendo, prœsertim hymnis. Vindetus, lib. de Vita
in (L'e'diteur.)
functorum statu, pag. 42. * Surius, ad 18 jul., pag. 231, a. 5, tom. IV.
* La traOuction des hymues est de
Frédéric Portas. s Biblioth. Pair., tom. V, pag. 9G8.
[L'éditeur.)
[iv^ ET v SIÈCLES.] CHAPITRE VI. — SAINT GAUDENCE DE BRESSE. 88

une lettre que saint Gaudence écrivit à un de ce prince le rétablissement de saint Chry-
diacre nommé Paul, il l'appelle son très-cher sostôme, et pour assister en leur nom au
concile œcuménique qu'ils demandaient
frère S et dit qu'il lui était uni par la frater-
nité de la cliair et de l'esprit. On peut donc qu'on assemblât pour ce sujet à Thessaloni-
croire que Paul était effectivement sou frère, que. En effet, nous avons une lettre de saint
ou du moins son proche parent. Chrysostôme à saint Gaudence, dans laquelle
il le remercie des soins et des travaux qu'il
2. Dans un voyage qu'il fit à Jérusalem, il
trouva à Cësarée en Cappadoce des servantes avait essuyés pour lui et pour la défense de
la vérité. Dims cette supposition, il faudra
de Dieu qui gouvernaient - un monastère, et
qui étaient sœurs et nièces de saint Basile. dire que saint Gaudence était évèque de

Elles avaient autrefois reçu de lui des reli- Bresse dès le commencement de l'an 406,
ques des quarante martyrs, et souhaitaient auquel se fit cette députation.
extrêmement de laisser ce précieux trésor ^ 5. Le temps de sa mort n'est pas plus

à quelqu'un qui l'honorât comme elles avaient assuré que celui de sa naissance. Tout ce
fait. Gaudence leur parut très-propre à
Saint que l'on peut dire touchant son épiscopat,
remplir leurs pieux désirs elles lui donnè- :
c'est qu'il futau moins de quatorze ans,
rent ces reliques, qu'il apporta en Italie avec comme on le voit par un de ses discours en
quelques autres, qu'il mit ensuite dans une l'honneur de saint Philastre, où il dit en ter-
église * qu'il fit bâtir. Parmi ces reliques, il
y mes exprès qu'il avait déjà fait l'éloge de ce
en avait de saint Jean-Baptiste, de saint Tho- saint évèque pendant quatorze ans ^, au jour
mas, de saint André et de saint Luc, de saint de sa fête. Il vivait encore en 410, si c'est à
Sisinnius et de saint Alexandre, martyr. Il y lui que s'adresse une lettre de Ruhn ''', écrite

en mit aussi de saint Gervais, de saint Pro- en cette année-là ; et ce de


qui donne lieu
tais et de saint Nazaire, c'est-à-dire du sang le croire, c'est qu'on ne peut guère appliquer
de ces martyrs recueilli dans le plâtre. à d'autre qu'à l'évêque de Bresse les louan-
3. Pendant qu'il voyageait en Orient, saint ges que Rufin donne à ce Gaudence à qui il
Philastre, évéque de Bresse, mourut, et le écrit car il l'appelle '' la gloire des docteurs
:

peuple de la ville choisit saint Gaudence pour de son temps, et dit de lui qu'il avait un génie
son successeur, protestant avec serment qu'il si beau que tout ce qu'il disait
et si puissant,

ne voulait point avoir d'autre évèque ^. Cette sur-le-champ dans ses instructions or-
, soit

insistance obligea saint Ambroise ^ et les au- dinaires, soit dans celles qu'il faisait en pu-
tresévêques de la province, à écrire à Gau- blic méritait d'être mis par écrit pour ins-
,

dence par les députés que le peuple lui en- truire la postérité.
voya, pour lui ordonner de revenir sous 6. Nous avons plusieurs discours de saint
Premier
discours de
peine de désobéissance. Les évêques d'O- Gaudence précédés d'une préface à Bénévole, saint Gauden-
ce . tom. V
rient '', qui voyaient sa résistance, se joigni- serviteur de Jésus-Christ, qui avait engagé '- Biblioib. Pa-
Irolog., pag.
rent à ceux d'Italie pour l'engager à se ren- ce saint évèque à mettre par écrit les ins- 942 et suiT.

dre à leurs désirs, et le menacèrent même tructions qu'il avait faites à son peuple. Bé-
d'excommunication s'il ne promettait de s'en névole était un homme de piété qui, n'étant
retourner à Bresse. Il revint donc, et, quoi encore que catéchumène, avait mieux aimé
qu'il pût alléguer pour se défendre de l'épis- perdre sa charge de questeur, que de dresser
copat, il fut ordonné évèque de Bresse par une loi contre l'Eglise. N'ayant pu se trouver
saint Ambroise. Nous avons encore le dis- une année aux discours prononcés par le
cours ^ qu'il prononça le jour de son ordi- saint durant la semaine de Pâques, il le
nation il est rempli des sentiments d'une
: pressa de les mettre par écrit, afin qu'il pût
profonde humilité. réparer, en les lisant, les pertes que sa ma-
4. On croit avec beaucoup de vraisem- ladie lui avait causées. Quelque répugnance
blance qu'il fut un des trois évêques que qu'eût ce saint évèque à rien mettre par
l'empereur Honorius et le concile d'Oc- écrit, il se laissa vaincre par les instances de
cident députèrent vers Arcade pour obtenir Bénévole, sachant qu'il ne cherchait qu'à se

> Biblioth. Pair., tom. V, pag. 973. 7'enovans auditui vestro intulerim, plura quœ adhuc
» Ibid., pag. 969. — 3 ibid. — » Ibid., pag. 970. prœdicari possunt intacta perspicio. Surius, ad diem
5 Ibid., pag. 968. — « ibid. — 7 ibid. — s Ibid. 18 julii, pag. 212.
' Nam <:um mulia
meritorum ejus prœconia, qua- 10 Cotel., App., pag. 397.
tuorde.cim jam pcr antws solemnilatis hujus cuilion '< RuGn., prœf. in lib. Recogn, — ^- Ibid., pag. 942,
36 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
nourrir d'une doctrine salutaire. Il écrivit 7. Il explique dans le second discours aux Deuxi
, , 1 f , .
,
discours,

donc ses discours, et y suivit autant qu'il lui mêmes néophytes, la cérémonie que les an- s^e.

fut possible lesmêmes termes dont il s'était ' ciens observaient dans la manducation de la

servi en les prêchant devant son peuple. En Pâque, s'étend beaucoup sur l'Eucharistie,
les envoyant à Bénévole, il les accompagna et prouve par l'autorité des divines Ecritures,
d'une lettre en forme de préface, dans la- qu'elle contient réellement le corps et le sang
consoler et le fortifier contre de Jésus-Christ. Voici ses paroles « Dans
quelle, pour le :

ses infirmités, que les afflic-


il lui fait ^'oir les ombres ^ et les figures de l'ancienne Pâ-
tions - des gens de bien sont une épreuve que on ne tuait pas un seul agneau, mais
plusieurs, parce qu'un seul n'eût pu sulfii-e
dont Dieu se sert pour les corriger, les puri-
fier et les sanctifier. Les dix premiers dis-
à tout le peuple et d'ailleurs ce mystère était
;

cours furent prêches la semaine de Pâques ;


seulement la figure et non la réalité de la
le premier durant la veille de la nuit de cette passion du Seigneur. Mais maintenant, dans
même la vérité de la loi nouvelle où nous sommes,
fête, et le second aussi dans la nuit,

mais après la célébration du baptême, en un seul agneau étant mort pour tous, il est
certain qu'immolé aussi par toutes les mai-
présence seulement ' des néophytes, et non
sons, c'est-à-dire par toutes les Eglises chré-
des catéchumènes. Le troisième fut prononcé
tiennes, il nourrit sous le mystère du pain
le jour même de Pâques les suivants pen- ,

et du vin ceux qui l'immolent cru par une


dant les six jours de la semaine de cette so- ;

foi vive, il vivifie ceux qui croient en lui, et


lennité, et le dixième, le dimanche d'après.
consacré sur nos autels, il sanctifie ceux qui
Dans le premier discours ^, saint Gaudence
le consacrent. C'est là la chair de l'agneau
dit beaucoup de cboses sur le temps de la
:

c'est là le sang de l'agneau. Car c'est ce


célébration de la Pâque, marquant qu'on ne
peut la célébrer avant le quatorze de la lune même Seigneur et souverain créateur de
de mars, ni après le vingtième, et il allègue toutes choses, qui, ayant de la terre formé

cette raison il n'y a que six jours d'azymes


:
du pain, forme de nouveau de ce même pain
pendant lesquels nous cherchons le jour du son propre corps, parce qu'il le peut et qu'il
Seigneur. Voici son enseignement le Sau- :
Ta promis. C'est lui-même qui, ayant autre-
fois changé l'eau en vin, change maintenant
veur a souffert pour racheter l'homme le

même jour qu'il l'a créé, c'est-à-dire le si- le vin en son propre sang. » Saint Gaudence

xième, et il dimanche, jour


est ressuscité le parle ensuite des dispositions que l'on doit
que premier de la se-
l'Ecriture appelle le apporter à la communion. L'Ecriture, en or-
maine, et le même auquel le monde com- donnant aux Juifs de manger l'agneau pascal
mença à sortir du néant. Expliquant dans un avec promptitude, nous défend par là de re-
sens spirituel ce qui est dit dans le livre de cevoir le sacrement du corps et du sang du
l'Exode il entend par la tyrannie de Pharaon
,
Seigneur, avec un cœur nonchalant et une
contre les Israélites, l'empire que le démon bouche dégoûtée; elle veut au contraire que
exerce sur ceux qui n'ont pas encore reçu le nous le recevions avec toute l'avidité possi-
baptême; selon lui, on peut aussi l'entendre ble, et comme des personnes aflamées et al-
des pécheurs qui ne peuvent sortir des ténè- térées de la justice L'Ecriture, en concluant
•*.

bres de l'Egypte que par les larmes de la pé- le discours de la Pâque par ces paroles C'est :

nitence. la Pâque du Seignew'^, c'est-à-dire le passage

1 Rufin., pag. 942. — « Ibid., pag. 943, 944. s Quod autem dicit cum festinaiione illud mandu-

3 Ibid., pag. 946 et 949.


Pag. 945. — '» candum : prœcipit, ne lento corde, et ore languido
s In umbra illius leyalis Pascftœ
non unus wjnus sacramentum Dominici corporis sumamus et sangui-
occidebatur, sed plures. Singuli enùn occidebantur per nis : sed cum omni aviditaie animi quasi vere esu-
domos : nani sufficere unus non polerat universis; rientes et sitientes justitiam... Pag. 946.
quoniom figura erat tion proprietas dominicœ Passio- " prœclara, quœ
Concludens autem propos iia lectio
nis... Ergo in hac veritatequa sumus,unus pro onmi- dixerat, fine dignissimo : Pasclia est enim Domiui.
bus mortuus est; et idem per singulas Ecdesiarum allitudo divitiarum sapientiœ et scientiae Dei. Pas-
domos in mysterio panis ac vini reficit immolatas, cha est, inquit, Domini, hoc est transitas Domini, ne ter-
vivifient créditas, consecrantes sanctificat consecratus. renum putes quod per eum qui tran-
cœleste effectum est,

Hœc agni caro, hic sanguis est... ipse igitur ?iaiura- sit in illud, et fecit illud et sanguinem.
suutn corpus
rum Creator et Dominus, qui producit de terra pa- Nam quod supra generaliter exposuimus edenda de
nem; de pane rursus [quia et potest et promisii) effi- carne agni, specialiter in degustandis servandum est
cit proprium corpus : et qui de aqua vinum fecit, et iisdem mysieriis dominicœ Passionis: ut nequecrudam
de vino sanguinem suum, Pag. 94G. carnem, crudumque sanguinem, sicut Judœus, esse pu-
[iv^ ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE VI. — SAINT GAUDENCE DE BRESSE. 37

du Seigneur, nous enseigne que nous ne de- an, tel que devait être celui dont la loi de
vons plus prendre pour terrestre ce qui a été Moïse prescrivait l'immolafion, il ne consi-
rendu tout céleste, par l'opération de celui dère Jésus-Christ comme agneau que depuis
qui a bien voulu passer lui-même dans le son baptême dans les eaux du Jourdain son ;

pain et en les faisant devenii- son


dans le vin, opinion est que, depuis ce temps jusqu'à sa
corps et son sang. Nous ne devons pas reje- mort, il ne écoulé qu'une année, et c'est
s'est
ter CCS mystères en considérant celte chair pendant cette année que
le Sauveur a fait

comme si elle était crue, et ce sang comme tous les discours et tous les miracles rappor-
s'il était tout cru, comme firent les Juifs qui tés par les Evangélistes, à l'exception de
dirent : Cominent peut-V nous donner sa chair saint Luc, qui a marqué en passant ce que
à manger? Nous ne devons pas non plus con- Jésus-Christ fît à l'âge de douze ans, lorsqu'il
cevoir ce sacrement comme une chose com- vint à Jérusalem avec ses parents.
mune et terrestre, mais plutôt croire avec 9. 11 fait voir dans son quatrième discours Qnatnôme

fermeté qu'il est en effet devenu, par le feu que la loi de Moïse est finie à la mort de Je- glg';'""'*''''''^'

du Saint-Esprit, ce que le Seigneur a dit sus-Christ. Son but principal dans ce discours
quil est car ce que nous recevons est le
: est d'engager les néophytes à entretenir la
corps de celui qui est le pain céleste, et est grâce qu'ils avaient reçue dans le baptême, a
le sang de celui qui est la vigne sacrée dont nourrir et à augmenter leur foi, à renoncer
parle l'Ecriture. Nous savons que lorsqu'il entièrement à leur anciennes habitudes, et à
présenta à ses disciples le pain et le vin con- faire paraître en eux Jésus-Christ par toutes
sacrés, il leur dit : Ceci est mon corps, ceci est les vertus qui peuvent le représenter.
mon sang. Croyons donc, je vous prie, à celui 10. Le cinquième discours est une instruc- cinqnicme

auquel nous avons déjà cru. La vérité est inca- lion purement morale. Selon saint Gaudence, 95o."°"'^''°'

pable de mensonge. » Saint Gaudence donne par le commandement que Dieu fit aux Israé-
deux raisons qui ont porté le Seigneur à or- lites d'avoir des chaussures à leurs pieds en

donner qu'on offrit les sacrements de son mangeant l'agneau pascal, il faut entendre
corps et de son sang, sous les espèces du les préceptes de la loi divine, dont nous de-
pain et du vin la première, afin que l'agneau
: vons munir notre âme contre les attaques du
sans tache donnât à un peuple pur une hos- démon et les obstacles qu'il nous oppose dans
tie pure à célébrer, sans feu, sans sang et la voie du salut.

sans les apprêts dont on use pour les autres 11. Il explique dans le sixième discours ce sixième

chairs qu'on veut manger , et qu'ainsi cette que signifie la mort des premiers-nes d entre 951.

oblation fût prompte et facile pour tout le les Egyptiens, et montre comment Jésus-
monde ; la seconde, que l'on trouvât dans le Christ, dans la Pâque ou dans son passage de
pain qui est composé de plusieurs grains de cette vie à l'autre, a affaibli les forces des
blé réduits en farine, pétris ensemble avec démons, figurés par les premiers-nés des
l'eau, et puis cuits au feu, une image du Egyptiens, et a rappelé à lui toutes les créa-
corps de Jésus-Christ, qui, étant comme pris tures que ces mauvais esprits s'étaient assu-
de la masse de la nature humaine, a été fait jetties. Il y exhorte son peuple à célébrer la
un seul corps par le feu du Saint-Esprit. fête de Pâques d'une manière convenable et

Troisième
8. Le troisième discours est employé à en faisant tout ce qui est commandé pour
nn •
i
i«»urs,pag. montrer que Jesus-Chnst a eu tous les carac- l'observation de cette fête, de peur qu'en né-
tères figurés dans l'agneau pascal; et. pour gligeant leur devoir, ils ne donnent entrée
expliquer comment il était un agneau d'un à l'ange exterminateur, au lieu d'être du

tes, et 7-espuns dicens : Quomodo potestiste dare carnem nis et vini offerenda constituit, duplex ratio est. Pri-
suam ad manducandum. Neque in olla cordis carnei, mum, ut immolatus Dei agnus hostiam mundam mnn-
humoribus per naturam semper obnoxii, ipsum deco- dato populo traderet celebrandam sine ustioue, sine
quas sncramenlam commune illud ac terrenum esse sanguine, sine brodio, id est, jure carnium, et quœ
existiinans, sed uf per ignem divini Spiritus id effec- omnibus ad offerendum prompia esset ac facilis. Deinde
tum, quod annuntiatnm est, credas quia quod
: acci- quomodo panem de multis tritici granis in pollinem
pis, corpus est illius panis cœlestis, sanguis est it-
et redactis per aquam confia, et per ignem necesse est
lius sacrœ vitis. Snm cum panem cunsecraium et vi- consummari : rat ionnbiliter in eo figura accipitur cor-
num discipulis suis porrigcret, sic ait : Hoc est cor- poris Christi, qui novimus ex multitudine totius hu-
pus moum. Hic est sanguis meus. Credamus, quœso, mani generis unum esse corpus effectum, per ignem
cui credidimus. Nescit mendacium veritas... Quod au- Sancti Spiritus consummatum. Gaudent., ibid., pag.
tem sacramenta corporis sui et sanguinis in specie pa- 947.
38 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
nombre des Israélites et sous la protection du élèves, en recevront pour récompense la

Seigneur. béatitude.
Septième
12. Le septième discours traite du pain 14. Dans le neuvième discours, il soutient
discjurs, pag.
9Ô2.
azyme dont devaient se nourrir
les Israélites que la sainte Vierge ayant conçu le Fils de
pendant les sept jours de la fcle de Pâques. Dieu sans perdre sa virginité, le mit aussi au
Marcion et les manichéens accusaient de monde sans intéresser sa pudeur et pour le :

cruauté le Dieu de l'Ancien Testament, d'avoir prouver il dit qu'il n'était pas plus difficile à
ordonné au peuple juif une semblable nour- Jésus-Christ de sortir du sein de sa mère ni
riture pendant le temps de la Pâque mais ; d'y entrer, que d'entrer les portes fermées
saint Gaudence jastifîe le commandement de dans le cénacle où étaient les disciples. L'E-
Dieu à cet égard par plusieurs raisons, dont vangile dit, il est vrai, qu'il traita sa mère de
la plus naturelle est que Dieu en avait agi femme, mais on ne peut en conclure que Jé-
ainsi pour empêcher ce peuple ingrat de sus l'ait regardée comme une femme sem-
perdre le souvenir des bienfaits dont il les blable aux autres mères; il ne l'appela ainsi
avait comblés en les délivrant de la servitude qu'à cause de son sexe, comme Eve est appe-
des Egyptiens. Il ajoute que sous le nom de lée femme dans le livre de la Genèse, avant
ferment ou pain levé défendu aux Juifs pen- même qu'elle eût usé du mariage. Au reste,
dant la semaine des azymes, on ])eut entendre poursuit-il, leSauveur pouvait bien appeler
les hérésies, les impiétés et tout ce qui est femme sa mère, parce qu'elle était réelle-
contraire à la dignité d'un chrétien. ment la mère de Dieu mais, au lieu de per-
;

Hnitièroe 13. Il manichéens dans


combat encore les dre sa virginité en devenant mère, elle avait
discours, pig.
9ô3. le huitième discours, et fait voir contre eux acquis au contraire un degré de pureté plus
que c'est le même Dieu qui nous a donné éminent. Selon lui, les Juifs se convertiront^,
l'Ancien et le Nouveau Testament. Il tire sa mais à du monde et il appuie ce sen-
la fin :

preuve principale de la conformité qu'il y a timent sur l'autorité du psaume lviii. Ensuite,
entre l'un et l'autre dans l'Ancien, Dieu ins-
: à l'occasion de ceux qui, par l'inégahté des
titue et bénit le mariage dans le Nouveau,
; urnes dont les unes tenaient deux, les autres
Jésus-Christ le confirme en y assistant avec trois mesures, entendaient les différents sen-

sa mère et ses disciples. Il explique d'une timents que l'on avait sur les personnes delà
manière spirituelle, ce qui est dit des noces Trinité « Pour moi, dit-il, je crois ^ que
:

de Cana dans l'Evangile. Il y fait aussi l'éloge celui qui ne connaît pas le Saint-Esprit, ne
de la virginité qu'il préfère au mariage, mais connaît ni le Père ni le Fils car personne ne
;

en avertissant ' les pères et mères et autres peut être baptisé qu'au nom de l'inséparable
parents que, quoiqu'ils puissent inspirer à Trinité et quiconque rejette une seule per-
:

leurs enfants l'amour de la virginité, ils ne sonne de l'adorable Trinité, la nie tout en-
peuvent néanmoins leur ordonner de faire tière. » Il donne donc une autre exphcation
vœu d'une continence perpétuelle, qui doit de ces urnes, et croit qu'elles représentent
être laissé au choix d'un chacun. C'est aussi les trois vertus théologales, la foi, l'espé-
en conservant à leurs enfants une entière li- rance Par la foi, nous confes-
et la charité.

berté, qu'il veut que les parents s'intéressent sons que la Trinité est d'une même substance,
k les engager de se consacrer plutôt à Dieu l'espérance nous fait envisager la résurrec-
dans le ministère ecclésiastique que dans les tion de la chair et les récompenses qui nous
emplois du siècle, et à faire élever les jeunes seront accordées selon nos mérites la cha- ;

filles dévouées à la chasteté, parmi de sain- rité nous porte à aimer Jésus-Christ jus-
tes femmes. Saint Gaudence paraît persuadé qu'au point de mourir avec joie pour son
que les parents, en ornant l'Eglise de tels nom. Il dit, à l'occasion du maître d'hôtel qui

hnperare quidem perpetuam contlnentiam non pos-


1
dent., Serm. 8, pag. 953. —
^ Convertentur quippe et

siintparentes vel consanguinei, quia res esse noscitur ipsi Judœi, sero tandem, ad vesperum scilicet mundi.
voluntatis; sed voluntatem tune in melius nutrire pos- Gaudent., Serm. 9, pag. 957.
sunt, et debitores sutit ut moneant, ut horteniur, ut 3 Sed ego arbitror quod qui Spirilum Sanctum non

foveant, ut pignora sua Deo magis gestiant obligare capit, neque Filium copiât, neque Patrem : neque
quam sœcu/o, ut de propinquis seminis sui vel in cleri enim baptizari quis potest nisi in integram atque in-
ordine dignos altari divino ministros exhibeant , vel in separabilem Trinitatem... Igitur qui unam Trinitatis
sanctarum numéro feminarum puellas castimonice di- adorandœ personam renuerit, denegabii integram
catas enutriant, ut Ecclesiam Dei talibus nutrimentis Trinitatem. Gaudent., pag. 958.
ornantes, beatitudinem debitam consequantur. Gau-
[iv« ET \« SIÈCLES.] CHAPITRE VI. — SAINT GAUDENCE DE BRESSE. â9

dans le douzième chapitre de saint Jean, et


se trouva auxnoces de Cana, qu'il avait appris
remarque que le jugement dont le Sauveur
par tradition que dans les noces qui
se fai-

chez les Juifs, il y avait un d'entre les


menace ici le monde, ne doit point s'entendre
saient
d'y main- du jugement dernier, puisqu'il ne dit pas
prêtres député pour y assister, aQn
:

devait veiller à ce que C'est alors que le monde sera jugé, mais :

tenir le bon ordre. Il


fût point offensée, C'est maintenant que le monde va être jugé,
la pudeur conjugale ne
c'est-à-dire, suivant l'explication de ce Père,
et il chargé de régler l'ordre du repas et
était
l'heure approche à laquelle le monde qui
de ceux qui devaient y servir.
il parle du doit être jugé, va juger le créateur et le juge
15. Dans k' dixième discours,
même du monde. dit que la qualité de
repos du Seigneur, montre que le diman-
et
Il

prince du monde, que l'Ecriture donne au


che est le premier jour du monde
parce ,

Seigneur se reposa le diable, ne lui convient point par nature, et


qu'il est dit que le

qui est le samedi « Non, dit-il, que qu'ilne l'a que par usurpation.
septième, :

mais Le treizième discours, qui est sur la


18.
Dieu ait cessé d'agir en ce jour-là, ^.J^l^'^^fl
naissance de Jésus-Christ, fut prononcé le jour
ses.
acheva l'ouvrage qu'il avait
parce qu'il y
commencé. » U enseigne dans le même dis-
même de cette solennité. Après y en avoir
parlé, saint Gaudence continue Line explication
cours que le corps de Jésus-Christ étant dans
descen- qu'il avait commencée quelque temps aupa-
le tombeau, son âme, avec la divinité,
en retirer les âmes ravant, sur le festin que l'on fit à Jésus-Christ
dit dans les enfers pour
en Béthanie. A l'occasion de Judas qui dés-
des saints, dont saint Matthieu dit que
les
approuva l'action de cette femme qui répan-
corps étaient ressuscites au moment de la
sur la tête de Jésus- Christ un vase plein
Passion. C'est ce qu'il prouve, non-seulement
dit

par la première épitre de saint Pierre, mais de parfum, il dit que le Sauveur ne voulut pas
traiter avec dureté cet apôtre, de peur qu'il
aussi par un passage du psaume xv, où David
fait dire au Sauveui- Vous ne laisserez pas
:
ne parût l'avoir trahi dans la colère que
lui aurait causée une dure réprimande. Il
mon âme dans l'enfer. Il paraît persuadé que
le monde linira après six mille ans accom-
en prend aussi occasion de parler de l'au-
plis, et qu'ensuite commencera le grand re-
mône, qu'il regarde comme un second bap-
tême lorsqu'elle est jointe à la pénitence.
pos de réternité.
discours sur la Pâqiie, saint Gau- « Quand l'Ecriture nous dit (ce sont ses pa-
V'iiïieuic
16. Aux
H.5coors.pîE.
jence en joignit quatre autres qu il avait au- roles) : Comme l'eau éteint le feu, ainsi l'aumône

résiste au péché, elle veut nous faire enten-


trefoisprêches devant Bénévole sur divers
dre par qu'ainsi que l'eau salutaire du
endroits de TEvangile, et un cinquième sur là,

est sur baptême éteint les flammes de l'enfer par la


le martyre des Machabées. Le premier

le paralytique que Jésus-Christ guérit le jour


grâce qu'il confère , de même tout cet em-
du sabbat. Il y explique, comme il l'avait brasement des péchés qui s'amassent peu
promis dans le discours précédent, ces paro- après avoir reçu la foi chrétienne, s'éteint
les de Jésus-Christ aux Juifs J'ai fait une : par le fleuve des aumônes. Mais c'est à la
seule œuvre, et vous en êtes tous étonnés. D'où condition qu'après la conversion, ce premier
il prend occasion d'instruire son peuple
de feu ne se raUume pas par d'autres crimes :

la manière dont on doit observer le jour du car le pénitent qui cherche par ses aumônes
Seigneur: ce qu'il fait consister, non à s'abs- un remède à ses péchés, n'en doit plus
commettre de tels qu'il ne soit obligé de les
tenir simplement de toute œuvre servile pour
s'abandonner à la mollesse et à toutes sortes expier par la pénitence, de peur que ce qui
de débauches, comme il dit que le faisaient s'éteintd'un côté ne se rallume de l'autre. »
les Juifs ; mais à quitter un travail ordinaire Ilajoute que Dieu n'écoutera pas les prières
et temporel, pour ne s'occuper que de Dieu de celui qui, sortant de l'Eglise, n'écoute
point la prière du pauvre et qui passe sans
et des œuvres de piété. Saint Gaudence cite
dans ce discours un psaume ajouté par les lui rien donner, a L'Ecriture, dit-il encore,

Grecs, où David disait J'étais le plus petit


: nous enseigne que jeûne est bon avec
le

d'entre mes frères. l'aumône. Il faut donc pratiquer l'un et


17. Le second est sur ces paroles de Jésus- l'autre pour adoucir la colère du Seigneur.
Douicme
itiscoars, p.ig.
0C2.
Christ : C'est maintenant que le monde va être Mais peut-être ne pouvez-vous pas jeûner?
jugé. y cite un discours qu'il avait fait depuis
Il si cela eil, donnez du moins à manger à

peu, pour expliquer ce qui précède ce passage ceux qui ont faim. Si, pour jeûner, vous ne
40 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
admirer avec foi et soumission car la
pouvez p&s retarder seulement de trois heu- les :

res le temps de vos repas ordinaires, vous


parole de Dieu est droite, et toutes ses ac-

pouvez juger par là de la peine de celui que tions sont des sujets d'exercice à notre foi. •

Cessons donc d'attaquer, pour ainsi dire, des


sa pauvreté et votre dureté contraignent de
jeûner malgré qu'il en ait, et dont vous ne mystères tout divins par des questions inju-
rieuses. Le scrupule et la curiosité ne nous
soulagez pas la faim par un peu de nourri-
feront pas découvrir les mystères, elles nous
ture, pendant que vous vous rassasiez, des
meilleures viandes. » Il reproche aux riches
*
feront au contraire perdre la foi qui nous

daus une famine arrivée peu auparavant, de conduit au salut et à la vie éternelle. »

20. Saint Gaudence fit le discours sur les Quinzi;


n'avoir pas même eu pitié des paysans de discours,
Machabées, le jour même de leur fête, éta-
|

96fi.
leurs métairies, qui faisaient toutes leurs ri-
blie dès longtemps, dit-il, dans l'Eglise, où
chesses, bien loin de secourir tous les pau-
ces saints étaient honorés comme de vrais
vres; en sorte que la plupart de ces paysans
martyrs. donne un sens spirituel et moral
11
ou étaient morts de faim, ou n'avaient évité
les aumônes de l'Eglise. Il à la défense que Dieu avait faite aux Juifs de
la mort que par
reproche encore aux riches de souffrir dans manger de certains animaux; l'usage n'en
était point mauvais en lui-même, mais seu-
les biens de leurs dépendances des idoles,
des temples et des autels consacrés au dé-
lement par rapport à la défense que Dieu
avait faite d'en manger. Dans ce discours
mon. Il parle aussi d'une irruption des Bar-
y
bares sur le point de fondre sur l'Italie. comme dans les précédents, saint Gaudence
quatorzième discours, il exph-
Dans le établit nettement le fibre arbitre, et dit, en
Qnntorzième 19.
<li5ronrs, pag.
que ces paroles de Jésus-Christ dans saint parlant du premier homme, qu'il mangea du
905.
Joan. XIV. fruit défendu, parce qu'il le voulut, et qu'il
Jean Quand le consolateur, cet esprit de vérité
:

sera venu, etc., et en tire une preuve de la di- ne garda point le commandement que Dieu
lui avait fait à cet égard, parce qu'il ne vou-
vinité du Saint-Esprit, en avertissant qu'il avait
lut point l'observer; d'où il conclut que s'il a
démontré dans un autre sermon que le Fils a
la même divinité que le Père. « On ne doit été puni de mort, c'est pour avoir violé un

point former de difficultés sur la différence qui précepte qu'il était en son pouvoir d'observer,
se trouve entre ces termes enverra et envoyé,
:
mais dont il a négfigé l'observation. Il donne
parce qu'il a fallu se servir de ces mots pour de grandes louanges à la mère des Macha-
nous faire voir la distinction qu'il y a entre bées. Elle lui parait avoir souffert autant de
les trois personnes divines; au surplus, il n'y fois le martyre, qu'elle avait d'enfants; et il

a dans la Trinité adorable qu'une même di- lacompare à l'Eglise, en ce qu'elle a comme
vinité, et l'unité de la divinité dans les trois efieengendré à Dieu des enfants spirituels.
personnes ne souffre point de division ^ en : 21. Outre ces quinze discours que saint
sorte qu'il n'y a pas plusieurs Dieux mais un Gaudence envoya à Bénévole, il en fit un le
seul. D'où vient que Jésus-Christ prescrivant jour de son ordination, où, après avoir parlé
la forme du baptême, ne dit pas qu'on le de lui-même en des termes les plus humbles,
conférera aux noms, en se servant du pluriel, iltémoigne avec combien de répugnance il
mais au nom de la Trinité. Car le Père est s'était chargé du fardeau de l'épiscopat, assu-

Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est rant qu'il ne se serait jamais rendu sans l'au-
Dieu, et c'est pour cela que la Trinité n'a torité de saint Ambroise et des autres prélats
qu'un nom, qu'une vertu, qu'une divinité qui qui s'étaient engagés par serment à le faire
subsiste dans tous les siècles. » Il dit dans le consentir à son ordination, et s'il n'eût ap-
même discours à ceux qui veulent approfon- préhendé l'excommunition dont les évêques
dir les mystères avec trop de curiosité : d'Orient l'avaient menacé. 11 y parle des de-
« Nous devons croire que Dieu est ce qu'il voirs d'un évêque, et prie saint Ambroise,
nous a révélé lui-même; il ne faut point exa- qu'il appelle le père commun, d'instruire lui-
miner ses actions avec un esprit rebelle, mais même le peuple qu'on venait de lui confier.

1 Pudet dicere, pœnitet recordari quantus numerus visionem non capil unitas Deitatis... et cum haptismi
rusticorum, de possessionibus prœdicta pompa viven- opus in Trinitate decerneret celehrandum, non ait, in
iium, vel famé sit mortuus, vel eleemosyna Ecdesiœ nominibus sed in nomine. Pater enim Deus est, et Spi-
sustentalus? Gaudent., Serm. 13, pag. 964. ritus Sanctus Deus est,... ac propterea unum Trinita-
* Trinitatis adorandœ una eademgue divinitas sem- tis est nomen, cujus una virtus atque
divinitas per-

per ubique est... proinde non DU, sed Deus, quia di- manet in omnia sœcula. Gaudent., Serm. 14, pag. 96G.
[iv^ ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE VI. — SAINT GAUDENCE DE BRESSE. 41

22. Quelque temps après, saint Gaudence, chrétiens ou d'enlever aux tyrans les reli-

ayant fuit bâtir une nouvelle église à Bresse,


ques des martyrs, eussent-elles été réduites
en fît la dédicace, accompagné d'un grand en cendres, ou de les acheter * et il témoi- :

nombre d'évêques et il y en aurait eu en-


:
gne que l'on faisait autant de cas d'une partie
core davantage si, comme il le dit lui-même, de ces reliques, que si on les eût eues tout
entières ^ Il parle clairement de l'invocation
la crainte des Barbares qui faisaient alors de
et de l'intercession des saints mais il veut
grands ravages en Italie, n'eût empêché plu- ;

sieurs évêques de cette province de se mettre que, pour obtenir l'effet de nos demandes

en chemin. C'était donc après Tan 400, où par leurs prières, nous imitions leurs ver-
tus ^.
les Barbares commencèrent à ravager l'Itahe,
23. Le dix-huitième discours, qui est aussi Dii-hailiè-
sous la conduite d'Alaric et de Radegaise. e discoars

Saint Gaudence mit dans cette nouvelle


• intitulé lettre, est adressé k Germinius, que i lettre
Gcrminius,
à

pag-sio
église des reliques des quarante Martyrs, de saint Gaudence qualifie serviteur de Jésus-

saint Jean-Baptiste, de saint André, de saint Christ, et loue comme une personne
qu'il

Thomas et de saint Luc. Il y mit encore des très-instruite dans les sciences divines et hu-
cendres des saints martyrs Sisinnius, Marty- maines. Germinius, peu satisfait des explica-
rius et Alexandre, et du sang de saint Ger- tions qu'il avait oui donner à la parabole du

vais, de samt Protais et de saint Nazaire. fermier d'iniquité, dont le sens lui semblait
Comme il avait dédié cette église à Dieu, il fort difficile, pria le saint évêque de lui en

Youlut aussi, pour honorer le mérite de tant donner une explication mystique. Saint Gau-
de saints, qu'elle portât le nom d'Assemblée dence, pour le satisfaire, la lui expliqua d'a-
des Saints-. Le discours qu'il fît au jour de la bord dans le sens moral, qu'il faut, dit-il,
dédicace de cette éghse est un éloge détaillé avoir pratiqué avant d'en chercher un plus

des saints dont il y avait mis des reliques : caché et plus mystérieux puis il lui en ;

mais il s'étend surtout sur l'histoire des qua- donna une explication allégorique, témoi-
rante Martyrs, profitant de ce que saint Ba- gnant en même temps qu'il n'empêchait pas
sile en avait dit dans un discours fait en leur que d'autres n'expliquassent cette parabole
honneur. Il dit que le soldat païen qui avait d'une manière différente, pourvu qu'elle ne
pris la place de celui des quarante qui avait fût pas contraire à la foi apostohque. D'après

apostasie, fut lavé dans son sang, et que le lui,par cette parabole, Jésus-Christ nous in-
martyre qu'il souffrit pour la foi dont l'Esprit vite à soulager par l'aumône la misère de
saint l'avait instruit, lui tint ^ heu de bap- nos fi'ères, et il a employé le terme de fer-
tême, le purifia et le conduisit au royaume mier, pour nous apprendre que nous n'avons

des cieux. Il rapporte que c'était l'usage des rien à nous en ce monde nous ne sommes
;

1 Horum quatuor, Joannis Baptistcp, Andreœ, Tho- phat : Trinitas adoranda testem suum infer pomas
mœ et Lucœ, beafas hahemus in prœsenti 7'eliguias ; fideliter permanentem niartyrio ipso, ad vicem bap-
qui regnum Dei et justitiam prœdicantes, ah incredu- tis77ii, glo/iosius et abluit et emendat, et ad cœlorum
lis et iniquis occisi, Deo semper vivere operationum régna pei'ducit. Ibid.
suarum demomtrantur Joannes in Sebas-
virtutibus :
4 Nec illud in post/^ema parte reticemus, quod cum
iena urbe provinciœ Palœsiinœ, Thomas apud Indos, cine/'es exustoru7n corporum, mandata persecutoris in
Andréas et Lucas apud Patras Achaiœ civitatem, con- fluviu/7i jacez-entur , non defuerunt religiosœ manus
summati referuntur. Post istos habemus Gervasium, quœ partem cizieris vel furto eriperent,vel pretio com-
Prothasium atque Nazarium, beatissimos martyres, parai'ent. Ibid.
qui se ante paucos annos apud urbem Mediolanensem 5 Portione7)i reliquiarum sumpsimus, et nihil nos

sancto sacerdati Ambrosio revelare dignati sunt; quo- minus possidei'e confidi77ius; du77i quadraginta
totos

rum sanguinem tenemus gypso collectum, nihil am- iti suis favillis ho7iora/ites a77iplectimur... Ilaque pars

plius requirentes. Tenemus etiam sanguinem qui tes- ipsa quam 7ne)'ui7nus, pleniludo est : dividi enim qua-
tis Recepimus etiam sanctos cineres Si-
est passionis. draginta isti martyres ab invicem nullo mado pos-
sinnii martyris et Alexandri, quos )iuper in Ara Agu- sunt, quorum sunt inseparabiles et i/idisc/'etœ reliquiœ.
tini uni venerandœ religionis cultui attentius inhœ- Ibid.
rentes, gens interfecit sacrilega flammisque adhi- « Dignum est ut ad tantorum martyrum venera7idas
bitisconcremavit. Gaudent., Serm. 17, pag. 969. reliquias processuri, ad co/icilium sa/ictorum 7ios pro-
* Habemus erga et hos quadraginta et prœdictos de- cede7-e fatea)7ntr. Tôt igilur justorum patrocinio ad-
cem sanctos, ex diversis terrarum partibus congrega- juva7idi, tota fide om7iique desiderio supplices, secun-
tos, unde hanc ipsam basilicam eoruni meritis dedi- dum eoru7n vestigia cun-amus, ut ipsis inte7'cedentibus,
catam, concilium sanctorum nuncupari oportere dccer- universa quœ poscimus, adipisci nterea777ur , magnifi-
nimus. Pag. 970. ca7ites Christ u/n Dominum, tanti muneris largitore/n.
^ In mediis cruciatibus, novus martyr, instruente Ibid., pag. 970.
Spiritu Sancto cruditur, et proficit ; 7noritur, et trium-
42 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
que les dispensateurs de nos biens; et après que le Père, s'autorisaient de cet endroit.
en avoir usé avec actions de grâces, nous de- Mais saint Gaudence fait voir par un grand
vons les distribuer à nos conscrviteurs sui- nombre de passages du Nouveau Testament
vant leurs besoins, et ne pas les employer en qu'il est nécessaire de distinguer deux natures

dépenses superflues, puisque nous devons un en J.-C. ^, l'une divine, l'autre humaine,
jour en rendre compte au Seigneur. Comme et que celui qui, dès le commencement, était
la voie qui conduit à la \ie est étroite, elle ne dans le Père, Fils de Dieu et Dieu Verbe, a
permet pas que ceux qui sont trop chargés commencé à être Fils de l'homme, en nais-
du fardeau des biens de la terre y puissent sant d'une vierge sans tache par l'opération
marcher; et elle veut qu'ils soient légers et du Saint-Esprit. Le même donc ^ qui, en tant
resserrés par l'exercice de la continence, et que Dieu, avait dit aux Juifs Mon Père et :

semblables, pour ainsi dire, à un fil assez moi nous sommes un, dit en tant qu'homme :

délié, pour pouvoir passer par le trou de Mon Père est plus grand que moi. « Si les
cette aiguille mystérieuse de l'Evangile ; ariens, ajoute saint Gaudence* distinguaient
c'est-à-dire que ce soient des hommes deve- ainsi deux natures en Jésus-Christ, ils ne
nus tout spirituels. blasphémeraient pas en soutenant que le
Dix-neuviè- 24. On a aussi donné le titre de lettre au Fils est moins grand que le Père. Peuvent-ils
me discours
ou lettre à dix-neuvième discours de saint Gaudence : ignorer que Paul, le vase d'élection, dans son
Paul, p. 973.
c'est en efiet une ri'ponse de ce saint évêque épître aux Philippiens, enseigne que le Fils
à Paul, diacre, qui l'avait prié de lui expli- est égal au Père ? d U dit sur la fin de ce
quer cette parole de Jésus-Christ Mon Père : discours ^ qu'il n'y a aucun des saints qui
est plus gj^nd que moi. 11 remarque d'abord n'ait eu besoin de la grâce médicinale de

que Jésus-Christ, avant que de tenir ce dis- Jésus-Christ, puisque c'est par sa foi qu'ils

cours à ses disciples, leur avait prouvé en sont devenus saints. 11 s'appuie en cela de
diverses manières qu'il était Dieu et n'avait l'autorité de l'épître aux Hébreux, qu'il dit

qu'une même et parfaite substance avec son être de saint Paul.


Père ; en un mot, qu'il lui était consubstan-

2o. Outre ces dix-neuf discours imprimés Vingtirme
discours.
tiel et de la même essence que lui, et que ce dans la Bibliothèque des Pères, Surius nous en Apud ^urinm
ad diera 18
fut après cela qu'il leur dit : Mon Père est a donné un vingtième, qui en l'honneur est ju'ii, tom.IV,
211 et
plus grand que moi ; a paroles, dit saint Gau- de saint Philastre, prédécesseur de saint Gau- 2Î2."

dence, qui ajoutent une nouvelle plénitude dence dans l'évêché de Bresse. Ce Père
de science à ceux qui sont fermes dans la foi, le fit au jour de l'anniversaire de la mort
donnent du scrupule à ceux qui sont chan- de saint Philastre. C'est le seul qui nous
celants, et fournissent aux perfides de quoi reste de quatorze qu'il avait faits sur le
entretenir leurs blasphèmes, parce que la même sujet et au même jour. 11 y dit que
parole de Dieu est pour la ruine et pour la saint Philastre a prêché l'Evangile dans
résurrection de plusieurs.» En effet les ariens, presque toute l'étendue de l'empire romain ;

qui soutenaient que le Fils est moins grand qu'il a combattu non-seulement contre les

1 Plurima Christus Filius Dei vivi de divinitaiis erat apud Patrem Filius Dei, utique Deus Verbum.
suœ una et perfecta cum Paire substantia lûcutus esse Ibid.
cognoscitur, cum diceret Judœis : Ego et Pater unum 3 Ea igitur rcdione, ipse qui ex persona Dei dixerat :

sumus; cum sancto Philippo responderet : Qui me Ego et Pater unum sumus ; ex persona suscepti ho-
videt, videt et Patrem cum bcatis Apostolis commu-
;
minis dicit : Quia Pater major me est. Ibid., pag.

niier loqueretur: Crédite milii, quia ego in Pâtre, et 974.


Pater in me est. Post hœc ergo et isiiusmodi multa * Hanc distinc'ionem si sequerentur hœretici ariani
quibus consubstantialem se esse cuin Pâtre probavit nunquam myslerium vitœnostrw in contumeliam Filii
et ejusdem essentiœ, nunc aliquid iltaturus, prœmo- Dei converterent, minorem illum Deo Pâtre ôlasplic-
nuil Apostolos ne ad auditionem profercndi scrmonis mis vocibus asserentes, quem vas electionis œqualem
scandalum mens alicujus paiereiur : Ne turbelur, in- Pairi esse testatur, aperiens illam omnem rationem,
quit , cor vestrum... si diligeretis me, gauderetis pro qua Dei Filius, qui et homo dixerit : Quia Pator
utique quia vado ad Patrem, quia Pater major me major me est. Hoc, inquit, seutite in vobis quod et
est. Gaudent., Serm. 19, pag. 973. in Christo Jesu, qui in forma Dei constitutus, rapi-
2 Duplex est in Christo substantia, wia propria, nam non arbitratus est, quod esset aequalis Deo. Ibid.,
alia nostra, jam sua : id est, una Dei, alia hominis. pag. 975.
Filius enim Dei, ex quo iUibata Virgo peperit, de 5 Cœterum îiemo sanctorum medicina Christi non
Spiritu Sancto conceptum, atque hoc génère nascendi. indiguit, cum sanctos eos non nisi /Ides ejus effecerit,
Verbum caro factum est, et habitavit in nobis, idem sicut Scriptura testatur in epistola Pauli beatissimi ad
çœpit esse etiam Filius hominis, qui in principio Hebrœos. Ibid., pag. 975.
[IV* ET V^ SIÈCLES.] CHAPITRE VI, — SAINT GAUDENCE DE BRESSE. 43

païens et les juifs, mais encore contre toutes nom de Jésus-Christ par la cruauté de Néron*,
les hérésies, et surtout contre celle d'Arias; que saint Pierre a été crucifié la tête en bas,
qu'il combattit étant à Milan contre Auxencc, et que saint Paul a eu la tête tranchée parle
évêque arien qu'il demeura longtemps à
;
glaive 3. Vient ensuite un éloge magnifique
Rome, où il retira plusieurs personnes de des saints Apôtres. On y liten particulier ces
l'erreur. Il y représente saint Philastre paroles remarquables : « Sur l'un est fondée
comme un homme d'une douceur, d'une pa- l'Eglise; l'autre, devenu un vase d'élection,
tience et d'une bonté qui gagnait tout le porte dans le peuple par sa doctrine l'arôme
monde très-réservé à punir, et très-facile
; de la foi *. » ]

à pardonner; doux, affable, humble et mo- 27. Quoique son style paraisse assez simple, Jagement
de soa style.
deste. Ce discours, que Surius a tiré d'un an- ilne laisse pas d'avoir de l'élégance et de
cien Lectionnaire de l'Eglise de Bresse, est l'agrément et on voit par ce qui nous reste
:

cité par Rampertus, qui tenait le siège épis- de ses écrits ,


qu'il était très-instruit des
copal de cette ville en 838, [et a été de nou- dogmes de la ne manquait
rehgion et qu'il
veau collationné par Galéardi sur deux ma- pas de zèle pour l'instruction de son peuple
nuscrits et éditions qui l'attribuent à saint et le maintien de la foi catholique. Les jour-
Gaudence]. Rampertus attribue à saint Gau- naux en ont annoncé une édition à Bresse,
dence une hymne sur saint Philastre, faite par les soins du cardinal Quirini; nous ne
en rhythme, c'est-à-dire une prose nombrée les avions jusqu'ici que dans les Bibliothèques
et élevée ' [mais ni le style ni le latin de
; des Pères. [Cette éditiou.due à l'abbé Galéardi,
ce rhythme ne permettent d'en faire auteur parut en 1738, à Bresse, dans la collection
saint Gaudence quoiqu'on y retrouve les
, des Anciens monuments de l'Eglise de Bresse,
principales pensées d'un panégyrique sur de la typographie de Jo. -Marie Rizzardi, in-
savit Philastre.'] folio. Galéardi avait déjà donné une première
[26. Galéardi a mis dans son édition des édition à Padoue, in-4", en 1720. La seconde
ce snr satnt
œuvres de saint Gaudence un sermon qui se édition renferme de nouvelles notes et d'au-
trouve le quarante-huitième de l'ancienne tres améliorations. L'édition de Padoue fut
édition des sermons de saint Zenon, évéque réimprimée en 1757, Augsbourg, chez à
de Vérone, faite à Venise en 1508. Il
y porte Ignace Adam et Franc. Ant. Weith, in-4°. La
le titre suivant : Sancti Gaudentii Brixiœ de Vie de saint Philastre, par saint Gaudence,
Petro et de Paulo sermo. Le stj-le en est exac- avait paru en 1721, à Hambourg, in-8°, dans
tement conforme à celui de saint Gaudence ;
les œuvres de saint Philastre données par
mais deux manuscrits, l'un d'Urbin et l'autre Fabricius. La Patrologie latine de M. Migne,
du Vatican, ne permettent pas d'en révoquer tome XX, contient l'édition de Bresse, de
en doute l'authenticité. Ce discours fut prê- Galéardi, avec des prolégomènes de Schœ-
ché à Milan, le jour de la fête des saints Apô- nemann. On y trouve la préface de Galéardi
tres, en présence de saint Ambroise, qui s'y sur la vie et les œuvres de saint Gaudence,
trouve désigné suffisamment sous le titre de les témoignages des anciens, une préface
père commun. On y voit que toutes les Eglises aux traités ou discours, les discours ou traités
célébraient par tout l'univers la fête de saint au nombre de vingt et un, et le chant saphi-
Pierre et de saint Paul, que tous deux avaient que à la louange de saint Philastre.]
été mis à mort en ce jour à Rome pour le

1 Rampertus admet bien qu'on attribuait cette un nommé Parfait, dont le nom se trouve dans la
hymne à Gaudence, mais pour lui il ne la croit
saint dernière pa^je. {L'éditeur.)
point de cet évèqvie. Voici ses paroles Sed et rhyth- : 2 In hoc enim die apud urbem Romam ambos pro
micum hymnum, quem ergo auctoritatis Gaudentium Christi nomine Neronis crudelHas interfecit.
episcopum fuisse fenmt, cantare de ipso sedule consue- * Petrus crucifiyitur verso ad terram capite, et in

verat. Gaudentium autem ipsum compos'^isse nuto, sublime pedibus elevatis, asserens indignum se qui
cum longe, aliterque seusus primœ lineœ sit, et ipse ita crucifigeretur ut Dominus suus. Paulus gladio
rhijthmus elementa nominis compositoris sui, per ca- truncatiir.
pita, ut ita dixerim, versuum, si quis inteudat, habeat. * Super unum fundatur Ecclesia : alter pretioso
fi-
Migne, Pat., tom. XX,
1004 et 1005. D'après ces
col. dei mijrrham doctrina sua portai in populo, ipse vas
paroles, Galéardi croit pouvoir adjuger ce rhythme à electionis effectus.
44 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.

CHAPITRE VII.

Panodore et Annien, moines égyptiens.

[Sous Arcade.]

i Panodore, moine égyptien, vivait selon


. Cet ouvrage renfermait ^ un cycle pascal
George 'le Syncelle, du temps de l'empereur de 532 ans, éclairci par diverses remarques.
Arcade et de Théophile, patriarclie d'Ale- George avait prorais de le donner avec un
xandrie. Il était très-versé dans la connais- semblable mais nous ne l'avons pas. Il loue ^
:

sance de la chronologie, et il écrivit^ un Annien de ce qu'il avait mis la naissance de


traité qui contenait beaucoup de choses uti- Jésus-Christ en l'an 5500 du monde, en com-
les, soit pour connaissance des temps, soit
la mençant l'année au premier de janvier; et sa
pour le mouvement du soleil et de la lune : résurrection le 25 mars de l'an 5534. Pano-
mais y avait dans son traité un grand
il dore et Annien, prétendaient au rapport^ du
nombre de redites. Suivant son calcul, il pa- même George, avoir trouvé diverses fautes
raissait que 3 Jésus-Christ avait vécu qua- dans la Chronologie d'Eusèbe de Césarée en ;

rante et un ans; car il prétendait qu'il était quoi il convient qu'ils ont quelquefois raison,
né l'an du monde 5493, et qu'il était mort à mais non pas toujours. Pour le prouver, il
la finde l'an 5533, ou au commencement de rapporte * un passage d'Annien, qui y cite
5534, mettant le commencement de l'année la Chronologie de Jules Africain, et fait voir
au 25 mars, suivant l'usage des anciens. qu'Eusèbe a fait une omission de 290 ans.
2. George le Syncelle met encore'* dans le Panodore accusait Eusèbe d'une pareille
même temps Annien, aussi moine d'Egypte, omission, comme George le Syncelle le re-
à qui il attribue un ouvrage sm^ l'Histoh^e, plus marque au même endroit.
serré et plus exact que celui de Panodore.

CHAPITRE VHI.

Bachiarius [le moine].

[Au v* siècle.

1 Gennade " fait de Bachiarius un philo-


. alla demeurer en d'autres, changeant, ce
sophe chrétien, d'une élocution claire et fa- semble, assez souvent de demeure. Il trouva
cile, qui, ne voulant être occupé que de Dieu dans cette manière de vie des censeurs de sa
seul, libre et dégagé de toute autre chose, Pape comme
conduite, qui le déférèrent au
quitta son pays, comme Abraham, et s'en un homme de mauvaise doctrine "^, ce qui

• Syncellus, in Chronogr., pag. 27 edit. Venet., sua, et cognatione sua, cohœres fîeret Abrahœ patriar-
au. 1729. — Ibid., pag. 28. —
2 » Ibid. chœ. Geunad., de Script Eccles., cap. xxiv.
* Syncellus, pag. 27. —
ibid., ^ Ibid., pag. 27. '0 Ecce nunc, quantum iniellegimus, Christus a Su-

6 Ibid. — Ibid., pag. 28. —


'•
» Ibid. et pag. 29. maritana aquam postulat, cum béatitude tua fidem a
9 Bachiarius, vir philosophiœ christianœ nitidus et nobis requirit. Suspectes nos, quantum video, facit
expeditus, vacare Deo disponens, etiam peregrinatio- non sermo, sed regio, et qui de fide non erubescimus,
nem pro conservanda proposita iniegritate elegit. Edi- de provincia confundimur. Sed absit, beatissime, ut
disse dicitur grata opuscula; sed et ego ex il lis apud viros sancios macula nos terrenœ nativitatis infi-
unum de Fide librum legi, in quo satisfacit Pontifici ciat. Nos patriam etsi secundum carneni novimus, sed
urbis adversus querulos et infamatores peregrinatio- nunc jam non tiovimus. Bachiarius, lib. de Fide, tom.
nis suœ, indicans se non timoré hominum, sed Dei Il Monument. Muratori, pag. 9, Modiolaui, 1698.

causa, peregrinationem suscepisse, ut exiens de terra


[rV« ET V* SIÈCLES. CHAPITRE VIII. — BACHIARIUS. 45

l'obligea de se justifier par une assez longue pense que Bachiarius était Espagnol et con-
profession de foi qu'il lui adressa. [Cepen- temporain d'Orose, et il appuie cette conjec-
dant Galland ', fondé sur quelques paroles de ture sur quelques passages de sa profession
Bachiaiius, pense que Gennade s'est trompé de foi s.]
en croyant que cette piofession de foi avait 3. Bachiarius donne au Pape la qualité de

son bienheureux frère ° ; ce qui ferait croire ?(•"« o"


été donnée à voyages qu'il fai-
l'occasion des
sait. semble dirigée uniquement
Elle lui qu'il était lui-même revêtu du caractère épis-

contre des évoques qui se plaignaient de sa copal. Mais ni Gennade, ni les autres écri-
foi et l'accusaient même du crime d'hérésie.] vains qui ont parlé de Bachiarius, ne di-
Son pays. "l. Quelqucs-uns l'out fait Breton et même sent qu'il ait été évêque. Il reconnaît " lui-
disciple de saint Patrice, mnis sans fonde- même dans sa profession de foi qu'il ne l'é-
ment. On sait que les Eglises de la Grande- tait pas, en disant qu'il n'était pas assez in-

Bretagne furent infectées du pélagianisme ;


sensé pour ne pas humilier son cœur et son
et Bachiarius dit nettement - qu'on ne l'ac- esprit sous la puissance de ceux devant qui
cusait d'erreurs que parce qu'il vivait dans il baissait la tête pour recevoir, par l'imposi-

une province qui en était infectée si donc il ;


tion de leurs mains, les grâces du salut. S'il
eût vécu dans la Grande-Bretagne, il se serait appelle donc le Pape son bienheureux frère,
purgé des erreurs de Pelage, dont toutefois c'est parce que le baptême nous rend tous

il ne dit pas un mot dans sa profession de frères en Jésus-Christ, ainsi que le dit Lac-
foi. Ceux qui le font disciple de saint Patrice, tauce ^. Il se pourrait même faire que ce soit
disent ^ présenta au pape saint Léon,
qu'il la une faute de copiste, qui, au lieu de Père,
et qu'il vécut jusqu'en 4G0 si cela était, on : aurait écrit Frère. [Florins et Galland ^, ses
trouverait quelque chose dans ses écrits et deux derniers éditeurs, admettent comme
surtout dans sa profession de foi, contre les assez probable l'opinion qui veut que Ba-
erreurs de Nestorius et d'Eutychès. Mais il chiarius ait été moine.]
n'y parle que contre celle d'Arius, de Macé- 4. Gennade dit qu'il n'avait vu des écrits de
•'
^ •

. Ses écrits.

donius et d'Helvidius; ce qui prouve qu'il Bachiaruis, que celui qui est adressé au Pape p°" l'"e «'«

écrivait avant la naissance des hérésies de et qui est intitulé de la Foi '^; mais il ajoute
Nestorius et d'Eutychès, et par conséquent qu'il en avait fait plusieurs autres qui étaient
avant de saint Léon. Il y a plus,
le pontificat bien reçus du pubhc. On met de ce nombre
c'est que Bachiarius marque en termes ex- une grande lettre à Janvier, imprimée dans
près '*
qu'il écrivait dans le temps que deux la Bibliothèque des Peines, intitulée quelquefois
hérésies, c'est-à-dire celles d'Helvidius et de livre de la Pénitence. Balaîus lui attiùbue aussi
Jovinien, s'étaient élevées dans Rome, sans un ouvrage d'Astrolo(/ie Judiciaire; mais il ne
infecter toutefois la chaire de Saint-Pierre, ditpas sur quel fondement il l'en fait auteur,
c'est-à-dire le siège de la foi. Bachiarius était Quant à son écrit touchant la foi, il a été
donc contemporain de saint Jérôme, et ré- imprimé pour la première fois à Milan, eu
futait en même temps que lui, c'est-à-dire 1698, par le soins de Muratori, sur un ma-
dans le commencement du v* siècle, les nuscrit de la Bibliothèque ambrosienne, de
erreurs de ces deux hérésiarques. [Galland plus de mille ans. Bachiarius y témoigne

* Galland., Biblioth. Vet. Pairolog., tom. IX et , aut eo amplius hœreses pullularunt, et tamen nulla
dans la Patrologie latine, tom. XX. Voici les paroles earum cathedram Petri^ hoc est sedem fidei, aut te-
de Bachiarius Prœsidentum quorumdam senteniia
: nere potuit, aut movere. Bachiarius, lib. de Fide, pag.
judicamur, quasi liberi esse ab eiToris dcceptione ne- 12.
queamus. Ces évèques qui le poursuivaient seraient s Ne quœso, beatissime fratcr, maie de provincia
Eutrope et Paul, dont parle Orose, Comment. (L édi- sentiatur. Ibid., pag. 13.
teur.) — 2 Ibid. « Ibid. ac supra. [L'éditeur.)
Bachiarius Macceus divi Patricii discipulus, na- ^ Neque enim tam
8 stulti sumus ut,quibus capita pro
tione Britannus, post varia bonarum arlium studin in sanctificatione submittimus, his corda nostra humi-
Legionensi gymnasio, mathematicis disciplinis œlate liare 7iolimus. Bachiar., lib. de Fide, pag. 25.
juvenili se totum impendit, etc. Edito tandem libello * Justus ac sapiens scit cunctos ab eodem Deo, et
romanœ urbis pontifici Leoni, ut fertur, satisfecit, etc. eadem condilione generatos jure fraternitatis esse
Claruit senex anno virginei partus 460. Balœus., conjunctos. Lactant., hb. V Divin, cap. xxiii.
instit.,
Cent. 1, num. 46. 9 Galland., Prolegomena Bibl. vet. Patr., tom. IX,
*Sz pro culpa unius provinciœ anathemanda gene- réédités dans la Patrol. lat., tom. XX. [L'éditeur.)
raiio est, damnetur et illa beatissima discipula, fioc 19 Tom. II Monument. Muratori., Mediol., ann. 1988,
est Roma, de qua nunc non una, sed dure, vel très pag. 9.
46 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
d'abord quelque peine de ce que, n'étant même qu'il écrit, il en était sorti deux ou
convaincu personnellement d'aucune erreur, tjois hérésies, et même davantage. Néan-
on l'ait charge de celles qui s'enseignaient moins, aucune n'a infecté ni ébranlé la foi
dans la province où il demeurait. Ensuite il de la chaire de Pierre. » Il vient après cela à
fait voir par divers exemples que ce soupçon la profession de foi que le Pape demandait de

étaitinjuste.((Si,pourlafaute d'une province, lui, et il la donne dans un grand détail avec

il fallait anatbcmatiser tous ceux qui y


dit-il, beaucoup d'exactitude. Elle se réduit h ces
demeurent, la ville de Rome ne serait pas points Il y a un Dieu
'
: il a toujours été et ;

exempte d'anathème puisque dans le temps


,
est toujours le même; le Père est Dieu, le

Credimus Deum erat, quoderaf, pimus, custodimus. Sic coram Dec corde credimus, sic
; quod fuit,
1 es^e
erit, nunquam semper idem, Pater Deus, Fi-
a/iiid, coram hominibus labiis confitemur... Jam vero si etiam
lins Deus, Spiriius Sanctus Deus, unus Deus, et unus illud a nobis quœritur, qualiter de anima sentiamus,
Filiu-s de Pâtre, Spiritus Sa?icfus Patris et Filii. factam credimus esse;...si aulem quœritur unde facta
Unius Trinifatis isia substani'o, et tria ista unam sit, nescire me fateor, quia nec usquam legisse co-
habentia voluntatem. Nec communicans major, nec gnosco,... nec partent dicimus Dei animam, sicut qui-
accipietis mitwr. Nec est secundun a primo, nec ter- dam asserunt, quia Deus impartibilis est, indivisus
tius de secundo... Ad hanc fidem per gradus ascen- et impassibilis est; anima vero diversis passionibus
dere non debemus, ne inœqualiter sentiendo, de infe- mancipaia est, sicut quoiidianus rerum exitusprobaf;..
riore ad superiorem transiium faciamus, sed œquali sed nec illi assertioni tradimus manus, qua quidam
ijradu nostri cordis intrare , ut unius substantiœ superflue delectantur, ut credant animas ex transfu-
unius potesiatis, unius virtuiis et Palrem et Filium et sione generari, quia coriiradicit huic suspicioni David
Spiritum Sunctutn sentia'mus. Pater enini principale dicendo : Scitote quoniam Dominus ipse fecit uos, et
nomen diviniiatis per se quod creditur et quod dici- non ipsi uos... Absque sola igitur Trinilate omne
tur Pater Deus. Filius Deus ex Paire, non ex se, sed quod in cœlis, sive in terris et mari potentaiur, agi-
Patris. Pater Deus et Filius Deus : sed non idem Pa- tur, movetur, creaturam esse credimus et fatemur.
ter, qui Filius, sed idem creditur esse Pater, quod Diabolum non ita factum sentimus, ut diabolus, nec
Filius. Et Spiritus Sanctus non Pater ingenitus, sed proprium habuisse naturœ suœ genus, ut diabolus nas-
Spiritus ingeniti Patris. Itaque cum ingenitus Pater ceretur, et hoc agnomen meritum dédisse, non Deum;
sit, cujus est Spiritus, incaute Spiriius Sanctus dici- nec factum esse diabolum. quia Deus malum non fecit,
iur ingenitus, ne duo ingeniti, aut duo Paires in infi- sed angelum bonum factum,.. boni et mali capacem
delibus œstimentur. Filius Patris ante scecula genitus dicimus accepisse ex facture 7iaturam, immortalitatis
a Pâtre, non potest alium genitum habere consortem, gloria, et honore circuntdatum, accepisse etiam scien-
ut credaiur unigenitus, et duo geniti non dicaniur: Pa- tiœ dignitaiem, qui elatus in superbiam suum credidit
ter enim unus ingenitus, Filius unus est genitus, Spi- esse, quod non erat;.. qui tartaro et igni perpétua
ritus Sarictus a Paire procedens Patri et Filio coœ- deputatus perennis est pœnœ, non immortalis vitœ.
fernus, quoniam unum opus et una in Pâtre et Filio Credimus omnem creaturam Dei quœ ad usus ciborum
et Spiritu Sancto voluntatis operaiio est. Pater inge- a conditore concessa est, bonam esse,... sed ab his ad
nitus, Filius genitus, Spiritus Sanctus a Pâtre proce- tempus abstinere, non pro superstitione religionis, ne-
dens, Patri et Filio coœternus, sed ille nascitur, hic que abominatione creaturœ Dei, sed pro contiîieniia
procéda... Hœc per hoc tripertita conjunctio et con- Garnis, utile esse... Conjugia probamus, qiue Dec auc-
juncta divisio, et in personis excludit unionem, et in tore concessa suni. Co7itinentiam in ipsis p. ihdicamus.
personarum distiiictione obtinet unitatem. Sicque cre- Virginitaiem extallimus et miramur. Justorum pecca-
dimus beatissimam Triniiatem, quod unius naturœ est, torumque distantiam non ex conditione Creatoris, sed
unius deitatis, unius ejusdemque virtutis algue subs- arbitrio credimus accedere voluntatis. Pœnitentiam
tatdiœ, ne inier Patrem et Filium et Spiritum Sanc- peccatorum plenissima fide suscipimus, ac veluti se-
tum sit ulla diversitas, nisi quod ille Pater est, et cundam gratiam suspicamur. Vêtus et Novum Testa-
hic Filius, et ille Spiritus Sanctus, Trinitas in subsis- mentum œquali fidei lance suscipimus, ac veluti cur-
tentibus personis, imitas in natura atque subsiantia. reiiiis per iiumerorum signa ponderis libra, sic iesti-
Filium quoque credimus in novissi)nis diebus natum moniorum gesla mobili meditatione pensamus, nec
esse de Virgine et Spiritu Sa7icio carnem naturœ hu- évacuantes hisloriœ fidem credimus universa gesla esse
manœ et animam suscepisse. In qua carne et passum, quœ legimus, sed juxta apostolicam doctrinam sensum
et sepulium resurrexisse a moriuis credimus et fate- in his spiriialem perscruiamur, qui tamen sensus ad
mur, et in eadem ipsa carne, in qua j'acuit in sépul- typum Christi Ecclesiœque pertineat, aut in morum
cre, post resurreciionem ascendisse in cœlum, unde emendationem correctionemgue perficiat, Omnem Scrip-
venturum expectamus ad judicium vivorum et mor- turam quœ ecclesiastico canoni non congruit, neque
tuorum. Virginem quoque de qua natum scimus, et consentit, non solum non suscipimus, verum etiam ve-
virginem ante parfum, et virginem post partum, ne lut alienatn a fidei veritate damnamus... Jejunia at-
consortes Helvidiuni erroris habeamur. Carnem quo- tentiorn secundum ecclesiasticam regulom disciplinam-
que nosirœ resurrectionis fatemur iniegram atque que servamus,... ac si quando jejunia indicta Eccle'
perfectam hujus in qua vivimus in prœsenti sœculo, siœ, tune nos cupimus noti solum de usu consuetudi-
aut bonis artibus gubernamur, aut malis operibus nari, verum etiam a conversatione, fabulis, salutatic
subjacemus, ut possimus in ipsa aut pro malis pœna- nibus, quœ fabulas interseruni, jejunare. Et quidem
rum tormenla sustinere, aut pro bonis bonorum prœ- hœc Deo teste ita ut scribimus sentiamus, tamen non
mia acquirere... Hic est nostrœ fidei thésaurus, quem sic nobis de veritate blandimur, ut si forte sacerdotes,
signalum ecclesiaslico symbole, quod in baptismo acce- sive dotiores, qui sunt capita populi et columnœ Eç
[lV« ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE Vin. — BACHIARIUS. 47

Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu, et sainte Vierge est demeurée vierge avant et
toutefois il n'y a qu'un seul Dieu, un seul après son enfantement. D'après nous res- lui,

Fils du Père, et le Saint-Esprit est du Père susciterons dans la même chair dans laquelle
et du Fils; les trois personnes de la Trinité nous vivons aujourd'hui, afin que nous puis-
ont une même substance et une même vo- sions recevoir en elle ou la récompense de
lonté ; celle qui communique Tètre n'est pas nos bonnes œuvres, ou la peine due à nos
plus grande que celle qui le reçoit , et il n'y péchés. Voilà, dit-il, le trésor de notre foi
a entre elles aucune diUerence de degrés, en que nous gardons tel que nous l'avons reçu
sorte qu'onne peut dire que celle-là est la dans le baptême, et il proteste devant Dieu
première, l'autre la seconde, et l'autre la qu'il conserve cette foi dans son cœur en la

troisième. Elles ont toutes une même subs- même manière qu'il la confesse de bouche.
tance , une puissance et une même
même Il ne veut rien décider sur l'origine de l'âme,

vertu ; le Dieu par lui-même, et le


Père est par la raison qu'il n'en sait rien, et se con-
principal nom de la divinité le Fils est Dieu ; tente de reconnaître qu'elle est faite de Dieu.
par son Père, non par lui-même. Le Père est Il rapporte néanmoins les opinions des autres
Dieu, et le Fils est Dieu ; mais le Père n'est sur ce prouve même contre eux
sujet. Il

pas même que le Fils, bien qu'ils soient


le qu'elle n'est point une partie de Dieu, puis-
une môme chose le Saint-Esprit n'est pas-ie
: qu'il n'est pas comme l'âme sujet aux pas-

Père non engendré, mais l'Esprit du Père sions; qu'elle n'est pas non plus engendrée
non engendré. Bachiarius dit exprès que l'on par transfusion, puisqu'il est dit dans l'Ecri-
ne peut appeler le Saint-Esprit non engendré, ture que c'est Dieu qui nous a faits, et que
de peur que les infidèles ne croient qu'il y a nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes.
en Dieu deux non engendrés ou deux Pères '. Voici encore quelques-uns de ses enseigne-
Le Fils est engendré du Père avant tous les ments Tout est créé, hors la sainte Trinité
:
;

siècies, et il l'est seul, de peur qu'on ne dise il n'est pas de la nature du diable d'être ce

qu'il y a deux Fils le Saint-Esprit procède


;
qu'il est aujourd'hui mais, ayant été créé un ;

du Père, et il est coéternel au Père et au Fils, bon ange, il est devenu mauvais par ses ac-
parce qu'il n'y a qu'une même action et une tions, et a mérité le nom qu'il porte ; car
même opération de la volonté dans le Père, Dieu l'ayant fait capable du bien du mal,
et
le Fils et le Saint-Esprit; la ditïérence qu'il y l'aj-ant crééimmortel et comblé d'honneur
a entre le Fils et le Saint-Esprit, est que le etde lumières, il s'est élevé par orgueil, pen-
Fils nait, et que le Saint-Esprit procède. Ces sant être ce qu'il n'était pas, et a été con-
trois personnes sont tellement distinguées damné à des supplices éternels. Tout ce que
entre elles, qu'elles sont une en substance : Dieu a créé pour la nourriture de l'homme
« car nous croyons, dit Bachiarius, que la est bon il est néanmoins quelquefois utile
;

bienheureuse Trinité est d'une même nature, de s'en abstenir, non par de vains et supers-
d'une même divinité, d'une même subs- titieux motifs, mais pour mortifier la chair.
tance et d'une même vertu, en sorte qu'il Quoique le mariage ait Dieu pour auteur, la
n'y a aucune ditl'érence entre le Père, le continence même dans le mariage, est loua-
Fils et le Saint-Esprit , sinon que celui-là ble, et la virginité préférable au mariage.
est Père, celui-ci est Fils, et celui-là est Les justes et les pécheurs diûerent entre eux
Saint-Esprit en personnes, un en nature
; trois non par leur nature, mais par leur volonté.
eten substance. Le Fils, dans les derniers
» La pénitence est une seconde grâce de Dieu.
temps, est né de la Vierge et du Saint-Esprit L'Ancien et le Nouveau Testament sont d'une
en prenant la chair de la nature humaine, égale autorité; l'on ne peut douter de la vé-
et l'ûme il a souffert dans cette chair, il est
; ritédes faits qui y sont rapportés et on peut ;

ressuscité des morts dans la même cbair y chercher également un sens spirituel et
qui avait été ensevelie; il est monté au ciel, moral le premier se rapporte à Jésus-Christ
:

d'où il viendra juger les vivants et les morts. et à son Eglise, et le second à la correction
Bachiarius soutient contre Helvidius que la des mœurs ; l'on doit rejeter tout livre qui

clesiarum, quodlibet ex his, quœ professi sumus, pro- s Vide Palrol. Migne, tom. XX, col. 1206, not. 1,
bantes aliquid rectius quid dixerint, pigri simus in où l'onmontre que non genitus est différent de in-
eorum sententiam tratisire. Bachiarius, pag. 14 et genitus. {L'éditeur,)
seq. s
ECCLÉSIASTIQUES.
48 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS
monde,
du bruit qu'elle faisait dans le
n'est point canon des Ecritures. Les
dans le
et
ami
ami, et en
écrivit à Janvier, dont il était
jeûnes doivent être observés en la mamere sa maison,
même temps à tous les frères de
pour
qu'ils sontprescrits dans l'Eglise, et
qu'il avaitengagés dans ses sentiments. Il lui
jeûner ne suffit pas de s'abstenir des ali-
sans
représente qu'il n'y a point de plaies
il

ments ordinaires, on doit aussi s'interdire irrémissibles


remède, et point de péchés ;
de la conver-
certains plaisirs, comme celui religieux
Bachiarius fmit que c'est donc à tort que lui et ses
sation et autres semblables. chassé le coupable de leur maison,
s'il arri-
avaient
de foi en disant que, les
sa profession menacé de le priver de la sépulture. 11
doc- et
vait que quelqu'un des prêtres ou des car le dé-
avertit de n'être pas sans crainte,
teurs de s'exprimât d'une mamere
l'Eglise frapper le plus fort
religion mon avaitcommencé par
plus correcte sur les vérités de la aisé d'atta-
embrassera sans d'entre eux, afin qu'il lui fût plus
qu'il n'a fait lui-même,
il
envisager
dit, les regardant
quer les autres. Puis, leur faisant
peine ce qu'ils en auront coupable, il leur dit
leur sévérité envers le
:

du peuple et les colonnes


comme les chefs La concubine
(( de Saûl eu avait mieux agi,
des Eglises. ceux que
,
dont
. , .
puisqu'elle avait gardé les corps de
3 Bachiarius qui, dans l'apologie jusqu'ù
Lettre de
prend aucune David tua pour venger les Gabaoniles,
Pacbiariiis. nous venons de parler, ne ce que le ciel témoigna par ses inlluences
Hit.liolb. P>-
appelé moine dans le titre de la
lrol.,toin. VI, qualité, est
que Dieu leur avait pardonné; Judas
Ma-
pag. 1114. de la Bi-
un manuscrit
lettre à Janvier, dans
est même chabée avait aussi mieux fait qu'eux, en or-
bliothèque ambrosienne et il y
,

donnant des prières pour les frères qui


*

visible que ce titre


qualifié saint. Mais il est On ne voit autre chose dans
étaient morts. »
L'auteur ne s en
a été ajouté après coup. miséricorde
l'Ecriture que des exemples de la
d'autres que celui de pécheur.
donne point peine dont
écrite, avec autant
de Dieu envers les pécheurs la ;

Cette lettre est très-bien d'Adam et d'Eve, ne fut


et de piété. Le style
Dieu punit le péché
de sohdité que d'onction les engager à
que pour un temps et afin de
de foi, et
en est le même que la profession par leur pénitence ce fut par
un
l'efiacer ;

on y trouve souvent les mêmes expressions.


un signe sur
semblable motif que Dieu mit
moine ho-
Voici quelle en fut l'occasion. Un Janvier
avoir vécu Gain, afin que personne ne le tuât.
noré de l'ordre du diaconat,, après disant que celui
un mo- avait justifié sa conduite, en
d'une manière fort exemplaire dans tenait rang
pratiquant exac- qui était tombé dans le crime,
nastère où il s'était retiré, que dès-
parmi les lévites, et il prétendait
autres
tement les jeûnes, le silence et les
avait eu le lors péché était sans remède. Bachiarius
son
exercices de la vie monastique,
une lui fait voir par divers endroits de l'Ancien
malheur de commettre un péché avec des prê-
Dieu sa Testament, que Dieu a pardonné à
lillequi, ce semble, avait consacré à que, de quelque con-
tres et à des lévites, et
virginité. Ce crime avait
tellement irrité
que l'on soit, on peut obtenir la ré-
du diocèse, ou dition
Janvier, qui était oul'évêque 11 cite
qu'au lieu de tra- mission de ses péchés en y renonçant.
le supérieur du monastère, vaincu d'abord par
l'engager à l'exemple de Samson qui,
vailler à ramener le coupable et à femme, vainquit en souf-
les caresses d'une
de sa maison,
faire pénitence, il l'avait chassé ^ exhorte Janvier à ne
irréparable. Ce frant le martyre ; et
comme faute eût
si sa été dit-il, enfant
pas mépriser un mort qui est,
moine donc retourné dans le siècle, et
était
ressuscitera, si nous avons
religion de l'Eglise, et qui
son crime, devenu public, exposait la Rabaissez-vous,
Quelques- confiance en Jésus-Christ. «
aux railleries des gens du monde.
ajoute-t-il, rapetissez-vous comme Ehsée, afin
conseillaient
uns, pour remédier au scandale, Mettez votre bouche sur sa
de le ressusciter.
à- ce moine d'épousercelle qu'il avait violée ; afin
bouche, par un esprit de compassion,
et peut-être avaient-ils aussi
en vue d'éviter Gardez
qu'il ne puisse rien dire sur son
salut.
les poursuites que les parents de la fille fai-
qu'ils ne s'éga-
Bachiarius, extrê- ses yeux avec vos yeux, afin
saient contre le coupable. perdre ses mains avec vos
rent plus pour se ;

mement touché de la chute de ce malheureux


repromisswne
Nonne sic fecit ille Nazarœus, ex
2
1 Melior Judas Machabœus, qui etiam pro
est ille perniciem sui. mutiens blandi-
esse faciendam, natus, quem cum in
morluis rratribus omtionem credidit in fine obitus sut, sub
civitaie, idolorum menta vicisseni; postmodum
quos furata de Lamyrne [Jamnia] passions, majorent inimicorum exercitum
Epist. ad Januar.. martyrii
prostraverunt. Bacliiar.,
idola
prostravisse, quam ante, reperitur? Ibid., pag. 1176.
pag. 1175.
[iV* ET V SIÈCLES.] CHAPITRE YUI. — BACHIARIUS. 49

mains, afin qu'elles ne fassent plus aucune comme si l'on voulait faire mourir celui qui

action d'impiété ses pieds avec vos pieds,


;
est dangereusement blessé. On peut encore
afin qu'ils ne courent plus à leur honte. Vous remarquer les points suivants on doit être :

l'empêcherez ainsi de pécher, et vous pourrez extrêmement soigneux de cacher aux gens
le rappeler encore à la vie, en bannissant du monde les fautes des ecclésiastiques,
de sou âme le froid du péché par la chaleur parce qu'ils en pi'ennent occasion de leur
de vos consolations. Mais il faut que tout cela insulter. Dieu a pardonné à diverses per-

se fasse dans la solitude, que ni mère, ni sonnes coupables de la même faute, lors-
parent ne viennent point interrompre sa qu'elles en ont fait pénitence, et en particu-
guérison. Elle, Elisée et saint Pierre ont res- lier à Salomon s'il n'est
'
: pas dit dans
suscité des morts^ mais ils l'ont fait dans des l'Ecriture sainte qu'il ait obtenu de Dieu mi-
lieux secrets, et en faut un de cette sorte à
il séricorde, c'est que sa pénitence fut secrète
un homme mort
dans le péché; il sulfit qu'il et ne parut pas au peuple. Ce qui prouve la
puisse contenir le cadavre et le médecin. pénitence de ce prince, c'est qu'il fut enterré
Janvier avait défendu qu'on fit à l'avenir avec les rois d'Israël, honneur qui ne fut ja-
aucune mémoire du coupable. Sur quoi Ba- mais accordé à aucun roi mort dans le péché.
chiarius lui dit qu'd devait auparavant s'in- Bachiarius s'adi'esse ensuite au coupable
former de la mauicie dont ce moine était même, qu'il connaissait particulièrement,
tombé; si c'était dans la maison, c'est-à-dire l'ayant vu dans son monastère. « Pourquoi,
dans l'oisiveté ou dans le combat. « Car me fuyez-vous, mon frère, pourquoi
lui dit-il,

celui-là, dit-il, est plus digne de miséricorde, rougissez-vous de me voir ? Votre cause est
qui reçoit une blessure dans la bataille, la mienne, et votre faute me couvre comme

que celui qui est frappé dans le sommeil par vous de confusion; les gens du monde sa-
un voleur. Or ce moine était dans le combat, vent que vous êtes tombé mais je pleure
;

et armé du jeûne, du silence et des autres votre chute; et s'il est besoin de mourir pour
armes de la milice spirituelle, lorsque l'en- vous relever, je le ferai avec plaisir. » Pour
nemi l'a blessé. Tendez donc la main à un l'exciter à la pénitence, il lui dit que David
frère qui est renversé par terre et qui, parla ne reprit point Absalon de son inceste
confusion que lui cause son péché, n'ose ni parce qu'il s'en repentit aussitôt; que si la
se lever, ni lever ses yeux. Pourquoi rougis- grandeur de son crime l'empêche de se re-
sez-vous de vous unir à un homme pécheur? tirer dans une des villes de refuge, c'est-à-dire
Regardez celui qui dit Ne soyez pas trop
: dans l'Eglise, il peut se retirer dans la soli-
juste. Notre Maître a fait non-seulement tude aux environs du Jourdain, c'est-à-dire
panser les plaies de celui qui avait été mal- dans une cellule de son monastère, pour y
traité des voleurs, mais il l'a fait encore con- expier par les jeûnes, par les veilles et par
duire dans son hôtellerie et rentrer dans la toutes les mortifications les plus opposées à
bergerie. Vous direz peut-être que celui-là la volupté, la faute dont il s'était souillé. II
n'était que blessé, mais que celui-ci est mort. veut même qu'il se tienne prêt à souti'rir le
Mais si vous dites qu'il est mort, piacez-le martyre si Dieu lui en faisait naitre l'occasion;
donc auprès des ossements d'Elisée, afin qu'en attendant il rentre dans son monastère
qu'il ressuscite. Je ne veux pas que vous le comme dans une prison; qu'il cherche à re-
sépariez des membres de Jésus-Christ, parce venir à la lumière par les ténèbres de la so-
que la compagnie de ceux qui sont meilleurs litude, et surtout qu'il n'acquiesce jamais au
que lui, le fera rougir de honte, et il ressus- mariage qu'on lui proposait. « Imitez plutôt,
citera à la vie. »Le conseil qu'on donnait à lui dit-il, le roi David, en faisant pénitence
Janvier de laisser épouser à ce moine celle avec celle qui est comphce de votre crime ,

avec qui il avait péché, parait à Bachiarius non dans la même maison, mais séparés l'un
une suggestion du démon. C'est , dit-il de l'autre. Avant toutes choses ne vous lais-

* Salomon ille mirahilis,... qui per prophelam cul- consecutum esse cognosciinus ; quia cum soluius fuis-
pum erroris agnovit, numquid misericordiœ cœlestis seta corpore, sepultum illum inter regum Isruelita-
extoiris est? Ac forsitan dicas nusquam eum ùi ca- rum corpora Scriptura commémorât; quod tamen
none leyo pœnituisse, neque misericordiam consecu- alilti peccatoribus regibus abnegatum esse cogiiosci-
tiim. Audi ergo
, frater, pœnitentia ejus quœ non mus, qui usque finem vitœ suœ in propositi perver-
in
tnscnbilur publicis legiùus, fartasse ideo ucceptabilior sitate mnnserunt : et ideo quia inter reges Justas me-
judtcatur, quia non ad faciem populi, sed in secreto ruit sepeliri, non fuit alienus a cenia : veniam autem
conscientiœ, Deo teste, pœnituit : veniam autem <:x hoc ipsarn sine pœnitentia non potuit promereri. Pag. 1177.

VllI.
50 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
sez point aller au désespoir en écoutant l'en- Bachiarius témoigne dans cette lettre qu'il
nemi qui vous représentera peut-être que espérait que l'évêque du lieu, qu'il appelle
votre faute est de nature à ne pouvoir être un très-heureux pontife, concourrait avec son
M.iuh.x,i,3i. cUacée. Tout péché et tout bla^iphème sera re- clergé au salut de ce moine infortuné. Il y
mis aux hommes, dit le Seigneur, 77iais le parle aussi de l'intercession des saints.
blasphème contre le Saint-Esprit ne leur sera [G. La lettre de Bachiarius à Janvier ou le

point remis. Or, désespérer de la miséricorde livre de la Réhabilitation d'un tombé, se trouve

de Dieu, c'est ce qu'on appelle pécher contre dans les Orthodoxographes et dans les dif-
le Saint-Esprit, parce que le Seigneur est férentes Bibliothèques des Pères. Florins fil

esprit; et péché contre le Saint-Esprit


le paraître à Rome
en 1748, cette lettre avec la
n'est irrémissible que parce qu'on croit qu'il Profession de Foi, avec des notes et deux
ne lui est pas possible de rendre ce qu'on a dissertations. Galland a reproduit cette édi-
perdu. Dieu est tout-puissant. Est-il impos- tion, moins les dissertations, mais avec les

sible au Tout-Puissant d'etlacer le péché? » notes de Muratori sur la Profession de Foi.


Enfin il lui dit avec l'ange de l'Apocalypse, C'est cette édition, donnée par Galland, que
qu'il cite sous le nom de saint Jean, de se M. Migne a réimprimée au t. XX de la Patro-
souvenir d'où il était tombé et de faire pénitence. logie latine, col. 1019-1039.]

CHAPITRE IX.

Saint Paulin, sénateur et consul romain, puis évêque de Noie.

[Pure latin, 431.]

possédait devaient être considérables, puis-


ARTICLE I".
qu'Ausone témoigne '^ du regret de voir par-
HISTOIRE DE SA VIE. tager entre cent ditïérentes personnes les
royaumes de Paulin, son père.
1. Paulin, que les anciens écrivains * ap- 2. Les écrits qui nous restent de lui nous
Sa naissan-
ce, en 334.
Sa famille.
pellent aussi Ponce et Mérope.^, était ori- font assez connaître quel était son génie. Il
ginaire de Bordeaux, et comptait une longue aima les belles-lettres, et surtout la poésie, et
suite d'aïeux ^ parmi romains,
les sénateurs fitune étude particulière •' des fables des
tant du côté paternel que maternel. On met poètes. Il eut pour maître le célèbre Ausone '-,
sa naissance à la fin de l'an 333, ou au com- qui après avoir professé longtemps la gram-
mencement de 354. Son père *, qui se nom- maire et la rhétorique à Bordeaux, fut chargé
mait Ponce Paulin, fut préfet du prétoire des de l'éducation de l'empereur Gratien. Paulin
Gaules, et vécut très-longtemps. On ne sait ne fut point méconnaissant des soins qu'Au-
point le nom de sa mère : mais on ne doute sone prit de le former dans les belles-lettres :

point que son mari et elle n'aient été chré- il l'appelle souvent son père, son maître '^ et

tiens, puisque saint Paulin envoya ^ un de §on patron, et reconnaît qu'il lui devait tout
ses atiranchis dans l'éghse de Bordeaux où ce qu'il avait de bon, tant pour les mœurs
son père et sa mère étaient enterrés, pour y que pour l'esprit. Il ne s'appliqua '^ui à l'his-
rendre quelques services à leur mémoire ^. toire, ni à la géographie, et n'apprit que mé-
Il eut une sœur à qui il écrivit souvent ^ sur diocrement la langue grecque.
le mépris du monde, et un frère ^ qui mourut 3. Il épousa une femme nommée Thérasie,
avant lui et qui laissa des enfants. Il était ^ qui lui apporta de grands biens en fonds de
aussi parent de Mélanie l'Ancienne, de Celse, terre. Comme il avait suivi le barreau d'assez
fils de Pneumace et de Fidèle. Les biens qu'il bonne heure, il se trouva chargé d'honneurs

1 Ausou., Epist. 21. —


î Paulin., Epist. 40. ^ Gennad., de Script. Ecoles., cap. XLvm.
' Uranius, de Paulin, obitu, pag. 146. B
8 Auson., l^plSt.
Epist. 23. —
9 Paulin., Epist. 29, num. 5

* Auson., Ep. 20, 23.-- s Paulin., Ep. 12, n. 12. 10 Auson., Epist. 23. —
" Paulin., E^ist. 40, n. 6
^ Voyez Défense historique de l'Eglise, par Gorini, 24.— '3
12 Auson., Epist. 20 et 24. —
Paulin., Carm. 10
'^ t

tom. I. (L'éditeur.) !'


Paulin., Epist. 28, 46, et Carm 17.
flV« ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 51

et de dignités dès ses premières années. saint Augustin, qui n'était encore alors que
Ausone se fait gloire de les lui avoir pio-
' prêtre (c'était en 392), releva dans les lettres
curés, et il n'est pas douteux qu'il, se soit qu'il lui en écrivit '•'la grandeur et le mérite

servi de son crédit auprès de l'empereur pour de cette action, qu'il appelle la gloire de Jé-
favoriser Paulin qu'il aimait. Comme il fut sus-Christ. Les gens du monde au contraire
consul avant Ausone même -, il faut dire le condamnèrent; ils traitèrent sa piété de
qu'il l'a été avant l'an 379. folie ", haïssant Dieu dans les œuvres de son
4. Après s'être laissé éblouir pendant serviteur, parce qu'ils le méprisaient par
quelque temps par le faux éclat des gran- leurs propres actions. Les riches l'abandon-
deurs mondaines, il en fut dégoûté par les nèrent '-; ses esclaves, ses aûranchis, ses frè-
amertumes qui en sont presque inséparables. res lui refusèrent les devoirs qu'il avait droit
Il prit donc le parti de se retirer avec sa d'attendre d'eux; tous, jusqu'à ses amis, ses
femme ^ à la campagne, pour ne s'y occuper domestiques et ses parents, s'élevèrent con-
que de son salut, de sa famille et des moyens tre lui, en sorte qu'il devint comme un in-
de servir Dieu plus parfaitement. 11 y a toute connu à ses frères, et comme un étranger
apparence que ce fut en Espagne qu'il se aux enfants de sa mère. Il soutirit leur mé-
relira, et y passa quatre ans au moins *, de- pris avec générosité, et répondit à Ausone
puis environ l'an 390 jusqu'en 394. qui accusait son changement de légèreté et
Quelques années auparavant, c'est-à-
3. même d'impiété :*3, je vous
« N'appelez pas
dire, vers l'an 380, il avait reçu le baptême prie, oisif et impie celui quine s'occupe que
des mains de saint Delpliin, évêque de Bor- de Dieu, qui met toute sa contiance en lui et
deaux d'où vient qu'il dit ^ que ce saint
: qui ne pense qu'à lui plaire. Quant à ce que
évêque avait fait envers lui la fonction de vous me demandez, pourquoi je demeure
pêcheur et de Pierre, et qu'il lui avait jeté la dans un pays si éloigné, j'ai à vous répondre
ligne pour le tirer des eaux amères et pro- que c'est ou parce que cela me plait, ou que
fondes du siècle, afin quil mourût à la nature cela m'est utile ou nécessaire. Il n'y a aucun
pour laquelle il avait vécu jusqu'alors, et de ces trois motifs qui ne soit pardonnable.
qu'il vécût de la grâce du Seigneur, à l'é- Puis donc que vous m'aimez, pardonnez-moi
gard duquel il était mort. Durant son sé- si je fais ce qui m'est utile ; congratulez-moi
jour en Espagne, il eut un fils qui ne vécut si je vis comme je dois. »
que huit jours ^. Il le fit enterrer à Alcala, 7. Le dessein de Pauhn en renonçant au
auprès des martyrs, apparemment auprès monde '*, elait d aller passer ses lours dans
^ "
prêtre à Bar-
celoue en
,

des saints enfants Juste et Pasteur, célèbres une solitude près de Noie, et de servir J.-C. 393.

en cette ville. Il appelle ce fils une postérité au tombeau de saint Félix, d'être le portier
sainte, sans doute parce qu'il était mort aus- de son église, d'en balayer le pavé tous les
sitôt après son baptême. matins, de veiller la nuit pour la garder, et
6.Après avoir changé d'esprit et de de finir sa vie dans ce travail mais le peuple ;

mœurs ", Paulin changea aussi d'habit, ré- de Barcelone, édifié de la pureté de ses
solu de renoncer au sénat ^, au monde, à sa mœurs, se saisit de lui dans l'égHse, le jour
patrie, à ses biens, à sa maison, pour aller de la naissance de Notre-Seigneur '^ de l'an
passer le reste de ses jours dans une solitude 393, et demanda avec beaucoup de chaleur
et y faire profession de la vie monastique. Il et d'empressement qu'il fût fait prêtre. Il
renonça ^ aussi à la poésie et s'il s'en mêla ; s'en défendit autant qu'il fut en lui, et ne
depuis, ce ne fut que pour traiter des sujets consentit à son ordination qu'à condition
de piété. Ayant donc vendu ses biens et ceux qu'il lui serait libre d'aller où il lui plai-
de sa femme, qui aspirait, comme lui^ à la rait. C'était contre la disposilion des ca-
perfection chrétienne, en distribua l'argent
il nons mais on passait quelquefois sur ces
;

aux pauvres. Cette action le fit estimer de sortes de lois, dans l'espérance que les hom-
tous les grands évêques de son siècle, et mes d'un mérite émiuent étant une fois or-

1 Auson., Epist. 21 et -24. 10 August., Epist. 31, num. 6.


* Auson., Epist. 20, 23, 23. — ='
Paulin., Epist. 5. "
11 Paulin.. Epist.
Paulin., Knist. I.
l, n. 2 ei
et 0.
3.
•* Cbiffletius, Paulin, lllust., pag. 163 et 164. 12 Epist. 11, u. 3, 4 et suiv.
» Paulin., Epid. 20, num. 6. >3 Paulin., Carm. 10, v. 81 et 97.
6 Carminé 32, vers. 599. — 7 ffieron., Epist. 13. 1* Carm. 12. — 1» Epist. 1, u. 10 et 1 1.
8 Ambros., Epist. 30. — » Paulin., C'am. 10, v. 17.
52 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
donnés prêtres, se rendraient enfin à faire était capable *'', il tâchait de se surpasser le
les fonctions du sacerdoce dans les Eglises jour de sa fête, et y ajoutait un poème à sa
mêmes pour lesquelles ils avaient été or- louange ce qu'il appelle le tribut qu'il lui
:

donnés. payait annuellement pour marque de sa ser-


Il vient en
Après Pâqucs de l'année suivante 394,
^- vitude volontaire. Chaque année il allait à
Italie, en 39i.
Pjujjjn quitta l'Espaguc pour passer en Italie. Rome " à la fête des apôtres pour y honorer
Il vit à Milan saint Ambroise ', qui le reçut leurs reliques tombeaux des
et visiter les

avec beaucoup d'honneur et l'agrégea même martyrs. 11 employait la matinée '^ à cet
à son clergé. Il fut aussi reçu ;\ Rome 2, exercice de piété, et l'après-midi à recevoir
comme sa qualité et sa vertu le demandaient, les visitesde ses amis ou des personnes qui
par saint Domnien, prêtre de cette ville, par faisaient profession de vertu, en sorte qu'il
Pammaque, par Macaire et par plusieurs au- n'avait souvent aucun loisir ni pour lire, ni
tres serviteurs de Dieu qui y étaient en grand pour écrire. Mais dans sa solitude de Noie il
nombre mais il y éprouva ^ la jalousie et
:
s'occupait de l'étude de l'Ecriture sainte '3,
l'envie d'un grand nombre de personnes du consultant avec beaucoup d'humilité les plus
clergé et le Pape même, qui était Sirice,
;
habiles, sur les endroits qu'il croyait ne pas
témoigna pour lui de l'éloignement, peut- entendre.
être parce que Paulin avait été ordonné 10.y avait environ quinze ans qu'il s'é-
Il

contre les lois de TEgiise. Paulin se hâta tait retiré à Noie, lorsqu'il
^ en fut élu évê-
'
"^q"' *
Nule, en 409
donc de quitter Rome pour se rendre à Noie, que ^* en la place de Paul. Ce fut à la fin de sa conduite.

oîi il avait choisi sa retraite auprès du tom- l'an 409, ou au commencement de 410 car :

beau de saint Félix, qui était un peu éloigné il était déjà honoré de cette dignité lorsque

de la ville. Pinnien *^ et Mélanie, sa femme, ayant aban-


,1
Il
,.
se relire
Onavaitbâtiune église
9. o sur ce tombeau*. 7
donné Rome près d'être saccagée par Alaric,
àNoieen39i.
et auprès dc l'église était un bâtiment assez le vinrent voir à Noie avant de passer en Si-

long qui n'avait que deux étages, avec cile. Nous ne pouvons mieux savoir comment

une galerie divisée en cellules dont saint , il se conduisit dans l'épiscopat, que dans le

Paulin se servit pour recevoir ceux qui ve- rapport du prêtre Uranius, qui en fut témoin
naient le visiter. D'un autre côté était un oculaire. « Dans ce suprême degré du sacer-
logement pour les personnes du monde qu'il doce, il chercha, dit-il "', plutôt à se faire ai-
était quelquefois obligé de loger; il y avait mer de tout le monde, qu'à se faire craindre
aussi un petit jardin, et c'est apparemment d'aucune personne. Les occasions qui le
celui qu'il appelle le jardin de saint Félix. Il portaient le plus à la colère, ne lui firent ja-
s'associa plusieurs personnes de piété, qu'il mais oublier sa douceur et sa bouté. Dans
appelle ^ wie société de moines, et pratiqua ses jugements il joignait toujours la miséri-
avec eux toutes les règles et les austérités de corde à la justice, sachant bien que la misé-
la vie monastique. Ils célébraient tousles jours ricorde A'aut mieux que le sacrifice, et que
l'office de matines *^, et celui de vêpres au parmi des chrétiens la justice doit être revê-
soir,lorsqu'on allumait les lampes. Ils étaient tue de miséricorde. C'est pourquoi il modé-
couverts de sac et de cilice ^, s'abstenaient rait la rigueur de la justice par ses manières
ordinairement de vin, jeûnaient et veillaient pleines de douceur et de clémence, parce
assidûment. Les mets que l'on servait à leur qu'il savait que si le Saint-Esprit aime l'é-
table étaient pour l'ordinaire des herbes^, et quité et la justice, moins la
il n'inspire pas
l'on n'en sortait jamais ni rassasié ni désal- bonté douceur à ceux en qui il habite.
et la
téré. Il paraît toutefois que saint Paulin bu- Ainsi donc exact dans l'examen de la justice,
vait un peu de vin ^, même en carême, sans il était indulgent dans la punition des cou-

doute à cause de ses infirmités. Quoiqu'il pables. Il était, continue cet historien, fidèle
rendit tous les jours de l'année à saint Féhx comme Abraham, docile comme Isaac, doux
tout le service de corps et d'esprit dont il comme Jacob, libéral comme Melchisédech,

» Paulin., Epist. 3, n. 4. — 2 Epist. 3 et 5. 8 Epist. 15, num. 4. — ^ Idem, ibid.


^ Epist. 5, num. 13 et 14. 10 Epist. 28, n. 6. — " Paulin., Epiil. 17 et 20,
* Paulin., Carm. 18 et 23, et Epist. 32. 29, 5 et 11. 12 Idem, Epist. 17, u. — " Pauliu., Episl. 43, 50.
2.
5 Idem, Epist. 23, n. 8. •^ August., lib. I de Civit. Dei, cap. x.
6 Urauius, de Mort. Paulin., n. 3. li»
Surius, ad diem 31 decenib., pag. 579.
<
Paulin., Episl. 22, n. 1 et 2. 16 Urau., de Obilu Paulin., n. 5 et tj.
[iV* ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 53

prudent comme Joseph, ravissant comme marquées par aucune action de saint Paulin,
Benjamin, car il ravissait aux riches pour Mais vaut mieux, ce semble, faire honneur
il

donner aux pauvres. Il avait la douceur de de cette action de charité à un autre Paulin
Moïse, la vigueur sacerdotale d'Aaron, l'in- qui fut aussi évoque de Noie, et mourut ^
nocence de Samuel, la douceur de David, sous le consulat de Dioscore, c'est-à-dire en
la sagesse de Salomon, la vie apostolique de 442. En effet, saint Augustin, qui a écrit à
saint Pierre, les manières affables de saint saint Paulin depuis l'an 416, et qui a souvent
Jean, la circonspection de saint Thomas, la parlé de lui dans ses écrits, ne ditpas un
lumière de saint Etienne, et la ferveur d'A- mot de cette captivité volontaire. Uranius
poUo. Sa vie était un modèle dont la vue n'en dit rien non plus dans l'éloge qu'il fait
animait tout le monde à la vertu. Personne des vertus de saint Paulin. D'ailleurs les
n'eut recours à lui sans en recevoir toutes Vandales ne firent aucune descente ni aucun
sortes de consolations. 11 ne méprisait et ne ravage en Italie jusqu'en l'an 431, auquel
rejetait personne. Tout le monde avait part à saint Paulin mourut; et ils ont pu piller Noie
ses faveurs et à ses libéralités. Il aidait les uns et ses environs sous l'épi scopat de son suc-
de ses conseils, et les autrespar ses aumônes. cesseur, nommé Paulin comme lui, avant
D d'autres richesses que
n'estimait point l'an 442.
celles que Jésus-Christ a promises à ses 12. Après la mort du pape Zosime, arrivée Destappelé
fiour apaiser
saints, disant ordinairement que Tor et l'ar- sur la fin de l'an 418, l'Eglise romaine se e Si hisaie do
l'Eglise ro-
gent n'étaient pas faits pour être conservés trouva divisée par un schisme Boniface ,
maine ea 419.

par la cupidité, mais pour être distribués ayant été élu pape par une partie du clergé
avec libéralité. Il se réduisait à la dernière et Eulalius par l'autre. L'empereur Honotius
indigence pour fournir abondamment aux voulant terminer ce différend, convoqua plu-
besoins des autres. Ceux qui ne pouvaient sieurs évéques à Piavenne vers la fin de mars
avoir le bonheur de le voir, désiraient par de l'an 419. Saint Paulin fut invité mais il ;

respect toucher au moins quelques-unes ne put s'y trouver à cause de sa mauvaise


de ses lettres car elles étaient, aussi bien
: santé. Le concile ne termina rien, ce qui
que ses poèmes, pleines de bonté, de dou- engagea l'empereur à en indiquer un plus
ceur et d'honnêteté. » nombreux à Spolète pour le 13 juin de la
11. Son épiscopat fut troublé par les in- même année. Saint Paulin fut encore prié de
cursions des Goths en Italie, l'an 410. La ville s'y rendre; mais il n'en eut pas la peine,
de Noie fut assiégée par ces barbares, et
*
parce que le schisme se termina d'une autre
saint Paulin fut pris -comme les autres. Dans manière dès le mois d'avril.
cette extrémité il disait à Dieu avec con- 13. Vers l'an 421, ou en 424 au plus tard, Sa mort, e a
431.
fiance « Ne souffrez pas qu'on me tour-
: saint Augustin lui adressa son livre intitulé :

mente pour me donner de l'or et de


faire Du soin qu'on doit avoir des morts. S. Paulin
l'argent; car vous savez où j'ai mis tout ce le lui avait demandé, ne voulant pas répon-
que j'ai. » Il fut exaucé car saint Augustin,
: dre par lui-même à une dame de grande
de qui nous apprenons cette circonstance piété nommée Flore, qui ayant fait enterrer
ajoute aussitôt après « qu'il ne sait point son Cynégius en l'église de Saint-Félix de
fils

qu'aucun de ceux qui avaient tout quitté Noie, désirait savoir quel avantage retire-
pour l'amour de Jésus-Christ, ait été tour- rait après sa mort une personne qu'on aurait
menté par les Barbares, comme ayant de enterrée auprès du tombeau de quelque saint.
l'argent. » Quelques-uns rapportent au temps C'est la dernière circonstance que l'histoire
de la prise de Noie par Alaric ce que dit saint nous apprend de la vie de saint Paulin, jus-
Grcgoire-le-Grand, que les Vandales ayant qu'à l'an 431 qui fut celui de sa mort. Trois
emmené plusieurs captifs de cette ville, saint jours avant qu'elle arrivât, il reçut la visite
Paulin qui n'avait rien à donner à une pauvre de deux évéques'*, Symmaque et Acyndinus.
veuve pour racheter son fils, se fit esclave La joie qu'il eut de les voir lui fit oublier sa
pour lui de l'agrément du gendre du roi des maladie, et il les entretint de discours spiri-
Vandales. D'autres rapportent cet événement tuels, comme s'il eût été en santé. 11 offrit
aux années 414, 415 et 416, qui ne sont avec eux le sacrifice, ayant fait apporter les

' Aiigust., lib. de Cura pro mort., cap. XVI. ' Augellus, tom. VI Italiœ sacrœ, pag. 295.
2 ILid. * Uranius, de Obi t. Paulin, num. 1.
54 IIISTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
vaisseaux sacrés auprès de son lit, et rétabli ranius. On y lit que toute la terre fut touchée
dans la paix et la communion de l'Eglise de douleur à la nouvelle de la m^ort du saint ;

ceux qu'il avait été obligé d'en séparer selon que les fidèles et les infidèles la pleurèrent ;

l'ordre de la discipline. Cela fait, il demanda que les juifs et les payens accoururent à ses
*. On lui funérailles, ayant leurs robes déchirées, et
tout à coup où étaient ses frères
répondit que les deux évoques qui étaient que tous criaient d'une même voix qu'ils
venus le voir, étaient là présents. « Non, avaient perdu leur tuteur, leur défenseur et

dit-il, je demande mes frères Janvier et Mar- leur patron. Le même Uranius raconte que

tin, qui viennent de me parler, et qui m'ont saint Paulin, tenant en sa main un rayon de

dit qu'ils allaient revenir. » Quelques mo- miel extrêmement blanc, apparut à Jean,
ments après le prêtre Postumien vint l'avertir évêque de Naples. Sur la fin de sa relation
qu'il était dû quarante pièces d'argent à des qu'il adressa à Pacatus, il l'exhorte à exé-
marchands pour des habits qu'on avait don- cuter promptement le dessein qu'il avait d'é-
de ce saint parce que sur le
nés aux pauvres. « Ne craignez rien pour crire la vie ,

cela, lui répondit le Saint en souriant, quel-


point de passer la mer, il serait bien aise de
pouvoir auparavant un ouvrage si utile.
lire
qu'un paiera la dette des pauvres. » Il arriva
* parle de celui d'U-
Saint Isidore de Séville
en efiet fort peu après un prêtre de Lucanie,
ranius, et saint Grégoire-le-Grand en rap-
qui lui apporta cinquante pièces d'argent
de la part d'un évêque et d'un laïque. porte un passage ^. 11 eet parlé aussi dans
Saint Pauhn, en ajmnt rendu grâces à Dieu, saint Grégoire de Tours d'une relation de la
*^

donna deux de ces pièces au prêtre qui les mort de saint Paulin.
15. Uranius l'écrivit d'un style simple et
avait apportées, et fit payer du reste ce qui
était dû aux marchands. La nuit étant venue
- naturel, comme il convient à des ouvrages

il dormit un peu, et lorsque le jour com-


de cette nature. H n'y dit rien de Thérasie :

mença, il réveilla tout le monde pour dire ce qui donne sujet de croire qu'elle était
matines suivant sa coutume. Ensuite il ex- morte avant saint Paulin. Il paraît même
horta son clergé à la paix, et demeura en qu'elle ne vivait plus lorsqu'il écrivit à saint

silence jusqu'à l'heure du soir oîi il avait ac- Eucher et à Galla sa femme en 413 puisqu'il ,

coutumé de dire vêpres. Les lampes étant ne la nomme point, selon sa coutume, dans
allumées, il étendit ses mains, et dit d'une le titre de cette lettre. Eloge de
saint Paulii

voix basse ces paroles du psaume xxxi^ J'ai : 16. Les vertus et les actions de saintPaulin Son élog
Catalogue

préparé une lampe à mon Christ. Sur les dix lui méritèrent les éloges des plus grands ses ouvrap
[ Vies de

ou onze heures de la nuit, tous ceux qui hommes de son siècle, de saint Ambroise de saint.]

étaient dans la chambre se sentirent agités saint Augustin, de saint Jérôme, de Sulpice

par un si grand tremblement, qu'ils se jetè- Sévère, de saint Martin, de saint Victrice, de
rent aussitôt par terre pour prier Dieu. Mais Rouen, de Rufîn, de saint Honorât, de saint
on ne s'aperçut point de ce tremblement Eucher, de Sidoine-Apolhnaire, de Cassio-
dans tout le reste de la maison. Alors saint dore, de saint Grégoire de Tours et de plu-
Paulin rendit son esprit à Dieu pour lui être sieurs autres dont M.Le Brun a fait imprimer
présenté par les mains des anges. les témoignages dans le second tome des
œuvres de ce Père Ils ont loué son désin-
''.

UMmns 14-. Dès qu'il fut mort, son \isage et tout


d"ia'm'oJt"de SOU corps dcvinrcnt si blancs, que tous ceux téressement, sa Hbérahté envers les pauvres,
sa douceur, sou humilité, sa charité, sa can-
saint Paulin.
^^. ^^j^jgj^^ préscuts, mêlèrent les louanges
de Dieu de grâces à leurs lar-
et les actions deur et pour le dire en un mot, ils l'ont
:

mes Uranius, prêtre de


et à leurs soupirs. regardé comme le modèle des vertus chré-
l'Eglise de Noie, était de ce nombre; et c'est tiennes et religieuses. « Comment s'est-il pu
écrivait saint qu'unAugustin °,
lui qui nous a donné la relation de la mort faire, lui

de ce saint évêque à la prière de Pacatus, homme aussi saint et aussi célèbre que vous
poète gaulois, qui avait dessein d'écrire la m'ait été inconnu jusqu'à présent? On voit
vie de saint Paulin. On ne sait s'il l'exécuta; couler de votre lettre le lait et le miel, qui
mais nous avons ^ encore le petit écrit d'U- marquent si parfaitement la simphcité de

1 Uran., num. 3. — ^ Idem, num. 3. 5 Gregor., Dialog. 3, cap. i.


3 Paulin., lUustratus, pag. 214, et lom. II oper. « Gregor. Turon., de Gloria Confess., cap. cvil.
Paulin., pafr. 143. 7 Pag. 115 et suiv.
* Isidor. Hispal., de Script. Eccles., cap. iv. 8 August.j Epist. 27 ad Vaulin.
[IV'' ET V SIÈCLES.] CHAPITRE IX. - SAINT PAULLN DE NOLE.
55

d'avoir, par un heureux commerce, donné


cœur avec laquelle vous clierchcz Dieu, dans
que vous avez de sa bonté, et le
un bien de peu de valeur, pour acquérir des
le sentiment ne pas
travailler à sa gloire. biens d'un prix infini. 11 l'exhorte à
désir que vous avez de
s'émouvoir des railleries que les libertins
Plus découvre la beauté de votre esprit
elle l'un et l'autre
faisaient de ce qu'ils avaient
et la sainteté de vos mœurs, plus elle inspire d'acquérir
rechercher. Tous ceux quitté de grands biens pour tâcher
d'ardeur pour vous nous suffit, dit-
la perfection chrétienne.
« Il
lisent vous aiment et désirent d'être
qui la
bénissent Dieu conti- il, d'apprendre dans les livres sacrés combien
aimés de vous et ils :
ces hber-
vous a rendu si par- leur état est différent du nôtre. Si
nuellement de ce qu'il
Augustin le priait tins s'imaginent que ce que nous faisons
» Le même saint
de la
pour Dieu est une fohe, témoignez-en
fait
écrits, les sou-
quelquefois de corriger ses sûr par le témoignage
Sulpice Sé- joie, puisque vous êtes
mettant volontiers à sa censure.
secret de votre conscience, que
vous faites
recours à lui pour l'éclaircissement
vère eut vous accomplissez
l'histoire sacrée, l'ouvrage de Dieu et que
de diverses difficultés de Jésus-Christ. Qu'ils
et ce fut encore à les commandements de
sur laquelle il travaillait :
prudents
s'adressa pour avoir passent, s'ils veulent, pour plus
lui que le prêtre Didier
que nous, puisqu'ils ne sont point, comme
explication des bénédictions
que le pa-
une qu'ils fassent
enfants avant de nous, des enfants de lumière ;

triarche Jacob donne à ses dans celte génération


saint Paulin, il admirer leur sagesse
mourir. De tous les écrits de
que cinquante lettres à di- corrompue leur folie n'en sera pas moins
:

ne nous reste
l'éternelle régénération. »
un dis- condamnée dans
verses personnes de considération ;

son ami d'é^iter la


Saint Paulin dit ensuite à
cours sur l'Aumône, intitulé Du
Tronc; le :

compagnie de ceux qui ne suivent pas la


martyre de saint Genès d'Arles, et trente-
bonne doctrine; qu'ils préfèrent leurs plai-
deux poèmes, [et un autre poème pubhé
par
Carmen ad Deum. Le Père sirsà la gloire de Dieu, et séduisent les au-
Ang. Mai et intitulé eux-mêmes.
tres, après s'être laissé séduire
Sacdiini a donné au public une Vie
de saint
Sanc- Fuyez, mon frère, ajoute-t-il, ces personnes
Paulin qui a été insérée dans les Acta
«

dangereuses défiez-vous des subtilités pro-


/or»m. junii,tom.lV,p. 202-225, avec
les re- ;

fanes, de leurs expressions


nouvelles, de
marques de Papebrock.Un anonyme a pubhé
leurs questions vaines et ridicules, de
leurs
une Vie de ce saint, tirée en partie du latin,
disputes curieuses, inutiles et téméraires;
Paris, 1686, in-8% et D. Gervaise,
une autre,
votre
in-4°. On peut consulter avec de peur qu'en les écoutant, votre foi et
Paris, 1743, ne soyez
de la piété ne s'affaibhssent, et que vous
plus 'de détails , l'Histoire littéraire
additions en péril de vous perdre par la contradiction
France, par Rivet, tome II, et les
des faux frères et des sages réprouvés. »
Il
Busée,
des tomes X et XI. M. le docteur
déclare après cela, comme il le lui avait
professeur au séminaire de Cologne,.vient de
lui
déjà mandé dans une autre lettre,
de quelle
publier une histoire de saint PauUu en
alle-

traduite en français sous ce manière, étant à Barcelone, il avait été en-


mand. Ehe a été
peuple, et
levé tout à coup par une foule de
titre Saint Paulin, évéque de Noie, et son siè-
:

ordonné prêtre sur-le-champ. Il lui marque


cle,par M. Dancoisne, 1 vol. in-S". Paris, infiniment au-
que pour remplir des emplois
1858, chez Castermann.] son
dessus de ses forces et de la portée de
sur celui qui rend sages
ARTICLE II. esprit, il se repose
une louange parfaite de
les petits, et qui tire
LETTRES DE SAINT PAULIN. Je n'ai, ajoute-t-il,
la bouche des enfants. «

consenti au choix qu'a fait de moi l'Eglise de


La première de saint Paulin, dans la
lettre
Barcelone, qu'à condition que je ne
Leltre à serais
>alpice Pé-
nouvelle édition qu'on en a faite, est adressée
ediU Pa- Ainsi
point obligé de m'associera son clergé.
rcre,
ns., an. 1683,
à Sulpice Sévère, avec qui il était hé d'une sacerdoce de
pag. t.
j'ai reçu le sacré caractère
du
étroite amitié. Il l'écrivit au commencement
Jésus-Christ sans me dévouer au
service
de l'an 394, peu de temps après son élévation
d'aucune Eglise particulière. » On voit
par
à la prêtrise, pour le remercier d'une somme
canons qui défendent
là que les anciens
considérable qu'il lui avait envoyée pour le
prêtre,
soulagement des pauvres. Il le congratule d'ordonner aucun diacre ni aucun
devaient
de s'être déchargé par ses aumônes du pe- sans déterminer l'Eglise où ils
servir, n'étaient pas exactement observés du
sant fardeau des richesses temporelles, et
56 HISTOIBE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
temps de saint Paulin. Il finit sa lettre en écrivant à saint Augustin. C'étaient des ter-
priant Snlpice de venir le voir avant Pâques, mes honorables dont les évêques et les prê-

« afin, lui dit-il, que vous puissiez célébrer tres avaient coutume de se servir alors, lors-
avec nous la semaine sainte et participer au qu'ils s'écrivaient les uns aux autres. Il se

sacrifice que j'y offrirai, n fait honneur d'avoir eu pour père spirituel le

Peuxièmo 2. La seconde lettre est à un prêtre du même évêque qu'Alypius. « Car quoique j'aie
IrrAmand^ dlocèse dc Bordcaux, nommé Amand, qui été baptisé, dit-il, à Bordeaux par l'évêque
en m, p. 7.
^^^^.^^ ^^^ parrain de saint Paulin. C'est une Delpliin, et consacré prêtre de Barcelone par
réponse à celle que ce saint avait reçue de Lampius, je ne laisse pas de considérer le
lui. Il lui fait part de la manière dont il avait vénérable Ambroise, comme mon père spi-
été obligé d'accepter l'ordre de la prêtrise, rituel, puisque c'est lui qui m'a instruit des

et le prie de l'aider de ses lumières et de son mystères de la foi qui me donne encore les,

secours, pour savoir comment il devait se avis nécessaires pour m'acquitter dignement
conduire dans la maison de Dieu, et dispenser des devoirs du sacerdoce, et qui m'a fait la
les sacrés mystères. « Obtenez-moi, ajoute- grâce de m'associer à son clergé de sorte ;

t-il, la force de porter la cognée jusqu'à la qu'en quelque lieu que je demeure, je suis
racine des arbres, d'exterminer avec l'épée toujours censé un des prêtres de son Eglise.»
de l'esprit, c'est-à-dire avec la parole de On voit par là que saint Paulin, qui n'avait
Dieu, les pécheurs de dessus la terre, et de consenti à son ordination qu'à condition de
repousser avec le bouclier de la foi les flè- n'être attaché au service d'aucune Eglise par-
ches ardentes de l'impie. Instruisez, secourez, ticulière, voulut bien néanmoins être agrégé
exhortez et fortifiez un homme qui est tout au clergé de Milan, bien qu'il n'y demeurât
à vous. C'est vous qui m'avez régénéré en pas. Il marque à Alypius qu'en signe de l'u-
Jésus-Christ et si je me rendais indigne de
; nion de cœur et d'esprit qu'il désirait avoir
ce bonheur, ne doutez pas que mon infamie avec lui, il lui envoyait un pain béni qui, par
ne rejaillit jusque sur vous au contraire,: sa figure triangulaire, était le symbole de la
en produisant de bons fruits, je ferai toute très-sainte Trinité. «Il deviendi'a pour nous,
votre gloire et toute votre consolation. » En ajoute-t-il, une eulogie et un pain de béné-
parlant des prêtres, saint Paulin se sert du diction, vous avez la bonté de l'agréer. »
si

mot d'ancien, que l'Egliseemployait autrefois 4. Saint Augustin n'était encore que prê-

pour signifier la même chose que prêtre. tre, quand saint Paulin lui écrivit. Sa lettre
Cette lettre fut écrite la même année que la est intitulée du nom
de Thérasie, sa femme,
précédente, c'est-à-dire, en 394, vers le comme du y parle en ces termes des
sien. Il

temps de Pâques. cinq livres contre les Manichéens qu'Ah'pius


Troisipme 3. La sulvautc est de même date, et porte lui avait envoyés «J'y ai trouvé tant d'onc-
:

pag?9.'°^^*' en titre les noms de Paulin, pécheur, et de tion divine de lumière du ciel, que j'en
et

Thérasie, pécheresse. Thérasie était la femme fais la nourriture de mon âme et le remède

de PauUn. La lettre est adressée à Alypius, à mes maux, et j'espère qu'il ne sera pas
évêque de Thagaste. Saint Paulin l'écrivit moins utile à l'Eglise qu'il l'est déjà à mon
pour remercier de quelques ouvrages de
le instruction et à mon salut. J'y trouve toute
saint Augustin contre les manichéens qu'41y- ma consolation , et j'en tire ces aliments cé-
pius lui avait envoyés. Ils étaient divisés en lestes qui, par le secours de la foi, produi-
cinq livres, et tous parurent si excellents à sent en nous la vie éternelle, et nous incor-
saint Paulin, qu'il les regardait comme ins- porent en Jésus -Christ. » Il fait un grand
pirés du ciel. Pour donner à Alypius quel- éloge de saint Augustin « Il répandait, dit- :

ques marques de sa reconnaissance, et pour il, la lumière des sept dons du Saint-Esprit

obéir, dit-il, à ses ordres, il lui envoya V His- sur toutes les villes catholiques ; il dissipait
toire d'Eusèbe de Césarée
ecclésiastique ,
heureusement les épaisses ténèbres de l'hé-
quïl avait empruntée d'un saint prêtre de résie , et il écartait par ses savants discours
Rome, nommé Domnion. Dans cette lettre, ces noires vapeurs qui obscurcissent l'éclat
saint Paulin se sert du mot de cowonne, pour de la vérité. » Saint Paulin continue ainsi :

marquer la dignité des ecclésiastiques, dont « Comme vous m'avez puissamment armé
la couronne symbole. Il se
cléricale était le contre les manichéens par ces cinq livres qui
sert aussi des termes de très-saint en parlant me sont un nouveau Pentateuque, je vous
à Alypius , et de ceux de votive sainteté en prie si vous avez encore préparé les armes
,
[IV« ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 57

contre les autres ennemis de la foi catholi- le monde, h me soumettre aux ordres du
que, de me envoyer, afin que je puisse
les ciel, et à suivre Jésus -Christ, en quittant le

m'en servir comme d'aut nt d'armes de jus- chemin qui m'en éloignait, n II trouve dans
tice. J'en ai d'autant plus besoin, que je suis la conversion de Sévère quelque chose do
encore assez peu expérimenté dans la milice plus admirable. « Vous étiez, lui dit-il, dans

et que je commence seule- la fleur de votre âge, caressé et loué de tous.


de Jésus-Christ ,

ment h marcher dans le chemin que les justes Quoique moins riche que moi, vous ne man-
ont frayé.') Il prie encore saint Augustin de lui
quiez de rien; non content d'avoir aban-
apprendre comment il devait s'occuper aux donné les biens temporels, vous avez aussi

exercices de la vie spirituelle, de le secourir renoncé aux richesses de l'esprit, en renon-


de ses prières, et de faire en sorte qu'elles çant généreusement à la gloire que votre
lui soient une planche salutaire au milieu des éloquence et votre érudition vous avaient ac-
périls. Il lui parle de sa nouvelle promotion quise, faisant plus d'estime des discours sim-
en des termes extrêmement humbles, et mar- ples de pauvres pêcheurs, que des pièces
que à saint Augustin qu'il lui envoie un pain d'éloquence de Cicéron. » Il détaille les au-
en signe d'union et d'amitié, le prie de le re- tres vertusde Sévère et le presse extrême-
cevoir avec la même charité qu'il lui était ment de le venir voir. Il se plaint en passant

envoyé. Cette lettre est aussi de l'an 394. et à mots couverts de ce qu'étant à Rome, le
5. La même année, saint Paulin écrivit à Pape et le clergé ne lui rendirent aucune vi-
Sulpice-Sévèrepour le remercier de la lettre site, et n'en voulurent point recevoir de lui,

qu'il en avait reçue. Il lui raconte les com- tandis qii'il avait été reçu en cette ville avec
mencements de sa conversion, et quels en l'acclamation du peuple, et par tout ce qu'il
avaient été les motifs ce qu'il fait en des
:
y avait de grands seigneurs. Il ajoute en ,

termes qui marquent bien qu'il en rappor- rapportant néanmoins le tout à la gloire de
tait tonte la gloire à Dieu. « Quel sujet au- Dieu, à qui il se reconnaît redevable de cette
rais-je, dit-il, de me glorifier, puisque quand faveur, qu'il n'y avait piesque aucun évêque
il y aurait en moi quelque chose de bon, je dans la Campanie, qui ne lui eût rendu vi-
devrais en rapporter tout l'honneur à Dieu, site et respecté l'œuvre de Dieu en sa per-
de qui je l'aurais reçu? Il est vrai que je n'ai sonne; que les évêques mêmes d'Afrique l'a-
plus la même attache que j'avais au monde; vaient envoyé visiter au commencement de
mais il faut considérer que mon âge avancé l'été. Il en tire même un nouveau motif pour
joint aux honneurs qui m'ont été rendus dès engager Sulpice à venir au plus tôt à Noie,
ma jeunesse, ont dû enfin m
'inspirer des sen- et lui dit agréablement «Verrons-nous enfin
:

timents plus graves et plus sérieux, et que le jour heureux, auquel nous aurons le plai-
d'ailleurs mon corps étant devenu plus faible sir de vous embrasser dans la maison de

et plus infirme, et n'étant plus en état de re- saint Félix, afin que nous puissions conjoin-
chercher les plaisirs des sens, il m'a été tement y remercier Dieu de la grâce qu'il
aisé d'y renoncer. Je puis dire aussi que la nous aura faite par son intercession, comme
sérieuse réflexion que j'ai faite sur les peines je l'en prie de tout mon cœur? Ce sera alors
et les misères de la vie présente, ont beau- qu'après vous avoir embrassé avec les élus
coup contribué à me donner du dégoiit de du Seigneur qui vous accompagneront je ,

l'embarras des afiaires qui troublaient mon changerai avec vous Voici le jour que le Sei-
:
Psal.cxTii, 21.
repos, et qu'ayant considéré que je flottais gneur a rempli de bénédictions , etc. Ensuite je
entre la crainte et l'espérance sur le succès de vous placerai non-seulement dans le monas-
mon salut, cette pensée m'a enfin déterminé à tère proche de l'église et de la maison du
me consacrer entièrement au service de Dieu. bienheuieux martyr pour y demeurer, mais
C'est aussi ce qui m'a porté à me retirer à la aussi dans son jardin pour le cultiver gratui-
campagne, afin qu'étant éloigné des atteintes tement, parce que vous avez déjà reçu votre
de la calomnie de la fatigue des voyages
, denier du père de famille. Il me semble que
des charges publiques et de l'agitation du je le vois déjà plus charmant et mieux cul-
barreau, je puisse y vivre tranquillement tivé, tant par vos soins que par ces illustres
avec mes domestiques et y servir Dieu comme ouvriers du Seigneur qui sont les compa-
nous aurions fait dans l'Eglise. C'est ainsi gnons de vos glorieux travaux car il est aisé
:

que, m'étant dégagé peu à peu de l'esprit du de se persuader que ceux qui ont été ap-
siècle, je me suis trouvé disposé à mépriser pelés de Jésus -Christ pour travailler à sa
58 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
vigne, et qu'il n'a pas voulu souffrir sans rien Afrique et en même temps il le prie de lui
,

faire dans les places publiques du siècle, accorder son amitié. Afin de porter saint Au-
achèveront facilement un labourage de peu gustin à lui accorder ses demandes, il allègue
de travail et de petite étendue. » Eu parlant pour raison l'étroite alliance que les chré-
de saint Félix dans cette lettre et en quel- tiens ont les uns avec les autres; ils sont les
ques autres il l'appelle le maître du logis ,
, membres d'un même corps , favorisés des
pour nous faire connaître que l'Eglise de mêmes grâces, marchent tous dans la même
Noie était dédiée sous l'invocation de ce saint voie , sont les enfants du même père , et les
martyr. Il l'appelle aussi son patron, pour domestiques de la même maison, et ils man-
nous faire connaître que les saints sont nos gent d'un même pain céleste, pour ne faire
prolecteurs auprès de Dieu. Il salue Sulpice qu'un même corps.
de la part de Thérasie, qu'il ne nomme pas 7. Saint Augustin fit réponse aux lettres
son épouse mais sa chère compagne, parce
, de saint Paulin, et lui apprit en même temps
qu'il ne la regardait plus comme sa femme, qu'il avait été choisi pour coadjuteur de l'évê-
mais comme sa sœur, conformément aux que Yalère. Dès le moment que saint Paulin
lois de l'Eglise, qui prescrivent la continence eut appris une si agréable nouvelle, il en
à ceux qui sont élevés de l'état du mariage écrivit à Romanian, qui était de Tagaste, de
au sacerdoce. «Nous vous envoyons, lui dit même que saint Augustin, pour lui témoigner
encore saint Paulin, au lieu de pain bénit un la joie que lui causait la promotion de leur
pain de la Campanie, pour marque de notre ami commun à l'épiscopat. Néanmoins s'il se
croyance uniforme. Quoique vous soyez plei- presse de lui faire part de cette nouvelle,
nement que vous re-
rassasié par les miettes c'est moins pour s'en réjouir avec lui que ,

cueillez de la table du Seigneur, ne laissez pour lui faire remarquer le soin particulier
pas, je vous prie, d'agréer ce pain, et encore que Dieu prend des Eglises d'Afrique en leur
qu'il vous soit présenté par des pécheurs, accordant la grâce de pouvoir ouïr les ora-
faites-en le symbole de notre foi commune cles du ciel par la bouche de cet excellent
par votre bénédiction. Mais, de crainte que homme. Ne voulant manquer en rien aux de-
ce pain fait du plus pur froment, ne vous voirs de la charité fraternelle, il lui envoie
soit une occasion de croire que nous vivons cinq pains comme autant de biscuits de la
dans le luxe, nous vous envoyons pour mar- milice spirituelle, en laquelle il s'exerçait
que de nos grandes richesses, une de nos tous les jours selon les règles de la tempé-
écuelles qui ne sont que de buis afin que ,
rance et de la sobriété. Il le prie d'en faire
vous ayez quelque reste du festin et du pré- part à Licentius, son fils Car nous ne pou-
: «
sent de nos noces spirituelles, pour vous ser- vons, dit-il, exclure de la participation de ces
vir de modèle. Si vous en avez chez vous de symboles sacrés, celui avec lequel nous dé-
faïence, vous nous ferez plaisir de nous en sirons d'être unis par les liens de la grâce. »
envoyer dans les mêmes caisses que nous Il lui demande encore de trouver bon qu'il

avons confiées à vos serviteurs; car nous ai- écrivît un mot en particulier à Licentius, et
mons les vases faits d'argile parce qu'ils , cite à cette occasion un vers de Térence
symbohsent avec la naissance reçue d'Adam, dont il se repeut aussitôt, parce qu'il est inu-
II Cor. IV, 7. et parce que nous sommes véritablement ces tile d'emprunter les paroles des profanes,
vases de terre qui renferment le trésor du pendant que nous en avons de si énergiques
Seigneur. Faites-nous aussi la grâce de don- dans les livres sacrés « Chercher, dit-il
:

ner vos ordres poumons faire tenir quelques chez les étrangers ce que l'on trouve beau-
pièces de vin vieux que nous croyons avoir coup mieux chez soi, n'est pas la marque
encore à Narbonne. » d'une tète bien saine tehe qu'est, grâces à
,

6. Saint Pauhn voyant qu'il ne recevait Dieu la nôtre, qui a l'honneur d'avoir Jé-
Lettre à
s^ AugDsiin,

t
, f 111 ,-1
point de réponse de la lettre qu il avait écrite
... ,

sus-Christ pour chef.»


en 395, p. 31.
à saint Augustin en 394 lui écrivit au com-
, 8. Licentius, à qui saint Paulin écrivit en
mencement de l'année suivante par Romain même temps, avait été mis dès sa jeunesse
et Agile, qu'il nomme ses chers enfants. Il lui sous la conduite de saint Augustin, pour y
parle encore dans cette lettre de ses ouvrages être instruit également dans la vertu et dans
contre les manichéens, et lui demande son les sciences. Mais il s'était depuis laissé em-
secours pour la réussite de l'œuvre de cha- porter au feu de la jeunesse, et la lettre de
rité que Romain et Agile allaient faire en saint Pauhn a pour but de le rappeler à lui-
[iV ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 59

même, et aux instructions qu'il avait rerues rôme. Voici une de ses explications : Que Malth.
XXII, 20.
de saint Augustin. Ce jeune homme avait notre fuite ne se fasse point en hiver ni le jour
composé un poème en l'honneur de son du sabbat : « c'est-à-dire pendant que nous
,

maitre, pour lui Témoigner son déplaisir de négligeons le soin de notre salut et la prati-
ne plus jouir de sa présence ni de ses leçons, que des bonnes œuvres car le jour du sab-;

et il avait étalé dans cette pièce toute son bat est un temps d'oisiveté et de repos, et
érudition profane et la connaissance qu'il l'hiver ne produit rien. Nous garderons donc
avait de la fable. Saint Paulin voyant donc exactement le sabbat, non celui qui déplaît
qu'il aimait la poésie, joignit à sa lettre un à Dieu mais celui où il trouve son repos
, ;

poème où il donne à Licentius de très-beaux car il aime à se reposer dans le cœur de ceux
préceptes et de très-belles maximes. En voici qui le servent dans un esprit de crainte et
quelques-unes : d'humilité. Nous observerons le sabbat si ,

par une obéissance dégagée des affections de


Oui ne suit que Jésus, qui sur lui seul se foude, la chair et purement spirituelle , nous nous
Est maître de soi-même, et des maîtres du moude. abstenons des œuvres serviles, qui sont les
Tu ne seras esclave, en ne servant que lui
péchés puisque celui qui les commet, en de-
,
Ni de tes passions, ni de celles d'autrui.
vient esclave, et que, perdant la qualité d'en-
Sors donc de ton erreur, et ne présume plus fant de Dieu, il n'a plus le droit de demeurer
De pouvoir allier le monde avec Jésus.
dans sa maison. Notre fuite ne sera pas aussi
Leurs empires se font une éternelle guerre.
retardée par les rigueurs de l'hiver, ni nos
Et tu joindrais plutôt le ciel avec la terre.
Douues-toi tout entier à cet unique Roi, pieds empêchés de marcher et de nous dé- ,

Ce n'est qu'étant à lui que tu seras à toi. livrer du péril si nos cœurs remplis de joie
,

par l'espérance et notre âme échauffée par


.

Pour Dieu ton cœur est fait il a beau se défendre,


:

A ses lois tôt ou tard ou le verra se rendre. le feu de la charité, portent nos mains à n'ê-
11 asjiire à l'hymen, aux honneurs, aux plaisirs : tre pas serrées par la glace de l'avarice;
Jusqu'ici ces faux biens ont réglé tes désirs; mais, au contraire, h s'ouvrir pour donner
Mais du divin Jésus la grâce triomphante
quelque soulagement aux pauvres par un
En déprendra bientôt ton àme languissante.
sentiment de miséricorde. Si nous sommes
Enfin puisses-tu vivre heureux dès ces bas lieux, dans cette heureuse disposition, nous n'au-
Eu vivant pour le Dieu de la terre et des cieux. rons rien à craindre au dernier moment de
Par là ton cœur vivra dans une paix profonde.
notre vie,quand même il arriverait furtive-
Au lieu que l'on est mort quand l'on vit pour le
[monde.] ment comme un voleur; parce que nous se-
Eutre ces deux états il n'est point de milieu. rons revêtus de bonnes œuvres et en état
Et l'homme n'est vivant, qu'autant qu'il aime Dieu i.
de supporter le froid terrible de celui qui
veut que nous observions maintenant ses
9. Saint Delphin, sollicité par un prêtre de commandements avec crainte afin qu'au ,

son diocèse nommé Amand avait écrit à


, ,
jour de sa colère, ne trouve rieu en nous
il

saint Paulin pour lui demander quelques ins- qui l'oblige à nous condamner. »
tructions spirituelles. Ce saint s'en excusa sur 10. Saint Paulin écrivit en même temps à Lettre à
son peu de capacité, et se plaignit à Amand saint Delphin, pour lui déclarer l'incapacité
sniut DelpbiD,
pog. 46.
de ses sollicitations. Il ne laissa pas de don- où il se croyait de donner les instructions
ner dans la lettre qu'il lui écrivit, de très- qu'il lui avait demandées. II lui dit que c'est
beaux préceptes, en y donnant une explica- plutôt de lui, de qui a reçu la grâce du
il
tion mystique de plusieurs endroits de l'E- baptême, qu'il doit être instruit, puisque, se-
criture, qui font voir avec quelle assiduité il lon l'ordre delà piété, et même selon la doc-
s'étaitappliqué à l'étude des Livres saints, trine de l'Apôtre, c'est plutôt aux pères à
suivant l'avis que lui en avait donné saint Jé-
amasser des trésors à leurs enfants, que d'en

* Cette traduction, dit M. l'abbé Sevcstre, Biction-


Que toujours quelque vent empêche de calmer.
naire de Patrologie, prouve que, même longtemps Quittons ces vanités, lassons-nous de les suivre.
après Malherbe, on faisait encore de bien mauvais
C'est Dieu qui nous fait vivre.
vers en puisqu'ayant à rendre la même
France,
C'est Dieu qu'il faut aimer.
pensée, premier restaurateur de la poésie fran-
ce
çaise avait déjà trouvé le moyen de la revêtir de ces Entre le traducteur et le littérateur, quelle diffé-
couleurs bien autrement saisissantes : rence! Les littératures sont donc bien lentes à se
N'espérons plus, mon àme, aux promesses du monde. former! [L'éditeur.)
Sa lumièra est un verre, et sa faveur une onde
60 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
prétendre d'eux. Ces deux lettres sont de vain. Car Dieu ne vous auraitpasfait la grâce
l'an 393. de vous choisir pour écrire la vie de saint
Lftire à H. La suivante h Sulpice Sévère est une Martin, si par la pureté de votre cœur, votre
397,"paV. «! lettre d'amitié, où saint Paulin fait voir que bouche n'avait été rendue digne de publier
l'union contractée par les liens de la charité les louanges de ce grand saint. Que vous êtes
de Jésus- Christ, est incomparablement plus heureux d'avoir été favorisé d'une particu-
douce et plus durable, que celle qui vient de lière bénédiction de Dieu pour faire avec
la parenté ou d'une amitié purement hu- tant d'exactitude et d'affection l'histoire d'un
maine. Comme l'amitié qui liait ensemble prêtre admirable et d'un confesseur si glo-
si

ces deux saints personnages, était de cette rieux Mais aussi quel bonheur à ce grand
!

nature, saint Paulin dit qu'elle durera tou- saint d'avoir mérité un si digne historien de
jours, parce qu'elle est émanée de Dieu, sa vie! Elle est écrite avec tant d'élégance
qu'elle subsiste en Dieu , et qu'elle donne à et si pleine d'instructions, qu'ellene contri-
l'homme qui la possède, la vertu de ne chan- buera pas moins à de Dieu par le
la gloire
ger jamais. «Comme cette union, ajoute-t-il, récit des vertus et des mérites de ce saint

est humble et sincère, elle n'est pas sujette évéque, qu'elle sera admirée des hommes
à l'entlure des superbes, ni à l'artifice des par la pohtesse de votre plume. » Il le prie
fourbes, ni à la malice des envieux, et si elle de se souvenir de lui, et lui dit que s'il avait
s'élève vers Dieu, c<? n'est point par un es- quitté .\mbraumaque où il demeurait ordi-
prit d'orgueil, mais par un esprit de douceur nairement ce n'a point été pour se réduire
,

et par une émulation de piété. L'amour que dans un petit jardin, comme l'écrivait Sul-
vous avez pour moi surpasse d'autant plus pice, mais il a préféré le jardin du paradis
toutes les amitiés fondées sur les inclinations au lieu de sa naissance et à son patrimoine,
de la chair et du sang, que le père qui nous persuadé que nous n'avons point de meil-
est commun et qui nous fait frères est ,
leure maison que celle qui est éternelle.
infiniment élevé au-dessus de tous nos pa- 12. Quelque longue que fût la dernière Lettre à
Amand,
rents naturels, et il nous unit plus étroite- lettre de saint Paulin à Amand, celui-ci se ei
397, pag. 59

ment que ne le sont les frères charnels. » plaignit qu'elle était trop courte, tant il en
Saint Paulin prouve dans la même lettre que avait été charmé, et le pria de lui en écrire
le sacrifice qu'un chrétien fait de son cœur de plus amples et plus souvent. Le saint évé-
à Dieu lui est beaucoup plus agréable, que
, que n'y consentit qu'avec peine et dans la
n'ont été ceux qu'on lui a offerts dans la loi seule crainte de désobéir à celai qui avait
ancienne. Il donne de ces sacrifices une ex- bien voulu le tenir sur les fonts de baptême.
plication mystique en ces termes « Nous: Mais il le pria de trouver bon que la grâce
offrirons à Dieu un bouc, en exterminant le du Seigneur qui les avait appelés l'un et
péché qui exhale une odeur de mort; nous l'autre à son service, fût le principal sujet
lui égorgerons un taureau, en abattant notre de la lettre qu'il lui écrivait « Car tous nos
:

- orgueil; nous lui présenterons une brebis, entretiens, dit-il, ne doivent être que sur les
en bannissant la négligence et la mollesse commandements et sur les louanges du
par la ferveur de l'esprit et le feu de la cha- Tout-Puissant; et nos paroles, nos actions,
rité; nous lui sacrifierons un agneau, si nous notre vie ne doivent être occupées qu'à lui
vivons sans tache; nous lui immolerons un rendre de continuelles actions de grâces,
veau, si nous devenons petits et sans malice, d'autant que nous ne vivons et ne parlons
et si nous représentons l'innocence de l'un que par sa faveur. » Saint Paulin parcourt
de ces deux animaux par la pureté de notre les bienfaits dont Dieu a comblé l'homme
vie, et la stupidité de l'autre par la simpli- depuis le commencement du monde jusqu'à
cité de nos mœurs. » Il fait ensuite l'éloge l'incarnation du Verbe, qui, en se revêtant
des vertus de Sulpice Sévère et venant à . de la chair originaire d'Adam, a étouffé la
V Histoire de la Vie de saint Martin : « Il est semence du péché qui vivait encore dans
aisé, lui dit-il, de connaître par vos discours cette chair, dissipé la muraille, c'est-à-dire
si purs et si élégants, qu'après avoir parfai- lepéché, qui nous séparait de Dieu, et de
tement vaincu la loi rebelle de vos membres, deux peuples n'en a lait qu'un non-seule- ,

et vous être dégagé de la corruption de ment en unissant les juifs avec les gentils en
l'homme extérieur, vous préparez à Jésus- Jésus-Christ par les liens de la foi, mais en-
Christ une pâte très-pure et un pain sans le- core en réconciliant les deux parties dont
[iV ET y SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 61

nous sommes composés, et en apaisant cette les siens, et qu'en se représentant les agita-
tions de son cœur, sentait que le sien s'é-
discorde qui régnait en nous, par le combat
il

mouvait aussi. Mais, ajoule-t-il, la géné-


de la chair contre l'esprit, et de la sensualité
((

contre la raison. remarque qu'il peut y


» 11 reuse constance que la foi vous inspire, ne
avoir une sainte ambition et une humilité me donne pas moins de consolation, que vo-
criminelle; ou peut dire que celui-là est sain- tre peine me cause de tristesse; et je vous
tement superbe, qui fait gloire de s'élever avoue que j'ai même douté quelque temps
si je ne devais pas plutôt me réjouir avec
au-dessus du monde, de mépriser le siècle
et de rebuter tout ce qu'il y a d'agréable et avec vous de la générosité de votre loi, que
de précieux, n'ayant de l'estime que pour de vous témoigner la sincérité de mon ami-
les biens du ciel; au contraire, Ihumililé est tié par la part que je prends à votre afflic-

pernicieuse quand elle ne prend point nais- tion. Car en même temps que j'ai appris que

sance de la foi, mais quand elle provient de Dieu avait appelé à lui votre chère épouse,
mollesse et de la lâcheté de l'esprit humain; j'ai su lesmarques d'une piété véritablement
quand recherche plutôt l'estime et l'ap-
elle chrétienne que vous avez fait paraître en
probation des hommes que son propre salot, cette funeste occasion. Celui par qui je vous

et quand elle atiaiblit la vérité par la llatte- écris, m'a qu'eu faisant voir par vos lar-
dit

rie. Il appuie cette maxime sur divers pas- mes combien perte de cette illustre dé-
la

sages de l'Ecriture, et particulièrement sur funte vous était sensible, vous n'aviez pas
le psaume cxxx% où le Psalmisle nous ensei- imité la vanité de ceux qui n'ont pas la même

gne d'une manière admirable le tempéra- espérance que vous, en lui faisant de magni-
ment que nous devons garder entre l'éléva- tiques et pompeuses funérailles mais vous :

tion et l'humilité. Saint Paulin envoya cette avez fait de grandes aumônes, pour lui don-
lettre par un de ses affranchis, nommé San- ner, par ces œuvres de charité, les secours

nemaire. C'était à dessein de le faire ordon- qui lui peuvent être salutaires. Ainsi, par
ner par saint Delphin, et de le consacrer au une judicieuse conduite, vous avez premiè-
rement rendu, à celle qui vous était si chère,
service de lEglise de Bordeaux, afin qu'en
même temps qu'il servirait dans la maison les derniers devoirs de la piété chrétienne,
de Dieu, où reposaient le père et la mère de et puis vous avez honoré sa pompe funèbre

saint Paulin, il pour eux selon les


priât aussi de l'abondance de vos larmes et des mar-
règles de l'Eglise. Arnaud d'engager
Il prie ques religieuses de votre charité. » C'est par
le saint prêtre Exupère à donner à Sanne- cette actionde piété que saint Pauhn com-
maire une portion de la terre qui appartient mence de Pammaque, et il fait voir
l'éloge
à l'Eglise, afin,dit-il, qu'en la cultivant, il qu'eu pleurant la mort de son épouse, il a
aitde quoi vivre. Il le prie encore de faire imité ce qu'ont fait en pareilles occasions les
passer à Daducius une lettre d'importance, anciens patriarches, et ce que lit Jésus-Christ
qu'il lui écrivait. C'était pour l'engager à même à la mort de son ami Lazare. Ce qui
travailler incessamment à délivrer de la per- doit encore consoler Pammaque, c'est que
sécution un bon prêtre, aussi vénérable par son épouse ne sera pas moins sa couronne
la sainteté de sa vie que par son grand âge, après sa mort, qu'elle Ta été durant sa vie ;

et à le faire rappeler de son exil. quoiqu'elle fût encore dans la lleur de son
13. La lettre qu'il écrivit à Pammaque, âge, on pouvait dire qu'elle était comme
seigneur romain de l'ordre des sénateurs, blanchie de vieillesse par la pureté de ses
était pour le consoler de la mort de Pauline mœurs, et que les grandes vertus qui sem-
sa femme. Il lui dit d'abord qu'il est dans blent n'être que le partage d'un âge avancé,
l'ordre de Dieu et de de compatir
la piété paraissaient avec éclat dans sa jeunesse.
aux souiirances de notre prochain et de nous David, dans l'appréhensiouque la longue du-
aider les uns les autres à porter le poids de rée de sa vie ne fût préjudiciable à son sa-
nos afflictions, afin de fortifier notre foi par lut, pria Dieu de lui révéler l'heure de sa
des consolations mutuelles, et de soulager mort; et ayant connu par le don de prophé-
en quelque sorte la tristesse et l'abattement tie qu'il avait reçu, que sa vie était prolon-
de nos cœurs dans les événements fâcheux gée, il en témoigna du déplaisir, et s'écjia
qui nous arrivent. Ensuite il proteste à Pam- dans l'excès de sa douleur Hélas, que cel :

maque qu'aussitôt qu'il a été informé d'une exil est long! Ce même roi, en se consolant
si triste nouvelle, il a mêlé ses soupirs avec si tôt de la mort d'un fils qu'il avait pleuré
G2 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
malade, nous enseigne que nous devons plu- n'avait-il pas de voir que plusieurs de ces
tôt nous mettre en peine du cliemin qu'il misérables se pressaient pour trouver place
faut tenir pour suivre ceux qui meurent, que dans les deux ailes de cette nef, sous de
de celui qu'ils ont déjà fait pour arriver longues voûtes couvertes du même comble;
avant nous dans la céleste patrie. « Ce saint et que les autres, ne pouvant trouver place

roi, dit-il, pleura sur son fils lorsqu'il était dans l'église, se rangeaient en ordre sous ce
encore vivant, mais il se réjouit quand il ap- grand et magnifique vestibule? L'on y voit
prit sa mort. Il le pleura durant sa maladie, un admirable bassin, orné d"un riche cou-
parce qu'il espérait que Dieu se laissant fié- ronnement de bronze, qui fournit de l'eau
chir à ses larmes et à ses prières, rendrait la pour laver la bouche et les mains de ceux
santé à ce cher enfant; mais il cessa de pleu- qui entrent. Il est soutenu par quatre colon-
rer aussitôt qu'il le vit mort, pour faire con- nes, qui font l'ornement de cette fontaine. »

naître qu'il se soumettait avec joie aux or- Il y avait ordinairement à l'entrée des égli-
dres de la providence de Dieu, persuadé ses un bassin plein d'eau, ou une fontaine,
que sa divine volonté est toujours préférable où mains, la bou-
les fidèles se lavaient les
à la nôtre. Je veux donc bien que la piété che et le visage, pour apprendre par celte
pleure quelque temps; mais il faut que la foi pureté du corps ,
quelle devait être celle du
se réjouisse toujours. Nous pouvons raison- cœur et de l'âme lorsqu'ils venaient pour
nablement regretter ceux qui nous ont pré- assister aux divins offices, et participer aux
cédés mais nous ne devons pas désespérer
; sacrés mystères. « Qu'il y avait de plaisir,
de les rejoindre car le Dieu que nous ado-
: ajoute saint Paulin, à voir toute la ville de
Matth^^ rons, est le Dieu des vivants, et non pas des Rome en mouvement, dans un agréable tu-
ÏXII , 32.
morts. Il veut bien que nous pleurions quel- multe et dans une sainte confusion, lorsqu'en
que temps, pour soulager notre peine, et répandant pour ainsi dire les entrailles de
pour donner à notre âme la liberté de res- votre miséricorde sur ce grand nombre de
pirer, mais il ne veut pas que nous nous lais- pauvres pour les rassasier et les couvrir,
sions emporter à cet excès de douleur dont vous donniez de la force aux corps pâles et
la durée serait insupportable à nos faiblesses. languissants, et vous couvriez les membres
Saint Paulin loue en second lieu Pammaque tremblants de ceux qui gelaient de froid?
d'avoir satisfait non-seulement à ce qu'il
, Mais tandis que vous soulagiez les misères
devait au corps de son épouse en l'arrosant corporelles de ces malheureux. Dieu, pour
de ses larmes, mais encore d'avoir soulagé récompenser vos bonnes œuvres, les faisait
son âme par de grandes aumônes. «Considé- retourner sur la meilleure partie de vous-
rant, lui dit-il, les pauvres comme les pro- même; il remplissait des bénédictions du
tecteurs de nos âmes, et sachant qu'il y avait ciel, votre âme aussi bien que celle de votre
dans Rome un grand nombre de personnes épouse; la main de Jésus-Christ répandait
qui ne vivaient que d'aumônes vous les
, sur elle tout ce que la vôtre donnait aux
avez toutes assemblées dans le palais de pauvres à son intention; la nourriture cor-
l'apôtre saint Pierre. Il me semble les voir porelle que vous leur distribuiez, se chan-
entrer en foule dans le temple de ce glorieux geait en un instant en une viande toute cé-
apôtre, par cette porte magnifique ornée leste, dont elle était rassasiée et au même ;

d'or et d'azur, dont l'éclat brille de toute moment que vos mains chargées d'argent
part; et que n'y ayant pas assez d'espace, remplissaient avec plaisir celles de ces misé-
ni dans cette vaste église, ni dans le parvis, rables, les anges les portaient dans le sein
ni sur les degrés, pour les contenir tous, ils de Jésus-Christ, qui les recevait avec joie
se répandent dans la place, du côté de la pour vous les garder et vous les rendre un
campagne. Quelle joie n'avez-vous pas cau- jour au centième. » Saint Paulin dit ensuite
sée au prince des Apôtres, lorsque vous avez que si tous les sénateurs de Rome imitaient
rempli son église de cette prodigieuse foule Pammaque, cette viUe pourrait éviter les
de pauvres, soit le long de la nef qui s'é- menaces que Dieu fait contre elle dans l'A-
tend au milieu, sous le plus haut comble, et pocalypse. Mais il ne les dissimule pas : l'a-
dont l'éclat qu'elle reçoit du trône élevé de varice y régnait, ne s'y occupait
et l'on
ce saint apôtre frappe agréablement les
, comme ailleurs, qu'à amasser et conserver
yeux de ceux qui entrent dans ce temple et des trésors sans en faire part aux pauvres.
réjouit saintement leurs cœurs? Quel plaisir Saint Paulin s'élève avec force contre ce dé-
[iv ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE IX. SAINT PAULIN DE NOLE. 63

règlement, et remarque, à la honte des mau- sont privés; et en voyant la grande sévérité
vais riches, que l'Evangile n'a pas même de Dieu à l'égard des justes, il a raison de
voulu nommer ceux qui étaient de ce nom- craindre que sa main vengeresse ne se fasse
bre, parce que leurs noms ne sont pas écrits sentir d'une manière beaucoup plus terrible
dans le livre de vie. Au contraire, l'Evangile à l'égard des impies. »
nous a conservé les noms de ceux qui ont Sur la fin de sa lettre, saint Paulin témoi-
eu soin du pauvre et de l'indigent, comme gne sa joie de ce que le différend excité au
celui de Joseph d'Arimalhie. C'est aussi sujet de la maison du saint prêtre Basile,

pour avoir fldèlement rempli ces devoirs de avait été réglé selon ses désirs. Basile était

charité, qu'Abraham est devenu l'ami de prêtre de la principale église de Capoue.


Dieu, que Lolh a évité l'incendie de So- Quelques personnes de qualité, qui avaient
dome, et que Job a glorieusement triomphé du bien dans laCampanie, aéétaient emparées
du démon. Saint Paulin souhaite que le Sei- de sa maison. Comme il n'avait plus de quoi
gneur traite aussi favorablement Pammaque, se loger, saint Paulin s'employa auprès du
qu'il a traité ces saints. 11 termine sa lettre prêtre Amand et de saint Delphin, qui firent
en l'exhortant à s'avancer vers le lieu où rendre à Basile sa maison. C'est le sujet des
nous courons tous, c'est-à-dire, vers le ciel. actions de grâces que rendit saint Paulin au
« V^otre épouse, lui dit-il, vous est déjà un prêtre Amand, dans la lettre qu'il lui écri-
précieux gage auprès de Jésus-Christ, et vit en 'même temps que la précédente. Un

elle vous y est d'une puissante protection ;


nommé Cardamas, qui avait, ce semble, été
elle vous prépare dans le ciel autant de bé- affranchi de saint Paulin, et qu'il avait donné
nédictions, que vous lui avez envoyé d'ici de à saint Delphin ou à Amand pour les servir,
richesses et de trésors, non pas en honorant avait été porteur de ces lettres. Saint Pau-
sa mémoire par des larmes inutiles à son hn dit de lui « Il nous a paru beaucoup
:

repos, mais en lui faisant part avec tant de changé, non-seulement par son état et par
profusion de ces dons pleins de vie, dont son ministère (il avait été comédien, et avait
elle jouit avec plaisir. Enfin la dot qu'elle a mérité ensuite de recevoir l'ordre d'exor-
reçue de vous lorsque vous l'avez épousée, ciste), mais aussi par le progrès qu'il conti-

vaut beaucoup moins que ce que vous lui nue de faire dans la vertu; car, étant arrivé
avez donné après sa mort. » Selon la doc- chez nous dans le temps du carême, et ayant
trine contenue en cette lettre, saint Pauhn été reçu comme un ecclésiastique, avec les
ne doutait pas que les âmes des défunts ne marques d'une charité fraternelle, il a jeûné
fussent soulagées par les bonnes œuvres des tous les jours jusqu'au soir comme nous; il
fidèles; il était encore persuadé que les saints s'est contenté de la frugalité de notre pau-
qui sont dans le ciel, connaissent distincte- vre table; et ce qui est même plus surpre-
ment ce qui se fait sur la terre, et que les nant, il a bien voulu user de notre boisson,
bonnes œuvres faites en leur honneur, leur ne visitant plus les muids comme il faisait
donnent un accroissement de joie et de plai- auparavant. »

sir, ce bonheur est appelé accidentel par les 15. Un homme de qualité. Gaulois d'ori- Lellre à
Jove, en 393,
Théologiens. gine, qui savait le grec aussi bien que le la- p.ig. 88.

14. La lettre à saint Delphin est un com- tin, et qui possédait ce que l'on trouve de
pliment de congratulation sur le rétablisse- plus beau dans les profanes, mais qui suivait
ment de sa santé. Saint Paulin y pose pour en philosophie le sentiment des académi-
maxime que Dieu ne châtie les justes que ciens, c'est-à-dire formait sans cesse de vai-
pour exciter les pécheurs à pénitence. « Et nes disputes sur la vérité, et doutait presque
c'est ainsi, ajoute-t-il, que les maladies et de tout, avait écrit à saint Paulin pour lui
les souffrances des saints sont utiles à deux apprendre qu'un vaisseau, où il y avait une
choses. Premièrement, elles servent à exer- grosse somme d'argent destinée pour les
cer et à purifier leur vertu; et en second pauvres, avait été poussé par la tempête sur
lieu, elles repriment l'insolence de celui qui, une côte, où, malgré la mort de son gar-
jouissant d'une florissante fortune et d'une dien, la sommes'était retrouvée entière. Cet
parfaite santé, ose dire : J'ai péché, et que homme de qualité se nommait Jove. Il avait
m'en est-il arrivé demal? Il n'a pas en effet une si grande idée de la sagesse et de la
sujet de se de son bonheur temporel,
flatter bonté de Dieu, que, ne pouvant le croire au-
quand il considère que les gens de bien en teur de tant de fâcheux événements qui
6i HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
arrivent dans le monde, il aimait mieux les corporel est gouverné par une puissance
attribuer à la fortune et au hasard que d'en spirituelle, et que celle grande machine est
faire injure à sa providence, en pensant que soutenue et réglée dans ses mouvements,
c'est elle qui les envoie. Saint Paulin, pour par le même divin Esprit qui l'a formée, et
le détromper de cette erreur, lui écrivit d'a- qui, constamment présent à toutes les par-

bord une letlie dans laquelle il montrait que tics de l'univers, leur donne la vie , règle
Dieu a un pouvoir absolu sur les éléments, leurs usages, les soutient dans leur état et
et que sa providence dispose de toutes choses leur fournit ce qui est nécessaire à leur con-
en notre faveur. Cette lettre n'est pas venue servation. En efiet, ces merveilleux ouvrages
jusqu'à nous; mais dans une seconde qu'il de la loute-puissance, pourraient-ils subsis-

lui lit passer par deux voyageurs de la Cam- ter dans la diversité et dans l'opposition de
panie il traite la même nnitière « Ce n'est
, : leur nature, s'ils n'étaient soutenus et gou-
point par un etïet du hasard, dit-il, mais par vernés par celui-là même qui les a produits;
une disposition de la Providence, que cet et s'entretiendraient - ils longtemps dans
argent, provenant d'un tralic de piété, s'est un même état, s'ils n'observaient exactement
conservé malgré les tempêtes de l'hiver, l'a- en les formant?
les lois qu'il leur a prescrites

varice des matelots et la perte même de ce- C'est donc une folie, conclut saint Paulin, de
lui qui en était le gardien : c'est la même croire que toutes ces choses subsistent et se
main divine qui, en dirigeant ce vaisseau, règlent d'efies-mêmes; mais c'en est encore
l'a fait échouer sur les côtes où j'avais une une plus grande de croire qu'il y en ait de
seigneurie et vous un héritage. » mauvaises naturellement, puisque Dieu qui
Pour prouver son assertion, saint Paulin les a toutes produites, étant essentiellement

dit d'abord que c'est faire injure à Dieu d'at- bon, il est absolument nécessaire que ses

tribuer cette sage conduite qui se fait re- ouvrages soient pareillement bons. Quoiqu'il
marquer dans tout , à des divinités ima- y ait des choses dans sa conduite qui surpas-
ginaires, sous les noms de hasard
de et sent nos lumières, il nous est plus avanta-
fortune, comme si gou-
elles partageaient le geux de croire qu'il en use de la sorte pour
vernement du monde avec celui qui en est des raisons qui nous sont cachées, que de
le seul créateur et l'unique souverain. Puis commettre un blasphème en pensant qu'il
il ajoute que ce sentiment erroné est un des agit sans raison. Or, s'il est vrai que Dieu
pernicieux dogmes de ces philosophes, qui, seul a créé le monde, et qu'il le gouverne
entlés de leur science, ont négligé de cher- seul, en quel lieu le hasard et la fortune

Rom. 1,21.
cher celle de Dieu et se sont égarés dans exerceront-ils leur empire? »
leurs vains raisonnements, comme Pobserve Saint Paulin donne l'étymologie de ces
l'Ecriture. « Conçoit-on une fie Lion plus ridi- deux mots dans la langue latine le premier :

cule, s'écrie ensuite saint Paulin, que de exprime une parole de doute et d'incertitude;
s'imaginer que le mouvement du ciel n'est le second signifie à peu près la même chose,
réglé que par le hasard; qu'il n'y a point et tous deux ne contiennent rien de réel ni
d'Etre souverain qui ait autorité sur le de gTand. Il s'appuie aussi sur l'autorité de
monde; ou s'il y en a un, qu'il en néglige le lapôtre saint Paul pour montrer à Jove que
gouvei-uement, laissant agir chaque corps au c'est par une disposition de la providence de
hasard et selon le poids de sa nature? Dieu, et pour l'utilité de notre salut, que
Quelle extravagance de croire que le monde noire vie est exposée à plusieurs événements
n'a point eu de commencement, et qu'il fâcheux ; l'afiliclion réveille et exerce la vi-
n'aura point de fin? comme si le bon sens ne gueur de la patience, la patience fait l'é-
nous faisait pas connaître que les choses preuve de la foi et nous fait mériter la cou-
corporelles dont le monde est composé, et ronne de la gloire, que la vertu en pourrait
dont nous sommes aussi une portion, sont obtenir sans lutte et sans victoire. Afin de
corruptibles de leur nature. Mais ceux-là s'excuser d'avoir attribué au hasard le bon-
sont encore plus insensés, qui croient que heur de ce navire qui avait trouvé son salut
le monde s'est fait de lui-même, comme si en échouant sur la côte, Jove disait qu'il
une chose se pouvait produire et devenir n'était pas encore en état de s'élever à Dieu
tout ensemble, créateur et créature, l'ou- pour découvrir ses secrets, et que le trouble
vrage et l'ouvrier ce qui paraît visiblement
; des afidires du siècle lui eu ôtait le loisir.
impossible. Il est doue évident que le monde ((Vous êtes libre, lui répond saint Paulin,
[iv ET \- SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE.
lorsqu'il s'agit de lire Cicéron, Démostbène, Iltémoigne ensuite à Sévère son espérance
Platon et beaucoup d'autres profanes, mais de le voir enfin et de l'embrasser dans la
vous êtes embarrassé d'aitaires, lorsqu'il faut maison de son illustre maître et de son bien-
apprendre la doctrine de Jésus-Cbrist. Vous heureux ;)«/ron saint Félix. « Je lui ai pré-
trouvez assez de temps pour devenir philo- senté vos vœux et vos promesses toutes les
sophe, et vous n'en trouvez point pour deve- fois que vous me l'avez commandé. S'il
nir chrétien. » Il l'exhorte à changer d'é- arrive que nous manquions de parole h ce
tude et à se dégager de cette douceur per- généreux martyr de la vérité, j-'en serai le
nicieuse qu'il goûtait dans la lecture des au- moins coupable, puisque je n'ai promis que
teurs païens, qui, semblables au chant des ce que j'ai cru vrai. Mais pour vous, mon
sirènes, nous font oublier notre patrie, et ne cher frère, prenez garde, tandis que vous en
nous charment que pour nous faire périr. Il avez le temps, à n'être point infidèle à tant
ne blâme pas néanmoins l'usage que Jove de promesses faites à ce glorieux confesseur
faisait des sciences qu'il avait apprises dans de Jésus-Christ, dont l'intercession est si
les choses qui regardent la religion mais il : puissante auprès de ce divin Maitre. Quelle
ne veut pas qu'il ait trop d'amour pour cette excuse apporterez-vous pour le retard mis à
vaine sagesse qui est contraire à la vérité. accomplir votre vœu? Pourrez- vous dire que
((Contentez-vous donc, lui dit-il, d'emprun- c'est plutôt par infirmité que par paresse?
ter de ces étrangers la pureté du discours vous qui pouviez nous venir voir et retour-
et les règles du langage, comme on s'em- ner chez vous en moins de temps que celui
pare des dépouilles d'un ennemi. En pre- que vous employez aux pèlerinages que
nant leur éloquence, ne prenez pas en même vous faites tous les ans en divers lieux de la
temps leurs erreurs; et les belles paroles France, allant plusieurs fois dans un même
qu'ils prostituent à expliquer des choses été à Tours et aux autres lieux encore plus
vaines et inutiles, consacrez7les à signifier éloignés. Ce n'est pas que je porte envie à
des choses saines et vertueuses, afin que votre dévotion; au contraire, je vous loue de
vous ne perdiez pas votre temps, comme ce que vous honorez le Seigneur dans ses
eux, à embellir des fantômes, mais à donner saints. Vous faites bien de visiter souvent
de l'éclat au corps solide de la vérité. Ne saint Martin; mais je ne puis souÛ'rir que
vous étudiez pas à dire des choses agréables saint Félix soit négligé et méprisé par vos
aux oreilles, mais des choses utiles qui promesses sans eflet, et dont vous parlez
éclairent l'esprit et contribuent au salut des aussi ])eu que si vous les aviez oubliées.
hommes. » Vous devez autant craindre la colère de Jé-
t,ellro à
16. La lettre à Sulpice
^ Sévère est une ré- sus-Christ, en faisant injure à saint Félix,
iéme siiipi- ponse à que saint Paulin avait reçue de
celle que vous avez de confiance d'obtenir ses mi-
aè. »«•
lui, où s'excusait de n'avoir pu l'aller séricordes par l'intercession de saint Mar-
'
il

joindre à Noie, à cause d'une maladie qui tin. » Saint Paulin lui déclare qu'il ne le
lui était survenue. Ne sachant s'il viendrait croit pas trop assuré, tant qu'il n'aura pas
ou non, saint Paulin, pensant le trouver à accompli ses promesses, quelques bonnes
Rome à la solennité du prince des Apôtres, œuvres qu'il put faire d'ailleurs, et il ajoute
:

s'y était rendu lui-même dans l'espérance « Je souhaite que tous les saints soient au-

de l'y embrasser, mais il ne l'y avait pas tant de puissants médiateurs auprès de Dieu,
trouvé. Nous ne vous avons pas écrit de
(( pour vous obtenir l'abondance de ses grâces,
Rome, ajoute-t-il, n'en ayant pas eu le mais je voudrais bien que vous ne fussiez
temps; comme nous n'y avons demeuré que pas en péril d'attirer sur vous Tindignation
dix jours, nous pouvons dire que nous l'a- de celui qui possède éminemment la charité
vons vue sans la voir; nous avons employé de Jésus-Christ. » Un sous-diacre de Bor-
toutes les matinées à visiter les sépulcres deaux fut porteur de cette lettre mais Sé-
:

des apôtres et des martyrs, c'était la princi- vère avait envoyé la sienne par un valet,
pale finde notre voyage et dès que nous
: vêtu de manière que saint Paulin n'eut pas
étions l'etournés au logis, nous y recevions de peine à connaître que ce n'était pas un
la visite d'un si grand nombre de personnes religieux :car ceux-ci étaient dès-lors en
qui nous venaient voir par un sentiment de usage de porter des habits dillerents des
piétéou d'amitié, que nous avions peine à personnes d'un autre état.
nous en dégager, même durant la nuit. » 17. Pendant un séjour qu'il fit à Rome, i,eiire i

VllJ.
G6 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
laint vicirice saiiît Pauliii v l'eçut une lettre que saint Vic- ment de la paix et de la justice chrétienne.
en 399, p. 98. V. •
, . , , ,
tnce, cveque de Rouen, lui adressait par
i i
un Le tribun en colère le fit fouetter cruelle-
de ses diacres, nommé Paschase. Saint Pau- ment et briser à coups de bâtons. Ce sup-
lin futtellement charmé de la conversation plice n'abattit point
saint Victrice parce ,

de ce diiicre, que, pour en jouir plus long- qu'il était fortifié soutenu du bois de la
et

temps, il le retint et le conduisit à Noie avec croix. Les bourreaux redoublèrent ses dou-

un nommé compagnon de son voyage,


Urse, leurs en le couchant nu sur un grand amas
et qui encore que catéchumène. 11
n'éiait de fragments d'argile et de petites pierres
prie donc saint Victrice de leur pardonner ce aiguës, afin que son corps fût déchiré de
retard. Ensuite saint Paulin s'éte.nd sur les toute part et tout couvert de blessures. Ce
louanges de saint Victrice et sur les merveilles cruel tourment ne servit qu'à donner plus
que Dieu faisait par son moyen. « La ville de d'éclat à sa constance. Soutenu des consola-

Rouen, lui dit-il, qui, avant que vous en fus- tions que le Seigneur répandait dans son
siez évéque était à peine connue dans les
,
âme, il marcha courageusement vers le quar-
provinces voisines, est devenue si célèbre tier du général, et parut en sa présence avec

qu'on eu parle avec éloge dans les pays les une fermeté qui le lit triompher de l'ennemi.
plus éloignés, et qu'on la place au rang des On résolut de le faire mourir, dans la pensée
lieux privilégiés où Dieu fait éclater sa puis- que la fin de sa vie serait aussi celle de sa
sance et sa miséricorde. Et c'est sans doute victoire. Comme on le menait au supplice,

avec beaucoup de justice, dit-il, que l'on fait celui qui devait lui couper la tête ayant eu

l'éloge de cette ville, puisqu'on y voit, comme l'insolence de lui faire mille insultes et de
on a vu dans l'Orieut en la ville de Jérusa- porter sa main sur l'endroit du cou où il de-

lem, les chefs des saints apôtres qui y ont été vait frapper de son sabre, fut lui-même frappé
apportés par vos soins, et dont l'esprit réside d'aveuglement et les deux yeux lui tombè-
,

en votre personne comme dans un sanc- ,


rent en même temps de la tête. Ce miracle
tuaire. Ils ont choisipour un des sièges de fut suivi d'un autre. Le geôher l'avait lié si

leur empire une ville où ils étaient autrefois étroitement au moment où il sortait de la
étrangers, en y allumant secrètement dans prison, que les chaînes s'étaient enfoncées
les cœurs des fidèles les tlammes du saint dans la chair; le saint pria les soldats qui le
amour, ils font éclater aux yeux de tout le gardaient de le desserrer tant soit peu; mais
monde, par leur inlercession, les merveilleux ceux-ci n'en voulurent rien faire. Alors, im-
etfels de la puissance divine. » Saint Paulin plorant l'assistance de Jésus-Christ, il vit aus-
relève avec enthousiasme le méliodieux con- sitôt les chaînes tomber de ses mains, et les

cert qui, dans l'église de Rouen et même dans soldats n'eurent pas la hardiesse de lier de
lesmonastères qui eii dépendaient, s'élevait nouveau celui que Dieu avait rendu fibre. Le
tous les jours vers le ciel avec le chant des général, sur le récit de ces merveifies, remit
Psaumes sacrés. Il exalte le grand nombre saint Victrice en liberté.
de vierges qui faisaient parla pureté de leurs Saint Paulin se congratule d'avoir vu saint
corps et de leurs cœurs un divin sanctuaire Victrice à Vienne chez le bienheureux père
à Jésus- Christ; la ferveur et la pureté des saint Martin et le prie avec beaucoup d'ins-
,

veuves, qui jour et nuit ne cessaient de s'ap- tance de se souvenir de lui, lorsque les anges
pliquer au service de Dieu et à l'exercice des le porteront au ciel et le déposeront au mi-
œuvres de charité; la continence secrète des fieu d'une troupe de martyrs et de saints évê-
personnes mariées qui, livrées assidûment à ques. Il le congratule lui-même d'être le
l'oraison et aux œuvres de piété, invitaient père d'un grand nombre de saints enfants,
si

Jésus-Christ à les honorer de sa visite. Il dé- et il ajoute «Il paraît bien que le Seigneur
:

crit ensuite la manière dont saint Victrice se vous a prédestiné pour être un des premiers
conveitit à la foi. « Poussé dit-il par un ,
,
de sou royaume puisqu'il vous a donné la
,

mouvement extraordinaire
de l'amour de grâce d'égaler vos œuvres à vos paroles, afin
Dieu, il parut au milieu du camp de l'armée que la doctrine fût l'afiment de votre vie, et
revêtu de ses armes, et alla se présenter au votre vie une doctrine pour les autres, n
tribun idolâtre, pour lui dire qu'il renonçait 18. On met la lettre dont nous venons de Lettres à

au serment militaire, et qu'il quittait avec parler sur la fin de l'an 399. L'année sui- ei'à'Ami'nd"

plaisir ces armes qui ne sont destinées qu'à vante, saint Paulin en écrivit deux à saint '"s. lôo'^fi

verser le sang pour se revêtir intérieure-


, Uelphm, et une troisième à Amand qu'il ,
[iV ET V SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 07

qualifie de tt^ès - saint , très -vénérable et très- consubstantiel à son Père, éternel, tout-puis-
cher frère. Dans la première à saint Delpliïn, sant et auteur de toutes choses avec lui et
il témoigne combien sa lettre lui avait
lui avec le Saint-Esprit, qui est aussi Dieu, parce
causé de joie, et dit que pour en donner des que c'est en lui que s'accomplit la divine
marques, il chantera avec ceux de sa maison Trinité, et que c'est par seslumiè^^es que l'on

des hymnes le soir, le matin et à midi. Il se voitki Divinité subsistante en trois personnes.

plaint d'avoir été près de deux ans sans re- Oui ajoute saint Paulin l'Esprit de Dieu et
, ,

cevoir de ses lettres, et prie Dieu de par- le Verbe de Dieu sont véritablement Dieu, et

donner à ceux qui ont causé ce retardement. un seul Dieu avec le Père, qui est le principe
Il lui demande ses instructions, comme à ce- de leur origine avec cette diti'érence que le
,

lui qu'il avait eu pour père de sa régénéra- Fils est émané de lui par la naissance, et le

tion, et le secours de ses prières, afin, dit-il, Saint-Esprit par la procession et comme ils ;

que Dieu ne permette pas que celui qu'il a ont tous deux leur caractère personnel, ils

lavé par vos mains dans les eaux de répara- sont bien distincts l'un de l'autre, mais ils ne
tion, je veux dire du baptême, soit derechef sont pas divisés. La langue impie d'Arius est
souillé par ses péchés. Il lui mande dans la coupée, du blasphéraatem^ SabeUius
et celle

seconde lettre les amitiés qu'il avait reçues est rendue muette par la doctrine de notre

du pape Anastase et de Vénérius, évéque de pêcheur, qui nous apprend que le Père et le
Milan. Anastase ayant succédé au pape Si- Fils ne sont qu'un même Dieu, quoiqu'ils

rice, saintPaulin lui écrivit aussitôt pour le soient deux personnes réellement distinctes
congratuler de son élection et il en reçut , On y voit également la condamnation de
une lettre pleine de bonté. Ce Pape écrivit l'extravagance de Photin, qui ne reconnaît
même aux évèques de laCampanie pour leur point d'autre naissance en Jésus -Christ que
recommander saint Paulin et la première , celle qu'il a reçue de sa mère, et de Marcion,

année de son pontificat étant écoulée, il l'in- qui prétend que le Dieu de la loi n'est pas le
vita ,
quoiqu'il ne fût encore que prêtre , à même que celui de l'Evangile. Les mani-
venir célébrer à Rome l'anniversaire de sou chéens, qui établissent deux dieux, un bon
élection. Dans une autre occasion saint , et un mauvais, y sont foudi'oyés par la voix

Paulin étant allé àRome pour assister selon tonnante de cet Evangile du ciel qui nous ,

sa coutume, à la fête des Apôtres, le pape apprend que toutes choses ont été faites par le
Anastase le reçut de la manière la plus ten- Verbe, et que rien n'a été fait sans lui. Les
dre et la plus honorable. Saint Paulin n'in- gnostiques sont obligés de reconnaître une
forma saint Delphin de tout ce détail, que vraie chair et un véritable corps en Jésus-
parce qu'il lui en avait donné ordre. Il con- Christ, puisque le même saint Jean nous as-
gratule ce saint évéque sur ce que la nou- sure que le Verbe qui était en Dieu et qui était
velle église qu'il avait donnée à celle de Dieu, a été fait chair, non qu'il ait changé de
Langon, était en état d'être dédiée. nature en pi'enant la nôtre, mais parce qu'en
Dans sa lettre au prêtre Amand, il fait l'é- demeurant ce qu'il était, il a voulu, pour l'in-
loge de la diligence et de la sagesse de Car- térêt de notre salut , commencer d'être ce
damas, son atiranchi, et dit en parlant de qu'il n'était pas. »
saint Jean l'Evangéliste « Il est le dernier
: 19.Dans la lettre à Sévère saint Paulin ,
Leltres à
Sévère en 400
des écrivains sacrés selon le temps; mais il faitune peinture de la manière dont il vivait
est le premier par la sublimité des mystères avec les religieux de son monastère, et en-
qui lui ont été révélés, puisqu'il est le seul seigne par là l'exacte modestie que doivent
des quatre tleuves qui a pris son origine dans garder les ecclésiastiques et les religieux,
la source même de la divinité. Les autres particuhèrement dans leurs meubles et dans
évangéUstes n'ont commencé leur histoire leurs habits. «Nous verrons, lui dit-il en par-
sacrée que par la naissance humaine et tem- lant d'un homme vêtu en moine que saint
porelle du Sauveur, ou par le sacrifice figuré Césaire lui avait envoyé, nous verrons avec
de la loi, ou par la prophétie et les éloges plus de plaisir ceux qui sont comme nous
que saint Jean - Baptiste lui a donnés. Mais destinés au service de Dieu, porter un vi-
celui-ci, prenant son vol plus haut, pénètre sage pâle et bien loin de mettre leur gloire
,

jusqu'au sein de la Divinité, et commence dans la richesse ou la couleur de leurs ha-


son Evangile par la naissance éternelle et bits, se complaire plutôt dans la rudesse et
ineffable du Fils de Dieu, assurant quil est la pauvreté de leur cilice. Au lieu de se pro-
(J8 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
duire en public avec des vêtements d'offi- pas jetée aux pieds de Jésus-Christ, et elle
ciers d'armée, on aime à les reconnaître sous ne les aurait pas oints d'un parfum si pré-

des manteaux en forme de sacs, les reins cieux, ni arrosés de tant de larmes, si elle
ceints de grosses cordes tissucs comme des
,
n'avait cru qu'il était Dieu. Il dit en parlant
rôts, affectant par un motif de cliasteté de pa- du prince des anges, transformé en démon
raître difformes, la tète rasée, le front sans en tombant du ciel à cause de son péché :

cheveux et la barbe mal faite. Il s'en faut « que nous ne sommes pas condamnés aune

que ces hommes religieux, dont l'âme est mort éternelle comme lui parce qu'ayant
,

ornée de la pureté se mettent en peine des


,
été l'auteur du péché il sera puni non-seu-
,

ajustements de leur corps, ni d'être vêtus lement pour celui qu'il a commis, mais aussi
proprement. Comme ils emploient tous leurs pour ceux qu'il a fait commettre aux hom-
soins pour l'embellissement intérieur, non- mes. En effet, quoique nous eussions beau-
seulement ils néghgent tout ce qui peut con- coup offensé Dieu, ce n'est pas pour tou-
tribuer à la beauté du corps, mais même ils jours qu'il nous a chassés du paradis et con-
se font une étude de paraître laids, afin de damnés à retourner en terre, parce qu'il a
cacher avec prudence l'ornement de leur jugé équitablementque c'était un crime plus
âme sous la difformité de leur visage. » énorme de pécher par une volonté déli-
Comme
ce genre de vie faisait peine aux bérée, et de son propre mouvement, que par
mondains, saint Paulin témoigne ne pas s'en l'instigation d'un autre parce que celui
;

inquiéter. « Qu'ils examinent, dit-il, nos ac- qui trompe est plus coupable que celui qui
ils trouveront que
tions tant qu'il leur plaira, est trompé, et l'inventeur du péché plus cri-

nous ne sommes pas ivres comme eux, dès minel que celui qui commet le péché. C'est
le matin, mais que le soir nous sommes en- pourquoi celui-ci a été condamné à une
core à jeun. » peine temporelle, afin qu'il se corrigeât;
On voit par la lettre suivante ,
qui est en- mais celui-là sera éternellement damné ,

core à Sévère ,
qu'il avait envoyé à saint parce que son péché durera toujours.» Ainsi,
Paulin un cuisinier fort habile pour apprêter selon saint Paulin, le péché de Phomme peut
des légumes à peu de frais, et qui savait être racheté; et, en eflfet, le Sauveur nous
aussi raser. Saint Paulin l'en remercie, et en a délivrés par la mort qu'il a endurée pour
après avoir fait l'éloge du zèle et de l'activité nous. Mais nous ne laissons pas d'être re-
de ce nouveau domestique, il parle des repas devables envers lui de ce qu'il a acquitté nos
que faisaient les prophètes, comme il est ra- dettes, quoiqu'il ne demande pour entier
conté dans le chapitre iv d'Ezéchiel et dans paiement que notre amour II a placé ce de-
le quatrième livre des Rois. Il en tire une ins- voir au premier rang de ses commande-
truction morale. Il en fait de même en par- ments pour nous apprendre qu'encore que
,

lant de sa dextérité à raser et rapporte à , nous soyons très - pauvres, nous pouvons
cette occasion l'histoire de Samson, qui, de toutefois nous acquitter envers lui d'une dette
robuste qu'il était, devint le jouet de ses en- qui paraissait insolvable. Il n'y a personne
nemis aussitôt qu'on lui eut coupé ses che- qui puisse s'excuser sur la difficulté du paie-
veux. Il remarque que l'Apôtre ne permet ment, puisque personne ne peut dire qu'il
qu'aux femmes d'avoir leurs cheveux; « car, n'a point d'âme. On ne nous demande ni sa-
dit saint Paulin, quoique la foi leur ôte crifice, ni riches présents, ni pénibles tra-
comme à nous, le voile du cœur, néanmoins vaux; nous avons en nous-mêmes de quoi
la pudeur qui leur est naturelle, demande payer; notre amour est en notre pouvoir :

que leur tête et leur front soient voilés. donnons-le à Dieu, et nous sommes quittes.
Ou'elles aient donc les cheveux, ajoute -t-il, Saint Paulin parle dans cette lettre d'un
dont elles puissent essuyer les pieds de Jé- mélange de lait et de vin consacré que l'on
sus-Christ, à l'exemple de la pécheresse de faisait prendre aux petits enfants nouveaux-
l'Evangile, et qu'ainsi ehes puissent être at- nés, et il veut qu'on le retranche. C était, ce
tachées aux pieds de la sagesse, pour ne semble, cette ancienne cérémonie qui s'ob-
plus rien aimer que la sagesse , et ne rien servait au baptême des petits enfants, à qui
embrasser que la vertu. » Saint Paulin par- l'on donnait un peu de vin consacré mêlé
court les circonstances de la conversion de avec du lait, pour les rendre participants au
cette femme pécheresse, dont il tire diverses corps de Jésus-Christ.
moralités. Selon lui, cette femme ne se serait La lettre suivante n'est qu'une continua- Pag. 13,.
[iv ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 69

tion de celle dont nous venons de parler. père et notre empereur éternel Nous devons, .

Aussi furenl-elles envoyées toutes deux sous ajoute-t-il nous attacher d'autant plus à ce
,

une enveloppe et en la même année,


même divin Maitre, qu'ilne congédie jamais ses
en 401. Saint Paulin y rend avec
c'est-à-dire soldats, et qu'il promet à ceux qui combat-
usure à Sulpice Sévère les louanges qu'il tent sous son étendard, la vie éternelle, les
avait reçues de lui au sujet de sa conver- honneurs de son royaume, les richesses de
sion. montre que la perfection chrétienne
Il son héritage et la vue continuelle de sa di-
ne consiste pas seulement dans l'abandon vinité. Ni la jeunesse ni l'attrait des dignités
des biens ni dans l'abnégation de soi-même, et des richesses ne peuvent être un motif lé-
mais qu'il faut encore suivre Jésus-Cliri-t. gitime de ditlcrcr à se convertir, puisque
(t J'avoue, lui dit- il, que nous avons quitté Dieu nous dit par ses Prophètes et par le
Eccl. T,
sans peine, mon épouse et moi, les biens que Sage Ne différez point de vous convertirait Sei-
:
8.'

nous regardions comme un manteau qui gneur; ne remettez point de jour à autre, de
nous était trop pesant. Comme nous ne les crainte que vous ne soyez swpris par sa colère.
avions pas apportés avec nous, en venant au Il représente encore à cet officier les incon-

monde, et ne devions pas les emporter en vénients du mariage, et ajoute « Brisez :

mourant nous les avons rendus à Dieu


, tous les liens qui vous tiennent attaché au
comme une chose que sa providence nous monde changez votre milice en une meil-
:

avait prêtée et nous nous en sommes dé-


, leure et commencez de combattre pour la
,

pouillés avec la même facilité que l'on met à gloire et les intérêts du roi éternel, n

quitter ses habits. 11 s'agit maintenant de 21. La


adressée à Sébastien est au
lettre Lettre i
Sebastien ,

rendre à Dieu les biens qui sont véritable- nom de saint Paulin et de Thérasie, safemme. pag. no.

ment à nous; je veux dire notre cœur et no- Sébastien était un saint homme qui vivait
tre ûme , et toute notre application doit être dans l'Aquitaine avec beaucoup d'édification,
de faire de nos corps une hostie vivante au et qui y était servi par un de ses frères
Seigneur, qui nous a donné par ses exemples nommé Benoit. Saint Paulin fait l'éloge de
les règles et les devoirs d'une parfaite sain- l'un et de l'autre, elles conjure de prier Dieu
teté. L'abandon des biens de ce monde n'est conjointement pour lui et d'unir la ferveur ,

pas la perfection; ce n'est que l'entrée du et la force de leurs oraisone pour surmonter
chemin qui y conduit. » Il remarque que tous le grand nombre de ses péchés.
les hommes portent en eux le caractère de 22. 11 continue dans la nouvelle lettre à Lettres à
SéTcre Sulpi-
l'image de Dieu, mais que tous n'en ont pas Sulpice d'en faire l'éloge, l'appelle le parfait ce, pag. 172
et 17*.
la ressemblance. L'image de Dieu est im- serviteur de Dieu, l'ennemi des richesses, le
primée dans la nature, de sorte que l'âme de portrait au naturel de saint Martin et de saint
l'homme est véritablement une image vivante Clair et l'exact observateur de l'Evangile.
de lôtre qui l'a créée; mais seule la rend Dans la lettre suivante, il lui marque qu'il
semblable. L'image de Dieu est dans les pé- lui renvoie le cuisinier Victor, dont il fait l'é-

cheurs comme dans les justes mais le res- ; loge : il se plaint ensuite de ce qu'il s'était
semblance n'est que dans les saints. 11 re- adressé à lui pour savoir dos particularités
garde la lettre T,qai, dans l'arithmétique de de l'histoire générale du monde : « Comme
delà langue grecque, fait le nombre de 300, si, possédais mieux que vous.
lui dit-il, je la
comme le symbole de la croix, et dit que ce 11 faut avoir une étrange faim pour aller ,

fut par la vertu de ce symbole qu'Abraham frapper à la porte d'un ami très-pauvre, lui
attaqua et vainquit ses ennemis avec 300 sol- demander à manger, et chercher du blé dans
dats. Cette explication est commune à beau- les greniers que l'on sait être vides. Car je
coup d'anciens. puis vous dire que je ne me suis jamais ap-
20. Lu lettre de saint Paulin à un ollîcier pliqué à l'étude de l'histoire. promet
» 11 lui

qu'il ne nomme pas, est pour l'engager à re- d'emprunter ce qu'il souhaitait du prêtre
,

noncer au plus tôt à la profession des armes, Rufin. «Comme je le crois, ajoute-t-il un ,

pour embrasser la milice de Jésus- Christ, homme savant et de probité, j'ai lié amitié
II ne peut, pour s'en dispenser, prétexter
(i
avec de croire que s'il peut
lui, et j'ai lieu ,

ni la vigueur de sa jeunesse, ni l'espérance vous arrêtent sur


éclaircir les diificultés qui
d'une grande fortune car il est certain que
; le peu de suite que vous trouvez dans la suc-
rien ne peut et ne doit être préféré à celui cession et la durée des royaumes il le fera ,

qui est notre véritable maitre, notre vrai à ma prière. Comme il est parfaitement
70 HISTOITIE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
éclairé clans les bclles-leftres, qu'il sait ex- rait été ramassée de dessus le fumier. Elle
cellemment la sainte Ecriture, et qu'il parle me paraît convenable à votre innocence et à

grec aussi facilement que latin ,


je crois que votre douceur , étant faite de la laine d'a-

vous pouvez trouver chez lui, mieux que par- gneau qui en rend l'usage plus doux et plus
tout ailleurs, ce que vous désirez avoir. » agréable. Mais afin que vous en fassiez plus
Il marque ensuite à Sulpice qu'il lui envoie d'estime, et qu'elle vous paraisse digne de
deux de ses ouvrages, le premier sur la nais- vous, je vous dirai qu'elle m'a été envoyée
sance de saint Félix, le second en l'honneur par l'illustre dame
sainte Mélanie, à qui tous

de Théodose. Il attribue la gloire du second les serviteurs de Dieu sont redevables des
à son ami Endelchius, qu'il appelle un saint grande? aumônes qu'ils en reçoivent. »
homme et un dont il
parfait chrétien, et Saint Paulin fait de cette dame un magni-
avait mis la lettre à la tête de cet ouvrage fique éloge. « Si, par son sexe, dit-il, elle est
pour lui servir de préface. Il avoue qu'il inférieure à saint Martin, elle lui est comme
s'était chargé avec plaisir du panégyri- égale par ses excellentes vertus. Elle combat
que de Théodose, qui ne s'estimait pas si comme lui sous l'étendard de Jésus- Christ,
heureux d'être maître de l'empire, que d'être et quoiqu'elle soit issue d'une très-illustre et
serviteur de Jésus -Christ, qui aimait mieux très-ancienne famille qui a été plusieurs fois
servir avec humilité que commander avec ,
honorée du consulat, elle a méprisé les gran-
arrogance, et qui se trouvait plus honoré deurs de sa naissance, pour devenir plus
d'être chrétien que d'être souverain. Nous noble par l'humilité chrétienne, qu'elle ne
n'avons plus ce panégyrique mais saint Jé- ; l'était par la gloire de ses ancêtres. Les su-

rôme qui l'avait lu, en écrivit à saint Paulin perbes apprendront, par son exemple, à se
en ces termes * « J'ai lu avec beaucoup
: défaire de leur orgueil, en voyant une femme
de que vous m'avez envoyé,
plaisir le livre de la première qualité devenir l'humble ser-
et que vous avez composé à la louange de vante de Jésus-Christ. Les hommes auront
l'empereur Théodose. La subdivision m'en a honte de leur peu de courage, envoyant tant
charmé. Vous vous surpassez vous-même à de force dans un sexe si faible, et les person-
la fin, après avoir triomphé des autres au nes de l'un et de l'autre sexe qui ont de l'at-

commencement. Le langage en est clair et tache aux honneurs et aux richesses, seront
serré et vous joignez l'abondance des sen-
, excitées à s'en défaire en considérant une ,

tences à la pureté de Cicéron. Que Théodose femme devenue pauvre volontai-


très -riche
est heureux d'avoir un tel défenseur vous ! rement, et une dame d'une grande nais-
avez relev'é sa dignité en immortalisant les sance extrêmement abaissée par la profon-
,

lois qu'il a publiées. » deur de son humilité. » Il relève la grandeur


Antre lettre 23. La lettre suivante est encore à Sulpice. d'âme avec laquelle elle supporta la mort de
à Sévère, pag,
179. Saint Paulin y témoigne sa reconnaissance son mari et de ses enfants, et sa force à sur-
d'un manteau fait de poils de chameau, que monter tous les obstacles qui s'opposaient à
Sulpice lui avait envoyé. Il fait sur cet ha- sa conversion. Elle préféra l'exil de sa pro-
billement plusieurs rétlexions très-édifiantes, pre patrie, en changeant de climat, pour
leregarde comme propre à couvrir un pau- aller à Jérusalem
devenir citoyenne des
vre pécheur qui a besoin d'être velu austè- saints. Ce fut là que, durant les troubles de
rement et capable d'affermir sa foi par le
, l'arianisme, dont les sectateurs appuyés du ,

souvenir et l'exemple des saints de l'an- crédit et des armes de Valens, faisaient une
cienne loi qui se sont servi d'habits compo-
, cruelle guerre à l'Eglise , elle reçut charita-
sés de cette matière. Quoique je ne puisse, « blement les fidèles exilés , et nourrit durant
ajoute-t-il, reconnaître dignement, ni par des trois jours cinq mille religieux qu'elle avait
paroles, ni par des effets, le présent que fait cacher, pour éviter la fureur des héréti-
vous m'avez envoyé, n'ayant rien qui puisse ques. « A son retour en Italie , elle vint
en égaler la valeur et l'utilité, si ce n'est ajoute saint Paulin, me
rendre visite à Noie,
par l'amour et la charité qui nous rendent accompagnée d'une foule de seigneurs qui
égaux, je vous envoie toutefois une tunique lui faisaient cortège, mais dans un équipage
de laine dont je me suis servi, vous priant de bien différent. Elle avait pour monture un
la recevoir comme une pièce d'étoffe qui au- âne maigre pour confondre la pompe et
, et
la vanité du siècle, elle marchait à la tête de
1 Hieronym., Epist. 49 ad Paulin., pag. 566. plusieurs sénateurs qui la suivaient les uns ,
[iv« ET v SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 71

dans de superbes carrosses, d'autres montés car ce m'est un très -grand plaisir de voir
sur des chevaux de grand prix et richement que l'on vous aime et que l'on vous honore
parés; quelques-uns dans des litières dorées, comme le défenseur de la vérité. »
et toute leur suite dans des chariots couverts 24. Dans une autre lettre à Sévère, saint Antres let-
très à Sévère,
j 1 •

de riches tapis. Elle regardait avec mépris Pauhn s excuse de ne pas envoyer son por- lui «« 402 et *03.

dans ses parents les richesses qu'elle conti- trait; mais il lui trace ceiui de son intérieur, "s-

nuait d'abandonner pour l'amour de Jésus- et ne rougit point de se dépeindre tel qu'il se
Christ. Les uns et les autres vêtus de soie et croyait. Il marque bien clairement sa foi sur
ornés, selon leursexe,d'habitsprécieux, s'em- l'existence du péché Je originel, en disant : <(

pressaient de toucher et de baiser le man- sens encore des restes de ce poison fatal que
teau et la rude et sale étamine dont elle élait notre père Adam a répandu sur toute sa
vêtue, et tous s'estimaient heureux de mettre postérité par sa rébellion, » Saint Paulin fut
à ses pieds leurs habits de drap d'or, et de plus docile à la prière que luifit Sévère, de

vêtements, croyant que


les frotter contre ses luienvoyer quelques reliques des saints pour
Dieu leur pardonnerait la complaisance et l'ornement et la consécration de la nouvelle
l'attache qu'ils avaient eue dans leurs ha- église qu'il avait fait bâtir h Prumilli.
Il au-

pouvaient avoir un peu de la pous-


bits, s'ils rait pouvoir lui envoyer une
fort souhaité
sière des pieds et de la crasse des habits partie des cendres de quelques martyrs ;

d^une si sainte femme. Notre petite cabane, mais n'en possédant que ce qu'il lui en fal-
qui est bâtie au-dessus du réfectoire, distin- lait pourdédicace d'une église qu'il avait
la

guée par un petit portique des cellules de aussi fait bâtir,il envoya à Sévère une par-

nos hôtes, se trouva comme élargie par une celle de la vraie croix que Mélanie avait
espèce de miracle, pour recevoir cette nom- donnée à Thérasie, son épouse. Mais, avant
breuse compagnie l'on y entendait distinc-
: de la lui envoyer, il enferma ce trésor dans
tement la voix des vierges et des enfants, qui un petit vase d'or. Il joignit à ce présent une
chantaient les louanges de Dieu dans l'église histoireabrégée de la manière dont la croix
de Saint-Félix qui en est proche, et quoique du Sauveur fut découverte, et des merveilles
ces hôtes n'y fissent pas beaucoup d'atten- qui se firent en cette occasion. « Car si l'on
tion, néanmoins ils n'en troublaient point ignorait , dit-il , cette histoire , il serait diffi-
l'harmonie , et ils observaient les règles de cile de croire que ce bois fût véritablement
notre silence avec une modestie religieuse.» une parcelle de la croix de Jésus -Christ, et
Saint Paulin finit l'éloge de sainte Mélanie l'on se persuaderait aisément que si cette
en disant qu'elle trouvait de la nourriture croix avait été entre les mains des juifs, en-
dans le jeûne, du repos dans l'oraison, et nemis jurés des chrétiens, ils l'auraient brisée
du pain dans la parole de Dieu. « Elle n'a- en mille pièces et jetée au feu, et qu'ils n'au-
vait pour habit qu'une étoffe grossière, pour raient pas eu moins de précaution pour dé-
lit qu'une natte et une couverture de plu- truire la croix qu 'ils en eurent pour sceller le sé-
sieurs pièces, pour couche que la terre dure, pulcre. L'empereur Adrien se persuadant qu'il
qui néanmoins lui paraissait molle ,
par le exterminerait la religion chrétienne, en pro-
plaisir qu'elle trouvait dans la lecture des li- fanant le lieu où Jésus-Christ avait été cru-
vres de piété; car son plus agréable repos était cifié, y fit placer l'idole de Jupiter, et ceUe
d'avoir l'esprit uniquement occupé à penser d'Adonis en Bethléem dans le lieu où le ,

à Dieu. J'ai eu soin, continue saint Paulin en Sauveur était né en sorte que l'on vit des
;

s'adressant à Sulpice, de lui parler de vous hommes adorer les amours profanes des dé-
aide lui apprendre les grâces extraordinaires funts et honorer la mort des impudiques
que vous recevez de Dieu elle vous connaît
: dans le Heu même où lespasteurs, invités par
maintenant, plus par vos paroles que par les le concert des anges , s'étaient prosternés
miennes; car je lui ai lu la Vie de saint Mar- devant le berceau du Sauveur naissant, et
tin que vous avez composée. Je vous ai aussi où le bœuf avait connu celui à qui il est, et isai.1,3.

fait connaître au vénérable et savant évêque râne Vétablede son maître. Cette impiété dura
Nicet, qui est venu de Dace à Rome, où il est depuis le règne d'Adrien jusqu'à celui de
en admiration. J'en ai usé de même à l'égard Constantin, sous lequel sa mère, sainte Hé-
de plusieurs autres saintes personnes, non- lène, s'étant transportée dans la Judée, avec
seulement pour vous procurer de la gloire, des richesses immenses, fit assembler à Jé-
mais aussi pour ménager ma satisfaction; rusalem les chrétiens et les juifs, de qui elle
72 lllSTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
pouvait apprendre le lieu oii Jésus -Christ l'adore à son tour. Ainsi personne ne voit la
avait été attaché à la croix. L'ayant décou- croix que dans le temps qu'on en célèbre le
vert , elle commanda sur-le-champ que l'on mystère. Cependant on la montre quelque-
en creusAt la terre et après que l'on eut
, fois aux pèlerins qui viennent exprès pour

creusé quelque temps, l'on trouva ensemble l'adorer, afin que* la satisfaction que l'on

les trois croix qui avaient été employées donne à leurs pieux désirs, soit comme la
pour le crucifiement de Jésus -Christ et des récompense de leur pèlerinage. Ils n'obtien
deux voleurs. La joie que l'on eut de cette nent néanmoins cette faveur qu'avec l'agré-
découverte, fut troublée par la crainte de ment de l'évêque, qui a seul le pouvoir de
prendre pour la croix du Sauveur, celles qui la montrer et d'en donner quelques par-
avaient servi aux deux larrons. Mais Dieu '
celles aux pèlerins pour fortifier leur foi
ayant inspiré à la princesse de faire cher- et attirer sur eux les bénédictions du ciel.
cher le corps de quelque personne morte de- Ce qu'il y a de plus merveilleux, c'est que
puis peu et de le faire apporter sur le lieu
, cette croix conserve dans une matière in-
on appliqua successivement deux de ces sensible, la vertu et la fécondité d'une chose
croix h ce cadavre qui n'en ressentit aucun
,
vivante, car encore qu'elle soit tous les jours
effet. Dès qu'on lui eut appliqué la troisième diviséepour satisfaire la piété de ceux qui
qui était celle de Jésus-Christ, la mort s'en- en demandent quelques fragments, elle con-
fuit , les funérailles cessèrent, le défunt se tinue néanmoins à paraître toujours entière
leva, à l'étonnement des assistants, et aussi- aux yeux de ceux qui la révèrent. Elle a

tôt qu'il fut délié il marcha en présence d'une sans doute reçu cette vertu cette incorrup-
,

nombreuse compaj^nie. Ainsi la croix du'Sau- tion et cette réparation continuelle, parce
veur qui avait été cachée durant tant de qu'elle a été arrosée du sang qui a coulé
temps la croix que les juifs croyaient dé-
, d'une chair qui n'a point été corrompue
truite et que les païens n'avaient pas trouvée après sa mort. »
en creusant les fondements du temple qu'ils Comme nous l'avons déjà remarqué, saint
bâtirent en ce môme endroit à leurs fausses Cyrille, évêquede Jérusalem, témoigne dans
divinités fut heureusement découverte
, ,
sa dixième catéchèse que de son temps la
quand on la chercha avec piété, et par la même toute-puissance de Dieu ,
qui a multi-
résurrection de ce mort on fut persuadé , plié cinq pains pour nourrir cinq mille hom-
qu'elle était celle de Jésus - Clirist. Sainte mes, multipliait aussi tellement le bois de la
Hélène fit bâtir un temple magnifique dans vraie croix en faveur de la piété des fidèles,
l'endroit où la croix avait été découverte. Ce que les particules de ce bois sacré étaient
bois précieux fut enchâssé richement et posé distribuées par tout le monde.
dans le sanctuaire, où il n'est vu que dans le Saint Paulin voyant que sa lettre n'était
temps de Pâques et de la Passion, lorsque pas remplie y ajoute quelques lignes pour
,

l'évêque de Jérusalem, après l'avoir adoré se plaindre de ce que Sulpice l'avait fait
religieusement, le présente au peuple qui peindre dans le baptistère de sa nouvelle

1 Respexit pias fideliter astantium curas Dominus. episcopus urbis ejus quotannis, cum Pascha Domini
et ipsipolissimum, quœ tam piœ îollicitudinis prin- agitur, adorandum populo princeps ipse venerantium
ceps erat, hujus consilii lumen infudit, ut aliquem promit. Neque prœter hanc diem, qua crucis ipsius
recens mortuum inquiri et inferri juberet. Nec mora, mysterium celebratur, ipsa quœ sacramentorum causa
verbum factuni : cadaver illatum est; deponitur : ja- est, quasi quoddam sacrœ solemnitatis insigne profer-
cenii una de crucibus admovetur et altéra : sed rco-
tur, nisi interdum religiosissimi postulent, qui hac
rum ligna mors sprevit. Postremo Dominicam crucem tantum causa illo peregrinati advenerint, ut sibi ejus
prodit resurrectio, et ad salularis ligni tactum morte revelatio quasi in pretium longinquœ peregrinatlonis
profuga funus excussum,et corpus erectum est; treme- deferatur : quod solum episcopi beneficio obtineri fe-
factisque viventibus stetit mortuus; et funebribus runt : cujus et tantum munere, de eadem cruce hœc
vinculis expeditus illico inter expectatores suos redi- minuta sacri ligni ad magnam fidei et benedictionis
vivui incessit. Ergo crux Domini tôt operta œtatibus, gratiam haberi datur. Quœ quidem crux in matena
et Judœis tempore passionis abscondita, neque gen-
in insensata vim vivam fenens, ita ex illo tempore innu-
tibus in œdificatione fani lerram siiie diibio ad ipsam meris pêne quofidie hominum votis lignum suum
fabricam egerentibus revelata : tienne manu latuit, commodat, ut detrimenta non sentiat, et quasi intacta
ut nunc inueniretur cu,n religiose quœreretur? Ita ut permaneat, quotidie dividua sumentibus, et semper
crucem Christ i decuif, expérimenta resusurrectionis iota venerantibus. Sed istam imputribilem virtutem et
inventa et probata crux Chris ti est ; dignoque mox indetribilem soliditatem de illius profecto carnis sati-
ambitu consecratur, condita in passionis loco basilica, guine ùibit, quœ passa moriem non vidii corruptionem.
quœ arcano positam sacrario crucem servat; quam Paulin., Epist. 31, pag. 197.
fiv ET v siicLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 73

église, vis-à-vis rlu portrait de saint Martin. Comme au milieu de ces


l'autel était placé

« Vous avez, lui dit- il, diminué et peut-être trois voûtes, saintPaulin y lit poser les reli-
perdu entièrement le mérite de vos illustres ques, non -seulement de saint Félix, mais
travaux, et profané, ce semble, un lieu saint aussi celles des apôtres et des martyrs. Les
en y mettant le portrait d'un grand pé- voûtes et les murailles étaient revêtues do
cheur. Néanmoins cette conduite est pru- marbre , et historiées à la mosaïque. Ces
dente et judicieuse; les nouveaux baptisés en peintures représentaient divers mystères ,

voyant mon portrait, connaîtront l'obliga- entre autres celui de l'ineffable Trinité et de
tion qu'ils ont de faire pénitence, et en je- La nef de l'église et tout l'es-
l'Incarnation.
tant les yeux sur celui de saint Martin, ils pace qui du chœur, étaient ac-
était distingué

verront là un parfait modèle de sainteté qu'ils compagnés de deux galeries, soutenues par
doivent copier. » Il lui marque ensuite qu'il une double rangée de colonnes, qui for-
lui a envoyé, suivant ses ordres, des vers sur maient de grandes arcades, et dans chacune
les deux figures qu'il avait fait peindre dans de ces galeries il y avait quatre oratoires ,

son baptistère, le laissant le maître de s'en où ceux qui désiraient méditer la loi de Dieu
servir, s'il le jugeait à propos. Voici les se- et le prier en secret, pouvaient se retirer. Au-

conds :
dessus de la porte d'entrée qui répondait à
la rue ,saint Paulin avait fait peindre une

Riche des biens dn ciel, et pauvre pour lui-même croix, et mis sur le frontispice des vers, pour
St^vère a décoré ces saints fonts de baptême, apprendre à ceux qui entraient, ce qu'elle
Où l'homme de la mort à la vie appelé. signifiait. Il en mit aussi au-dessus de la
Au Seigneur par les eaux se voit renouvelé.
porte de chaque oratoire, et dans tous les
n a peint en ce lieu deux différents modèles
Qui peuvent tour à tour instruire les fidèles :
endroits de l'église où il les crut nécessaires
L'un du grand saint Martin est l'auctuste portrait, pour l'édification des fidèles.
Et l'autre de Paulin a jusqu'au moindre trait. 11 termine cette lettre en s'exhortant mu-
L'un saint et couronné des mains de la victoire.
tuellement, avec Sulpice, à la pratique de
Elève l'innocent an comble de la gloire :

L'autre enseigne aux pécheurs, en donnant ce qu'il toutes les vertus, et surtout à demander que
A ne rien estimer autant que son salut. [eut,] tandis qu'ils bâtissaient l'un et lautre des
édifices visibles à Dieu,il s'en bâtit lui-même

Sévère avait lui-même fait des vers pour un dans leur cœur.
invisible
mettre au-dessus de ces deux peintures, et 25. Alétius frère de Florent évêque
,
^
de ,

.
Lettre à

saint Paulin ne consent à y laisser placer les Cahors, avait écrit à saint Paulin, pour
'
^ le Aiéuus, ca
'
;03, pag. 215.
siens qu'à condition que ceux de Sévère y
,
prier de lui donner quelques instructions
demeureraient, «afin, dit-il, qu'ils paraissent pour son salut et pour celui des autres. On
comme des pierres précieuses en comparai- croit que cet Alétius est le même dont saint
son de ceux que j'ai faits. » Il lui envoya en Jérôme dit dans sa lettre à Algasie «Je suis :

même temps d'autres vers pour l'ornement surpris de ce qu'ayant auprès de vous un
de ses deux églises et d'autres encore en
, fleuve très-grand et très-pur, vous veniez si
l'honneur de saint Clair, patron d'une des loin chercher un petit ruisseau. Le prêtre
deux. 11 y joignit ceux qu'il avait faits pour Alétius, qui n'est pas loin de vous, aurait pu
les églises de Noie et de Fondy. Voici comme répondre de vive voix et fort éloquemment
il décrit la première de ces églises, qui était aux questions que vous me proposez. » Saint
dédiée à la gloire de Dieu, sous le titre et Paulin, connaissant donc la capacité de ce
l'invocation de saint Félix. La face n'en était saint prêtre, lui répond qu'il ne se trouve
point tournée comme le sont ordinairement point en état d'éclairer un homme aussi spi-
celles des autres, du côté de l'Orient; mais rituel. « Car où voulez-vous, lui dit -il, que
elle était tournée vers le tombeau de saint je prenne autant d'eau qu'il en faudrait
Félix. Elle avait trois voûtes une haute et
, pour éteindre votre soif? D'où pourrai -je
deux basses. On préparait sous la basse, qui vous procurer une liqueur assez agréable et
était à droite choses nécessaires au di-
, les qui soit digne de vous être présentée? Plût
vin sacrifice, et lorsqu'il était achevé, les mi- à Dieu que, par l'eificacité de vos prières et
nistres se retiraient avec le prêtre sous celle la douceur de vos lettres, vous puissiez ré-
qui était à gauche pour y rendre leurs ac-
, tablir cette fontaine, et en dissiper l'amer-
tions de grâces et pour y faire leurs prières. tume par le bois de votre foi et l'élégance
74 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
de votre discours. » Cette letii'e n'est pas ve- ces biens temporels, la possession de la bien-
nue entière jusqu'à nous *. heureuse éternité. Il leur met aussi devant
Di.coorssor 26. Selon quelques-uns, malf^ré le refus les yeux le zèle avec lequel saint Paul pour-
l'Aumone, en vi i •

voyait au soulagement des pauvres


i i . .
ioj.pig. 216. (Jedonner à Alotius les instructions qu il lui et ,

avait demandées, saint Paulin ne laissa pas l'exemple de la veuve de l'Evangile, qui, plus
de lui envoyer un discours intitulé Du Tronc : touchée des besoins des pauvres que des
ou l'on doit mettre les aumônes. La raison siens propres , se refusait à elle - même les
qu'ils en donnent, c'est que, dans des manus- choses nécessaires pour les soulager. « Elle
crits, ce discours est adressé à Alétius. Mais donna, dit-il , tout ce qu'elle avait, pour ac-
comme saint Paulin y parle non à une seule quérir ce qu'elle ne voyait pas : elle vida ses
personne, mais à plusieurs, il est visible mains des biens périssables, pour en gagner
composa pour l'instruction de tout
qu'il le d'incorruptibles. Prêtons donc h usure au
un peuple, et il pouvait bien en avoir été Seigneur, continue saint Paulin, prêtons-lui
chargé par l'évèque Paul. Quoi qu'il en soit, de ses propres biens, puisque nous ne pos-
c'est une des plus excellentes productions sédons sur la terre que ce qu'il nous a donné,
de saint Paulin. Le style en est beaucoup et que nous ne vivons que par sa faveur :

plus pur et plus beau (pie celui de ses lettres, donnons-lui nos richesses en les distribuant
et l'on peut dire qu'il se trouve peu de traités aux pauvres, puisqu'il reçoit par leurs mains
sur l'aumône, au-dessus de celui-là. On l'a ce que nous leur présentons. Il désire re-
intitulé du Tronc, apparemment parce que cevoir de nous, plutôt par un sentiment de
dans le commencement de son discours, il libéralité que par un mouvement d'intérêt.
,

parle des troncs que l'on mettait dans les En efltet que peut -il manquer à celui qui
,

églises, comme des tables pour la subsis- donne toutes choses , et qu'a-t-il besoin des
tance et la nourriture des pauvres. « Pen- biens extérieurs, lui qui est essentiellement la
sons dit saint Paulin à ses auditeurs, que
, bonté et la béatitude? S'il désire d'être débi-
ces troncs ne sont pas exposés seulement teur de ses propres bienfaits, c'est afin d'a-
pour être vus, mais pour être remplis, de voir occasion de rendre avec usure ce qu'il
peur que les cris et les gémissements que aura reçu. Ne craignez donc point, n'hésitez
les pauvres, pressés de faim par notre né- point n'épargnez point. Faites violence à
,

gligence poussent vers Dieu ne retombent


, , Dieu ravissez -lui le royaume du ciel. Celui
:

malheureusement sur nous. Demandons- qui défend de toucher aux biens du prochain
nous à nous-mêmes, à quoi doit servir cette est bien aise qu'on lui ravisse le sien, et quoi-
table? Qui est-ce qui l'a fait mettre à l'entrée qu'il condamne l'avarice il loue le pieux ,

de la maison du Seigneur? Pourquoi est-elle larcin qui se fait selon les lumières de la
exposée à la vue de tout son peuple? Re- foi. »
cherchons la cause et le motif pourquoi elle Saint Paulin montre ensuite que si Dieu,
est ouverte et posée dans un lieu éminent. qui est tout -puissant et qui pouvait créer
Si nous consultons les oracles de la vérité, tous les hommes également riches, en a usé
prov.xix, 17.
]e Prophète nous répondra Celui qui fait: autrement, c'est afin d'éprouver quelle serait
charité aux pauvres, prête au Seigneur à in- la disposition du cœur des riches- à l'égard
térêt. Cette table est donc celle d'un banquier des pauvres. Il a permis que les uns fussent
du ciel, qui commerce du trésor de la vie, misérables, pour éprouver la compassion des
et qui fait un échange avec Dieu, pour avoir autres, et il n'a donné aux riches la part de
à peu de frais une pierre très-précieuse; car ses biens qui devaient appartenir aux pau-
celui qui prête aux pauvres du Seigneur, vres, qu'afin que ceux-là les restituant hbre-
doit attendre de lui une récompense éter- ment et avec joie à ceux-ci il eût un motif ,

nelle. » Saint Paulin leur fait ensuite envi- de rendre aux riches durant l'éternité ce ,

sager leurs biens, comme leur étant donnés qu'ils lui auraient donné en la personne des
seulement pour les faire profiter pour l'autre pauvres. C'est ce que saint Paulin confirme
vie, et pour acquérir, par le bon usage de par la parabole du mauvais riche et de La-

Ph. A. Beccheti a donné comme inédite la plus rassemblage de deux épîtrcs de saint Paulin, déjà
grande partie de cette lettre dans les Anecdotes litté- éditées, et elle ne contient rien qui ne fût déjà im-
raires d'Amatius, vol. II, Rome, 1783; mais c'est im primé. {L'éditeur.)
[w ET V SIÈCLES.] ^
CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 7o

zare. Puisil ajoute: u Ne venezdonc point les de ses miséricordes; car comme le feu allumé
mains vides dans la maison de Jésus-Christ. par sa colère bmle jusqu'au fond des en-
,

Les pauvres vous attendent à la porte de fers ,la rosée de sa clémence, jointe à un

l'ëglise ; ils observent votre arrivée , et ils rayon de sa lumière pourra aussi y des- ,

regardent tons pour vous voir. Ceux qui sont cendre pour rafraîchir ceux qui brûlent dans
pressés par la faim, et ceux qui sont dans la les ténèbres ardentes, n II dit, en parlant do

lansnienr vous adressent humblement leurs Jésus-Christ, qu'il a uni deux natures bien
vœux et leurs prières pour recevoir de vous séparées, en unissant en sa personne la na-
quelque soulagement dans leurs maux. Ne ture divine avec notre humanité.
les obligez point h tourner leurs prières en 28. Contrarié de ce que saint Victrice, évê- Lettre à
liint Victrice
de Houeii, en
plaintes. Craignez que leurs gémissements que de Rouen , n'était point venu le voir ti
401, pag. 226.

n'irritent contre vous le père des orphelins, son retour de Rome, comme il l'espérait,
le protecteur des veuves et le Dieu soutïrant saint Paulin lui écrivit pour lui en témoi'
en la personne des pauvres vous devez les ; gner sa douleur. Mais passant des plaintes
aimer, puisqu'ils sont votre prochain par aux louanges, il loue ce saint évêque d'avoir
l'alliance et le droit de la nature. » Les riches surtout souffert avec une patience héroïque
en nourrissant celui qui a faim, n'auront rien les persécutions de ses ennemis. « Leurs
à craindre au jour terrible du jugement, se- coups, lui dit-il, n'ont pas eu plus d'effet que
lon ce qui est dit dans le psaume xl« Heu- : des flèches tirées par de petits enfants, et ils
reux est celui gui a soin des pauvres, le Sei- n'ont pu trouver la moindre plaie dans un
gneur le délivrera au jour de l'affliction. Il y a corps muni des excellentes armes de Dieu;
bien de la différence, quand ils prient seuls car le Seigneur est votre défense et la lu-
pour eux-mêmes, et lorsqu'une foule de per- mière de votre cœur. C'est lui qui vous a
sonnes prient pour eux devant Dieu. « Tan- instruit dans l'esprit de la vérité, afin que,
dis que vous demeurez dans le silence, con- pénétré de la doctrine de saint Paul, vous
tinue-t-il, les pauvres crient pour vous. S'ils soyez comme lui le maître des gentils, et
vous voient, ils vous témoignent des senti- que vous leur annonciez le mystère de Jésus-
ments de joie et de reconnaissance. Ils vous Christ dans la pureté de la foi catholique
regardent comme un champ fertile qui les dont vous faites profession. Vous croyez '
remplit de fruits. Ils prient pour vous dans qu'il y un Dieu, une trinité de personnes,
les églises; vous congratulent dans les
ils toutes trois coéternelles et qui ont la même
places publiques, et enfin, il n'y a point de divinité , lamême substance, la même opé-
lieu où ils ne vous nomment devant Dieu en ration , la même puissance et le même em-
bénissant son saint nom.» pire. Vous croyez que le Père est Dieu ,
que
27. La nouvelle de la mort de son frère le Fils est Dieu, que le Saint-Esprit est Dieu,
causa à saint Paulin une douleur d'autant et que ces divines personnes sont indivisi-
plus vive que celui-ci s'était montré peu soi- blement Celui qui est, qui était, et qui doit .Apocal. I, i.

gneux de son salut. Il en écrivit à saint Del- venir. C'esl lui qui vousa envoyé comme au-
phin son père spirituel pour le prier d'ob-
, ,
trefois Moïse et les Apôtres, pour prêcher
tenir de Dieu, par l'efficacité de ses oraisons, au gentils les biens et les grâces du Sei-
qu'il pût faire couler du plus petit de ses gneur, et leur apprendre, comme vous l'a-
doigts quelques gouttes de rafraîchissement vez appris de Dieu, à joindre l'unité à la
sur l'âme de son frère. 11 demanda la même trinité, sans confondre les personnes; h
grâce à .Amand, et à peu près dans les mêmes distinguer la trinité de l'unité sans di- ,

termes, c Obtenez-lui,
par vos prières,
dit-il, viser la substance en sorte que ces trois
;

que le Dieu de bonté fasse couler sur l'âme personnes ne sont qu'un seul Dieu quoi- ,

de ce défunt quelques gouttes de la rosée qu'elles soient distinguées l'une de l'autre ;

' Cum ergo


fides et confessio tua, ui credimus atque irinitatem ipsius unitafis sine separaiione distinguens,
confidimus, coœtemam irinitatem imius divinitatis et ita utnulla alteri persona conveniat, et in omni per-
substantiœ, et operis et regni esse testetur; cumque sona trium Deus unus eluceaf, et tantus quidem Filius
Patrem Deum, et Filium Deum, Spiritum Sanclum
et quantus et Pater, quantus et Spiritus Sanctus, sed
Deum, ut est, qui est, et erat venturus est. qui
et semper quisqiie sui nominis proprieiate distindus, in-
misit te sicut Morjsen et Apostolos evangelizare genti- dividuam retinet in virtutis et gloriœ œqualitate con-
bus bona Domini : quod ita ut ipse a Deo doc tus es, cordiam. Paulin., Epis. 37^ pag. 229.
doces, unitatem trinitatis sine confusione jungens, et
76 niSTOmE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
que le Fils est aussi grand que le Père et le d'intelligence selon l'état naturel qu'elle a
,

Saint-Esprit, qu'encore que chacune de


et reçu de Dieu en sa création autrement :

ces trois personnes ait son caractère parti- nous tomberions dans l'erreur d'Apollinaire,
culier qui la distingue des autres, elles ont si nous disions que cette nature humaine,

une union inséparable dans l'égalité de unie à la personne du Verbe divin n'a pris ,

grandeur, de puissance et de gloire. Vous qu'une âme sans esprit et sans intelligence,
croyez aussi et vous enseignez aux autres pareille à celle des bêtes. Car il était néces-

que Jésus-Christ est tellement Fils de Dieu, saire que le Fils de Dieu, qui est la vérité
que vous ne rougissez pas de confesser qu'il même, et le créateur de l'homme, en s'unis-
est aussi Fils de l'Homme et qu'il est aussi , sant à notre humanité , prît tout ce qui était
véritablement homme en noire nature, qu'il de l'homme, et tout ce qui compose la na-
est vraiment Dieu en la sienne; qu'il est le ture humaine, pour nous sauver pleinement;
Fils de Dieu devant tous les siècles, parce le salut serait nul s'il n'était plein et entier.»
qu'il est Dieu et le Verbe de Dieu qui était Ce détail des dogmes de la religion ne sem-
dès le commencement en Dieu et le vrai , ble-t-il pas marquer que les ennemis de saint
Dieu aussi puissant que son Père et agis-
, , Victrice l'avaient attaqué dans sa foi ? Saint
sant indivisiblement avec lui car toutes ; Paulin ajoute «L'épreuve que Dieu a faite
:

choses ont été faites* par lui. et rien n'a été de votre fidélité a merveilleusement servi
fait sans lui. Vous confessez qu'il a pris toute p-^ur exciter les fidèles à pratiquer les vertus
notre humanité devenu un
, et qu'il est de l'Evangile ; ils ont tous été beaucoup édi-
homme parfait en prenant par bonté pour
, fiés de votre constance et de voir que la ,

nous un corpset une âme comme les nôtres; grâce de Dieu paraissait avec éclat dans vos
il a pris aussi une âme raisonnable ornée actions aussi bien que dans vos paroles ^ »

1 Victrice avait été appelé dans la Grande-Bretagne ment fut achevé. Il nous a laissé une description de
pour apaiser des troubles élevés parmi les évêques cette cérémonie dans le discours qui nous occupe.
de ce pays. Par sa patience et sa charité, il y réta- Il y prend la défense des vierges et des veuves con-

blit le calme et la paix. Victrice revenait dans son tre l'hérésie de Jovinien, qui avait été condamné
diocèse quand il apprit que saint Ambroise et quel- depuis peu dans les conciles de Rome et de Milan.
ques autres évêques envoyaient des reliques, et
lui Il j oppose aux ariens une profession de foi fort
que celui qui les apportait était peu éloigné de Rouen : exacte sur la Trinité ; il s'y félicite d'avoir la même,
il alla au-devant de lui par respect. Il n'y avait pas foi que les apôtres et les martyrs, et il y ajoute que
longtemps qu'il avait reçu, probablement par la dans la peine ou dans la joie elle peut nous obtenir
même voie, des reliques de saint Jean-Baptiste, de la grâce et le salut. En décrivant la procession qui
saint André, de saint Thomas, de saint Luc, de saint se fit pour cérémonie de la translation, il dit
la :

Gervais, de saint Protais et de saint Agricole. La « Ici se présente en foule la troupe des moines, exté-
nouvelle caisse en contenait une plus grande quan- nuée par les jeûnes, là de nombreux essaims d'en-
tité; il y en avait de saint Jean l'Evangéliste, de fautâ innocents font retentir les airs des sons joyeux
saint Procule de Bologne, de saint Antonin de Plai- de leurs voix; ici le chœur des vierges dévotes porte
sance, des saints Muce, Alexandre, Datis et Chindé, l'étendard de la croix, là se joint une multitude de
et des saintes Rogate, Léonide, Anastasie et Anatolie. continents et de veuves. » Il exhorte les fidèles à
Victrice nous noms de tous ces
donne lui-même les regarder les martyrs comme leurs protecteurs. « Il
saints, dans le en cette occasion.
discours qu'il fit nous faut, dit-il, embrasser dévotement ces précieux
Ce discours a été pubUé sans nom d'auteur parmi restes des supplices et y chercher, comme l'hémor-
les œuvres de saint Ambroise, de l'édition des Béné- rhoïses, à la frange de l'habit du Sauveur, la guérison
dictins, tom. 11. Mais le savant abbé Lebœuf, dans de nos plaies. » Il ajoute, en parlant de lui-même :

l'ou-^Tage français uititulé Recueil de divers écrits, etc., « Vous voyez devant vous et à votre service, un
Paris, 1738, deuxième volume, prouva que ce dis- soldat éprouvé par les amiées, vieiUi dans les com-
cours était l'œuvre de saint Victrice. Dans un ancien bats, endurci à la fatigue et aux veilles.... qui n'es-
manuscrit de l'abbaye de Saint-Gall, l'auteur de ce time la vie présente que par ses rapports à l'éternité,
discours se nomme lui-même Sed quod ego pauper : et qui ne se croit jamais plus riche que lorsqu'il a
Viciricius cultor tester est. Et ailleurs Bis ad Rotho- : les mains chargées des reUques des saints... Leurs
magensem sancfi veniunt civitatem.
Ce discours a dû domiciles sont dans le ciel; mais ils sont ici comme
être prononcé vers l'an 396 car saint Ambroise fit
; des hôtes à qui nous pouvons adresser nos prières. »
la découverte des reUques de saint Gervais et de Il montre que le don des miracles et le gage de
saint Protais, à Milan, après la mort de l'empereiu- leur ferveur ne sont pas moins dans les petites par-
Théodose, arrivée le 17 janvier 395, celles de saint ties de leurs rehques que dans le tout. Saint Victrice
Nazaire et de saint Celse, peu de temps après, et il mourut vers l'an 415, ou, selon Galland, avant
mourut en 397. Saint ^'ictricp, pour placer conve- l'an 409. Son discours se trouve dans Galland, Bi-
nablement les reliques qu'on lui envoyait, bâtit une bliothèque,tom. VIII, pag. 228-34, ùa.m\d. Patrologie
église dans sa ville èpiscopale, et il en fit la transla- latine de M. Migue, tom. XX, col. 437 à 458, avec
tion avec beaucoup de solennité, lorsque le bâti- les prolégomènes de Galland, la préface de Lebœuf.
[•jye
ET ye SIECLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 7?

29. Dans la lettre suivante, saint Paulin infinité de fois dans les cruels et divers tour-

félicite un de ses amis, nommé Apre, de ce ments des martyrs. C'est lui qui souffre en-
qu'après avoir vécu dans la corruption du core dans nos faiblesses, nos maladies et nos
monde, il commençait à être chrétien, et de persécutions afin de les dissiper et de les
,

ce qu'après avoir fait les fonctions d'avocat changer en une force invincible. »
de juge d'une manière à se faire craindre 11 lui représente que comme l'orgueil d'A-
et
et redouter du public, il avait rejeté avec dam nous a fait tomber, il est nécessaire que
mépris cette sagesse que le monde estime, nous soyons humiliés avec Jésus-Christ, afin
mais qui est méprisée de Dieu et de ce , d'effacer cet ancien péché par une vertu qui
qu'il avait préféré la compagnie des hum- «Nous avons, dit-il, ofl'ensé
lui est contraire.

bles disciples de Jésus- Christ à celle des Dieu par une orgueilleuse élévation, nous
sages superbesdumonde.il le félicite encore pouvons nous réconcilier avec lui par un
de ce que, depuis sa conversion, il croyait humble abaissement. La sa gesse des chrétiens
très -fermement, et qu'il tâchait même d'en consiste dans la folie de la prédication de
persuader les autres, que Jésus-Christ est le l'Evangile, leur force dans la faiblesse de la
seul Seigneur, le seul Dieu et le vrai Fils de chair, et leur gloire dans le scandale de la
Dieu, engendré avant tous les siècles. Tout croix... Le grand jour du jugement appro-
cela ne convient guère à saint Apre, évéque che, dit-il encore et chaque heure nous fait
,

de Toul, qui, selon le Légendaire reçu dans '


avancer vers ce dernier jour; le Seigneur
ses Eglises fut dès son enfance très-instruit
, emploie tous ses soins pour nous faire pré-
de la religion catholique et saint dans tous , venir les formidables effets de sa colère, et
les âges de sa vie. On ne voit pas bien d'ail- nous dégager de la pernicieuse compagnie
leurs comment le faire contemporain de saint de ceux que l'Evangile appelle une race de
Paulin à moins de le placer avant saint
, vipères; c'est dans ce but qu'il fait tous les
Urse, évêque de la même ville, qui vivait jours beaucoup plus de miracles dans toutes
vers 500. Apre, dont parle saint Pauhn, était les parties du monde, qu'il n'en faisait aupa-
marié et s'élait retiré à la campagne avec ravant, afin de faire connaifre qu'il veut
Amande, sa femme, pour y servir Dieu plus sauver tous les hommes. » Saint Paulin dit
parfaitement. Ce changement de vie lui à Apre « Si vous prenez plaisir à demeurer
:

attira les railleries des gens du monde eu , dans la retraite et le silence de la campagne,
sorte que ceux qui l'avaient aimé, commen- ce n'est pas apparemment que vous préférez
cèrent à le haïr. Saint Paul l'exhorte à souf- l'oisiveté au travail, ni parce que vous vou-
frir constamment les reproches piquants de lez vous rendre inutile au service de l'Eglise;
ses anciens amis. «Ce n'est pas vous, lui mais c'est plutôt pour éviter les assemblées
dit- il que les mondains haïssent c'est Jé-
,
, ecclésiastiques, où il se trouve aujourd'hui
sus-Christ qui commence à demeurer en presque autant de confusion et de trouble
vous c'est l'humilité qu'il a formée en vous
;
que dans celles où se traitent les atfaires du
qu'ils méprisent, et c'est la chasteté qu'il siècle. Vous vous préparez pour servir un
vous a inspirée qu'ils ont en horreur. Con-
,
jour l'Eghse dans ses plus impoi-tants be-
sidérez avec joie que, par ce mépris du soins; vous vous appliquez par un conseil
monde, vous entrez en partage du bonheur très-sage à l'étude des saintes Lettres, dans
accordé aux Prophètes et aux Apôtres. C'est la solitude si favorable à cette occupation, et
ainsi que Jésus- Christ soutire dès le com- vous y formez Jésus-Christ en vous. De cette
mencement du monde dans tous ceux qui soi'te, on pourra s'assurer que vous ne serez

sont à lui. Il a été tué en la personne d'Abel, pas entré dans le sacerdoce par une voie hu-
et moqué en celle de Noé. Il est devenu pè- muine, mais par la vraie vocation de Dieu.»
lerin avec Abraham, victime avec Isaac, ser- Saint Paulin lui écrivit une seconde lettre
viteur avec Jacob, captif avec Joseph, ex- où il lui marque qu'il n'avait pas lieu de
posé avec Moïse, lapidé et scié avec
et fugitif craindre, comme il le lui avait écrit, que le
les Prophètes, persécuté sur la terre et sur la soin qu'il était obligé de prendre du bien de
mer avec les Apôtres, torturé et mis à mort une ses enfants ne l'attachât trop à la terre et

Voyez les Vies des saints, par Butler, traduites par est,ut puer optimœ indolis multarum magnarumgue
Godescard, au 7 du mois d'août; nous y avons pris virtutum, ab ipsa prope infantia spécimen dederit,
une partie de cette note. (L'éditeur.) etc. Ureviar., in foslo S. Apri.
' Parenlem cura et domesticis exemplis e/fectum
78 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
ne fût uii obstacle au désir qu'il avait d'ac- corps , et la ferveur de ses prières. Il trouve
quérir le ciel. «Vous devez, au contraire moyen d'interpréter favorablement les pa-
lui dit- il, regarder ce devoir comme une roles avantageuses que Sanctes et Amand
conduite particulière de Dieu sur vous, qui avaient dites de lui , et croit même qu'ils en
se sert de ces moyens pour exercer votre foi, recevront la récompense : « Car, leur dit-il,
et rendre votre vertu plus parfaite. » la croyance que vous avez que, de corrom-
i.eitres 4 30. La Icttrc à Sanctes et à Amand, diffé- pus que nous étions par le commerce du
aS/U
405, pag. 24o
rent de celui qui fut prêtre et ensuite évê- siècle, nous sommes devenus vertueux, vous

^^^^ j^ Bordcaux , est au nom de saint Pau- fait louer la bonté de Dieu, qui seul peut

lin ,
qui se nomme Mérope
aussi et au nom
, justifier les impies, ressusciter les morts,

de Tliérasie, sa femme. Le but de cette lettre éclairer les aveugles et blanchir un nègre.
est de dégager Sanctes et Amand des liens Priez-le donc qu'après nous avoir donné du
qui les tenaient encore attachés au monde. mépris pour nos biens temporels il nous ,

Les exhortations de saint Paulin eurent leur inspire aussi d'en avoir pour nous-mêmes. »
eiiet, et ces deux amis, comme pour lui en Dans une autre lettre que saint Paulin
témoigner leur reconnaissance lui écri- , à Sanctes aussitôt après la précédente,
écrivit

virent une -grande lettre dans laquelle ils il remercie des hymnes qu'il lui avait en-
le

faisaient l'éloge de sa vertu. Le saint leur voyées, et parce qu'il lui marquait dans ces
répondit avec beaucoup d'humilité, les priant hymnes robligation où nous sommes de pré-
de ne pas lui donner une autre fois des parer et de remplir nos lampes, pour n'être
louanges qu'il ne méritait pas. « Nos ini- pas exclus du royaume des cieux, saint Pau-
quités, leur dit-il , sont beaucoup plus nom- lin donne dans sa lettre une expUcalion mo-
breuses que nos bonnes œuvres nous avons : rale de la parabole des dix vierges : les
ajouté péché sur péché, et nous avons in- vierges folles sont le symbole des âmes qui
cliné les yeux vers la terre, au lieu de les sont stériles envers Dieu, et celles qui sont
élever au pour implorer le secours de
ciel, sages et prudentes , représentent les âmes
Dieu, qui seul peut guérir nos langueurs. 11 qui ne se laissent point corrompre par les
est vrai que comme nous avons été malheu- vices.
reusement engagés dans les liens du péché 31 . Vers le même temps, c'est-à-dire vers
par Adam, nous en sommes heureusement l'an 403, saint Paulin répondit à une lettre

dégagés par Jésus -Christ; si toutefois nous qu'il avait reçue d'un nommé Florent, qui,
avons autant de zèle et de ferveur pour faire selon les plus anciens manuscrits, était évè-
les bonnes œuvres qui peuvent contribuer que de Cahors. Il y fait l'éloge de son mérite
à notre salut que nous avons eu de
,
et de sa vertu; il l'assure qu'en lisant sa
chaleur et de passion pour faire, celles lettre, il avait goûté la saveur dn sel aposto-

qui nous donnaient la mort. Nous avons lique et de la grâce qu'il avait rerue avec
tous les cheveux blancs non par l'etfet de , plénitude. » Il appelle Jésus-Christ la pierre
quelque maladie mais par les suites de la
, fondamentale et le thef de l'Eglise, qui est
vieillesse néanmoins nous sommes si peu
;
son corps mystique, et dit que cette pierre
avancés dans la vie spirituelle, que, n'aj^ant ayant été percée d'une lance, a versé du
pas encore la force de marcher dans le che- sang et de Teau, pour faire couler sur nous
min de la vertu, nous ne faisons que ramper l'eau de la grâce par le sacrement du bap-
comme de petits enfants. » tême, et nous donner le sang de Jésus-Christ
Il donne ensuite l'explication de quelques par celui de l'Eucharistie, afin que l'un et
versets du psaume cx« dans lesquels il est , l'autre fussent la source et le prix de notre
question de trois oiseaux, du péUcan, du hi- salut.
bou et du passereau. Selon saint Paulin, ils 32. On voit par la lettre à Didier, que saint Lell

représentent l'état d'un homme pénitent


Didic]
Pauhn avait donné quatre lettres à Victor qui pag 2

qui, désirant de se relever d'une grande en deux petites et deux gran-


fut le porteur,
chute, ne se soutient que par la vertu de des, tant pour Didier que pour Sulpice Sé-
l'espérance, d'un homme qui, se voyant privé vère. Des quatre, il ne nous en reste qu'une,
de la grâce et de tous les biens spirituels, dans laquelle saint Pauhn dit, en parlant du
lâche de satisfaire à la justice de Dieu, et figuier que le Sauveur fit sécher par son im-
d'obtenir ses miséricordes par les gémisse- précation « Ce figuier était la figure des
:

ments de son cœur, la mortification de son chrétiens qui doivent avoir des fruits de
[iV» ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 79

bonnes œuvres à tout âge et en tout temps, l'Eglise d'Hippone, nommé Quinlus , le pria

et non-seulement en quelque saison; de peur de lui dire ce qu'il pensait de l'occupation


que Jésus -Christ venant chercher en eux, des bienheureux dans le ciel, après la résur-
par une mort imprévue, ces fruits, et n'en rection des corps. Saint Paulin dans la ré- ,

trouvant point ne prononce contre eux la


, ponse qu'il lui fit, le remercie d'abord du
même sentence, qu'il rendra contre les ré- présent qu'il lui avait fait et qu'd avait reçu
prouvés au jour du dernier jugement. » à Rome où il était allé après les fêtes de Pâ-
33. La lettre à Apre et à .\mande, sa ques de l'an 408, pour y honorer, selon sa
femme qui était devenue sa sœur depuis
,
coutume, les tombeaux des Apôtres et des
qu'il avait été ordonné prêtre, est un éloge Martyrs. Il fait ensuite l'éloge de la bienheu-
de la vie sainte qu'ils menaient ensemble. reuse Mélanie, la mère, dont il savait que

Saint Paulin , en représentant de quelle ma- saint Augustin avait admiré la constance et
nière Amande se comportait à l'égard de son la rare piété. Il dit aussi quelque chose à la
mari, nous apprend que les femmes qui de- louange de son fils Publicola mort depuis ,

meuraient avec leurs depuis qu'ils


maris , peu de temps, et dont la perte causait tant
avaient été promus aux ordres sacrés, bien de peine à sa mère, dans la crainte que la
loin de leur inspirer de la mollesse, et de les mort ne l'eût surpris lorsqu'il était encore
porter aux plaisirs ou à amasser des riches- engagé dans les vanités du siècle, et parce
ses, leur inspiraient au contraire le détache- qu'il n'avait pas quitté ce faste qui accom-
ment et la mortification. Elles se chargeaient pagnait ordinairement la dignité de séna-
de toutes les att'aires de leur famille, pour teur. « Cette sainte femme, ajoute- t-il , au-
leur laisser la liberté de s'occuper entière- rait souhaité que ce jeune seigneur se fût
ment des louanges de Dieu et du salut des trouvé l'empli de toutes les richesses spiri-
âmes. Saint Paulin souhaite à ses deux cor- tuelles qu'elle désirait pour elle avec avi-
respondants que leurs enfants deviennent les dité qu'il eût passé de la grâce de sa con-
;

imitateurs de leurs vertus, et encore qu'il version à la gloire de sa résurrection et ,

ne doute pas du soin qu'ils prenaient l'un et qu'ayant, comme sa mère, préféré le sac et
l'autre de les élever pour Dieu, il ne laisse le cilice à la pourpre de sénateur, et un mo-
pas de leur donner quelques conseils sur leur nastère à l'éclat et à la pompe du Capitole
éducation. «Qu'ils soient, dit-il, nourris il eût été plus en état d'entrer avec elle dans
comme les enfantsdes prophètes, qui, pour le repos des élus.» Cependant Publicola était
éviter le tumulte et la confusion des villes, parti de ce monde , comme le dit ensuite
et pour jouir de la paix et de la douceur du saint Paulin, assez enriclii de bonnes œu-
silence, se retirèrent dans la sohtude, et se vres ,
pour nous persuader qu'encore qu'il
bâtirent de petites loges sur le bord du Jour- ne fit point paraître à l'extérieur toute l'hu-
dain. Qu'ils soient consacrés à Dieu comme milité de sa mère, il n'en avait pas moins à
les enfants d'Aaron, je ne dis pas comme l'intérieur.
ceux qui, ayant apporté dans le tabernacle et Après quelques lignes consacrées à la
sur l'autel du Seigneur un feu étranger, mé- louange de Publicola, saint Paulin vient à la
ritèrent d'être consumés par le feu du ciel; question que saint Augustin lui avait pro-
mais qu'ils soient comme Eléazar et comme posée «Je crois, dit- il, que les bienheu-
:

Ithamar, qui méritèrent d'être les perpétuels reux loueront Dieu, non- seulement en es-
successeurs de la dignité pontiticale de leur prit, maisaussi parle concert et l'harmonie de
père, parce qu'ils avaient été les dignes hé- leurs voix, quoique leurs corps aient changé
ritiers de sa piété. Il me semble que celui qui d'état par la résurrection, et qu'ils soient
ose approcher des autels du Seigneur avec élevés à l'état immortel et glorieux dans le-
un cœur embrasé du feu de ses passions, quel celui du Fils de Dieu est entré eu sor-
commet le même sacrilège, et qu'il allume tant du sépulcre. Il a bien voulu exposer aux
un feu étranger devant Dieu qui ne peut , yeux de ses disciples, après la résurrection,
soutinr d'autre feu que celui dont il a parlé le même corps dans lequel il avait souffert,
quand il a dit Je suis venu apporter le feu
: comme une image du bonheur qu'auront les
sur la terre, et que désiré-je, sinon quil nôtres, et, en leur présence, il a rempli, à
brûle? n l'aide des organes de son corps, les mêmes
34. Saint Augustin, en envoyant un de ses fonctions que durant sa vie, pour leur per-
ouvrages à saint Paulin par un diacre de suader que c'était le même qu'il avait en
80 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
mourant. Si l'on dit que les anges qui sont les anges ont un langage propre à leur na-
des créatures purement spirituelles ont des , ture néanmoins on pourrait dire que l'A-
,

langues, et qu'ils chantent continuellement pôtre a voulu signifier par ces paroles, la fa-
les louanges de Dieu, leur créateur, et lui cilité de parler toutes les langues, qu'il met

rendent des grâces éternelles, à combien au rang des dons du Saint-Esprit. Sur la fin
plus forte raison devons-nous croire que les de sa lettre saint Paulin s'excuse du grand
,

saints en auront dans ce bienheureux état nombre de ratures « Je n'ai pas, dit -il le: ,

où leurs corps, quoique glorieux, conserve- temps de transcrire cette lettre parce que ,

ront leurs organes et l'usage de leurs mem- Quintus, qui doit en être le porteur, se presse
bres ,et qu'ils emploieront leurs langues à extrêmement de partir.»
chanter les louanges de Dieu et à exprimer , 35. Rufin, prêtre d'Aquilée, ayant vu une
par des sons et des paroles la joie et les traduction des œuvres de saint Clément par
sentiments de leur cœur. Peut-être même saint Paulin, et ne la trouvant pas conforme
que Dieu ajoutera au bonlieur et à la gloire à l'original grec, lui en donna avis. Ce saint
de ses saints, que leurs voix et leurs langues l'en remercia avec beaucoup d'humilité, et
seront capables de chanter ses louanges lui témoigna en même temps le désir qu'il
d'une manière d'autant plus charmante et avait de l'avoir pour maitre dans la langue
plus délicieuse que leurs corps seront dans
,
grecque, «afin, lui dit-il, que vous suppléiez
uu état plus pur et plus heureux. Ces corps, de- à ma pauvreté par l'abondance de vos ri-
venus comme spirituels, ne loueront plus Dieu chesses. Il prie Rufin dans la même lettre
))

avec le langage des hommes, mais avec celui de lui expliquer le passage de la Genèse qui
des anges, que saint Paul entendit lorsqu'il nous représente la bénédiction que Jacob
fut transporté dans le paradis. De là encore donna à Judas, et surtout l'endroit où ce
II Cor. XII, 4. ces expressions de l'Apôtre Ces paroles sont: saint patriarche dit, suivant la version des
ineffables aux hommes; il veut nous apprendre Septante ,
que saint Paulin suit ordinaire-
qu'enti'e les récompenses des bienheureux, ment : // lie7^a son unon à la vigne, et le petit
Dieu leur donnera de nouvelles langues que de son ânesse au lierre. Rufin fit ce que l'on
nous ne pouvons parler ni entendre durant souhaitait de lui , et envoya son explication
la vie présente, et qui ne conviennent qu'à à saint Paulin ,
qui l'ayant trouvée de son
Ps.li. Lxiv. n. cet état d'immortalité dont il est dit, qu'//s goût, le pria dans une seconde lettre d'expli-
pousseront des cris de joie , et qu'ils chanteront quer de la même manière les autres béné-
des cantiques.Mais où les chanteront-ils, sinon dictionsdonnées par le même patriarche à
dans le ciel où ils seront avec le Seigneur,
, ses autres enfants. Le prêtre Didier avait
jouissant d'une paix délicieuse et se réjouis- demandé cette explication à saint Paulin, qui
sant devant le trône de l'Agneau? C'est là aima mieux lui répondre par les paroles de
qu'ils mettront à ses pieds leurs coupes et Rufin, « dictées, dit-il, de l'Esprit de Eieu.»
leurs couronnes, qu'ils chanteront à sa gloire 36. On trouve dans saint Grégoire de Tours '

un cantique nouveau avec les auges, les le fragment d'une lettre où saint Paulin fai-
vertus, les dominations les trônes, les ché-
, sait l'éloge de plusieurs évoques des Gaules,
rubins et les séraphins , et qu'ils diront tous recommandables et par leur piété et par leur
ensemble avec les quatre animaux de l'Apo- zèle pour le maintien de la rehgion, et la pu-
y\poMi. V, a. calypse : Saint, Saint, Saint le Seigneur des reté de la foi. Il nomme entre autres Exupère,
armées, et le reste que vous savez. » évêque de Toulouse; Simplicien, de Vienne;
Voilà ce que saint Paulin pensait sur la Amand, de Bordeaux; Diogéniau, d'Alby;
question qui lui avait été proposée. 11en fait Dyane, d'Angoulême; Vénérand, d'Auver-
une autre à saint Augustin, et le prie de lui gne; Alétius, de Cahors, et Pégase, de Pé-
dire son sentiment sur les voix éternelles des rigueux.
créatures célestes, et même de celles qui 37. le temps où fut
Nous ne savons pas
Font élevées au-dessus des cieux et qui as- de saint Paulin à Macaire
écrite la lettre ,

sistent devantle trône du Très-Haut, et quels préfet de Rome mais on croit que c'était
;

sont leurs organes? Car quoique ces paroles déjà pendant son épiscopat. Voici quelle en
de l'Apôtre Quand je parlerais le langage des
: fut l'occasion Un païen ou catéchumène,
:

hommes et des anges, semblent insinuer que nommé Valgius , pilote d'un vaisseau appar-

J Grogor. Turron., lib. 11 Hislor. Franc, cap. xm, pag. 66 et 67.


[lY* ET V SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 81

tenant ù an chrétien qui se nommait Secon- pensait saint Augustin, qu'à son propre sen-
dinien, après avoir essuyé une eiiVoj'able timent. Voici ce qu'il dit sur ces paroles de
tempête durant vingt -trois jours, et après saint Siméon à la sainte Vierge, sur lesquelles
avoir perdu tout son équipage, aborda avec ildemandait aussi quelque éclaircissement à
sa charge néanmoins, par le secours de Jé- saint Augustin Votre âme sera percée par une
'

: luc. h, 3».

sus-Christ qui apparut sous la figure de


lui épée etc. « Saint Siméon ne dit point voti'e
,

saint Félix. Le lieu où il aborda était sur les corps, mais votre âme, qui est la source et le
côtes de la Lucanie ou de la Calabre, et ap- centre de l'amour aussi bien que de la dou-
partenait à Postumien, sénateur romain. Le leur. C'est dans l'âme qu'elle se fait sentir
receveur de Postumien se saisit aussitôt du beaucoup plus vivement que dans le corps,
vaisseau, et en enleva toute la charge qui soit que cette douleur se répande aussi quel-
appartenait partie au fisc et partie à divers quefois sur le corps, comme elle se fit sentir
particuliers. On
des plaintes de ce bri-
fit à celui de Joseph, lorsqu'il fut exposé non
gandage au gouverneur de la province, qui à la mort, mais à la calomnie, quand il fut
commanda aH receveur de rendre ce qu'il vendu comme un esclave, chargé de chaînes,
avait pris ; mais celui-ci s'en défendit à force et enfermé dans une prison comme un cri-
ouverte, puis s'entuit à Rome. Secondinieu minel soit qu'elle soit purement intérieure
;

l'y suivit avec Valgius ou Victor; car saint et seulement dans l'âme, comme a été celle
Paulin, en le baptisant après son naufrage, de la sainte Vierge, qui fut conduite auprès
luidonna ce nom qu'il avait déjà reçu de de la croix par la tendresse de l'amour ma-
Dieu même au milieu des dangers de la ternel qu'elle avait pour le corps de son cher
tempête. Saint Paulin les chargea l'un et fils, afin de répandre sur lui des larmes après
l'autre d'une lettre pour Macaire, préfet de sa mort , et d'avoir soin de le faire ense-
celte ville, dans laquelle il le priait d'engager velir. » Saint Paulin ajoute que l'on ne peut
Postumien à faire rendre ce que son rece- prendre à la letti^e ces paroles « Car, dit-il, :

veur avait pris. « Comme je connais, lui dit- on ne lit dans aucun auteur que la sainte
il, votre cœur, je suis certain que vous em- Vierge ait fini sa vie par une mort violente,
ploierez vos soins et votre charité en faveur et qu'ainsi il faut entendre cette épée de la
de Secoudinien, et que vous ne soufirirez même manière que l'on entend ce que le
pas qu'un méchant homme inspiré du dé- Psalmiste dit de Joseph: On lui mit les chaînes v»\. civ, m.

mon, ravisse à son légitime possesseur un aux pieds ; son âme fut pénétrée de la douleur
navire que Jésus-Christ n'a sauvé du nau- de ses fers; c'est-à-dire, Marie fut percée spi-
frage que pour être rendu à qui il appar- rituellement par l'épée de la parole de Dieu,
tient. » Saint Paulin fait de ce naufrage et de qui, selon l'Ecriture, est un feu et une épée.»
toutes ses circonstances une description très- Saint Pauhn parle dans la même lettre d'une
agréable et très -naturelle, et quoique ce autre question qu'il avait proposée à saint
qu'il y dit des apparitions faites à Victor, et Augustin savoir, quelle forme et quelle fi-
,

de la manière miraculeuse dont il fut sauvé gure auraient nos corps après la résurrec-
par le ministère de saint Félix ou sous sa fi- tion. Saint Augustin y répondit; mais saint
gure paraisse extraordinaire on n'en peut
, , Paulin n'ayant pas reçu cette réponse ou ,

révoquer eu doute la vérité après le témoi- l'ayant perdue, le pria de lui en envoyer une
gnage qu'il en rend à Macaire eu ces ter- copie.
mes « Si mou discours vous a causé de
: 39. Saint Paulin se qualifieévêque dans Lettre à

l'ennui et du dégoût par sa trop grande lon- le titre de Eucher et ù


la lettre qu'il écrivit à ^^"l'i^^; Vers

gueur, je crois que la vérité de cette his- Galla; ainsi on ne peut la metti'e au plus tôt îiî^ p*g" a^T.

toire eu aura adouci l'amertume. » que sur la fin de l'an 409. Mais ce qui y est
^„^^ ^ 38. On met vers l'an 410 ou 411 la lettre , dit de trois disciples de saint Honorât qui

!'vm^ran 'ï^*^ s^'i^t Paulin écrivit à saint Augustin étaient venus le voir à Noie ne peut guère ,

i.pag.293.
pour lui demander des éclaircissements sur se rapporter qu'à l'an 412 ou 413, temps au-
divers endroits des Psaumes, des Epitres de quel les Goths sortirent dltalie, après l'avoir
saint Paul et de l'Evangile. Il ne laisse pas ravagée pendant les années 410 et 411. On
de lui marquer ce qu'il pensait lui-même du ne peut non plus mettre cette lettre plus tard
sens que l'on devait donner à ces passages qu'en 426, puisque saint Honorât n'était en-
embarrassés mais il témoigne qu'il aimait
;
core que prêtre lorsque saint Paulin l'écrivit,
beaucoup mieux s'en rapporter à ce qu'en et qu'il fut fait évoque d'Arles en 426. C'est

VIII. 6
82 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
une lettre de civilité chrétienne. Il dit à Eu- cuteurs, et ne voyant point de moyen d'é-

clier et à Galla qu'il appelle ses très-saints chapper de leurs mains, il se jeta dans le
enfants : « Comme connaissance ne
notre Rhône ^ par l'inspiration du Saint-Esprit, et
s'est point formée par sentiments de
les le traversa à la nage. L'exécuteur le suivit,

la nature ni de la manière ordinaire que se et l'ayant atteint sur l'autre côté de ce ilcuve,

fait l'amilic, mais seulement par les lu- il lui ôla la vie d'un coup d'épée. Les fidèles

mières et les mouvements de la grâce qui voulant que le martyre de ce saint sanctifiât
nous a unis dans le sein de Jésus -Christ, les deux rives du Rhône, transportèrent son
nous avons lieu de croire que cette union corps du côté qui avait reçu son sang à l'au-
étant fondée sur Jésus-Clirist sera invaria- , tre, et l'enterrèrent auprès des muraillas de

ble car quelle force ou quel oubli pourrait


;
leur ville.
diviser ce que Uieu a parfaitement uni? » 11
ARTICLE IIL
souhaite qu'ils vivent longtemps l'un et l'au-
tre dans une parfaite union conjugale et DES POÈMES DE SAINT PAULIN.
qu'ils aient la satisfaction de voir leurs en-
fants bénis de Dieu, 1. On met avant l'an 390, les trois pre-

40. On
a mis en suite des lettres de saint miers poèmes de saint Paulin, qui en efiet
Mirlyre île
;aint Geoès, Paulin l'Histoire du martyre de saint Genès traitent des sujets dont il ne se serait point
pag. 322.
d'Arles, que l'on ne peut, ce semble, refuser occupé lorsqu'il se fut retiré du monde. Il
à saint Paulin , dont elle porte le nom dans composa les deux pi-emicrs â l'occasion des

plusieurs manuscrits. Elle est de son style oiseaux et des huitres qu'il envoya à Gesti-
et ne renferme rien qui puisse empêcher de dius. Le troisième, qui est sur les Rois, est un
'. Genès était origi-
croire qu'elle soit de lui abrégé de l'ouvrage que Suétone avait fait
naire d'Arles, et employé dans l'administra- sur le même sujet en trois livres. Le qua-
tion de la justice en qualité de gretiier il ; trième est du commencement de sa retraite,
écrivait les plaidoyers des avocats, el éga- et écrit vers l'an 390. C'estune prière du
lait la rapidité de leurs paroles par la vitesse matin, dans laquelle il demande à Dieu une
de sa main de ses notes. Comme
et l'adresse jouissance tranquille de ses biens, les vertus
il faisait les fonctions de sa charge, appa- d'un honnête homme du monde
et une heu-

remment dans un temps de persécution, le reuse prospérité tant pour que pour ses
lui

persécuteur ayant prononcé des arrêts de enfants. Dans le cinquième, qui est du même
sang, Genès refusa de tracer sur la cire ces temps et en forme de prière il fait le dé- ,

paroles sacrilèges. Il jeta même ses registres nombrement des attributs de Dieu, et lui de-
aux pieds du persécuteur, et prit la fuite afin mande la grâce qu'il croyait lui être nécûs-
de se dérober à sa fureur. Les ministres du saire pour éviter le péché et pour se pré-
persécuteur le poursuivirent, et comme ils senter sans crainte au jugement. Le sixième,
ne purent le trouver, ce juge impie leur com- qui est en l'honneur de saint Jean-Baptiste,
manda de lui ôter la vie en quelque endroit n'est qu'une paraphrase du de l'Evan-
récit
qu'ils le rencontrassent. Genès, sur cette nou- gile sur ce saint Précurseur, car saint Pau-
velb, changea diverses fois de lieu, et revint lin ne se croyait pas encore assez affermi dans
enfin à Arles. Comme il n'était pas encore la vertu, ni assez instruit de la vérité pour

baptisé, le désir de confirmer sa foi de plus oser dire de lui-même quelque chose sur un
en plus le porta à demander le baptême par si grand saint. Il faut donc encore rapporter

des personnes interposées et de confiance, à ce poème aux premières années de sa con-


l'évêque de la religion catholique. Mais soit version. Nous porterons le même jugement
que le temps ne permit pas à l'évêque d'ac- des trois poèmes suivants, qui ne sont que
céder à la demande de Genès, soit qu'il se des paraphrases des psaumes i, ii et cxxxvi,
défiât de sa trop grande jeunesse, il ditt'éra car on y voit que saint Paulin était encore si
de lui accorder le baptême, en l'assurant en peu instruit des dogmes de la religion, qu'il
même temps que le martyre enfermait aussi croyait quêtons les chrétiens, même les mé-
la perfection de la grâce du baptême. Pen- chants , seraient sauves, pourvu qu'ils gar-
dant ce délai Genès fut trouvé par les persé- dassent leur foi entière.

1 Cependant plusieurs critiques doutent encore que Pair., tom. II, pag. 477. {L'éditeur.) — 2 Instmclu
celte pièce soit de saint Fauliu. Vid. Fesselor, Inslit. Doiniiti R/tudanuin peliii. Pag. 323.
fiv« ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 83
Pendant que saint Paulin se préparait
2. né à Noie, parce que son père, nommé Her- Carmin, xv
et XTi, p. 44
en Espagne à renoncer au monde, Ausone. mias, avait quitté la Syrie, d'où
pour il était, et 34.

averti de ce dessein, lui écrivit quatre lettres s'établir en Italie. Saint Félix, dès son en-
pour l'en détourner, taxant de légèreté d'es- fance se donna au service de Dieu, et fit
,

prit les projets de conversion que faisait saint d'abord dans l'église les fonctions de lecteur,
Paulin. Il se plaignait aussi du refroidisse- et ensuite d'exorciste. La vertu qu'il fit pa-
ment de son amitié et de ce qu'il avait in- raître dans ces deux degrés, lui mérita l'hon-
terrompu le commerce de lettres qu'ils neur du sacerdoce. Une persécution, que l'on
avaient eu avant sa retraite. 11 s'attribuait croit être celle de Dèce, s'étant élevée, saint
encore dans ses lettres la gloire de lui avoir Félix fut pris; car il ne s'était pas enfui,
procuré les honneurs dont il jouissait dans pour ne point abandonner le troupeau dont
le siècle. Comme les lettres d'Ausone étaient Maxime, évêque de Noie, lui avait donné le
en vers, saint Paulin y répondit par deux soin durant son absence. Comme le dessein
poèmes. Dans le premier, il justilie le genre du persécuteur était moins de faire périr son
de vie qu'il avait commencé d'embrasser, et corps que son âme on différa sa mort pour
,

fait voir à Ausone qu'au lieu de l'en repren- tenter sa constance par divers supplices. On
dre, il devait l'en congratuler, puisque jus- le mit d'abord en prison, chargé de chaînes

que-là il ne s'était nourri que des viandes de fer, dont ou lui lia les mains et le cou.
de la mort, et n'avait eu de goùl que pour On étendit ses pieds dans des entraves, et Carmin, sxt,
afin de lui ôter le repos, on sema le plancher pag. 99.
les choses qui sont une folie aux yeux de
Dieu. Il reconnaît que c'est à Ausone qu'il de morceaux de pots cassés. Il endura aussi
est redevable des avantages humains qu'il le fouet pour Jésus-Christ. Cependant Maxime
possédait alors, et il dans le se-
lui proteste qui s'était retiré dans les montagnes dé-
cond poème qu'il l'a toujours aimé et lio- sertes, y soutirait un martyre encore plus
noré, qu'il ne cessera jamais de le faire, et rude que saint Félix, autant par l'inquiétude Carmiu.xv,
pag.44el seq.
qu'il a toujours pris un très-grand soin de que lui donnait le soin de son troupeau, que
cultiver son amitié. Ces deux poèmes sont par la rigueur du froid et de la faim, n'ayant
de Tan 393, lorsque saint Paulin était encore ni couverture ni nourriture. Dieu y pourvut,
en Espagne. [A. Mai a publié deux poèmes et saint Félix délivré miraculeusement de
,

sous le nom de saint Paulin, mais le pre- ses liens et de la prison, vint conduit par ,

mier est seul de cet auteur. C'est une prière un ange au lieu où était Maxime. Il le trouva
à Dieu, composée après sa conversion et son sans parole sans connaissance sans senti-
, ,

baptême. Ce poème a d'abord paru dans les ment presque sans vie. Dans cette extré-
et
écrits de saint iNicétas et de saint Paulin, pu- mité, ne sachant comment le réchauffer, il
bliés par Angel. Mai, en 1827, et ensuite dans s'adressa à Dieu, et ayant aperçu une grappe
le tome V** des Auteurs classiques du même de raisin que le Seigneur fit naître alors sur
savant, Rome, 1833, p. 369-70.] un buisson, il la prit, en versa le jus dans
3. Le 14 janvier de Tannée suivante 394, la bouche du saint évêque, et lui fit revenir

ie'«ilt J°"^' ^® ^'^ ^^^^ ^6 ^'^'"^ Félix, saint Paulin, la connaissance et la parole. Maxime l'ayant
deNoie. (loni toute l'ambition était de se retirer embrassé, se plaignit doucement qu'il avait
à Noie auprès du tombeau de ce saint con- trop tardé, et qu il y avait longtemps que
fesseur, lit à sa louange un poème dans le- Dieu lui avait promis sa venue. Il le pria en-
quel il implore son intercession pour arriver suite de le reporter à sou troupeau. Saint Fé-
sain et sauf à Noie. Quand il y fut arrivé ,
hxle mit sur ses épaules, et étant arrivé à la
ilne manqua point tous les ans, au moins maison du saint évêque où il n'y avait pour
jusqu'à l'au 408, de reconnaître les obliga- toute famiUe qu'une vieille femme, il lui re-
tions qu'il croyait devoir à saint Félix, par mit entre les mains cette perle de Jésus-
un poème qu'il faisait à sa
louange le jour Christ, ainsi que l'appelle saint Paulin.
de sa fête. Il nous en reste quatorze ou quinze Comme il Maxime, pour le
voulait se retirer,
qui ont été donnés au public partie par M. le récompenser de sa piété, lui mit la main sur
Brun, partie par Muratori. On y voit les prin- la tête pour lui obtenir les faveurs du ciel,
cipales circonstances de la vie de saint Félix, et c'est à cette bénédiction que saint Paulin
le cultequ'on rendait à sa mémoire et à ses rapporte tous les grands miracles que Dieu
reliques, et divers miracles opérés à son fit depuis pour honorer saint Félix. Il de-
tombeau. Il était originaire de l'Orient, mais meui-a caché quelques jouis dans sa propre
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
maison, demandant à Dieu la paix de l'E- mauvaise terre il y fit un jardin qu'il culti-
,

glise. Sa prière fut exaucée et il recom- ,


vaitde ses propres mains, et d'où il tirait de
mença aussitôt à instruire le peuple fidèle. quoi se nourrir et assister les pauvres. Il

Les païens ne le purent soutl'rir longtemps ;


mourut comblé de mérites et d'années, lais-
ils l'allèrent chercher dans sa maison et , sant les chrétiens de Noie dans une douleur
apprenant qu'il en était sorti, ils le cherchè- mêlée de joie. Tous coururent en foule au
Carmin, xvt, rent de côté et d'autre. Comme ils conti- lieu où l'on avait exposé son corps, et cha-
pag.S4et scq.
nuaient à demander oîi était Félix, quel- cun se pressait pour le voir et pour le baiser.
qu'un leur que c'était celui-là même à
dit Ils lui élevèrent un tombeau fort pauvre, tel

qui ils venaient de parler. Ils retournèrent qu'il pouvait être dans un temps où, comme

sur leurs pas. Mais le saint, averti par le bruit dit saint Paulin, notre religion était un crime,
du peuple, dans une masure qui
se cacha et où les fidèles vivaient toujours dans la
donnait sur la place de la ville et qui n'était crainte , entre les feux et les épées dont ils

fermée que par un pan de muraille à demi- étaient continuellement menacés de la part
ruiné; ainsi il y passa sans peine, et ceux des persécuteurs. Son corps qui depuis qu'il ,

qui le poursuivaient y eussent passé de eût été mis dans le sépulcre, semblait devoir
même, si dans le moment Dieu n'eût fermé demeurer dans le silence et les ténèbres ,

cette ouverture par des toiles d'araignées, jetaune lumière qui brille encore aujour-
qui ôtaient toute apparence que personne y d'hui, dit saint Paulin '
,
par les miracles
eût passé. La nuit venue il se retira dans , éclatants qui n'ont pas cessé de se faire à son
un quartier plus éloigné où il trouva une , tombeau , et même en tout
par son in- lieu
vieille citerne à demi -desséchée, dans un tercession, et qui ont rendu son célèbre nom
espace fort étroit, entre deux maisons. Il y dans toute la terre. Nous avons ^ une épi-
fut nourri pendant six mois par une sainte gramme du pape Damase , où il reraej'cie
femme et n'en sortit que quand Dieu eut
, saint Félix de ce qu'il avait été délivré de la
fait cesser celte nouvelle persécution. Le mort par ses mérites. La tradition de la ville
saint évèque Maxime mourut vers le même de Noie, est que ce saint Pape y bâtit ^ une
temps et aussitôt tout le monde demanda
, éghse de Saint -Félix. C'est de cette église
Félix pour son successeur. Mais Félix fit que saint Paulin souhaitait d'être le portier*,
élire un autre prêtre, nommé Quintus^ par d'en balayer le parvis tous les matins, de
la raison qu'il le précédait dans la dignité veiller la nuit pour la garder, et de finir sa
sacerdotale et en effet, il avait été ordonné
, vie dans ce travail. Il l'embellit au-dedans et
prêtre sept jours avant saint Félix. La paix au-dehors, tant par des peintures et d'autres
de l'Eghse ne rendre plus vi-
servit qu'à le décorations, que par de nouveaux édifices el
gilant, et, après avoir évité le naufrage dont même par une nouvelle éghse qu'il joignit à
la tempête l'avait menacé, il évita avec soin l'ancienne par une galerie de communica-
les écueils cachés qui peuvent faire périr au tion. [Les poèmes xi, xii et xui sur saint Fé-
Carmin, xrt,
^îiilicu du calmo. Il pouvait recouvrer les lix, ont été publiés d'une manière plus éten-
pag.53eiseq.
gi-^ndg blcus quo SOU père lui avait laissés due et plus correcte par Mingarelli, dans ses
et qu'on lui avait confisqués pendant la per- Anecdotes Les fragments donnés par Le-
^.

sécution mais il ne se mit pas en peine de


; brun , et correspondant à ses chants sont ,

les répéter. Une dame, nommée Arquelaïde, les poèmes xxxi, xxxii, xxxiii.]
le pressait fortement de les redemander, lui 4. Nicétas évêque de Romaciane dans la
,
Poèn
représentant qu'il en pourrait faire de gran- Dace, étant venu rendre visite à saint Paulin, Nicéta
398, p^
des aumônes. Mais il se riait de ces soins et se trouva à Noie le jour de la fête de saint
de ces pensées de femmes, dans la crainte Félix, en 398. Saint Paulin récita en sa pré-
qu'en recouvrant ses richesses, il ne perdît sence son cinquième poème sur l'histoire de
les récompenses promises à ceux qui les saint Félix, et en composa même un en l'hon-
quittent pour Jésus- Christ. II refusa même neur de cet évêque, dans lequel il lui donne
ce que cette dame lui otTrait de son bien, et de grandes louanges, témoignant le regret
ayant loué environ un arpent et demi de qu'il avait de le voir partir. Quatre ans après,

1 Paulin., Carm. xvin, pag. 27 et seq. * Paulin., Cat-m. xn, pag. 37 et seq.
2 Bollaudus, ad dieiu 14 jaauar., pag. 940. 5 Anecdot. IV, in-fol., Romae, 1756. {L'éditeur,)
» Ugliellui, liai, iucr., loin. VI, pag. 289.
[lY* ET ye SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 85

Nicétas se rencontra encore à Noie au jour où il était au sujet de la Providence, en at-


de la fêle de saint Félix: c'est ce que l'on voit tribuant à la Fortune , aux Parques et au
par le poème xxn"" sur la fête oùde ce saint, Destin, ce qui ne doit être attribué qu'à Dieu.
il témoigne qu'il la solennisa avec une dou- Saint Paulin, qui ne le croyait pas apparem-
ble joie, à cause de la présence de Nicétas, ment encore bien détrompé , entreprit de le
qu'il appelle son père et son maître. 11 mar- convaincre de nouveau dans ce poème, où il
que dans le même poème comment il le me- fait voir et par la raison et par l'autorité, que

nait voir les bâtiments qu'il faisait à l'église tout est soumis à divine Providence ;
la
de Saint-Félix, qui n'étaient encore achevés qu'elle règle tous les événements, et que le
qu'en partie ce qui lui donne occasion d'en
: Destin et la Fortune ne sont rien. Il y exhorte
faire la description. C'est dans ce poème Jove, en qui il connaissait l'esprit grand et
que l'on observe combien grande étaient sa élevé, d'employer les talents qu'il avait pour
charité et son ardeur pour la gloire de Jésus- écrire, à louer les grandeurs et les merveilles
Christ. «Ma vie, dit-il, a été attachée au bois du Tout-Puissant et à s'appliquer à l'étude
,

de la croix , afin que je trouvasse ma vie en de l'Ecriture sainte. « Dans le livre de la Ge-
Dieu. Que ne puis -je vous rendre , ô Jésus- nèse, composé par Moïse, il apprendra, dit-
Christ , ma vie ,
pour la vie que vous m'avez il, la véritable origine du monde et la ma-

acquise? Je prendrai le calice de salut; je nière dont l'homme et le reste des créatures
vous l'offrirai en sacrifice, et je me purifierai ont été formés s'il veut pousser ses vues
;

par le breuvage sacré d'une mort précieuse. plus haut, saint Jean lui enseignera que le
Mais que ferai-je en cela? Quand j'abandon- Verbe est Dieu, et que toutes choses ont été
nerais mon corps aux flammes ,
quand je faites par lui il verra par l'histoire du pas-
;

soutïrirais les dernières ignominies, quand sage de la mer Rouge et par celle du pro-,

je répandrais jusqu'à la dernière goutte de phète Jonas, que Dieu est le maître de la
mon sang, je ne vous rendrais pas encore ce mer et des tempêtes, et dans celle de Josué
que je vous dois, parce que je ne puis que et d'Ezéchias, que le soleil et les astres obéis-
me rendre pour le prix de moi-même. Ainsi, sent à Dieu et que ce n'est point le Destin
,

quelque chose que je fasse, je vous demeu- qui règle les événements de notre vie. » Ce
rerai toujours infiniment redevable , ô mon poème, dans quelques éditions, est joint à la
Jésus, qui avez payé non les mes dettes et lettre seizième de saint Paulin à Jove en :

vôtres, en soutirant pour de méchants ser- d'autres, il en est séparé.


viteurs. » Il s'étend beaucoup sur les fêtes 6. Cythérius, pour qui saint Paulin écrivit
C\lhérius, en
des chrétiens et marque en particulier
,
'
le poème xxi% était un homme illustre par 400 , pag. 99.
celle de la Nativité de notre Seigneur; celle sa naissance par son érudition et par ses
,

dans laquelle on célébrait l'adoration des dignités. 11 était marié, et il élevait ses en-
mages, ou le baptême de Jésus -Christ, ou fants dans une grande chasteté. Il en con-
les noces de Cana celle de Pâques et la Pen-; sacra un à Dieu presque dès sa naissance, et
tecôte. le mit sous la conduite de Sulpice Sévère ,

5. On
rapporte vers l'an 398, le poème afin qu'il le rendît digne d'entrer un jour
que saint Paulin adressa à Jove son ami et , dans le clergé. Saint Paulin lui donne de
son parent, le même à qui il écrivit sa sei- grandes louanges dans ce poème, dont la
zième lettre, pour le détromper des erreurs plus grande partie est employée à décrire le

* Sic œque divina feruntur munere Christi, Grande sacramentum, prœscripto mense quotannis
Vt veneranda dies cunctis, qua virgine natus, Totus ubique pari famulatu mundus adorât,
Pro cutictis hominem sumpsit Deus; utque deinde jEternum celebrans redivivo corpore regem.
Qua puerum slella duce mystica dona ferentes Hoc solemne dies sequitur : septem numeramus.
Suppliciter videre magi : seu qua magis illum, Hebdomadas, et lux pnpulis festiva recurrit,
Jordanis trepidans lavit tinguente Joanne, Qua sanctus quondam ccelo demissus ab alto
Sacranlem cunctas recreandis gentibus undas : Spiritus ignito divisit lumine linguas,
Sive dies eadem magis illo sit sacra sigiio, Vnus et ipse Deus diversa per ora cucurrit,
Quo primutn Deus egit opus, cum flumine verso Omnigenasque uno sonuit tune ore loquelas.
Permutavit aquas prœdulcis nectare vini. Omnibus ignotas tribuens expromere voces,
Quid parchale epulum? Nam certe jugiter omni Quisque suam ut gentem peregrino agnosceret ore,
Pascha die cunctis Ecclesia prœdicat oris, Externamque suo sentiret in ore loguelam.
Contestons Domini mortern cruce, de cruce vitani Carmiu. ix de Sancto Felice, pag. 145.
Cuuciorum : tamen hoc magnœ pietatis in omnes
86 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
naufrage de Martinien, qu'il appelle pou porter d'habits d'étoffes d'or ou de soie, et à
frère selon l'esprit et la foi. Martinien était éviter toute autre parure , comme des col-
ami de Cyfliérius, qui, sachant le désir qu'il liers de perles et des bracelets. 11 lui conseille

avait d'aller à Noie voir saint Paulin lui ,


de s'étudier plutôt à devenir elle-même une
donna des lettres dans lesquelles il le recom- perle précieuse devant Dieu , et à lui plaire

mandait à ce saint. Le premier dessein de en ornant son âme de toutes les vertus. Il
Martinien avait été de venir h Noie par terre; lui fait regarder les femmes qui mettent leur

mais il en fut détourné par la longueur du complaisance dans leurs habits, comme ayant
s'embarqua donc h Narbonne vers l'esprit plus léger que leurs habits mêmes.
voyage. Il

commencement de l'automne de l'an 400. Il lui défend d'user de fard, soit en donnant
le
Le vent lui fut favorable, mais le vaisseau à son visage une autre couleur que la con-

où il était entré étant pourri, s'ouvrit au mi- leur naturelle, soit en faisant teindre ses
lieu de la nuit, et tous ceux qu'il portait fu- cheveux, et il veut qu'elle se contente de la
rent noyés, excepté ceux qui purent gagner beauté que la nature lui avait donnée agir :

l'esquif. Martinien fut de ce nonibre, avec autrement, ce serait condamner l'ouvrage du


tous ceux qui étaient catholiques. Ceux qui Créateur. «Une femme, ajoute-t-il, qui prend
étaient juifs ou schismatiques périrent. Le tant de soin de parer son corps, ne peut se
maître même du vaisseau ,
qui était Nova- vanter d'être chaste, puisque toutes ces pa-
tien, se premier de désespoir car
nojM le : rures étrangères sont comme autant d'adul-
il eût pu se sauver. Martinien se sauva pres- tères. » U se sert pour la contenir dans les
que nu n'ayant pu prendre de toutes ses
, bornes de la modestie, des menaces terribles
hardes que les épîtres de saint Paul encore : que Dieu fait prophète Isaïe contre
par le

les prit-il sans y penser. Quoiqu'il se trouvât celles qui ont recours à ces vains ornements.
dans l'eau qui couvrait le fond de l'esquif, il Enfin il lui défend de friser ses cheveux et de
n'en fut point incommodé et il dormit jus- ,
parfumer ses habits. La raison qu'il en donne
qu'à ce que l'esquif fût près d'aborder. 11 est que, quand elle ne le ferait pas 'par un
aborda à Marseille, où les solitaires le reçu- mauvais dessein, elle ne laisserait pas d'être
rent fort charitablement. De là il passa à criminelle, en ce qu'elle serait pour plusieurs
Rome et logea dans une maison que tenaient un sujet de chute. Saint Paulin tient à peu
un Paulin et un Théride tous deux amis de
, près le même langage à Julien, l'exhortant
notre saint. Théride était alors à Noie. C'est à mépriser toutes ces vanités, à ne penser
Carmin. XX,
pag. 90.
jg même dout saint Paulin dit, dans un de qu'à orner son âme de vertus et à s'appli-
^

ses poèmes, que, s'étant par malheur enfonce quer à la lecture de l'Ecriture sainte. Il les
dans l'œil un crampon qui servait à attacher invite tous deux à la simplicité des premiers
une lampe il n'en reçut aucune incommo-
, hommes du monde, par plusieurs exemples
dité. De Rome, Martinien vint à pied jusqu'à tant de l'Ancien que du Nouveau Testament,
Capoue, et de là à Noie où saint Paulin le , fit à se soumettre avec joie au joug de la
reçut avec beaucoup de bonté comme un , croix de Jésus-Christ. Il leur propose pour
homme de bien et un ami de C\ihérius, bien exemple de l'amour mutuel qu'ils se doi-
qu'il ne pût lui en donner des lettres, les vent, celui que Jésus-Christ a pour l'Eglise,
ayant perdues avec son équipage. son épouse. 11 témoigne souhaiter qu'ils gar-
Poème sur
''• ^^ ^^^t cutre l'au 400 et 408, le poème dent la continence d'un commun consente-
i*uMen?fvaDt ^l^^ salut PauHu fit sur le mariage de Julien ment, ou que du moins s'ils mettent des en-
Pan «08, pag.
^^ (i'Yg_ Il leur donne à l'un et à l'autre d'ex- fants au monde, ce soit pour les consacrer à
cellentes instructions pour se conduire sain- Dieu et les élever d'une manière digne de
tement dansl'étatdu mariage et pour régler lui. L'évêque Emile leur donna la bénédic-

leur maison il veut d'abord qu'ils aient l'un


: tion du mariage, et en même temps qu'il les
pour l'autre un amour chaste et une fidélité sanctifiait par ses prières il imposait sur
,

inviolable, et que la paix, l'honnêteté et la eux sa main di'oite.


piété soient les liens de leur alliance. Quant 8. Le poème adressé à Pneumace et à Fi-
à leur table, il demande qu'elle soit frugale, dèle, est pour les consoler de la mort de
et qu'on n'y voie point ces mets délicieux et Celse, leur fils. On ne sait point en quelle
ces ragoûts inventés plutôt pour la volupté année saint Paulin le composa. Il y repré-
que pour la nécessité. S'adressant ensuite sente Celse comme un enfant de bonnes
en particulier à Ye, il l'exhorte à ne point mœurs et d'un esprit docile et qui, ayant ,
[iv ET v<= SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 87

déjà commencf^ sa huitième annëe, commen- il appliqué à examiner les diverses sectes ?
rait aussi h étudier la eframmaire. Il donne Il ne paraît par aucun endroit de ses écrits
pour motif de consolation h ses parents, qu'il ait jamais douté de la vérité de la re-

qu'il était fait plutôt pour Dieu que pour ligion catholique. Il se dit partout un grand
eux, et que c'est un amour nuisible de pleu- pécheur, mais nulle part infidèle. Si l'auteur

rer celui qni jouit de Dieu. Saint Paulin dit du poème contre les Païens s'est converti et
beaucoup de choses dans ce poème sur les du monde, ce sont des démar-
retiré ensuite
mystères de l'incarnation et de la résurrec- ches communes à beaucoup d'autres saints
tion; le tout pour en conclure que l'on ne qu'à saint Paulin. Le témoignage de saint
doit point pleurer ceux pour qui Jésus-Christ Augustin au lieu de favoriser le sentiment
,

est mort et qu'il a rachetés, mais ceux-là de Muratori, le détruit, et il n'en disconvient
seulement qui, n'ayant point cru en lui, pé- pas. En effet, selon ce Père, saint Paulin de-
rissent sans ressource. vait confondre le paganisme et répondre aux
9. Dans le manuscrit dont Muratori s'est objections des païens. Il n'y a rien de tout
servi pour donner en entier les xt, xii et cela poème dont nous parlons. L'au-
dans le

XIII" poèmes de saint Paulin, en l'honneur teur, après y avoir parlé de la dureté et de
de saint Félix, il s'en trouve un contre les l'ingratitude des juifs expose ce que les ,

Païens, qu'il croit être aussi de saint Paulin. païens disaient de leurs dieux. C'était assez
Ses raisons à l'appui de ce sentiment, sont
, pour en faire voir le ridicule mais il ne ré- ;

que l'auteur de ce poème y témoigne s'être pond point à leurs objections. Ajoutons qu'il
converti assez tard après avoir examiné , reconnaît clairement qu'il avait été lui-même
toutes les sectes *; qu'il n'a rien trouvé de du nombre des païens et enveloppé dans les
mieux que de servir Jésus- Christ, et qu'il a ténèbres de l'idolâtrie * ce qui ne se peut :

pris le parti de la retraite pour passer ses pas dire de saint Paulin né comme nous , ,

jours dans la tranquillité. On peut ajouter venons de le dire de parents chrétiens. Il


,

qne saint Augustin attribue à saint Paulin un vaut donc mieux reconnaître pour auteur de
traité contre les Païens. « J'ai appris , lui dit- ce poème, Antoine, qui est nommé dans le
il de nos chers frères qui m'ont rendu
^ , premier vers, que de dire avec Muratori, que
votre lettre, que vous écriviez contre les c'est à lui que ce poème est dédié. C'est An-
païens. Je vous prie, si vous m'aimez, de toine qui parle dans toute la suite; jamais la
m'envoyer au plus tôt ce que vous aurez déjà parole ne lui est adressée; d'où vient que
fait car je vous regarde comme l'organe du
: son nom est au nominatif et non pas au vo-
Saint-Esprit, dont nous devons attendre les catif, comme il devrait être, si ce poème lui
réponses convenables aux objections de ces était adressé.[On trouve ce poème dans le
infidèles, qui nous embarrassent plutôt par tome LXI de la Patrologie latine, avec les œu-
la multitude de leurs paroles, que par la so- vres de saint Paulin il se trouve aussi au ;

lidité de leurs raisonnements. » Mais je ne tome V« de la même Patrologie et dans la


sais si l'on peut dire de saint Paulin qu'a- Bibliothèque des Pères de Gersdorf , vol. XIII,
vant que d'embrasser le joug de Jésus- Leipsik, 1847.]
Christ, il ait examiné toutes les sectes 3 pour 10. On trouve dans la Bibliothèque Ambro- Hyrane en
l'honneur de
savoir s'il les embrasserait. On convient qu'il sienne une hymne en l'honneur de saint Am- saiDt Auibroi-
se. Muratori,
est né de parents chrétiens. S'il fut baptisé broise, dont les manuscrits font auteur saint Monum,, pag.
140.
plus tard que son frère, c'est qu'alors beau- Paulin. C'est cette hymne qui fait partie de
coup de personnes différaient leur baptême, l'olBce de ce saint évêque dans le bréviaire
se contentant d'être au rang des catéchu- de Milan. Mais le style en est bien diûerent
mènes. En quel temps et pourquoi se serait- de celui de saint Paulin de Noie. Il s'y ren-

' {.Emilius) jungens capita amhorum sub pace


Il le 3 Discussi, faleor, sectas Antonius omnes :
Velat eos dextra quos prece sandificat. [jugali] Plurima quœsivi, per singula quœque cucurri,
Sed nihil inveni melivs quam credere Christo.
* Adversus paganos te scribere didici ex fratribus. Muratori, pag. 115.
Si quid de tuo peclore mercmur, indifferenter mille
ut agamus; nam pectus tuum laie Domini oraculum * Hœc ego cuncla prius clarum cum lumen adeptus,
est, ut ex eo nobis tam
placita, et adversus loquacis- Meque diu incertum et tôt tempeslatibus actum
simas quœstiones explicalissima dari responsa prœsu-
Saticta salutari suscepit Ecclesia poitu.
mamus. August., Epist. 37 ad Paulin. Ibid., pag. 134.
88 HISTOIUE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
contre même plusieurs termes barbares et , plus grave que n'ont ordinairement les let-
la mesure des vers n'y est que peu ou point tres de saint Paulin où l'on remarque plus
,

gardée. de gaieté de liberté. Pour ce qui est de la


et
lettre à Marcelle, il n'est pas aisé de l'accor-
ARTICLE IV.
der avec l'histoire de saint Paulin. En eft'et,
l'auteur dit à Marcelle * que quoique très-
DES OUVRAGES DE SAINT PAULIN QUI SONT PERDUS
,

éloigné du lieu où elle demeurait, il avait


ET DE CEUX QUI LUI SONT FAUSSEMENT ATTRI-
néanmoins ouï parler des richesses de sa foi.
BUÉS.
Cela ne se peut dire de saint Paulin, qui allait

OnTrag«i Gennade
1. fait mention d'un livre
* chaque année à Rome où Marcelle demeu-
perdus.
d'hymnes de saint Paulin mais sans les dé- , rait, et qui, ordinairement, n'en était point
tailler. Peut-être ce livre ne contenait-il
que éloigné , n'ayant pas quitté Noie depuis sa
celles que nous avons aujourd'hui, et
que conversion entière. 11 n'était pas non plus
saint Paulin faisait tous les ans en l'honneur assez instruit des saintes Ecritures pendant

de saint Féhx, le jour de sa fête. Il lui attri- son séjour en Espagne, pour écrire une let-
bue encore un livre sur la Pénitence et sur la tre où l'auteur ne fait presque autre chose

louange des Marhjrs en général, et il dit même que parler le langage des prophètes et des
que c'était le plus considérable de tous ses apôtres. La lettre à Célancie est aussi char-
écrits. Nous ne l'avons plus. Nous avons gée de beaucoup de passages de l'Ancien
aussi perdu ses lettres à sa sœur sur le mé- et du Nouveau Testament mais ils y sont ;

pris du monde, dont il est encore parlé dans tournés autrement que dans les lettres de
Gennade, de même que diverses lettres qu'il saint Paulin. L'auteur y marque qu'il écri-

avait écrites à saint Augustin à saint Jé- , vait depuis l'hérésiede Jovinien. On voit par
rôme et à d'autres. Il ne reste rien non plus le nombre huitième de la même lettre, qu'elle

des traductions qu'il avait faites des œuvres fut écrite dans le temps que le paganisme

de saint Clément, pape ni du Panégyrique , n'était pas entièrement aboli. Célancie, à qui

de Théodose, ni des sermons qu'il fit à son une dame de qualité,


elle est adressée, était

peuple pendant son épiscopat, et qui au- mariée à un homme


de sa condition qui ,

raient sans doute mérité de nous être con- était chrétien. Elle s'était proposé depuis

servés. Saint Grégoire de Tours ^ cite de lui quelques années de garder la continence, et
une lettre où il était dit que saint Martin elle avait même commencé à la garder sans

avait reçu beaucoup de reliques de saint le consentement de son mari. L'auteur de la

Gervais et de saint Protais. Cette lettre n'est lettre l'en reprend fortement, et lui repré-

pas venue jusqu'à nous. [Gennade, dans son sente quelles sont ses obligations. U lui en-

Catalogue, parle encore d'un Sacramentaire. seigne aussi comment elle devait se com-
La perte en est d'autant plus regrettable que porter au milieu des honneurs et des ri-

cet ouvrage nous donnait plusieurs notions chesses, et partager les charges du mariage.
sur la liturgie ancienne, soit dans les céré- Il l'exhorte à la lecture de l'Ecriture sainte ,

monies extérieures, soit pour l'administra- de ne point s'élever de la noblesse


et l'avertit
tion des sacrements 3.] de sa condition, en lui faisant voir que c'est
Ouvrages 2, On a imprimé deux autres lettres sous dans la vertu que consiste la véritable no-
finssement at-
tribués à saint son nom , l'une adressée à Marcelle , l'autre blesse.
Paulin, lom.
II, pag. 3 et à Célancie. Elles se trouvent aussi toutes Le poème d'un auteur qui exhorte sa femme
suiv.
deux parmi les œuvres de saint Jérôme; on à se consacrer à Dieu^ se trouve dans les an-
convient qu'elles sont dignes l'une et l'autre ciennes éditions, parmi ceux de saint Paulin.
de ces deux grands hommes , et , en effet Le style en est assez le même, mais un peu
elles sont très -belles et remplies de solides plus élégant. Il est attribué à Prosper dans
instructions ; mais le style de Cé- la lettre à plusieurs manuscrits, et on n'en trouve point
lancie a je ne sais quoi de plus sérieux et de où il porte le nom de saint Paulin. Ce qui

Gennad., de Script. Ecoles., cap. XLViil.


* pag. 278-79. {L'éditeur.) — '»
Taliset enimde sanctis fidei
Gregor. Turon., lib. I de Vita Martini, cap.
* tuœ divitiis fama proce-.sit, ut ad nos quoque in lon-
XLVU. ginquo positos penetraverit. Tom. II oper. Pa'ilini,
3 Voyez J. B. Lebrun, Dissert, vi, nuoi. 1 Mura- ; pag. 3.
tori, Dissert, xxn (pag. 863-68), et Dupiu, tom. III,
[IV ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAIN T PAULIN DE NOLE. 89

empêche encore qu'on ne le luiaUiibue, c'est plus faire difficulté de recevoir le corps de
qu'il fut écrit dans un temps où tout l'Occi- Jésus-Christ, ni se souvenir des péchés qu'il
dent était en confusion, c'est-à-dire en 407. a commis dans le monde d*epuis son bap-
Or, il y avait déjà longtemps que Thérasic, tême. de parcourir les lettres de
Il suffit

femme de saint Paulin s'était consacrée à , saint Paulin pour se convaincre qu'il ne con-
Dieu et observait la continence avec son naissait point cette maxime puisqu'il y gé- ,

mari d'un consentement mutuel. mit continuellement des fautes qu'il avait
Le poème sur le IVom de Jésus donné pre- , faites dans le siècle. [Le deuxième poème,
mièrement au public par Barthius, a delà adressé à Dieu sur des calamités domesti-
beauté et de l'élégance. Quelques-uns ont ques publié pour la première fois par
,

cru que ce n'était qu'une paraphrase d'un A. Mai dans les écrits de saint Nicétas et de
sermon que saint Bernard a fait en l'hon- saint Pauhn, pag. li -72, et réimprimé dans
neur de ce saint Nom auquel cas il ne pour- : les Auteurs classiques du même savant ,

rait passer pour plus ancien que le xii'' tom. V, pag. 380-81, ne parait pas être de
siècle; il parait fait pour la fête du Nom de saint Pauhn à cause de la différence du
,

Jésus , c'est-à-dire , du jour de la Circonci- style.]


sion qui n'était point encore établie du
,
ARTICLE V.
temps de saint Paulin et on a tout lieu de ,

douter que ce saint évêque, en s'adressant à DOCTRINE DE SAINT PAULIN.


Jésus, l'eût salué sous le nom d'Apollon '.

A réga»d de la Vie de saint Ambroise et 1 . de saint Paulin ne nous four-


Les écrits Portrino
snr la Trinité
des six livres en vers de la Vie de saint Mar- nissent pas beaucoup de lumières sur les el sur l'Incar-
nalioa.
tin, on ne doute plus que ces ouvrages n'aient dogmes de la religion, soit qu'il n'ait pas eu
été éciits par d'autres Pauhn, dont l'un n'était occasion d'en défendre la vérité contre les
que diacre en 411, lorsque celui de N'oie hérétiques, soit que son humilité l'ait em-
était déjà évêque, et l'autre écrivait vers pêché de traiter des mystères qui seront
l'an 480 comme on le voit en ce que dans
, , toujours au-dessus de la portée de l'esprit
le sixième livre de la Vie de saint Martin, il humain. S'il en dit quelque chose dans ses
fuit mention de saint Perpétue, évêque de ou dans ses poèmes ce n'est qu'en
lettres ,

Tours, qui ne le fut que soixante-quatre ans les proposant avec simplicité et par occasion,
après la mort de saint Martin et de saint sans les établir par des preuves tirées ou de
Paulin de Noie. Dans le code que saint Be- l'Ecriture ou de la tradition, sans réfuter les
noit d'Aniane fit des Règles dans le ix« objections des païens ou des hérétiques. Mais
siècle, on trouve un fragment attribué à un en quelque manière qu'il l'ait fait, il sera
saint Paulin , sous ce titre : Réponse de saint toujours un témoin respectable de la foi de
Paulin aux moines touchant la pénitence. On y l'Eglise sur les dogmes dont il a parlé. Voici
décide que depuis qu'un homme a renoncé son enseignement sur la Trinité et l'Incar-
au promis à Dieu de nouveau de
siècle , et nation Il y a un Dieu 2, une trinité de per-
:

vivre selon les règles de la justice il ne doit ,


sonnes , toutes trois coéternelles ,
qui n'ont

> Apollo, vere Pœan inclyte. Pag. 25.


Salve, hominem in nostra natura, quam vere Deum in sua :
* Cum
eryo fides et confessio tua, ut credimus ai- sed Filium Dei ante sœcula, quia ipse Dei Verbum
que confidimus, coœternam trinitatem unius divini- Deus, qui erat in principio apud Deum, œque Deus
tatis et substantiœ, et operis et regni esse testetur; omnipotens et cooperator Palris. Per ipsum enim om-
cumque Pâtre Deum, et Filium Deum et Spiritum nia facta sunt, etc. No7i aufem caro tantum corporis
Sanctum Deum, ut est qui est. et erat, et venturus est nostri, sed homo totus, et corporis nostri et animœ
(Apocalyps. i, 4), qui 7nisit te sicut Moijsen et Apos- assumptione animœ autem ratiotialis , quœ juxta
:

tolos, evangelizare gentibus bona Domini ; quod ita 7iaturale opificium Dei habct insitam mentem : alio-
ut ipse a Deo doctus est, doces, unitatem trinitatis quin in tenebris Apollinaris errabimus, si hominem
sine confusions jungens, et trinitatem ipsius unitatis assumpium Deo animam mentis humanœ vacuam
sine separatione distinguens, ita ut nulla alteri per- quatis est pecorum et jumentorum dicamus habuisse ;

sona r.onveniat, omni persona trium Deus unus


et in et eum hominem quem suscepit Dei Filius, quinecesse
eluceat; et quidem Filius, quantus et Pater,
tantus est ea veritate, qua verifas est, et qua creavit hominem,
quantus Spiritus Sanctus; sed semper quisque sui no-^ totum susceperit, ut opus suum plenu salute renovaret.
minis proprietate distinctus, individuam relinet in Nulla est autem salus nostra, nisiplena est; quia non
virtutis et gloriœ œqualitate concordiam. Certiautem hominem, sed aliud r.cscio quod irrationabilis crea-
sumus quod et Filium Dei ita prœdicas, ut eumdem turœ animal suscepit Dei Filius, si mentem suam pro-
et Filium hominis confiteri non erubescas; tam vere priam hominis assumpti anima non habuit, et contra
90 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECClisIASTlQUES.
qu'une même divinité, même substance, salut serait nul, s'il n'était plein et entier.

même opération, même empire. Le Père est (( On pourrait même


ajoute saint Pau- dire ,

Dieu, le Dieu, le Saint-Esprit est


Fils est lin, que ce Verbe adorable n'aurait pas pris
Dieu, et ces divines personnes sont indivisi- la nature humaine, mais plutôt celle de notre
blement Celui qui est, qui était et qui doit animal privé de sa raison s'il était vrai que ,

venir. On doit joindre l'unité à la trinité, sans l'âme humaine qu'il a prise en se faisant ,

confondre les personnes, et distinguer la tri- homme, n'a point eu cet esprit qui est essen-
nité de l'unité, sans diviser la substance; en tiel à l'humanité, et ceux qui croiraient que
sorte que ces trois adorables personnes ne ce premier-né de toutes les créatures qui de-
sont qu'un seul Dieu, quoiqu'elles soient dis- vait servir de modèle à la perfection hu-
tinguées l'une de l'autre. Le Fils est aussi maine , n'a point eu l'esprit de l'homme ,

grand que le Père et le Saint-Esprit, et en- mais seulement de Dieu, tomberait dans
celui

core que chacune de ces personnes divines la même erreur que ces hérétiques qui tâ-
ait son caractère particulier qui la distingue ch ent de faire voir que la véril é s'est trompée .»
des autres, elles ont une union inséparable Il est questiondes apoUinaristes. Il con-
ici

dans l'égalité de grandeur de puissance et , fesse encore hautement que notre Seigneur
de gloire. Jésus- Christ est tellement Fils de Jésus -Chri?t, Fils de Dien est pareillement ,

Dieu, qu'il est aussi le Fils de l'homme, et il Dieu; qu'il est en la gloire de Dieu son Père,
est aussi véritablement homme en notre na- qu'il est assis à sa droite, qu'il est le Roi des

ture ,
vraiment Dieu en la sienne
qu'il est ;
rois , et qu'au jour de la résurrection géné-
il est le Fils de Dieu avant tous les siècles , rale, il viendra juger les vivants etles morts.
parce qu'il est Dieu, et le Verbe de Dieu qui (( Jésus- Christ s'est rendu malédiction pour

était dès le commencement en Dieu il est ; nous *, afin de nous exempter de la malé-
le vrai Dieu, aussi puissant que son Père, et diction de la loi , et il a condamné le péché
agissant indivisiblement avec lui puisque ,
par le péché , c'est-à-dire qu'en se revêtant
toutes choses ont été faites par lui, et que de la chair originaire d'Adam, il a étouffé la

rien n'a été fait sans lui il ne s'est pas seu-


; semence du péché qui vivait encore dans
lement revêtu d'une chair semblable à celle cette chair. C'est ainsi qu'il a dissipé la mu-
de notre corps, mais il a pris toute notre hu- raille, je veux dire le péché qui nous sépa-
manité et il est devenu un homme parfait,
, rait de Dieu. »

par la bonté qu'il a eue de prendre un corps 2. Mais le péché n'est pas tellement dé-
et une âme comme les nôtres, c'est-à-dire, truit en nous, qu'il ne se fasse encore sentir.
une âme raisonnable, ornée d'intelligence, (( Que je suis malheureux ~, dit saint Paulin,
selon l'état naturel qu'elle a reçue de Dieu de n'avoir point encore digéré par la vertu
en sa création; car il était nécessaire que le de l'arbre de la croix le fruit envenimé de ,

Fils de Dieu ,
qui est la vérité même et le l'arbre défendu Je sens encore les restes !

créateur de l'homme, en s'unissanl à notre de ce poison fatal que notre père Adam a
humanité ,
de l'homme
prit tout ce qui était répandu sur toute la postérité par sa rébel-
et tout ce qui nature humaine
compose la lion à moi qui devais avoir par inclination
,

pour nous sauver pleinement parce que le ,


naturelle les yeux ouverts à l'innocence et

naturam generis humani illo potissimum primogenitus vit; sic parietem valli, hoc est peccatum, quod inter
ac
omnin creatura hoino in formam perfe<:lionis humanœ nos Deum. separahat, destruens, fecit utraque unum.
et

assumptus in tantum mente sua indiguit, 'ut non de Epist. 22 ad Amand., pag. 63.
humano, sed de divino spirilu mentent habuisse dica- 2 Infelix ego, qui venenatum inimicœ arboris gus-

tur. Quûd illorum ore dicitur in quorum corde, ut et tuni nec crucis ligno digessi : durât enim mihi illud
Veritas mentita sit. Sed prope te et in te est Verbum ab Adam virus patcrnum, quo universitatem generis
veritutis et veritus Dei. Neque indiges Spiritu Sancto, sui pater prœvaricaius infecit : ut qui natwali bono
qui Dominum Jesum Dei Filium, Deum in gloria Dei oculos mentis apertos imiocentiœ, et iniquifaii clausos
Patris, et ad dexieram virtutis, Regem reguni manere, habebam, lethalem prudentiam boni malique delectu,
et ex resurrectione mortuorum judicem vivis et mor- de infausto nemoris interdicti cibo cœcaius pariter et
tuis adfore confileris, et credis et prœdicas. Paulin., maie luminutus haurirem. Atque utinam hoc saltem
Epist. 37 ad Victricium, pag. 229. remedio crimen illiciiœ concupiscentiœ diluissem, ut
Factus est enim pro nobis malediclum, ut uos
i accepta per gustum nocentem boni et mali scientia,
nialedicto legis absolveret de peccato damuavit
: bonum potius e/egissem! Sed de insipientiœ crimine
peccatum {Galat. m, 13; Rom. \m, 3). Id est peccati mihi culpa crevit auduciœ, quod cum et boni et mali
materiam, quœ adhuc in illu Adœ carne vivebat, in electum accepissem, malui quod nocebat appetere.
ipsa quant suscipere dignatus est, Adœ carne vacua- Paulin., Epist. 30 ad Sever., pag. 190.
[IV ET V SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 9!

fermés an péché ;
j'ai été tellement avenglé dans un de ses poèmes - il implore le se-
ou si mal éclairé par le pernicieux fruit de cours de la grâce tant pour éviter le péché
,

l'arbre défendu qne je n'ai plus que cette


,
que pour faire le bien. 11 dit ailleurs que le
funeste prudence qui me met en état de changement de l'homme est un ouvrage de
choisir le bien ou le mal. Plût à Dieu que du Dieu que lui seul peut refaire ce qu'il a
,

moins je me fusse servi de ce remède pour ,


fait 3.

effacer le crime que cette pernicieuse con- 4. Le baptême remet les péchés *, et re- Sor
le Baptême.
cupiscence m'a fait commettre; mais, par un nouvelle l'homme. Le martyre '^
produit le

étrange égarement j'ai ajouté l'audace à la ,


même effet dans celui qui désire d'être bap-

folie, et ayant eu la liberté de choisir le bien tisé, mais qui ne le peut faute de ministre.
ou le mal j'ai mieux aimé prendre ce qui
,
On s'assurait des dispositions de ceux qui de-
m'était nuisible que ce qui m'était avanta- mandaient le baptême. On ornait ^ les bap-
geux. » Ainsi donc, malgré ses liaisons avec tistères de l'église et on mettait au-dessus
,

Pelage, tant qu'il lui parut homme de bien, diverses inscriptions qui faisaient connaître
saint Paulin ne donna jamais dans les sen- à ceux qui demandaient le baptême ,
quelle
timents pernicieux de cet hérésiarque tou- en était la vertu , et quelles dispositions il

chant le péché originel, car ici il le reconnaît fallait y apporter. Saint Paulin en mit aussi
bien nettement. dans les deux sacristies qui étaient placées
3. 11 condamne aussi avec l'Eglise les er- aux deux côtés du sanctuaire, et qui mar-
reurs de Pelage sur la grâce, lorsqu'il dit '
quaient le devoir de chacun des ministres de
que nous faisons tomber les ennemis qui sont l'autel dans celle qui était à gauche étaient
;

à notre gauche et à notre droite, non par enfermés les livres de piété sur l'endroit où ,

notre propre force mais par celle de Jésus-


, reposaient '^
les reliques des apôtres et des
Christ pour qui nous combattons et qui est martyrs, au-dessus des croix qu'il avait fait
couronné dans notre victoire. C'est pourquoi peindre en rouge sur les portes de l'église
,

• Cadent a latere nostro mille,


et decem millia a * Quamobrem etiam basilicis tuis versiculos quasi
dextris nostris Non nostra, sed virtute
(Ps. xc, 5). votivos sacris fontibus titulos destinavi. De bapiisterio
Christi, cujus pugna est qua pugnamus , et eu jus igitur ipso erunt isti , de cuj'us pictura tantum sunt
corona qua vincimus. Paulin., Epist. 40 ad Amand., illi superiores.
pag. 250. Abluitis quicumque animas et membra lavacris,
*Da, Pater, invicfam contra omnia crimina mentem, Cernite proposifas ad bona facta vias.
Viperumque nefas nocituri averto veneni : Adstat perfectœ Martinus régula vitœ :

Pande viam, qua me post vincula corporis œgri Paulinus veniam quo mereare docet.
In sublime feram. Hune peccatores ; illum spectale beati :
Paulin., Poem, v, pag. 4. Exemplar sanctis ille sit, iste reis.
Da, Pater, hœc nostro fieri rata vola precatu : Epist. 32 ad Sever., pag. 200 et 201.
Nil metuam. cupiamque nihil : satis hoc rear esse. Hic reparandnrum ge/ierator fons animarum
Quod satis est : itil turpe velim nec causa pudoris : Vivuin divino lumine p.umen agit.
Sim mihi : nec faciain cuiquam, quœ tempore eoJem Sanctus in hune cœlo descendit Spirilus amnem,
Nolim facta mihi nec vero crimine lœdar,
: Cœlestique sacras fonte marital aquas.
Nec maculer dubio. Ibid. Ibid.
' Opus Dei est mutare hominem, quia solus poiest ^ Hic locus est veneranda penus qua conditur, et qua
instaurare quod fecit. Epist. 38. Promitur aima sacri pompa ministerii,
''Mira Dei pietai ! peccator mergitur undis, Epist. 32 ad Sever., pag. 209.
Max eadem emergit justificatus aqua. Si quem sancla tenet meditanda in lege volunias,
Sic homo et occasu felici functus et ortu Hic poterit residens sacris intendere libris.
Terrenis moritur, perpefuis oritur. Ibid.
Culpa périt, sed viia redit ; vêtus inlerit Adam ; Ecce sub accensis altaribus ossa piorum
Et novus œternis nascitur iiyiperiis. Regia purpureo marmore crusta tegit.
Paulin., Epist. 32 ad Sever., pag. 201. Hic et apostolicas prœsentat gralia vires
'^
Atque intérim licet superfluo, de prœsumptœ fidei Magnis in parvo pulvere pignoribus.
confirmalione solltcitus, quoniam nondumerat ex aqua Hic pater Andréas et magno nomine Lucas,
et Spiritu Sancto renatus per fidos internuntios a Martyr et illustris sanguine Nazarius ;
,

catholicœ religionis antistile donum baptismaiis pos- Quosque suo Deus Ambrosio post longa révélât
iuluvit. Sed ille vel temporis angustiis impedilus, vel Sœcula : Protasium compare Gervasio.
juvenili œlati diffidens, ardeniia vota dislulit ac , Hic simul una pium complectitur arcula cœtum .'
fi-
deliler indicavit
quod plenam consummationem etiam Et capit exiguo nomina tanta sinu.
hujus muneris daret prompta pro Christo cruoris Ibid., pag. 210.
ef-
fusio. Passio S. Genesii, pag. 323.
92 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
et sur celle qui répondait à la rue. Ces croix la cérémonie de la consécration des églises
étaient surroontées de deux colombes •, pour plus auguste, pour procurer aux fidèles des
montrer que la simplicité conduit à l'immor- objets de leur culte et nourrir leur piété. On
talité mais le signe de la croix peint à l'en-
;
avait aussi coutume de les orner de fleurs ^.

trée de l'église enseignait aux fidèles qui y


, Il se faisait de grands concours de peuples ^
venaient faire leurs prières, qu'ils ne pou- aux lieux où elles reposaient, à cause des
vaient espérer la couronne de l'immortalité, miracles que Dieu y opérait. Les démons '
y
qu'en portant la croix. étaient chassés des corps de ceux qu'ils pos-

Pu culte 5. C'était l'usage d'employer les reliques sédaient, et les malades guéris de divers
des
et de
reliques
Uconsé- des saints 2 Apôtres et des martyrs dans la maux par l'intercession des saints. Ce fut en
cration des
églises. De consécration des égli-es. On les mettait
^ implorant celle de saint Félix que Théride ®
eî"drrinTer- SOUS l'autcl ct quclqucfois dans des châsses qui s'était enfoncé dans l'œil un crampon qui
des
ou reliquaires détachés, pour les prendre servait à attacher une lampe, n'en reçut au-

plus aisément dans le besoin : car on ne dou- cune incommodité. Leur attention s'étendait
taitpas qu'elles ne servissent de défense et jusque sur les animaux, soit pour les guérir,
de remède. Les saints * se communiquaient soit pour les faire retrouver quand ils étaient

volontiers ce qu'ils en avaient, pour rendre perdus, comme on le voit par le poème dix- '^

1Ardua floriferœ crux cingitur orbe coronœ, Nam Felicem cœcis incumbere pœnis,
sibi

Et Bomini fusa tincta cruore rubet. clamore fatentur.


Pestiferi proceres tristi
Quœque super signum résident cœle.ste columbœ Paulin., Poem. xiv, pag. 41.
8 Sancte, precor, succurre tuo scio proximus adstas,
Simplicibus produnt régna patere Dei. :

Cerne coronatam Domini super aira Christi Et de contigua missis hue uuribus œde
Store crucem, duro spondentem ce/sa labori Audisti, Felix, fletum infelicis alumni...
Prœmia : toile crucem qui vis aufe.rre coronam. Nunc procorporeo medicus mihi curre periclo
Ibid., pag. 207. Curre, precor, sanctasque manus appone mitianti
î Quod si Dominus desiderium animœ vestrœ fece- Lapsum oculo, et fixum quod conspicis crue ferrum,
rit secundum fidem vestram , adjiciens ornatui et Quod propria revocai'e manu non audeo, ne me
sanclificaiioni operum vestrorum, ut sacros cineres de Lumine despoliem, éum conor solvere telo...
sa7ictis gloriosorum apostolorum aut martyrum reli- Mox oculus tanti purgaius nocte pericli,
'juiis adipiscamini, dignuni opère fidei vestrœ, et ope- Tam puro eniluit speculo, quam nunc quoque sanus
ris fideliter eluborati dedicatione procul dubio cele- Cernitur œlerni coUucetis munere Christi.
berrima , Sanctorum quoque reliquiis decens arbitra- Paulin., Poem. xx, pag. 95 et seq.
mur, ut hoc etiam quod de cruce misimus, pariier ' Felix sancte, meos semper miserate labores,

deposiium sacratumque veneremini. Epist. 32 ad Sever., Nunc oblite mei, cur me, rogo, vel cui nudum
p. 204. Verum hanc quoque basiliculam, de benedictis Deseris? amisi caros tua dona juvencos,
apostolorum et marlyrum reliquiis sacri cineres , in Sœpe tibi supplex quos cornmendare solebam;
nomine Christi sanctorum sancti et martyrum mar- Quos tua perpétua sermbat cura favore
tyris , et Dominorum Domini consecrabunt. Ibid.
,
,
Pascebatque mihi. Tua nam cuslodia salvos,
pag. 209. Dextraque sufficiens illos prœsiabat opimos,
s Divinum veneranda iegunt altaria fœdus. Quos misero mihi mox hœc abstulit. Heu quid agarn
Composais sacra cum cruce martyribus, Talia voce quidem querula, sed mente fideli [nunc ..
Cuncta salutiferi coeunt martyria Christi, Plorantcm, totoque die sine fine precantem
Crux, corpus, sanguis, martyris ipse Deus. Audivit lœtus non blando supplice martyr
Ibid., pag. 204. Et sua cum Domino ludens convicia risit,
Si vero magis placeat vobis hanc de cruce bene-
* Poscentisque fide, non liber late dolentis
dictionem ad quotidianam tutelam afque medicinam Motus, opem pi'operat; paucis mora ducitur horis...
inpromptu habere , ne semel condita in altario , non ... Ecce gerens duce numine mentem

semper ad manum , ut usus exigit , prœsto sit sufficit Par insigne boum, non nota per avia nocte
ct illa ad basilicœ consecrationem graiia. scilicet Do- Venerat ad notas nullis rectoribus œdes,
minus cum apostolis et martyribus. Ibid. Sponie quasi, non sponte tamen, quia numinis actu
!•
Spargite flore solum, prœtexite limina sertis Ereptos poiiore manu prœdonibus illos
Purpureum ver spiret hyems, sit floreus unnus Egerat occultis Felix 7noderatus habenis...
Ante dieyyi, sancto cedat natura diei. nie inopina videns divini insignia dont,
Martyris ad tumulum debes et terra coronas. Hœret adhuc, trepidumque etiam sua gaudia turbanti.
Paulin., Pocîn. xiv, p. 43. Credere non audet, metuit non credere ; cernit
6 Ecce vias vario plebs discolor agmine pingit : Coram, et caligare putat;dum respicit ad se,
Urbes innumeras una miramur in urbe. Diffidit tantum sese potuisse mereri :
felix Felice tuo tibi prœsule Nota. Sed contra reputans,a quo spcrauerit, audet
Paulin., Poem. xui, pag. 39. Credere, cognoscens Felicis gesta paironi.
^ Martyris ostendit meritum, cum jure potenti
Paulin., Poem. xvm, pag. 81 et seq.
Dœmonas exercet, divinctaque corpora solvit.
[ive ET V SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 9:^

huitième, où saint Paulin décrit l'histoire Dieu dans le jour du jugement, et d'employer
d'un paysan à qui le Saint fit rendre des son pouvoir pour qu'il soit mis non à la gau-
bœufs qu'on lui avait dérobés. Saint Paulin che avec les boucs, mais à la droite avec les
raconte ces miracles comme
en ayant été té- brebis. Il nous raconte lui-même qu'aussitôt

moin oculaire,pour les avoir appris de


ou • son arrivée à Noie, il se fit tondre ^ la barbe
ceux qui venaient chaque joiu" et de tous devant le tombeau de saint Félix usage ,

côtés rendre leurs actions de grâce's au tom- dont on trouve des vestiges dans l'antiquité
'^

beau de saint Félix, ou qui y venaient im- païenne. Suétone s'étant fait raser la barbe

plorer son intercession dans leurs maladies. et l'ayant mise dans une coupe d'or, la dédia
11 parle aussi comme témoin d'un incendie à Jupiter Capitolin. Les chrétiens, et particu-
éteint par la vertu d'une parcelle de la lièrement les moines ^, en usèrent de même.
vraie croix. Ce qu'il en envoya à Sulpice Ils consacraient à Dieu ou aux martyrs la

Sévère, était renfermé dans une fiole d'or ^. barbe qu'ils s'étaient fait raser en embrassant
Nous avons vu qu'il allait chaque * année à la vie monastique. On bénissait ^ la barbe
Rome visiter les tombeaux des Apôtres et avant de la tondre.
des martyrs, et assister à la fête de saint 6. Il dit en parlant de l'Eucharistie "^ «La :
Présence
réelle dans
Pierre et de saint Paul. Ses lettres et ses chair de Jésus-Christ dont je suis nourri, est l'Eucharistie.

poèmes sont pleins des témoignages de la cette chair qui a été attachée à la croix ; et le
confiance qu'il avait dans l'intercession de sang que je bois pour boire la vie et pour
saint Félix. Il le prie surtout avec beaucoup purifier mon cœur, est le sang qui a été ré-
d'instance ^, d'être son protecteur auprès de pandu sur la croix. » Pouvait-il marquer plus

1 Omni namque die testes sumus undique crebris sem benedictionem oris tui reddidit nabis. Epist. 43
,

CœtUnis aut sanos gratantia reddere vota, ad Augusl., pag. 270. Interea et hoc œstate labenta. Ra-
Aut cegros varias petere ac amùire medelas. mam ad venerabilem solemnitatis apastalicœ diem
Ceniimus et mttlfos peregnno a littore veclos, profecti su7)ius. Epist. 17 ac? Sever,, pag. 96,810,200.
Ante sacram saitcti prostalos martyris arani, * ... Hcec vota tuorum

Dum referunt grates, folerata referre periclu, Suscipe, commendaque Deo; ut cum sedula cura,
Testantes, validis cotlisa nave procellis, Servitium nostrum, longo tibi penderit œva
Se raptos miserante Deo. Felicis ut ipsa Tune demum placidos pietate labans alumnas
Educente i?ianu, maris emersisse profundo. Absolvas mit tente manu; pasitasque tuarum
Et desperatam placidos cœpisse saluiem, Ante tuas vultus animas vectare paterno
Felicis meritis et aquas et cedere flammas, Ne renuas gremio Damini fulgentis ad ara .'

Prœteiita ut taceam meriti documenta polentis, Quem banitate pium, sed majestate tremendum
Novimus expert i. Exora, ut precibus plenis meritisque redanet>
Paulin., Poem. xxm, pag. 140. Débita nostra tuis, cum tu quoque magna piorum
'Quanta Crucis virtus ! ut se natura relinquat, Poriio, regnantem, Félix, comitaberis agnum.
Omnia ligna varans ligna crucis uritur ignis. Posce ovium grege nos statui, ut senlentia summi
Murta )nanus, creblis tune illa incendia vasis Judicis hoc qwjque nos iterum tibi munere danet^
Aspergens, largis cupiebat vincere lymphis : Ne maie gratatis lœvas adjudicet hœdis,
Sed licet exhaustis pensarent fontibus imbres, Sed patius dextra pasitas in parte, salutis
V7 majore tamen, lassis spargentibus ; omnem Munifico pecori, laudatisque aggreget agnis.
Vicerat ignis aquam : 7ios ligna extinximus ignem, Paulin., Poem. xi, pag. 43. Vide pag. 93 et 158.
Quamque aqua non paierai , vieil brevis astula flam- * Tune etiam primœ {ut mas est) libamina barbœ
[mam. Ante tuum salium, quasi te carpente, talundi.
Poem. xxv, pag. 162.
Paulin., Paulin., Poew. XIII, edit. Muratori, Mediolani, 1697,
' Invenimus quod digne et ad basiiicœ sanctificatio- pag. 89.
nevi vobis, et ad sanctorum cinerum cumulandam be- ''
Barbam in sphœram quamdam auream conji-
nedictionem miiteremus partem particules de ligno di' ciens dedicavit Jovi Capitalina. Dio , lib. VI de Ne-
vinœ crucis. Quod nabis bonum benedicta Melania ab rone agens. Et Suetonius : Gymnico quod in septis
Jérusalem munere sancti inde episcopi Jaannis attu- edebat, inter Buthysiœ apparatum barbam pri/nam
lit.... Accipite magnum in modica munus ; et in seg- posait , conditamque in auream pixidem, et pretiasis-
mento pêne atamo ustulœ brevis sumite munimentum simis margaritis adarnntam Jovi Capitalina conse-
prœsentis et pignus œternœ salutis... Non autemvabis cravit.
et hoc scribimuSj ut ij7iitemini compositionem istam, 8 Vide Mabillou., in Vita S. Villelmi Ducis , cap.
qua iubello auréola rem tantœ benedictionis inclusi- XXIII.
mus. Paulin., Epist. 31 ad Sever., pag. 193, 194. **
Crastino die barbam (episcopus) benedici jubet et
* Liiterarum libella cujus dignus portitor Adcmarus
fuit vir detundi. Cabanensis , apud Bestium
benedictus homini fraternoster, Quintus diaconus ; qui pag. 328.
longoquidem posteaquam ad urbem venerat intervalla, '" In cruce fixa caro est, qua pascor ; de cruce sanguis
cum eo juxta solemnem meum morem, post Pascha Do' nie fluit vitam qua bibo, corda lava,
intnt, pro upostolorum et martyrum veneratione venis- P&vdin., Epist. 32, pag. 204.
94 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSUSTIQUES.
précisément la présence réelle ? On voit par l'église jour et nuit. Le papier d'Egypte ser-
divers endroits de ses lettres,
que les per- vait de mèche tant aux cierges qu'aux lam-
sonnes de piété s'envoyaient mutuellement pes. Ces portes des églises ^ étaient ornées

(les euloyies et des pains dont la figiu^e était de dorures. Dans le vestibule ou à l'entrée,
le symbole de la Trinité '. était un vase plein d'eau ^ ou une fontaine

Mariage.
7. C'était l'évéque - qui bénissait les ma- où les fidèles se lavaient les mains et la
riages, et qui sanctifiait les conjoints en bouche.
priant pour eux et eu leur imposant les 9. On recevait les quatre ordres mineurs
mains. en diflférents temps et par degrés ^ mais on ;

Outre les images de saint Martin et de


8. était admis de bonne heure aux fonctions de
Peinture
dans les égli- saint Paulin peintes dans le baptistère de lecteur et ensuite d'exorciste.
ses et autres
ornements.
l'église que Sulpice Sévère avait fait bâtir, 10. Saint Paulin reconnaît en plus d'un en-
on en voyait beaucoup d'autres dans celles droit ^l'efficacité de la prière pour les morts,
de saint Félix de Noie. L'histoire de tout le et il ne doutait pas que celles qu'il demandait
Pentateuque ^ de Moïse était représentée à ses amis pour le repos de l'âme de son
dans les portiques de cette basilique; et l'on frère, ne dussent, en effet, lui procurer du
y voyait aussi celle de Josué, de Rutb, des rafraîchissement et de la consolation dans les
Rois, de Job, de Tobie, de Judith et d'Esther. peines de l'autre vie.
Ces peintures étaient une espèce de livre •*
1 1 Il dit en parlant d'un de s€s anciens
'*^

pour les ignorants. On mettait aux portes des domestiques qu'il avait affranchi « Etant :

temples des voiles blancs^; on allumait des arrivé chez nous dans le temps du carême,
cierges autour de l'autel, et des lampes dans il a jeûné tous les jours jusqu'au soir comme

1 Panem unum
sanclitati tuœ unitaiis graiia misi- ^ Aurea nunc niveis ornantur limina velis,
mun ,quo etium Trinitatis solidiias coniineiur.
in Clara coronantur densis altaria lychnis,
Hune paneni eulugiam esse faciès dignatione sumendi. Lumina ceratis adolentur odora papyris;
Vide etEpist. 45 ad Alypiuin, et 4(> ad Romanian. Nocte dieque micant, sic nox splendore diei
2 Hinc memor, officii non immemor, ordine recto Fulget : et ipsa dies cœlesti illustris honore.
Tradit ad JEmilii pignora cara manus. Plus micat innumeris lucem geminata lucernis.
lllejugans capila amboruni sub puce jugali Paulin., Poem: xiv, pag. 43.
Velal eos dextra, quos prcce sanctificat. 6 Ibid.
Pauliu., Poem. xxni, pag. 130. ^
Ubi {in vestibulo) cantharum ministra manibus et
" Nunc volo picturas fucatis agmine longo oribus nostris fluenta ructantem, fastigiatus solido œre
Porticibus videas, paulumque supina fatiges tholus ornât et inumbrat, non sine mystica specie qua-
Colla 7'eclinato dum perlegis oninia vultu. tuor columnis salien tes aquas ambiens. Paulin., Ep. 13,
Qui videt liœc, vacuis agnoscens vera figuris, pag. 74.
No7i vacua fidam sibi pascet imagine mentem. * Primis lector servivit in annis.
Omnia nanique tenet série pictura fideli, Inde gradum cœpit, cui munus voce fideli
Quœ senior scripsit per quinque volurnina Moses, Adjuvare malos, et sacris pellere verbts.
Quœ gessit Doniini signatus nomine Jésus... Paulin., Poem. xv, pag. 47.
Jam dislinguentein modico Ruih tempora libro, 9 Unde peiimus ut paterna affections compatiens huic
Tempora Judicibus finita, et Regibus oria nostro dolori meminisse digneris,... et ut illius, fra~
Intenlis iranscurre oculis. tris nostri, animam vel de minimo sunctitatis tuœ di-
Paulin., Poem. xxiv, pag. 155. gito distillans refrigerii gutla respergat. Epist. 33 ad
At geminas quœ sunt dextra lœvaque patentes, Delphin., pag. 223. Ob hoc impense rogamus, ut....
Binis liistoriis ornât pictura fidelis. hanc meritis fidei tuœ mercedem accumules, ut pro eo
Vnam sanctorum comptent sacra gesta virorum, infirmitati nostrœ compatiuris, et orandi labore cons-
Jobus vulneribus ienlatus, luniine Tobit. pires; ut misericors et miserator Deus... réfrigère
Ast aliam, sexus nnnor obtinet, inclyta Judith, animam suœ per oratio-
ejus stillicidiis misericordiœ
Qua simul et reginu potens depingitur Est/ier, nés vestras. Quia sicut ignis accensus ab eo ardebit
Pauliu., Poem. xxv, pag. 160. usque ad inferos deorsum, ita procul dubio etiam ros
* Forte requiratur,quanam ratione gerendi indulgentiœ ejus inferna penetrabit, ut roscido pietatit
Sederii liœc nobis sententia pingere sanctas ejus lumine in tenebris ardentihus œstuantes refrige-
Raro more domos animantibus adsimulatis; remur, Pauliu., Epist. 36 ad Amand., pag. 224. Vide
Accipile, et paucis tentabo exponere causas. pag. 73, 77 et 83.
Quos agal hue sancti Felicis gloria cœtus, '0 isam cum in diebus Quadragesimœ ndvenisset,..,

Obscurum nulli : sed turba frequentior his est quotidiana jejunia non refugit et paupcrem mensu-
,

Rusticttas non cassa fide, neque docta legendi, lam vespertinus conviua non horruit... Nam ut solem-
Hœc adsueta diu sacris servire profanis nitas Paschalis revocavit dies prundiorum, incipiebat
Ventre Deo, tandem convertitur aduena Christo, nobis circa meridiem murmurare dieens : Exuruit si-
Dum Sanctorum opéra in Christo miratur aperta. cut testa guttur meum , etc. Epist. 15 ad Amand.,
Pauliu., Poem. x.\iv, pag. 166. pag. 87.
[iv ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 95

nous il ; s'est contenté de la frugalité de notre même enseigne ne se devoir pas faire? Il n'y
pauvre table. Mais lu fête de Fâ>jues n'eut a qu'un calice, qu'un pain, qu'une table,
pas plutôt rendu aux chrétieus la permission qu'une maison du Seigneur; c'est dans les
de diuer, qu'environ Iheure de midi, il de- cabarets que l'on vend du vin, mais la sainte
mandait à mauger. » On jeûnait de même en '
église est une maison de prières. »
certaines veilles de fêtes et le soir, lorsque
: 14. Quand on bâtissait une église, on la Eglises tour
'"'
l'on avait mangé, on passait une partie de la tournait ordinairement à l'orient ^, parce que ?ienu*

nuit dans Tégiise à chanter des liymnes et des c'était la coutume générale de de l'Eglise,
psaumes. prier à l'orient. Mais saint Paulin, qui ne fai-
12. Saint Paulin dépeint la croix telle qu'on sait la sienne que pour augmenter en quelque
,^^^ ^^
ent de
avait coutume de la mettre dans l'église de sorte celle de saint Félix, la tourna du côté
Noie, comme un mât de vaisseau traversé par de celle de ce saint martyr. Il remarque que
l'antenne, ou comme le T qui, chez les Grecs, les reliques de saint Luc ^ reposaient dans la
signifie 300, ou comme une balance en sorte ; Boétie, celles de saint Pierre et de saint Paul
que le montant de la croix se terminait aux à Rome celles de saint Matthieu chez les
,

bras de la croix. Il dit - que cette croix était Parthes, celles de saint André à Patras, celles
environnée d'une couronne ou d'un bandeau de saint Jean à Ephèse, celles de saint Tho-
royal, mas aux Indes, celles de Lebbée en Libye,
tins aux 13- Il n'approuvait pas •"•
les festins qui se celles de Philippe en Phrygie , celles de Tite
aux des
aQX tombeaux des martyrs et il
fyjg.jjgi^j_ , à Crète, celles de saint Marc à Alexandrie,
aurait souhaité que ceux qui venaient y oûrir Dieu ayant voulu que ces grandes lumières
leurs vœux, se fussent contentés d'en témoi- fussent dispersées dans toutes les parties
gner une joie purement spirituelle, par de du monde, pour en éclairer les ténèbres.
saints cantiques ; mais il excuse en même 15. Voici les enseignements de saint Paulin Maximes
mors. es snr
temps la rusticité et la simplicité de ceux qui sur les devoirs des chrétiens en général. Les lesdevoirsdes
chrélii-ns.
se persuadaient faussement qu'ils honoraient chrétiens seraient heureux s'ils avaient au-
les saints, en buvant sur leurs tombeaux. tant de soin de plaire à Dieu, et autant de
« Croyez-vous, leur dit saint Paulin, que les crainte de lui déplaire, qu'ils en ont de plaire
saints approuvent, après leur mort, ce qu'ils ou de déplaire aux hommes s'ils avaient ;

ont condamné pendant Le tombeau


leur vie? autant de considération pour les préceptes
de saint Pierre peut-il agréer ce que lui- de Jésus-Christ, que pour les moqueries du

* Nostis eum morem quo jejunare solemus Simplicitas pietate cadit, maie credula sanctos
Ante diem, et sero libatis vespere sacris, Perfusis halante mero gaudere sepulcliris.
Qui.sque suas renieare dumos. Tune ergo solutis Ergo probant obiti, quod damnavere magistri ?
Cœtibus a templo Domini postquam data fessis Mensa Pétri recipit, quod Pétri dogma réfutât ?
Corporibus requies sumpla dape, coepimus hymnis L'nus ubique calix Domini, et cibus unus et una
Exu/tare Deo et psaliitis producere noclem. Mensa, domusque Dei. Divendant vina tabernis ;
Paulin., Poem. xx, pag. 93. Sancla precum domus est Ecclesia.
*Forma crucis gemina specie coniponilur et nunc Paulin., Poem. xxiv, pag. 156.
Antemnœ specicm navalis imagine malt, * Prospectus vero basilicœ )ïon, ut usitatior mos est,
Sive notam Glacis soiitam signare trecentos orientem spécial, sed ad Domini mei beati Felicis ba-
Explicat existens, cum stipite figitur uno, silicam pertinet , memoriam ejus aspiciens. Paulin.,
Quuque cacumen habet Iransverso vecte jugatur. Epist. 32 ad Sever., pag. ?07.
Paulin., Nat. 11, pag. 42, edit. Mural. 5 Quos tamen ante obitum loto dédit orbe magislros
Ergo eadem species formam crucis exeril illam, Inde Petrum et Paulum romana fixit in urbe,
Quee trutinam œquato libratam staminé signal. Principibus quoniam medicis caput orbis egebat
Ibid., pag. 46. Multis insanum vitiis, cœcumque tenebris.
Cerne coronatam Domini super atria Christi
Stare crucem, duro spondentem celsa labori Sic Deus et reliquis Iribuens pia munera terris,
Prœmia. Sparsit ubique loci magnas sua membra per urbes.
Paulin., Epis t. 32 ad Sever, pag. 207. Sic dédit Andream Patris, Ephesoque Joannem,
5 Verum utinam sanis agerent hœc gnudia votis, l'tsimul Europam atque Asiam curaret in illis,
Nec sua liminibus miscerent pocula sanctis. Discuteretque graves per lumina tanta tenebras,
Quamlibet hœc jejunn co/tors potiore resuliet Parihin Matthœum cotnplectitur, India Thomam,
Obsequio castis sanctos quoque vocibus hymnos Lebbœum Libyes, Phryges accepere Philippum,
Personal, et Domino canialam sobria laudem Creta Titum surnpsii, medicum Boetia Lucam,
Immolât. Ignoscenda tamen puto talia parvis, Marcus Alexandria
Gaudia quœ ducunt epulis, quia mentibus error Paulin., Poem. xsvii, edit. Muratori, pag. 3, 3 et 0.
Irrepit rudibus; nec tantœ comaa culp'n
96 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
monde , s'ils travaillaient avec autant
et de nos corps et de nos sens, nous n'expri-
d'aideur pour acquérir la louange qui vient
'
mions la mort qu'il a endurée sur la croix.
de Dieu^ que pour attirer les vains applau- La vertu se perfectionne dans les maladies,
dissements du commun des liorames. La parce qu'alors l'âme voyant la chair domptée
boune vie d'un petit nombre sufiit pour ré- n'a rien qui l'empêche de servir Dieu *', et
gler tout le reste ^, et Dieu la propose à tous qu'elle se sert de la maladie même pour
les hommes, afin qu'elle serve d'exemple à remplir les devoirs de la piété. Dans une
ceux qui croient, et de condamnation à ceux communauté où l'on fait profession de piété,
qui demeurent endurcis. Nous devons faire l'union doit être inviolable, parce qu'autre-
ce que Jésus-Christ a ordonné^, si nous vou- ment on se perdra et on se détruira soi-
lons obtenir ce qu'il a promis; si nous n'o- même : (( Comme nous sommes dit saint ,

béissons point à la parole de Dieu, elle sera, Pauhn, tous membres d'un même corps,
comme Jésus-Christ nous en assure, notre que nous n'avons tous qu'un même chef, que
accusatrice, et nous livrera à ce Juge qui nous sommes arrosés de la même grâce,
nous fera rendre compte jusqu'à la dernière que nous mangeons le même pain, que nous
obole de l'argent qu'il nous aura confié *. marchons dans la même voie, et que nous
Nous devons mourir en ce monde à nos pé- sommes domestiques de la même maison,
chés ^, pour ne pas vivre en enfer dans les nous devons de même n'être qu'un dans
peines. Nous devons avoir du moins autant l'esprit et dans le corps du Seigneur *^, de

d'ambition pour acquérir le royaume de l'unité duquel nous ne saurions nous séparer
Dieu, que nous en avons eu pour acquérir sans nous perdre et nous détruire nous-
les vaines dignités du siècle et nous devons : mêmes, n

agir avec autant de soin et d'application ^


ARTICLE VI.
pour les biens du ciel, que nous en avons eu
pour les bieus périssables de la terre. Il ne JUGEMENT DES ÉCRITS DE SAINT PAULIN. ÉDITIONS
nous servira de rien de haïr le vice et d'ai- qu'on en a FAITES.
mer la vertu, si nous ne faisons pas plutôt ce
que nous haïssons, et si nous ne nous effor- 1. Rien ne mieux connaître combien
fait

çons point de travailler à devenir ce que saint Paulin était content de la vie humble t!Lt
nous voudrions bien être ^. Nous devons bien et pénitente qu'il avait embrassée, que la
nous garder de préférer à Dieu nos amis, gaîté et la douceur qu'il fait paraître dans
notre patrie, les honneurs et les richesses de toutes ses lettres. On y voit couler le lait'^et
ce siècle, puisque la figure de ce raonde le miel, qui marquent la simplicité de cœur
passe, et que ceux qui l'aimeront, périront avec laquelle il cherchait Dieu dans le senti-
avec lui ^. Nous devons faire voir par une ment qu'il avait de sa bonté, et il y paraît
charité mutuelle des uns envers les autres, tout pénétré d'amour et de recoimaissance
que nous sommes les disciples d'un maître pour Elles sont pleines d'une loi non
lui.

qui a aimé les siens jusqu'à la fin ^ et qui a feinte, d'une espérance solide et d'une cha-
donné sa vie pour ses amis. Notre partage rité très-pure, qui exprime bien cette soif

ici-bas étant la mort de Jésus-Christ, nous ardente dont son âme brûlait et se consumait
n'aurons point de part à sa résurrection dans dans le désir qui la faisait soupirer après la
la gloire '^, à moins que, par la mortification maison du Seigneur. On ne sait qu'y admirer

1 Paulin., Ëpisf. 13, num. 15. Christi , et quam flagrat ex eis , dici non potest....
2 Epùt. 38, num. 7.— 3 Epist. 13, num. 2G. Hœc atque hujusmodi suavissima et sacralissima spec'
* Paulin., Epist. 36, niun. 3. tacula litterœ tuœ prœbent legentibus, lilterœ illœ
^ num. 11.
Epist. 40, — ^ num. 11.
Epist. 38, purœ
litterœ fidei non fictœ, litterœ spei bonœ, litterœ
' Epist. 30, num. 2. — » Epist. 25, num. 2 et 3. charitatis. Quomodo nobis anhelant silim tuam,et de--
9 Epist. 5, num. i. — ^* Epist. A5, num. 5. siderium defeclum animœ tuœ in atria Domini? Quid
11 Epist. 5, num. 17. — i^ Epist. G, num. 2. arnoris sanctissimi spirant ? Quantam opulentiam sin-
1^Legi etiim litteras tuas fluentes lac et mal, pvœfe- ceri cordis exœstuant? Quas agunt gratias Dec? Quas
1-entessimplicitatem cordis tui , in qua quceris Domi' impétrant a Deo? Blandiores sunt an ardentiores ? ,

num, sentiens de illo in bonitate, et afférentes ei clu' Luminosiores , an fecundiores? Quid enim est quod
ritatem et honorem. Legerunt fralres, et gaudent infa- ita nos 7nulcent , ita accendunt , ita compluunt, et ita

tigabiliter et ineffubiliter tam uberibus et tum excel" serenœ sunt. Augu.st., Epist, 27, tom. I oper. Paulin.,
leniibus donis Dei, bonis tuis. Quotquot eas legerunt pag. 16.
rapiunt, quia rapiuntur cum legunt. Quani suavis odor
[iv^ET v« SIÈCLES.] CHAPITOE IX. — SAINT PAULIN DE NOLE. 9?

le douceur ou de l'ardeur, de
plus, de la de vous enseigner ce que j'ai appris, et de
l'onction ou de la lumière; car autant répan- vous découvrir les mystères de l'Ecriture,
dent-elles de douceur dans rame de ceux nous aurions en vous quelque chose que la
qui les lisent, autant y jettent-elles de feu, savante Grèce n'a pas eu. Si vous bâtissiez
autant y font-elles tomber de rosée, autant sur ce fondement, ou, pour mieux dire, si
y font-elles luire de clarté et de sérénité. vous mettiez cette dernière main à vos ou-
C'est le jugement qu'en portait saint Au- vrages, nous n'aurions rien de plus beau, rien
gustin, qui ne pouvait se lasser de les lire; de plus docte, rien de plus agréable, rien de
de l'Afrique à qui il les
et les autres saints mieux écrit vous avez un grand génie, une
:

communiquait en pensaient de même. Ce fécondité inépuisable et une extrême facilité


sont sans doute ces lettres qui l'ont fait ap- pour parler. La pureté de votre discours est
peler '
les délices de l'ancienne piété chrétienne. jointe à un jugement solide, car tous les sens
Comme qu'un écoulement de
elles n'étaient ont de la vigueur quand la tète est saine. »
l'abondance de son cœur, il y a moins d'art Le discours de saint Paulin sur l'Aumône
là que dans ses autres écrits. Il y en avait est écrit avec toute l'élégance et toute la pu-
beaucoup dans le Panégyrique de Théodose, reté que saint Jérôme trouvait dans le Pané-
au rapport de saint Jérôme qui l'avait lu. gyrique de Théodose ; et il a cet avantage, que
((Les divisions surtout, dit ce Père -, m'en tout y est soutenu, non par des sentences
ont beaucoup plu. Mais si vous excellez dans tirées des profanes, mais par des autorités
les premières parties, vous vous surpassez prises de nos livres saints. Ses poèmes ont
dans les dernières. Le style en est serré et de de la douceur les pensées en
la gaité et ;

net, les termes en sont purs et choisis, et sont belles, les comparaisons nobles et bien
tout y est parsemé de sentences car, comme ;
maniées; le poète se soutient partout sans
dit un auteur, c'est peu de chose qu'un dis- jamais tomber. Ausone, son maitre ^ avouait
cours dont on ne loue que les paroles. 11 y a que son disciple avait emporté la palme sur
de plus une grande suite dans le vôtre et ;
lui pour les vers; et il proteste* qu'il ne con-

toutes les parties en sont si bien liées, qu'elles naissait point de nouvel auteur, parmi les
dépendent les unes des autres en sorte : Romains, qui égalât saint Paulin pour la
qu'on ne saurait rien détacher qui ne soit ou poésie. Il dit même ^ qu'il était l'unique
la fin de ce qui précède, ou le commence- écrivain qui se fût rendu court sans être
ment de ce qui suit. Heureux l'empereur qui obscur.
a pour apologiste un tel orateur de Jésus- 2. La première édition des œuvres de Editions de
Christ ! Vous avez relevé l'éclat de la pourpre, saint Paulin fut faite à Paris en 1576, par sesœuvres.

et vous ferez révérer par la postérité les lois Josse Bade : elle n'est ni correcte ni entière.
si sages et
si utiles de ce prince. Soutenez- La seconde est de Cologne, en 1360, chez
vous bien. Après de si beaux coups d'essais Materne Chohn ce fut Jean Antonien, domi-
:

l'on attend tout de vous, lorsque vous aurez nicain, qui en prit soin; mais Henri Gravius,
un peu plus d'expérience. S'il m'était permis religieux du même ordre, en avait corrigé

Cardinal Perron., in Plesseum de Missa , fol. 403.


* extrema manus operi tua induceretur, nihil pulchrius,
* Liùrum tuum
,
quem pro Theodosio principe pru- nihil doclius, nihil dulcius, nihilque latinius luis ha-
dente/' ornateque compositum iransmisisti , lihenter legi, beremus volumini bus... Magnum Itabes ingenium, et in-
et prœcipue mihi in illo subdivisio placuit : cumque finiiam sermonis supellectilem : et facile loqueris et
in primis partibus vincas alios, in penutfimis teipsum pure; facilitasque ipsa et puritas, mixta prudentiœ est,
superas. Sed et ipsum genus eloquii pressum est, et capite quippe sano omnes sensus vigent. Hieronym.,
nitidum; etcum Tulliana luceat puritate, crebrum est Epist. ad Paulin., tom. II oper. Paulin., pag. 118.
in sentendis. Jacet enim, ut quidam ait, oraiio, in qua * Et quœ jam dudum libi palma poeticu pollet

iatitum verba laudantur. Prœferea magna est rerum Lcmnisco ornala est, quo mea palma caret.
consequentia , et alterum pendet ex altero. Quidquid Cedimus ingenio quantum prœcedimus œvo.
assumpseris, tel finis superiorum, vel initium sequen- Assurgit musœ nostra camœna tuœ.
tium est. Félix Theodosius qui a tali Christi oratore AusoD., Epist. 20 ad Paulin., tom. II oper. Paulin.,
defenditur. Illustrasti purpuras ejus, et utililatem le- pag. 115.
gum futuris sœculis consecrasti. Macte virtute, qui ia- * Jam quid de eloquentia dicam? Liquida adjurare

lia habes rudiment a, qualis exercilatus miles eris ?... possum nullum tibi ad poeticam facundiam romance
Si contingerel docere quœ didici, et quasi per manus juventutis œquari. Auson., Epist. 19 ad Paulin.
mysteria tradere Sa-iptururum , nascerelur nobis ali- ^ Tanta eloquentia scriptum, ut solus videreiur as-
quid quod docta Grœcia non haberet... Si haberes hoc secutus, quod contra rerum naluram est , brevitas ut
furidamentum {divinusnempe Scripturas), imo si quasi obscuranon esset. Ausou., ibid.
VIII.
98 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
auparavant le texte original sur quelques écrits un grand nombre de mots difficiles à

anciens manuscrits. Choliu en une réim- fît entendre, M. Lebrun en a donné l'explication
pression eu I06G. La troisième est de Grineus, dans un dictionnaire qu'il a joint aux diffé-
qui donna place aux écrits de saint Paulin rentes leçons et aux passoges de l'Ecriture
parmi les Orthodoxographes imprimés à Bâlc, cités dans les œuvres de saint Paulin. M. Le-
en 1569. André Scot en fit une quatrième brun compte, comme les autres, quinze poè-
qu'il inséra dans la Bibliothèque des Pères, à mes en l'honneur de saint Félix, et ce nom-
Cologne, en 1618. Il revit les œuvres de saint bre est fondé sur un ancien écrivain ecclé-
Paulin sur un ancien manuscrit, et ajouta à siastique qui vivait vers l'an 821 nommé ,

son édition VEpithalame de Julien et d'Yc, qui Dungal. En etîet, dans un écrit contre Claude
n'avait pas encore été imprimé. La cinquième de Turin touchant le culte des saintes images,
édition est d'Eribert Rosveyde, avec les notes il cite les xi, xiii, xiv et xv«^ poèmes de
de Fronton-le-Duc. Elle parut à Anvers, chez saint Paulin; mais Muratori soutient qu'il y
Plantin, en 1622, en deux volumes in-8°. a faute dans ces citations, et que le passage
François Chiilet, ne la trouvant pas exacte, cité par Dungal, du quatorzième, doit être
fît imprimer à Dijon, en 1662, plusieurs mo- rapporté au treizième, ce qu'il prouve par
numents qui regardent l'histoire de saint l'autorité d'un ancien manuscrit et par la
Paulin, sous le titre de Paulinus illustratus, liaison des événements et des circonstances
afîn d'engager quelqu'un à entreprendre une de de saint Paulin. Celui que Dungal
la vie
nouvelle édition des œuvres de ce Père. Elles cite comme étant du quinzième, doit êli'e re-
furent néamoins réimprimées comme elles gardé comme le quatorzième, et saint Pau-
avaient été données par Rosveyde, dans le lin, d'après le même critique, n'en a pas fait

sixième tome de la Bibliothèque des Pères de davantage en l'honneur de saint Félix. Comme
Lyon, en 1677. Seulement on y joignit à la ce quatorzième ne se trouvait point dans son
fîn le poème d'un mari a sa femme, que nous manuscrit, Muratori ne l'a pas fait imprimer,
avons dit n'être point de saint Paulin. M. Le- et s'est contenté de nous donner tout entier
brun profitant du recueil de Chiflet, entreprit les XI, XII et xiiF% qui se trouvaient imparfaits
une nouvelle édition de ses écrits, après les dans l'édition de Lebrun. Ils ont été imprimés
avoir revus sur un grand nombre de manus- â Milan en 1697, avec beaucoup d'autres
crits. Elle parut à Paris en 1683, divisée en pièces, sous le titre d'Anecdotes de la Biblio-
deux tomes reliés en un seul volume. Le thèque anibrosienne. [En 1736, Muratori fît
premier tome contient les lettres de saint réimprimer à Vérone, par les soins du mar-
Paulin et les poèmes qui sont incontestable- quis Matiéi, l'édition de Lebrun, un vol. in-
ment de lui, le tout distribué par ordre chro- lol. ,avec des corrections faites d'après les ma-
nologique. compte cinquante-deux lettres
Il nuscrits ambrosiens. Elle est enrichie du xi%
en y comprenant les discours surl'Aumôjieet du xii« et du xiii^ poème et de dissertations
la Passion de saint Genès. Les poèmes sont pleines d'érudition au nombre de vingt-deux.
au nombre de trente-deux, dont quelques- On distingue surtout la XVP, sur les ornements
uns sont imparfaits. On trouve dans le second des temples des anciens chrétiens et l'usage des
tome les ouvrages que l'on doute être de bougies allumées pendant le jour ; la xvip du
saint Paulin ou qui sont visiblement sup- sépulcre des anciens chrétiens ; la xvni^ des
posés; de savantes notes sur les lettres elles ex-voto consacrés aux saints; la xix' des fêtes
poèmes de ce Père ; les éloges que les an- des martyrs. Les trois poèmes ont paru de-
ciens ont faits, soit de sa personne, soit de puis plus corrects et considérablement aug-
ses écrits; sa Yie, qui n'estque peu ou point mentés dans les Anecdotes de MingareUi,
différente de celle qu'a donnée depuis M. de Rome 1736, in-folio. Ils ont été réimprimés
Tillemonl sept dissertations, dont les deux
; dans Galland, Biblioth. Script, veter., t. VIII,
premières justifient l'ordre chronologique des p. 209-27. On peut voir sur tout cela la
lettres et des poèmes. Les trois suivantes préface de MingareUi et les prolégomènes de
contiennent la Vie de S ulpice- Sévère, d'Alé- Galland. M. Migne a reproduit l'édition de
thius, de saint Victrice de Rouen, et de saint Vérone au tome LXI de la Patrologie latine,
Apre. La sixième traite des écrits de saint avec les préfaces et les additions de Minga-
Paulin qui sont perdus ou qui lui sont faus- reUi. Les Lettres de saint Paulin ont été tra-
sement attribués. La septième est sur la cap- duites eu français, Paris, 1703, 1724, in-8".
tivité de saint Paulin. Comme il y a dans ses On attribue généralement cette traduction au
[IV* ET \"= SIECLES.] CUAPITRE IX. — SALNT PAULIN DE NOLE. 99

Père Frassen, mais l'abbé Gouget prétend que sites. Il ne reçut le baptême qu'assez tard,

le véritable traducteur est Claude de San- âgé d'environ quarante-six ans. Les Goths, en
teuil, frère du poète. Les Chefs-d' Œuvre des quittant Bordeaux, la traitèrent comme une
Pères, tom. XIV, renferment avec le texte en villeennemie. Saint Paulin, qui croyait n'a-
regard, la traduclion des lettres à Licentius, voir rien à craindre de leur part, ne fut pas

à Sévère, à Amand, à Jovis, à saint Augus- mieux traité que les autres on pilla lui et sa :

tin, et du sermon sur le Tronc destiné à re- mère, et ou les dépouilla de tout ce qu'ils

cevoir les aumônes. Les de Poètes chrétiens avaient ", leur laissant seulement la vie et la

M. F. Clément contiennent la traduclion de liberté comme une grâce. N'ayant plus aucun
plusieurs poèmes de saint Paulin. Le Père bien^ dans les Gaules, il forma le dessein de
Remondiui a donné en italien une excellente s'en aller dans la Grèce, où sa mère qui en
traduction des œuvres de saint Paulin elle ;
était originaire possédait beaucoup de belles

est accompagnée de la vie du saint, loin, 11 terres mais sa femme ne put se résoudre
;
'^

de la Storia eccles. di Nola, 1751.] à passer la mer. pensa même "^ à se faire
11

Margarin de la Bigne a fait imprimer


3. moine, mais il en fut détourné par diverses
dans le second tome de la Bibliothèque des pei'sonnes, qui lui représentèrent qu'il ne
Pères, à Paris en 1739, sous le nom de saint devait, point parmi de si grands malheurs,
Paulin de Noie, un poème intitulé Eucharis- abandonner le soin de sa famille qui était

tique ou Actions de gri^œes. Mais on convient nombreuse. Il fut donc contraint d'errer de
aujourd'hui que ce poème n'est point de ce côté et d'autre hors de son pays. Ce ne fut
saint évèquc, mais d'un autre Paulin qu'At- pas là le dernier de ses malheurs il perdit :

tale, qui reprit la pourpre dans les Gaules en de suite sa belle-mère, sa mère, sa femme et
414, voulut avoir à son service, pour sa con- un de ses enfants qui était prêtre les autres :

solalion. Quoique ce prince fût sans pouvoir, le quittèrent pour se joindre aux Goths. Les

sans argent, sans soldats et sans domaine, il biens " qu'il avait dans la Grèce, passèrent eu
ne laissa pas de donner à Paulin le titre de d'autres mains, et il paraît que son frère s'en
comte ou d'intendant de son domaine et
'
;
empara. Il lui restait une maison à Mar-
celui-ci en accepta le titre moins par considé- seille '- avec quelques terres il y lit donc son :

ration pour Attale, que pour se mettre à cou- séjour en faisant valoir lui-même son bien ;

vert des mauvais traitements des Goths, qui mais enfin ce dernier séjour lui manqua, et
avaient été reçus comme amis dans la ville il se vit réduit à l'extrémité. Il i-econnut dans

où il demeurait On croit que c'était Bordeaux.


. tous ces fâcheux événements, la main de
Paulin était né à Pclla -, en Macédoine, l'an Dieu qui voulait le puritier des fautes de sa
376, puisqu'il dit qu'il avait trente ans accom- vie passée, et particulièrement de l'attache
plis lorsque les Barbares entrèrent dans les
'^
qu'il avaiteue pour les plaisirs; lui apprendre
Gaules, ce qui arriva le dernier jour de l'an 406 que de lui seul que nous devons tout
c'est
Son père après avoir été vicaire des préfets
, attendre, et lui aider à mépriser les joies de
en cette ville, fut fait proconsul à Carthage, la terre, pour ne chercher que celles du ciel.
où Paulin fut porté n'ayant encore qu'un Ce fut dans ces sentiments qu'il composa le
mois *. A l'âge de trois ans ^ on lapporta à poème que nous avons de lui. Il était âgé
Bordeaux, où il vit son grand-père qui était de quatre-vingt-quatre ans *3. Ainsi il l'écrivit
consul. Il voulut ^ dès son enfance suivre en 460. C'est un fidèle récit de tout ce qui lui
Jésus-Christ; mais son père n'ayant pas eu était arrivé pendant une si longue vie. Il y
soin de seconder ses bonnes intentions raconte ses peines et ses maux avec beaucoup
Paulin tomba daus les vices ordinaires de la de simplicité et de candeur témoigne par- ;

jeunesse, et s'engagea dans le monde, dont tout un regret sincère de ses fautes, et re-
Dieu le retira par un grand nombre d'adver- connaît '* que s'il n'était pas tombé dans de

» Biblioth. Pair., tom. II, pag. 287. Namque et incautus guidquid culpabile gessi,
î Ibid., —
pag. 283. 3 pag. 286.
Ibid., Illicitumque vagus per luùrica tempera vitœ.
*Ibid., pag. 283. — Ibidem,— Ibid., pag.
5 « Te indulgente, mihi totu/n scio passe remitti :

' Pag. 288. — Pag. 289. —


8 Pag. 291. » Ex que me reprobans lapsum activa jura refugi.
>»Pag. 290. — " Ibid., pag. 286, 287, 297. Etsi ulla unquam putui peccaia cavere,
" Ibid., pag. 291, 292. — Ibid., pag. 282.
i» Quœ mihi mujorem parèrent commissa reatum;
' Hoc nunc majores pro me tiii debeo yrates, Hoc quoque me indeptum divino munere novi.
Mojorum quanta errorum cognosco reatum. Pauliu., pag. 284.
lÔO HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
plus grandes, en avait obligation à Dieu,
il moins pour les autres que pour moi-même,

de qui il même le pardon pour celles


espérait ayant plus d'envie de plaire à Dieu, auquel
qu'il avait commises. Il le prie avec beaucoup je dois consacrer toutes les actions de ma
d'instance et d'humilité, de lui accorder la vie, que d'écrire pour des personnes plus
constance dans tous les tristes événements
' savantes que moi. » Il y donne à son poème
de la vie, et le courage nécessaire pour sup- le litre d'Actions de grâces, sachant parfaite-

porter les langueurs de la vieillesse. Il lui ment qu'il en devait à Dieu, tant pour les
demande aussi que l'espérance de voir Jésus- biens temporels dont il avait joui autrefois,
Christ le fortifie contre les approches de la que pour les adversités par lesquelles Dieu
mort. l'avait fait rentrer dans les voies du salut. »

Ce poème, dont les vers ne sont pas élé- Ces deux pièces ont été imprimées à la
gants, est précédé d'un prologue en prose, suite des œuvres de saint Pauhn de Noie, à
où il y a plus de politesse et d'éloquence. Paris, en 1579, dans le second tome de la
« Ce n'est point, dit Paulin, pour suivre Bibliot/tèque des Pères, et depuis, à Leipsik,
l'exemple des grands hommes qui ont fait en 1686, avec les poésies de Paulin de Péri-
passer leurs actions à la postérité, que j'en- gueux, en un volume in-S". On a mis dans
treprends d'écrire les miennes, puisqu'elles cette édition les notes de Gaspard Barthius,
n'ont rien d'assez éclatant pour en pouvoir sur le poème dont nous venons de parler,
tirerde la gloire, et je ne me sens pas assez imprimé en la même ville, en 1680, avec
d'éloquence pour oser me comparer à aucun celles du même auteur sur les poésies de
des historiens; si j'écris donc ma vie, c'est Pauhn de Périgueux.

CHAPITRE X.

Prudence, poète chrétien 2, [écrivain latin après l'an 405.]

Naissance 1. Prudence naquit sous le consulat de soutenir pour lui-même, auxquels il paraît
de Prudence
l'an 348, Set Philippe et de Salia, en 348, ù Saragosse ^, qu'il succomba. Il fut ensuite fait ^ deux
études
emplois. ville d'Espagne. Il est nommé à la tête de fois gouverneur de province. Le prince, qui

ses écrits : Aurelius Prudentius Clemens. Si- gouvernait alors, le tira de cet emploi pour
gebert ^ ne lui donne que le nom de Pru- l'appeler à la cour, où il lui donna une
dentius. Aussitôt qu'il fut sorti de l'enfance, charge honorable auprès de sa personne.
il s'appliqua à l'étude des lettres, où il se Cependant il se formait dans son cœur un
rendit si habile, qu'il fut en état de fréquen- combat entre les vertus et les vices : tantôt '^

ter le barreau et de plaider; désho- mais il il sentait son âme pleine de ferveur pour le
nora sa profession en se ^ servant de dégui- service de Dieu, et d'horreur pour le péché ;

sements et de mensonges. Le feu de la jeu- tantôt il s'apercevait que


ardeurcette céleste
nesse l'emporta ^ dans d'autres dérèglements se ralentissait peu à peu, et s'éteignait par
dont il eut tout lieu de rougir dans la suite, la corruption de son cœur. Mais enfin Dieu
et qu'il pleura amèrement Après avoir ''.
devint toute sa joie, il ne trouva plus rien **
plaidé pour les autres, il eut * des procès à de si doux que lui, et ne trouva point ail-

1 Da, precor, inirepidam contra omnia tristia mentem, * D. Geillier avait placé cet auteur dans le XVII* vo-

Constantenique iuœ virtutis munere prœsta, lume, en avertissant qu'il devait être au X*. Nous le
Ut quœ jam dudum placitis tibi vivo dicatus, mettons à sa place naturelle. [L'éditeur.)
Legibus et sponsam conor capture salutem ; 3 Prudent., hymn. 4 de S. Calaguriianis.

Nec vicina magis pro conditione senectœ Sigebert, de Scriptor. Ecclesiast., cap. xni.
<•

Tempera plus metuam mortis cui subjacet omnis ^ Prudent., prolog. in Hymn. cathemerin.
JEtas, ambiguœ me ?iec discrimina vitœ 6 Ibid.
Suspectum exagitent varii formidine cosus. '<
Hymn. 9, de sanctis Calaguritan,
Vitari quos posse, Deus, te prœsule, fido. 8 Prolog, in Hymn. caremerin.
Sed quœcumque manet nostrum sors icltima finem, 9 Ibid.
Mitiget Itanc spes, Christe, tui conspectus, et omne 10Prudent., de Psychomachia,
pavorem, " Idem, Apotheos., carm. 4.
Ibid., pag. 294.
[t\' et v siècles.] CHAPITRE X. — PRUDENCE, POÈTE CHRÉTIEN. 101

leurs de rafraîchissements si délicieux que vre et le ramène avec tous ses serviteurs et
dans son Sauveur. « Vous êtes, lui disait-il, tout ce qu'on lui avait pris. Ce patriarche,
cette beauté charmante pour laquelle je revenant victorieux, trouve en son chemin
brûle d'un chaste amour, et en qui je trouve le prêtre du Seigneur, qui lui présente des

un véritable et souverain plaisir. » rafraîchissements. Jésus-Christ en présente


2. Résolu donc de se consacrer entière- aussi à ceux qui, après avoir combattu con-
ment il fît un voyage
à Dieu, à Rome, vers * tre leurs passions, en sont devenus victo-
l'an 403, dans l'espérance que Jésus-Christ rieux. Tel est en substance le prologue que
lui serait propice. Il passa par Imola, dans Prudence a mis à la tête de sa Psychomachie.
la Romagne, où il offrit à Dieu ses vœux, Il représente dans le corps du poème toutes

prosterné devant le tombeau de saint Cas- les armes dont les passions vicieuses se ser-
sien, qui avait autrefois répandu son sang vent pour dominer dans l'âme, et celles que
pour la foi. Il embrassa le tombeau de ce les vertus contraires emploient pour se ren-
saint, et le lava de ses larmes, repassant dre maîtresses. II y fait voir aussi la laideur
dans l'amertume de son cœur toutes les du vice et la beauté de la vertu. Il y recon-
plaies de son ûme et les plus secrets motifs naît que nous n'adorons ^ qu'un Dieu en
de ses peines. Il vit à Rome une infinité de trois personnes, et que Jésus-Christ est Dieu
tombeaux de saints martyrs, entre autres par son Père; que le baptême ^ efface la
celui de saint Hippolyte, prêtre -, auquel il tache que nous avons contractée par le pé-
adressa ses prières pour ses maladies spiri- ché; qu'au heu de la manne dont nos pères
tuelles et corporelles. Il vit à Rome ^ la so- furent nourris dans le désert, nous man- "^

lennité de la fête de saint Pierre et de saint geons le corps de Jésus-Christ.


Paul, puis s'en retourna en Espagne, où il 4. Le second, qui a pour titre Cathéméri- Hymne
Cathéraérinon
s'occupa à composer des hymnes. L'année no)}, ou hymnes de chaque jour, comprend 011 bymncs de
chaque jour,
de sa mort est incertaine. des hymnes pour diverses heures du jour pag. 39.

3. Prudence a l'avantage, sur un nombre auxquelles on avait accoutumé de prier,


infini de poètes, de n'avoir traité dans ses comme au point du jour, au lever du soleil,
vers que des sujets de piété. Le premier, avant et après le repas, à la fin du jour et
dans l'édition que nous suivons, est le com- avant le sommeil. Il y en a une autre qui
bat qui se passe dans l'âme entre certains est pour toutes sortes de temps une avant ;

vices et les vertus opposées; c'est pourquoi le jeûne de carême, et une autre après; une
il a intitulé le poème où il décrit ce combat, pour les obsèques des morts; une pour le
Psychomachie, c'est-à-dire combat de l'âme. huitième des calendes de janvier, c'est-à-
Presque tous ses autres poèmes ont des titres dire pour le jour de Noël, et une pour le
grecs, comme celui-ci. Gennade * a remar- jour de l'Epiphanie, ce qui fait en tout douze
qué cette affectation. Le premier combat hymnes. La cinquième est intitulée Lors- :

dont il parle, est entre la foi et l'infidélité, quon allumait le cierge pascal, mais il paraît
ou l'idolâtrie; le second, entre la pudicité et qu'elle servait tous les jours à l'heure qu'on
la débauche ; le troisième, entre la patience allumait les chandelles, l'Eghse ayant tou-
et la colère; le quatrième, entre l'orgueil et jours eu beaucoup de respect pour cette
l'humilité; le cinquième, entre la dissolution heure on croit même que c'est de là qu'est
;

et la sobriété; le sixième, entre l'avarice et venue l'heure de vêpres. C'est dans le pro-
lacommisération; le septième, entre la con- logue sur ces hymnes que Prudence marque
corde et la discorde. Abraham ayant appris sa naissance sous le consulat ^ de Saha, en
que Loth, son nsveu, était entre les mains de 348. L'Eglise chante une partie des deux
ses ennemis, réduit à Tesclavage et dépouillé premières dans les offices de laudes, du
de tous ses biens, combat pour lui, le déli- mardi et du mercredi. Dans la sixième, qui

* Hymn. de Martyr., hymn. 19 de sancto Cas- ^ Expiaf ergo wnem fluviali docia layacro, victricem
siano. victrix abolens baptismate labcm. Pag. 21.
* Ihid., Hymn. 12. ^
Angelicusve cihus prima in tentoria nostris fluxit
* Hymoo 12 de Martyr. avis, quem nunc sero fclicior œvo vespertinus edit popu-
Gennad., de Scn'ptor. Ecoles., cap. xni.
*
los de curpore Chrisfi. Pa^. 27.
* Unum namque Deum colimus de nomine trino, 8 Oblilum vcteris me Saliœconsulis aryucns , sub
non tamen et solum, quia tu Deus ex Pâtre, Christe. quo prima dies mihi. Pag. 39.
Pag. 18.
102 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
sommeil, il '
au même endroit du mar-
le précis des actes
est pour l'heure de devant le
lit nous devons tyre de sainte Eulalie, martyre en 304; elle Sainte E»l>.
qu'en nous mettant au lie, vide tom,
dit
du cœur, le était née à Mérida, ville capitale de Lusita-
m ,
pag. 39,

faire, sur le front et à l'endroit


nie. Les dix-huit martyrs dont il parle en-
Les dix-huit
dans la septième
signe de la croix. 11 marque martyrs if

suite, souffrirent la même année à Saragosse,


Saragosse,
2 le jeûne de carême était de quarante vide tom. m
que
où ils furent enterrés dans un même tom-
pag. 44.

jours. La neuvième, qui est pour


toutes sor-
l'honneur beau leurs noms étaient Apodème, Céci-
tes d'heures, est entièrement en
:
;

rapporte la nais- lien, Cuence, Féhx, Fronton, Julie, Luper-


de Jésus-Christ, dont elle
que, Martial, Optât, Primitif, Pubhe, Quiuti-
sance, la vie, les miracles, la mort
et l'as-

établit dans lien, Successe, Urbain, et quatre Saturnin.


cension glorieuse dans le ciel. Il
^ en l'honneur de ces
des morts par Il dit, dans l'hymne
la dixième la résurrection
particulièrement par celui martyrs, que Jésus-Christ habite dans toutes
divers exemples,
après les places publiques, et qu'il est partout;
d'un grain de blé qui se reproduit
avoir été enseveli et pourri dans le sein de mais il est visible qu'il l'entend de l'efficacité
la terre.Il ajoute que les
3 soins que les vi- du sang de Jésus-Christ, qui chasse partout
vants prennent d'orner les tombeaux
des les démons, et de la lumière de son Evan-
Saint Vi
morts, est une preuve qu'ils ne doutent point gile, qui éclaire' tout le monde. Ce ne fut cen t , vi
tom. III,
pas dans la même ville, mais à Valence, que
pi
mort
de leur future résurrection, et que la 19 et suif.

qu'un sommeil. Il fait voir dans la on- souffrit saint Vincent, diacre de l'Eglise de
n'est
de Dieu, né avant tous les Saragosse. Prudence lui adresse une prière
zième que le Fils
qui toutes choses ont été fai- très-vive pour l'engager à être son inter-
'^

siècles, et par
les derniers cesseur aux pieds du trône du Père, et au-
tes, est né d'une Vierge, dans
temps, pour racheter l'homme. C'est de la près de Jésus-Christ, pour en obtenir le par-
douzième que l'on a tiré les hymnes que don de ses fautes. Tout ce qu'il dit de saint
l'EgUse chante le jour de l'Epiphanie et à la
Fructueux, évêque de Tarragone, martyrisé

fête des saints Innocents.


sous Valérien et Gallien, en 259, se trouve

5. Le poème intitulé des Couronnes,


est dans les actes de ce saint, tels qu'on les li-
Périslépha-
sait dans les Eglises d'Afrique du temps de
composé de quatorze hymnes, la plupart en
non, au des
Courounes
saint Augustin. Saint Fructueux eut pour Saintï
l'honneur des martyrs d'Espagne. Prudence
pag. 19.
tueux

Hémitère et compagnons de son martj^re, deux de ses tom. III,


dit peu de choses des saints 610 et su;
diacres, Augurius et Euloge. Aux martyrs
Saint Que Quélidoine, martyrisés à Calahorra, ville sur
lidoiDe.
d'Espagne, Prudence en joint d'autres qui
l'Ebre, dans la Vieille-Castille, parce que les
ont souffert en divers pays, savoir saint
actes de leur martyre ne subsistaient plus de
:

Quirin, évêque de Fiscie, dans la Croatie •Saint '


son temps, les persécuteurs les ayant fait rin, videi»

impériale, aujourd'hui Sisseg, qui soutfrit 111, pan'


brûler avec beaucoup d'autres. Mais il re- et suiv. ;

en 310; saint Cassien, qui fut hvré par ordre


marque * que leur culte était si étendu qu'on sien
Saint
,1
>

du juge païen à la fureur des écoliers, qu'il


,

venait de toutes parts à leurs tombeaux,


tum. III ,1

85.
avait auparavant enseignés à Imola, dans
que personne n'y priait en vain, et que tous
laRomagne; saint Romain, diacre et exor- Sainl.l
ceux qui y venaient chercher du secours ma i n .
^;i

ciste de de Césarée, mis à mort


l'Eglise tom. IIlJil

dans leurs afflictions, s'en retournaient B. 6, ei'l'

joyeux, voyant qu'ils avaient obtei\u l'effet


pour la foi à Antioche en 303 saint Hippo- ;
3S2.
Siintjll

lyte, prêtre de l'Eghse de Rome, marty-


poljte, 'K

Saint Lau- de leurs justes demandes. Nous avons rap- tom. Hlj

risé dans la persécution de Dèce, en


l'an 120. 1

porté ailleurs ce qu'il dit de saint Laurent,


rent vid(
.

tom. III, pag


252; saint Pierre et saint Paul, saint Cy-
qu'il met au nombre des martyrs d'Espagne,
104 etsuiv.

prien, et sainte Agnès, vierge romaine. Pru-


parce qu'en effet il y était né. On peut voir

omne quod justum


sis revertit suppHcator fletibus ,
1Fac cum vacante somno castum petis cubile, fron-
poposcit, impefratum sentiens. Hymn.
de S. Cheli-
tem locumque cordis crucis figura signet. Pag. 58.
« Quinis cliebui octies labentibns , nullam ciborum donio, pag. 79.
5 Christus in totis habitat plateis : Christus ubique
vindicavil gratiam. Hoc nos sequamur, etc. Pag. 63.
3 Quid pulchra volunt monumenta? Res nisi quod est. Hymn. 4, pag. 101.
6 Adesto nunc et percipe voces precantam supplices,
creditur illis non mortua, sed data somno. Pag. 64.
nostri rcatus efficax oralor ad thronum Patris. Mi-
Exieri, necnon et orbis hue colonus advenit. Fama
'

nam terras in omnes prœcucurrit proditrix: hic patro- serere nostrarum precum. placatus ut Christus suis
nos esse mundi quos precantes ambiant : nemo puras
inclinet aurem prosperam, noxas nec omnes imputet.
hic rogando frustra congessit preces : lœtus hinc ter-
Hymn. 5, pag. 116.
fiv« ET y SIÈCLES.] CHAPITRE X. — PRUDENCE, POÈTE CHRÉTIEN. 103

dence, dans Vllymne de saint Bomain, fait diverses hérésies qui l'ont attaquée, nom-
voir en détail toute la vanité du culte des mément contre celles des noetiens, des sa-
faux dieux, dont il donne l'histoire en peu belliens, des juifs, des ébionites, des mani-
de mots; puis il y établit l'unité de Dieu,
* chéens ou phantastiques, et des marcionites.
disant que, quoique Dieu ait un Fils, ce Fils Prudence montre, contre les noetiens, que ce
est le même Dieu que le Père, qu'il est éter- n'est pas le Père qui a souftert la mort pour
nel comme lui, la cause et le principe des nous, mais le Fils, c'est-à-dire ^ le Verbe,
jours et des temps, qu'il s'est fait voir aux qui, sorti de la bouche du Père, a pris dans
hommes, en prenant un corps mortel, lui le sein d'une Vierge, la nature et la forme

qui est l'immortalité, afin que, revêtu de de l'homme, sous laquelle il s'est rendu vi-
notre faiblesse, il pût nous faire passer dans sible aux hommes, d'une autre manière qu'il

le royaume céleste; que, s'il est mort comme avait apparu à Moïse. Contre les sabelliens,
homme, il est ressuscité par sa propre puis- que notre salut "*, notre vie et notre foi con-
sance, en tant que Dieu. Il remarque dans sistent à reconnaître le Père, le Fils et le

VHijmne sur saint Pierre et saint Paul, qu'ils Saint-Esprit, comme


personnes distinc-
trois
soufirireut à Rome le même jour, mais non tes l'une de l'autre, qui toutefois ne font
pas 2 la même année; que saint Paul ne ré- qu'un seul Dieu. Contre les juifs, que les
pandit son sang qu'un an après saint Pierre, prophéties des Livres saints ont été accom-
et que la même prairie fut arrosée du sang plies en Jésus-Christ que par sa mort, l'em-
;

de l'un et de l'autre, vers un marais qui était pire du démon a été détruit; que depuis, les
le long du Tibre; que le désir que saint Paul oracles du paganisme ont cessé, et que les
avait de quitter son corps pour vivre avec juifs, en punition du crime qu'ils ont com-
Jésus-Christ, fut accompli au jour et à l'heure mis en le faisant mourir sur une croix, sont
que i'esprit de prophétie dont il était rempli vagabonds par toute la terre, tandis que les
lui avait fait connaître auparavant; qu'il eut gentils triomphent partout depuis qu'ils ont
la tête tranchée, comme il convenait à un embrassé sa doctrine et l'ont reconnu pour
citoyen romain, et qu'il fut enterré sur le Dieu. Contre les ébionites que Jésus-Christ
,

chemin d'Ostic, où l'on bâtit depuis une est non-seulement vrai homme, mais aussi
église magnifique; que saint Pierre fut cru- vrai Dieu; sa naissance, sa mort, prouvent
cifié la tête en bas, ainsi qu'il l'avait de- son humanité; ses miracles, sa divinité.
mandé lui-même aux exécuteurs, et enterré Quelle raison auraient eue les Mages de se
au Vatican, près le Chemin triomphal. prosterner à ses pieds pour l'adorer ^, étant
6. Le traité qui a pour titre Apothéose, est encore enfant, s'ils n'avaient reconnu en lui
pour défendre la foi de l'Eglise contre les la souveraine puissance, et qu'un souffle di-

1 Regem perennem rex perennis protulit in se ma- Parte alia titulum Pauli
tectis tenet aureis receptum...
nentem, nec ntinorem tempore, quia tempus illo.m non via servat Ostiensisqua sfringit anmis cespitem si-
,

tenet : nain fons rétro exordiorum est et dierum et nisirum. Prudent., hjmn. 10 de Coronis, pag. 156.
temporum ex Pâtre Christus, hoc Pater quod Filius, ^ Hoc Verbum est quod vibratum Patris are beni-

hic se videndum prœstttit mortaiibus : morlale corpus gnOjSumpsit virginco fragilem de corpore formant, inde
sunipsit immortaliias, ut dum caducum portât œlernus figura hominis nondum sub carne Moysi objecta , effi-
Deus, transire nostrum posset ad cœlestia : homo est giem nostri signaverat oris. Hymu. contra Noetianos,
peremptus, et resurrexit Deus. Hymn. 10 de Coronis, pag. 165.
pag. 138. * Hœc est nosfra salus , hinc vivimiis hinc anima-
,

* Unus utrumque dies pleno tamen innovatus anno, mur, hoc sequimur, nunquatn detracto nomine nati
vidit superba morte laureatum. Scit Tiberina palus, appellare Patrem, Patris et sine nomine nunquam na.
quœ fluminc lambitur propinquo binis dicatum ccs-
, tum nosse Deum; nunquam, nisi sanctus et unus Spi-
pitem trophœis. Et crucis et gladii testis, quibus irri- ritus intersit, natumque Patremque vocare; sic tamen
gans easdcm... prima Petrurn rapuit sententia, legibus hœc constare tria, ut ne sépare ductu très faciant, tri-
Neronis, pendcre jussum prœminente ligno... Exigit ut bus his subsistât, scd Deus unus. Hymu. contra Sa-
pedibus' versum caput i77îprimant supinis... Evomit in pag. 16S.
bell.,
jugulum Pauli Nero feriiduni furorem , jubet feriri 5 Quœporro causa aut ratio submittere colla ante
gentium magistru7)i : ipseprius sibimet finem cito dixe- pedes Mariœ puei-ique crepundia parvi? Si tantum
,

rat futurum. « Ad Christum eundum est jam resol- mortalis erat,nec suinma potestasimplebat teneros divi-
,
vor, inquit.» Necmora pœnœ datur, im-
protrahitur, Sed jam toile magos, thus, aurum,
nis flaiibus artus?
molatur ense ; non hora valem
non dies fefellit ; di-
, myrrhea dona quœ verum docuere Deum; prœsepia,
,

vidit ossa divum Tiberis, sacer ex utraque ripa, inter pannos , Matris adoratum gremium , face sideris ar-
sacrata dum fluit sepulchra , dextera Petrum regio dens. Hymn. cont. Ebionit., pag. 178.
lO'é HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
vin remplissait un corps si tendre? Les pré- avoir deux dieux, ni deux principes éternels,
sents qu'ils lui offrent font voir qu'ils le parce qu'ils ne seraient tout-puissants ni
croyaient Dieu; la crèche, les langes dont il l'un ni l'autre, et qu'un droit qui est partagé
est enveloppé, marquent qu'il était homme. n'est pas entier, l'un ayant ce que l'autre
Il prouve contre les manichéens. ou phantas- n'a pas. Or, ce n'est pas là l'idée que nous
tiques, qui soutenaient que Jésus-Christ n'a- avons de Dieu son pouvoir est sans bornes,
;

vait paseu le véritable corps d'un homme, ilne le partage avec personne d'où il suit :

mais seulement un corps aérien, que cela nécessairement qu'il doit être un. Il n'y a
ne peut se dire sans faire passer sa vie pour qu'un soleil pour éclairer le monde pendant
une suite de mensonges, et sans accuser toute l'année. Si l'on admet deux dieux,
Dieu même, qui, dès-lors, cesserait d'être pourquoi n'en pas admettre plusieurs mil-
Dieu, puisque Dieu est vérité. Si Jésus-Christ liers? Pourquoi n'en pas donner à toutes les
n'a pas eu un vrai corps d'homme, comment différentes espèces de créatures? à la mer,
Marie, sa mère, paraissait-elle grosse lors- aux bois, aux collines, aux vents, aux mé-
qu'elle ie portait dans son sein? Fera-t-on taux? Il convient ensuite qu'il y a un prin-
passer pour imaginaire la généalogie que cipe du mal, mais il soutient que ce principe
saint Matthieu en a faite? Cet évangéliste a- est le démon, qui, loin d'être Dieu, est con-
t-il menti quand il l'a fait descendre de Da- damné aux feux de l'enfer pour avoir voulu
vid? N'était-ce qu'en apparence que Jésus- s'élever au-dessus de l'état dans lequel Dieu
Christ disait aux pécheurs qui se présen- Tavait créé. Il ajoute qu'ayant séduit l'homme
taient à lui : Vos péchés vous sont remis ? par le ministère du serpent, le monde entier
qu'en ap-
N'a-t-il souffert, n'est-il ressuscité est tombé dans la corruption du péché, par
parence? Il est nécessaire que ceux qui *
la faute de celui qui était préposé de Dieu
confessent qu'il est Dieu, reconnaissent aussi pour gouverner sous ses ordres. Il décrit
le

qu'il est homme, ponr ne point faire perdre toutes les suites du péché du premier homme,
à la divine Majesté les œuvres de sa toute- les diverses espèces de crimes dont les hom-
puissance, et pour ne pas contester à Dieu sa mes se sont souillés dans tous les temps qui
propre essence car s'il - nous a trompé, en
: se sont écoulés depuis, quoiqu'il fût en leur
voulant paraître ce qu'il n'était pas, il n'est pouvoir de les éviter. Dieu leur ayant donné
pas Dieu puisqu'il n'est pas de Dieu de
,
une âme capable de prévenir les blessures
mentir. Les marcionites enseignaient qu'il du péché; en sorte qu'il est vrai de dire que
n'y avait que l'âme de Jésus-Christ qui eût nous engendrons * nous-mêmes tout notre
été ressuscitée. Prudence répond qu'en ce mal de notre propre corps. Marcion disait :

cas, la mort n'aurait pas été vaincue par Si Dieu ne veut point qu'il y ait du mal, que
celle de Jésus-Christ, puisqu'il n'y aurait ne le défend-il? Que n'empêche-t-il l'homme
qu'une partie de Thomme qui ressusciterait. d'en commettre? Prudence répond que toutes
Il soutient donc que l'homme ressucitera de les prérogatives que Dieu a accordées à
façon que ce sera ^ dans la même chair et l'homme seraient peu considérables, si, en le
dans toutes ses parties. faisant le roi de l'univers, il ne l'avait fait le

Lmmarii-
'^ ^ue autrc erreur des marcionites, était
• roi de lui-même, en lui accordant la liberté

rorigine" du d'admcttre deux principes ou deux dieux de faire ce qu'il lui plairait, le bien ou le
ppché, pag.
Y^^^ cause du bien, l'autre cause du mal, l'un mal; que celui qui est bon ou mauvais par
et l'autre éternels. Ce fut pour les réfuter nécessité, n'est digne ni de louange, ni de
que Prudence composa VHamartigénie, dans blâme; que Dieu s'est contenté d'avertir
laquelle il entreprend de montrer que le l'homme de ce qu'il devait faire, et de ce
péché n'a point un Dieu pour cause, mais qu'il devait éviter, en lui promettant des ré-
qu'il tire son origine de la corruption de compenses pour ses bonnes œuvres, et en le
notre volonté. Il dit d'abord qu'il ne peut y menaçant de le punir pour ses crimes. Il

Quisque Deum Christum vult


1 dicere , dicat eum- nunc siim restituer; vultus , vigor et color idem qui
dem esse hominem, ne niajestas sua fortia perdat. modo vivii erit, nec me vel dente , tel ungue frauda-
Hymn. coiU. Manich., pag. 187. tum revomet paiefacti fessa sepulchri. Hymn. cont.
^
Nam si tnendosus agit rjuid, nec Deus est, mendum Marcion., pag. 188.
divinus non capit usus. Ibid., pag. 185. * Gignimus omne malum proprio de corpore nos-
* Et totus veniam, nec enim minor, aut alius quani trum. Hamartig., pag. 202.
[iv' ET v= SIÈCLES.] CHAPITRE X. — PRUDENCE, POÈTE CHRÉTIEN. \0o

finitpar une prière à Jësus-Clirist, où, se quête à Valentinien II, pour le rétablissement
croyant indigne à cause de ses péchés d'a- de l'autel de la Victoire; ce prince, sur les
voir place dans le ciel, il demande seule- * remontrances de saint Ambroise, n'y eut
ment de n'être point dans l'enfer, consen- aucun égard. Les païens ne se rebutèrent
en un autre lieu ténébreux, où
tant d'être pas; ils firent, en 388, une nouvelle tentative

un feu moins ardent puisse le purifier. Il auprès de l'empereur Théodose, à qui ils
entend, ce semble, par Là le purgatoire, où, envoyèrent des députés. Symmaque, qui
après avoir été purifié il puisse être reçu sans doute leur servit encore d'organe en
dans le ciel. cette occasion, prononça, la même année,
8. Il y avait à Rome -, dans le lieu où le un panégyrique en l'honneur de ce prince,
sénat tenait ses assemblées, nn autel de la où il coula 3 adroitement quelques mots pour
Victoire, oùaccoutumé de jurer
l'on avait demander le rétablissement de Tautel de la
et d'offrir des aux idoles. Les sé-
sacrifices Victoire; mais Théodose qui avait déjà re-
nateurs chrétiens, de même que les païens, fusé ce que les païens lui avaientdemandé,
étaient obligés de se trouver à ces cérémo- fit enlever Symmaque, et ordonna qu'on le

nies profanes. Constance, étant venu à Rome conduisît à cent milles de Rome. Il en agit
en 357, fit ôter cet autel, croyant qu'il se- ainsi, se souvenant des raisons que saint

rait souillé s'il le voyait, quoiqu'il ne fût Ambroise lui avait données pour l'empêcher
encore que catéchumène; mais Julien l'A- d'accorder la demande d'une partie du sé-
postat lefit rétablir dès le commencement nat. Ce saint évêque avait réfuté par écrit
de son règne. Yalentinienne crut pas devoir celles que Symmaque avait alléguées dans

y toucher , voulant apparemment laisser sa requête pour le rétablissement de cet


tout le monde dans une entière liberté de autel. Prudence travailla sur le même sujet
religion. Gratien non-seulement le fit dé- dans ses deux hvres contre Symmaque ; il les
truire, il se saisit aussi des revenus destinés composa peu après la bataille de Pollence,
pour entretenir les sacrifices et les pontifes donnée le jour de Pâques de l'an 403 les :

des idoles, et des terres qu'on avait données armes de l'empereur Honorius y furent vic-
aux temples, et les attribua à l'épargne, ne torieuses, et Alaiic contraint de se retirer
voulant point que le public contribuât en avec ses troupes sur l'Apennin. Prudence
rien à une superstition criminelle. La loi que traite dans le premier livre du culte des
,

ce prince donna sur ce sujet, fit beaucoup faux dieux, montrant que ceux d'entre les
de peine aux sénateurs païens. Ils résolurent hommes que l'on a appelés ainsi, ne méri-
de lui présenter une requête, et l'orateur taient lenom de Dieu, ni par leurs mœurs,
Symmaque fut chargé de lui porter leurs ni par leurs actions, ni parles services qu'ils
plaintes; mais les sénateurs chrétiens, en avaient rendus à la patrie, la plupart de ces
très-grand nombre, déclai'èrent dans une hommes s'étant souillés par les crimes les
requête de leur part, qu'ils ne consentaient plus infâmes. Il attaque aussi le culte que
en aucune manière à celle des païens ils : lespaïens rendaient aux astres et aux élé-
protestèrent même à haute voix, en public ments sous des noms empruntés, et les
et en particulier, qu'ils ne viendraient plus excès qui se commettaient dans les specta-
au sénat, si l'empereur accordait aux païens cles des gladiateurs. Il s'adresse à la ville de
ce qu'ils demandaient. Le pape Damase fit Rome, pour l'engager à quitter toutes ses
passer la requête des sénateurs chrétiens à vaines superstitions et à se ranger sous l'é-
saint .\mbroise, qui la donna à Gratien; elle tendard de la croix, qui avait déjà plus d'une
fit sur ce prince l'impression qu'elle devait :
fois faitremporter à ses princes des victoires
. ainsi les sénateurs païens s'étant présentés sur leurs ennemis. Il donne pour exemples
pour avoir audience, elle leur fut refusée. à cette ville un grand nombre de sénateurs
Cela se passait en 382. Deux ans après, c'est- qui avaient embrassé la foi de Jésus-Christ,
à-dire en 384, Symmaque présenta sa re- et le peuple de cette capitale de l'Empire,

' At mihi Tartarei satis est,sinulla ministri occur- immensa altos, et tempora vincta coronis glorificent
rat fades , avidœ nec flainma gehennœ devoret hanc me pœna levis clément er adurat. Vv\xàQni.,Hamartig.,
animam mersam fornacibus imis. Esto : cavernoso
, pag. 211.
(juia sic pro lube necesse est corporea, tristis me sor- ' Oratio Symmaclii, p. 196 et seq. Voy. tom. VII.
beat ifjnis Averno : saltem mitificos incendia lenta va- ' Prosper, de Promiss., lib. III, cap. xxxvni.

pores exilaient, œstuque calor languente tepescat : lux


106 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qui n'avait plus que du mépris pour les au- nières do parler, ses mots favoris, ses allé-
tels des fausses divinités. Il représente h gories, et les mêmes pensées que dans ses
Symniaque que le Dieu qu'il refasait d'ado- autres écrits. Il faut donc s'en rapporter à
rer, est celui qui lui avait donné le procon- Gennade ^ qui le lui attribue; on le trouve
sulat d'.\frique et la préfecture de Rome; aussi sous son nom dans un très -ancien
qu'il lui seraitdonc beaucoup plus honorable manuscrit. Il est appelé dans Gennade, Dit-
d'employer son éloquence à relever les gran- tochaion, c'est-à-dire un double mets, parce
deurs du vrai Dieu, qu'à faire l'éloge de Yul- qu'il y donne à ses lecteurs une nourriture
cain, de Mars et de Vénus. Dans le second spirituelle tirée des deux Testaments; son
livre, Prudence rapporte les raisons dont titre ordinaire est Enchiridion, ou Manuel de

Symmaque s'appuyait pour solliciter le réta- l'Ancien et du Nouveau Testament. Il n'en


blissement de l'autel de la Victoire. La plus donne point l'histoire de suite, mais seule-
spécieuse était que chacun doit demeurer ment certains endroits, sans aucune liaison,
dans la religion qui lui a été transmise par s'arrêtant à ce qui lui paraissait de plus rele-
ses ancêtres. Prudence, tirant avantage de
cette maxime, répond que sur ce pied-là les
vant dans les Livres saints. Tout le poème
est en vers hexamètres divisés par qua-
^
^
chrétiens ne sont point dans l'erreur, puis- trains.
qu'ils adorent le même Dieu qui était adoré 10. Gennade ^ donne aussi à Prudence un Poome «

avant le déluge et depuis, et que les Romains poème sur l'Ouvraqe


^ des six jours, et un livre
ou n„
,, „
''
, , .
,
des six j

ne pouvaient se dispenser de reconnaître de y Exhortation au martyre; nous n avons Exborui

qu'ils avaient innové dans leur religion, puis- m 1 un m commençait son ouvrage
lautre. Il

qu'ils avaient un plus grand nombre de di- sur les six jours, à la création du monde, et
vinités et de temples qu'il n'y en avait du le conduisait jusqu'à la formation de l'homme
temps d'Hector. Venant à la bataille de Pol- et à son péché.
lence, il montre que si elle fut gagnée par H. Prudence a toujours passé pour le jagenn.
""'""
les Romains, ce ne fut point par le secours plus savant des poètes chrétiens. C'est sur-
de Jupiter, puisqu'ils marchèrent sous l'é-
* tout dans ses livres contre Symmaque ,
qu'il
tendard du Sauveur, et qu'ils ne sonnèrent donne des preuves de son érudition et de la
la charge pour aller à l'ennemi, qu'après beauté de son génie ses vers ont du feu, de;

avoir adoré les autels de Jésus -Christ et l'élégance et de la majesté, mais il s'éloigne
imprimé sa croix sur leur front. Prudence quelquefois des règles de la quantité et de

fait souhaiter à Rome la venue de l'empereur la pureté langue latine, défaut qui est
de la
Honorius, pour témoigner à ce prince la joie commun à Prudence avec beaucoup d'autres
qu'elle ressentait de cette victoire pour lui, : écrivains de son siècle. Saint Sidoine Apolli-
il le conjure d'abolii' le spectacle des gladia- naire, qui le compare à Horace, dit * qu'on
teurs, qui s'entre -tuaient eux-mêmes; sur lisait ses vers chez les personnes les plus

quoi il cite l'exemple de Théodose, son père, éminentes.


qui avait défendu les combats des taureaux, 42. Tous ses ouvrages furent imprimés à i

^^'
qui donnaient un divertissement bien moins Venise, en 1501, par les soins d'Aide Ma-
barbare et moins criminel. nucc, et à Bàle, en 1564 parmi les poètes ,

^- ^'^ "* disputé à Prudence le poème inti- chrétiens. Georges Fabricius y a mis le Ma-
iFnchiri-
dion pu Ma- dc l'Ancien du Nouveau Testa- nuel de l'Ancien et du Nouveau Testament,
An- jqI^ ; Mciifiuel et
nuel de i

NoûvealTes" "'f"^:> ^ur ce quc Ic stylc en paraît moins poli sous le nom d'Amœnus, et non de Prudence;
lament, pag. nous en avons une édition particulière de
j^joins travaillé que de ses autres poésies;
gj.

mais d'autres y trouvent son style, ses ma- Pulman, à Anvers, en 1562, avec les notes

1 et ille dies Jove contulit auspice tantum


Numquid Grœcorum hexaemeron de mundi fabrica usque ad con-
virtutis pretium ? Dux agminis imperiique Christi po- ditionem primi hominit et prœvaricatiouem ejus....
tens nobis juvenis fuit , et cornes ejus atque parens Fecil et in laudem martyrii sub aliorum nominibus
Stilico. Deus unus Christus utrique hujus adoratis
: invitatorium ad martyrium librumunum. Gennadius,
allarifjus et cruce fronti inscripia, cecinere tubce, prima de Viris illust., cap. xm.
hasta draconis prœcurrit quœ Christi apicern subli- 3 Idem, ibid.

mior e/fert. Lib. II cont. Si/»imach., pag. 240. * Nam similis scientiœ viri, hitîc Augustinus, hinc
Prudentius, vir sœculari litteratura eruditus, com-
2 Vano, hinc Horatius, hinc Prudentius lectitabantur
posait Dittochaion, de toto Veteri et Novo Testauicnto, Sidonius, lib. II, Epist. 9, pag. 894.
personis exceptis. Commentatus est autem in morem
[iv« ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XI. — SÉDUUUS, PRÊTRE CHRÉTIEN. 107

et les corrections de Giselin; une de Wcit- vol. in-4»; d'Arévolo, deux vol. in-4", Rome,
zius, àHanaw, en 1613, in-8", avec les notes 1788-89. M. Migne a reproduit cette édition
de divers savants, et une troisième à Ams- dans sa Patrologie latine. Une nouvelle édi-
terdam, par Nicolas Heinsius, en 1631 et en tion a paru à Londres, en 1821, trois vol.
1667 on les trouve aussi dans l'Appendice
: m-S". Th. Obar a donné une excellente édi-
de lu Bigne, à Paris, en 1621; dans le cin- tion à TuLingen, 1843, in-8°.] Isaac Grangeus
quième tome de la Bibliothèque des Pères, à fit imprimer séparément les deux livres

Lyon, en 1677; [dans le tome VIII de la Bi- contre Symmaque, avec des commentaires de
bliothèque de Galland, pag. 433-542, et dans sa façon, à Paris, en 1614, in-8°. [M. Félix
les tomes LIX et LX de la Patrologie latine Clément a traduit quelques extraits de Pru-
avec d'autres auteurs.] Ils avaient été im- dence dans les Poètes chrétiens, un vol. in-8°,
primés auparavant dans le Recueil des Poètes Paris, Gaume, 1837. Il existe une version
chrétiens, à Lyon, en 1603. [ On cite encore allemande du Cathémérinon, de la Psycoma-
les éditions de Chamillard, Paris, 1687, in-4''; chie et du Péristéphanon, par Silbert AVieUj
de Cellarius, Haie, 1703, et de nouveau en 1820, in-S".]
1730, in-B"; de Théolius, Parme, 1788, deux

CHAPITRE XL

Sédulius, prêtre et poète chrétien

[Ecrivain latin au commencement du v* siècle.]

1. Sédulius à qui l'on donne aussi les noms OU peut-être Syndétique, qui était alors la
de - Cœcilius Sédulius, s'appliqua dans sa gloire et l'ornement de l'Eglise.
jeunesse à des études séculières ^ et qui ne 3. Sédulius adressa son poème à l'empe-
Sédslins
lui servaient de rien pour le salut. Etant en- reur Théodose ^, père d'Arcade. C'était donc adresse son
poème à l'em-
core laïque, il apprit la philosophie * en Ita- le grand Théodose; car Théodose-le -Jeune pereur Théo-
dose.
lie. Mais Dieu ^ l'ayant regardé dans sa mi- n'eut point d'enfants de ce nom. On cite "^
séricorde, il embrassa avec beaucoup d'hu- néanmoins deux manuscrits où il est dit que
milité le joug de Jésus-Christ, et ne s'appli- Sédulius écrivait dans le temps du jeune
qua plus qu'à l'étude des divines Ecritures. Théodose, tils d'Arcade, et de Valentinien,
Il fut fait prêtre ^, et il y en a qui lui don- filsde Constance. On lit aussi dans quelques
nent même la qualité de prélat ' ou d'évé- anciens exemplaires de Gennade, que Sédu-
que. lius mourut sous le règne de ces mêmes
2. C'estdonc par un efïet de son humilité princes; de sorte qu'il faut dire, ou que ce
qu'il appelle son Père ^ l'abbé Macédonius, poème n'est pas de Sédulius, ou qu'il a écrit
à la prière duquel il composa son Poème pas- aussi sous le grand Théodose, ce qui n'est
cal. Après l'avoir achevé, il le lui envoya pas impossible. Quoi qu'il en soit, ce poème
avec une lettre dans laquelle il parle avec fut écrit entre l'an 377, qui fut celui de la
de grands éloges de deux prêtres, l'un naissance d'Arcade, et l'an 391 , auquel
appelé Laurent, et l'autre Gallican. Il y fait mourut Théodose I".
aussi l'éloge d'Ursin, qu'il appelle tantôt 4. Ce ne fut pas néanmoins sous son règne
Il n'a été
prêtre, tantôt évêque; de Félix, de saint Jé- que l'ouvrage de Sédulius fut rendu pubhc, p»^'"'» q"'«°

rôme, et d'une vierge nommée Syndétique mais seulement en 494, que Turcius " Rufîus

'On peut voir sur Sédulius la préface d'Arévalo, ^ Sédulius, ubi supra, pag. 458.
un de ses éditeurs, Patrologie latine de M. Migne, 6 Isidor. Hispal., de Script. Eccles., cap. vu.
tom. XIX. [L'éditeur.) ^
Liberius et BelUarius, in Epigr., tom. VI Biblioth.
* Labb., de Script. Ecclesiast.,lom.
II, pag. 324. Pair., pag. 472. — » Ihid., pag. 458 et 472.
^ Sédulius, Epist ad Macedon , tom. VI Bihlioth. 9 Tom. VI Biblioth. Patr., pag. 459.
Pair., pag. 468- >" Labb., de Script. Eccles., pag. 329.
* Labb., ubi supra, pag 329. " Apud Sirmond., in uotis ad Ennodii Epistolas.
108 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Astérius, consul et patrice, l'ayant trouvé mettre en prose, Sédulius le satisfit, en ajou-
tout brouillé parmi les papiers de Sédulius, tant toutefois h sa prose quelques petits en-
en fit faire de fort belles copies, et les com- droits que la règle des vers n'avait pu souf-
muniqua à un de ses amis. C'est ce que l'on frir. Cet ouvrage est divisé en cinq livres. En
voit par une épigramme qu'Astérius joignit lesenvoyant à Macédonius, Sédulius y joignit
à la copie. Il y témoigne que c'était lui qui une lettre dans laquelle il dit que, pour dis-
rendait public cet ouvrage, et il
y parle de tinguer ces deux ouvrages, il a donné ^ au
son consulat, qui tomba en cette année-là. premier le titre de Poème pascal, et au second
Au reste, il n'est pas surprenant qu'un écrit celui d'Ouvrage pascal.
dédié h un priuce mort sur la fin du qua- Nous avons encore sous le nom de Sé-
7.

trième siècle, n'ait été rendu public qu'à la duliusun poème dont l'Eglise a tiré les hym-
fin du cinquième. Ne voyous-nous pas tous nes qu'elle chante aux fêles de Noël et de
les jours des ouvrages posthumes? Et com- l'Epiphanie, et qui renferme en abrégé l'his-
bien y en a-t-il qui n'ont jamais vu le jour? toirede la vie de Jésus-Christ. Dans les vers
PoDrqiioi 5. Sédulius appelle son poème, pascal *, adressés à l'empereur Théodose, Sédulius
l'on appelle
ce pui'ine P.is- parce que, dit-il, Jésus-Christ, dont il fait promet une histoire de la création. 11 n'en
^
cal. Ce qu'il
coutieiit. agneau pascal qui a été
l'histoire, est notre dit rien dans son Poème pascal : il faut donc
immolé pour nous. Il l'a di^^sé en quatre li- ou qu'il n'ait rien écrit sur cette matière, ou
vres 2. Dans le premier il décrit les événe- que ce qu'il en a dit ne soit pas venu jusqu'à
ments principaux de l'Ancien Testament, et nous. Bède ' le fait auteur d'un poème qui
y invective avec beaucoup de force contre le est une comparaison de l'Ancien et du Nou-

culte des faux dieux. Il parle dans le second veau Testament en vers élégiaques, et que
de la naissance du Messie, d'une vierge, de d'autres ont publié sous le nom du consul
l'adoration des Mages, de la dispute de Jé- Astérius. Il commence par ces paroles Can- :

sus-Christ dans le temple, de son baptême, temus, socii, etc., et se trouve dans le neu-
de son jeûne, de la vocation des Apôtres. vième tome de la Bibliothèque des Pères de
Le troisième commence par le miracle que Lyon. [On attribue encore à Sédulius un
Jésus-Christ fît aux noces de Cana en Galilée. chant ou un centon virg'ûien sur TIncarnat ion
Ensuite Sédulius rapporte un grand nombre dans le geni'e de celui qui fut écrit par Proba
de miracles opérés par Jésus-Christ en di- Falconia.]
verses occasions '. Il raconte dans le qua- 8. A
peine le Poème pascal de SéduUus
trième ce qui se passa depuis la dernière fut-il rendu public, que l'on en fit l'éloge
cène de Jésus-Christ ju^squ'à son ascension dans un concile * tenu à Rome en 494 [par
dans le ciel. Tout ce que dit Sédulius sur le saint Gélase]. Libérât et Bélizaire, deux an-
Nouveau Testament est tiré des quatre Evan- ciens poètes, le louèrent aussi dans deux
gélistes, dont il fait une espèce de concor- acrostiches ^ mais on ne peut guère lui faire
;

dance. On y voit que Jésus-Christ, depuis sa plus d'honneur que ne lui en a fait le consul
résurrection , apparut premièrement à sa Astérius '° en rendant ce poème public, puis-
mère. Sédulius un homme juste, qui
qu'il appelle
6. Ces quatre livres sont en vers héroïques. corrompu la poésie par le mé-
n'avait point
Sa différence
d'avec l'on- L'abbé Macédonius * ayant prié l'auteur de les lange du mensonge, sa foi pure et la grâce
Trage pascal.

1 Tom. VI Biblioth. Pair., pag. 459. s Ibid.


2 Le nombre des livres varie dans les différentes * Hic tibi mundi

éditions. Les unes en assignent trois, les autres quatre Principium formamque poli, hominemque creatum,
avec Sédulius lui-même, si toutefois le chiffre porté Expediet limo.
dans sa préface à Macédonius est bien authentiqua; Sédulius, pag. 460.
^
les éditions plus récentes en assignent cinq. {L'éJiteur.) Labbe, de Scripior. Ecclesiast., tom. II, pag. 328.
3 Sédulius presbyter edidit très libros dacfylico he- 8 Venerabilis viri Sedulii paschale opus, quod he-

roico métro compositos : quorum primus signa et vir- roicis descripsit versibus , insigni laude prœferimus.
tutes Vetei'is Testamenti potentissime resonat, reliqui Tom. IV Concil., pag. 1264.
vero geslorum Christi sacramenta et miracula into- 9 Tom. VI Biblioth. Pair., pag. 472.
nant. Isidor. Hispal., de Script. Eccles., cap. vu. '" Su7ne, sucer meritis, veracia dicta poetœ;
'•
Hujus se visibus astans, Quœ sine figmenti condita sunt vitio.
Luce palam Dominus prius obtulit, ut bona mater Quo caret aima fides, quo sayicii gratia Christi,
Grandia divu/gans miracula, quœ fuit olim Per quam justus ait talia Sédulius.
Aduenientis iier, hcec sit redeuntis et index. Sirmund., in not. ad Epist. Ennodii.
Lib. IV, pag. 471.
[lV« ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XI. — SÉDULIUS, PRÊTRE CHRÉTIE??. m
du Saint-Esprit qui animaient son cœur et Le même éditeur a traduit en français ces
qui conduisaient sa plume, lui permettant extraits dans son livre intitulé : Les Poètes
d'être poète, et non pas d'être menteur. Sa chrétiens, un vol, in-S", Paris 1838.]
poésie est brillante ', claire et douce; mais 9. On trouve à la suite de V Ouvrage pascal Ouvrages
attribués à
elle a en mêmetemps beaucoup de force et de Sédulius, dans le sixième tome de la Bi- Sédulius
tom. VI
,

Bi-
de majesté. Son latin est même assez pur ; bliothèque des Pères, un commentaire sur tou- blioth.
pag.
Haïr.,
494 ec
mais sa prose a moins d'agréments que ses tes les épîtresde saint Paui, qui porte aussi se<].

vers. Aide Manuce les imprima en lo02. Ils le nom de Sédulius; mais on ajoute qu'il

parurent depuis à Bûle en 1328, 1334 et 1341. était Scot ou Ecossais d'Hibernie pays ori- ,

On les trouve dans le Recueil de quelques poètes ginaire des Ecossais. On a donné à ce com-
chrétiens, par Georges Fabricius, à Leipsik mentaire de Recueil, parce que l'au-
le titre

en 1568, in-8°, [et à Halle, par Cellarius, 1704; teur l'a recueilli ou composé de fragments
par Gruner, Leipsik, 1747 par ArntzéniUs,
;
des commentaires d'Origène, d'Eusèbe, d'Hi-
à Leuvarden, 1701 à Rome en 1794. in-4'',
; laire diacre, de saint Ambroise de Rufîn, ,

par Arévalo ;] dans les Bibliothèques des Peines, de saint Chrysostôme, de saint Jérôme, de
[en particulier dans Galland, tom. IX, p. 333- saint Augustin, de saint Gennade de Cons-
600. Le tome XIX* de la Patrologie latine, de tantinople, de saint Grégoire-le-Grand, et de
M. Migne, reproduit l'édition d'Arévalo. On quelques autres écrivains ecclésiastiques pos-
y trouve d'abord une épltre dédicatoire à térieurs au prêtre Sédulius, dont nous venons
François de Lorenzana et Butron, cardinal et de parler. Ussérius - croit que l'auteur de
archevêque de Tolède des Prolégomènes sur
; ce Recueil peut être un Sédulius, écossais de
sa vie et sur ses ou^Tages, la dédicace de naissance et évêque en Angleterre, qui assista
l'auteur, à Macédonius le Chant pascal en
; à un concile de Rome en 721. D'autres le font
cinq livres, en vers, auquel correspond la vivre dans le neuvième siècle, où l'on avait
traduction ou explication de ces vers en coutume de faire de semblables recueils. Tri-
prose, avec de nombreuses scholies; les élé- thème ^, qui parle de ce recueil, en fait au-
gies, l'hymne sur la Vie du Christ, avec des teur un Sédulius, écossais mais il soutient ;

scholies, une épigramme en quatre vers. Un que c'est lui aussi qui a composé le Poème
appendice contient le chant sur l'Incarnation, pascal, et lui attribue plusieurs autres ou-
l'épigramme ou dédicace en vers d'Astérius vrages dont nous n'avons point de connais-
qui avait recueilli les vers de Sédulius. sance. Il lui donne même la qualité d'évêque :

M. Félix Clément a donné quelques vers de ce qui fait voir qu'il attribue à un seul les
Sédulius dans son livre intitulé Carmina e
: ouvrages de plusieurs.
poetis christianis excerpta, Paris 1837, in-8°.

1 Bine quoque conspicui radiavit lingua Seduli. notavit Carmen paschale, metrice lib. IV; in omnes

Fortunatus, de Cultu Martin., lib. I, tom. X Biblioth. epistolas Pauli ,


prosaice , lib. XIV; de miraculis
Pair., pag. 597. Christi, lib. I; ad Tlieodosium imperatorem , lib. I;
* Ussérius, Britannic. Eccles. Antiq., pag. 780. in majus volumen Prisciani, lib. I; in secundam edi-
3 Sédulius presbyler, natione Scotus, Hildeberti Sco- tionem Donati, lib. I; cxhortatorium ad fidèles, lib. I;
torum archiepiscopi ab ineunte œtate discipulus , vir epistolas pi unes ad diverses, lib.; I de miraculis
in divinis Scripturis exercitatus, et in sœcular-ibus lit- Chrisli, prosaice , lib. II; aliaque nonnulla edidit qnœ
teris eruditissimus carminé excellens et prosa, scrip-
, ad notitiam rueam non venenint. Hic tandem, ut Sige-
sitet métro etsoluta oratione plura opuscuîa, de quibus bcrtus scribit, episcopus ordinatus fuit, sed Ecclesiam
ego tantuni reperi subjecta. Ad Ma'cedonium abbatem, vel urbeni ubi , 7ion exprimit. Trithem., de Script,
opus insigne juxia seriem totius Evangelii. quod prœ- Eccles., cap. cxLU.
HÔ HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.

CHAPITRE XII.

Sulpice Sévère ', disciple de saint Martin, prêtre d'Aquitaine.

[Ecrivain latin vers l'an 420, ou 410 selon d'autres.]

i . Cet auteur, connu ordinairement dans dont la mère se nommait Bassule ^; la mort
sous le l'ayant laissé veuf bientôt"^ après son ma-
les anciens écrivains ecclésiastiques -

nom de Sévère, était surnommé Sulpice; et riage, il pensa sérieusement à quitter le


c'est ainsi qu'il se nomme
dans ses Dialo- monde, et il en prit la résolution en même
gues 3. Saint Grégoire de Tours l'appelle temps que saint Paulin, avec qui il avait été
quelquefois Sévère Sulpice mais dans les ,
uni très-étroitement dans le siècle.

manuscrits il est nommé ou Sévère, ou Sul- 2. C'était vers l'an 392. Sulpice était alors
pice Sévère. Cette dernière dénomination a dans de son âge ", estimé générale-
la fleur

prévalu, et on ne le nomme pas autrement ment de monde et possesseur de beau-


tout le

aujourd'hui. Il était de la province d'Aqui- coup de richesses, soit du côté de sa famille,


taine*, quelques-uns disent d'Agen, parce que soit du côté de sa femme. Ayant écrit un

dans son Histoire sacrée, il appelle ^ saint jour '2 à saint Paulin en qui il reconnaissait
Phébade, évèque de cette ville, son Phébade ;
une plus grande abondance de grâces, que de
mais un peu auparavant il qualifie de même deux qu'ils avaient été dans le champ, l'un
l'évêque Gavidius ^. On ne sait point l'année avait été choisi, l'autre laissé, le saint évè-
de sa naissance mais comme il était plus
; que de Noie lui répondit « Pourquoi vous :

jeune que saint Paulin, on ne peut la mettre servez-vous de ces termes qui sont faux à
qu'après l'an 353. Sa famille était illustre "^
votre égard, et qui m'obligent à rougir ?
et considérable dans le monde par les titres Nous étions, il est vrai, deux dans le temps
qui en font la grandeur. Pour s'ouvrir un que notre chair rebelle se révoltait contre
chemin aux plus grandes dignités, il se mit l'esprit. Nous étions deux dans le temps que

de bonne heure dans le barreau, et y sur- nous vivions avec des personnes qui se sont
passa tous les autres par son éloquence. Il séparées de nous lorsque nous avons em-
n'avait pas toutefois une haute idée de lui- brassé ce genre de vie que nous menons.
même car, prié depuis d'écrire la vie des
: Mais maintenant par la grâce de Dieu qui de
grands hommes, il s'en excusa ^ sur son peu deux peuples n'en a fait qu'un, de deux nous
de capacité. II s'engagea dans le mariage, et ne sommes qu'un, parce que uu us n'avons
épousa une femme d'une famille consulaire, qu'un même esprit. Et c'est ce qui nous

1 D. Ceillier, avec Baronius et d'autres éditeurs du men, et le nom propre prœnomen, à cause de l'ordre
Martyrologe romain, confondent Sulpice Sévère, his- selon lequel l'un et l'autre étaient anciennement
toiùen ecclésiastique, avec Sulpice Sévère, évèque de placés. C'est ainsi que nous disons Caecilus Gyprianus,
Bourges cette erreur a été relevée par Benoît XIV
: Eusebius Hieronymus , Aurélius Augustinus, etc.
dans sa préface de l'édition du Martyrologe qu'il a ,
Voyez le Père Sirmond Epist. prœfixa op. Servati Lupi,
donnée en 1749; il y démontre que le Saiut-Siége et Jérôme de Prato in Vita Sulpitii Severi, pag. 5C;
n'a jamais mis le nom de l'historien Sulpice Sévère Butler, Vies des Saints, au 29 janvier, note A. [L'édi-
dans le Martyrologe. On lui vend néanmoins uu culte teur.)

immémorial dans l'Eglise de Tours. [L'éditeur.) ' Gennad., ibid.


2 Paulin., Epist. 22 et 23 ad Sever.; Geunad., de BSulpit. Sever., lib. II Hist., pag. 451. -

Script. Eccles., cap. xix. ^ Au chapitre XLViii de son Histoire ecclésiastique,


3 Sévère était le prœnomen ou nom propre de ce et par sa lettre à Bassula, on voit qu'il était né aux
Père. Le témoignage de Gennade et celui de toute environs de Toulouse. (L'éditeur.)
l'antiquité ne laissent aucun doute sur ce point. Vos- Gennad., ubi supra.
''

8 Epist. ad Desiderium, pag. 484.


sius, Dupiu, etc., l'ont appelé Sévère Sii/pice, d'après
Eugiuppe et Grégoire de Tours. Mais ils ne seraient 9 Paulin., Epist. 5 ad Sever., pag. 23 et 29.
point tombés dans cette méprise, s'ils se fussent rap- '0 Paulin., Epist. 1 ad Sever., pag. 22.
pelés que l'usage de mettre le nom de famille le se- 11 PauUn., Epist. 1, pag. 22.
cond cessa avec la République romaine, ce qui tou- ''2
Paulin., Epist, 11, pag. 51.
tefois n'empêcha pas qu'on l'appelât toujours cogrw-
[rV* ET V SIECLES. CHAPITRE XII. — SULPICE SÉVÈRE D'AQUITAINE. m
'
oblige à rendre à Dieu de plus grandes ac- commune, lui marquant beaucoup de recon-
tions de grâces, de ce qu'ayant bien daigné naissance et de joie dans le Seigneur, de ce

regarder notre bassesse, nous ayant trouvé qu'en sa considération il avait entrepris ce
deux dans le champ, il nous a pris tous deux voyage. Il le fît aussi manger avec lui, ce
comme il nous a tirés tous deux du ventre qu'il n'accordait point aux grands du monde.

de notre mère. Nous avons été deux dans le « Quelque malheureux que je sois, dit Sul-
champ, mais j'ose dire que, par la vertu et la pice je n'oserais presque le reconnaître,
,

miséricorde de Dieu, l'un de nous a été telle- quand je pense que ce saint m'a fait l'hon-
ment pris, que l'autre n'a point été laissé. » neur de me recevoir à sa table, de me verser
3. Sulpice, en se donnant à Dieu, ne se dé- de l'eau sur les mains, de me laver au soir
i'ErI'-
pouilla pas enlièrement de ses grands biens,
' les pieds et il n'y eut pas moyen de m'en
:

et il ne vendit pas ses héritages, mais se con- dispenser ni de m'y opposer. Il m'abattit tel-
tenta de les donner à l'Eglise en s'en réser- lement sous le poids de son autorité, que
vant l'usufruit. Ainsi, pour nous servir des j'aurais cru faire un crime de ne m'y pas
termes de saint Paulin, il se trouvait - en soumettre. Une nous entretint d'autre chose
toute manière dans l'état que saint Paul de- que du renoncement aux plaisirs de ce
mande ayant tout il n'avait rien, puisqu'il ne
: monde de l'abandon de toutes ses charges
,

l'avait que pour ceux qui n'ont rien. Il n'était et de ses fardeaux, afin de pouvoir suivre le
plus dans sa propre maison qu'en qualité de Seigneur avec plus de liberté et de dégage-
concierge pour y recevoir ceux qui y étaient ment. » Dans cette première visite comme
envoyés par le maître auquel il l'avait cé- dans toutes les autres, Sulpice s'efibrçait
dée, c'est-à-dire les pauvres passants. Dieu d'imiter ce qu'il voyait de grand dans saint
éprouva par diverses tentations la solidité Martin. Il s'instruisait aussi avec soin '*^
des
de sa vertu. Son changement de vie, qui lui circonstances de sa vie auprès de ceux qui
avait attiré la colère de son propre père ^, le les pouvaient savoir; et il bouche
apprit de la
rendit aussi l'objet de la risée et de la haine même du saint, une partie de ce en a
qu'il
des méchauts *. Il tomba même dans deux écrit, quoiqu'il fit tourner ses etforts pour
maladies dangereuses. Mais saint Pauhn à cacher ses vertus, et les grâces particulières
qui il communiqua ses peines ^ lui apprit la que Dieu lui avril faites.
manière dont il devait les surmonter il de- ; 5. Sulpice avait lui-même dans sa retraite
Sea disciple).
vaitregarder les contradictions de ceux qui une école de piété, où ses serviteurs et ses
blâmaient sa conduite et les maladies dont esclaves, devenus " ses conserviteurs et ses
il avait été attaqué, comme des tentations frères, servaient le Seigneur avec lui. Ci-
par lesquelles Dieu avait voulu éprouver la thère '^,un homme de grande consi-
qui était
fermeté de sa résolution, et non pas la con- dération dans le monde et qui avait beaucoup
damner. Ce saint l'exhorta même à quitter de vertus, lui donna un de ses enfants pres-
son pays ^ et à le venir trouver à Noie, lui que dès sa naissance, pour être nourri chez
promettant de le faire 'jardinier de si.in tFélix, lui et sous sa discipline. On met aussi '^ au
mais sans lui donner de gages. Sulpice pro- nombre de ceux qui vivaient avec lui dans
mit de faire ce voyage, mais ses infirmités les pratiques de la vertu, un nommé Victor,
s'opposèrent toujours à l'exécution de ses disciple de saint Martin, et célèbre par les
promesses. éloges qu'en a faits saint Paulin.
. . 4. Il allait néanmoins plusieurs fois l'année 6. Il paraît que la demeure de Sulpice, du
âirtin*
à Tours * pour visiter saint Martin. Ou met moins vers l'an 403, était en un lieu appelé
.D39J.
vers l'an 393, la première visite qu'il rendit Primuliac, où le corps de saint Clair disciple
à cet homme apostolique ; maisy avait
il de saint Martin, reposait sous un autel.
déjà longtemps qu'il avait ouï parler de la Eloigné du monde, il ne songeait dans cette
grandeur de sa foi et de la sainteté de sa vie. solitude qu'à servir Dieu et à s'avancer dans
Saint Martin^ le reçut avec une alieclion non la vertu. Le pain qu'il mangeait n'était pas

* Paulin., Epi si. 24, pag. 152. '


Ibid., pag. 27. —
» Epist. 17, pag. 97.

* Ibid., pag. 153. 9 Severus, in Vila Martini, pag. 520.


' PuuUu., Epist. 5, pag. 23. 10 Idem, ibid.
* Eyist. 1, pag. 3 et 4. " Pauliaus, Epist. 24, pag. 153.
5 Eyist. 5, pag. 24 et seq. 12 Pauliû., Poemate xs/, pag. 112 et seq.
« Pauliu., Epid. 5, pag. 24 et seq. 13
Paulin., Epist. 23, pag. 122.
112 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
de fleur de farine el on voit par le cuisinier
;
'
Sulpice, puisque, de l'aveu du même auteur,
qu'il envoya à saint Paulin, après l'avoir il s'en est relevé. Le même
^ nous Guibcrt
formé dans sa cuisine, qu'on n'y cuisail que apprend que Sulpice se retira à Marmoutiers
des fèves, des cardes et quelques autres her- après la mort de saint Majtin, et passa cinq
bes qu'on n'y faisait que de la bouillie et
; années dans la cellule de ce saint évêque.
d'autres mets semblables, dont tout l'assai- [Quelques auteurs disent qu'il se retira en-
sonnement était le vinaigre et quelques her- suite dans un monastère situé à Marseille,
bes fortes. Il semble aussi que l'on couchait ou dans le voisinage de cette ville ^.]
chez lui seulement sur de la paille, et que [Plusieurs savants, fondés sur l'autorité
les sièges étaient des cihces étendus sur la de saint Jérôme^ ont accusé Sulpice Sévère
terre nue. Retiré seul dans sa cellule, il s'y d'être tombé dans l'erreur des millénaires,
entretenait ordinairement de l'espérance des convenant toutefois qu'il ne la soutint point
biens à venir, du dégoût des choses pré- avec cette opiniâtreté qui fait retrancher de
sentes, de la crainte du jugement et des sup- la communion de lEglise. Il fallait qu'ils ne
plices éternels le souvenir de ses péchés
: se rappelassent pas plusieurs endroits de ses
produisait en lui toutes ces pensées, et le ouvrages; car il assure positivement (Epit. 2
rendait tout triste et tout abattu. et 3), que les âmes de saint Martin et de saint

Il est
7. Gennade donne la qualité - de prêtre à Clair furent admises à la vision béatifique,
prêtre
l'an 413.
Sulpice Sévère, mais on n'a pas de preuves immédiatement après la sortie de ce monde.
positives qu'il lait eue avant l'an 413, et en Il enseigne la même doctrine dans sa pre-

cette année-là même, saint Jérôme écrivant mière lettre à sa sœur Claudia, chap. iv. Il
sur Ezéchiel, l'appelle seulement notre Sévère, dit encore, en exphquant le songe de Nabu-
sans l'honorer du titre de pi'être. Toutefois, choàono'&ov {H ist.sacr.,\\h. II, cap. m), qu'im-
dans une lettre que Sulpice écrivit en 397, médiatement après la destruction des royau-
au prêtre Didier, il le traite de frère ^, mes de ce monde, Jésus-Christ régnera dans
et il en usa de même en écrivant au prêtre le ciel avec ses saints. Or, qu'y a-t-il de plus
Eusèbe la même année, comme on le lit dans formel contre l'erreur des millénaires? Mais
un manuscrit ^. examinons le passage qui fait toute la diffi-
Il est !
8. Gennade raconte = que Sulpice, parvenu culté. Il du chap. xiv du dialogue II.
est tiré
par
pris
Pélagie
à une assez grande vieillesse, se laissa sur- Le Ayant un jour interi'ogé (saint
voici : «
a été
[S'il
féoaire.]
prendre par les artifices des pélagiens ^, et Martin) sur la fin du monde, il nous dit que
qu'il parla même pour soutenir ou leurs er- Néron et l'Antéchrist viendraient auparavant;
reurs ou leurs personnes, car il ne s'explique que le premier régnerait en Occident, après
pas nettement. Mais, selon le même auteur, avoir soumis dix rois, et allumerait le feu de
il reconnut sa faute; et comme il avait péché la persécution pour faire tomber les peuples
par la langue, il garda le silence jusqu'à la dans l'idolâtrie que le second rJgnerait en
;

mort, pour eflacer, en se taisant entièrement, Orient et fixerait le siège de son empire à
le péché qu'il avait commis en parlant. Gui- Jérusalem, qui serait rebâtie par ses ordres;
bert de Gemblours ^ semble révoquer en qu'il rétablirait la circoncision, se donnerait
doute ce que dit Gennade, et assure qu'il pour le Christ, et persécuterait tous ceux
n'avait lu ce fait nulle part ailleurs, et qu'il qui refuseraient de le recounaitre en cette
ne savait où Gennade l'avait lu lui-même, ou qualité ;
qu'il mettrait à mort Néron lui-

s'il l'avait appris par quelque tradition. Mais, même, et serait maître de l'univers jusqu'à la
njoute-t-il, cette chute, si elle est véritable, venue de Jésus-Christ, qui l'exterminerait » ,

n'obscurcit en rien la gloire de la sainteté de etc. Que voit -on ici dont les accusateurs de

1 Apud Paulin., pag. 119. plusieurs partisans à Marseille, qui ne fut distinguée
î Geuuad., de Script. Ecoles., cap. XIX. du pur pélagiauisme que cinq ans après la mort de Sul-
3 Episi.ad Desider., pag. 483. pice, et qui ne fut pointcondamnée avant le second
* Le père Jérôme de Prato prétend que Sulpice n'a concile dO.ange, tenu en 529. {L'éditeur.)

jamais été prêtre. {L'éditeur.) Guihertus Gemblac, initio oper. Sulpitii, edit.
''

5 Gennad., de Script. Eccles., cap. xix. Lugd. Batav., ann. 1634.


8 Guibert. Gembl., ubi supra.
6 II n'est point fait mention de ce prétendu péla-
9 C'est le sentiment de Jérôme de Prato. Il se fonde
gianisme dans les auteurs qui ont combattu le plus
fortement pour la défense de la grâce. Au surplus, sur l'autorité d'mi manuscrit de Vérone du vu* siècle,

si Sulpice Sévère avait donné dans quelque erreur,


où Sulpice est appelé deux fois moine de Marseille.
ce serait dans celle des semipélagiens, qui avaient {L'éditeur.)
flV^ ET V« SIKCLES. CHAPITRE XII. — SULPICE SÉVÈaE D'AQUITAINE. 113

Siilpice Sévère puissent tirer avantage? Y pas, puisque Sulpice le fît peindre ^ avec
a-t-il un seul mot qui favorise l'erreur des saint Âlartin dans le baptistère de la basilique
millénaires ? Je veux que cette erreur se qu'il fit bâtir à Primuliac pour l'usage du
trouve dans ce passage : que s'en suivra-t-il? peuple. encoie une autre au môme
Il en bâtit

Saint Martin sera seul millénaire, puisque endroit, qu'il appela son église domestique,
Sulpice Sévère ne que rapporter ses pa-
fait apparemment parce qu'elle était plus à son
roles comme historien.
Voudrait-on admettre usage. En 403, il demanda au même saint
une pareille conséquence ? Mais dit-on , ,
Paulin des reliques^ avec quelques vers pour
saint Jérôme, dans son commentaire sur servir d'inscription à ces édifices : et ce saint

Ezéchiel, cliap. xxxvi, compte le dialogue de lui envoya ^ un morceau de la vraie croix,

Sulpice Sévère, intitulé Gullus, parmi les ou- en lui racontant comment elle avait été
vrages où l'erreur des millénaù-es est ensei- trouvée par sainte Hélène. Rien n'est plus
gnée. De Prato réfute très-bien l'argument honorable à Sulpice, que ce que saint Paulin
qu'on prétendait tirer de là. Il observe d'a- dit de lui dans une des inscriptions qu'il joi-

bord que Tillemont avance une conjecture gnit à celte relique.

dénuée de preuves, en disant que saint Jé-


Sévère ', d'une vie et d'une foi très-pure.
rôme apparences, un
avait, selon toutes les
De ces temples sacrés éleva la structure :

exemplaire plus complet, et que les nôtres Mais il fit en son cœur par son humilité
sont défectueux, par l'omission de quelques Le temple le plus saint de la Divinité.
mots essentiels. 11 montre ensuite que saint
Jérôme n'a point condamné Sulpice Sévère Sulpice avait envoyé par Victor, le même
pour avoir soutenu l'erreur des millénaires, qui lui rapporta ces inscriptions, des man-
mais pour avoir embrassé Topinion de ceux teaux de poils de chameau à saint Paulin;
'"

qui pensaient que l' Antéchrist viendrait bien- en échange, le saint évêque renvoya à Sul-
tôt, qu'il rebâtiniit Jérusalem et son temple, pice la tunique de laine qu'il avait reçue de
et qu'il remettrait en vigueur les cérémonies sainte Mélanie.
de la loi ancienne opinion qui ne s'accorde
: Il n'y a rien de certain sur Tannée de la

point avec la désolation prédite par Daniel, mort de Sulpice; mais on ne peut guère
laquelle doit durer jusqu'à la fin. On explique douter qu'il n'ait vécu jusque vers l'an 420 ^.
de la même manière le décret du pape Gélase, L'Eglise l'a mis au nombre de ceux à qui elle
qui met parmi les livres apocryphes le dia- rend un culte public ^. Paulin de Périgueux
logue intitulé Gallus. Le Souverain Pontife rendit témoignage à sa piété et à son savoir,
le condamna, non parce que l'erreur des presque aussitôt après sa mort, car il dit de
millénaires y était enseignée, mais parce lui qu'il était un homme admirable par ses
qu'il contenait de fausses conjectures sur la vertus, et surtout par le mépris qu'il avait des
réédification de Jérusalem et de son temple, choses du monde et par la grandeur de sa
et sur le rétablissement des cérémonies lé- foi 8.

gales par l'Antéchrist. Ceux qui voudront 10. Le même Victor portait aussi une lettre
Ecrits de
approfondir ce point n'auront qu'à lire une par laquelle Sulpice priait saint Paulin de lui Snlpice. Son
Histoire si-
dissertation imprimée à Venise eu 1638, dans donner quelques instructions sur diverses
'•*
crée, vers l'an
i05, edit.
le tome XVIII de l'ouvrage intitulé Jiac- : diificultés quiregardaient l'histoire de toutes Lngd. BataT.,
ann. 15.5;.
colta di opusculi scient ifie i ; et surtout la cin- les nations, et parliculièrement sur cehes qui
quième des dissertations que de Prato a in- concernent l'accord des livres des Rois avec
sérées dans le tome I" de son édition des ceux des ParaUpomènes touchant la chrono-
œuvres de Sulpice Sévère '.] logie des rois de Juda et d'Israël. L'était sans
9. On voit par une lettre de saint Paulin, doute pour servir à son Histoire universelle,
que Sulpice lui avait écrit vers l'an 40:2, pour qu'on ne peut par conséquent mettre avant
lui demander son portrait, et il y a toute ap- l'an 403, puisque Victor n'arriva à Noie qu'en
parence que ce saint évoque ne le lui refusa 402. Cette Histoire universelle, que nous

' Voyez Albau Butler, au 29 janvier. {L'cdiieur.) culte de Sulpice Sévère, D. Ceillier a renvoyé ces*
» Paulin., Epist. 3-2, pag. 199 et 200. deux faits à la fiu de son article. [L'éditeur.)
3 Epist. 21, pag. 193 et seq. '
Nous avous vu plus haut que D. Ceillier se trom-
* Episl. 22, pag. 201. pait sur ce point. (L'éditeur.)
î Ei>ist.<i<è. pag. 179. " Paulin., Viia Martin., lib V, pag. 872.
^ Nous mollouà loi ce qui regarde la mort et lu 9 Ei)iit. 28, pag. 177.
VIH. 8
H4 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
avons encore, et qui est intitulée Histoire et en tout trente-sept ans. 11 parle de neuf
sacrée, contient en abrégé ce qui s'est passé persécutions différentes que les empereurs
de siècle en siècle depuis la création du païens ont fait souffrir à l'Eglise : la pre-
monde jusqu'au consulat de Stilicon, en l'an mière, sous Néron ; la seconde, sous Domi-
de Jésus-Christ 400. Sulpice entreprit cet ' tien; la troisième, sous Trajan; la quatrième,
ouvrage dans le dessein de satisfaire un sous Adrien ; la cinquième, sous Marc-Au-
grand nombre de personnes qui désiraient rèle; la sixième, sous Sévère; la septième,
pouvoir lire en peu de temps tant de choses sous Dèce; la huitième, sous Valérien la ;

merveilleuses rapportées dans nos Livres neuvième, sous Dioctétien et sous Maximien.
saints. Quelque soin qu'il ait eu d'être court <( Pendant cette dernière qui dura dix ans
et pi'écis, la brièveté à laquelle il s'est atta- continuels, presque toute la terre fut teinte,
ché, ne lui a presque fait rien omettre de re- dit Sulpice, et abreuvée du sang des mar-
marquable. Pour lier les faits et en éclaircir tyrs ; les fidèles couraient à l'envi à des
la chronologie, il s'est servi quelquefois des combats si glorieux, et le zèle et l'honneur
historiens profanes empruntant d'eux ce
, de Dieu faisaient chercher le martyre avec
qu'il ne trouvait pas dans les écrivains sa- plus de chaleur, que l'ambition n'en donne
crés. 11 témoigne qu'il a eu pour but dans ce maintenant pour parvenir à l'épiscopat. Ja-
travail, non-seulement d'instruire ceux qui mais guerre ne fit mourir tant de monde,
ne sont pas savants, mais aussi de persuader que cette horrible persécution engloutit de
ceux qui ont plus de connaissances. Eu fai- chrétiens; mais ces illustres morts nous ont
sant cet abrogé, il n a pas eu en vue d'em- rendus victorieux, et c'est notre triomphe
pêcher qu'on ne lise les sacrés originaux; au que de si longs outrages n'aient pu vaincre
contraire, il est d'avis qu'on ne se serve même notre constance et notre foi. » 11 ne met pas
de son ouvrage, qu'après avoir pris une au nombre des persécutions celle de Licinius,
exacte connaissance des choses par la lecture parce que, dit-il, ce ne fut qu'une légère
((

des Livres saints. Son ouvrage est destiné à atteinte, qui n'offensa point le corps des
graver dans la mémoire les faits qu'on a lus Eglises. Elle regardait principalement les
dans Car ce n'est pas,
les saintes Ecritures. « soldats que ce prince cassait lorsqu'ils refu-
ajoute-t-il, dans de petits ruisseaux, mais saient de sacrifier aux dieux. » On avait écrit
dans les grandes sources, que l'on doit puiser les vies de ces saints et généreux martyrs ;

les mystères de la Divinité. » Cette Histoire mais Sulpice ne jugea pas à propos de les
est divisée en deux livres le premier com- : transcrire dans son Histoire saci^ée, pour ne
mence à la création du monde, et finit à la point dépasser les bornes d'un abrégé. Il
prise de Jérusalem sous Sédécias, dernier ajoute que, selon les saintes Ecritures, il doit
roi de Juda, emmené captif à Babylone avec y avoir une dixième persécution, mais que
le peuple juif. Le second renferme ce que le cette persécution n'arrivera qu'à la fin des
prophète Daniel elles autres écrivains sacrés siècles, règne de l'Antéchrist.
sous le

ont dit de remarquable par rapport à l'his- dans son Histoire sa-
11. Sulpice rapporte Suitr
toire. Il ne dit rien de ce qui est rapporté crée que Constantin fut le premier des empe- l'Hisloi
crée , 1

Hislor.
dans les Evangiles ni dans les Actes des reurs qui embrassa la religion chrétienne, et pag. 4
seq.
Apôtres, ne croyant pas qu'un abrégé tel raconte d'après saint Paulin comment sainte
que le sien, fût capable d'une si grande et Hélène, mère de ce prince, étant allée visiter
si auguste matière. Ainsi il commence ce qui les saints lieux, trouva la croix de Notre Sei-
regarde l'histoire de la religion chrétienne, gneur. Cette princesse bien informée du
à Hérode, qui régna, dit-il, encore quatre lieu ^, fit fouiller la terre; et après un long
ans depuis la naissance de Notre Seigneur, ti"avail elle trouva trois croix, autant qu'il en

1 Sulpit., lib. I Hist. Sacr., pag. 1 et seq. sitan pro cruce Domini , latronis patibulum consecra'
Igiiur Helena de loco passionis certior facta, ad-
* rent. Copiantdeinde consilium, ut aliquem recens
mota militari manu, atque omnium provincialium mul- mortuum, crucibus admoverent , nec mora , quasi Dei
tiludine in siudia reginœ certantium effodi ierram,
, nutu, funus extincti solemnibus exequiis deferebatur,
et contigua quœque ac vastissima ritinarum, purgari concursuque omnium, feretro corpus eripitur, Duabus
jubet : mox pretium fidei et laboris, ires pariter cru- prias frustra crucibus admotis, ubi Christi patiàulo
ces, îicutolim Domino ac latronibus duobus fixœ fue- atlaclum est, dictu mirabile trepidantibus cunctis
,

rant, reperiuntur. Hic vero major dignoscendi patibuli, funus excussum et inter spectatores suos asiitit. Seve-
in quo Dorninus pependerat, difficultas, omnium ani- rus, lib. Il Hist., pag. 411.
mas mentesque turbaverat, ne errore morlalium, for-
flV^ ET Y^ SIÈCLES.] CHAPITRE XII. — SULPICE SÉVÈKE D'AQUITAINE. Hi

pour Notre Seigneur


avait été autrefois dressé nom de Salluste chrétien, parce qu'en l'écri-
et pour deux larrons. La ditliculté fut de
les vant ils'y est proposé cet historien pour mo-

reconnaître celle où notre Sauveur avait été dèle et on prétend même qu'il la surpassé,
:

attaché, et cela causa du trouble dans les en sachant joindre la clarté à la brièveté.
esprits, caron craignait de prendre par ei- Parmi tous ceux, ajoute-t-on, qui ont entre-
reur la croix d'un larron pour la croix de pris de faire des abrégés d'histoire soit ,

notre divin Maître. On résolut d'appliquer chrétiens, soit païens, il n'y en a pas qui l'ait
sur les croix le corps d'un mort et Dieu :
égalé. On y trouve quelques sentiments par-
ayant permis au même instant qu'il passât ticuliers, tant sur l'histoire que sur la chro-
un convoi, on arrêta la pompe funèbre, et les nologie. Il compte près de six mille ans,
en
assistants prenant le corps, l'appliquèrent c'est-à-direo8i9, depuis la création du monde
vain sur deux des trois croix. Mais dès que jusqu'au consulat de Stilicon, en 382. Il en-
le mort eut touché celle de Jésus-Christ, il tend des anges ce qui est dit dans la Genèse
se leva, Sulpice rapporte encore qu'Hélène du mariage des enfants de Dieu avec les filles
ayant bâti une église au lieu où Jésus-Christ des hommes. Il soutient que Salomon com-
était monté dans le ciel, l'endroit où il avait mença la construction du temple 388 ans
imprimé ses derniers pas ne put souûrir ' depuis la sortie d'Egypte, quoiqu'il convienne
l'ouvrage que l'on y voulait faire. Le travail que le troisième livre des Rois n'en compte
se fit commodément dans les environs, mais que 440. D'après ce fivre, le temple fut
dans ce lieu sacré qui porte l'impression des achevé la onzième année du règne de Salo-
vestiges de Notre Seigneur, la terre rejeta ce mon, tandis que Sulpice déclare que ce ne
que les ouvriers y appliquaient, et même les fut que la vingtième du même règne. Il donne

marbres sautèrent aux yeux de ceux qui les à Abiud ou à Abias, fils de Roboam, six ans
voulaient mettre en œuvre. On voyait encore de règne, ne croyant pas devoir s'en rap-
de son temps ces vestiges, et quoique, tous porter au second livre des Paralipomènes, où
les jours, les fidèles qui y venaient en dévo- ou lit, comme il le remarque lui-même,
tion,emportassent de cette terre sur laquelle qu'Abias ne régna que trois ans. Il s'éloigne
Notre Seigneur avait marché, le lieu ne per- aussi du calcul des Paralipomènes qui donne
dait rien toutefois de ce saint caractère qu'il à Amasias vingt-neuf ans de règne, au lieu

y avait imprimé, et le sable conservait tou- que, selon lui, ce prince n'en régna que
jours la figure de ses pieds. vingt et un ou au plus vingt-cinq. 11 dit que
Sulpice fait ensuite l'histoire de l'arianisme Jésus-Christ fut mis en croix la dix-huitième
et des conciles qui se tinrent pour et contre année du l'ègne d'Hérode, sous les consuls
la consubstantialité. Puis, venant à l'hérésie Furius Geminus et Rubellius Geminus, c'est-
des priscillianistes qui s'était élevée de son à-dire, la soixante-quatorzième année Ju-
temps, il entre dans le détail des maux lienne, et la quinzième de l'empire de Tibère,
qu'elle causa à l'Eglise, et finit ainsi : « Ce Ainsi,en mettant, comme il fait^la naissance
qui augmente nos calamités, c'est que toutes de Jésus-Christ sous les consuls Sabinus et
choses sont en confusion par les dissensions Rufin, c'est-à-dire la quarante-deuxième an-
des évêques, par les passions dont les hom- née Julienne, le Sauveur aurait eu, selon l'o-
mes sont malheureusement prévenus, et par pinion de Sulpice, trente-deux ans, ou, comme
la paresse et l'assoupissement des espiits, il le dit, trente et un ans trois mois au temps

lorsqu'on a tant besoin de vigueur et d'ac- de sa passion.


tion. 11 reste un petit nombre de personnes 12, Nous avons déjà remarqué que dans Vie de saint
Martin.
sages et vertueuses, mais dont les bons des- les fréquentes visites que Sulpice rendit à
seins sont combattus par la folie et l'opiniâ- saint Martin, il s'instruisit avec soin de ce
treté des autres, » qui regardait la vie de ce grand homme. Di-
Cette Histoiî'e a fait donner à Sulpice le dier, le même, comme on le croit, à qui saint

1 Illud mirum, quod locus ille , in quo postremum Quin etiam calcnti Deo pulveris adeo perenne docu-
instilerant divina vestigia, cum in cœlum Dominus mentum est , ut vestigia impressa cernantur. Et cum
nuLe sublalus est, continuari pavimento, cum reliqua quotidie confluentium fides certatim Domino calcata
stratorum parle non potuit. Siquidem quœcumque ap- diripiat, damnum tamen arenu non sentiat : et eadem
plicabantur, insolens humana suscipere terra respue- adiiuc sui speciem , ve/ut impressis signata vestigiis,
ret, excussis in ora apponentium sœpe moinoribus. terra custodit. Ibid., pag. 410.
iiG HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Jérôme et saint Paulin ont écrit, le pria de * « Vos discours si purs et si éloquents font

mettre par écrit ce qu'il en savait. Sulpice bien voir qu'après avoir vaincu la loi des
ne pouvant résister à ses instances souvent membres et la corruption de l'homme exté-
réitérées, y consentit à condition que Didier rieur, vous préparez à Jésus-Christ une pâte
ne montrerait cette Vie à personne, ou du très-pure et un pain sans levain car Dieu :

moins que s'il la communiquait à quelqu'un, ne vous aurait pas choisi pour écrire la vie de
il leur persuaderait de s'arrêter plus aux saint Martin, si la pureté de votre cœur n'a-
Ciioses qu'aux paroles, et les prierait de ne vait rendu votre bouche digne de publier les
pas se choquer du style. Il le laisse même le louanges de ce grand saint. Quelle bénédic-
maître d'en ôter le titre, où était le nom de tion de Dieu sur vous, d'avoir été choisi pour
l'auteur, afin qu'on ne fût point en peine de faire l'histoire d'un si grand évêque et d'un
le justifier. C'est ce que dit Sulpice dans sa si illustre confesseur, que vous avez écrite

lettre à Didier, qui sert de préface à la Vie de d'une manière si élégante et avec toute
saint Martin. Son dessein, dans cet ouvrage, l'atlection et le zèle que vous lui deviez J'ose !

dit-il encore-, a été de travailler au salut des même dire que ce saint est aussi heureux
hommes, en leur proposant un modèle qu'ils qu'il le mérite, d'avoir eu un si digne histo-
puissent suivre, et d'obtenir pour lui non une rien de sa vie, puisque si ses vertus lui ont
vaine estime parmi les hommes, mais une acquis une gloire éternelle devant Dieu, votre
récompense éternelle de la part de Dieu; plume le rendra immortel dans l'esprit des
ainsi, ne songeant qu'à représenter avec sin- hommes. Ce discours est comme une toison
cérité les gi\indes vertus de saint Martin, il dont vous avez revêtu et paré le Seigneur
ne s'est point mis en peine de l'élégance du Jésus, que vous avez couronné par les tleurs
style, exercice qu'il avait depuis longtemps de votre éloquence. Ce divin Agneau vous
négligé ;et il s'est même accoutumé à ne revêtira aussi de sa toison au jour de la dis-
point rougir de faire des solécismes. Il ajoute tribution des récompenses, lorsqu'il couvrira
que, par une timidité qui lui était naturelle, votre mortalité de son immortaUté bienheu-
il avait résolu de supprimer cet ouvrage et reuse. ))

de ne le point doimer au public, dans la 13.Le livre de la Vie de saint Martin étant „ .,
Salle.

crainte que Tayant mal écrit, on ne le con- donc devenu public, Sulpice ne fit aucune
damnât d'impudence pour avoir traité une difficulté de le reconnaître pour son ouvrage :

matière au-dessus de ses forces, et empêché et il s'en exphqna nettement depuis tant dans
par là quelque personne plus habile de l'en- ses lettres que dans ses dialogues. 11 ne dit
treprendre. Aussitôt qu'il eut achevé ce tra- rien dans cette Vie de la dernière maladie,
vail, il Fenvoya à saint Paulin 3, qui le porta ni de mort de saint Martin ce qui prouve
la ;

le premier à Rome, où tout le monde se pressa de son vivant, c'est-à-dire en


qu'il l'écrivit

de le posséder. Ce saint évêque le répandit 396 ou avant la fin de 397. Ce n'est presque
encore * par toute ITtalie, et même dans l'il- qu'un abrégé de la vie de ce grand saint, et
"
lyrie :car l'amour qu'il avait pour saint Fé- Sulpice convient qu'il a passé sous silence
lix, ne lui faisait pas porter envie à la gloire plusieurs faits aussi considérables que surpre-
de saint Martin, et ne l'empêchait pas d'es- nants, dans la crainte qu'ils ne trouvassent
timer les vertus admirables que Jésus-Christ pas créance parmi les hommes de son siècle.
avait mises dans ce grand évêque. On la ré- Ses amis s'en plaignirent à lui-même, et Pos-
pandit ^ encore en Afrique, en Egypte, dans tumien, l'un d'eux, revenu nouvellement
les déserts de Nitrie, de la Thébaïde et en d'Orient où il avait porté un exemplaire de
beaucoup d'autres endroits, du vivant même cette Vie, l'ayant prié de la part de plusieurs
de saint Martin, c'est-à-dire avant le mois de saints solitaires, de ne pas retenir plus long-
novembre de 397. Saint Paulin ^ remercia temps dans le silence des choses si capables
Sulpice par une lettre que nous avons encoi'e, de fortifier leur vertu et d'édifier l'Eghse il ,

dans laquelle il parle ainsi de cette Vie : crut devoir acquiescer à leurs désirs et rap-

1 Pauliu., Epist. ad Desidev., pag. 483, 484. ^ Dialogo \, num. 16, pag. 569.
* Vita Martini, pag. 486. 6 Paulin., Epist. 11, pag. 5C.
3 Sulpit. , Dialogo 1,num. 16, pag. 569. 7 Sulpit., Vita Martini, pag. 486.
* Idem, Dialogo 3, num. 21, pag. 616.
[IV ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XII. — SULPICE SÉVÈRE D'AQUITAINE. m
porta dans ses Dialogues, sous le nom de de se tromper ou de donner lieu aux autres
Gallus, l'un des premiers disciples de saint de se tromper en ces endroits. En effet, si,
Mai'tin, ce qu'il avait omis dans sa Vie. Sul- comme le dit cet historien saint Martin ,

pice ne s'y est point tout-à-fait attaché à l'or- était septuagénaire vers l'an 385, lorsque
dre des temps, et n'a rapporté la plupart des l'impératrice femme de Maxime, lui donna à
faits qui composent l'histoire do ce saint, que manger dans son palais à Trêves, on ne peut
comme sa mémoire les lui a fournis : mais il pas dire qu'il se soit engagé dans le ser-
proteste qu'il n'y a rien inséré dont il ne fût vice sous le règne de Constance, à l'âge
bien assuré que sans cela il aurait préféré
'
;
de quinze ans, ni qu'il n'en ait eu que vingt
se taire, plutôt que d'écrire quelque chose lorsqu'il demanda son congé à Julien l'A-

contre la vérité. C'est pourquoi il ne craint postat, étant auprès de Worms, c'est-à-dire

pas de prier ses lecteurs d'ajouter foi à tout au milieu de l'année 336. Car, au lieu d'avoir
ce qu'il a écrit. On n'a pas laissé, dans les eu soixante-dix ans en 385, il ne faudrait lui
derniers siècles, de lui reprocher quelques en donner que cinquante ce qui ferait tom- :

défauts d'exactitude en ce qui regarde la ber le raisonnement de Sulpice, qui se sert


chronologie. Le premier reproche qu'on lui du grand âge de saint Martin pour montrer
fait est d'avancer que saint Martin commença qu'en 383, lorsque cette princesse lui donna
à porter les armes sous le roi Constance, à manger, il était hors de tout soupçon à l'é-
étant seulement âgé de quinze ans, et qu'il gard des femmes. Saint Grégoire de Tours ^
continua de servir dans les armées romaines, met la naissance de saint Martin en la on-
sous Julien l'Apostat, qui n'était encore que zième année du grand Constantin. En sup-
césar. Mais, au lieu de Constance, on lisait posant donc qu'il s'engagea n'étant âgé que
Constantin dans les anciennes éditions : c'est de quinze ou seize ans, il se sera enrôlé au
Gisselain qui s'est avisé le premier de cor- plus tard en 331, et aura reçu le baptême à
riger cet endroit. Or, il n'y a aucun inconvé- la fin de l'an 333, après environ vingt-deux
nient à admettre que saint Martin ait servi ans de service.
dans lesarmées du grand Constantin, puis- 14. La lettre de Sulpice au prêtre Eusèbe, Lettre à
Eusèbe, ptç.
qu'il naqiiit la onzième année du règne de ce fut écrite à l'occasion d'un accident particu-
prince, c'est-iï-dire en 316, et que Constantin lier arrivé à saint Martin, en faisant la visite
ne mourut qu'en 337, lorsque Constance, son d'une église de son diocèse. Le feu prit pen-
fils, n'était ûgé que de onze à douze ans. On dant la nuit à la paille qu'on lui avait pré-
reproche encore à Sulpice, d'avoir dit que parée pour se coucher. Un certain, poussé
saint Martin servit pendant près de trois ans par le malin esprit, dit en apprenant cet évé-
avant son baptême qu'il demanda à être
;
nement : « Comment Martin, qui a ressuscité
baptisé à l'âge de dix-huit ans, et que deux les morts et garanti des maisons d'incendie,
ans après, c'est-à-dire à l'âge de vingt ans n'a-t-il pu se garantir lui-même du feu?»
seulement et après cinq années de services^ Sulpice témoigne de l'horreur de ce langage,
il demanda son congé k Julien l'Apostat étant et compare celui qui en était auteur aux
près de Worms et qu'il l'obtint ce qui, dit- : juifs qui insultaient Jésus-Christ attaché à la
on, était contre les lois romaines, qui défen- croix, et aux gentils de l'île de Malte qui,
daient à un soldat engagé par serment, à la vue de saint Paul sauvé tout récemment
comme l'était saint Martin, de se retirer du naufrage et mordu ensuite d'une vipère,
avant d'avoir servi pendant vingt-quatre an- le traitèrent de meurtrier pom^suivi par la
nées consécutives. Mais toutes ces objections vengeance divine. Il dit ensuite que les saints
peuvent se résoudre en faisant dans le texte ne sont jamais plus illustres que quand, par
quelques légers changements que la suite de leurs vertus, ils ont triomphé des dangers;
la narration de Sulpice rend nécessaires. que saint Paul, vivant pendant trois jours au
Ainsi, au lieu de triennum, il faut lire vicen- fond de la mer, n'était pas moins admirable
nium ; et au lieu de cum esset, on doit lire que saint Pierre marchant sur les eaux; que
cum militasset. Il était facile aux copistes qui, si tous les hommes sont exposés sans dis-
pour la plupart, se servaient d'abréviations, tinction aux misères de la vie, la patience â

' Obsecro auiem eos qui lecturi sunt, ut fidem diciis quam falsa dicere maluissem. Ibidem, pag. 486.
adhibeant : neque me quidquam nisi compertum et * Gregor. Turon., lib. I Hist. Franc, cap. xxxiv.
probalwn scripsisse arbitrentur : alioquin tacere.
118 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
les supporter distingue les saints de ceux qui l'éloge des vertus de saint Martin. Sulpice y
ne le sont pas que l'épreuve du feu à
; enfin, témoigne qu'après avoir perdu son protec-
laquelle saint Martin avait été exposé, au teur en ce monde, il lui reste néanmoins •

lieu de nuire à sa réputation, lui avait donné l'espérance d'obtenir par les prières de saint
un nouveau lustre, puisqu'il sortit du milieu Martin, ce qu'il ne pourrait par les siennes.
des flammes sans en avoir été endommagé, Saint Paulin parle de l'apparition marquée
les ayant éteintes lui-même par la vertu du dans cette lettre, en ne doutant point qu'elle
signe de la croix et de la prière. Sulpice ne fût véritable, et il en inséra ^ même une
ajoute que s'il n'a pas rapporté cet événement partie dans une inscription qu'il envoya à
miraculeux dans la fie de saint Martin, on ne Sulpice Sévère, pour la faire graver sur le
doit pas s'en étonner il y avait déclaré que
; marbre de l'autel de son église.
son dessein n'était pas d'entrer dans tout le 16. Sulpice était à Toulouse lorsqu'il écri- Ba^soleti
"^^^^
détail des actions de ce saint évêque ce qui : vit à Aurèle, sans aucune intention que sa
aurait demandé un volume immense. Cette lettre fût rendue publique néanmoins elle
;

lettre ne fut donc écrite qu'après la Vie de fut aussitôt envoyée à Bassule, qui était à
saiyitMartin, mais, ce semble, avant la mort Trêves. Comme elle ne trouva pas dans cette
de ce saint évêque, puisqu'il n'en dit rien. lettre l'histoire de la mort de saint Martin,
Lettre à 15. Sulpice uc la savait pas encore, lors- elle écrivit à Sulpice pour le prier de lui ra-
crë.Vg. 529. que seul dans sa cellule, et l'esprit occupé conter ce qu'il en savait. Il lui répondit d'a-
des biens de l'avenir et du mépris que nous bord qu'il ne voulait pas la satisfaire sur ce
devons faire des biens présents, il y fut sur- sujet, de peur qu'elle ne publiât aussitôt tout

pris d'un sommeil qui n'était pas si profond ce qu'il lui en dirait, se plaignant en même
qu'il ne s'aperçût bien qu'il dormait, et qu'il temps qu'elle avait divulgué tout ce qu'elle
n'en sentit toute la douceur. Dans ce mo- avait eu de lui, quelque secrètes que les
ment, il lui sembla voir saint Martin montant choses dussent être. Il se laissa toutefois
au visage éclatant de lumière, et le
ciel, le fléchir à ses prières, et lui raconta tout ce
saint prêtre Clair, son disciple, mort depuis qu'il savait des circonstances plus particu-
quelque temps, suivre le chemin qui lui avait lières de maladie et de la mort de saint
la

été frayé par son maître. Les efforts que Martin, à condition qu'elle ne montrerait sa
Sulpice fit pour s'élever avec eux, le réveil- lettre à personne. Bassule fit tout le con-

lèrent, et dans le même temps,, deux moines traire; et nous avons encore aujourd'hui

arrivés de Tours, lui apportèrent la nouvelle cette lettre, d'où l'on a tiré une grande par-

de la mort de saint Martin. Bien que l'état tie de l'office de ce saint évêque. C'est là P«g-M7.

où venait de le voir, dût le consoler de sa


il qu'on lit les paroles que ses disciples, fon-
perte, il ne put cependant apprendre sa mort dant en larmes, lui adressèrent au moment
sans répandre des larmes. Il manda aussitôt où il allait expirer « Pourquoi très-saint
: ,

et cette apparition du saint, et sa mort, à un Père, nous abandonnez-vous? A qui confie-


diacre de ses amis, nommé Aurèle, en le rez-vous la conduite de ces pauvres orphe-
priant de le venir consoler de cette mort. lins? Des loups ravissants ne manqueront pas
(( Ni la pensée dans laquelle nous devons de se jeter sur votre troupeau, après votre
être, lui dit-il, qu'il a déjà reçu des mains de départ. Qui pourra le défendre, quand il
son juste Juge, la couronne de justice qu'il aura perdu son pasteur? Nous savons bien
en attendait, ni l'assurance que nous avons quelle est l'ardeur et l'empressement que
de trouver en sa personne un puissant pro- vous avez d'être réuni à Jésus-Christ mais ;

tecteur auprès de Dieu, ne doivent nous la récompense qui vous attend, vous est as-

empêcher de le pleurer; puisque nous avons surée; et, pour être encore différée quelque
perdu l'unique consolation que nous pou- temps, elle n'en sera pas moins grande :

vions avoir dans cette vie. » Le reste de cette ayez compassion de nous. » Attendri par ces
lettre, que l'on doit mettre vers le milieu de témoignages d'amitié, saint Martin ne put
novembre de l'an 397, est employé à faire retenir ses larmes; et levant les yeux au

1 Spes tamen superest, illa sola, illa postrema, ut * Quaque tuum socio Mariinum ascendere claro
gitod per nos obtinere non possumus, saltem pro nobis Vidit, et ipse tuo munere vectus eat.
oiante Martino mereamur. SxA^it , Epist. ad Aurel., Paulin., Epist. 32, pag. 204.
pag. 534.
\n' ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XII. — SULPICE SÉVÈRE D'AQUITAINE. 119

ciel, il dit à Dieu : « Seigneur, si je suis en- les risées que les méchants font des gens de
core nécessaire à votre peuple, je ne refuse bien mais au contraire, de tâcher de les
:

point le travail je ne demande que l'accom-


: gagner à Dieu, cette bonne œuvre ne pou-
plissement de votre sainte volonté. » « C'est, vant qu'augmenter notre gloire.
ajoute Sulpice, comme s'il eût voulu dire à La seconde lettre porte quelquefois le nom ibid., p. 335.

Dieu : Il que les combats


est vrai, Seigneur, de saint Athanase; on l'a mise aussi parmi
que nous avons à soutenir dans ce monde, les œuvres de saint Jérôme mais, dans un
:

sont toujours très-dangereux; et j'ai, ce me manuscrit d'Angleterre, elle est attribuée à


semble, combattu assez longtemps si néan- : Sulpice Sévère quoiqu'elle n'en soit pas
:

moins vous voulez que je demeure encore indigne, je ne 'sais si le style en est aussi
sous les armes, je ne vous objecterai point élégant et aussi bien soutenu que celui de
la pesanteur de ma vieillesse. Je m'expose- Sulpice. C'est, au reste, moins une lettre
rai, j'agirai pour la gloire de votre nom, je qu'un traité où l'auteur ne s'adresse pas à
combattrai sous vos étendards; mais si, ayant une vierge en particulier, mais à toutes en
égard à ma faiblesse et à mon âge, vous me général. Dans les éditions de saint Athanase
relirez de ce monde, il m'est avantageux et de saint Jérôme, ce traité fait mention
que votre volonté soit faite, dans la con- d'un décret de l'Eglise romaine touchant les
fiance que vous prendrez vous-même le soin vierges qui violent leur vœu; mais il n'y a
de ceux pour qui je crains. » rien de semblable dans l'édition de Baluze.
17. Gennade parle d'un grand nombre
'
On y remarque l'usage de l'Eglise, de donner ^'"J; '• iv,

de lettres de Sulpice à Claudia, sa sœur, aux vierges la qualité d'épouse de Jésus-


pour l'exhorter à aimer Dieu et à mépriser Christ; mais, ajoute Sulpice, il ne leur ser-
le monde, et ajoute qu'il en avait encore vira de rien d'avoir embrassé un état qui
écrit deux à saint Paulin, et d'autres à di- n'est que de conseil, si elles n'ont soin d'ob-
verses personnes, où il traitait quelquefois server ce qui est de commandement. Il y a
d'aflaires ne nous en reste
domestiques. Il trois choses, selon cet auteur, qui nous ou-
que deux à sa sœur Claudia, qui nous ont vrent la porte du ciel, la chasteté, le mépris '

été données par Baluze ^. Il marque dans la du monde, la justice elles ont entre elles
;

première, qu'il n'avait pu lire sans verser une telle liaison, qu'il est difficile qu'elles
des larmes de joie, les lettres qu'il avait re- puissent être utiles séparément; la justice
çues de sa part, voyant par ce qu'elle écri- renferme l'obligation, non-seulement de ne
vait, qu'elle vivaitsuivant les principes de pas faire le mal, mais encore de faire le bien.
Dieu notre Seigneur, mais il lui témoigne en 11 ne nous est pas commandé seulement de

même temps une vive douleur de ne pouvoir nous dépouiller de nos habits, mais aussi
l'aller voir, pour se consoler avec elle et d'en revêtir ceux qui sont nus. Adam et Eve
s'animer mutuellement à fouler le monde étaient vierges lorsqu'ils ont péché, et l'inté-
aux pieds. Il lui dit qu'après lui avoir sou- grité du corps ne leur a servi de rien. Une
vent écrit pour animer sa foi et l'instruire vierge fait injure à la grâce divine lorsqu'elle
de ses devoirs, il avait peine à trouver quel- aime encore à se parer des vains ornements
que chose de nouveau à lui écrire, et il s'en du siècle; ceux dont elle doit s'orner, sont
console, parce qu'avec le secours de Dieu, la foi et la miséricorde; elle doit conserver
elle menait une vie si vertueuse, qu'elle n'a- purs ses yeux, sa langue et tout le reste de
vait plus besoin de ses instructions. Il ne son corps, en faisant servir ses membres,
laisse pas de l'exhorter à persévérer dans non à l'iniquité, mais à la justice, se souve-
le combat contre la chair et contre le siècle, nant que la virginité est d'un grand prix de-
dans l'espérance de la récompense qui nous vant Dieu, si elle n'est point déshonorée par
est promise après un combat qui, quoique le péché, et si la vierge ne fait rien d'indigne
pénible, ne peut être de longue durée. Il lui de Jésus-Christ, son époux. Enfin l'auteur
parle de la consolation qu'auront au jour de exhorte les vierges à se persuader fortement
leur mort ceux qui, ayant pratiqué de bonnes que Dieu voit leurs plus secrètes pensées, à
œuvres, verront venir, au-devant d'eux les se rendre dignes de lui parler dans la prière,
Martyrs, les Prophètes, les Apôtres, et il et à songer sérieusement qu'en chantant des
prie sa sœur de ne point s'arrêter à toutes psaumes, ce sont ses paroles mêmes qu'elles

' Genuad., de Script. Ecoles., cap. xix. * Tom. 1 Miscellan. , Paris. 1678. pag. 32 et seq.
120 HISTOIRE GÉNf:RÂLE DES AUTEURS ECCLÉSTASTIQUES.
empruntent, et qu'elles doivent trouver plus sujet de quelques vexations que ce person-
de plaisir dans la componction du cœur, que nage exerçait envers des paysans, en les dé-
dans la mélodie de leurs voix *. Il attribue pouillant de leurs droits et de leurs terres.
l'Apocalypse h saint Jean l'Apôtre. Les autres lettres de Sulpice ne sont pas ve-
Lellr "S à d8. Des cinq lettres imprimées sous le nom nues jusqu'à nous.
Paulin et à
d'autri-s per- de Sulpice dans le Spicilége de d'Achery, 19. Postumien, à la veille d'entreprendre
*
i^i^ione
de Solpict
sonnes l. V . .

Spicil.,
«

P»g- il n'y a que la première qui soit de lui les : un second voyage en Orient, prit congé de p^g-sM.
B:t2, et apud
Paulin, P^S- quatre autres ne sont ni de son style ni de Sulpice, et s'embarqua à Narbonne pour
UD.
son génie. Dans celle-là, Sulpice mande à Alexandrie, où il arriva peu de temps après
saint Paulin, qu'ayant appris que tous ses que Théophile eut chassé les solitaires de
cuisiniers l'avaient abandonné, apparemment Nitrie, pour cause d'origénisme, c'est-à-dire

parce qu'il ne les occupait pas à apprêter après l'an 401. Il resta environ trois ans en
des mets aussi excellents qu'ils l'auraient Orient, d'où il revint en quarante jours re-
soubaité, il lui en envoie un, « que j'ai, lui trouver Sulpice qui s'était retiré ^ en un lieu
dit-il, élevé dans notre cuisine, et qui en- écarté, avec Gallus, son ami, et disciple de
tend assez bien à faire cuire des fèves, à saint Martin. Après qu'ils se furent embras-
faire une sauce au vinaigre à des bettera- sés, ils s'assirent sur des cilices; etPostu-
ves, et h faire de la bouillie propre pour mien, ayant pris la parole, raconta les cir-
remplir des moines qui ont une grande faim. constances principales de son voyage, ce
Il ne se sert point de poivre ni de semblable qu'il avait remarqué de plus important dans
drogue mais il sait parfaitement bien battre
: la manière de vivre des solitaires d'Egypte,
avec grand bruit, dans un mortier, des her- et ce qu'on lui avait dit des disputes de
bes de bonne odeur. Il a un défaut, qui est Théophile contre les moines de Nitrie. Il dit
d'être un ennemi impitoyable de tous les aussi beaucoup de choses de saint Jérôme,
jardins. Dès qu'on l'y laisse mettre le pied, et en fit un fort bel éloge. C'est ce qui fait

il enlève avec son couteau tout ce qu'il ren- la matière du premier Dialogue de Sulpice. itia.. p. sis.

contre, et ne saurait surtout faire grâce aux Il raconte dans le second, sous le nom de

mauves; il prend et jette au feu tout ce qu'il Gallus, un grand nombre de circonstances
trouve sous sa main il ne fera pas même
;
de la vie de saint Martin dont il n'avait pas
difficulté de découvrir pour cela la maison et parlé dans l'ouvrage qu'il avait fait exprès
d'en arracher les vieilles planches. » Il le sur cette matière et il fit ce supplément
:

prie toutefois de le regarder, non comme un à la prière de Postumien qui le lui avait de-
serviteur, mais comme son fils, sachant qu'il mandé de la part de plusieurs serviteurs de
ne rougissait pas d'être le père des petits. Il Dieu. Gomme quelques-uns témoignaient du
finit sa lettre en protestant à saint Paulin doute sur tant de faits miraculeux, Sulpice,
qu'il eût souhaité lui rendre lui-même ce dans un troisième Dialogue, empruntant en- '»><'• p-

service, trouvant plus d'avantage aie servir, core le nom de Gallus, les confirma par le
qu'à être le maître des autres. La lettre sui- témoignage de témoins vivants il proclame :

vante n'a rien de remarquable, non plus que que ce serait un crime, de vouloir honorer
la cinquième. La troisième est adressée à des les amis de la vérité par des mensonges; et
magistrats d'une certaine ville, qui voulaient proteste devant Jésus-Christ, que tout ce
obliger un comédien, converti et baptisé de- qu'il a dit ou pourra dire de saint Martin, il
puis peu, de continuer à monter sur le théâ- l'a vu lui-même, ou l'a appris de personnes

tre. Il s'en excusait sur l'indécence de cette sûres, et souvent de la propre bouche du
profession dans un catholique, et l'auteur de saint même.
cette lettre, qui était son frère, soutient que Paulin de Périgueux 3 qui écrivait en vers,
les lois divines et humaines ne permettent vers le milieu du cinquième siècle, la Vie de
pas qu'un homme dont le corps est purifié par saint Martin, ne crut pouvoir rien faire de
le baptême, et l'esprit sanctifié par la grâce, mieux que de copier ce qu'en avait dit en
s'occupe de plaisirs déshonnêtes, et fasse prose Sulpice, tant dans la Vie de ce saint
profession de divertir les peuples. La qua- évèque, que dans ses Dialogues, persuadé
trième, qui est à un nommé Salvius, est au qu'il n'y avait rien mis de douteux et qu'il

» Balus., toin. T, pag. 336. 3 Paulin., in Vita Martini, lib. V, pag. 872.
" Sulpit. , Dialog. 1, p. 641.
[rV' ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XII. — SULPICE SÉVÈRE D'AQUITAINE. 121

s'était donné tous les soins nécessaires pour rivé à Bethléem, y demeura six mois avec
s'assurer des faits qui y sont rapportés. For- saint Jérôme. De retour à Alexandrie il passa
tunat *, évêquo de Poitiers, prit aussi dans en la haute Thébaïde, où il trouva plusieurs
Sulpice la matière de la vie de saint Martin, monastères. 11 y avait dans chacun environ
Ces trois Dialogues sont cités par saint Jé- cent solitaires, dont les principales règles
rôme -, par Gennade et par saint Gréj^oire étaient de vivre sous l'obéissance d'un abbé,

de Tours. Le premier ^ nous avertit que et de ne rien faire par leur propre volonté.

l'erreur des millénaires Si quelqu'un d'entre eux, poussé du désir


l'auteur y soutenait :

mais cet endroit manque dans nos éditions. d'une plus haute perfection, voulait, pour
On le lisait sans doute dans l'exemplaire qui cela, aller dans le désert, il ne le pouvait

fut présenté au concile de Rome sous Gé- qu'avec la permission de son abbé, qui lui
lase *, puisqu'on y mit ces Dialogues an nom- faisait alors fournir du pain ou quelqu'autre

bre des livres apocryphes; car il n'y a rien nourriture. On raconta à Postumien un

autre chose qui ait pu leur attirer la censure exemple d'obéissance arrivé depuis peu dans
de ce concile. Il n'y avait au plus que huit l'un de ces monastères. Un homme étant

ans 5 que saint Martin était mort, quand Sul- venu trouver l'abbé, celui-ci lui proposa l'o-
pice les écrivit ainsi il faut les mettre au
:
béissance comme la première et la princi-

plus tard en 40o. Postumien remarque dans pale condition de sa réception. Ayant pro-
le premier qu'il alla à Carthatïe ^ rendre mis de l'observer toute sa vie et de ne trou-
ses vœux et faire ses prières au tombeau du ver rien de difficile, l'abbé, qui par hasard
saint martyr Cyprien. Dans un pays où il tenait en sa main un bâton sec depuis long-

aborda en allant à Alexandrie, les habitants temps, l'enfonça en terre, et lui commanda
ne vivaient que de lait, à l'exception des de l'arroser jusqu'à ce que ce bois vint, con-
plus intïénieux qui mangeaient du pain tre les lois de la nature, à reverdir dans une

d'orge, le seul grain que l'on pouvait recueil- terre si brûlante. Ce disciple, pour obéir à
lir; il y croissait si promptement, soit par sa un commandement si rude, allait tous les

qualité, soit par l'extrême ardeur du soleil, jours chercher de l'eau dans le Nil, éloigné
que du moment qu'il était semé, il ne lui d'environ deux milles de là, et la portait sur
fallait que treize jours pour mûrir. Il place ses épaules. Un an se passa dans ce travail,
ce pays à l'extrémité de celui des Cyréniens, sans aucun fruit. La seconde année ne jéus-
au désert situé entre l'Egypte
et dit qu'il tient sitpas mieux. Mais, continuant sans perdre
et l'Afrique. y trouva un vieillard vêtu de
Il courage à arroser ce bâton, il reverdit la
peau qui tournait une meule, c'était le prê- troisième année, et « j'ai vu, dit Postumien,
tre du lieu. Ce vieillard reçut Postumien avec l'arbrisseau qu'il a produit, et
il est encore

joie ; le fit asseoir avec ceux de sa compa- dans cour du monastère, plein de bran-
la

gnie, au nombre de quatre, et leur servit la ches vigoureuses qui sont comme un témoi-
moitié d'un pain d'orge avec une poignée gnage continuel du mérite de l'obéissance el
d'herbe d'une extrême douceur. 11 les con- du pouvoir de la foi. »
duisit ensuite à l'église, qui n'était faite qu'a- 20. Les ouvrages de Sulpice, au jugement Jugement
Hps écrits de
vec des branches d'arbres entrelacées. Pos- de saint Paulin ^, sont éloquents et chastes, Sulpice. Edi-
lionsqa'ooeD
tumien présenta à ce prêtre dix écus d'or, et pour les mieux écrits que nous
passent * a faites.

mais il les refusa « l'Eglise, dit-il, se ruine


: ayons en latin parmi les auteurs ecclésiasti-
plutôt qu'elle ne s'édifi^avec de l'or. » Il lui ques. Son style est net, précis et élégant ^;
ofiVit quelques habits, et ce prêtre les reçut mais on trouve qu'il y a plus de politesse
avec actions de grâces. Postumien étant ar- que de force et quïl est plus fleuri que
,

' Fortunat., Vita Martini. ' Eloquia tua fam facunda quam casta. Paulin.,
' Hieronym., in cap. xxxvi Ezech.; Gennad., de Episl. 11 ad Sever., pag. 56.
Script, Eccles., cap. xix, et Greg. Turon., de Mira- 8 Dictione utitur tersa et élégante, adeo ut ecclesias-
culis S. Martini, lib. I, cap. i. ticorum purissimus scriplor vocetur. Voésius , lib. Il
' Hieronym., in cap. xxxvi Ezech., pag. 952, de Historia latin., cap. xn , pag. 210. Dignus sane
* Concil., tom. IV, pag. 1265. qui vel eo nomine legatur, quod supra sœculi sui cap-
!^
Dialog. 2, aum. 16, pag. 595. tum loqnitur latine. Joseph. Scalig., Epist. 305.
* Lihuit animo adiré Carthaginem loca visitare sanc- 9 Elegnntior romani sernionis vix qui^quam chris-
torum , et prœcipue ad scpulcrum Cypriani martyris tianus auctor extat prœferendus Severo Sulpitio. Bar-
adorare. Dialogo 1, pag. 543. thius, lib. Xll Adcersar., cap. xviii.
122 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
nerveux Son Histoire sacrée ^ est ce que l'on
'.
trouvent dans cette édition, sont de M. Le
a jamais de mieux et de plus utile en ce
fait Clerc. La Vie de saint Martin, avecles lettres
genre. Il n'y a pas moins d'élégance de style ^ à Didier, à Eusèbe, à Aurèle et à Bassule,
dans la Vie de saint Martin que dans ses au- fut imprimée pour la première fois à Venise,
tres ouvrages mais Sulpice semble s'être
:
en 1302; à Paris, en 1711; à Bâle, en 1531
surpassé dans ses Dialogues, et n'y avoir né- et 1366, [et à Paris, en 1838, par les soins de
gligé aucune des beautés, ni aucun des M. Dubner.] On trouve aussi dans ces éditions,
agréments de l'art. les trois livres des Dialogues. Les deux lettres
Les deux livres de son Histoire sacrée ont à Claudia se lisent dans le premier tome des
été imprimés à Bâle, en 1536 et en 1S72; à Miscellanées de Balnze, à Paris, en 1678. Les
Paris, en 1560; à Boulogne, en 1561; à Co- cinq autres sous le nom de Sulpice, dans le
logne, en 1373 et 1610; à Francfort, en 1593; cinquième tome du Spicilége de dom Luc
à Rome, en 1364; à Anvers, en 1574; et à d'Achery, à Paris, en 1661. Dès l'an 1716,
Franker, en 1595, 1607 et 1664. On trouve David Hofman s'était engagé à donner une
dans celte dernière édition, d'amples com- nouvelle édition de tous les ouvrages de Sul-
mentaires de Christien Scliotan; à Arnlieim, pice sur un manuscrit qui lui avait été com-
en 1607; à Paris, en 1656 et 1667; à Leyde, muniqué par André Schmidius. [La meilleure
en 1626, 1647, 1634, 1665; à Amsterdam, édition des écrits de Sulpice est de Vérone,
en 1651 à Berlin, en 1668; à Abo, en 1669;
; 1741et 1754, deux volumes in-4°, par le Père
à Zurich, en 1708; à Leipsik, en 1711 [à Pa- ; Jérôme de Prato, oratorien de la même ville.
ris en 1837, par les soins de M. Dubner.] On Cette édition est accompagnée de variantes,
les trouve aussi dans les Orthodoxographes, de notes, de dissertations savantes et de la
en 1569, et dans les Bibliothèques des Pères. Vie de Sulpice. Galland, tom. VII, pag. 333-
Ils furent traduits en français par Jean Fil- 432, a reproduit le texte de Prato, y a ajouté
leau, et imprimés à Paris, en 1564, et depuis les sept épitres qui n'y étaient pas compri-
de la de Louis Giry, en 1639
traduction :
ses, savoir les deux publiées par Baluze et
:

l'éditionde 1626, à Rouen, par le Père Bau- les quatre par d'Achery. On y trouve aussi
dry, dominicain, est la même que celle de les Prolégomènes; mais on regrette les dis-
Filleau, à la réserve de quelques notes et de sertations. M. Migne a réimprimé Galland au
la traduction de la préface. [L'abbé Paul u tome XX de la Palynologie latine. Les œuvres
aussi donué une traduction de l'Histoire ec- de Sulpice Sévère ont paru chez Panckoucke,
clésiastique, sur la fin du xviii'^ siècle. Wan- 1848-1849, deux volumes in-8°, traduites en
delaincourt a publié une version intei-linéaire français par M. Herbert. Les lettres attri-
de ce même ouvrage, Bouillon, 1779, in-12. buées à Sulpice y sont traduites en français
L'abbé Poussin a traduit l'Histoire sacrée à pour la première fois, par M. Riton. Les poè-
l'usage des classes, Paris, Lecoffre.] Pierre mes de Paulin de Périgueux et de Fortunat
Rabus traduisit en hollandais l'Histoire de sur la Vie de saint Martin sont traduits aussi
Sulpice Sévère, et la fit imprimer à Rot- pour la première fois par E. F. Corpet.]
terdam, en 1702, avec une suite d'histoire 21. Sulpice ne parle en aucun endroit de ro f i

jusqu'à Charles-Quint. L'édition de Vorslius, la Confession de foi que nous avons sous le "
^\'°'if
à Berlin, en 1668, fut de nouveau mise sous nom de saint Martin dans toutes les Biblio- ^ur^sûip'icl

presse à Leipsik, en 1709, par les soins de thèques des Peines, et son silence à cet égard
Thomas Fritschius, qui y ajouta sept lettres fournit une grande preuve qu'elle n'est point
données sous le nom de Sulpice, par Dom de ce saint évéque. Ajoutons que, suivant le
Luc d'Achery, et par Baluze. Les notes qui se témoignage de Sidpice saint Martin avait
"*,

* Non deest pietas, sed abest vis et gravitas , et est * Jani vero in verbis et confabulatione ejus quanta
floridum dicendi genus magis, quam nervosum. Eras- gravitas, quanta dignitas erat ! Quam alacer, quam
mus, in Ciceroniano, pag. 152. efpcax, et quam in exsolvendis Scripturaruiti quœstio-
2 Quo upusculo Sacra Hisloria, non snne magna, aliitd nibus promptus et facilis ! Et quia multos ad hanc par-
an iillo unquam sœculo reipublicœ christianœ ulilius iem incredulos scio, quippe quos vider im, nieipso etiam
ac possibiiius ediluni sit , iis quorum illud est judi- referente, 7ion credere; Jesum spemque commu-
testor,

cium, judicandum relinquo. Giseliuus, in Vita Sulpitii. nem, me ex tiullius unquam o>'etantum scientiœ, tan-
3 Benedictus tu homo Domino
,
qui tanti sacerdotis tum ingenii , tam boni et tam puri sermonis audisse.
et magnificentissimi confessoris hisioriam, tam digno Sulpit., iu Vita S. Martini, pag. 521.
sermone quam justo affectu percensuisti. Paulin.,
Episl. 11, pag. 56.
[iV* ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XII. — SULPICE SÉVÈRE D'AQUITAINE. 123

une grâce merveilleuse pour expliquer l'E- qui les sèche et qui les dévore. Ils sont pleins
criture sainte et pour en développer les de l'amour de leurs belles maisons, ils culti-
mystères, en ayant fait son étude dès sa jeu- vent leurs grands domaines avec un soin
nesse. Selon ce même auteur,
il n'avait jamais
merveilleux, ils ont le cœur attaché à leurs

vu personne qui l'entendit, qui la possédât richesses : ils sont esclaves de leurs trésors;
ils ils vendent, et en tout ce qu'ils
achètent,
et qui l'expliquât mieux, ni dans des termes
plus propres, plus choisis et plus énergiques font, ne cherchent que le gain. S'il y en a
ils

que lui. Or, cette Confesaion de foi est d'un quelques-uns dont la conduite soit mieux ré-
glée, qui ne s'embarrassent pas des biens
caractère bien différent. C'est une pièce obs-
mal digérée, d'un style atfecté et qui profanes, et qui ne fussent pas un exercice
cure et
aurait besoin d'un commentaire pour être honteux du commerce et du négoce, ils font
entendue de fout le monde. [Cependant Gal- une chose encore plus déshonnête, attendant
publiée dans sa Bibliothèque, au sur leurs sièges qu'on leur olfre des présents,
land qui l'a

durement; d'a- et souillant la dignité de leur ministère par


tome VIII, ne la traite pas si

manuscrits, le prix qu'ils en reçoivent. » Il regarde Dé- Lib. 1, pag.


près d'anciens il l'attribue â 137.

saint Martin et la juge digne d'entrer en pa- bora, qui rétablit les Juifs dans leur autorité,

rallèle avec l'Exposition de foi de saint Gré- comme la figure de l'Eglise qui a délivré les

goire Thaumaturge. M. Migne a reproduit les hommes de la captivité. Selon Sulpice, Gé- Lib. I, pag.

Prolégomènes de Galland et la Confession de déon défît les rois de Madian, et dans le


foi au tome XVIII de la Patrologie latine.]
combat il y eut cent vingt mille hommes tués
et quinze mille faits prisonniers. Esther vivait Lib. n
Thomas Beauxlamis en a fait un commen- pag. 323 et
,

taire que l'on a imprimé avec cette Confession du temps d'Artaxerxès II, sous le règne du- 32«.

de foi à la suite de la Vie de saint Martin, par quel Ton rebâtit Jérusalem elle demanda à ;

Sulpice, à Paris, en 1371, chez Belot, in-8°. ce prince la mort d'Aman, en vengeance de
Ce qui y est dit de la Trinité, se réduit h y ce qu'il avait voulu perdre la nation des
reconnaître trois personnes réellement dis-
' Juifs. L'histoire de Judith arriva la douzième Lib. II,
pag. 332.

tinctes entre elles, mais qui ne font qu'une année du règne de Darius Ochus, successeur
seule et même divinité; que le Père est dans d'Artaxerxès II, depuis le retour des Juifs
le Fils, le Fils dans le Père, et tous deux dans leur pays, après la captivité de Baby-
dans le Saint-Esprit. On y
ajoute que Jésus- lone, mais avant qu'ils eussent rétabli toutes
Christ est né du Samt-Esprit et de la Vierge choses. Jésus-Christ naquit selon la chair le Pag. 383.

Marie pour être notre médiateur. vingt-cinquième jour de décembre, sous le


Dans les œuvres de Sulpice on peut remar- consulat de Sabin et de Rufin, la trente-troi-
quer les points suivants Sulpice met Job du :
sième année du règne d'Hérode, ainsi trois
temps de Moïse il ne donne que douze ans
;
ans avant l'ère vulgaire; saint Paul fut mené
à Daniel lorsqu'il sauva Suzanne de la mort; à Rome sous l'empire de Néron, le premier
il croit que la ville de Jéricho fut pillée et persécuteur des chrétiens, et peut-être en-
brûlée. A ce propos, en parlant de la dou- core le dernier, plusieurs, dit Sulpice, s'iraa-
zième tribu qui est celle des Lévites, il dit, ginant qu'il est l'Antéchrist qui doit venir.
suivant le texte de l'Ecriture, qu'elle était Après un détail des vices de ce prince, il Lib. U ,

pag. 390.

destinée au sacré ministère, et qu'elle n'eut ajoute « On ne doit point s'étonner qu'il ait
:

point de part dans la distribution des terres, entrepris le premier de persécuter les chré-
afin que, n'ayant point d'engagements dans tiens, parce que les vices sont naturellement
les choses du monde, elle pût servir Dieu ennemis des vertus, et que les méchants ne
avec plus de liberté. A ce propos, il dit aux regardent qu'4 regret les gens de bien,
ministres de l'Eglise « On dirait, à les voir,
: comme leur reprochaient leurs crimes.»
s'ils

que non-seulement ils ne se souviennent plus Il dit, à l'occasion de l'embrasement de


de ce précepte et de cet exemple, mais qu'ils Rome : « On en faisait communément auteur
n'en ont jamais eu de connaissance. Ils ont, Néron lui-même qui, disait-on, avait fait
ajoute-t-il, une malheureuse ardeur de pos- mettre feu dans cette ville, pour avoir la
le

séder les biens de la terre. C'est une fièvre gloire de la rebâtir; toutefois il rejeta la

1 Clemens, Trinitas est una divinitas. Pater in Filio, nia cuncta concluent... Ego credo in Christum... quia
Filius in Pâtre, uterque in Spirifu Sancto. Sic triôus a Spiritu Sancto et Maria Virgine mediator nascitur.
personis confitemur corpus prœscientiœ, quod super om- Martin., Profess. fid., t. V Bibliot, Pat., pag. 1084.
124 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
baine de cet incendie sur les chrétiens, et fît recevoir. » On peut encore observer ce qui
souffrir à des innocents la peine d'un crime suit : L'opinion commune qui voulait que
qu'ils n'avaient pas commis. On inventa pour Néron dût venir à la fin des siècles exercer
eux de nouveaux supplices les bourreaux ,
le mystère d'iniquité, voulait aussi que ce
les couvrant de la peau de bêtes sauvages, prince impie après avoir été frappé de
,

afin de les faire dévorer par les cliiens ; il


y mort, soit par une main étrangère, soit par
en eut de crucifiés et d'autres consumés par la sienne propre, eût été préservé pour ac-
le feupour servir la nuit de lumière. » complir ces paroles qui se trouvent écrites
Pag. ! En parlant de l'empereur Tite, il rapporte de lui dans le treizième chapitre de ce livre :
396, etc.
le fait suivant : « Tite, maître de Jérusalem, La plaie de sa mort a été guérie. Sulpice parle
mit en délibération s'il devait renverser le encore ailleurs du même prince, et raconte,
temple et ruiner un édifice si magnifique :
pour l'avoir ouï dire à saint Martin, que Né-
les uns prétendaient qu'on ne devait pas le ron et l'Antéchrist viendraient avant la fin
détruire, parce qu'il n'y avait pas d'ouvrage du monde, et que l'Antéchrist tuerait Néron.
dans tout le monde qui fût égal à celui-là ; Tout ce qu'il dit sur ce sujet avait été sup-
que les Romains, en le conservant, donne- primé dans la plupart des anciennes éditions :

raient une preuve éclatante de leur modéra- mais on l'a rétabli dans celles de Giselin et
tion, et qu'en le détruisant, ils laisseraient d'Hornius. Néron interdit ^ par des édits pu-
un monument éternel d'ime cruauté farou- blics la rebgion cbrétienne, et établit des
che. Mais les autres estimaient avec ce prince peines contre ceux qui en faisaient profession
que la beauté de ce temple n'était pas une Ce fut par ses ordres que saint Pierre et saint
raison de l'épargner que c'était même la; Paul furent condamnés à mort l'un eut la :

première chose qu'il fallait ruiner pour ne tête tranchée, et l'autre fut attaché à une
laisser aucune ressource aux juifs et aux croix.Selon Sulpice, nous ne devons pas
chrétiens, qui étant tous d'une même origine, nous étonner si les écrivains profanes n'ont
périraient aisément, si on en faisait mourir rien dit de ce que nous lisons dans les Ecri-
la racine. Cette opinion, ajoute Sulpice, pré- tures saintes; l'esprit de Dieu en ayant ainsi
valut, parce que Dieu en avait ainsi ordonné.» ordonné, afin que l'histoire sacrée ne fût pas
Ilrapporte diverses circonstances du siège souillée par des bouches impures, et que le
de Jérusalem qu'on ne lit point dans Josèphe, travail de ceux qui disent inditféiemment le
en particulier, que la famine y fut si grande, vrai et le faux, ne servît point à corrompre
que les habitants se firent un ah'ment de la la vérité. En effet, dit-il, l'histoire sainte
chair des morts, et qu'il n'y eut que les corps étant pleine de mystères qui n'ont rien de
desséchés par la langueur qui ne servirent commun avec les afi'aires ordinaires des
point de nourriture aux vivants. Il parle du hommes, il était convenable qu'elle ne fût

combat de de saint Paul contre


saint Pierre et écrite que par des plumes sacrées, et il au-
Simon, et que ce magicien voulant se
dit rait été indigne de la mêler avec les histoires
faire passer pour un dieu, deux démons in- profanes, qui sont écrites avec d'autres mo-
voqués par ses opérations magiques, l'enle- tifs et des pensées toutes différentes. Sulpice
vèrent en l'air; mais les deux apôtres setant reçoit pour canonique Thistoire de Suzanne
mis en prières, Simon, abandonné des dé- et celle de Bel. 11 paraît persuadé que Jephté
mons, tomba par terre à la vue du peuple, et immola véritablement sa fille, à cause du
périt de sa chute. vœu qu'il en avait fait. La Pythonisse évoqua
Selon Sulpice, ce fut par ordre de l'empe- véritablement Samuel. Enoch, fils de Gain,
reur Domitien, que saint Jean fut relégué en fut le premier qui bâtit une ville, et elle porta
l'Ile de Pathmos. Ce fut là qu'il composa le *
le nom de son auteur. Le paradis terrestre
livre de la sainte .\pocalypse, « que quel- était hors de notre monde Sulpice dit en ;

ques-uns, dit saint Sulpice, qui ont l'esprit etfet qu'Adam et Eve ^ ayant goûté du fruit
plein de folie ou d'impiété, ne veulent point défendu, furent envoyés comme en exil du
' Quo tempore, Joannem apostolutn atque evange/is- proposais, christianum esse non licebat. Tum Paulus
tam in Pathmum insulam relegavit ubi ille arcanis : ac Pet rus capitis damna fi : quorum uni cervix gladio
sibi mxjsteriis revelatis, librum sacrœ Apoculypsis, qui desecta, Petrus in crucem sublatus est. Pag. 391.
quidem a plerisque aut stulfe aut impie non reci-
, 3 Sed constitua in paradiso, cum interdictam sibiar-

piiur, conscriplum edidit. Sulpit., lih. II Hist , p. 399. borem dégustassent, in nostram, velut exules, ferravi
' Hoc initie in christianos sœviri cœptiim. Post etiom, ejecii sunt. Sulpit., lib. I Hist., pag. 6 et 7.
dafis legibus , religio vetnbatur : palamque edictis
[IV« ET V SIÈCLES.] CHAPITRE Xll. — SULPIGE SÉVÈRE D'AQUITAINE. 425

paradis où ils avaient été placés, en la terre dès le temps des Apôtres, il y avait des rois
II, que nous habitons. Il cite Thisloire des trois dans les Gaules, et qu'on y éleva des temples
»3 et
jeunes Hébreux jetés dans la fournaise, et à Dieu sur les ruines de ceux des idoles.
celle du martyre des sept frères iVIachabées. L'Ecriture sainte y est aussi citée quelquefois
On peut encore remarquer qu'Arbore ', pré- suivant la Vulgate, qui ne fut faite que plu-
fet de Rome, voyant que sa fille avait été sieurs siècles après les Apôtres. Enfin ces
guérie de la fièvre par rattouchement d'une deux inconnues à toute l'anti-
lettres ont été
lettre de saint Martin, la consacra h Dien à quité, et on n'en ouït parler qu'en 1321, que
l'heure même, et l'engagea par une perpé- Josse Bade les fit imprimer à Paris, après les
tuelle virginité ;
quelque temps après, il vint avoir, dit-on. t)ouvées dans la sacristie de
à Tours la présenter à saint Martin, qui lui l'église de Saint-Pierre de Limoges, enfer-
donna le voile ou l'habit des vierges. Au mées dans une ui"ne de pierre cachée dans
rapport - de Sulpice, ce ne fut que sous le la terre. Onréimprima plusieurs fois de-
les
règne de Marc-Aurèle, fils d'Antonin, c'est- puis. [Ces lettres furent insérées en grande
à-dire dans la cinquième persécution que , partie dans le Bréviaire monastique de saint
l'on vit des martyrs dans les Gaules, la reli- Martial de Limoges, imprimé en 1320. L'an-
ligion chrétienne n'ayant été reçue que tard née suivante, Josse Bade les publia en entier
en-deçà des Alpes ^. à la fin des Epîtres des Apôtres, d'où on les
22. Sulpice ne croyait donc pas que saint inséra dans les Orthodoxographes de Henri
1res fins-
nt aitn- Martial eût été envoyé dans les Gaules par Pierre, à Bâle, en J331, et dans les ^/6/<o-
' a laint
l'apôtre saint Pierre, comme on Ta dit de- thèques des Pères, dans l'édition de Margarin
puis *, et il semble que c'a été pour autoriser de la Bigne, 1624, tom. III, p. 1, avec quel-
cette opinion qu'on s'est avisé de supposer ques petites notes; dans celle de Lyon, 1677,
deux lettres sous le nom de saint Martial, tom. II, p. 107. Il y a même encore plusieurs
l'une aux Bordelais, l'autre aux Touloîisains^; éditions particulières. C'est ainsi qu'elles ont
car dans l'une et dans l'autre l'auteur se qua- été imprimées à Venise, en 1346; à Bâle, en
lifie apôtre, et se donne pour témoin des 1360, 1569; à Cologne, 1370; à Anvers, dans
miracles de Jésus-Christ, de sa mort, de sa lesActa Sanctorum, tom. I febr., pag. 23, en
sépulture, de sa résurrection et de son as- 1340; avec celles de saint Ignace, saint De-
cension. Il se vante même d'avoir été présent nys et saint Antoine, à Paris eu 1361, chez
lorsque Judas donna au Sauveur le baiser : Morel; avec celles de saint Ignace et de saint
en quoi il est contraire à l'Evangile, où nous Polycarpe, dans la même ville, chez Massé,
lisons que Jésus-Christ était seul avec trois en 1362, et chez Chaudière, en 1363 avec ;

de ses Apôtres, lorsqu'il se retira au jardin celles de saint Denys, chez Julien en 1369,
des Oliviers. Une autre preuve de supposi- et en 1376, 1589, 1610; à Lyon chez Rouillé,

tion est qu'on lit dans ces mêmes lettres que, 1372 et 4383 avec les œuvres de saint Denys
;

* Ârborius aufem, vir prcrfeclorius, sancti udmoclum parce qu'elle y fit peu de progrès dans les commen»

cum filia ejus gravissimis quartanœ


et fideiis ingenii, céments , soit pai'ce que ces progrès furent peu re-
febribus ureretur, epistolam Martini , quœ casu ad marquables, relativement à ceux que le christianisme
eum delata fuerat , peclori puellœ in ipso accessu ar- avait faits en Orient et dans l'Itahe. L'attachement bien
doris inseruit , statimque fugata febris est, Quœ res connu des Gaulois aux superstitions de lidolàtrie, sur-
apud Arborium in tanium valait, ut stalim puellam tout dans les campagnes qui restèrent longtemps
Deo voverit et perpetuœ virginitati dicarit ; profec-
, païennes; les rigueurs des persécutions qui amenè-
tusque ad Murtinum puellam ei , prœsens virtutum
, rent dans plusieurs villes l'extinction ou du moins
ejus testimouium, quœ pcr absentem licet curata esset, l'interruptiondu sacerdoce , muent un double obs-
obtulit neque ab alio eam , quam a Martino, habita
: tacle à la propagation universelle de la foi et à la
virginitatis imposito, passus est consecrari. Sulpit.,in propagation rapide du christianisme. D'ailleurs, ce
Vitu Martini, pag. 309 et 510. passage est loin de favoriser les partisans de Gré-
* Sab Aurelio deinde Antonini filio, persecutio quinla
goire de Tours. Voyez Dissertation sur l'Apostolat de
agitata. Ac tum primum intra Gallias martyria visa, saint Martial au premier siècle, par M. Arbellot,
serius trans Alpes Dei religione suscepta. Lïh. II Hist., pag. l'âo et 126. [L'éditeur.)
pag. 403. * Ou
a prouvé que la mission de saint Martial au
^ On
a répondu à ce passage souvent cité par ceux premier siècle était fondée. Voyez la Dissertation citée.
qui prétendent que la religion chrétienne ne fut pas (L'éditeur.)
prèchée dans les Gaules dans le premier siècle. Sul- 5 opinion existait longtemps avant la publica-
Ccitte
pice Sévère ne dit pas que la religion chrétienne Des auteurs du vu' siècle, comme
tion de ces lettres.
fut prêchée plus taid au-delà des Alpes; il dit seule- salut Fortunat de Poitiers, en parlent. (L'éditeur.)
ment qu'elle y fut reçue et embrassée plus tard, soil
126 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
l'Aréopagite les lettres de saint Ignace
, pas trouvé plus de croyance parmi les gens
Martyr et les œuvres du faux Abdias, en habiles; et tous conviennent aujourd'hui
1571 et 1614; avec le traité de Gennade, des qu'elles ne méritaient point de voir le jour*.
Dogmes ecclésiastiques, par les soins et avec Saint Grégoire de Tours - place la mission de
les notes de Govebart Elmenhospitius, non saint Martial et celle de saint Saturnin sous
pas à Helmstadt, comme dit Dupin, mais à le consulat de Dèce et deGratus, c'est-à-dire
Hambourg. Dupin en marque deux autres en 230; mais dès avant l'an 177, saint Pothin
éditions faites l'une à Cologne en 1560, et était évêque de Lyon, puisqu'en cette année-
Tautre à Bâle en 1653, qu'on ne garantit là même, saint Irénée lui succéda. Il avait
point. Duverdier Vauprivas nous apprend été envoyé dans les Gaules par saint Poly-
qu'elles furent ù^anslatécs de latin en langue carpe, martyrisé la sixième année de l'em-
vulgaire gallicane, et imprimées à Paris en pire de Marc-Aurèle, c'est-à-dire l'an 166 : ce
un format iu-16, sans date ni nom d'impri- que nous remarquons ici pour justifier ce
meur. Enfin Siméon Poillevé, célèbre avocat que dit Sulpice,que ce ne fut que sous l'em-
de Limoges, les traduisit et les parapbrasa pire de ce prince que l'on commença à avoir
en vers français. Cette édition parut à Limo- des martyrs dans les Gaules, et que la reli-
ges, cbez Antoine Voisin, en 1694, en un gion chrétienne s'y établit assez tard, car on
petit volume in-12,ct il les décora d'une pré- n'y connaît point d'évêque plus ancien que
face dans laquelle il avance qu'Evolius ou saint Pothin, ni de plus anciens martyrs que
Ebulius, troisième évèque de Limoges, con- ceux de Lyon, qui soutinrent en la dix-sep-
traint de quitter son diocèse dans la persé- tième année du règne de Marc-Aurèle, c'est-
cution de 104, ou mieux 107, cacba ces deux à-dire en 177, au commencement du ponti-
épitres avant de partir, et qu'il en emporta ficat de saint Eleuthère.
une copie lors de sa retraite dans les déserts 23. Quelques-uns ont attribué à Sulpice,
d'Egypte ailleurs il cile pour garant une
; l'églogue sur la Mort des bœufs, que nous f.usseraeo

ancienne tradition, mais on ne voit pas avons dit auteurs être d un autre Severe, ?«•
qu'elle soit fondée. Ces lettres sont parmi les nomme Endéléchms. Honorius d Autun le fait vi, pag. ;|

manuscrits de la reine de Suède à la biblio- auteur de la Vie de saint Paulin de Noie ^


;

tbèque du Vatican, n" 1532. mais on convient qu'il s'est trompé en cela.
Malgré ces éditions, ces lettres n'en ont

1 Greg. Turon., Hist. Franc, lib. I, num. 28. naient les différentes parties de cette province ; c'est
* Sans vouloir uous porter garaol de raulheuticité ainsi que l'histoire nous apprend qu'il y en eut dans
des lettres attribuées à saint Martial, il y aurait bien à d'autres provinces, et pourquoi les Gaules n'auraient-
répondre aux raisons alléguées par D. Ceillier 1° Il est
: elles point eu de ces rois ou chefs, ou gouverneurs?
faux que ces épîLres aient été inconnues avant 1521. 5° Quant à la destruction de temples d'idoles et à
Ces lettres furent découvertes sous le règne de Phi- l'érection d'églises au vrai Dieu, on np peut discon-
lippe 1", roi de France, et vers le temps de sa mort, venir que les apôtres et les prédicateurc de l'Evangile
arrivée eu 1108 [Labbe, Bibliot. nov., tom. Il, p. 288). n'aient détruit beaucoup d'idoles et érigé des églises.
Bien plus, elles étaient connues dès le x' siècle, car Saint Pierre ne consacra-t-il pas une église dans la
Pierre le Scolastique en parle dans son poème maison du sénateur saint Prudence? n'y érigea-t-il pas
sur saint Martial, dont M. Arbellot a recueilli quel- un autel, et n'y célébra-t-il pas le saint sacrifice?
ques fragments, dans im livre intitulé Fragments du 6" La mission de saint Martial au i" siècle, et par
poème de saint Martial, Paris, Lecoffre, 1857, et le saint Pierre, estun fait qui semble bien acquis à la
môme savant a trouve à la Bibliothèque impériale, science. Ces mêmes monuments nous parlent aussi
dans un manuscrit du x* siècle, l'épître de saint Mar- de son apostolat comme étant.du nombre des soixante-
tial aux Bordelais. 2° De l'aveu de Bellarmin {de Scrip- douze disciples. Saint Martial ne dit point qu'il ait
tor. écoles.}, sont pieuses et pourraient servir
elles été présent à la cène ou au baiser de Judas avec
à confirmer les dogmes de la foi, si l'époque où les apôtres; il a pu venir après eux pour accompa-
ellesont été écrites était certaine. 3» Les citations gner Jésus-Christ; il a pu se joindre à la foule qui
selon la Vulgate, s'expliquent en disant qu'elles y vint prendre Notre Seigneur sans savoir les desseins
ont été insérées à dessein par les copistes , comme des juifs, le fit sans doute le jemie homme
comme
on le voit dans plusieurs autres ouvrages des Pères, dont il dans saint Jean, et qui était dis-
est parlé
et comme le fout encore souvent les traducteurs. ciple de Jésus -Christ. Et pourtant ce jeune homme
'° Le nomderoi', en latin, ne signifie pas toujours un n'avait point célébré la pàque avec Jésus-Christ, il
souverain, un monarque, mais il s'applique à des n'était point venu au Jardin avec les apôtres. {Le'di-
gouverneurs de province. C'est ainsi qu'en Judée, sous teur).
l'empire des Romains, il y avait des rois qui gouver- 3 Honorius, de Scripi, Ecoles., lib. II, cap. xix.
[iv ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XIII. — SAINT CÉLESTIN , PAPE. d2t

CHAPITRE XIII.

Saint Céle^tin, pape.

[En l'an 422.]

i céi«»-
* Le pape saint Boniface étant mort le 4
• Antoine s'était conduit très-mal dans l'épis-
» i,i2.
septembre de l'an 422, après avoir tenu le copat; et contraint par une sentence des
Saint-Siège trois ans et huit mois, on élut évêques, de quitter le peuple dont on l'avait
en sa place, sans aucune contestation, Céles- chargé, il en avait appelé au pape Boniface,

tin, romain de naissance, et comme l'on qui écrivit en effet pour son rétablissement,
croit, iils d'un nommé Priscus. Le schisme supposé toutefois la vérité des faits énoncés
formé par Eulalius contre Boniface, durait dans sa requête. Ce fut donc pour empêcher
encore, et toutefois il n'occasionna pas de le rétablissement d'Antoine que saint Augus-
division dans l'élection de Célestin, qu'on tin écrivit la lettre dont nous parlons, et qu'il

peut, par conséquent, rapporter au diman- envoya au pape Célestin tous les actes du
che qui suivit la mort de Boniface, c'est-à- procès, pour l'instruire à fond de cette af-
dire au 10 du même mois de septembre; car faire.
on se hâtait, autant qu'on le pouvait, d'élire 3. Quelques années après, c'est-à-dire Leuro des
les Papes, vers l'an 426, les évêques d'Afrique reçurent i'q'ie^apà^

tire de 2. Aussitôt quB l'ou eut avis en Afrique de par le une lettre du pape Ce-
prêtre Léon, i26""tom.*î

i'^"p°pê ^0^ élévation, saint Augustin lui écrivit pour lestin, en faveur d'Apiarius, qu'il avait réta- pagt'ioig"''
""' '"
l'en congratuler, et c'est de ce Père que '
bli ensuite de son appel au Saint-Siège. Ils
nous apprenons qu'elle s'était faite d'un con- s'assemblèrent aussitôt à Carthage, où, ayant .

sentement admirable de toute la ville de examiné l'atlaire de ce prêtre, ils le privè-


Rome. Il lui parlait dans la même lettre de rent pour toujours du ministère ecclésiasti-
l'atlaire d'Antoine, évêque de Fussale, et le que; après quoi ils écrivirent au pape Cé-
priait d'avoir pitié du peuple de cette ville, lestin, pour lui donner avis de cette sen-
en ne lui renvoyant pas cet évêque si odieux tence, et de l'aveu qu'Apiarius lui-même
et privé, à cause du grand nombre de ses avait fait de tous les crimes dont il était ac-
crimes, de l'administration de son Eglise; cusé. Ils le conjuraient aussi au nom du con-
d'avoir pitié d'Antoine, en ne lui donnant cile, de ne plus recevoir à sa communion
pas occasion de continuer ses désordres; ceux qu'ils auraient excommuniés, de reje-
enfin, d'avoir pitié de lui-même et de sa ter les appels des prêtres et des autres clercs
vieillesse, étant alors âgé d'environ soixante- d'Afrique, de ne plus envoyer personne de
huit ans. « Le péril, ajoutait-il, où je vois sa part, pour connaître de l'atfaire de ceux
les uns et les autres, me jette dans une si qui auraient appelé à Rome; de n'envoyer
profonde tristesse, que je pense à abandon- aucun de ses clercs pour exécuter ses or-
ner répiscopat, et à ne plus m'occuper qu'à dres, de qui que ce soit qu'il en fût prié, et
pleurer ma faute. » C'est que saint Augustin enfin, de ne plus renvoyer en Afrique l'évê-
avait présenté cet Antoine pour évêque de que Faustin, qui y était venu en dernier lieu
Fussale, avant qu'il eût été suffisamment avec Apiarius ^.

éprouvé dans le ministère ecclésiastique. 4. Vers le même temps, saint Célestin tetifa d»

* August., Epist. 209 ad Célestin., tom. I Epist. mettre prématurément à la communion ceux qui en
décrétai., pag. 1032. étaient exclus, de repousser les recours importuns
* Ou M. Rohrbacher, tome Mil, p. 583,
le voit, dit et téméraires des ecclésiastiques, de ne point, à la
troisièuie édition de l'Histoire universelle
de l'Eglise demande du premier venu, envoyer des clercs en
catholique, le fond de cette fameuse lettre consiste, Afrique pour exécuter ses jugements, et en particu-
non point à rien définir ni à rien commander, mais lier de ne plus y envoyer l'évèque Faustin, qui pro-
à supplier le Pape de ne plus écouter si facilement balilement avait usé de son autorité avec peu de mC'
ceux qui d'Afrique venaient à Rome, de ne plus ad- sure. En tout ceci, il n'y a rien que de légitime. Et
128 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
saint céiestin écrivit à Péiigène,
o Basile, Paul et quelques
± ' ±
métropolitains, le droit d'assembler le con-
aux evêques

vaù^i2&Ti
«^i^tresévêques dTUyrie, pour leur recora- cile de leur province, d'où quelques-uns ont
Episi décret.,
pag. t063.
mander la soumission h l'Eglise
o romaine et inféré que le pape Célestin, en réservant ce
à celle de Thessalonique. Il y remarque que droit à l'évêque de Thessalonique, à l'exclu-
ce n'était point une chose nouvelle que le sion des métropolitains de l'Illyrie, avait
Siège apostolique prit soin des Eglises d'IUy- contrevenu à la disposition de ce concile :

rie, et donne pour preuve de son attention mais ils n'ont pas pris garde que dans le
sur elles, ce qui s'était passé à l'égard d'un sixième canon ^ de Nicée, il est dit que cha-
nommé Félix, évêque de la province de Du- que Eglise conservera ses privilèges. Or,
ras en Epire, qui, dit-il, aurait été opprimée longtemps avant le pontificat de Célestin, le
en ce temps par la faction de ses accusa- pape Damase et ses successeurs avaient at-
teurs, sans le soin que nous en avons pris. tribué à l'évêque de Thessalonique, le pri-
11ajoute qu'il se trouve même dans la né- vilège dont nous parlons. On ne peut pas
cessité d'étendre sa vigilance sur toutes les dire non plus que ce Pape ait prescrit quel-
Eglises, Jésus-Christ le lui ayant ainsi or- que chose contre les canons, en défendant
donné en la personne de saint Pierre. Puis, d'ordonner aucun évêque, sans l'agrément
faisant allusion, ce semble, à ces paroles de de celui de Thessalonique, puisque, par ce
reçue de saint Augustin
la lettre qu'il avait décret , il n'ote point aux métropolitains
au sujet d'Antoine de Fussale « Je vous : d'IUyrie le droit de l'ordination, ni même
conjure par la mémoire de saint Pierre,
'
celui d'assembler des conciles, pouivu qu'ils
qui défend aux pasteurs la tyrannie et la do- le fassent de l'avis de Rufus. Nous verrons
mination de leurs frères » il dit « Nous de- , : dans de saint Léon ^ de quelle ma-
l'article

vons 2 nous assujettir aux règles, et non pas nière l'évêque de Thessalonique pouvait,
les assujettir à nos volontés. Nous devons sans porter préjudice aux droits des métro-
être soumis aux canons et observer ce qu'ils politains, user des privilèges que le Saint-
nous prescrivent. » Il déclare qu'il commet Siège lui avait accordés.
à sa place, Rufus, évêque de Thessalonique, 3. Le 23 de l'an 428, le pape Céles-
juillet l.ettra
évéquea
pour juger les affaires des provinces dTUy- tin écrivit aux évêques des provinces de provinc*
VieDue <

rie, l'éloignement ne lui permettant point "Vienne et de Narbonne, pour les engager à NarbonB
toni. 1
d'en prendre connaissance par lui-même, et corriger certains abus qui s'y étaient glissés décret.,
10.j6.
ne veut point ^ que sans cet évêque, on en dans la discipline ecclésiastique, ne pouvant Up. I.

ordonne aucun, ni qu'on assemble de con- les dissimuler àcause de la place qu'il occu-
cile. Celui de Nicée avait donné à tous les pait dans l'Eglise. Le premier ^ regardait

c'est d'après cebut général de leurs remontrances 3 Sine ejus consilio nullus ordinetur ; nullus usur-
qu'il faut interpréter lesraisonnements que font les pei eodem inconscio commissam illi proviuciam. Col-

évêques; car, à prendre ces raisonnements à la ri- ligere nisi cum ejus voluniate episcopos non prœsu-
gueur de la leUrc, il faudrait conclure que ce concile niant. ibid.
universel de l'Afrique méconnaissait les principes '•
Similiter et in Antiochia et in aliis provinciis sua
oubliait le fait et raisonnait mal. Les auteurs de la privilégia, ac suœ dignitates et aucioritates Ecclesiis
pièce si on doit la prendre à la rigueur des mots,
, servent ur. Can. C (]oucil. Nicaen.
supposent qu'un concile seul peut donner au succes- * Léo, Epist. 14.
seur de saint Pierre le droit de recevoir les appels. Didicimus quoidam Domini sacei'dotcs supersii-
^

Ils oublient donc celui qui a dit au même Pierre : tioso potius cultui inservire,quam mentis vel fidei pu-
Tu es la pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon ritati. Sed non lyiirum si contra ecclesiasticum morem

Eglise , portes de l'enfer ne précaudront point


et les faciunt , qui in Ecclesia non creverunt, sed alio ve-
contre elle. Et tout ce que tu lieras sur la terre sera nientes e ritu secum hœc in Ecclesiam, quœ in alla
lié dans les deux... Ils oublient que la coutume seule conversatione habuerant intulerunt amicli pallia et
,

peut établir des règles et donner des droits dans lumbos prœcincti , credentes se Scripturœ fidem , non
l'Eglise, et que pour le droit d'appellation à Rome, i! per spirilum, sed per litteram completuros ; nain si ad
y avait en Afrique même des exemples et très-
ré- hoc ista prœcepta sunt ut taliter servarentur, cur non
cents et très-anciens. [L'éditeur.) fiunt poriler quœ sequantur, ut lucernœ ardentes in
Obsecro te per apostoli Pétri memoriam, qui chris-
' manibus unacum baculo teneantur? Hubent suum ista
lianorum prœpositos populorummonuit ne violenter do- mysterium, et intelligentibus ita clara sunt, ut ea ma-
minenlur in fruires. Augast., Epist. 209. gis qua decet significatione serventur. Nam in lumbo-
* Dominentur nobis regulœ, non regulis dominemur; ru/H prœcinctione castitas , in baculo regimen pasto-
simus subjecti canonibus cum lanonum prcecepta ser- rale, in lucernis ardentihus boni fulgor operis, indi-
vamus. Célestin., Epist. 3, pag. 10C4,tom. I Epist. cantur. Habeant tamen istum forsitan cultum, morem
décret. potius quam rationem sequcrJes, qui reinotioribus lia-
[ir ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE Xlll. — SAINT CÉLESTIN, PAPE. 129

un habit particulier, c'est-à-dire, comme il plus propres; mais les habits ordinaires,
paraît vraisemblable, un manteau et une tant des clercs que du peuple, ayant changé
ceinture, à l'imitation des moines, que quel- insensiblement de forme, les habits plus ri-
ques évêques ailectaient de porter, quoi- ches qui étaient pour l'autel, et qui ne s'u-
qu'ils n'eussent pas fait profession de la vie saient pas aussi vite que les autres, parce
monastique; ils en prenaient prétexte de ce qu'on les conservait avec soin, se sont aussi
qu'il est ordonné dans l'Evangile d'avoir une trouvés peu à peu fort différents des habits
ceinture sur les reins. « Si on le prend à la commims. Enfin on voit que le pape Célestin
lettre, dit le Pape, pourquoi ne portent-ils ne pas beaucoup de cas de cette sin-
faisait
pas à la main des lampes allumées aussi gularité d'habits, qui étaient en usage parmi
bien que des bâtons, puisque cela est aussi les moines.
marqué au même endroit de l'Ecriture? Ces Le second abus qu'il reprend, est que l'on cap. n.

paroles sont mystérieuses, et néanmoins tel- refusait d'admettre à la pénitence ceux qui
lement claires à ceux qui les entendent, la demandaient à la mort. Il témoigne de
qu'elles doivent être accomplies dans le sens l'horreur de cette dureté, qui marquait dans
qui leur convient : car la ceinture signifie la les ministres une défiance de la bonté de
chasteté ; le bâton, le gouvernement pasto- Dieu, comme s'il ne pouvait pas, dans tous
ral, et la lampe allumée, l'éclat des bonnes les temps, décharger le pécheur du poids des
œuvres. veut qu'on laisse cet habillement
» Il péchés dont il souhaite d'être délivré. Il allé- E^ch. xxxnt,
gue les passages d'Ezéchiel, où Dieu déclare '5;^""'2j.
particulier à ceux qui vivent dans des lieux
écartés et séparés du reste des hommes, en qu'en quelque jour que se convertisse le
quoi il dit qu'ils suivent plutôt un certain pécheur, ses péchés ne lui seront point im-
usage que la raison. « Mais pourquoi, ajoute- putés, et que Dieu ne veut pas la mort, mais
t-il, changer dans les Eglises des Gaules, la la conversion et la vie du pécheur. Il s'ap-
manière de s'habiller, pratiquée tant d'an- puie encore de l'exemple du bon larron qui,
nées par de si grands évêques? Nous devons dans une heure de pénitence, et par quel-
nous distinguer du peuple, non par l'habit, ques paroles qui montraient sa foi et sa dou-
mais par la doctfiue et par les mœurs, et ne leur, mérita que Dieu lui promit une place
pas chercher à imposer aux yeux des sim- dans le paradis; d'où il infère qu'il faut ju-
ples, mais à leur éclairer l'esprit. Car si nous ger si la conversion ^ des moribonds est
commençons à aimer la nouveauté, nous sincère, plutôt par la disposition de leur
foulerons aux pieds l'ordre établi par nos esprit que par la circonstance du temps.
pères, et nous ouvrirons la porte à des su- Le troisième abus consistait en ce que ^
* Cap. lit.

perstitions inutiles. » On voit par cet endroit l'on élevait des laïques à l'épiscopat sans les
que ceux qui faisaient profession de la vie avoir fait passer par les degrés inférieurs,
monastique, portaient un manteau. Enno- comme coutume le voulait, n'étant pas
lu rai-
dius dit en termes exprès que saint Césaire
'
sonnable que le sacerdoce fût la seule di-
d'Arles en était revêtu, lorsqu'appelé à l'é- gnité où l'on parvint sans s'être instruit au-
piscopat, il se présenta pour être ordonné. paravant de la science nécessaire pour y
On voit - aussi que les ecclésiastiques et être élevé. Le Pape se plaint qu'on le don-
même les évêques, ne portaient point des nait même à des gens dont les crimes étaient
habits différents des laïques, lors même connus presque dans toutes les provinces;
qu'ils étaient dans les fonctions sacrées du sur quoi il raconte qu'un nommé Daniel
ministère, du moins en Occident. Seulement qui, après avoir gouverné un monastère de
ils en portaient à l'autel de plus riches et de
vierges en Orient, était venu dans les Gaules,

ôitant locis , et procul a cœteris degunt. Unde hic hu- dum eoruni est oculis sed mentibus infundenda prœ-
,

bitus in Ecclesiis gallicanis , ut lot annorum tanto- cepta sunt. Celest., Epist. ad Episc, Vien. et Narù.,
'i

rumque pontificum in alterum hahitum consuetudo pag. 1066.


vertatur ? Disceniendi a plèbe tel cœteris sumus doc- 1 Enaod., Epist. 130.
trina non veste; conversalione non habita; mentis
, , * Coûtant., uot. iu huiic locuin.
puritate, non cul tu. Nmn si siudere incipiamus novitati, 3 Vera ergo ad Deum concersio in ultimis posito~
traditum nobis a patribus ordino.m calcabimus, ut lo- mm, mente potius est œstimanda, non iempore, pro-
cum supervacuis supersiitionibus faciamus. Rudes eryo pheta hoc taliter usserente : Cum enim couversus ia-
fidelium mentes ad talia non debemus inducere. Do- gemuerià, tuuc salviu eris. Ezech. xviu., 33.
cendi enim sunt potius, quam ludendi. Nec imponen-

Vlij.
9
130 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
y avait été de plusieurs crimes,
accusé sant leur vie dans tous les offices et les de-
même par monastère qu'il avait eu sous
le grés de la cléricature; mais on peut entendre
sa conduite. Les informations faites contre ce qu'il dit sur ce sujet, du jugement que
lui furent envoyées à Home. Le Pape, prié les autres doivent faire du mérite des an-
de s'informer du lieu où il s'était caché, et ciens ecclésiastiques, plutôt que de ce qu'ils
de le faire comparaître en jugement, s'il ne en doivent penser eux-mêmes.
s'avouait lui-même coupable, ayant su qu'il G. La lettre que ce même Pape écrivit le Lettre m
était dans les Gaules, en écrivit à l'évêque 29 juillet de l'an 429, aux évéques de Pôuille ïï,';'i?etdl

d'Arles, par Forlunat, sous-diacre, afin qu'on et de Calabre, regarde encore divers abus
l'envoyât aux évéques qui devaient le juger. qui s'étaient glissés en ces provinces dans
Mais Daniel trouva le moyen de se faire or- les élections d'évêques. On lui avait fait rap-
donner évêque à l'insu de ses accusateurs. port que certaines villes qui manquaient d'é-
Célestin se plaint fortement de l'ordinateur, vêques, voulaient s'en choisir parmi les laï-
qu'il regarde comme un homme indigne du ques, pensant d'une manière si basse d'un
ministère. Il veut que Daniel se vienne pré- si haut ministère, qu'ils croyaient devoir le
senter devant lui pour justifier son innocence, confier, non à ceux qui étaieut dans le ser-
s'il le pouvait, et qu'en attendant, il demeure vice de Dieu, mais à des gens employés dans
séparé de la communion des autres évé- la milice séculière. 11 se plaint qu'en cela,
ques. ils jugeaient non-seulement mal des clercs,

Cap. IV. Le Pape ordonne ensuite que chaque pro- mais aussi de lui-même, en croyant qu'il
vince se contentera de son métropolitain, et l^ouvait leur accorder une demande si dé-
que les métropolitains n'entreprendront raisonnable. Il attribue cette témérité à
point sur les droits et les limites des autres l'ignorance où ils étaient des décrets faits si

provinces. Il ne veut pas que Ton choisisse


*
souvent sur cette matière, et leur dit qu'en
pour évéques, des clercs étrangers et incon- vain les clercs passeront toute leur vie dans
nus, au préjudice de ceux qui servent depuis la milice du Seigneur, si l'on donne les pre-
longtemps dans l'Eglise même, et à qui leurs mières places du clergé à des laïques, qui,
y_ citoyens rendent un bon témoignage « Cai-, : tout occupés des affaires du siècle, et entiè-
dit-il, on ne doit point donner un évêque à rement étrangers à ce qui regarde l'ordre
ceux qui n'en voudraient poini; il faut avoir ecclésiastique, s'empressent à se procurer
le consentement et le désir du clergé, du des honneurs qui sont dus à d'autres, et à ma
peuple et des magistrats. » 11 en excepte le embrasser un nouveau genre de vie, en fou- H
cas où il ne se trouverait personne dans le lant aux pieds la discipline ecclésiastique.
clergé qui fût digne de l'épiscopat. Entre Saint Célestin veut donc que les évéques
les qualités requises pour cette dignité, il soient instruits des canons, et qu'ils ne fas-
met que celui que l'on en voudra honorer sent rien qui soit contraire aux règles éta-
soit irrépréhensible dans ses mœurs, qu'il blies par les anciens; qu'ils ne confèrent
ne soit point du nombre des laïques, ni bi- l'épiscopat à aucun laïque, au mépris des
game, ni mari d'une veuve. Il renvoie aux clercs de l'Eglise vacante, et qu'au lieu
évéques des Gaules le jugement de celui de de suivre dans ces occasions les avis et
Marseille, qu'on disait s'être réjoui du meur- les désirs du peuple, ils l'instruisent de ce
tre de son frère, jusqu'à aller à la rencontre que l'on doit faire; il menace les évéques de
du meurtrier, encore tout couvert de sang, ces deux provinces, d'user envers eux de
comme pour prendre part à son homicide. censures, au cas qu'ils ne se corrigeraient
Le Pape semble ^ dire dans cette lettre que pas après cet avertissement, et leur ordonne
les ecclésiastiques peuvent regarder l'épis- de donner connaissance de cette lettre à
copat comme une récompense due aux ser- toutes les Eglises vacantes.
vices qu'ils ont rendus à une Eglise, en pas- 7. A la suite de la lettre aux évéques de jeur

1 Nec emerilis in suis Ecclesiis clericis peregrini et tur Ecclesia , si de civitatis ipsius clericis , eut est or-
extranei, et qui anlc ignorafi sint, ad exclus ioriem dinandus episcopus, nullus dignus potuerit reperiri.
eorum qui bene de suorum civium merentur testimonio, Celesliu., Epist. 4, pag. 1070.
^ Habeat unusquisque suce fructum tnilitiœ in Ec-
prœponuntur : ne novum quodd<im de quo episcopi
fiant, instiiutum videatur esse coUegium. NuUus in- clesia, in qua suam per omnia officia trunsegit œtu~
vitisdetur episcopus. Cleri, plebis et ordinis consensus tem. In aliéna stipendia minime alter obrepat. Nec alii
ac desiderium re'/uiratur. Tune alter de altéra eliga- debitam alter sibi audeat vindicare mercedem. Ibid.
[n- ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XIU. — S AINT CELESTIN, PAPE. {U
Fouille et de Calabre; on en a mis deux de étaient néanmoins catholiques; c'est pour-
Nestorius au pape Céleslin, qui avaient déjà quoi il ajoute « Ue là vient qu'ayant trou-
:

été données au public par Baronius *, par vé en cette ville une altération considérable
Baluze dans sa nouvelle collection (/ei Con-
-, delà vraie doctrine en quelques-uns, nous
ciles, et le Père Garnier, dans la pre-
par employons tous les jours pour les guérir, la
mière partie ^ des œuvres de Marins Merca- rigueur et la douceur. C'est une maladie ap-
tor. Le texte grec que Nestorius avait en- prochant de celle d'Apohinaire et d'Arius.
voyé à Rome sans l'avoir traduit en latin, Us réduisent l'incarnation du Seigneur à une
n'est pas venu jusqu'à nous, et la première espèce de confusion, disant que le Dieu
de ces deux lettres x^esta assez longtemps Verbe, consubstanliel au Père, a été édifié
sans réponse, parce qu'on ne trouvait pas avec son temple, et enseveli avec sa chair,
aisément en cette ville d'interprète habile ;
comme s'il avait pris son origine de la Vierge,
d'où vient qu'il y a des endroits obscurs. Au mère de Christ, Christotocos; et ils disent que
reste, on ne peut douter qu'elles ne soient la même chair n'est pas demeurée après la

l'une et lautre de Nestorius, puisque le pape résurrection, mais qu'elle a passé dans la
Célestiu * cite les propres termes de la pre- nature de la divinité. »
mière, et que ^ Gassien les marque toutes Si les cathohques avaient enseigné, comme

les deux. Ce qui pourrait faire de la peine, le dit ici Nestorius, la confusion des deux
c'est que le Pape, parlant de la première, natures en Jésus-Christ, il est bien vrai que

dit qu'elle est fort longue, quoiqu'elle soit à leur sentiment aurait beaucoup approché de
peu près de môme étendue que la seconde, l'erreur d'Apollinaire et d'Arius : car comme
qui ne peut passer pour une longue lettre. il suit mauvaise doctrine d'Arius et
de la

Mais peut-être ne s'est-il exprimé ainsi que d'Apolhnaire, qui voulaient que le Verbe ait
parce que Nestorius y détaille trop ample- fait les fonctions de l'âme dans Jésus-Christ,

ment et trop clairement ses erreurs. 11 la que la tristesse, la douleur et les autres af-
commence ainsi « Julien, Florus, Oronce
: et lections qui appartiennent à l'âme seule, se-
Fabius, qui se disent évèques d'Occident, se raient tombées sur la nature du Verbe, le
sont souvent adressés à l'empereur, se même inconvénient suivrait, de la confusion
plaignant de soufirir persécution, quoiqu'ils des deux natures; mais les catholiques sou-
soient catholiques; ils ont fait les mêmes tenant tellement lunité de personnes en Jé-
plaintes devant nous, et ayant été souvent sus-Christ, qu'ils ne cessaient de distinguer
rejetés, ne cessent de crier. Nous leur
ils les deux natures, ils étaient dès lors très-
avons dit ce que nous pouvions, sans être éloignés des erreurs d'Arius et d'Apolli-
instruits de la vérité de leur affaire mais de ;
naire.
peur qu'ils n'importunent davantage l'empe- Nestorius leur en imposait encore en les
reur, et que nous ne nous divisions pour accusant de dire que la nature divine était
leur défense, faute de les connaître, quoique née de la Vierge et quelle avait souffert la
,

peut-être vous les ayez condamnés canoni- mort. « Ils ne craignent pas, ajoutait-il, de
quement, ayez la bonté de nous en informer; nommer Vierge Theotocos
la quoique les ,

car les nouvelles sectes ne méritent aucune Pères de Nicée aient seulement dit que notre
protection de la part des vrais pasteurs. » Seigneur Jésus-Christ s'est incarné du Saint-
On par ce discours, que Nestorius af-
voit, Esprit et de la vierge Marie, sans parler des
fectait de douter si les disciples de Pelage Ecritures qui la nomment partout Mère de
avaient été chassés pour d'autre cause que Christ, et non du Dieu Verbe. »
celle de religion; ce n'était pas qu'il ignorât Il est bien vrai que les catholiques don-
qu'ils avaient été condamnés huit ou dix ans naient à la sainte Vierge le titre de Mère de
auparavant à Constautinople, par Atticus, Dieu; mais ils ne croyaient pas, comme le
son prédécesseur; mais il voulait parler des dit Nestorius, que la nature humaine de
pélagiens, atin d'avoir lieu de parler d'autres Jésus-Christ ait été changée en la divine.
prétendus hérétiques qui, selon lui, combat- Nestorius continuait : « Je crois que Votre
taient le mystère de l'incarnaliou, et qui Sainteté aura déjà appris par la renommée

* Baron., ad ann. 430. 3 Pag. C6.


« Balus., tom. I Co«aV., pag. 428, et Labb.,tom. III ' Cœlest., Epist. ad Joan. Antioch.
Co«C(7., pag. 349 = Cassiau., lib. I cfe Incarnat., cap. ni.
432 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
les combats que nous avons soutenus sur ce qui devait aussi faire au Pape un détail des
sujet, et qui n'ont pas été inutiles, car plu- maux que les pélagiens causaient à l'Eglise
sieurs se sont corrigés et ont appris de nous de Constantinople. Quant aux autres lettres
que l'enfant doit être consubstantiel ri sa dont Nestorius parle dans celle-ci, elles sont
mère, qu'il n'y a aucun mélange du JJieu perdues. Saint Cyrille fait mention d'une de
Verbe avec l'homme mais une union de la
;
ces lettres où Nestorius disait au pape Célestin
créature et de l'humanité du Seigneur, qu'il avait séparé de sa communion plusieurs

jointe à Dieu, et tirée de la Vierge par le laïques, et déposé plusieurs clercs, parce
Saint-Esprit. Si quelqu'un emploie le nom qu'ils lui avaient été contraires dans la dé-
de T/ieotocos, à cause de l'humanité jointe fense de la vérité.
au Veibe, et non à cause de celle qui 9. Quelque temps après la première lettre Loure dt

l'a enfanté, nous disons que ce mot ne lui de Nestorius, saint Cyrille d'Alexandrie en arpsp^e'cé'-

convient pas; car une vraie mère doit être écrivit une au pape Célestin. Libéral en *
pan'w'o, pîj"

de la même nature que ce qui est né d'elle. fait mention, et dit qu'elle fut envoyée par

On peut toutefois le souffrir à cause que le le diacre Possidonius. Nicéphore Caliste -


temple du Verbe, inséparable de lui, est tiré ajoute que cette lettre fut envoyée à Home,
d'elle non qu'elle soit mère du Verbe
, car : de l'avis des évêques d'Egypte, assemblés à
une personne ne peut enfanter celui qui est Alexandiie, et que saint Cyrille envoya en
plus ancien qu'elle. » Encore donc queNesto- même temps les Actes de ce concile. Mais
rius refusât à la sainte Vierge le titre de on voit par la lettre même, que ce saint évè-
Mère de Dieu, il disait toutefois que cette que ménageait encore alors beaucoup Nesto-
expression pouvait se souffrir; mais il en rius. 11 avait même donné ordre à Possido-
donnait aussitôt la raison, qui ne servait nius de ne pas rendre sa letire au Pape
qu'à établir son hérésie, savoir, qu'elle mais de la rapporter, s'il trouvait que Céles-
avait engendré un corps, qui est le temple tin n'eût pas encore reçu celles que Nesto-
inséparable du Dieu Verbe, niant l'unité de rius lui avait écrites. Saint Cjrille donna
personnes, et divisant Jésus-Christ en deux, aussi au diacre Possidonius un mémoire où
c'est-à-dire en homme et en Dieu. il une déclaration abréi;ée de sa foi
faisait
Avec cette lettre il envoya au Pape ses et une plus longue explication de la doctrine
écrits sw l'Incarnation, où ses homélies sont de Nestorius, avec des copies de deux lettres
écrites de sa main, par un homme de qua- qu'il lui avait écrites, et des tomes qui ren-
lité, nommé Antiochus^ le même, comme fermaient certains extraits par lesquels le
l'on croit, qui fut consul en 431, et plusieurs Pape pouvait faire la différence des senti-
fois préfet du Prétoire. ments de Nestorius, d'avec ceux des Pères,
^ .,
Denxieme
8. Au commencement de la seconde lettre sur l'incarnation. Il lui envoya encore les
letire .le jses-
tonus a saint
^j mêmePapc, Nestorius fait mention de
'
homélies de Nestorius, et les lettres qu'il
céiestin, pag.
piusicurs lettrcs précédentes qu'il lui avait avait reçues de lui. Dans celle qu'il écrivait
écrites touchant JuUen, Oronce et les autres lui-même au Pape, il lui représente combien
pélagiens. Il se plaint de n'en avoir reçu au- la doctrine de cet évêque était dangereuse,
cune réponse, et le prie une seconde fois de et les mouvements qu'il s'était donnés pour
lui marquer de quelle manière il devait se le rappeler à la vraie foi. Il ajoute que jus-

comporter envers ceux de cette secte. 11 que-là, il n'avait écrit de cette affaire à au-
marque les grands travaux qu'il avait à es- cun autre évêque, et qu'il ne lui en écrivait
suyer en s'appliquant à déraciner de l'Eglise que parce que le mal était parvenu à son
de Dieu l'impiété d'Apollinaire et d'Arius; comble, en sorte qu'il ne lui était plus per-
c'est-à-dire de ceux qui, selon lui, attri- mis de se taire; qu'il y avait à Constantino-
buaient au Verbe incarné les faiblesses de ple un évêque nommé Dorothée, qui, pen-
la nature humaine, et à Jésus-Christ homme sant comme Nestorius, avait dit publique-
les avantages de la divinité : car c'est ainsi ment dans anathème à quiconque
l'église,

qu'il défigurait la doctrine que l'on ensei- diraitque Marie était mère de Dieu ce qui ;

gnait dans l'Eglise catholique touchant le avait causé de grandes clameurs parmi le
mystère de l'incarnation. 11 chargea de cette peuple, qui ensuite était sorti de l'assem-
lettre Valère chambellan de l'empereur.
,
blée.

Libéral., cap. iv. 2 Nicephor., lib. XIV, cap. xxsni.


[iv ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XIII. — SAINT CÉLESTIN, PAPE. 133

(( Et maintenant, continue saint Cyrille, les ques de Macédoine et d'Orient, à qui nous
peuples ne s'assemblent plus avec Xestorius, donnerons occasion, comme ils le souhai-
sinon quelque peu des plus légers et de ses tent, de prendre la défense de la vraie foi

flatteurs. Presque tous les monastères et que Ton attaque. Autant qu'il a été en lui, il
leurs archimandrites , et plusieurs du sénat nous a frappés d'anathème, nous et nos pères,
ne vont point aux assemblées, craignant de tous ces grands hommes qui ont appelé la
blesser la foi. n II parle ensuite d'une lettre sainte Vierge mère de Dieu mais, n'osant
;

générale qu'il avait écrite aux monastères prononcer cet anathème de sa propre bouche,
d'Egypte, soit pour confirmer les moines il l'a fait en sa présence par la bouche de

dans la vraie foi, soit pour empêcher qu'ils Dorothée, avec lequel il a communiqué à
ne fussent séduits par les homélies de Nes- l'instant de la célébration des divins mystè-

torius que l'on avait répandues dans l'E- res. Et afin de mieux instruire Votre Sain-
gypte Ce qui, dit-il, m'a attiré sa haine
: ((
teté de ses sentiments et de ceux des Pères,
et a été cause qu'il m'attaque comme un en- j'envoie les tomes ou les livres qui renfer-
nemi, n'ayant en effet aucun autre sujet de ment leurs passages,que j'ai fait traduire
ra'accuser, sinon que j'ai en horreur ses comme on pu à Alexandrie. »
a
sentiments, et que, persuadant à plusieurs Le mémoire joint à cette lettre contient eu Pag. loa*.

de ne point recevoir d'autre foi que celle que abrégé la doctrine de Nestorius sur l'Incar-
nous avons reçue de nos pères et apprise de nation, et la manière dont il avait déposé

l'Ecriture, je les ai retirés de l'erreur. Mais, le prêtre Philippe, celui du clergé de Cons-

comptant pour rien ce qu'il a fait contre moi, tautinople qui s'était le plus opposé à ses er-

je lui ai écrit une seconde lettre qui contient reurs. Mais on ne trouve ni dans ce mémoire,

un abrégé de la vraie foi, en l'exhortant de ni dans la lettre de saint Cyrille, ce que le

ne penser ni dire autrement. Cette seconde pape Célestin dit avoir appris de la relation
lettre a été sans effet, et il demeure opiniâ- que ce saint évêque lui avait envoyée par
trement dans la mauvaise doctrine qu'il a Possidonius, savoir, que Nestorius traitait les
d'abord enseignée. Votre Sainteté doit savoir orthodoxes de Constautinople comme il était
que tous les évêques d'Orient sont d'accord juste qu'il traitât les membres de l'Eglise,
avec nous, que tous sont choqués et affligés, après en avoir été le chef. Mais il est fort
principalement les évêques de Macédoine, possible que saint Cyrille ait envoyé au Pape
Nestorius en est bien informé, mais se croyant une relation historique de ce qui s'était passé
plus sage que tous les autres et posséder seul à Constantinople ; et il parait que Libérât
le sens des divines Ecritures et du mystère joint en même temps cette relation avec la
de Jésus-Christ, il s'oppose à tous les évê- lettre au Pape '.
ques et laïques orthodoxes qui confessent 10. Le pape saint Célestin ayant reçu la Célestiu
lient lin fon-
dans tout le monde que Jésus-Christ est Dieu, lettre de saint Cyrille, et remarqué dans les cile à Rcme,
eu l'nn iM ,
et que la Vierge qui l'a engendré est mère écrits de Nestorius des blasphèmes visibles tom. 1 Episl.
décret, pag.
de Dieu. Que ferons-nous donc, puisque nous et une condamnation manifeste de la doc- 1098.

n'avons pu l'engager à changer de sentiment, trine orthodoxe, tint au commencement du


ni h s'abstenir de prêcher de pareilles erreurs mois d'août de l'an 430, un concile à Rome,
(levant le peuple de Constautinople, qui se où tous ces écrits furent lus et examinés en
corrompt de plus en plus, quoiqu'il ne sup- plusieurs séances. On y lut aussi les lettres
porte ses discours qu'avec indignation, et de saint Cyrille à Nestorius, toutes ces pièces
qu'il attende du secours des docteurs ortho- ayant auparavant été traduites en latin. On
doxes? Je n'ai pas voulu rompre ouvertement compara les écrits de Nestorius avec la doc-
la communion avec Nestorius. avant de vous trine des Pères, et tous les évêques s'écriè-
avoir donné part de tout ceci. Ayez donc la rent qu'ils contenaient une hérésie toute
bonté de déclarer votre sentiment s'il faut : nouvelle et très-dangereuse. \u contraire,
encore communiquer avec lui ou lui dénoncer ils approuvèrent les deux lettres de saint Cy-

nettement que tout le monde l'abandonnera, rille à Nestorius, comme entièrement ortho-
s'il persiste dans ses opinions. Votre avis sur doxes. Le Pape lui donna aussi de grands
ce sujet doit être déclaré par écrit aux évê- éloges dans un discours qu'il fit en présence

1 Cijrillus vero pcr Possidonium diaconum suum re- tantinopoli ageretur, per epistolam suam allegavit.
luit t de eo (l^estorio) papœ Cœlesiino , et quid Cons- Libérât., cap. 4.
134 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
du concile, et dont il ne nous reste qu'un mais aussi parce que c'é-
savait pas le grec,
fragment, où nous lisons qu'il se souvenait tait la coutume que les Papes écrivissent en
que saint Ambroise, d'heureuse mémoire, fai- latin, même aux Grecs, et qu'on lisait leurs

sait chanter à tout son peuple, le jour de lettres premièrement en cette langue dans les

Noël, une hymne qui commençait ainsi : conciles, comme on le voit par la seconde
« Venez *, Rédempteur des nations faites- ; session de celui d'Ephèse. Mais il y appa-

nous connaître l'enfantement d'une Vierge ; rence que le Pape, à l'imitation de saint Cy-
que tout le monde l'admire un tel enfante- ;
traduire les siennes en grec, comme
rille, fit

ment convient à Dieu, » « Il n'a pas dit, — il en usa à l'égard du concile d'Ephèse, où
ajoute le Pape, un tel enfantement convient les légats du Saint-Siège présentèrent les

à l'homme » d'oti il conclut que saint Cyrille


;
lettres du Pape écrites en latin mais avec ,

en appelant Marie mère de Dieu, s'accorde une traduction grecque. Cette précaution
avec saint Ambroise, et qu'il est vrai de dire était même nécessaire, parce que Nestorius

que la Vierge a enfanté un Dieu par la puis- n'ayant, comme on le dira ensuite, que dix
sance de celui qui est tout-puissant. Le jours pour se déterminer à changer de sen-
Pape cite encore dans ce fragment, un pas- timent, il aurait pu se dispenser d'obéir dans
sage de la lettre de saint Hilaire, ou plutôt ce délai, en prétextant qu'il ne trouvait point
de sa requête à Constance et deux autres ,
d'interprète pour lui donner connaissance

de Damase, de ses lettres à Paulin, évo-


tirés des ordres du concile. Quoi qu'il en soit, nous
que d'Antioche, où ces deux saints docteurs avons ces lettres en grec et en latin, et elles
disent nettement la même chose que saint se trouvent en ces deux langues dans de

Cyrille, quoique ce ne soit pas dans les mêmes très anciens manuscrits. Dans celle qui est à

termes. saint Cyrille, le Pape loue son zèle et sa vi-


Lettre d i\. De ce concile, saint Célestin écrivit di- gilance à défendre la foi, et déclare qu'il n'en
saint t:élestin
à saint tTyriiië
vcrscs Icttrcs aux principaux évêgues de a point d'autre que lui touchant l'incarnation,
'
en 430, pag. '

,
*"*• l'empire d'Orient, toutes datées du onzième
.
n'ayant rien trouvé dans les écrits qu'il lui
août 430. Libérât 2, saint C^Tille, Jean d'An- avait envoyés, qui ne fût sorti d'une source

tioche, le pape Nicolas I", Gennade et plu- très-pure. Il parle de ses deux lettres à Nes-

sieurs autres anciens en parlent , avec cette torius, d'une autre aux solitaires, et des to-

différence, que au
saint Cyrille les attribue mes qui renfermaient les témoignages des
concile de Rome, au Pape. Mais
et d'autres Pères sur le même mystère. Saint Célestin
il était permis de faire honneur à un concile
reconnaît que la vérité est si solidement éta-
blie dans ces écrits, et le mensonge si. clai-
des lettres mêmes des Papes, lorsqu'ils y
avaient assisté, quoique ce fût l'usage de les rement détruit, qu'il était inutile d'y ajouter.
C'est pourquoi il tourne toute son attention
attribuer aux Papes mêmes. Le diacre Pos-
sidonius fut chargé de les poiier en Orient, vers Nestorius, et vers ceux qu'il avait ou

et du soin de les faire remettre à ceux à qui


infectés de son erreur ou maltraités; il lui

elles étaient adressées. La première est à


donne espérance de pardon s'il revient à ré-
saint Cyrille d'Alexandrie, la seconde à Jean cipiscence, et prie saint Cyrille de tenter tous

d'Antioche, la troisième àNestorius, la qua- les moyens de l'y engager; n mais, ajoute-
t-il, s'il persiste dans son opiniâtreté, faudra
trième au clergé et au peuple catholique de il

Constantinople. Celle qui est à Jean d'Antio- le condamner; en attendant, tous ceux qu'il

che, est aussi intitulée à Juvénal de Jéru- a séparés de sa communion doivent savoir
salem, à Rufus de Thessalonique et à Flavien qu'ils demeurent dans la nôtre, et qu'il sache

de Philippes, parce que ce n'était qu'une lui-même qu'il ne peut à l'avenir avoir de
même lettre, dont il y avait des copies pour communion avec nous, s'il continue à com-
tous les quatre. Saint Célestin les écrivit sans battre la doclriae apostolique ; c'est ^ pour-
doute en latin, puisque non-seulement il ne quoi, dit-il à saint Cyrille, vous exécuterez ce

1 « Veni, Redemploi- gentiuru, ostende partum Vir- 2 Libérât., cap. v; Cyrillus, Epist. ad Joan. An-
pinis; miratur omne sœculum talis decet partus :
tioch.; Joanu. Autioch., Epist. ad Nestorium; Nico-
Deum. » Numquid dixit : talis partus decet hominem ? laus Papa, Epist. 8 ad Michael.; Gemiad., de Script.

Ergo sensu9 f>-nfris nostri Cyrilli , in hoc quod dicit Eccl., cap. Liv.

Deiparam Mnriarn, valde concordat, talis decet partus ' Auctoritate igitur lecum nostrœ sedis adcita , nos-
Deum. Deum partu suo Virgo effudit, ipso potente qui tra vice usus, hanc exsequeris districto rigore senten-
ommpotentia plenus est. Tom. I Epist. décret., p. 1098. tiam, ut aut intra decem dies ad hujuri conventionis
[n- ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XIII. — SAINT CÉLESTIN, PAPE. 135

jugement par l'aulorité de notre Siège, agis- che, (i Si quelqu'un, continue le Pape, a été
sant en notre place et en vertu de notre excommunié ou déposé de sa dignité par
pouvoir en sorte que, si dans l'espace de
;
l'évcque Nestorius, ou par ceux qui le sui-

dix jours, h compter depuis cette admonition, vent, depuis qu'ils ont commencé de prêcher
iln'anatliématisepasen termes formels sa doc- leiirs erreurs, il est évident que celui-là n'a
trine impie, etne promet de confesser à l'a- pas cessé d'être dans notre communion, et
venir, touchant la génération de Jésus-Christ que nous ne le croyons point déposé, celui-là
notre Dieu, la foi qu'enseigne l'Eglise ro- ne pouvant prononcer une sentence de dé-
maine, votre Eglise et toute la chrétienté, position qui avait déjà lui-même donné lieu
Votre Sainteté pourvoie aussitôt à cette Eglise, à la sienne. » Le Pape marque ensuite ce
c'est-à-dire à celle de Constantinople et ,
qu'il avait déjà écrit à saint Cyrille, qu'il y
qu'il sache qu'il sera absolument séparé de avait une sentence rendue contre Nestorius,
notre corps. » qui le privait de la communion du Saint-
Les exemplaires grecs et latins ne s'ac-
i'-l. Siège, si, dans dix jours, à compter depuis
cordent point dans l'inscription de la lettre celui de la signification, il ne condamnait les
à Jean d'Antioche. Dans ceux-là l'inscription discours sacrilèges qu'il avait tenus touchant
ne porte que le nom de cet évêque, au lieu lanaissance de Jésus-Christ, et ne promettait
que dans ceux-ci elle ajoute ceux de Juvénal de suivre sur ce sujet la doctrine de l'Eglise
de Jérusalem, de Rufus de Thessalonique, et romaine, de celle d'Alexandrie et de l'Eglise
de Flavien de Philippes. C'est ain^ique lisait universelle. Il veut que cette sentence soit
le diacre Libérât, qui écrivait dans le sixième regardée comme ayant été prononcée * par
siècle. Mais saint Cyrille concilie cette espèce Jésus-Christ Dieu.
de contrariété, en marquant dans sa lettre à Le Pape commence sa lettre à Nesto-
13. hetlrre lie
siint l'éleslin
Nestorius,
Jean d'Antioche, que le synode romain lui rius par l'éloge de ceux qui l'avaient précédé à
pag. m*.

avait écrit les mêmes choses qu'à Rufus de dans l'épiscopat de Constantinople, particu-
Thessalonique et à quelques autres évéques lièrement d'Atticus et de Sisinnius. Il témoi-
de la Macédoine, et à Juvénal de Jérusalem; gne qu'ayant appris la mort de ce dernier, il
ce qui prouve que cette lettre était circulaire en eut beaucoup de douleur, dans la crainte
pour tous ces évêques. Le pape saint Célestin que le successeur de son siège ne le fût pas
témoigne sa douleur du ravage que l'erreur de sa foi, parce que le bien est ordinairement
de Nestorius faisait dans l'Eglise de Constan- suivi du mal mais qu'ayant été informé de
;

tinople, et dit qu'il a d'autant moins de sujet l'ordination de Nestorius par des évêques qui
de douter des mauvais sentiments de cet y avaient assisté et qui lui rendaient un té-
évêque, qu'ils sont non-seulement répandus moignage avantageux, sa douleur s'était
dans ses écrits mais qu'ils le sont encore
, changée en joie, en sorte que dans la réponse
dans les lettres qu'il avait reçues de lui, et qu'il fit à ces évêques, il les assura qu'il pre-
souscrites de son nom. Il ajoute que le crime nait une grande part à la joie de l'Eglise
de ceux qui favorisent l'erreur étant à peu d'Orient Mais autant, lui dit-il, la bonne
: «

près aussi grand que de celui qui la prêche, opinion que vous aviez donnée de vous, vous
il avait séparé de sa communion, tant l'évê- a fait d'honneur chez les étrangers qui vous
que Nestorius que ses sectateurs, jusqu'à ce ont enlevé à vos compatriotes, autant vous
que, par une profession rédigée par écrit, ils ont-ils aujourd'hui en horreur, et leur con-
condamnent l'erreur qu'ils ont commencé duite à votre égard, fait voir à ceux de votre
d'enseigner, et certifient qu'ils tiennent tou- pays, de quels maux ils ont été délivrés
chant l'enfantement de la Vierge, c'est-à- quand on vous a tiré de votre pays. »
dire touchant le salut du genre humain, la Il ne dissimule point à Nestorius qu'il y

foi que l'Eglise romaine, celle d'Alexandrie, avait longtemps que ses lettres lui avaient
et l'Eglise catholique universelle tient et prê- été rendues, mais que, pressé d'autres affai-

die riumerandos pravas prœdicationes suas scripta pro- 1 Hanc de eodem Nestorio sciât sanctifas tua a nobis,

fessionecondemnet et hanc se de nativitate Christi


, imo a Cliristo Deo laiam esse sententiam, ut aut in-
Dei nostri fidem tenere confirmct, quam et romana, et tra decem dies ex conventinnis hujus die numerandos,
tuce sanctitatis Ecciesia , et universalis devotio ienef: sacrilegas de Christi nativitate prœdicationes suas
aui nisi hoc fecerit , mox saiictitas tua illi Ecclesiœ scripta pro fessione condemnet. Pag. 1111.
provisura, a nostro eum corpore tnodis omnibus sciât
esse removenduvi. Pag. 1106.
Î36 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
res, il n'avait pu y faire de réponse, vu qu'é- puisque c'est d'Atticus, votre prédécesseur,
tant écrites en grec, il avait fallu les traduire que nous en avons ici Pourquoi
les actes?
en y avait trouvé des blasphèmes
latin, qu'il Sisinnius, de sainte mémoire, ne s'en est-il
manifestes, et dans ses homélies apportées point informé, sinon parce qu'il savait qu'ils
h Rome par Antiochus, une doctrine très- avaient été justement condamnés sous Atticus
emharrassée et pleine de contradictions. Il son prédécesseur? »

lui fait voir que ce qu'il enseignait du Verbe Le pape Célestin exhorte ensuite Nestorius
de Dieu était opposé à la foi commune le ; à prendre plutôt soin de sa propre cause,que
danger qu'il y avait d'introduire dans l'Eglise de celle de ces hérétiques, et à se rendre
desnouveautés profanes de paroles; le mépris aux avis de l'évêque d'Alexandrie, dont nous
où il était dans Constantinople, depuis qu'il avons approuvé, dit-il, et approuvons la foi.
y avait répandu ses erreurs; qu'il était digne Il exige de lui qu'il prêche la même doctrine

d'anathème pour avoir touché à la doctrine qu'il voyait prêcher à cet évêque, qu'il con-
qui nous est venue des Apôtres; qu'en niant damne les mauvais sentiments dans lesquels
comme il faisait, que la sainte Vierge fût il avait été jusqu'alors, et que, pour preuve

mère de Dieu, il avait corrompu le sens de qu'il les aura condamnés sincèrement, il rap-
l'endroit du symbole des Apôtres où *
pelle tous ceux qu'il avait chassés de l'Eglise ,

toute l'Eglise reconnaît que Jésus-Christ sans quoi il le menace de l'en chasser lui-
est né du Saint-Esprit et de la Vierge même. Il lui dit un mot de la lettre qu'il avait
Marie. Il le fait ressouvenir des deux lettres écrite au clergé et aux fidèles de l'Eglise de
que saint Cyrille lui avait écrites, et veut Constantinople, en l'avertissant encore une
qu'elles lui tiennent lieu de deux monitions, fois qu'il le séparera du corps de l'Eglise ro-
et celle qu'il lui écrivait lui-même, de troi- maine, s'il ne prêche la même doctrine que
sième, ajoutant que ne corrige ce qu'il a
s'il saint Cyrille prêchait avec cette Eglise et il ;

enseigné de mauvais, et ne rentre dans la conclut ainsi a Si vous n'enseignez touchant


:

vraie voie qui est Jésus-Christ, il le séparera Jésus-Cbrist notre Dieu, ce que tient Rome,
de sa communion et de celle de toute l'Eglise. Alexandrie et toute l'Eglise catholique ce ;

Il lui fait l'application de ces paroles de l'A- que la sainte Eglise de Constantinople a tenu
Act. XX.29.
pôtre Je sais qu après mon départ, il entrera
: jusqu'à vous et si, dans dix jours, à compter
;

pa?'mi vous des loups 7'avissants qui n'épargne- depuis cette troisième monition^ vous ne
ront point le troupeau,. ^dscQ qu'en effet, au condamnez nettement et par écrit, cette nou-
lieu de veiller à la garde du troupeau, il le veauté impie, qui veut séparer ce que l'Ecri-
vexait par ses rapines^, en persécutant ceux ture joint sachez que vous êtes exclu de
:

qui suivaient la foi catholique. Il lui repré- la communion de toute l'Eglise catholique.
sente qu'aucun de ceux qui ont attaqué l'E- Nous avons adressé ce jugement par le diacre
glise ne sont jamais sortis victorieux du Possidonius, avec toutes les pièces, à l'évêque
combat, et qu'ils ont tous été flétris d'une d'Alexandrie, afin qu'il agisse à notre place,
même censure, c'est-à-dire chassés de l'E- et que notre ordonnance vous soit connue à ;

glise. Il en donne pour exemple Paul de Sa- vous et à tous nos frères. »
|

mosate et les pélagiens, « sur lesquels, lui 14. Dans sa lettre au clergé et au peuple ,^ettrei

dit-il, vous nous avez consultés, comme si de Constantinople, le Pape témoigne que son au°'ier6ét

vous ne saviez pas ce qui s'est passé. Ils éloigTiement ne l'empêche point de veiller à pû^'p""

ont été condamnés, et justement, et chassés ce que leur foi, qui était célèbre partout, ne
de leurs sièges. Ce qui nous étonne c'est que s'éloigne en rien du sentier de la vérité par
vous souffriez des gens qui ont été condamnés les mauvais discours de Nestorius. Il les ex- \

pour nier le péché originel, vous quile croyez horte à demeurer fermes dans la doctrine de
'

si bien, comme nous avons lu dans vos ser- leurs anciens pasteurs, nommément de saint
mons. Les contraires ne s'accordent jamais Ghrysostôme, d'Atticus et de Sisinnius, qui,
sans donner du soupçon, et vous les chasse- fortement attachés aux traditions de leurs
riez encore s'ils vous déplaisaient comme à pères, ont travaillé également à établir la foi
ceux qui les ont chassés. Et pourquoi de- catholique et à réprimer les fureurs sacri-
mandez-vous ce qui s'est passé contre eux, lèges des hérétiques. Il leur fait voir que ce

' Inter mulla quœ a te impie prœdicata universalis rnus hœc verba fuisse sublata, quœ nobis totius spem
récusât Ecdesia symbolo ah apostolis tradito plangi- vitœ snlulisque promittunl. Page 1119.
[iV ET V« SIECLES.] CHAPITRE XllI. — SAINT CÉLESTIN, PAPE. 137

que Nestorius enseigne de notre Dieu, n'est drie, et an nom


de ce concile il écrivit <i ,

pas moins opposé à la tradition des Pères Nestorius une lettre synodale, pour servir de
qu'aux saintes Ecritures, et qu'abusant tant troisième et dernière monition, lui déclarant
du Nouveau que de l'Ancien Testament , que dans dix jours après la réception de
si,

pour établir une nouvelle doctrine, il ne peut cette lettre, il ne renonçait à ses erreurs, ils
être regardé comme évoque; que Paul de n'auraient plus de communion avec lui, et
Samosate ayant enseigné étant évêque , ne le tiendraient plus pour évêque et que ,

d'Antiocbe, des erreurs sacrilèges, avait été dès lors ils communiqueraient avec tous les
chassé de son siège par une sentence una- clercs et les laïques qu'il avait déposés et
nime des évêques calliobques , et que l'on excommuniés. Saint Cyrille joignit à cette let-
doit retrancher de même tous ceux qui trou- tre celle du Pape à Nestorius ; elles lui fu-

blent le peuple chrétien, en enseignant une rent rendues l'une et l'autre le 3 novembre
doctrine contraire à l'Evangile. Il l'apporte de l'an 430. Il parait qu'il ne les avait pas
l'origine de toutes les hérésies à l'amour de encore reçues lorsqu'il en écrivit lui-même
lavaine gloire dont sont animés tous ceux une troisième au Pape du moins il n'y en ,

qui les inventent et conjure le clergé et le


, dit rien quoiqu'il y fasse mention du con-
,

peuple de Constantinople de résister forte- cile général indiqué à Ephèsc par une lettre

ment à Nestorius en leur promettant dans, de l'empereur Théodose en date du 19 no-


ce combat le secours de Dieu, et eu leur vembre de la même année. Il dit au Pape
mettant devant les yeux les exemples des mar- qu'il avait appris que le vénérable Cyrille,

tyrs, qui, ayant semé autrefois dans les lar- évêque d'Alexandrie épouvanté par les ,

mes, doivent moissonner un jour dans la plaintes qu'on avait faites contre lui cher- ,

joie, et pour ne leur pas donner des exem- chait à éviter le saint concile, où l'on devait
ples trop éloignés de patience et de force, les examiner, et qu'il s'attachait à des pa-
après avoir rapporté celui de saint Etienne, roles savoir, au mot de Theotocos, ou mère de
;

qui a le premier rendu témoignage à Jésus- Dieu, etde Christotocos,o\\ mère de Christ, dont
Christ il leur propose
, celui de saint Atha- il admettait l'un et rejetait l'autre, quoiqu'il
nase, dont la mémoire était récente. Il décrit l'admît aussi quelquefois, a Pour nioi, ajoute

tout ce de la part des


qu'il eut à souffrir Nestorius ne m'oppose pas à ceux qui
,
je
ariens faisant remarquer en même temps
, veulent dire Theotocos, pourvu qu'ils ne l'en-
qu'il trouva toujours son repos et sa conso- tendent pas comme Arius et Apollinaire,
lation dans la communion de l'Eglise ro- pour confondre les natures ; mais je n'hésite
maine, et qu'il fut toujours secouru des ca- pas à préférer le mot de Christotocos, comme
tholiques : qu'aucun chrétien
d'où il infère employé par les anges et les évangélisles. n
ne doit appréhender l'exil pour la cause de Supposant que le Pape était au fait de la si-
la foi, aucun n'étant en exil par rapport à gnification de ces termes il s'abstient d'eu ,

Dieu. Il déclare nulles toutes les excommu- parler plus au long et dit Si nous consi-
, : '(

nications prononcées contre les catholiques dérons deux sectes contraires dont l'une ,

par Nestorius depuis qu'il avait commencé


, n'emploie que le mot de Theotocos, savoir celle
h enseigner ses erreurs, de même que toutes Arius et d'ApolHnaire, et dont l'autre ne se
les sentences de dépositions qu'il avait ren- serl que ù.'Anthropotocos, savoir celle de Paul
^dues contre des clercs, en quelque degré de Samosate parce que la première ne re-
,

qu'ils fussent. Il ajoute que, ne pouvant agir connaît Marie que mère de Dieu, et la se-
en personne à cause de la distance des lieux, conde ne la reconnaît que mère d'un homme :

il a commis à sa place saint Cyrille, dans la ne faut-il pas essayer de ramener les uns et
crainte que du remède ne donne
la lenteur les autres par un nom qui signifie les deux
,

lieu cl de se répandre. Il finit


cette maladie natures qui est celui de mère de Christ,
,

en rapportant la sentence contre Nestorius, Christotocos? J'ai écrit ceci à l'évêquc d'A-
dans les mêmes termes que nous l'avons vue lexandrie , comme Votre Sainteté pourra le

dans les lettres précédentes. connaître par les lettres ci-jointes. Au reste,

îtlrc rtc
13. Saint Cyrille ayant reçu les lettres du il a plu au très-pieux empereur d'indiquer
)rins au
Célestin
pape saint Célestin, les envoya à ceux à qui un concile œcuménique pour y examiner ,

30, pag.
elles étaient adressées ; mais, avant de faii'e d'autres affaires ecclésiastiques; car, pour
rendre à Nestorius celle qui était pour lui, cette question de mots je ne crois pas que ,

il assembla les évêques d'Egypte à Alexan- la discussion en soit diilicile. »


138 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Baronius nous a donné le premier cette devez assister au concile; mais que si on
lettre ; elle se trouve aussi dans la nouvelle vient à quelque contention, vous devezjuger
collection des Conciles de Baluse, de môme de leurs avis, sans entrer en dispute. Si vous
que la suivante. voyez que le concile est fmi et que tous les .

Lettre rte du Dape


16. Elle cst
' *
Célestin à qui
i saint ,
' évèques sont retournés, il faut vous informer
saint rélesiiii
àsaintciriiie CvriUc avalt écrit pour r lui demander ce
, comment les choses se sont terminées. Si
en 431, pag. "^ '

1160.
qu'il faudrait faire si Nestorius condamnait c'est en faveur de l'ancienne foi catholique,
les erreurs qu'il avait enseignées, si le con- et si vous apprenez que mon frère Cyrille
cile indiqué à Eplièse le ou
devait absoudre, soit allé à Constantinople, il faut que vous
s'il fallait s'arrêter à la condamnation pro- y alliez et que vous présentiez nos au
lettres
noncée contre lui, pour avoir laissé passer prince. S'il est arrivé autrement, et qu'il y ait

les dix jours sans se rétracter. Saint Cj^rille de la division, vous jugerez par l'état des
témoignait aussi au Pape sa douleur, de ce choses ce que vous devez faire avec le con-
qu'il ne se trouverait pas à ce concile, et seil de notre dit frère. »

l'avertissait en même temps qu'il y avait des Ce mémoire nous a été donné par M. Ba-
personnes qui ne paraissaient pas fermes luse sur divers anciens manuscrits; mais on
dans le parti de la foi. Saint Célestin lui ré- n'a pas encore rendu publiques les instruc-
pondit le 7 mai de Tan 431 qu'à l'égard de ,
tions dont il y est fait mention qui regar- ,

la personne de Nestorius, il fallait considé- daient la manière dont les légats devaient se
rer que Dieu ne voulant point la mort des comporter dans le concile.
pécheurs, qu'au contraire, sa volonté étant 17. Les légats chargés de ce mémoire, pré-
de sauver tous les hommes et qu'ils vien- ,
sentèrent aussi au concile une lettre du pape
nent à la connaissance de la vérité, il accep- Célestin, datée du même jour, c'est-à-dire 431 , p. Il

tait toujours leur pénitence quelque tar-


*
,
du 8 mai 431. Elle y fut lue le 10 juillet,
dive qu'elle fût; que, quoiqu'il ne pût se premièrement en latin et ensuite insérée ,

rendre au concile il y serait néanmoins en


, dans les Actes; mais comme il y avait beau-
esprit par ses soins , par la part qu'il pren- coup d'évèques qui n'entendaient pas cette
drait k tout ce qui s'y passerait et par la foi , langue, tous demandèrent qu'on la lut aussi
qui l'unissait avec tous ceux qui faisaient en grec ; ce qui fut fait aussitôt par Pierre,
profession d'une même foi. Quant à ceux prêtre et notaire d'Alexandrie, les légats en
qui ne paraissaient pas à saint Cyrille être ayant apporté une traduction. Le Pape la
assez fermes dans le parti de la vérité, le commence en disant que l'assemblée des
Pape l'assure qu'il ne se laisserait pas sur- évèques est un témoignage de la présence
prendre par eux, et qu'il répondrait à leurs du Saint-Esprit selon que nous lisons dans
,

lettres avec toute la précaution possible, s'ils l'Evangile, qu'en quelque heu que se trou-
lui en écrivaient. vent deux ou trois personnes assemblées au
Pag. 1152. Le pape Célestin joignit à cette lettre un nom de Jésus-Christ il s'y trouve au milieu
,

mémoire daté du 8 mai de la même année, d'elles. Il dit ensuite que le concile est saint
et conçu en ces termes « Mémoire du pape
: par la vénération qui lui est due comme ,

Célestin aux évèques et aux prêtres qui vont représentant la nombreuse assemblée des
en Orient. Quand, par la grâce de Dieu, apôtres; que jamais Jésus-Christ, leur Sei-
comme nous espérons, vous serez arrivés au gneur et leur Maître, qu'ils avaient ordre de
lieu où vous allez, tournez toutes vos pen- prêcher, ne les a abandonnés; que c'était
sées sur notre confrère Cyrille, et faites tout lui-même qui enseignait en eux puisqu'il ,

ce qu'il jugera à propos. Nous vous recom- leur avait dit ce qu'ils devaient enseigner, et
mandons aussi de conserver l'autorité du qu'il a voulu qu'on l'écoutât en ses apôtres.
Siège apostolique puisque les instructions
,
« Cette charge ^ d'enseigner, continue saint

qui vous ont été données, portent que vous Célestin, est passée également à tous les évê-

1 Nunquam displicet Deo accelerata in quoeumque nes geutes. Advertit vestra fraternitas quia accepi-
correctio. Pag. 1151. mus générale mandutum; omnes etiam nos agere va-
2 Hœc ad omnes in commune Domini sacerdotes luit, quod illis sic omnibus in commune mandavit ;
mandata prœdicationiscura pervenit; h'vreditnriiinarn- officium necesse est nostrorum sequamur auciorum,
que in haiic sollicitudinem jure constringimur , qui- suheamus omnes eorum labores, quitus successimus in
cumque per diversa ierrarum eorum vice nomen Do- honore. Pag. 1155.
mini prœdicamus, dum illis dicitur : Ite, docete om-
[iv ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XIII. ~ S AINT CÉLESTIN, PAPE. 139

ques nous y sommes tous engagés par uu


;
applaudissements en l'honneur de saint Cé-
nous qui annonçons à leur
droit héréditaire,
lestin etde saint Cyrille.
place le nom du Seigneur en divers pays du 18. Le Pape chargea encore ses légats Leltre da
siint I élestin

monde suivant ce qui leur a été dit : Allez, d'une lettre pour l'empereur, en date du à leirpereur
vm?2o. , Théodose , en

instruisez toutes les nations. » Il fait remarquer lo mai de la même année 431 il y donne ;
i31, p. Ilfi3,
et du coDcila
au Pape.
aux évêques du concile, en avaient qu'ils de grandes louanges au zèle que ce prince té-
tous reçu un ordre général et que Jésus- ,
moignait pour la défense de la foi catholi-
Christ a voulu qu'ils l'exécutassent tous en ,
que, déclarant en même temps qu'il voulait
également de ce devoir de le seconder autant qu'il était en son pouvoir,
se chargeant tous
étant tous obligés d'entrer et qu'à cet effet, il assisterait par ses légats
la prédication ,

dans les travaux de ceux à qui ils aA-aient au concile qui s'assemblait par son ordre.
déclare que ceux C'est de Théodose dont il parle il le con-
tous succédé en dignité. Il ;

qui ont reçu le dépôt de la foi doivent le ,


jure d'empêcher que les novateurs ne trou-

garder avec autant de soin qu'en ont pris blent la paix de l'Eglise, en lui représentant
transmis, et que nos pères davantage pour la
qu'il devait s'intéresser
«eux qui l'ont si

ont jeté les semences de la foi c'est c^ leurs ,


cause de la foi, que pour son royaume, et
veiller plus exactement à la paix des Egli-
successeurs à veiller que ces semences de-
meurent incorruptibles et qu'elles rapportent ses, qu'à la tranquillité du reste du monde,
du au père de famille à qui seul il ap-
fruit ,
puisque, quand les princes commencent à ob-
partient de les faire fructifier en abondance. server ce qui plaît le plus à Dieu, toutes

Il exhorte les évêques à s'armer, pour la dé-


choses leur prospèrent , comme on le voit

fense de la foi de toutes les armes spiri-


,
par l'exemple d'Abraham de Moïse et de
,

tuelles mentionnées dans les Epîtres de saint David. Cette lettre porte aussi créance pour
Paul. Et comme le concile tenait ses séances les trois légats, de même que celle que le

dans la ville d'Epbèse, où saint Paul et saint Pape avait adressée au concile d'Ephèse.
Jean avaient annoncé l'Evangile il emploie ,
Quand on y eut procédé à la déposition de
la considération de ce lieu même pour les Nestorius les évêques qui avaient rendu
,

exciter plus fortement à prendre d'un senti- cette sentence en présence des légats du

ment unanime la défense de la vérité. Il em- Saint-Siège en donnèrent avis au Pape par
,

ploie aussi le motif de la charité dans la- ,


une assez longue lettre, dont nous aurons
quelle nous devons tous demeurer, et qui occasion de parler ailleurs; ils lui en écrivi-

est si recommandée dans la première Epitre rent une seconde sur l'ordination de Maxi-
de saint Jean ', dont les reliques étaient ex- mien, prêtre et moine, élu évêque de Gons-
posées à leur vénération. Il souhaite qu'ils tantiuople en la place de Nestorius mais
, ;

joignent à leurs travaux la prière commune, cette lettre, qui fut portée par le prêtre Jean
dont en ce qu'elle eut la
l'efficacité parait et le diacre Epictète, n'est pas venue jusqu'à
force de faire trembler le lieu dans lequel les nous.
II». 31. douze Apôtres priaient unanimement. «Que 19. On met sur la fin de la même année I. élire du
pipe icleJlin
t. IV, 29 demandaient-ils alors dit-il ? La force d'an-
, 431 ou au commencement de la suivante,
, aux évtques
des Gaules
noncer la parole de Dieu avec une entière celle que saint Célestin écrivit aux évêques eu 431 ou<33,
pag. 1186.
liberté.Que demandez -vous dans votre as- des Gaules, pour la défense de saint Augus-
semblée? De prêcher la même parole avec tin, dont la doctrine continuait d'être atta-
assurance, et de garder vous-mêmes ce que quée par quelques prêtres de ces provinces.
Dieu vous a accordé de prêcher. Le Pape Prosper et Hilaire, qui en avaient écrit quel-
leur dit après cela d'ajouter foi à ce que leur ques années auparavant à saint Augustin,
diraient, de sa part, les évêques Arcade, firent le voyage de Rome pour porter leurs
Projectus et le prêtre Philippe, « qui assiste- plaintes à ce saint Pape contre ces prêtres ;

ront, dit -il, à ce qui se fait, et exécuteront ce qui lui donna occasion d'écrire cette lettre.
ce que nous avons déjà ordonné (l'année On ne peut douter qu'il n'en soit auteur,
précédente dans le concile de Rome.) » Aces puisque non-seulement elle se trouve sous sou
mots, tous les évêques s'écrièrent « Ce ju- : nom dans toutes les anciennes collections,
gement est juste», et ils firent de grands mais qu'elle lui est encore attribuée par saint

• Vos hortor, respiciatur illa diledio, in qua utique sentes veneramini, manere debemus. Pag. 1159.
secundum vocem Joannis apostoli , cujus reliquias prœ-
140 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Prospor *, par Vincent de Lérins 2, anienrs et honoré de tout le monde; c'est pourquoi
contemporains; par Cresconins, et par Plio- vous devez résister à ceux qui osent attaquer
tius^;eUe est adressée à Vénérius,cvêque de sa mémoire et leur imposer silence. Cette
,

Marseille ; à Marin, Léonce , Auxone , et aux affaire ne regarde pas seulement ceux qui
autres évêques des Gaules. Après leur avoir l'ont suscitée elle regarde toute l'Eglise
,
,

dit qu'il est du devoir d'un chrétien de s'étudier puisque c'est une nouveauté et que toute ,

à n'être à personne une occasion de scan- nouveauté attaque l'Eglise. »


dale, il leur fait voir qu'il est aussi du devoir 20. A cette lettre de Célestin est joint un "'
,
Auiorw
(les eTéqaei
des évêques de réprimer les prêtres inquiets recueil de divers passages<^
des Papes
1 i
et des JeRomeioo-
chant la grJce

qui troublent la paix de l'Eglise par de nou- conciles d'Afrique, approuvés par le Saint- ^Jj"''"''"*-

velles questions; car c'est aux évêques à en- Siège. Ce recueil fut fait pour répondre aux
seigner, puisqu'ils sont institués de Dieu semi-pélngiens, qui, dans les contestations
pour le ministère de la parole, et non pas qu'ils avaient excitées ^, disaient qu'ils ne se
aux prêtres qui n'occupent dans l'Eglise que voulaient arrêter qu'càce qui avait été décidé
le troisième rang. Si les évêques se taisent par les évêques de Rome sur cette matière.*
dans des occasions semblables à celle-ci, Comme il de la lettre de Céles-
est distingué
leur silence doit être suspect de connivence, tin et que le style ^ en est différent, plu-
,

et nous serions nous-mêmes suspects si nous sieurs critiques ont soutenu qu'il n'était point
favorisions l'erreur par notre silence. Qu'il de ce Pape mais ou de saint Prosper, ou de
,

ne leur soit donc pas permis de discourir à saint Léon. Ils étaient en effet l'un et l'au-
leur volonté, et que la nouveauté cesse d'at- tre à Rome, dans le temps que saint Célestin
taquer l'antiquité. Qu'ils sachent, s'ils sont écrivit sa lettre aux évêques des Gaules; mais
prêtres, qu'ils vous sont inférieurs en di- soit qu'ils lui aient prêté l'un ou l'autre leur
gnité et par conséquent soumis. Qu'ils sa-
,
ministère pour composer ce recueil on ne ,

chent qu'il convient à tous ceux qui ensei- peut douter de tout temps été
qu'il n'ait
gnent mal de plutôt apprendre. Que faites-
, joint à cette lettre et qu'il n'ait été envoyé
,

vous dans les églises s'ils ont l'autorité de


, en même temps en France par ce Pape. En
prêcher? si ce n'est que quelques évêques effet, ce recueil est cité comme faisant partie
ignorent leurs droits parce qu'ils ont été
, de la lettre de saint Célestin aux évêques
depuis peu tirés d'entre les laïques. Il marque des Gaules, par Pierre, diacre, dans une lettre
qu'il avait déjà écrit sur cette matière à l'é- qu'il écrivait vers l'an 520 à saint Fulgence

vêque Tuentius mais nous n'avons point


; et aux autres évêques exilés en Afrique; el

cette lettre. Venant ensuite à saint Augus- comme s'il eût voulu prévenir les objections
tin, il en parle en des termes qui nous ap- de ceux qui pourraient un jour contester ce
prennent en quelle vénération il était dans recueil au pape Célestin, il rapporte les pro-
l'Eglise romaine. « Augustin *, dit-il, homme pres termes de la conclusion ^de celte lettre,
de sainte mémoire, a toujours été dans notre qui sont les mêmes que nous lisons aujour-
communion pour son mérite, et n'a jamais d'hui à la fin ^ de ce recueil. Denys le Petit
été flétri du moindre bruit d'aucun mauvais le joint aussi dans son Code avec la lettre

soupçon. Sa science était telle, je m'en sou- et parmi les décrets de ce même Pape; en

viens, que mes prédécesseurs le comptaient quoi il est suivi par Crescouius et presque ,

entre les principaux docteurs. Il était aimé par tous les autres collecteurs de canons. Ce

1 Prosper., lib. Concil. CoUat., cap. 11. 5 Eaque tantummodo sequi


et probare profitentur
2 Vincent. Lerin., in Commonit., cap. XLiii. quœ sacratissima beati apostoli sedes Pétri contra ini-
3 Photius, Cod. 53 et 54. micos gratiœ Dei per ministerium prœsulum suorum
*>
Augusiinum sancfœ recordaHonis virum pro vita sanxit et docuit. Ibid., pag. 1189.
^ Sirinond., notis in iom. I Concil. GalL; Quesnel-
tua atgue meritis in nostra communione semper ha-
buimus, nec unquam hune sinislrœ suspicionis saltem lus, dissertât. 3 in Leonis opéra, et alii apud Coûtant.,
rumor adspersit; quem tantœ scieniiœ olim fuisse toni. 1 Epist. décret., pag. 1178.
"
meminimus , ut inter magistros optimos etiarn ante a Terminât autem idem magister Cœlestinus hanc
meis semper decessoribus haberetur. Bene ergo de eo ipsam cpistolam et quœ concludit ita dicens, quia ad
omnes in communi senserunt, utpote qui ubique cunctis confitendum Dei gratiam... ut prorsus non opinemur
et amori fucrif et honori. Unde resistatw talibus, quos catholicum quod apparuerit prœfixis sententiis esse
,

mole crescere videmus. Non est agentium causa solo- contrarium. Petrus Diacon., Epist. ad Fulgent.
rum, universalis Ecclesin quacumque novitate pulsa- * Ut prorsus non opinemur catholicum, etc. Cœlestiu.,
tur. Cœlest., E;jw/. 21 ad Gallos, pag. 1187. Epist. 21 ad Gallos, pag. 1193.
fiv ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XIII. ~ SAINT CELESTIN, PAPE. 141

recueil contient neuf articles touchant la baptême, n'est capable de surmonter les atta-
grâce. Ils sont précédés d'un averlisscmcnt ques du démon et les désirs de la chair, si,
où il que quelques-uns qui se glori-
est dit par le secours journalier de Dieu, il ne reçoit
fiaient d'être catholiques et qui anathéma- ,
la persévérance dans la bonne vie. Le qua-

tisaient Pelage et Célestius, ne laissaient pas trième est tiré de la lettre trente -unième du
de parler contre les docteurs de l'Eglise même Pape au concile de Milève il porte ^ ;

comme s'ils avaient excédé les bornes né- en substance que personne n'use bien du
cessaires. On avait cru devoir rechercher ce libre arbitre que par Jésus -Christ. 11 est dit
que les Papes ont défini touchant la grâce, dans le cinquième ^ que tous les désirs les ,

contre les défenseurs criminels du libre ar- œuvres et les mérites des saints se doivent
bitre , et y joindre quelques sentences des rapporter à la gloire de Dieu, parce que per-
conciles d'Afrique, que les Papes ont adoptés sonne ne lui est agréable que par les dons
en les approuvant. qu'il a reçus de lui. Pierre, diacre, semble

Le premier de ces articles porte que, par ' attribuer ces paroles au même pape Inno-
le péché d'Adam, tous les hommes ont perdu cent ,en remarquant toutefois que les con-
le pouvoir naturel, c'est-à-dire celui que ciles d'Afrique dans leur lettre au pape Zo-
,

Ihomme avait dans la justice originelle et sime, s'expliquent encore avec plus de soin
l'innocence, et que personne ne peut sor- et de netteté sur cette matière. Aussi ce qu'ils

tir de l'abime de cette chute par le libre ar- en ont dit se trouve-t-il joint à ce cinquième
bitre si la grâce de Dieu miséricordieux ne
,
article, de même que ce que le pape Zosimo
le relève. Cet article est tiré de la lettre vingt- en a dit dans sa lettre à tous les évêques du
neuvième du pape Innocent au concile de monde. Par le sixième article tiré de la même
Cartilage où il déclare que le libre arbitre
,
lettre du pape Zosime il est dit que Dieu ^
,

serait demeuré dans la ruine où il était tombé opère tellement dans les cœurs des hommes,
par le péché, s'il n'avait été relevé par la et même dans le libre arbitre que la sainte ,

grâce de Jésus -Christ. Le second article est pensée, le pieux dessein, tout mouvement de
tir(; de la même lettre. Tin y lit que personne la bonne volonté, vient de Lfieu, parce que si
n'étant - bon par lui-même, il est besoin nous pouvons quelque bien, c'est par celui
que celui qui seul est bon, se communique sans lequel nous ne pouvons rien. Le septième,
«îlui. C'est encore du pape Innocent qu'est tiré des troisième, quatrième et cinquième
pris le troisième article, où nous lisons ^que canons du concile de Carthage du 1" mai
nul homme, fût-il renouvelé par la grâce du 418 ", porte que la grâce de Jésus -Christ

* In prœvaricatione Aclœ omnes hnmines naturalem copi ho)iore venerati sunt , ut ita ad eumdem virum
}X)ssiùi/ttatem perdidisse et Jieminem
et iruiocentiam , scriberent, etc. Ibid., pag. 1191.
de profundo iltius ruinœ per liberum arbilrium passe ^ Quod ita Deus in cordibus hominum afque in ipso
consurgere , 7iisi citm gratin Dei miserantis erexerit libero operetur arbitrio, ut sanctn cogitatio, pium con-
pronuntiat beatœ memoriœ I/mocenlius in Ei i-tola ad silium , omnisquc motus bonœ voluntatis ex Deo sit :

carthaginense concilium. quia per illum aliquid boni possumus, sine quo nihil
* Neminem esse per semetipsum bonum , nisi parli- possumus. Ad hanc enim professionem idem doctor
cipationem sui ille donef, qtii sohis est bonus. Quod in Znsimus instifuit Inquens ad totius orbis episcopos de
eisdem scriptis ejusdem Pontificis senlentia protesta- divinœ gratiœ opitulatione. Ibid.
"
tur. Pag. 1190. Illud etiam quod intra carthaginensis synndi de-
3 Neminem etiam baptismatis gratia renovatum, creta constHutum est, quasi proprium apostolicœ se-
idoneum esse ad superandas diaboli insidias et ad vin- dis amplectimur, quod scilicel tertio capitula défini'
cendas carnis concupiscentias , nisi per qiiotidianum tum est, ut quicumque dixerit gratiam Dei qua justi'
adjutorium Dei persecerantiam bonœ conversationis ac- ficamur per Jesum Christum Dominum tiostrum, ad
ceperit. Quod ejusdem antistitis in eisdem paginis doc- solam remissionem peccatarum valere, quœ jam cam-
trina confirmât. missa sunt , non etiam ad adjutorium ut non com-
* Quod nemo nisi per Christum libero bene utatur
, mittanlur, anai/iemn sit. Et itcrum quarto capitula :
arbitrto, idem magister in Epistola ad Milevitanum ut quisquis dixerit gratiam Dei per Jesum Christum
coucilium data prœdicat. propter hoc tantum nos adjuiare ad non peccandum ,
* Quud omnia sludiu et omnia opéra ac mérita sanc- quia per ipsam nobis revetatur et aperitur intelli-
torum ad Dei gloriam laudemque refereuda sint, gentia mandatorum, ut sciamus quid appetere et quid
quia nemo aliundeei placet, nisi ex eo quod ipse do- vitare debeamus, non autem per illam nobis prœstari
naverit; in quam nos sententiam dirigit beatœ recor- ut quod faciendum cognovimus etiam facere diliga-
dationis papce Zosimi regularis auciorilas, cumscribit mus utque valeamus , anathema sit. Item quinio capi-
ad tùtius orbis episcopos. Hune autem sermonein sin- tula, ut quisquii dixerit ideo nabis gratiam justifica-
cerissimce veritatis luce radiantem tanto Afri épis. tiunis dari, ut quod facere per liberum jubemur ar-
142 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
par laquelle nous sommes justifiés, ne sert mière de la vérité leur soit rendue sensible;
pas seulement pour la rémission des péchés que les hérétiques rentrent en eux-mêmes
commis, mais pour nous aider à n'en point en embrassant la foi catholique, que les
commettre, non-seulement en nous donnant schismatiques reçoivent l'esprit de la charité
lintelligence des commandements, pour sa- vivifiante, que les remèdes de la pénitence
voir ce que nous devons désirer ou éviter, soient accordés aux pécheurs, enfin que la
mais en nous faisant aimer et pouvoir ce que glace du baptême soit conférée aux caté-
nous connaissons qu'il faut faire, et non-seu- chumènes. Or, ces prières ne sont pas de
((

lement pour le faire plus facilement, mais vaines formules, puisque l'on en voit les ef-
absolument pour le faire. Le huitième n'est fets en plusieurs conversions, Dieu voulant
tiré d'aucune lettre des Papes ni d'aucun dé- bien attirer à lui plusieurs de ceux qui se
cret des conciles, mais des prières de l'E- trouvent enveloppés dans tous les genres
glise; il est conçu en ces termes «Faisons :
'
d'erreur, les transférer dans le royaume de
aussi attention aux mystères des prières sa- son Fils, après les avoir arrachés de la puis-
cerdotales qui, nous ayant été transmises sance des ténèbres, et faire des vases de mi-
par les Apôtres sont observées d'une ma-
, séricorde de ceux qui étaient des vases de
nière uniforme dans tout le monde et dans colère; ce que l'on croit être tellement l'œu-
toute l'Eglise catholique afin que la ma-
, vre entier de Dieu ,
qu'on lui rend de conti-
nière dont nous devons prier établisse la nuelles actions de grâces et de louanges
règle de notre foi; car ceux qui sontpréj)Osés pour avoir éclairé les uns et corrigé les au-
au gouvernement des peuples saints, s'ac- tres.
quittant auprès de Dieu de la légation dont Les cérémonies du baptême fournissent la
ils sont chargés s'intéressent pour tout le
,
preuve du neuvième article, où nous lisons
genre humain, et toute l'Eglise joignant ses que les exorcismes - et le souffle que les
gémissements aux leurs, ils demandent et clercs font dans toute l'église pour chasser
supplient que la foi soit donnée aux infidèles, l'esprit immonde soit des enfants , soit des ,

que les idolâtres soient délivrés des erreurs adultes et les préparer par là au baptême,
,

de leurs impiétés, que le voile dont le cœur montrent bien que l'Eglise les croit tous sous
des juifs est couvert soit ôté, afin que la lu- la puissance du démon.

bitrium, facilius possimus implere per gratinm; tan- vitœ odeunt quam exorcismis et cxsufflationibus cle-
,
quam et si gratia non daretur, tion quidem facile sed ricorum spiritus ab eis immundus abigatur ut tune :

tamen possimus etiam sine illa implere divina man- vere appereat quomodo pr inceps mundi hujus mitia-
,

data, anathema sit. Ibid.,pag. 1192. tur foras. His ergo ecclesiasticisregulis ita confirmât i
1 Obsecrationum quoque sucerdotalium sacramenta sumus, ut 7ion dubitemus ab ipsius gratia Dei, omnia
respiciamus, quœ au Apostolis tradita, in ioto mundo, hominis mérita prœveniri , per quam fit ut aliquid
et quœ in omni Ecclesia catholica iiniformiter c.ele- boni et relie incipiamus et facere. Quo ufique auxilio et
brantur, ut legem credendi, lex statuât supplicandi. 7nunere Deinonaufertur liberum arbitrium, sed libera-
Cum enim sanctarum plelnum prœsules mandata si- tur; ut de tenebroso lucidum,depravo rectum, de langui-
bimet legaiione funganfur, apud divinam clementiam do sanum, de imprudente fit providum. Tantaenim est
humani generis agunt causam, et tota secum Ecclesia erga omnes homines bonitas Dei, ut nosfra velil esse mé-
congemiscente ,
postulant et precantur, ut infidelibus rita, quœ sunt ipsiuf dona, et pro his quœ largitus est,
donefur fides, ut idololatrœ ab impietatis suœ liberen œterna prœmia donaturus. Agitquippe in nobis, ut
sit
tur erroribus , ut judœis ablato cordis velamine lux quod vult, et velimus, et agamus; nec otiosa in nobis
veritatis appareat, ut hœretici cutholicœ fidei percep- esse patitur, quœ exercenda , non negligenda donavi*,
tione resipiscant, ut lapsis pœnitentiœ remédia confe- ut et nos cooperatores simus gratiœ Dei.Ac si quid in
ranlur, ut denique catechumenis ad regenerationis sa- 7iobisex nosfra viderimus remissione languescere , ad
cramenta perductis cœlestis misericordiœ aula rese- illum sollicite recurramus, qui sanat omnes languores
retur. Hœc autem non perfunc-.orio neque inaniter a nostros , et reditnit de interitu vitam nostram , et cui
Domino peti, rerum ipsarum monstrat e/fectus; quando quotidie dicimus :^e iuducas nos in teutationetn, sed
quidem ex omni errorum génère plunmos Deusdigna- libéra uos a rualo. Profundiores vero difficilioresque
tur attrahere quos erutos de potestate tenebrarum,
,
partes incurrentium quœstionum, quas latins perirac-
transférât in regnum filii c/iaritatis suœ, et ex vasis tarunt qui hœreticis restiterunt , sicut non audemus
irœ faciat vasa misericordiœ. Quod a Deo totum di- contemnere , ita non necesse habemus adstruere ; quia
vini operis esse sentitur, ut hœc efficienti Deo gratia- ad confitendum gratiam Dei, cujus operi ac digna-
vum semper actio laudisque confessio pro illumina- tioni nihil penitus subtrahendum est : satis sufficere
tione talium vel correctione referatur. Ibid., p. 1193. credimus, quidquid secundum prœdictas régulas apos-
* Illud etiam, quod circ.a baptizandos universo mundo tolicœ Sedis nos scripta docuerunt, ut prorsus non opi-
iancta Ecclesia uniformiter agit, non otioso contem- 7iemur calholicui7i quod apparuerit prœfixis senientiis
plamur intuitu, Cum sive parvuli, sive Juvenes ad re- esse contrarium. Ibid., pag. 1193.
generationis veniunt sacramentum, non prius fontem
[iv* ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XIII. — SAINT CÉLESTIN, PAPE. 143

La conclusion de tous ces articles est celle- datées du 13 de mars. La première est adres-
ci « Nous devons confesser que la grâce de
: sée au concile d'Ephcse , c'est-à-dire aux
Dieu prévient les mérites des hommes, puis- évêques qui avaient ordonné Maximien , et
que c'est par elle que nous commençons à qui, députés par ce concile à Constantinople
vouloir et à faire le bien; qu'elle n'ôte pas le pour en exécuter les décrets, étaient censés
libre arbitre, mais le délivre, l'éclairé, le re- les représenter. On ne voit pas comment
dresse et le guérit; que la bonté de Dieu en- expliquer autrement l'inscription de cette
vers tous les hommes
grande qu'il est si ,
lettre, puisqu'il y avait six mois que le con-
veut que ses dons soient nos mérites, et cile d'Ephèse était séparé. Saint Célestin
qu'il leur accorde des récompenses éter- congratule dans cette lettre les évêques, de
nelles pour les choses mêmes qu'il leur a la victoire qu'ils avaient remportée sur l'hé-

données; qu'il fait en nous que nous vou- résie de la déposition de Neslorius et de
,

lons et faisons ce qu'il veut, mais que ses l'ordination de Maximien, dont il fait l'éloge,
dons ne sont pas oisifs en nous; que nous en disant que l'agneau sans tache avait
coopérons à sa grâce, et que si nous sentons chassé le loup de la bergerie. Il ajoute qu'un
quelque relâchement qui vient de notre fai- homme d'une heureuse simplicité, tel qu'é-
blesse, nous recourons promptement à celui tait Maximien, était digne de succéder à Si-

qui guérit toutes nos langueurs, qui, selon le sinnius, de sainte mémoire, voulant que l'on
langage de l'Ecriture, rachète notre vie de regardât le siège de Constantinople comme
la mort, et à qui nous disons tous les jours : ayant été vacant, pendant que le sacrilège
, 3. iVe nous induisez point en tentation , mais dé- Neslorius l'occupait « Nous avons été pré-
:

'' senls en esprit lorsque les évêques catholi-


livrez-nous du mal. »

Après avoir ainsi décidé ce qui regarde la ques en ordonnant Maximien


, ont récité ,

matière de la grâce, le pape Célestin ajoute : sur sa tête les paroles * mystiques , c'est-à-
« Quant aux questions plus profondes et plus dire les oraisons que les évêques récitent
diiliciles qui oui été traitées amplement par lorsque l'on tient le livre de l'Evangile sur
ceux qui ont combattu les hérétiques, nous la tète de celui qui est ordonné. » Le Pape

ne les méprisons pas; mais aussi nous n'a- témoigne aussi sa joie de ce que cette élec-
vons pas besoin de les traiter il nous suffit ;
tion s'était faite du consentement unanime
d'avoir déclaré ce qu'on doit croire de la de l'empereur et des évêques, et dit qu'il
grâce de Dieu, conformément à ce que nous n'ignorait pas par quel chemin Maximien
en ont appris les écrits du Saint-Siège en ; était parvenu au faîte du sacerdoce, c'est-à-
sorte que nous ne croyons point catholique dire, par le suffrage des pauvres à qui il
tout sentiment qui paraitra être contraire avait donné tous ses biens. Comme saint Cé-
aux articles établis ci-dessus. lestin que Neslorius était re-
avait appris
^„ 21. Le pape saint Célestin ayant reçu à tourné à Antioche, où il pouvait faire beau-
jiig
Noël de l'an 431 les lettres de Constanti-
,
coup de maux, il presse les évêques d'obtenir
9s" nople qui lui donnaient avis de la condam- de Tempereur qu'il en soit chassé et relégué
nation de Neslorius et de l'élection de Maxi- dans quelque solitude; ce que Jean et Epic-
mien, les fit lire devant tout le peuple as- • tète jugeaient aussi être foi't à propos. Il
i^emblé dans l'église de Saint-Pierre. Cette passe aux complices de Neslorius, et dit qu'il
lecture causa aux assistants une extrême faut agir envers eux avec beaucoup de cir-
joie qui fut suivie d'acclamations et de
, conspection. se convertissent, ils ont,
S'ils
prières pour l'empereur. Le Pape qui avait ,
dit-il , de revenir, ce qui n'est pas
la liberté
dessein de renvoyer Jean et Epictète qui lui accordé à ceux qui ont été condamnés avec
avaient apporté ces lettres assez tôt pour re- les auteurs de l'hérésie qui doivent demeu-
,

tourner avant la fête de Pâques, se hâta d'ex- rer excommuniés et chassés de leurs sièges,
pédier les réponses dont il devait les char- quand même, par surprise, l'empereur les y
ger. Elles sont au nombre de quatre toutes , aurait rétablis. Le Pape parle en cet endroit

* Inierfuimus, nec nos dixerimus absentes, cum ejws copus cum ordinatur, duo episcopi ponant et teneant
capiti mystica dicereutur. Cœleritiû., Epist. 22
vert/a Evangetiorum librum super ceivicem ejus, et unus f'un-
ad Ephes. synod., pag. 1198. dat super eum henedicfioiem, et postea islas très orw
Dom Martène, tom. Il de Ânliq. Eccles. rit., rap- liones omnes episcopi qui adsunt recHare debent, reli"
porte d'un Pontifical de plus de neuf cents ans, le qui vero manus suas super caput ejus iangant.
rit de l'ordination d'un évèque en ces termes Epis- :
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
des pélagiens qui étaient reçus dans l'Eglise mal exécuté par les personnes qui en avaient
lorsqu'ils quittaient leur erreur, et il en ex- la charge.
cepte ceux qui avaient été condamnés en 23. La troisième lettre est à Maxiraien,
particulier par les signatures de tous les évêque de Constanlinople. Le Pape y con-
frères. Ce n'est pas qu'il voulût qu'on leur gratule cette Eglise sur le choix de son évê-
refusât absolument le retour à l'Eglise ni , que; puis, s'adressant à Maximien lui-même,
leur admission à la pénitence mais seule- , il l'exhorte de prendre le gouvernail du vais-

ment que l'on agit envers eux avec beau- seau qui lui était confié, et de le gouverner
coup de précaution, et que tandis que l'on de la manière qu'il avait appris de ses pré-
oti'rait aux autres de les recevoir même dans décesseurs. « Suivez, lui dit-il, les exemples
leurs degrés, et de leur rendre leurs Eglises, des Pontifes qui vous ont instruit et nourri
on se contentât d'accoi'der seulement aux la science du bienheureux Jean dans la pré-
chefs de l'hérésie le remède de la péni- dication de la parole de Dieu, la vigilance de
tence. Le Pape ajoute Quant à l'évèque
: <( saint Atticus contre les hérésies, et la simple
d'Antioche, s'il y a espérance de correction, pureté de Sisinnius, dont nous vous regar-
nous désirons que vous lui écriviez, que s'il dons le successeur. Ramassez les brebis dis-
n'est pas dans nos sentiments, et ne con- persées, et exercez votre bonté envers celles
damne par écrit la nouvelle hérésie, l'Eglise que le perturbateur Nestorius a dissipées ;

ordonnera de lui suivant qu'eUe y est obli-


, que la nouvelle impiété des pélagiens ne
gée par l'intérêt de la foi. » trouve point d'accès auprès de vous, et faites
22. Dans la seconde lettre, qui est adressée que, par votre vigilance, on résiste à l'erreur
Lettre de
Eainl Célestîn à l'empereur Théodose, le Pape loue son de Célestius condamnée par tout le monde
àl'limpereur,
en m, pag. zèle pour la défense de la foi, et témoigne à inaisdont les sectateurs faisaient de jour en
1203.
ce prince que par là il a rendu son règne, le jour de nouveaux efiorts pour se relever. »
règne de tous les siècles; qu'en conséquence 24. Le Pape se réjouit dans la quatrième,
de son amour pour la religion, on priait et on avec le clergé etlepeupledeConstantinople,
otirait dans toutes les Eglises pour sa pros- de ce que cette Eglise, après avoir remporté
périté. Il assure que le titre glorieux qu'il la victoire sur l'hérésie de Nestorius, avait
s'était fait en remportant la victoire sur l'hé- une seconde fois réuni ceux de ses enfants
résie,ne pourrait être eli'acé par le plus long que le diable avait dispersés, et dont il n'était
cours des années, parce que ce que l'on fait péri aucun, sinon le fils de perdition. Il donne
pour l'amour du Roi éternel, n'a point de fin. ensuite un précis de toute l'affaire de Nesto-
11 le loue aussi d'avoir procuré à l'Eglise de rius, marquant le péril où ils avaient été,
Constanlinople un pontife aussi digne que l'inquiétude qu'il en avait ressenti lui-même,
l'était Maximien , et il le reconnaît pour le zèle et les travaux de saint Cyrille, évêque
membre de l'Eghse romaine, soit qu'il n'en d'Alexandrie, soit pour réprimer ceux qui
eût jamais été séparé de communion, soit attaquaient la foi de l'Eglise, soit pour les
qu'il en efi'et Romain de naissance
fût ramener à la saine doctrine ; la sentence
comme son nom et les menées des Grecs le d'excommunication prononcée, tant de la
témoignent mais comme ce n'était point
: part du Saint-Siège que des autres évêques,
assez pour rendre l'état de l'Eglise tranquille, contre Nestorius, avec autant de maturité
de lui avoir donné un évêque d'un consente- que de lenteur, et, après avoir gardé envers
ment unanime, si l'on n'en éloignait ce qui lui les règles prescrites dans l'Evangile pour
pourrait le troubler à l'avenir, il prie ce la correction fraternelle, son opiniâtreté à ne
prince d'éloigner Nestorius, pour couper la vouloir point comparaître devant un concile
racine de l'hérésie et empêcher qu'elle ne qu'il avait lui-même demandé ce qui prou- ;

pousse de nouveau. Il lui témoigne avec vait bien qu'il était coupable, et qu'en vain
combien de joie ses lettres avaient été lues il a voulu éviter le jugement des hommes,
cji présence de tout le peuple romain, dans n'ayant pu éviter celui de Dieu, à qui le fond
l'église de l'apôtre saint Pierre; et parce que de son cœur était connu. Le Pape ajoute que
la cause des pauvres est liée avec celle de la Nestorius ayant été condamné par le concile,
foi, il lui recommande de maintenir la dispo- il n'est plus digne de pardon, à cause de son
sition que l'illustre dame Proba avait faite des opiniâtreté et de son orgueil, et qu'il ne mé-
terres qu'elle avait en Asie, en faveur des rite point la même indulgence que le bon
pauvres clercs et des monastères, ce qui était larron obtint, ne voulant point l'imiter dans
[iV* ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XIII. — SAINT CÉLESTIN, PAPE. 1-

la confession et le repentir de son crime. 11 Pape que de celle des évoques gaulois. Le
lui reproche d'avoir cherché du secours et de Pape ne s'en tint pas là; mais ayant ordonné
kl consolation dans les pclagiens coupables Pallade évêque des Ecossais, il trouva par là
des mêmes crimes que lui. Ensuite, après le moyen de purger non-seulement ces îles
avoir exhorté l'Eglise de Constantinople à de l'hérésie, mais encore d'y étendre la foi
écouter Maxiraien, a qui, leur dit-il, ne vous catholique. Tout cela se passa vers l'an 429
prêchera que l'ancienne doctrine qu'il a ap- ou 430; mais il ne nous reste rien des lettres
prise de nos prédécesseurs, étant parmi nous,» que le Pape écrivit en cette occasion, soit à
il le conjure de demeurer ferme dans la foi saint Germain, soit à Pallade.
et dans la pratique des bonnes œuvres. 27. Nous avons aussi perdu la lettre qu'il
I.ellra
Tuentius.
Voilà ce que nous trouvons touchant Nes- écrivit en réponse à celle qu'il avait reçue i

torius dans les lettres du pape Célestin.


* d'un évêque, nommé Tuentius, le même,
Nous avons perdu celle qu'il avait écrite en comme l'on croit, qui avait été ordonné par
réponse aux évèques qui lui avaient donné Proculus de Marseille, sous le pontificat du
avis de l'élection de Xestorius à la place de pape Zosime *. Cette lettre pouvait être de
Sisinnius, dans laquelle il leur disait que l'an 431. Ce qui avait engagé Tuentius à
l'on ne pouvait approuver que Ton eût pris consulter le Saint-Siège, était la dispute
un prêtre d'un autre Eglise pour le faire évê- élevée parmi lesprêtres de Marseille touchant
que de Constantinople, à moins que le mérite la grâce et le libre arbitre. Saint Célestin lui
de l'élu ne réparût le tort que l'on faisait à fit sur cette matière une réponse ^ très-am-
la discipline. Il en faut dire autant de la let- ple,où il prenait la défense des sentiments
tre de ces évêques, que nous ne connaissons de saint Augustin.
que par celle que le pape Célestin écrivit à 28. Socrate ^ marque plusieurs lettres de Lettre; sur
la translaiion
Nestorius le 11 août 430. saint Célestin « adressées , dit-il, à Jean des évêques,
attribuées à
25. Quelques années avant la condamna- d'Antioche, à saint Cyrille d'Alexandrie et à saint Cèles-
tÎD.
tion de ses erreurs Thérétique Célestius
, Rufus de Thessalonique, dans lesquelles ce
voulant appuyer les siennes, ou du moins les Pape décidait qu'il n'y avait point de diffi-
mettre à couvert par un décret du Saint-Siège, cultés à mettre dans une Eglise un évêque
vint à Rome demander audience, comme si nommé pour une autre, ou qui même en
l'on n'y eût jamais examiné son affaire mais ; gouvernait déjà une autre. » Cet historien dit
saint Célestin, fermement attaché à ce qui que ces lettres furent écrites après l'ordina-
avait été réglé touchant l'hérésie des péla- tion de Maximien et produites après sa mort,
giens par ses prédécesseurs, ne voulut pas lorsqu'il fut question de mettre en sa place
même l'écouter, et le fit chasser de toute 11- Proclus, évêque de Constantinople en
fait
taUe 2.
404, après l'avoir été de Cysique. Mais il y a.
26. ne s'intéressa pas moins à maintenir
Il bien de l'apparence que Socrate a été mal
la pureté de
la foi dans la Grande-Bretagne. informé, et que si, après la mort de Maximien,
Sachant qu'un nommé Agricola^ fils d'un l'on produisit des lettres sous le nom du pape
évêque pélagicn, nommé Sévérien, corrom- Célestin, qui autorisaient la translation des
pait les Eglises de ce pays-là en y semant évêques, c'étaient des lettres supposées. En
son hérésie, il y envoya d'abord le diacre efi'et, ce Pape mourut l'annéede l'or- même
Pallade; mais le mal, qui était fort grand, dination de Maximien, et Jean d'Antioche
demandant un plus puissant remède, et les ayant été séparé de la communion de l'Eglise
évêques de la Grande-Bretagne ayant invité six mois auparavant cette ordination, par
ceux des Gaules à venir promptement dé- sentence du concile d'Ephèse, confirmée par
fendre la foi catholique, le pape Célestin y ce Pape, quelle apparence y a-t-il qu'il lui
envoya saint Germain d'Auxerre comme son ait écrit des lettres qui ne pouvaient être re-
vicaire. Les évêques des Gaules lui donnèrent gardées que comme des marques de paix et
pour adjoint ^ saint Loup de Troyes; en sorte de communion ? car Jean d'Antioche demeura
que cette mission se fit, tant de la part du hors de la communion de l'Eglise jusqu'à la

' Cœlestinus, Epist. 13 ad Nestor., pag. 11, 15. ^ Super his rntilta jam dicta sunt eo tempore, quo
» Proaper, lib. contra Colla lorein, cap. xxi. ad fratris nostri Tuentii dedimus scripta responsum.
^ Prosper, lib. contra Collatorem, cap. xxi. Cœle^tinus, Epist. 21, uuui. 2.
' Zoàimus, Epist. 4, uum. 4 6 Sûcrat., lib. VII, cap. XL.
Vllj.
10
4G HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
mort de saint Célestin. Ces lettres, d'ailleurs, toutefois que la chose soitdevenue publique;
ne peuvent qu'être injurieuses à la mémoire mais ni l'un ni l'autre de ces décrets ne con-
de ce saint Pape, qui ne pouvait ignorer viennent au siècle de saint Célestin. On dé-
que les canons de Nicée et de Sardique, de posait alors les évêques ou les prêtres cou-
même que les décrets de Jules, de Damase pables de quelques crimes; mais on ne leur
et Sirice, ses prédécesseurs, défendaient en imposait point de pénitence publique de
termes exprès qu'un évêque fût transféré plusieurs années. C'était encore moins l'u-
d'une Eglise qu'il gouvernait, à une autre. sage d'expier ses fautes par de longs pèleri-
zèiedesiint 29. Il j Si beaucoup plus de vraisemblance nages; cette discipline était beaucoup plus
fre Tes Nova- daus cc quB dit le même historien *, que ce du goût du siècle où vivait le pape Céles-
""^'
saintPape dépouilla les novatiens de plusieurs tin m, c'est-à-dire du douzième siècle,
Eglises qu'ils avaient dans Ptome, où ils que du cinquième. Le dernier décret qu'on
étaient suivis de beaucoup de peuple et , lui attribue, porte que la seconde femme
qu'il réduisit Rusticule, leur évêque, à tenir qu'un homme aura épousée du vivant de sa
secrètement ses assemblées dans des maisons première, contre la défense de l'Eglise, ne
particulières. 11 ne dit point en quel temps pourra être sa femme, quand bien même il
cela se fît, et il avait dit un peu auparavant n'aurait pasépousé légitimement la première.
que le pape Innocent s'était déjà déclare ou- Ce décret, daus les Décrétâtes de Grégoire IX,
vertement contre ces hérétiques, et qu'il leur est attribué à Clément III.
avait ôté plusieurs Eglises. 31.Le pape Célestin mourut le sixième Mon du

Décrets at-
30. Il cst marqué dans le Lme pontifical d'avril ^ de l'an 432 après avoir tenu le
, fe'Jirn'.'tôml

cél'e"s'tin.^''°'
tpe saint Célestin ordonna que l'on chante- Saint-Siège neuf ans dix mois et dix-sept pfé^ii""''

rait des psaumes avant le sacrifice, comme jours il fut


; enterré dans le cimetière de
s'il n'avait été d'usage que de hre les Epltres Priscilia, où il avait fait peindre l'histoire du
de saint Paul et le saint Evangile. Nous avons concile d'Ephèse, ainsi que le dit Adrien I".
toutefois un grand nombre d'homéhes et de Son épitaphe, qui paraît ancienne et origi-
discours, par lesquels nous voyons que des nale, nous le présente comme un excellent
évêques beaucoup plus anciens que Célestin, évêque, révéré de tout son peuple et jouis-
expliquaient au peuple assemblé pour la cé- sant,pour la sainteté de sa vie, de la vue de
lébration des saints mystères, non-seulement Jésus-Christ et des honneurs éternels dus
l'Evangile et les Epltres de saint Paul, mais aux saints. Ses lettres sont d'un style serré
encore les psaumes qui avaient été lus ou et pressant; mais ce n'est pas ce qui les rend
récités un peu auparavant. On cite de ce obscures embarrassées en quelques eu-
et
Pape quatre autres décrets, dont le premier droits; ce défaut vient de ce que nous ne les
porte qu'aucun primat, ni métropolitain, ni avons pas dans leur pureté originale, et de
évêque n'entreprendra sur la ville d'un au- ce que ceux qui les ont recueillies ont eu
tre. Le second porte qu'un prêtre qui aura quelquefois recours aux traductions qui en
commis le péché de fornication avec sa fille ont été faites en Orient.
spirituelle, sera déposé et renfermé dans un 32. [Toutes les pièces relatives à saint Cé-
monastère, après avoir fait pénitence, en lestin se lisent au tome L de la Patrologie de
voyageant pendant douze ans. Quant à celle M. Migne. On y trouve 1" une notice d'Anas-
qui se sera rendue coupable de ce crime, il est tase, 2" une notice de Galland, 3° une notice
ordonné que si elle est laïque, elle abandon- de Schœnemann, 4" des lettres au nombre
nera tous ses biens, les donnera aux pauvres, de vingt, et des décrets d'après Constant,
et finira ses jours dans le monastère. Le 5° un appendice où l'on donne une notice sur

troisième prescrit à peu près la même peine les écrits qui ont rapport au pape Célestin et
contre l'évêque ou le prêtre qui aura commis sur les décrets qui lui sont attribués.]
le même crime avec sa pénitente, supposé

' Socrat., lib. VII, cap. ix et X. ' Bollandui, ad diem G aprilis, pag. 547.
fiv« ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — JEAN CASSIEN DE MARSEILLE. 147

CH.APlTRi: XIV.

Jean Cassien, prêtre et abbé de Marseille.

[Apiùs l'au 43-2 ou 433.]

ARTICLE I.
tellement remplie de ces fantômes, que mon
âme ne peut s'élever à Dieu, ni lesbannir de soi
1. Jean, surnommé Cassien ', naquit dans par les larmes qu'elle verse tous les jours. »

la petite Scythic -, l'une des provinces de la 2. Des qu'il eut embrassé la vie solitaire, " " "
., ,. ..r, „ „ , .
' Egyple 'ers
Tliracc ^, ou en 360
vers l'an 3cO au plus tôt, il lia amitie * avec un nomme Germam, qui la^sao-

au plus tard, puisqu'en 390 il avait déjà em- était du même


pays, et, ce semble, son pa-
brassé la vie des anachorètes dans l'Egypte, rent. union fut toujours depuis si
Celte
après avoir été formé à la vertu dans le mo- étroite, que tous ceux qui en avaient con-
nastère de Bethléem. Ses parents qui vivaient naissance^ disaient ordinairement qu'ils n'é-
dans une grande piété, lui en inspirèrent de taient qu'une âme et deux corps. Le désir de
bonne heure les sentiments, et il y fut encore faire de nouveaux progrès dans la vertu leur

porté par les exhortations * et les exemples fit naître le désir d'aller '" en Egypte et de

des moines de la Palestine et de l'Egypte, pénétrer jusque dans les déserts les plus re-
parmi lesquels il fut élevé dès son enfance. culés de la Thébaïde, autant pour connaître
Ce l'ut dans le monastère de Syrie c'est-à- '^,
des hommes qui s'y rendaient célèbres par
dire dans celui de Bethléem, qu'il en reçut leur sainteté, que pour apprendre "d'eux les
les premières instructions, et il commença à manières de la vie solitaire, et pratiquer eux-
faire du progrès dans la vertu. Il y demeura mêmes ce qu'ils avaient appris. Ils partirent '-

pendant^ un an avec un nommé Possidoine, donc de Syrie par mer, et abordèrent à Ten-
et ce fut apparemment après s'y être instruit nèse, ville située presque à l'extrémité de
dans la piété, qu'il s'appliqua à l'étude des l'Egypte, à seize lieues d'Ostracine. Arque-
lettres humaines; mais cela n'est pas certain. bus, évêque de Panephise, qui avait été pen-
Il se plaignait depuis^ que ces connaissances dant trente-sept ans solitaire, et qui se trou-
formaient des obstacles à son salut. « La lec- vait alors à Tennèse pour l'élection d'un
ture continuelle, dit-il, des auteurs profanes évêque, les reçut, et sachant qu'ils avaient
que nos maîtres nous ont tant pressés de faire dessein de pénétrer plus avant dans l'Egypte,
autrefois, a tellement rempli mon esprit, les conduisit chez lui à Panephise, et de là
qu'étant infecté et possédé de ces poésies, il chez les anachorètes Quérémon, Nestéros et
ne s'occupe que de fables, que de combats Joseph. Dès la première '^ conférence qu'ils
et des autres niaiseries dont je me suis en- eurent avec ce dernier, ils conçurent qu'ils
tretenu dans ma jeunesse. C'est pourquoi, avaient besoin non-seulement des instruc-
lorsque je suis occupé à la prière, ou que je tions de ces Pères,mais aussi de passer un
chante des psaumes, ou que je gémis devant temps considérable avec eux ils en étaient ;

Dieu, pour mes oûenses, tantôt des vers d'un empêchés par la promesse qu'ils avaient faite
poète me reviennent dans l'esprit, ou les de retourner au plus tôt à Bethléem mais, ;

images des combats de ces héros fabuleux de l'avis de Joseph, ils résolurent de rester
se pi'ésentent à moi, et mon imagination est en Egypte, et y demeurèrent en efiet sept

» Prosper, ad ann. 434, et Collât. XIV, cap. ix. 8 Cassian., Collât. I, cap. i, et Collât. XVI, cap. i,
*Geuuad., de Script. Eccles., cap. LXI. et Collât. XXIV, cap. i.
2 Les auteurs de la France littéraire
font naître 9 Cassiau., Collât. XVI, cap. i, et Coll. 1, cap. i.
Cassien à Marseille. {L'éditeur.) 10 Collât. XI, cap. i.
* Ca8sian.,Co//o<. XVII,
cap. ^1I, el Collât. XI, cap. I. 1' Cassian., Instit., lib. V, cap. xxiv.
Udem, Collât. XI, cap. v, et Instit.. lib. V, '2 Collât. XI, cap. i, ii, m.
cap. xxni. 13 Collât. XVII, cap. ii, m, iv,v, vi,vii, \iii, xxxi,
^ Pallad., Hist. Lausiaca, cap.
Lxxvn. et XX.
' Collât. XIV, cap. xn.
i' HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ans. Pendant ce temps ils visitèrent les mo- qu'ils n'en avaient eue jusque-là. Pendant
nastères de Scété '
et de Diolque ^. Ils virent qu'ils étaient à Scété, ils reçurent plusieurs

dans le monastère de Paul, qui était dans le lettres ^ des moines de Bethléem, qui les
canton de Diolque, un saint vieillard nommé pressaient d'y revenir, suivant qu'ils l'avaient
Jean, qui, par une conduite assez extraordi- promis mais Germain et Cassien qui s'étaient
;

naire 3, avait quitté la vie érémilique pour résolus de demeurer en Egypte^ leur écrivi-
embrasser celle des cénobites mais ni ses ; rent plusieurs fois pour se justifier de ce
discours ni son exemple ne purent les faire qu'ils ne s'en retournaient pas toutefois, au :

changer du dessein que les exhortations de bout de sept ans, ils crurent devoir accomplir
Piammon et la vue des autres anachorètes
•*
leur promesse et s'en retourner à Bethléem,
de ce désert, leur avaient fait naître d'y vivre C'était vers 397. La même année, Cassien re-
avec eux. L'un d'entre eux, accoutumé de vint à Scété, où il demeura jusque vers 400.
céder sa cellule à ceux qui venaient demeu- 3. Il était en 404 à Constantinople, où il
rer à Diolque, les pria d'accepter celle où il eut saint Chrysostôme pour maître, et reçut
demeurait, avec tous les meubles et toutes de lui l'imposition '^ des mains pour le dia-
les choses dont elle était garnie. Ils l'accep- conat. Ce saint évêque l'avait apparemment
tèrent et commencèrent à suivre les exercices chargé de la garde " du trésor et des vases
de la vie érémilique sous l'abbé Piammon. sacrés de l'éghse, puisque ce trésor ayant
A l'exemple de ces solitaires, Germain et été conservé dans Tembrasement qui consuma
Cassien ^ gagnaient leur vie par le travail de l'église de Constantinople, le jour même que
leurs mains; ils allaient nu-pieds, vêtus d'une saint Chrysostôme en fut chassé, c'est-à-dire
manière si pauvre, qu'ils n'auraient pas osé le 20 juin 404, Cassien en fit un inventaire
se montrer en cet état devant leurs parents. authentique, qu'il porta à Rome en 403, lors-
Ils ne furent pas longtemps dans cette soli- qu'il y alla porter '^ les lettres que tout le
tude sans être tentés ^ du désir de retourner clergé de Constantinople écrivait au pape
dans leur pays, autant pour se délivrer de la Innocent, sur l'exil de saint Chrysostôme.
peine qu'ils avaient de pourvoir à leurs be- 4. On ne sait pas ce que Cassien devint
soins, que dans Tespérance qu'ils avaient de depuis mais si c'est le même Cassien qui, en
:

procurer le salut à beaucoup de personnes, 414 ou 41n, travaillait à Rome à réunir celte
soit par leurs exemples, soit par leurs dis- Eglise avec celle d'Antioche, il faudra dire
cours. Ils se persuadèrent aussi qu'ils y pour- qu'il était venu à Antioche peu de temps au-
raient mener une vie plus tranquille et plus paravant, d'où il avait ensuite porté à Rome
retirée que dans le désert, où la visite des les sentiments de l'évêque Alexandre sur
frères les obligeait souvent de violer la règle cette réunion. On croit même qu'il fut fait
de vie qu'ils s'étaient prescrite. L'abbé Abra- prêtre à Rome, quoique Gennade '^ semble
ham, à qui ils découvrirent leurs peines, les dire que ce fut à Marseille. Ce fut eu effet
convainquit qu'elles ne venaient que de ce dans cette ville que Cassien passa les der-
qu'ils n'avaient pas encore assez mortifié leur nières années de sa vie, et il était ordonné
chair, et de la tentation du démon. Après par les canons que les clercs ne quitteraient
avoir vu dans le désert de Diolque, ceux qui point le lieu où ils avaient été reçus dans le
y étaient en plus grande réputation de sain- ministère. On voit '* même qu'à Rome on
teté, ils passèrent à Scété, qui était le séjour ^ l'appelait prêtre des Gaules. Cassien fonda à
des plus sages des Pères des déserts, et des Marseille deux monastères, l'un d'hommes
plus parfaits de tous les moines. Ils y vécu- et l'autre defilles, à qui il donna des règles

rent avec beaucoup d'austérité, mangeant à de vie. Il est parlé de celle qu'il avait étabhe
peine par jour deux petits pains chacun de pour les hommes dans la lettre que Castor '^,
six onces, et acquirent * sous la conduite de évêque d'Apt, lui écrivit^ et qui est rapportée
plusieurs saints abbés de ce désert, une à la tête de ses œuvres.
connaissance plus entière de la vie solitaire 3. Les écrits que Cassien publia vers

< Collât. XX, cap. xi. — 2 Collai. XYIII, cap. 1.


'0 Cassian., Institut., lib. II, cap. xvu.
3 Collât. XIX, cap. 11.
»» Pallad., in Dialogo, pag. 27,92.
* Insiit., lib. V, cap. xxxvii. — ° Collât. IV, cap. X. 1^ Sozomen., lib. VIII, cap. xxvi.
6 Collât. IV, cap. i, 11 et xvin.
'3 Genuad., de Script. Ecoles, cap. LXi.
ï
Collât, l, cap. I. — 8 Collât. XIX, cap. xvii. •i Concil. tom. IIl, pag. (163.
9 Colltit. XVII, cap. XXXI. '5 Cassian., pag. 1.
fiv ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — JE AN CASSIEN DE MARSEILLE. 149

l'an 426, causèrent du trouble dans l'Eglise, 7. Cassien vivait encore en 432, ou même Mort de
Tassien. après
parce qu'ils favorisaient l'hérésie des péla- en 433, suivant la C/wonique de saint Pros- l'an 432 ou
433.
giens condamnée quelques années aupara- per 3. Mais depuis, il n'en est fait aucune
vant, tant en Occident qu'en Orient. Il pré- mention dans l'histoire. Gennade met sa
tendait que plusieurs venaient à la grâce mort sous Théodose et Valenlinien, sans en
sans la grâce, et que l'homme peut quelque- fixer l'année, c'est-à-dire entre 425 et 430.
foisde lui-même se porter à la vertu. Plu- Cassien est honoré comme
dans quel- saint *

sieurs d'entre les serviteurs de Dieu qui ques églises, en particulier dans celle de
étaient à Marseille, entrèrent dans ses senti- l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, où l'on
ments au lieu d'en changer par la lecture
; expose sa tête et son bras droit sur l'autel,
du livre de la Correction et de la grâce que dans une châsse que fit faire le pape Urbain V,
l'on apporta l'année suivante dans les Gaules, Le reste de son corps est dans une chapelle
ils en devinrent plus ennemis de la vérité souterraine de la même église, dans un tom-
qu'auparavant. Prosper et Hilaire en donnè- beau de marbre.
rent avis à saint Augustin en 428 ou 429 qui,
pour satisfaire aux difficultés des Marseillais, ARTICLE IL

écrivit ses deux livres de la Prédestination DES ÉCRITS DE CASSIEN.


des saints et du Don de la Persévérance,
L'histoire ne nous apprend pas comment ces §1-
deux livres furent reçus à Marseille. Mais on Ses Institutions monastiques.
sait qu'ils n'apaisèrent point le trouble que
Cassien y avait excité. 1 . Castor, évêque d'Apt, ayant établi vers n cor.t des
institutions a
G. Comme il était très-savant dans la théo- l'an 420, un monastère dans le voisinage de la prière de
Castor, vers
logie, et qu'il possédait parfaitement la lan- sa ville épiscopale songea à , donner aux l'an 420;elle3
sont divisées

gue grecque, saint Léon, alors archidiacre, moines qu'il y avait assemblés une règle de en douze li-
Tres.

et depuis évêque de Rome, le chargea de * vie uniforme et constante. Mais comme il n'y
défendre la doctrine catholique contre la avait point d'autres monastères dans sa pro-
nouvelle hérésie de Nestorius. On croit-que vince sur lesquels il put se régler pour la
la xTje de saint Léon fut de faire voir aux conduite du sien, il s'adressa à Cassien ^, et le
Orientaux que quoiqu'il y eût du rapport
,
pria avec beaucoup d'humifité, de vouloir lui
entre les erreurs de Nestorius et celles de donner par écrit le genre de vie et la disci-
Pelage, toutefois le même, qui ne s'éloignait pline qu'il avait vu pratiquer aux moines de
pas tout-à-fait de Pelage dans l'Occident, ne la Palestine et de l'Egypte, et qu'il faisait
laissait pas d'être entièrement opposé à Nes- lui-même observer dans son monastère de
torius. Cassien suppose toujours dans écrit 1 Marseille. Cassien, qui connaissait la vertu de
qu'il composa en cette occasion, que Nesto- Castor, et qui le regardait comme un modèle
rins présidait à l'Eglise de Constantinople de piété et d'humilité, eut beaucoup de peine
comme évêque, d'où l'on doit inférer qu'il à faire ce qu'il demandait de lui, disant qu'il
l'acheva avant qu'il eût été déposé dans le pouvait non-seulement par ses discours ap-
concile d'Ephèse, et même avant la tenue du prendre le chemin de la perfection à ceux
concile dont il ne parle en aucun endroit. qui avaient recours à lui, mais que l'exemple
C'était donc avant l'an 431, et apparemment de sa vie suffisait encore pour cela. Il ajou-
aussitôt après la lettre que saint Célestin tait que la sienne n'était point assez pure
écrivit à Neslorius, en date du 11 août 430, pour en prescrire une aux autres, et qu'étant
par laquelle il le menaçait de se séparer en- fort jeune lorsqu'il avait appris et commencé
tièrement de sa communion, si, dix jours à pratiquer les exercices de la vie monasti-
après avoir reçu sa lettre, il ne rétractait ses que, il aurait peine à se ressouvenir de tout
erreurs d'où vient que Cassien traite quel-
: ce qu'il avait vu, ces sortes de choses ne
quefois Nestorius d'hérétique, d'impie, d'im- pouvant bien être enseignées que lorsqu'on
pudent, et de nouvel ennemi de la foi. les a pratiquées avec exactitude. 11 s'en excu-

• Gennad., de Scrip. Eccles., cap. lxi. * Jean. Guesnay, Cassian. Illustrât. paj 293, 298
,
' Baron. ad ann. 430 , § 91 , et Vossius
, , Hist. et 303.
Pelag., lib. I, cap. vu. * Cassian., pag. 1 et 2.
' Prosper, ad anu. 433.
iSO HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
sait aussi sur ce qu'il ne se sentait pas assez non pas à satisfaire sa vanité ou à nourrir
de talent pour bien coucher par écrit ce que son orgueil; qu'ils soient tellement vils,

Castor lui demandait, et sur ce que l'on avait dans leur couleur ni
qu'ils n'aient rien ni

déjà plusieurs écrits sur cette matière; sa- dans la nouveauté de leur forme, qui les
voir, de saint Basile, de saint Jérôme et de fasse remarquer parmi les personnes de la
plusieurs autres. Le désir néanmoins d'obéir même profession; qu'on n'y recherche point
à ce saint évêque, l'emporta sur toutes ces une srJeté et une bassesse trop étudiées, et
difficultés,dans l'espérance qu'il ne désagrée- qu'ils puissent être, sans scandale, destinés

rait pas son travail, et que les frères de son pour toujours à l'usage commun de tous les
monastère auraient assez de charité pour serviteurs de Dieu. Il n'approuve point que Cap. 17.

excuser les fautes qu'il pourrait commettre l'habit de dessus soit fait de poil de bouc ou

dans cet écrit. Il avertit Castor qu'il n'y dira de chameau, parce qu'il pourrait être une
rien des miracles des moines d'Egypte, quoi- occasion de vanité, et ôter la liberté de tra-
qu'il en eût ouï raconter un grand nombre, vailler; mais il trouve à propos que celui de

et qu'il en eût même* vu de ses yeux, son dessous en soit, pour mortifier la chair. Les
dessein n'étant pas de rapporter les mer- moines d'Egypte portaient un capuchon qui
veilles de Dieu, mais les maximes de morale leur descendait de la tête sûr le haut des
qu'il avait apprises des anciens, surtout les épaules, et ne le quittaient ni jour ni nuit;
règles de là perfection qui renfermaient l'o- ils portaient aussi de petites tuniques de
rigine, les causes des vices principaux et la lin, dont les manches ne descendaient que

manière de les corriger et de les guérir. Mais jusqu'aux coudes. Ils, avaient deux bandes
en représentant quels étaient les instituts et de laine, qui, descendant du haut des épau-
les règles des monastères de l'Orient, il crut les, se séparaient, et venaient se joindre sur

devoir, suivant le désir de Casior, tempérer la poitrine en serrant l'habit et le pressant

par la pratique de ceux de la Palestine et de sur le corps, afin qu'ils eussent les bras li-
la Mésopotamie, ce que ceux d'Egypte pou- bres, pour s'appliquer plus aisément et avec
vaient avoir de trop austère et de trop diffi- plus d'agilité à toutes sortes d'ouvrages.
cile pour les Gaulois, et corriger ce que ceux Cassien marque en passant le nom que les
'

qui avaient établi les monastères des Gaulois, Grecs donnaient à ces sortes de bandes, d'où
avaient retranché ou ajouté aux pratiques quelques-uns ont inféré qu'il n'était pas Grec
des Orientaux, qui, étant les plus anciens et d'origine, mais Latin conséquence qui n'est
:

dès le commencement de la prédication de pas nécessaire, puisqu'écrivant pour les La-


l'Evangile dans ces cantons, devaient servir tins et en latin, il pouvait se mettre parmi les

de règle à ceux qui étaient encore tout nou- Latins. Le manteau de ces moines était étroit,
veaux. L'ouvrage de Cassien est distribué et d'une matière fort grossière ils s'en cou- ;

en douze livres sous le titre d'Institutions vraient le col et les épaules; ils avaient avec
monastiques. cela une robe de peau de chèvre ou de bre-
2. Dans le premier livre, il parle des ha- marchaient ordinairement nu -pieds,
bis, et
Analyse du
premier livre, bits des moines, et, commençant par la cein- tenant un bâton en main mais dans les :

pag. ô édil.
P.iris.,
'
ann.
»>"• ture, il dit qu'il faut qu'un religieux, comme grands froids ou dans les grandes cjialeurs,
16i2.
étant le soldat de Jésus-Christ toujours pré- et lorsqu'ils étaient infirmes, ils se servaient
paré au combat, ait continuellement les reins de sandales ,
qu'ils quittaient ^ lorsqu'ils
ceints, sur quoi il rapporte divers exemples célébraient les saints mystères, ou qu'ils les
Cap. II. de l'Ancien et du Nouveau Testament, où recevaient, croyant devoir garder à la lettre
l'on voit les prophètes et les apôtres porter ce qui fut dit à Moïse et à Josué : Otez vos
des ceintures sur leurs reins. A l'égard des souliers, parce que le lieu oh vous êtes est une
habits, il veut qu'on n'y cherche qu'à se teri'e sainte.

couvrir simplement le corps, qu'à cacher sa 3. Cassien marque dans le second livre
III. nudité et à se défendre contre le froid, et l'ordre des prières du jour et de la nuit; l'u-

1 Gestant etiam resticulas duplices, laneo plexas sub sacrosaricta mysteria, illud œstimantes etiam secundum
lifteram custodiri debere, quod diciiur ad Moisen vel
tegmiuc , quas Grœci auabolas,
nos vero succinctoria
possurnus appellare. Cassian., lib. I Jnstit., cap. vi. ad Jesum filium Nave : Solve corrigiam calcea-
2 Nequaquam tamen pedibus caligas inhœrere per- meuli tui; locus euim in quo stas, terra sancta est.
mittunt, cum accédant ad celcbranda seu percipienda
[IV* ET V^ SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. loi

sage n'en uniforme partout il y


était point : psaumes, suivant le nombre qui avait été
en avait qui se faisaient une loi de chanter marqué par un ange, aux anciens Pères.*
chaque nuit vingt psaumes, d'autres trente, Tous les moines ne chantaient pas ensemble;
en les faisant précéder d'une antienne *; mais seulement un d'entre eux, se levant au
d'autres en chantaient un plus grand nom- milieu des frères, lisait ou chantait ces psau-
bre; quelques-uns se bornaient à dix-huit, mes à haute voix, ce qui se faisait de ma-
et il y avait en cela presqu'autant de coutu- nière qu'un seul ne les chantait pas tous, de
mes différentes que de monastères. Il n'y peur qu'il ne succombât, mais ils se succé-

avait pas moins de variété dans les offices du daient les uns aux aures, trois ou quatre au
jour, c'est-à-dire de tierce, de sexte et de plus. Le nombre de douze se partageait Cap. XI.

none. Quelques-uns proportionnaient le nom- même de façon que s'il n'y avait que deux X et zil.

bre des psaumes qu'ils devaient chanter en voix qui pussent les chanter, ils en chan-
ces heures-là à celui qui est marqué par taient chacun six; s'ils étaient trois, ils en
l'heure même; en sorte qu'à tierce ils en di- chantaient chacun quatre, ou enfin trois s'ils
saient trois, six à sexte, et neuf à none; étaient quatre. Pendant ce temps-là, tous
mais d'autres en disaient six à chaque heure étaient en silence assis à terre et extrême-
du jour. Cassien ne dit rien ici de l'heure de ment attentifs à toutes les paroles du psaume,
prime, parce qu'apparemment elle n'était et psalmodiant d'esprit, mais non de la voix
point établie alors parmi les Orientaux, ou avec le chantre qui était debout; quand le
parce qu'on la joignait avec les laudes et psaume était long, on ne le chantait pas do
tout l'office du matin. Il remarque que l'uni- suite et d'un seul trait jusqu'à la fin ; mais
formité était beaucoup plus grande à l'égard après dix ou douze versets, on faisait une
des heures de lu prière dans toute l'Egypte pause, pendant laquelle les frères faisaient
et la Thébaïde, parce que les monastères y une courte prière, ou méditaient sur ce que
étaient gouvernés par des règles stables, qui l'on avait chanté.Ce n'était point l'usage en
venaient de la tradition des anciens; on n'y Egypte comme dans les Gaules, de finir le
accordait à personne la première place, psaume par le verset qui commence ainsi :

qu'auparavant il n'eiît renoncé, non-seule- Gloire au Père et au Fils, et au Saint-Esprit,


ment à ses biens et à ses richesses, mais en- etc., mais on par une autre courte
le finissait

core au domaine de lui-même qu'il ne fût;


prière, et après la fin du douzième psaume,
disposé à obéir à tous ceux qui composaient on répondait Alléluia. Les douze psaumes
la communauté, et même au plus jeune; finis, on lisait deux leçons, l'une de l'An-
qu'il ne se fût accoutumé à travailler de ses cien, l'autre du Nouveau Testament, excepté
mains pour avoir de quoi vivre et fournir soit les jours de samedi et de dimanche, où ou
à ses besoins, soit à ceux des étrangers. De les prenait toutes les deux du Nouveau Tes-
celte manière, on ne choisissait personne tament, savoir une des épîties de saint
:

pour gouverner le monastère, qui n'eût ap- Paul ou des Actes des Apôtres, et l'autre des
pris, en obéissant, la manière dont il fallait Evangiles. Après cela, tous les moines se
commander aux autres, et ces précautions mettaient à genoux pour adorer Dieu et lui
dans empêchaient
l'élection d'un supérieur, rendre grâces; puis, se levant aussitôt, l'abbé
les variétés et les changements dans la dis- ou le prêtre qui présidait à l'assemblée, ter-
cipline, qui ne manquaient pas d'arriver sous minait l'office par une prière publique, dans
le gouvernement de ceux qui étaient choisis laquelle il offrait à Dieu les vœux de tous,
abbés des monastères avant qu'ils y eussent qui ensuite retournaient chacun dans leurs
été formés sous la conduite des anciens. cellules. Quand ils sortaient de l'office de la
Après cette digression, Cassien marque l'or- nuit, ils ne se recouchaient plus, mais ou ils
dre des prières du soir et de la nuit, tel qu'il priaient, ou ils travaillaient des mains jus-
était observé dans les monastères d'Egypte et qu'au jour, ou ils s'occupaient à d'autres
de la Thébaïde. Les moines s'assemblaient travaux. Il n'était permis à personne de
deux fois le jour dans l'oratoire, savoir le : s'entretenir avec un autre, ni même de sor-
soir et vers le miheu de la nuit. Dans cha- tir de sa cellule, ou de quitter l'ouvrage au-
cune de ces assemblées, on chantait douze quel ou l'appliquait ordinairement, si ce n'é-

* Quidam enim vicenos seu tricenos psalmos, et hos quarumdam modulationum debere dici singulis nocti-
ipsos antiphonarum prolelatos melodiis et adjunctione bus censuerunt. Cassian., lib. II, cap. li.
152 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tait pour se rendre h l'office, ce qu'ils fai- tulion était d'obvier à la paresse de ceux qui, ub. m
cap. XV. saient en silence. que quelqu'un
S'il arrivait après les prières de dormaient jus-
la nuit,
fût suspens de la prière pour quelque faute,
'
qu'à tierce, ce qui leur était défendu, et de "-

*"• il n'était permis à personne de prier avec raai-quer le commencement du travail de la


lui avant qu'il en eût fait pénitence et que journée. Il remarque que l'institution de
l'abbé lui en eût accordé publiquement le cette heure, qu'il appelle ordinairement so-
pardon, en présence de tous les frères. lennité matutinole et que nous appelons
,

L'heure de s'assembler la nuit était telle- prime, pour la distinguer des laudes, ne
XVII. ment réglée, qu'il n'était point permis à ce- changea rien dans les offices de la nuit pour f-

lui qui était chargé d'éveiller les frères, de le nombre et l'ordre des psaumes. S'il arri- t"-

la changer; il devait, au contraire, donner vait qu'un moine ne se trouvât point aux
tous ses soins pour qu'ils se levassent tou- heures de tierce, de sexte et de none, avant
jours à la même heure, et se régler pour la fin du premier psaume, il ne lui était pas
cela sur le cours des astres. Depuis le soir permis d'entrer dans l'oratoire, ni de se mê-
xTui. du samedi au dimanche, ils ne se mettaient ler avec ceux qui psalmodiaient; mais il de-
point à genoux, non plus que pendant la vait rester debout au deliors, jusqu'à ce que,
cinquantaine de Pâques, et ils ne jeûnaient tous sortant de l'oratoire, il demandât et
pas en ces jours-là. obtînt, prosterné, le pardon de sa négli-

. , ,
4. On voit dans le troisième livre l'ordre gence mais, diins les assemblées de la nuit,
: vm.
ADaivsc nu
iroisume li- (Jes Drlères
'^
que
* les autres mornes orientaux, on n'imposait cette pénitence qu'à ceux qui
vre, pag. 38.
c'est-à-dire de la Palestine et de la Mésopo- n'arrivaient pas avant la fin du second
cap. I. tamie, faisaient pendant tout le jour; car il psaume. Comme c'était l'ordinaire de fêter
II. y avait entre eux et ceux d'Egypte cette dif- le samedi dans les Eglises d'Orient, l'office

férence, que les Egyptiens ne s'assemblaient de nuit en ce jour-là comme en celui du di-
que pour les offices de vêpres et de la nuit, manche, était beaucoup plus solennel et plus
au lieu que les moines de la Palestine s'as- long, en sorte que les moines passaient pres-
semblaient aussi pour les offices de tierce, que toute la nuit sans dormir, occupés soit

de sexte et de none; ils chantaient ou réci- de prières particulières, soit des offices noc-
III. talent à chacun de ces trois offices du jour, turnes et canoniques. Ils ne s'accordaient
trois psaumes. Cassien rend raison de l'ins- que deux heures sur la fin de la nuit pour
titution des offices en ces heures-là, disant prendre du repos jusqu'à l'aurore, où ils s'as-
qu'on avait choisi l'heure de tierce, à cause semblaient pour chanter les laudes. Pour
de la descente du Saint-Esprit; celle de empêcher l'ennui qu'aurait pu causer la lon-
sexte, à cause de la passion de Notre-Sei- gueur de l'office en ces jours-là, on en va-
gneur, et celle de none, à cause de sa des- riait les prières. En premier lieu, on chan-

cente aux enfers en ces heures-là. Il trouve tait trois antiennes ou cantiques à peu près

les lieures des autres offices marquées dans comme nous avons coutume de chanter l'in-
l'Ancien Testament, où il est parlé des sa- vitatoire avec le psaume XCIV^ Pendant ce
crifices que l'on offrait chaque jour dans les temps-là, ceux qui chantaient étaient debout.
Lib. ri, temps marqués le soir et le matin. Les moi- En second lieu, tous s'étant assis à terre ou
cap.i.etxiv.
j^gg d'Egypte récitaient aussi chaque jour sur des bancs, chantaient trois psaumes,
ils

les offices de tierce, de sexte et de none, après qu'un de l'assemblée les avait com-
mais en particulier et dans leur cellule, ré- mencés; ensuite on lisait trois leçons, qui
citant en chacune de ces heures -là trois devaient être ou extrêmement longues ou
psaumes avec une oraison, à laquelle ils joi- récitées avec beaucoup de lenteur et de gra-
gnaient d'autres prières, afin de s'occuper vité, pour remplir une grande partie de la
jusqu'à l'assemblée du soir. Quant à l'office nuit. L'office du samedi commençait dès le
de prime, il était déjà en usage dans l'Occi- soir du vendredi, et quoique les moines eus-
dent, au siècle de Cassien, qui témoigne sent coutume de jeûner jusqu'au soir les
commencé dans son mo-
qu'il l'avait aussi autres jours de la semaine, cependant le sa-
nastère de Bethléem. La raison de son insti- medi ils ne jeûnaient point, non plus que le

1 Sanesi quis pro admisso quolibet delicto fueritab reconciliaiio ejus , et admissi venia coram fratribus
oratione suspensus. nulluscum coorandi prorsus habet cunctis, publiée fuerit ab abbate concessa. Gap. .\vi.
licentiam , antequam submissa in terram pœnitentia
flVET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 153

jour du dimanche, suivant en cela la coutume vivaient dans une obéissance parfaite, et la Cap. I.

des Eglises d'Orient qui, sur une ancienne plupart persévéraient dans cet état jusqu'à
tradition, ne jeûnaient point en ces deux une extrême vieillesse. Lorsque quelqu'un
jours, même pendant le carême. Ce n'était postulait pour être reçu dans le monastère,
pas la même chose dans l'Eglise romaine ; on ne lui en permettait point l'entrée, qu'il
on y jeûnait le samedi ou du moins l'on n'eût demeuré durant dix jours, ou davan-
s'abstenait de manger de la viande. Quel- tage, couché à la porte, pour y donner en
ques anciens ont cru que c'était parce que même temps des marques certaines de sa
saint Pierre avait jeûné ce jour-là, devant persévérance et de son désir, aussi bien que
le lendemain combattre contre Simon le de son humilité et de sa patience. Il se pros-
Magicien mais Cassien trop prévenu en fa-
;
ternait aux pieds de tous les frères qui pas-

veur des usages de l'Eglise d'Orient, rejette saient; ils le rebutaient tous et le mépri-
cette raison comme trop faible. Il ne savait saient à dessein, comme s'il eût désiré
pas apparemment que ce n'était pas seule- d'entrer dans le monastère, non par un mou-
ment à Rome que Ton jeûnait le samedi, vement de piété, mais pour éviter la néces-
mais encore en Espagne et dans quelques sité; on le chargeait même d'injures et de

Eglises d'Afrique, comme à Hippone, et que reproches, pour éprouver, par sa patience
cet usage n'était pas moins fondé que celui dans ces outrages, jusqu'où pourrait aller sa
des Eglises d'Orient. Car si celles-ci s'abste- fermeté, et quel il serait un jour au milieu
naient du jeûne, à cause qu'en ce jour le
'
des tentations. Eprouvé de la sorte, on le

corps du Sauveur avait reposé dans le tom- recevait, mais après avoir examiné avec
beau, celles-là au contraire jeûnaient le sa- soin s'il ne retenait rien des biens qu'il avait
medi, à cause de l'humiliation de sa mort. possédés avant de se présenter. Cette pré-
Le dimanche ils ne s'assemblaient qu'une caution leur paraissait nécessaire, sachant
fois à l'église avant le diner, où ils récitaient par expérience que celui qui a le cœur atta-
de suite les heures de tierce et de sexte, et ché à l'argent et qui en conserve en 'secret,
faisaient un plus grand nombre de prières, ne peut acquérir les vertus d'humihté et
soit à cause que l'on offrait ce jour-là le sa- d'obéissance, ni se contenter de la vie pau-
crifice de la messe, soit pour la révérence vre et sévère du monastère; ils ne voulaient
due à ce jour-là. Ils ne récitaient point en pas même que celui qui était admis, y don-
commun l'heure de none, parce qu'ils man- nât ses biens, dans la crainte qu'enflé de
geaient à celle de sexte. Ils en usaient de cette offrande,il ne dédaignât les frères plus

même les jours de samedi et de fête, parce pauvres que lui, et parce qu'il était arrivé
qu'en ces jours ils faisaientdeux repas, l'un dans d'autres monastères que quelques-uns
à l'heure de sexte, l'autre Dans ce-
le soir. avaient redemandé, au mépris de la religion,
lui-ci ils ne récitaient point les psaumes les biens qu'ils y avaient donnés et qui
qu'ils avaient coutume les autres jours de avaient déjà été employés à l'œuvre de Dieu.
dire avant et après le repas; mais ils pre- Pour marquer qu'ils se dépouillaient entiè-
naient cette seconde réfection après une rement de toutes les choses qu'ils avaient
courte prière, et ils la finissaient de même; possédées dans le monde, ils quittaient au
tous n'étaient point obligés de la prendre, si milieu de l'assemblée des frères, leurs pro-
ce n'étaient les étrangers ou les infirmes; pres habits, et en recevaient des mains de
on aux autres une liberté entière.
laissait l'abbé, dont on usait dans le monastère ;

5. Le quatrième est employé à dë-


livre toutefois, l'économe gardait les habits qu'ils
crire la manière dont on examinait et rece- avaient quittés, afin de les leur rendre au
vait les moines, particulièrement àTabenne, cas qu'ils sortissent du monastère pour n'y
ile du Nil, dans laquelle saint Pacôme bâtit avoir pas donné des preuves dune véritable
un célèbre monastère. Il y avait du temps conversion. Celui qui était admis dans le
de Cassien, plus de cinq mille moines à Ta- monastère ne pas pour cela à la com-
l'était
benne, gouvernés par un seul abbé; ils munauté des frères; mais il logeait sous la
y

' Sahbato caro Christi in monumento requievit, sicut jejicnium: alii propter humililatem nwrfis Domini je-

Deus eodem die ab omnibus operibus. Hinc orta est in junare, sicut Romanaet nonnullœ Occidentis Ecclesiœ.
regia veste varietas ut uiii, sicut maxime populi Orien-
August., Epist.
tis, propter requiem significandam mallent
relexave
154 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
conduite d'un ancien dont la demeure n'était pauvres ils portaient même à leur doigt un
;
Cap. TU.
pas éloignée de la porte du monastère, et anneau pour sceller les cotfres et les armoi-
qui avait soin des étrangers. Si ce novice res où ils mettaient ce qu'ils avaient apporté
passait un an entier sans reproche, en ser- avec eux en quittant le monde ne permet- ,

vant lui-même les étrangers avec humilité tant à personne, non-seulement d'en user,
et patience, alors on l'associait à la commu- mais même de le toucher. On mettait en pé- cap. xvi.

nauté , et on le mettait sous la discipline nitence celui qui par hasard avait cassé une
d'un antre ancien, appelé doyen, parce qu'il cruche de terre, celui qui était arrivé trop tard
était préposé par l'abbé à 1 instruction de dix à l'assemblée, qui avait hésité tant soit peu
jeunes religieux. en chantant un psaume, qui s'était acquitté
La première leçon qu'il leur faisait, était négligemment des choses commandées, qui
de mortifier leur volonté propre par une ne s'en était pas retourné dans sa cellule
obéissance exacte ensuite il leur ordonnait
; aussitôt après l'office, qui avait prié avec ce-
de ne lui rien cacher de leurs pensées, leur lui qui était suspens de la prière, qui avait
donnant pour règle certaine, que celles-là écrit ou reçu une lettre sans la permission
viennent du démon, que l'on a honte de dé- de son abbé , ou commis quelques autres
couvrir à son ancien. Il exigeait aussi d'eux fautes semblables. Celui-là devait les expier
une soumission si générale qu'il ne leur
,
prosterné en terre en présence de tous les
était pas permis, sans son consentement, frères assemblés jusqu'à ce qu'après en
,

non-seulement de sortir de leur cellule, mais avoir demandé pardon l'abbé lui ordonnât
,

même de vaquer aux besoins naturels; leurs de se lever. Quant aux autres fautes plus
vêtements étaient de lin, et ils n'en avaient considérables comme de dire des injures,
,

point pour en changer. C'était au doyen à de boire et de manger hors les heures mar-
leur en donner lorsqu'ils remarquaient que quées de posséder quelque chose en pro-
,

ceux qu'ils portaient étaient sales. Leur pre, d'avoir quelque familiarité avec des per-
nourriture était une espèce de potage fait sonnes du sexe on punissait de verges ceux
,

avec des herbes sauvages cuites dans l'eau qui en étaient coupables, ou on les chassait
et assaisonnées de sel. Lorsqu'ils entendaient du monastère.
le son de l'instrument destiné à les assem- Cassien remarque que la lecture de table
bler, soit pour la prière, soit pour le travail, qui a toujours été considérée comme un exer-
ils quittaient aussitôt tout ce qu'ils avaient cice considérable de la vie monastique, a xvh.

en main, jusqu'à laisser une lettre impar- tiré son origine des monastères de Cappa-

faite, et sortaient de leur cellule pour se doce c'est-à-dire de ceux que saint Basile
,

rendre au lieu de l'obéissance. C'était parmi avait fondés et non de ceux d'Egypte; que
,

eux un grand crime de s'attribuer quelque ceux qui ont établi cet usage avaient eu
chose en propre, et de dire par exemple :
moins en vue d'occuper l'esprit de pensées
mes tablettes, ma tunique, etc. On punissait saintes pendant leur repas, que d'arrêter les
celui à qui de pareilles expressions étaient entretiens superflus et inutiles, et encore plus
échappées. Quoiqu'ils gagnassent beaucoup particulièrement de retrancher toutes les
du travail de leurs mains, et au-delà de ce contentions qui naissent durant ce temps-là,
qu'il fallait pour leur entretien, puisqu'ils ne et qu'ils croyaient ne pouvoir réprimer qu'en

mangeaient par jour que douze onces de cette manière. Dans les monastères de Ta-
pain, dont le prix était d'environ trois de- benne, on ne faisait point cette sorte de lec-
niers; aucun ne tirait vanité des
toutefois ture; mais les moines gardaient un si pro-
profits qu'il faisait au monastère, et quoi- fond silence que personne n'osait dire un
,

qu'ils crussent que la masse commune leur mot, excepté les doyens lorsqu'il en était
appartenait, puisqu'ils en tiraient leur sub- besoin, pour faire apporter quelque chose à
sistance, ils se regardaient moins comme table ou l'en ôter, encore le faisaient-ils plu-
maîtres de la maison que comme serviteurs. tôt par le son de quelqu'instrument que de
Cassien gémit de voir les moines d'Oc- la voix. Les frères, en mangeant, avaient leurs

cident suivre des usages bien différents. Sous capuchons abaissés jusque sous les pau-
la conduite d'un abbé, ils ne laissaient pas pières, en sorte qu'ils ne pouvaient voir que
d'avoir des clefs particulières pour enfermer la table et les mets qu'on leur servait. Hors xt,„.

ce qu'ils jugeaient à propos, au mépris de la table commune ils ne prenaient aucun ,

la profession qu'ils avaient faite de vivre aliment pas même des fruits dans le jardin
,
,

[IV« ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 155

lorsqu'ils s'y promenaient ou travaillaient. h SOS actes et à ses désirs, ou, comme dit

Chacun pondant une semaine clans


servait l'ApcMre, être crucifié au monde. Selon lui,

les dilïérents oUiccs du monastère com- ,


c'est la crainte du Seigneur qui est notre
mençant le lundi malin et finissant le diman- croix, c'est-à-dire que cette crainte nous
,

che au soir. Alors tous les frères s'asscm- crucifie à tous les vices charnels. Or ce re-

blant, on lavait les pieds à tous ceux qui noncement ne nous est plus utile dès que
sortaient de semaine, et on priait pour eux nous conservons de l'attache pour les choses
pour leur donner quelque marque de clia- auxquelles nous avons renoncé; c'est nous
rité et expier les fautes qu'ils auraient pu rendre une seconde fois prévaricateurs, et
commettre dans leur ministère. Ils remet- nous devons persévérer jusqu'à la fin dans
taient à ceux qui les suivaient, tous les vases le détachement que nous avons promis en

et ustensiles dont ils avaient eu eux-mêmes présence de Dieu et de ses anges.


'

l'administration et tous en prenaient un


,
Le démon fait de continuels eûbrts pour
((
C»p. XXXTI.

aussi grand soin que des vases sacrés. nous détourner de cette persévérance; mais
11 rapporte qu'un des frères qui avait laissé il faut observer toujours la tête de ce. ser-

tomber à terre trois grains de lentilles en pent, c'est-à-dire le commencement des ten-

fut puni par l'abbé, qui le déclara suspens de tations et des pensées qu'il vous inspire, en
l'oraison; sur quoi il fait cette réllexion, que les découvrant sur l'heure à votre supérieur;

non-seulement les moines ne se regardaient car c'est ainsi que vous brisez sa tête, lors-
point eux-mêmes comme étant à eux, mais que vous ne rougissez point de découvrir à
qu'ils croyaient aussi que tout ce qui leur votre ancien toutes les pensées que ce mau-
appartenait était entièrement consacré à vais esprit vous inspire. » C'est à un novice
Dieu. C'est pourquoi, ajoute-t-il, dès qu'une que Cassien parle. de ne point se
Il l'avertit

chose est entrée dans le monastère, ils veu- laisser aller mauvais
à la tiédeur par le
lent qu'on la traite avec toute sorte de res- exemple du plus grand nombre, mais de vi-
pect comme une chose sainte croyant qu'il , vre et de marcher avec le plus petit nombre
n'y a rien de si vil et debas dont ils ne
si , dans la voie étroite qui conduit à la vie. Il

doivent espérer une grande récompense. lui prescrit divers degrés pour parvenir à la
Chez les moines d'Egypte, les offices du mo- perfection, dont le premier est la crainte du
nastère ne se distribuaient point par se- Seigneur; les autres consistent dans l'ouver-
maine, mais on confiait le soin de la céle- ture de cœur pour son supérieur, dans l'o-
rerie ou de la cuisine à un frère très-éprouvé, béissance, dans la douceur, dans la patience,
qui ne quittait point cet emploi pendant tout dans l'observation de la règle commune et
le temps que son âge ou ses forces le lui dans l'humilité. Il dit que le religieux sera
permettaient et il pouvait aisément s'en ac-
, véritablement humble, s'il ne trouve rien de
quitter, à cause que la nourriture ordi- trop vil et de trop bas et s'il se regarde
,

naire des moines se préparait sans beau- comme un serviteur lâche et paresseux, et
coup de peine ne vivant que de mets crus
, comme un indigne ouvrier. Il dit encore à ce
ou de légumes cuits avec du sel, d'olives et novice qu'il lui est avantageux pour par- ,

de quelques petits poissons salés. venir à la perfection, de ne point se mo-


.\ la suite de ces règlements et de ces usa- deler sur plusieurs de la communauté, mais
ges Cassien met plusieurs exemples de la
, sur un ou deux. Il demande de lui surtout
charité mutuelle des frères, de leur obéis- une obéissance aveugle, et veut qu'il n'es-
sance envers leurs supérieurs et leurs père pas la patience nécessaire dans les com-
anciens, de leur humilité et de leur foi. 11 munautés de la vertu des autres en sorte ,

fait que comme ceux qui observent


voir qu'il ne soit patient que lorsqu'il ne sera
exactement les règles dont ils font profes- molesté de personne; mais plutôt de sou
sion doivent en espérer une grande récom- humilité et de sou courage.
pense, de même ceux qui en négligent la Il finit ce quatrième livre par une récapi-
pratique doivent s'attendre à en être punis. tulation des degrés qui nous conduisent à la
HXIV. Par le renoncement inséparable de la vie perfection. « Le principe de notre salut et de
XIXV.
monastique il entend être mort au monde,
, la sagesse est, dit-il, la crainte du Seigneur.

' In hac nuditaie, quam coram Deo et angelis ejus Inslit., cap. xxxvi.
professas es, ad finem usque perdures. Cassiau., lib. IV
156 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
De une componction salu-
cette crainte naît à garder , même
dans le jeûne, et il est plus
taire de la componction du cœur procède
; raisonnable de manger chaque jour avec
'

le renoncement, c'est-à-dire le dépouille- modération que d'être par intervalle long-


,

ment et le mépris de tous les biens tempo- temps sans prendre de nourriture, des jeûnes
rels. Ce dépouillement produit l'humilité. De immodérés affaiblissant ordinairement la cap.u.
l'humilité vient la mortification des volontés, constance de l'âme et ôtant à la prière son
qui sert à déraciner et à faire mourir tous activité. L'abstinence même des aliments ne ^
en
les vices; ensuite naissent les vertus, qui, suffit pas pour conserver la pureté de l'âme
fructifiant nous acquièrent la pureté de
,
et du corps, si en même temps l'on ne pos-
cœur, qui nous met en possession de la per- sède d'autres vertus, comme l'humilité, le
fection de la charité apostolique. » mépris des richesses; on ne peut se flatter
et
...
Analyse du
6. Dans les huit livres suivants ,
'
Cassien d'avoir éteint tous les désirs de la convoi-
ïiërpig.*94'
explique avec exactitude, les causes et les tise, si l'on n'a déraciné tous les vices. Dans "'•

origines des vices capitaux et donne des ,


le combat spirituel qui est nécessaire dans
,
^n.

^••P'- instructions pour les combattre. 11 réduit ces cette occasion , il faut imiter ce qui se passe
vices à huit, savoir: la gourmandise, l'impu- dans les combats des athlètes, dont l'Apôtre
reté , l'avarice, la colère, la tristesse , la pa- propose l'exemple dans sa première épître à
La gourmandise
resse, la vanité et l'orgueil. Timothée. Mais pour réussir dans ces com- xm.
fait le sujet où il con-
du cinquième livre , bats, on doit, avant toute chose, s'être défait ^"
vient que Tonne peut point établir une rèdo du vice de la gourmandise en exténuant ,

uniforme sur le jeune à cause de la diffé- , son corps par les jeûnes, par les veilles, par
rence des âges, des sexes, des tempéra- la lecture et par une fréquente componction
ments et de la santé. D'où vient que parmi de cœur. Il ne faut même user qu'avec quel-
les anciens, il n'y avait rien de fixé généra- que sorte d'inquiétude des aliments néces-
V. lement sur cette matière. Il y en avait qui saires à la vie bien loin de les rechercher
,

jeûnaient des semaines entières d'autres ,


pour le plaisir car un moine ne doit point xtchti
:

trois jours, et quelques-uns seulement deux. s'attendre à vaincre dans les combats spi- xvn.
On en voyait, au contraire, plusieurs qui, à rituels s'il ne surmonte d'abord les désirs xvm.
,

raison de leur maladie, ou de leur grand de la chair, cette victoire étant comme la
âge, ne pouvaient qu'avec peine supporter base du combat spirituel, ainsi qu'on le voit
le jeûne jusqu'au coucher du soleil. Il en par les diflférents genres de combats que
était de même des aliments; les légumes l'Apôtre déci'it dans ses lettres aux Corin-
cuits dans l'eau ne convenaient pas à tous, thiens et aux Ephésiens et qu'il avait es- ,

non plus qu'une réfection de pain sec. Quel- suyés lui-même mais il ne faut pas s'ima- m.
:

ques-uns mangeaient deux livres de pain giner qu'après avoir vaincu les désirs de la
sans en être rassasiés; d'autres, n'en man- chair, on n'ait plus d'ennemis à vaincre; ils
geant qu'une livre ou même six onces, s'en se succèdent les uns aux autres tandis que ,

trouvaient chargés en sorte que la règle


; nous sommes en cette vie, de peur que l'oi-
qui doit être commune à tous, est de pren- siveté de la paix ne nous fasse perdre le mé-
dre de la nourriture selon son besoin. L'i- rite des victoires précédentes. Nos ennemis xm.
V,. vresse ne consiste pas seulement dans l'ex- ne sont point au-dehors, mais au-dedans de
cès du vin, mais de toute autre nourriture. nous et quand même nous en aurions au-
,

Ezerh xTi. D'où vicnt que le Prophète a reproché à So- dehors, ils ne seraient point à appréhender,
dome, non la crapule du vin mais d'avoir , si nous soumettons à l'esprit ceux qui sont

Cap, TU. excédé dans la quantité du pain. Au reste, au-dedans, ce qui se fait lorsque, non con-
Tiu. la pureté de cœur ne souffre rien de l'infir- tent de faire jeûner notre homme extérieur,
mité de la chair, quand elle ne cherche dans nous empêchons encore l'homme intérieur
les aliments qu'à soutenir sa fragilité, et non de se nourrir d'aUments nuisibles. C'est néan- ,jj,,

Rom. XIII. pas à satisfaire la voluptépourquoi : c'est moins par les jeûnes corporels que l'on par-
l'Apôtre ne défend point de prendre soin de vient aux jeûnes spirituels, c'est-à-dire à
la chair mais seulement de ne la pas con-
, s'abstenir des vices. D'où vient qu'un moine
tenter dans ses désirs. Il y a donc un miheu doit s'abstenir non-seulement d'une nourri-
,

^ Melior est rationabilis cum moderatione quotidiana junium, Cassian, lib. V, pag. 107.
refectio , quam per intervalla arduum loiigiaïujuc je-
[iv ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE XI V. — SAIN T CASSIEN DE MARSEILLE. 151

tare propre à cchauûer la concupiscence, tures s'acquérait plutôt par la pureté de cap. xxxiv

mais n'en rechercher que d'un facile apprêt, cœur, que par la lecture des commentaires.
d'un vil prix et dont l'usage soit commun Cassien fait ensuite une description du dé-

parmi les frères. Cassien distingue trois sortes sert de Diolque, et des marques de bonté
de gourmandises: l'une qui prévient l'heure au'il y reçut de l'abbé Arquébius. Il dit de xxxvi

fixée pour la réfection l'autre qui con- ;


lui une chose remarquable que son père
' :

siste à prendre de la nourriture avec excès, étant mort, laissant à sa veuve une dette de
et la troisième qui se plaît dans les mets ex- cent écus d'or, il trouva le moyen de gagner
quis et délicieux. Il veut qu'un moine com- cette somme du travail de ses mains, avec
batte contre la première, en allcndant l'heure l'agrément de son supérieur, sans toutefois xxxvm.

destinée à la réfection; contre la seconde, négliger aucun exercice de sa profession, et


en ne se laissant point emporter par le plai- que par ce moyen il déchargea sa .mère des
sirde manger, et contre la troisième en se ,
poursuites de ses créanciers. Ce qu'il ajoute
contentant des aliments les plus vils. Il dit de deux jeunes enfants est encore remar- ,

qu'en visitant les monastères d Egypte y ,


il quable, mais ne méritait point d'éloge. Char- xxxix.

avait remarqué qu'excepté les jours de mer- gés de porter quelques ligues à un solitaire
credi et de vendredi, on rompait le jeune en qui était malade dans le fond du désert ils ,

faveur des étrangers, ce qui ne se faisait pas s'égarèrent au milieu d'un brouillard. La
dans ceux de la Palestine, et qu'en ayant de- nuit survint sans qu'ils pussent arriver à la
mandé la raison à un des anciens, il avait cellule du malade. Alors, se trouvant épuisés
répondu «Le jeune est toujours avec moi;
: de fatigue et de faim, ils se jetèrent à ge-
mais, comme vous allez partir, je ne vous noux et rendirent l'esprit à Dieu dans la

tiendrai pas longtemps. » prière, aimant mieux mourir que de toucher


Il rapporte divers exemples des jeûnes au dépôt qu'on leur avait confié.
particuliers de quelques anciens qu'il avait 7. Il traite dans le sixième livre de la ma- Analyse du
sixième livre,
vus quelques maximes de morale qu'il
, et nière de guérir le vice d'impureté. Comme pag. 133.

avait apprises d'eux. L'un d'entre eux ayant c'est dans le cœur que les pensées mau-
reçu quinze ans après qu'il s'était retiré dans vaises prennent leur origine, il dit qu'il faut
le désert, plusieurs lettres de son père, de sa surtout s'appliquer à le purifier; que les au- Cap. t et II.

mère et de ses amis , fut longtemps à réflé- tres vices peuvent se corriger en fréquen-
chir sur l'usage qu'il en ferait , et considé- tant les hommes, mais que celui d'impureté
rant quelle variété de pensées et de mouve- trouve sa guérison dans une vie retirée et
ments elles pouvaient causer en lui , non- éloignée du commerce des hommes. Il met
seulement il n'en ouvrit aucune, mais il jeta cette difierence entre la chasteté et la con-
au feu tout le paquet, sans l'avoir même dé- tinence, que celle-ci est le propos, et celle-là
lié disant
, « Allez pensées de ma patrie,
:
,
l'exécution; en sorte qu'on peut être conti-
soyez toutes brûlées ensemble, et n'essayez nent de profession sans être chaste. Il en-
pas de me rappeller en mémoire les choses seigne que pour acquérir la chasteté, la vo-
que j'ai quittées. » Un autre nommé Théo- lonté de l'homme ne suffit pas, ni même les
dose, cherchant â s'éclairer sur une ques- soins qu'il pourrait se donner à cet égard ;

tion très - diiiicile de l'Ecriture en obtint la , mais qu'il est besoin d'un secours -, d'une
solution par une prière continuelle de sept grâce particulière de Dieu, et que l'homme
jours et de sept nuits. Il disait à ses reli- reconnaisse que les combats qu'il a à soute-
gieux que la connaissance des divines Ecri- nir en ce genre sont au-dessus de ses forces.

' Inlerea paler morte prœvenlus centum solidorum 2 Tamdiu namque hoc vitio animam necesse est im-

débit um reliquit. Cumque hic Archebius esset omni pugnari, donecse bellum génère supra vires suas agnos-
inquietudine peniiiis alienus, ufpote qui univers is pa- eut ; nec /abore vel studio proprio victoriam obtinern
lernis facultutibus esset extorris , a creditoribus ta- se posse, nisiDomini fuerit auxilio ac protectione suf'
men inquietnri vehementer comperit matrem... eique VI Inslit., cap. V. Et rêvera cum
fulta. Cassiau., lib.
subvenire festinnvit oppresser, utnihil a propnsita diS' in omnibus virlutum profectibus et cunctorum expu'
,

Irictione laxaret. Intra nionasterii namque claustra gnatione vitiorum, Domini sit gratia atque Victoria, in
perdurans, pensum silninct triplicari po-
soliti operis hoc prœcipue peculiare beneficium Dei ac spéciale dch-
poscit ,per iotum anni spatium diebus pater
et ibi num , et patrum senlcntia et expérimenta purgationis
noclibusque desudans, debiti modum operis sudore par- ipsius manifestissime declaratur his, gui eam merue-
tim creditoribus solvens , matrem omni inquietudinis vint possidere. Ibid., cap. vi.
injuria liberavit. Cassian.,lib. WJnitilut.,càp. xxxvin.
158 HiSTOmE GÉNÉRALE DES AtJTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
C'est une vraie lèpre de l'âme se livrer à
i;op.T.. Cette doctrine, des anciens,
qui est celle ;

de ceux qui cette passion, c'est allerdirectement contre


est confirmée par l'expérience
l'Evangile, qui nous enseigne à ne plus con-
Cap. xxni.
ont mérité de posséder cette vertu. On fait
server de penchant pour les choses aux-
des progrès dans les autres, et on surmonte
quelles nous avons renoncé. Cassien veut
tous les vices par la grâce de Bien; mais, à
l'égard de la chasteté, elle ne s'acquiert que que, pour se garantir de cette maladie, on se
remette souvent en mémoire les châtiments
par un bienfait singulier et un don spécial
qu'encoururent Ananie et Saphire Giézi et
de Dieu. Cassieu propose, comme il avait
,
V"-
Judas, pense aussi au jour où le
que l'on
déjà fait dans le livre précédent l'exemple ,
et

des athlètes, et la manière dont ils se prépa- Seigneur viendra comme un larron au mi-
lieu de la nuit nous redemander notre
rent au combat, disant que s'ils apportent
tant de soins pour s'y préparer, ceux-là
en âme.
9. Il commence le livre huitième par ré-
.'^na1ys« Ja

doivent apporler bien davantage pour ac- hnitième li-

futer ceux qui soutenaient que la colère n'é-


vre, pag. 110.
quérir la chasteté du corps et de l'âme, qui
^

vm.
tait point un mal, puisque l'Ecriture
l'attri-
sont obligés (par leur ministère) de manger
chaque jour la sainte et sacrée chair de l'A- bue à Dieu, et même la fureur, le zèle et
l'indignation. Il montre que s'il fallait pren-
Cap. II.

m Cl XX. gneau. Il donne des moyens pour examiner


dre à la lettre ces endroits de l'Ecriture, il m cl IV.

si l'on a la chasteté, qui ne paraissent nulle-


entre sur cela dans un faudrait aussi dire de lui, qu'il dort, qu'il est
ment certains, et il

l'instruc- assis, qu'il est debout, qu'il oublie, qu'il


détail qui n'était point nécessaire à
Les remèdes qu'il prescrit se repent, qu'il a desyeux des bras, et au- ,

Nx.,.. tion d'un novice.


continuel, tres choses semblables qui sont dites de
contre l'impureté sont un jeûne
grande humilité, beau- Dieu dans l'Ecriture, mais dans im sens im-
mais modéré, une
une vigilance exacte propre et métaphorique. Cassien semble in-
coup de patience et
terdire toutes sortes de colère et s'appuyer ,

sur toutes ses passions.


dans le septième livre qu'un en cela d'un passage de l'épître aux Ephé- Ei.hes.
1^^
8. 11 fait voir
siens mais, en examinant bien tout ce qu'il
doit être d'autant plus éloigné de l'a-
An.ilyso (Î>1
;
seplième li- moine
vre, pag. 150. renoncé à dit sur ce sujet, on voit qu'il ne condamne
varice, qu'il a, par sa profession,
lorsqu'il qu'une colère vicieuse et désordonnée, c'est-
toutes les richesses; que ce vice,
à-dire celle qu'il compte parmi les péchés
Cap. I cl seq.

s'estune fois emparé de l'âme, ne la quitte


qu'il est la source d'une capitaux; aussi distingue -t-il entre ce qui Cap. TI.
que difficilement ;

maux; qu'il est un obstacle à excite justement ou injustement le mouve-


infinité de
toutes les vertus particulièrement à la sta-
,
ment de la colère et convient qu'il y a des
,

décrit au long la occasions où ce mouvement est légitime,


bifité dans le monastère. 11
comme on par ces paroles du psaume
le voit
manière dont les apôtres et les fidèles de
primitive se dépouillaient de tous quatrième Fâchez - vous , mais ne péchez pas.
:

l'Eglise
en faisaient, qui Il est vrai qu'il l'entend du
mouvemcni de
leu'rs biens, et l'usage qu'ils
colère qui s'excite en nous contre nous-
était uniquement de soulager ceux de leurs
mêmes, par le regret de nos péchés. Il expli-
le besoin, et
frères qui se trouvaient dans
que si nous voulons les imiter, nous ne que dans le même sens ces autres paroles :

dit
gouverner suivant nos Que le soleil ne se couche point sur votre colère;
devons point nous
propres sentiments, mais suivant leurs exem-
comme si Jésus -Christ avait dit Fâchez- :

attachement vous contre vos vices et contre votre propre


ples, c'est-à-dire vivre sans
fait voir contre ceux qui tenaient X, XI,
aux biens temporels que nous avons quittés colère. Il Il
el xui. '

est fort pendant plusieurs jours des ressentiments


en entrant dans le monastère car il :

ajoute- t-il, que celui-là môme qui contre leurs ennemis, qu'ils ne devaient pas
possible,
de la passmn même garder leur colère un moment; ce
n'a point d'argent, soit possédé
et c'est qu'il prouve par la préférence que l'Evan-
d "avarice. Judas en était possédé ,

au-
Sauveur du gile donne à la réconciliation fraternelle
ce qui l'engagea à vendre le
dessus des sacrifices, puisqu'il n'est point
monde et l'auteur de notre salut pour trente
ce vice fut aussi la cause permis de s'approcher de l'autel avant que
pièces d'argent :

Saphire soufirirent. l'on se soit réconciUé. Il le prouve encore


de la mort qu'Ananie et

oportebit mcesse est quotidie sacrosanctis Agni camibus vesci?


» Quid nos conveniet facere , qua purUaie
caalitntem, quos Caîîian., lib. VI, cap. vni,
cusl<>dire ?iOstri corporis aiqv£ animœ
,

LlV^ ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAÎXT CASSIEN DE MARSEILLE. 159

par la loi mêrae de Moïse qui défend de


,
à la sueur de notre visage. A l'égard des so-
conserver de la haine dans le cœur et le sou- litaires d'Egypte, Cassien dit que, se réglant
venir des injures. Il ajoute h cela plusieurs sur l'exemple et les ordonnances de ce saint
passages de l'Evangile et des Epitres des apôtre, ils ne pouvaient souÛrir que leurs

Apôtres, où l'on menace du jugement de religieux , et particulièrement les plus jeu-

Dieu, et où l'on fait passer pour homicides nes ,demeurassent un moment sans rien
ceux qui haïssent leurs frères. Une lisait pas faire. Il juge d'eux dit- il et du dedans de
, ,

dans ses exemplaires de la Bible, ce passage leur cœur, de leur progrès dans la vertu, de
de saint Matthieu Quiconque se mettra en
:
leur patience et de leur humilité par leur
colère, avec cette exception, sans sujet, qu'on amour pour le travail et bien loin de per- ,

lisait dans plusieurs autres exeraphiires la- mettre que quelqu'und'entreeuxreçoived'un


tins, et surtoutdans les grecs et soutient
,
autre de quoi se nourrir, ils veulent au con-
qu'elle a été ajoutée par ceux qui croyaient traire nourrir de leurs travaux les surve-
que la colère était permise pour des causes nants et les étrangers. Ils envoient dans
légitimes. Entre les remèdes qu'il prescrit toute la Libye ,
qui sont des lieux tout sté-
contre la colère il veut que nous considé-
,
riles, et même
dans toutes les villes, à ceux
rions qu'il ne nous est point permis de faire qui gémissent dans les prisons des sommes ,

à Dieu nos prières dans cet état, et que per- immenses, et ils croient, par ces aumônes
suadés que nous mourons chaque jour, toutes offrir à Dieu im sacrifice juste saint et véri- , Cap. XVII, XXI.

nos bonnes œuvres ne nous feroiii point évi- table du fruit et des travaux de leurs mains.

ter les supplices éternels, si nous finissons Il rapporte divers passages de rEcrilure
notre vie étant en haine contre quelqu'un. contre la paresse et rejette sur le défaut de
,

10. Le livre neuvième traite de la tristesse travail manuel, le peu de réputation qu'a-

que Cassien prend pour l'impatience, com- vaient les monastères d'Occident. Il raconte
pagne presque inséparable de la colère; il de Tabbé Paul que, n'ayant pas le moyen de
en marque l'origine, les progrès et les re- vendre les ouvrages auxquels il s'occupait
mèdes , disant que nous pourrons chasser chaque jour, à cause de la distance des villes,
cette passion de notre cœur, si, continuelle- lorsqu'au bout de l'an sa caverne se trou- ,

ment occupés de la méditation de la vérité, vait remplie de ces sortes d'ouvrages, il les

nous relevons notre esprit et notre courage brillait et en recommençait d'autres pour

par l'espérance future de la béatitude qui ne point demeurer oisif.


nous est promise. Le vice de la vanité qu'il combat dans
12. Analyse da
onzième livre,
H. 11 suit la même méthode dans le di- Je onzième livre règne non-seulement dans
, pag. 219.

xième livre où il traite du vice de l'ennui


,
nos actions extérieures, mais encore dans
ou de la paresse. Le remède le plus général celles qui sont intérieures et secrètes en ,

qu'il propose pour le déraciner, est le travail sorte qu'il attaque au-dehors et au- dedans,
des mains. Il s'appuie en cela tant sur la ,
cà droite et à gauche. Tous les autres vices Cap. net seq.

doctrine de saint Paul, que sur son exemple se flétrissent et se sèchent dès qu'on les a
et sur celui des anciens moines, particulière- surmontés; plus on dompte, plus ils s'af-
les
ment de ceux d'Egypte, qui s'appliquaii^nt souvent
faiblissent; temps di-
les lieux et les

continuellement au travail manuel. 11 fait minuent leur violence; souvent l'opposition


voir que saint Paul travaillait non-seulement qu'ils ont aux vertus qui leur sont contraires,

pour avoir de quoi fournir à ses besoins par- fait qu'on les évite plus aisément; mais celui

licuhers mais encore à ce qui était néces-


,
de la vanité ne s'élève jamais avec plus d'o-
saire à ceux qui étaient avec lui et qui, étant piniâtreté que lorsqu'il se voit terrassé lors- ;

tous les jours engagés en diverses atiaircs qu'on le croit tout -à -fait mort, on trouve
qui leur étaient inévitables ne pouvaient
,
dans celte mort une vie et une force toute
gagner leur vie eux-mêmes en travaillant de nouvelle. Les autres péchés n'attaquent que
leurs mains. Il ajoute que cet apôtre, en di- ceux qu'ils ont déjà surmontés dans le com-
sant qu'il fallait soutenir les faibles en tra- bat; mais celui-ci répand toute sa rage con-
vaillant, parlait des infirmes de corps ou de tre ceux qui l'ont vaincu; plus on l'a foulé
l'âme, afin que nous les puissions soutenir, aux pieds plus il reprend d'esprit et de vi-
,

non par les libéralités des autres, ni par des gueur dans la gloire même de la victoire
richesses que nous nous serions réservées, qu'on a remportée sur lui. C'est en cela
mais par un argent que nous aurons gagné principalement que consiste l'artifice de cet
160 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ennemi, qu'il perce le soldat de Jésus-Christ tes sortes de vertus, c'est-^-dire unefoi, une
de ses propres armes, lorsqu'il ne l'a pu par charité, une chasteté, une sainteté parfaite;
des armes étrangères. Cassien confirme ce mais il soutient que Dieu nous donne son
qu'il vient de dire par les exemples des rois secours, et qu'il est toujours prêt aie donner
Cap. X cl XI
Ezécliias et Ozias qui se laissèrent percer lorsque nous lui offrons une bonne volonté
l'un et l'autre des traits de la vanité, après pour toutes ces choses, parce qu'il aime en-
avoir fait plusieurs actes de verfus. Entre au- core plus que nous notre perfection et notre
tres moj^ens qu'il prescrit aux moines pour salut, et qu'il l'attend. Il veut que nous ap-
se donner de garde de ce vice, il met de ne prenions le chemin de la perfection de ces
point fréquenter les évéques, sans doute aiin maîtres, qui ne s'amusent point à en dispu-
de n'être point tenté de les cultiver pour ter vainement, mais qui y étant parvenus
obtenir d'eux quelques degrés dans la clé- eux-mêmes, sont plus en état que d'autres
ricature, parce qu'il était alors assez ordi- de nous le montrer. Il ajoute, et il le prouve
naire qu'au défaut de clercs laïques, on em- par un grand nombre de passages de l'Ecri-
ployait les moines dans le monastère aux ture, que nous ne pouvons rien accomplir
fonctions ecclésiastiques. en ce qui regarde notre salut, sans le secours
Analyse du 13. Quoique Cassien en dernier lieu
traite de Dieu, et condamne les pélagiens qui vou-
^ouzièuie li-
vre, pag. 23J.
du vice de l'orgueil, regarde néanmoins
il le laient que nous n'eussions besoin d'autre se-
comme le premier, soit par rapport à son cours de Dieu que de sa loi II rapporte di-
origine, soit par rapport au temps, parce vers exemples de ceux qui ont été punis vi-
qu'il est non-seulement la source de tous les siblement pour des péchés d'orgueil, entre
Cap. I autres péchés, mais qu'il a été commis le autres de Joas, roi de Juda, dont on peut
premier, soit parles anges, soit par les hom- voir l'histoire dans le vingt-quatrième cha-
II. mes. Il distingue deux sortes d'orgueil : l'une pitre du second hvre des Paralipomènes; et
qui attaque les imparfaits, l'autre les plus après avoir fait une description des deux
parfaits. 11 remarque que c'est le seul péché espèces d'orgueil, l'une qu'il appelle char-
'^- dont Lucifer se soit trouvé coupable, et qui nelle, parce qu'elle n'attaque que les impar-
l'ait réduit à la qualité de démon d'ar- , faits; et l'autre spirituelle, qui attaque ceux
change qu'il était; mais que dans l'homme qui sont les plus avancés dans la perfection,
ce péché a produit la matière de toutes sor- il fait un détail des vices que produit l'or-
V. tes de vices. Il dit que le mal de l'orgueil est gueil, et donne des indices auxquels chacun
VII. si grand qu'il faut que Dieu même soit son peut connaître s'il est possédé de ce défaut,
,111. ennemi, et que c'est par la vertu de l'humi- dont on peut, dit-il, trouver le remède dans
lité qu'un Dieu fait homme a éteint l'orgueil le bas sentiment de soi-même en se per- ,

du démon; que c'est par la même vertu que suadant pleinement que nous ne pouvons
nous devons surmonter cette passion, en re- rien sans le secours de Dieu, en ce qui re-
,x. connaissant avec l'Apùtre que dans les pro- garde la perfection. C'est là où Cassien en
X. grès que nous faisons dans la vertu, ce n'est revient ordinairement dans ses Institutions
pas nous qui agissons, mais la grâce de Dieu monastiques. Il demande le secours de la
avec nous, personne ne pouvant, par ses grâce pour l'accomplissement d'une bonne
propres forces, parvenir à la perfection des œuvre, ce qu'il appelle perfection quand ,

vertus, ni à la béatitude qui nous est promise. cela se fait dans toutes sortes de bonnes œu-
Qu'avons-nous, en que nous n'ayons
eflet, vres ; mais de l'homme qu'il
c'est à la volonté
reçu? Si nous l'avons reçu, pourquoi nous paraît attribuer le commencement de ces
en glorifier comme si nous ne l'avions pas bonnes actions. Cassiodore dit, tant de ce
*

reçu? En quelque nombre que soient nos livre que des précédents, que Cassien y dé-

;,„
jefines et nos veilles, quelqu'ait été notre parfaitement les mouvements déréglés
crit si

application à la lecture et à fuir le monde, de notre esprit, qu'il nous fait presque voir
rien de tout cela ne nous fera parvenir à la de nos yeux nos propres défauts, en nous
perfection, si nous croyons pouvoir y arri- excitant fortement à éviter des excès dont
ver par notre propre industrie et notre tra- les ténèbres de notre ignorance ne nous per-
vail. Cassien entend par cette pei'fection, la mettaient pas de nous apercevoir aupara-
consommation des bonnes œuvres dans tou- vant. Photius^les avait vus, mais, ce semble,

' Cassiod., Institut., cap. xxi.K. Pbotius, Cod. 197, pag. 51 G.


[W" ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 161

en abrégé, puisqu'il appelle tout l'ouvrage décrire l'extérieur des moines, au lieu que
uu petit livre. dans celles-là, en forme l'intérieur, en les
il

élevant à la sublimité de la contemplation et


§11- de l'oraison continuelle.
2. C'est l'abbé Moïse que Cassien fait par- Analyse do
DES CONFÉRENCES DE CASSIEN. ta première
ler dans la première Conférence, qui roule conférence ,
pag. 282.
1 Les Conférences de Cassien sont distri-
.
sur le but et la fin que se doit proposer uu
solitaire. Chaque profession a une fin qui lui
buées en trois classes, dont chacune est pré-
cédée d'une préface en forme d'épitre dé- est propre, et celui qui désire d'y exceller, Cap. II.

dicatoire. La première classe renferme dix soutire non-seulement avec patience tous les
Conférences, dans lesquelles il ne fait parler travaux, mais encore tous les périls et toutes

que des moines de Scété. Il les composa à la les difficultés qui se rencontrent dans son

prière de Castor, évêque d'Apt, pour qui il entreprise. Un laboureur, dont le but est de

avait déjà écrit ses douze livres des Institu- cultiver un champ, et ensuite d'en recueillir

tions; mais cet évêqne étant mort vers l'an une moisson abondante, endure avec un cou-
419, avant que l'ouvrage fût achevé. Cas- rage infatigable les plus violentes ardeurs de
sien l'adressa vers Tan 423, à Léonce,
' plus grandes rigueurs de l'hiver;
l'été et les

évêque de Fréjus, et à Hellade, alors ana- il ne craint point de son blé de ses gre-
tii*er

chorète mais élevé ensuite à l'épiscopat.


,
niers pour le confier à la terre.
Il en est de

Environ deux ans après, ou en -426, au plus même de ceux qui s'adonnent au commerce
tard, il écrivit celles qui composent la se- ou à la profession des armes; tous sont in-
conde classe -; elles sont au nombre de sept, sensibles aux périls et aux fatigues insépara-
qu'il adi-essa à saint Honorât, abbé de Lé- bles de ces professions. «La nôtre, dit l'abbé

rins, et à saint Eucher, alors moine du même Moïse, a aussi son but et sa fin particulière,

monastère. Il y fit parler les moines qu'il pour laquelle nous souû'rons constamment
avait vus dans son premier voyage d'Egypte. tous les travaux qui s'y rencontrent. C'est
Je ne sais pourquoi saint Honoi-at est quali- cette fin qui nous empêche de nous lasser
fié évêque dans l'inscription de la préface, dans la continuation de nos jeûnes, qui nous
puisque, dans le corps, Cassien le traite de fait trouver du plaisir dans la fatigue de nos

frère, et dit assez clairement qu'il était su- veilles, qui nous ôte le dégoût dans l'assi-
périeur du monastère de Lérins ce qui : duité de la lecture et de la méditation de la
montre qu'il n'avait point encore été fait parole de Dieu, qui nous fait supporter avec
évêque d'Arles. La troisième classe com- douceur et avec joie ce travail sans relâche,
prend sept autres conférences que Cassien ^ dans lequel nous passons notre vie cette ,

écrivit vers l'an428; il les adressa à quatre pauvreté, ce dénûment cette privation de
,

moines qui demeuraient dans les îles appe- toutes choses, et qui fait que nous n'avons
lées Stoécades, aujourd hui d'Hyères, sur la point d'horreur de celte vaste et atfreuse so-
côte de Provence. Leurs noms étaient Jo- litude. » Le royaume du ciel est la fin géné-
vien. Minerve, Théodore, tous en
Léonce et rale que se proposent tous les chrétiens ;

réputation de sainteté. Un
voit par la Chro- mais le moyen pour y arriver est la pureté
nique de Prosper, que Minerve et Jovien gou- de cœur, sans laquelle il est impossible que
vernaient chacun, en 422, un monastère dans jamais personne arrive à cette fin. On doit
les Gaules avec beaucoup de réputation. donc embrasser tout ce qui peut produire
C'est l'abbé Piammon qui parle ordinaire- cette pureté de cœur, et rejeter comme per-
ment dans ces dernières conférences, avec nicieux tout ce qui peut en éloigner. « C'est
quelques autres que Cassien avait vus dans pour elle, dit le même abbé, que nous fai-
le même voyage d'Egypte : elles sont en sons et souû'rons toutes choses, que nous
tout au nombre de vingt-quatre, distribuées méprisons nos parents et notre pays, que
non suivant l'ordre des temps, mais suivant nous fuyons les honneurs, les richesses, les
l'ordre des matières; la ditierence qu'il y a qui peut satisfaire les sens.
plaisirs, et tout ce
entre elles et les Institutions , que dans
c'est Tandis que nous nous la proposerons, toutes
celles-ci Cassien * ne s'applique presque qu'à nos pensées et toutes nos actions tendront à

* Cassian., pag. 279. 8 Cassian., pag. 677.


* Cassian., pag. 519. * Gassiau., pag. 279.

VllI. il
162 HISTOITIE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
mais si elle échappe à nos yeux, des cœ,urs sans que rien se puisse dérober à
l'acquérir :

sa lumière; lorsque nous repassons dans no-


Cap. IX et X. nos travaux deviendront aussitôt inconstants,
tre esprit cette douceur incompréhensible
et
nos peines inutiles, nos etforls sans récom-
cette patience infatigable avec laqueUe
il
pense, et nos pensées toutes flottantes et tou-
elles-mêmes, souffre ce nombre infini de crimes qui se
tes incertaines se combattront
nécessairement qu'une âme commettent tous les jours et cà tout moment
parce qu'il faut
doive devant ses yeux; lorsque nous faisons ré-
qui n'a rien de fixe et d'arrêté où elle
la va- flexion à l'état bienheureux auquel il nous a
tendre, change k tout moment selon
qui rencontrent. » Il en- appelés par sa pure miséricorde, sans qu'il
riété des choses se
qui eiit
fût engagé par aucun de nos mérites
tend par cette pureté de cœur, la charité
pre- précédé lorsque nous voyons avec joie et
dont saint Paul décrit les eticts dans sa ;

qu'il dit être admiration les occasions favorables qu'il a .

mière lettre aux Corinthiens, et


fait naître pour nous sauver, en
ordonnant
si essentielle, que sans elle il ne
servirait de
que notre naissance arrivât dans des cir-
rien de distribuer tout son bien aux pauvres.
constances heureuses, que, dès le berceau,
C'est donc cette vertu que nous devons
con- si

sa grâce et la connaissance de sa loi nous


server avec tout le soin possible; car, quoi-
soient accordées. Toutes ces considérations
que ces œuvres extérieures doivent passer
et autres semblables sont comme de simples
un jour, puisqu'elles ne dureront qu'autant
demandera l'inégalité des conditions regards d'une âme qui voit Dieu, et qui le
que le
possède avec d'autant plus de perfection que
X,. et des de cette vie, sa récompense,
états
sa vie est plus sainte et son cœur plus pur.
néanmoins n'aura point de lin elle subsis-
,
,

obsta-
au lieu que Il est vrai que notre esprit trouve des
tera elle-même éternellement ,

que les lan- cles cà cette contemplation dans la multitude


les prophéties seront anéanties,
des pensées dont il est attaqué; mais si nous
gues cesseront, que la science sera détruite,
ne pouvons les empêcher de naître dans
parce que ces dons se distribuent seulement
nous, nous pouvons, avec le secours de Dieu,
pour un temps, selon le besoin et les néces-
les discerner et les rejeter, ou les recevoir
sités présentes. La charité agit en
nous dès
admirables; suivant qu'ellesnous paraîtront bonnes ou cap.xix.
cette vie, ety produit des effets
mauvaises. L'abbé Moïse conseille, pour
mais elle en produira de plus excellents un
n'en avoir que de bonnes, la fréquente lec-
jour, lorsque, régnant au-dessus de la cor-
ture et la méditation de l'Ecriture sainte, le
ruption, elle deviendra plus ardente et plus
car de se tenir chant des psaumes, les veilles, les jeûnes et
x„. intimement unie à Dieu ;

la prière, disant que, comme il nous est im-


toujours uni à lui par la contemplation, c'est
possible de ne penser à rien, nous pouvons,
un bien que l'homme ne doit pas prétendre
sur la terre, où il est environné d'infirmités. par ces différents exercices, ne penser qu'à
Tout ce que nous pouvons faire, est de sa- de bonnes choses. Il remarque que nos pen-
voir à quoi notre esprit doit toujours tendre, sées viennent de trois sources ou de trois

se doit proposer pour ne principes de Dieu, du diable, ou de nous-


:
et quel objet il

mêmes. EUes viennent de Dieu, lorsqu'il


"
point le perdre de vue. Cet objet est Dieu,
daigne nous éclairer par de son
l'infusion
et ou peut le contempler en diverses ma-
esprit, qu'il nous excite à nous avancer dans
nières, en lui-même et dans ses créatures,
la vertu, et qu'il nous inspire de pleurer
nos
puisqu'on le connaît dès ici-bas par la gran-
deur et par l'excellence de ses œuvres, par péchés; elles viennent du démon, lorsqu'il
la considération de sa justice et par cette ,
tâche de nous surmonter par le plaisir des
vices ou par les pièges qu'il nous tend
en
sagesse qu'il fait reluire sans cesse dans le
secret. C'est ainsi qu'il tenta Ananie et Sa-
gouvernement du monde. C'est par cette
phire pour les faire meïitir au Saint-Esprit.
dernière considération que nous nous éle-
vons à Dieu, lorsque nous tâchons de décou- EUes viennent de nous-mêmes, lorsque, par
un naturel de notre esprit, nous nous
effet
vrir avec un esprit pur, la conduite qu'il a
souvenons des choses, ou que nous avons
tenue de siècle en siècle sur un chacun des
faites, ou que nous avons ouïes. C'est de
ces
saints qu'il a fait naître dans son EgUse;
pensées qu'A est dit dans le Psaume Le Sei- : p,ai. xci
lorsque nous admirons avec un tremblement
gneur connaît les pensées des hommes et sait
de cœur celte puissance souveraine avec la-
quelles sont vaines. Il faut toujours avoir dans
quelle il règle tout; cette science infinie et
l'esprit ces trois principes, examiner
avec
cet œil pénétrant, qui perce jusqu'au fond
fiv* ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSÏEN DE MARSEILLE. 1G3

Cap. XX, uu sage discernement, comme les changeurs qui l'accompagnait, tout ce qui regardait les
habiles distinguent les monnaies, toutes les moyens et la fin de notre salut, il les pria de cnp. xii».

pensées qui sortent de notre cœur, en dé- prendre un peu de repos sui- les mêmes nat-
couvrir la source et la canse, et reconnaître tes où ils étaient lorsqu'il leur parlait; il leur
de qui elles viennent, afin de nous conduire donna, pour appuyer leur tète, une sorte de
à leur égard selon que le mérite celui que chevet à l'usage des moines d'Egypte; c'é-
nous aurons reconnu en être l'auteur. Nous taient des roseaux ajustés par petites bottes

devons examiner d'abord si ce qui se glisse longues et menues, liées fort doucement,
dans nos cœurs, ou si quelque dogme qu'on environ de pied en pied. Elles servaient éga-
nous inspire vient du Saint-Esprit, ou s'il ne lement de siège lorsque les solitaires s'as-
vient point de la superstition ou delà vanité, semblaient. Ce petit meuble était d'autant
quoiqu'il porte au dehors une apparence de plus commode, qu'il était facile à manier,
piété. Il faut, en second lieu, prendre garde quil se faisait sans peine et ne coûtait rien,
qu'un faux sens, qu'on attache au plus pur étant libre à tout le monde d'en couper sur

or de l'Ecriture, ne nous trompe par le prix les bords du Nil, où il y en avait en abon-

de la matière à laquelle on l'attache. C'est dance.


ainsi que le démon, ce séducteur artificieux, 3. Le lendemain, dès la pointe du jour, Analyse de

corrompt les Ecritui-es et qu'il leur donne l'abbé Moïse voulant s'acquitter de sa pro- conrérTc'er
''^°"
une explication subtile, afin de nous éblouir messe, fit un discours sur l'excellence de la
par l'éclat d'un or brillant mais qui ne porte
,
vertu que Apôtre appelle la discrétion, et
l'

que l'image d'un usurpateur; il tâche sou- qu'il place entre les dons de Dieu. Il leur dit cap. i.

vent de nous surprendre en nous portant à que c'était un des plus grands fruits et des
des exercices de piété que nos supérieurs ne plus grands eû'ets de la grâce de Dieu dans
connaissent point il nous propose la vertu
;
nos âmes; que si un solitaire ne s'applique
pour nous faire tomber dans le vice, nous avec soin à acquérir cette vertu, et s'il ne se
poussant à des jeûnes excessifs et à contre- met en état de pouvoir discerner quels sont
temps, nous faisant rechercher des veilles les esprits qui se glissent dans son cœur, il

démesurées, faire de longues prières eu des ne pourra se préserver de chute; il appuie


temps incommodes, aimer la lecture, lors- d'abord cette proposition par le témoignage
qu'il faut faire autre chose. Il jette dans le de saint Antoine, qui, dans une conférence „.

cœur des uns de se charger par charité du qui se tenait chez lui touchant la vertu la
soin de quelques femmes qui craignent Dieu plus nécessaire à toutes sortes de personnes,
et qui sont abandonnées de tout le monde, conclut en disant que c'était la discrétion.
voulant par-là les engager dans une multi- «Nous avons vu, dit -il, beaucoup de soli-
tude de soins et d'inquiétudes. Il exhorte les taires exacts aux jeûnes et aux veilles, ar-
autres à entrer dans la cléricature et dans dents pour la retraite et la solitude, si déta-
les fonctions sacrées du sacerdoce sous pré-
, chés de tout, qu'ils ne se réservaient point
textede travailler à l'édification de plusieurs môme de quoi se nourrir un jour, et qui em-
etde gagner des âmes à Dieu, mais en eti'et brassaient de tout leur cœur tous les exer-
pour les tirer d'un état d'humilité et de pé- cices de la charité fraternelle, qui néanmoins,
nitence où Dieu les avait engagés. Celte faute de discrétion, sont tombés tout d'un
sorte d'illusion est marquée dans ces paro- coup dans de funestes illusions. » Cassien
is». xTi les des Proverbes : Il y a une voie qui parait en rapporte plusieurs exemples, et dit que
droite à l'homme, mais sa fin se termine au Saùl et Achab, tous deux rois d'Israël, pé-
c.p. XXI. fond de l'enfer. La règle qu'il faut donc ob- chèrent contre cette vertu le premier, en se
:

server dans toutes ses actions, c'est de les persuadant faussement que Dieu aimerait
examiner au poids du sanctuaire, c'est-à-dire davantage ses sacrifices que l'humble obéis-
selon les règles publiques et générales des sance qu'il rendrait aux ordres de Samuel ;

prophètes et des apôtres, afin que si elles se l'autre, en croyant que la miséricorde dont
trouvent conformes à l'intégrité et à la per- il userait envers un prince ennemi de Dieu,

fection qu'ils nous ordonnent, on les fasse lui plairait davantage que l'exécution du ,„
avec joie, qu'au contraire, on s'en abs-
et commandement qu'il avait reçu, qui lui pa-
tienne si elles se trouvent opposées à leurs rut trop sévère et même cruel, c'est-à-dire
maximes toutes saintes. Après que l'abbé de mettre à mort le roi de Syrie. Cette vertu
Moïse eut expliqué à Cassien et à Germain de discrétion est la mère de toutes les au-
,

164 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


très : avec elle, on peut monter au comble de tre les bras deDieu que nous avions mé- cap. t.

la perfection sans des peines et des travaux prisé dans nos plaisirs et notre prospérité.
extraordinaires; au lieu que sans elle on n'y Ce troisième degré de vocation est le plus
arrive jamais, quelques efforts que l'on fasse. imparfait et le plus défectueux; néanmoins
^"p t- Cassien fait consister cette vertu dans une hu- il a réussi à plusieurs, et on en a vu au con-
milité sincère, dont la première preuve est de traire, qui, appelés de Dieu immédiatement,
laisser lediscernement de toutes nos actions ou par le ministère des hommes, sont tombés vi.

et mêmede toutes nos pensées à la sagesse dans la tiédeur, et ont fini malheureusement
de nos supérieurs; il convient néanmoins une course qu'ils avaient si bien commen-
qu'on doit user de réserve dans le choix de cée. Paphnuce traite ensuite des choses
ceux à qui nous devons découvrir le secret de auxquelles on doit renoncer, et il les distri-
notre cœur, et que ce n'est pas par le nom- bue en trois classes, suivant la tradition des
'<"• bre des années, ni par blancheur des che-
la Pères et l'autorité de l'Ecriture. La pi-e-
veux que l'on doit juger de ceux qui méri- mière, est de renoncer à tous les biens et à
tent de la confiance mais par la probité de
, toutes les richesses de ce monde; la seconde,
leurs mœurs, par l'excellence de leur vie et de renoncer à nous-mêmes, à nos vices, à
='"'• la régularité de leur conduite. Il fait voir par nos mauvaises habitudes et à toutes les af-
XV. Texemple de Samuel et celui de S. Paul, qu'il fections déréglées de l'esprit et de la chair;
est dans l'ordre de Dieu que les jeunes gens la troisième, de retirer notre cœur de toutes
se conduisent par l'avis des anciens l'un , les choses présentes et visibles, pour ne
ayant été soumis à la conduite du grand- s'appliquer qu'aux éternelles et aux imisi-
prêtre Elie, et l'autre instruit par la bouche bles. On trouve ces trois sortes de renonce-
d'Ananie; que la vertu de discrétion nous ment dans le commandement que Dieu fît à
retire également des deux excès vicieux Abraham de sortir de sa terre, de sa p£y.'enté
auxquels les vertus sont exposées; qu'une et de la maison de son père; car c'est comme
XVI. ferveur indiscrète soit dans le jeûne, soit si le Seigneur lui avait dit Sortez de votre :

dans les veilles, est également à éviter; que vie ordinaire et des inclinations mauvaises
les plus sages d'entre les solitaires s'accor- qui s'attachent à vous par la corruption de
XIX et XXI. daient deux petits repas par jour, en ne man- la chair et du sang perdez la mémoire de
;

geant que du pain sec que la règle la plus


;
toutes les choses de ce monde et de tout ce
générale est de proportionner la nourriture qui se présente à vos yeux. Le saint abbé
XXII. à ses forces, sans faire jamais aucun excès, montre que les deux premiers renoncements
de manière qu'en sortant de table on ait sont de peu d'utilité sans le troisième, au-
toujours faim; que, sans blesser les règles de quel nous arriverons lorsque notre esprit,
XXIII. la tempérance, on peut recevoir avec toute n'étant plus appesanti parla contagion de ce
sorte d'humanité les étrangers, sans même corps animal et terrestre, s'élèvera au ciel
Mvi. ajouter pour cela quelque chose à la mesure par la continuelle méditation des choses di-
ordinaire de chaque jour. vines. Les richesses de l'âme auxquelles il

. , ^ 4. C'est l'abbé Paphnuce, également célè- dit que nous devons renoncer, ne sont au-
Annlyse de . .
la iroisiùme jjre par par son savoir, qui
sa vertu et ^ parle tres que notre propre volonté. Il remarque
confereDce ^ ^ ' jr

pag. 332. dans la troisième Conférence ; il y fait voir qu'il est fait mention dans l'Ecriture de trois
que Dieu nous appelle en trois manières sortes de richesses de bonnes, de mauvai-
:

différentes ou immédiatement par lui-même.


: ses et d'indifférentes. Les mauvaises sont y,„.

Cap. I, III lorsque, par les inspirations divines, il nous celles dont il est dit Les inches ont manqué
:
«•
''"' "*"
touche le cœur, nous fait aimer notre salut, de tout et ont eu faim. Les bonnes sont celles
nous inspire le désir et l'amour de la vie dont l'acquisition est l'effet d'une grande
éternelle, nous exhorte de le suivre et nous vertu; le juste les possède, et mérite par

y pousse par une componction salutaire ou ; cette possession les louanges de Dieu même,
par l'entremise des hommes, lorsque l'exem- ainsi que le dit David La race des justes sera
:
ci.
ple des saints ou leurs instructions nous tou- bénie, la gloire et les 7'ichesses sont dans sa
chent et nous enflamment du désir de notre maison avec abondance, et sa justice demeure
salut ou par quelque accident considérable,
; éternellement. Celles qui sont indiff"érentes
comme par la perte de notre bien et par la peuvent être bonnes ou mauvaises, selon l'u- J
mort des personnes qui nous étaient le plus sage et l'intention de celui qui en use pour il

chères, ce qui nous oblige de nous jeter en- le bien ou pour le mal. C'est de ces richesses
, ,

flT» ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 165

dont l'Apôtre parle, lorsqu'il dit à Timo- le commencement de la justification et la


c»p «•
thée Ordonnez aux riches du monde de n'avoir
:
persévérance finale, doit être attribué con-
point de pensées d'orgueil et de ne point metti'e jointement à notre libre arbitre et à la grâce.
leur confiance dans les richesses incertaines et Il prouve que les saints ne s'attribuaient pas cap. xm.

périssables mais de n espérer qu'en Dieu, et de


. à eux-mêmes, mais à Dieu, leurs progrès
faire part de leurs biens à ceux qui sont dans dans la vertu, qu'ils lui demandaient de di-
la nécessité. Lorsque nous l'euonçons aux riger leurs pas en sa présence et dans les
richesses de cette dernière espèce , nous voies de la vérité , en le priant d'éclairer
ne quittons pas proprement nos richesses leurs yeux pour connaître les merveilles de
mais seulement des richesses étrangères; sa loi, de leur enseigner à faire sa vo-
et
car rien n'est à nous que ce que notre cœur lonté; étaient pleinement persuadés
qu'ils "'^•

possède; aussi le renoncement à ces sortes que les lumières seules de la nature - n'é-
de choses ne sutiit pas seul pour établir dans taient point suffisantes pour leur donner la
"•
la perfection celui qui le fait; ce n'est qu'un connaissance de la loi, si Dieu n'éclairait
degré pour parvenir au second renoncement, chaque jour leur entendement pour leur en
c'est-à-dire à nous-mêmes, par le bannisse- faire connailre le sens; que le commence-
ment de tous nos vices et pour passer de
, ment même de notre conversion et de notre
là au troisième, qui a pour objet toutes les foi nous vient d'un don de Dieu, et que ces
choses visibles. L'abbé Papbnuce ajouta qu'à principes de notre salut, quoique donnés de
moins d'avoir accompli par une foi géné- Dieu, ne suffisent pas s'ils ne sont perfec-
reuse ces trois premiers renoncements, on tionnés par un secours journalier de sa mi-
n'arrivera jamais à ce qui nous est promis séricorde; que ce n'est pas notre libre arbi-
seulement comme une récompense de notre tre, mais Dieu qui rompt nos liens; que ce
fidélité passée, c'est-à-dire dans la terre des n'est pas notre force, mais le Seigneur qui
vivants montrée et promise par Dieu à ses
, relève et qui soutient tous ceux qui tombent,
»i. serviteurs d'où :nous devons apprendre

ce qui toutefois ne doit pas nous faire croire
que le commencement et la consommation que nos travaux et nos soins soient inutiles,
de notre salut doit être attribué à Dieu. En mais nous fait reconnaître que nous ne pou-
quoi donc consistent la liberté et le mérite vons pas même travailler sans le secours de
de l'homme, reprit Germain, compagnon de Dieu, ni rendre nos travaux efficaces, s'il ne
Cassien, si l'on doit attribuer à la grâce de nous aide pour acquérir le prix si considé-
Dieu tout ce qui appartient à notre perfec- rable de la perfection. Les Apôtres ^ étaient ^vi.

tion et à notre salut, et si Dieu commence et si persuadés que toutes les choses qui ap-

accomplit la bonne action? L'abbé Papbnuce partiennent au salut, leur étaient données
répondit à cette objection, en disant que le de Dieu, qu'ils lui demandaient même la foi,
commencement de notre justification vient en lui disant Seigneur, augmentez en nous
:

m. de Dieu seul, de même que le don de la la n'en attribuant point la plénitude à


foi ;
-•

persévérance jusqu'à la fin; mais que le pro- leur libre arbitre, mais au don de Dieu. Si
grès dans la vertu, ou l'augmentation de la Pierre avait besoin du secours du Seigneur,
grâce, de la justice, de la sainteté et de la afin que sa foi ne défaillit point, qui sera
perfection, qui tient comme le milieu entre assez présomptueux et assez aveugle, pour

• Per quod manifeste probatur et inilium nostrœ sa- peditos non nostra fortitudo sed Dominus allevat
, ,

lulis Domini vocutione fieri, et consummatiunem per- sive suffulcitomnes qui corruxmt. Hœc autem dicimus,
fectionisab eodtm similiter /;'j6«j._Cassiaû., Collât. III, non ut studiumnostrum vel laborem atque industriam
cap. X. quasi inaniter et superflue impendendo vacuemus : sed
* Dominum deprecatur {beatus David), sciens nequa- ut noverimus sine auxilio Dei, nec adniti posse , nec
quam sibimet sufficere passe id quod per naturam coii- efficaces nostros esse conatus ad capescendum tam im-
ditionis inserlum est, nisi quotidiana illuminatione ad mane prœmium puritatis, nisi nobis adjutorio Domini
legem ac mandata ejus nper-
intellifjendani spiritnliter ac misericordia fuerit contributum. Cass., Collât. lU
tius cognoscenda, sensus ipsiiis ab eodem fueril illus- cap. XV.
iratus. Psalm. xcviiT. Hic quoque et initium conversio- 3 In tanium autem universa quœ ad salutem perti-

nis ac fidei nostrœ donari nobis a Domino declaravit, nent , Apostoli sibimet a Domino largila senserunt, ut
dicens : Confirma, Deus, quod operatus es in nobis, ipsam quoque fidem prœstari sibi a Domino postula-
ostendins non sufficere sibi salutis principia dono Dei rent dicentes : Domine, auge nobis fidem, plenitudinem
grntiaque collnta , nisi fuerint eodem miseratione ip- ejus non libero nrbitrio prœsumentes , sed Dei sibi cre-
sius et quotidiana opitulatione perfecta. Psakn. Lxvn. dentes munere conferendam. Cassian., Collât. III,
Non cmm liberum arbiiriutn, sed Dominus solvit com- cap. XVI.
^

166 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


croire qu'il puisse conserver la sienne sans faire, non-seulement par la loi écrite, mais
un secours quotidien do Dieu, puisqu'il dit par des avertissements quotidiens. « Nous ^
i Cor. IV.
dans l'Evangile Sam moi vous ne pouvez
: ne prétendons point, ajouta-t-il, détruire le
rien faire. C'est pour cela encore que l'Apô- libre arbitre de l'homme par les passages de
cap. jLvii.
tre dit : Quavez-vous que vous n'ayez pas reçu? l'Ecriture que nous avons allégués, mais seu-
icor. X.
Et si vous l'avez reçu, pourquoi vous en glori- lement prouver que le secours et la grâce
cap. x%iii. fier commesi vous ne l'aviez pas reçu? W dit de Dieu lui est nécessaire chaque jour et à
encore que ce n'est pas tant par notre vertu
* chaque moment. »
ou nos propres forces, que par la miséricorde 5. L'abbé Daniel, qui était disciple de Paph-

et le secours de Dieu que nous surmontons nuce, et qui lui servait de diacre dans le
les tentations. Entin - la crainte de Dieu est temps qu'il offrait à Dieu des hosties spiri-
un de ses dons, de même que le commence- tuelles parle dans la quatrième Conférence.
,

ment de la bonne volonté 3, soit que Dieu GeiMuain et Cassien lui avaient demandé, Cap. I.

l'inspire par lui-même, ou par le ministère pourquoi, étant dans leur cellule, ils se trou-
des hommes, ou par quelqu'autre voie. C'est vaient quelquefois dans une ferveur extraor-
aussi de lui que vient l'accomplissement et dinaire, et d'autres i^is dans une si grande
la perfection des vertus, en sorte qu'il dépend tiédeur, qu'ils ne trouvaient aucun goût dans
néanmoins de nous d'écouter sa voix et de la lecture que leur esprit, sans arrêt, sans
;

nous servir de son secours avec plus ou application et tout égaré, se livrait à mille
moins de ferveur, et de mériter par là de sa penséeS; même pendant la prière. «Ces séche-
part, ou des récompense ou des châtiments resses de l'âme, leur répondit l'abbé Daniel,
proportionnés à notre ferveur ou à notre né- viennent ou de notre négligence, ou des at-
gligence ; car ^ comme c'est h la grâce di- taques du démon, ou de la conduite de Dieu
vine de nous fournir des occasions de salut, qui veut éprouver ses serviteurs elles vien- ;

de nous faire faire des progrès dans la nent par notre négligence , lorsqu'ayant
"• vertu, et de nous accorder la victoire, c'est à donné lieu par notre faute, à quelque tié-

nous de faire valoir avec plus ou moins d'é- deur, nous tombons dans l'indiflerence, en-
tendue et de soins les bienfaits que Dieu suite dans le dans une pa-
relâchement et

nous a accordés. Germain objecta encore :


resse qui fait que rempli de
l'esprit étant
Psûi. wxx.
gj^ selon l'Ecriture il est en notre pouvoir ,
pensées mauvaises, nous ne pouvons nous
d'écouter Dieu ou de ne pas l'écouter, com- appliquer à la contemplation et à l'oraison ;

ment donc notre salut ne dépend-il pas de elles viennent du démon, lorsqu'appliqués
nous? L'abbé Paphnuce répondit que le Psal- sérieusement au bien, cet esprit de malice
oip. XXII. miste dans le même passage, établit la fa-
,
faitpar ses artifices que nous quittons insen-
culté du libre arbitre, en marquant la déso- siblement ou par ennui nos meilleures réso-
béissance du peuple d'Israël à la voix du Sei- lutions. Quand elles viennent de Dieu-, il le

gneur; mais qu'il y établit aussi la grâce que fait pour deux raisons l'une pour nous em-
:

Dieu nous fait en nous appelant tous les jours pêcher de nous élever de la pureté du cœur
à lui; car en disant en la personne de Dieu :
qu'il nous avait donnée en nous visitant de

Si mon peuple m'avait écouté, il fait voir évi- sa grâce; l'autre, pour éprouver notre fidé-
demment que c'est Dieu qui a le premier lité, notre persév'érance et la fermeté de nos

parlé à son peuple et qu'il a coutume de le désirs. Nous ^ apprenons de là que c'est la

1 Summam quoque tolerantiam,qua tentationes illa- Dei vel remissius , vel enixiiis exequamur, et pro hoc
tas sicstinere possimus, non tam in nostra virfufe quam nos vel remunerationem, vel supplicia dignissima pro-
in Dei rt.isericordia et moderatione consistere beat us mereri. Cassiau., Collât. 111, cap. xix.
Apostolus pronuntiat, l Goriuth.x. Gassian., Collât. Ml, * Quo tCitimonio manifeste discernitur, quid libero
cap. XVII. arbitrio, quidve dispensationi, vel quotidiano udjuto-
2 Ipsum denique iimorem Dei a Domino nabis in- rio Domini debeamus adscribere , et quod divinœ sit

fundi Hieremias testatur, ita dicens : Et dabo eis cor gratiih prœstare nobis occasiones salutis et proventus
nnum, ut. timeaiit me, etc. {Hieremias xxxu). Gassian. secundos, atque victoriam, ywstrwn vero esse ut con-
Collât. 111, cap. xviir. cessa Dei bénéficia, vel intentius , vel segnius exequa-
3 Qnihus manifestissime perdocemur et iniiium vo- mur. Gassian , ibid.
Ivntatis bonœ nobis Domino inspirante concedi, cum ^ Nos enim per hœc quœ protulimus , non liberum

aut per se, aut per exhortai ionem cujuslibet hominis, arbitrium hominis volumus submovere, sed huic adju-
aut per necessitatem nos ad salufis attrahit viam , et torium et gratiam Dei per singulos dies ac momenta,
perfectionem virtutum ab eodem similitcr condonari, neceisariam comprobnre.C-dssi&u., Collât. lU, cap. xxu.
nostrum vero hoc esse, ut exhortationem auxiliumque * Per quœ evidenter probatur gratiam Dei ac mise-
[IV* ET Y" SIECLES. ] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 1G7

grAce de Dieu et sa miséricorde, qui opèrent luxe et à la sensualité; l'esprit ne veut point
toujours en nous ce qu'il y a de bon que ;
consentir aux désirs même les plus naturels.
lorsqu'elle nous quittte, celui qui travaille, La chair veut avoir tout avec abondance ;

travaille en vain, et qu'on ne peut «ins son l'esprit a même quelque peine de voir que
secours, rentrer dans son premier état, quel- ce peu de pain dont il a besoin chnque jour,
ques etïorts qu'on puisse faire. Cette grâce ne lui manque jamais. La volonté de l'âme cap. m.
ne dédaigne pas quelquefois de visiter les se trouvant entre ces deux désirs différents,
lâches et les négligents, et de répandre dans voudrait que les passions de la chair ne s'é-
eux une sainte abondance de pensées spiri- levassent point contre elle avec tant de vio-
tuelles. Elle nous visite, quelque indignes lence, mais elle ne veut pas souffrir la dou-
que nous soyons d'elle elle nous réveille de
; leur qui lui est nécessaire pour posséder les
notre assoupissement; elle nous éclaire dans vertus et suivre les mouvements de l'esprit ;

notre aveuglement et dans notre ignorance elle souhaiterait posséder la chasteté du


profonde elle nous reprend et nous châtie
; cœur, mais sans mortifier sa chair; elle vou-
doucement, se répandant dans notre cojur, drait tellement acquérir les biens à venir,
afin que le mouvement et la componction qu'ellene perdit rien des présents. Pendant
salutaire qu'elle y cause, nous fasse sortir de au milieu de deux en-
qu'elle est ainsi agitée
cette langueur et de cet assoupissement oii nemis qui s'entrecombattent, et dont chacun
nous étions; souvent même dans ces moments tâche de la tirer de son côté, elle se sent
heureux, nous nous voyons remplis d'une obligée de tenir en quelque sorte la balance
odem' si douce, qu'il n'y a point de paifiims égale entre l'âme et le corps, sans que l'âme
sur la terre qui la puissent égaler, et l'âme, se détourne ni à droite, en se laissant em-
cha -mée de ce plaisir ineffable, est si ravie porter à l'ai'deur excessive de l'esprit; ni à
en esprit, qu'elle ne se souvient plus si elle gauche en se laissant aller à la sensualité et
est encore dans un corps. » L'abbé Daniel aux inclinations vicieuses de la chair. Pen-
Cap. VI. montre ensuite que Dieu nous fait retirer de dant que cette guerre se passe ainsi chaque
l'utilité des abandonnements où il nous laisse jour dans nos cœurs, nous sommes dans une
quelquefois, et qu'il est nécessaire à l'homme heureuse nécessité d'arriver à un autre état,
d'avoir toujours quelque chose à combattre, qui est de faire ce que nous ne voulons pas.
comme il était utile aux Israélites d'avoir des C'est ainsi que nous formons la résolution
ennemis, non-seulement afin qu'ils s'aguer- d'acquérir la pureté de cœur par un travail
rissent et s'accoutumassent à combattre, mais continuel et par la contrition de notre esprit,
aussi afin qu'étant toujours en péril, ils com- de nous conserver dans la chasteté par l'aus-
]n-issent qu'ils ne se pouvaient jamais passer térité des jeûnes et une vigilance infatigable,
du secours de Dieu, et que, demeurant fermes de rendre toujours droite et simple l'intention
dans la méditation de sa loi et l'invocation de notre esprit par la lecture, parles veilles,
de son nom, ils ne quittassent ni l'usage de par une prière sans i^elâche et parla retraite.
la guerre, ni l'exercice de la vertu. Il expli- C'est un avantage pour nous au milieu de nos ,„,
que ce que c'est que la guerre entre la chair combats, que l'esprit charnel ne puisse pas
et l'esprit dont il est parlé dans le cinquième exécuter les mauvais désirs aussitôt qu'il les
chapitre de Tépitre aux Galates. Il veut que a conçus. Cet obstacle et ce retardement
par le mot de chair, on entende la volonté qu'il trouve à l'exécution de ses désirs, le
de la chair et ses désirs déréglés, et par le fait rentrer en lui-même, en sorte que pen-
mot d'esprit les bonnes et saintes aûections sant de nouveau à ce qu'il voulait faire, il

de l'âme. La chair, par exemple, se plait au s'en repent et se corrige. L'abbé Daniel „

ricordiam semper operari in vobis ea quœ dona siint. ignorantiœ cœcilate, clemenferque nos argiiif atquecas-
Qua deserente , nihil valere siudium laborantis, et iigat , infundens se cordibus nostris, ut vel sic de iner-
f/itanfumlibet animi?iitentis industriam sine ipsius iie- tiœ somno compunctione ifisius instigati consurgere pro-
rum adjutorio statu77i pristinum recuperare non passe, vocemur. Denique fréquenter etiam odoribus ultra om-
illudque jugiler in )iobis intpleri, non volentis neque humanœ
nem suavitatem compositionis , in his ipsLi
currentis, sed misereiitis est Dei. Rom. 7. Quœ gratia subito visitutionibus adimplemur, ita ut mens hac
nonniinquam e contrario négligentes ac resolufos ins- oblectatione resoluta in quemdam spiritus rapiatur
piraiione hoc qua dicitis, sancta, et abundantia spiri-
excessum, seque cammorari abliviscatur incarne. Cas-
talium cogitationum visitare 7ton renuit , sed inspirât
siau.. Collât. IX, cap. v.
indignas, exsuscitat dormientcs et illuminât obsessos
168 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
trouve doux avantages dans la giioric de la que, commençant par combattre les vices les
chair contre l'esprit, dont le premier est il nous sera facile de vaincre
plus enracinés,
qu'elle nous remarquer notre paresse et
fait les autres parce que l'dme deviendra plus
,

notre négligence; le second, qu'elle nous foite et plus courageuse par cette longue
fait ressouvenir que nous sommes toujours suite de victoires, et que, ne trouvant plus à
cap.jiv.
i^omraes, même après avoir ressenti long- combattre que des ennemis plus faibles que
'
temps de la grâce de Dieu. 11 re-
les effets les premiers, elle n'aura dans ses combats

garde le défaut de guerre entre la chair et que des succès très-avantageux; mais au lieu
l'esprit dans les démons comme la cause de de s'élever de en faut rapporter
la victoire, il cap.xv.

leur impatience, parce que leur substance toute la gloire que nous
à Dieu, persuadés

étant toute spirituelle, ils sont inexcusables n'aurions jamais pu remporter sur eux aucun
lorsqu'ils conçoivent une volonté mauvaise, avantage, si nous n'avions été soutenus par
d'oîi il que la guerre de la chair contre
infère le secours du Seigneur. Il veut encore que «"vn.

l'esprit, que nous sentons en nous-mêmes, chacun diversifie sa défense contre les vices,
nous est utile par la miséricorde de Dieu. Il selon qu'il s'en sent plus ou moins attaqué,
""•
distingue dans l'homme trois états différents ; en sorte qu'il est nécessaire à quelques-uns
de l'homme charnel, de l'homme animal, et de commencer à combattre d'abord celui de
de l'homme spirituel. C'est du premier que ces péchés qu'on ne compte que le troisième,
parle saint Paul lorsqu'il dit aux Corinthiens : à un autre le quatrième, à d'autres le cin-

I Cor. III.
Je ne vous ai donné que du lait, et non de la quième, chacun opposant sa résistance à la
viande solide, parce que vous êtes encore char- tentation qui le tourmente davantage, et sui-
I Cor. II. nels. Il parle du second en leur disant ; vant le même ordre pour se défendre que
L'homme animal ne peut comprendre les choses l'ennemi suit pour le combattre.
de Dieu. Il dit du troisième au même endroit : 7. Cassien s'entretient dans la sixième

L'homme spirituel juge de toutes choses et n'est Confét^nce avec l'abbé Théodore sur la mort
Cap. M. jugé de personne. Ensuite il déplore le malheur des saints anachorètes qui furent tués dans
la plupart des solitaires qui renonçaient
de l'Egypte parles Sarrasins. Ce fut dans un dé-
imparfaitement au siècle qu'ils ne chan-
si ,
sert qui n'est pas éloigné du bourg de Téchué,
geaient rien de leur première façon de vivre où les anachorètes vivaieut paisiblement dans
"• que l'habit, et qui, après avoir quitté tous des monastères séparés de tout le bruit et
leurs biens et tous les engagements du siècle, de tout le tumulte du monde. Après leur
conservaient de l'attache pour des petites mort on leur témoigna le respect qu'on avait
eu pour eux durant leur vie. Les évêques
'

choses, et en étaient plus inquiétés qu'ils ne


l'étaient auparavant par la passion qu'ils du pays et tout le peuple de l'Arabie vinrent
avaient pour les richesses. enlever leurs corps avec une vénération pro-
6. On traite dans la cinquième Conférence fonde, et les mirent entre les reliques des
Analyse de
la cinquième
des huit principaux vices, dont on découvre martyrs. L'estime que l'on avait de leur
confér' nce,
pag. 367.
la source et les principes à peu près de la sainteté allait à un tel point, qu'une infinité
même manière que nous avons vu dans les de personnes des deux villes voisines sortit
huit derniers livres des Institutions. L'abbé en armes et se déclara l'une à l'autre une-
Sérapion, qui parle à^nsc&Xie Conférence, est guerre sanglante chacune disputant à la
,

d'avisque pour réussir dans le combat des pointe de l'épée à qui aurait les corps de ces
vices, on ne doit pas entreprendre de les at- saints ermites. Leur dévotion leur fit expo-

taquer tous <à la fois, mais celui-là en parti- ser leur vie pour soutenir le droit qu'ils pré-
cap.xiv. culier qui nous fait le plus la guerre. Il faut tendaient sur ces reliques les uns disaient
;

employer contre des jeûnes,


lui l'austérité qu'elles leur étaient dues par le droit du voi-

les prières et les larmes; et lorsque l'on sera sinage, et les autres qu'elles étaient à eux

venu à bout de l'abattre, il faut en attaquer par le droit de naissance. Cassien et Germain ^ap. i.

un autre et entreprendre de le détruire par admirant comment Dieu avait pu souffrir que
les mêmes armes. C'est ainsi, dit cet abbé, des hommes si émineuts en piété et en toutes

Quorum corpora licet sciremus tam a poniificibus


1 rentes gravissimum certamen sibi indixerint, dum pia

quam ab universa plèbe Arabum, fanta inter se devotione decertant , quinnm eorum reliquias
regionis illius,
et inter reliquias marlyrum possiderint. Cassiau., lib. VI Collât., cap. i.
veneratione prœrepta ,

condita, ut innumeri pnpuli e cluobus oppidis concur-


,

[rV' LT V SIÈCLES.] CHAPITRE XW. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 169

sorles de vertus, fussent péris par la main afflictions que Dieu envoie aux hommes, et

des Rarbares, demandèrent à l'abbé Tliéodore qui ne sont pas dos maux par elles-mêmes,
pourquoi Dieu consentait que des scélérats mais parce que ceux à qui Dieu les envoie
eussent tant de pouvoir sur ses serviteurs? pour leur utilité, les regardent comme des
Avant de leur répondre, l'abbé leur dit qu'il maux. Ceux que nos ennemis nous font souf-
fallait savoir avant tontes choses, ce que c'est frirsont du nombre des choses inditférentes,
q..^ le véritable bien, ou le véritable mal : dont on peut bien ou mal user. Ainsi la mort,
car tout ce qui est en ce monde, dit-il, est qui est un mal pour le pécheur, est, selon job. m.

bon, ou mauvais, on inditierent. Il n'y a rien Job, la paix et le repos de l'homme dont la c^p. vu.

de vraiment bon parmi les hommes que la vie a cachée en Dieu, c'est-à-dire de
été
vertu, qui nous conduit à Dieu par une foi l'homme Il ne suit pas de là néanmoins
juste.
pure et sincère, et qui nous attache insépa- qu'il soit permis à l'impie de le faire mourir;
rablement à ce bien souverain et immuable; la vertu et la patience du juste sont sa cou-
il n'y a rien_, au contraire, de véritablement ronne dans ses souffrances et dans sa mort,
mauvais que le péché, qui nous sépare de et non pas la justification de celui qui le
Dieu et nous lie très-étroiteraent au démon, tourmente ou qui le tue. Le persécuteur sera vm.

qui n'est que malice. Les choses indiôerentes donc puni pour le mal qu'il fait au juste,
sont celles qui tiennent le milieu entre le bien quoique le juste, par sa patience, change en
et le mal, et peuvent passer dans l'un ou bien le mal qu'on voulait lui faire. Dieu a xi.

dans l'autre, selon l'atfection -et la volonté de diverses raisons d'affliger les hommes tantôt
,

celui qui en use, comme sont les richesses, c'est pour les éprouver comme il éprouva
la santé, la vie même et la mort. On voit, Abraham, Job autres saints, que
et plusieurs
par l'exemple de saint Jean-Baptiste et de nous lisons avoirenduré beaucoup d'afflic-
Judas, que la vie et la mort sont d'elles-mê- tions tantôt c'est pour les purifier, comme
;

mes inditférentes, puisque la vie du premier lorsqu'il permet, que pour de petits péchés
lui a été si utile, qu'elle a été la joie des au- que commettent les justes, ou pour réprimer
tres, selon cette parole de l'Evangile : Plu- la complaisance qu'ils pourraient avoir dans
sieurs se réjouiront à sa iiaissance; et que la vie leur justice, ils soient accablés par diverses
de l'autre lui a été si funeste, qu'il est dit de tentations, par lesquelles il purge tout ce
lui quil lui aurait été avantageux de néfre qu'il y a d'impur dans leurs pensées, et cou-
jamais né. Il en est de même de la mort de sume dans le fond de leur cœur toute cette
saint Jean, aussi bien que de celle de tous écume dont parle Isaïo, pour les faire, à
les autres saints, dont on dit qu'elle est pré- l'heure de leur mort, paraître devant lui
cieuse devant Dieu ; mais il est dit de celle de comme un or très-pur; tantôt c'est pour les
Judas et de ceux qui lui ressemblent La : punir de leurs crimes, ce qu'il fait en deux
mort des pécheurs est très-mauvaise. La pau- manières car il y en a que Dieu frappe sur
:

vreté, les persécutions et les injures qui sont l'heure même pour leurs grands excès
de si grands maux au jugement de tout le comme Dathan, Coré et Abiron, dont le crime
monde, sont des choses très-utiles et même fut sur le champ vengé par une punition ter-
nécessaires, puisque les saints, au lieu de les rible. Pour les autres qui n'ont pas ainsi en-
fuir, les ont recherchées et se sont acquis durci leur cœur par des crimes réitérés, Dieu
par les maux de la terre tous les biens du les corrige par des paroles piquantes, selon ose. vu.
ciel. En posant donc pour principe, qu'il n'y qu'il le dit par un de ses prophètes; souvent
a point d'autre bien que la vertu, ni d'autre aussi Dieu exerce contre les grands pécheurs
mal que le péché, on ne peut dire que Dieu des châtiments terribles, non pour expier
ail jamais envoyé par lui-même quelque mal leurs crimes, mais pour donner delà terreur
à aucun de ses saints, ni même qu'il ait per- aux autres. C'est ainsi qu'il se conduisit en-
mis que les autres leur en fissent de cette vers .\chab et Jézabel, dont il extermina la
nature. Le démon employa tous ses artifices race sans qu'il en restât aucun en Israël.
pour faire tomber Job dans le péché; mais Nous trouvons aussi que Dieu, pour des fautes m.
ni Reg.
il ne put
Itai. Tlii. y réussir. Il est vrai qu'on lit dans assez légères, a frappé de mort quelques per-
Cip. VI l'Ecriture que c'est Dieu qui a créé les sonnes, comme celui qui ramassa de petits
ténèbres et les maux; mais aussi l'Ecriture morceaux de bois le jour du sabbat, ou Nom. xv.
prend en cet endroit le terme de mal comme Ananie et Saphire, qui s'étaient ré-
dans un sens impropre, pour marquer les servé secrètement quelque partie de leurs
,

470 HISTOIRE GÉNÉllALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


biens,non que Dieu voulût égaler leurs pé- toutes ses pensées : mais pour arriver à cette
faut auparavant travailler à
chés aux plus grands crimes, mais parce que peifection, il

ces personnes s'étant rendues les premières combattre et à vaincre tous les vices, à
auteurs d'une faute et d'une désobéissance éteindre les passions et à soumettre à l'em-
il en devait faire un exemple
pire de l'esprit, par la force de la croix de
toute nouvelle,
pour les autres, comme elles leur Jésus-Christ, cette foule de pensées et de
de crainte
puissants ennemis qui nous font une gui """e
Cap. xlil. avaient été un exemple de péché. Germain,
si cruelle alors nous dirons aux mauvaises
curieux de savoir si l'homme peut tenir son ;

et elles s'en iront.


âme immobile et ferme dans une même dis- pensées Allez-vous-en
: ,

Nous dirons aux bonnes Venez et elles


position, l'abbé Théodore lui répondit que
: ,

viendront. Nous commanderons à notre ser-


cela n'était pas possible en cette vie, où
il est

viteur c'est-à-dire à notre corps, de garder


nécessaire que l'homme s'avance tous les ,

jours vers ce qui est devant lui, c'est-à-dire toutes les lois de la continence et de la chas-
teté, et il nous obéira sans contredit, s'assu-
à la perfection, ou qu'il recule que les anges
;

au change-
sont, à cet égard, sujets jettissant à servir l'esprit en toutes choses.
mêmes
ment, comme on par l'exemple de
le voit Saint Paul nous apprend quels sont les ar-

ceux qui se sont perdus par la dépravation mes et les combats de ce centenier, lorsqu'il
Les armes de notre milice ne sont pas char- ii cor.
de leur volonté; qu'il n'y a que Dieu qui soit dit :

mais spirituelles et puissantes par la force F-phcs.


immuable, étant infiniment bon par sa na- nelles,

de vertu que que Dieu leur imprime. U s'explique ailleurs, iThess


ture, et que, n'y ayant point
qu'il ne en disant que ces armes sont le bouclier de
l'homme puisse tellement posséder,
ne peut la conserver que la foi, la cuirasse de la charité elle glaive de
la puisse perdre, il

par même secours l'esprit, qui est la parole de Dieu. Quiconque


par le même travail et le
se couvre de ces armes, sera toujours invul-
de Dieu qui la lui ont fait acquérir. Il remar- cap.v:
nérable aux traits de ses ennemis. Nous de-
que que l'on ne tombe point tout-à-coup
vous et nous pouvons sans doute nous atta-
dans le crime mais ou parce qu'il y a eu
,

cher inséparablement à Dieu mais il faut


quelque défaut essentiel dans le principe de
;

relâchés pour cela mortifier notre volonté et reti'an-


notre conversion, ou que, nous étant
les mauvaises habi- cher tous les désirs du monde, sans nous
pendant longtemps, et
fortifiées en nous à mesure que laisser aller à une défiance et un décourage-
tudes s'étant
après être tom- ment pernicieux qui nous fasse quitter nos
les vertus s'y affaiblissaient,
exercices comme nous étant inutiles. Il est
vu.
bés peu à peu aux yeux de Dieu, nous
som-
vrai qu'outre sa mobilité naturelle, l'âme
mes tombés aux yeux des hommes.
est encore inquiétée par une
multitude
8. Cassien commence la
septième Confé-
Anolyse de
parler, d'ennemis qui l'environnent de toute part
rence par l'éloge de celui qui doit y
;
la septième
conférence
pag. 400.
use ordinairement ainsi. Elle roule mais nous craignons les attaques et les
si
et il en ^•'"•
luobilité. violences du démon, nous devons considérer
sur la nature de l'ûme et sur sa
Cap. IV, L'abbé Sérénus fait voir que ne pouvant de combien est puissante la main de Dieu qui
sa nature demeurer oisive,
on doit d'en nous protège, et que sa grâce est beaucoup
de l'occu- plus forte pour nous soutenir, que ne sont
régler les mouvements en donnant
des objets qui la toutes les troupes des démons pour nous
pation à son activité par
qui l'arrêtent qu'autrement sa abattre. Dieu 'ne nous inspire pas seulement
tiennent et ;

la ferait le bien, mais il nous pousse


encore pour le
légèreté naturelle l'emporterait et
ne faire, et quelquefois même il entraîne les
courir d'objet en objet. Cette dissipation
l'homme, âmes pour les sauver, lorsqu'elles ne le con-
doit s'attribuer ni à la nature de
créateur, mais à naissent pas, et malgré elles; d'où il suit que
ni à Dieu qui en est le
paresse. Pour le démon ne peut séduire que
ceux qui veu-
notre imprudence et à notre
inconstance, cet abbé propose, lent bien consentir à ses persuasions.
fixer cette
l'Evangile, une des œuvres de Cassien, pour
L'éditeur -
sous la figure du centenier de
commande à adoucir en quelque sorte la force de ses ex-
figure d'une âme parfaite, qui

voluntatis
nisi illum qui prœbere illi maluerit
suce
bonurum rcrum non tanium suggestor, sed
1
Nam assensujn. Cassian., Collât. YII, cap.vni.
Deus ita ut nomun-
eliam fautor atque impulser est ;
2 Hinc Ecclesia in quadam sécréta oral, ut ad se
ad sa-
quam nos eiiam inviios, et ignorantes attrahat volunlates.
neminem passe a diabolo decipt, uosLias etiam rebelles compellat propitius
lutcm. Constat ergo
[IV ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 171

pressions, en parallèle avec celles dont


fait le vigueur de l'âme réside, les accable d'un
l'Eglise se sertdans l'oraison secrète de la poids insupportable, et otiusque par une hu-
messe du quatrième dimanche d'après la meur noire et obscure les facultés intollec-
Pentecôte, on elle demande à Dieu de pous- tucUes. On voit tous les jours qu'un excès do
ser vers lui nos volontés même rebelles. vin, une chaleur de fièvre, un grand froid,
« C'est ce que Dieu fait, ajoute cet éditeur, ou d'autres incommodités semblables, jettent
non on contraignant notre volonté, non en l'âme dans ce même état. C'est ce que Dieu
lui faisant violence,non en la nécessitant, défendit au démon de faire au saint homme
mais en persuadant d'une manière efficace,
la Job, après qu'il lui eut donné sur sa chair toute
quoiqu'agréable, en éclairant notre entende- la puissance qu'il lui avait demandée. « Je
ment, en ôtant les obstacles, en nous frap- le livre, lui dit-il entre tes mains, seulement
pant do la terreur de son divin jugement, de garde son âme, c'est-à-dire ne le jette pas
la damnation éternelle et des peines de dans l'aliénation et l'égarement d'esprit, en
l'enfer, et par d'autres manières qu'il sait affaiblissant la demeure de son âme, et n'é-
propres à rendre obéissants à ses volontés touffe pas de telle sorte l'action principale
non-seulement ceux qui n'y pensaient pas, de son cœur, que tu renverses l'esprit et
mais ceux-là encore qui y étaient rebelles. » confondes le jugement de celui qui te résiste :

car il ne faut pas croire qu'un esprit se mê-


Cap. XIII.
Germain, désirant de savoir comment les
démons peuvent avoir quelque union avec lant avec nos corps, puisse de même se mê-
nos Ames, l'abbé Sérénus lui répondit qu'on ler avec notre âme ; cela n'est possible qu'à
ne devait pas s'étonner qu'un esprit puisse Dieu, qui pénètre même le dedans de toutes
s'unir à un autre esprit d'une manière insen- les natures spirituelles, et peut s'y répandre
sible, et lui persuader invisiblement ce qu'il comme un esprit se répand dans un corps ;

lui plaît, puisqu'il


y a entre les cames et les dé- au contraire, la nature des anges ', des ar-
mons une affinité et une ressemblance de na- changes et des autres puissances du ciel,
ture, et que ce qui se ditdelanaturede l'âme n'est pas tellement spirituelle, qu'elle n'ait
se pont dire aussi de la nature de ces esprits. un corps qui la fait subsister, quoiqu'il soit
« Mais pour ce qui est, ajouta-t-il, de s'unir et beaucoup plus subtil et plus léger que tout
de se mêler ensemble de telle sorte, qu'ils se ce que nous voyons ici-bas. 11 en est de même
pénètrent et entrent l'un dans l'autre, c'est de notre âme. »
ce qui est tout à fait impossible, cela n'é- L'abbé Sérénus prouve ce qu'il dit ici du icor. xv.

tant réservé qu'cà Dieu, qui est le seul dont corps de l'âme, par la distinction que saint
la nature soit entièrement simple. Cet Paul fait entre les corps célestes et les corps
abbé supposait que les démons avaient des terrestres; ensuite, pour satisfaire à une cap. xiv.

corps, et il l'enseigne plus clairement dans question de Germain, qui lui avait demandé
la suite. Ilque la manière dont ces esprits
dit comment les démons découvraient nos pen- »'•

impurs entrent dans les âmes des possédés, sées sans pouvoir pénétrer notre âme, il ré-
n'est pas en tous la même. Quelq»ies-uns pond qu'ils ne peuvent les savoir, mais qu'ils
d'eux reçoivent de telle sorte ces impressions les connaissent seulement par des conjectures
des démons, qu'ils ne savent ce qu'ils disent prises du dehors, c'est-à-dire par la disposi-
ni ce qu'ils font, d'autres le savent et s'en tion dans laquelle ils nous voient, par nos
souviennent ensuite ; mais il est visible que paroles et par les choses où ils remarquent
cela n'arrive point de la part des démons par que se portent nos inclinations et nos désirs;
une altération qu'ils causent dans l'âme; et « ce n'est pas, ajoute-t-il, une chose fort
par la faiblesse du corps, lorsque l'esprit
c'est extraordinaire, que de purs esprits puissent
impur se saisissant des parties où toute la avoir ces sortes de connaissances, puisque

Facit autem hoc Deus qui suaviter omnia dhponit, 1 Licet enim pronuntiemus nonnuUas esse spiritales
,
non cogendo, non vim aliquam, aut necessitatem infe- naturas, ut sunt ungcli archangeli cœterœque vir-
,

rendoioluntati,sed efficaciler,etsi suaviter persuadenrlo, tutes, ipsa quoqtie anima tiostra , vel cerle aer isle
illttstrando inteUecium
, auferendo impedimenta, im- subtilis, tamen incorporeœ, nullatenus œstimandœ sunt.
miltendo terrorem divini judicii, dnmnationis œternœ Habent enim secundum se corpus quo subsistunt, licet
et pœnarum infemi, et aliis
modis, quUais novit exno- multo tenuius , quam nos. Cassian., Collât. VII,
lentihus invitis uihil minus cngitnntibus , imo ex
, cap. xui.
rebellibusvolentes, promptes, ob^equentes , et currentes
facere. Nol. in cap. vin, Collât. VII.
172 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.

les hommes sages les reconnaissent, et juj^ent même à notre négligence, qui rend les dé-
tous les jours de ce qui se passe clans notre mons plus lents à nous attaquer, et qui fait

âme par le geste et la contenance extérieure qu'ils dédaignent de faire contre nous les
du corps, par tous les changements qui
et mêmes efforts qu'ils faisaient contre ces gé-
Cap. XVII. paraissent sur le visage. » Il croit que les dé- néreux athlètes de Jésus-Christ, croyant que
mons n'excitent pas indifféremment toutes cessant ainsi de nous combattre, et nous
les passions dans les hommes ;
que chaque donnant lieu par là de nous relâcher et de
démon a son vice particulier auquel il s'at- nous tenir moins sur nos gardes, ils pour-
tache ;
qu'ils diversifient leurs tentations, et ront nous surprendre et nous vaincre plus
nous attaquent d'un vice en un temps, et aisément. » Il enseigne comme une chose
«"• d'un autre en un autre que quand ;
ils constante, que les esprits impurs ne peuvent
sont vaincus, ils laissent la place à d'au- entrer dans les corps de ceux qu'ils doivent
tres qui attaquent le juste plus violem- posséder, qu'auparavant ils ne se soient ren-
XX. ment; pas tous une égale puis-
qu'ils n'ont dus maîtres de leur esprit et de leurs pen-
sance ni la même malice qu'ils n'ont sur ; sées ;
que, toutefois, ces possessions visibles
l'homme de pouvoir qu'autant que Dieu sont moins cruelles que les invisibles, c'est-
"I. leur en donne; que s'ils nous font beaucoup à-dire de ceux dont les démons ne possèdent
de peine en nous attaquant, nous ne leur en pas le corps, mais l'esprit et le creur, en les
faisons pas moins lorsque nous leur résistons. corrompant par les vices et par l'amour des
Il raconte, sur le rapport des anciens, que plaisirs du monde que Dieu abandonne
;

xxm- dans le premier établissement des anacho- quelquefois ses saints à de grands maux pour
rètes, les démons agissaient contre eux avec des fautes assez légères, comme on le voit
tant de fureur, qu'il n'y avait que peu de per- par le troisième livre des Rois, où il est dit
sonnes, très-avancées en âge et en vertu, qui qu'un saint prophète fut mis à mort par un
pussent supporter les maux qu'ils leur fai- lion pour une faute de désobéissance, où il
saient dans la solitude que dans les monas-
; n'était tombé que par surprise et par l'arti-
tères mêmes où l'on demeurait huit ou dix fice d'un autre que ce qui nous doit engager
;

ensemble, ils faisaient tant de désordre et de à avoir de la compassion pour les personnes
violence, et attaquaient si souvent les reli- frappées en cette vie de quelques punitions
gieux d'une manière toute visible, qu'ils n'o- extraordinaires, c'est qu'elles ne tombent dans
saient dormir tous ensemble durant la nuit; ces afflictions que par une permission par-
mais que, lorsque les uns prenaient un peu ticulière de Dieu, et que tout ce qui nous
de somm.eil, les autres continuaient la veille arrive de sa main, doit être reçu comme
sans interrompre ou la prière, ou la lecture, venant de la part d'un Père très-charitable,
ou le chant des psaumes; que quand la né- et d'un médecin très-doux, qui ne nous or-
cessité de la nature forçait ceux-ci à se re- donne rien que pour notre plus grand avan-
poser, ils allaient auparavant réveiller les tage. Germain avait avancé que l'on séparait
autres, afin qu'ils fissent à leur tour la garde pour toujours de la communion, ceux qui
et la sentinelle contre ces ennemis qui ne étaient possédés du démon, mais l'abbé Sé-
dorment point. Il rend deux raisons pour- rénus dit qu'il ne se souvenait pas que les

quoi ces grandes tentations étaient dimjinuées anciens la leur eussent interdite. Ils croyaient
de son temps, a Ou nous devons, dit-il, attri- au contraire, dit-il, qu'il fallait, s'il était pos-
buer la tranquillité dont on jouit à présent sible, qu'ils en approchassent tous les jours;
dans le désert, à la grâce et à la vertu de la car cette parole de l'Evangile Ne donnez
:

croix qui, se répandant partout, tient comme point le saint aux chiens, ne les regarde point ;

captive la malice de l'ennemi; ou peut-être et nous ne devons pas croire que la sainte

> Communionem vero eis sacrosanctam a senioribus in ipsis latitare cognoscitur, velut quoddam exurens
nostris nunqunm meminimus interdictain, quin imo, ai fugat incendium. Hoc namque modo curatum abbatem
possibile esset, etiam quotidie eis impertiri eam debere Andronicum nuper aspeximus, aliosquc quam plures.
censebnnt. Nec enini secundum Evange/ii sententiam, Magis namque ac magis inimicus insultabit obsesso,
quam incongrue huic sensui coapfatis Nolite sanctiim : cum eum a cœlesti medicina viderit segregatum , tan-
dare cauibus, ad dœmonis escam sucrosancla commu- toqve dirius ac frequentius attentabit, quanta eum ah
nio, et non poiius ad purgalionem ac tutelam corporis, spiritali remedio longius senserit abdicatum. Cassian.,
animœque pervenire credemta est ; qtiœ abhomineper- Collât. VII, cap. xxx.
cepla, eum, qui in membris ejus incidet, spirilum, seu
[IV* ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT GASSIEN DE MARSEILLE. 173

communion en ces rencontres, soit en quelque qu'ils portaient continuellement sur leurs
sorte livrée au démon; mais qu'au contraire, épaules; mais, au lieu d'édifier ceux qui les
on s'en sert très- utilement pour purifier et voyaient en cet état ils ne leur donnaient
,

conserver le corps, et qu'elle est comme un qu'un sujet de divertissement et de raillerie.


feu qui brûle et qui chasse l'esprit impur du Il remarque encore qu'il faut user de beau- Oap. IV.

corps de ceux qu'il possède ou qu'il lâche de coup de retenue lorsqu'on parle de l'Ecri-
posséder. « C'est, ajouta-t-il, par ce remède ture, sans rien assurer trop hardiment, ou
que nous avons vu guérir de nos jours l'abbé rien nier avec trop de précipitation; mais
.Vndronique et plusieurs autres; ainsi ce se- que, dans les endroits clairs et mnnifesles,
raitdonner lieu au démon d'insulter encore on peut dire son sentiment avec plus d'as-
plus cruellement à celui qu'il possède, que surance. Il met les deux passages de saint
de le tenir séparé de l'Eucharistie. » Il parle Paul dont on lui avait demandé l'explica-
ensuite des inclinations différentes qui sont tion, au nombre de ceux qu'on ne peut ex-

dans les démons, et des noms divers d'ani- pliquer dans un sens certain. Il entreprend
maux ils sont représentés dans
sous lesquels toutefois de satisfaire à la question pro-
l'Ecriture, disant qu'aucun nom ne leur a posée. Les anges, dit-il, existaient déjà
été donné par hasard mais que l'on a voulu , avant que Dieu créât ce monde visible et il ,

marquer la dillërence qu'il y a entre la ma- le prouve par un endroit de Tépître aux Co-

lice et la cruauté de toutes ces sortes de dé- lossiens, où saint Paul, rapportant par ordre
mons, par celles qui se trouvent dans les les choses créées met d'abord celles qui
,

animaux dont on se sert pour les exprimer. sont dans le ciel. Les anges, continue-t-il,
9. Cassieu et Germain, après avoir solen- ont été créés bons de leur nature et ceux
,

nisé le jour du dimanche avec les frères, et qui sont tombés n'ont pas conservé leurs
mangé dans la cellule de l'abbé Sérénus le , abandonné l'heureux état
principautés, mais
prièrent de leur expliquer ce passage de l'é- où ils Il y a
avaient été établis.entre les
pitre aux Ephésiens : .Xaus n avons pas à com- démous une subordination à peu près sem-
battre contre la chair et le sang, mais contre blable à celle qui se trouve dans la hié-
les puissances, les princes du monde et des ténè- rarchie des anges; le diable était déjà
bres, contre les esprits de malice qui sont en tombé avant la chute de l'homme, et
l'air; et celui - ci de l'épitre aux Romains : c'est lui qui est appelé serpent dans l'Ecri-
// n'y a point d'anges, ni de principautés, ni de ture et dont il est dit Le serpent était plus
, :

vertus, ni aucune autre créature qui nous puisse rusé que tous les autres animaux de la terre;

séparer de la charité de Dieu , qui est en Jésus- la première cause de la chute du démon
Christ notre Seigneur. Cet abbé fait d'abord fut son orgueil, et l'envie qu'il conçut contre
remarquer que l'Ecriture parle quelquefois l'homme acheva de le perdre et fit qu'au ,

si clairement moins intelligents


,
que les lieu qu'auparavant il marchait tout di'oit et
comprennent tout d'un coup ce qu'elle veut la tète élevée , il se vit réduit à ramper sur
dire selon la lettre mais qu'elle renferme
; la terre et à manger la terre, c'est-à-dire
aussi beaucoup de choses qu'elle a cou- ,
les péchés des hommes; l'air que nous Cap. XII.

vertes à dessein , d'une obscurité toute mys- respirons et tout cet espace qui est entre le
térieuse , afin d'exercer notre esprit dans la ciel et la terre, est rempli de démons ; ils

recherche longue et laborieuse des sens y sont dans une action et dans un mouve-
qu'elle y a cachés ;
que par là elle a voulu ment continuels mais Dieu ne permet pas
;

empêcher que ses mystères sacrés ne fussent que nous les voyions, soit pour nous ôter
découverts autant aux profanes qu'aux fi- la frayeur de ces objets si horribles, soit
dèles; que, comme il y a des endroits où la pour ne nous point laisser corrompre par
lettre n'a rien d'obscur, comme celui-ci : l'exemple continuel de leur dérèglement. Il
\ous aimerez le Seigneur votre Dieu; il y en a croit que les démons se font la guerre entre
d'autres que l'on doit expliquer dans un sens eux, comme ils la font aux hommes, et il ne
allégorique, comme ce qui est dit dans saint doute pas que le prince des Perses et celui
Matthieu : Qui ne prend point sa croix pour des Grecs, dont il est parlé dans Daniel, ne
Dan. X et xii.
me Quelques so-
suivre, n'est pas digne de moi. soient du nombre de ces esprits de malice Cap. XIV.
litaires, qui avaient plus de zèle que de qui favorisaient des peuples ennemis du Lac. XI.

Joan. XIV.
science, prirent au pied de la lettre ce der- peuple de Dieu. 11 montre par ce qui est dil
Ephes. VI.
nier passage et se firent des croix de bois
, dans l'Evangile, de Belzébut, prince des dé-
174 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
mons, du prince de ce nioude et des princes sortes d'aÛaires éviter les médisances, pu-
,

des ténèbres; qu'il y a parmi les démons des rifier son cœur par la simplicité et l'inno-
principautés et des puissances , et qu'il y a cence, acquérir une humilité profonde, em-
quelques-uns de ces esprits qui comman- pêcher son esprit de s'égarer en courant
dent aux autres et qui ont du pouvoir sur après des pensées volages, n'étant pas pos-
ceux qui leur sont inférieurs, comme il y en sible que ce que nous avons dans l'esprit
a parmi les bons anges. Il croit que chacun avant l'heure de l'oraison, ne revienne après
Vap. xnt. de nous a deux anges l'un bon et l'autre
, dans la mémoire lorsque nous prions. Il ap-
mauvais; sur quoi licite le livre du Pastew\ puie ces maximes sur diverses comparaisons
où l'on voit en effet cette doctrine bien éta- et visions de saints anachorètes, et, après
blie. Il explique du mariage des descendants avoir marqué ditférentes sortes de prières,
de avec les descendants de Caïn, ce qui
Setli rapportées dans les épitres de saint Paul, il
est dit dans
le chapitre vp de la Genèse, de explique de suite celle que Jésus- Christ a
l'alliance des anges avec les filles des hom- dictée lui-même. Par ces paroles Notre :

mes, et raconte, sur une ancienne tradition, Père, nous déclarons que nous sommes pas-
que Cham, fils de Noé, qui avait été très- sés de la condition des esclaves à celle des
instruit de toutes les superstitions profanes enfants adoptifs de Dieu. Nous ajoutons :

et des arts sacrilèges de la magie et des en- Qui est dans les deux , afin que, nous souve-
chantements, par ceux qui les avaient in- nant que la vie présente n'est qu'un exil,
ventés avec le secours des démons, écrivit nous portions tous nos désirs cà cette bien-
tout ce qu'il en savait sur des lames de divers heureuse patrie, où nous avouons que de-
métaux grava sur les cailloux et sur
, et les meure notre Père. Par ces autres paroles :

la pierre, afin les inondations du


que toutes Que votre nom soit sanctifié, nous témoignons
déluge ne pussent altérer ces traits ni effa- , que tous nos vœux et toute notre joie est de
cer ces caractères ;
quand le déluge fut voir que notre Père soit honoré, et que nous
cessé, sa curiosité ciimiuelle, qui lui avait souhaitons encore que sa sainteté paraisse
fait graver ces impiétés, les lui fit aussitôt et éclate dans toute la conduite de notre vie;
rechercher, et il transmit ainsi à sa pos- ce qui s'accomplit véritablement dans nous,
téiité la semence d'une malice et d'un sa- lorsque les hommes, voyant nos bonnes œu-
crilège éternels. Il enseigne que quoiqu'il n'y vres, en glorifient notre Père qui est dans
eût point alors de lois écrites, la loi natu- les cieux. En demandant que son royaume
relle que Dieu avait imprimée dans le cœur arrive, nous entendons par là le royaume
de l'homme suffisait, qu'on était inexcusable par lequel Jésus -Christ règne tous les jours
en la violant; mais que la licence et l'habi- dans ses saints et le royaume promis dans
,

tude du crime ayant corrompu cette loi il , le temps à tous les véritables enfants de
fallut la renouveler et la rétabhr, ou, comme Dieu. On ne peut porter sa prière plus haut
parle 1 Ecriture, l'aider par la loi de Moïse; qu'en demandant que la volonté de Dieu soil
que cette loi écrite aurait été superflue en faite sur la terre comme au ciel; car c'est
un temps où la loi naturelle était encore eu comme demandait que les hommes
si l'on
vigueur, et que l'on ne devait pas aussi pu- soient semblables aux anges et que comme ,

blier les maximes de lEvangile avant que ces bienheureux esprits accomplissent par-
l'on eut observé celles de la loi. Il répond à faitement dans le ciel toutes les volontés de
Germain, qui lui avait demandé si le diable Dieu, de même tous les hommes sur la terre
3oâtl.vtli,lJ.
a un père , à cause qu'il est écrit : Vous êtes ne fassent que ce que Dieu veut , et non ce
Hcb.xii.
les enfants du diable, votre père, qu'il est clair, qu'ils veulent eux-mêmes. Lorsque nous lui
par l'Ecriture, que notre corps vient d'un disons Donnez- nous aujourd'hui notre pain
:

homme, mais que Dieu est l'unique père des de cJiaque jour, c'est lui marquer que nous
âmes comme des esprits. savons qu'il le donnera éternellement dans
10. La neuvième Conférence traite de la le ciel à ceux qui l'auront mérité, mais que
Analyse de
la nenvièrae prière et des dispositions qu'un solitaire doit si nous ne le recevons de lui en ce monde,
Couférence,
pag. 4"0. avoir pour arriver à une prière continuelle. il ne nous le donnera jamais en l'autre. Nous

C.ip. I et 11.
L'abbé Isaac, qui parle dans cette Conférence, ajoutons : Et remettez-nous nos dettes comme
ditqu'on doit d'abord retrancher générale- nous les remettons à ceux qui nous doivent. En
ment tous les soins de la chair, bannir en- quoi Jésus -Christ ne nous donne pas seule-
suite de £on esprit et de sa mémoire toutes ment un modèle de la prière que nous de-
[IV« ET V^ SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 175

vons faire, mais encore du règlement de nos et d'aflfeclion qui sortent du cœur comme
mœurs pour les rendre agréables à ses yeux. d'une source abondante. 11 parle de diverses
Ilnous ouvre et l'entrée à sa miséricorde et causes qui nous touchent quelquefois sans
le moyen de nous rendre ses jugements fa- que nous y ayons pensé, et qui nous atten-
vorables, en mettant entre nos mains le pou- drissent le cœur. « Souvent, dit -il, en réci-
voir de tlécliir sa sentence et de le forcer en tant un verset d'un psaume, nous nous trou-
quelque sorte ;\ nous pardonner nos oûenses, vons tout d'un coup dans le mouvement
par le pardon que nous en accordons aux d'une prière toute de feu. Quelquefois la voix
autres car Dieu nous pardonnera nos fautes
: d'un de nos frères, qui est tout ensemble
à proportion que nous pardonnerons à ceux nette et édifiante, nous fait passer de l'as-
qui nous auront offensés en quelque manière soupissement dans une fervente application
que ce soit. Quand donc il se trouve des per- à la prière. La psalmodie grave et modeste
sonnes qui passent cet endroit du Pater, donne aussi de la ferveiu- à ceux qui l'en-
lorsque tout le peuple le dit à haute voix tendent; il en est de même des exhortations
dans l'église de peur de se condamner plu-
,
et des entretiens spirituels d'un homme de
tôt elles-mêmes par ces paroles, que de s'ex- bien. Quelquefois même la mort d'un de nos
cuser, elles ne considèrent point qu'on n'im- frères ou de quelques personnes que nous
pose pas par ces frivoles subtilités à ce sou- aimons, nous fait entrer dans une profonde
verain Juge, qui a voulu marquer dans les componction. Ce qui fait voir que Dieu aune
paroles mêmes de ceux qui le prient, la ma- infinité de moyens de nous faire rentrer par
nière dont il les doit juger un jour. Il y a la grâce dans un renouvellement de fer-
quelque ditliculté dans l'iutelligence des pa- vem". » Il rapporte aussi les ditlérentes ma- Cap. ixvii.

roles suivantes : Ne nous laissez point tomber nières dont le cœur, extrêmement touché au-
dans la tentation. Car si nous prions Dieu dedans agit ensuite au -dehors. Tantôt la
,

qu'il ne permette pas que nous soyons ten- componction renfermée dans l'intérieur, se
tés, comment notre patience et notre fermeté répand au -dehors par des transports d'une
pourront-elles être éprouvées? Elles ne veu- allégresse toute divine qui nous fait pousser
lent donc pas dire Ne permettez pas que
: des cris de joie que nous no pouvons rete-
nous soyons jamais tentés; mais Ne souffrez : nir. Quelquefois, au contraire, toute notre
pas que la tentation nous abatte. Il en est âme se renferme dans un si profond silence,
de même de celles qui terminent l'Oraison que l'admiration où nous sommes de ce que
dominicale Délivrez - nous du 7nal;on selon
: nous sentons, étouffe notre voix et nos pa-
d'autres: Délivrez-nous du malin esprit , c'est- roles et que notre esprit étonné n'a plus
,

à-dire ne permettez pas que le démon nous que les soupirs libres pour porter à Dieu la
tente au-delà de nos foi'ces. Il n'est parlé ferveur de ses désirs. En d'autres occasions
dans toute cette prière, ni de richesses, ni on se sent pénétré d'une douleur si vive ,

d'honneur, ni de puissance et de force on ; qu'il faut qu'elle se digère en quelque sorte,


n'y demande point la santé du corps ni les et qu'elle s'évapore par une grande effusion
commodités de la vie , Dieu ne voulant point de l'âme; mais cette effusion de l'âme ne
qu'un chrétien attende de l'Auteur de l'éter- vient pas toujours d'une même impression.
nité rien de temporel et de périssable. A On pleure par le regret de ses péchés ; on
cette prière l'abbé Isaac en ajoute une plus pleure dans la vue des biens à venir et dans
sublime, dont Jésus- Christ nous a donné le le désir de cette gloire que nous attendons;
modèle, lors(|ii'il passait la nuit en prière on pleure même lorsque, sans aucun remords
sur mie montagne, ou lorsqu'il priait dans de ses péchés la seule crainte de l'enfer et
,

un profond silence, comme il fit au Jardin le souvenir du jugement terrible nous fait
dans son agonie, où il fut trempé d'une sueur demander à Dieu de n'entrer point en juge-
de sang, par le transport d'une attention et ment avec nous; on pleure aussi quelquefois
d'une douleur iuimitable à tous les hommes. pour les crimes et l'endurcissement des au-
Cette sorte de prière ne seforme point par le tres. C'est ainsi que Samuel pleurait Saûl, et
son de la voix, ni par le mouvement de la Jésus-Christ la ville de Jérusalem. L'abbé
langue, ni par la prononciation des paroles; Isaac regarde comme dangereuses les larmes
mais l'âme seule, éclairée par la lumière du que l'on s'efforce de répandre, disant que
Saint-Esprit, s'explique à Dieu par une effu- cette afiectation ne fait que distraire et abat-
sion et une multifylication de mouvements tre l'esprit, et que les larmes quand mémq ,
ite HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
on les ferait couler avec quelqu'abondance, saint jour de Pâques. Théophile, alors pa-
n'ont aucune proportion avec cette effusion triarche d'Alexandrie, prit occasion de ces
que Dieu nous donne quand il lui plait. D'a- lettres,de parler contre l'hérésie des anthro-
cap. «XI. près lui, quand nous n'avons point hésité pomorphites, et de la combattre par un long
dans nos prières, et quand nous n'y avons été discours. Les solitaires d'Egypte dont la ,

troublés d'aucune défiance ni d'aucun doute, simpficité avait été surprise par cette erreur,
nous devons avoir confiance que Dieu nous s'élevèrent presque tous d'un commun ac-
"'^'^-
a exaucés. Il marque entre les causes pour cord contre ces lettres et la plus grande
,

lesquelles Dieu nous exauce, l'union et le partie des anciens fut d'avis de se séparer
consentement des personnes avec qui nous de Théophile, et de ne le plus regarder qu'a-
prions; une foi pleine, une persévérance vec horreur, comme un homme qui attaquait
infatigable les aumônes le changement de
; ,
visiblement l'Ecriture sainte, et qui niait que
vie, et la réformation de nos mœurs, accom- Dieu eût la forme d'un homme, contre ce
pagnée des œuvres de miséricorde l'excès ;
qui est dit clairement dans la Genèse, qu'A-
de nos afflictions, quand on les représente à dam a été créé à son image et à sa ressem-
Dieu avec force. 11 appuie tout cela de di- blance. Tous les solitaires de Scété, à l'ex-
vers passages de l'Ecriture. En expliquant ception de l'abbé Paphnuce, rejetèrent celte
l'endroit de l'Evangile où il est dit que nous lettre et ne voulurent jamais souffrir qu'on
Matth. VI. devons prier dans notre chambre la porte fer- la lût dans leurs assemblées. Celui qui les
cap. xxxT. mée, nous accomplissons, dit-il, ce précepte,
(( retenait principalement dans cette erreur,
lorsque bannissant de notre cœur tout le
, était un vieillard respectable par ses vertus,
tumulte et le bruit de nos pensées, nous l'ou- par l'austérité de sa vie et par sa vieillesse :

vrons à Dieu pour le prier dans un silence il se nommait Sérapiou. Le prêtre Paphnuce

profond el dans une familiarité toute simple. essaya longtemps de le gagner, mais inutile-
Nous fermons la porte de notre chambre, ment. Pendant cet intervalle arriva du fond
,

lorsqu'ayant la bouche fermée, nous offrons de la Grèce dans le désert, le diacre Pholin,
sans bruit et sans parole nos prières à Dieu, homme très- savant. Paphnuce, pour con-
qui regarde non la langue mais le cœur.,
firmer la foi et la vérité contenue dans les
Nous prions en secret, lorsqu'avec toute l'ap- lettres de Théophile, le pria de lui dire en
plication de notre esprit et de notre cœur, présence de tous les frères comment les ,

nous découvrons nos demandes à Dieu seul. Eglises deTOrient entendaient cet endroit de
II nous est utile de prier ainsi non-seule-
, la Genèse Faisons l'homme à notice image et
:

ment afin de ne point incommoder nos frères à notre ressemblance. Photin répondit, sans
lorsqu'ils prient, par nos cris et par nos pa- hésiter, que tous les évêques de ce pays
roles, mais encore afin de caclier l'intention n'entendaient point cela à la lettre, ni d'une
de notre prière à ces ennemis invisibles qui manière grossière il rapporta beaucoup
;

nous tendent plus de pièges au temps de la d'endroits de l'Ecriture qui prouvaient clai-
x«vi. prière que dans les autres. » 11 conseille les rement combien il était indigne de croire
prières courtes, de peur qu'elles n'ennuient que la majesté invisible, incompréhensible
par leur longueur, regardant l'oraison courte de Dieu, pût être bornée par quelque chose
et fervente, comme le véritable sacrifice que qui eût la forme et la ressemblance a'un
Dieu demande de nous: mais il veut qu'on homme, puisqu'elle était toute simple, sans
la réitère souvent. composition, sans corps , sans figure, et que
Analyse de
^^- D'après Une ancienne tradition, dans l'œil ne la pouvait voir, comme l'esprit ne la
conféreuccT to^^tcs Ics EgUscs d'Egyptc, aussitôt après pouvait comprendre. Le bon vieillard Séra-
pag.ôoi.
TEpiphanie, qu'on appelle la fête du bap- pion, convaincu de ces raisons, reconnut la
tême de Jésus-Christ ou de sa naissance se- vérité, et tous ceux qui étaient présents s'é-
cap. I. Ion la chair, deux mystères que ces Eglises levèrent pour en rendre à Dieu des actions
• ne célébraient pas séparément comme l'on de glace. Quelque temps après, Cassien et
faisait en Occident, mais en un même jour Germain allèrent retrouver l'abbé Isaac, pour
et par une seule fête, le patriarche d'Alexan- s'instruire de nouveau auprès de lui des con-
drie envoyait des lettres circulaires par toute ditions d'une prière parfaite et continuelle.
l'Egypte, pour indiquer non-seulement à Ils commencèrent leur conférence sur ce qui

toutes les Eglises, mais encore à tous les mo- s'était passé à l'égard de l'abbé Sérapion;

nastères , le premier jour de carême , et le sur quoi l'abbé Isaac leur dit que l'erreur
,

[iV ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 177

dans laquelle ce bon vieillard avait été en- dont l'âme reconnaît qu'elle ne se peut dé-
gagé, venait uniquement de cette première livrer que par le secours de celui qu'elle in-

ignorance du paganisme, où les hommes, ac- voque. 11 entre dans un long détail de toutes
coiiluraés à adorer les démons revêtus de la les circonstances de la journée et de la nuit
figure des hommes, ont cru, en passant dans où l'on doit avoir ces paroles dans la bouche
le cliristianisme ,
qu'il fallait adorer la ma- et dans le cœur. Il veut que, pour bien ré- Cap. XI.

jesté inetlable du vrai Dieu sous quelques citer les Psaumes, chacun les récite uon plus
formes sensibles, dont ils croyaient qu'il était comme ayant été composés par un Pro-
revêtu. « Ces sortes de gens, ajouta-t-il, s'ima- phète , mais comme s'il les composait lui-
ginent que tout leur échappe, et qu'ils per- même, et qu'il otfrit à Dieu sa propre prière

dent toutes leurs prières s'ils ne se propo- ,


avec une profonde contrition de cœur ou ,

sent en priant une image fixe et arrêtée de- que du moins il croie les Psaumes faits ex-
vant leurs yeux, et que leur esprit porte avec près pour lui en particulier, et reconnaisse
lui en tout lieu et en tout temps. C'est d'eux que toutes les vérités qui y sont enfermées,
que saint Paul dit Us ont changé la gloire de
:
n'ont pas seulement été accomplies en Da-
Dieu incorruptible en la 7'essemblance de l'image vid, mais qu'elles s'accomplissent encore et

d'un homme corruptible. «Après cette réflexion se vérifient tous les jours en sa propre per-
sur l'hérésie des anthropomorphites, l'abbé sonne; car nous comprenons tout autrement
Isaac combien il fallait êti'e dégagé de
fit voir l'Ecriture sainte, lorsque notre propre expé-
la vue du souvenir des choses terrestres
et rience non-seulement connaît, mais prévient
et sensibles, en priant; que Ton devait, à même tout ce qu'elle dit, et que le sens de
l'exemple de Jésus- Christ monter à l'écart ,
ses mystères nous est découvert plutôt par
sur une montagne élevée pour y prier Dieu ce que nous sentons en nous-mêmes, que
en secret, c'est-à-dire séparer notre âme du par tout ce que les hommes nous en peuvent
tumulte, des passions et du mélange de tous dire. 11 prétend que les seuls moyens d'ar-
les vices, l'établir dans une foi vive et la rêter la légèjeté de notre esprit et l'égare-
faire monterauplus haut comble des vertus. ment de nos pensées dans la prière, c'est de
Il fait consister la prière parfaite et conti- s'y préparer avec grand soin, et de tâcher,
nuelle dans l'union inséparable avec Dieu, avant même de prier, d'être dans la dispo-
en sorte que toutes nos espérances toutes ,
sition où nous souhaitons que Dieu nous
nos pensées toutes nos paroles et tous les
, trouve lorsque nous prions.
mouvements de notre cœur ne tendent qu'à 12. Les sept Conférences suivantes furent
lui. Pour se faciliter cette prière continuelle, écrites, comme nous l'avons dit, à la prière
il qu'un solitaire doit s'accoutumer à mé-
dit de saint Honorât et d'Eucher, dont la fer-
diter en lui-même en chassant de son cœu]>
, veur de la foi ne s'était pu eucore contenter
toutes les vaines pensées qui le pourraient des dix précédentes, ni des douze livres des
embarrasser et qu'il doit avoir continuelle-
, Institutions. Après queCassien et (jermain eu-
Cap.i.
ment dans l'esprit ce verset des psaumes : rent été instruits par les Pères de Scété, ils
Mon Dieu, venez à mon aide, hùtez-VMS , Sei- résolurent de passer en Egypte pour en voir
gneur, de me secourir. Il ajoute que ce n'est les solitaires les plus fameux. Eu suite d'une
pas sans raison que ce verset a été choisi de longue navigation, ils arrivèrent à une ville
toute l'Ecriture sainte, puisqu'il convient ad- nommée Tennèse, où ils furent bien reçus
mirablement à tous les et .ts et à toutes les par Archébius, qui, sachant qu'ils avaient
tentations dilierentes auxquelles nous som- dessein de passer plus avant prit pour les ,

mes exposés en cette vie. Un y voit l'invoca- conduire son bâton et la peau qui lui ser-
,

tion de Dieu contre toutes sortes de dangers vait de besace, pour les mener chez lui à
l'humilité d'une sincère confession, la vigi- Panephyse, d'où il était évêque. De là, il les
lance que produit une frayeur et une crainte conduisit chez les anachorètes Quérémont,
continuelle la considération de noire fra-
, Nesléros et Joseph, qui furent les premiers
gilité , l'espérance d'être exaucés , une con- qu'ils connurent en Egypte. Quérémont était
fiance toute chréUenne en la bonté de Dieu un vieillard extrêmement humble et retenu à
toujours prête à nous secourir, le feu d'un parler des choses de Dieu, dans la crainte de
amour divin, une humble appréhension des ne pas faire ce qu'il disait aux autres; mais
pièges qui nous environnent et une crainte Cassien lui fit tant d'instances qu'il
,
,
fut
des ennemis qui nous atfiigenl nuit et jour, comme forcé de leur parler sur la perfection
Vlli.
12
,, ,

178 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


à laquelle nous devons tendre. Il leur dit tants. Quérémont traite de l'excellence de la cap. xm.

donc que trois choses empêchaient d'ordi- crainte chaste^ qui est propre aux enfants,
naire les hommes de s'abandonner aux vi- et déclare qu'elle ne vient ni de la frayeur
ces : la crainte de l'enfer et de la sévérité des supplices, ni du désir de la récompense
des lois , l'espérance et le désir du ciel , l'a- qu'on attend mais de la grandeur même
,

mour du bien et l'atFection des vertus. La d'un amour semblable à celui qu'a le fils
crainte chasse le mal et la contagion des pour le père, et le frère pour le frère, l'ami
Prov. VIII. vices, selon qu'il est écrit :Za crainte du Sei- pour l'ami, et l'épouse pour son époux, quel
gneur hait l'iniquité; l'espérance nous retire porte toutes ces personnes à s'entre -res-
Psai. wviii. de tous les péchés , selon cette parole du pecter et à s'entr'aimer, non par l'appré-
iror. XIII. psaume : Tous ceux qui espèrent en Dieu, ne hension des peines et des reproches, mais
pécheront point , et l'amour ne tombe point par la seule crainte de blesser l'amitié en la
ipeir. IV. dans puisque saint Paul dit Que la
le vice, : moindre chose, et les tient toujours atten-
charité ne tombe point, et qu'elle couvre, au tifs et comme en suspens, pour ne blesser
t:ap. VII. contraire, la viultitude des péchés. Il ajouta en aucune sorte ni par parole , ni par ac-
,

que, pour être parfait, de ce il fallait sortir tion, la personne qui leur est chère afin de ,

premier degré de la crainte qui n'est que ne pas causer le moindre refroidissement
• servile, et passer au degré de l'espérance, en- dans leur amitié.
suite au degré de l'amour qui est propre aux 13. Cette charité devant nécessairement Amlyse de
VIII. enfants de Dieu. 11 fait voir combien ce der- produire une chasteté parfaite , le même la douzième
conférence
pag. B33.
nier état où Ton n'agit plus par crainte
, abbé Quérémont entreprit, dans la douzième
mais par amour, est excellent et préférable Conférence, de montrer en quoi elle consis-
à tous les autres^ puisqu'il y a une grande tait. 11 expliqua d'abord cet endroit de saint
ditlercncc entre celui qui n'éteint les ar- Paul : membres qui sont sur la
Mortifiez vos Cap. ,.

deurs du péché que par la crainte de l'enfer terre, etc., que ce corps de péché
e't fit voir
ou par l'espérance d'une récompense éter- est composé de plusieurs vices, qui en sont
nelle, et celui qui a de l'horreur du vice comme les membres, et que tous les péchés
IX. par l'amour qu'il a pour Dieu. Celui qui ne que l'on commet par pensées, par paroles et
fuit l'attrait des vices que par l'appréhension par actions, se rappoiient à ce même corps,
de la peine, retournera bientôt au mal qu'il dont il est dit que les membres sont sur la Philip, m.
aime encore dans son cœur mais celui qui ; terre, parce que ceux qui s'en servent- ne

agit par le plaisir qu'il goûte dans la vertu ,


peuvent dire avec vérité, comme le même
non-seulement bannit de son cœur tout ce Apôtre Notre conversation est dans les deux.
:

qui lui est contraire mais il le déteste en- , Ces membres, comme on le lit dans l'épître
core avec une extrême horreur ce qui ne ; aux Colossiens, sont la fornication, l'im-
se trouve pas toujours dans celui qui ne ré- pureté la concupiscence tous les mauvais
, ,

prime ses passions déréglées que par l'es- désirs et l'avarice. Il montre que comme
, Cap. m.
III.» pérance d'en être lécompensé. Il ne prétend l'on éteint assez aisément l'avarice ainsi ,

point toutefois que la vue continuelle des


,
qu'il parait par le grand nombre de per-

supplices de l'enfer ou du bonheur qu'on sonnes qui ont renoncé de cœur et d'attéc-
promet aux saints soit inutile, et qu'on n'en tion à tout leur bien sans s'en réserver au-
puisse pas faire un très-bon usage mais sa ;
cune partie , on peut de même éteindre tout
pensée est que ces deux états étant utiles ce qui est contraire à la chasteté , n'étant
et conduisant ceux qui s'y appliquent à un point à présumer que saint Paul ait ordonné
commencement de bonheur, la charité qui en- de mortifier ces deux passions, si cela n'é- (
ferme une plus grande contiance, vient. en- taitpossible; maisce saint abbé reconnaît que
suite les retirer de cette crainte servile et de le soin et le travail de l'homme ne sulMsent

cette espérance mercenaire pour les élever ,


pas pour acquérir la pureté et que si Dieu ,

à l'amour de Dieu et les faire passer à l'état nous abandonnait pour un moment nous ,

des enfants, afin qu'étant déjà parfaits en tomberions aussitôt dans le vice contraire. Il I
quelque sorte elle les rende beaucoup plus
, croit que la guerre qui est quelquefois au
parfaits qu'ils n'étaient auparavant. D'où dedans de nous à ce sujet, ne nous est point
vient que l'Apôtre préfère la chai'ité non- inutile, puisqu'elle nous fait rentrer dans
seulement à la crainte et à l'espérance, mais des sentiments d'humilité et qu'elle nous ,

encore à tous les autres dons les plus écla- fait souvenir de ce que nous sommes. Il
[lY' ET y SIÈCLES.] CHAriTRE XIV. — SAIN T CASSIEN DE MARSEILLE. 179

parait persuadé que plus on se perfec-


parle, ou, comme on le prétend, le prêtre

tionne dans la douceur et la patience inté- Cassien sous son nom : c'est celle de toutes
rieure plus aussi l'on s'avance dans la pu- qui est la plus célèbre, à cause des disputes
,

reté du corps, et que plus on s'éloigne de dont elle a fourni la matière, et du blâme
la passion de la colère, plus on devient ferme qu'elle a attiré à Cassien parmi les catholi-

et invincible dans la chasteté. 11 cite sur cela ques ; elle a même


mettre ses autres fait

beaucoup de passages de lEcriture à l'avan- écrits au rang des apocryphes dans le décret

tage de ceux qui sont doux et patients. Il qui porte le nom du pape Gélase, parce
marque six principaux degrés pour parvenir qu'en etiet on y voit une doctrine qui n'est

à la perfection de la chiisteté, qui ont tous point conforme à celle de l'Eglise touchant
pour objet le calme du corps et de l'esprit; la grâce, l'auteur y marquant clairement

mais il convient que persoune ne peut bien que le commencement du mérite et de la


les comprendre, si, par une longue expé- bonne volonté vient de nous. Cela n'empêche
rience et par une grande pureté de cœur, on pas qu'il n'établisse dans la même Conférence
ne s'est mis eu état de pénétrer et de discer- plusieurs maximes sur cette madère, qui sont
ner tous les mouvements ditierents de ces entièrement conformes à ce qu'enseigne l'E-
deux substances. Il fait consister la véritable glise catholique car Germain lui ayant de-
: cap. n.

chasteté dans l'amour sincère qu'on a pour mandé pourquoi nous n'attribuons pas à nos
cette vertu, et dans le plaisir céleste qu'on y travaux et à nos soins nos progrès dans la
trouve, ne regardant pas comme des fautes vertu, comme on attribue aux soins du la- ,„.

certains accidents naturels et involontaires. boureur la fertilité des campagnes, l'abbé


Germain ayant souhaité de savoir combien Quérémont lui répondit que le principe '
de temps faudrait pour acquérir la chas-
il non-seulement de nos bonnes actions, mais
teté ,
Quérémont lui répondit qu'il y aurait encore de nos bonnes pensées, vient de Dieu,
de la témérité à vouloir déterminer un temps qui nous inspire et les commencements d'une
pour la perfection d'une vertu, puisqu'on ne sainte volonté, et la force et l'occasion de
peut pas même en fixer pour acquérir la faire les choses que nous souhaitons, tout
perfection des sciences et des arts, où l'on don venant du Père des lumières, qui
parfait
ue se perfectionne plus tôt ou plus tard, que commence et achève dans nous les bonnes
selon qu'on y est plus ou moins propre, et actions mais que c'est à nous à suivre avec
;

qu'on s'y attache avec plus ou moins de tra- humilité la grâce de Dieu, qui nous attire
vail. Une marque qu'on n'est pas éloigné chaque jour aussi saint Prosper -, qui a ré-
:

d'acquérir la chasteté , c'est quand on com- futé ce que l'on trouve dans ces Conférences
mence à reconnailre qu'on ne la doit point de contraire à la doctrine catholique, recon-
attendre de son travail, mais de la miséri- naît que l'auteur ne s'en éloigne point dans
corde de Dieu suivant cette parole de Da-
, les premiers chapitres. Germain objecta que ,v.

vid : Si le Seigneur n'édifie lui-même la mai- plusieurs d'entre les gentils s'étaient rendus
son, en vain travailleront ceux qui la bâtissent. recommandables non-seulement par leur ,

Que ceux qui pensent le contraire, en s'ima- frugalité et leur patience, mais encora par
ginant qu'ils ont contribué par leurs soins à leur chasteté; ce qui, sans doute, ne pouvait
acquérir ce don, retombent par celte com- être l'etlet que de leur libre arbitre, et non
plaisance secrète sous la tyrannie de l'impu- pas de la grâce de Dieu, puisque même ils
reté, jusqu'à ce que leur propre expérience ne le connaissaient pas. L'abbé Quérémont v.

leur apprenne qu'ils ne peuvent acquérir ce soutient que si les philosophes païens ont
trésor si précieux, par toutes leurs peines et pratiqué la chasteté, ce n'a point été de la
par tous leurs travaux. manière qu elle est commandée aux chréliens

ntlvs* de
14. Ces dernières paroles de l'abbé Qué- chez qui le nom même d'impureté ne doit
trctiiéDe
erctiCQ ,
rémont fournissent la matière de la treizième pas être prononcé, et que s'ils l'ont pratiquée,
Conférence, dans laquelle c'est encore lui qui ce n'a été qu'en partie, en ne se livrant pas

' Qui bus manifeste colligiiw, non solum aclitum, quœ bona sunt , et exequitur et consummat in nobis.
veritm eliam cogitationum bonarum ex Deo esse prin- Cassian., Collât. XIII, cap. m.
cipium, qui jwbis et initia sandce voluntatis inspirât, * Quœ tameii inter initia disputationis a veritaiis
et virtutem atque opporlunitatem eorum quœ recte cu- pietafe non dissonat, et justo honorari prœconio mere-
pimus, tribuit pcragendi ; omne eninidatum bonuni de- retur, nisi prœcipiti lœvoque progressa ub inchoata rec-
sursum est descendens a Pâtre lumlnum, quietincipit titudine deviaret. Pro3per., lib. contra Collât., cap. ni
180 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
aux œuvres de la chair ; il fait voir que So- et qu'il se meut également vers la vertu
crate, l'un des plus fameux, de même que comme vers le vice. Il semble même attri-
Cap. VI. Diogène, avaient le cœur gâté; si le pre- buer ^principalement au libre arbitre le salut
mier de ces philosophes était chaste de de l'homme; il prouve, par l'autorité de l'E- Cap.

corps, il ne l'était point d'aifection ; le se- criture, que nous sommes lil^res, mais que
cond ne rougissait pas des impuretés les notre libre arbitre, aûaibli par le péché, a
pins grossières. Il en conclut que, quoique besoin du secours de Dieu pour le bien, c'est-
l'on puisse nionlrer que les hommes ont en à-dire, comme il l'entend ordinairement,
beaucoup de choses et même en tout, besoin pour achever ce que l'homme a commencé
du secours de Dieu, et que la fragilité hu- de lui-même mais il trouve de la difficulté
;

maine ne peut rien faire par elle-même, à décider si Dieu nous fait miséricorde
c'est-à-dire sans le secours de Dieu, en ce parce que nous avons un commencement de
qui regarde le salut ; cela est encore bien bonne volonté, ou si la miséricorde de Dieu
plus évident dans l'acquisition et la conser- précède ce commencement, plusieurs étant
vation de la vertu de chasteté. Il entre dans tombés dans des erreurs contraires pour
le détail de tous les exercices pénibles de la avoir voulu trop examiner ces choses et pour
vie religieuse, et dit que comme nous ne avoir poussé leur décision au-delà des bornes
pouvons pas même désirer de les remplir sur cette matière. Si nous disons que le com-
continuellement sans l'inspiration divine, de mencement de la bonne volonté vient de
même aussi nous ne pouvons pas sans son nous, comment cela se vériliera-t-il dans
secours, nous en acquitter en aucune façon ;
saint Paul et dans saint Matthieu, qui ont été

mais il ajoute que, lorsque Dieu voit briller attirés au salut, tandis que l'un n'était occupé
VI,.

en nous une étincelle de bonne volonté,' qu'à répandre le sang innocent, et l'autre de
quelque petite qu'elle soil, il lui donne de la violences et de rapines publiques? Si, au con-
vigueur et de la force, voulant que tous les traire, nous disons que la grâce de Dieu est

hommes soient sauvés que sa grâce est tou-;


toujours le principe de la bonne volonté, que
jours préparée; qu'il appelle tous les hom- dirons-nous de la foi de Zachée et de la piété
mes sans exception. C'est ici que le Collateur du bon larron, qui l'un et l'autre ont prévenu
commence à se déclarer, en disant que le les avertissements particuliers de la voca-

commencement de la volonté vient quelque- tion, en faisant par leur désir une espèce de

fois de nous-mêmes, quoiqu'il avoue ^ que violence au royaume du ciel? A l'égard delà
Dieu la tire quelquefois lui-même du dur perfection des vertus et de l'accomplissement
rocher de notre cœur mais il s'explique en-
;
des commandements de Dieu, si nous l'attri-
v,„.
core plus clairement dans la suite, en disant buons à notre libre arbitre, comment dirons-
que lorsque ^ Dieu voit en nous un commen- nous à Dieu dans la prière Confirmez, Sei- :

cement de bonne volonté, il l'éclairé aussitôt, gneur, ce que vous avez fait dans nous ? Après
la foi'tifie et l'excite au salut en donnant de s'être formé ces difficultés, le Collateur se
l'accroissement à cette bonne volonté, dont contente de dire que, quoique ces deux cho-
il est lui-même l'auteur ou qu'il sait être ses, c'est-à-dire la grâce de Dieu et le libre
produite de nous-mêmes. Il rapporte un grand arbitre, paraissent être opposées, elles s'ac-
nombre passages qui prouvent en même cordent néanmoins, et doivent être reçues,
temps que l'homme a le libre arbitre, et qu'il de peur qu'en étant à l'homme l'une des
a besoin de la grâce de Dieu mais la consé- ; deux, on ne paraisse avoir transgressé la
quence qu'il en tire, est que l'homme a le règle de la foi ecclésiastique. Confondant
même pouvoir pour le bien que pour le mal, ensuite l'état de l'homme tombé avec celui

1 Cujus benigniUis cum bonœ voluntatis in nobis 3 Qui cum in nobis ortum quemdani bonœ volunta^
quantulamcumque scintillam emicuiase perspexerit, tis inspexerii, illuminât eam confestim aique confor-
confovet eam suaque inspiratione con-
et exsuscitat , tât, et incitât ad salutem, incrementum tribuens et,
fortai, volens o/imes liomines salvos fieri... Prœsto est quam vel ipseplantavit, vel nostroconatu vident emer-
ergo quotidie Christigratia, quœ dum vult omnes ho- sisse. Cassian., Collât. XllI, cap. vni.
mines ad agnitionem veritatis venire, cunctos absque * Cui autem facile paleat ,
quomodo salutis summa
ulla exceptione convocat. Gassian,, Collator. XUl, nostro tribuatur arbitrio, de quo dicitur : Si volueri-
cap. vn. tis et andieritis me, quœ boua suut terrae manduca-
* Vel quam ipse ianquam de dura silice 7iostri cordis bilis. Cassiau., Collât. XIII, cap. ix.
excusserit. Ibid.
flVET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. I8i

de l'homme innocent, il avance qu'il n'est blés : la première, en disant que Job fut pour
pas croyable que Dieu ail fait l'homme de un temps abandonné à lui-même et destitué

façon qu'il ne veuille jamais ou ne puisse de glace de Dieu, en sorte que ce fut par
la

faire le bien. Il soutient même que, par le ses propres forces qu'il combattit contre le
péché, l'homme n'a point perdu la science du démon qu'ainsi sa patience était le fruit de
;

bien, et il paraît ne pas douter que cette sa liberté et de sa force naturelle, et non pas
science, qui est la même que la lumière natu- de la grâce de Dieu ; la seconde, lorsqu'il dit
relle, ne suffise par elle-même pour faire le que la que Dieu éprouva et loua dans
foi

bien et produire en nous les commence- Abraham et dans le centenier, n'était pas
ments des vertus; ce qu'il prouve par un celle qu'il leur avait donnée, mais celle qu'ils

endroit de l'épître aux Romains, où saint pouvaient avoir eux-mêmes parles forces de
Paul dit : Que les Gentils qui n'ont point la loi, leur libre arbitre; la troisième, en ce qu'il
font naturellement les choses que la loi com- croit que l'homme peut par lui-même com-

mande, faisant voir que ce qui est prescrit par battre les ennemis spirituels de son salut,
la loi, est écrit dans leur cœur, comme leur con- avouant toutefois qu'il doit, dans ses victoires,
science leur en rend témoignage par la diversité reconnaître la grâce de Dieu et sa propre
des réflexions et des pensées qui les accusent ou faiblesse lorqu'il est vaincu. Il distingue plu- cap. iv.

qui les défendent. Il veut donc que nous ne sieurs sortes de vocations, dont il trouve des
rapportions pas à Dieu tous les mérites des exemples dans l'Ecriture. Dieu appela et

saints, de manière que nous n'attribuions à choisit Pierre,André et les autres Apôtres,
la nature humaine, que ce qu'il y a de mau- dans le temps qu'ils ne pensaient point à se
vais et de pervers; que nous ne doutions pas procurer les moyens du salut. Zachée, an
qu'il n'y aiten nous des semences de vertus contraire, en était occupé, lorsque le Sei-
par le bienfait du Créateur, qui toutefois ne gneur va loger chez eux. Il attire à lui Paul,
peuvent parvenir jusqu'à l'accroissement de malgré sa résistance. La vocation de Corneille
la perfection, si Dieu, par son secours, ne les fut une récompense de ses peines et de ses

y fait parvenir ; ce qui fait voir que le Colla- aumônes. Le Collateur fait sur les guérisons
teur entend par les semences de vertus,
ici miraculeuses de Jésus-Christ une proposition
les bonnes pensées, les pieux désirs, et le disjonclive qu'on ne peut guèie excuser car :

commencement même de la foi et des autres il dit que le Sauveur guérissait les malades

vertus par lesquelles l'homme peut se pré- non selon la puissance uniforme de sa ma-
parer pour recevoir la grâce. Il ajoute, sur jesté, mais ou selon la mesure delà foi qu'il
l'autorité du livre du Pasteur,
déjà dans cité trouvait dans chacun d'eux, ou selon qu'il
la huitième Conférence, que chaque homme leur en accoi'dait lui-même. Craignant toute- iti.

a deux anges, l'un bon, l'autre mauvais; fois d'être convaincu, par ses propres écrits,
qu'il est en son choix de suivre lequel des deux de croire, avec Pelage, que la grâce de Dieu
il juge à propos, et qu'il a de même, en tout nous est donnée selon nos mérites, et qu'ainsi
temps, le libre arbitre, par lequel il peut ou la grâce n'est pasàproprement parler grâce,
négliger ou aimer la grâce de Dieu. Il appuie ilsemble rétracter en quelque soi-te ce qu'il
tout cela de plusieurs passages de l'Ecriture, avait avancé sur ce sujet, et dit, première-
qu'il détourne à son sentiment. Il enseigne ment, que son dessein n'a pas été de donner
que grâce de Dieu coopère toujours en
la dans l'opinion profane de quelques-uns qui,
bien avec notre libre arbitre qu'elle l'aide ;
donnant tout au libre arbitre, enseignent que
en tout, le protège et le défend, de manière la perfection ou la consommation de notre
néanmoins qu'elle exige quelquefois ou salut consiste dans la foi que nous pouvons
qu'elle attend de lui des efforts d'une bonne avoir de nous-mêmes; mais que son sentiment
volonté, de peur que Dieu ne paraisse ac- est que la grâce nous est entièrement néces-
corder ses dons à un dormeur et à un oisif, saire pour acquérir cette* perfection et ce
ce qui ne l'empêche pas de reconnaître la salut.Il dit, en second lieu, qu'il a reconnu

gratuité de la grâce, parce qu'encore qu'elle plusieurs fois que cette grâce surpasse le
nous soit donnée à l'occasion de nos travaux mérite de notre foi, et il le prouve de nou-
et de nos soins, ces travaux et ces soins n'ont veau par plusieurs exemples tirés de l'Ecri-
point de proportion avec la gloire de l'im- ture. Mais il ne révoque pas ce qu'il avait dit
mortalité et les dons de la félicité éternelle. plus haut, que le commencement du salut est
y. Ensuite il avance trois erreurs considéra- dans quelques-uns l'etiet du libre arbitre, et
182 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
dans quelques autres le fruit de la grâce pré- servir les étrangers quelques-uns se sacri-
;

cap. iTii.
venante au contraire, il soutient de nouveau
; fientau soin et à la garde des malades les ;

celte doctrine, en distinguant deux genres autres secourent et assistent les pauvres ;

d'hommes dans l'Eglise: l'un, de ceux qui plusieurs font profession d'enseigner et d'ins-
désirent et qui veulent d'eux-mêmes le salut; les autres font de gran-
truire les ignorants ;

l'autre, de ceux qui sont invités ou même des aumônes. Dans chacun de ces états on
attiri'S de la part de Dieu lorsqu'ils n'y pen- trouve un grand nombre de personnes qui se
*™'- saient pas ou qu'ils s'y opposaient. C'est ce mé-
sont signalées par leur vertu et qui ont
qu'il répète encore dans le dernier chapitre, rité d'être misesau rang des plus grands
où il explique de quelle manière Dieu nous saints; mais il est très-important que chacun
distribue les bienfaits de sa grâce : car, après demeure constamment dans l'état de vie
y avoir comparé Dieu à un père très-pieux qu'il a embrassé, en tâchant de s'élever par
et à un médecin plein de bonté, qui opère son assiduité à ce que cet état renferme de
indifieremment tout en tous, ainsi que le dit plus parfait. On peut bien louer et admirer
I Cor. XII.
l'Apôtre, il ajoute qu'il y en a que Dieu '
les vertus de ceux qui sont d'une profession
reçoit parce qu'ils le veulent et qu'ils courent différente, mais on ne doit jamais sortir de
à lui, et d'autres qu'il attire malgré leur ré- la sienne. C'est une tentation ordinaire aux
sistance et qu'il contraint d'avoir une bonne hommes faibles, et il y a toujours beaucoup
volonté. On trouve
à la suite de cette Confé- de danger dans cette légèreté. Ne va-t-on pas
rence une exposition de foi touchant la grâce à Dieu par plusieurs voies? Il ne s'agit que
et le libre arbitre,par Denys le Chartreux, de se tenir ferme dans celle qu'on a une fois
tirée presque tout entière de celle de l'abbé choisie, afin que peu à peu l'on y devienne
Quéréraont, mais dépouillée de tout ce que parfait. Il arrive même quelquefois que ce
l'on y remarque de contraire à la foi. que d'autres font avec piété et en se sancti-
Analyse de ^^- La quatorzlèmc (7o??/eVe??ce est intitulée fiant, perd ceux qui les veulent imiter par un

me lonférenl dc Itt Science Spirituelle. C'est l'abbé Nestéros zèle indiscret, et que ce qui a réussi à quel-
ce.pag. 58D.
^^j y parlc, l'un des trois anachorètes que ques-uns, devient nuisible et pernicieux aux
Cassien vit en Egypte dans la solitude près autres. Nestéros, venant ensuite à ce qui
Cap. I.
de Panephise. Cet abbé voyant que Cassien regarde la théorie ou la connaissance des
et Germain, après s'être appliqués à la lecture vérités divines, dit qu'on la divise en deux
de TEcriture, en souhaitaient Fintelhgence, points savoir, en la connaissance de l'his-
:

leur dit que cette science demandait deux toire et de la lettre de l'Ecriture, et en l'in-
choses, la pratique et la spéculation que la ; telligence du sens spirituel. L'histoire ren-
pratique consistait dans le soin de réformer ferme la connaissance des choses qui se sont
ses mœurs et de se purifier de ses vices, et passées sous les yeux; le sens spirituel se
que la spéculation n'était autre que la con- divise en trois : le tropologique, l'allégorique
templation des choses divines et la connais- et l'anagogique. La tropologie est une expli-
sance des secrets et des mystères les plus cation qu'on donne à l'Ecriture qui ne regarde
n. sacrés. « Ces deux parties sont, leur dit-il, que la morale, l'édification et la correction
deux degrés subordonnés l'un à l'autre, par des mœurs. L'allégorie nous fait voir que des
l'homme peut s'élever
lesquels la bassesse de choses qui se sont passées eS'ectivement,
jusqu'aux choses les plus sublimes; mais si étaient la figure d'un autre mystère. L'ana-
l'on retranche ce premier degré, c'est-à-dire gogie nous fait passer d'un sens spirituel à
la pratique, on ne peut passer à l'autre, c'est- un autre beaucoup plus élevé il trouve des
;

IV. à-dire à la spéculation. «Il divise la vie active exemples de ces quatre sens de l'Ecriture
en plusieurs états différents, dans lesquels dans le seul mot de Jérusalem, qui, dans le
chacun se doit sanctifier. Les uns mettent sens historique et littéral, se prend pour une
toute leur piété à Ce renfermer dans le secret ville des Juifs; dans le sens allégorique, pour
d'un désert, pour y purifier entièrement le l'Eglise de Jésus-Christ dans le sens anago-
;

cœur; d'autres établissent toute leur vertu gique, pour l'Eglise du ciel; dans le sens tro-
dan9»le soin et dans la conduite de leurs frè- pologique ou moral, pour l'âme de l'homme,
res. Il y en a qui s'appliquent à recevoir et à que Dieu blâme ou loue souvent sous ce nom

1 Et altos quidem voi entes , currentesque suscipere, nam voluntatem cogère, palpahili experientia compro-
alios vero nolentes, renitenfesque pertrahere, et nd bo- batur. Gassian., Collât. XIII, cap. xviii.
,

fiv ET r SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — JEAN CASSIEN DE MARSEILLE. 183

Cip. IX. dans ses Ecritures. Il demande de ceux qui que, quelque fréquente que puisse être la ré-

se trouvent en état, par leurs connaissances, pétition des choses saintes, jamais l'âme qui
d'enseigner les autres, de pratiquer eux-mê- a une ardente soif de la véritable science,

mes auparavant ce qu'ils ont à enseigner, n'a du dégoût de ces redites ; mais qu'écou-
et de suivre en cela l'exemple de Jésus-Christ tant les mêmes
choses avec un désir toujours
A"- 1. qui, selon que le marque l'Ecriture, commença nouveau, son désir se renouvelle par ce qui
semblait le devoir rassasier. Il ne croit pas cap. n».
t»p- »• à faire, puis à enseigner. Il conseille de lire '

et d'apprendre par cœur l'Ecriture sainte, et que ceux dont la conduite n'est point léglée,
de ne se lasser jamais de la répéter et de la doivent enseigner les autres, parce qu'ils ne
=<"
relire, déclarant que cette méditation conti- peuvent le faire avec succès, leur doctrine
nuelle produira en nous de grands biens. Le n'étant point soutenue par les fruits d'une
premier, que, pendant que nous nous appli- vie sainte ils ne peuvent même se llatter
;

querons à étudier l'Ecriture, notre âme ne du don d'une véritable science, qui ne se
sera troublée d'aucune mauvaise pensée et ;
laisse posséder que par ceux qui sont les

le second, qu'après avoir beaucoup travaillé vrais adorateurs de Dieu, selon que le dit un
pour l'imprimer dans notre mémoire, nous prophète : Semez pour vous la semence de la <>séc x.

trouverons dans la prière et dans la médita- justice ; moissonnez l'espérance de la vie, et faites
cap.xvn.
tion beaucoup de sens qui nous étaient au- luire en vous lu lumière de la science. C'est sur
»" paravant très-cachés. Germain se plaignit le même principe qu'il ne veut pas que celui
que la connaissance qu'il avait des lettres qui est en état d'enseigner, le fasse devant
humaines, formait un obstacle à son salut : des personnes que leur impureté en rend
car la lecture des auteurs profanes avait tel- tout-à-fait indignes, suivant en cela le pré- Mnih. vu.

lement rempli son esprit, qu'étant infecté et cepte de Jésus-Christ, qui défend de jeter les
possédé des poésies, il ne s'occupait que de perles devant les pourceaux. Il marque deux
fables, que de combats et d'autres semblables raisons principales pour lesquelles les dis-
bagatelles, dont ses maîtres l'obligeaient de cours que l'on tient sur la religion sont or-
charger sa mémoire dans sa jeunesse. « C'est dinairement inutiles aux âmes. L'une vient cap. xvm.

pourquoi, ajouta-t-il, lorsque je suis occupé de ce que celui qui parle n'a aucune expé-
à la prière, ou que je chante des psaumes, rience de ce qu'il dit; et l'autre, de ce que
ou que je gémis devant Dieu pour mes olTen- celui qui l'écoute étant plein de malice et de
ses, tantôt des vers d'un poète me re^dennent corruption, a le cœur fermé et inaccessible
dans l'esprit, ou les images des combats de aux avis les plus salutaires. Il convient que xix.

ces héros fabuleux se présentent à ma mé- Dieu ne laisse pas de donner quelquefois le
moire, et mon imagination est si remplie don d'une science spirituelle à ceux qui ne
de ces fantômes, que mon âme ne peut s'é- se sont point disposés à la prédication de
lever à Dieu, ni les bannir d'elle-même par l'Evangile par une vie irrépréhensible, mais
les larmes qu'elle verse tous les jours. » Le que ce don ne leur est accordé que pour le
XIII. remède que l'abbé Nesteros lui prescrivit, fut salut et l'utilité de ceux qui les écoutent.
de s'appliquer à la lecture et à la méditation 16. Cela conduisit naturellement l'abbé Anaijse de

des saintes Ecritures ;(i car il faut nécessai- Nestéros à examiner les raisons des dons corî!:r'en«T°
'^'^' ^^^'
rement, lui dit-il, que votre esprit soit tou- extraordinaires que Dieu fait aux hommes,
jours occupé de ces poésies dont vous parlez, soit pour guérir les malades, soit pour chasser
jusqu'à ce qu'il se remplisse avec une pareille les démons. Il distingue trois manières de
ardeur des choses saintes, et qu'au lieu de prodiges la première est lorsque Dieu, vou-
: cip.i.

toutes ces pensées terrestres, il n'en conçoive lant récompenser le mérite et la sainteté de
plus que de spirituelles quand elles auront
;
ses serviteurs, leur donne la grâce de faire
une fois jeté de profondes racines dans votre ces miracles, comme il l'accorda aux Apô-
cœur, et que votre âme s'en sera longtemps tres, en leur disant : Rendez lasanté'aux ma- Matih. x.

nourrie, ces autres s'éloigneront peu à peu, lades, ressuscitez les morts, etc. La seconde est
et s'évanouiront même tout-à-1'ait. «Il ajoute lorsque Dieu, voyant la grande foi de ceux

' Quamobrem diligenler memoriœ commendanda est tione percursa, dum memoriœ tradere laboramus, in-
sacrarum séries Scripturarum. Primum, quod dum in ielligere id temporis obligata mente non quievimus
legendis ac paramlis leclionibus nccupatur merdis in- posiea clarius intuemur prœcipue nocturna meditn-
ienlio, necessc est ut nullis tioxiarum cogitationum ta-
tione iaciti revolventes. Cassiau., Collât. XIV, cap. x.
quets captivelur; deinde, quod ea quœ çreberrima repeii-
,

184 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


qui présentent leurs malades, ou des malades toutes sortes de personnes; mais que tout le
mêmes, pour l'édification 'de l'Eglise,
fait, monde est généralement obligé de pratiquer
qu'ils sont miraculeusement délivrés de leurs la douceur et l'humilité de cœur que Jésus-
maux par l'entremise et le ministère de ceux Christ est venu nous enseigner; que c'est un cap.vm.

qui sont entièrement indignes de ces grâces. bien plus grand miracle de guérir les mala-
Ce sont ces personnes qui diront au jour du dies de son âme, que de chasser les démons
Maiih. Tii.
jygement Seigneur, n avons-nous pas chassé
: du corps des autres; qu'ainsi l'on doit faire '^

les démons en votre nom? Et le Seigneur leur plus d'état de la sainteté de la vie, que du
répondra Je ne vous connais point. La troi-
: don des miracles.
sième manière vient de l'illusion et de l'arti- 17. La seizième
et la dix-septième Confé- ia'^"sll"èœJ

fice des démons, qui tâchent de faire en sorte rences sont de l'abbé Joseph, le troisième de p°g["'62°"'

qu'un homme noirci et décrié par ses vices, ceux que Cassien connut en Egypte. Il était
s'attire, par quelques miracles, l'admiration d'une très -noble famille et des premiers
de tout le monde, et passe pour un grand d'une ville de cette province qu'on appelle
serviteur de Dieu, afin qu'il porte par là tout Thmuïs. Il savait parfaitement la langue ^ap. i.

le monde à imiter ses dérèglements, et que, grecque, en sorte que Cassien, dont cette
donnant ainsi lieu aux scandales, tout ce dé- langue était la naturelle, s'entretenait avec
sordre retombe snr la sainteté de la religion ;
lui s;ins le secours d'un truchement. Cette "•

ou qu'au moins celui qui croit avoir le don seizième Conférence est intitulée (/e l'Amitié,
de ces miracles, tombe, par cet élèvement, qui, selon l'abbé Joseph est produite parmi
,

d'une chute encore plus grande. C'est de ces les hommes en différentes manières. Elle
personnes qu'il est dit dans l'Evangile // : \-ient quelquefois de la recommandation
Matih. siiv. s'élèvera de faux Christs et de faux prophètes qu'on nous a faite d'une personne d'autres
;

qui feront de si grands prodiges et de si grands fois de l'engagement dans les mêmes affaires,
mii^ac/es, que les élus mêmes, si cela se pouvait de la société dans un même commerce, de la
trompés. C'est donc
faire , en pourraient être profession des mêmes arts, et souvent de la
moins les prodiges que l'on doit admirer loi naturelle qui fait que nous aimons nos
,

'"
Cap. II.
dans les hommes, que lenr vertu, la probité parents et nos concitoyens. La plus solide de
des moeurs ne leur étant point accordée à toutes les amitiés est celle qui n'a pour prin-
cause de la foi d'un autre, ou pour d'autres cipe que la seule ressemblance des mœurs
raisons extérieures , et la souveraine perfec- ou de la vertu. Quand cette alliance s'est
tion ne consistant point dans le don des mi- une fois contractée, il n'y a point de diffé-
racles, mais dans la pureté de l'amour et de rence d'inclinations, ni de contrariété de vo-
III. la charité. Cet abbé rapporte l'histoire du lontés ou de désirs qui soient à craindre
bienheureux Macaire, qui, pour retirer tout tandis qu'elle est également entretenue de
un peuple de l'erreur d'Eunomius. où un tous les deux; car il est très -possible qu'é-
hérétique l'avait jeté par les subtilités de la tant affaiblie par la langueur de l'un, elle ne
dialectique, ressuscita un mort en invoquant soit soutenue que par la force de l'autre, ou

le nom de Jésus-Christ. Il marque que Ma- même qu'elle se rompe entièrement. Il pro- vi.

caire l'ayant interrogé qui il était, lorsqu'il pose six degrés par lesquels on peut s'élever
était en vie, en quel temps il avait vécu et à une parfaite amitié. Le premier consiste
s'il avait eu quelques connaissances de Jésus- dans le mépris des biens du monde le se- ;

Christ, le ressuscité lui répondit qu'il avait cond, dans le renoncement entier à sa pro-
vécu sous les plus anciens rois, et qu'il n'a- pre volonté le troisième dans le sacrifice
; ,

vait point ouï parlerdu nom de Jésus-Christ, de tout ce qui est utile et même nécessaire,
ivciv. « Dormez maintenant en paix, lui répliqua quand il faut l'abandonner pour le bien de
VI. Macaire^ et attendez que Jésus-Christ vous la charité et de la paix; le quatrième, dans
ressuscite à votre rang, à la fin de tous les la persuasion qu'il n'y a jamais aucun sujet
siècles. » A ce miracle Nestéros en ajoute pour lequel il soit permis de se mettre en
d'autres faits par l'abbé Abraham, remar- colère; le cinquième, dans l'attention à re-
quant que ces grands hommes ne s'en attri- médier la mauvaise humeur et à la colère

buaient rien, mais qu'ils les rapportaient à que notre frère a conçue contre nous sans
vil. la seule grâce de Dieu. Il remarque encore sujet; le sixième, à se persuader chaque vu.

que les miracles ne sont point nécessaires en jour qu'on doit mourir avant qu'il se passe.
tout temps, et qu'ils ne se peuvent faire par Il dit que comme il n'y a rien qu'on doive
[iv ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XIV, — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. i85

préférer à la charité, il n'y a rien aussi qu'on nous ne devons pas nous hâter de nous ven-
ne doive faire et que de se souffrir plutôt ger nous-mêmes par la précipitation où nous
mettre en colère qu'il ne suffit pas, pour
;
jette notre CTuportement mais supporter la
,

conserver une charité inviolable, de retran- violence de quelques émotions lorsqu'elle


,

cher la source des querelles qui naissent des arrive. La seconde est de céder, par notre
choses terretres et périssables mais qu'il , douceur et par notre humilité, à l'émotion
faut encore retrancher une autre source de notre frère et de souffrir de bon cœur
,

de querelles, qui vient de la diversité des son impatience en reconnaissant qu'il n'y a
,

sentiments dans les choses spirituelles en , point d'injures que nous n'ayons méritées.
assujettissant notre esprit au sentiment des 18. Les instructions que Cassien et Ger- Analyse (i«
la dix-S''ptiè-
autres; qu'il est extrêmement dangereux main avaient reçues dans les Conférences pré- me cnftîren-
ce, p.ig. 649,
de s'attacher trop à son sens; qu'il est cédentes leur paraissaient un motif pres-
,

presqu'impossible de ne pas donner dans sant pour ne point chercher ailleurs que
l'illusion lorsqu'on se fie trop à ses propres
, parmi ces saints anachorètes, les moyens de
pensées que les plus sages mêmes et les
; salut. Mais, retenus par la promesse qu'ils cap. leiu

plus éclairés, ne doivent point se croire avaient faite à leurs supérieurs, de retourner
exempts du besoin de consulter les autres. prompiement à Bethléem, ils ne savaient
11 dislingue deux degrés ditiejents de cha- quel parti prendre. Dans cette perplexité, '^*'^-

rité, dont le premier se doit à tous, et même ils ne trouvèrent rien de mieux que de de-

à nos ennemis; mais pour le second, qui ap- mander conseil à l'abbé Joseph, et de lui
partient à cette charité d'affection qu'on ap- déclarer leurs pensées. Ce saint vieillard,
pelle amitié on ne la rend, dit-il, qu'à peu
, après les avoir écoutés l'un et l'autre, leur
de personnes et seulement à ceux qui sont
, fitvoir le danger qu'il y avait de promettre
liés avec nous par un rapport de mœurs et quelque chose avec précipitation, et que s'ils
de vertus. En expliquant l'endroit de l'Evan- étaient pleinement persuadés que la demeure
gile qui nous oblige à nou> réconcilier avec dans le désert était avantageuse pour leur
nos frères avant d'offrir notre présent, il re- salut, qu'au contraire, leur demeure à Beth-
marque que Dieu ne dit pas Si votre frère : léem y serait un obstacle ils pouvaient ne
,

a un véritable sujet de se fâcher contre vous, point exécuter une promesse qu'ils avaient
laissez votre présent devant l'autel, et allez au- faite avec trop de téméinté. 11 donne pour vm.
paravant vous 7'éconcilier avec lui; mais qu'il exemple des promesses inconsidérées, celle ix.

dit : Si vous vous souvenez que votJ^e frère ait de Judas, qui aima mieux trahir son maître
quelque chose contre vous, c'est-à-dire, quelque que de manquer à la parole qu'il en avait
petit que pour lequel votre frère
soit le sujet donnée, et celle d'Hérode, qui, par une ap-
s'est fâché contre vous
s'il vous revient en , préhension mal fondée d'être parjure, de-
mémoire lorsque vous priez, sachez que vous vint le meurtrier du précurseur de Jésus-
ne devez pas passer plus avant ni ofifiir à , Christ; à quoi il oppose l'exemple de saint
Dieu le don spirituel de vos oraisons, si vous Pierre, qui, pour avoir rétracté cette protes-
ne travaillez auparavant à chasser du cœur tation qu'il avait faite indiscrètement : Vous joan. xm.
de votre frère par une satisfaction charita-
,
ne me laverez jamais les pieds, mérita d'avoir
ble, cette mauvaise humeur qu'il a contre éternellement part avec Jésus -Christ et avec
vous, pour quoique sujet que ce puisse être. ses saints, dont il eût été indubitablement
Par la joue droite que l'Evangile nous or- retranché s'il fût demeuré avec opiniâtreté
,

donne de tendre lorsqu'on nous frappe sur dans sa première résolution. « Ainsi la pre-
la gauche, il entend celle de l'homme inté- mière chose, dit l'abbé Joseph, est de ne
rieur; en sorte que Jésus -Christ nous com- nous déterminer à rien qui ne soit très-juste;
mande par ce précepte, d'arracher entière- que s'il se trouve quelques défauts dans la
ment de notre cœur tous les rejetons de la résolution que nous aurions prise, nous de-
colère, en voulant qu'en même temps que la vons la changer en mieux, et nous tendre en
joue droite de notre homme extérieur reçoit quelque sorte la main à nous-mêmes, pour
le coup, la joue droite.intérieure se nous tirer d'un pas où nous pourrions crain-
présente
aussi pour être frappée, en acceptant hum- dre notre cliute. Si on n'a pas pris d'abord
blement cet affront. Il donne deux explica- un bon conseil, c'est une sagesse de le ré-
tions différentes à ces paroles de saint Paul : parer dans la suite, afin que la seconde ré-
Donnez lieu à la colère. La première est que solution soit le remède de la première. C'est
186 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
pourquoi en toute chose considérer la
il faut vivaient en odeur de sainteté dans les lies
fin et le but que nous avons,
et juger par là d'Hyères, sur la côte de Pros'ence. Cassien ''•«?•"

de toutes les résolutions que nous devons les avait eues avec les solitaires d'Egypte,
prendre. Si nous en trouvons quelqu'une dans cette partie du désert qui est située
qui s'éloigne de ce but, il vaut mieux, sans vers les embouchures du Nil. L'abbé Piam-
comparaison, la quitter pour en prendre une mont, le plus ancien d'entre eux, parle dans
meilleure que de nous y attacher avec opi-
,
la dix -huitième Conférence, qui a pour ma-
niâtreté. )) tière les divers genres de moines. Il cora- "•

Cap. XI. Il dit qu'il ne faut pas juger l'action d'un mence son discours par une invective contre
homme par le succès qu'elle a eu, mais par les moines vagabonds, qui, sous prétexte de
l'intention et la volonté qu'il avait en la fai- s'édifier des vertus et des entretiens des so- .

sant; que l'on connaît des actions qui ont litaires,courent de cellules en cellules; mais
^"- été ti'ès-utileset qui néanmoins ont causé
, en effet, pour se procurer par là un moyen
la perte de ceux qui les ont faites que d'au- ; plus facile de subsister. Il décrit ensuite trois "
tres au contraire, qui paraissaient mau-
, sortes d'états religieux ,
qui étaient alors
vaises, n'ont pas nui à ceux qui les ont com- dans le monde : le premier, des cénobites qui
mises. De quelle utilité n'a pas été la pas- vivent en communauté, sous la conduite d'un

sion du Sauveur ?Néanmoins Judas, pour y supérieur le second


; des anacl^orètes qui,
,

avoir contribué, s'est attiré tant de maux, ayant d'abord été formés dans les monas-
qu'il aurait été bon pour lui de n'être ja- tères, et s'étant rendus parfaits dans toutes
mais né. Qu'y a-t-il de plus criminel que le les actions extérieures de piété, se retirent
mensonge? Jacob toutefois, bien loin d'avoir ensuite dans le désert; le troisième des sa- ,

été condamné pour en avoir usé envers son rabaïtes qui , se séparant de leurs monas-
frère, en a même acquis l'héritage d'une bé- tères, prennent chacun le soin d'eux-mêmes,
XIV, XV, nédiction éternelle. L'abbé Joseph s'étend et de pourvoir à leur subsistance. Il dit que
ivni, Yi'x'; beaucoup à montrer qu'il est néanmoins des la vie cénobitique n'est qu'une imitation de
xxeixxi.
occasions où le mensonge est pardonnable, celle que menaient les premiers chrétiens de

bien qu'il soit condamné dans l'Ecriture, ce l'Eglise de Jérusalem, dont il est parlé dans

qu'il essaie de montrer par des exemples le chapitre iv« des Actes; que l'on donna à

tirés tant de l'Ancien que du Nouveau Tes- ceux qui l'embrassèrent le nom de moines, à
tament. Revenant ensuite à son sujet, il cause de leur vie pénitente et sohtaire, et
proMve aussi par divers exemples de l'Ecri- que leur union fit qu'on les appela céno-
XXV. ture, qu'il est permis de changer de réso- bites. Ils s'abstenaient du mariage et vivaient ^••

lution et de passer à ce qu'on aura trouvé éloignés de leurs parents et du monde. C'est
de meilleur et de plus utile mais il n'en- : de cette féconde que sortirent les ana-
tige

tend cela que des promesses ou des résolu- chorètes, dont les premiers fondateurs fu-
''"•
tions que l'on peut, sans aucun danger de rent saint Paul et saint Antoine. Ceux-ci, re-
salut, faire ou ne pas faire et non de celles
, tirés dans le désert, y retraçaient la vie des

qui regardent les choses importantes de la saints prophètes Elie et Elisée et du grand
XXIX. religion. Car, à l'égard de celles-ci, comme il précurseur de Jésus-Christ. Le relâchement
est permis d'en faire la matière de ses vœux, qui se glissa peu à peu dans un état si saint,

on doit aussi plutôt mourir que de ne point produisit ce que les Egyptiens appellent sa-
les accomplir. C'est de celles-là que parlait rabaites dont toute la religion consistait
,

Psai.cxvui. David lorsqu'il disait J'ai juré et fai résolu


: dans l'habit renoncement extérieur aux
et le

de garder les jugements de votre justice. Il con- biens de demeuraient ordinaire-


la terre. Ils

clut qu'un religieux ne doit pas s'engager ment chacun chez eux ou s'ils se faisaient
;

dans des pratiques extérieures de piété qui de petites cellules, c'était pour y vivre sans ,

ne sont point essentielles à son état, parce dépendre de personne n'évitant rien plus ,

qu'il s'engage par là dans une servitude dan- que le joug de l'obéissance. S'ils travaillaient
gereuse, dont il ne peut se déhvrer qu'en de leurs mains, c'était pour amasser de l'ar-
violant la résolution que son imprudence lui gent, qu'ils réservaient pour eux-mêmes. Il vm.

avait fait faire. s'étabht depuis une quatrième sorte de reli-


^9- ^^'^ ^^P*' Conférences suivantes sont, gieux sous le nom d'anachorètes. Ils parais-
AnaiT.=fi de
la
me
dix (luiiiè-
coDieren-
comme on l'a déjà
o
remarqué, adressées à Jo-
-i '
saient,dans leur première ferveur, vouloir
ce.pag. fin.
yinigu^ Minerve, Léonce et Théodore, qui se rendre parfaits dans la vie cénobitique ;
[IV ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. S.UNT CASSIEN DE MARSEILLE. 187

mais ce feu s'étant passé ils ne purent plus


,
paraissait plus sûr d'embrasser une moindre
souffrir de vivre dans l'humilité et la dépen- profession et d'en remplir les devoirs, que
dance. Ils demandèrent des cellules séparées d'en pratiquer imparfaitement une plus re-
Cap. 17
du monastère, afin que, n'étant plus contre- levée. Il lui fit un détail de la manière dont
dits de personne, ils passassent devant les il avait vécu dans le désert, et des avantages
hommes pour gens de vertus. L'abbé Piam- qui se rencontrent dans ce genre de vie,
mont remarque que le mot de monastère avouant qu'il y était quelquefois si absorbé
signifie un lieu 'de demeure, et qu'il peut dans la méditation des choses de Dieu, qu'il
se donner à un lieu où il n'y aurait qu'un ne savait au soir s'il avait mangé durant le
moine mais que celui de cénobite marque
;
jour, et qu'il ne pouvait se souvenir le len-
en même temps la profession et la règle demain s'il avait mangé le jour d'aupara-
qu'embrassent ceux qui portent ce nom, et vant. « pour remédier à ces incertitudes,
C'est
qu'il ne peut s'apphquer qu'au lieu où vivent ajouta-t-il qu'on donne à chaque solitaire
,

plusieurs personnes ensemble dans une par- tous les samedis le pain de toute la semaine,
faite union. Il traite de Thumilité et de la c'est-à-dire quatorze petits pains qu'on met
patience dont il rapporte divers exemples,
, dans une corbeille, afin qu'on puisse remar-
faisant voir qu'elles consistent moins dans quer si l'on a passé quelques jours saiTs man-
des actions extérieures et dans des paro- ger. Ainsi l'on reconnaît si l'on n'a point
les que dans un véritable sentiment du
,
oublié quelques jours de la semaine à pren-
cœur. dre sa nourriture ordinaire, en voyant s'il

20. On voit par le commencement de la reste quelqu'un de ces petits pains, et l'on
dix-neuvième Conférence que Cassien et Ger- est averti, manquent, que la se-
lorsqu'ils
main se trouvèrent au monastère de l'abbé maine est que le saint jour va ve-
passée , et
Paul, le jour qu'on y faisait la cérémonie de nir, sans que l'on soit au hasard d'oublier
Cap- 1. l'anniversaire du dernier abbé qui avait
'
quand vient ce jour, et de ne se trouver pas
conduit les saints religieux de ce lieu. 11 y à l'église avec les autres pour le célébrer.
fut témoin de la patience d'un jeune reli- Mais quand cette extraordinaire application
gieux, qui fut admiré non-seulement de lui, à Dieu nous empêcherait de faire cette re-
mais encore de ceux qui étaient plus accou- marque par le nombre des petits pains, il
tumés à voir de ces sortes d'exemples car ; nous serait aisé néanmoins de ne nous y pas
tous les religieux qui étaient venus à cette méprendre , en voyant l'ouvrage que nous
cérémonie, s'étant mis à table au nombre de avons fait chaque jour. Ce qu'il trouve d'a-
près de deux cents, il arriva que ce frère vantageux dans la vie cénobitique c'est ,

ayant apporté un plat un peu plus tard qu'on n'y a point l'embarras de prévoir ce
qu'il ne fallait, l'abbé, qui était partout pour qui est nécessaire pour le travail de chaque
donner ses ordres, prit occasion de ce retar- jour; qu'on n'y est point occupé du soin de
dement pour lui donner, en présence de cette vendre ni d'acheter qu'on y est délivré de ;

multitude, un si grand soufflet, que tous en- cette nécessité inévitable de faire au moins
tendirent le coup. Son but était de faire voir sa provision de pain , et qu'on n'y a aucune
la patience de ce frère, et d'édifier ceux qui de ces iuquiétudes pour ce qui regarde le
se trouvaient présents par l'exemple d'une corps que l'on ressent si souvent dans les
,

si rare patience. Le succès répondit à l'at- déserts non-seulement pour soi mais en-
, ,

tente de l'abbé. Ce bon religieux reçut cet core pour les étrangers. enseigne que la » Il

affront sans se plaindre, sans changer de vi- fin d'un religieux dans la vie cénobitique est
sage et sans rien perdre de sa modestie or- l'humilité et l'obéissance ; au lieu que celle
dinaire. Cassien trouva, dans le même mo- d'un anachorète est d'avoir l'esprit dégagé
nastère un vieiUard nommé Jean qui s'y
, ,
de toutes les choses de la terre, et de se tenir
après avoir mené la vie des ana-
était retiré, autant uni à Jésus-Christ que la faiblesse de
III. chorètes. Cassien étant curieux d'en savoir l'homme peut le permettre; que, pour être
la raison, le saint abbé lui répondit que s'il véritablement parfait dans l'un et l'autre de
avait quitté son premier état ce n'était pas
, ces deux états, il faut pouvoir supporter avec
qu'il en eût du mépris, mais parce qu'il lui une égale disposition d'esprit dans le désert.

• Nam prioris abbalis , qui eidem cœnobio prœfue- Cassian., Collât. XIX, cap. i.

ral , anniversaria deposilio soiemniter celebrabatur.


188 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
l'horreur de la solitude, et dans une com- sans cesse leur poitrine devant Dieu, ils lui

Cap. IX. munauté, les infirmités de ses frères; ce qui puissent dire avec vérité : mon
Je reconnais
étant très-diiiicile, il ne l'est pas moins de ^
mon péché est toujours devant moi.
injustice, et

trouver une personne qui soit consommée Mais lorsqu'après une longue persévérance
dans la vie cénobitique comme dans l'éré- dans cette humilité de cœur et d'esprit, ce
mitique, parce que ni l'anachorète ne peut premier souvenir s'étoutte, et que Dieu, par
mépriser parfaitement toutes les choses de la sa grâce arrache cette épine de nos cœurs,
,

terre ni le cénobite s'élever à cette sublime


, nous devons espérer alors d'avoir obtenu le
contemplation. Il ne laisse point de citer pardon de nos péchés. Il marque entre les
l'exemple de quelques saints qui avaient ac- moyens que Dieu nous a laissés pour effacer
X et XII. quis cette double perfection. 11 croit qu'il nos fautes, le baptême, le martyre, la péni-
n'est pas expédient à ceux qui n'ont pas en- tence, la charité, l'aumône, les larmes,
core été bien instruits dans les monastères, l'humble confession qu'on en fait, l'affliction
de passer dans le désert, où l'on peut, à la du cœnr et du corps, la correction de ses
vérité arrêter les effets de ses passions et
, défauts et de sa mauvaise vie, et les prières
de ses vices, par la séparation des objets; des saints, ajoutant que Dieu ne nous a
mais non pas en retrancher le principe et la donné tant d'entrée à sa miséricorde, qu'afin
racine, qui cachée et répandue au fond de
, de nous convainci'e que personne ne doit
notre cœur, nous fuit sentir par beaucoup désespérer du pardon de ses péchés, ni se
de signes, qu'elle est encore toute vivante. laisser aller à la défiance et à l'abattement :

x,„. 11 donne divers moyens de connaitre les ma- car celui qui ne peut racheter ses péchés
ladies de l'âme, et de bons avis pour se gué- par de sévères pénitences, peut les racheter Cap.

rir des péchés auxquels on se reconnaît être au moins par l'aumône, par le cliangement
,,,v.
sujet. Un des principaux, est d'en reconnaître de vie ou en recourant avec une profonde
,

de se reprocher à soi-même ses


les traces, humilité à l'intercession 'des saints, afin que,
dérèglements de se venger sur la chair des
; par leurs oraisons, ils attirent de Dieu les

dérangements de l'esprit; delà dompter par remèdes nécessaires à nos plaies.


de grands jeûnes par de longues veilles et
,
22. L'abbé Théonas, dont est l'instruction
par une exacte continence. rapportée dans la vingt -unième Conférence,
21. La Conférence suivante, qui est la ving- avait été engagé de bonne heure dans le ma-
i„ ^'ùgifènle tième, traite de la fin de la pénitence et de riage; mais touché des discours de l'abbé Cap.

confi
pag. 710 la marque d'une véritable satisfaction. Cas- Jean, à qui il était allé porter quelques pré-
sien n'y faitque rapporter ce qu'il avait ap- sents par formes de dimes et de prémices

Op. I.
pris sur ce sujetde l'abbé Pynuphius. 11 était de ses biens, il fit tout son possible pour en-
prêtre et gouvernait un grand monastère gager sa femme à se séparer pour vivre l'un
proche de Panephyse. 11 y est dit d'abord et l'autre dans la retraite. N'ayant pu l'y

que la fin d'une véritable et parfaite pénf- faire consentir, Théonas la quitta, renonça

tence est de ne plus commettre les péchés à tous ses biens, et alla s'enfermer dans un
dont nous nous repentons; que la marque monastère, où par sa sagesse il mérita d'être
d'une pleine satisfaction et du pardon qu'on chargé de la dispensation des biens tempo-
a reçu est de chasser de notre cœur toute
, rels. Cassien après avoir rapporté cette ac-
,

l'affection et l'attache à ces péchés. Quand tion, déclare qu'il ne veut rien prononcer ni

donc celui qui travaille à sati.sfaire pour ses pour ni contre, laissant à un chacun la liberté
péchés, verra que son cœur n'est plus sen- d'eu juger en bien ou en mal. Il ajoute que
sible au plaisir qu'il trouvait aies commettre, l'abbé Théonas l'étant venu visiter pendant
et que son imagination n'en est pas même le temps pascal, il lui demanda pourquoi

frappée, qu'il se croie alors dégagé de ses dans son monastèi-e on ne se mettait point à
crimes et qu'il en a obtenu le pardon. Ce genoux dans la prière durant les cinquante
n'est pas qu'on doive perdre le souvenir de jours du temps pascal, et que l'on n'osait y

ses péchés; ce souvenir est même néces- jeûner jusqu'à l'heure de none. Théonas lui
ceux qui sont dans l'action etdans le fit voir d'abord que le jeûne n'étant ni bon
saire à
travail de la pénitence, afin que , frappant ni mauvais par lui-même, il ne devenait l'un


Oratione saliem atque iniercessione sanclorum re- plora. Cassiau., Collât. XX, cap. VIll.

média vulneribus tuis humilitatis nffectu submùsus im-


j^jye
£T yc SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 189

OU l'autre que par l'intention de celui qui le repas à sexte, sans attendi-e none, comme
pratiquait y a certains temps et cer-
;
qu'il aux autres temps, et de ne rien changer ni
taines occasions où le jeune ne peut avoir dans la quantité ni dans
la qualité de notre

du mérite, comme lorsqu'il faut recevoir un nourriture de peur que la pureté du corps
,

étranger, ou qu'il arrive quelque fête solen- et l'intégrité de l'âme que nous avons ac-

nelle; que le jeûne étant moins considérable quises durant le carême ne se perdent par
,

en lui-même que la miséricorde, la patience le relâchement du temps de Pâques. Germain


et lu charité,ou autres vertus semblables, lui demanda pourquoi l'on ne mettait d'or-

il faut les préférer au jeûne; enfinque l'u- dinaire que six semaines au carême, ou sept c.p. xxiv.

sage des viandes qui lui est opposé n'est pas tout au plus, en quelques autres provinces
nnmal essentiel, et qu'il est permis d'en user où l'on était plus religieux; de manière néan-
avec modération. Ces principes établis ,
moins qu'on ne trouvait point quarante jours
Théonas prouve par ne doil
l'Ecriture qu'on déjeune dans l'un ni dans l'autre compte,
et qu'on ne peut jexiner toujours remar- , lorsqu'on en retranchait le samedi et le di-
quant que, quoique Jésus-Christ ait dit avant manche, n'y ayant en tout que trente -six xxv.

sa résurrection, que ses disciples jeûneraient jours de jeune dans ces semaines. «Je veux,
après qu'on l'aura." t enievé du milieu d'eux, lui répondit Théonas, vous faire voir que nos

il ne laissa pas de manger plusieurs fois pères ne nous ont laissé par tradition, que
avec eux pendant la cinquantaine de Pâ- des choses tout-à-fait raisonnables. \ ous of- F.iod. xxit.

ques, et de lesenipècber déjeuner alors par frirez au Seigneur votre Dieu, dit Moïse aux
la joie que leur causait sa présence presque Israélites, vos dîmes et vos prémices. Si donc
continuelle. Il est vrai qu'd ne demeura que nous sommes obligés d'otfrir à Dieu les dimes
pendant quarante jours avec ses Apôtres; de nos biens et de nos revenus, nous le som-
d'oîi il serait naturel de conclure qu'on ne mes encore bien davantage de lui présenter
doit s'abstenir du jeûne que durant ce temps. la dime de nos actions et de notre vie. C'est

Mais il est marqué dans les Actes que les ce qui s'accomplit parfaitement aux jours
Apôtres, rentrés en Jérusalem depuis le mo- du carême; car la dime de toute l'année
ment de l'ascension du Sauveur, y reçurent est le nombre de trente-six jours et demi. Si,
au bout de dix jours l'Esprit- Saint qui leur dans sept semaines, nous retranchons les
avait été promis c'est pour cette raison qu'on
: jours du dimanche et du samedi, il reste
joint ces dix jours aux quarante, et qu'on les trente-cinq jours de jeûne. Et ajoutant à ce
célèbre avec la même solennité et la même nombre la veille de Pâques où l'on prolonge
joie. (( Cette tradition , dit l'abbé Théonas, le jeûne jusqu'au chant du coq et au pre-

ayant été établie d'abord par des hommes mier crépuscule du dimanche, nous accom-
apostoliques et étant passée jusqu'à nous,
, plirons le nombre de trente-six jours mais ;

doit être gardée dans le même ordre et la si l'on veut encore compter cet espace de la

même exactitude'. C'est pourquoi on ne s'a- nuit qu'on ajoute au jeûne pour la dime
genouille pas durant ces jours, parce que des cinq jours qui paraissent de reste nous ,

cette posture humble est une marque de verrons que ce nombre répondra parfaite-
douleur et de pénitence; car nous devons cé- ment au dessein qu'a eu l'Eghse dans notre
lébrer toute cette cinquantaine avec la même jeûne. »
solennité que le saint jour de dimanche, au- veut qu'on ne se contente pas d'offrir à
Il
Cap. XXVI.
quel nos pères nous ont appris qu'il ne fal- Dieu la dime de l'année, mais que nous lui
lait, à cause du respect qu'on doit à la ré- consacrions encore tous les jours, à notre
surrection du Sauveur, ni jeûner ni se met- réveil, nos premières pensées et les premiers
tre à genoux. » Il conseille toutefois d'user mouvements de notre cœur; que nous l'in-
tellement de cette indulgence ,
qu'elle ne voquions par le premier mouvement de notre
puisse nuire aux jeûnes de toute l'année, et langue; que nous offrions nos premières pa-
à cet efl'et, de la borner à avancer l'heure du roles à la gloire de son nom, en n'ouvrant

' Idcirco hi quoque deceni dies cum superioribus cium est. Unde etiam per omnia eamdem in illis so-
quadragintapan solemnitaie suntac lœtitiacelebrandi. lemniialem quamdie dominica custodimus,in qua ma-
Cujus festivilalis traditio, per apuslolicos vùos ad nos jores 7iostri, nec jejunium agendum, nec genu esse flec-
usque tratismis.m eodem tenore servanda est. Ideo nnm- tendum, ob reverentiam resurreclionis Dominicœ, tra-
que in istis diebus nec genua in oratione curvantur, diderunt. Cassian., Collât. XXI, cap. xx.
quia inflexio genuum velut pœnitentiœ ac luctus indi-
-

190 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


nos lèvres que pour lui chanter des hymnes ments extérieurs de la sainte communion, et
et des cantiques; que nous lui fassions un sur la pureté intérieure et extérieure dans
sacrifice de nos premières actions, en les laquelle ou doit être lorsqu'on se présente
offrant toutes à l'honneur et à la gloire de aux saints mystères. L'abbé Théonas, après Cap. VI.

Dieu, ]es mains étendues, les genoux on avoir rapporté différentes causes do ces acci-
terre et tout le corps prosterné. « Je sais, dents qui nous font quelquefois gémir à no-
ajoute-t-il, que plusieurs même d'entre les treréveil, dit qu'ils ne doivent point nous
séculiers , observent avec grand soin cette empêcher de communier, lorsqu'ils sont in-
louable coutume, et que, se levant devant le volontaires de notre part, et que la seule
jour, ou au point du jour, ils ne s'embarras- malice du démon nous les a causés. Mais il

sent d'aucune atïaire et d'aucun soin avant veut que nous demeurions très -persuadés
d'aller à l'église consacrer en la présence de que nous ne sommes pas dignes de la parti-
Dieu prémices de toutes les actions de la
les cipation du corps de Jésus-Christ: première-
Cap.xxvn. journée. Pour ce qui est des coutumes de '
ment, parce que la majesté et la sainteté de
jeûner, qui sont ditrérentes selon les provin- cette manne céleste est si grande, que tout
ces, les unes uc mettant que six semaines homme qui est environné d'une chair fragile,
au carême, et les autres sept c'est la même , ne peut en approcher par son propre mérite,
chose et le même nombre de jeûnes, quoi- mais par la bonté toute gratuite du Seigneur;
que dans une inégalité de semaines car : secondement, parce qu'il n'y a point d'homme
celles qui mettent six semaines au carême, qui puisse être tellement sur ses gardes
comme chez les Latins, croient qu'il faut dans cette guerre inévitable où nous som-
jeûner samedi, ce que ne font pas les pro-
le mes en ce monde, qu'il n'en reçoive au
vinces d'Orient. Ainsi les jeûnes des six jours moins quelque légère atteinte. C'a été un
étant redoublés six fois, font les trente-six avantage tout singulier de Jésus-Christ, d'ê-
jours du carême, tre exempt de tous péchés. S'il a été tenté,

jxx. Théonas semble dire que la loi du jeûne c'a été sans aucun péché, au lieu que nous
du carême n'était point établie dans les pre- ne le sommes point sans quelque péché. La
miers siècles de l'Eglise, les fidèles d'alors raison de cette différence, c'est que, quoi-
étant si fervents, que, sans être astreints par qu'il eût une chair véritable, il n'avait néan-

quelques lois, ils jeûnaient également pen- moins que la ressemblance de la chair du
dant tout le cours de l'année ;mais que leur péché, paraissant y être sujet et ne l'étant
,

zèle s'étant ralenti, le carême avait été éta- pas; au lieu que nous en avons la vérité. Les
blidu consentement de tous les évéques. En justes mêmes n'en sont point exempts, mais
quoi cet abbé est contraire à ce qu'on lit sur les fautes qu'ils commettent par faiblesse ne

ce sujet dans les anciens, qui parlent du ca- les empêchent pas d'être justes, ainsi que le I
rême comme venant de la tradition aposto- déclare l'Ecriture, lorsqu'elle dit Le juste :

xxiii. lique 2. Il fait consister la diûerence des or- tombe sept fois le jour, et il se relève : car
donnances de la loi, d'avec celle de l'Evan- qu'entend-elle autre chose par cette chute
gile, en ce que ceux qui sont sous la loi, sont que le péché? Et en disant qu'il
toutefois,
poussés par l'usage même des choses per- toaibe sept ne laisse pas de l'appe-
fois, elle

mises dans le désir de celles qui ne le sont ler juste, sans que sa chute lui ôte sa jus-
pas; au lieu que ceux qui sont sous la grâce tice, parce qu'il y a une grande différence

et dont le cœur est rempli de la charité de entre la chute d'un homme juste, et la chute
Dieu, méprisant même ce qui leur est per- d'un pécheur, comme il y en a entre con-
mis, ne sont point tentés de faire ce qui leur sentir à un péché mortel, ou à tomber dans
est défendu. une faute légère. Etre surpris par une pen-
23.La plus grande partie de la vingt sée qui n'est pas exemple de faute; pécher .1

AnaWse de
Tin|t-dcux'è-
me conféren- deuxième Conférence, roule sur les empêche- par ignorance ou par oubli; laisser échap-
ce, pag. 759.

» Porro quod dicitis , diverso more, id est sex , vel deni sex et triginta dies sexies revotula consummant,
septem hebdomadibiis per nonnullas provincias Qua- CEissian.. Collât. XXI, cap. xxvir.

dragesimam celebrari, una ratio, idemque jejuniorurn * Nos unam Quadragesimam secundum traditionem I
modus, diversa hehdomadum oOservatione concludiiur. Apostolorum toto anni iempore nobis congruo jejuna-
Hi eniin sibi sex hebdomudarum obsenantiam prœfi- mus. Hierouym., Epist. ad MarcelL, et Canon. C8
xerunt , qui putant die quoque sabbati jejunandum. Aposlol.
Sex prgo in hebdomada jejunia persolvunt, qui eos-
[lV« ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 191

per quelques paroles inutiles; hésiter quel- que je demeure encoi^e en cette vie. Le vrai sens
que temps dans un point de la foi; être tente de ces paroles : Je ne fais pas le bien que je

d'nn mouvement subtil de vaine gloire s'é- ;


veux, etc.j est marqué dans les suivantes :

loigner un peu de la souveraine perfection Selon l'homme intérieur, je me plais dans la toi

par une malheureuse nécessité de la nature, de Dieu; mais je sens dans les membres de mon
ce sont là les péchés où le juste tombe sans
corps une loi qui combat contre la loi de mon
cesser d'être juste; et, quoiqu'ils semblent esprit ; cav les justes se plaisent dans la loi cap. xi.

légers, ils suffisent pour lui donner lieu de de Dieu selon l'homme intérieur, qui, s'é-
faire pénitence tous les jours, et de prier levant au-dessus de toutes les choses visibles,

Dieu pour ses péchés, en lui demandant sin- tâchent de s'unir toujours à Dieu seul; mais
ils remarquent qu'une autre loi qui est dans
cèrement pardon par ces paroles Remettez- :

nous nos dettes, etc. leurs membres, c'est-à-dire dans la nature et


la condition de l'homme, s'oppose à cette
24. Sur la fin de la vingt-deuxième Confé-
loi de leur esprit et l'entraîne captif par cette
rence, Germain avait témoigné que plusieurs
loi violente du péché, le contraignant de
entendaient des pécheurs, ce que dit saint
Paul dans le septième chapitre de la lettre quitter la présence du souverain bien, pour

aux Romains Je ne fois pas le Itien que je


:
s'abaisser vers les choses de la terre. L'abbé xn.

veux, mais je fais le mal que je ne veux pas. Théonas fait voir que quoique l'homme, par
C'est ce qui engagea l'abbé Théonas à s'é- son péché, ait été vendu comme un esclave
tendre beaucoup sur l'explication de ces pa- au démon, Dieu n'a pas perdu néanmoins le
roles dans la vingt-troisième Conférence, où droit et la domination qui lui était acquise

il montre qu'elles ne peuvent s'appliquer sur sa créature, puisque le démon même est
qu'aux parfaits, ui convenir qu'à ceux qui toujours l'esclave de Dieu, quoiqu'il ait es-
approchent du mérite des Apôtres. La preuve sayé d'en secouer le joug qu'il a voulu néan-
;

la plus sensible qu'il en doune, c'est qu'il moins diiierer la guérison de l'homme et sa
n'est pas possible de les attribuer aux pé- rédemption durant plusieurs siècles, pour
cheurs, dont on ne peut dire, en effet, qu'ils l'accomplir ensuite en le retirant de ses
ne font pas le bien qu'ils veulent, mais le chaînes originelles par le prix du sang de
mal qu'ils ne veulent pas car qui est le pé-
:
son Fils, et en le rétabhssant dans l'état de
cheur qui se plonge malgré lui dans la for- sa première liberté. Il parle beaucoup des xvneiseq.

nication et dans l'adultère? Qui est le par- gémissements des justes sur la faiblesse de
jure qui soit contraint par une nécessité iné- leur nature et les défauts de leur vie; mais
vitable, d'user de faux témoignage pour op- il ne croit pas que, quoiqu'ils ne soient ja-
primer un innocent? Qui est l'ennemi qui mais contents des progrès qu'ils ont faits
tend à regret des pièges à son frère? Peut- dans la vertu, ils doivent pour cela se sépa-
on dire encore que ces paroles de l'Apôlre, rer de la communion. «Nous devons au con-
au même endroit, puissent convenir aux pé- traire, dit-il, nous approcher avec plus d'ar-
cheurs Quant à l'esprit, j'obéis à la loi de
: deur et d'avidité de cette divine nourriture,
Dieu, mais quant à la chair, j'obéis à la loi du afin qu'elle nous serve à purifier nos âmes ;

péché, puisqu'il est visible qu'ils n'accom- mais la foi avec laquelle nous la recevrons,
plissent la loi de Dieu ni dans l'esprit ni doit être accompagnée d'une humilité très-
dans le corps? Ce que saint Paul veut donc sincère, afin qu'étant persuadesque nous
dire par ces paroles, c'est qu'il ne pouvait sommes très-indignes de cette grâce, nous
être uni continuellement à Dieu, comme il ne la désirions que comme le remède et la
l'aurait souhaité, et que personne ne peut, guérison de nos plaies. Sans cette disposi-
même au milieu des plus grands biens qu'il tion,on ne pourrait pas même s'approcher
y être uni, étant impossible à une âme
fait, dignement de la communion une seule fois
accablée de soins en ce monde, et agitée l'année, comme font quelques-uns qui, étant
d'inquiétudes, de jouir de la vue de Dieu. dans les monastères, regardent d'une telle
C'est pourquoi le même Apôtre dit dans une sorte la sainteté et la majesté de ces terri-
autre de ses épitres Je ne sais que choisir, et
: bles mystères, qu'ils croient qu'on n'en cToit
je me trouve pressé de deux côtés : car d'une approcher que lorsqu'on est entièrement pur
part, je désire d'être avec Jésus-Christ, ce qui et sans tache, ne considérant pas que c'est
est sans comparaison le meilleur pour moi; et de dans la participation même de ces mystères
l'autre, il est utile et nécessaire pour votre bien que nous devons cheixher la pureté et la
192 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
sanctification de nos âmes. Il est vrai de dire par leur fertilité à les cultiver, qui ne le
que ces personnes tombent dans la présomp- fassent point sortir malgré lui de sa cellule,
tion même qu'ils témoignent vouloir éviter, et qui ne l'excitent point à venir travailler à
parce que lorsqu'ils disent qu'il faut être en- la campagne, de peur que la liberté du grand
tièrement pur pour communier, ils croient air ne dissipe tout recueillement de ses
le
donc l'être an moins dans le temps qu'ils pensées. Un religieux est obligé de les réunir
Cap. XXI. communient. H est donc bien plus juste de '
et de les rappeler, des qu'elles naissent, à un
nous approcher tous les dimanches de ce seul point, c'est-à-dire en Dieu, pour les y
pain céleste comme du remède de nos mala- tenir toujours fixes et arrêtées. Comme Cas-
dies, avec cette humilité de cœur qui nous sien et Germain ne comprenaient pas bien
fait croire et reconnaître que nous ne pou- pourquoi le voisinage de leurs parents, que
vons jamais mériter une si grande grâce, l'abbé Abraham n'avait pas évité lui-même,
que de nous persuader par une vaine pré- pourrait avoir pour eux de si dangereuses

somption, qu'à la fin de l'année nous serons conséquences il leur dit qu'il était dange-
,

devenus digues de participer à ces saints reux de faire les choses par imitation, et que
mj'stères. » ce qui sauve les uns, peut quelquefois per-
, ,
Analyse de
. 23. Cassien et Germain, toujours
j 5
aaités
^^
de dre les autres. « Il faut donc, ajoula-t-il, que
tîiém"°co''n"ffl-
^^ tentation de retourner dans leur pays et chacun mesure ses forces et qu'il prenne
,

rence, p. 798.
^g revojr leuTS parents, découvrirent à ensuite un état qui proportionné.
lui soit
l'abbé Abraham tout ce qui se passait dans Toutes les professions qui sont bonnes en
leur cœur à cet égard, lui avouant en ré- elles-mêmes, ne sont pas propres à tout le
pandant beaucoup de larmes, qu'il leur était monde. Examinez comment on vit en votre
impossible de résister davantage à ces ten- pays et en celui-ci, et jugez vous-même si
cap. I. tations, si Dieu ne les assistait par son en- vous pourrez y soutlrir cette nudiié et ce dé-
„. tremise. Ce sage vieillard, connaissant à pouillement où vous êtes; car on le dit glacé
cette déclaration qu'ils n'avaient pas encore par le froid de l'infidélité. Pour nous autres,
renoncé véritablement aux désirs du monde, il y a si longtemps que nous sommes enga-

ni mortifié leurs anciennes passions, leur dit gés dans cette profession, qu'elle nous est
que ces passions auraient été depuis long- devenue comme naturelle; et si vous croyez
temps ensevelies dans leur cœur, sans qu'il avoir assez de vertu pour la soutenir, vous
en restât la moindre trace, s'ils avaient com- pouvez ne pas fuir, non plus que nous, le
pris la principale raison pourquoi nous de- voisinage de vos parents et de vos frères. » 11
vons chercher la solitude. Pour la leur faire leur propose un exemple admirable du dé-
comprendre, il leur fait envisager de quelle tachement des parents dans l'abbé Apollon;
manière tous les solitaires de son désert, et sur ce que Germain disait qu'il ne parais-
qui auraient pu s'y procurer de fort grands sait point de mal qu'un solitaire reçût de ses
avantages, soit de la part de leurs parents parents ce qui lui est nécessaire pour vivre,
ou de leurs amis, soit du côté de la facilité l'abbé Abraham lui opposa le sentiment de
où ils étaient de se procurer dans ce désert saint Antoine qui regardait ces sortes de
,

même des habitations commodes et des vi- secours comme capables de jeter un solitaire
vres en abondance, méprisaient tous ces se- dans la tiédeur et dans la paresse, en l'em-
cours, parce qu'ils ne cherchaient pas ici-bas pêchant de gagner lui-même de quoi vivre
la satisfaction passagère de leurs sens, mais en travaillant de ses mains. 11 montre com-
l'avantage éternel de leurs âmes : car c'est bien il est dangereux à un religieux de ne pas
peu à un religieux d'avoir au commencement gagner sa vie du travail de ses mains, et qu'il
de sa conversion, renoncé à toutes les cho- n'y a pas moins de danger pour lui de quitter
ses présentes, s'il n'y renonce encore cha- sou monastère pour retourner avec ses pa-
que jour. Cet abbé dit donc que celui qui rents, sous prétexte de les assister dans leur
veut acquérir la pureté de cœur, doit choi- salut. 11 traite de l'origine des vices, faisant

sir des lieux qui ne le puissent jamais tenter remarquer que le démon nous attaque tou-

1 Mulio jijslius est ut cu})i hac cordis humilitate num prœsumamus ,


quam ut vana persuasione cordis
qua credimus et fuienmr illa sacrosancto viystevia annum dignos eorum participio nos esse
e/aii, tel post

nunquam pro mérita nos passe contingere, singulis ea credamus. Cassiau., Collât. XXUI, cap. xxi.
(iominicis diebus ob remedium nostrarum œgritudi'
[iv ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 193

Cap. XV. jours du côté qu'il connait le plus faible, premier état pour leur insulter; personne
XVII. comme en usa autrefois Balaara envers le n'ose plus reprocher la bassesse de leur con-
Num. 21. peuple de Dieu. 11 ne croit pas que ce soit dition. Ces reproches mêmes qui confondent

un mal à un solitaire de recevoir des visites, les autres et qui les font rougir, ne peuvent

supposant que l'on ne visite que ceux qui être que glorieux à de véritables serviteurs
C«p. X!C. sont en réputation de sainteté et de vertu. Il de Jésus-Christ. » C'est ce qu'il prouve par
trouve aussi que lamebeaucoup d'u-
retire l'exemple de l'abbé Jean, qui, né de parents
tilité de que quand les visites
riiospitalité, et fort pauvres, était devenu si vénérable à

des étrangers nous mettraient dans une né- toute la terre, que les princes du monde ne
cessité d'accorder quelque petit soulagement leregardaient qu'avec respect, le considé-
ù notre corps, la charité que nous rendons à raientcomme leur maître, le consultaient
nos frères nous est plus avantageuse que ne comme un oracle, et attendaient du mérite
pourrait être l'abstinence la plus laborieuse de sa charité et de ses prières le salut de
et la plus étroite. leurs âmes et la conservation de leur em-
11 en parlant de la douceur du joug
dit, pire.

de Jésus-Christ, qu'il ne peut rien y avoir


III.
de dur ni de pénible pour celui qui, ati'ermi
dans une solide humilité, et ne perdant ja- Des sept livres de Cassien touchant l'incar^
mais de vue les soutfrances du Sauveur, se nation, contre Nestor ius.
réjouit dans tous les aifronts qu'on lui fait,
dans toutes les pertes temporelles, dans tou- 1. Cassien, qui avait écrit ses Institutions
tes les persécutions, et dit avec saint Paul : et ses Conférences, pour ne pas désobéir à
Je me plais dans toutes mes infirmités, dans des personnes qui avaient quelque droit
toutes les injures, dans toutes les ntk-essités et d'exiger de lui ce travail ', s'était proposé, en
dans tout ce que je souffre pour Jésus-Christ; écrivant la dernière Conférence, de demeurer
car, quand je suis le plus faible, c'est alors que ensuite dans le port et dans la tranquilhté
je suis le plus fort. Si ce joug nous parait du silence, fatiguéde la longue agitation et
amer et le fardeau de Jésus-Christ pesant, de tempête d'esprit où l'avait réduit la
la

c'estque nous ne sommes pas vraiment sou- nécessité de parler et d'écrire; mais il ne
mis à la volonté de Dieu, et que nous nous fut pas longtemps sans se voir obhgé de re-
laissons abattre par la défiance et par l'in- prendre la plume. Les progrès que faisait de
crédulité, au lieu d'obéir à ses commande- tous côtés l'hérésie de Nestorius née en ,

ments; qu'il est avantageux d'avoir quelque Orient vers l'an 428 engagèrent le pape
,

chose à souifrir afin d'avoir de plus fré-


, saint Célestin à la combattre, non-seulement
quentes occasions de récompense et de mé- par ses lettres, mais encore par les écrits de
rite, étant certain qu'on ne reçoit pas le cen- ceux qui passaient pour habiles dans la
dp. XXXV. tuple que Jésus-Christ promet, dans une paix théologie. Saint Léon, alors son archidiacre,
I xxxrt. molle et lâche, mais, comme il le dit, au mi- et depuis son successeur, jeta les yeux sur
lieu des persécutions, c'est-à-dire des afflic- Cassien, dont il connaissait le savoir, et l'o-
tions de cemonde, et des peines d'esprit et bligea de prendre la défense de la foi contre
Mtic. X de coips. Il regarde comme un eflet ^isi- cette nouvelle hérésie. Cassien, ne pouvant
ble du centuple promis à ceux qui renoncent résister, entreprit Touvrage que l'on souhai-
à tout pour suivre Jésus-Christ, que ceux tait de lui, mais avec des sentiments si hum-
qui le servent fidèlement soient houorés des bles, qu'il le regardait beaucoup au-dessus
princes et des puissances, respectés des ju- de ses forces c'est pourquoi il dit - à saint
:

ges et des souverains, quand, néanmoins, à Léon, à qui il l'adressa, que c'était à lui à
cause de l'obscurité de leur naissance et de demander à Dieu qu'il pût l'exécuter comme
il le désirait. Il le finit ^ en demandant lui-
la bassesse de leur condition, ils n'auraient

pu leur être que méprisables, s'ils fussent de- même à Dieu qu'il lui plût d'insinuer dans
meurés dans le monde. « Dès-lors, dit-il, qu'Us le cœur des fidèles, par le don de son amour,
se sont consacrésau service de Jésus-Christ, les vérités qu'il lui avait fait la grâce d'é-
personne n'ose plus prendre sujet de leur crire. Cassien était alors à Marseille, et c'est

» Cassian., Collnt. XXIV, cap. xxvi. * Idem, lib. Vil de Incarnat,, cap xxxi.
* Cassian., prœf. iu lib. de Incarnat.

Vlii. 13
194 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
le dernier écrit qui sortit de sa plume. 11 buant l'une de ces prérogatives à l'huile
l'acheva, ce semble, avant le concile d'E- mystérieuse dont il a été oint, et l'autre au
phèse, c'est-à-dire avant l'an 431, puisqu'il mérite de sa passion. »
n'y parle jamais de ce concile ni de la con- Ainsi l'on voit que Cassien attribuait aux
damnation de Nestorius. Il est divisé en sept pélagiens quatre erreurs différentes : la pre-
livres, précédés d'une préface qui contient mière, que Jésus-Christ est un pur homme ;

le dessein et le motif de l'ouvrage. la deuxième, que chacun peut, sans le se-

Anal seda
^- "^^^^ 1© prcmicr livrc, Cassien compare cours de la grâce, vivre sans péché; la troi-

T^sol"^' l'hérésie à l'hydre de la fable, et dit que, sième, que Jésus-Christ n'est pas venu pour
comme lorsque l'on coupait une des têtes racheter les hommes; la quatrième qu'il ,

de cette bête, il en renaissait plusieurs au- n'est pas Dieu par nature, mais par ses mé-
cap I. très, de même une hérésie, lorsqu'elle pa- rites. Il accuse Nestorius de ces erreurs,
raît étouûee, en produit un grand nombre excepté peut-être de celle qui regarde les
d'autres. « Mais, ajoute-t-il, la médecine ne forces du libre arbitre; et le regardant non-
doit point refuser ses soins à une maladie seulement comme le collègue, mais comme
qui reprend vigueur, après avoir été guérie. le disciple de Pelage, il lui fait un reproche
Ilest au pouvoir de Dieu de détruire l'héré- de la protection qu'il accordait à ceux de
sie comme il le fut à Hercule de détruire cette secte. Il insinue qu'il y en avait quel-
II. l'hydre. » Il rapporte les diûerentes héré- ques-uns qui l'avaient quittée pour retour-
sies qui ont attaqué lemystère de l'incarna- ner à la foi catholique, du nombre desquels
tion, les unes en niant la divinité de Jésus- était Léporius, moine alors et depuis prêtre,
Christ, les autres en soutenant qu'il n'était qui non-seulement reconnut son erreur et la
homme qu'en apparence d'autres en com- , confessa publiquement, mais en fit encore
battant l'union des deux natures, qui fait par une rétractation authentique, qui fut
écrit
qu'il estvéritablement Dieu et homme. Ces lue devant plusieurs évêques dans l'église de
hérésies sont celles d'Ebion, de SabeUius, Carthage, et envoyée dans les Eglises des
d'Arius, d'Eunomius, de Macédonius, d'A- Gaules, pour réparer le scandale qu'il y
pollinaire, de Photin et des pélagiens. Il dit avait causé par sa mauvaise doctrine. Cas-
de cette dernière, qu'il se contente de dési- sien propose cet exemple à Nestorius, et
gner sans la nommer, qu'elle a tiré son ori- pour le convaincre que Léporius, depuis sa
gine de l'hérésie des ébionites,en ce qu'elle rétractation, pensait sainement sur l'incar-
niait, avec ces hérétiques, la divinité de Jé- nation du Verbe, il rapporte une grande par-
sus-Christ, que les pélagiens regardaient tie de cet écrit qui était adressé à Proculus,
comme un pur homme. Saint Jérôme et saint évêque de Marseille, et à Cylinius, autre évê-
Augustin n'attribuent point cette erreur aux que gaulois. Léporius y reconnaît son igno-
pélagiens; ils remarquent seulement qu'on '
rance et sa présomption, dont il demande
leur objectait encore d'autres erreurs qui humblement pardon. Il y confesse que Jésus-
étaient comme
des conséquences de celle Christ est né de Marie dans le temps, et qu'il
m. qu'ils enseignaient ouvertement. Cassien pré- n'a pas été plus indigne de Dieu de naître d 'une
tend aussi que les principes des pélagiens femme et de prendre d'elle la nature humaine,
ont donné naissance à l'hérésie de Nestorius :
quand il l'a voulu, que de former en elle la
« car, dit-il, croyant que l'homme, par ses nature humaine; que d'admettre deux fils de
propres forces, peut être sans péché, ils ju- Dieu et deuxChrists,run Dieu, l'autre homme,
gent de même de Jésus-Christ, qu'il n'était c'est mettre une quatrième personne dans la
qu'un pur homme, mais qu'il a si bien usé Trinité; que l'incarnation du Verbe n'est ni
de son hbre arbitre, qu'il a évité tout péché; un mensonge ni une confusion des deux na-
qu'il est venu au monde, non pour racheter tures, un tel mélange étant la destruction de
le genre humain, mais pour donner l'exem- l'une et l'autre partie; que le Fils seul s'est
ple des bonnes œuvres, afin que les hommes, incarné, et non pas le Père ni le Saint-Es-
marchant par les mêmes sentiers de vertu, prit; que ce ne sont pas deux, l'un Dieu,
en reçussent les mêmes récompenses que l'autre homme; mais que le même est Dieu
lui; qu'il est devenu Christ après son bap- et homme, \\n seul fils de Dieu, Jésus-Christ;
tême, et Dieu après sa résurrection, attri- qu'on doit dire par conséquent qu'il n'y a
qu'une personne de la chair et du Verbe, et
1 Aiigust., lib. de Hceret., cap. LXXXVUI. croire sans hésiter que c'est le même Fils de
,

[iV* ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 193

Dieu, depuis son incainiation, a toujours


qiii, impropre, comme lorsque le Seigneur dit à
fait ce qui est de Tbomme, et toujours pos- Moïse Je vous ai établi le Dieu de Pharaon,
:
Exod. Tii.

sédé ce qui est de Dieu Car encore quil ait


:
pour marquer qu'il lui avait donné autorité
sur ce prince. Il apporte en preuve de la di- Cap. m.
été crucifié selon la faiblesse de la chair, il vit

néanmoins par la vertu de Dieu. Cassien ajoute vinité de Jésus-Christ, ces paroles du même

que celte confession de foi, qui était celle de Apôtre Si nous avom connu Jésus-Christ selon
:
Il Cor. V, 16.

tous les catholiques, fut approuvée de tous la chair, maintenant nous ne le connaissons plus
les évêque d'Afrique et des Gaules; que per- de cette sorte. C'est comme s'il disait : Lors-
sonne, jusque-là, ne s'y était opposé; que que encore juif, et que je persécutais
j'étais

ce consentement unanime devait donc suf-


' l'Eglise, je ne pensais pas sainement de
fire seul pour confondre l'hérésie, parce que Jésus -Christ, le regardant comme un pur
l'autorité de tous est une démonstration de homme mais maintenant je ne pense pas de
;

l'indubitable vérité, qui, étant une fois con- même. Ce qu'il marque encore plus claire- Cap. IV.

tirmée d'un consentement universel, doit ment dans le commencement de son épitre
faire regarder comme une erreur tout ce qui aux Galates, où il dit qic'il n a pas été établi Ad Gai. I, 2.

lui est opposé. apôtre par les hommes ni par un homme, mais Cap. VI.

3. 11 fait voir dans le second livre que l'er- par Jésus-Christ et Dieu, son Père. Dans le récit A:t. .\xvl.

reur de Nestorius étant la même que celle, qu'il fait de la manière dont le Sauveur lui
des anciens hérétiques, elle avait été con- apparut sur le chemin de Damas et dans ,

damnée en eux ;
qu'il est clair par les pro- l'épitre aux Romains, où il appelle le tribunal Cap. vu.

phéties d'Isaïe, par l'Evangile et les Epitres de Jésus-Christ devant lequel tous les hom-
de saint Paul, que Marie est non-seulement mes paraîtront, le tribunal de Dieu, il montre
mère de Christ, mais aussi mère de Dieu ;
que Jésus-Christ est la vertu et la sagesse
que Jésus-Christ est véritablement Dieu ;
même de Dieu. Si les Gentils et les Juifs ont Cap. viii
i.\ et X.
qu'en vain Xestorius objectait que personne rejeté la prédication de l'Evangile, c'est que
n'engendre plus vieux que soi que cet ar- ; les Apôtres leur annonçaient que Jésus-
gument ridicule supposait qu'on devait pen- Christ crucifié était Dieu Marthe l'a re-
;

ser de la naissance d'un Dieu comme on connu pour Fils du Dieu vivant saint Pierre, ;

Cap. T.
pense de celle des hommes; que la grâce du le prince de la foi ^ et du sacerdoce, a con-
salut nous étant donnée de Jésus-Christ, fessé hautement sa divinité; Jésus -Christ
c'est encore une preuve qu'il est Dieu, et lui-même a confirmé le témoignage que cet
conséquemment que celle qui la enfanté est Apôtre lui avait rendu, en assurant que ce
mère de Dieu; que le pouvoir de conférer la n'était ni le sang ni la chair, mais l'Esprit de
grâce ne lui a pas été accordé dans le temps; Dieu qui lui avait inspiré celte doctrine;
que c'est une prérogative de sa naissance, la foi de saint Pierre est celle de toute
étant né Dieu, et la plénitude de la divi- l'Eglise c'est la même dont saint Thomas
;

nité, de la majesté et de la puissance étant en fit profession en touchant les cicatrices des

lui de toute éternité et n'en ayant jamais été plaies de Jésus -Christ ressuscité. Dieu le
séparée, soit lorsqu'il conversait avec les Père a lui-même rendu témoignage à la
hommes sur la terre, soit lorsqu'il est né de divinité de Jésus-Christ sur le bord du Jour- XVI.

la Vierge, soit lorsqu'elle le portait dans son dain, en disant de lui C'est mon Fils bien-
: MaUh.iii, 17.

sein. aimé, dans lequel j'ai mis toute mon affection.


4. 11 continue, dans le troisième livre, de o. 11 est dit dans l'épître aux Galates, que
Ana'yse du
montrer que Jésus-Christ est Dieu et homme ; Dieu a envoyé son Fils formé d'une femme. Ce quatrième li-
vre, pag. 943.

qu'il est né de la Vierge Marie selon la chair; Fils était donc auparavant. Ainsi, quand Nes- Cap. I et II.

qu'il est Dieu par nature, et non par adoption, torius pose pour principe de son erreur, que
étant, selon saint Paul, Bien élevé au-dessus de personne n'engendre un plus ancien que
tout et béni dans tous les siècles, au lieu que les soi, c'est un principe faux, puisque le Fils de
hommes qui sont quelquefois appelés dieux Dieu qui était avant Marie, a été formé d'elle,
dans l'Ecriture, ne le sont que dans un sens selon que le dit l'Apôtre. Cassien prouve par

' Sufficere ergo solus nunc ad confutandam hœresim lib. I de Incarnat., cap. vi.
a veritate dissentit. Casâian.,
deberet consensus omnium quia indubitalœ * Intcrrogemus summumillum inter magistros ma-
, veritatis
manifestalio est auctoritas universorum gistrum, qui romanœ Ecclesice gubernaculum regens
Confirmata
.

enim semul ab omnibus veritate, quidquid contra id sicut fidei habuit ita et sacerdotii principatum. Cas!
nvenit, hoc ipso slatim falsilas esse
noscendum est quod siau., lib. III de Incarnat., cap. xil.
196 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
divers passages de l'Ancien et du Nouveau et l'appelait à cet effet Theodochos, en sorte cap. leu
Testament ,
Dieu de
que Jésus-Christ est qu'on ne devait point l'honorer pour lui-mê-
toute éternité qu'à cause de Tunion liy-
;
me, mais à cause qu'il avait Dieu en lui, avec
Cap. V postatique des deux natures *, on dit avec qui il était très-uni, quoique distingué de lui
vérité de Jésus-Glirist qu'il est homme, et personnellement. Il suivait de là, comme Cas-
qu'il est fils de Dieu; que le Verbe envoyé sien le fait voir, qu'il n'y avait point de diffé-
pour nous sauver est notre Sauveur, et qu'il rence entre Jésus-Christ et les saints, en qui m.
est né de la chair; que l'union des deux na- Dieu parlait et habitait, comme dans les Pa-
tures est si intime^; qu'elle fait que l'on dit de triarches, les Prophètes et les Apôtres. En
Jésus-Christ qu'il est le Verbe; qu'il n'y a eti'et, saint Paul dit aux fidèles de Corinthe :

qu'une ^ personne en Jésus-Christ, comme Vous êtes le temple du Dieu vivant, comme Dieu ncor.vi,

on le voit par ce qui est dit dans l'Ecriture, le dit lui-même dans l'Ecriture : J'habiterai en cap. iv.

que c'est par lui que toutes choses ont été eux. Mais le même
Apôtre leur dit encore :

.loan. I, 3ctG. faites; qu'il est descendu du ciel, et qu'il y Ne connaissez-vous pas vous-mêmes que Jésus- ncorxin

est monté; qu'ayant la forme et la nature Christ est en vous? Ce qui prouve qu'il était
Ephes. IV. de Dieu, il s'est anéanti lui-même en pre- d'un sentiment contraire à celui de Nestorius,
Ph.lip. II. nant la forme et la nature de serviteur; que et qu'il y a entre Jésus-Christ et les saints,
si les livres saints l'appellent tantôt Fils de la même différence qu'entre la maison et
l'homme, tantôt Fils de Dieu, quelquefois celui qui l'habite. Tous les saints ont eu Dieu
Jésus-Christ, et d'autres fois Verbe, nous ne dans eux, de Dieu, mais diffé-
et ont été fils

C.ip. VII. devons * reconnaître de ditlerence que dans remment de Jésus-Christ. Il l'est ^ par nature, cnp. v.

les noms de parler, et non dans


et les façons ils ne l'étaient que par adoption même avant ;

les choses mêmes. Tous ces termes diiierents que de naître dans la chair et de se montrer
marquent une même vertu et une même aux hommes, les Prophètes l'ont toujours
personne, en sorte que cette variété d'ex- appelé Dieu, et le Dieu très-haut. Les Evan- v,.

pressions ne préjudicie en rien ^ à la puis- gélistes ont tenu le même langage, disant

sance de la divinité, Jésus-Christ étant un clairement que celui que les hommes ont uoan.i,
dans tout ce qui est dit de lui. Il appuie cette touché, qu'ils ont ouï, qu'ils ont vu de leurs
vérité du témoignage des Prophètes et des yeux, est le Verbe, la vie éternelle qui était
Juifs convertis à la foi, qui, selon la prophétie dans le Père qu'il est Dieu dès le commen-
;

d'Isaïe, ont dit de Jésus-Christ : Vous êtes cement et de toute éternité. Cassien fait voir
C.ip. XII. notre Dieu, et nous ne le savions pas, 11 convient qu'à cause de l'union des deux natures en
que l'Ecriture donne à d'autres qu'à Jésus- une seule personne, l'on peut attribuer à la ^
Christ le nom de Christ ou d'Oint et de Sau- personne de Jésus-Christ ce qui convient aux ^'">

veur, comme à Othoniel, et à Aod, fils de deux natures; que de celte manière on peut
Géra mais il remarque qu'il n'est dit d'au-
; dire qu'il était avant de naître selon la chair;
cun d'eux, comme de Jésus-Clirist, qu'ils sau- que tout esprit qui divise Jésus-Christ, c'est-à- j j^^
veront leur peuple, et qu'ils le délivreront dire, qui admet en lui deux personnes, n'est
de leurs péchés, mais seulement qu'ils sau- point de Dieu ;
que comme le mari et la
^^
veront peuple de Dieu et
le qu'ils le délivre- femme ne sont qu'une seule chair, de même
ront de ses ennemis. la divinité et l'humanité sont tellement unies
Annlyîe du
6. Nestorius disait que Jésus-Christ n'était et une seule personne dans Jésus-Christ,
rÎDquièine li-
\re, pag. 956.
pas Dieu, mais qu'il avait reçu Dieu en lui, qu'elles ne peuvent être séparées; que si

1 Palet ilaque quod per sacramenfum uniti cum ho- alibi Jesum Ch'istum, alibi Verbum Dei venisse in
mine Verbi Dei et Verbum quod ad salvandum missum mundum prœdicat. Jntellige ilaque dissimilitudinem
est,salvator dicitur, et saluator in carne natus per appellationum esse non rerum, et in diversa nominum
Verbi utique consortium Dei Filius nuncupalur, ac si specie unum esse virtutem. Nam licet venisse in mun-
indiscrela utriusque notninis majestate , quia unitus dum nunc filius hominis , nunc Dei nominetur, id est
estcum homine Deus, quidquid est homo et Deus, to- Verbum, unus tamen in utroque nomine designatur.
tumpenitus nuncupatur Deus Cassiau., lib. IV Incarn.,
. Ibid., cap. vu.
cap. V. * Non imminuit in illo dissimilitudo nominis vim
2 Propler unitatem ipsam Cliristusjani Verbum esse potestatis, quidquid libet dictus fuerit, in cunctis unum
dicitur. Ibid. est. Ibid., cap. vni.
^ Er(/o vides quod idem et Filius hominis, qui Ver- •i
Omnes credentes Deum filii Dei sunt per adop-
,

bum Dei. Ibid., cap. Vi. tionein, unigenitus autem tantum per naturam.
filius
' Vides ergo quod Scriptura alibi FUium hominis. Cadsiau., lib. V de Incarnat., cap. IV.
[iV* ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 197

cette union que morale, ou une habi-


n'était particuliers à la foi de toutes les Eglises, qui,
tation de la divinité dans la nature humaine, ayant été établie par Jésus-Christ, et trans-
comme dans un temple ou dans une statue, mise par les .\pôtres, doit passer pour la
les saints patriarches et les prophètes n'au- voix de la loi, ou l'autorité de Dieu même. Si
raient pas témoigné tant d'empressement de j'agissaisainsi avecvous, que diriez-vous? que
la voir accomplie, puisqu'ils étaient eux-mê- répondriez-vous? Sans doute, que vous n'au-
mes unis à Dieu de cette manière, ayant riez point été élevé dans cette foi, que l'on
reçu de lui une certaine portion de son es- ne vous en a pas instruit, que vos parents,
prit; mais il n'en est pas ainsi de Jésus-Christ : que vos maîtres vous ont enseigné autre-
toute la plénitude de la divinité a habité cor- ment, que vous avez entendu dire autre chose
porellement, c'est-à-dire substantiellement dans votre Eglise. En répondant de la sorte,
en lui. vous croiriez apporter un argument très-fort
7. C'est ce que Cassien prouve par plu- contre la vérité, et il faut convenir que c'est la
sieurs de ses miracles rapportés dans l'Evan- meilleure défense dont onpuisse se servir dans
gile, entre autres par la multiplication des une mauvaise cause; elle découvre du moins
cinq pains. Il allègue contre Nestorius le la source de l'erreur; et cette disposition se-
symbole de l'Eglise d'Antioche, où cet héré- rait excusable, si elle n'était accompagnée
siarque avait été élevé, instruit et baptisé, d'obstination. Si vous étiez dans les senti-
voulant le combattre par ses propres armes, ments que vous auriez reçus dès l'enfance, il
après l'avoir vaincu par la force des témoi- faudrait plutôt user de remontrance pour
gnages de l'Ecriture. Il rapporte une partie vous tirer de l'erreur, que de sévérité pour
de ce symbole, qui est le même que celui de punir le passé mais, né comme vous êtes
;

Nicée, à quelques termes près, remarquant dans une ville catholique, instruit de la foi
qu'on ne l'appelle Symbole que parce que catholique, régénéré dans un baptême catho-
c'est un recueil abrégé de toute la doctrine ca- lique, devons-nous agir autrement avec vous
tholique contenue dans tous les livres saints, que comme avec un arien ou un sabellien ?
ce qui lui donne une autorité divine; car de Et plût à Dieu que vous l'eussiez été nous :

même que Dieu a fait ses Ecritures par le aurions moins de douleur de vous savoir né
ministère des patriarches et des prophètes, dans le mal que déchu du bien, ancien hé-
ainsi a composé le symbole par le minis-
il rétique que nouvel apostat. Votre exemple
tère de ses Apôtres et de ses évêques. C'est
' serait moins pernicieux à l'Eglise, comme
donc sur l'autorité du symbole qu'il presse simple particulier, qu'étant évêque. Nous ne
surtout Nestorius. « Si vous- étiez, lui dit-il, vous demandons ^ rien d'injuste ni de trop
défenseur de l'hérésie arienne ou sabellienne, difficile. Faites dans l'Eglise catholique où

et que je ne me servisse pas contre vous de vous êtes né, ce que vous auriez fait pour
votre propre symbole, je vous convainque- l'hérésie. Suivez les instructions de vos pa-
rais par la voix de la loi même, et par la vé- rents ne vous écartez point de la vérité du
:

rité du symbole reçu par tout l'univers. Je symbole que vous avez appris demeurez ;

vous dirais que quand vous n'auriez ni sens, ferme dans la foi dont vous avez fait profes-
ni entendement, vous devriez du moins sui- sion au baptême. Pourquoi ne feriez-vous
vre le consentement de tout le genre humain, point pour vous ce tjue d'autres font pour
et ne pas préférer le sentiment de quelques l'erreur? C'est^la foi de ce symbole^ qui vous cap.

• Sicut enitn immensam illam Scripturarum copiam que in se vocem et sensum Dei. Cassidn., lib. VI de
per patriarchas et prophetas maxime suos condidil, ita Incarnat., cap. v.
symbolum per apostolos suos sacerdotesque constituit. 3 iVo/j iniquum , aut grave aliquid postula. Hoc fac
Ibid., lib. VI, cap. iv. in catlwlica fide editus quod fueras pro perversitate
,
arianœ aul subellianœ hœreseos assertor esses,
* Si
facturus. Tene parentum institutionem, tene Ecclesiœ
et non tuo ipso sijmbolo tecum uterer, convincerem te fidem, tene symboli veritatem , tene baptismatis salu-
taynen testimonium sacrorum auctoritate, convincerem tem. Gassian., lib. \lde Incarnat., cap. v.
legis ipsius voce, convincerem denique probata per uni- * llujusperducit symboli fides ad vitœ fontem,
te
versum niundum symboli veritate , dicerem te eiiam , ad salutis rcgenerationem , ad Eucharistiœ gratiam,
si expers intelligentiœ ac sensus esses, oporiere tamen ad Domini communiouem... ad ministerii etiam o/fi-
sequi saltem consensum generis humani; nec pluris cium, ad presbyterii culmen, ad saccrdoiii dignitatem.
faceredeberepaucorum improborum perversitatem quam Non vides quod egeris? In quod te barathrum prœci-
Ecclesiarum omnium fidem quœ utique a Christo pitaris? Perde.ns symboli fidem, totum quod fueras
,

fundata, ab apostolis tradita, non aliud existimanda perdidisti sacramenta enim sacerdotii eue salutis tuœ
:

esset, quam vox atque auctoritas Uei, quœ haberet


uii- symboli veritate constabant. Ibid., cap. vi.
,

198 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


a faitadmettre au baptême. C'est par elle même nature. Le Christ n'est point consubs-
que vous avez été régénéré. C'est avec cette tantiel à Marie, puisqu'il est Dieu éternel et
foi que vous avez reçu l'Eucharistie et la tout-puissant; il n'est donc point son fils. »
communion du Seigneur. Que faut-il davan- Cassien répond que Jésus-Christ est consubs-
tage? C'est par elle encore que vous avez été tantiel à Dieu, en tant que Dieu lui-même,
élevé aux ministères du diaconat, de la prê- et qu'en tant qu'homme, il est consubstan-
trise de l'épiscopat. Qu'avez-vous fait?
et tiel pour qu'elle soit sa
à Marie, ce qui suffit
Dans quel précipice vous êtes-vous jeté? En mère, et lui son fils. Il fait de même voir
perdant la foi du symbole, vous avez perdu qu'en suivant les erreurs de cet héré-
tout ce que vous étiez. Les sacrements de siarque, il était nécessaire d'admettre deux
voire sacerdoce et de votre salut ne se sou- Christs l'un né de Dieu, l'autre de Marie, et
:

tenaient que par la vérité de ce symbole. Il conséquemment une quatrième personne


faut de deux choses l'une, ou que vous con- dans la Trinité, puisqu'il convenait que l'un
fessiez que celui qui est Dieu, est né d'une et l'autre étaient adorables : le Fils de Dieu, à
Vierge, et alors que vous détestiez votre er- cause au Père, et le
qu'il était consubstantiel
reur; ou, si vous ne voulez pas faire cette Christ, fils de Marie, à cause de son union
confession, il faut que vous renonciez au sa- intime, mais non pas personnelle avec le Fils
cerdoce. Il n'y a point de milieu. Si vous avez de Dieu. Il fait voir encore que Nestorius, en
été catholique, vous êtes présentement un niant que Jésus-Christ est véritablement Fils
Cap. X.
apostat. Vous ne pouvez préférer l'un de ces de Dieu, renversait tout le mystère et tout le
partis à l'autre, sans le condamner en vous- mérite de l'incarnation, qu'il attaquait même
même. Direz-vous que vous condamnez en lemystère de la Trinité, puisque, selon saint
vous, ce que vous avez été d'abord ? Que Jean, celui qui nie le Fils, ne reconnaît point le
vous condamnez le symbole catholique et la Père- Il l'exhorte à rentrer en lui-même, à
foi de tout le monde? Que faites-vous donc dans reconnaître son erreur, à faire profession
l'Eglise, prévaricateur desdogmes chrétiens? de dans laquelle il avait été baptisé, à
la foi
Pourquoi souillez-vous l'assemblée du peuple, avoir recours aux sacrements, afin qu'ils le
*

vous qui en avez renié la foi? Avec cela vous régénèrent par la pénitence, comme ils l'a-
osez occuperla chaire de vérité, faire les fonc- vaient auparavant engendré par l'eau du
tions du sacerdoce, monter à l'autel, ensei- baptême, à croire tous les articles du Sym-
gner les autres. De quoi vous avisez-vous bole et l'entière vérité de la foi. Il m.ontre
d'enseigner des chrétiens, vous qui ne croyez que l'incarnation du Fils de Dieu n'a porté
point en Jésus-Christ ,
qui niez qu'il soit aucun préjudice à sa divinité; qu'en naissant
Dieu? Pourquoi avez-vous été si longtemps homme, il n'a point souffert de changement ;

dans l'Eglise sans réclamer, sans contredire? que quoique de Jésus-Christ


l'on puisse dire
C'est qu'apparemment vous êtes disciple, qu'il est avant tous les siècles, cela ne peut
quand vous voulez; catholique, quand vous néanmoins se dire de la nature humaine ;

voulez; apostat, quand vous voulez. Vous di- -qu'en vertu de l'union hypostatique et per-
rez peut-être que vous avez été baptisé dans sonnelle des deux natures, on peut attribuer
un âge où il n'étaitpoinl en votje pouvoir de à Dieu ce qui est de l'homme; que le nom
réclamer contre la profession de foi marquée de Christ renfermant ce qui est propre aux
dans le symbole. Mais pourquoi, dans un Age deux natures, on de lui également qu'il
dit
plus avancé et dans l'adolescence, n'avez- est Fils de l'homme, sur quoi
de Dieu et Fils
vous point réclamé ? Elevé aux différents de- il rapporte divers exemples tirés de l'Ecriture

grés du ministère ecclésiastique, n'avez-vous qui supposent clairement la communication


pas compris la doctrine que vous avez vous- des propriétés des deux natures en une
même prêchée aux autres ? Si la règle du même personnes, comme lorsque saint Jean-
salut vous déplaisait, pourquoi accepter un Baptiste dit de Jésus-Christ : // viendra après
degré d'honneur dans l'Eglise dont vous n'ap- moi un homme qui a été fait avant moi, parce
prouvez pas la foi. » avant moi.
qu'il était Comment, en efi'et, le
<(

Nestorius objectait : « Le fils doit être con- précurseur pouvait-il dire que celui-là vien-
substantiel à ses parents , c'est-à-dire de drait après lui, qu'il dit avoir été avant lui ?

' Non minus tibi nunc sacramenta sahdis opus sunt nèrent, quœ per fontem ante generarunt. Cassian.
quatn tune fuerunf , ut te per pœnitenliam nunc régé- lib. VI de Incarnat., cap. xvui.
,

[iv' ET v^ SIÈCLES.! CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 199

Si cela s'entend de l'homme qui est né la puissance de Dieu. Pourquoi donc refuse-
après lui, comment a-t-il été avant lui? rons-nous de la reconnaître dans sa naissance,
S'il du Verbe, comment sera-
faut l'entendre tandis que nous la confessons dans ses œu-
t-il vrai qu'il est venu après saint Jean ? Il vres? On trouve même
dans la nature un cup. t.

faut donc dire que la postérité de l'homme grand nombre d'exemples qui prouvent la
et l'antiquité du Verbe se trouvent dans un fausseté de ce principe de Nestorius. Le fils
seul Seigneur, Jésus-Christ en sorte que ; doit être de la môme substance que sa mère.
c'est un même Seigneur qui a été avant saint Celasevoit particulièrement dans les abeilles,
Jean, et qui est venu après lui, parce que, qui sont engendrées non de leurs semblables,
selon la chair, il est postérieur à saint Jean, mais des fleurs de certaines herbes, et dans
)
et avant tous selon sa divinité, les insectes qui naissent sans accouplement.
vnaijse du 8. Après avolr invoqué le secours de Dieu, Nestorius voulait que Jésus-Christ fût en tout vi.vh.tih
et IX.
l'T'ioii"' comme doivent le faire tous ceux qui entrent ressemblant à Adam, en sorte qu'il n'eût au-
c»P'-
PU dispute avec les hérétiques, il répond dessus du premier homme que d'être l'image
dans le septième livre aux objections de Nes- de la divinité que sa naissance n'avait été
;

toriiis et de ceux qui attaquaient le mystère connue de personne. Cassien prouve le con-
de l'Incarnation. Ils disaient que personne traire par les endroits de l'Ecriture qui mar-

n'enfante plus ancien que soi. Cassien leur quent les prodiges qui l'ont fait connaître,
demande de quelle cause naturelle ils veu- par les prophéties qui parlent de sa venue
lent parler, et s'ils croyaient pouvoir mesurer comme devant être sensible aux yeux des
la puissance de Dieu sur celle des créatures. bommes, par les témoignages de son pré- x, xi, m
" Il convient que tous les animaux n'enfantent curseur, par la voix qui se entendre du
fit

que ce qui est né après eux; mais il soutient ciel lors de son baptême, par l'aveu des dé-

que Dieu peut faire qu'ils enfantent aussi mons. 11 montre que lorsque l'Apôtre dit de
plus ancien qu'eux rien n'étant impos-
,
Jésus-Christ en la personne de Melcbisédecb,
sible à Dieu. Les exemples qu'il en rapporte qu'il est sans père, sans mère, sans généalogie., Hebr. vn.a.

ne sont pas convainquants. Ils objectaient il en cela contraire à saint Mat-


n'est point •

encore que le fils doit être de même nature Ihieu, qui a commencé son Evangile parla cap.xivet

que sa mère. Selon Cassien, ce principe ne généalogie de Jésus-Christ, parce que, selon
fait rien à la question, puisque Jésus-Christ l'Evangéliste, Jésus-Christ a une généalogie
est consubstantiel à sa mère, selon la nature par rapport à sa mère, et selon l'Apôtre, il
humaine qu'il a prise d'elle. On trouve divers n'en a point par rapport à son Père. Ils s'ac-
exemples, même
dans les choses naturelles coi'dent et distinguent en Jésus-Christ deux
'"• qui détruisent ce principe. Dira-t-on, en effet, naissances. Né selon la chair, sans père, il a isai. un.

que les cailles dont les Israélites mangèrent une généalogie; né de Dieu, sans mère, sa
dans le désert, étaient consubstantielles à la génération est ineffable, ainsi que le dit le
cause qui les produisit qu'il en était de
;
prophète Isaïe. Cassien continue dans le reste
même de la manne dont ils furent nourris du hvre, à prouver la divinité de Jésus-Christ
pendant quarante ans, et des pains et des non-seulement par l'autorité de l'Ecriture;
poissons que Jésus-Christ donna à manger mais aussi par les témoignages de saint Hi- cap. xvi,
"'"'"'•
aux peuples qui l'avaient suivi pour enten- laire, de saint Ambroise, de saint Jérôme, de
dre la parole de Dieu ? Mais quand ce prin- Rufin, de saint Augustin, de saint Grégoire
cipe se trouverait vrai dans toutes les causes de Nazianze, de saint Athanase, de saint
naturelles, ce ne serait pas une suite qu'il dût Chrysostôme. Il le finit en déplorant le mal- xxxi.

avoir lieu à l'égard de la naissance du Fils heureux sort où l'hérésie de Nestorius avait
de Dieu, qui est surnaturelle, celui-là ayant réduit Constantinople, et en exhortant les fi-
pu naître comme il a voulu, qui est l'auteur dèles de cette Eglise à se séparer entièrement
même de la nature, et qui ne s'est point as- de lui, pour s'attacher fortement à la doctrine
'• sujetti aux lois de la nature. Il a fait voir sa de leurs anciens évêques, saint Grégoire
toute-puissance dans la manière dont il est Nectaire et saint Jean Chrysostôme. Il s'étend
né d'une vierge, comme dans toutes les au- sur les louanges de ce dernier, qui avait été
tres choses qui sont l'ouvrage de ses mains. son maitre et qui l'avait mis au rang des
11 était contre l'ordre de la nature que le vin ministres sacrés, c'est-à-dire qui l'avait or-
fût produit de l'eau, et ce fait paraîtrait in- donné diacre. Il appelle ceux de Constanti-
croyable si l'on ne savait qu'il est arrivé par nople ses concitoyens, disant qu'il les aimait
,

200 HISTOIKE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


à cause de l'union de la patrie, qu'il les re- bonne volonté, quoiqu'en d'autres " il dise
gardait comme ses frères par runitc de la que le commencement de la bonne volonté
foi, et que, quoiqu'absent, il leur était uni vient de nous.
de cœur et d'esprit, ce qui faisait qu'il pre-
lY
nait part à leur douleur et à leurs souf-
frances. Jugement des écrits de Cassien. Editions qu'on
Onvrages 9. ne connaissait point d'autres
Gennade '
en a faites.
fausffinieut at-
tribués à Cas- écrits de Cassien que ceux dont nous venons
sieQ>

de donner le précis, c'est-à-dirè ses douze 1 . Il ne faut pas s'attendre à trouver dans
livres des Institutions, ses vingt-quatre Con- ses écrits un sj'stème bien suivi sur les ma-
férences et ses sept livres de l'Incarnation; tières de la grâce ,
quoiqu'il en parle en une
mais on lui attribue un ouvrage ^ swr le Moyen infinité d'endroits. Il est vrai que ce n'est pas
d'éteindre les passio7ts, dont on rapporte un toujours en son nom, et c'est ce qui pourrait
fragment; une Confession thoélogiqve, avec le justifier dans ce qu'il dit de contraire à la

une explication de la messe à l'usage de foi et à la doctrine de l'Eglise sur ce sujet,


Borne un livre intitulé du Combat des vices
;
: si, en rapportant les opinions des autres, il
et des vertus, et une homélie sons le titre de les avait désapprouvées, ou avait formé con-
Remède spirituel du moine. Gazée n'a mis au- tre elles des difficultés mais c'est ce qu'il ;

cun de ces ouvrages dans l'édition qu'il a ne fait jamais au contraire, il commence
:

donnée de ceux qui sont incontestablement toutes ses Conférences par l'éloge du solitaire
de Cassien; et le style seul fait voir qu'il n'en qu'il y fait parier, et quoique l'abbé Quéré-
est point l'auteur. On ne doute point qu'il mont eût avancé plusieurs erreurs dans la
n'ait composé une règle pour des hommes, treizième, il lui donne *, comme aux autres,
qui fut depuis suivie dans le monastère de de grandes louanges. Tout ce que l'on peut
Saint-Avède ou Hirier. Castor parle ^ de cette donc dire en faveur de Cassien, c'est que
règle, et elle est citée * par saint Benoît d'A- s'il a rapporté les mauvais sentiments de

niane dans sa Concorde. Cette règle n'est pas quelques solitaires sans les désapprouver, il
venue jusqu'à nous si ce n'est que Cassien, en a rapporté de contraires et de conformes
en ait fait le fond de ses Institutions ; car ce à la vérité sans les combattre ce qui mon-
, ;

qu'en rapporte saint Benoît d'Aniane se tre que s'il a été dans l'erreur à qnelqu'é-
trouve dans ses livres, surtout dans le qua- gard, c'a été sans opiniâtreté; aussi saint
trième, et il n'est pas douteux qu'il ne l'eût Prosper, en écrivant contre l'auteur des Con-
rapportée tout entière, si elle eût existé alors férences, le traite de catholique ^, et il le mé-
séparément des livres des Institutions. Nous nage jusqu'au point de ne le pas nommer,
avons remarqué ^ ailleurs qu'on attribuait quoiqu'il ne doutât pas qu'elles ne fussent
aussi à Cassien les Actes du martyre de saint de Cassien. Ce qu'il y a de remarquable, et
Victor de Marseille, et qu'ils étaient dignes de ce qui fait voir combien Cassien était peu
lui ; il est du moins certain qu'ils ne sont pas ferme, soit dans la vérité, soit dans l'erreur,
originaux, et qu'ils ont plus de rapport à la par rapport à la doctrine de la grâce c'est ,

façon d'écrire de Cassien que tous les autres que dans la treizième Conférence contre la- .,

ouvrages qu'on lui a supposés. Il serait même quelle saint Prosper a écrit il est tantôt or- ,

aisé de concilier ce qu'on y trouve sur la ma- thodoxe, et tantôt dans l'erreur sur cette ma-
tière de la grâce, avec ce qui en est dit dans tière car, après y avoir enseigné avec toute
:

les Institutions et les Confé)'ences de Cassien, l'Eglise que Dieu est le principe non-seule-
'<^

011 l'on voit qu'il la reconnaît ^ souvent pour ment de toute bonne œuvre, mais encore de
le principe de toutes nos bonnes actions, et toute bonne pensée que c'est lui qui nous ,

même du commencement de la foi et de la donne la force et l'occasion de faire ce que

Gennad., de Vir. illust., cap. Lxni.


» Collât. X, cap. x; lib. V Instit., cap. ii , et lib. VI,
Guesnay, Cassian. illust., pag. 188.
2 cap. V et VI.
3 Poscimus ut quœ servanda sancisii simplici ser-
^
Cassian., Collât. XIII, cap. m et seq.

mnne in nosfro rudi monnsterio adhibere complanata ^ Cassian., Collât. XI, cap. iv.
non abnuas. Castor., Epist. ad Cassian., pag. 1. 8 Doctor calholice, cur professionem tuam deseris ?
'<
Concord. reg., pag. 57. Prosper., lib. contra Collât., apud Cassian., pag. 828.

6 Tom. III, pag. 366. 1" Quibus manifeste colligitur non soltim actuum
6 Cassian., Collât. II, cap. xi; Collai. III, cap. x; verum eliam cogiiationum bonarum ex Deo esse prin-
.

[IV ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 20!

nous voulons de bien , il y enseigne aussi


'
du Seigneur; Dieu ^ procure entièrement le
doctrine suivante Quand Dieu voit eu salut des uns et ne fait qu'aider les autres ;
,
la :

nous ce commencement de bonne volonté, quoique " les efforts humains ne puissent
vienne de nous, soit qu'il l'ait fait parvenir à la perfection de la vertu, nous
soit qu'il
naître, il le fortifie et le fait fructifier; quel-
pouvons par nos sueurs, par nos travaux et
quefois - nous nous portons de nous-mêmes par notre volonté, obtenir que la grâce et la
à la vertu, quoique, pour la pratiquer, nous
miséricorde de Dieu nous soit donnée Dieu ;

ayons toujours besoin d'être aidés de Dieu ,


n'en attend que l'occasion de la part de notre

parce que les commencements ^ de bonne bonne volonté, étant toujours disposé à nous
volonté qui naissent en nous et de nous par donner sa grâce. Néanmoins Cassien prouve
le bienfait du Créateur, ne peuvent parvenir
dans le même lieu, par un grand nombre de
jusqu'à la perfection des vertus, s'ils ne sont passages de l'Ecriture, que nous ne pouvons
dirigés par le Seigneur, comme on le voit rien en ce qui regarde notre salut, sans le

dans l'Apôtre, qui avait bien le vouloir, mais secours de la grâce il reprend * même for-
;

non le parfaire quelques saints comme, Job *,


;
tement ceux qui sont dans un sentiment
ont surmonté par leurs propres forces les at- contraire, et leur oppose l'exemple de Jésus-

taques du démon, quoiqu'on ne puisse pas Christ ,


qui dit : Je ne puis rien faire de moi-
dire que ce saint homme ait en cette occa- ,
même. Il ajoute que non-seulement ^ nous ne
sion, été abandonné de la grâce; toute âme a pouvons arriver à la perfection des vertus
naturellement des semences de vertu par sans le secours de la grâce mais même ,

le bienfait du Créateur 5; mais elles ne peu- mettre en pratique les moyens qui y condui-
vent produire un fruit parfait sans le secours sent que c'est a la grâce *<>que nous devons
;

cipium; qui nobis et initia sanclœ voluntatis inspiral, * In eo quod prior advocat, et ignorantes hos, atque
et virtutem aique opporlunitalem eorum quœ recie cu- invitas attrahit ad salutem, protector atque salvator
pimus, tribuit perayeiidi.C^iSsiaii.. Collai. X\ll, cap. m. est ; in eo autem, quod adnitentibus 7iobis opem ferre,

Qui cum in nobis ortum quemdant bonœ voluntatis refugientesque suscipere , ac munire consuevit, suscep-
inspexerit, illuminât eam, atque confortât, et incitât tor uc refugium nominatur. Ibid., cap. xvn.
ad salutem , incrementum tribuens ei quant vel ipse ,
"
Etenim dicimus conatus humunos apprehendere
plantavit, vel nostro conatu viderit emersisse. Cassiau., eam perfeciionem per seipsos sine adjutorio Dei non

Collât. XIII, cap. vm. passe. Ha pronuntiamus laboraniibus tantum uc desu-


In lus oniJiibus et gratia Dei et libertas nostri de-
« dantibus misericordiam Dei gratiamque conferri,et ut
clnratur arbitrii , qua etiam suis interdum tnotibus verbis Apostoli loquar, volentibus et currentibus im-
homo ad virtutum appetitus possit extendi, sempervero partiri. Prœsto est occasione sibi tantummodo
namque
a Domino indigeat adjuvari. Ibid., cap. IX. a nobis bonœ voluntatis oblata, ad hœc omnia confe-
' L'i autem evidentiits clareat, etiam per naturœ bo- renda. Cassian., lib. XII Instit., cap. Xlv.
num quod beneficio Creatoris indultum est nonnun-
,
, Postremo instruit auctor salutis nostrœ, quid nos
8

quam bonarum voluniatum prodire principia, quœ ta- oporteat in singulis quibusque quœ gerimus, non modo
men nisi a Domino dirigantur, ad consummationem sentire, sed etiam confiteri. î<on possum ego, inquit,
virtutum pervenire non possiint. Apostolus teslis est, a me facere quicquam. Et nos cinis et terra , in his
dicens : Velle enitu adjacet mihi, perfiiiere autem bo- quœ ad salutem nostram pertinent, arbilramur nos ad-
nuni non invenio. Ibid., cap. ix. jutorio Domini non egexe'i' Discamus itaque ei nos per
^ Sj enim contra inimicum non sua virtute,sed Dei singula nostram simul infirmitatem,et illius adjntoria
solius fuisset gratia protegente congressus Job, et abs- sentientes quotidie prœclamare cum sanciis : Impulsas
que utla virtute patientiœ suœ divina tantum opitu- versatus sum , ut caderem , et Dominas suscepit me
latione suffulfus, multipliées illas ac iota inimici cru- Ibid., cap. XVII.
delitaie quœsitas tentationum moles et exitia periu- 9 Non solum namque ipsam perfeciionem oportet
lisset; quomodo non illam calumniosam diabolus, quam credere nostra industria, nos vel labore nostro possi-
prius émiserai vocem, adversum eum justius iierasset, dere non posse, sed ne hœc ipsa quidcm quœ illius
numquid Job gratis colit Deum, etc. Sed cum nullam exercemus obientu , id est labores, conatusque nostros
hujuscemodi quœrimoniam calumniosus hostis post acstudia, sine divinœ protectionis auxilio, inspira-
conflictum audeat iterare non Dei , sed illius se vic-
, tionisque ejus et castigatioriis atque exhortationis gra-
tum viribus confitetur. Licet etiam gratia Dei non in tia posse perficere, quam scilicet cordibus nosiris vel
totum illi defuisse credenda sit, quœ ianiam tenta- per alium solet, vel per semetipsum nos visitans cle-
tori ieniandi iribuit potestaiem, quantam et illum re- menter infundere'. Ibid., cap. xvi.
sistendi noterai habere virtutem. Ibid., cap. xiv. lû Cujus testimonio manifeste discernitur, quid li-

* Dubitari ergo non poie.st inesse omni animœ natu- béra arbitrio, quidve dispensationi, vel quotidiano ad-
raliter virtutum semina , beneficio creatoris inseria; jutorio Domini debeamus adscribere, et quod divinœ
sed nisi hœc opiiulaiione Dei fuerint excitaia, ad in- sit gratiœ prœstare nobis occasioties salutis et pro-
crementum perfectionis non poierunt pervenire. Ibid., ventus secundos, aique vicioriam. Camiau., Collai. III,
cap. xu. cap. XIX.
202 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
les occasions de salut, les progrès dans la qui disent le contraire de ce qu'ils pensent,
verlu , la victoire des obstacles que nous y n'ayant point égard au son de leurs paroles,
rencontrons. Il dit ailleurs ', et il le répète mais à proposent dans leurs
la fin qu'ils se
souvent, que, suivant le sentiment des an- actions. pousse ce principe si loin, qu'il dit
Il

ciens, la grâce nous est nécessaire pour la que quelques-uns de ceux dont il rapporta
perfection des vertus et pour parvenir à la les exemples, ont pu être justifiés par le

félicité éternelle,en quoi on ne pouvait l'ac- mensonge, ne faisant point attention à ce qui
cuser d'erreur, l'on ne savait que c'était Là
si est dit dans l'épître aux Hébreux, que ce fut Hebr.n,

le langage ordinaire des prêtres de Marseille, par la foi, et non par le mensonge, que Raab
et qu'ils ne s'exprimaient ainsi que parce ne fut point enveloppé dans la ruine des incré-
qu'ils croyaient que le commencement de la dules ; et à ce qu'on lit dans l'épilre de saint

bonne action venait de notre volonté, et que Jacques, que Raab fut justifiée par les œuvres,
l'accomplissement venait de la grâce divine; en recevant chez elle les espions de Josué. Les
ce qui leur fit donner le nom de semi-péla- paroles de l'abbé Sinuphius dans la vingtième
giens, parce qu'ils ne suivaient qu'en partie Conférence : Si la honte vous empêche ^ de
(c

l'hérésie de Pelage. découvrir vos fautes aux hommes, ne cessez


Voyez lom. Cassien ^ ne doutait pas, ce semble, que pas au moins de les avouer devant Dieu, qui
ni, pag. 205
It 5UIV.
les thérapeutes, dont Philon le Juif nous a ne peut les ignorer, » peuvent s'expliquer
décrit la vie, n'eussent été chrétiens; senti- en ce sens, que l'inteilocuteur se propose
ment qui lui est commun avec plusieurs an- seulement d'ôter aux pécheurs la crainte où
ciens écrivains semble ^
ecclésiastiques. 11 étaient la plupart, qu'en confessant leurs pé-
aussi approuver le mensongedans officieux chés, ils ne devinssent publics. On ti'ouve

l'abbé Arcbébius; et s'il est l'auteur de la dans saint Chrysostôme quantité d'expres-
dix-septième Conférence, on ne peut douter sions semblables, et toutefois, on ne peut
qu'il n'ait cru qu'il était quelquefois permis
*
douter que ce Père n'ait reconnu la nécessité
et même louable de mentir, comme lorsqu'il de la confession des péchés au prêtre pour en
s'agit de sauver la vie à quelqu'un, du salut recevoir l'absolution.
de tout un peuple, ou de quelqu'autre chose Pour ce qui est de la manière d'écrire de
de grande importance sur quoi il cite
;
Cassien, on peut dire ^ que son style répond
l'exemple de Raab, qui dit un mensonge aux sujets qu'il traite; ses expressions sont
pour sauver la vie aux espions que Josué nettes et choisies, et ses pensées il donne à
avait envoyés à Jéricho. Hors les cas d'une un tour qu'on le lit avec agré-
aisé, qui fait

extrême nécessité, il condamne le mensonge. ment, qu'on entre sans peine dans les maxi-
Sa raison ^ de l'excuser dans Raab, dans le mes qu'il établit, et qu'on se sent porté aies i

patriarche Jacob, et autres anciens, est que embrasser tout son discours est disposé avec
;

Dieu, dans ces sortes d'occasions, fait atten- tant d'adresse et de prudence, qu'cà mesure
tion à la bonne disposition du cœur de ceux qu'il propose une vérité morale, il en inspire

• Aiunt itaque Patres non passe ad purum quem- pielafem, non verborum sonum, sed vatum dijudicat
piam cai^nalibus vitiis emundari, ntsi tmiversum labo- voîuntatis; quia finis et affectas considerandus est per-
rem suum atque conatum ad tantœ perfeciionis fineni petrantis, quo potuerunt quidam etiam per mendacium
iniellexerit non passe sufficere; nec eam 7iisi miseratione justificari. Ibid.
Dei et adjutorio comprchendi non iam tradentis ins- ^ Quod si verecundia retrahente revelare coram ho-

titut ione ,
qunm affecta atque virtute et
experimentis minibus erubescis , illi quem latere non passant confi-
propriis evuditus cagnoscat. Cassiaii. , lib. XII Instit., teri ea jugi supplicatiatie non desinas. Cassian., Col-

cap. xni. Nec hoc dico ut humanas conatus évacuons, lât. XX, cap. vni.
ab industria et laboris intentione quempiam revocare Cœterum sensibui ipsa quoque apud eum respondel
-f

contendam. Sed plane constantissime non mea, sed se- elacutia, nt quœ non perspicuitatem salum afferaf ; sed

niorum sententia definia perfectianemquidem sine his ea insuper sit fncultate prœdita, ut facile ac sine ulla
omnino capi non passe, his autem solis sine rjratia vi Iiominum animis imprimatur, quin et easdem per-
Dei posse eam a nemine consummari. Ibid., cap. xiv. suadere , atque ad institutum suum attrahere queat.
« Cassian., lib. II Instit., cap. V. Imo sapienter adeo sunt omnia et dextre temperaia,
3 Ibid., lib. V, cap. xxxvu. atque effar mata; ut nec tropologiis liber secundus des-
*Cassian., Coliat. XVII, cap. xvu. tituatur sed multa contineat quœ demalceant , atque
,

5JVon enim verborum tantum actuumque nostrorum alliciant : ac plura etiam, quœ cum nietum ac terro-

Deus discussor et judex , sed etiam propositi ac des- rem incutiant , tum pœnitentiam cammavendi vini ha-
tinât ionis inspectât' est... Intimam cardis inspiciens beant. Photius, Cad. 197.
flT* ET Y* SIÈCLES,] CHAPITRE XIV. — SAINT CASSIEN DE MARSEILLE. 203

de l'amour, soit par l'attrait du bien, soit par trop ditius. On l'avait encore du temps de
l'espérance des récompenses dues à la vertu; saint Pierre Damien 5; et ^ il y a un abrégé de

mais il a recours ù la terreur des supplices Cassien dans l'édition des œuvres de saint
de la vie future, pour engager les pécheurs Eucher, à Rome, en 1364. Victor, évéque de
à la pénitence. Martyrite, en Afrique, retrancha aussi quel-
Les huit derniers livres •
de ses Institutions que chose des écrits de Cassien mais ^ ce ne ;

sont très-utiles à ceux qui veulent embrasser fut que les endroits qui lui parurent contrai-
la vie religieuse ; les maximes en sont belles res à la doctrine de TEglise sur la grâce, et
et solides, et Photius assure que les commu- il y ajouta ce qu'il crut de mieux sur cette

nautés monastiques qui les avaient observées matière. Cassiodore écrivit en Afrique pour
jusqu'à son temps, étaient encore florissan- avoir Cassien corrigé de la main de Victor,
tes, au lieu que celles qui les avaient mépri- et en attendant qu'il l'eût reçu, il avertit ses

sées ne faisaient que languir, et qu'agitées moines de ne lire ses ouvrages qu'avec dis-
pour ainsi dire des flots, elles se voyaient cernement. On dit ^ même qu'il en retran-
dans le danger de faire naufrage. Tout lui cha encore diverses erreurs, soit qu'on ne
paraît donc digne d'être observé dans ces lui eût point envoyé ce qu'avait fait Victor,

huit livres, comme n'étant qu'une explication soit que cet évéque y eût laissé des endroits

de la loi du Seigneur et une exposition de peu orthodoxes. Il parait que nous avons les
la discipline évangélique. Il porte - un juge- écrits de Cassien tels qu'ils sont sortis de sa
ment semblable des Conférences de Cassien, plume, puisqu'on y trouve mot pour mot
dont il marque les deux premières et la sep- tout ce que saint Prosper y reprend dans son
tième elles renferment
; en eûet, des mo- , livre contre l'Auteur des Conférences. Le pape
dèles très-accomplis de toutes les vertus, en Gélase ^ les mit au rang des écrits apocry-
sorte qu'on ne trouve aucun précepte qui ne phes, et il semble que ce soit de Cassien que
soit soutenu non-seulement de l'autorité de parlent les évêques du second concile d'O-
l'Ecriture, mais aussi de quelques exemples. range, lorsqu'ils disent ^^ avoir appris qu'il y
C'est dans les écrits de Cassien que les fon- en avait qui ne pensaient pas de la grâce et
dateurs d'ordres monastiques ont puisé une du libre arbitre selon la règle de la foi catho-
partie de leurs règles, et ils en ont ^presque lique. Ce qu'il y a de vrai, c'est que ce con-
tous recommandé la lecture à leurs disciples, cile condamna plusieurs des sentiments de
sachant qu'ils y apprendraient tout ce qu'on Cassien sur ces deux articles. Cassien ayant
peut dire de plus instructif touchant la prière, écrit ses Institutions et ses Conférences pour des
la pénitence et la pureté de corps et d'es- moines " gaulois qui ne savaient pas le grec,
prit. Saint Eucher, évéque de Lyon, fit un on ne peut douter qu'il ne les ait composées
abrégé * des ouvrages de Cassien, qu'il ré- en latin. Il dit lui-même dans la préface qui
duisit en un volume, les trouvant d'un style est à la tête de ses Conférences '-, qu'il les écri-

* Ulilissima vero, si quœ


alia, hcec Us sunt pronun- mul atquc collationum spiritali meditatfone succensu^,
iiata, qui religiosam vitum cupiunt. Et vero tanla
i?iire memo7-atas terras navigiopetere statuit,duabus videlicet
Us vis inest , ac quasi divinitas, ut et usque in hune ex causis, ut vel ibi deposito nomine abbatis, sub régula
dieni, si quis mottachorum conventus hac ex forma ,
vivere in humilitate, vel districlioris abstinenfiœ tegi-
et hisce prœceplionibus gubernetur, rêvera tantisper bus subderetur. Apud Suriuin, tom. I; vide et Petrum
floreai, cœlerisque prœlucens virtutum esse ofjîcina cer- Damiauum, et S. Dominicum, et S. Thomam Aquiu.
natur ; cumque hœc repudiarit cœfus, parvis quibus- et alios, iuter Elogia Cassiani, apud Gazseum, in proe-
dam virtutum reliquiis instructus, veluti in fluctibus mio oper. Cassiau.
jactetur, vel etiam nuufragium faciat. Quare expedit * Gennad., de Viris illust., cap. xxix.
nihil eorum quœ ibi traduntur, contemnere. Nani do- 5 Damian., lib. V, Epist. 19.
minicœ tiœc tegis sunt, atque evangelicœ disciplinœ * On a encore à Rome dans un manuscrit sesso-

expositio et exptanatio. Photius, ibid. rien une Règle des moines, de Cassien, recueillie par
* Libellus iertiu^ Us quos jam adnumeravimus , ad- saint Eucher. C'est ce qu'atteste A. Mai dans le Spicil.
similis est. Photius, ibid. Rom., tom. Y, pag. 240. (L'éditeur.)
' AJ perfeciionem conversât ionis qui
festinant, sunt 'Cassiod., Institut., cap. xxix.
doctrinœ sanctorum Palrum... necnon et collationes » Ado, lib. VI , tom. VII BibliotJi. Pat. Paris. ,
Patrum et instituta et uitœ itlorum... quid atiud sunt pag. 35G.
nisi bene viventium et obedientium monac/iorum exem- 9 Tom. IV ConcU., pag. 1265.
pta et inslmtnenta virtutum. S. Benedict. , in Regul., 10 Concil. Arausican. II, cap. i.

cap. LXXJii. 1' Castor., Epist. ad Cassian.


Sanctus Fulgentius Ruspensis episcopus, œgyptiorum 1- Obtineani orationes vestrœ ut nobis earumdem ira-
monachorum Viias admirabiles legens, instUutionumsi- ditionum memoriam plenam et sermonem ad dicendum
204 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
vait en latin; et je ne sais d'où Trithèrae Bologne, in-8". Les éditions de Cologne, 1540,
avait appris que Cassien les ayant écrites en etde Bâle en 1559, in-folio, sont une para-
grec, elles avaient été traduites en latin par phrase des écrits de Cassien, par Denys le
Denj's le Chartreux. L'ouvrage de ce dernier Chartreux. Dans toutes ces éditions on ne
n'est point une traduction, mais une espèce trouve point les sept livres de rincarnatirn ;
de paraphrase. Ce n'est pas qu'on ne mais ils furent mis en particulier sous presse
les ait eues en grec autrefois puisque, à Bâle chez André Cratandre, en 1534, in-8»;
Photius ', qui avait lu les écrits de Cassien, à Paris, par Pierre Gautier, en 1545, avec un
les avait sans doute lus en cette langue, de sermon de saint Cyrille intitulé : Sur ce que
même que saint Jean Climaque - et l'auteur le Verbe de Dieu s'est fait homme ; à Paris, en
du cinquième livre de la Vie des Pères. Ou dit 1556; à Zurich, en 1571. in-folio, dans le
même ^ qu'ils se trouvent en grec dans la recueil des Anciens monuments latins contre
Bibliothèque du Vatican; mais peut-être Nestorius, Futychès et les acéphales. Simler,
n'est-ce que l'abrégé qu'en avait fait saint auteur de ce recueil, y donne la Vie de Cas-
Eucher, que ro\n avait traduit en grec
et ; sien, tirée de ses écrits, et y fait diverses re-

car Photius appelle un petit livre ce , marques sur le texte des sept livres de l'In-
qu'il en avait vu. Pour ce qui est des livres carnation.
de r Incarnation, ils n'ont nullement l'air d'une Outre ces éditions particulières, on en a
3.

traduction. Le stj'le, au contraire, en est plus faitde générales, c'est-à-dire qui renferment
pur et plus poli que des autres ouvrages de tous les ouvrages de Cassien qui sont venus
Cassien le sujet le demandait il est vrai qu'il
: ; jusqu'à nous, savoir à Bâle, en 1559, 1569,
:

y adresse la parole aux fidèles de Constauti- 1573, chez Henri Pétri, avec les œuvres de
nople mais aussi il écrivait pour des Ro-
;
saint Jean de Damas, en un volume in-folio,
mains, et par leur ordre, et c'était à eux qu'il parles soins de Marc Hopperus; à Anvers,
devait premièrement envoyer cet ouvrage. 1578, un vol. in-8'', avec des notes de Henri
On dit que Pilhou ^ en avait un abrégé. Cas- Cuykius, évêque de Ruremonde à Rome, en ;

sien cite ordinairement l'Ecriture de l'Ancien 1588 et 1611; ces deux dernières éditions ne
Testament suivant la version des Septante; sont que des réimpressions de celles d'An-
mais il recourt quelquefois à celle qii? saint vers, avec cette diûerence que, dans celle de
Jérôme avait faite sur l'hébreu. 1611, on a suivi l'édition du traité de l'Incar-
2. La treizième Conférence fut imprimée nation, à Paris, en 1569. Il y eut à Rome, en
particulières séparémeut
^ à Ham, dans la haute Saxe, en 1580, deux éditions des œuvres de Cassien,
ries œuvres
de Cassien.
1528, in-4°, par Jean Sicer (en latin, Joannes l'une de Dominique Bœsa, in-4°; l'autre de
Secerius) ; l'éditeur en retrancha le chapitre Pierre Ciaconius, in-8°, avec des notes de sa
dix-huitième, qui est sur le libre arbitre, et y façon. Celle-ci fut réimprimée à Lyon, en
en ajouta dix-sept autres sur la même ma- 1606. On en cite une autre de Rome, en
tière. Cetteéditionfutmisedanslesupplément 1590. Alard Gazée ou Gazet, bénédictin de
de l'Indice Romain, parmi les livres défendus. l'abbaye de Saiut-Vast, à Arras, ayant le texte
Plus de quarante ans auparavant, c'est-à-dire de Cassien sur divers manuscrits, en donna
en 1-485, on avait imprimé à Bâle, sans nom une nouvelle édition, où il fît entrer ce qu'il
d'éditeur ni d'imprimeur, les vingt-quatreCo?^- trouva de mieux dans les notes des précé-
férences avec les douze livres des Institutions, dentes. Elle parut pour la première fois à
in-4°. On en fit une seconde édition à Venise Douai, chez Balthazar Bélier, en 1616. en
en 1491, in-folio, et une troisième à Bâle, en deux volumes in-8°; puis à Arras, en 1628,

1497, par les soins d'Amerbacli, in-4°. La chez les Riverins, imprimeurs en la même
quatrième, qui est de Boilève, parut à Lyon, ville, en trois tomes in-folio, et ensuite à
en 1516, iu-S". Il y en eut une cinquième dans Paris, chez Laurent Cottereau, en 1642, in-
cette même ville, cliez Jacques Myt, en 1525, folio. On en fît une à Lyon la même année,

in-8°; et une sixième, en 1574, in-8», chez et une à Francfort, en 1722, in-folio, con-
Philippe Tinghi. Dès 1521 on en donna une à , forme à celle d' Alard Gazet. [Une autre parut

facilem conferre dignetur, et quod est majus tatino 2 Climac, lib. IV, cap. civ, et Vit. Patr., Ub. V,
disputanlis eloquio nobis exhibere possimus. Prœfat. cap. xvui.
Co/l., pag. 279. 3 Guesuay, Cass. i/lust., pag. 188.
1 Photius, Cod. 197. '-
Voyez Hist. Pelag., pag. 33.
[lV« ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XV. — SAINT NIL DE SINAI. 205

à Leipsik, ou plutôt à Amsterdam, en 1733, l'on a suiviedans la Bibliothèque des Pères, à


de Paris, dont nous nous
in-folio.] L'édition Lyon, en 1677. Les Institutions et les Confé-
sommes servi, est beaucoup plus chargée de rences de Cassien ont été traduites en fran-
notes que les précédentes; mais l'intprcsbion çais, par M. de Saligny, docteur en Sor-

n'en est pas exacte elle renferme les douze


;
bonne (mais ce nom est supposé), et impri-

livres des Institutions de Cassien, ses vingt- mées en langue jusqu'à quatre fois il
cette ;

quatre Conférences, la paraphrase de Denys y en a une à Paris, en 1663 et en 1667, en


le Chartreux sur la treizième, le livre de l<^ deux vol. in-S"; une à Lyou, en 1685, et une
Grâce et du libre arbitre, par saint Prosper, en 1687. On a i-etranché dans ces éditions la
contre le coUateur; la lettre du pape Célestin treizième Conféi'ence, et tous les endroits qui
aux évéques des Gaules, les canons du se- autorisent le semi-pélagianisme et le men-
cond concile d'Orange, la lettre de saint songe. [Le tome XLIX de la Patrologie latine
Prosper à saint Augustin, les notes de Cuy- et une partie du tome L contiennent les œu-
kius et de Ciaconius sur Cassien, un fragment vres complètes de Cassien, d'après l'édition
du livre d'Alvarez sur la Grâce et le libre ar- de Paris. A du premier volume se
la tête
bitre, les sept livres de Cassien sur l'Incar- trouve une notice de Schœnemann, et dans
nation, la Règle de saint Pacôme, de la tra- le deuxième un appendice reproduit /es Fleurs
duction de saint Jérôme un recueil des plus
; de J. Cassien, ou choix de sentences extraites
belles sentences qui se trouvent dans les de ses œuvres; 2" des annotations et criti-
écrits de Cassien, et quatre tables, l'une des ques de Cuykius 3° des observations de
;

passages de l'Ecriture; la seconde, de quel- Pierre Ciaconius sur Cassien 4° quelques ;

ques endroits de l'Ecriture suivant la version sentences de Cassien ayant besoin d'une
des Septante; la troisième, des choses remar- pieuse interprétation; 3° un avertissement
quables dans le texte de Cassien, et la qua- sur la doctrine de Cassien sur la grâce, par
trième, de ce qu'il y a de plus considérable Didacus Alvarez. 1
dans les notes. C'est l'édition de Gazée que

CHAPITRE XV.

Saint Nil, prêtre et solitaire de Sinaï.

[Après l'an > 430.]

ARTICLE I. rieures au tvibun Zosaire, il semble ^ qu'il y


avait déjà cinq cents ans que les Juifs, en pu-
HISTOIRE DE SA VIE.
nition de la mort de Jésus-Christ, étaient
1.Nous ne trouvons rien dans les écrits de dans dans l'oppression, sans
la captivité et
saint Nil qui nous fasse connaître le temps recevoir aucun secours de Dieu mais outre ;

de sa naissance, et il n'en est rien dit dans que saint Nil n'est point ordinairement exact
les écrivains de son siècle mais on voit par
; dans ses supputations, comme on le voit dans
ses lettres, qu'avant l'an 393, auquel Arcade la lettre ^ qui précède immédiatement celle-
défendit - par une loi datée du 7 août, d'of- ci, où il dit qu'Isaïe avait prédit la ruine des

frir aucun sacrifice au démon, en quelque Juifs mille ans auparavant, quoique ce pro-
lieu que ce fût, il était déjà en état de pren- phète n'ait vécu que huit cents ans avant la
dre hautement la défense delà vraie religion, ruine de Jérusalem; il ne dit point à Zosaire
puisqu'écrivant au philosophe Mwéa ^ il le qu'il y avait cinq cents ans d'écoulés depuis
reprend d'immoler des veaux et des moutons la captivité des Juifs, mais que ce temps ap-
sur son autel sacrilège, pour plaire aux dé- prochait ^, comme s'il avait dit que quatre
mons. 11 est vrai que dans des lettres anté- siècles s'étaient déjà presque écoulés, et que

' D'autres disent en 450, sous Marcieu. [L'éditeur.) - Nil., Episl. 56, lib. I. — ^ Epist. 57, lib. I.

» Cad. Theod. 16, tom. X, leg. 13, pag. 277. En itaque quingentesimus
6 annus, et nusquam divi'
3 Nil., Epist. 280, lib. II Epist, num subsidium.
206 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
le cinquième approchait. Il parle de saint bêtes monstrueuses prêtes à se jeter sur lui.
Platon ', martyr à Ancyre, comme de son Rien de tout cela ne l'abattait, se servant,
compatriote, ce qui fait croire qu'il était de pour dissiper ces prestiges, de la foi, de la
cette ville même, ou du moins de la province patience, de la prière, du chant des psaumes,
de Galatie, et non de Constautiuople, ainsi de génuflexions, de la lecture, de l'humihlé,
que l'a cru -Nicéphore. Mais rion n'empèclie du signe de la croix. Il conseillait ceux qui H
qu'on ne suive cet historien dans ce qu'il étaient tentés de même, d'user de sembla-
ajoute, que saint Nil eut la préfecture de cette bles armes pour faire évanouir leurs enne-
ville impériale, qu'il était d'une famille il- mis.
lustre qu'il avait de grands biens et beau-
, 4. Il acquit dans le repos de la retraite ^ la II s'y fw
feclioime «
coup d'éloquence. lumière, la science et la connaissance de instruit la
autres.
2. Il s'engagea ^ dans le mariage; mais Dieu, que l'on ne peut acquérir parmi le
après qu'il en eut eu deux enfants, il conçut trouble et les embarras du siècle; mais aussi
le désir de quitter le monde et d'abandonner il communiqua '*^
aux autres avec charité la
sa maison, son pays, sa famille, ses amis, grâce qu'il avait reçue, craignant d'être puni
ses parents, ses richesses, pour aller passer de Dieu, s'il cachait le talent qu'il en avait
le reste de ses jours dans le repos de la soli- reçu. C'est de là. que nous vient ce grand
tude. Sa femme, accoutumée à ne lui résister nombre de lettres que nous avons sous son
en rien, le laissa aller, quoiqu'avec douleur. nom; car ce ne sont presque que des répon-
Saint Nil prit avec lui un de ses enfants, ses aux consultations qu'on lui faisait de tou-
nommé Théodule et donna l'autre à sa
, tes parts, soit sur FEcriture, soit sur la doc-
femme. Le lieu de sa retraite fut le mont trine de règlement des
l'Eglise, soit sur le
Sinaï *, où un grand nombre de solitaires vi- mœurs. y en a néanmoins quelques-unes
Il

vaient dans des cellules ou des cavernes qu'il écrivit de lui-même, pour reprendre
éloignées les unes des autres^, et ne s'assem- des abus et des violences, ou pour défendre
blaient ^ que le dimanche dans une même les vérités de la foi, contre les hérétiques et
église, pour y participer aux saints mystères les païens. Gainas, général des Goths, le
et s'animer mutuellement à la vertu par des consulta souvent " ; et si saint Nil évita d'ap-
entretiens de piété. C'était, ce semble, l'an profondir les questions qu'il lui proposait
390 au plus tard, comme on le voit par sa sur la divinité de Jésus-Christ, c'est qu'il sa-
lettre ^ à un nommé Dioclétien, à qui il pro-
vait qu'elles lui étaient suggérées par les
pose l'exemple d'Apollinaire, que« vous avez ariens, dont Ga'inas suivait les erreurs, et
vu, lui dit-il, avoir vieilli dans une pure et que ce qu'il aurait pu lui dire pour le tirer
sainte vie, et qui cependant enseigna des de leur secte, n'aurait servi de rien à un
hérésies manifestes, trompé par le démon, homme dont les oreilles étaient mortes et
dont l'envie cherche à faire tomber ceux que corrompues par le venin de l'hérésie.
l'on admire pour attrister et troubler
le plus, 5. Saint Chrysostôme ayant été banni de
l'Eglise. donc qu'Apollinaii-e vivait
))I1 parait Coustantinople en 404, et relégué à Cucuse,
encore; or il était mort en 392. saint Nil, sensible à l'injure que l'on faisait à
3. Saint Nil eut lui-même à essuyer de ce grand homme, et en sa personne à toute
fréquentes attaques dans la solitude de la , l'Eglise, s'en plaignit à l'empereur Arcade
part des démons mais elles " ne lui firent
; en ces termes « Vous avez banni '- Jean,
:

rien perdre de sa douceur et de sa tranquil- évêque de Ryzance, la plus grande lumière


lité. Ces malins esprits employaient tout pour de la terre, et vous l'avez banni sans sujet,
lui inspirer de la terreur, soit en ébranlant vous laissant aller par une extrême légèreté,
sa cellule, soit par des bruits et des siflle- à des évêques qui n'ont, pas les sentiments
menls etfroyables, soit par des éclairs et des qu'ils doivent avoir. Après donc que avez
étincelles qu'ils faisaient paraître à ses yeux, privé l'Eglise catholique d'un docteur qui lui
soit en lui représentant des barbares et des donnait des instructions si pures et si ortbo-

1 Tom. VII Concil.y pag. 224. 6 Nil., lib. I, Epist. 257.


^ de Tfieodolo, nuin.
« Niceph., lib. XIV, cap. Liv. Nil., 8.

8 Nil., de Theodulo, nura. 7 et 3, 8 ; tom. I Joannis 8 Nil., lib. III, Epist. 98. — 9 Id., Epist. 242.

Bol/and., pag. 954. >» Idem, lib. II, Epist. 30.


* Nil., de Theodulo, num. 2î. " Nil., lib. I, Epist. 70, 79, 114.
'2 Nil., lib, III, Epist. 270.
5 Ibid., nuiu. 18, 19.
[iV* ET V* SIECLES.] CHAPITRE XV. — SAINT NIL DE SlNAl. 20*7

doxes, (lu moins ne soyez pas insensible à la providence de Dieu. Elle ne l'abandonna
votre faute. » Ce prince, etlVayé par la mort pas. Les barbares ne s'étant éveilles qu'après
d'Eudoxie et par l'incendie d'une partie de que le soleil fut levé, et l'heure de leur sa-
la villede Constanlinople, eut recours aux crifice étant passée, ils menèrent Théodule
prières de saint Nil pour apaiser la colère de dans un village voisin pour le vendre. Per-
Dieu, qui se manifestait par tant d'événe- sonne n'en oftVant ce qu'ils en demandaient,
ments fûclieux. « Comment, lui répondit ce ils lui pendirent une épée au cou, pour mar-

saint solitaire prétendez-vous voir Cons-


', quer que s'ils ne pouvaient le vendre, ils
tantinople à couvert des fréquenls tremble- allaient le mettre à mort. A force de larmes
ments de terre et des feux du ciel, puisqu'il et de prières, Théodule obtint qu'on l'ache-
s'y commet un si grand nombre de crimes, tât. Il fut revendu à l'évêque d'Eluse, qui,

que y domine avec une pleine au-


l'injustice lui ayant trouvé beaucoup de vertu, l'éleva

torité,depuis que l'on en a banni le très- à la cléricature et lui confia le ministère de


beureux évêque Jean, la colonne de l'EgUse, sacristain et de portier.
la lumière de la vérité, la trompette de Jé- 7. C'était sur le territoire de la ville de
sus-Cbrist? Comment me demandez- vous Pharam que les Sarrasins avaient pillé et tué
d'accorder mes prières à cette ville que Dieu un grand nombre de personnes. Les officiers
punit par les foudres du ciel, dont elle attend de cette ville s'en plaignirent à leur roi, à
tous les jours d'être consumée, pendant que
"
qui ils députèrent deux courriers pour lui
mon cœur est consumé du feu de l'affliction, demander justice de cette infraction, comme
et mon esprit agité d'un tremblement conti- étant en paix avec lui. En attendant la ré-
nuel, à cause des excès qui se sont commis ponse, saint Nil et quelques autres solitaires^
en ces temps-ci à Constantinople ? » Il dit allèrent enterrer les corps de ceux qui
- que plusieurs des ennemis de saint
ailleurs avaient été tués. Ils les trouvèrent sans au-
Clirysostùme, punis des persécutions qu'ils cune corruption, quoique morts depuis cinq
lui avaient suscitées, ont avoué avec larmes jours. Il s'en trouva un qui respirait encore;
qu'ils avaient commis un grand pécbé contre mais il mourut aussitôt. Cependant le roi des
ce juste. Sarrasins ayant répondu qu'il voulait entre-
6. Saint Nil fut éprouvé lui-même par une tenir la paix, et réparer tout le dommage
affliction très-sensible. ne pen-
Tandis qu'il causé par ses gens, on envoya à la cour îous
sait qu'à jouir d'un parfaite tranquillité au ceux qui avaient quelque chose à redeman-
raibeu de sa retraite, une bande ^ de Sarra- der. Saint Nil ^ y apprit que son fils était à
sins s'étant répandue dans le désert de Sinaï, Eluse il y alla, et trouva "^ dans l'évêque
;

en attaquèrent les solitaires. Ils en tuèrent qui l'avait acheté, toute la bonté qu'il en
plusieurs, en emmenèrent d'autres captifs, pouvait attendre. En effet, cet évêque n'usa
et donnèrent à quelques-uns de ceux qui de son autorité de maître que par la violence
étaient les plus âgés, la liberté de se retirer. qu'il fit à Théodule et à son père, de leur
Saint Nil fut du nombre de ces derniers; mais imposer les mains pour l'ordre sacré de la
son fils Théodule fut emmené captii. C'était* prêtrise, avant de les laisser retourner.
la coutume de ces barbares, de sacrifier à 8. Au sortir d'Eluse " ils reprirent ensem-
l'étoile de Vénus lorsqu'elle paraissait, et ble le chemin de la montagne de Sinaï, où
avant le lever du soleil, les jeunes gens les ils retrouvèrent la tranquillité et le repos dont
mieux faits et qui étaient dans la vigueur ils avaient joui avant les courses des barba-
de leur âge. Théodule, averti du danger ^ où res. L'histoire ne nous fournit plus rien de
il se trouvait, par un esclave d'un sénateur ce qu'ils firent dans la suite; mais il paraît
de Pharam, qui avait aussi été pris des Sar- qu'on ne peut douter que saint Nil n'ait ac-
rasins, hésita quelque temps s'il tâcherait compli le vœu *^ qu'il avait fait à Dieu dans
d'éviter le péril par la fuite. La crainte d'ê- le temps de la captivité de son fils, de le ser-
tre repris l'emporta, et il aima mieux, tan- vir d'une manière plus exacte et plus aus-
dis ^ que cet esclave fuyait, s'abandonner à tère qu'il n'avait fait jusqu'alors, s'il lui plai-

» Nil., Epist. 265, lib. H. — « Nil., lib. III, Episl. 199. f Ibid. num. 42
, et 49.
» Nil., de Tlieod., num. 8, 22, 23, 21. » Ibid.,imm. 45. — » Num. 45 et 49.
* Ibid., nuni. lo. — s ibid., num. 29. >o Ibid., num. 61 et 62.
« Ibid., nuui. 55, 58. 1» Nil., de TlieoduL, num. 62. — n Ibid., nunl. S9.
â08 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
sait de rendre vivant. Il déclara ce
le lui une imitation de celle des Apôtres, particu-
vœu à son fils dès qu'il eut le loisir de lui lièrement dans l'abandonnement de toutes
parler. Théodule se joignit à lui avec joie, '
les choses du monde et dans le genre de
pour accomplir ensemble cette promesse, en vie dur et laborieux; mais il se plaint de ce
reconnaissance de la grâce qu'ils avaient re- que, par le laps des temps, cet état était dé-
çue de Dieu. 11 y a apparence - que saint Nil chu de sa ferveur primitive, en ce que les
écrivait encore vers l'an 430, pour l'instruc- moines, négligeant les préceptes du Sei-
tion et l'édification des moines. Il est honoré gneur, qui nous défend de nous embarras-
au nombre des saints, le 12 novembre, et ser dans le^ sollicitudes du siècle, s'occu-
Tliéodiile, son fils, le 14 janvier. Les Menées paient à acquérir des biens, des troupeaux,
des Grecs ^ disent que saint Nil florissait de grandes terres, comme s'ils étaient en-
sous le règne de Maurice; mais ils disent en core dans monde. Il regarde ce désir d'a-
le
même temps que son corps fut transporté à voir, comme une des raisons qui faisaient
Constantinople sous l'empire de Justin ce ; blasphémer le nom de Dieu et qui rendaient
qui ne peut se soutenir, les deux Justin les moines l'objet du mépris des séculiers.
ayant régné avant Maurice. C'est pourquoi il leur remet devant les yeux
le renoncement qu'ils ont fait aux biens de
ARTICLE IL la terre et aux plaisirs mondains, en em-

DES ÉCRITS DE SAINT NIL. brassant la profession monastique, combien


est opposée à la vertu l'atieclion aux choses
§1- terrestres; que c'est elle qui a causé la mort
de Nabolh, et séparé Loth d'avec Abraham;
Dn traité de la Vie monastique.
que les choses nécessaires à la vie n'ont
Analyse de 1. On a mis à la tête des ouvrages de saint point manqué à ceux qui ont pratiqué la
ce traité.
Cap. Nil, dans 1 impression qui en a été faite à vertu; qu'Elie, sans avoir labouré la terre,
;il et IT.
Edition ro- Rome, celui qui est intitulé de la Vie monas- a trouvé sa subsistance par le ministère d'un
maine , 3on.
1673. tique, qu'on appelle ordinairement l'Ascéti- corbeau et de la veuve de Sarepta; qu'enfin,
que, par la seule raison qu'il occupait la pre- il n'y a personne qui ne puisse facilement se

mière place dans la Bibliothèque Barberine, procurer ce qui est nécessaire à la vie du
dont l'éditeur s'est servi. Saint Nil y fait corps, c'est-à-dire du pain et de l'eau, soit
voir d'abord la différence qu'il y a eue entre par son travail, soit en le demandant aux
la philosophie que plusieurs d'entre les gen- autres. Si autrefois les Babyloniens ont res-
tils, et même des juifs, ont suivie, et celle pecté la vertu de Jérémie jusqu'à lui rendre
dont les disciples de Jésus-Christ ont fait tous les devoirs extérieurs et lui fournir
profession. Ceux-là, contents de l'extérieur, tous les besoins de la vie, comment des com-
n'avaient que le nom de philosophes, ne se patriotes négligeraient-ils de respecter une
mettant point en peine de régler leurs pas- vie éclatante de vertu? Il fait voir par la li-

sions, dont au contraire ils étaient esclaves. berté avec laquelle les prophètes parlaient
Ceux-ci ont joint la pratique à la spéculation, aux princes, combien de force a la bonne
et ont fait voir que la vraie philosophie con- vie;que ces hommes de Dieu, uniquement
siste en même temps dans le règlement des occupés de la vie de l'âme, ne se laissaient
mœurs connaissance de celui qui est,
et la point affaiblir par les soins de se procurer
c'est-à-dire du vrai Dieu. Quelques-uns des lescommodités de la vie du corps, et que,
juifs, et ceux-là surtout qu'on appelait Jes- menant une vie si disproportionnée de celle
séens, descendants de Jonadab ne lais- , des grands du siècle, ils en étaient néan-
saient pas de vivre d'une manière simple moins admirés, comme on le voit dans saint
et austère, et dans une grande pureté de Jean-Baptiste.
mœurs; mais, rejetant Jésus-Christ, et pré- 2. Il invective fortement contre ceux qui,
tendant n'avoir pas besoin de lui pour bien n'ayant embrassé la vie monastique que de-
vivre, ils travaillaient en vain, sans espé- puis peu de temps, s'érigeaient en maîtres,
rance de récompenses, parce qu'ils ne con- sans avoir acquis aucun? expérience et sans
naissaient point celui qui les doit donner. s'être instruits à fond des choses qu'il est du
Saint Nil regarde la vie monastique comme devoir d'un supérieur d'enseigner aux au-

'
Nil., de Theodul., nnm. GO. — 2 Nil, Ep. 3, cap. xxi. » Bollaml., ad diem 14 jan., 9G7.
|i\- ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XV. SAINT NIL DE SINAI. 209

comme dans ce qui regarde le ser- il propose


pic des plus grands saints, dont
très, si,

vice de Dieu, moins de temps et de


il lallail le détachement parfait des choses de la
travail pour se rendre capable d'instruire, terre, pour ne s'occuper que de celles du

que dans les arls libéraux ou dans les mé- ciel. C'est par là qu'il finit ce traité, dont les ("ip. LX et

). xxm. cauiques. Si Elie, pour avoir négligé de cor- derniers chapitres ne sont qu'une exhorta-
riger ses euiauts, n'apu se mettre a couvert tion au mépris des plaisirs sensuels et à la

de la colère de Dieu, par la considération de pratique de la vertu.


son sacerdoce, ni de sa vieillesse, ni de ses
autres prérogatives comment s'en mettront
:
§u.
à couvert ceux qui ne se sont acquis aucune Du traité de la Pratique de la vertu, et de la
contiance auprès de Dieu par leurs œuvres, fuite des vices.
qui ne connaissent ni les dili'éreutes sortes
,x,v. de péclié, ni la manière de les corriger? Ne 1. Le traité suivant intitulé : De la Prati- Ceqae c'est
qoe ce traité.
doivent-ils pas, avant toutes cboses, appren- que de la vertu et de la fuite des vices, et Pé-
dre à combattre et à vaincre leurs propres ristérie, est adressé à un moine nommé Aga-
passions, et se mettre par là en état de faci- thius. Ce titre est de la façon de l'éditeur,
literaux autres la victoire? S'il est facile de qui a cru aussi devoir diviser ce traité par
commander, il ne l'est pas de se faire obéir, des chapitx-es, comme ilavait fait pour le pré-
quand à la parole on ne joint pas l'exemple, cédent, afin de délasser le lecteur, qu'un dis-
toujours plus eliioace pour persuader que les cours trop long et sans division a coutume
XIV. discours. Le gouvernement des âmes est ce de fatiguer; il l'a même distribué en douze

qu'ily a de plus dillicile; il ne l'est pas de parties, qui out^chacuue plusieurs chapi-
conduire des animaux, parce qu'ils ne résis- tres, et a mis à la tête de chaque partie une
I eiseq. tcnt poiut mais quelle résistance ne trouve
;
inscription proportionnée à la matière qui y
pas un supérieur dans les mœurs ditleren- est traitée; la raison qu'il a eue de donner à
tes de ceux qui sont sous sa charge, et dans cet écrit le nom de Péristérie, est qu'Aga-
les souplesses et les détours de leur esprit? thius lui avait fort loué cette dame. On croit
C'est là qu'il est besoin de lumières; et l'in- que c'est la même dont il est parlé dans la
'

capacité d'un maitre ne peut que rendre lettre d'Ischyrion, diacre de l'Eglise d'A-
xixi. plus mauvais ses disciples. 11 leur sera au lexandrie, au pape saint Léon, et dans la
contraire profitable, si, après avoir vaincu troisième action du concile de Chalcédoine.
ses propres ennemis, il entreprend d'aguerrir Elle avait, par son testament, donné une
les autresdans la milice spirituelle. grande quantité d'argent aux monastères,
i.xMiv 3. Saint Nil n'invective pas moins contre aux hôpitaux et aux pauvres; mais Dioscore,
ceux qui, pour se procurer des disciples, ne alors évêque d'Alexandrie en empêcha ,

leur enseignent que des maximes relâchées, l'exécution, faisant distribuer cet argent aux
et leur représente qu'il est du devoir de celui danseuses et aux comédiennes.
,,XT. même qui, contre sa volonté, est chargé du 2. L'inscription de ce traité dans les ma- Qui en est

soin des autres, de travailler, à l'exemple nuscrits, marque qu'il est de saint Nil. Ana- aateur.

des prophètes et des apôtres, à la perfec- stase Sinaïte, qui écrivait vers le milieu du
tion de ses disciples, comme à la sienne, cinquième siècle, le cite - sous le nom de
comme devant en rendre compte à Dieu; Nil, moine, et ce qu'il en rapporte s'y trouve,

xxxTi. roais il veut aussi que les disciples ne fuient quoiqu'avec quelque difiérence. On ne peut
point l'œil de leur maître, et qu'ils n'exami- donc douter que l'ouvrage ne soit d'un Nil,
nent pas trop ni sa manière de gouverner, et nous n'en connaissions pas deux qui aient
ni ce qu'il leur commande, de même que écrit vers ce temps-là. On remarque d'ail-

,Lii. ceux qui sont dans un vaisseau aiment mieux leurs la même méthode
dans la Péristérie
se confier à l'expérience du pilote qu'à leurs que dans l'Ascétique. Ce sont de fréquentes
iiiatteq. proprcs conuaissauces. 11 donne diverses comparaisons, toujours soutenues de l'auto-
instructions pour dompter et déraciner les rité de l'Ecriture.
passions, employant pour se faire mieux eu- 3. La Péristérie contient un grand nombre
tendre, de fort belles comparaisons, la plu- de réfiexions morales sur la tempérance,
[lart tirées de l'Ecriture sainte et de l'exem- que saint Nil regarde comme le principe et

' Suaroi., iu iudic, pag. 596. * lu iudicc operum NUi, pag. G37.
vui. 14
210 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
le fondement de toutes les vertus; sur l'hu- tique,dont il est en effet une suite, quoiqu'il
milité qu'il veut être inséparable des meil- n'aitpas été écrit dans le même temps; il est
leures actions, en sorte qu'elles seules soient adressé à Magna, diaconesse de l'Eglise
vues des hommes, tandis que nous cherchons d'Ancyre, dont il est parlé dans l'Histoire
à demeurer cachés; sur la lecture et la prière, Lausiaque •. Ce n'est pas néanmoins à Ma-
dont il fait voir l'utilité par les exemples de gna que l'auteur adresse la parole; dès le

l'eunuque de la reine de Candace, de saint commencement dans toute la suite, il l'a-


et

Paul, de Corneille, et de heaucoup d'autres dresse à des moines qui avaient renoncé à
qui ont trouvé dans ces exercices les moyens tous leurs biens. Ce qui donne lieu de croire
de salut; sur détachement des biens du
le que l'on a mis à cet ouvrage le titre de quel-
monde, et les œuvres de miséricorde. Il fait qu'aulre que saint iNil avait fait pour Magna,
voir avec combien de justice seront punis ou qu'il avait envoyé lui-même à cette dia-
ceux qui laissent leurs biens sans choix des conesse une copie de ce traité.
personnes, au lieu de se procurer par leurs 2. 11 y remarque d'abord qu'après avoir

aumônes de la confiance devant le tribunal écrit, il y avait quelque temps, pour combat-

de Jésus-Christ; combien est déplorable l'é- tre les vices de ceux qui se comportaient

tat de ceux qui, se trouvant à l'article de la lâchement dans la profession monastique, il


mort, ne songent point à leur salut, unique- écrivait maintenant pour louer le zèle de

ment occupés à disposer par testament des ceux qui observaient inviolablement la règle
biens qui ne sont plus en leur pouvoir. 11 fait de la pauvreté religieuse. Il fait l'éloge de
sentir le ridicule de la vanité de ceux qui ce genre de vie, montrant que moins il est
disposent de leurs richess^es en faveur des facile de se priver de la possession de tous

pauvres après leur mort, après en avoir joui les biens temporels, quand on peut les con-

pendant leur vie sans leur en faire aucune server, plus on est digne de louange quand
part. Il invective contre les riches de son on s'en prive volontairement. Il ne croit pas
temps, qu'il représente comme plus durs et néanmoins qu'aucun de ceux dont il louait
plus impies que le mauvais riche de l'Evan- la ferveur et le détachement l'aient poussé
,

gile, puisque celui-ci accordait du moins au- aussi loin que les anciens saints dont il est
près de la porte de sa maison une place à La- parlé dans le onzième chapitre de l'épitre
zare, au lieu que ceux-là y mettaient des aux Hébreux. En eti'et, ces moines avaient
gardes pour eu éloigner les pauvres. Ensuite chaque jour de quoi manger, des habits à
il ti'aite de la vie des justes, dont il repré-
changer suivant les saisons; une maison
sente les diverses tentations et ce qu'ils ont pour se mettre à couvert du froid, de la cha-
eu à souÛrir de la part des hommes. Il n'ou- leur et des injures de l'air; de l'argent et
blie pas leurs actions les plus éclatantes; des fonds pour leur subsistance. Il les pré-
mais il ne parle que de ceux à qui les divi- cautionne surtout contre la vaine gloire,
nes Ecritures ont rendu témoignage d'Abra- voulant qu'après s'être dépouillés de leurs
ham, de Tobie, de Joseph, de David, de Gé- biens, ils se persuadent qu'ils n'ont rien fait

déon, de Samson, d'Ezéchias, d'Elisée, des que ce qu'ils devaient faire. Il distingue di-
trois jeunes Hébreux jetés dans la fournaise, vers degrés dans la vie pauvre. Le plus par-
de Daniel, des Apôtres, de la sainte Vierge, fait est de s'abandonner à la Providence et

et de plusieurs autres, particulièrement de d'attendre d'elle ses besoins, comme faisait

le loi ancienne. Il relève la grandeur de Elle, à qui un corbeau apportait à manger


l'aumône, quand elle est faite à temps, et deux par jour pendant une famine. Mais
fois

montre que c'est être fidèle dispensateur celle confiance ne doit point ouvrir la porte
des biens que Dieu nous a mis en main, à la paresse, ni dispenser du travail manuel,
quand nous les employons à acheter par nos même sous prétexte de s'appliquer sans cesse
libéralités envers les indigents, le royaume à la prière. C'est pourquoi saint Nil dit qu'il
du ciel. faut distinguer l'application continuelle des
saints à Dieu, de la paresse d'Adelphius,
§m. qui, au de porter les jeunes gens à abat-
lieu
tre par le travail manuel les forces d'un
Du traité de la Pauvreté volontaire.
corps plein de feu et de vigueur, leur faisait
Ce traité 1. Il y a des manuscrits où le traité de la
ùe l'Ascéti- Pauvreté volontaire est mis ensuite de VAscé- ' Hisl. Laus., cap. cxsxiv.
que.
flV ET \' SIÈCLES.] CHAPITRE XV. -- SAINT NIL DE SINAI. 211

une de ne rien faire, sous prétexte de les


loi 2. On trouve encore moins le style de saint .'
Mannei fius-
sèment atlri-
faire prier toujours, et les voulait porter à Nil dans le manuel qui porte son nom, et on ^".«
'J
^5^"'

un repos qui n'est propre qu'à soulever leurs ne peut disconvenir que ce ne soit celui
passions et ù donner à leur esprit la liberté d'Epictèle -, philosophe païen, où un chré-
de s'y entretenir jusqu'à ce que cette prière tien a retranché tout ce qui sentait le paga-
s'évanouisse. 11 joint à Adelphiusun nommé nisme, savoir les noms des dieux, du destin
Alexandre ; ils dogmatisèrent l'un et l'autre et de la fortune, et changé quelque chose

à Conslantinople, où ils jetèrent le trouble dans les maximes de ce philosophe, pour les
par leur nouvelle doctrine. Adelpliius fut, ce accommoder aux mœurs et aux usages des
semble, le chef, ou du moins lun des prin- faii'e honneur à saint
chrétiens. C'est ne pas
cipaux de la secte desmessaliens, et Alexan- Nil, du savoir et de l'éloquence, de
qui avait
dre, l'instituteur des aoxmètes. Saint Nil mettre sous son nom un ouvrage qui n'est
croit donc qu'il est expédient à un moine de qu'une compilation de celui d'un philosophe
travailler des mains, soit pour se procurer païen.
les besoins de la vie, soit pour dompter sa 3. L'histoire singulière de la tentation d'un Lhisioire

chair, et il ne doute pas que cet exercice ne solitairedes environs de Scété, nommé Pa- n>sipofnV°i"

rende l'âme plus propre à la prière, et qu'en- chou, se trouve dans le vingt-neuvième cha- pag. 355.

suite on ne retourne au travail avec plus pitre de V Histoire Lausiaque, parPallade. On


d'ardeur. L'autre degré de pauvreté volon- l'a aussi attribuée à Evagre de Pont, sur la
taire, est de travailler de ses mains autant foi de quelques manuscrits; elle lui convient
qu'il en est besoin, pour avoir de quoi subsis- beaucoup mieux qu'à saint Nil.
ter, eu employant le reste du temps à la prière 4. Pour ce qui est de VEpitre ou Discours Le sermon
j .,., . . . -, dogmatique
et aux autres exercices nécessaires à la vie de dogmatique qui se ht aussi parmi les ouvra- «i de saim

l'ûme; car d'employer tout le temps au tra- ges de saint Nil, il n'est ni de lui ni d'Eva- as»'

vail manuel, ce serait s'ôter celui de penser gre, comme on l'a avancé ^ sur la foi de
à Dieu, de psalmodier, de prier, de méditer quelques manuscrits, mais de saint Basile.
les vérités de la religion, et vivre selon la On en a fait sa huitième lettre dans la nou-
chair, contre le précepte de l'Apôtre. Il re- velle édition de ses œuvres. Dans les an-
commande aux moines la concorde, le par- ciennes elle était adressée à ceux de Césa?'ée,
don des injures, la douceur, la patience, la et elle porte encore aujourd'hui cette ins-

charité, la fuite des plaisirs, l'amour des ob- cription ;mais on convient qu'elle est fau-
servances monastiques, les conjurant de tive, et qu'on doit lire à ceux de son monas-
transmettre à leurs successeurs dans la même tère. 11 s'y justifie ^ de ce qu'il les avait quit-
pureté qu'ils les avaient reçues de ceux qui téspour se retirer dans une ville, mais seu-
les ont précédés l'obéissance la tempé-
, , lement pour quelque temps, afin d'y jouir
rance, l'humilité. de la conversation de saint Grégoire. C'était,

§IV. comme l'on croit, à Nazianze, et non à


Constantinople, comme le porte le titre de
De quelques autres traités de saint Nil, ou
cette lettre dans l'édition des ouvrages de
qui lui sont attribués.
saint Nil ^.

crmon de 1 Lc quatrième traité est en forme de dis-


• 5. On ne doute point qu'il ne soit l'auteur j,^ |^ ,^..

iiuj"u.''ii
cours moral sur divers sujets, mais parlicu- du traité suivant, où l'on examine si l'état pon"doit
à'""

!Zli.lti lièrement sur le combat que nous devons li- des moines qui vivent en retraite dans le q'„''e,rag'?'3"7
*"'"•
vrer à nos passions. Celte pièce n'a aucun désert, est préférable à celui des moines qui ''

rapport avec les précédentes, ni pour le demeurent dans les villes. C'est le même
style, ni pour le tour des pensées. L'auteur* style et le même génie que dans le traité de
donne dans l'erreur de ceux qui mettent VAscétique. Ceux qui demeuraient en com-
dans l'homme la cause de sa prédestina- munauté dans les villes , regardaient leur
tion. état comme plus méritoire, parce qu'ils y

» Cap. IV, pag. 325. tyre de saint d'Ancyre, qui souffrit sous
Tliéodole
* Scbweit^haeusrifir l'a réédité et annoté, 1800, iu-8. un Nil. con-
Dioclétien. Celle liisloire est écriU; par
(L'éditeur.) temporain de Tliéodole on la trouve en grec et en
:

3Tom. VI, pag. lie. latin dans le tome IV de Galland, pag. 114-30. {L'é-
* Voyez toiu. IV, pag. 427 et suiv. diteur.)
* On doit encore regarder comme supposé le Mar-
242 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
avaient plus d'occasions de combattre leurs injures sans chercher à s'en venger; de
passions excitées par la vue de divers objets. s'étudier à acquérir la paix d'une bonne
Saint iSil leur répond que le désert n'est pas conscience et la joie dans le Seigneur; de
exempt de tentations; que la nature seule rendre grâces à Dieu, même dans les tribu-
nous en fournit assez, sans qu'il soit besoin lations de se trouver avec exactitude dans
;

de chercher au dehors de nouvelles ma- les assemblées qui se faisaient de nuit pour
tières de combats; que ce qui fait dire à quel- chanter des psaumes et des cantiques; de
ques-uns que la solitude est à couvert des travailler à obtenir de Dieu les vertus de la
occasions de péché, c'est qu'ils ne font atten- foi , de l'espérance de la charité de ne
et ;

tionqu'aux péchés extérieurs, ne considé- point se laisser vaincre dans les combats des
rant point qu'il y a une intinité de tentations mauvaises pensées, mais de les juger devant
et de fautes intérieures qui se rencontrent le tribunal de son cœur. 11 lui conseille aussi
dans les déserts comme dans les villes, et que, de ne point donner dans le sentiment de
puisque ceux qui demeurent au milieu du ceux qui s'attribuent â eux-mêmes, et non à
monde, amassent même comme malgré eux la grâce^ ce qu'ils font de bien ; mais de con-
des matières qui opèrent et produisent le sidérer que Dieu est l'auteur de tout bien, et
péché il est beaucoup plus à propos de le
, de lui rendre grâce à la fin de cliaque jour
quitter pour chercher le repos et la tranquil- des bonnes œuvres qu'il pourrait avoir faites;
lité de la solitude où l'on ne voit rien qui
, de fermer ses oreilles à tous les mauvais
blesse l'âme ,
qui frappe l'imagination, ou discours de ne point compter ses progrès
,

qui irrite les passions. Il confirme son senti- dans la vertu par le nombre des années de
ment par exemples d'Elie et d'Elisée, qui
les sa retraite, de ne point étoutfer par le som-
quittaient Judée pour se retirer sur le
la meil les saintes pensées qu'aurait produites
mont Carmel de saint Jean-Baptiste, qui pré-
; en lui la lecture des divines Ecritures, de ne
férait le désert à la ville de Jérusalem; de point s'entretenir de ce qui peut contribuer
Jésus-Christ, qui, quoiqu 'au-dessus de toute à fomenter le feu de la volupté d'éviter la ,

faute quittait souvent la multitude pour de-


,
beauté dans ses vêtements d'exercer avec ,

meurer seul, et qui, ayant à juger de la con- bonté l'hospitalité envers tous, sans méfiance
dition de Marthe et de Marie, déclara que et sans distinction. Il ajoute que s'il lui arri-

celle-ci avait choisi la meilleure part ,


quoi- vait des obstacles à la prière, il devait deman-
que Marthe ne fût occupée que du soin de der à Dieu avec larmes, de les dissiper. Le
servir son Seigneur. Une autre raison de second traité à Euloge est une opposition des
préférer la vie solitaire à celle que l'on mène vices et des vertus; par exemple , de la co-
dans les villes, c'est que, dans ce premier lère à la patience , de la vaine gloire à l'hu-
état, il est bien plus facile de dégager son milité.
esprit dans le temps de la prière, des objets 7. Nous avons deux autrestraités de saint
que l'imagination nous représente, qu'il ne Nil sur Huit esprits de malice, c'est-à-dire
les

l'est dans le second de fermer les yeux aux sur les huit péchés capitaux. L'un a été donné
objets dont ils sont frappés. en 1672 par le P. Combefis -, et en 1680 par
Nicéphore 'attribue à saint Nil un traité
6. M. Bigot 3, qui y a joint une version latine
Traité
Eiiloge , pag contre les Gentils, adressé à Euloge. Nous ne tiès-ancienne. L'autre a été imprimé parmi
408.
l'avons plus, mais il nous en reste deux au- les Monuments grecs * de M. Cotelier, en 1668.
tres sur des matières de morale, adressés au Il avait déjà été donné, mais en latin seule-

même. Le premier renferme divers conseils ment, avec les œuvres de saint Jean Damas-
très -utiles à ceux qui ont embrassé la vie cène, par l'abbé de Billy. Saint Nil y fait une
monastique, ou qui veulent l'embjasser. Eu- description de tous ces vices, propre à en
loge parait avoir été du nombre des pre- donner de l'éloignement, et il n'épargne pas
miers. Saint Nil lui conseille d'abord un re- les personnes qui y sont attachées. Il dit, par
noncement général à sa patrie, à ses pa- exemple des religieux sujets à l'intempé-
,

de ne point se
rents, à ses richesses, ensuite rnuce qu'ils s'occupent à compter les fêtes
,

rebuter des travaux inséparables delà vertu, des martyrs, au lieu que ceux qui sont sobres
mais de s'en faire honneur; de souffrir les pensent à imiter leurs saintes actions et que ,

1 Nieepli., -llb. XIV, cap. Liv. 3 Pallad., Dialoy., pag. 356.


* Auciiiar., toiii. 111, pag. 303. * Tom. lit MuiiuDteiil., pag. 185 et 569.
,,

[n- ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XV. — SAINÏ NIL DE SINAI. 213

comme un soldat lâche et sans cœur tremble ^flw.r , Cofelier, ne diffère du


donné par M. sur les huit
«esprits de mn-

de crainte au seul brnit de la trompette qui précédent qu'en ce qu'il est plus ample. On lice, toin.
Monum.
m
<'.n-

y trouve les mêmes pensées et les mêmes


pag.
donne le signal du combat ; de même un li.|
,
11j5.

gourmand se laisse abattre quand il entend comparaisons souvent en même termes


, ;

annoncer le temps du jeûne. Il dit à ceux mais l'auteur a amplifié la matière, soit de
qui veulent vivre chastement, de s'abstenir lui-même soit en empruntant des autres. Il
,

de toute familiarité avec les femmes. « Elles cite quelque chose de saint Grégoire de Na-

vous tiattcront d'abord dit- il ou feindront


, , zianze, et beaucoup plus de saint Jean Cli-
de vous ilatter; mais dans la suite elles s'em- maque.On y remarque ce qui suit les anciens :

porteront jusqu'aux derniers excès de la har- Pères n'avaient rien prescrit d'uniforme, ni
diesse et de refl'ronterie. Dans les premières sur le jeûne ni sur la mesure et la quaUté
,

conversations, elles tiendront la vue baissée, des aliments, parce que tous les hommes ne
elles parleront avec douceur, elles verseront sont point d'une force égale, soit à cause de
des larmes de compassion, tous leurs gestes la ditlcrence de l'âge, soit à cause de la dif-

seront composés, et elles jetteront de pro- férence du tempérament et de la santé ;

fonds soupirs. Lorsque vous les entretien- mais ils se sont rencontrés à bannir la
drez une seconde fois elles commenceront
, gourmandise; un jeune d'un jour leur a
à lever un peu les yeux; mais elles ne con- paru plus utile que le jeûne de trois ou qua-
serveront plus la pudeur dans la troisième tre jours et même de la semaine, sachant
conversation. Voilà l'hameçon dont elles se que ceux qui font de si longs jeûnes, excè-
serviront pour vous engager dans la mort dent souvent dans la nourriture à la fin de
et les filets qu'elles emploieront pour la ruine ces jeûnes. Ces mêmes anciens ont dit

de votre âme. Prenez garde qu'elles ne vous que légumes et les racines,- comme aussi
les
séduisent par leurs discours agréables, qui le pain sec, ne devaient point être prescrits
cachent un venin mortel et pernicieux. » Le à tous les moines indifféremment, et qu'il
même saint dit, en parlant de l'esprit de pa- pouvait arriver que l'un d'eux eût encore
resse et d'ennui « Il chasse un solitaire de
: faim après avoir mangé deux livres de pain,
sa cellule; mais celui qui a de la patience, tandis qu'un autre serait rassasié avec une
demeure paisible et se tient en repos. Le pa- demi-livre; que s'il y avait du mal de s'eni-
resseux se propose d'aller visiter les mala- vrer de vin , c'en était un de boire de l'eau
des; mais en cela il n'a point d'autre but que à l'excès, et que dans les aliments, il fallait
sa propre satisfaction. Comme le moindre chercher ce qui est nécessaire au corps, et
vent fait courber un arbre qui est faible non pas de contenter la volupté.

l'âme du paresseux se laisse entraîner par la 9. Photius parle avec éloge du traité de ' Traité dé
l'Oraison , p.
moindre nécessité apparente de sortir du mo- la Prière, distribué en cent cinquante -trois 475.

nastère, quand son imagination en est rem- articles, par allusion aux cent cinquante-trois
plie. Ce Père dit encore que comme un
)) poissons marqués dans l'Evangile de saint
arbre que l'on transplante souvent ne porte Jean. Ce traité est précédé d'une lettre en
point de fruits, de même un solitaire cou- forme de préface, mais sans nom, à moins
reur est incapable de porter aucun fruit de qu'on ne dise que par le terme de bienheu-
la solide vertu. compare l'abstinence, les
Il reux, saint Nil n'entende l'un des deux Ma-
aumônes bonnes œuvres d'un
et les autres caire, d'Alexandrie ou d'Egypte, qu'il pou-
homme vain à la fumée d'une cheminée qui vait avoir connus. On voit par cette lettre que
se dissipe en l'air, au vent qui efface les ves- celui à qui il l'adressait, aimait la vie con-
tiges et les traces de nos pieds,
regarda et templative mais qu'il se trouvait engagé par
,

la vaine gloire comme un écueil caché sous son état dans la vie active. On y voit aussi
les eaux de la mer, contre lequel il est im- qu'il consolait souvent le saint par des lettres
possible de heurter sans perdre la marchan- pleines de Dieu, «qui me sont, dit saint Nil,
dise dont le vaisseau était chargé. d'excellents remèdes contre la fièvre de mes
I 8. Le traité des Huit vices ou Péchés capi- passions et contre les maux qui me rédui-

' In eodeni volumine iectus item est Niii monachi riore gradu collocantur qitam quœ modo retuli. Nam
liber in centum quinquaginla tria capita divisas,
et et dictio ita composita est , ut reprehendi nequeat, et
quibui precandi formam vir ille divinus exposait. Etsi sensus ex actionibus natam sapientiam prœfert. l'iio-

diffusus œqite diadochus non est : quœ tamen ab ipso tius, Cod. 201, pag. 323.
conscriptu sunt centum capita , nullam partem infc-
214 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
sent à l'extrémité.)) Enfin on y voit que saint eux, ou seuls il ne faut pas le faire par ha-
,

Nil avait distrilnié ce traité en cent cinquante bitude mais avec réflexion. C'est de Dieu
,

chapitres pour tirer, par la combinaison du que nous vient le don de la prière nous ;

nombre triangulaire, diverses allégories, soit avons donc besoin de lui pour cet exercice,
touchant la sainte Trinité , soit par rapport et nous devons l'invoquer afin qu'il nous

aux trois vertus théologales , la foi , l'eSpé- enseigne à l'adorer en esprit et en vérité.
rance et la charité. Ces chapitres sont très- Lorsque nous voulons prier, ne faisons rien
courts et renferment des maximes et des de ce qui est contraire à la prière, afin que
instructions très-utiles pour nous apprendre Dieu, s'approchant de nous, converse avec
la manière de bien prier. H définit la prière nous car il n'est pas possible de prier avec
;

un colloque ou une conversation de l'âme pureté, si notre esprit est embarrassé et agité
avec Dieu; c'est pourquoi il veut qu'à l'exem- du soin des affaires temporelles. Saint Nil
ple de Moïse lorsqu'il s'approcha du buis-
, paraît persuadé que les anges sont présents
son ardent, nous nous dépouillions de ce à nos prières, et qu'ils meuvent la lumière
qu'il y a en nous de terrestre pour converser de notre esprit afin qu'il agisse sans erreur,
avec Dieu. Nous devons lui demander sur- et il rapporte à ce sujet ce qui est dit dans
tout le don des larmes pour amollir la du- l'Apocalypse, que saint Jean vit un ange qui
reté de notre cœur, mais ne point nous éle- se tint devant l'autel ayant un encensoir
,

ver de ce don lorsque nous l'aurons obtenu, d'or, et qu'on lui donna une grande quantité
ce don nous venant de Dieu afin que nous de parfums, afin qu'il en accompagnât les
puissions et confesser nos péchés et apaiser prières de tous les saints. Il ajoute que ce
Dieu par nos larmes. C'est dans ce moment sont eux qui nous excitent à prier, qu'ils
que les démous mettent tout en œuvre pour nous accompagnent lorsque nous prions, et
troubler le cours de nos prières, rappelant qu'ils prient même pour nous que s'il arrive ;

h notre mémoire ce qui s'est passe pour , que pendant la prière nous nous abandon-
nous fatiguer par la connaissance de ces nions à des pensées mauvaises et contraires,
choses, et nous faire perdre le fruit de la ils en sont fâchés. Il dit que le chant des

prière. Comme elle est le germe de la dou- psaumes apaise le feu des passions qu'il ,

ceur, de la joie et de l'action de grâce, il tranquillise l'intempérance du corps, et que


faut éloigner d'elle le désir de la vengeance celui qui n'a pas encore reçu la grâce de la
et la tristesse, nous réconcilier avec nos frè- prière et de la psalmodie l'obtiendra par ,

res et oublier les injures que nous en avons son assiduité dans l'un et l'autre de ces exer-
rerues. Ce n'est pas assez, en priant, de con- cices. Il rapporte divers moyens dont les dé-
server l'extérieur de suppliant, il faut que mons avaient coutume de troubler les prières
l'âme soit appliquée à ce qu'elle demande. des solitaires par des bruits et des sons ef-
Nous ne devons point demander l'accomplis- frayants, ou par des apparitions monstrueu-
sement de nos volontés, puisqu'elles ne sont ses ; le remède qu'il leur prescrit est de se
point toutes conformes à celle de Dieu; mais tourner vers Dieu, en lui disant ces paroles
lui demander plutôt comme il nous l'a ap-
, du psaume : Je ne craindrai point les maux,
pris lui-même, que sa volonté soit accomplie parce que vous moi, ou quelques au-
êtes avec
dans nous en toute chose. Etant la source et tres semblables; ce qui lui donne occasion
le coUateur de tous les biens, il veut égale- de citer plusieurs histoires d'apparitions faites
ment ce qui est bon et ce qui est utile à no- à des solitaires de grande vertu dans le temps
tre âme. Reposons- nous donc sur lui, et qu'ils étaient Il estime dans
occupés à prier.
nous nous en trouverons bien. Mais si nous la prière, non mais la qualité;
la quantité,
voulons entrer dans le détail de nos be- disant d'après l'Evangile, qu'on ne doit pas
soins demandons -lui premièrement d'être
, être grand parleur dans la prière.
purifiés de nos passions, ensuite d'être dé- 10. Dans le traité </es Mauvaises pensées ou
livrés de notre ignorance ,
puis de toutes des Tentations du démon, saint Nil entreprend
sortes de tentations, le but de nos prières de montrer de quelle manière se forment en
étant de rechercher le royaume de Dieu et sa nous les mauvaises pensées par l'opération
justice,c'est-à-dire la vertu et la connais- des malins esprits et comment nous pou-
,

sauce de la vérité. Il est de l'équité de prier vons les dissiper. Son sentiment est que les
non -seulement pour nous, mais aussi pour démons les produisent en nous, surtout la
nos frères; mais soit que nous priions avec nuit eu mouvant notre mémoire, qui en suite
.

fiY^ r.T v^ S7ÊCLFS.] CHAPITRE XV. — SAINT NIL DE SINAI. 215

de ce mouvement, nous rappelle les objets pour combattre sans aucune condescendance
que nous avons vus au])aravant; mais il sou- les ennemis de Dieu et de ses vérités, avec
tient qu'ils ne connaissent nos pensées que répée de sa parole.
par conjectures, Dieu seul pouvant connaître 13. Suarès n'a pas jugé à propos de réim- écriûdesaiai
"''•
le secret de notre cœur. Il cite le traité de la primer les deux cent vingt-neuf sentences
Piière comme son propre ouvrage ce qui ' , imprimées en grec et en latin dans le tome II
fait voir que celui-ci est aussi de saint Nil. de la Bibliothèque des Pères de Paris, en 1624,
1 1 Suivent cinq recueils de Sentences, dont et qui avaient été données en grec par Tur-

le premier est de trente-trois le second de ,


rien, à Florence, en 1578. Suarès n'a pas

vingt-cinq, le troisième de vingt-six, le qua- donné non plus l'Histoire de la captivité de


trième de trente-trois le cinquième de cent
,
Théodule et des solitaii'es de Sinaï, mis à mort
trenie-cinq. Celles du second et du cinquième par les Sarrasins, ni celle de la Vie d'Albien,
recueil sont attribuées à Evagre ^ soit par ,
solitaire de Nitrie.
les anciens, soit dans les manuscrits; les au- 14. Saint Nil avait fait deux discours sur la DUconrsdo
:^aint Nil sur

tres peuvent être de saint Nil ou de quel- ,


Fête de Pâques,
^ ' et
trois sur celle de l'Ascension. '-? f^es de
^ _
l'aques el de

qu'autre ancien solitaire. Celles du quatrième Nous ne les avons plus; mais Photius ^ nous l'^^scension.

recueil paraissent être d'un auteur qui écri- en a conservé des extraits. Dans les deux
vait dans le temps que l'on disputait encore discours sur la Puque , saint Nil s'appliquait

sur la consubstantialité. Il insiste fortement à montrer la possibilité de la résurrection


sur cette matière et déclare que la Trinité
,
par divers exemples tirés des choses natu-
est une nature en trois personnes. Il ajoute relles,en particulier des graines qui ne pro-
que la foi et le baptême ne préserveront duisent qu'après qu'elles ont été réduites eu
point du feu éternel, si on ne les accompa- pourriture. Dans ceux qu'il fits?</' l'Ascension,
gne des œuvres de justice. Les sentences du il prouvait que le Sauveur étant placé dans
cinquième recueil sont les pins belles, et le ciel après être ressuscité d'entre les morts,
celles de toutes qui méritent le plus d'être nous ne devons douter en aucune manière,
lues; elles sont sur divers points de mo- de l'immortalité figurée dès ce monde par
rale. Enoch et Elie, qui, quoique mortels de leur
12. On un discours de saint
a mis ensuite nature, sont conservés en vie depuis tant de
Nil sur l'endroit de saint Luc où Jésus-Christ siècles par la puissance de Dieu il y parlait ;

ordonne que celui qui a un suc ou une bourse aussi de la vertu de la croix, qui nous sauve
les prenne, et que celui qui n'en a point vende du naufrage et nous conduit au port cé-
sa robe pour acheter une épée. Le saint s'y pro- leste de la béatitude; de l'excellence delà

pose de lever la contrariété qui parait être foi chrétienne qui a détruit sans armes ce
,

entre ces paroles, et celles du Sauveur qui que les princes païens avaient eu bien de la
ne prêchent que la douceur et la paix. Il dit peine d'étabhr par toute la force de leur
donc qu'on ne doit point prendre à la lettre puissance, et d'un grand nombre de martyrs
le passage de saint Luc mais dans un sens ,
que l'Eglise a produits de son sein, comme
spirituel, en sorte que par ce sac, cette le cep de la vigne produit ses branches.

bourse cette tunique que nous devons gar-


,
15. On cite *, sous le nom de saint Nil, un Antre»
»-i T A écrits attri
traite « hucarpe le même apparemment a
, . . r 1 , ,

der, l'on entende la douceur et l'humilité^ , bues à siim

qui nôn-sculemcnt nous font aimer des hom- qui est adressée la trente-unième lettre du
mes, mais qui les disposent encore à rece- troisième livre. Kucarpe était père d'un jeune
voir les vérités que nous leur prêchons, et sécuher, nommé Pioue, et ami de saint Nil.
que lorsqu'il est dit que nous devons vendre On cite aussi un commentaire ^ sur le Canti-
cette tunique pour en acheter une épée, cela que des Cantiques^, un sur Job un discours
'';

signifie que nous devons renoncer aux mar- contre les Barbares ^, imprimé à Padoue eu ,

ques extérieures de douceur et de charité, 1555; un manuel de la Pénitence ^_, une Ilor-

* Cap. xxm, pag. 537. comuientaires de divers Pères sur le Cantique des
* Voyez tom. VI, pag. 114. Cantiques, par Procope, publiée par A. Mai dans le
3 Photius, Cod. 27(3 /pag. 1527, 1538, 1540. tome IX des Classici auctores. {L'éditeur.)
* Suarès., pag. G37. ;
? SLxtus Seuen., lib. XLIX, pag. 348.

5 Tom. XIU Bifjlioih. Putr., pag. G8, el noi. in Nil. 8 Labb., de Script. Ecoles., tom. II, pag. 120.

Epist., pag. 22, 29. 9 Not. in Nili Epist., pag. 29.


* Ou eu trouve des extraits dans la collectiou des
,, -
,

2] 6 HISTOmE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


loge monastique, et une Instruction monastique. rendre gloire. Un nommé Marcien lui avait
Nicéphore lui attribue divers écrits, les uns
' demandé pourquoi on lavait ses mains avant
plus étendus, les autres plus concis, où il d'entrer dans l'église pour y adorer Dieu.
présentait au lecteur d'une manière courte, répond que cet usage était pour
Saint Nil lui ^v'^^- 2*-

facile h entendre et fort agréable les fruits , nous apprendre que nous devons approcher
spirituels de sa doctrine. Ce peuvent être les de Dieu avec une conscience nette, et que
recueils de Sentences, avec le livre de l'Oraison comme l'eau nettoie toutes les souillures du
dont nous avons parlé. L'Instruction monas- corps, la prière efface toutes celles de l'âme.
tique est apparemment la même que Vlns- Il au sous-diacre Ti-
écrivit plusieurs lettres ^^' "" ^'

truction aux moines imprimée à Venise, en , mothée, pour lui montrer, par l'exemple de
1557, par les soins de François Zimus. Les David et de Jésus -Christ, combien il était
Centuriateurs de Magdcbourg lui ont fait un utile de veiller la nuit, et d'en employer une
reproche d'avoir dit qu'un verre d'eau froide partie en prières ou au chant des psaumes;
justifie celui qui l'a donné par miséricorde 2; la raison de préférence qu'il donne à ce
mais outre que cette façon de parler peut temps, c'est qu'on y est plus tranquille, dé-
recevoir un bon sens ils se sont trompés en , gagé du tumulte, du soin des affaires et des
^*'
attribuant à saint Nil prêtre et solitaire de ,
visites de ses amis. Il dit au moine Sophrone
Sinaï ce qui se trouve dans la Vie de saint
, qu'il ne doit point souhaiter d'avoir pour su-
Nil, de Rossanne en Italie, qui n'a vécu que périeur un homme éloquent, ceux qui le sont
plusieurs siècles après. ne plaisant point à Dieu par la beauté de
leurs discours; mais que comme il avait lui-
§V. même dans le monde la réputation de sa-
gesse, il devait se soumettre pour toujours
Des lettres de saint Nil.
à un homme ignorant dans ces vaines scien-
Lettres de 1 Le P. Poussin uous a donné d'abord
. ces, afin que, par cet acte d'humilité et de
trois cent cinquante-cinq lettres de saint Nil, vraie soumission il méritât une couronne
,

''^'
sur un manuscrit de la bibliothèque de Flo- précieuse. Il dit au tribun Zosarius que si
rence qui ont été imprimées à Paris en
, ce n'est pas pour avoir mis à mort Jésus
1637; mais Léon Allatius en a f lit imprimer Christ que la Judée entière a été désolée
un beaucoup plus grand nombre h Rome et que les étrangers sont entrés en posses-
en 1668 elles sont divisées en quatre livres
; ; sion des fruits et de la terre des Hébreux, il
i^''-'-''-
la plupart sont très-courtes, et il 3^ en a beau- faut donner le démenti au prophète Isaïe
coup qui ne renferment rien d'intéressant qui avait prédit ces événements, il y avait
pour notre sujet. plus de mille ans. En effet, avant que les
Ce quelles 2. Ou voït par cclle qui est adressée à Pto- Juifs se rendissent coupables de ce déïcide,
drrèmTq".'.!- loméc, quc les moines étaient alors en si ils avaient commis beaucoup d'autres crimes, ^p'^'- "
éduîoSrIlmi- grande considération de sainteté, que les plus adoré les idoles, tué les prophètes , immolé !

maine. 1668. ^ , .
i i .

Epist. I,
grands seigneurs de la terre avaient recours leurs fils aux démons mais ils
et leurs filles ;

''*-^-
à leurs intercessions soit pour des intérêts , en avaient toujours obtenu le pardon après
temporels, soit pour ce qui regardait leur un certain temps de punition et ils étaient ,

salut. Saint Nil écrit au même qu'Adam toujours revenus de la captivité dans Ip terre
après avoir été chassé du paradis terrestre , de promission; au lieu que depuis qu'ils ont
^-
demeure dans la Palestine qu'y étant
fixa sa ; répandu le sang du Fils de Dieu, leur perte
mort, il fut enterré sur le Calvaire, et que a été sans ressource point de secours de la
:

c'est de là que ce lieu a pris son nom, parce part de Dieu, aucune consolation, point de
que les hommes, étonnés d'y voir une tête prophètes pour les instruire. Gainas souhai- '^^

' décharnée, l'appelèrent Calvaire. Il donne à tait de savoir comment on pouvait dire que
Ptolomée beaucoup d'éloignement du ser- le Fils est de la même essence et de la
ment, soit juste, soit injuste, dans la crainte même puissance que le Père puisque le
que l'habitude ne les portât à en faire injuste- Fils demande au Père qu'il lui soumette
'B- ment. Il lui dit encore qu'il avait reçu Tesprit toutes choses. Saint Nil lui répond que le
de Dieu, non pour en approfondir la nature, Fils, en tant qu'homme, est soumis au Père;
comme Eunomius l'assurait, mais pour lui mais qu'il était inutile de lui expliquer en

' Niceph., lib. XIV, cap. uv. 2 la not. Nili Epist., pag. 9 et 10.
flY' ET Y^ SIKCLES.] CHAPITRE XV. — SAINT NIL DE SINAI. 217
quelle manière le Fils était en tant que Dieu 3. Le sophiste Chryserote malgré les
, i-'b. ii.

de môme essence et puissance que le Père, preuves sensibles de l'impuissance des faux ep'»i- p- i23-

favorisant comme il faisait , la doctrine des dieux, continuait à en prendre la défense,


anciens. Il prouve que le psaume xxi« doit au lieu de rougir du culte qu'il leur rendait.
s'entendre de Jésus -Christ, et que ce n'est Saint Nil lui en fit de vifs reproches, l'exhor- «.

pas eu sa personne, mais en celle des hom- tant h. demeurer du moins dans le silence, à
mes pour lesquels il mourait, qu'il dit Mon : l'imitation de l'oracle d'Apollon qui, depuis
Dieu, pourquoi m'avez- vous abandonné, ]u\- l'avéncment de Jésus-Christ, n'avait rendu
môme ne l'ayant jamais été, ni de son Père, aucune réponse. Il conseille au moine Hélio- *^-

ni de lui-même comme Dieu, et étant au con- dore d'éviter toute conversation avec des
traire allé volontairement à la mort. Un Sama- femmes, et lui dit qu'à moins d'y être en-
ritain, nommé
Aphtonius ne pouvait croire , gagé par une obligation et une nécessité in-
que nos corps, dissipés en poussièi-e ou au- dispensable, on ne doit pas même les regar-
trement puissent jamais ressusciter. Saint
, der, fussent-elles du nombre de celles qui
Nil lui dit qu'il est aussi facile à Dieu de vivent sous une règle. Un autre moine,
réunir les parties d'un corps qui paraissent nommé Athanase, était sorti de son monas-
perdues ,
qu'il lui a été facile de créer tout tère; le saint lui dit d'y retourner, et qu'en 63.

de rien. Il répond à Gainas qui lui avait en- vain il pour excuse qu'il pouvait
prétextait
core demandé de la part des ariens, com- vivre d'une manière plus régulière dans un
ment on pouvait dire de Jésus- Christ qu'il monastère plus éloigné, puisque souvent un
priait pour nous qu'il prie et fait l'office de
; cbemin qui paraît bon, conduit dans le pré- «^^

médiateur comme homme, de même qu'il a cipice. Il reproche au moine Gallus, comme
souffert la mort comme homme qu'il ne ; un grand désordre, les fréquentes lettres
suit pas de là qu'il soit serviteur ni ministre qu'il écrivait à ses parents. « De quoi vous
du Père élant véritablement Fils de Dieu
,
,
sert, lui dit-il, d'avoir entrepris un si grand
et semblable en tout au Père. Il convient voyage hors de votre patrie, d'avoir mené
avec le juif Benjamin qu'avant la venue de ,
une vie si pénible dans les exercices de la
Jésus -Christ , l'observation du sabbat était vie solitaire, et d'avoir embrassé de si gran-
bonne; mais il dit qu'elle est inutile depuis, des austérités, puisqu'après cela, vous ne
ce qui n'est pas surprenant, étant d'usage laissez passer presqu'aucuu jour sans vous
que les nouveaux empereurs révoquassent entretenir par lettres avec vos proches, et
les lois par leurs prédécesseurs, et
faites que vous vous éloignez de la voie de la per-

qu'ils en fissent eux-mêmes de nouvelles. Sur fection par l'amour trop ardent que vous
ce que l'hérétique Démétrius lui avait de- avez pour vos parents? Est-ce que vous n'a-
mandé d'où venaient à nos premiers pères
, vez pas appris la correction que fit Jésus-
les peaux dont ils se couvrirent, il lui de- Christ à la sainte Vierge, de ce qu'elle le luc. n,*.

mande à son tour, d'où vient la malière dont cberchait parmi ses parents; et que vous ne
composé, et celle qui rend le so-
le ciel est vous souvenez point de ce qu'il a dit, que
leillumineux? Il ajoute que Dieu, qui a tout tout homme qui aime son père et sa mère Mauh. x,37.

créé de rien quand il a voulu, a pu aussi plus que lui, est nous obli-
indigne de lui,

donner à Adam et h Eve des tuniques de geant fortement par ces paroles à rompre
peaux sans qu'il eût besoin pour cela du
, tous les liens qui nous unissaient avec eux?»
secours de l'art des hommes. Eu expliquant Il y en avait un autre, nommé Comasius, qui, Epist. 73.

ce qui est dit dans saint Luc, que Jésus crois- s'ctant fait moine, de rhéteur qu'il était, con-
sait en sagesse et en grâce , il entend cet ac- tinuait d'aimer les livres des gentils, et en
croissement de la manifestation qui s'en fai- faisait un amas dans son monastère. Saint Nil
sait au dehors. « II y a souvent des personnes, lui représente que c'est retourner à ce à quoi
dit-il à Hipponicus, qui demandent à Dieu il avait renoncé et que cette attache était
,

d'être délivrées de leur corps, comme s'il aussi vaine qu'inutile. Il défend à la reli- no.

entraînait l'âme et qu'il la fit tomber malgré gieuse Théodosie de continuer d'enseigner
elle dans péché; mais ils devraient plutôt
le les hommes dans l'église, cet usage étant
lui demanderla grâce de les délivrer de la contraire à la défense de l'Apôtre.
corruption de leurs mœurs et de l'inclination Voici la prière qu'il prescrit au moine icor.xiv.as
qu'ilsont à satisfaire leurs passions sales et Alexandre, qui était tombé dans la séche-
honteuses. » resse d'esprit « Ouvrez, Seigneur, votre
:
218 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
main, qui est si riche et si libérale, pour aux maux à venir, par lesquels Dieu puni-
nous combler de bienfaits et de grâces spiri- rait et vengerait son saint martyr. Il lui dé-
'^'-
tuelles; et toute âme qui est plongée dans tombera dans

clare qu'il la disgrâce de l'em-


l'amertume et sauvage comme la mienne, pereur, ce qui lui causera tant d'effroi, qu'il
sera remplie de bonté, et deviendra douce sera contraint de chercher sa sûreté dans
et traitable, de farouche qu'elle était aupa- l'église même qu'il a violée; qu'ensuite lui
ravant. Car, quoique vous m'ayez abandonné et tons sesamis tomberont dans une maladie
pour un peu de temps, à cause de ma négli- très-fâcheuse qu'après tout cela les grandes
;

gence, vous pouvez m'envoyer encore une richesses dont ils jouissaient seraient confis-
fois du haut du ciel votre Saint-Esprit, et quées, et qu'alors il verrait si Saturne, père
renouveler en ma personne cette terre cor- de Jupiter, pour qui il avait tant de respect,
rompue, afin de prendre votre plaisir dans viendrait le consoler dans son malheur. Il

vos ouvrages, en exterminant les pécheurs loue l'action de ceux qui s'étaient réfugiés
de la terre, c'est-à-dire en éloignant de mon dans du saint martyr, et dit que Tau-
l'église
cœur les prestiges du démon. » rien,en les en tirant de force, avait non-
135. Saint Nil prescrit à un autre la lecture de seulement offensé le saint martyr, mais Dieu
l'Ecriture sainte, la prière, le chant des même, sur qui retombe l'injure faite à ses
psaumes, la continence, les veilles, le travail saints.
des mains, et de coucher sur la terre. La lettre La lettre à Valère est à la louange de Ni-
10. qu'il écrivit au moine Cysinius, était pour le céphore et de Philémon, que saint Nil relève
contre les tentations du démon dont
fortifier comme deux hommes admirables, qui possé-
il violemment attaqué. Il l'assure qu'il
était daient et la lumière la plus pure et la piété
les surmontera par l'ardeur de sa foi, par le la plus parfaite. Il leur préfère toutefois saint
chant des psaumes, par de saintes lectures, Jean Chrysostôme. Dans celle qui est adres-
par des actes d'humilité, et surtout en implo- sée à l'évéque Olympius, saint Nil le reprend
rant le saint nom de Jésus-Christ notre Sau- de ce qu'il traitait les pécheurs avec trop de
•59- veur. Il rapporte diverses tentations dont le dureté, particulièrement deux personnes,
démon avait souvent attaqué des personnes l'une nommée Philémon, et l'autre Sosandre,
qui faisaient profession de vertu, et dit que, qu'il avait anathématisées, au lieu de leur
quels que soient ses efforts, ne peut faire
il imposer la pénitence prescrite par les canons.
violence à personne , est en notre
et qu'il Il lui dit qu'il craignait que sa rigueur en-

pouvoir et en notre libre arbitre, ou de lui vers les autres ne lui fit éprouver àlui-même
résister, ou de consentir h ses suggestions. celle des jugements de Dieu; sur quoi il rap-
Dans sa lettre à l'évéque Philon, chargé du porte une vision qu'avait eue autrefois un
gouvernement d'un monastère, il dit que évéque du temps des apôtres, noiumé Carpe.
l'on doit régler les austérités par la diversité Cet endroit n'est pas entier, mais c'est à peu
'6«- de la constitution et des forces du corps; car près la même histoire qu'on lit dans la hui-
comme il se rencontre dans les corps une tième lettre de celles que l'on attribue à
grande diversité de tempérament, les uns saiut Denys l'Aréopagite. Saint Nil marque
étant faibles, les autres sains et vigoureux, ensuite à Olympius de quelle manière il se
on doit user de plusieurs sortes de régimes doit conduire à l'égard de ces deux pécheurs.
diÛerents, et les proportionner chacun à la (( Privez-les, dit-il, de l'entrée de l'église
disposition des personnes, de telle sorte que pendant le temps prescrit par le canon des
l'on nourrisse de légumes ceux qui jouissent Apôtres. Reprenez-les, instruisez-les, exhor-
d'une parfaite santé; que l'on donne des tez-les, imposez-leur une pénitence conve-
ns. herbes à manger aux plus faibles, et un peu nable, attirez sur eux, par vos prières, la
de viande à ceux qui sont tout-à-fait mala- miséricorde de Jésus-Christ, fortifiez-les, re-
des. Il arriva que Taurien, qui avait été pré- nouvelez-les, lavez-les dans leurs propres
fet du prétoire et qui était païen, fit enlever larmes, ornez-les de leurs jeûnes, purifiez-
et mettre en prison quelques personnes qui les par de fréquentes veilles, et faites-leur
s'étaient réfugiées dans l'église de Saint- recouvrer par la prière les saints vêtements
Platon, martyr à Ancyre. Saint Nil en ayant de l'innocence, dont la malice du démon et
eu avis, lui écrivit une lettre extrêmement l'iniquité des méchants hommes les ont dé-

forte, où, en rabaissant son orgueil par des pouillés; souteuez-les dans une ferme espé-
termes ti'ès-durs, il^ l'avertit de se préparer rance, lorsque vous les verrez prier, gémir,
[IV ET V SIKCLES.] CHAPITRE XV. — SAINT NIL DE SINAT. 219

l'aumône cl travailler ù se rendre pro- On voit par à Candidien, que les


la lettre
Epist. 215.
faire
pice notre Sauveur, qui seul est plein de mi- moines s'habillaient de façon que leur habit
séricorde et de clémence. » ne couvrait que l'épaule droite, au lieu que
Il dit à ceux qui se rebutaient lorsque leur
les séculiers ne couvraient que la gauche.
;pia. 201.

prière n'était point exaucée d'abord, de se Saint Nil en rend une raison morale, tirée de

ressouvenir de cette veuve dont il est parlé ces paroles de l'Evangile Que votre main
:

dans l'Evangile, qui fit de grandes instances gauche ne sache point ce que fait votre main
pendant plusieurs années auprès d'un juge droite.
Epist. 261.
injuste, jusqu'à ce qu'à force d'importunités, Il dit à Eusèbe que, n'étant que laïque, il
en obtint justice: «Car, ajoute-t-il, notre ne lui appartenait pas de juger les prêtres,
elle
Seigneur, en nous proposant cette parabole, ni d'examiner la conduite des évèques; c'é-

a vouli>nous fortifier dans la prière, afin de tait par un ordre de la Providence que le mi-
nous empêcher de tomber dans le découi\i- nistère du sacerdoce était conGé, non pas à
gement et dans l'abattement de cœur. Il sait lui ange, mais à un homme sujet au péché,
lui-même le temps dans lequel il a résolu de afin qu'étant pécheur lui-même, il fût plus

nous exaucer et de nous accorder les grâces indulgent pour les autres; saint Pierre, la
que nous lui demandons, et lorsqu'il le ju- première pierre de l'Eglise, ne fut étabU
chef des apôtres qu'après avoir fait péni-
gera à propos, il vengera ceux qui sont dans le

l'oppression et chargés d'injures. » tence, ce qui marque qu'il n'était pas sans
îio. Némertius avait écrit à saint Nil pour sa- péché, et il y avait de la témérité à vou-

voir de lui si l'on devait croire le Saint-Es- loir que ceux qui président dans l'Eglise fus-
prit d'une même nature d'avec le Père et le sent sans faute. Saint Nil en connaissait un,
Fils. « Nous tenons ainsi, lui répondit le
le nommé Théodule, également violent et ava-
saint, et c'est la doctrine que nous avons re- ricicux. Il lui en fit par écrit des répriman-

çue des saints Pères. Nous confessons que des tiès-fortes et très-sévères.
le très-Saint-Esprit est de même nature que En parlant des quarante martyrs de Sé-
le Père et le Fils, qu'il leur est coétejnel, baste, il remarque qu'on ne doit pas négliger
qu'il est assis dans le même trône, qu'il rè- le temps, quelque courtqu'il soit; qu'il ne

gne et qu'il est glorifié avec le Père et le s'en fallut qu'une nuit que Judas n'entrât
Fils. » dans le royaume du ciel, et que très-peu de
Ï25. Il fait voir dans la lettre au prêtre Maxime, temps que le quarantième soldat ne reçût
qu'en admettant le sens littéi'al de l'Ecriture, avec les autres la couronne du martyre. Il
on peut bien, pour son édification ou celle enseigne que Jésus-Christ ne craignit point
829- des aulies, en tirer un sens spirituel. Dans la mort, et que s'il demanda à son Père de

celle qui est adressée à Théocles, il lui dit le délivrer du calice de la mort, ce fut pour

que lavertu de la pénitence est si grande, tromper le démon, afin que, le croyant un
que même à l'extrémité de la vie, elle ob- homme ordinaire, il le fit mourir par le mi-
tientdans un moment au moribond le par- nistère des juifs, et qu'il accompht ainsi ce
don d'une infinité de péchés. Il cite sur cela que le Seigneur s'était proposé de faire pour
l'exemple du publicain, qui, après une courte nous. Il loue Zénodore de ce qu'il aimait la
î33. prière, fut absous de ses péchés. H dit à Do- lecture des écrits de saint Chrysostôme, et
métien que si Jésus-Christ n'est pas ressus- remarque que ce saint évêque voyait pres-
cité, c'est en vain que nous mangeons le qu'à toute heure la maison du Seigneur rem-
corps mystique, et que nous buvons le sang, plie d'une grande multitude d'anges, et prin-
qu'en étant purifiés, nous nous annon-
afin cipalement durant que l'on otl'rait le divin et
cions non-seulement la mort et la sépulture non sanglant sacrifice. « Il en était, dit saint
du Seigneur, mais encore sa résurrection, Nil, tout transporté d'élonnement et de joie,
sa gloire et son règne éternel. et voici comme il l'a raconté en secret à ses

23g
Sa Paul est pour lui persuader que,
lettre à amis, qui étaient des personnes saintes et
quelqu'invctérées que fussent ses habitudes spirituelles. Aussitôt, leur disait-il, que le
dans le mal, eUes n'étaient point au-dessus prêtrecommençait à ottrir le saint sacrifice,
du pouvoir de Dieu qu'ainsi il ne devait
;
un grand nombre d'esprits bienheureux des-
point désespérer de son salut, mais faire pé- cendant du ciel, revêtus de robes très-écla-
nitence, cette vertu ayant la force de nous tanles, ayant les pieds nus, baissant les
rendre devant Dieu aussi blancs que la neige yeux et se courbant, environnaient l'autel
, ,

220 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


avec un grand silence et un profond respect, grande récompense dans l'autre vie, ou
jusqu'à ce qu'on achevât vénérable luj'S-
le qu'afin que les méchants, frappés de tous
tère. Puis, se répandant çà et là par toute ces événements, quittent leurs mauvaises
l'église, ils accompagnaient les évêques, les habitudes, se ressouviennent de Dieu et em-
^p''
prêtres et les diacres, lorsqu'ils distribuaient brassent la pénitence au plus tôt. Saint Eloi dit
aux fidèles le saint corps et le précieux sang aussi que ce ne sont pas seulement les grands
du Seigneur, et les assistaient avec beaucoup pécheurs, mais aussi les hommes très-ver-
de soin et d'attention dans ce ministère. Or, tueux et qui s'exercent dans toutes sortes
je vous écris ceci, continue saint Nil, en par- de bonnes œuvres, qui sont abandonnés à
lant à l'évêque Anastase, afin que, voyant eux-mêmes, afin d'apprendre par ces épreu-
quelle est l'éminence et la dignité de ce di- ves, à pratiquer les vertus de force et de pa-
vin sacrifice, vous preniez garde de ne pas tience, et à surmonter l'orgueil n mais ;

perdre la crainte de Dieu, en dispensant ces ajoute-t-il, le médecin de nos âmes sait bien
mystères avec négligence, et de n'y pas ad- la manière de guérir les maux les plus ca-
mettre ceux qui, en s'en approchant, se pres- chés. Ne nous affligeons donc point avec
sent et se querellent l'un et l'autre, qui exci- excès; ne perdons point courage, et ne por-
tent de la confusion et du bruit, qui répon- tons point avec impatience la conduite que
dent d'une façon immodeste aux paroles Dieu tient sur nous, quelque rigoureuse
saintes du prêtre, qui sortent de leurs pla- qu'elle paraisse. Ce siècle est un grand hô-
ces, qui s'amusent à regarder de toute part pital, dans lequel il y a une infinité de ma-
avec curiosité, et enfin qui se conduisent lades et de blessés, et la même table n'est
en cette rencontre avec ti'op peu de retenue pas propre pour toutes sortes de personnes,
et de modestie car le Seigneur dit'autrefois
:
parce que le médecin diversifie son régime
à Moïse, et il le dit par lui à tous les prêtres selon la différence des sujets. Il faut, dit-il,
de la nouvelle alliance, faites que les en- donner du miel à ce malade pour sa conso-
fants d'Israël soient modestes et pieux, et ne lation; il faut traiter cet autre avec l'amer-
traitezpas les choses saintes avec indiûe- tume de l'absinthe; il faut que celui-là boive
rence et avec mépris. » de l'ellébore; il pense tout difleremment se-
Epist. 310. Saint Nil reprend ceux qui en avaient lon la diversité de leurs besoins. C'est ainsi
pour les saints et qui ne leur parlaient qu'a- que Dieu applique ses remèdes avec beau-
vec peine. Il leur représente qu'un seul re- coiip de variété selon la différence des su-
gard de leur part, peut guérir une âme ma- jets. ))

lade que la parole des saints a quelquefois


; La lettre où saint Nil parle ainsi, est une
mis fin à des guerres, chassé les démons, des plus longues; mais il y répète ce qu'il
arrêté le cours des astres et des mers avait dit dans quelques-unes des précéden-
changé les flammes en rosée, et qu'ils peu- manière de les sur-
tes sur les tentations, la
vent encore maintenant, lors même qu'ils monter et la force de la vertu de pénitence.
sont sur la terre, éteindre par une seule pa- Il en écrivit aussi une très-longue sur la 43.

role l'ardeur du péché, dessécher les fon- même matière au jeune Domninus, où il lui
taines des voluptés, apaiser la colère, mettre ordonne le jeûne, la prière, l'aumône et la
ensuite les mauvais désirs, et délivrer l'âme lecture des livres saints et ecclésiastiques.
des passions de vaine gloire, d'avarice, de Ily remarque que plusieurs étaient violem-
tristesse, lorsqu'elle en est possédée. ment tentés par le démon, surtout aux ap-
4. Il donne pour un remède
très-utile con- proches des grandes solennités. Il dit au 72.

rjpist., pag.
23o et SUIT.
tpg le péché, de rappeler souvent dans sa moine Théon que quiconque veut entrer
.

Maiih. XVI, mémoire celte maxime de l'Evangile Dieu : dans les exercices et les combats d'une phi-
rmdra à un chacun selon ses œuvres. Il croit losophie spirituelle, doit plutôt s'établir dans
que les diverses calamités qui arrivent axix un monastère avec plusieurs frères, que de
hommes de bien, de quelque genre qu'elles choisir par son seul caprice une solitude où
soient, soit qu'ils tombent dans le délire, il y a toujoujs beaucoup de danger de se
Episi. 19. soit qu'ilstombent entre les mains du démon perdre par la malice des démons. Théon
ou des barbares, soit qu'ils soient englou- s'opiniâtrant dans la résolution de demeurer
tis dans des tremblements de terre, ou brû- absolument seul, le saint lui écrivit une se-
lés dans quelques incendies, ne leur arri- conde lettre où il l'en reprend d'une manière
vent ou que pour leur procurer une plus plus forte. Tout homme, lui dit-il, qui fait
((
[iv* ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XV. — SAINT NIL DE SINAI. 221

profession de se retirer seul clans un désert, seulement rendre compte d'avoir dit des pa-
sous prétexte de se mettre en état de n'avoir roles inutiles,mais aussi de les avoir enten-
personne qui l'irrite, n'est nullement ditle- dues, les divins oracles nous défendant en
rent dune béte sans raison : car nous voyons termes exprès d'en écouter de cette nature.
que les bêles mêmes demeurentpaisibles et Pour conserver et pratiquer l'humilité, on
ne s'emportent nullement à la fureur, à doit ne se servir que d'habits et de meu-

moins que quelqu'un ne les y excite. 11 allè- bles de moindre prix, user d'une grande fru-

gue plusieurs passages de l'Ecriture, qui galité et modestie dans tous les dehors,

prouvent que l'humilité, l'obéissance, la cha- être avec cela bon envers tous, doux envers
rité, la douceur et la plupart des vertus chré- ses frères, oublier les injures, être humain
tiennes et religieuses se pratiquent beau- et compatissant pour ceux qui sont méprisés, Epist. m.
coup mieux dans des communautés, que consoler les infirmes et ceux qui sont dans
lorsqu'on est seul dans la solitude. Il montre ne mépriser personne, être doux
l'ailliction,

que comme, sans la persécution, on n'aurait dans ses façons de parler, gai dans ses ré-
point connu de q[iartyrs, de même on ne ponses, et d'un facile accès à tout le monde.
pourrait distinguer l'homme vigilant d'avec La plus grande de toutes les iniquités est
le paresseux, si le démon ne nous tentait; d'examiner la conduite d'autrui, et de la cen-
qu'au reste, quoiqu'il n'y eût point alors de surer aigrement, lorsqu'on est soi-même
persécution ouverte de la part des païens, cbargé de plusieurs crimes, et qu'on ne fait

nous n'eu manquons jamais de notre part, néanmoins aucune attention aux plaies de sa
ayant toujours à soufirir de nos passions et conscience. Avant d'entreprendre d'ensei- 153.

de nos mauvais désirs, contre lesquels nous gner aux autres les principes de la religion,
ne devons pas cesser de combattre. et de les inviter aux mystères, on doit s'y être
Il conseille à quelques moines qui s'étaient préparé par une bonne vie, et par l'étude
plaints à lui des tentations du déraou, de les des Livres saints. Un moine ne doit jamais ue.

vaincre par la foi, la patience, la prière, le être oisif, mais il doit être occupé ou de la
chant des psaumes, le jeune, les veilles, les méditation des saintes Ecritures, ou de la
lectures, en couchant sur la dure, et par le prière, ou du chant des psaumes, ou de
signe de la croix. Il leur conseille aussi de quelqu'autre exercice aussi légitime. L'espé- m.
ne point négliger le travail des mains, à rance en Dieu et nous font surmonter
la foi
l'imitationde l'Apôtre, qui s'en faisait même de la chair, et
les plus violentes tentations
une gloire. Il dit à Euloge, que l'on avait fait lorsqu'on se sent ébranlé par la crainte
supérieur d'un monastère, mais qui, au lieu de succomber, on doit crier au médecin de
de remplir ses fonctions, s'était jeté dans les nos âmes Je crois, Seigneur, aidez mon infi-
:

plaisirs, que si quelques-uns des frères s'é- délité.

taient élevés contre lui, cela était arrivé par On voit par au sous-diacre Quin-
la lettre ,71.

un juste jugement de Dieu, afin de le faire tus, qui était tombé dans un grand péché,
rentrer dans son devoir. Ecrivant à un prê- comment saint Nil, en retirant les pécheurs
tre, il lui dit que Dieu le rendra responsable de l'abime du désespoir par la considération
du salut des impies à qui il n'aura pas re- de la miséricorde de Dieu les obligeait
,

montré le devoir. On voyait dès-lors un grand néanmoins de faire une pénitence exacte.
nombre de faux moines courir les villes et « Il vous eût été avantageux, lui dit-il, de

les bourgades, et se présenter aux portes des n'avoir jamais souillé la robe blanche de vo-
pères de famille, pour y demander l'aumône tre innocence. Il vous eût été avantageux de
avec beaucoup d'impudence. Ce désordre n'avoir jamais répandu de nuages sur une
rendait odieuse la vie monastique,* et saint lumière si pure. Il vous eût été avantageux de
Nil crut devoir s'en plaindre à Nicon, archi- n'avoir jamais reçu aucune blessure dans le
mandrite, qui pouvait apparemment y re- combat. etde n'avoir pas besoin de médecin. Il
médier. enseigne que, dans les prières, que
11 vous eût été avantageux de n'avoir pas souillé,
nous adressons à Dieu en secret, il n'est pas par l'ordure d'une volupté criminelle, un cœur
besoin de hausser sa voix, mais il suliit arrosé du sang du Fils de Dieu, et à qui la
d'être attentif et de prier de cœur, Dieu con- grâce avait donné pour ainsi dire
,
la ,

naissant parfaitement nos pensées avant que beauté et l'éclat des roses; mais puisque
.
nous les exprimions de vive voix. Dans vous vous êtes laissé vaincre par votre pro-
le jugement universel, on ne nous fera pas pre négligence, et faute d'avoir pris le soin
2â2 HISTOIT^E GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
que vous deviez prendre de voire salut ; tre, se nommait Faustin; il avait confessé ses
puisque vous avez succombé à lordure et fautes publiquement, avec beaucoup d'humi-
à l'amertume du péclié, et que le diable vous lité. Saint Nil croit qu'on ne devait pas, en lui
ayant supplanté, vous tient dans sa capti- refusant l'absolution, le plonger dans une
vité malheureuse, lorsque vous pensiez le plus profonde tristesse. Il propose au prêtre
moins qu'un Si grand malheur vous dût arri- l'exemple de saint Paul, qui tâcha de se con-
ver, ne vous désespérez pas pour cela, car il cilier l'incestueux de Corinthe après l'aveu
y a encore quelque ressource, et on peut de son crime, et qu'un ministre de l'E-
dit
retourner au bien lorsque l'on a recours par glise doit être à planter la vigne du
prompt
la pénitence à Jésus-Christ, qui a tant de Seigneur, et lent à l'arracher. 11 représente
bonté et de douceur pour les hommes. La à Chariclès que sa conduite tient de l'erreur
défense et l'apologie des pécheurs lui est des novatiens, et lui demande quels travaux
agréable, quand ils emploient auprès de lui de la pénitence le publicain avait essuyés,
pour ce sujet des pi'ières, des jeûnes, des et ce qu'avait souffert lebon larron pour
larmes cuisantes, la confession de leurs pé- être aussitôt transféré dans le paradis. L'un
chés, des veilles, des macérations, en ne et l'autre n'ont témoigné leur pénitence que
couchant que sur la terre, et quantité d'au- par des paroles. Il cite plusieurs passages de
tres choses de cette nature. Il ne faut donc l'Ecriture qui relèvent la miséricorde de
pas que vous désespériez de votre salut par Dieu, qui témoignent que sa volonté n'est
la miséricorde de notre Seigneur Jésus- pas que le pécheur périsse, et qui nous ap-
Christ. Voyez ce qu'il crie en ce temps par prennent que de grands pécheurs ont ob-
un prophète Je ne veux pas la mort du pé-
: tenu le pardon en confessant de bouche leurs
cheur, mais sa conversion. Retournez à moi péchés, sans les avoir expiés précédemment
après le péché. Celui qui est tombé ne se relève- par les exercices laborieux de la pénitence.
ra-t-il pas? Relevons-nous donc . ') Il en donne pour exemple David, qui obtint
Saint Nil dit que les évèques qui surpri- son pardon, en disant J'ai péché contre le
:

rent la simplicité de l'empereur Arcade, pour Seigneur ; et la femme pécheresse de l'Evan-


bannir saint Chrysostôme, ne le persécutè- gile, qui fut renvoyée absoute, et dont tou-
Epist. 199. rent que parce qu'ils étaient jaloux de sa tefois on ne lit autre chose, sinon qu'elle se
verlu, et qu'après son exil beaucoup de ses jeta aux pieds du Sauveur, qu'elle les baisa
ennemis furent punis de Dieu et avouèrent et les arrosa de ses larmes. « Ne méprisez
eu pleurant, qu'ils avaient commis un grand donc pas Faustin, ajoute-t-il, mais au con-
péché contre ce saint homme. Il accuse traire, embrassez-le, et soutenez uu cœur
aussi Arcade d'avoir agi en cette occasion contrit et humilié, sachant qu'il est de votre
par une extrême légèreté, et le conjure de ministère, non-seulement d'exiger des pé-
n'être pas du moins insensible à sa faute. cheurs les fruits des bonnes œuvres, mais de
La lettre au prêtre Rodomin est pour le faire recevoir encore les paroles de ceux qui con-
rentrer dans son devoir, par la considéra- fessent leurs péchés avec beaucoup d'humi-
tion des motifs de regrets qu'il aura, après
si, lité. ))

la résurrection, il est destiné au lieu des sup- Il dit à Priscus qu'un sohtaire doit telle- Epist,

plices. ment oublier la parenté et l'alliance qu'il a


Un autre prêtre nommé Chariclès, traitait avec ses proches selon la chair, que le sou-
les pécheurs avec trop de dureté. Saint Nil venir de leurs personnes n'excite jamais au-
lui en fit des reproches. « Vous ne faites, cun trouble dans son âme. «Est-ce que vous
lui dit-il, attention qu'à une partie de l'Ecri- ne savez pas, dit -il, que c'est un piège du
ture, qui marque
la colère de Dieu, et non à diable de leur être trop attaché? Si donc
sa miséricorde répandue presque partout. Il vous êtes mort au monde si vous avez re- ;

est très-utile à ceux qui le peuvent, de don- noncé à celle vie mortelle et corruptible; si
ner des preuves de leur pénitence par les vous vous êtes enrôlé dans une milice, dans
œuvres, comme les jeûnes, les veilles, le un ordre et un institut céleste, vous n'avez
sac, la cendre et les aumônes abondantes. plus rien de commun avec tout ce qui se
Mais il ne faut pas rejeter la simple confes- passe sur la terre, et vous ne devez plus être
sion de ceux qui n'ont pas la force ou le touché de compassion pour vos parents char-
moyen d'accomplir toutes ces œuvres. » Le nels ;
que s'ils ont besoin de votre secours,
pénitent dont il est question dans cette let- comme vous le prétendez, faites-leur du bien
,

fiY' ET Y^ SIÈCLES.] ClTAPITaE XV. — SAINT NIL DE SINAI. 223

comme à des pauvres qui ne seraient pas vos hymnes et des cantiques. 11 ajoute que si

parents; mais n'ayez pour c^x ancunc pas- nous ne pouvons rendre raison de la ma-
sion basse et terrestre, et ne faites pas voir, nière dont Dieu nous a formé du limon de la
par une conduite toute humaine que vous ,
terre, nous no devons pas demander la rai-
êtes un homme charnel, terrestre et ignorant son de la conduite qu'il tient, par sa puis-
des choses de Dieu. » sance et par sa bonté, dans la guérison de
,v, 3. Nous avons remarqué que la première notre âme et de quelle façon il la purifie
,

si. 1. lettre du quatrième livre n'avait ni la beauté, d'une infinité de péchés. Pour expliquer au Epist.eo.

ni la délicatesse de celles de saint Nil, et que moine Timothée la nécessité d'un parfait re-
le style en était dur et barbare. C'est un noncement, il se sert de cette comparaison :

maître qui parle à son disciple, et qui lui <(Comme ceux qui entrent dans un bain pour
conseille, entre autres cboses, de ne lire ja- se laver, se dépouillent de tous leurs habits,
mais les livres des païens, de quelque genre ainsi il faut que ceux qui embrassent la vie re-
qu'ils soient, et de ne pas même s'appliquer ligieuse abandonnent tous les soins de la vie
à la lecture de ceux de l'Ancien Testament, mondaine et séculière, pour s'appliquer aux
non qu'il faille les rejeter, puisqu'ils sont re- exercices intérieurs de cette sainte et divine
çus de l'Eglise et dictés par le Saint-Esprit; philosophie. » Il reprend un autre moine, eo.

mais parce qu'ils sont moins propres pour pro- nommé Paul, de ne s'appliquer à autre chose
duire la componction dans le cœur. 11 veut qu'à la lecture, en sorte qu'il ne quittait point
donc qu'il lise le Nouveau Testament, les com- ses livres depuis le lever jusqu'au coucher
bats des martyrs les Vies des Pères et les
, du soleil. « Ce n'est pas ainsi, lui dit-il, que
Actes des anciens, l'assurant qu'il retirera un saint Antoine s'exerçait dans la vertu ; mais,
grandfruitde cette lecture. Dans la quatrième suivant l'avis de l'ange qui lui avait apparu
lettre adressée au même, l'auteur remarque tantôt il travaillait des mains, tantôt il priait.»
que lorsqu'on lève des soldats pour les armées Il conseille à Paul d'en user de même, de ne
ordinaires, on choisit les jeunes gens et on , pas se persuader que la lecture suffise mais ;

4, les préfère tous les autres; on méprise les


c'i d'y ajouter le chant des psaumes, les veilles
vieillards, on rejette les enfants, on rebute et les autres exercices de la vie monasti-
les esclaves, et on exclut absolument les fem- que.
mes, à cause de la fragilité de leur nature ; Les deux dernières lettres du quatrième
mais que dans la milice spirituelle et divine, livre furent kies dans le second concile de
et dans le choix que l'on fait des soldats Nicée parce que les iconoclastes se ser-
'
,

pour la piété chrétienne et religieuse, on vaient de l'autorité de la première pour ap-


appelle les vieillards, on y voit courir les puyer leur sentiment, mais en la tronquant
jeunes gens, les enfants mêmes se hâtent de et en la falsifiant. Elle est adressée au préfet ci.

s'y faire enrôler, les esclaves s'y viennent Olyrapiodore, qui, ayant bâti une église en
ranger avec beaucoup de confiance et d'ar- l'honneur de Jésus -Christ et des martyrs,
deur, et au lieu d'en exclure les femmes , avait conçu le dessein de la décorer par di-
elles font la guerre au diable avec beaucoup verses images , dont les unes représente-
de générosité et de zèle elles surmontent ; raient des hommes occupés à la chasse d'a-
cet ennemi; elles érigent des trophées qui nimaux de différentes espèces ; les autres,
sont les marques glorieuses de la victoire des pêcheurs tenant des filets avec des pois-
qu'elles remportent sur lui , et elles acquiè- sons de toutes sortes. Il voulait ajouter â
rent tous les jours de nouvelles et d'illustres cela quelques ornements de plâtre, et f.iire
u. couronnes. Saint Nil dit dans la quarante- planter dans la maison commune c'est-à- ,

quatrième à .Asclépiade, que comme nous ne dire dans la nef, un grand nombre de croix ;

devons point faire rendre compte à un mé- mais, avant de venir à l'exécution de ce pro-
decin de la manière dont il nous traite, mais jet, il demanda le sentiment de saint Nil, qui

le prierseulement de nous guérir nous ne , lui répondit que c'était une badinerie et une
devons pas obliger Dieu de nous déclarer par puérilité d'amuser les yeux des peuples par
quel moyen il opère notre salut, ni comment ces sortes de peintures qu'il convenait mieux ;

il nous purifie de nos péchés; mais nous à un esprit grave et solide comme le sien ,

contenter d'en faire pénitence, de croire et de ne mettre qu'une figure de la croix dans
de demeurer dans l'étonnement, dans l'ad-
rairation, et dans le chant des psaumes, des < Concil., tom. Vil, pag. 228, 229.
, ,

224 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


le sanctuaire , du côté de TOrienl de faire ; recours à eux pour obtenir quelque grâce de
peindre dans tout le reste du cLœur des his- Dieu. ^
toires de l'Ancien et du Nouveau Testament, [D. Pitra a découvert dans un manuscrit [I.cllre
saint Nil
afin d'instruire les ignorants et ceux qui ne de Cambrai du ix^ siècle une lettre de saint Miée par
P.lra.]
savent pas lire les divines Ecritures; de Nil au scolastique Némertius. II la croit tra-
planter dans les petites maisons ou chapelles duite en latin par Anastase le Bibliothécaire.
qui se trouvaient le long de la nei', une croix Elledonne les significations des bénitiers ,

simplement dans chacune, et de négliger des colonnes, de la porte, des pierres, des
comme superllus tous les autres ornements degrés des églises. Les bénitiers indiquent
dont il lui avait parlé; mais il l'exhorte à la purgation de l'âme , les colonnes signi-
s'occuper continuellement de la prière, à fient les dogmes divins, la porte qui est à
animer sa foi, à faire d'abondantes aumônes, l'Orient, caractérise la glorification de la
au mépris de lui-même, à ne point cesser de sainte, consubstantielle et adorable Trinité;
mettre son espérance en Dieu à la médita- , les pierres attestent la société des âmes bien
tion de la parole divine, à traiter ses servi- établies et qui avancent ; les trônes, les de-
teurs avec humanité , et à vivre lui , sa grés, et les sièges désignent les âmes en qui
femme et ses enfants , dans l'observation de habitent les dons de l'Esprit saint, comme
tous les préceptes de notre Seigneur Jésus- autrefois les langues répandues sur les Apô-
Epist. 62. Christ. Dans la seconde lettre ,
qui est à Hé- tres. Le trône épiscopal, qui est au milieu de
liodore le Silentiaire , saint Nil rapporte que tous les prêtres, désigne la chaire du grand
des barbares païens ayant fait des courses Pontife, notre Seigneur Jésus-Christ. Cette
dans les déserts de Sinaï, et en ayant em- lettre est imprimée dans le Spicilegium solem-
mené captif un jeune homme de la Galatie, niacense, tom. III, pag. 398.]
qui vivait en solitude avec son père, le mar-
ARTICLE III.
tyr saint Platon que ce jeune solitaire avait
,

invoqué, lui apparut monté sur un cheval, DOCTRINE DE SAINT NIL.


et e^ tenant un autre à la main sur lequel ,
1. C'est ordinairement sous le titre de pa- Sur l'E
ture sainl
il lui dit de monter; qu'aussitôt ses liens s'é- roles •
et d'Ecriture - divine, que saint Nil
tant rompus, il monta à cheval, et se trouva cite les livres saints. Il reçoit sans difficulté
dans le même moment auprès de son père, l'histoire de Daniel ^ dans la fosse aux lions ;

accompagné du saint martyr, jqui disparut celle des trois jeunes Hébreux * dans la four-
aussitôt. La raison qu'on eut de lire cette naise, et celle d'Eslher ^; TEpitre de saint
lettre, comme la précédente, dans le second Jacques, celle qui est aux Hébreux*, comme
concile de Nicée, est qu'il y est dit que ce étant de saint Paul mais il a coutume, quand
;

jeune homme reconnut saint Platon, parce il cite quelques passages soit de ses écrits ,

qu'il avait vu souvent son image. Quoique soit des autres canoniques de s'arrêter plu- ,

saint Nil n'y parle que de saint Platon, il ne tôt au sens qu'aux paroles.
laisse pas de remarquer qu'il se faisait sou- 2. Consulté ^ s'il fallait croire que le Saint- Sarlâ"
dition et
vent des miracles par l'intercession des au- Esprit fût d'une même nature avec le Père la IrioiU

tres martyrs, dans tous les lieux où l'on avait et le Fils, il appuie cette doctrine de l'auto-

Quid ad nos clamai divinum eloquium? Vivo ego,


* justum cruci volens affigere , etiam ligna prœpai'ato
(licitDoiuiuus, qui te desolaveruut egredientur cito a ipse quidem ex improvisa probris oppressas, etc. Nil.,
te (Isai. XLIX, 17). Nil., Epist. 228, lib. III. Plane mihi Epist. 220, lib. II.

videris non inielliyere dicina eloquia, quod ad unam Divinus Jacobus in epistola ait : Subditi itaque es-
fi

tantuni eorum parteni iram Dei commonslrantem men- toteDeo. NU., Epist. 228, lib. III. Id idem innuit
tent applicans, per univetsam fere Scripturain Dei hu- sanctus Paulus dicens : Ouinis disciplina in praesenti
manifatem diffasam nulle modo deprehendas. Ibid. quidem videtur uon esse gaudii, sed mœroris. Ueb.
Epist. 243. XII, 11. Nil., Epist., 'TU, lib. II.

Divina Scriptura tradit : Occulta Esau et occulta


«
"
a me poscii num credendum sit Spi-
Littcris tuis

tsnebrarum tui distorli auimi. Nil., Epist. 321, rilum Sanctutn ejusdem esse cum Pâtre et Filio na~
lib. II. turœ? Nos ita liabemus, et sic credimus a divinis Pa-
^ Daniel uti servus germanus in fovea oralione leonum tribus edocli; et sic confilemur ejusdem esse naturce
ora obturavit. Nil., Epist. 88, lib. I. cum Pâtre et Filio Sanctissimum Spiriium, ParaclS'
* Sic très pueri hymnis et canticis flammas in ro- tum, coœternum in eodem ihronu sedentem una re-
, ,

rem converterunt. Nil., Epist. 310, lib. II. gnanlem, simul glorificalum cum Paire et Filio in
s Amman elenim aliijua/ido, Mardochwum hominem sempiterna scecula sœculorum. Nil., Epist. 210, lib. II.

L
, , ,,

[iV* ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XV. — SAINT NIL DE SINAI. 228

ritedes Pères, assurant qu'ils ont enseigné, blable en tout au Père, en puissance, en es-
et qu'il croyait avec eux que le très-Saint- sence, en bonté, en autorité et eu toute per-
Esprit est de la même nature que le Père et fection , en sorte qu'il comprend en lui le

le Fils; qu'il leur est c6- éternel; qu'il est Père, et qu'il en est compris, créateur de tout
dans le même trône; qu'il règne avec eux, ce qui est matière, avec le saint, consubstau-
et est glorifié avec le Père et le Fils dans tiel et adorable Esprit; il subsiste en sa pro-
tous les siècles; qu'il est adoré ', et qu'étant pre hypostase ou. personne.
un, il est néanmoins auteur de plusieurs 3. Le Fils unique et Verbe de Dieu'', en se SarTlncar-
natlon fl sur
vertus. Il n'y a, dit -il encore -. qu'une faisant homme , n'est point déchu de sa di- la virginité
perpétuelle de
divinité du Père, et du Fils ^ et du Saint- vinité; mais il est vrai Dieu, depuis son in- Marie. Elle
est 11. ère du
Esprit; qu'une nature, qu'une puissance, carnation , comme il l'était avant qu'il prît I)ieu.

qu'une volonté. Nous prêchons nous glori- , un corps dans le sein de la Vierge. Il est

lïons, nous adorons la Trinilé d'une essence; vrai Dieu selon la nature qui ne paraît pas
elle est une en essence et en divinité, et trois et vrai homme selon celle qui parait : car il

en personnes ou hypostases. Quelquefois il n'est pas sans âme et sans intelligence (hu-
se sert du terme grec de personne, pour mar- maine), ainsi que le disait Apollinaire. Il a
quer la nature comme lorsqu'il dit * que ,
été fait tout ce que nous sommes *, corps,
nous apprenons de ces paroles de l'Ecriture : âme, intelligence excepté le péché. S'il eût ,

is. 1. 2G. plaisons l'homme à noti'C image et ressemblance, apporté un corps du ciel ^, qu'eùt-il été be-
que la personne et l'image du Père, du Fils soin de la Vierge? C'est donc d'elle qu'il s'est
et du Saint-Esprit, est une et commune. Il formé lui-même ce corps sans aucune cor-
soutient^, contre les ariens, que le Verbe, le ruption car il n'y en a point dans ce qui est
;

Fils de Dieu, subsiste de sa nature; qu'il est l'ouvrage du Saint-Esprit. Comme sa con-
adorable, créateur de toutes choses, incom- ception '" dans le sein de la Vierge s'est faite
préhensible, et qu'il n'est ni créature, ni en- sans aucun plaisir, elle s'y est faite aussi
gendré de rien; mais engendré du Père ^ d'une manière très -pure. Sa naissance n'a
avant tous les siècles et avant tous les temps, pas été moins miraculeuse, étant sorti du
sans aucune passion seul de seul lumière , , sein delà Vierge sans rompre le sceau de la
de lumière vrai Dieu de vrai Dieu
, sem- , virginité '•; de sorte qu'elle est demeurée

* Sanctus et vivificus Spiritus, qui una simul cum tentia, essentia , bonitafe, auctoritate, et omni perfec'
Pâtre et Filio adoratur, et conglorificatur , unus licet tione, adeo ut in seipso capiat Patrem, et capiatur a
sit, multarum tamen virtutum auctor est. Ibid.j Epht. Paire; rerum omnium, quœ materiœ subsunt , candi-
204. for, cum Pâtre et Sancto , et consubstantiali , et ado-
* Una est deitas et gloria Patris et Filii : namque rando Spiritu. NU., Epist. 39, lib. II.
ego et Pater uaum sumus {Joan. x , 30). Nil., Epist. ^
Unigenitus Filius, et Dei Verbum etiam post for-
191, lib. I. mam , corpus nempe ex sancta Virgine assumptum, ,

Pradi camus , glorificamus laudamus , adoramus


^ , non degeneravit neque a proprio deitatis statu motus
,

Patrem et Filiurn et Spintum Sanctum, unam naluram, est, namque etiam post incaimationem Deus perman-
unam polentiam, unam deitatem unam auctoritatem, , sit , Deus quidem verus secundum quod non videtur,
unam voluntatem utikts essentiœ Trinitatem firmiter
, et secundum quod videtur homo verus. Neque enim
tenemus et confilemur unico trinoque modo; unico in sine mente, et anitiia erat, ut effutiit Apollinarius.
una essenlia et deitate : trino vero in tribus hyposta- NU., Epist. 40, lib. II.

sibus site personis. Nil., Epist. 2b3, lib. I. * Dominus noster Jésus Christus omnia pro nobis

* Communem personam prosopon, Patris et Filii et quœ et nos sumus, prœter unum peccatum factus est. ,

Spiritus Sancti , et unam imaginem et eamdem simi- Omnia vero factus est, corpus nempe, anima, mens.Kil.,
litudinem ostendit Scriplura. Illud enim : Faciamus Epist. 170, lib. I.

hominem ad imaginem et similitudiuem, hoc innuit. ^ Si quemadmodum


Apollinarius, ita et tu dicis
NU., Epist. 174, lib. I. Deum Verbum. carne desumpta in terram des-
e cœlo
* Hoc vero quod mente tantum concipitur, suaque cendisse; quœ porro beatœ Virginis nécessitas? Itaque
natura subsistit , et non comprehenditur, et si7ic ullis scito eum qui secundum deitatem creatus non erat Do-
limitibus lumen est adorandus Filius, et Verbum et minus, ipsesemet a Virgine sine semine et corruptione,
omnium Dominas. Hœc igilur si ita prorsus se habent, et absque omni sorde secundum humanitalem effor-
quanam ralione creaturam et ex iis quœ non erant, , masse. Ubi porro Spiritus Sanctus adest, ibi nulla om-
unigenitum Dei Filiurn, et Verbum generatum fuisse, nino pollulio inlelligenda est. 'SW., Epist. 272, lib. I.
inslruere te audent ariuni? Nil., Epist. 206, lib. I.
i<* Servaioris namque in ventre Virginis conceplio
Unigenitus Filius et Verbum Patris, viiens Ver-
' prorsus sine voluptate, pura et incorrupta fuit. Ibid.,
bum et propria subsistens hyposlasi Verbum est, ex Epist. 293.
Pâtre ante omnia sœculu et iempora sine ulla passione *' Qui dum pareretur, vulvam immaculatam adape-
genilus , solus ex solo unigenitus , lumen ex lumine ruit Dominus noster Christus, ipse et post jxirlum
Deus verus de Deo vero, Patri in omnibus similis, po- propria sapientia et facultate, non sine miracu/o illam
VIJI. 15
^

226 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


vierge * après son enfantement comme au- étrangères. C'était l'usage d'étendre les bras
paravant. Joseph ^ qui ne l'avait point con- pendant la prière ^, en sorte que celui qui
nue avant qu'elle conçût dans elle le Fils priait, représentait la figure de la croix. La
de Dieu, ne la connut point depuis, vivant prière * se doit faire le matin avant de s'ap-
avec elle non comme son mari, mais comme pliquer à aucun ouvrage il parait même ;

ministre de Dieu. Saint Nil donne à la sainte que saint Nil voulait qu'on la fit dans l'é-
Vierge ^ le titre de Mère de Dieu; mais il glise, et il dit que c'est pour cela ^ que Dieu
appelle Jésus-Christ l'homme du Seigneur*, en a établi dans tous les lieux. On priait **^

et dit qu'il a eu besoin de prier non-seule- pour les morts, afin de leur obtenir part dans
ment pour nous, mais pour lui-même; ce les miséricordes éternelles. Le dimanche •*,
qu'il restreint aux circonstances de sa pas- on priait debout, et les autres jours à ge-
sion, où en efiet Jésus-Christ pria son Hère noux pratiques dont saint Nil rend les rai-
:

de l'exempter de boire le calice. Saint Nil sons. Prier debout marque la stabilité du
semble aussi réduire la nécessité de prier en siècle futur. Prier à genoux marque la chute
Jésus-Christ à celle qu'il s'était faite de nous du genre humain par le péché. Lorsque nous
donner des preuves de son incarnation, et nous levons de terre nous désignons la ré- ,

de nous apprendre qu'en tout temps nous surrection que Jésus -Christ nous a accordée
avons besoin de prier. 11 condamne ^certains et qui a été faite le jour du dimanche.
hérétiques qui enseignaient que Jésus-Christ 5. Il établit en beaucoup d'endroits la né-
serait un jour crucifié pour le salut des dé- cessité et la gratuité de la grâce pour faire
mons. le bien '2, pour le voir dans un objet où on ne

^
pur ,
les
,
An-
4. Les anges
o nous excitent à sr
prier ^ et sont le voyait pas auparavant '^, pour se repentir

Prière
'"' '" ^^^^ uous lorsquo nous prions ils prient ; de ses fautes •* et les condamner, pour sur-
même pour nous et ne soutirent qu'avec
, monter les tentations '^ du démon; l'effica-
peine que nous négligions ce saint exercice, cité du signe de la croix '^, pour chasser les
ou que nous nous y occupions de pensées démons qui ont ce signe en horreur, soit
,

obsignavit , nullo modo sigillis virginitaiis solutis. 8 IVe tibi neglectui sit singulis diebus antequam
Quod Dei opus esse, quicumque sanœ mentis est fate- operi accinxeris, œdem oratoriam ingredi, ibique ora-
bitur. Ibid., Epist. 270. tionis debitum Domino persolvere. Ibid., Epist. 165.
1Matiifesium est ut virgo ante parfum , et rursum 9Propterea veluti quosdam portus in medio mari,
virgo post partum permaneret. Ibid., Epist. 269. quolibet in loco templa Deus fundavit.lhid., Epist. 166.
2 Quapropter in posierum non ut procus, aut mari- 10 Qui crédit, sepulfurœ nunc traditum a mortuis

tus sed ut cultor et minister Dei constant issimus.


, resurrecturum , spe confirmabitur, demortuus ut sem-
Ibid., Epist. 271. piternœ misericordiœ particeps fiât , deprecabitur
5 Quanam ratione vates apud Isaïam Maria Deipara Ibid., Epist. 311.
nuncupatur, a nobis expostulasli. Videtis in Evan- 1' Die domi7iico stantes oramus, futuri œvi figuran-
gelio : Respexit bumilitatem ancillae suae, ecce enim tes stabilitatem; aliis diebus genua flecfimus, lapsum
ex nuuc beatam dicent omues generationes {Luc i, innuentes humani generis per peccatum. Cum a genu-
48).Quid ultra contendis postulasque Deiparam Ma- flexione assurgimus, a Christo nobis omnibus donatam
riam tibi commonstrari vatem fuisse? Nil., Epist. 180, resurrectionem indicamus , die dominico absolutam.
lib. II. Nil., Jt<:pist. 132, lib. III. .

*Et tanti est tandem oratio ut ipse Dominicus ho- 12 Qui vim ad labores a gratia suscipiunt, ne velut
mo, Dominas omnium opus habuit oratione, cum Ju- e proprio robore illam habere se opinentur: eorum
dœorum impetum , et crucem susciperet , et in mortis igitur quœ bene perfeceris, Deo auctori, bonorum gra-
certamine ut erat vere homo versaretur : postquam et tiarum actionem offer. Nil. , ad Eulogium, cap. xv,
alias plurimas humanas sustinuit passiones ad con- pag. 425. Proinde fieri nequit, ut homo suismet pennis
firmandam dispensationem incar?mtionis, vel ut homi- ad castitatem, excelsam rem convolet, nisi Dei quoque
?ies edoceret, quovis tempore insistendum esse orationi. gratia cum a perturbationum animi fovea in attum
pag. 107.
Nil., in Peristeriu, cap. ix, eduxerit. Nil., De octo vitiis , tom. IH Monument.
*Ilerum eum cructfigunt liœretici, qui dicunt fore Cotel.,'pag. 194.
aliquando ut Christus pro dœmonibus cruci affigatur. 1* Ex gratia Domini novos oculos assumamus, per

Nil., Epist. 204, lib. I. quos postmodum sanctœ continentiœ pulchritudinem


^ Nosce quod sancti angeli nos excitant ad oratio- intueamur. Ibid., Epist. 242, lib. II.
nem , et una twbiscum adstant , gaudentes simul et 1^ Et ne putes, pusillam esse Dei gratiam lapsus con'

orantes pro nobis, si igitur neglexerimus , et contra- demnare, tristarique pro iis. Ibid,, Epist. 33 , lib. Ili.

rias susceperimus cogitationes , valde irritabimus ip- 15 Opus vero nobis omnipotentis gratiœ, quœ se-
est
sos. Nil., tract, de Orat., cap. LXXXi, pag. 496. dulo nobis inquirenda est; sic enim malitia valeniis-
^ Propterea nos quoquc in oratione 77ianus exten- sittiorum dœmonum telum infirmabitur. Ibid.
dentes satanam debellamus. Nil., Epist. 86, lib. I. Per- ifi
Cumautem amare ejnlasset,et Christutn supplex
commodum fuerit ut plurimum crucis figurœ nos ma- exorasset, crucemque efformasset, celerius a puero dœ-
nibus conformantes, preces effundere. Ibid., Epist. 87. mon aufugil, Nil., ad Eulog., cap. XXVII, pag. 441,
,

[iv ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XV. — SAINT NIL DE SINAÎ. 227

qu'on le fasse sur le front ', sur la poitrine ,


Esprit , ce qui est proposé sur l'autel n'est
ou sur quelqu'ciutre membre du corps et , que du pain simple du vin commun; mais et

celle du nom de Jésus -Christ lorsqu'on l'in- après les invocations terribles et l'arrivée de

voque -. 11 rapporte, sur le témoignage ^ de l'adorable vivifiant et bon esprit, ce n'est


,

saint Epipliane qu'une veuve dont le fils


,
plus du simple pain et du vin commun; mais
était possédé du démon , l'en délivra par le le corps et le sang précieux et sans tache de

signe de la croix. Jésus-Christ Dieu de toutes choses qui pu-


, ,

remarque que le baptême *, sembla-


6. Il rifient de toutes choses, qui purifient de
,, jj,

«ri.ti" ble au feu, sous le symbole duquel il est re- toutes taches ceux qui les reçoivent avec
j» Fé- pr^igenté dans l'Ecriture consume nos pé- , une grande crainte et un grand désir. 11 est
chés et nous confèi-e la grâce vivifiante; même selon saint Nil ^ essentiel au salut
, ,

mais que ce sacrement ne doit point se réi- des fidèles de recevoir dans ces dispositions
térer ^, parce que ce serait crucifier de nou- le corps et le sang de Jésus-Christ; sans cela

veau Jésus-Christ; que quoique le corps et le point de pardon des péchés ni de part au ,

sang ^ de Jésus-Christ soient la nourriture de royaume du ciel. C'est que de son temps on
tous les chrétiens, qui sont nourris et abreu- recevait l'eucharistie en même temps que le
vés de ce mystère les fidèles doivent bien
, baptême en sorte que la nécessité d'un sa-
,

se garder de s'en approcher dans la vue de crement faisait la nécessité de l'autre. Il ap-
se remplir l'estomac car nous ne partici- ;
pelle la sacrée oblation ^ un sacrifice non
pons point dans l'église à cette table redou- sanglant, et remarque que les évêques, les

table et néanmoins si souhaitée comme si , prêtres et les diacres distribuaient aux fi-
Ton n'y servah que du pain et du vin com- dèles le corps et le sang de Jésus-Christ à la
muns. La partie la plus petite y est servie de fin de ce sacrifice. Telle est la vertu de la
la part de Dieu même par notre ministère, pénitence, qu'elle rend la vie •" à celui qui
et nous y participons en élevant en haut les estmort; mais elle est un don de Dieu ", et
yeux de notre âme, afin que nous soyons personne ne niera que ce ne soit par son se-
purifiés de nos péchés, et que nous acqué- cours que nous rougissons de nos fautes,
,

rions la sainteté et le salut. Avant les pa- que nous nous en humilions, que nous les
roles du prêtre '^
et la descente du Saint- avons en haine et en exécration.

1 Si sœpe numerosigno dominicœ crucis tui ipsius sunt amplius nudus panis, et commune vinum, quœ ap'
frontem et cor signareris , aufugient a te perciti dœ- posita sunt in sacro al tari, sed corpus et sanguis pre-
mones, valde enim horrent hoc beatum signaculum. tiosuset immaculatus Christi universorum Dei, ab om-
Nil., Epist. 304, lib. II. nibus sordibus eos mundantia ,qui cum timoré et desi-
Quando Jesu Cliristinomen compellatur, et signa-
* derio maximo illorum participes fiunt. Nil., Epist. 44,
culum Dominicœ crucis, et cordi et fronti, et membris lib. I. Ne tanquam ad nudum panem mgsticum; cnro

aliis apponitur, absque ulla hœsitatione hostium vires si quidem Dei est, caro pretiosa , veneranda et vivifica',

dissolvuntur, et timoré perciti dœmones a 7iobis fuga vivificat enim in peccatis homiries demortuos. Nil. ,

se proripiunt. Nil., Epist. 278, lib. III. Epist. 39 , lib. III.


* Ad Eulog., cap. xxvir, pag. 440. 8 Fieri nequil ut fidelis aliter salutem assequatur,
' * In Sancto et igite dominicum baptisma
Spirilu delictorumque veniam habeat , et regni cœlestis parti-
ignis appellatione calidum, et vividum gratice et pec- ceps fiât nisi cum timoré et amore mijstica et incon-
,

catorum subito absumens. Nil., Epist. 235, lib. II. taminala corpus et sanguinem Christi Dei communicei.
Iterum eum crucifigunt qui perverse baptismum
!>
Nil., Epist. 280, lib. III.

Nil., iterure prœsumunt. Epist. 20 i, lib. I. Jounnes admirabilis sacerdos sœpenumerg cons-
9
* Cum ilaque et dominicum corpus et sanguis Dei pexit, omnibus fere horis dominicum angelorum cura-
Verbi per incarnationem Verbi christianorum omnium tione protectum , et potissimum tempore sacro sancti,
cibus sit, eoque arcnno
a/anlur et potentur... ne il-
et incruenfique sacrificii... Et usque ad ierribilis mys-
ludaris satietaie ventris? Non enim, o Christi amice, terii consummationem assistere, tum demum per vene-
veluti communis panis et vini, ad safuritatem ventris, randum dominicum undique effusos , hac atqtte illac
sit tremendœ iltius ac concupitœ mensœ in Ecclesia singulos obviis episcopis, et sacerdotibus, et singulis
parlicipamus ; sed niinima particula nobis a Deo mi- diaconis ,
qui co>-pus ac venerandum sanguinem aliis
nistrantibus exhUetur, et communicamus , auimœ ocu- dispertiunt, ministrare , auxitiari. Nil., Epist. 294,
los in excelsum dirigentes ut a peccatis , mundemur, lib. II.
et sanctitatem atque salutem consequamur. Nil., Epist. i« Pœnitentia delictis exsanguem ac demortuum in
144, lib. II. vitam restitua. Nil., Epist. 274, lib. I.
^
Ante sacerdotis verba 1' Afunus divinum esse pœnitentiam, et erubescentiam,
, et Spiritus Sancti descen-
sum, nudus punis et vinum commune, quœ proponun- et dum labimur, non arroganter nos gerere, et odio
tur, existant; at post fremendas illos invocationes , et prosequi, et execrari pravos omnes defectus ante a nobis
adorandi et vivifici, et boni Spiritus ndventum, non commissos,ncmo negabit.Kû., Epist. 115, lib. III.
,

228 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


Sur les Y avait des édises qui
7. Il portaient le * diaci'cs à des sous-diacres, à des moines, à
,

Kenses. sur ,
-^ ^ ^ , ''^ . . .

Us
sur
mtijts,
les Images
nom ^
des martyrs, et ceux qui craignaient
".
des religieuses, à des diaconesses, à dos dé-
. ,., , . . ,

et sur sa.nl d être poursuivis par la justice séculière, s y fenseurs de l'Eglise, à des chanceliers, à des
réfugiaient comme dans un lieu d'asile. Re- référendaires , à des philosophes, à des avo-
gardés dès-lors comme nos intercesseurs au- cats, à des tribuns, à des juifs, à des sama-
près de Dieu ^, on les invoquait, et il se fai- des païens, et à d'autres; elles sont
ritains, à

sait souvent, par leur intercession, de très- bien écrites, pleines d'esprit et de feu, di-
grands miracles. On conservait ^ leurs ima- sons de véhémence, lorsqu'il s'agit ou de
ges, et on en mettait dans les églises qui venger l'honneur de l'Eglise et de ses saints,
représentaient des histoires de l'Ancien et* ou de réformer quelques abus ou d'établir ,

du Nouveau Testament, pour l'instruction de la pureté de la foi, ou de faire honte aux pé-
ceux qui ne savaient pas lire; mais ces ima- cheurs de leurs désordres, et de les faire
ges ne se plaçaient que dans le chœur et i^entrer en eux-mêmes; mais, dans ce dernier
dans la nef; quant au sanctuaire qui était du cas, il mêle la douceur à la sévérilé, faisant
côté de l'Orient, on n'y mettait que la figure envisager au pécheur la miséricorde de Dieu
de la croix. C'est du moins la disposition que en même temps que sa justice. Sadouceuret
saint Nil voulait que l'on gardât dans les sa tendresse paraissent dans les remèdes et
églises que l'on bâtissait de son temps. Il dans les consolations qu'il donne à ceux qui se
dit que saint Pierre est mort à Rome, atta-
^ trouvent attaqués de fréquentes tentations; il
ché à une croix, et que ce genre de supplice aime les comparaisons, et s'attache ordinai-
lui avait été prédit par Jésus-Christ. rement plus' au sens allégorique de l'Ecri-
Jugement 8. Voilà cc qul uous a paru de plus remar- ture qu'au littéral. En expUquant le troi-
saint^Ni'î!
"^^
quable dans les écrits de saint Nil, qui sont sième verset du psaume xvp, il dit que Da-
d'ailleurs remplis de conseils très -utiles à vid ^ qui, dans son abondance se flattait de ,

tous ceux qui fout profession de la vie reli- n'en jamais déchoir, s'étant trouvé dépouillé
gieuse soit qu'ils soient constitués en di-
,
du secours divin , tomba dans l'adultère ,

gnité, soit qu'ils vivent sous l'obéissance. Les dans l'homicide et dans le trouble; mais il

personnes du monde y trouveront aussi des reconnaît qu'il ne fnt abandonné de Dieu
maximes importantes sur leur état car nous : que parce qu'il l'avait abandonné le premier
avons de ses lettres adressées à des per- en s'élevant en lui-même, et en se confiant
sonnes de toutes conditions, à des généraux à ses propres forces ce qui est de tous les
,

d'armée à des préfets du prétoire, à des


, péchés le plus atroce.
grands maîtres à des proconsuls, à des em-
,
9. Nous n'avons aucune édition complète £^^0,
pereurs, à des évéques, à des prêtres, à des des œuvres de ce Père et on ne nous les a ,
fa-oTNa.

1 Vœ animœ tuœ... namque opiimis consiliis deditos, illustres certatores possunt efficere. — 3 ubj supra.
qui ad Platonis victoriosi martijris templum confuge- * Virilis genii proprium , in sacrario versus orien-
rrmt , vi incomposita rapere, et in carcerem publicum tem œdis sacratissimœ uimm solamque crucem for-
intrudere ausus es. Nil., Epist. 178, lib. II. mare; una si quidem saliitari cruce omne genus hu-
2 Senex intérim Deoacccpti Filii privationem non sus- manum servitute eximitur et desperatis ubicumque
,

tinens, Christum Dominum precibus humilibus per Pla- gentium spes bona effulget, narra tionibus porro ex ve-,
fo7iem conferraneum martyrem orabat, ut œrumnurum teri novoque fœdere quaqua versum manu pictoris op-
misericordiam caperet. Hoc idem et Filius per eum- timi œdem sacram compléta; ut litterarum rudes et
dem sanctissimum martyrem diviiium numen suppliciter divinarum Script urai'um lectionis nescii figurœ cons-
postulabat , in captivilate vinculis constrictus , ut sui pectu rerum optime gestarum eorum, qui vero Deo lé-
commiseresceret, et admirabiliter opem ferret. Cum gitime deservierunt, teneant, et ad eorum res gloriosas
vero petitioni utriusque accessisset, en de repente nos- per quas terram pro cœlo, et visibilibus invisibilia prœ-
terPl'ito in equo vectus instat,atque oculis occurrens, ferentes, certatim properent. Nil., Epist. 61, lib. IV.
et una secum alium equum a vectore vacuu'm ducens, 5 Tu eodem mortis génère
vero, o Petre, sequere me,
puera pervigili pntet, cujus sancti effigiem planissime in regina urbium Roma cohonestandus. Quemadmodum
cognoscebat. in imaginibus sœpissime perspcctam ; sta- ego cruci afjixus sutn , ita et tu omnino paiibulo suffi-
limque illi prœcipit ut e medio omnium assurgens gendus es. Nil., Epist. 306, lib. II.
s Dixi in felicitate mea
equum accipiat illique insideat et repentino araneœ
, , A'o« commovebor in œter-
:

instar vincula dissoluta sunt , et solus ipse per invo- num. Desertus sum a te, et in fornicationem diram et
cutionem in libertatem vindicatur... sic martyr lictor cœdem execrabilissimam incidi ; tiun postea turbabor
egregius patri mœrore perditum filium optatissimum, et commovebor divino auxilio spoliatus... humiliasti
postquam e servitule expedivit, disparuit. Quare locis me qui prius deliqueram. Nullum vero atrocius est de-
in omnibus illis, qui per eosdem Deum implorant, res lictnm quam de seipso vana existimatio et confidentia,
omnes tnirificas, et prœter exipectationem advenientes, Nil., Epist. 322, lib. II.
Domini Christi celeberrimi , atque honore et nomine
[]V« ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XV. — SAINT NIL DE SINAI. 229

encore données que par morceaux. Son dis- tième de celle de Lyon, en 1677, en grec et

cours contre les incursions des Barbares, les dans le troisième tome des Monuments de l'E-
guerres intestines la faim, la peste, et le ,
glise grecque, par M. Cotelier, à Paris, 1686;

pouvoir qu'a sur un homme la mort pré- parmi les œuvres de saint Jean Damascène,
sente fut imprimé en latin à Padoue, en
,
à Paris, en 1377, mais seulement en latin,

1535 , de la traduction de Jean Sambucus. de la version de Billy. Turrien fit imprimer


Deux ans après, c'est-à-dire en 1357, Fran- en grec, à Florence, en 1578, in-8", les
çois Zinus imprimer à Venise, in-8", V As-
fit deux cent vingt-neuf Sentences de saint Nil.
cétique, V Institution aux moines le traité des , Elles furent depuis réimprimées en latin, à
Huit vices capitaux, et quelques autres opus- Leyde en 1590 et à Cologne à Frankère
, , ; ,

cules, qui furent réimprimés depuis dans en grec et en latin, en 1608, in-8"; à Naples,
la même "ville avec les ouvrages de saint
, en 1604; à Hambourg, en 1614; àBâle, dans
Epbrem, en 1374 in-S", dans la Bibliothèque,
les Orthodoxographes, en 1569; à Leipsick ,

des Pères à Paris en 1373, et dans le sep-


, , en 1577 à Paris dans l'Auctuaire de Fron-
; ,

tième tome de celle de Lyon. Le traité des ton-le-Duc en 1623 à Gorlitz, en 1679 et
, ; ,

Huit péchés capitaux fut ensuite donné en dans les Bibliothèques latines des Pères de Pa-
grec et en latin par le P. Combefis dans le ris, en 1575, 1589, 1610, et de Lyon, en 1677,

premier tome du supplément à la Bibliothè- et dans les grecques et latines de Paris en ,

que des Pères , à Paris , en 1672 , in-folio, et 1644, 1654; Antoine Meierus les mit en vers
par M. Bigol avec la lie de saint Chrysos-
, latins, imprimés à Cambrai, en 1561, in-4°,

tôme , par Pallade à Paris en 1680, iu-i». , , et Geoffroy Arnold, les ayant traduites en

Les divers chapitres commençant par ces allemand, les fit imprimer en cette langue à
mots : (1 11 est nécessaire d'avoir la crainte Goslar, en 1702 in-8". L'édition de Naples
, ,

et l'amour de Dieu, » donnés par F. Zinus, en 1604 est chargée de scholies ou com-
,

trouvèrent place dans les Orthodoxographes mentaires de Paul Minerva dominicain. On ,

à Bâle, en 1333, mais avec quelques addi- en cite une faite à Strasbourg, en 1516, chez
tions et une version ditférente. On ne les Schurrerianus de la traduction de Pirk-
,

trouve point dans l'édition de Suarès à Rome, haimer. [Il y en a une autre de 1820, in-8°,
en 1673. 11 y a dans le cinquième tome de la d'après deux manuscrits, l'undeDarmstadtet
Bibliothèque des Pères , à Cologne, en 1618 ,
l'autre de Berne, par Fr.-X. Werfer.] L'His-
un fragment d'un écrit de saint Nil, intitulé toire des solitaires misa mort par les Sarrasins

Liber parœneticus , et un dans le septième sur le mont Sinaï, et de la Captivité de Théo-


tome de celle de Lyon tiré de l'épitre 241 , dule, fut mise sous presse à Paris, en 1639,
du livre troisième dans l'édition du Père par les soins du Père Poussin, avec hi Vie
Poussin. On a mis aussi dans la Bibliothèque d'Albien, l'une et l'autre en grec et en latin,
des Pères de Cologne le traité des Huit vices , in-4". Le premier de ces écrits avait déjà

capitaux; celui de l'Oraison, distribué en cent paru dans les Vies de Lipoman et de Surius,
cinquante chapitres, a été imprimé en latin, au 14 janvier, mais en latin seulement,
à Anvers chez Plantin avec le traité de la
, , comme on l'a imprimé depuis dans le pre-
Perfection spirituelle de Diadochus. de la tra- mier tome de janvier des Bollandistes, au
duction de Turrien, en 1373, in-12, d'où il même jour; à Anvers, en 1643, in-folio.
est passé dans les Bibliothèques des Pères de Nous l'avons en français de la traduction de
laBigne; l'édition de Turrien comprend aussi Nicolas Le Sueur. Le P. Combefis dans ses ,

V Ascétique et divers autres opuscules. \J As- Actes choisis des martyrs, à Paris, en 1660, et
cétique a été traduit en allemand, et im- Léon Allatius, à la fin des lettres de saint
priraé à Goslar, en 1720, in-S", avec les écrits Nil, imprimées à Rome en 1669, in-folio,
de saint Macaire, par Geoffroy Arnold, in-8''. nous ont donné les diverses leçons de cette
On lit premier tome de la Bibliothè-
dans le Histoire, de même que la Vie d'Albien.
que des Pères, à Paris, en 1389, un fragment Quant aux lettres de saint Nil, le Père
latin d'un écrit où saint Nil traitait des Moines Poussin n'en fit imprimer que trois cent cin-
qui voyagent pour gagner de Vargent. Le traité quante-cinq à Paris, en 1657, in-4". L'édition
des Huit pensées vtcieiiscs différent de celui ,
beaucoup plus ample; elle pa-
d' Allatius est
que Suarès a donné, se trouve en latin dans rut, comme nous l'avons déjà dit à Rome, ,

le cinquième tome de la même Bibliothèque, en 1668, in-folio mais il y a dans ces re-
;

réimprimée à Paris en 1634, et dans le sep- cueils quelques lettres qui ne paraissent pas
,

230 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


être de saint Nil; on peut mettre de ce nom- thèque grecque et latine des Pères , à Paris
bre les 114^ et 115'^ du second livre, adres- eu 1624 , dans le treizième de l'édition de
et

sées à Nicandre Stylite car ou sait que saint


;
Morelle. Zinus les donna d'abord en latin, à
Siméon, qui a le premier vécu sur une co- Venise, en 1374 in-4''. Elles ont depuis été
,

lonne et porté le nom de Stylite, n'a été


, données en grec par Fronton- le-Duc, dans
connu que vers 457 ou 438, quelques an- cet Auctuaire on Supplément.
nées après la mort de saint Nil. La première [Les œuvres complètes de saint Nil sont
du quatrième livre n'est pas du style de saint réunies pour la première fois dans le tome
Nil. Il écrivait mieux et avec plus de pureté. LXXIX de la Patrologie grecque. On y trouve
La trois cent onzième du second livre à d'abord les quatre livres des lettres d'après
Cléon ne convient pas mieux à la gravité de l'édition d'Allatius, collationnée sur celle de
ce saint solitaire. Pour ce qui est de la trente- Pierre Poussin; le récit de saint Nil sur le
sixième du premier livre, il est vrai qu'elle massacre des moines du Sinaï, d'après l'édi-
est tirée du commentaire de saint Basile sur tion de Poussin le discours sur Albien, d'a-
;

le Psaume xxiF; mais ce n'est pas mot à près la même édition; les opuscules de saint
mot. Saint Nil^ a ajouté et changé quelque Nil , d'après Suarès les chapitres paréné-
;

chose. Cette façon de s'approprier les écrits fiques ou Sentences ditlerentes de celles pu-
d'autrui n'est pas sans exemple dans les an- bhées dans les opuscules, d'après V Auctuaire
ciens.Les opuscules de saint Nil imprimés , de Fronton-le-Duc les ouvrages supposés.
,

à Rome en 1673 in-folio par les soins de


, ,
A la suite, on trouve la dissertation de Suarès
Suarès, évêque de Vaison, sont au nombre sur les œuvres de saint Nil, et son livre chro-
de dix-neuf; nous en avons donné le détail. nologique sur la vie de ce saint. Le supplé-
Nous avons dit aussi quelque chose de son ment aux œuvres authentiques reproduit le
commentaire sur le Cantique des Cantiques : traité des Huit pensées vicieuses, d'après Co-
du moins trouve-t-on sous son nom quelques telier, des fragments de sermons et d'ho-
explications de ce livre, parmi celles de saint mélies d'après Photius. Une notice tirée de
Grégoire de Nysse et de saint Maxime, dans Fesseier et une autre tirée d'Allatius ouvrent
le second tome de l'Aucluuire de la Biblio- le volume. 1

CHAPITRE XVI. I
Des Actes du martyre des solitaires du mont Sinaï.

1. Il y avait dans le désert de Sinaï un Quelque grandes que fussent leurs vertus,
Thre de ces grand nombre de solitaires ', dont la con- elles ne leur causaient ni de relèvement,
duite donnait une vraie idée de la vie d un ni de l'envie aux autres, parce qu'ils ne
parfait chrétien. Leur abstinence était ex- croyaient point qu'ils les eussent acquises
trême, et il y en avait peu qui se nourrissent par leurs propres travaux, mais avec le se-
de froment; les herbes, les fruits et les lé- cours et la grâce de Dieu. Leurs cellules ou
gumes du plus grand
faisaient la nourriture leurs cavernes ne se touchaient point; elles
nombre. Quelques-uns ne mangeaient que étaient éloignées les unes des autres de plus
le jour du dimanche, d'auti'es au milieu de de vingt stades, c'est-à-dire d'une lieue au
la semaine, ou deux fois la semaine, ou de moins. Ce n'était point par aucun principe
deux jours l'un. Ils ne possédaient point de haine, mais pour vivre dans un plus grand
d'argent, ne vendant rien, n'achetant rien. silence, et converser plus intimement avec
Ils se donnaient ou se prêtaient mutuelle- Dieu, ce qui est difficile ou même impossible
ment les choses dont ils avaient besoin. dans le tumulte. Ils s'assemblaientle dimanche

* Bolland., ad dicm 14 jan., toni. I. pag. 954 et suiv., uum. IG et suiv.


[iv« ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE XVI. — ACTES DES SOLITAIRES DU MONT SINAI. 231

dans une même église, soit pour entretenir en- autres solitaires qui étaient les plus âgés,
semble le lien de la concorde et de la charité, après les avoir mis tout nus en un rang
soit pour rendre leurs mœurs moins farou- comme pour ne retinrent que
les tuer, et
ches. Ce jour-là ils participaient aux sacre- les plus jeunes. Ceux-là se hâtèrent de ga-
ments, et s'animaient mutuellement par des gner le haut de la montagne, sachant que les
entretiens de piété. Saint Nil qui avait cou- Sarrasins n'osaient en approcher, cette mon- •

tume de les aller visiter, soupant un jour tagne leur ayant paru un jour toute couverte
avec eux, Théodule, qui était le prêtre du de fumée et de llammes, lorsqu'ils s'en étaient
lieu, leur dit à tous « Que savons-nous si
: approchés pour y prendre le moine Ammo-
nous nous retrouverons jamais à manger en- nius et quelques autres qui s'y étaient reti-
semble avant notre mort? » rés. Ils quittèrent en effet ^ le bas de la mon-

Quels 2. L'événement suivit de près cette parole '; tagne, et s'en allèrent piller d'autres endroits,
r'A^iM?" car dès le lendemain, aussitôt que les laudes où ils tuèrent encore un grand nombre de
furent achevées, ils se virent attaqués d'une personnes. Saint Nil qui était de ceux à qui
bande de Sarrasins. C'était une nation qui les Sarrasins avaient laissé la liberté de s'en-
habitait la solitude qui s'étend depuis l'Ara- fuir, descendit sur le soir avec les autres,
bie jusqu'à l'Egypte, ayant d'un côté la mer pour ensevelir les morts, et après ce devoir
Rouge, et de l'autre le Jourdain. Ils n'exer- de charité, ils se retirèrent avant le jour dans
çaient aucun métier ni négoce,
ne culli- et la ville de Pharan Comme saint Nil ^ y racon-
.

vaient pas même la terre, n'ayant que leurs tait à quelques personnes ce qui était arrivé

épées pour se procurer de quoi vivre. Ils la veille, il apprit que le même jour ces bar-
s'occupaient donc ou de la chasse, ou à ar- bares avaient mis en pièces un sénateur et
rêter sur les grands chemins ceux qui pas- un officier de police de la ville, avec tous les
L salent; mais, lorsque par l'un ou l'autre de gens de leur suite ^. Le lendemain ils firent
I ces deux moyens, ils ne trouvaient pas les de nouvelles courses dans le désert, et tuè-
K
^ choses nécessaires à la vie, ils mangeaient rent encore huit solitaires.
la chair des chameaux qui leur servaient de 4. Nicéphore ^ qualifie de martyre le genre n, sont ho-

monture, se contentant de l'amolir tant soit de leur mort et il y a apparence ^ que l'on
, manirsT""
peu par le feu, afin de la rendre plus man- célébra leur fête à Sinaï aussitôt après, et
,

geable. Ils ne connaissaient point le vrai qu'on la joignit à celle qu'on y faisait déjà
Dieu, et n'avaient point non plus d'idoles de quelques autres solitaires qui avaient été
faites de la main des hommes, mais ils sacri- tués auparavant, le même jour et au même
fiaient à l'étoile de Vénus lorsqu'elle parais- endroit, par les Sarrasins, vers l'an 373. Les
sait, et avant que le soleil fût levé, les jeunes Grecs et les Latins honorent leur mémoire
gens les mieux faits et les plus vigoureux; le 14 janvier, quoiqu'ils n'aient pas été tous
et lorsque cette victime leur manquait, ils mis à mort ce jour- là, mais seulement le
prenaient un chameau blanc et sans aucun prêtre Théodule, Paul et Jean. Il est remar-
défaut, qu'ils se distribuaient, après l'avoir qué * que lorsque saint Nil descendit pour
offert avec beaucoup de cérémonies supers- enterrer leurs corps, il trouva que le prêtre
titieuses, Théodule respirait encore, et qu'il eut même
u ireueDt 3. Les premiers qui essuyèrent la fureur la force d'exhorter ses frères à adorer, sans
"TbéodL^Ô de ces barbares, furent le prêtre Théodule ^\ se troubler, les jugements de Dieu, et de
TMMhui- un vieillard, son compagnon, nommé Paul, leur donner le baiser de paix avant de ren-
et un garçon qui les servait, appelé Jean. dre l'esprit. On met son martyre vers le com-
Tous trois furent mis à mort; mais les mencement du cinquième siècle.
Sarrasins laissèrent aller ceux d'entre les

1BoUand., pag. 956, nuin. 14 et suiv. januarii. Omnino enim viris piis ac religiosis ipsa quo-
-Ibid., uum. 22,27 et suiv. que temporis et nominum cognitio diyna est. Magno
^Combefis., Ad., pag. 91, 92. studio afficiuntur qui memoriœ sanctorum
,
volunt esse
* Pag. 960,num. 30, 31. participes. Interempti sunt vero alii quoque multis ante
» Pag. 961,num. 33, 38. temporibus,quorum ipsorum quoque commentorationem
* BoUand., ad diem 14 januar., pag. 936. propter longitudinem, et eorum qui congregantur
vice
Ex Us uutem qui fuerunt intevempti, duo quidem vo-
'
multitudinem codem die peragunt. Nil., iii Vita Theo-
cahantur Paulus et Joannes , presbyter aulem Theodu- duli , toni. I Boll., pag. 960.
lus.Mortui autem sunt comummati septimo die post 8 Pag. 959, iium. 27.
Theophaniœ festum, qui est quartus decimus mensis
,

232 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.

CHAPITRE XVII.

Léporius ,
prêtre de l'Eglise d'Hippone.

[Après l'an 429.]

Le lieu dd
1. Rien de moins assuré que ce que l'on dit des Gaules. Cela n'empêchait pas que saint
U Dîssance
du lieu de la naissance de Léporius. Cassien, Augustin ne fût bien informé de la pa-
de l.éporius
n'est pas bien
ronna. Il ne le seul des anciens qui eu ait parlé, s'est renté de Léporius et de ses principales ac-
faut pas le
distinguer île servi, pour le désigner, de termes si peu '
tions. 11 pouvait avoir appris tout cela de
I, é pori u s
préire d'Hii -
,
connus aujourd'hui, que les uns ont cru qu'il Léporius même, ou de Domnin et de Bonus
poue.
faisait naître Léporius à BeJley, sur le qui l'avaient suivi en Afrique, ou des évê-
Rhôue, d'autres à Trêves, quelques- uns à ques des Gaules à qui il écrivit la lettre deux
Marseille, et quelques autres à Rome. Ce cent dix-neuvième, touchant Léporius, qu'ils
qu'il y a de certain, c'est que Léporius dog- avaient chassé à cause de ses erreurs, car il
matisa dans les Gaules, et qu'il y fut repris n'étaitpas naturel que ce saint évêque l'ad-
de ses erreurs par Cassien ^ et par quelques mit dans sa maison ou dans son clergé, sans
autres savants ^ de la même province. 11 ne savoir qui il était. La connaissance particu-
paraît pas non plus douteux que ce Léporius lière que saint Augustin avait de Léporius
ne soit le même qui fut dans la suite prêtre ne prouve donc point que celui-ci fût Afri-
de rirglise d'Hippone, puisque Cassien et du Gaulois. On ne peut pas
cain et différent
Gennade le font passer des Gaules en Afri- l'inférer non plus de ce que dit le même
que; qu'ils reconnaissent qu'il y abjura ses Père, que Léporius avait établi un monas-
erreurs, et qu'ils lui donnent l'un et l'autre tère à Hippone, pour les siens qui y servaient
le titre de prêtre. Saint Augustin ne s'expli- Dieu dans l'état monastique, puisque cela
que pas si clairement mais en disant * que
; peut s'entendre, non de ses parents, mais
le prêtre Léporius, dont il fait l'éloge dans de ceux qui étaient venus en Afrique avec
un de ses sermons, était étranger, et qu'il lui, et de ceux qui s'étaient joints à lui dans
l'avait reçu à Hippone, où il servait Dieu la ville d'Hippone, pour pratiquer sous sa
dans un renoncement entier à tous les biens conduite les exercices de la vie religieuse.
de sa famille; n'en dit-il pas assez pour nous 2. Il en avait fait profession ^ dès le temps
empêcher de distinguer Léporius gaulois, qu'il était dans les Gaules, où il avait vécu
d'avec le prêtie d'Hippone? Ce Père par- dans une grande pureté; mais, attribuant sa
lait aux habitants d'Hippone qui devaient , vertu à son libre arbitre, à ses propres for-
regarder comme étranger un homme venu ces, et non au secours de Dieu, il tomba

1 Nuper quoque, id est in diebus nostris, emersisse 3 Léporius ad hue monachus, postea presbyter, prœ-

hœresim venenosam, et maxime Beligarum urbe [alii sumens de puritate vitœ, quam arbitrio tanium et co-
ex maxima beligarum urbe) conspeximus certi »?o- , natu proprio, non Dei se adjutorio obtinuisse credide-
ris , incerti nominis. Cassian. , lib. I de Incarnat., rat, pelagianum dogma cœperatsequi;sed a gallicaiiis
cap. n, pag. 902. doctoribus admonitus , et in Africa per Augustinum
* Léporius enim tune monachus, modo presbijier, qui adeo cmendatus , scripsit emendationis suœ libellum
ex Pelagii instiiutione , tel potius pravilaie descen- in quo et satisfacii de errore, et grattas agit de emen-
dens , apud Gallias assertor prœdictœ hœreseos aut datione. Gennad., de Script. Eccles., cap. LIX.
inter primas, aut inter maximos fuit, a nobis admoni' * Vobis dico,
qui forte nescilis; nom vestrum plu-
tus, adeo emendatus, ita maie concepfam persuasiotiem rimi sciunt presbyterum Leporium, quamvis saculi
,

magriifice condemnavit, ut non minus pêne admiranda )iatalibus clarum et apud suos honesiissimo loco na-
,

sit correctio illius, quam illœsa multorum fides. Is tum, tamen jam Deo servientem, cunctis quœ habebat
ergo in se reversas, non solum in Africa, ubi (une erat, relictis, inopem suscepit , non quia nihil habuit sed,

atque nunc est, tam errorcm suum cum dolore, quam quia jam fecerat quod lectio ista persuadet. Hic non
sine pudore confessus est , sed etiam ad omnes admo- fecit, sed nos scimus quid et ubi fecit. August,., Serm.
dum Galliœ civitates, flebiles confessionis ac planctus 336, tom. V, pag. 1388.
sui litleras dédit, scilicet ut ubi deviatio ejus prias > Geniiad. , de Script. Eccles., cap. ux; Cassiau.,
cognila erat, illic etiam emendatio nosceretur. Cdiàsinn., lU). I de Incarnat., cap. u, pag. 902.
Ma-, cap. IV, pag. 908.
[lY« ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XVII. — LEPORIUS D'HIPPONE. 233

dans l'hérésie de Pelage; renouvela celle il il entreprit de défendre ce qu'il avait avancé,
des ébionites, qui niaient la divinité de Jé- et composa une apologie de sa doctrine, où,
sus-Christ, et jeta les l'ondcmonts de celle de en répondant aux objections qu'on lui faisait,
Nestorius, en disant que Jésus-Christ n'était, il tomba dans de nouvelles erreurs. Cassien,

en naissant, qu'un pur homme, et qu'il avait qui était alors à Marseille ou dans quelque
,

été fait Christ par le baptême. Il n'osait


'
autre endroit de la Provence, le reprit de
dire que Dieu fût né de la Vierge, ni qu'il se ses mauvais sentiments; d'autres personnes
fût fait homme; mais il voulait bien - que habiles l'avertirent ' aussi de se corriger. Il
Ton dit qu'il était né homme parfait avec n'écouta personne. Les évêques s'assemblè-
Dieu, séparant de telle sorte ce qui apparte- rent, condamnèrent ses erreurs, et le chas-
nait h Dieu et ce qui appartenait à l'homme, sèrent de l'Eglise, ne voulant point donner
qu'il faisait deux Christs, et ajoutait une qua- lieu k de longues contestations, de peur
trième personne à la Trinité. Il enseignait d'augmenter le mal; ensuite ^ il fut chassé
encore que Jésus-Christ avait acquis la gloire des Gaules. Les évêques qui le condamnèrent
par son travail, par sa dévotion, par sa foi, furent Proculus, que l'on croit, avec raison,
et par ses bonnes œuvres lui attribuant , être le même que l'évèque de Marseille dans
des choses qui nç conviennent qu'à des hom- le diocèse duquel était Cassien; et Guilenne
mes ordinaires, et le réduisant presque à la ou Cylinnius ^, évêque d'Aire. Des Gaules,
condition du commun des saints. Il disait Léporius passa en Afrique avec quelques-
qu'il avait souffert toutes les douleurs de la uns de ceux qu'il avait engagés dans ses er-
croix, comme un homme parfait, et assez reurs, et alla se jeter entre les bras des évê-
fort de lui-même pour n'avoir pas [eu besoin ques de cette province, qui le reçurent * par
du secours de la divinité, qui, disait-il, était un esprit de charité, travaillant en même
alors séparée de lui, n'ayant dans le moment temps à le corriger et à le guérir, le conso-
de sa passion que l'humanité toute pure. Il lant dans le trouble salutaire où il était, sou-
s'appuyait dans cette erreur de ces paroles tenant son infirmité, et l'instruisant autant
de l'Ecriture qu'il n'entendait pas
, Mon :
qu'ils le pouvaient avec la douceur que l'A-
Dieu, mon Dieu, pourquoi rnnvez-vous aban- pôtre prescrit dans ces sortes de rencontres.
donné? Outre ces erreurs qui lui étaient par- Celui des évêques d'Afrique ^ qui travailla le
ticulières, il enseignait ' avec les sectateurs plus à le détromper, fut saint Augustin; mais
de Pelage, que Jésus-Christ avait vécu sans ce Père convient "'qu'il n'eu serait peut-être
aucun péché, non par l'union de la divinité, pas si heureusement venu à bout, si les évê-
mais par les forces du libre arbitre; qu'il ques des Gaules n'avaient auparavant humi-
avait été fait Dieu après sa résurreftion; lié Léporius en condamnant ses erreurs. Il

qu'il n'était venu pour donner aux


point les abandonna, les condamna, et en re-
hommes la grâce de
la rédemption, mais connut publiquement le venin avec une vive
uniquement pour leur donner l'exemple douleur, et, comme le dit Cassien •', avec une
d'une vie sainte, et qu'il ne fallait * point sainte impudence. Domnin et Bonus, qui
l'honorer pour lui-même comme étant Dieu, l'avaient suivi dans ses erreurs et en Afri-
mais comme ayant mérité par ses vertus que, se corrigèrent aussi avec lui, et ils fu-
d'avoir Dieu en lui. rent tous trois reçus dans la communion des
it chassé 3. Léporius ne se contenta pas de publier évêques. Léporius dressa, avec le secours de
G-tules
m er- ses erreurs de vive voix, il les répandit aussi saint Augustin, l'acte de sa rétractation, et
ir se
enAfri" par dans une lettre qui blessa les fidè-
écrit, le signa dans l'Eglise de Carthage, en pré-
les et causa parmi eux de grands scandales. sence d'Aurèle, évêque de cette ville, de
11 fit plus, voyant qu'on s'élevait contre lui, saint Augustin, de Florent d'Hyppo-Zar-

' Cassian., lib. VI[ de Incnrn., cap. xxi, pag. 1049. Facund.,1ib. I, cap. iv Sirmond. , not. in Lepor.,
* Lepor., libell. Retruct.,iova. I op. Sirmond, page pag. 346.
346 et seq. "
C'est ce que dit le P. Garnier sur la notice des
' Cassian., lib. I de Incam., cap. m, pag. 906, et anciens évêques des Gaules mais on n'a pas connais-
;

lib. VI, cap. XIV, pag. 1003. sauce de cette notice.


* Idem, lib. V, cap. ii, pag. 958. « Lepor., ubi supra; Augustin, Episf. 219.
">
Cassian. , lib. I de Incam. cap. iv, pag. 908, et
, 'Gennad , de Script. Ecoles., cap. ux.

Gennad., de Script. £cc/e^., cap. lix. »« Auaust., Epist. 219.


* August. , fpis/. 219, et Léporius, ubi supra, et •• Cassian., lib. I de Incarnat., cap. iv, pag. 908.
234 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
rhytes, et de Second ou Secondin d'Acqs ou Christ, Fils unique de Dieu, qui est né du
Mégarme, qui y souscrivirent aussi; il est Père avant tous les siècles, a été fait homme
en forme de lettre adressée à Proculus el à du Saint-Esprit et de Marie toujours vierge,
Cylinnius, évèques des Gaules ', voulant que dans les derniers temps, et né Dieu. Nous
son changement parût dans une province où confessons de même que les deux natures
ses erreurs avaient causé du scandale, atin de la chair et du Verbe ne font qu'une même
que ceux qui avaient été témoins de ses éga- personne, qui est Dieu et homme insépara-
rements le fussent de sa correction et de sa blement, sans que, par l'incarnation du Verbe,
pénitence. il se soit fait un mélange et une confusion
Analyse de ^- 7 recouHait sa présomption et son
I^ des deux natures, puisqu'un telmélange se-
tîon de'îi'po- ignorance ^, qui lui avaient fait prendre l'er- rait la destruction de l'une et l'autre partie.
reur pour la vérité, et les ténèbres pour la Le Fils seul s'est incarné, non le Père, ni le
lumière. en demande humblement par-
11 Saint-Esprit. Ce ne sont pas deux, l'un Dieu,
don, et condamne la lettre scandaleuse qu'il l'autre homme, le même est Dieu et homme,
avait écrite pour la défense du mensonge, un seul Fils de Dieu Jésus-Christ, n'y ayant
reconnaissant avec sincérité ^ que Dieu, qu'une personne de la chair et du Verbe.
c'est-à-dire notre Seigneur Jésus-Christ, est C'est pourquoi nous ne cjaignons point de
né de la sainte vierge Marie, et qu'il n'a pas dire que Dieu est né, qu'il a souffert, qu'il a
été plus indigne de Dieu de naître d'une Nous croyons en-
été crucifié selon la chair.
femme et de prendre d'elle la nature hu- core que c'est unique de Dieu, non
le Fils
maine, quand il l'a voulu, que de former en adoptif, mais proprement dit; non imagi-
elle la nature humaine. « Car, ajoute-t-il, si naire, mais véritable; non pour un temps,
nous disions, comme nous l'avons dit autre- mais éternel qui a tout soutl'ert pour nous
,

fois ,
que l'homme est tellement né avec selon la chair, et non pour lui-même, puis-
Dieu, qu'il faut attribuer séparément à Dieu que ce n'est pas pour lui qu'il est descendu
ce qui est de Dieu, el séparément à l'homme du ciel mais pour nous qui étions morts
,

ce qui convient à l'homme seul, il faudrait par la désobéissance d'Adam. )>

conséquemment ajouter une quatrième per- Ensuite, pour rétracter aussi en quelque
sonne à la Trinité, et admettre deux Fils de manière les mauvais sentiments qu'il avait
Dieu et deux Christs, ce que nous prions eus sur les forces du libre arbitre, il attribue
Dieu d'éloigner de notre esprit. Nous confes- sa conversion à la grâce de Dieu. « Voilà,
sons donc que notre Seigneur et Dieu Jésus- dit-il '*, quelle est notre foi. Voilà le change-

1 Cassian., lib. I de Incarnai., cap. iv, pag. 908. Absit ita credere , ut conflatili quodam génère duas
2 Tom. I oper. Sirmond., pag. 245. naturas in unam arbitremur esse redactas substaniiam.
^ Dicere verebamur de Maria Deurn natum; nunc Hujusmodi enim commixtio partis utriusque corrupiio
constantissime confitemur nec homo propter nos est...Nec al ter Deus, aller homo, sed idem ipse Deus
factus ut ederetur ex homine indignum habuit;
, qui et homo, et vicissim homo qui et Deus Jésus Chris-
quia nec ipsam hominem facere de qua homo nas- tus, unus Dei Filius, el nuncupetur et vere sit... Non
cereiur, duxit indignum. Si ergo minime percipientes Deus Pater homo factus est, nec Spiritus Sanctus, sed
hanc potentiam Dei sensu nosiro et propria ratione
, Unigenilus Putris. Ideoque una personu uccipienda est
sapientes, ut quasi inferiora se Deus agere videatur, carnis et Verbi... Quapropter jarn non pertimescimus
ita hominem cum Deo natum esse dicamus, ut seorsum dicere, secundum Deum, et ex homine natum Deum,
quœ Dei sunt soli Deo demus, et seorsum quœ sunt ho- secundum hominem, Deum passum, Deum mortuum,
minis soli homini reputemus, quartam manifestissime etc.. In hoc maxime fides nostra consistit, ut creda-
inducimus iîi Trinitatc personam. Et de uno Fi/io Dei mus unicum Filiu7n Dei non adoptivum, sed proprium;
non unum , sed facere incipimus duos Christos quod ,
non phantasticum , sed verum; fion temporarium, sed
a nobis ipse Dominus
Deus Christus avertat. Ergo
et œternum, pio nobis 07nnia secundum carnem fuisse
confitemur Dominum ac Deum nostrum Jesum Chris- perpessum, et non sibi agonizasse, sed tiobis. LeporiuSj
tum, unicum Filium Dei, quiante sœcula natus ex Pâ- libello emeud., tom. I oper. Sirmond., pag. 348 et
tre est, 7iovissimo tempore de Spiritu Suncto et Maria seq.
semper Virgine factum hominem Deum tiatmn. Etcon- Hœc fides nosti'a et hœc mutatio dexterœ Excelsi
'-

fitentes utramque substantiatn carnis et Verbi , unum in emendatione meliori. Sic credimus, sic lenemus, et
eumdemque Deum atque hominem inseparabiiem pia fi- hoc noii ex nobis. Dei enim donum est. Non ex merito
dei credulitate suscipimus... Non tamen quia incar- propriœ sapientiœ , ut non gloriemur in nobis. Jam
natus dicitur et imtnixtus, diminutio ejus est acci- pridem quidem creati in Christo; at nunc iterum par-
pienda substantiœ. Novit enim Deus sine sui corrup- turientibus nos in luce apostolicis viris, in eodem re-
tione misceri , et tamen in veritate misceri. Non ergo paraît. Ipsi ergo honor semper et gloria. De eo autem
dubitamus Deum hominemque commixtum.et tali con- quod stultissirne in epistolaprûposuimus,quodque nunc
fusione carnis et Verbi quasi aliquod corpus effectum. execrabile confitemur, id est, apta7ites ad Christu/n la-
[iv ET Y'- SIÈCLES.] CHAPITRE XVII. — LÉPOIIIUS D'HIPPONE. 235

ment et la conversion qu'il a plu au Très- pas pour le ne le sait pas, dit-il
révéler? Il

Haut d'opérer eu nous. C'est là ce que nous encore,, parce qu'il fait en sorte que ses apô-
croyons. C'est là ce que nous suivons par la tres l'ignorent; c'est-à-dire, qu'encore qu'il le
miséricorde de Dieu, el non par le mérite de sût, il ne le savait pas néanmoins pour le dé-

notre propre sagesse, afin que nous ne nous couvrir alors, de même que Dieu dit à Abra-
glorifions pas eu nous-mêmes car nous: hom : C'est maintenant que je connais que vous
sommes l'ouvrage de Dieu. Après que nous craignez le Seigneur, c'est-à-dire que je vous
avons été créés autrefois en J.-C, maintenant l'ai fait connaître à vous-même, parce qu'é-
des hommes apostoliques nous y régénèrent tant éprouvé par cette tentation, il reconnut
de nouveau parla lumière de la vérité. Qu'on ce qu'il était, et quelle était la disposition de
lui rende donc toujours la gloire et l'hon- son âme à l'égard de Dieu. » Léporius ^ in-
neur. » Il rétracte aussi ce qu'il avait dit, que fère de ces paroles : Mon Dieu , mon Dieu,
Jésus-Christ avait acquis la gloire par sou pourquoi m'avez-vous abandonné, qu'il était
travail etpar ses bonnes œuvres, et se re- nécessaire que non-seulement l'âme de Jé-
pent de l'avoir fait presque semblable à cha- sus-Christ abandonnât son corps pour un
cun des saints, et de l'avoir mis en quelque temps, mais qu'il fût encore abandonné de
façon au rang des simples mortels, lui qui Dieu pendant les trois jours qu'il demeura
est Dieu au-dessus de tout, et qui n'a pas dans le tombeau; ce qu'il entend apparem-
reçu l'esprit par mesure. Ensuite il ajoute : ment non d'une séparation de substance, mais
III, 3*-
« ]\ous condamnons encore ce que nous de vertu, c'est-à-dire que le Verbe ayant
avons dit, que Jésus-Christ a soutfert sans pu garantir son corps de la mort, ne l'en a
aucun secours de la divinité, par la seule point garanti. II veut que l'on distingue trois
force de la nature humaine, voulant entière- personnes en Dieu * avec toutes leurs pro-
ment éloigner les soutlVances du Verbe di- priétés, le Père, le Fils et le Saint-Esprit,
en
vin, et que Jésus -Christ, comme homme, donnant à chacune des personnes le nom de
ignorait quelque chose; il n'est pas permis Dieu, non que ce soient trois dieux, mais un
de le dire du Seigneur des prophètes. » En seul Dieu parfait dans la trinilé de sa toute-
cela Léporius s'éloigne du sentiment de plu- puissance. Enfin, pour ne point descendre
sieurs Pères de l'EgUse, qui ont cru que Jé- dans le détail de toutes les autres proposi-
sus-Christ, comme homme, pouvait avoir tions qu'il avait avancées, il déclare qu'il
ignoré • jour du dernier jugement; mais
le s'en tient à la foi de l'Eglise catholique, et
il suivait celui de saint Augustin, qui pensait dit anathème à Photin, à Arius, à SabeUius,
en effet que une injure au sou-
c'était faire Euuomius, Valenlin, Apollinaire, Manès, et
verain Juge, de dire que le jour du jugement à tous les autres hérétiques. Il reconnaît que
dernier lui fut caché. « Qu'y a-t-il, dit ce ce n'est pas l'homme seul, mais Dieu par
Père 2, de si caché, que ce qui l'a été au l'homme et dans l'homme, qui, par sa puis-
juge même, non qu'il n'eu eût point la con- sance et par le mystère de la divine dispen-
naissance, mais parce qu'il ne la connaissait sation, a soufierl et fait toutes les autres cho-

borem, devotionem, meritum, fidem , in tantum incon- Deum. Id est, nunc feci ut cognosceres, quia et ipse sibi
venientia hœc Dei Filio judicamus , ul reminiscentes in illa tentatione probatus , innotuit. August., lib. I
dictum a nobis, summam cœcitatem nostrœ insipieiiiice de Trinit., cap. xu, tom. VIII, pag. 764.
reputemus... Nescil labore, dévot ione, fide, merilo, 3 Clamavit ergo... et relut carnis ipsius voce utens,
fi-
nem apprehendere meritorum, qui infinitus et sine ter- ponens prœteritum pro futuro, quia per mortem crucis
minis agit omnia potestate. Ibid., pag. 353 et seq. necessario terrenum corpus erat a Deopro tempore re-
' Ut autem et hinc nihil cuiquam in suspicione de- linquendum, non solum a Deo, verum etiam ab anima
rclinquam, immo ad objecta respondi , Dominum nos- sua, quœ erat unita cum Deo. Ibid., pag. 353.
frum Jesum Chris tum secundum hominem ignorare. Aon ipsum Patrem d'cimus esse, quem Filium; nec
*

Sednunc non solum dicerenon prœsumo, verum etiam iterumeumdem Filium dicimus esse quem Patrem; aut
priorem anathnmatizo prolatam in hac parte senten' rursus Spiritum Sanctum Patrem tel Filium nuncu-
tiam; quia d ici non licet etiam secundum hominem
, pamus. Sed distinguentes personas in suis propricta-
ignorasse Dominum prophetarum. Ibid., pag. 356. tibus, Patrem Deum, Patrem proprie nominamus; el
* Quid tam occu/lum quam id quod etiam ipsi Ju- Filium Deum, Filium proprie dicimus ; et Spiritum
dici occullum esse diclum est, tion ad cognoscendum, Sanctum Deum , Spiritum Sanctum proprie confitemur.
sed ad prodendum? August., in Psal. ix, tom. IV, Et cum ter numéro dicimus Deum, et Deum, et Deum,
pag. 58. Hoc enim nescit quod nescientes facit, id est, non très credimus Deos, sed unum in omnipotentiœ suœ
quod non ita sciebai ut tune discipulis indicaret, sicut irinitate perfectum.lhid., pag. 850.
dictum est ad Abraham : Nunc cognovi quod times
236 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEUEIS ECCLÉSIASTIQUES.
ses * qui nous paraissent indignes de Dieu. de la Patrologielatine de M. Migne.] Il y a
Quoique cette rétractation
adressée ne soit un endroit ^ dans cette lettre où Léporius
qu'à Proculus et à Cylinnius, Cassicn - ne semble se mettre au rang des prêtres; mais
laisse pas de dire que Léporius l'adressa à le Père Garnier l'a corrigé ^ sur un ancien
toutes les Eglises des Gaules, apparemment manuscrit. Il ne prend point cette qualité
parce qu'il l'écrivit dans le dessein qu'elle y dans la souscription desnBétractafion, et les
reçue avec une
fût publiée partout; elle fut évêques d'Afrique, en parlant de lui à ceux
estime générale, et on trouve^ que Léporius des Gaules, ne lui donnent point d'autres
n'était guère moins admirable dans la rétrac- qualités que celle de fils.
tation de ses erreurs, que beaucoup d'autres o. On ne doute point que cette lettre ^ des
dans de la foi. Rien, en etïet, n'est
l'intégrité évêques d'Afrique ne soit de saint Augustin.
plus humble que celte pièce; l'auteur y an- Elle est, comme nous l'avons déjà dit, adres-
nonce avec simplicité tous ses égarements, sée à Proculus et à Cylinnius, les mêmes
et seml)le plutôt vouloir exagérer ses fautes auxquels Léporius adressa sa rétractation.
que les diminuer, ne s'excusant ordinaire- Saint Augustin, tant en son nom qu'en celui
ment d'avoir pris la défense de l'erreur que d'Aurèle de Carthage, de Florent et de Se-
parce qu'il ne connaissait pas la vérité. Cas- condin, prie ces deux évêques de recevoir
sien en rapporte * divers endroits contre les Léporius pénitent, et à qui Dieu avait fait la
nestoriens, pour leur apprendre et la doc- grâce de revenir de ses erreurs. « Nous som-
trine qu'ils devaient suivre^ et la manière mes obligés, leur dit-il, de reconnaître que
dont ils devaient se repentir de leurs er- nous ne serions peut-être pas venus si heu-
reurs. Le pape Jean II ^, dans sa lettre à reusement à bout de le ramener, si vous ne
Aviénus, écrite vers l'an 532, cite la lettre l'aviez humilié en condamnant ses erreurs.
de Léporius aux évêques des Gaules, et dit Nous voyons donc dans ce qu'il a plu à Dieu
qu'elle fut confirmée, non- seulement par de faire à son égai'd, l'accomplissement de
Aurèle de Carlbage et par saint Augustin ,
cette parole de l'Ecriture C'est moi qui frap-
:

mais encore par un concile d'Afrique. Elle perai, et c'est moi qui guérirai ; car les minis-
est encore ^ citée par Facundus et par Gen- tres de l'Eglise ne sont que comme des ins-
nade; mais le concile de Clialcédoine, Théo- truments entre les mains de Jésus-Christ.
doret et saint Léon qui la citent aussi, l'at- Par vous, ce souverain médecin de nos
tribuent à saint Augustin, dont elle a en ef- âmes a ouvert l'abcès, et par nous il a guéri
fet le style; aussi Léporius, en y souscrivant, l'incision que vous aviez été obligés de faire.
se contente dédire qu'elle contenait ses sen- Ce grand économe de la maison de son Père,
timents et sa foi, qu'il espérait, avec la grâce s'est servi de vous pour démolir ce qu'il y
de Dieu, tenir jusqu'à la fin de sa vie. Cette avait de mal construit, et de nous pour ré-
lettre ou ^eV^'ac^af/on fut imprimée à Paris, en tablir les ruines. Enfin ce divin jardinier,
1630, avec les opuscules de Capréolus et de après avoir arraché par vous les plantes sté-
quelques autres, par les soins du Père Sir- riles et en a replanté par nous
nuisibles,
mond, en un volume in-S^-On l'inséra depuis d'utiles et de fécondes. Ainsi c'est à sami-
dans les Conciles du Louvre et du Père Labbe, séricorde, et non pas à nous que nous de-
et dans le seplième tome de la Bibliothèque vons donner la gloire de ce qui s'est fait,
des Pères, à Lyon; on la trouve dans le Mer- puisqu'il tient dans sa main et nos paroles
cator du Père Garnier, et dans le recueil des et nous-mêmes, pour en faire ce qu'il lui
œuvres du Père Sirmond, à Paris, en 1696. plait. Comme donc nous l'avons loué de ce

[On le trouve aussi dans Mansi, tome IV; qu'il lui a plu de faire envers Léporius par

dans Galland, tome IX; dans le tome XXXI le ministère de votre sainteté, rendez-lui

• In hoc utique haud dubie in se susceperat totum 5 Tom. IV Concil., pag. 1753.
hominem Deus. Ut hœc, quœ nos ianquam Deo puta- ^ Facund., lib. I ad Justinian., cap. iv Gennad., de
;

mus indigna, non per se solus homo ageret judicio na- Script. Eccles., cap. Lix, tom. IV Concil., pag. 665;
turali, sed Deus per hominem, aique in homine ipse Léo, Epist. 134; Theod., Dialog. 2, pag. 708.
homo nubis factus, polestate et mystei'io divinœ dispen- ''
Ab omnibus consacerdotibus meis. Pag. 347.
saiionis impleret. Ibid., pag. 354. * A Patribus mets, consacerdotibus et fratribus ves-
*CassiaD., lib. Ide Incarnat., cap. iv, pag. 908. tris. Ibid.
3 Idem, ibid. 9 Tom. I oper. Sirmond., pag. 357.
* Idem, ibid., cap. v, pag. 909.
[IV* ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XVII. — LEPORIUS D'HIPPONE. â3t

grâces aussi de ce qu'il lui a plu de faire par née 410. On pourrait objecter ce que dit
le nôtre envers le même Léporius, et main- saint Augustin^ dans le livre de la Cort^ection
tenant qu'il est corrigé par la sévérité cha- et de la Grâce, fait vers l'an 427, qu'alors il

ritable que nous avons eue pour lui, rece- n'avait point encore ouï parler de l'erreur
vez-le avec la tendresse que vous lui devez, nestorienne, qu'il fit toutefois rétracter à
etcomme ses frères et comme ses pères. Léporius; mais tout ce que l'on peut inférer
Comme sa pénitence nous a obligé de le re- de là, n'est pas que Léporius n'ait rétracté
cevoir, sa profession de foi que nous avons longtemps auparavant une erreur semblable
certifiée véritable par nos souscriptions,, vous à celle de Nestorius, mais seulement que ce
doit obliger de faire la même grâce. Père ne savait pas, en 427, si Nestorius en-
6. nouvelle édition des œuvres de
Dans la seignait la même erreur sur l'Incarnation,
saint Augustin, on a mis cette lettre vers que Léporius avait enseignée auparavant.
l'au 427, ce qui engagerait à rapporter au D'autres répondent qu'il faut distinguer le
même temps de Léporius, n'y
la Rétractation moine Léporius, chassé des Gaules, d'avec
ayant point de doute qu'elle n'ait été en- Léporius, prêtre d'Hippone, dès l'an 423 ;

voyée aussitôt que. Léporius l'eut faite; mais mais Gennade *, Cassien et saint Augustin
il faut remarquer que la lettre des évéques n'ont connu qu'un Léporius, qui était moine
d'Afrique est adressée à Proculus, évêque et prêtre. Si ce saint évêque avait eu dans
de Marseille, et que c'est aussi à lui que Lé- son clergé deux prêtres du nom de Léporius,
porius adresse sa Rêlractation. Or, Proculus n'en aurait-il pas fait la distinction dans ce
ne en l'an 427 il était mort dès
vivait plus ; discours où il en fait l'éloge?
l'an 419 ', ou du moins il n'était plus évo- 7. 11 faut donc dire que Léporius ayant
Lpporioî
que, ayant été déposé par le pape Zosime réfracté ses erreurs, donné des preuves est fa II prêtre.
Ses éirils.
dès l'année précédente, comme on le voit d'une sincère conversion et d'une vraie pé-
par la lettre de ce Pape au clergé de Mar- nitence, fut reçu dans le clergé dHippone,
seille, datée du o mars 418. On ne peut donc et élevé ensuite à la dignité de prêtre. Il

mettre plus tard qu'en cette année la lettre avait renoncé à tous ses biens avant de sor-
des évèques d'Afrique, ni la Rétractation de tir de sa patrie, ce qui fait dire à saint Au-
Léporius. Ce qui prouve encore la fausseté gustin qu'il l'avait reçu pauvre. Léporius vi-
de l'époque que l'on a donnée à cette lettre, vait encore dans le temps que Cassien écri-
c'est qu'il n'y est rien dit du sacerdoce de vait ^ contre Nestorius, c'est-à-dire vers 429.

Léporius, au lieu que saint Augustin dans Gennade, qui l'a mis au rang des auteurs ec-
son trois cent-cinquante-sixième discours, clésiastiques, ne parle que de sa Rétractation.
faitau commencement de l'an 423, dit net- C'est en eliet le seul de ses écrits qui méri-
tement qu'il était prêtre; mais si l'on ne peut tait d'être transmis à la postérité. 11 avait
mettre sa Rétractation plus tard qu'en 418, on écrit, étant encore dans l'erreur, une lettre ®
ne peut la mettre avant l'an 410, ni même pour la soutenir. La honte qu'il en eut lui
avant l'an 413; car nous avons remarqué faisait souhaiter qu'elle tombât dans un éter-

que Cassien, qui ne vint dans les Gaules que nel oubli. Nous ne l'avons plus. Il parle d'un
vers l'an 413, reprit Léporius - de ses er- autre écrit oîi il répondait " aux objections
reurs avant qu'il les eût rétractées, et que, de ses adversaires, et où il faisait l'apolo-
selon le même auteur, l'hérésie de Léporius gie de sa doctrine. Il n'est pas venu jusqu'à
venait de celle de Pelage, que cet hérésiar- nous.
que ne répandit publiquement que vers l'an-

' Voyez tom. VII, pag. 537. 336, nuna. 10. — ^ Cassian., lib. I de Incarnat., cap.
*Casiian., ILb. de Incarnai., cap. m, pag. 906.
I IV, pag. 908.
* August., lib. de Correct, et gratta, cap. XI. 6 Lepor.jtom. I oper. Sirmond., pag. 348, 334.
* Geiinad. , de Script. Eccles., cap. lix; Cassian. '
Ad objecta respondi. Pag. 356.
lib. \de Incarnat., cap. iv, pag. 908; August., Serm
ââ8 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.

CHAPITRE XVIII.

Acace, évêque de Bérée en Syrie [en 434], Paul d'Emèse [après l'an 436],
Jean d'Antioche [en 444].

1. Acace de Bérée, dont la conduite iné- on met Acace. Cette dignité ne changea rien
gale dans les affaires de l'Eglise a fait varier à la manière de vie dans laquelle il avait été

les jugements que les anciens écrivains ont élevé Acace sut joindre les exercices de la
,

portés de lui, pouvait être né vers l'an 322, vie régulière avec les soins et les travaux de
puisqu'en 401 ou -402 on lui donnait envi-
,
* l'épiscopat.

î'on 80 ans. Dès son enfraice, il fut élevé 4. Il assista à divers conciles ^ nommé-
dans un monastère ^ qu'Astérius avait établi ment à celui de Constantinople ^ en 38i, et Kome.

proche du bourg de Gendares, dans le terri- il eut beaucoup de part à l'ordination


de Fla-
toire d'Antioche. Il devint lui-même dans la vien *", qui fut placé sur le siège d'Antioche
suite supérieur d'un monastère aux environs peu après la tenue de ce concile. Comme

de Bérée et de Chalcide, et fut élevé cà la di- cette ordination ne plut point aux Occiden-
gnité du sacerdoce. Son mérite le fil choisir, taux, ni même à plusieurs évêques d'Orient,
en 371, pour aller ^ prier saint Julien Sabas Acace fut blâmé de l'avoir procurée, et les
de venir à Antioche prêter secours à cette évêques d'Occident furent plusieurs années
Eglise persécutée par Valens; et comme ce sans vouloir communiquer avec lui ni avec ,

prince fit aussi ressentir les effets de sa fu- Diodore de Tarse, quj s'en était aussi mêlé.
reur à l'Eglise de Bérée elle députa * en- ,
Ce ne fut que vers l'an 392 que les évêques
core Acace à saint Basile pour en recevoir d'Occident, assemblés à Capoue, rendirent
quelque consolation. Quelques années après, leur communion cà ceux du parti de Flavien.
Acace reçut la visite de saint Epiphane et ,
Six ans après, c'est-à-dire en 398, saint Chry-
ce fut lui, avec l'abbé Paul, qui engagea ce sostôme ayant été fait évêque de Constanti-
saint évêque à écrire un ouvrage contre les nople, Acace fut chargé de porter au pape
hérétiques intitulé Panarium. La lettre que
,
Sirice le décret de son élection ", et de tra-

ces deux abbés lui écrivirent à cet efi'et, est vailler à l'entier rétablissement de la paix

de l'an 374. Nous l'avons encore. dans l'Eglise. Il y réussit, et rapporta des
2. Le monastère d'Acace et de Paul ayant lettres de communion de la part du Pape
été pillé en 376, et réduit en cendres, saint pour Flavien.
Basile ^ leur écrivit pour leur témoigner sa 5. Mais il ne jouit pas longtemps de l'hon-

joie de leurs souffrances, témoignant qu'il neur qu'il s'était acquis dans cette commis-
les eut reçus avec une extrême joie s'ils , sion. Il se joignit à Théophile dans les per-
eussent voulu se retirer chez lui, ainsi qu'il sécutions qu'il excita contre saint Chrysos-
l'avait espéré. L'année suivante, Acace vintù tôme assista au conciliabule '- du Chêne,
,

Rome S où il défendit la vérité des deux na- et n'omit rien de ce qui dépendait de lui pour
tures en Jésus -Christ en présence du pape faire déposer le saint évêque, et le chasser
Damase contre l'hérésie d'ApoUinaire. de Constantinople on attribue à ses instan-
;

3. On ne sait point précisément le temps ces •^ et à son or massacre


la violence et le
n est fait
auquel il fut choisi évêque de Bérée;
mais qui se fît la nuit de Pâques dans le sacré
baptistère de cette église et ce furent ses
on sait que saint Eusèbe, de retour de son exil ,

sur la fin de l'an 378 ', donna divers évê- clercs qui y conduisirent les soldats. Acace
la tète desquels se joignit '* aussi à ceux qui écrivirent au
ques aux Eglises de Syrie, à

» Lupus, Epist. 17, pag. 51. «Lupus, £/)w^ 17, pag. ol.
Theodoret., V, cap. vni.
Theodoret., VU. Pair., cap. n et iv.
9 lib.
«

» Theodoret, lib. IV Hist.. cap. xxvn.


10 Sozom., lib. VII, cap. xi.
^ Basil., Epist. 220. — ^ Basil., Epist. 356. " Theodoret., hb. V Hist., cap. xxin.
12 Tom. II Concil.) pag. 1324.
6 Lupus, Epist. 57, pag. 136.
'>
Theodoret., lib. V Hist., cap. iv.
13 Palldd., ia Dialogo, cap. ix. — !'•
Ibid.
[n* ET V* SIÈCLES.] chapithe XVIII. _ agace de bérée, paul d'émèse. 239
pape Innocent pour rendre conpable saint user de condescendance , il voulut que saint
(Jhrysostùme d'avoir mis le feu à l'église de
,
Cyrille commençât par condamner ses douze
Constantiuople. C'était en 404. anathématismes.
6. La même année, il se couvrit d'un nou-
I ordonne 8. Cependant il proposa que deux ou trois
phyreévè- Il procure
< d'Anlio- vel opprobre en donnant pour successeur à des Orientaux allassent à Alexandrie pour la paix de
. en 404. l'F.glise, ea
Flavien, dans l'évèchc d'Anlioche, un nommé 433.
s'assurer mieux des sentiments de saint Cy-
Porphyre, homme indigne de l'épiscopat. 11 rille. Paul d'Emèse, le même qui avait sous-
l'ordonna en secret ', contre les formes de crit pour Acace au concile d'Ephèse, fut dé-
l'Eglise et la volonté du peuple. Ce procédé, puté à cet effet par Jean d'Antioche et par
avec la persécution de saint Chrysostôme, Acace. Il présenta à saint Cyrille une Expo-
tit priver une seconde fois Acace de la com- sition de foi catholique
^ dans laquelle on
munion avec romaine, et elle ne lui
l'Eglise marquait l'union des deux natures en Jésus-
fut rendue qu'en 414, en considération d'A-
Christ sans confusion. Saint Cyrille la reçut,
lexandre, successeur de Porphyre, et à de et alors ces deux évêques convinrent, pour
certaines conditionsmarquées dans un mé- procurer paix universelle aux Eghses et
la
moire dressé pour cela. Ce mémoire était ôter les scandales, de tenir pour déposé Nes-
adressé à Alexandre; mais le Pape écrivit torius jadis évêque de Constantiuople. Ils
,

aussi à Acace pour répondre à la lettre qu'il


anathématisèrent ses mauvaises et profanes
avait regue de lui, avec celle d'Alexandre. nouveautés de paroles, approuvèrent l'ordi-
semble
7. Lorsque Nestorius commença à répan- nation de Maximien
Il
et déclarèrent qu'ils ,

t
briser Nes-
us , vers
dre ses erreurs vers l'an 430, saint Cyrille -
étaient dans la communion de tous les évê-
«30.
Il
en écrivit à Acace pour lui témoigner ques du monde qui gardent et enseignent la
combien il était sensible à ce grand scandale. foi pure et orthodoxe. La paix fut
ainsi réta-
Il insistait particuhèrement sur l'anathème blie. Jean d'Antioche en aj^ant eu
la nou-
prononcé par Dorothée contre ceux qui velle, l'écrivit
,
â tous les évêques d'Orient;
nommaient la Vierge Mère de Dieu. Acace, au commencement de l'an 433. Acace
c'était
dans sa réponse loua le zèle, de saint Cyrille, - de Bérée vivait encore et on croit qu'il ne ,

et approuva sa doctrine; mais il ne voulut


mourut que vers l'année 434 ^, après cin-
condamner ni Nestorius, ni l'anathème pro- quante-huit ans d'épiscopat, dans un âge
noncé par Dorothée , se contentant d'exhor- très-avancé.
ter saint Cyrille à procurer la paix. Il écrivit 9. Il ne nous reste que quelques lettres
dans les mêmes termes au concile d'Ephèse ^, d'Acace de Bérée \ dont la première » lui est
Lettres
d'Acace de
Bérée à saint
où il ne put se trouver à cause de son grand commune avec Paul abbé et prêtre comme Epifhaae.
,

âge. Il témoignait môme dans cette lettre * lui d'un monastère qui n'était
pas loin de
ne pas approuver les anathématismes de Bérée et de Chalcide. La visite de saint Epi-
saint Cyrille
contre Nestorius , marquant phane leur avait fait tant de plaisir, qu'ils
qu'ilsavaient quelque chose de l'hérésie souhaitaient ardemment
avoir de lui quelque
d'ApolUnaire de quoi les Orientaux oppo-
; écrit, et en avait lui-même, sans penser,
il
sés à ces anathématismes, ne y
manquèrent pas proposé la matière, en leur apprenant les
de avantage. Saint Cyrille ayant reçu
tirer noms des diverses
hérésies qui ont atta-
la lettre d'Acace, y fit une réponse qué
dans la- l'Eglise;prièrent de leur apprendre
ils le
quelle il anathématisait Apollinaire , et re- aussi quels avaient été les dogmes et
les er-
connaissait nettement deux natures en Jésus- reurs de chaque secte, et chargèrent de
leur
Christ. Acace en fut content, et envo^-a celte lettre un nommé Marcel, à qui la
grande ré-
lettre à Alexandre de Hiéraple, et à Théodo- putation de saint Epiphane avait inspiré le
ret. Celui-ci en approuva la doctrine; mais désir de l'aller voir. Cette lettre eut son effet,
l'aulrecroyant y voir les mêmes erreurs dont et ce fut pour les contenter que ce saint évê-
samt Cyrille était accusé, la rejeta, et soute- que composa son grand ouvrage contre les
nant qu'en matière de foi on ne doit point
ne fut achevé que vers l'an 376.
Hérésies, qui

' Pallad., in Diatogo, cap. xv. ^ Le tome


LXXVII de la Patrologie grecque contient
* Toiu. mConcil., pag. 379, 386.
une notice sur Acace, tirée de l'Oriens christiantis
' Ibid., pag. 721.-4 Lupus, Epist. 17, pag. 51. et
l'indication des lettres d'Acace qui se trouvent
» Toiû. I Conçu. Balus., pag. 589 et 712. et
Lupus, parmi les ceu\Tes de saint Cyrille d'Alexandrie.
Efjist. 17, pag. 51. (LV-
clileur.)
« Théodore»., Vit. Pair., cap. u.
« Tom. I oper. Epiphan., pag. 1.
,

240 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


Lettres 10. Nous ii'avons plus la lettre qu'Acace *
dans la lettre qu'il écrivit après la fin de ce Alexandre d
""'"'"
saint cyri:ie. éciivit au pape Innocent pour lui témoigner concile, à .\lexandre de Hiéraple, et il paraît
sa joie de la réunion des eustathiens , et son y ajouter foi * à ce que Jean d'Antioche,
amour pour la paix; mais on nous a con- Théodoret et .Alexandi-e d'Apamée, et quel-
servé la réponse - qu'il fil à saint Cyrille ques autres évéques qui l'étaient venu voir
d'Alexandrie en 430, au sujet des nouvelles au retour d Ephèse lui avaient dit des intri-
,

erreurs de Nestorius, et de l'anathème pro- gues de saint Cyrille, et en particulier que,


noncé par Dorothée contre ceux qui don- , lorsque sa déposition et celle de Memnon
naient à la sainte Vierge le titre de Mère venait d'être confirmée et qu'on était déjà ,

de Dieu. Il fait voir par l'exemple d'Apol- convenu de la faire publier par tout l'empire,
linaire, qui s'était perdu en se confiant en sa il avait fait distribuer beaucoup d'or et de H™
science, et par ce que dit saint Basile, que présents par Paul, son neveu, à l'eunuque
les grands mystères sont incompréhensibles Scholastique, mort bientôt après, et à d'au-
aux anges, et qu'on doit les honorer par le tres, et que par là il avait accablé la vérité.
silence combien il est dangereux d'en me-
, Acace semble dire néanmoins dans la même
surer la profondeur sur la sagesse et l'intel- lettre que ce furent les moines venus en
,

ligence humaine. Ensui'.e que plusieurs il dit grand nombre à Chalcédoine qui portèrent ,

personnes de Constantinople, tant clercs que Théodose à se déclarerpour le concile. Il re-


la'iques, excusaient même la parole de Do- proche encore à saint Cyrille qu'ayant trouvé
rothée croyant que dans un sens il pouvait
,
une occasion favorable, il s'était échappé de
n'être pas contraire à la foi apostolique ni à ses gardes et enfui d'Ephèse. Dans une au-
celle de la consubstanlialité établie à Nicée tre lettre ^ à Alexandre de Hiéraple, il lui
et reçue dans toute l'Eglise, comme il était marque qu'il avait reçu une lettre du Pape,
arrivé autrefois à Paulin d'Antioche , traité et trois ou quatre de l'évêque d'Alexandrie.
d'hérétique par les Orientaux, parce qu'il ne Il y avoue que dans celle qu'il avait écrite

voulait pas reconnaître les trois subsistances à l'empereur, il avait traité Cyrille d'héréti-
ou hypostases de la Trinité quoique tout le ,
que.
clitierend ne consistât que dans l'expression; 13. Quelque temps auparavant les Orien- Lettwi
^"' ^
qu'il eût donc été bon d'étouffer d'abord cette taux, pressés par Théodose de travaiUer à la
parole et qu'il espère que saint Cyrille em-
, paix , s'étaient assemblés à Bérée auprès
ploiera sa charité pour l'Eglise, son autorité d' Acace. Ils le portèrent à écrire à saint Cy-
et sa prudence pour mettre fin aux troubles rille pour lui faire des propositions ^. Aris-
,

que Dorothée avait occasionnés. 11 ajoute : tolaiis futchargé de porter la lettre d' Acace ^
« J'ai fait lire votre lettre à Jean d'Antioche, avec l'acte de proposition approuvé par les
qui en a été fort touché; quoiqu'élevé depuis Orientaux qui y avaient joint la lettre de
,

peu à l'épiscopat , il pense comme nous au- saint Athanase à Epictète, qu'ils disaient
tres Aieillards, et se conduit si sagement, que vouloir suivre. Saint Cyrille reçut * avec joie
tous les évéques d'Orient en ont une grande cette lettre de saint Athanase; mais il trouva
estime. » les propositions des Orientaux si déraison-

Letlre au
11. La lettre qu'Acace
^ avait écrite h l'em- nables qu'il ne voulut point ^ les accepter,
,

concile d'E-
ou a
percur, ou, selon d'autres, aux Pères assem-
-i ' ' '
d'autantqu'il les avait déjà refusées à Ephèse.
Fhese
^^^^ ^ Ephèse, n'cst pasvenue jusqu'à nous; Il refusa surtout d'abandonner ses écrits
'"^
jiue'Î!sr"e'r-
''"'•
mais nous savons ^ qu'il les y excitait à ai- quelques instances qu'Aristolaùs lui en fit de
mer et à rechercher tout ce qui pouvait con- la part de l'empereur. Il récrivit donc *' à
tribuer au rétablissement de la paix, et qu'il Acace non par Aristolaûs mais par un of-
, ,

n'y parlait pas avantageusement de la doc- ficier nommé Maxime que n'ayant rien ,

trine de saint Cyrille, ni de ses anathéma- écrit que de très -conforme à la foi et à la

tismes. doctrine de l'Eglise il n'en rétractei'ait ja-


,

Lettre i i2. Il ue parle pas mieux de sa personne mais aucune chose que de condamner ce ;

'
> Voy. tom. VIF, pag. 316. Append. Concil., pag. 736.
2 Balus., loin. I Concil., pag. 440.
s Appeud. Concil., pag. 736 et 783.
3 Tom. III Concil., pag. 722, et Lupus, Episi. 17, 9 Tom. III Concil., pag. 1131.

pag. 51. — * Lupus, Epist. 41, pag. 109. 1° Append. Concil., pag. 907.
5 Lupus, Epist. 35, pag. 128.
11 Tom. III Concil., pag. 1151, 1114.
« CyriL, Epist. 132.
[iv« ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XVIII. — AGACE DE BÉHÉE, PAUL D'ÉMÈSE. 241

qu'il avait écrit contre l'hérésie de Nestorius, à Paul d'Emèse d'y agir en son nom; d'où
ce serait s'interdire dans la suite la liberté l'on conjecture qu'il pouvait bien lui avoir
delà combattre; qu'au reste, il révérait le mis en main la lettre qu'il écrivit au con-
symbole de ^'icée dans toutes ses parties, et cile '', où il exhortait tout le monde à l'u-
anathématisait Arius, Eunomius et Apolli- nion et à la mais en se déclarant con-
paix ,

naire, tre les anathématismes de saint Cyrille. Cette


cofessiun
^^- Nous avons, sous le nom d'Acace, une lettre futportée d'abord à l'empereur, qui
SJ°iAM«! Confession de foi ', mais seulement en latin , l'envoya ensuite au concile. Paul arriva à
d'une traduction très-ancienne. Comme saint Ephèse sur la fin de juin, avec Jean d'Au-
Cyrilley est appelé de sainte mémoire ^, tioche et plusieurs autres évêques d'Orient.
c'est une preuve qu'elle n'est point d'Acace Ilfut du nombre'^ des huit députés qu'ils en-
de Bérée, n'y ayant aucune apparence que voyèrent à l'empereur. Il parait qu'il se ren-
cet évêque qui , en 437, était extrêmement contra à Bérée, en 432, lorsque Maxime, en-
vieux, ait survécu ù saint Cyrille, mort en voyé par Aristolaùs, y apporta la lettre de
444 elle regarde principalement les mys-
; saint Cyrille; comme il sembla l'approuver,
tères de la Trinité et de l'Incarnation ; ce qui et qu'il avait d'ailleurs beaucoup de zèle pour
fait juger qu'elle a été faite dans un temps la paix ^, une grande connaissance des af-
où il y avait des disputes sur ce sujet entre faires de l'Eglise beaucoup d'adi'esse pour
,

ceux mêmes que l'on regardait comme ca- manier une encore plus de religion
affaire, et
tholiques. Ainsi elle pourrait être de quel-
, et de piété, Acace et Jean d'Antioche le dé-
qu'un des Orientaux car l'auteur ne parait
: putèrent à saint Cyrille, pour discuter toutes
point vouloir suivre saint Cyrille; il lui sem- choses de vive voix avec lui. Saint Cyrille le
ble mêmed'abord opposé , déclarant que recrut très-bien, charmé ^ qu'on eût choisi un
Dieu est impassible et incapable de souffrir, homme comme lui pour être le médiateur
soit en sa substance soit en quelqu'autre , de la paix. Paul lui présenta ^^ la Profession
chose que ce soit quoique dans la suite il
,
de foi qu'il avaitapportée, en l'assurant qu'elle
revienne à la croyance catholique soutenue avait été composée par les évêques dOrient.
par saint Cyrille. Il ne donne point à la sainte Quoiqu'elle ne fût pas aussi forte contre Nes-
Vierge le titre de Mère de Dieu, quoiqu'il re- torius que saint Cyrille l'aurait souhaité, il

connaisse que le Fils de Dieu est né d'elle la reçut comme sa foi propre, et elle lui fit

selon la chair il ne veut pas non plus


; connaitre qu'on n'avait point eu de juste su-
que l'on dise que le Fils ^ procède du Père. jetde se séparer les uns des autres. Il l'ap-
, ..
15. Ou cite encore * deux lettres d'Acace de prouva donc, et donna " aussi par écrit une
i'nsuBi'no!
Bérée écrites toutes les deux peu après l'an déclaration de sa foi à Paul qui la trouva ,

416, l'une à saint Cyrille ^ d'Alexandrie, et conforme à ce que l'Eglise d'Orient avait
l'autre à Atticus de Constantinople; elles toujours cru et enseigné; il lui donna encore

regardaient l'une et l'autre la mémoire de une déclaration de ses anathématismes, et


saint Chrysostôrne qu'il semble qu'Acace
, après que Paul eut condamné Nestorius et
n'honorait pas sincèrement; cela parait sur- déclaré par un acte '- qu'il consentait à sa
tout par la lettre à Atticus, qu'il écrivit de la déposition, à l'ordination de Maximien, qu'il
part de Théodote, successeur de saint Alexan- anathématisait ce que cet hérésiarque avait
dre dans le siège d'Autioche, pour le prier enseigné contre la vérité, il lui accorda la
de lui pardonner ce qu'il avait fait en faveur communion, et lui permit de parler dans
de saint Chrysostôme,ne l'ayant fait que par l'égUse.
nécessité. 17. L'acte de la déclaration de Paul est en
Letii

K
, j^j_
16. Nous avons vu qu'Acace n'ayant pu forme de lettre, adressée à saint Cyrille
' "
pré-
'
p»"),,»
Cyrille.
dÈiDè.e. venir au concile d'Ephèse en 431 , à cause sent '3; Paul y marque comment, en exécu-
de son grand âge, avait donné la commission tion de la lettre du très-religieux et invin-

' Append. Concil, pag. 930, et tom. Conc. Balus., 6 Lupus, Episl. 17, pag. 51, et Epist. 41, p. 109.
pag. 930. ' Concil., pag. 741.
Toin. III
* Ita irjitur credo juxta Cyvillum sanctœ memoriœ. 8 Tom. III Concil., pag. 797.
3 Generationem Filii non dico processionem. Tom. 9 Tom. III Concil., pag. 1106.
Concil. Balus., pag. 931. 10 Pag. 1091 et 1106. — •! Tom. IIl C'o«cj7., p. 1091.
* Voy. ci-dessus, pag. 14. 13 Cyrill., Episl. 32, pag. 101 et 102, et Epist. 40,
» Cyrill., Epist. 56, pag. 202, et Epist.
57, p. 207. pag. 152. — '' Tom III Concil., pag. 1089.

VIII. IG
242 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
cibleempereur, Jeand'Antioche et Acace de manité car les deux natures ont été unies
,
;

Bérée l'ont envoyé vers saint Cyrille, qu'il a c'est pourquoi nous confessons un Christ, un

trouvé disposé à la paix et qui lui a mis en, Fils , un Seigneui'. Suivant l'idée de cette
main un contenant la foi catholique
écrit union, qui s'est faite sans confusion des na-
dans sa pureté, « telle que nous l'avons, dit- tures, nous confessons que la sainte Vierge
dit, reçue de nos anciens, ce qui était le plus est mère de Dieu ,
parce que le Verbe Dieu
important; et parce ajoute -t- il, qu'il faut
, s'est incarné et fait homme, et par la même
aussi régler ce qui regarde Nestoiùus, je dé- conception, a uni à lui le temple qu'il a pris
clare que nous recevons l'ordination du très- d'ehe. Quant aux expressions des Evangé-
saint évêque Maximien; que nous tenons listes et des Apôtres , touchant notre Sei-
Nestorius pour déposé, que nous anathéma- gneur, nous savons que les théologiens en
tisons les impiétés qu'il a enseignées, et que appliquent les unes en commun, comme à
nous embrassons sincèrement votre commu- une personne, et les autres séparément,
nion, suivant l'exposition que nous vous comme à deux natures attribuant à Jésus- ,

avons donnée touchant l'incarnation du Christ celles qui sont dignes de Dieu , selon
Verbe que vous avez reçue comme votre sa divinité^ et les plus basses selon son hu-
,

propre foi, et dont la copie est insérée en cet manité. ))

écrit. » Le premier discours ^ que Paul fit dans


19.

18. Elle ne s'y trouve plus aujourd'hui, l'église d'Alexandrie fut, ce semble, le 18 ,

Profession n-
de foi rie Paul apparemment parce qu on
i

i
'
i
inséra dans ia
i
décembre, qui était le dimanche avant Noël.
et des Orien- ^-^
taux. lettre
i •

de Jean d'Anlioche a samt Cyrille,


*
i /-. -ii
U n'expliqua qu'en peu de mots sur la paix
où elle est encore conçue en ces termes :
qu'il venait de souhaiter au peuple en le sa-

« Quant à la Vierge Marie ^ Mère de Dieu, luant, disant qu'il ne la donnait encore qu'en

et au mode de l'incarnation, nous sommes partie ne l'ayant pu conclure jusqu'alors


,

obligés de dire ce que nous en pensons, non que pour lui, et non pour les autres évêques
pour ajouter quoi que ce soit à la foi de INi- d'Orient. Mais, le jour de cette fêle, il fit un
cée,nipour prétendre expliquer les mystères second discours en présence de saint Cy-
ineflfables, mais pour fermer la bouche à rille * où il expliqua d'abord le mystère du
,

ceux qui veulent nous attaquer. Nous con- jour donnant à diverses lois à la sainte
,

fessons donc que notre Seigneur Jésus-Christ Vierge, le titre de Mère de Dieu, etanathème
est le Fils unique de Dieu Dieu parfait et , à quiconque le lui refusait. Aussitôt le peu-
homme parfait, composé d'une âme raison- ple s'écria : « C'est là la foi véritable; c'est
nable et d'un corps engendré du Père avant le don de Dieu. Voilà ce que nous vou-
les siècles, selon la divinité, et le même en- hons entendre. Qui ne dit pas ainsi, soit ana-
gendré dans les derniers jours pour notre thème. » Paul d'Emèse continua « Qui ne :

salut, de la Vierge Marie, selon l'humanité; dit pas et ne pense pas ainsi soit anathème ,

le même consubstantiel au Père, selon la di- et rejeté de toute l'Eglise. Marie, Mère de

vinité et consubstantiel à nous , selon l'hu-


,
Dieu , nous a enfanté Emmanuel ^, c'est-à-

1 Tom. III Concil., pag. 1093. cundum humanitatem 7iatum eumdem consubstantialem :

2 De Virgine auiem Dei Maria, quomodo


génitrice Patri secundum divinitatem, et consubstantialem nobis
senliamus et loquamur, deque unigeniti Filii Dei secundum humanitatem. Si quidem duarum naturarum
incartiaiionis modo necessario, non additamenii loco, fucta est unio unum Christum, unum
;
propter quod
scd plena satisfactionis forma, dicemus breviter, si- Filium, unum Dominum confitemur. Secundum hune
cuti ab initio ex divinis Litteris, sanctorumque Patrum inconfusœ unitatis intellectum confitemur sanctam
tradilione hausimas; fidei inNicœa a sanctis Patribus Virginem Dei genitricem esse, proplerea quod Deus
expositœ niliil prorsus adjicientcs. Illa enim, ut antea Yerbum incarnatum est, et homo factum, et ex ipsa
diximus, ad omnem pietatis cognitiotiem omnisque conceptione univit sibi templum, quod ex illa assump-
sit. Evangelicas autem et apostolicas de Domino voces,
hœreiicœ pravœ doctrinœ depulsionem ahunde sat est.
Nec illa etiam quœ consequi non possumus, audacter scimus graves Iheologos alias quidem communes facere
aggrediemur, sed propriœ infirmitatis confessions tanquam ad unam personam pertinentes, alias vero,

cxcludemus eos qui adoriri nos volunt in his, in qui- propter duarum 7iaturarum diversitatem, divisim
bus consideramus quœ supra humanum captum sunt. nuncupare, et illas quidem quœ Deo conveniunt, ad
Confitemur igitur Dominum nostrum Jesum Christum Christi divinitûtem, humiles vero, ad ejusdem huma-
unigenitum Dei Filium, esse Deum perfectum, et ho- idtatem referre solere.
minem perfeclum ex anima rationali et corpore ; ante * Tom. I Monum. Cotel., pag. 48.
srecula quidem ex Pâtre secundum divinitntem geni-
'*
Tom. m Concil., pag. 1096.

tum, postremis vero temporibus eumdem ipsum propter =>


Peperit nobis Deipara Maria Emmunuelem, hoc
nos et propter nostram salutem ex Maria Virgine se- est Deum hominem factum.
[iV* ET Y' SIECLE?.] CHAPITRE XVin. — AGACE DE BÉRÉE, PAUL D'ÉMÈSE. 2i3

dire Dieu fait liorame. » Continuant d'expli- pris la chair seule, mais avec une âme rai-

quer mystère, il dit que le concours des


le ' sonnable et intelligente deux choses qui ren- :

deux natures parfaites, de la divinité et de dent parfaite la nature humaine. En expliquant


l'humanité, a formé un seul Fils, un seul ces paroles de saint Jean Le Verbe a été fait :

Clirist, un seul Seigneur; sur quoi le peuple chair, et a habité dans nous , il fit remarquer
l'interrompit encore un évèque
, lappela'nt que cet évangéliste enseignait clairement
orthodoxe. Ensuite Paul anathématisa ceux qu'il y avait en Jésus- Christ deux natures ,

qui disaient deux fils-, ou qu'Emmanuel était mais un seul Fils, et couséquemraent une
un pur homme; il allégua pour preuve de sa seule personne; ensuite il rapporta ce qui
divinité, la confession de saint Pierre, qui était propre à chacune de ces natures les :

reconnaît un seul Fils de Dieu ^ vivant, et une miracles à la nature divine, les souffrances à
seule personne en deux natures. 11 déclara la nature humaine. Le peuple l'interrompit
qu'il n'y adonc pas en Dieu une quaternité *, par deux fois, en faisant des acclamations
mais une trinitc de personnes adorables, le favorables, et Paul ayant fait l'éloge de saint
Père le Fils et le Saint-Ksprist. 11 finit son
, , Cyrille, le pria de parler.
discours en priant saint Cyrille, qu'il appelle 20. 11 arriva entr'cux une chose remar- l.i>ttr« de
Sjillt AthADl-
son père, de donner au peuple la nourriture quable, au sujet de la lettre ^ de saint Atha- se corrompue
par les Nes-
ordinaire de la parole et de la sainte Eucha- nase à Epictète. Comme ils s'entretenaient loriem.

ristie. On trouve un passage de ce discours sur les matières de la foi, Paul demanda à
dans saint Eplirem d'Anlioche ^. Le diman- saint Cyrille s'il convenait de ce que saint
che suivant, qui était le premier jour de jan- Athanase avait écrit dans cette lettre? « L'a-
vier ^, Paul prêcha encore dans l'église d'A- vez-vous sans altération, lui dit saint Cy-
lexandrie où il expliqua avec beaucoup
, rille ? car les ennemis de la vérité y ont beau-

d'exactitude, le mystère de l'Incarnation con- coup changé. Pour moi, je m'y accorde en
tre les erreurs de Xestorius et d'ApoUinaiie, tout et partout. » — « J'ai la lettre, répondit
établissant l'uuité de la personne "^
et la dis- Paul, mais je voudrais m'assurer sur les exem-
tinction des deux natures en Jésus-Christ; plaires que vous avez si elle est falsifiée ou
,

il fit au Père
voir qu'il est consubstantiel non. prit donc les anciens exemplaires,
» Il

selon la divinité, et consubstantiel aux hom- et les ayant conférés avec ceux qu'il avait

mes selon son humanité que, quoique le ;


apportés, il les trouva corrompus, pria saint
Dieu Verbe se soit approprié les souUiances Cyrille de lui en donner des copies sur les
qu'il a endurées dans son corps, il demeure siens, et les envoya à Jean d'Anlioche '^.

néanmoins toujours impassible en lui-même; 21. Saint Cyrille '" lui envoya aussi par PanI va à
Anlioche sol-
qu'en se faisant chair, il n'a pas été changé deux de ses diacres, l'acte qu'il avait dressé liciler b paii.

en chair, ni la chair en Dieu le Verbe s'é- ,


avec Paul pour la condamnation de Neslo-
tant seulement uni à la chair qu'il n'a pas ;
rius; il leur donna en même temps des let-

* îiam duarum naturarum perfeciarum concursus, est. Quid ergo sibi vult : Verbum caro factum est?
humanœ scilicet et divinœ, unum tiobis constiluit Fi- Aliud nihil, quam Verbum carnem assumpsit, et car-
liuin, unum Christum, unum Dominum. Toin. III nein quidem non solam, sed cum rationali et intelli-
Conci/., pag. 1096. genie anima conjunctam. Quœ duo naturam humanam
* Qui vero dicunt duos esse Filios, eos ana(he»uiti- perfecte absolvunt... Adverte etiam Joannem duas
zamus, et e sacris Ecclesiœ sepiis explandimus. Ibid. naturas prœdicare, unum autem Filium, cum ait Et :

3 Ta es Christus natura constans gemina, utpole Verbum caro factum est, et habitavit iu nobis. Post-
homo faclus. Tu es Christus. P>on dixit autem Filii, quam dixit : Et habitavit ia nobis, duasque 7iaturas
sed Filius Dei vivi. Agnovit enim personœ unitatem. prœdicavit, mox adjungit : Et vidimus gloriam ejus,
Ibid. gloriam quasi Uuigeniti. Non dixit duorum Fiiiorum,
^ Neque euim nos quaternitatem adoramus, sed sed Uuigeniti, duas nnluras et unat7i unigeniti perso-
trinitatem : Palrem videlicet, et Fitium, et Spiritum nam subindicans. Tom. III Concil., pag. 1100.
Sanctum. Ibid. 6 Photius, Cod. 229, pag. 808.
* Viryo Emmanuelem nobis peperit, secundum di-
'
Tom. m
Concil., pag. 1097.
vinnm quidem naturam Patri consuistantialem, se- 8 Tom. m
Concil., pag. 1127.
cundum liumanamvero eumdem nobis consulisianhalem, 9 Ce qui nous reste de Paul d'Emèse se trouve

eumdem secundum dicinam naturam impatibilem, se- reproduit dans la Patrologie grecque, tora. LXXVII,
cundum ftumanum palibilem. Nam eisi Ddus Verbum moins quelques pièces que les éditeurs renvoient
proprii corporis passiones sibi appropriet, ipse tanien ailleurs. Ou trouve aussi dans la Bibliotlieca nscetica de
semper inira impussibilitatis suœ tenninos persévérât. J.B.Malou, Louvain 1848, eulaliu, deux homélies de
iNe'/ue enim Deus Verbum in caniem versus est, neque Paul d'Emèse, 5«'' Ict Naissance du Sauveur. {L'e'dit.)

assumpta caro in nssumentis naturam Iransmutata >o Tom. III Concil., p. 1105, et in append., p. 78o.
,

^u HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


très de communion pour les rendre à Jean s'il sur le siège de Constantinople, saint Procle,
signait cet acte. Il semble que Paul fut du faitévêque de Cysique, le pape saint Céles-
voyage dans la vue d'obtenir de Jean les
,
tin écrivit à Jean d'Antioche qu'il n'y avait
dernières conclusions de la paix. Jean ayant point de diflicuUé à mettre dans une Eglise
lu l'acte de saint Cyrille ', crut y devoir chan- un évêque nommé pour une autre. Le même
ger quelque chose, non pour en altérer le Pape lui écrivit en 430 la sentence qu'il "^

sens, mais pour en adoucir quelques termes, avait prononcée contre Nestorius s'il ne se ,

afin qu'il lui fût plus facile de le faire signer rétractait dans dix jours. La même année,
aux évêques d'Orient. Après ces change- saint Cyrille lui écrivit * pour le presser for-
ments, Jean signa l'acte, avec les autres évê- tement de se déclarer contre Nestorius, en lui
ques et tous anathématisèrent les impiétés
, protestant qu'il était nécessaire de suivre le
de Nestorius. Par ce moyen, Jean reçut la décret du concile de Rome si on ne voulait
,

communion de saint Cyrille et la paix fut , être séparé de la communion de tout l'Occi-
rétablie dans l'Eglise. Il écrivit lui-même à dent et de la Macédoine ^.
l'évêque d'Alexandrie et lui envoya la con-
, 23. Jean d'Antioche envoya la copie de
fession de foi qu'il lui avait déjà envoyée au- ces deux lettres à Nestorius; il lui écrivit lui-
paravant, et par une seconde lettre -, il le même pour l'exhorter à les lire avec appli-
pria d'agréer les changements qu'il avait faits cation, et à les examiner avec quelques-uns
dans de ne pas trouver mauvais que
l'acte, et de ses amis, en lui laissant la liberté de lui
ses diacres y eussent consenti. Paul fut chargé donner des conseils utiles plutôt qu'agréa-
de la première de ces lettres, et les Orien- bles. « Encore '^, lui dit-il, que le terme de dix

taux le prièrent ^ d'obtenir de saint Cyrille jours marqué par la lettre du très-saint évê-
qu'il insérât leur confession de foi dans la que Célestin soit très-court, vous pouvez faire
lettre qu'il leur écrirait afin qu'on ne pût
, la chose en un jour, même en peu d'heures;
à l'avenir faire aucune difficulté sur cet ar- car il est facile, en parlant de l'incarnation
ticle. Saint Cyrille reçut Paul avec joie, et de Notre-Seigneur, de se servir d'un terme
luidonna une lettre pour Jean d'Antioche *, convenable, usité par plusieurs des Pères, et
où il inséra mot à mot la confession de foi qui exprime véritablement sa naissance de
des Orientaux , en déclarant qu'il la trouvait la Vierge. Vous ne devez ni rejeter le terme

très -pure, de même. Cette


et qu'il pensait de Mère de Dieu, comme dangereux, ni
lettre, qui a été célèbre dans l'antiquité, penser qu'il ne faut pas vous dédire. Si vous
commence par ces paroles Que les deux se : êtes dans les mêmes sentiments que les Pères
réjouissent, etc. Paul, de retour à Antioche et les docteurs de l'Eglise, quelle peine avez-
avec la lettre de saint Cyrille, la présenta à vous à déclarer votre saine doctrine, princi-
Jean ^ et aux évêques assemblés avec lui palement dans ce grand trouble qui s'est
qui tous confirmèrent la communion et la élevé à votre sujet? Il lui fait voir qu'il n'y a
paix avec saint Cyrille et le concile d'E- point de difficulté d'employer le terme de
gypte. Mère de Dieu puisqu 'aucun des docteurs de
,

22. Jean, dont nous venons de parler, fut le l'Eglise " ne l'a jamais rejeté, et que plu-
successeur de Théodote dans le siège d'An- sieurs s'en sont servis, sans être repris par
tioche.Dès le commencement de son épis- ceux qui ne s'en servaient pas; que l'on ne
copat en remplit les devoirs avec tant
, il peut rejeter la signification de ce mot, sans
d'honneur que tous les évêques de son pa- tomber dans des erreurs dangereuses, puis-
triarchat ^ se réjouissaient , et se faisaient qu'il s'ensuivrait, contre l'autorité manifeste
même gloire de l'avoir pour chef. Nous avons de l'Ecriture, que ce n'est pas Dieu qui s'est
vu que vers Tan 426, lorsqu'après la mort incarné et anéanti en prenant la forme d'es-
de Sisinniuson parlait de mettre en sa place, clave. Plusieurs évêques qui se trouvaient

1 Cyrill., Epist. 41, pag. 153 et 154. ou indiqués au tome LXXVIII de la Patrologie grec-
2 CyrilL, Epist. 41, pag. 153 et lo5. que. {L'éditeur.)
3 Libérai., cap. viii, pag. 31, et Facund., lib. I,
10 Tom. 111 Concil., pag. 388 et seq.
fl
cap. V, pag. 43. •• Etenimnomen hoc Deipara nullus unquam ec-
» Tom. III Concil., pag. IIOG, 1107 et 1111. clesiasticorum doctorum repudiavit, qui enim illo mj'
5 Libérât., cap. vjii, pag. 33. sunt, et multi reperiuntur et opprime célèbres; qui
6 Tom. III Concil., pag. 386. , vero illud non usurparunt, nunquam erroris alicujus
•7
Tom. m Concil., pag. 617. — 8 ibid., pag. 379. eos insimularuni, qui illo usi sunt. Tom. III Concil.,
9 Les écrits de Jeau d'Antioche sont reproduits pag. 392.
[iV ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XVIII. — AGACE DE BÉRÉE, PAUL D ÈMÈSE. 245
alors à Antioche, et qui étaient amis de Nes- était à faire, sans l'attendre davantage. » Cela
torius, eurent part à cotte lettre. fit dire à tout le concile que Jean d'Antioche
24. Jean d' Antioche écrivit en même temps ne voulait pas s'y trouver, parce qu'il crai-
au comte Irénée, et aux évêques Musée et gnait de voir déposer Nestorius, tiré de son
Hellade ', qui apparemment étaient alors à Eglise, dont la confusion retombait sur lui.
Constantinople avec Nestorius, dont ils étaient Le concile prit donc résolution de s'assem-
amis. Celui-ci répondit à Jean avec assez de bler sans attendre Jean d'Antioche; mais les
politesse ; mais ferme et opiniâtre dans son deux évêques syriens qui l'avaient devancé^,
erreur, il lui disait qu'il avait trouvé en cette signifièrent un acte par lequel ils deman-
ville l'Eglise divisée, les uns appelant la daient qu'on attendît Jean. Le comte Candi-
sainte Vierge mère de Dieu, les autres mère dieu fit aussi tous ses efforts pour empêcher
d'un homme, et que dans la vue de les réunir la tenue du concile avant l'arrivée de l'évê-

il l'avait nommée mère de Christ, nom, dit-il, que d'Antioche; mais tout cela fut inutile, et
qui signifie clairement l'un et l'autre, le Dieu les évêques s'assemblèrent le 22 juin dans

et l'homme. Cependant les douze Anathéma- l'église ^ nommée Sainte-Marie. Jean d'Antio-

tismes de saint Cyrille étant venus à la con- che y arriva cinq jours après, c'est-à-dire le
naissance des évêques dOrient, plusieurs les 27 juin, accompagné de soldats. Le concile
reçurent très-mal Jean d'Antioche surtout
: l'ayant appris, lui députa des évêques et des
en fut blessé. parut que saint Cyrille
11 lui clercs, tant pour lui faire honneur que pour
allait trop loin ^, et qu'en attaquant Nesto- lui faire entendre qu'il ne convenait pas qu'il

rius, il tombait dans l'hérésie d'Apollinaire. vît Nestorius, qui venait d'être déposé par le

Il chargea même deux évêques de son pa- concile. Jean reçut mal ces députés, après
triarchat, André de Samosate et Théodoret les avoir fait beaucoup attendre, tenant ^
de Cyr, de les réfuter. pendant ce temps-là un autre concile avec
25. Tout cela se passait avant la tenue du les partisans de Nestorius. Il y procéda con-
concile d'Ephèse, indiqué pour le jour de la tre saint Cyrille, et Memnon, évêque d'E-
Pentecôte, qui, eu 431, était le septième de phèse, et sans avoir ouï aucun témoin contre
juin. Incontinent après la fêle de Pâques, eux, ni examiné aucune pièce, ni les avoir
saint Cyrille et Nestorius partirent pour s'y même cités, il opina ^ qu'ils devaient être
rendre, les autres évêques en firent de même; déposés, et leurs complices excommuniés.
il n'y eut que Jeand'.\ntioche et les évêques Cette sentence fut souscrite par quarante-
de Syrie qui se firent attendre longtemps ^, trois évêques, Jean d'Antioche à la tête ;

prétentlant qu'il leur était impossible de se mais ils ne la signifièrent '^ni à saint Cyrille,
rendre à Ephèse au jour marqué. N'étant qu'à ni à Memnon, se contentant de l'afficher par
cinq ou six jours de cette ville, Jean écrivit à toute la ville.

saint Cyrille * une lettre pleine de témoi- 26. Les députés ayant fait leur plainte Jeao est sé-
paré de la
gnages d'amitié et d'empressement de le au concile par des actes authentiques, et en comroanion
du concile.
voir. 11 lui marquait aussi que quelques-uns présence des saints Evangiles, les évêques,
des évêques étaient tombés malades en che- remplis d'indignation contre Jean d'Antioche,
min, fatigués d'une marche de trente jours, le déclarèrent séparé " de leur communion.
et qu'ils avaient perdu plusieurs chevaux. Ce décret d'excommunication lui fut notifié ;

Deux des évêques de sa suite, Alexandre mais lui, de son côté, fit défendre à saint
d'.\pamée et Alexandre d'Hiéraple, arrivè- Cyrille et à Memnon, de célébrer le saint sa-
rent les premiers à Ephèse. Comme saint crifice. Candidien fut le porteur de cette dé-
Cyrille et les autres évêques se plaignaient à fense mais elle fut inutile. Les évêques cé-
;

eux du retard de Jean, ils dirent ^ plusieurs lébrèrent *2 les mystères sans avoir égard
fois « Nous sommes chargés de sa part, de
: aux plaintes des Orientaux, ni au canon
vous dire que s'il retarde, on ne doit pas pour d'.\ntioche qu'ils alléguaient contre eux.
cela remettre le concile mais faire ce qui , Jean d'Antioche et ceux de sou parti voulant

' Lupus, cap. m, pt^. 15. 8 Lupus, Epist. 7, pag. 26 et 27.


* Libérât., cap. iv, pag. 15. ? Tom. III Concil., pag. 661.
' Evag., lib. I, cap. m. 8 Ibid., pag. 604. —
9 Ibid., pag 598.
» Tom. III Concil., pag. 443 ; et Lupus, Epist. 4, '0 Concil append., pag. 704.
,

pag. 20. " Tom. III Concil., pag. 764.


» Tom. III Concil., pag. 660, 662, 552. '* Ibid., pag. 737.
246 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
partir de Chalcédoine, Jean fit un discours au
justifier leur procédé, en écrivirent à Théo- '

venu à
impératrices Pulcliérie et Eudoxie, peuple de Constantinople \ qui était
dose, aux tout
au peuple de Constan- Chalcédoine, dans lequel il l'exhorta à
au clergé, au sénat et
souffrir, plutôt que de croire un Dieu passible.
tinople; ils firent même tous leurs efforls
de 11 prit le chemin d'Ancyre, où il apprit que
pour engager le sénat et les plus qualifiés
à demander un nouvel évè- Théodole, évêque du lieu, avait ordonné
la ville d'Ephèse
qu'on le traitât comme un excommunié.
Il
que 2 en la place de Memnon, mais en
vain.
*o au préfet Antiochus pour se plain-
évêques du concile en écrivit
Informés depuis que les
dre de cet outrage, le priant de montrer
sa
l'empereur,
avaient envoyé une députation à grand chambellan, à
Irénée d'aller à la cour lettre à l'empereur, au
ils prièrent le comte
tout le conseil et au sénat. A
Tarse, il tint
le chargèrent de
y défendre leur cause, et " nombreux d'évêques, tant de
prince; ils en écrivirent
^ un concile
deux lettres pour ce
que
ceux qui l'avaient accompagné à Ephèse,
deux autres, l'une à l'Eglise d'Antioche, en Orient, et pro-
Acace de Rérée. Ces deux lettres de ceux qui étaient restés
l'autre à
de Theo- nonça une nouvelle sentence de déposition
étaient signées de Jean d'Antioche, écrivit aussi
'^
contre saint Cyrille. Ce concile
doretet de quelques autres; dans l'une
et
Théodose évêques, les ecclésias-
qjue les
attaquaient * la doctrine de à
dans l'autre ils
du comté d'Orient s'u-
tiques et les peuples
saint Cyrille, et parlaient avec mépris du
foi de Nicée,
nissaient dans la défense de la
concile d'Ephèse. Amthématis-
et qu'ils avaient en
horreur les
27. Cependant l'empereur ayant permis
é-
" envoyer mes de saint Cyrille, comme y étant contrai-
aux évêques des deux partis de lui raison, ils priaient
l'informer de la vérité des res, et que, pour cette
des députés pour
l'empereur de les faire condamner
partout.
d'Antioche ^ fut du nombre des
choses, Jean dans les
députèrent Jean d'Antioche écrivit à peu près
huit évêques que les Orientaux Mésopo-
absolu d'agir et de parler mêmes '^ termes à Apinien, duc de
avec un pouvoir d'avoir enseigné
défense tamie, accusant saint Cyrille
comme ils trouveraient bon, pour la
ses Anathématismes une hérésie abo-
et de si- dans
de ce qu'ils avaient fait jusqu'alors, Rabula, évê-
accords ou minable. Comme il apprit que
gner même au nom de tous, les
Nesto-
Dans cette dé- que d'Edesse, s'était déclaré contre
les actes qu'il faudrait faire. quelques évêques avec les-
beaucoup en rius, il assembla
putation Jean d'Antioche parla '* à ceux de l'Osroèue, suf-
quels il écrivit
faveur de Nestorius, soutenant, en présence
orthodoxe, et que sa fragants d'Edesse, de se séparer de lui jus-
de Théodose, qu'il était
examiné si ce
qu'au contraire, celle qu'à ce qu'il l'eût appelé, et
déposition était injuste ;

était ime doctrine erronée, qu'on lui en avait dit était véritable.
de saint Cyrille élu pape en
renoncerait, il ne 28. Le prêtre Sixte ayant été
et que, quand même il y il écrivit
Célestin,
pouvait s le recevoir à la communion que 432, après la mort de saint
circulaire à tous les évêqnes qui
comme un laïque pénitent, et non pas comme une' lettre
d'Ephèse, dans la-
avaient assisté au concile
un évêque; mais il ne gagna rien. Nestorius
comte
car le quelle témoignait que Jean d'Antioche
il
fut banni, et saint Cyrille rétabh,
pouvait espérer d'être reçu au
nombre des
Jean l'avait fait arrêter avec Memnon. Jean
tous ceux
appui catholiques, pourvu qu'il rejetât
d'Antioche, pour se procurer quelque qu'il fît von-
^
que le concile avait déposés, et
dans la faiblesse de sa cause, écrivit avec
à ceux de Milan, véritablement un évêque catholi-
qu'il était
les évêques de son parti
que encore pressé de se réunir par un
fut
d'Aquilée, de Ravenne, et à Rufus de Thes-
Il
qui
salonique, pour leur protester que les Ana-
Domnus, son neveu '\ fils de sa sœur,
s'était retiré dans le
monastère de saint
thématismes de saint Cyrille « étaient infectés '^ par
Euthymius, et y avait été fait diacre
de l'hérésie d'Apollinaire. On ne sait
point
Juvénal de Jérusalem; enfin, Théodose lui
quelle réponse ils en reçurent. Avant
de

9 Tom. Concil., pag. 736.


1
Tom. m Concil., pag. 601 et G09.
10 Append.
III
Concil., pag. 741.
î Ibid., pag. 764. cap. xxxiv; Libérât, cap.
vi.
Ml,
pag. 716. —
11 Socrat., lib.
Ibid., pag. 713, 714 et 715.
3 Ibid.,
'*

12 Concil., append., pag. 741.


- i» Ibid., pag. 839.
5 Ibid., pag. 724, 725 et 743.
874.
1* Tom. IV Concil., pag. 749.
6 Concil. append., pag. 837, 839, 843 et Monument., pag. 47.
15 Coteler., tom. I
7 Ibid., pag. 708, 709. et 311.
16 Bolland., ad diem 20 januar., pag. 310
8 Theodoret., Epist. 112, pag. 982 et 983.
[IV* ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XVIII. — AGACE DE BÉRÉE, PAUL D'ÉMÈSE. 247
envoya ordre, de racMiie qu'à saint Cyrille,
* et celle qu'il lui avait écrite, « afm, leur dit-il,
de se rendre promptement à Nicomédie, afin que vous voyez que dans cet accord je n'ai
que là ils s'accordassent ensemble, voulant rien fait de honteux ni de servile. » Comme
que jusqu'à ce que la paix fût faite, toutes Aristolaiis retournait à Constantinople,Jean
choses demeurassent en suspens, sans qu'on le chargea d'une lettre pour l'empereur,
ordonnât ni qu'on déposât aucun évoque. dans laquelle il approuvait l'ordination de
L'empereur commit- pour l'exécution de cet Maximien, la déposition de Nestorius, et
ordre Aristolaiis, tribun et notaire. A cette anathématisait sa mauvaise doctrine il y ;

nouvelle, Jean d'Antioche tint un concile priait ce prince de rendre au monde une joie
avec Alexandre d'Hiéraple Tbéodoret et , parfaite, en ordonnant que les évéques qui
quelques autres évoques, où ils traitèrent des avaient été chassés de leurs Eglises, fussent
moyens de pacification; ou y dressa six pro- rétablis, de manière qu'il ne restât aucune
positions qui furent mises entre les mains trace de l'animosité passée. « Vous en avez,
d'.\ristolaus, dont une était qu'on se conten- lui dit-il, des exemples en cas pareil, on a
:

terait du symbole, en rejetant tous les écrits remis les anciens évêques dans leuis sièges,
qui avaient excité le trouble mais saint Cy- ; et ceux qui avaient ordonnés pendant les
rille 3, qui avait refusé ces propositions à troubles, sont demeurés sans fonctions, en
Epbèse, ne voulut point les accepter, témoi- attendant leur mort. aussi avec
» Il écrivit ^

gnant d'ailleurs qu'il reverrait le symbole de les évêques d'Orient qui étaient avec lui, une
Nicée en toutes ses parties, et anatbémati- lettre de communion au pape Sixte, à saint
sant Arius, Eunomius et Apollinaire. Jean Cyrille et à Maximien déclarant qu'ils vou-
d'Antioche, content de cette explication, lui laient être dans la communion de tous les
députa Paul d'Emèse, pour discuter toutes évêques orthodoxes qu'ils consentaient à
;

choses de vive voix avec lui, et ayant de- l'élection de Maximien, et à la déposition de

puis anathématisé Nestorius, et signé l'acte Nestorius, et qu'ils anathématisaient sa doc-


de sa condamnation, que saint Cyrille lui trine impie , leurs Eglises ^ ayant toujours
avait envoyé, la paix et l'amitié furent réta- conservé la véritable foi, sans aucune tache,
blies entre eux. de même que les évêques à qui ils écrivaient.
29. Aussitôt Jean d'Antioche écrivit à Jean s'expliqua de la même manière dans
Tbéodoret *, lui promettant un plus grand une lettre ^ particulière à saint Cyrille, dans
éclaircissement après l'arrivée de Paul d'E- laquelle il inséra la Profession de Foi qu'il
mèse. Il disait aux évoques d'Orient, eu leur avait chargé Paul d'Emèse de lui présenter.
annonçant celte paix « Nous sommes d'un : Dans une seconde lettre, il le priait de trou-
même sentiment, Cyrille et nous nous con- ; ver bons les changements qu'il avait faits
servons la même foi il n'y a plus de diffé-; dans l'acte qu'il lui avait envoyé, portant la
rence ni de sujet d'en douter, après la lettre condamnation de Nestorius.
qu'il m'a tout y est clair et conforme
écrite ; 30. Saint Cyrille répondit ^ à Jean d'An- Anim let-

à nos propositions il approuve et loue nos


;
tioche, en protestant qu'il trouvait très-pure d'Antioche?"

expressions; il expose la tradition des Pères, la foi des Orientaux, qu'il était dans les mê-
qui était pour ainsi dire en danger de périr mes sentiments que mal à propos on l'avait
.

d'entre les hommes


enseigne clairement
; il accusé de croire que le corps de Jésus-Christ
la différence des natures, avec l'identité de avait été apporté du ciel et n'était pas né de
personne du Fils de Dieu, en sorte qu'il doit la sainte Vierge, comme aussi d'avoir dit ou
satisfaire tous ceux qui sont de bonne volonté cru que l'incarnation est une confusion ou un
et couvrir de confusion les incrédules qui mélange du Verbe divin avec la chair. Les
renouvellent l'erreur d'Apollinaire. » Il leur évêques qui se trouvèrent^ à Antioche lorsque
envoya la lettre même de saint Cyrille, et Jean reçut cette lettre, confirmèrent absolu-

» Tom. III Concil., pag. 1083. pro deposito habere, ac blasphemam illius docfrinam
* Append. Concil., pag. 756, 764. anatkematizare : eo quod nostrœ Ecclesiœ perinde ac
5 Libéral., cap. vui. nosfra sanctitas, rectam semper inculpatamque fidem
* Tom. I Concil. Balus., in syuod., pag. 793, cap. tenerint ac servaverint, eamdemque populis tradide-
Lxxxvi, et pag. 686, cap. u, et pag. 797, cap. xcxi. rini. Tom. III Concil., pag. 1089.
* Tom. m
Concil., pag. 1087 et 1094, et Gyrill., ">
Elle est rapportée plus haut.
Epist. 41, pag. 153. 8 Tom. m Concil., pag. 1106 et 1111.
« Plaçait nobis quoque in sanctœ sijnodi senlenlia,
el " Libérât., cap. vni, pag. 33.
quœ Nesiorium deposuit, acquiescera ipsum quoque
248 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ment la communion et la paix avec saint des peuples de sa juridiction, où quelques
Cyrille et avec le concile d'Egypte; et Jean *
évêques refusaient de se soumettre à son
écrivit nne nouvelle lettre au pape Sixte, autorité, et rejetaient la paix que Dieu avait
qu'il lui envoya par quelques-uns de ses donnée à l'Eglise par le ministère de l'em-
clercs. Il ^ écrivit encore à un nommé Marin pereur. Jean obtint la loi qu'il demandait, et
et cl quelques autres de ses amis, que la après l'avoir reçue, il *^ l'envoya à Denys,
doctrine de saint Cyrille sur l'incarnation général de la milice, pour la faire exécuter.
était orthodoxe. Comme il avait donné de Celui-ci, en conséquence, écrivit aux quatre
grandes louanges au Pape, en l'appelant évêques dénommés dans cette loi, Hellade,
l'Etoile de l'Eglise, qui annonçait le jour de Maximien, Alexandre et Théodoret, pour la
la vérité, et dont les rayons brillaient de leur signifier et les sommer de choisir au
toutes parts, Sixte, dans sa réponse, lui parle plus tôt ou la paix avec Jean d'Antioche, ou
avec beaucoup de modestie sur ces louanges, l'exil. Théodoret, après avoir conféré avec

et lui témoigne ^ la joie que lui et les autres Jean à Antioche, se réunit, et son exemple
évêques d'Italie avaient de sa réunion, et de entraîna les évêques des deux Cilicies. Jean
ce que tout le monde avait abandonné Nes- leur avait écrit '' par le comte Nestorius,
torius. Jean d'Antioche, avant de députer anathématisant dans sa lettre l'impiété d'A-
Acace de Bérée à saint Cyrille, en avait con- pollinaire avec toutes ses hérésies. 11 y faisait
féré par lettres avec Alexandre de Hicraple; une exposition claire de la foi. Mélèce de
il lui écrivit * aussi pour l'assurer que saint Mopsueste se raidit '^ on le déposa et on le
;

Cyrille avait embrassé la même foi que les bannit à Mélitène. Alexandre de Hiéraple,
Orientaux, et qu'il était entré dans sa com- pour être demeuré inflexible, fut '^ aussi
munion mais Alexandre, regardant Jean
;
chassé de son Eglise et banni. Jean, touché
comme entré dans la communion de l'héré- de ces extrémités, écrivit au peuple de Hié-
sie, ne voulut plus communiquer avec lui. raple, pour répondre cà leurs plaintes; il pro-
Jean voyant qu'Alexandre s'était dégradé testa que ce n'était point les mauvais traite-
parla des droits de métropolitain, ordonna ments qu'il avait reçus d'Alexandre qui l'a-
des évêques en 434, dans la province eu- vaient obligé à en user de la sorte envers
phratésienne. Tous les évêques de cette pro- leur évêque mais la seule opiniâtreté à ne
,

vince lui en firent un procès ^, prétendant vouloir point se réunir, ajoutant que s'il
que ces sortes d'ordinations violaient les lois voulait encore embrasser l'union, on le leur
de l'Eglise ils se portèrent même jusqu'à
;
"^
rendrait avec joie mais Alexandre persé-
;

se séparer de sa communion. Jean ne se re- véra jusqu'à la mort dans son obstination.
buta point, et il entreprit d'ordonner un Hellade de Tarse se réunit à l'Eghse et à la
évêque à Sergiople, dans le diocèse de Hié- communion de Jean il n'y eut des deux Ci-
;

raple ce qui engagea les évêques de la pro-


; licies que Mélèce de Mopsueste et Zénobius
vince à porter ^ leur plainte k la cour, par de Zéphire qui s'opiniâtrèrent dans le schis-
une lettre qu'ils écrivirentpour cela aux im- me. Lorsque Jean eut obtenu la loi qu'il de-
pératrices Pulchérie et Eudoxie. On ne sait mandait, Domitien, alors questeur '* en manda
point quelle fin eut celte afifaire; mais on voit la nouvelle à Hellade, en lui faisant savoir
par la suite de l'histoire que l'évêché de Ser- en même temps qu'il avait un peu arrêté la
giople, dont Jean d'Antioche avait ordonné le publication de cette loi, dans l'espérance que
premier évêque, subsista depuis. Il eut en- lui et tous les autres de la Cilicie se ren-

core occasion d'écrire * à Alexandre d'Hié- draient à l'instante prière qu'il leur faisait de
raple pour lui notifier, et à ses suffragants, conférer avec Jean, et de rentrer au plus tôt
un ordre de l'empereur portant défense à dans sa communion, pour éviter les maux
tous les évêques devenir à la cour. Cet ordre dont serait suivie l'exécution de la loi; qu'il
pourrait bien être l'effet de la prière que Jean ^ ne pouvait leur arriver aucun mal de céder,
avait faite à Taurus, de travailler à la paix et qu'ils seraient responsables de tout ce qui

*
Tom. III ConciL, pag. 1177 et 1178. 6 Ibid., pag. 830 et 831.
2 Ibid., pag. 1127 et 1130. ^
Ibid., pag. 837 et 838. — » Ibid., pag. 830.
3 Ibid., pag. 1178 et 1179. s Ibid., pag. 827 et 828. — lo Ibid., pag. 876.
* ConciL, apieiid., pag. 779 ibid., pag. 799.
;
'1 Ibid., pag. 802. — >2 Ibid., pag. 877.
s ConciL, appeud., pag. 830. >3 Ibid., pag. 882 et 883. — i» Ibid., pag. 829.
[iv ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XIX. — SAINT
b SIXTE m, PAPE. 249

arriverait dans leurs Eglises, s'ils ne cédaient qu'on lui avait adressées. Il avertit en même
pas. Domilien écrivit une semblable lettre à
' temps Jean d'Antioche de veiller à ce que
Théodoret. Ibas d'Edesse ne s'engageât pas dans les er-
31. Maximien étant mort le jeudi saint de reurs de Nestorius. Les Orientaux approuvè-
l'an 434, qui était le 12 avril, l'empereur fit rent la lettre de Procle mais ils refusèrent
,

le même jour, ou du moins le lend^imain, in- de condamner les propositions qu'on disait
troniser Procle, par les évêques qui étaient être de Théodore ils en trouvaient plusieurs
;

présents. Le préfet Taurus fit part - de cette clairement orthodoxes, et d'autres également
nouvelle à Jean d'Antioche, qui la reçut avec capables d'un bon et d'un mauvais sens, en
beaucoup de persuadé qu'il était très-
joie, sorte qu'il leur paraissait dangereux de les
avantageux à l'Eglise que Procle fût sur le anathématiser en général, de peur que le
siège épiscopal de Constantinople, à cause bon sens ne passât pour condamné avec le
du crédit qu'il avait auprès de l'empereur. mauvais. Tel fut le résultat ^ du concile que
Aussitôt après son intronisation^ il envoya à Jean fît assembler à Antioche, de tous les
Jean d'Antioche, la lettre synodique des évêques de l'Orient; ils se plaignirent encore
évêques qui l'avaient intronisé, pour lui de- de ce qu'on leur demandait de nouvelles si-
mander sa communion. Il parait qu'il eut gnatures, comme si l'on eût eu quelque doute
part à la commission donnée en 435, par de leur foi. Procle et saint Cyrille ne laissè-
Théodose à Aristolaiis, pour faire signer la rent pas de faire de nouvelles tentatives pour
condamnation de Nestorius. Jean d'Antioche engager les Orientaux ' de condamner ou la
lui en témoigna * sa douleur l'année sui- personne, ou les propositions de Théodore;
vante, en le conjurant de travailler à donner mais ce fut inutilement.
la paix à l'Eglise, et d'y employer sa sagesse 32. L'histoire ne nous fournit plus rien de Mort de
Jenu d'AuUa-
et ses travaux, qu'on voyait tous les jours Jean d'Antioche, qui mourut, comme l'on cbe.

être si mais cette paix n'arriva pas


utiles ;
croit, l'an 441 ou 442. Instruit dès son en-

si tôt qu'il la souhaitait. La même année 436, fance dans les saintes lettres^, il avait acquis
les évêques de la grande Arménie, troublés une grande connaissance de la doctrine ^ et
par quelques propositions que l'on répandait des canons de l'Eghse. C'était un esprit hardi
chez eux sous le nom de Théodore de Mop- et capable de tout entreprendre; sa foi était '*^

sueste, les envoyèrent à Procle pour en juger. pure, et l'exposition qu'il en avait faite au
Il leur répondit ^ l'année suivante, et envoya nom des évêques d'Orient, fut louée " dans
sa lettre aux évêques d'Orient, les priant de le concile de Chalcédoine. Saint Euloge d'A-

la signer et de condamner les propositions lexandrie lui donne le titre de saint '^.

CHAPITRE XIX.

Saint Sixte III, pape.

[En 440.]

1 . Sixte, troisième du nom, Romain de nais- avaient fait courir, qu'il était pour eux on ;

sance . et fils d'un père qui portait le même le vilencore se déclarer contre eux dans di-
nom que lui, était prêtre de Rome '^ en 418, verses lettres qu'il écrivit à saint Augustin et
lorsque Zosime condamna les pélagiens. Aus- à quelques autres.
sitôt après cette sentence •*, il leur dit ana- 2. Le bruit de l'hérésie de Nestorius s'é-
tUème , et par là il fit tomber le bruit qu'ils tant répandu dans l'Eglise vers l'an 430,
,

* Concil., append., pag. 859. — « Ibid., pag. 827. 9 Théodoret., Epist. 83, pag. 958.
3 Ibid., pag. 851 et 858. — * Ibid., pag. 892. >o Tom. III Concil., pag. 657.
* Tom. V Concil., pag. 467. n Tom. IV Concil., pag. 827.
« Cyrill., Epist. 50, pag. 193, et Facund., lib. VIII, »» Photiiis, Cod. 228, pag. 857.

cap. I. — '
Facund., ibid., cap. ii. 13 Tom. III Concil., pag. 1257.
* Tom. Ill Concil., pag. 1050. 1* Prospcr, in Collât , cap. xuv.
,

250 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


pour tâcher, par ses avis, de remontrances du Pape. Ce concile est de
Sixte lui écrivit '

l'an 438,
préci- l'an 435. Anastase en tint un autre
le retirer du malheur où il alhiit se
et Sixte ^ y envoya le prêtre
Artémius,
piter, et de lui faire comprendre
que quoi-
Jésus- chargé d'une lettre aux évêques du concile
qu'il y ait deux natures parfaites en
pour les exhorter de nouveau à la soumis-
Christ, il n'y a toutefois qu'une personne.
arrivée sion à Anastase.
3- Api-ès la mort du pape Célestin, Il assemUl
11 ..t élu
6. Photius 8 parle d'un concile
contre les
le 26 juillet de l'an 432, Sixte fut mis ua candi*
ÏÏ^uaEiiH vers que contre lei

commun con- pélagiens et les nestoriens. On croit c'est pélagiens at

un££{f°' en sa place et ordonné d'un et Ibs nesto-

de celui même que le pape Sixte tint l'an 433, riens, en 431.
sentement de tout le monde, en présence
d'Orient Hermogène au jour anniversaire de son élection. En
deux saints évoques ^ ,

Lampétius de 439 Juhen le Pélagien, qui, à cause de ses


de Rinocolare en Egypte et
,
,

erreurs, avait été déposé de l'épiscopat en-


Ciissium députés à Rome par saint
Cyrille.
,

viron vingt ans auparavant, fit des tentatives


n trouva l'Eghse déchirée par une division
aucun soin pour se rétablir dans la communion de l'E-
entre les Orientaux, et n'omit
glise et dans d'Eclanne, témoignant
le siège
réunir. Ses travaux à cet égard,
pour les ,
con-
Théo- à cet effet s'être corrigé; mais Sixte,
soutenus de l'autorité de l'empereur refusa
La naissant les artifices de ce fourbe, lui
dose eurent le
,
succès qu'il en espérait.
l'entrée de l'église, et donna par sa
fermeté
réunion se lit ]'unn(>e suivante de son ordi-
autant de joie à tous les catholiques, que
si
de
nation c'est-à- dire vers le mois d'avril
,
que le Saint-
nouvelle ^ par les c'eût été la première victoire
l'an 435 et il en reçut
,
la
pélagienne.
Siège eût remportée sur l'hérésie
deux évêques qui étaient chacun à la tête actions du Sa mort, êi
Jean 7. Ce fut là une des dernières ;(0.
d'un parti, saint Cyrille d'Alexandrie et
pape Sixte, dont on met communément la
d'Antioche. arriva néanmoins que quel-
Il

d'Orient refusèrent de se réu- mort vers le 18 août de l'an 440, après avoir
ques évêques quelques
" même à Sixte une lettre occupé le Saint-Siège huit ans et
nir; ils écrivirent
de divers édifices «
jours; on lui fait honneur
ass'ez longue pour le faire entrer dans leur
,
pul)lics dans Rome entr'autres d'avoir fait
l'engager à les protéger mais, n'en
,

motif et ;
Lucina et m
bâtir l'église de Saint- Laurent ,

ayant rien obtenu, ils se réunirent quelque '«auparavant


d'avoir rétabli celle qui portait
temps après. de l'avoir r.onsacrée
de Libère, et
Anastase ayant succédé à Rufus dans
le titre
4.
attribua sous nom de la sainte Vierge, c'est-à-dire
le
AnasLr''!ie
jg gj^ge dc Thessaloiilque ^ Sixte lui comme
prédéces- sous le nom de Sainte-Marie-Majeure,
ïicà^?r"r*'du
if^ii^ème autorité qu'avait eue son marbre et de
aussi d'avoir fait couvrir de
sa>ai-N.ge.
^^^^ ^^^ ^^^^ ^^^ évêqucs et Ics métropoli-
de
vicaire du porphyre le baptistère de la basilique
tains de l'Illyrie et le constitua ,

Saint-Jean-de-Latran; nous avons encore


les
Saint-Siège. La croyance
vers qu'on dit qu'il y fit mettre.
5. Pèrigène, évèque de Corinthe, refusant
concile de Ni- du péché originel y est bien marquée.
lél'atslu'o"
de se soumettre à un joug que le premier donné en
8. M. Cotelier nous a le
Lettres '

imposaient point,
cée et l'ancien usage ne lui
saint Si»
wioulqulî"""
latin lettre de
la saint Sixte aux évêques aux évêno
Thessaloni-
Anastase convoqua un concile à
dn conc;
d'E-
dOrient, qui avaient assisté au concile
dTpbèseoi;
6 Martinien,
que,oùSixte envoya pour députés saint Ojril
l'avions qu'en
deslettres aux phèse. Jusque-là nous ne
prêtre, etLoUien, diacre, avec est adressée à
pour leur recommander, grec de même
,
que celle qui
évêques du concile, quoiqu'il n'y ait aucun doute
saint Cyrille
particulièrement à Pèrigène, la soumis-
,

n'aient d'abord été écrites en


et latin,
prirent le parti qu'elles
sion à Anastase. Les légats Rome Elles
suivant l'usage des évêques de
»'.
Périgèue voulait entre-
d'assoupil- ce que la collection de
parait pas bien si cet ont passé l'une et l'autre, de
prendre; mais il ne
ordres aux M. dans celle que M. Baluse a faite
Cotelier,
évèque déféra sincèrement aux
et

•7
Tom. I Monument. Cotel., pag. 98.
1 Tom. III Concil., pag. 1178,
8 Photius, Cad. 55, pag. 44 ;
Novis, lib. U Hist.
2 Monument., tom. I, pag. 44.
Cotel.,
1178. Pelag., cap. xii.
3 Tom. IV Concil., pag. 1175 et
9 Prosper., iii Chronico, ad ann. 440.
et 821. Baronius, ad
Coticil., append., pag. 816
<>
10 BoUaud., ad diem 28 mart., et
5 Cotel., tom. I, pag. 89 et 91
et seq., et tom. 1
anu. 440. •

pag. 1262 et seq. r- <. .


Epist. décrétai., pag. 1231, tpist.
Epist. décrétai., i.
Epist. décrétai.,
11 Tom. 1
6 Ibid., pag. 90 et 91, et tom. I

pag. 1262.
,

[IV* ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XTX. ~ S AINT SIXTE m, PAPE. 231

des conciles, mais seulement en latin; et en- les évêques à qui cette lettre serait adressée
suite dans le recueil des Epîtres décrétales de nommément de la faire voir à leurs voisins,
Dom Constant , où elles sont en grec et en afin qu'ils sachent que le Siège apostolique*,
latin. Ces deux leltics furent écrites dés le chargé du soin de toutes les Eglises, ne so
commencement du pontitîcat de saint Sixte. néglige en rien lorsqu'il s'agit du maintien
La première étaitadressée non-seulement à de la foi. Il écrivit en même temps une lettre
saint Cyrille, mais en général à tous les évê- particulière à saint Cyrille ,
qui lui avait en-
ques du concile d'Ephèse, qui lui avaient en- voyé son archidiacre nommé Thémison , ,

voyé des députi's; mais comme elle était cir- pour le prier d'écrire aux évêques du con-
culaire, de là est venu qu'elle porte dans les cile d'Ephèse qu'Herraogène et Lampétius
,

manuscrits le nom de saint Cyrille. Il paraît lui désigneraient ce qu'il était à propos de

encore que c'est la même qui fut envoyée ' faire pour la réunion des Orientaux. Il y dé-
h Acace de Bérée. Le Pape l'écrivit à deux clare comme dans la précédente, que Jean
,

fins premièrement, pour faire part à ces évè-


:
d'Antioche et tous ceux qui avaient avec lui
ques de son ordination, à laquelle il dit pris le parti de Nestorius seront reçus dans,

qu'Hermogène et Lampétius, leurs députés, la communion des autres évêques, pourvu


avaient été présents: secondement, pour pro- qu'ils abandonnent cet hérésiarque, et tout
curer autant qu'il était en lui la réunion des ce qui a été condamné par le concile d'E-
évoques d'Orient. 11 y donne de grandes phèse, dont les décisions ont été confirmées
louanges à saint Cyrille, qui, oubliant les in- par le Saint-Siège ^.

jures qu'on lui avait faites, ne songeait qu'aux 9. Les réponses du pape Sixte à saint Cy- Let'r<! de
saint fjrille
intérêts de l'Eglise et au rétablissement de la rille et à Jean d'Antioche, sont toutes deux à Jean d'An-
paix. Il déclare qu'il est du même avis que
pag.
de la même date, du 15 des calendes d'oc-
tio:be
Ii34 et
,

li.>i.

lui que l'on reçoive dans l'Eglise et que


, , tobre, sous le quatorzième consulat de Théo-
l'on conserve dans leurs dignités tous ceux dose avec Maxime c'est-à-dire du 17 sep-
,

qui, engagés avec Nestorius voudraient re- , tembre de l'an 433. Mais comme il est dit
tourner dans le droit cbemin et vivre dans dans la lettre à saint Cyrille qu'elle a été
la piété, c'est-ù-dire faire profession de la écrite pendant la tenue du concile des évê-
foi orthodoxe. 11 témoigne que l'Eglise ro- ques assemblés au jour de l'ordination de
maine en avait déjà usé ainsi en d'autres saint Sixte, qui était le 26 avril, et avant que
occasions, et qu'il était prêt d'accorder sa les députés de Jean d'Antioche fussent arri-
communion à tous ces évêques, à qui il l'a- vés quelques-uns en ont inféré que la date
,

vait refusée jusqu'alors, pourvu qu'ils aban- en était fausse mais je ne sais s'il est permis
;

donnassent Nestorius, et qu'ils condamnas- de changer des dates certaines sur de pa-
sent tout ce qxii avait été condamné par le reilles conjectures, et s'il ne vaut pas mieux"
concile d'Ephèse; que au contraire, ils
si, dire que le Pape retint les députés de saint
refusent de se réunir et d'entrer dans les Cyrille jusqu'à ce que les clercs de Jean d'An-
sentiments de l'Eglise, on n'abandonnera pas tioche fussent arrivés et qu'alors il envoya
,

pour cela le soin de leurs peuples mais , ces deux lettres en même temps, et les fit
qu'on y pourvoira en mettant d'autres pas-
, dater du même jour, c'est-à-dire du 17 sep-
teurs en leurs places. A l'égard de Jean d'An- tembre, sans qu'il se crût obligé de changer
tioche il veut que l'on observe ce qui avait
,
ce qu'il avait mis touchant les clercs de Jean
été prescrit dans la vingt-deuxième lettre du d'Antioche dans la lettre à saint Cyrille, ceux
pape Célestin, c'est-à-dire qu'il rejette tout ce qui étaient chargés de porter ces lettres
que le concile a condamné, s'il veut être étant en état de raconter les choses comme
reconnu pour évêque catholique. Nestorius Le concile dura même
elles s'étaient passées.
est le seul à qui il ôte toute espérance de ré- assez longtemps pour que la lettre de Jean
tablissement, comme
ayant été déposé après d'Antioche y fût lue. Le Pape le dit en ter-
avoir fait naufrage dans la foi. Il prie tous mes * exprès. Il témoigne à saint Cyrille qu'il

• Synodic, apud Balus., cap. lv, pag. 757. cit, redeant in sacerdotum confessum. Sixtus, Epist. 2
* Neque enim pvrmitlit nos quietos e^se ub ejusmodi ad Cyrill., pag. 1239.
curis omnium Ecclesiarum sollicitude. Sixtus, Episi. 1 * Audicit universa fraternitas, quœ ad nalalis met
ad Episcop. Orient., pag. 1236. convenerat dievn, qualiter me bono humani generis
^ S/ resipuerini, et cum suo duce rejecerint omnia upostolicœ Sedi me prœsidere digneris. Sixtus, Epist.
quœcumque sancta synodus nobis confirmanltbus reje- 6, pag. 1239.
252 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
avait reçu sa lettre et la nouvelle de la paix, que sur ceux d'illyrie. Périgène, évêque de
lorsqu'il était assemblé avec divers évêques Corinlhe *, ne s'y soumettait qu'avec peine,

dans l'église de Saint -Pierre, pour célébrer et il semble même qu'il refusait de se trouver
l'anniversaire de son élection; que tous ceux aux conciles indiqués par cet évêque, et de
qui étaient présents à cette solennité en fu- lui obéir en quoi que ce fût. Ce fut donc à lui

rent extrêmement réjouis, et qu'il ressentit que saint Sixte écrivit la^remière de ces
lui-même d'autant plus cette joie commune, lettres, qui est sans date ; il l'y fait souvenir
qu'il avait eu auparavant plus de crainte qu'il tenait en quelque sorte l'épiscopat de
qu'un si grand nombre d'évêques ne demeu- Corinthe, de la faveur de Rome et de Thes-
rassent engagés dans le parti de Nestor ius. salonique puisque le pape Boniface ne l'a-
,

Il ajoute qu'il ne croyait pas que Jean d'An- vait établi évêque de Corinthe qu'à la re-
tiocbe eût jamais suivi ses erreurs mais seu- . commandation et sur le témoignage de Ru-
lement qu'il avait suspendu son jugement. Il fus, alors évêque de Thessalonique; il lui
approuve et confirme tous les travaux que représente ensuite qu'il était de son devoir
saint Cyrille avait soij^erfs dans cette occa- de se soumettre à Anastase successeur de ,

sion, en disant que les persécutions et les Rufus, les autres évêques d'illyrie n'en fai-
mauvais traitements ne manquent jamais
' sant aucune difficulté. La raison
qu'il en
à ceux qui prennent la défense de la vraie donne est qu'on n'avait point
accordé à Anas-
foi; mais que comme la vérité est souvent tase d'autres droits que ceux que les papes,
attaquée par la calomnie, elle ne peut être ses prédécesseurs, avaient donnés à l'évê-
vaincue par le mensonge. Il témoigne aussi que de Thessalonique. Martinien, prêtre, et
à Jean d'Antiocbe la joie que lui et les au- Lollien, diacre , députés de la part du Pape
tres évêques d'Italie avaient de sa réu- au concile qu'Anastase avait convoqué, as-
nion, et de la sentence équitable que l'on soupirent les difficultés que Périgène faisait
avait portée contre Nestorius, dont il com- naître.Mais un évêque, nommé Luc, étant
pare la chute à celle de Lucifer. Il lui lait venu à Rome ^, le Pape écrivit par lui une
remarquer qu'il avait expérimenté dans l'af- seconde lettre à Périgène elle est datée du ;

faire présente, combien il lui était avanta- 8 juillet 433; représente encore les
il lui

geux d'être dans les sentiments du Siège obligations qu'il avait aux Eglises de Rome
apostolique, à qui le dépôt de la foi que saint et de Thessalonique , et le presse de rendre
Pierre a reçue de Jésus-Christ a été transmis, à Anastase le respect qu'il lui devaii , disant
en sorte que la doctrine de cet apôtre se qu'il n'exigeait rien au-delà de ce que ses
trouvant dans ses successeurs 2, on ne doit prédécesseurs avaient accordé aux évêques
point s'en séparer. Il l'exhorte à imiter la de ce siège. Il déclare^ que son dessein n'est
vigilance que les très -chrétiens empereurs point de retrancher les droits des métropo-
avaient témoignée pour la conservation de la litains d'illyrie qu'ils peuvent chacun or-
;

foi; à la prêcher lui-même avec pureté et donner ceux de leur province, pourvu néan-
avec simplicité, à l'exemple de Maximien, et moins que ces ordinations se fassent avec
à ne pas permettre que l'on violât l'ancienne son consentement; il ordonne de lui rappor-
tradition de l'Eglise par aucune nouveauté^. ter le jugement des causes majeures, pour
10. Les quatre lettres suivantes concer- lequel il sera toutefois obhgé d'appeler les
nent l'observation des droits que les papes évêques les plus éclairés et les plus sages
avaient accordés à l'évêque de Thessaloni- d'illyrie. Dans la troisième lettre ^, qui est

1 Novi7nus fréquenter patere calumniis veritatem, * Léo, Epist. 13.


nec tamen unquam passe fahitate superari. Votivœ 5 Tom. I Epist. décrétai., pag. 1263.
sunt semper molesiiœ fidem pradicanti. Sixtus,£'ja^,J^ 5, s Hubeant honorem suum metropolitani provinciarum
pag. 1237. singulurum, sulvo hujus privilégia , quem honorare
* Expertus es negotii prœsentis evenlu, quid sit sen- debeant amplius honorati. In prouincia sua Jus habeant
tire nobiscum. Beatus Petrus apostolus in successoribus ordinandi; sed hoc inscio vel invita , quem de omnibus
suis, quod accepit, hoc tradidit. Quis ab ejus se velit volumus ordinationibus consuli, nullus audeat ordi-
separare doctrina, quem ipse Aposlolos primum ma- nare. Ad Thessalonicensem majores causœ referantur
gister edocuit ? Sixtus, Epist. 6, pag. 1260. antistitem. Ipse optimos solertissimosque de vestro nu-
3 Ergo quia, sicut ait Apostolus, fides una est, méro eligat, quos negatiis secum adciscat arbitras. Six-
quœ et vincenter obtinuit, dicenda credamus, et te- tus, Epist. 8, pag. 1263.
"
nenda dicamus. Nihil ultra liceat novitati , quia nihil Ibid., pag. 1264.
adjici convenu vetustati. Ibid., pag. 1261.
flT^ ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XIX. — SAINT SIXTE III, PAPE. 253

du 18 décembre de l'an 437, saint Sixte prie vous avez été souvent avertis; savoir, de
Procle, évêque de Constantinople, de traiter rapporter au jugement de l'évèque Anas-
comme violateurs des canons, les évêques tase, tous les procès et les différends des
d'illyrie qui viendraient eu cette ville sans évêques afin qu'il les examine et en juge
, ,

avoir des lettres formées de 1 evèque de ou qu'il nous en remette la connaissance,


Thessalonique. Il semble par cette lettre, s'il ne peut pas les terminer lui-même. » La

qu'un évêque, nommé Idduas *, avait été raison * d'attribuer à Anastase le même pou-
accusé devant Procle et déclaré innocent. voir qu'avait eu Rufus est qu'il n'y a point ,

L'aflaire ayant été portée à Rome, saint Sixte de corps qui ne soit gouverné par un chef,
ordonna que le jugement de Procle serait et que des membres aussi saints que les évê-

exécuté n'ayant pas voulu toucher à une


,
ques d'illyrie ne devaient pas demeurer
,

sentence rendue par un évêque très -instruit sans chef. On ne sait pas bien ce que le Pape
des règles et des canons de l'Eglise, et très- entend par le concile d'Orient; quelques-uns
exact à les observer. La quatrième lettre est croient qu'il s'agit du concile de Constanti-
adressée aux évêques dlUyrie qui devaient nople en 381 ^, dont le troisième canon donne
s'assembler en concile. Elle est, comme la le second rang à l'évèque de cette ville. En
précédente, du 18 décembre de l'an 437. Le romaine reçut tellement ce que
effet, l'Eglise

prêtre Artémius, député du Pape à ce con- ce concile avait fait touchant la foi qu'elle ,

cile en fut le porteur. Il leur dit dans cette


,
ne voulut avoir aucun égard à ce troisième
lettre quil avait appris de ses prédéces- canon et à quelques autres décrets de dis-
,

seurs - que c'était à l'évèque de Thessaloni- cipline. D'autres prétendent que par le con-
que de prendre soin de toutes les Eglises cile d'Orient , saint Sixte fait allusion ^ aux
d'illyrie, et qu'il renouvelait cette ordon- décrets du concile d'Ephèse, pour la liberté
nance, en sorte que ce serait à cet évêque à de l'Eglise de Chypre, par lequel il était or-
examiner et à juger toutes les dillicultés qui donné que généralement aucun évêque ne
naîtraient entre les évêques mêmes cà con- ; pourrait s'assujettir une province, si elle n'a-

voquer les conciles suivant qu'il en serait be- vait étéde tout temps sous sa juridiction, et
soin, et à en mander le résultat à Rome, afin que ceux qui en auraient usurpé quelqu'une
qu'il y fût confirmé. Il veut que les évêques par violence, seraient obligés de la laisser
d'illyrie, appelés à ces conciles, ne se dis- en son ancienne liberté. Ceux qui sont de ce
pensent point d'y venir, afin que l'on y règle sentiment conviennent que ce décret ne fut
en commun tout ce qui sera du bien et du fait qu'après l'arrivée des légats du pape Cé-
repos des Eglises et des peuples. «Ne croyez lestin à Ephèse et qu'on ne lit point qu'ils
,

pas, leur dit-il, être obligés à ce que le con- s'y soient opposés ; mais il est visible que
cile d'Orient a voulu ordonner ^ contre notre saint Sixte parle des décrets d'un concile
volonté on n'est obligé de le suivre que
; d'Orient que le Saint-Siège n'avait jamais
dans le décret qu'il a fait sur la foi, de notre approuvé. Ainsi il ne parait pas qu'il veuille
consentement; que personne au contraire , ,
parler du concile d'Ephèse, et il n'y a point
de vous ne s'éloigne des règlements faits par d'apparence qu'il eût ou voulu rejeter les dé-
le Saint-Siège, suivant les canons, et dont crets, ou diminuer l'autorité de ce concile,

1 On que c'était l'évèque de Smyrne, qui avait


croit se deneget, ut vobis pariier convenientibus possit in
assisté au concile d'Ephèse, et que Procle l'ayant commune constitui, quod Ecclesiarum servet quietem,
jugé, il en appela au pape car les évêques d'Asie
;
et populos teneat ad salutem. Sixtus, Epist. 10, pag.
avaient peine à reconnaître la juridictiou de l'évè- 1271.
que de Constantinople. Fleury, liv. XXVI Hist. Ec- * Nec his vos constitutis quœ prœter nostra prœ-
clés., pt^. 226. cepta orientalis synodus décernera voluil, credatis te'
* lllyricanœ omnea Ecclesiœ, ut a decessoribus nos- neri, prœter id quidem quod de fide nobis consentien'
tris accepimus, et nos quoc/ue fecimus, ad curam nunc tibus judicavif. A canonum prœceptis vesirum nemo
pertinent T/tessalonicensis anlisiilis ; ut sua soliicitu- discedat, nec ah his deviet, quœ juxta regularum or'
dine, si quœ inler fratres nascuntur, ut assolent, ac- dinem frequens ad vos directa Sedis apostolicœ de-
tiones distinguât, atque definiat, et ad eum quidquid crevit auctoritas. Ibid.
a singulis sacerdotibus agitur, referatur. Sit cunctlium * Nullum corpus est quod capife non regntur. Estis
quoties causœ fuerint, quolies illœ pro necessitatum quidem niemôra, ut no^)imus, sancta; sed vestrum CO'
emergentium ratione decreverit : ut merito Sedes put respicei-e et honorare vos concedet. Ibid.
apostolica, relalione ejus instrucla, quœ fuerint acta s Coûtant., not. in hanc Epist., pag. 12ti6.
confirinet. Evocatus uestrum venire nemo contemnat, û Tom. ni Concil., pag. 802.
nec coiigregationis sanctœ, ad quam débet feslinnre,
254 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qui témoigne partout tant de respect et de Depuis ce temps-là, saint Sixte en écrivit une
révérence pour le Saint-Siège. 11 y a donc plus ample à saint Augustin et à saint Aly-
plus de raison de croire que ce concile d'O- pius, où il exprimait avec plus d'étendue et

rient est le même dontThéodoret parle dans de clarté quel était son sentiment et celui
sa lettre quatre-vingt-sixième à Flavien, qui de l'Eglise romaine touchant les dogmes im-
fut tenu à Constantinople en 437, sous Pro- pies des pélagiens. Il y défendait aussi con-
cle, etoù on renouvela ce qui avait été établi tre eux la doctrine de la grâce avec beau- ,

dans le troisième canon de celui de l'an 381, coup de pureté. Cette lettre fut portée par
toucliant la prééminence accordée à l'évê- le prêtre Firmus, et la précédente par Léon,
que de Constantinople. Ce qui donne Heu à acolyte le même qui fut, comme l'on croit,
,

celle conjecture est : 1° l'instance que le pape de même nom. Elles sont perdues l'une
Pape l'ait à Procle d'avoir pour les décrets et l'autre de même que la réponse de saint
,

faits en faveur de l'évèqne de Thessaloni- Alypius; mais nous avons les deux que lui
que *, le même égard qu'il avait pour les écrivit saint Augustin qui sont la cent qua- ,

décrets et canons anciens et de ne recevoir , tre-vingt-onzième et lacent quatre-vingt-


aucun des évêques d'IUyrie sans les lettres , quatorzième dans la nouvelle édition. (len-
formées d'Anastase, comme saint Sixte l'ob- nade ^ une lettre à Nestorius, où
lui attribue
servait lui-même 2° le témoignage de Tbéo-
; il y a deux natures parfaites
faisait voir qu'il
doret qui nous apprend que Dioscore lui
,
en Jésus - Christ et une seule personne. Ce
,

voulait du mal de ce qu'il avait approuvé ce Pape semble lui-même marquer cette lettre
qui avait été fait dans ce concile de Cons- dans celle qu'il écrivit à Jean d'Anlioclie ^.
tantinople - au préjudice des droits des Egli- 11 en cite encore d'autres dans ses lettres aux
ses d'Antiocbe et d'Alexandrie. Orientaux et à saint Cyrille; mais ou ces let-
H. Sous du pape Zosime ^, il
le pontificat tres ne sont pas venues jusqu'à nous, ou il
se répandit un bruit que saint Sixte, qui n'é- faut dire que saint Sixte s'attribuait en quel-
tait encore que prêtre favorisait les péla-
, que façon les lettres de saint Célestin, non-
giens; les évêques d'Afrique en furent extrê- seulement comme son successeur, mais parce
mement attristés; mais leur tristesse se dis- qu'apparemment il y avait eu part. En etfet,
sipa en appreuanl qu'il avait prononcé ana- ily a entre les siennes et celles de saint Cé-
thème contre ces bérétiques, et ils furent lestin, beaucoup de conformité de style et de
pleinement persuadés de son orthodoxie par génie. Dans la lettre " qu'il écrivit à saint
la lettre qu'il écrivit à Aurèle de Carthage *, Cyrille, après la conclusion de la paix, il té-

où il exposait en peu de mots, mais d'une moigne souvent écrit


qu'il avait à Maximien
manière qui faisait voir avec quelle vigueur de Constantinople touchant la , facilité avec
il combattait lliérésie, son sentiment sur l'er- laquelle saint Cyrille voulait que l'on reçût
reur des pélagiens et sur le dogme de la ceux qui retournaient à l'unité de l'Eglise.
grâce. Les évêques d'Afrique ayant eu com- Il ne nous reste qu'une de ces lettres ^, en-
munication de celtelettre, se hâtèrent d'en core est -elle adressée à saint Cyrille; mais
tirerdes copies, se faisant une joie de la comme elle était circulaire, Maximien en eut
montrer à tout le monde. Ils en relevèrent sans doute une copie inscrite de son nom.
même avec éloge quelques paroles dans la En 433 Euthérius ^ de Tyanes et quelques
,

écrivirent au Pape, et s'en ser-


lettre qu'ils autres évêques d'Orient écrivirent à saint
virent pour montrer que la grâce ne dimi- Sixte contre la paix Alexandre de Hiéraple ;

nue point le libre arbitre en le prévenant. lui députa aussi pour se plaindre de la réu-

'
Id ergo quod nos quoque servatnus, fratcriiHatem Prado faclis, sanctorum Patrum regulis inhcerenies
tuam, quam scimus hoc suo more fncturam, volumus assensimus ; ac de hoc nos semel atque iterum incre-
Custodire, id est, ut si quis harum provinciarum quœ passe, quasi et Antiochenorum et Alexandrinorum
ad fratrem, et coepiscopuin nostrum Thessalonicensis jura prodiderimus. Tlieodoret., Epist. 86 ad Flavian,
nobis antislilem pertinent, sacerdos adieniat prœter ' Augustin., Epist. 194, duiu. 1.

* Idem, Epist. 191, num. 1, et Prosper, iu Collât.


ejus conscientinni, si sine ejus epistolis atque fonyiata
venire ientaverit, tanquam diiciplince ecclesiasticœ cap. X.
despecior et contemplor cunonum quos nos temerari 5 Geunad., de Vir, illust., cap. Liv.

non patimur, liabeutur. Pag. 1265. ^ Sixlus, Enist. 6, uum. 2.


* Scito, scito, Domine mi, hanc illum Dioscoriim ^
Idem, Epist. 5, uum. 7.
Àlexandrinum episcopum adversus me pusillitaiem 8 Sixtus, Epist. 1, pag. 1231.
gerere, ex quo synodicis vestris sub beatœ memoriœ 9 Concil., append., pag. 820 et 821,
[iV ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XIX. — SAINT SIXTE III, PAPE. 235

nion de Jean d'Antioche avec saint Cyrille; étaient coupables, soit pour ne les condam-
mais, ou ils ne reçurent aucune réponse du ner qu'avec connaissance de cause, soit pour
Siège apostolique , ou elle n'est pas venue essayer de les ramener à la saine doctrine,
jusqu'à nous. en leur donnant le temps de se reconnaître.
12. On trouve dans Xa. Bibliothèque des Pères Celte lenteur n'était pas du goût de ceux qui
trois traités attribués à saint Sixte , dont le avaient plus d'activité. Voilà pourquoi ils le
premier est intitulé des Richesses ; le second, soupçonnaient de favoriser l'erreur. Or, il y
des mauvais Docteurs et des Œuvres de la foi, a bien de la différence entre user de pa-
et le troisième , de la Chasteté. Salonius, qui tience envers ceux qui sont dans l'erreur,
veut qu'ils soient de ce Pape, n'en donne pour tâcher de les ramener à la vraie foi, et
point d'autre raison, sinon qu'ils lui sont at- entre enseigner ou favoriser leur mauvaise
tribués dans un manuscrit. Mais il avoue en doctrine. Une preuve sans réplique que ce
même temps que l'inscription est d'une main Pape n'a point avancé dans ses écrits cette
récente et qu'elle ne porte point le nom de
, fausse maxime de Pelage, « que les riches
Sixte III, pape mais de Sixte, pape et mar-
,
demeurant en possession de leurs richesses,
tyr; enfin que ces trois traités sont d'un âge ne peuvent entrer dans le royaume du ciel,»
postérieur au pape de ce nom qui a souf- ,
est que saint Augustin n'en dit rien dans la
martyre. C'en était assez, ce semble,
fert le lettre cent quatre-vingt-quatorzième qu'il lui
pour détuuiner Salonius de les mettre sous écrivit, où, après avoir exposé les dogmes
le nom de saint premier ouïe
Sixte, fut-ce le des pélagiens ,il prévient Sixte sur les ob-

troisième du nom; mais il y a plus, c'est que jections qu'ils avaient coutume de faire, s'ar-

l'on convient unanimement qu'ils sont rem- rêlant principalement à celles dont il croyait
plis des erreurs pélagiennes, et qu'on y dé- Ajoutons que s'il eût
qu'il fallait l'instruii^e.

fend, entr'autres, celte proposition de Pelage, passé alors pour auteur de ces trois écrits, il
que saint Augustin combat foitemont dans n'aurait pas été accusé sur des faits vagues
sa lettre cent cinquante-sept à Hilaire «Les : et incertains de favoriser les ennemis de la

riclies demeurant dans la possession de leurs grâce de Jésus-Christ mais sur des preuves
,

richesses, ne peuvent entrer dans le royaume claires et certaines telles qu'on en trouve
,

de Dieu. » Le Père Garnier soutient au con- ' dans ces traités qu'il ne lui aurait pas suffi,
;

traire que ces trois traités sont de saint Sixte, pour se purger de l'accusation d'hérésie, de
parce qu'on y trouve les erreurs de Pelage. diie anathème aux pélagiens, qu'il aurait
Sa preuve est qu'il passe pour constant que, fallu encore qu'il condamnât des écrits rem-

n'étant encore que prêtre, il favorisa l'héré- plis de leurs erreurs.

sie pélagienne ainsi que le dit - saint Au-


, 13. Comme c'est sur de semblables raisons
gustin; mais rien n'est moins solide que ce que le Père Garnier ^ attribue à saint Sixte
raisonnement car saint Augustin ne dit
:
VHipognosticon qui se trouve dans l'appendice
point que sr.int Sixte ait favorisé les senti- du dixième tome de saint Augustin on doit ,

ments erronés de Pelage mais seulement 3, ,


d'autant moins s'y arrêter, qu'il convient
« que le bruit était qu'il prenait le parti des que ce traité est d'un style dilFérent des trois
ennemis de la grâce chrétienne. » Ne dit-on dont nous venons de parler.
pas de même *, dans la suite qu'il favorisait 14. Nous lisons dans Grégoire " de Tours
l'hérésie de Nestorius, et qu'il trouvait mau- que saint Brice, évêque de cette ville, chassé
vais qu'on l'eût déposé de l'épiscopat ? Ce- par son peuple en 430, se retira à Rome, et
pendant saint Cyrille lui rend témoignage ^ que sept ans après il fut renvoyé à Tours
qu'il pensait de même que les Pères du con- par le pape saint Sixte, qui l'avait trouvé in-
cile d'Ephèse, et qu'il en avait confirmé les nocent des crimes dont on l'accusait. Gré-
décrets; mais c'est que saint Sixte était de goire de Tours ne dit point qu'il eût été ren-
caractère à ne rien précipiter; il voulait s'as- voyé en cette ville avec des lettres du Pape ;

surer si ceux que l'on accusait d'erreur, en mais seulement de l'autorité du Pape; mais il

* Garncr, iu Mercat., part. 1, pag. 2G2. omniaque illius gestn confirmavit et noliiscum sentit,
* Auguât., EiHst. 191 et 194. Ibid.
* Fama jactaret eum ùiimicis cliristianœ gratiœ 6 Garncr., iu Mercat., part. 1, pag. 3G5.
^
fuvere. August., ibid. Gregor. Turon., Hist. Franc, lib. Il, cap. I, %
* Tom. III Concil., pag. 1229 et XXXI.
* Scripsit enim consona sanctœ synodo Ephesinœ
256 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
il est vraisemblable que par ces termes , cet ceux qui ont occupé le siège épiscopale de
historien a entendu des lettres testimoniales Jérusalem depuis l'an 429 jusqu'en 457 ;

de l'innocence de saint Brice adressées au , mais ni Nicéphore ni Evagre qui nous ont
, ,

peuple qui l'avait chassé de son siège. donné le catalogue des évêques de cette ville,
Lettre et
15. 11 est parlé dans quelques écrivains '
n'en mettent aucun du nom de Polychrone.
conoile sup-
posés a l'occa- d'une accusation formée par Anicius Bassus, La date même consulaire de cette histoire
sion de saint
Sixte. consul en l'an 431 contre l'honneur du
, est fausse, et ce qui y est dit, que la ville de
pape Sixte vingt mois après sa promotion;
, Jérusalem fat assiégée sous le pontificat de
d'un concile, où l'on veut qu'il se déclara lui- cet évêque n'est appuyé d'aucun témoi-
,

même innocent, et d'une lettre qu'il écrivit gnage des auteurs du temps auquel on sup-
en conséquence aux évêques d'Orient. D'au- pose qu'il a vécu.
tres veulent que ce concile ait été tenu par [Outre les éditions indiquées par D. Ceil-
ordre de l'empereur Valentinien et que la , lier sur et les décrets de
la vie, les lettres
chose y ayant été examinée Sixte fut dé- , saint Sixte, on cite encore Mansi, Collection
claré innocent par quatre-vingt-quatre évê- des conciles, tome V, Galland, tome IX. Le
ques et Bassus privé de la communion;
, tome L de la Pati-ologie latine de M. Migne
mais toute cette histoire est aujourd'hui re- contient des notices d'Anastase de Galland, ,

jetée unanimement, comme insoutenable de , de Schœneraann, etc., des lettres et des dé-
même que celle de l'accusation d'un Poly- crets d'après Constant avec commentaires.
,

chrone de Jérusalem, qu'on dit avoir été jugé Ces lettres sont au nombre de dix, parmi les-
par saint Sixte -. 11 est vrai que cette quelles il y en a une de Jean évêque d'An- ,

dernière pièce a été citée comme vérita- une d'Eleuthérius,


tioche, c'est la troisième;
ble par le pape Nicolas I"; mais elle n'en évêque de Tyane la quatrième un appen-
, ;

estpas moins supposée. Non-seulement on dice qui reproduit une notice sur les autres
ne trouve point d'évèque de ce nom parmi écrits de ce Pape.]

CHAPITRE XX.

Saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie, docteur de l'Eglise et confesseur.

livres des anciens écrivains ecclésiastiques,


ARTICLE I.
afin de régler ses sentiments sur les leurs,
HISTOIRE DE SA VIE. et ne rien dire que de conforme à ce qu'ils
avaient dit avant lui. Il parait encore parles
1. Saint Cyrille 3, neveu de Théophile, écrits qu'il nous a laissés contre Julien, qu'il
Sa naissan-
ce.
Il
Ses études.
est fait évê-
patriarche d'Alexandrie, fut nourri dès son avait beaucoup lu les auteurs profanes. Théo-
que en 412
enfance dans l'étude des lettres saintes, et phile, son oncle, étant mort le 16 octobre de
instruit dans la saine doctrine de l'Eglise.
** Tan 412, on élut à sa place son neveu, mais
On ne voit point que depuis il ait été engagé ce ne fut pas sans de grandes disputes. Plu-
dans aucune hérésie. Son oncle l'avait sans sieurs demandaient Timothée, archidiacre
doute mis dans son clergé dès avant 403, d'Alexandiie; les autres, saint Cyrille. Abon-
puisqu'en cette année il se trouva avec lui '^
dantius, général des troupes de l'Egypte ,

au conciliabule du Chêne où saint Chrysos- , prit parti pour Timothée , et le peuple en


tôme fut condamné. Il étudia ^ aussi les vint jusqu'à la sédition; mais saint Cyrille

1 Baron., ad an. 433, 530; tom. III Concil., pag. 1263, 3 Socrat., lib. VH, cap. vn; Isidor. Peins., lib. 1,

1273 ; BoUaud., tom. 1 april., pag. 33, et ad diem 28 Epist. 310.


marlii, pag. 717, 1414. * Lupus, Epist. 56, pag. 132.
s Tom. m Concil., pag. 1283. » Lupus, ibid. —
6 Cyrill., Epist. 35.
[lV*= ET V^ SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. ^o1

l'emporta, et il fut intronisé trois jours après des juifs, s'en empara, les chassa eux-mê-
la mort de Théophile, c'est-à-dire le 18 oc- mes de la ville, et abandonna leurs biens au
tobre. pillage. Oreste le trouva mauvais, et lit de

2. On remarque usa de sa dignité


'
qu'il grandes plaintes de ce que l'on avait dépeu-
avec beaucoup d'empire, et que depuis qu'il plé la viho d'un si grand nombre d'habitants.
en fut en possession, les évêques d'Alexan- 11 en écrivit à l'empereur^ à qui saint Cyrille

drie les bornes de la


commencèrent à passer représenta aussi les violences dont les juifs
puissance pour entrer du
ecclésiastique, avaient usé contre les chrétiens. Ce prince
moins en partie dans le gouvernement des eut, selon toutes les apparences, égard aux

aiiaires civiles. Les premiers qui se ressenti- remontrances de l'évêque, puisque les juifs
rent de son autorité furent les novatiens. Il ne revinrent plus à Alexandrie, où ils avaient
ferma les églises qu'ils avaient à Alexandrie, demeuié depuis le temps d'Alexandre-le-
s'empara de tous les vases et de tous les Grand, fondateur de cette ville. L'inimitié
meubles qu'il y trouva, et dépouilla leur d'Oieste pour saint Cyrille étant devenue pu-
évèque, nommé Théopemptus, de tous ses bhque, celui-ci, à la prièi'e du peuple, en-
biens. voya lui demander son amitié, et l'en conjura
3. Quelque temps après il fit aussi chasser même par le livre des Evangiles; mais Oreste
les juifs d'Alexandrie, à cette occasion -. Un rejeta les offres de l'évêque. Ainsi leur di-
jour qu'Oreste, gouverneur de cette ville, vision continuant fut suivie de funestes
,

était au théâtre pour y faire quelques or- etlets, qui, au rapport de l'historien Socrate,

donnances de police, des chrétiens atfection- attirèrent de grands reproches à l'Eglise


nés à l'évêque s'approchèrent pour les eu- d'Alexandrie et à son évèque. Les moines
tendre. De ce nombre était un professeur de de Nitrie partisans de Théophile contre
,

grammaire, nommé Hiérax, homme fort as- Dioscore, vinrent dans la ville, y attaquè-
sidu aux sermons de saint Cyrille, et le plus rent Oreste, le chargèrent d'injures et de
empressé à les relever par ses applaudisse- coups, jusqu'à le mettre tout en sang. Hypa-
ments. Dès que les juifs, toujours ennemis tia ^, fille si savante qu'elle surpassait tous
des chrétiens, le virent dans le théâtre, ils les philosophes de son temps, accusée d'em-
s'écrièrent aussitôt qu'il n'y était venu que pêcher la réconciliation entre saint Cyrille et
pour y causer du trouble. Oreste, choqué de Oreste, fut arrêtée par une troupe de gens
son côté du pouvoir que s'attribuait l'évêque, emportés, conduits par un lecteur, nommé
qu'il regardait comme une usurpation, lit Pierre, tuée à coups de pots cassés, mise en
arrêter Hiérax, et commanda qu'on le frap- pièces, et ensuite brûlée. Ces choses se pas-
pât publiquement de verges sur la place saient en 414 et 413.
même. Saint Cyrille en étant averti, lit venir L'année suivante 416, Atticus, intrus à
4.
les principaux des juifs, et les menaça de la place de saint Chrysostôme, n'ayant pu se
châtiments, s'ils ne cessaient d'exciter les refuser aux vives instances du peuple de
séditions contre les chrétiens. Méprisant cette Constaniinople, rétablit la mémoire de son
menace, ils en devinrent plus furieux, et prédécesseur; il en écrivit même à saint Cy-
concertèrent d'attaquer de nuit les chrétiens, rille pour le persuader de faire la même

convenant entre eux de mettre à leur doigt chose. Sa lettre n'eut aucun succès. Saint
un anneau d'écorce de palmier pour se re- Cyrille * blâma Atticus d'avoir mis le nom
connaître. Le moment de la conspiration ar- de Jean au rang des évêques dans les sacrés
rivé, ils firent crier par tous les quartiers de dyptiques, comme d'une entreprise contre
la ville que le feu était à l'église de Saint- les canons, etil aima mieux continuer à être

Alexandre. Comme les chrétiens accouraient séparé de l'Eglise romaine, que de se récon-
de tous côtés pour l'éteindre, les juifs se je- cilier avec la mémoire d'un saint évèque
tèrent sur eux et en tuèrent un grand nom- que son oncle avait déposé. Il changea tou-
bre. Le jour venu, les meurtriers furent dé- tefois de sentiment dans la suite. Saint Isi-
couverts. Saint Cyrille étant allé avec une dore de Péluse lui a^yant écrit sur ce sujet,
^

grande troupe de gens dans les synagogues il se laissa persuader de ne pas entretenir

' Socrat., lib. VII, cap. vn. * Cyril., Epist. ad Alticum, tom. V, part, ii, pag
» Ibid., cap. xia et xiv. 204 et 205.
s Vie d'Hypacie, par M. l'abbé Goujet, dans les 5 Isidor. Pelus., lib. I, Epist. 370.
Afe'/n. de Liltérat., chez Simart, topi. V.
Vlll. 17
2o8 HISTOIRE GÉNÉRALE DÈS AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
dans l'Eglise une division éternelle, sous damnées par saint Cyrille ou par les magis-
prétexte de piété, et ayant assemblé ' les cause des injustices dont il avait
trat?, l'un à
évèques d'Egypte, il consentit de rendre à opprimé les aveugles et les pauvres l'autre ,

saint Chrysostùme l'honneur qui lui était dû. pour avoir tiré l'épée contre sa propre
A ces conditions, Atticus et saint Cyrille ob- mère, l'autre pour avoir dérobé de l'argent
tinrent sans peine la communion de l'Eglise avec une servante. Saint Cyrille les nomme **

romaine, qui avait alors Zosime pour chef. Quérémon, Victor et Sophronas. Il en ajoute
Vers la fin de l'an 417, saint Cyrille - reçut un quatrième, qui était un jeune homme,
la visite de sainte Mélanie la Jeune, qui al- fils d'un nommé Flavien mais dont le crime
,

lait d'Afrique en Palestine, avec Albine sa ne fut pas constaté. Ce furent-là les instru-
mère, et Pinien, son mari. Deux ans après ^ ments de la vengeance de Nestorius; il les
les évèques d'Afrique lui envoyèrent des dé- engagea à présenter à l'empereur Théo- "^

putés pour le prier de leur donner une co- dose des requêtes contre saint Cyrille, et il
pie authentique des vrais canons de Nicée, prétendit être lui-même son juge. Les chefs
et de leur marquer le jour auquel on devait d'accusation ne sont point spécifiés; mais
célébi-er la pàque, l'an 420. Le saint évèque on voit par la lettre que ce prince lui écrivit ^
les satisfit sur l'un et l'autre de ces articles. sur la fin de l'année 430, qu'on le lui avait
Il réfuta
S- Voilà ce que l'histoire de la vie de saint dépeint comme un esprit ambitieux et em-
NTsToHnl! Cyrille nous présente de plus remarquable porté, qui, par l'envie qu'il avait d'être le
me une' Jcul jusqu'en 428, que Nestorius fut fait évéque maître, mettait le trouble partout. Quelque
sation contre
j^ Coustautinople. Sou ordination fut ap- sensible que fût saint Cyrille aux accusations
plaudie presque universellement. Saint Cy- formées contre lui, il n'en fut pas étonné ^,
rille lui écrivit pour lui en témoigner sa joie sachant que les plus gens de bien ne sont
et lui souhaiter de la bonté de Dieu les pas à couvert de la haine et des médisances
biens les plus excellents. Mais cette joie ne des méchants; il en eut même une espèce
fut pas de longue durée. Les homélies de de joie dans l'espérance '^ que le procès
,

Nestorius ayant été portées en Egypte aussi qu'on lui intentait, pourrait procurer un con-
bien qu'ailleurs, on vit en un moment s'éva- cile où l'on apporterait du remède aux maux

nouir les grandes espérances qu'on avait dont l'Eglise était menacée par le parti de
conçues de lui. Saint Cyrille fut des premiers Nestorius.
à réfuter les erreurs renfermées dans ces lio- 6.Cependant les ecclésiastiques " qu'il
mélies, et, sachant qu'elles avaient mis le avait envoyés à Constantiuople pour y sou-
trouble dans les monastères d'Egypte, et que tenir les catholiques, lui envoyèrent une re-
quelques esprits légers en étaient ébranlés, quête qu'ils avaient dessein de présenter à
il écrivit une lettre circulaire et générale
"* l'empereur, dans laquelle ils s'élevaient avec
aux moines de ces cantons, pour les ins- beaucoup de force contre Nestorius, jusqu'à
truire de la vérité et leur donner le moyen l'appeler hérétique. Saint Cyrille ne voulant
de la défendre. Cette lettre passa bientôt des pas lui donner sujet de se plaindre qu'il l'eut
déserts de TEgypte à Constantiuople, ou plu- accusé d'hérésie devant l'empereur, retint
tôt saint Cyrille l'y envoya lui-même; elle y cette requête, et en dressa une autre, où,
fut d'une grande utilité, ce qui lui attira des après avoir récusé Nestorius pour son juge,
remerciments de la part de plusieurs magis- il demandait que si Théodose voulait lui en

trats de cette ville. Nestorius, au contraire, donner sur l'instance de ses accusateurs, ce
en fut extrêmement irrité; il y fit répondre fussent les auti'es patriarches de l'Eglise. On
par Photius ^, l'un des prêtres et des défen- ne sait ce qui en arriva; mais Nestorius
seurs de son hérésie, et chercha dès-lurs ayant témoigné désirer la paix, saint Cy-
tous les moyens de se venger de saint Cy- rille ne consentit à la lui accorder qu'à con-

rille. Il y avait en ce lemps-hà à Constanti- dition qu'il ne se servirait plus des expres-
uople quelques personnes d'Alexandrie cou- sions qui avaient blessé tous les évèques de

1 Nicephor., lib. XIV, cap. xvin. 6 Cyrill., Epist. 8, pag. 34.


2 Surius, ad diem 31 decemb., pag. 380. Tom. III Concil., pag. 1054.
3 Cyrill.. Epist. Cl pag. 212 et 213. 8 Tom. III Concil., pag. 434 et 435.
* Cyrill., Epist. 19, part, i, pag. 38, et Epist. 1, 9 Cyrill., Epist. 4, pag. 22.
pag. 3. i« Cyrill., Epist. 8. pag. 34.
* Tom. III Concil., pag. G73. " Mercator, tom. II, pag. 56.
[iv^ ET v^ sikLES.J CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 259
l'Orient et de l'Occident, et qu'il mettrait par lliclion que lui causait l'erreur de Nestorius,
écrit une profession claire et sincère de la soit pour les exhorter à la défense de la vé-
foi catholique, qu'il lui enverrait ensuite. rité.

Dès Tannée précédente, c'est-à-dire eu 8. Les lettres et les homélies de Nestorius

l'an 429, saint Cyrille lui avait écrit pour ayant été examinées à Rome dans un con-
essayer de le retiicr par la douceur, du pré- cile ^ où présidait le pape Célestin, elles fu-
cipice où il se jetait ', lui représentant avec rent trouvées remplies de blasphèmes et
si

bonté le scandale et les maux que causaient d'erreurs, qu'on ne put se dispenser de con-
partout les discours qui paraissaient sous son damner leur auteur et de rendre une sen-
nom. Il lui écrivit une seconde lettre -vers le tence contre lui. Elle portait ^ que si, dans
commencement de février de l'année sui- dix jours depuis qu'elle lui aurait été signi-
vante 430, où, après lui avoir marqué qu'il fiée^ il ne se réti'actait, il serait entièrement
était averti des calomnies que Ton répandait séparé de la communion de l'Eglise et privé
contre en connaissait les auteurs,
lui, et qu'il de tout le pouvoir qui appartient à la dignité
il l'exhortait, comme
sou frère, à corriger sa du sacerdoce. Le Pape ordonna "^ que saint

doctrine et à faire cesser le scandale, en Cyrille agirait en cette atfaire, au nom du


s'attachant aux sentiments des Pères. Il expo- Saint-Siège et avec son autorité, tant pour
sait aussi dans cette lettre la règle de la foi notifier cette sentence, que pour l'exécuter,
d'une manière très -claire et exempte de et pour pourvoir promptement aux besoins
toute équivoque. Cette lettre n'eut pas plus de l'Eglise de <^onstantinople, au cas que
de succès que la première. Nestorius n'y ré- Nestorius refusât de se soumettre.
pondit qu'avec fierté et en soutenant opi- 9. Saint Cyrille ayant reçu les lettres du
niâtrement sa doctrine et ses expressions Pape, en écrivit une à Juvénal de Jérusa-
ordinaires; aussi sa lettre ayant été lue dans lem ", et une autre à Jean d'Antioche, pour
le concile d'Ephèse, elle y fut rejetée avec les prier de se joindre à lui contre Nestorius.

anathème, au lieu que celle de saint Cyrille Il priait encore Juvénal d'écrire tant à Nes-

y fut approuvée de tous les évèques, comme torius qu'au peuple de Constantinople, à
,

elle l'avait été dans le concile de Rome ^ l'empereur et à tous les officiers de la cour,
7. Ce saint évêque voyant donc qu'il n'y pour les disposer à consentir à sa déposition,
avait aucun lieu d'espérer de faire revenir s'il refusait de se rendre aux sentiments des

Nestorius par de simples exhortations, jugea, autres évèques. 11 lui écrivait à lui-même
comme beaucoup d'autres évèques de l'O- une troisième lettre au nom du concile quil
rient, qu'ilse déclarer hautement
fallait avaitassemblé à Alexandrie, en suite de la
pour mais auparavant il assembla
la vérité ;
•*
commission du Pape, afin que cette lettre
à Alexandrie les évèques d'Egypte, auxquels servit d'une dernière monition. Il lui décla-
il communiqua les lettres qu'il avait écrites rait que
dans dix jours après la réception
si,

à Nestorius, et celles qu'il en avait reçues. de cette lettre, il ne renonçait '^ à ses erreurs,
Tout concile fut d'avis que saint Cyrille
le tous les évèques de son concile n'auraient
écrivît au Pape pour lui représenter l'état où plus de communion avec lui, ajoutant qu'il
était l'aûaire de Nestorius, et combien il ne lui suIBrait pas de professer le symbole
était nécessaire d'en arrêter les suites. Con- de Nicéc, auquel il savait donner des inter-
formément à cet avis ^, il écrivit au pape Cé- prétations violentes; qu'il faudrait encore-
lestin et lui envoya sa lettre par son diacre qu'il confessât par écrit et avec serment que
Possidonius, à qi\i il donna encore un mé- sa foi était la même que celle de tous les
moire contenant une déclaration ^ abrégée évèques d'Occident et d'Orient. Cette lettre
de sa foi et une longue exposition de la contenait une longue exposition de la foide
doctrinede Nestorius. 11 écrivit " aussi à l'Eglise sur l'Incarnation, et finissait par
Acace de Rérée, et à quelques autres évè- douze anathèmes qui en renfermaient toute
ques, soit pour se consoler avec eux de laf- lasubstance eUe fut portée '^ avec celle du
;

* Cyrill., Epist. 9, pag. 37, et Epist. pag.


2, 9. « Append. Concil., pag. 377 et 380.
« Tom. m Concil., pag. 315, 3â2 et 343. 7 Tom. m Concil., pag. 379.
» Toiu. m Concil., paç. 398 et 462. 8 — 9 Tom. Kl Concil., pag. 374.
Ibid.
* Nicepli., XIV, cap. xxxui.
lib. 10 Ibid., pag. 349 et 364.— '• IbiJ., pag. 38C et 387.
» Tom. m Concil., pag. 343 et 346. li Ibid., pag. 398. — " Ibid., pag. 503.
2G0 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
pape Gélestin à Couslantiuople, par quatre pape Célestin à témoin comme il n'avait rien
évêques du concile, Théopemplus, Daniel, négligé pour retirer Nestorius de l'abîme où
Potamon et Macaire. il s'était précipité.

Il Tn ai que ces députés y arrivas-


10. Mais avant 11. Jean d'Antioche, qui n'arriva à Ephèse
concile d'K
phkfe. Il sent, Nestorius voyant que les évêques d'Oc- que plusieurs jours après la Pentecôte, ayant
préside , ei
431. cident et d'Orient étaient résolus de ne plus appris la déposition de Nestorius, tint lui-

souffrir le ti'ouble qu'il avait excitépar ses même un concile avec les évêques d'Orient
discours, chercha à se mettre à couvert de qui étaient venus avec lui, et avec quelques
l'orage dont il était menacé, et sollicita au- autres, en tout au nombre de quai'ante-trois,
près de Th^îodose la convocation d'un con- où déposa saint Cyrille et Memnon
il
'^,

cile général '. Basile et les autres moines comme auteurs du trouble, et à cause du
catholiques de Constantinople, qu'il avait sens hérétique des douze anathématismes.
maltraités, demandèrent ^ ]a même grâce à Il sépara aussi de sa communion les autres

ce prince, par une requête solennelle. L'em- évêques du concile d'Ephèse, jusqu'à ce
pereur l'accorda, et ht écrire une lettre de qu'ils eussent condamné ces anathématis-
convocation adressée aux métropolitains de mes, et qu'ils se fussent joints aux évêques
chaque province; elle est datée du 19 no- de sa compagnie, pour examiner tous en-
vembre de l'an 430; il n'en reste qu'un semble les causes du trouble de l'Eglise et
exemplaire, qui est de celle qui fut adressée y apporter du remède. L'empereur, qui ne
à saint Cyrille. La ville d'Ephèse fut choisie savait que par une relation infidèle ce qui
pour cette assemblée, dont le jour fut fixé à s'était passé à Ephèse, confirma la déposi-

celui de la Pentecôte de l'année suivante tion de saint Cyrille ^ et de Memnon, en


431. C'était le 7 juin. Aussitôt après la fête même temps que celle de Nestorius.
de Pâques, qui tombait le 19 avril, saint Cy- 12. Dans la quatrième session tenue le 16
rille partit d'Alexandrie, accompagné de juillet dans l'église de Sainte-Marie, saint
cinquante évêques de ceux de sa dépen- Cyrille occupant toujours le premier rang,
dance, avec lesquels il arriva à Ephèse, qua- pour le Pape, quoique ses trois légats, arri-
tre ou cinq jours avant le terme fixé. Il em- vés depuis peu, fussent présents, donna sa
ploya le temps ^ qui lui resta jusqu'à l'arri- requête au concile, en demandant que les
vée des autres évêques, à faire des extraits Oiientaux y fussent cités. On lui adjugea
des écrits de Nestorius et à combattre ses ses conclusions. Les Orientaux furent cités
sentiments. L'assemblée se tint dans la jusqu'à trois fois; et ayant refusé de compa-
grande église d'Ephèse, qui portait le nom raître, le concile les sépara ^ de la commu-
de la sainte Mère de Dieu. Saint Cyrille y nion.Nous voyons par une lettre de saint
tint le premier rang ^ comme tenant la place Léon '0, que Juvénal de Jérusalem ayant
du pape saint Célestin; mais on convient prétendu, dans le même concile, s'attribuer
qu'il aurait pu l'occuper par la dignité de la primatie de par des écrits
la Palestine,

son siège. On lut d'abord le Symbole de Ni- supposés, saint Cyrille s'y opposa, et qu'il
cée, et ensuite la seconde lettre de saint Cy- écrivit même à Rome pour empêcher que
rille à Nestorius, à laquelle tous les évêques cette entreprise réussît.Sa lettre fut conser-
donnèrent leur approbation ^, avec de grands vée dans les archives de cette Eglise.
éloges. La réponse que Nestorius y avait 13. Cependant l'empereur Théodose " com- II est arrêtai
arec Memnon]
faite fut lue aussi, etanathématisée avec son mit le comte Jean pour aller à Ephèse dépo- et Neitorinj.,

auteur. Mais on ne s'expliqua point sur la ser saint Cyrille, Memnon et Nestorius. Le
dernière lettre de saint CyriUe, à laquelle il comte assembla à cet efl'et les évêques des
avait joint douze anathèmes. Saint Cyrille fit deux partis, pour leur faire lecture de la lettre
quelques discours pendant la tenue du con- dont le prince l'avait chargé. Comme elle
cile un, entre autres, où l'on trouve un
,
approuvait la prétendue déposition de saint
éloge de la sainte Vierge, et où il prend le
"^ CyriUe et de Memnon, les Orientaux y ap-

1 Niceph., lib. XIV, cap. xxxiii. 6 Ibid., pag. 584. — ''


Tom. III Concil. pag. 596.
2Tom. II Concil., pag. 430 et 431. 8 Tom. III Concil., pag. 721.
3 Socrat., lib. Vil, cap. sxsiv, et Mercat., tom. II, 9 Tom. III Concil., pag. 645 et 769.

pag. 19.
10 Léo, Epist. 92 ad Maxim., cap. IV.
* Tom. III Concil., pag. 446, 616 et 780. 11 .\ppend. Concil., pag. 708 et 709.
5 Ibid., pag. 456, 459 et 462.
,

[iv ET v^ siÈCLFS.] CHAPITRE XX. — SAINT. CYRILLE D'ALEXANDRIE. 2G1

plaudircni. Les catholiques, au contraire, en 15. Les partisans de Nestonus n osant plus n .critcon-
're Théodore
témoignèrent beaucoup de mécontentement. en soutenir la doctrine,
...
.

même en produire
, 1 ,
.

m. . , .

<'«
'^'^
Mopsue^ie
437 et 438.
, , .
r^, . ,

Pour empêcher que le tumulte n'augmeulât, les écrits publiquement, soit parce que Théo-
le comte Jean fit arrêter les trois déposés '. dose l'avait défendu par un loi du 3 août 433,
11 donna Nestorius en garde au comte Candi- soit parce qu'ils avaient été condamnés au

dien, son ami, saint Cyrille et Memnon à un concile d'Ephèse, s'avisèi'ent de porter et de
autre comte nommé Jacques; après quoi il répandre partout les écrits de quelques au-
manda .'i l'empereur ce qu'il avait fait, et ce teurs plus anciens que Nestorius, entre au-
qu'il ferait à l'avenir, pour la réunion des tres de Diodore de Tarse et de Théodore
deux partis. Les catholiques, c'est-à-dire les de Mopsueste. Le premier avait fait des com-
évêques du concile, écrivirent ^ de leur côté mentaires presque sur toute l'Ecriture, un
à ce prince, en lui protestant qu'on l'avait livre contre les Apollinaristes , et quelques au-
surpris lorsqu'on lui avait fait entendi'e que tres ouvrages. Le second avait aussi com-
c'était tout le concile qui avait déposé saint menté la plupart des livres de l'Ecriture, et
Cyrille et Memnon; que cela s'était fait par combattu dans divers écrits les hérésies
le parti de Jean d'Antioche sans aucune , d'Eunomius et d'Apollinaire. Comme on y
forme de procédure, et par le seul désir de trouvait des expressions peu correctes, et
venger la déposition de Nestorius, dont il que l'on pouvait détourner au sens de Nes-
prenait la défense; qu'ainsi ils le priaient torius, ses sectateurs s'en servirent pour
de leur rendre des évêques qu'on ne faisait montrer qu'il n'avait rien dit de nouveau,
passer pour coupables, que parce qu'ils mais suivi la doctrine des anciens. Quelques
avaipnt défendu avec eux la gloire de Jésus- évêques catholiques, du nombre desquels
Christ. Le concile ayant appris depuis que était Rabula d'Edesse, ayant vu les livres de
l'on délibérait ù la cour si l'on enverrait en Théodore de Mopsueste, le traitèrent haute-
exil saint Cyrille et Memnon, écrivit ^ une ment d'hérétique. Les évêques de Cilicie, où
seconde lettre à Théodose. Ce prince consen- Théodore avait été évêque durant trente-six
tit qu'on lui envoyât des députés des deux ans, se plaignirent du procédé de Rabula,
partis, et leur donna audience * à Chalcé- prétendant que lui ^ et tous ceux qui trai-
doinc, dans le palais de Rufin. Les Orientaux taient Théodore d'hérétique, n'agissaient que
n'obtinrent rien pour Nestorius; mais saint par jalousie et par passion mais les évêques ;

Cyrille et Memnon furent rétablis ^. d'Arménie s'étant assemblés députèrent à ,

nioarue
Saint Cyrille arriva à Alexandrie le 30
l'^- Procle de Constantinople, pour savoir s'ils
laaadne
Qctobre, OÙ le peuplc le reçut avec une devaient s'en tenir à la doctrine de Théodore
grande joie ^ et comme en triomphe. L'un ou à celle de Rabula. Procle examina avec
de ses premiers soins fut de se justifier au- soin le volume de Théodore que les Armé-
près de l'empereur, par une apologie " qu'il niens lui avaient envoyé, et y ayant remar-
.lui adressa. Il écrivit aussi à Acace de Bérée, qué quelques erreurs, il les réfuta dans un
ami de Jean d'Antioche, prêt à
qu'il était écrit intitulé Tome, qu'il envoya à Jean d'An-
oublier tous les outrages qu'il avait reçus, et tioche pour y souscrire. Ces erreurs se ré-
à se réunir, pourvu que les Orientaux ap- '^
duisaient à cinq articles; mais Procle n'avait
prouvassent condamnation de Nestorius,
la pas marqué de qui elles étaient. Les députés
et qu'ils analhématisassent ses blasphèmes.
y ajoutèrent le nom de Théodore de Mop-
Jean d'Antioche et ceux de son parti, à l'ex- sueste et de quelques autres anciens pour ,

ception d'Alexandre de Hiéraple, acceptèrent les faire anathématiser. Jean d'Antioche et


la proposition, et la paix ayant été faite entre les évêques d'Orient assemblés avec lui
eux, saint Cyrille l'annonça à son peuple souscrivirent au Tome de Procle; mais ils re-
dans un petit discours qu'il fil le 23 avril 433; fusèrent de condamner
les articles joints avec
mais Théodoret, en s'unissant à saint Cyrille, leurs Us se plaignirent même à
auteurs.
ne voulut point approuver ses analhématis- Procle par une lettre synodale, de ce qu'il
raes. voulait condamner Théodore, qui était mort

* Tom. m Concil., pag. 723 et 72'.. s Append. Concil., pag. 733.


« Ibid., pag. 7G4, 765,768 et 780. « Toui. IIL Concil., pag. lo57.
^ Tom. III Concil., pag. 776. 7 Ibid., pag. 1027. — » Appeud. Concil., pag. 908.
* Ibid., pag. 733 et 736. 9 Libéral., cap. x.
,

262 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


flans la paix et la communion de l'Eglise. quiéter ses héritiers. Dioscore, qui lui suc-
Piocle, surpris '
de ce qu'on avait mis le nom céda, n'eut aucun égard à ses prières; il per-
de Théodore aux extraits qu'il avait faits sécuta les parents et les héritiers de son
des livres de cet auteur, et dont il avait de- prédécesseur ^, et fit tous ses efforts pour
mandé la condamnation, récrivit à Jean d' An- chasser d'Alexandrie, et pour ôler même du
tioche et à son concile, qu'il n'avait jamais monde tous ceux qu'il avait aimés. La mé-
eu intention, ni dans la lettre qu'il lui avait moire de saint Cyrille a toujours été en vé-
écrite, ni dans les ordres qu'il avait donnés nération dans l'Eglise latine comme dans la
à celui qui en était porteur, d'anathématiser grecque; et dans l'une et dans l'autre, on Ta
Théodore, ni aucun autre après sa mort. honoré comme ayant eu toute la vigilance,
Saint Cyrille à qui Jean d'Antioche avait toute la fermeté et tout le courage d'un vé-
aussi écrit sur la même matière, fit dans sa ritable évêque. Intrépide lorsqu'il s'agissait
réponse l'éloge du Tome de Procle -; mais de la cause de Dieu, il ne craignait point de
il pVia Jean de ne point attribuer aux saints la défendre ^ contre les puissances du siècle,

Pères Athanase, Basile, Grégoire et autres, et il s'il eût été besoin, de porter
était prêt,

les opinions décriées de Diodore et de Théo- la vérité dans les palais et devant les empe-
dore, témoignant souhaiter que chacun s'ap- reurs. Sa constance parut, lorsqu'emprisonné
pliquât à ses affaires particulières, de peur à Ephèse, il se vit en danger d'être dépouillé
d'exciter de nouveaux troubles dans l'Eglise. de l'épiscopat, et banni dans les déserts.
Il consentit ^ même dans la suite à ce qu'on Alors il rendit grâces à Dieu ^^ dans ses souf-
ne parlât plus d'anathématiser Théodore, frances, disposé à souffrir avec joie toutes
croyant que la doctrine de l'Eglise était suf- les peines dont il lui plairait l'affliger. Le

fisamment établie par l'anathème des dog- pape Célestin a fait en deux mots son éloge '*,
mes de Nestorius. Il ne laissa pas, pendant lorsqu'il l'a qualifié le généreux défenseur
le temps que dura cette dispute, d'écrire con- de l'Eglise et de la foi, le docteur catholique,
tre Théodore, mais sans prononcer * contre et uft homme apostolique, qui s'était ac-
lui ni contre ses dogmes aucun analhème quitté parfaitement de tout ce que saint
quoiqu'il entreprît^ de montrer que Théo- Paul demande d'un évêque.
dore et Diodore étaient les véritables auteurs
du nestorianisme. Tout ceci se passait en ARTICLE II.

437 et 438.
DES ÉCRITS DE SAINT CYRILLE.
Mort de 16. Les dernières années de saint Cj-rille
saint Cyri'le,
en 444. Son ne sont notées d'aucun fait considérable. Il §1.
éloge.
mourut en 444, le 9 juin, ou selon d'autres *^,
De ses Commentaires sur l'EciHture sainte.
le 27 du même mois, après avoir gouverné
l'Eglise d'Alexandrie trente-un ans et deux 1. Dans l'édition de Paris de l'an 1638,

cent-cinquante-cinq jours, à compter du 15 par Jean Aubert chanoine de l'Eglise de


,

octobre 412, auquel Théophile, son oncle, Laon, on a distribué les ouvrages de saint
était mort. Etant près de mourir, il fit un Cyrille en six tomes, dont les quatre pre-
testament par lequel il léguait à son suc-
'^
miers renferment les explications qu'il a fai-
cesseur une partie de son bien qui lui était tes, tant de l'Ancien que du Nouveau Testa-

propre, mais en le conjurant de ne point in- ment. On a mis à la tête, du moins dans

1 Facunii.,' lib. VIII, cag. ii. custodiœ traditi sumus, et adhuc custodimur, ignari
2 Cyrill., Episl. 51, pag. 196. prorsus quo tandem res hœc sit evasui'a. Verumtamen
3 Cyrill., Epist. 54, pag. 199 et 201. grattas agimus Deo, si pro nomine illius digni habea-
4 Facund., lib. III. cap. vi. mur non solum vinculis constringi, sed cœtera quoque
s Libérât., cap. x, pag. 47. omnia perpeti. Neque enim istapi'œmiis suiscarebunt.
6 Chronic. Orient., pag. 118. Cyrill.; Epist. ad Theopemp., tom. III Concil., pag.
?
Tom. IV Concil., pag. 406 et 407. 771.
Il Legistis namque, et memoriter jani tenetis sacer-
8

9
Ibid., pag. 395, et Libérât., cap. x.
S/ enim aut ad polestates mundi, aut ad pussifiuim dotis, hoc est catholici ad hune (Nestorium) scripfa i
imperatorem lo'/ui aliquid me oporteat, non confiin- dcctoris (Cyrilli), quibus cum ira correptum ut vellel

dar, neque paiebo, cum propheiam Davidem habeam esse correctum. Nixus est labentem revocore colle-
continua me ad/tortantem ac dicentem : Loquebar in gam in nullo ei offiiio apostoli vir apostolicus de-
conspeclu regum,ct non coufiiudebar. Cyrill., tom. X fuif; obsecravit, admonuit, increpavit. Cœlestin., ad
de Diversis, pag 382, tom. V. Clerum Constantin., tom. III Concil., pag. 1077.
10 Postquam imperatorum litterœ lectœ fuerunt^
;

[IV ET V^ SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 263

l'exemplaire que nous avons en main, l'ou- rer de sa bienveillance. Saint Cyrille joint
vrage qui a pour titre Glaphyres. Mais il est au commandement fait à ce patriarche celui
visible que c'est par erreur, et qu'on doit que le Sauveur fait à tous les chrétiens, de
placer auparavant celui qui est intitulé : De n'aimer rien sur la terre plus que lui, et la
l'Adoration en espt'it et en vérité *, qui est cité promesse de donner le centuple à ceux qui,
dans les Glaphyres. pour le suivre, auront quitté leur père et
2. On ne peut douter que saint Cyrille ^ mère, leur femme, leurs enfants et tous
n'en auteur, puisqu'il se trouve sous
soit leurs biens. Loth, sorti de Ségor, se retira
son nom dans tous les manuscrits; que l'on sur la montagne, où il demeura dans une
y remarque les mêmes façons de parler et la caverne, qui était la figure de l'Eglise, où se
même doctrine que dans les autres écrits retirent tous ceux qui évitent le supplice du
qui sont incontestablement de lui. Il lui est feu. Si Abraham ne fût sorti de l'Egypte,
d'ailleurs attribué par de Byzance, Léonce ^ figure de l'intempérance et des voluptés,
par André de Samosate, par Ephrem d'An- pour retourner dans le lieu que Dieu lui
tioche, et par Photius *. Cet ouvrage est avait donné auparavant pour sa demeure, il

divisé en dix-sept livres, qui sont écrits en aurait succombé aux artifices du tentateur
forme de dialoguesentre lui et un nommé figuré par Pharaon; mais, dégagé de tous les
Pallade.Onpeutle regarder comme un trésor pièges de cet ennemi par la fuite, il ne s'oc-
d'explications allégoriques et morales, n'y cupa dans son ancienne habitation, que de
ayant presque rien dans les cinq livres de choses légitimes. Nous devons, à son exem-
Moïse, qu'il n'explique dans un sens mystique ple, retourner à notre première demeure,
et spirituel. Il ne suit pas néanmoins le même c'est-à-dire à la pureté de vie dans laquelle
ordre que ce législateur a suivi dans ses nar- nous avons été créés.
rations, mais l'ordre qu'il donne lui-même C'est dans ce goùt-là que saint Cyrille fait Pag. w.

à sa matière, auquel rapporte les passages il voir, dans le second livre, que l'homme ne
de l'Ecriture qu'il veut expliquer, y faisant pouvait éviter la mort qui est une suite du
venir ordinairement d'autres passages, soit péché, ni se délivrer de l'esclavage du dé-
de l'Ancien, soit du Nouveau Testament, qui mon, que par la venue de Jésus-Christ, la
ont rapport à son sujet; par exemple, dans loi de Moïse étant insuffisante cà cet égard.
le premier il où
traite de la chute de
livre Il montre dans le troisième que c'est par st.

l'homme enseigne de quelle ma-


et où il Jésus-Ch.rist que les hommes sont justifiés,
nière il peut sortir de ses mauvaises habitu- et que leurs péchés sont eiîacés, surtout
des, pour embrasser une vie plus pure et dans le baptême. Il y compare l'Eglise à
plus sainte, rapporte un grand nombre de
il l'aire d'Orna,que David acheta cinquante si- iiReg. xxi».

passages de divers livres de l'Ecriture


tirés ;
clés, prix toutefois qui n'est point propor-
puis, les ayant expliqués d'une manière al- tionné à celui que Jésus-Christ a donné pour
légorique, il en tire des preuves pour rendre racheter l'Eglise, puisqu'il s'est livré tout
sensible ce qu'il s'était proposé de montrer. entier pour elle. Il trouve cette rédemption,
Iltrouve dans ce que l'Ecriture nous raconte de même que le baptême, marquée en di-

d'Adam, d'Abraham,' de Loth et des autres vers endroits de la loi et des prophètes. Dans pag. iw.

patriarches, la manière dont les hommes le quatrième, il prouve que ceux-là mêmes
tombent dans le péché, et comment ils peu- que Jésus-Christ a rachetés, ont besoin, pour
vent s'en relever. L'ordre que Dieu donna à être admis au banquet céleste, c'est-à-dire
Abraham de sortir de sa terre, de sa maison, à la béatitude, de supporter non-seulement
de sa parenté, nous apprend dans quel déta- avec constance les adversités de cette vie,
chement des biens et des plaisirs de la vie, mais encore de mortifier et de dompter leurs
doivent vivre ceux que Dieu veut bien hono- passions, renoncer à toutes les aflections ter-

Sciendum vero etiam hoc, quod cum de adorutione


'
Toin. I oper Cyrill., edit. Paris., 1638, pag. 1.
-

et cultu in spii-itu et veritale decem et septem libros Léo Byzaul., lib I in Eutych., pag. 982 et 983
3 ;

scripserimus, mullamque in illis contemplationum co- Mercator , tom. II, pag. 176 Pliotius, Cod. 229,
;

piam complexi sumits ; capita huic operi inserta cerio pag. 821.
consilio prn>termisimus, et inexaminata reliquimus * Saint Cyrille eu parle lui-même dans sa deuxième

ianietsi interdutn accidit, ut alicitjus eorum necessa- lettre à Rufusj publiée par Mai. Voyez tome X des
ria de causa meminerimus. Cyrill., lib. I Glaphyr., œuvres de saiut Cyrille dans la Patrologie grecque,
pag. 2. tome XLIII, col. 223. {L'éditeur.)
264 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
restres, etd'embrasser la vertu; remarquant longue durée. Il parle dans le neuvième et
qu'ilue faut pas s'imaginer que les degrés de le dixième du tabernacle et de tous ses ins-
gloire seront égaux dans tous ceux qui y truments, de son usage, de sa structure, du
parviendront, étant de l'équité que ceux-là livre de la loi, de la dédicace de l'autel et
approchent plus près de Dieu, qui l'ont servi des offrandes, expliquant tout cela en sa
en cette vie avec plus de fidélité et de zèle, manière ordinaire; il trouve une infinité de
comme ont fait les Apôtres. Il explique dans rapports entre le tabernacle et l'Eglise dont
le cinquième, en quoi consiste la force d'un il dit qu'il a été la figure. Il trouve aussi des
chrétien, et prétend que la vigueur et la gé- figures de Jésus-Christ dans l'arche d'al-

nérosité que les plus célèbres d'entre les liance, dans le propitiatoire, dans l'autel d'or,
dans les combats,
Israélites ont fait voir, soit dans la loi enfermée dans l'arche, dans le
soit dans diverses autres occasions, étaient sang des victimes répandu pour l'expiation
la figure de celles que les chrétiens doivent des péchés, et dans les cornes de l'autel,
montrer, lorsqu'il s'agit de combattre les vi- qui figuraient la croix sur laquelle il devait
ces et de surmonter les obstacles qui se ren- être attaché. II n'y a pas jusqu'aux sept
contrent dans la pratique de la vertu. lampes qui brûlaient sans cesse dans le ta-
Pag. 172.
Dans le sixième livre, il traite du culte et bernacle, dont il ne fasse l'application à Jé-
de l'amour de Dieu, montrant les difierentes sus-Christ et à ceux qu'il admet à son sa-
manières d'accomplir ou de transgresser les cerdoce. Il autant de toutes les cho-
en fait

commandements de Dieu sur ce sujet. Pen- ses qui employées aux sacrifices,
étaient
ser de Dieu ce qu'il n'est pas, décider des persuadé que l'Ecriture ne prescrit rien sur
événements suivant la position ou le cours ce sujet, sans de bonnes raisons. La manne
des astres, observer les augures, évoquer que Dieu faisait tomber du ciel dnns le dé-
les mânes des morts, consulter les devins sert, représente, selon lui, le Verbe de Dieu
et les oracles, s'adonner à des pratiques su- qui descend du sein de sou Père pour nous
perstitieuses, admettre pour principes la for- servir de nourriture; et de ce qu'on ne de-
tune et le hasard, sont autant d'actions con- vait oÔrir de sacrifice que dans le saint ta-
traires au précepte qui nous ordonne le culte bernacle, il en conclut que le mystère de
et l'amour de Dieu. A ce commandement Jésus-Christ ne peut s'offrir parfaitement que
que la loi nous presci'it dans les termes les dans nos églises; que les hérétiques qui l'of-
plus forts, elle en ajoute un autre qui regarde frent ailleurs, c'est-à-dire hors de l'Eglise,
l'amour que nous devons à notre prochain. violent en ce point le commandement du
Saint Cyrille en fait la matière du septième Seigneiu'. Il allégorise encore sur la manière
2)7 61232. livre et du huitième. Il enseigne que l'amour dont les princes des tribus se présentèrent,
que nous devons à Dieu doit être tellement après la construction du tabernacle, pour y
réglé, que nous ne négligions aucune des offrir leurs présents; car ils n'y vinrent pas
choses qui s'y rapportent, par des considé- suivant l'ordre de leur naissance, puisque
rations humaines; mais qu'aussi, sous un Judas, qui s'y présenta le premier, n'était né
faux prétexte du service de Dieu, nous ne que le quatrième; il croit que cela marque
devons pas négliger les choses temporelles ; que ceux qui ont été appelés les premiers
qu'après avoir rendu à Dieu ce qui lui est seront les derniers, et que les Israélites qui
dû, comme au principe de toutes choses, sont regardés comme les premiers nés, cé-
nous devons rendre aussi à notre prochain deront néanmoins la place aux gentils.
ce que nous lui devons, et avant tout, à ceux Il suit le même genre dans les trois livres
qui nous ont donné la naissance il autorise ; suivants, où, après avoir rapporté les en-
le respect et l'attention que nous sommes droits de l'Ecriture qui parlent du sacer-
obligés d'avoir pour nos parents, du soin doce, de la loi de Moïse et de ses rites, des
que Jésus-Christ prit de sa mère, lorsque, vêtements des prêtres, de leur consécration,
près de mourir, il la recommanda à saint des sacrifices, des lévites et de leur minis-
Jean. tère, il prouve que ç'ont été autant de figu-
11 les marques de la charité fra-
met entre res du sacerdoce de la loi nouvelle, où les
ternelle, de secourir le prochain dans ses prêtres, oints et sanctifiés comme ceux de
besoins, de s'appliquer aux œuvres de misé- l'ancienne, offrent à Dieu, avec des mains
ricorde, d'éviter les procès et les dissensions, saintes et un cœur pur, des sacrifices spiri-
et d'empêcher les haines invétérées et de tuels, aidés du ministère des lévites ou des
[n" ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 265

diacres, h qui il uppartient de porter les va- qui met en pratique les préceptes de l'Evan-
ses nécessaires pour rimmolalion de l'hostie gile et qui s'etl'orce de détruire le principe
,

''^'*"'
non sanglante; d'avertir le peuple quand il de mort que le péché a mis en lui. Le sei-
est temps de chanter des hymnes, de l'exci- zième livre est employé à montrer comment
ter à la prière, et d'avoir soin qu'il se com- les oblations et les sacrifices que la loi an-
porte avec modestie et avec recueillement cienne prescrit étaient les figures des obla-
dans l'église. tions spirituelles que nous devons oflrir à
Dans le quatorzième livre , saint Cyrille Dieu dans la loi entend par ces
nouvelle. Il

s'étend h montrer que ceux-là ne doivent oblations spirituelles le sacrifice d'agréable


,

point paraître devant le Seigneur, dans son odeur que nous offrons à Dieu en lui offrant
tabernacle pour y servir surtout en qualité
,
tout ce que nous sommes , ce que nous fai-
de ministres, qui sont coupables de ces grands sons lorsque nous mourons au péché, pour
crimes dont les défauts marqués dans la loi ne plus vivre que pour la justice. Le dernier
étaient comme la figure; il entend par là livre confient une explication des fêtes solen-
ceux qui sont adonnés à l'impureté et aux nelles prescrites par la loi, et un détail de la
autres vices capitaux. Ily traite aussi des manière dont on devait manger l'agneau pas-
animaux mondes et immondes, dont il donne cal ,
qui était la figure de Jésus-Christ. Saint
diverses significations allégoriques. Il re- Cyrille nous fait envisager toutes ces fêtes
marque que Ammonites et les Moabites
les comme marquant les récompenses promises
étaient privés de l'entrée du temple, à cause aux justes dans le ciel suivant la diversité
,

de leur férocité et de leur inhumanité en- de leurs mérites


vers les saints; il dit que les premiers étaient 3. Ce Père n'ayant pas voulu Irailer dans
'
Giaph^ej
la figure des hérétiques, qui manquent, ces dix -sept livres les histoires rapportées t"quc!*tom!
comme eux, d'humanité envers les élus de avec plus d'étendue dans le Pentateuque, 'p'»'-
Dieu et que les seconds l'étaient de ceux
, entreprit de les expliquer depuis de suite
qui engagés encore dans l'erreur de l'ido-
, dans un ouvrage particulier. Nous l'avons au-
lûtrie sont sous la captivité des démons.
, jourd'hui sous le nom de Glaphyres, qui, se-
518. Comme ce n'était pas assez de montrer qui lon quelques - uns signifie profonds ou élé-
,

sont ceux que leur impureté éloigne de l'en- gants , et gais et agréables
selon d'autres ,

trée du tabernacle si l'on ne faisait encore , par la beauté et la diversité des couleurs. Il
connaître la manière dont ils pouvaient se est divisé en treize livres, et cliaque livre en
purifier, saint Cyrille la prescrit dans le quin- différents titres. Saint Cyrille n'y donne point
zième livre. Il y montre d'abord de quelle une explication du texte entier de Moïse;
façon se faisait l'expiation des péchés dans mais en choisit seulement les plus beaux
il

la loiancienne ensuite il fait voir qu'elle se


; endroits, ceux qui lui paraissaient avoir plus
fait dans la nouvelle, ou par l'eau du bap- de rapport à son sujet, qui est de trouver Jé-
tême ou par les travaux de la pénitence,
, sus-Christ et son Eglise dans tous les livres
jointe à la conversion des mœurs. Il pose de Moïse. C'est ce qu'il fait en suivant à peu
pour principe de cette expiation, le sang de près la même méthode que dans l'ouvrage
Jésus-Christ dont il a arrosé son Eglise pour dont nous venons de parler. Il donne à tou-
la sanctifier en sorte que c'est par lui que
:
tes les histoires qu'il rapporte des anciens
sont purifiés de leurs péchés les prêtres , patriarches, en commençant par Adam et en
comme le peuple, les grands et les petits. Il finissant à Josué, des explications allégori-
dit que la mort de l'âme, figurée par la lèpre ques et morales. Les Glaphyres sont cités par
corporelle, ne consiste point dans la seule Léonce de Byzance ^, par l'empereur Jus-
concupiscence, qui est une suite du péché, tinien et par Ephrem d'Antiocbe '.
mais dans les actions et dans la fin qu'on s'y 4. Léonce de Byzance et saint Ephrem commenui-
propose. D'où il conclut que celui-là n'est d'Anfioche * citent aussi le commentaire de îom!u!p.'i'
point attaqué de cette lèpre spirituelle, qui a saint Cyrille sur Isaïe. Facundus en rap-
formé le dessein de vivre pour Jésus-Christ, porte quelques passages. Il est divisé en cinq

» Cyrill., Glaphyr., lib. I, pag. 2. lettre à Rufus.Voy. ci-dessus, pag. 263, n. 4. [L'édit.)
* Léo Byzan.. lib. 1 in Eulych., pag. 9, 82; tom. V * Léo Byzant., lib. I in Eutijch., pag, 1001; Phot.,
Concil., pag. 69C; Photius, Cod. 229, pag, 821. Cod. 229, pag. 801, et Facund., lib. XI, cap. vu.
» Saint Cyrille les cite lui-même dans sa
deuxième
,

266 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


livres , et chaque livre en plusieuj's discours travail ne répondrait jamais au mérite de la
qui sont aussi appelés Tomes. Saint Cyrille matière. Soit que cet évéque l'en eût prié ,

ne dans ce commentaire, la même


suit pas, soit que la circonstance des temps le deman-
méthode que dans les deux ouvrages précé- dât, il ne se contenta pas de donner dans ce
dents. Il y donne ordinairement l'explication commentaire le sens littéral et spirituel de
littérale de la prophétie a^-ant d'y chercher ,
l'Ecriture, il se proposa d'y réfuter les faus-
un sens allégorique ou moral ', croyant en ses opinions des hérétiques, soit sur la divi-
cela se rendre non-seulement plus utile à ses nité, soit sur d'autres matières. Il pouvait
lecteurs mais encore ne leur rien laisser à
, aussi avoir conçu ce dessein à l'occasion de
désirer. Il remarque que le prophète Isaïe cet Evangile, et surtoutdu premier chapitre,
a partout en vue Jésus-Christ; qu'il annonce où la de Jésus-Christ est si claire-
divinité
la conversion des gentils et la réprobation ment établie. Il divisa ce commentaire en

des juifs; qu'il parle si clairement de ce qui douze livres, dont dix seulement sont en-
devait se passer dans le XouveauTesfament, tiers nous n'avons que des fragments du
:

qu'on peut le regarder comme prophète et septième et du huitième, tirés d'une Chaîne
comme apôtre. Par la manière dont il com- sur saint Jean.
mence sa prophétie : La vision qu'a eue Isaïe Dans le premier livre, saint Cyrille fait voir
filsd'Amos , il parait à saint Cyrille qu'on parle texte même, et par divers raisonne-
peut avancer raisonnablement que les saints ments, que le Fils de Dieu est éternel, con-
prophètes ont non-seulement reçu par l'ins- substantielau Père; qu'il existe en sa propre
piration du Saint-Esprit, la connaissance des personne, qu'on ne peut dire en aucune ma-
choses futures, mais qu'ils ont encore écrit nière qu'il soit moindre que le Père, suivant
plusieurs choses dontils avaient eux-mêmes sa nature divine , et que la parfaite ressem-
été témoins oculaires. Ce Père ne se contente blance y a entre le Père et le Fils, n'en-
qu'il

pas d'expliquer le texte de l'Ecriture lorsqu'il : ferme aucune confusion ni mélange dans les
trouve quelque contrariété apparente entre persomics de l'un et de l'autre en sorte que ;

ce que dit Isaie et ce qu'on lit ailleurs il a


, , le Père qui engendre, est une personne dis-

soin de la lever. tinguée réellement du Fils qui est engendré.


o. Il s'attache également au sens littéral C'est ce que saint Cyrille prouve ))ar ces pa-

dans ses commentaires sw/' les douze Petits Pro- roles de saint Jean Je suis sorti démon Père,
:

phètes et c'est par là ordinairement qu'il


,
et Je m'en retourne à mon Père, la raison nous

commence ses explications mais il en donne ;


enseignant que ce qui sort de quelque chose,
de spirituelles quand le sujet le permet. Il
,
est distingué de la chose même. Il le prouve

recomiait que plusieurs les avaient expliqués encore par ces autres paroles : Vous êtes mon
avant mais il soutient en même temps
lui; Fils : je vous ai engendré aujourd'hui. Celui qui

que, dans des choses, dont la connais- est engendré, est distingué de celui qui l'a
sance est aussi nécessaire que celle de lE- engendré. Eunomius ne laissait pas de se
criture, il est utile de répéter la même chose; servir de cet endroit pour appuyer son er-

à quoi il ajoute qu'il se peut faire aussi que reur; mais saint Cyrille s'en sert même con-

tous n'aient pas reçu de Dieu autant de con- tre lui. Il lui fait voir encore qu'il raisonnait

naissance qu'il en faut pour développer les mal, lorsqu'en posant pour principe que
mystères qui y sont renfermés. Ses commen- le Père et le Verbe sont consubstantiels
taires sur le prophète Zacharie, sont cités par il en inférait que ce n'était qu'une même
Léonce de Byzance - et par Ephrem d'An- personne. « Car, dit ce Père, la consubstan-
tialité de nature ue réduit pas deux person-
tioche, qui rapporte aussi cet endroit de
l'explication de Malachie. nes en une on ne dira jamais qu'Adam et
:

6. Il semble que saint Cyrille


^ ne se soit son tils ue faisaient qu'une même personne,
déterminé à expliquer l'Evangile selon saint parce qu'ils étaient d'une même nature. »
Jean, qu'aux pressantes instances d'un de ses Saint C3-rille répond à quantité d'autres ob-

confrères qu'il ne nomme point. U regar- jections de cet hérésiarque; puis, passant à
,

dait cette entreprise comme étant d'une exé- l'opinion de ceux qui croyaient que les âmes

cution difficile , et il était persuadé que son avaient été créées avant les corps, et qu'ayant

1 Cyrill., in Isai., prolog. pag. SiO et 809. — » Pag. 4.

3 Léo, de Sectis act. 9, pag. 528; Phot., Cod. 2à8,


[iV ET V SliCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 267

péclié, Dieu, pour les punir, les unissait à plusieurs avant en avaient déjà fait de fort
lui

ces corps, il en fuit voir la fausseté par le longs sur le même


Prophète ce qui selon ; ,

texte de saint Jean , où nous lisons que le ce critique , ne peut être vrai à l'égard de
Verbe de Dieu, qui est la vraie lumière, illu- saint Cyrille; 2° saint Cyrille étant occupé de

mine tout homme qui vient dans le monde : car la conduite d'un vaste diocèse et de diverses

si l'âme avait existé pure longtemps avant affaires, n'avait pas le loisir de travailler à

son union avec le corps on ne pourrait pas


,
des ouvrages de si longue haleine; 3° la mé-
dire qu'elle est illuminée par le Verbe, lors- thode et le dessein de ces commentaires ne
qu'elle vient dans le monde; elle l'aurait été sont pas les mêmes que des Glaphyres sur le

avant même son union. Il ajoute que si les Pentateuque ,


que des livres de l'Adoration et

âmes ont été enfermées dans les corps pour du culte en esprit et en vérité, qui sont cons-

les punir de leurs péchés passés, la résurrec- tamment de saint Cyrille. Oudin ajoute une
tion que Dieu nous promet, serait plutôt une quatrième raison : l'auteur des commen-
peine pour nous qu'une grâce; puisqu'on admet nettement la liberté
taires sur Isaie

ressuscitant, ce serait renouveler le supplice dans l'homme tandis que saint Cyrille en-
,

de l'âme par une nouvelle union au corps. Il seigne dans le huitième livre de l'Adoration
montre dans le quatrième que la loi an- ,
en esprit et en vérité, que l'homme est néces-
cienne n'était qu'une figure de la nouvelle. sité etcontraint au mal.

Dans lecinquième livre, il réfute l'opinion Mais toutes ces raisons tombent d'elles-
du destin, et montre que c'est la Providence mêmes, si l'on fait attention que les com-
de Dieu qui gouverne tout que c'est par mentaires sur Isaïe sont cités sous le nom de
,

notre propre volonté que nous agissons, soit saint Cyrille, par des auteurs contemporains

dans le bien, soit dans le mal. Il prouve dans ou presque contemporains par Facundus, :

le neuvième, qu'.à cause de l'identité de na- par Léonce de Byzance par saint Ephrem ,

ture, on dit que le Fils est dans le Père, et d'Antioche. Quelle marque de nouveauté dans
le Père dans le Fils; dans le onzième, que le ce que dit l'auteur de ces commentaires, que

Saint-Esprit procède du Père par le Fils , et plusieurs en avaient fait avant lui? Saint Ba-

qu'il reçoit sa nature du Fils. Ainsi ce com- Chrysostôme, saint Jérôme, n'a-
sile, saint

mentaire n'est pas moins théologique que vaient-ils pas commenté le prophète Isaie
Httéral et moral. avant que saint Cyrille entreprît de le faire ?
Dans l'édition de Georges de Trébizonde, pour ne rien dire des homélies d'Origène sur
imprimée séparément à Paris en 1520, on le même Prophète. Saint Cyrille eut- il plus
ne trouve rien du tout du cinquième ni du d'affaires à manier pendant son épiscopat,
sixième ni des deux livres suivants de ce
,
plus d'hérésies à combattre, que saint Au-
commentaire. Josse Clicthou y suppléa par gustin n'en eut pendant le sien, plus de per-
quatre livres composés de divers endroits des sécutions à souffrir que saint Athanase? Tou-
anciens, et surtout de saint Augustin. Mais tefois, le premier a plus écrit que saint Cy-

les imprimeurs n'ayant pas eu soin de distin- rille et le second eût peut-être écrit davan-
,

guer le supplément d'avec le texte de saint tage, s'il eût été moins persécuté et plus
Cyrille, il que quelques-uns ont cité
est arrivé tranquille dans son diocèse. D'ailleurs, ces
sous le nom
de ce Père, l'ouvrage ou plu- commentaires n'ont pas coûté tant de temps
tôt la compilation de Josse Clicthou. Jean qu'on pourrait se l'imaginer. Saint Cyrille
Aubert a donné depuis le texte grec de ces avait une grande il ne châ-
facilité d'écrire ;

quatre livres; le cinquième et le sixième sur tiait point son style;


accumulait volontiers
il

un manuscrit deHolsténius, et de longs frag- passages sur passages c'était le moyen de :

ments du septième et du huitième, tirés d'une faire de gros volumes en peu de temps. Si la

Chaîne sur saint Jean qui n'avait pas encore


,
méthode et le dessein de cet ouvrage sont
été imprimée et qu'il avait eus de M. de
, diti'érenls des Glaphyres et des livres de l'A-
Harlay, évêque de Saint- Malo. Il est assez doration, c'est que dans ceux-ci il s'aban-
surprenant que Casimir Oudin ait contesté donne au sens allégorique, et que dans celui-
ces commentaires à saint Cyrille , et qu'il les làil s'applique plus au sens de la lettre. A

ait regardés comme l'ouvrage de quelque l'égard de la contrariété qui se trouve dans
moine oisif d'un siècle beaucoup plus récent. ces deux écrits , au sujet de la liberté, elle
11 se fonde sur trois raisons 1° l'auteur dit,
: n'est point telle que la propose Oudin. Saint
dans le prologue de ces commentaires ,
que Cyrille ne dit point que l'homme soit néces-
;

^68 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


site au mal, mais en quelque manière néces-
' ce que signifient les termes à' engendré, et de cet ouvrag».

sitéau mal ce quïl explique aussitôt en mar-


: non engendre prouve par plusieurs rai-
, et viii.pag.u.

quant que celte nécessité vient de la force de sonnements, qu'il est nécessaire que le Verbe
la concupiscence, dans un homme qui ne tra- de Dieu soit de la même substance que celui
vaille pas à la dompter, mais qui en suit les de qui il est Verbe ce qu'il autorise par :

mouvements. Au reste, si ce Père s'exprime l'endroit de saint Jean où Jésus-Christ dit :

avec quelque embarras en cet endroit, il Mon Père et moi sommes une même chose ; car, J"*"- ^•

parle plus clairement en d'autres de la li- par ces termes une même chose, il marque l'i-
berté de l'homme, reconnaissant en termes dentité de substance^ et par cet autre, som-
exprès * qu'il est libre pour faire le bien et
, mes , la distinction de personnes. (( Si le Fils
pour s'abstenir du mal ^. est, ajoute-t-il, l'image du Père
suit né- , il

cessairement que celui-là n'est point fait, qui


§ II-
procède d'un Père non fait comment ver- :

Des traités sur la Trinité et sur V Incarnation. rait-on dans celui qui est fait ou créé celui ,

qui ne l'est pas? 11 est dit dans la Genèse


{. Le traité de la sainte et consubstantielle que l'homme a été fait à l'image du Pèi'e et
Trinité, qui porte dans quelques manuscrits du Fils car ces parbles Faisons l'homme à
; :
^enes. i.

le nom de saint Athanase, est aujourd'hui notre image, marquent deux personnes; il
attribué à saint CjTille sans aucune contes- faut donc que le Père et le Fils se ressemblent,
tation. On y remarque son génie, son style, autrement leur image dans l'homme ne se-
et il en est reconnu pour auteur par tous les rait pas la même. » Il dit ensuite qu'il est ]

anciens qui en ont parlé. Il y en a même ^


•*
mieux et en parlant de Dieu, de
plus digne ,

qui ont regardé cet ouvrage comme le meil- le nommer Père que non engendré parce ,

leur de tous ceux de saint Cj'rille Photius ^ ; que le nom de Père, renferme nécessaire-
convient qu'il est le plus clair de tous, parti- ment la connaissance et l'idée du Fils.
culièrement à ceux qui ont quelque connais- 3. Il montre que non engendré n'est pas Arl 2. pag.
IV, et arl. J,
sance de Tart de raisonner, et que ce saint une substance, qu'il signifie seulement que pag. IC.

évêque y réfute avec autant de force que de Dieu le Père n'est point engendré. Si non en-
solidité les hérésies d'Arius et d'Eunomius. gendré était une substance, engendré en serait
Le titre de Trésor ', que porte cet écrit, lui a aussi une en ce cas, il n'y aurait point d'op-
:

été donné par son auteur même, à cause du position entre engendré et non engendré, puis-
grand nombre de vérités et de principes qu'il n'y en a point entre substance et subs-
qu'ilrenferme. Saint Cyrille le composa à la tance; ce qui est insoutenable,
prière d'un de ses amis, nommé Némésin ;
4. Les ariens disaient qu'il y avait un temps Art 3, p II.

mais aussi dans la vue d'être utile à l'Eglise, où le Fils n'existait point. Mais saint Paul ne Ilebr. I.

par la manière dont il en établissait la doc- dit-il pas que c'est le Fils qui a fait les temps
trine contre ceux qui l'avaient attaquée. Il etles siècles? N'est-il pas dit dans saint Jean .joa.

est divisé en trente-cinq titres, dont chacun que le Verbe était au commencement, et que
comprend plusieurs articles on ne peut : le Verbe était Dieu? dans les Psaumes, que Psai

douter que cette division ne soit de saint Cy- son règne est le règne de tous les siècles ?
rille ^. Tous ces titres sont représentés dans qu'il est avant la formation des montagnes et p*''

une table qui se trouve à la tête de l'ou- du reste du monde? Si le Fils est éternel,
vrage. objectaient leshérétiques, il est frère du Père.
2. Dans le premier, saint Cyrille explique Cela pourrait se dire, répond saint Cyrille,

1 Non est improbabile, Palladi, putare fortassis eos quibus, cum liceret recie factis gloriam adipisci, ultra
quipeccalis implicati sunt, suœ unimœ velut homicidas ad turpia delapsi perierunt. Idem, lib. V contra Ju-

esse, afqiiead eam miseriam non sponte delapsos. seJ lian., pag. 159.
ad legem violandarn, et Deuni o/jfendendum coactos 3 Voyez l'appendice à la suite de ce chapitre.
esse quodam modo et impulsos, eo quod prona sit (L'éditeur.)
mens hominis ad mata ex juventute, et indomitœ con- * Léo Byzau., pag. 1001; tom. VI
lib. II in Eutijch.,

cupiscentiœ lex in membris carnis dominetur. B. Cj-rill., Concil., pag. Ephreui, apud Pliot., Cad. 229^
810;
lib. VIII de Adorât, in spiritu et veritate, pag. 982. pag. 801 Eulog., ibid., Cod. 230, pag. 848.
;

2 Quid ergo? Ubinani liberlas /lumanœ voluntatis 5 Nicepb., lib. XIV Hist., cap. xiv.

et arbitra ? Virtus enim res libéra, quemadmodum 6 Phot., Cod. 136, pag. 313.
etiam ipsi Grœcorum sapienles produnt, ut et merito
?
CyrilL, prœf., pag. 3. — » Ibid.

laus tionos, et pœna improbos necessario consequatur


,

[iV* ET \* SIECLES CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 269

s'ils étaient l'un et l'autre d'un même prin- ce Père infère que , suivant le langage de
cipe. Mais il n'en est pas ainsi : le Père est l'Ecriture, le Fils de Dieu n'est point créa-
le principe du Fils, illa engendré. turc ,
puisqu'elle ne dit pas que sa généra-
o. Si le Fils est engendré, disait Euno- tion ait été précédée de la volonté ni du con-
mius , il a donc un cùmmencement. Saint seil du Père.
Cyrillerépond qu'il n'en est pas de la géné- 8.Ce n'est pas au Père même que le Fils -\rt 8, p. 6o

ration du Fils de Dieu comme de la nôtre; est semblable disaient encore ces béréti-
,

qu'autant la nature divine est plus excellente quos mais à la volonté du Père. Absurdité
,

que la nôtre, autant ses opérations sont au- que saint Cyrille réfute par l'endroit de l'E-
dessus des nôtres; le terme de génération vangile où le Fils de Dieu ne dit pas Celui :
Art. s, p. 66

ne marque que la manière dont le Fils est qui me voit, voit la volonté de mon Père; mais,
produit, sans que cette expression touche à voit mon Père. Eunomius avançait une autre
son éternité que cette génération ne pré-
;
absurdité en disant que l'essence du Père
,

cède point son existence; mais, comme il est n'étant point engendrée il fallait que ceux ,

toujours, et de toute éternité, il est aussi qui voulaient que le Fils fût engendré, con-
toujours engendré, être et engendrer étant vinssent qu'il n'était point consubstantiel au
une même chose en Dieu. Père. « Adam, lui répond saint Cyrille, n'était
6. Eunomius deux inconvénients
trouvait point engendré; Abel l'était; est-ce qn'Abel
à admettre que le Fils soit engendré du Père : n'était point consubstantiel à Adam ? Il l'était

«S'il est engendré, dit -il, il est donc une sans doute. Qui empêche donc que le Filsde
partie de la substance du Père ou si la subs- ; Dieu ,
qui est engendré , ne soit consubstan-
tance du Père n'est point susceptible de par- tiel au Père, qui n'est point engendré? »

tage, le Fils n'a donc rien de cette substance, 9.Jésus -Christ, appelé bon par un docteur Art. 9 et 10,
pag. 67 et 72.
et n'est pas né du Père. » C'était raisonner de la loi, lui répondit Personne nest bon que
:

de la génération divine comme de la géné- Dieu. Il n'est donc pas Dieu lui-même. La

ration humaine et dire que Dieu a besoin


, conséquence est fausse, parce que comme ,

comme nous d'une manière préexistante le remarque saint Cyrille, il n'était pas ques-
pour opérer, lui qui de rien a créé toutes tion en cet endroit d'établir la divinité de
choses. « Non , dit saint Cyiille, ce n'est pas Jésus-Christ, mais d'instruire et de corriger
ainsi que Dieu engendre son Fils. Il le pro- ce docteur, qui donnait au Sauveur, qu'il ne
duit sans temps et sans division, comme le considérait que comme un pur homme un ,

soleil produit ses rayons et sa splendeur ;


titre qui ne convient qu'à Dieu. Voici donc

avec cette dillereuce,que la splendeur du so- le sens de ces paroles Si vous me croyez :

leil n'a point de propre existe:ice ni d'être Dieu, pourquoi m'interrogcz-vous comme si
distingué de celui du soleil; au lieu que le je n'étais qu'un homme ? Et si vous ne croyez
Fils de Dieu a une hypostase ou personne pas que je sois Dieu pourquoi me donnez- ,

distinguée de celle du Père. Dieu le Père en- vous, en m'appelant bon, une qualité qui ne
gendre son Fils comme un savant produit , convient qu'à Dieu? Ce Père résout une autre
ou invente un art, soit mécanique, soit libé- objection qu'Eunomius tirait de ces auU'es
ral; or, l'art n'est point séparé de la science paroles de Jésus -Christ Je m'en vais à mon :

dont il est le fruit et la production. » Père, et à votre Père ; à mon Dieu, et ù votre
7.La génération du Fils est-elle, disaient Dieu , en disant qu'il parlait ainsi comme
,p. 60.
les hérétiques un eti'et du hasard ou d'une
, homme et non comme Dieu.
volonté précédente en Dieu? Saint Cyrille ré- 10. On ne peut pas dire de ceux qui sont Art. 12, p. {

pond que l'Ecriture ne connaît point un pa- dune même substance ,


que l'un soit plus
reil langage qu'elle se contente de dire
;
grand que l'autre. Jésus-Christ dit que son
({m' au commencement était le Verbe, que le Verbe Père est plus grand que lui il n'est pas donc ;

était en Dieu, et que le Verbe était Dieu, ne de même substance que son Père. A ce rai-
marquant aucun temps pour la génération sonnement saint Cyrille répond que Jésus-
,

lie celui qui a fait les temps et les siècles; Christ, quoique de la même essence ou na-
qu'au contraire, lorsqu'il s'agit des créa- ture que son Père, et semblable à lui en
tures, elle marque que le con- la volonté et tout a pu l'appeler plus grand que lui à
, ,

seil de Dieu ont précédé ; ce qui parait par raison de son origine. Le Père en tant que ,

ces paroles Faisons l'homme à notre image


: non engendré est considéré comme plus
,

et 7out ce que Dieu a voulu il l'a fait. D'où


: grand que le Fils, en tant qu'engendré. Saint
V

270 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


Cyrille dit encore que le Père est plus grand gneur m'a créé dès le commencement de ses
que le Fils, considéré comme homme, et voies, de l'humanité de Jésus-Christ, que

que ce n'est qu'en cette qualité que Jésus- Dieu a créé pour le salut des hommes, et
Mon père est plus grand que non de la nature divine. Il ajoute que ces
Christ a dit :

paroles avant tous les siècles, s'entendent du


moi. :

11. 11 n'est pas surprenant, disait Euno- décret de Dieu pour l'Incarnation, par la
mius, que le Père soit dans le Fils, et le Fils connaissance qu'il avait de la chute de
dans le Père, puisque, selon l'Ecriture, nous l'homme.
sommes et nous vivons dans Dieu. Cela est <( 13. Les ariens ne concevaient pas comment Art.ie.paj.

vrai, répond saint Cyrille, mais avec cette ce qui procède, n'est point séparé entièrement
ditl^érence, que le Fils est la vie même, qu'il de ce dont il procède. Saint Cyrille le rend
Père et un en na- sensible, parla comparaison de la splendeur
est naturellement dans le
que nous ne sommes qui n'est point séparée du soleil, dont elle
ture avec lui; au lieu
son origine par celle de la chaleur qui
dans Dieu que par parlicipation, à raison de tire ; et

du feu qui la produit. Par ces


la vie qu'il veut bien nous communiquer.
» est indivisible

Mais si le Fils, continuait cet hérésiarque, exemples, ce Père, réfute ce que ces héré-
est la parfaite image de son Père, et s'il res-
tiques ajoutaient, que ce qui procède d'une

semble en tout à celui qui l'a engendré; il chose, n'en a qu'une partie et non pas le
La splendeur n'est pas une partie du
est nécessaire qu'il engendre lui-même, et tout.

Père d'un autre Fils. A cette absur- soleil, et la chaleur n'est pas non plus une
qu'il soit

dité demandait point de réponse,


qui ne partie du feu.
Art.n.paf.
qu'aucune personne sensée 14. Saint prouve par un
Cyrille grand 179.
saint Cyrille dit
nombre de raisonnements, que rien de ce
n'osera dire que le Fils n'est pas semblable
qui appartient au Fils de Dieu n'est natu-
à son Père par cela seul qu'il n'est pas lui-
,

même Père d'un autre Fils; qu'il est, au con- rellement dans aucune créature, mais seule-
A quoi ajoute, que
traire une image d'autant plus parfaite du ment par participation. il
,

immuable comme lui, demeu- le Fils de Dieu possédant ce que l'on ne


Père, qu'il est
rant toujours Fils comme le Père conserve,
trouve dans aucune créature, il suit de là
qu'il n'est pas lui-même créature. Par exem-
toujours sa qualité de Père. Art. t9,paj.

12. Eunomius disait encore Le Fils re- :


ple, aucune créature ne connaît le Père le : 229.

donc Fils seul le connaît il n'est donc pas créa-


çoit la vie du Père, comment lui est-il :

semblable en essence, et comment n'est-il ture. Rien de ce qui est fait, n'est Dieu par
pas postérieur et plus récent que celui de nature le Fils est Dieu par nature, il n'est
:

qiji il a reçu la naissance Saint Cyrille ré- 1 donc pas du nombre de ce qui est fait. Toutes
que le Fils a, par sa génération, tout les créatures servent Dieu et ne sont pas le
pond
Seigneur de gloire le Fils est le Seigneur
ce qui est à son Père, et que la naissance
:

de gloire n'est donc pas créature. Aucune


n'admet aucune distance de temps, naissant : il

splendeur nait du soleil chose faite, n'est le Dieu de toutes choses :

du Père comme la :

en même temps et sans aucun le Fils est Dieu de toutes choses il n'est :

ce qui se fait
intervalle. Les ariens soutenaient que le Fils
donc pas du nombre des choses faites. Il
j.

prouve aussi qu'engendrer eu Dieu et créer


est créature, mais beaucoup plus excellente
que les autres. S'il en est ainsi, leur disait ue sont pas une même chose, parce que
saint Cyrille, et que, suivant l'Ecriture, le
crm- est un terme qui marque une opération,
et qu'engendrer marque une
relation; et que
Père créé par son Fils, le Fils s'est
ait tout
d'ailleurs il faudrait dire que Dieu crée et
donc créé lui-même ce qui est absurde, :

engendre en même temps ce qui n'est pas.


puisque ce qui n'est pas ne peut se donner
;

dans les Psaumes que tous Eunomius objectait qu'en supposant le Verbe
xcxl l'être. Il est écrit
Psal.
consubstanliel au Père, fallait aussi sup-
Isii. XI. les anges adorent le Fils ; Isaïe dit la même il

donc point créature. Car poser qu'ils ne diti'éraient en rien l'un de


chose : le Fils n'est
l'autre qu'ainsi le Père était aussi Verbe,
et
le ceutenier Corneille ayant voulu adorer ;

devait être appelé Verbe. Saint Cyrille ré-


saint Pierre, cet apôtre l'en empêcha, en
lui

Ne m'adorez point, je suis homme pond que la ditierence des noms n'ôte point
disant :

l'identité de nature et de substance; et il


comme vous. Et l'ange de l'Apocalypse refusa
l'adoration que saint Jean voulait lui rendre. demande cà cet hérésiarque, comment notre
Le Sei- premier père Adam était cousubstantielà .\bel
Saint Cyrille e.\pliquc ces paroles :
,

[Vf' ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 271


qu'il avait piigendré, puisqu'il ne pouvait être Fils au Père, puisqu'il déclare que le Père
Abel, et qu'Abel ne pouvait être Adam? est le seul vrai Dieu? — Ces paroles de Jésus-
io. Parce que Jésus-Christ s'est rabaissé Christ, dit saint Cyrille, ont pour but de dé-
et rendu obéissant jusqu'à la mort,
s'est truire le culte des faux dieux, et non pas d'é-
Dieu l'a élevé et lui a donné un nom qui est du Père seul. Au contraire,
tablir la divinité
au-dessus de tous les noms. C'est donc par ce que le Sauveur ajoute immédiatement, Arl.27,pag.

grâce et non par nature qu'il a été élevé. prouve clairement qu'il est Dieu lui-même
Saint Cyrille répond que cette élévation re- comme son Père. Voici ses paroles Or la vie : Joan. XVII, 3.

garde l'humanité de Jésus-Christ, et non pas éternelle consiste à vous connaître, vous qui êtes
la divinité. Il prouve qu'il n'est pas de même le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous
nature que les anges; que s'il est dit de lui avez envoyé. » A l'égard de ce qui est dit dans
qu'il est meilleur que ces esprits célestes, ce l'Evangile selon saint Luc, que Jésus-Christ
n'est que par comparaison à loffice de mé- croissaiten sagesse, en âge et en grâce, saint
diateur dont il s'est acquitté comme homme Cyrille dit que cela ne peut s'entendre de
auprès de Dieu, pour le salut des hommes. Jésus-Christ que selon son humanité, et non Art.28,pag.

Ce Père se sert de la même solution pour pas selon sa divinité, qui le rend aussi parfait
248.

répoudre aux autres passages de 1 Ecriture, que le Père.


qui marquent de la fidélité ou de la soumis- 17. Mais comment le Fils est-il selon sa Art.29,png.
253.
sion dans Jésus-Christ envers son Père, ex- nature égal au Père, puisque, selon saint
pliquant tous ces endx'oits de sa nature hu- Paul, lorsque toutes choses auront été assujetties 1 Cor. XV, 28.

maine. C'est aussi selon cette nature, qu'il au Fils, alors le Fils sera lui-même assujetti à
dit que Jésus-Christ a ignoré l'heure du jour celui qui lui aura assujetti toutes choses, afin
du jugement dernier. Comme Eunomius ob- que Dieu soit tout en tous? Saint Cyrille ré-
jectait ces paroles : Toutes choses m'ont été pond que cet assujettissement ne produira
données par mon Père, et quelques autres aucun changement dans la nature du Fils ;

semblables, saint Cyrille répond première- qu'il ne consistera que dans sa seule vo-
ment, que le Fils dit aussi Toutes les choses : lonté, par laquelle, après avoir soumis tous
qui sont à mon Père sont à moi. Il répond en les hommes à Dieu, en faisant qu'ils obéis-
second lieu, que le Fils les a reçues de son sent aux préceptes de Dieu, il fera qu'ils
Père, parce qu'il en procède ce qui n'em- :
participent à sa gloire que c'est de cette
, et
pêche pas qu'il n'ait eu par nature tout ce sorte que Dieu sera tout en tous. Il n'est pas
qui est au Père. Cet hérésiarque objectait dit que le Fils sera soumis au Père, afin
que Jésus-Christ avait pleuré, que son âme qu'il soit moindre que lui selon sa nature
avait été troublée, et qu'il avait appréhendé mais afin que Dieu soit tout en tous. Ce n'est Arl.30,pae.
la mort : saint Cyrille en convient mais il
; pas non plus pour lui que Jésus-Christ dit à 258.

soutient que toutes ces marques de faiblesse son Père : Glorifiez votre Fils, n'ayant pas
ne regardent pas le Verbe, mais seulement besoin de gloire, puisqu'il est Dieu par nature;
l'humanité qui par sa nature craint la mort. c'est pour hommes, qui sont enrichis en
les
11 enseigne que Jésus-Christ est appelé Fils lui et par de tous les biens. On peut dire
lui
unique de Dieu, en tant qu'il est Verbe du encore qu'il demandait par cette prière que
Père, et que lorsque l'Ecriture lui donne la son Père fit connaître à ceux qui ne le re-
qualité de premier-né, elle ajoute entre plu- gardaient que comme un homme ordinaire,
sieurs frères : ce qui marque que cette qualité qu'il était Dieu par nature. Saint Cyrille re-
ne lui estdonnée que parce qu'il a pris une marque que, quoiqu'il n'arrive lien de nou-
chair semblable à la nôtre, et que parce veau à l'essence de Dieu qui puisse la ren-
qu'il a fait par sa grâce que plusieurs hom- dre parfaite, puisqu'elle Test en elle-même ,

mes soient devenus les enfants de Dieu. c'est toutefois une espèce de nécessité â
Art. 31, pi».
16. Ce n'est pas à moi à vous faire mettre à 263. ^ ^
notre imagination de se représenter Dieu
ma droite ou à ma gauche, disait Jésus-Christ comme s'il lui arrivait quelque nouvelle qua-
aux enfants de Zébédée, mais à mon Père. Il lité par exemple, celle de créateur, depuis
;

n'a donc pas une puissance égale à celle de qu'il a créé le monde. Il montre par plusieurs Art. 32, '^"'
pae.
son Père. «Cela est vrai, répond saint Cyrille, passages tirés tant des épitres de saint Paul,
267.

si l'on considère Jésus-Christ selon son hu-


que des autres livres du Nouveau Testament,
manité, et non pas selon sa divinité. Mais — que le Fils est Dieu par nature.
pourquoi, ajoutait Eunomius, joignez-vous le 18. Il prouve par de semblables autorités Art.33,pae.
3W.
272 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
la divinité du Saint-Esprit : et parce que les tous les évêques et primats des Eglises; tan-
hérétiques objectaient qu'il est dit des dis que les autres Eglises ont clé tachées
créatures, comme du Saint-Esprit, qu'elles d'erreurs, celle de Rome règne seule sans
sont de Dieu, saint Cyrille répond qu'elles avoir été ébranlée, imposant silence à tous
ne sont censées être de Dieu, que parce les hérétiques. »
qu'elles sont faites pa»- le Fils dans le Nous n'avons ce texte qu'en latin, et en
Saint-Esprit; au lieu que le Saint-Esprit vain on le chercherait dans les manuscrits
est naturellement existant dans Dieu, et qu'il grecs. On ne
le lit dans aucun. On ne sait
en procède essentiellement sans aucune di- même personne qui l'ait cité avant saint
Ari.:i',,pag. vision ou séparation, étant une même nature Thomas encore ne s'en est-il servi que dans
:

avec le Père et le Fils mais distingué per-


, des ouvrages qu'il ai'aits étant encore jeune.
sonnellement. Il enseigne qu'il procède non- Mais dans sa Sornme^ où il y avait tant d'oc-
seulement du Père, mais qu'il est encoi'e du casions et de raisons de le citer, il ne le fait
Fils et dans le Fils, qu'il opère avec le Fils, nulle part. D'où il semble naturel d'inférer
Ari.33,pag. Cc qu'il confîmie par un grand nombre de qu'ayant examiné ce passage avec plus de
"^*'
passages du Nouveau Testament. Il en allè- maturité, il a reconnu qu'il n'était point de
gue encore un plus grand nombre, dont plu- saint Cyrille. Du moins peut-on assurer qu'il
sieurs sont tirés des Prophètes, pour montrer ne l'avait pas trouvé en hsant le Trésor mê-
que le Fils est engendré du Père de toute me, car il le cite comme étant tiré du se-
éternité; qu'il est sorti de l'essence du Père, cond livre. Or, cet ouvrage ne fut jamais di-
non par séparation ni par division, mais d'une visé en livres il ne l'est qu'en articles ou
;

manière ineffable et comme la splendeur de assertions, ou si l'on veut en chapitres c'est :

la lumière. de cette manière qu'il était distribué dans


19. Nous ne trouvons pas dans le Trésor l'exemplaire dont on se servit au sixième
de saint Cyrille le passage que saint Thomas concile de Constantinople. Georges de Tré-
en a cité, oîi il est dit « Nous devons de-

: bizonde est le premier qui l'ait divisé en li-
meurer comme les membres dans leur chef, vres dans l'édition qu'il en donna en iol-4 et
dans le trône apostolique des Pontifes i^o- 1520, à Paris. Il n'y a pas même d'apparence
mains; c'est à eux que l'on doit demander ce que saint Cyrille ni aucun des Pères grecs
que nous devons croire, et les interroger sur ait parlé ainsi des prérogatives des Papes. Il
tout, parce qu'il leur appartient seuls de re- est vrai que plusieurs autres que saint Tho-
prendre, de corriger, d'ordonner, de disposer mas, ont allégué ce passage sous le nom de
des choses, et de délier à la place de celui saint Cyrille, comme Gennade,Turrecremata,
qui leur a donné à eux seuls la plénitude de et qu'André, évêque de Colosse, en cita
la puissance enfin tous les fidèles sont de
; quelque chose dans la septième session du
droit divin obligés de leur être soumis, et concile de Florence mais tous ces auteurs
:

que les princes du monde leur obéissent -, n'ont écrit qu'après saint Thomas; et c'est
Selon la promesse de Jésus-Christ, l'Eglise sans doute dans ses écrits qu'ils avaient vu
apostolique de Pierre demeure pure et ce passage.
exempte de toute séduction et de toute fraude 20. Le second ouvrage de saint Cyrille sur
des hérétiques, avec une autorité pleine sur la sainte et consubstantielle Trinité^ est com-

* Beatus Cyrillus, episcopus Alexandrinus, dicit : 2 Ta es Petrus, et super hanc petram œdificabo Ec-
« Vt memhra maneamus in capite nostro, apostolico clesiam meam, etc. Cyrillus in libro Tliesauri [dicit),

ihrono romanoium Pontificiim a quo nostruoi est


,
secundum autem hanc Domini promissionem Ecclesia
quœrere, quid credere et tenere detjeamus ; ipsum vé- Apostolica Pétri ab omni seductione hœreticaque cir-
nérantes, ipsiim rogantes prœ omnibus, quoniam ipsius cumventione manet immaculata super omnes prœposi-
solius est reprehendere, corrigere, slatuere, disponere, tos et episcopos, et super omnes primates Ecclesiarum

solvere et ligare ; loco illius qui ipsum œdificavit et .; et populorum in suis pontificibus, in fide plenissima

nulli alii quod suum est plénum, sed ipsi soli dédit, et auctoritate Pétri. Et cum aliœ Ecclesiœ quorumdam
cui omnes jure divino caput inclinant ; et primates errore sint verecundatœ stabilita, inquassabiliter ipsa
niundi, tunquam ipsi Domino Jesu Christo obediunt. » sola régnât, silentium imponens et omnium obturans
Saucti Thomas in 4 Sentent., di=sert. 24, artic. Ii, ora hœreticorum : et nos necessario salutis non de-
pag. 443, c(.lum. 1, edit. Paris, ann. 1659. Giossa in cepti superbia, neque vino superbio ebriaii, typum ve-
hune sancli Thomœ locum hœc fiabet : {refert et ipse ritatis et sanctœ npostolicœ traditionis, una cum ipsa
Thomas in opusculo coutra Grîecos, cap. Lxvm, m^ confilemur et prœdicamus. S. Thom., in Catenn aureu
ex libro Thesauri, quamvis in libris qui nunc cxtant ad iJ/a/^/i., cap. XS.VI, pag. 343 edit. Paris., auu. 1377.
non habeatur.)
[IV* ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 273

posé de sept discours en forme de dialogues core : Je suis sorti de mon Père, et je suis
entre lui et le prêtre Hermias, à qui ils sont venu dans le Lorsque Jésus- Christ
monde.
adressés. 11 lui donna cette forme pour trai- prescrivit à ses apôtres de baptiser les
ter des matières si subtiles et si au-dessus de nations, il ne leur dit point de le faire au
lintcUigence humaine. IMiotius marque cet '
nom de 1 incorruptible ou du non engendré,
ouvrage, et dit qu'il est assez obscur pour le ou en d'autres termes semblables; mais au
style. Il est aussi cité par saint Cyrille même, nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
et nous avons encore une lettre écrite à Né- choisissant à dessein des noms qui nous
mésin, qui sert de préface à cet ouvrage, où marquassent distinctement la nature et les
il dit qu'il lui en avait déjà adressé un autre, personnes de la sainte Trinité. Nous devons,
c'est-à-dire le Trésor ; ainsi il faut dire que en ellét, considérer dans cette formule le
ces dialogues ont été adressés à deux per- Père comme la racine suprême, d'où le Fds
sonnes, Némésin et Hermias, ou que saint tire sa naissance et le Fils engendré telle-
;

Cyrille les ayant faits àla prière de Némésin, ment du Père, qu'il en est produit, non dans
les dédia à Hermias. le temps comme les créatures, mais de toute

21. Dans le premier dialogue, saint Cy- éternité, égal en tout à son Père, excepté
rille fait voir que le Fils est coéternel et con- qu'il n'engendre point, la qualité d'engen-

substantiel au Père pour le prouver, il ap-


:
drer ne convenant qu'au Père. A l'égard du
porte, outre les passages de rEciiture,le Sym- Saint-Esprit, il procède du Père par le Fils
bole entier du concile de Nicée, où cette en forme de soutile qui sort pour ainsi dire
vérité est clairement établie. 11 regarde ce de sa bouche. Saint Cyrille appuie cette doc-
Symbole comme l'oracle du Saint-Esprit et trine par divers raisonnements et par plu-
la règle certaine de notre foi. Mais parce que sieurs passages de l'Ecriture. Il rend aussi
les ariens avaient trouvé mauvais qu'on sensible la génération du Verbe autant
y ,

eût employé le terme de consubsfantiel qui qu'elle peut l'être, par l'exemple de l'âme
ne se trouve point dans les divines Ecritures, humaine, qui produit d'elle-même sa pensée,
il dit que l'on se sert, en parlant de Dieu, de qui est comme son Verbe, aussi ancien qu'elle,
plusieurs termes qui lui conviennent en eiiét, toujours avec elle et dans elle, comme elle
et qui toutefois ne se lisent point dans les Li- est elle-même dans son Verbe.
vres saints. On dit de Dieu qu'il est incorpo- 23. La matière du troisième dialogue est Troisicme
dialogue, pag,
rel et sans tigure, qu'il n'est soumis à l'em- à peu près la même. Le but de saint Cyrille 46t.

pire de personne. Cela est de sa nature, soit est d'y montrer que le Fils est Dieu comme
que nous le voulions ou que nous ne le vou- le Père. 11 rapporte sur cela plusieurs témoi-
lions pas. Néanmoins l'Ecriture n'emploie gnages de l'Ecriture, remarquant en passant
aucun de ces termes lorsqu'elle parle de que c'est le comble de l'impiété, de recher-
Dieu. Les hérétiques eux-mêmes se servaient cher avec trop de curiosité comment il est
du mot de semblable en substance en parlant possible qu'il y ait un Dieu eu trois person-
du Fils. En quel endroit de lEcriture trou- nes qu'au contraire , il est de la piété de
;

ve-t-on ce terme? Saint Cyrille croit donc croire que dans la Trinité , l'on n'adore
que la vraie raison pour laquelle les ariens qu'une seule nature de la divinité. Un des
rejetaient celui de consubstantiel, est qu'il passages qui fait le mieux à son sujet, est
exprime neltemeut que le Fils de Dieu n'est celui où Jésus-Christ, pressé par saint Phi-
pas d'une autre nature que le Père, mais de lippe de lui montrer le Père, répondit Qui :

la même ; et non parce que ce terme ne se me voit, voit aussi mon Père, parce que mon
trouve pus dans les saintes Lettres. Père et moi sommes une même chose. En etfet,
22. Le second dialogue est employé à si celui qui voit le Fils, voit aussi le Père, il

montrer que le Fils est, selon sa nature, en- est nécessaire que le Fils fasse connaître en
gendré du Père. En etlet, Jésus-Christ ap- lui-même, par une identité de nature, la subs-
pelle toujours Dieu, son Père Père saint, lui : tance et la nature du Père. Saint Paul, dans
dit-il dans l'Evangile selon saint Jean, con- son épitre aux Romains, dit qu'il est appelé
nom ceux que vous m'avez don-
servez en votre pour prêcher V Evangile de Dieu ; et dans la Hom. I,

nés. Et encore Je vous rends gloire, mon


: première aux Corinthiens, il dit qu'il a souf- 1 Cor. IX. 12.
Père, ^eiyneur du ciel et de la terre. Et en- fert toutes sortes d'incommodités pour n'ap-
porter aucun obstacle à lEvangile de Jésus-
' Pbot., CW. 3'J, pag. 47. Christ, où l'on voit qu'il donne à la même
ViJl. 18
274 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
personne le nom de Christ et de Dieu, à de l'Evangile de saint Jean, que comme le joau. r. si

cause de l'identité de substance dans le Père Père ressuscite les morts et leur rend la vie;
et dans le Fils. ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît. Ce

24. Dans le quatrième dialogue, saint Cy- Père dit encore que ces paroles Il a donné :

rille montre que le Fils n'est point créature. au Fils d'avoir la vie en lui-même, peuvent
Nous savons, dit l'apôtre saint Jean, que le s'entendre de Jésus-Christ selon son huma-
Fils de Dieu est venu, et quil nous a donné l'in- nité.

telligence, afin que nous connaissions le vrai 26. Le sixième dialogue est employé en- sixième

Dieu et que nous soyons en son vrai Fils : c'est fièrement à distinguer ce qui est dit de Je- ^g^,'"?"'-!»)

lui qui est le vrai Dieu et la vie éteimelle. Le sus-Christ selon sa nature divine, d'avec ce

même apôtre dit encore que Dieu a tellement qui en est dit selon sa nature humaine. Il

aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, explique de celle-ci tous les endroits de l'E-

afin que tout homme qui croit en lui, ne périsse criture où nous lisons que le Fils a été sanc-
pas, mais qu'il ait la vie éternelle. Pourquoi titiépar le Père^ élevé, glorifié, et à cette
saint Jean promet-il la vie éternelle à qui- occasion il explique le mystère de Tlncarna-
conque croit que le Verbe incarné est vrai tion.

Dieu, s'il ne l'est pas en efiel? Pourquoi 27. Saint Cyrille prouve dans le septième, septièi
^'^"j'^sue,»
saint Pierre fut-il déclaré bienheureux, sinon que le Saint-Esprit est Dieu, qu'il procède de
parce qu'il confessa la divinité du Fils ? Et il Dieu selon sa nature. 11 commence sa preuve
est remarqué qu'il avait connu cette vérité par les endroits de l'Ecriture qui donnent au
par révélation du Père. D'ailleurs, les noms Saint-Esprit le nom de Dieu. Ensuite il rap-
de Père et de Fils sont des noms relatifs, porte ceux où il est dit que nous ne deve-
dont la nature est de se faire connaître mu- nons participants de la nature divine, qu'en
tuellement. Or, il n'y aurait point de vraie re- recevant le Saint-Esprit. Il en ajoute d'autres
lation entre le Père et le Fils, si le Fils était qui marquent que c'est par l'Esprit de Dieu
créature. que les cieux subsistent, ce qui désigne en
25. Le du cinquième dialogue est de
sujet lui une vertu semblable ou plutôt la même

faire voir que tout ce qui est essentiel à la que celle qui les a créés. Mais ce qui fait voir
divinité se trouve dans le Fils comme dans qu'il est d'une nature consubstantielle au Fils
le Père. Saint Paul dit que Jésus-Ciwist ayant comme au Père, c'est ce que dit le Fils C'est :

la forme et la nature de Dieu, n'a point cru lui qui me glorifiera, parce qu'il prendra de
que ce fût pour lui une usurpation d'être moi ce qui est à moi. Si le Saint-Esprit était
égal à Dieu, mais qu'il s'est anéanti lui-même d'une nature dillerente du Fils, le Fils n'au-
en prenant la forme et la nature de servi- rait pas dit Il prendra de moi ce qui est à
:

teur, en se rendant semblable aux hommes : moi, mais recevra de moi la sainteté, et il
il

où l'on voit que cet apôtre distingue pour vous communiquera; ce qui etièctivement
la
ainsi dire deux temps le premier, où le: aurait marqué dans le Saint-Esprit une na-
Philip. II, C. Verbe avait la forme et la natuie de Dieu, ture inférieure et ditlei'ente de celle du Fils.
égal à son Père; et le second, où il a pris la Il est dit encore du Saint-Esprit, qu'il pénètre

forme d'esclave eu se faisant homme. Saint tout, et même ce qu'il y a en Dieu de plus pro-
Jean dit aussi qu'au commencement était le fond et de plus caché. Un ne peut donc le met-
Verbe, et que le Verbe était dans Dieu. Or il tre au rang des créatures, puisqu'elles ne
n'est pas croyable que le Verbe, en se faisant connaissaient point les choses qui sont ca-
homme, ait perdu quelque chose de la nature chées dans Dieu, le Sauveur disant nettement Joan. xr, 1

qu'il avait dès le commencement. Et quand que le serviteur ne sait pus ce que fait son maî-
saint Paul dit que Jésus-Christ était hier, tre. On a ajouté à ce dialogue une suite de Pag. 680.

qu'il est aujourd'hui ,


qu'il sera le même divers raisonnements fondés sur Tautorité
dans tous les siècles , ne marque-t-il pas des Ecritures, qui prouvent la divinité du
l'immutabilité de même que l'éternité du Saint-Esprit, mais dont la plupart se trou-
Fils? Pourquoi donc, direz-vous, est-il écrit vent dans ce dialogue même.
Joan. T, 26. que, comme le Père a la vie en lui-même, il a 28. Outre les sept dialogues dont nous ve-
aussi donné au Fils d'avoir la vie en lui-même}' nons de parler, saint Cyrille en composa dialogua,
l'incarntlii
iij

Saint Cyrille répond que le Fils n'est pas deux autres qui ne paraissent avoir ensem- pi.g. 67»,

moins la vie que le Père : il le prouve par ce ble aucune liaison mais dont le premier,

qui est dit plus haut dans le même chapitre semble une suite des sept précédents, puis-
[IV ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. m
que ce Père le commence en disant qu'après nous a purifiés par lui-même de nos péchés, et Psai. icvi. 7.

avoir éclairci '


ce qui regarde la divinité du dont il est écrit Lorsque le Père introduit
:

Fils, passe à son incarnation. 11 s'y entre-


il son premier-né dans le monde, il est dit que
tientencore avec Hermias, et se propose de tous les anges de Dieu l'adorent. L'Apôtre dit iicor. iv. o.

montrer que, telon les Ecritures, il n'y a encore que le même Dieu qui a commandé que
qu'un Christ et qu'un Seigneur. Avant d'en la lumière sortit des ténèbres, est celui qui a fait
venir à la preuve, il rapporte et réfute en luire sa clarté dans nos cœurs, afin c/ue nous
peu de mots les hérésies de Marcel, de Pho- pidssons éclairer les auti'es par la connaissance
tin,d'Arius et des autres hérétiques qui ont de la gloire de Dieu, selon qu'elle parait en Jé-
attaqué le mystère de Tlncarnation; les un?, sus-Christ. Saint Jean, après avoir rapporte Joan. xi, sn.

en soutenant que le Verhe ne s'était point plusieurs miracles du Sauveur, ajoute : Jésus
incarné dans le sein de la Vierge, et qu'il en a fait beaucoup d'autres à la vue de ses dis-
n'avait eu qu'un corps imaginaire et fantas- ciples, qui ne sont pas écrits dans ce livre; mais Joan. vi, si.

tique; les autres, en enseignant que le Verbe ceux-ci sont écrits afin que vous croyiez que Jé-
n'est point coéternel au Père, et qu'il n'a sus est Fils de Dieu Enfin Jésus - Christ dit
. qu 'il
commencé que lorsqu'il s'est fait
d'être est descendu du qne personne n'est monté
ciel, et '<'*''• "'- '^•

homme d'autres,, en disant que le Verbe


; au ciel que celui qui est descendu du ciel, le Fils
n'est point une personne existante réellement de Dieu. De tous ces passages et d'un grand
distinguée du Père; et quelques-uns, en nombre d'autres saint Cyrille conclut que
prétendant que le Verbe n'a pris de l'homme Jésus-Christ étant ce même Fils qui est la
que le corps, et non pas l'âme raisonnable. splendeur du Père, et qui est né selon la
Mais il combat fort au long une autre hérésie, chair; qui est adoré des anges, et qui a
dont il ne nomme pas l'auteur, et qui consis- souffert pour nos péchés; qui est descendu
tait à séparer les deux natures en Jésus- du ciel, et qui y est monté, il n'y a en lui
Christ, et à en faire deux personnes. C'était qu'un Fils, de qui, à raison des deux natures
celle de Neslorius, que saint Cyrille ne vou- qui lui sont unies personnellement, l'Ecriture
lait pas nommer, parce qu'apparemment il dit des choses opposées entre elles, mais
écrivait ce dialogue avant la condamnation propres à chacune des deux natures. Il con-
de celte hérésie et de son auteur dans le firme cette conséquence par ces paroles de
concile d'Ephèse. Il remarque que ceux qui saint Paul : // n'y a pour nous qu'un seul Dieu, i cor. vm. c.

la soutenaient, avaientquelques écrits,


fait qui est le Père, et qu'un seul Seigneur, qui est
dont il rapporte des endroits qui montrent Jésus-Christ, par lequel toutes choses ont été
qu'ils admettaient positivement - deux Fils faites. Le Verbe, en se faisant chair, n'a rien
en Jésus-Christ, contre l'aulorité de l'Ecri- perdu de ce qu'd est par sa nature. Pourquoi
ture, qui nous enseigne qu'il y a en Jésus- donc, à raison de son incarnation, le divise-
Christ deux natures parfaites, la divine et rait-on en deux? Si on le divise en deux,
humaine, unies en une personne d'une ma- comment pourra-t-on dire de Jésus-Christ
nière admirable. Saint Paul en écrivant aux avec l'Apôtre, que par lui toutes choses ont été
Romains, leur dit qu'il est desiiné pour pt'è- faites? Si ce n'est pas le Verbe revêtu de la
cher l'Evangile de Dieu touchant son Fils qui chair, qui a conversé avec les apôtres, com-
lui est né selon la chair, du sang de David. C'est ment saint Jean a-t-il pu dire IS'ous vous an- :
, j^^^ ^ ,

donc le Fils de Dieu qui est né de la race de 7ionço)is lu parole de vie qui était dès le commen-
David. C'est lui qui, selon le môme Apôtre, cement, que nous avons ouïe, que nous avons vue
étant Fils de Dieu, a appris l'obéissance par tout de nos yeux, et que nous avons touchée de nos
ce qu'il a souffert ; qui, étant la splendeur de la mains? C'est le même Fils qui est mort et qui
gloire du Père et le caractère de sa substance, est ressuscité. Mais il est mort selon sa na-

1 Videturnetibi apte convemenierque a nobis per- omnium creatoris : quem vern assumpsit hotninem,
iraclatus scrmo de divinitale Unigenili? Omnino : non naiura Deus exislens, propter eum qui ipsuni as-
placelne igitur de iis quœ pertinent ad incarnationem sumpsit vere Dei Filium, eadem se cum eo appellatione
dtcamus ? Pag. G78. nominat. Illud enim, nemo uovit Filiuin nisi Pater,
» lia verbis ipsis loqui ausi
sunt Hic enim natu-
: naluralem ac verum ex Paire Fitium si'jnificat. Illud
raliler ac vere Ftlius,Verbum ex Deo Patte est. Hic vero a Gubriele dtctum : Ne timeas Maria, ecce couci-
vero œquivoce cum FiiiuFilius. Et paulo posl. ruioum : pies in utero, et vocabis uomeu ejus Jeâuoi, hoinini
Verbuui Dei non est caro, sed hominem assumpsit. Hic convenu, liaec quidem illi. Cyiill., Uialog. de Incarn.,
enim Inigenitus pnncipatHer ac perse Filius Dei est, pag. 680.
276 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ture humaine; et il est ressuscité par la vertu a été fait chair, donc plus ce qu'il
il n'est
et l'opération de sa divinité, afin que nous était. répond que le Verbe
Saint Cyrille
connaissions par sa mort qu'il a été sembla- s'est fait chair, sans que sa divinité en ait

ble à nous, et par sa vertu, qu'il est Dieu de soufl'ert ni changement, ni altération. Il n'a

toutes choses. même soutlért aucun mélange de sa divinité


NeiiTifmo 29. Dans le dialogue
° suivant, qui est inti- avec l'humanité par l'incarnation : seule-
dialoguc, sur ' ^,
, r^ , -, •

Iincirnaiion, tule : Qu
y ù qu un Christ, par opposition
II 11 ment il s'est abaissé jusqu'à s'unira l'huma-
aux raisons des hérétiques proposées par Her- nité,prenant un corps et une âme sembla-
viias, saint Cyrille réfute nommément Nes- blesaux nôtres, et c'est ainsi qu'il est né de la
torius, et même
dans des termes fort durs, Vierge d'une manière inetfable d'où vient :

le traitantde dragon dont la langue est em- que nous assurons qu'elle est véritablement
poisonnée. Ce dialogue est cité par Léonce mère de Dieu. Il soutient qu'on ne peut dire
de Byzance et par André de Samosate -. Il
* que le Verbe s'est fait chair de la même ma-
y a apparence qu'il fut écrit depuis le concile nière qu'il s'est rendu malédiction pour nous ; Q^^^

d'Eplièse, car jusque-là saint Cyrille avait car le Verbe ne s'est rendu malédiction que
beaucoup ménagé Nestorius. 11 distingue pour nous en délivrer, et non pour l'être
deux sortes d'hérétiques qui avaient com- lui-même, comme il est dit qu'il s'est rendu
battu la doclx-ine de l'Eglise les uns : péché, parce qu'il s'est fait homme pour
niaient que le Verbe fût consubstantiel au etiacer le péché. Ces sortes d'expressions
Père, les autres ne voulaient pas qu'il eût marquent de l'incarnation, et ne la
les suites
eu part à l'économie de l'incarnation. Cette détruisent pas. 11 paraissait ridicule aux par-
dernière hérésie était celle de Nestorius, qui tisans de Nestorius, de dire que le Verbe,
ne l'avait inventée qu'au mépris de la tradi- qui est né du Père d'une façon qu'on ne
tion constante de l'Eglise et d'une doctrine peut exprimer, ait voulu naitre une seconde
enseignée clairement dans les Ecritures. C'é- fois d'une femme. Mais c'était faire tomber

tait une suite qu'il refusât de donner à la ce ridicule sur le Verbe même, qui s'est vo-
sainte Vierge la quahté de Mère de Dieu, sou- lontairement abaissé pour le salut du genre
tenant, suivant ses principes, qu'elle n'avait humain. 11 est vrai que le Père n'a engendré
enfanté qu'un homme. Son principal argu- qu'une fois son Fils mais il lui a plu de ré-
;

ment était que le Fils de Dieu étant av^.nt tablir le genre humain par l'incarnation, qui
elle, et de toute éternité, puisqu'il était co- ne se pouvait faire qu'en naissant d'une
éternel à Dieu le Père, elle ne pouvait l'avoir Vierge, afin que, par une naissance sembla-
conçu ni mis au monde. « C'est donc mal à ble à la nôtre, il abolît la loi du péché qui est
propos, lui dit saint Cyrille, que l'Evangé- dans nos membres. Il leur appUque les pa-
en parlant du Fils que la Vierge devait
liste, roles qu'un prophète adressait à ceux qui
concevoir et enfanter, dit qu'on lui donnera doutaient de la puissance de Dieu, parce
Maiih. 1, 23. le nom &' Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec qu'ils n'en connaissaient pas l'étendue :

nous. » Nestorius ne laissait pas d'avouer que Louvrage que je fais de vos jours, est un ou- Haba
le Verbe pour nous; mais il ré-
avait été fait V7^age que vous ne croîtrez pas quand quelqu'un
duisait cette expression au secours que le vous le racontera. 11 leur demande comment
Verbe nous avait donné en sauvant le monde est vrai ce qui a été dit du Fils de Dieu, qu'il Hebr. u.n
par celui qui était né d'une Vierge d'où il ;
a été entièrement semblable à nous, s'il
fait

suivait que le Verbe n'avait pas plus fait à n'a pas pris notre nature c'est-à-dire un ,

regard du genre humain, que Moïse à l'é- corps et une âme comme nous ? Quoique les
gard des Israélites, qu'il avait déhvrés de la nestoriens admissent deux fils et deux per-

servitude d'Egypte et que Josué, à l'égard;


sonnes en Jésus-Christ, ils ne laissaient pas
du même peuple, lorsqu'il en fut déclaré de dire qu'ils étaient unis mais, pour mar-:

chef après la mort de ce législateur. Pour- quer cette union, ils se servaient du terme
quoi donc, demande saint Cyrille, n'a-t-ou de conjonction au lieu de celui d'union, qui a
donné le nom à.' Emmanuel,
ni à Moïse, ni à toujours été en usage parmi les Pères pour
Josué; mais à celui-là seul qui, dans les marquer l'unité de Fils en Jésus-Christ. Saint
derniers temps, est né d'une Vierge selon la Cyrille leur dit donc que cette conjonction,
chaii"?Mais, ajoutait Nestorius, si le Verbe qu'ils supposaient entre deux fils dans

1 Leoutius, lib. I in Eut>jch., pag. 981. * Mercat., tom. H, pag. 176.


fiv ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 277

Jésus-Christ, ne fait pas une union plus forte sur la croix, sa nature divine étant demeurée
*
entre eux, que celle que peut avoir avec impassible. »

Dieu un homme de vertu de sagesse et 30. On a mis à la suite de ces dialogues. Scholiessni
et ,
... , n • .
rincarnalion,

que celle d'un disciple avec son maître. Il des scholies ou éclaircissements de samt Cy- pag. no.

soutient que les deux natures sont tellement rille sur VIncœ^nation *, et un petit traité de

unies en en une seule personne, que l'on


lui ce Père sur le même sujet. Ce sont autant
peut dire de Jésus-Christ qu'il est Dieu et de réponses aux difficultés qu'on lui avait

Fils du vrai Dieu qu'il est le seul Verbe né


;
proposées. Comme c'était apparemment des
du Père avant tous les siècles, à raison de commençants, il leur explique d'abord les
sa divinité et né d'une Vierge dans les der-
, termes; puis il passe aux propositions sim-
niers temps selon la chair; que la nature di- ples, et ensuiteaux composées. Il y est dit
vine n'a pas pour cela été changée en la na- le Verbe de Dieu, est appelé
que Jésus-Christ,
ture humaine, et qu'il ne s'est fait ni mé- Christ, comme étant l'oint du Seigneur;
lange ni confusion dans l'une ou dans l'autre. mais que cette onction ne regarde que son
Il prouve, par l'autorité de l'Ecriture, que humanité; qu'il est une personne composée
c'est le même Fils qui, ayant la forme et la de deux choses, de la nature divine et de la
nature de Dieu, s'est abaissé jusqu'à prendre nature humaine, et que c'est le même qui,
la forme d'esclave; qu'ainsi l'on ne peut dire comme Verbe, est né du Père, et qui, comme
que Jésus-Christ n'ait été Fils de Dieu que par homrne, est né de la Vierge. Quoique l'u-
adoption, l'Ecriture disant en termes exprès nion de ces deux natures en une seule
que c'est par Jésus-Christ que toutes choses personne soit incompréhensible, elle ne doit
ont été faites ce qui ne peut se dire d'un
: pas pour cela être incroyable, puisque nous
homme. Les nestoriens objectaient que Jé- ne doutons point de l'union de no're âme
sus-Christ avait été sanctifié par le Père, avec notre corps, bien que nous n'en con-
lorsqu'il reçut le baptême des mains de saint naissions pas la manière cette union fait ;

Jean qu'il est dit de lui qu'il demanda avec


; que, comme l'homme est un, quoique com-
larmes d'être délivré de la mort; qu'étant posé de l'âme et du corps, qui sont deux
près d'expirer sur la croix, il se plaignit que natures différentes; de même Jésus-Christ
Dieu l'avait abandonné. Saint Cyrille répond est un, quoique composé de deux natures
que tous ces passages et beaucoup d'autres parfaites, l'une divine, l'autre humaine; à
que les hérétiques avaient coutume d'objec- raison de cette union, le Verbe s'approprie
ter contre la divinité de Jésus-Christ, de- ce qui appartient à la chair, parce qu'elle est
vaient se rapporter à lui en tant qu'homme, son corps et non celui d'un autre. Saint Cy-
parce que Jésus-Christ a souffert, non dans rille rapporte diverses figures de cette union
sa nature divine, mais dans sa propre chair. marquée dans l'Ancien Testament, et prouve
De ce qu'il est dit dans saint Jean, que la qu'elle n'a introduit aucune confusion dans
chair de Jésus-Christ donne la vie au monde, ces deux natures. Il prouve aussi que Jésus-
saint Cyrille en infère qu'elle est donc la Christ, vrai Dieu et vrai homme, n'est qu'un
chair d'un Dieu, puisqu'otant corruptible de seul Fils, et non pas deux. L'Ecriture, en di-
sa nature, elle ne peut vivifier que parce sant que toute la plénitude de la divinité ha-
qu'elle est devenue la chair du Verbe. « Nous bite en corporellement, ne signifie pas
lui
croyons donc, ajoute-t-il; qu'il n'y a qu'un qu'elle habite en lui comme dans un autre
seul Fils de Dieu le Père, et une seule per- Christ, le Verbe s'étant approprié le corps qui
sonne en Jésus-Christ, né de Dieu le Père est né de la Vierge, et lui ayant été uni dans
avant tous les siècles, comme Verbe, et de le se'in même de cette Vierge ^ où il a habité
la Vierge dans les derniers temps. Nous lui réellement pendant plusieurs mois ce qui ;

attribuons toutes les propriétés des deux ne laisse point lieu de douter qu'elle ne soit
natures, la divine et l'humaine; ce qui fait mère de Dieu. Il explique comment, à raison
que nous disons qu'il a souUert dans sa chair de celte union personnelle, on dit de Jésus-

» La meilleure édition de ces Scholies a été donnée in illa habitasse dicimus : eumdemque bimestrem et
par Père Garnier. Elle est reproduite dans'la Pa-
le trimestrem, Filium Dei simul et Filiuni hominis.
trologie de M. Migne. (L'éditeur.) Cyrill., de Incarnat pag. 801 ; Photius, Cod. 169,
,

* Hac ctiam de causa satictam Virginem Deiparam pag. 380.


appellamus : Deumque Verbuni nonopinione,sed reipsa
,

278 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


Christ des choses qui paraissent contraires mées, ce sont celles de 443 et 444. Elles sont
par exemple, qu'il est baptisé et qu'il bap- en forme de discours, et il paraît que saint
tise; qu'il est le Fils unique et le premier-né Cyrille les prononçait publiquement dans
entre plusieurs frères comme homme. Nous l'Eglise. Il ne laisse pas de les appeler quel-
n'avons la plupart de ces scholies qu'en latin, quefois lettres ^, apparemment parce qu'il
et quelques-unes seulement en grec. Pho- les envoyait aux Eglises d'Egypte pour leur
tius les cite comme un ouvrage fort utile *. annoncer le jour de la Pâque. C'est ce qu'il
faisait sans doute longtemps avant cette fête:
§111.
mais il ne les prononçait ordinairement qu'à
Des Homélies de saint Cyrille. la fin de l'hiver, ou au commencement du
printemps *, et toujours avant le carême,
I
I)cs
es de saint
homé- 1 C'était la coutume que les évoques d'Ale-
. dont il marque le commencement dans cha-
Cyrille sur la
f.'ie (le Pâ-
xandrie fissent chaque année un discours, ou que homélie, avec le lundi et le samedi delà
ques.
qu'ils écrivissent une lettre sur la fête de semaine sainte, et le dimanche de Pâques.
Pâques, et il nous reste encore quelques Il désigne ces jours par ceux des mois égyp-

fragments des lettres que saint Denys d'Ale- tiens, que l'on peut facilement réduire aux
xandrie écrivit sur ce sujet. Nous en avons romains en remarquant que le mois de
,

aussi de saint Athanase et de Théophile. Ces méchir commence le 26 janvier, phamenoth


lettres, qui étaient circulaires, s'envoyaient le 23 février, et pharmuthi le 27 mars. Les
aux Eglises pour leur annoncer en quel jour deux premiers, dans les années bissextiles,
l'on devait célébrer cette solennité. Les commencent un jour plus tôt.
évêques d'Alexandrie en adressaient ime à 2. Dans la première homélie, qui est pour
l'Kglise de Rome, afm qu'elle le fît savoir à l'an 414, saint Cyrille parle de son entrée
toutes les autres Eglises d'Occident : cela dans l'épiscopat, et de la mort de Théophile,
avait été ainsi réglé dans le concile de Ni- son oncle,* dont il fait en peu de mots un
cée 2, lorsqu'il y fut ordonné que l'Eglise grand éloge. Il y explique la manière dont
d'Alexandrie aurait soin d'examiner le jour on devait se préparer à la célébration de la
qu'il faudrait faire la pâque. Il paraît que fête de Pâques, et relève surtout l'utilité du
saint Cyrille fut exact à remplir la commission jeiine, qu'il fait consister non-seulement dans
attachée aux évêques de son Eglise, puisque l'abstinence des aliments délicats et gros-
nous avons autant d'épîlres ou de discours siers mais dans l'éloignement du péché et
,

sur la Pâque, qu'il a gouverné d'années. dans la pratique de la vertu. Il donne six se-
Possevin, qui les avait vues dans la Biblio- maines au carême, qu'il fait commencer par
thèque du Vatican, n'en marque point le le lundi, et en compte sept jusqu'au jour de
nombi'e. Si cet évêque a gouverné l'Eglise la Pentecôte. Une relève pas moins le jeûne
d'Alexandrie pendant trente et un ans et dans l'homélie suivante le faisant regarder
,

deux cent cinquante-cinq jours, comme mar- comme la source de tous les biens spirituels;
que la Chronique orientale, il faut que tous mais il veut qu'il soit accompagné de cha-
ses discours ne soient point imprimés, puis- rité, de miséricorde envers les pauvres et les
que nous n'en avons que vingt-neuf, dont le prisonniers, et des devoirs de l'hospitalité.
premier est de l'an 414, et le dernier de l'an Le jeûne fait aussi la matière des autres ho-
442. Dans l'édition de ses œuvres, on compte mélies comme étant propre à mortifier la
,

trente homélies pascales, parce qu'on sup- chair, à purifier l'âme de ses péchés et à la
pose que la troisième est perdue, en sorte disposer à célébrer d'une manière conve-
que l'on met celle d'après la seconde pour la nable le saint jour de Pâques. Il se plaint Sepli
homélie, f
quatrième. Mais c'est une faute des impri- dans la septième de l'insolence de quelques et EuiT. ,

meurs ou des éditeurs, comme on le voit, en jeunes gens qui armés d'épées et de mas-
,

ce que la seconde est visiblement pour l'an sues excitaient des qiierelles en divers en-
,

413, et la quatrième pour l'an 416. Si donc droits de l'Egypte, pour en prendre occasion
il y a quelques-unes de ces homélies pei'dues, de tuer et de voler. Il regarde comme une
ou du moins qui n'ont pas encore été impri- punition de ces crimes la sécheresse extra-
,

* L'empereur Justinien les cite aussi dans sa lettre 3 CjTill., hom. 1, pag. 4, et hom. 21, pag. 269.
aux moines. A Mai, Noua CoUectio Script. vet.,tom. ^ Homil., pag. 108. Vernum siquidem est hoc tem-<
^ II, part. I, pag. 10. [L'éditeur.) uod miticagimus.
î Bûcher., CycL, pag. 480 et 500.
[IV ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 279
ordinaire qui avait consumé la récolte qu'on de la vocation des Gentils. La suivante est
espérait devoir être très -abondante en celte encore pour établir la divinité de Jésus-
année-là, c'est-à-dire en 418; ce qui avait Christ contre les juifs, dont l'exemple, comme
été suivi d'une grande famine dans tout le il le dit dans la vingt -cinquième, doit nous

pays. Mais espérer au peuple qu'ils


il fait rendre plus soigneux au culte de Dieu, puis-
ressentiraient bientôt les eûets de la miséri- qu'ils n'ont été punis en tant de manières de
corde de Dieu s'ils se corrigeaient de leurs
, la part de Dieu, que parce qu'après l'avoir
péchés et en faisaient pénitence, leur fai- abandonné, ils en ont été abandonnés eux-
sant remarquer que Dieu leur avait déjà mêmes.
donné une preuve de la fertilité prochaine de Toutes ces homélies ne sont presque qu'un
la terre, en faisant déboi-der le Nil plus qu'à tissu de passages de l'Ecriture, auxquels
.Hniiième l'ordinaire. Mais on voit par l'homélie Imi- saint Cyrille donne des exphcations mysti-
tième, que les péchés du peuple ayant con- ques ce qui les rend languissantes et à
:
j

tinué, Dieu continua aussi de le punir par charge aux lecteurs. Ce qu'elles ont de plus
une grêle qui perdit toute la moisson de l'an intéressant regarde l'histoire de l'Eglise ,

419, au moment que l'on était près de la re- c'est-à-dire le temps de la célébration du
cueillir, ce qui jeta la consternation partout. carême, des fêtes de Pâques et de Pente-
Dans la même homélie, saint Cyrille combat côte, pendant un assez grand nombre d'an-
en passant ceux qui voulaient qu'il y eut nées. Ou ne laisse pas d'y trouver plusieurs
deux Christs et deux Fils; mais il semble endroits remarquables sur le dogme, en par-
douter s'il y avait effectivement des person- culier sur les mystères de la Trinité et de
nes qui soutinssent celte erreur. 11 y combat l'Incarnation.
aussi ceux qui ont nié depuis qu'il y eût 3. Entre les homélies sur divers sujets, il noméiies

deux natures en Jésus-Christ après l'incar- y en a quelques-unes que saint Cyrille pro- fëu, toT. v',
'''"''"'''•

ié?i"p™g'
nation. Dans la onzième, il traite de la loi de nonça pendant le séjour qu'il fit à Ephèse à
la chair et de l'esprit, montrant que les meil- l'occasion du concile. Il fait voir dans la pre-
leures armes pour vaincre le démon, sont mière que la connaissance du Père sans
'

l'abstinence et la tempérance. Il y montre celle du Fils est imparfaite que le Fils, en se


;

encore que la foi ne suffît pas sans les œu- faisant homme, a pris non -seulement un
vres pour le salut. On croit que l'exhorta- corps, mais encore une âme raisonnable. 11
tion qu'il y fait à son peuple, de ne pas in- croit que ces paroles du patriarche Jacob :

sulter aux malheurs des morts, de témoi- J'ai vu Dieu face à face, étaient une suite de
gner de la compassion et de la charité pour la connaissance que Dieu lui avait donnée du
les affligés, a rapport à Calixte, préfet d'E- futur mystère de l'Incarnation que ce mj^s- ,

gypte, massacré dans Alexandrie par les tère fut aussi figuré par le combat du même
gens de sa maison, au mois de septembre saint avec l'ange. Le second discours fut fait
422. 11 fait voir dans la douzième que le Père dans l'église de Saint-Jean-l'Evangéliste, non
a engendré son Fils de sa propre substance, le jour de sa fête, comme le porte le titre de
en sorte qu'on ne peut point dire qu'il soit ce discours, puisque saint Cyrille ne pouvait
Fils adoptif. Dans la dix-septième,il prouve être arrivé à Ephèse le 8 mai, auquel les Pag. 352.

que le Père et le Fils sont deux personnes Grecs célébraient cette fête. Ce Père, pour y
distinguées l'une de l'autre; qu'elles n'ont prouver que le Verbe s'est fait chair vérita-
toutefois qu'une même essence. 11 y explique blement remarque que cet apôtre ne dit
,

en manière qu'il est possible, l'union per-


la pas que le Verbe a été dans l'homme, mais
sonnelle des deux natures en Jésus -Christ, qu'il s'est fait chair, c'est-à-dire homme en ,

donnant à la sainte Vierge la qualité de Mère demeurant toutefois Dieu comme il était,
de Dieu. Il s'étend dans la vingt-unième sur sans avoir souûert aucun changement ni al-
les avantages que nous a procurés le mys- tération dans sa nature divine. Paul, évêque
tère de l'Incarnation. 11 montre dans la vingt- d'Eraèse, avait prêché sur le mystère de l'In-
deuxième, contre les juifs, que Jésus- Christ carnation jour inême que saint Cyrille fit
le 3.5
est le vrai Messie. La vingt -troisième traite sa troisième homélie. Il y fait l'éloge de cet

Le cardinal Mai a publié le grec de cette homélie,


'
tom. II, pag. 109 et 112. Voyez l'appendice à la fm
Scripf. vct.,tom. VIII, part, n, pag. 149, et une tra- de ce chapitre. {L'éditeur.)
duction nouvelle avec le grec, Palrum Nov. Bibliot.,
,

280 HISTOIRE GÉNER.\LE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


évêque qii'il dit avoir été éclairé des lu-
,
douceur le mettait h couvert des mauvais
mières du Saint-Esprit, dans ce qu'il avait desseins de ses ennemis. Dans la huitième
dit de ce mystère. Le titre de la quatrième homélie, il explique le mystère de la trans-
porte que saint Cyrille la prononça àEphèse, figuration , et se sert de ces paroles de Dieu
lorsque les sept (évêques) vinrent à Sainte- le Père : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, pour
Marie. C'était apparemment ceux qui avaient étabhr la divinité de Jésus-Christ contre les
quitté le parti de Nestorius pour se joindre Juifs.
au concile; d'où vient que saint Cj^ille com- S. La neuvième homélie est une exphca- Suite
homélies I

mence ce discours en disant que leur pré- tion de la cène mystique qui se renouvelait
sence avait changé en joie l'extrême douleur tous les jours dans l'Eglise Jésus -Christ :

oùil était plongé auparavant. C'est proprement s'immole volontairement, mais non pas de la
un éloge de la sainte Vierge, qu'il fait en^^- même manière qu'il l'a été par les juifs, afin
sager comme la source de tous les biens , de nous marquer qu'il a souffert volontai-
parce qu'elle avait mis au monde celui par rement la mort pour notre salut dans ;

qui le genre humain a été racheté. Il y prend cette cène il nous donne à manger son corps
le pape Célestin, qu'il appelle le saint arche- comme si c'était du pain, et son sang à boire
vêque de la grande Rome, à témoin qu'il n'a comme si c'était du vin par là il a mis ;

rien omis de ce qui était en son pouvoir fin aux figures de l'Ancien Testament
pour retirer Nestorius du malheur où il s'é- par où saint Cyrille entend la manduca-
tait précipité. Il fait mention des lettres que tion de l'agneau pascal mangé en Egypte
ce saint Pape lui avait écrites pour l'en reti- comme la figure de l'agneau que nous
rer lui-même et finit ce discours en exhor-
, mangeons dans cette cène. Il veut que nous
tant ceux qui l'écoutaient de célébrer les
,
approchions de ce mystère avec une charité
louanges de cette sainte Mère toujours sincère une foi pure et en nous abstenant
,

Vierge et de son Fils comme aussi d'obéir


, des nouveautés profanes introduites par les
au très-pieux empereur. ministres de Satau pour séduire les âmes.
hom'é'i'i^es
""p! ^- ^-'^ cinquième homélie fut faite en suite Il entend par là certains solitaires d'Egypte
^^*-
de la déposition de Nestorius. Saint Cyrille qui après avoir embrassé le parti de Nes-
,

y traite encore de l'incarnation, qu'il montre torius, s'étaient efforcés de répandre ses er-
avoir été prédite dans l'Ancien Testament, reurs dans Alexandrie où ils avaient jeté le
et accomplie dans le Nouveau. Il y exhorte trouble. On ne voit pas que cette homélie ni
Nestorius, sans le nommer, à croire et à ho- la précédente aient été prononcées à Ephèse
norer ce mystère sans écouter les lumières
, mais il est clair que saint Cyrille y prononça
de sa raison, puisqu'il est incompréhensible. la suivante, qui est la dixième; car il y parle
Nous avons un petit discours de Réginus, devant une assemblée d'évêques et il y ,

évêque de Constantia, métropole de Chypre, adresse la parole à la ville d'Ephèse et à


fait, ce semble le même jour, où il traite
,
saint Jean, évancéliste protecteur de cette
,

fort mal Nestorius , comparant sa chute à ville, dont il semble dire que les reliques y re-
celle de Lucifer, au crime des Juifs qui ont posaient. Cette homélie est un éloge de la
fait mourir le Sauveur, à celui de Caïn et des sainte Vierge, à qui il donne presqu'à cha-
Pag. 302.
gQ(jQi-(^jtgs Qjj YQii- (Jq nioins par le com- que phrase le nom de Mère de Dieu. Il y té-
mencement de l'bomélie de saint Cyrille , moigne une grande fermeté pour la défense
que d'autres en avaient fait avant lui. La de la foi catholique, qu'il prêchera dit -il, ,

sixième est contre Jean d'Antioche qu'il , en présence de l'empereur sans crainte d'ê-
blâme de s'être joint aux ennemis de Jésus- tre confondu. La fin esta peu près semblable
Christ, au lieu de s'unir aux Pères du con- à celle de l'homélie faite en présence des
cile qui avaient combattu avec force pour la sept évêques qui avaient quitté le parti de
364.
vérité. Il prononça la septième avant qu'il Nestorius. Il y prend le pape Célestin à té-
fût arrêté par le comte Jean. Il semble par moin de ses mouvements pour retirer ce
ce discours qu'il s'attendait à quelque mau- nouvel hérétique de l'erreur. Mais il semble
vais traitement, car il y relève les souf- dire que Nestorius n'était point encore dé-
frances que les saints ont souvent souffertes posé insinuant seulement qu'on allait le
,

de la part des méchants. Néanmoins il y chasser de la ville roj^ale et du trône qu'il


parle avec honneur des empereurs, disant occupait sans l'avoir mérité.
qu'ils avaient une même foi que lui, que leur 6. La onzième est une expUcationde ce qui
flV" ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 281

se passa au jour do \\ Purificatiou de la récompense, et aux autres les supplices. Le


sainte Vicri^c, lorsqu'elle porta Jésus à Jéru- grec de la quatorzième homélie est perdu '.
salem, pour présenter au temple. Saint
le Elle traite de l'incarnation du Verbe il mar- :

Cyrille croit que ces paroles de Siméon : que clairement que les deux natures sont
\ot7'e âme sera percée comme par une épée, si- unies en Jésus -Christ dans une seule per-
gnifiaient la douleur que la sainte Vierge sonne sans confusion et sans changement
, ;

devait ressentir h la mort de son Fils, ne sa- que le Verbe a pris un corps et une âme rai-
chant pas qu'il dût ressusciter. Dans la dou- sonnable que la sainte Vierge n'a pas en-
;

zième il explique l'entrée triompliantc de


,
fanté la divinité, mais 4e Verbe uni à la chair;
Jésus -Christ dans la ville de Jérusalem le , que ce n'est qu'en ce sens qu'elle est vérita-
jour que nous appelons des Rameaux. Il y blement la Mère de Dieu; que cette chair est
prouve sa divinité contre les juifs, et dit consubstantielle à la nôtre, c'est-à-dire de
nettement que le Verbe n'abandonna point notre substance, puisque, selon l'Apôtre, Jé-
son corps, même dans le tombeau, ni son sus-Christ est de la race d'Abraham; que le
âme lorsque Jésus- Christ descendit aux en- Verbe uni à cette chair est aussi consubstan-
fers pour y prêcher aux esprits qui y étaient tiel au Père, c'est-à-dire de la même nature

détenus. Nous avons dans saint Epiphane que Dieu le Père.


une homélie assez semblable à celle-ci, soit On lit dans Gennade ' que les évêques
pour les pensées soit pour les expressions;
, grecs apprenaient par cœur les homélies de
mais celle de saint Cyrille est plus longue, saint Cyrille, pour les réciter ensuite dans
et ce qu'il y dit contre les hérétiques, qui les assemblées ordinaires du peuple.
niaient la consubstantialité du Verbe , ne se
lit point dans celle de saint Epiphane ou §IV.
,

qui est sous son nom, car il n'en est point Des Lettres de saint Cyrille.
auteur. La treizième est sur le moment de
la séparation de l'âme d'avec le corps, et sur 1. Quelques-uns des solitaires de l'Egypte
le second avènement de Jésus-Christ. On y étant venus à Alexandrie pour y célébrer,
voit que dans ce moment les anges sont d'un selon la coutume, la fête de Pâques, et se
côté, les démons de l'autre; les uns pour la nom de tous leurs frères
réunir en ce jour au
conduire à la gloire, les autres aux suppli- avec leur évêque, apprirent à saint Cyrille
ces; que ceux-ci lui objectent ses mauvaises que les homélies de Nestorius avaient été
actions, et que ceux-là font valoir ses bon- portées jusque dans leur désert, et que le
nes œuvres; que si elle se trouve avoir vécu venin dont elles étaient remplies commen-
dans la piété les anges la prennent et la
, çait à corrompre quelques-uns des moines.
conduisent dans le lieu où elle jouira d'une Saint Cyrille en fut extrêmement affligé, et
joie ineffable; qu'au contraire, les démons craignant que l'erreur ne prit racine dans
s'en saisissent et la mènent dans un lieu de les mêmes monastères où elle avait jeté le
ténèbres, si elle est convaincue d'avoir vécu trouble il écrivit une lettre générale et cir-
,

dans la débauche. Saint Cyrille en prend oc- culaire aux moines d'Egypte. Ce fut, selon
casion d'exhorter son peuple à se préparer toutes les apparences, peu de temps après
k rendre compte de ses actions dans ce jour Pâques de l'an 429, qui était le 7 avril. Cette
terrible où elles seront examinées avec tant lettre, qui est devenue célèbre dans l'his-
de sévérité et d'exactitude que nous ren- ,
toire, fut citée ^ par les Orientaux dans leurs
drons compte même des paroles inutiles de- écrits contre saint Cyrille *. Il la cite lui-
vant le souverain Juge. Il oppose la joie même ^ dans une autre de ses lettres. Sui-
dont seront comblés les élus et le bonheur , vant l'inscription , elle était adressée non-
dont ils jouiront, aux supplices et au mal- seulement aux moines d'Egypte , mais aussi
heur éternel des damnés, et entre dans le aux prêtres et aux diacres qui servaient dans
détail des actions qui mériteront aux uns la les monastères. Ce Père leur dit qu'ils au-

> Il a été retrouvé et publié par Mai, Script. Vet., 3 Tom. III Concil., pag. 838 et 839.
tom. VIII, part, n, pa^. 104-7. Voyez l'appendice à * Le cardinal Mai a publié une traduction latine
la fin de ce chapitre. {L'éditeur.) d'Arnobe le Jeune, Spicileg. Rom., tom. V, pag. 101
* Homilias composuit plurimas, quœ ad declaman- et 118. (L'éditeur.)
dum a grœcis episcopis rnemoriœ commendantur. 5 Cyrill., Epist. 8, pag. 33.
Geunad.j(/e Script. Eccles., cap. Lvu.
282 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
raient mieux
de ne prendre point de part
fait vrai Dieu; qu'ainsi sa mère seule est appelée
à des questions si difficiles; que les plus Mère de Dieu. Il s'objecte : Vous direz peut-
éclairés ne peuvent qu'entrevoir la vérité être : Vierge est -elle donc Mère de la di-
la
d'une manière fort obscure; que ce qu'il leui' vinité ? A quoi il répond qu'il est constant
en écrit n'est pas pour entretenir leurs dis- que le Verbe est éternel et de la substance du
putes inutiles, mais afin de leur donner de Père; mais que, dans l'ordre de la nature,
quoi défendre la vérité de la tradition contre encore que les mères n'aient aucune part à
ceux qui voudraient les séduire et qu'ils en la création de l'âme, on ne laisse pas de dire
pussent instruire les autres et les afiermir qu'elles sont mères de l'homme entier, et
dans la foi transmise aux Eglises par les non pas seulement du corps; que comme ce
saints Apôtres. «J'admire, continue-t-il, qu'il serait une impertinente subtilité de dire :

y ait quelques-uns de vous qui doutent si la Elisabeth est mère du corps de saint Jean, et
sainte Vierge doit être appelée Mère de Dieu. non pas de son âme; nous disons de même
Si notreSeigneur Jésus-Christ est Dieu, com- de la naissance d'Emmanuel puisque le ,

ment la sainte Vierge, qui Ta rais au monde, Verb3 ayant pris chair, est nommé Fils de
ne sera -t- elle pas appelée Mère de Dieu? l'homme. Quoique l'enFani qu'une femme
C'est la foi que les divins disciples nous ont met au monde soit composé de deux natures
enseignée quoiqu'ils ne se soient pas servis
,
différentes, de l'âme et du corps, c'est un
de ce terme; c'est aussi la doctrine de nos même homme dont elle est la mère. Les
pères, dont nous avons été instruits. Le cé- deux natures , la divine et l'humaine, sont
lèbre Atbanase, qui a gouverné l'Eglise d'A- unies de la même manière en Jésus- Christ.

lexandrie pendant quarante-six ans avec tant C'est ceque saint Cyrille montre par l'abais-
de suffisance , donne ordinairement ce titre sement du Fils de Dieu, qui, comme le dit
Philip. II.
à la sainte Vierge, particulièrement dans le saint Paul, s'est anéanti pour prendre la
livre qu'il a intitulé : De la sainte et consubs- forme d'esclave. Où serait son anéantisse-
tantielle Saint Cyrille montre en-
Trinité. » ment, si d'une nature semblable à la nôtre,
suite que celui qui est né de cette sainte il était comme nous du nombre des esclaves?

Vierge est Dieu par nature. Il rapporte à ce De dire qu'il s'est anéanti en habitant dans
sujet le Symbole de Nicée où il est dit que , l'homme qui est né de Marie c'est lui attri- ,

le Fils unique de Dieu, engendré de sa subs- buer un anéantissement imaginaire. N'est-il


tance est lui-même descendu du ciel, et
, pas dit dans saint Jean que le Père comme
s'est incarné. Il oppose aux hérétiques, qui le Fils habite et fait sa demeure dans celui
attaquaient la divinité Jésus-Christ, la foi des qui garde ses commandements? En con-
saints Pères, avec lesquels il confesse que le clura-t-on que le Père, par cette sorte d'in-
Fils est né de l'essence du Père d'une ma- habitation, prend la forme d'esclave, comme
nière ineffable. Quoiqu'il soil un en nature le Fils l'a prise ? Si l'on di^ que le Fils de la

avec le Père, dit-il, il est néanmoins distingué sainte Vierge n'a été nommé Chinst que
du Père personnellement, ayant sa propre parce que Dieu l'a oint et sanctifié, c'est à
bypostase il est Dieu de Dieu
;
égal en , ceux qui enseignent une pareille doctrine k
tout à son Père, sans lui être inférieur en au- montrer que cette onction, cette sanctifica-
cune manière, ou inégal; c'est ce même tion suffit pour le dire d'une puissance, d'une
Verbe, engendré de Dieu et un avec lui, que autorité, d'une majesté égale à celle de Dieu.
nous nommons Jésus - Christ depuis son , Ce Père prouve encore l'unité d'une per-
union à la nature humaine. Il confesse aussi sonne et deux natures en Jésus-Christ, par
que le Suint -Espiit est une des trois per- l'adoration que toutes les créatures, même
sonnes de la sainte et consubstantielle Tri- célestes lui rendent
,
par les noms de Sei-
;

nité,dans une et même nature que le Père gneur et de Dieu que lui donne l'Ecriture;
et le Fils, par le grand nombre et l'éclat de ses mira-
sniu de 2. Il convient que , suivant l'Ecriture , on cles; par la supériorité que saint Paul lui

pag' 6ire[ peut donner le nom de christs à ceux que donne au-dessus de Moïse et de tous les pro-
phètes qu'il nous fait envisager comme les
'°"'
Dieu a justifiés par la foi en Jésus-Christ, et ,

sanctifiés par le Saint-Esprit qu'à cet égard,


;
domestiques de la maison de Dieu, tandis
qu'il déclare que Jésus-Christ, comme Fils, a
on peut donner à leurs mères le titre de mè-
res de christ; mais il met entre eux et Jésus- l'autorité sur cette maison, parce qu'il nous

Christ celle diûerence que Jésus -Christ est a rachetés de la mort par l'effusion de son
,, ,

[n^ ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XX. -- SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 283

sang, et parce que s'il n'était pas véritable- tion du Verbe, qu'il soutenait alors; mais
ment Dieu, les juifs pourraient se justifier de qu'il n'en avait donné copie à personne, s'é-

l'avoir nais à nous repro-


mort, et les gentils tant contenté de le lire à cet cvéque et à
cher avec justice que nous adorons un pur quelques autres, soit du clergé,
soit du peu-

homme. ple. On met cette lettre de saint Cyrille sur


3. Cette lettre, étant passée des solitaires la fin de juillet de l'an 429. Elle fut rendue à
à diverses personnes de Constantinople, con- Nestorius par un prêtre d'Alexandrie, nommé
tribua à en retirer plusieurs de l'erreur. Nes- Lampon. Nestorius quelque temps sans
fut

de ce succès, engagea un nommé


torius, irrité vouloir y répondre mais ce prêtre lui fit
;

Photius de ses préti^es, à la réfuter.


• , l'un tant d'instance qu'il ne put s'en dispenser.
Celui-ci n'eut pas plutôt achevé cet écrit, Il se contente de dire dans cette réponse

qu'il l'envoya à un diacre appelé Bufa Mar- qu'il veut bien oublier le passé et continuer
tyrius, qui résidait alors à Constantinoplepour d'apir avec saint Cyrille selon les règles or-
les affaires de l'Eglise d'Alexandrie. Cepen- dinaires de l'amitié sans désavouer eu au-
,

dant S, Cyrille, informé par des gens dignes cune façon les discours et les sentiments
de foi du chagrin que Nestorius avait contre qu'on lui attribuait.
lui, averti d'ailleurs par les lettres de saint 4. Au commencement de l'année 430, les

Célestin et de plusieurs évêques, qu'on était clercs que saint Cyrille avait à Constantino-
fort scandalisé des sermons de Nestorius, et ple pour les affaires de son Eglise, lui en-
que l'on murmurait contre lui dans presque voyèrent le réponse que la prêtre Photius
toutes les Eglises d'Orient, eut la pensée d'as- avait faite à la lettre aux solitaires, et quel-
sembler les évêques d'Egypte, et de déclarer ques nouveaux discours de Nestorius. Ils l'in-
à Nestorius, par une lettre synodale, qu'il ne formèrent en même temps des calomnies
pouvait plus avoir de communion avec lui que l'on répandait contre lui à Constanti-
s'il ne changeait de langage et de doctrine. nople et qui en étaient les auteurs, ajou-
,

Mais ayant fait réflexion que l'on doit tendre tant que les sectateui-s de Nestorius parlaient
la main à ses frères pour les relever quand de paix et de réconciliation. Ce fut ce qui dé-
ils sont tombés, il lui écrivit, espérant que termina saint Cyrille à lui écrire une se-
de simples remontrances pourraient le faire conde lettre vers le commencement de fé-
rentrer dans la voie de la vérité. Il lui té- vrier de la même année. Il lui dit d'abord
moigne avoir été extrêmement surpris d'ap- qu'on l'avait averti des calomnies que l'on
prendre que sa lettre aux solitaires l'eût of- répandait contre lui, et qu'il en connaissait
fensé et qu'il la regardât comme la cause
,
les auteurs. Mais, sans s'y arrêter, il l'exhorte
des troubles excités à Constantinople et en comme son frère en notre Seigneur, de cor-
divers autres endroits. Ce tumulte, ajoute- « riger sa doctrine de la proposer à sou peu-
,

t-il, n'a pas commencé par ma


lettre, mais ple avec plus de précaution, et de faire ces-
par les écrits qui se sont répandus, soit qu'ils ser le scandale, en s'attachaut à la doctrine
soient de vous ou de quelqu'autre et qui ,
des saints Pères,et en particuher à ce qui a été
causaient un tel désordre, que je me suis déclaré dans le concile de Nicée sur la nature
cru obligé d'y remédier. » Il dit ensuite qu'il du Verbe et le mystère de l'Incarnation. Il

avait été chargé du Pape


des évêques de et explique ce mystère en montrant qu'il faut
son concile, de s'informer s'il en était etfecti- admettre dans le même Jésus -Christ les
vement l'auteur, et l'exhorte en ce cas de deux générations l'éternelle, par laquelle il
:

faire cesser le scandale qaïls avaient causés, procède de son Père la temporelle selon
; ,

en donnant à la sainte Vierge le titre de Mère laquelle il est né de sa Mère, non que sa di-
de Dieu. « Au reste, ne doutez pas, lui dit-il, vine nature ait pris de la sainte Vierge le
que ne sois préparé à tout souffrir pour
je commencement de son existence étant co- ,

la foide Jésus -Christ, même la prison et la éternel à son Père; mais parce que pour
mort, n II se reconnaît pour l'auteur d'un notre salut il a voulu naître de la Vierge, en
traité de la sacrée et consubsiantielle Trinité s'unissant hypostatiquement dans son sein à
où il dit qu'il avait établi dans le temps la nature humaine. Rajoute que quand nous
qu'Atticus gouvernait l'Eglise de Constanti- disons que Jésus-Christ a souffert et qu'il
nople , la même doctrine touchant l'incarna- est ressuscité nous ne disons pas que le
,

» Tom. IlL Concil., pag. 673, et Cyrill., Episl. 8, pag. 33.


^,

284 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


Verbe ait souffert en sa propre nature, qu'il sible, Nestorius l'accuse du contraire. Il pa-
ait été couvert de plaies ou percé de clous ,
rait admettre dans Jésus-Christ l'unité de per-
car la divinité est impassible; mais parce que sonne mais, par cette unité, il n'entend
;

le corps qu'il s'est approprié par son union qu'une union de volonté et de dignité, c'est-
avec lanature humaine, a souffert que c'est ;
à-dire union morale, et non pas réelle en ;

pour que nous disons qu'il


cette raison seule sorte que le Dieu et l'homme fissent dans
a souffert lui-même, comme nous disons Jésus-Christun même personnage. D'où vient
aussi qu'il est morl. a Le Verbe divin, conti- qu'il ne se sert pas du terme d'hypostase,
nue ce Père, est immortel de sa nature, il mais de pros^opon, qui en grec se prend moins
est la vie même; mais parce que son propre qu'en latin pour celui de personne. Il semble
corps, par un don gratuit de Dieu, a souffert admettre, avec saint Cyrille, l'union des deux
la mort, nous disons que lui-même est mort natures en une seule personne dans Jésus-
pour nous non que le Verbe ait souffert la
: Christ; mais au lieu d'employer le terme d'u-
mort dans sa propre nature mais parce que , nîon, il se sert de celui de connexion. Il ajoute
sa cliair a souffert la mort. Nous disons de que l'Ecriture, lorsqu'elle parle de l'écono-
même qu'il est ressuscité, parce que sa chair mie de l'incarnation, attribue la passion et
est ressuscitée. Nous ne disons pas que nous la mort, non à la nature divine, mais à la
adorons l'homme avec le Verbe, de crainte nature humaine de Jésus- Christ; d'où il in-
que le mot avec ne donne quelque idée de fère que la sainte Vierge ne doit pas être
division; mais nous l'adorons comme une appelée Mère de Dieu, mais Mère de Christ
seule et même personne, parce que le corps parce qu'encore que le corps de Jésus-Christ
du Verbe ne lui est point étranger, mais soit le temple de la divinité, et qu'elle lui

propre d'où vient qu'il est assis avec lui à


: soit jointepar un nœud admirable et divin ,

du Père. Ainsi il n'y a aucune rai-


la droite on ne peut toutefois attribuer à la divinité
son de diviser notre Seigneur Jésus -Christ les propriétés de la chair, comme d'être né,
en deux Fils; cela n'est pas permis, l'Ecri- d'avoir souffert, d'être mort, sans tomber
ture ne disant pas que le Verbe se soit asso- dans les erreurs des gentils, d'Apollinaire,
cié la personne de l'homme, mais qu'il a été d'Arius et dss autres hérétiques. Il ajoute -.

faitchair; ce qui ne veut dire autre chose, « Je vous suis redevable du soin que vous

sinon que s'étant uni à notre nature, il est prenez de ceux qui sont scandalisés chez
né de la Vierge sans cesser d'être Dieu et
,
nous mais sachez que vous êtes trompé par
;

engendré du Père, l'incarnation n'ayant rien les clercs qui pensent comme vous ,et par

changé dans ce qu'il était auparavant. C'est ceux que le saint concile a déposés ici comme
ainsi , dit saint Cyrille ,
que les saints Pères manichéens car, pour ce qui est de notre
;

n'ont point fait difficulté dénommer la sainte Eglise, elle profite de jour en jour, le peuple
Vierge Mère de Dieu la nature du
, non que avance dans la connaissance de Dieu et les ,

Verbe ou sa de la sainte
divinité ait pris empereurs sont dans une extrême joie de ce
Vierge le commencement de son être, mais que la doctrine est éclaircie, et, pour le dire
parce qu'elle a tiré d'elle ce sacré corps en un mot la foi catholique prévaut contre
,

animé d'une âme raisonnable auquel le , toutes les hérésies. » Le concile dont parle
Verbe de Dieu s'est uni selon l'hypostase ;
Nestorius, fut tenu, ce semble, à Coustanti-
c'est ce qui fait dire qu'il est ne selon la nople en 429. Quant à ceux qu'il appelle ma-
chair. » Il presse Nestorius et le conjure en nichéens, et qu'il dit avoir été condamnés
présence de Jésus-Christ et de ses saints dans ce concile c'étaient apparemment les
,

anges, de croire ainsi et d'enseigner aux au- catholiques qui s'étaient déclarés contre les
tres pareille doctrine, pour le bien de la paix pélagiens.
des Eglises et le maintien indissoluble de la 5. Saint Cyrille, averti par quelques per- sixièm.i.t-

charité et de la concorde entre les évêques, sonnes de Constantinople que Dorothée de pT4'n''rfes°d1

La réponse que Nestorius fît à saint Cyrille Marcianople rejetait sur sa lettre aux son- pie, pag. ji

est plus longue que la précédente, mais aussi taires, le trouble dont cette ville était agitée

beaucoup plus aigre. Il l'exhorte à lire avec leur répondit qu'il ne l'avait écrite que par
plus d'application les écrits des anciens, dont une nécessité indispensable; mais que si
ildit qu'il n'avait pas pris le sens; et quoi- Nestorius croyait avoir sujet de s'en plain-
que saint Cyrille eût dit en termes exprès dre, il en avait beaucoup plus lui-même de
dans sa lettre, que le Verbe n'est point pas- se plaindre tant des sermons de Nestorius,
[W ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XX — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 283

que de ce qu'en sa présence et sans doute de battu jusqu'à la mort pour la défense de la

son aveu Dorothée l'avait anathématisé pu-


,
vérité ? »

bliquement, et avec lui tous les évêques 7. Dans le même temps saint Cyrille écrivit

d'Occident et d'Orient, en disant anatbème à aux clercs qu'il avait envoyés à Constanti-
ceux qui donnaient à la sainte Vierge le titre nople, de qui il avait reçu les propositions

de Mère de Dieu. 11 ajoute qu'il lui eût été de paix que l'on faisait de la part de Nesto-
aisé d'anathématiser de son côté ceux qui rius. <( J'ai mémoire que
lu, leur dit-il, le

lui refusent cette qualité; mais qu'il aime vous m'avez envoyé, où j'ai vu que le prêtre
mieux suivre ce que feront les autres évo- Anastase, faisant semblant de chercher la
ques, assuré qu'ils ne souflriront pas patiem- paix, vous a dit Notre croyance est con-
:

ment que l'on anathématisé les saints Pères, forme à ce qu'il a écrit aux solitaires. Puis
dont les écrits sont témoins qu'ils ont appelé aussitôt, allant droit à son but, il dit que je

la sainte Vierge, Mère de Dieu. Il dit qu'il conviens que le concile de Nicée n'a point
avait en main plusieurs volumes de leurs ou- fait mention du mot de Mère de Dieu. Il est

vrages, où ils lui donnent ce titre plusieurs vrai que j'ai écrit que, quoique ce concile

fois. Cette lettre est de l'an 430. n'ait point employé ce terme, il n'a point en

La même année, saint


6. Cyrille écrivit à cela lait de faute, parce qu'on ne remuait

un de ses amis, qui l'était aussi de Nesto- pas alors cette question mais si l'on prend :

rius. Il lui proteste qu'il ne souhaite que la bien le sens de son symbole, on verra qu'il
paix et de conserver l'amitié avec tout le dit en eifet que Marie est Mère de Dieu,

monde ;que ses dispositions à cet égard sont puisqu'il dit que le même qui est engendré
prêt d'abandonner pour cela
telles, qu'il est du Père, sest incarné et a soutl'ert. »

tous les avantages temporels, et d'oublier Saint Cyrille parlant ensuite d'un écrit de
tous les mauvais offices qu'on lui avait ren- Nestorius « Il s'etîorce, dit-il, de montrer
*
:

dus, de même calomnies dont on l'a-


que les que c'est le corps qui a soutl'ert, et non pas
vait chargé, laissant à Dieu d'eu tirer ven- le Dieu Verbe, comme si quelqu'un disait

geance. Mais parce que, ajoute-t-il, il s'a-


(( que le Verbe impassible, est passible. «Saint
git de la foi, de l'injure que l'on a fuite à. Cyrille soutient qu'il n'y a personne si in-
toutes les Eglises répandues dans l'empire sensé, que de dire que le Verbe impassible
romain, et du salut des peuples dont les évê- est passible. Son corps ayant soutl'ert, on dit
ques sont responsables quel remède pou-
: qu'il a soutl'ert lui-même comme on dit que :

vons-nous apporter à ces maux, nous à qui l'âme de l'homme soutire, quand son corps
Dieu a confié la prédication de ses mystères, soutire, quoiqu'elle ne soutire, point en sa
sur qui seront jugés ceux que nous aurons propre nature. « Mais, ajoute-t-il, leur des-
instruits?Car ils diront au jour du jugement sein est de dire deux Christs et deux Fils;
qu'ils ontgardé la foi telle qu'ils lont reçue l'un proprement homme, l'autre proprement
de nous. Chacun des laïques rendra compte Dieu, et de faire seulement une union de
de sa vie, et nous de tous ceux qui croient personnes c'est pour cela qu'ils usent de
:

en Jésus-Christ. Sauvons seulement la foi; détour, et qu'ils cherchent, comme dit le


et je ne céderai à personne en amitié pour prophète, des excuses dans leurs péchés. »
l'évêque Nestorius. Je le dis devant Dieu, je Nestorius disait qu'il ne trouvait pas le peu-
souhaite qu'il soit plein de gloire en Jésus- ple de Constantinople instruit, de quoi il en
Christ, qu'il etlace les taches du passé, et rejetait la faute sur ses prédécesseurs, qui,
qu'il montre que ce n'était que calomnie. n'avaient pas eu le loisir d'expliquer
disait-il,
S'ilnous est ordonné d'aimer nos ennemis, avec exactitude les dogmes de la religion.
combien plus nous convient-il d'aimer nos « Quoi donc, réphque saint Cyrille, Nesto-
frères et nos collègues! Mais si quelqu'un rius est-il plus éloquentque Jean, ou plus
trahit la foi, devons-nous pour cela trahir habile que bienheureux Atticus? Que n'a-
le
nos âmes? Non dùt-il nous en coûter la vie.
:
voue-t-il plutôt ingénuement qu'il introduit
Autrement, de quel front oserions-nous faire une doctrine nouvelle et si absurde, qu'elle
devant le peuple l'éloge des martyrs, que n'a jamais été connue ni approuvée de nos
nous louons par cela seul qu'ils ont com- Pères, ni publiée dans aucune église ou as-

• C'était la réponse à la lettre


aux solitaires, qu'il diacre Bufa Martyrius, avec un cahier qui contenaîl
avait fait faire par Photius, et qu'il avait envoyée au un de ses discours.
. ,

286 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


semblée des fidèles? Il déclare qu'il ne vent forme à celle de l'Evangile et des Apôtres.
point entrer en dispute avec lui sur cette A quoi il ajoute qu'un évêque nommé Doro-
matière; et à l'égard des mauvais oflices thée, homme intéressé, tlatteur, étourdi
qu'il lui avait rendus, soit par lui-même, s'étant levé en pleine assemblée, lorsque
soit par d'autres, en renvoie le jugement
il Nestorius était assis dans sa chaire, avait dit
à Dieu. » Il ajoute a Si l'on m'accuse, je ne
: à haute voix : « Sidit que Marie
quelqu'un
refuserai pas de faire un voyage et de me est mère de Dieu, anathème; qu'a-
qu'il soit
défendre dans un concile mais qu'il ne : lors tout le peuple fit un grand cri et s'en-
s'attende pas à être mon juge; s'il plaît à fuit hors de l'église, ne voulant plus commu-
Dieu, il aura lui-même à se défendre de ses niquer avec ceux qui tenaient de tels dis-
blasphèmes. Nous ne refusons pas la paix, cours. Maintenant encore, continue saint
au contraire, nous la désirons, pourvu qu'elle Cyrille, les peuples de Constantinople ne
soit soutenue d'une profession de la vraie s'assemblent point avec Nestorius, sinon
foi, et que l'on cesse d'introduire des dog- quelques-uns des plus légers et de ses ilat-
mes étrangers. Nestorius se plaint que le teurs presque tous les monastères et leurs
:

mot de Mère de Dieu est extraordinaire, archimandrites, avec plusieurs du sénat, ne


qu'on ne le trouve employé ni dans l'Ecri- vont point aux assemblées craignant de ,

ture, ni dans le concile de Nicée mais où : blesser la foi. » Ensuite il rend compte de
a-t-il trouvé dans l'Ecriture les mots de ce qui s'était passé à l'occasion de sa lettre
Mère de Christ, et autres qu'il emploie, pour aux solitaires, de celles qu'il avait écrites à
marquer que la sainte Vierge n'a été que Nestorius, des mauvais otlices que cet évê-
comme un vase qui a reçu ou porté la divi- que lui avait rendus; puis il ajoute : « Votre
nité? J'ai reçu, ajoute saint Cyrille, la re- Sainteté doit savoir que tous les évèques
quête que vous m'avez envoyée, comme de- d'Orient sont d'accord avec nous; que tous
vant être présentée à l'empereur mais : sont choqués et affligés, principalement les
l'ayant trouvée pleine d'invectives contre évèques de Macédoine. Tous les évèques or-
notre frère je l'ai retenue, et j'en ai dicté
,
thodoxes de toute la terre, même les laï-
une autre, où je le récuse pour juge, de- ques, reconnaissent que Jésus- Christ est
mandant que cette cause soit portée à un Dieu, et ne font point dilbculté d'appeler
autre tribunal. Vous la présenterez, s'il est Mère de Dieu, celle qui l'a engendré; Nesto-
nécessaire. Si vous voyez qu'il continue à rius est le seul qui combatte cette vérité. Je
m'altaquer, ayez soin de m'en informer; n'ai pas voulu toutefois rompre ouvertement
alors je choisii-ai des hommes sages et pieux, la communion avec lui, avant que de vous
des évèques et des moines pour envoyer à avoir donné part de tout ceci. Daignez donc
la première occasion. » Il les exhorte d'agir déclarer votre sentiment s'il faut encore:

vigoureusement dans celte affaire, les assu- communiquer avec lui, ou lui dénoncer clai-
rant qu'il en écrira au plus tôt aux person- rement qu'il sera abandonné de tout le
nes qui doivent en être informées; qu'il est monde, s'il persiste dans la doctrine erro-
résolu de ne se donner aucun repos, mais née qu'il prêche et qu'il favorise. Votre sen-
de tout souffrir pour la foi de Jésus-Christ. timent sur ce point doit être déclaré par
8. Ce fut en suite de cette lettre qu'il en écrit, non-seulement aux évèques de Macé-
icitre»"Jp™e écrivit uHC au pape saint Célestin, sachant doine, mais encore à ceux de tout l'Orient,
Ctlesiin , en . , , .
n i

430, pas. 36. que, suivaut lancienne coutume des Eglises,


, i

afin que d'un commun consentement nous


on devait communiquer au pape des affaires prêtions secours à la vraie foi qui est atta-
de cette importance. 11 y déclare qu'il n'a- quée. Il fuit remarquer au Pape que Nesto-

vait encore écrit sur ce sujet à aucun autre rius, en disant anathème à quiconque recon-
évèque; que jusque-là il était demeuré dans naît la sainte Vierge pour Mèie de Dieu, a
un profond silence, voulant tout examiner anathématisé et les illustres évèques déjà
avec maturité, avant que de faire quelque morts, et ceux qui vivent encore, qui tous
éclat. Il fait au Pape un récit de la manière ont enseigné et enseignent une doctrine con-
dont Nestorius se comportait dans l'Eglise traire à la sienne sur cet article. Car quoi-
de Gonstantiuople, et des erreurs qu'il en- qu'il n'ait pas prononcé lui-même cet ana-
seignait publiquement dans cette Eglise; des thème, il a engage Dorothée à le prononcer,
moyens quH avait pris pour tâcher de l'en- et l'a en quelque manière confirmé lui-même
gager à ne prêcher qu'une doctrine con- en l'admettant sur-le-champ à la participa-
[IV* ET V SIECLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANRDIE. 287

tion des saints mystères. Et afin, continue tion de Dorothée, et qui soutenaient que
saint Cyj'ille, de mieux instruire Votre Sain- dans le fond, elle n'avait rien de contraire
teté, de ses sentiments de ceux des Pères,
et au Symbole des Apôtres, ni à celui de Nicée.
j'envoie les livres passages sont mar-
où les Il exhorte saint Cyrille à traiter cette afl'aire

qués; je les ai fait traduire en latin comme avec douceur, et à procurer la paix, en lui

on a pu à Alexandrie. Je vous envoie aussi donnant avis qu'il avait fait lire sa lettre à
par Possidonius leslettres que j'ai écrites. » Jean d'Antioche, qui avait témoigné prendre
9.Le pape Célcstin répondit à cette lettre, part à sa douleur.
en ordonnant que les deux que saint Cyrille 12. Saint Cyrille écrivit à Juvénal de Jé- Treizième
lettre à Juvé-
avait écrites à iNestorius, tiendraient lieu de rusalem que la même charité qui lui faisait nal de Jéru-
salem, en 4o0,
deux mouillons, et celle qu'il lui écrivait lui- désirer toutes sortes de bien à Nestorius, l'o- Pag. 47-

même, d'une troisième, ajoutant que si, bligeait de prendre l'épée contre lui, s'il de-
dans dix jours après que cette lettre lui au- meurait incorrigible. Il le priait de se join-
rait été signifiée,il ne déclarait par un écrit dre à lui dans cette aûaire, et d'écrire non-
clair et sans équivoque, qu'il recevait la seulement au peuple de Constantinople, mais
croyance enseignée par les Eglises de Rome aussi à l'empereur et à tous les oliiciers de
et d'Alexandrie, et par toute l'Eglise catiio- la cour, pour les disposer à préférer l'amour
lique, il serait dès-lors entièrement séparé de la vérité à la considération qu'ils pour-
de la communion de TEglise et privé de tout raient avoir pour Nestorius; à prendre les
le pouvoir qui appartient à la dignité du sa- intérêts de la vraie foi, et à consentir que
cerdoce. Le Pape commet, dans cette même les brebis fussent délivrées d'un mauvais
réponse, saint Cyrille pour agir en cette pasteur, à moins qu'il ne voulût se rendre
affaire au nom du Saint-Siège et avec son aux avis et au sentiment de tous ses confrè-
autorité. res.
10. Saint Célestin écrivit en même temps 13. En attendant
le succès de ces lettres, Quatorzième
leltre de saint
à Jean d'Antioclie et à Juvénal de Jérusa- saint Cyrille, pour remphr la commission du Cyrille à Xps*

lem, de même qu'à Rufus de Tliessalonique


torius, ea-VJi),
Pape, assembla les évéques d'Egypte à pag. 49.

et à quelques autres évêques de Macédoine. Alexandrie, au mois de novembre de l'an-


Toutes ces lettres ayant été rendues à saint née 430. Les deux premières lettres que ce
Cyrille par son diacre Possidonius, il les en- Père avait écrites à Nestorius, y furent ap-
voya à ceux à qui elles étaient adressées; prouvées; il lui en écrivit une troisième au
mais il en joignit une de sa part à celle qui nom de ce concile, pour servir de troisième
était pour Jean d'Antioclie, et une pour Ju- et dernière monition. Il lui déclare donc
vénal de Jérusalem. Dans celle qu'il écrivit dans cette lettre, que si dans dix jours après
à Jean d'Antioclie, il le presse fortement de lavoir reçue, il ne renonce à ses erreurs, les
se déclarer contre Nestorius, déclarant que évéques de ce concile ne voudront plus avoir
pour lui, il est résolu de suivre le décret du de communion avec lui, et ne le tiendront
concile de Rome; qu'il ne pouvait s'en dis- plus pour évêque, mais que dès -lors ils
penser sans se mettre en danger d'être sé- communiqueront avec tous les clercs et les
paré de la communion de tout l'Occident et laïques qu il avait déposés ou excommuniés,
de la Macédoine. n'étant pas juste que ceux qui tiennent la
11. Sa lettre à Acace de Bérée parait vraie foi, soutirent quelque dommage pour
avoir été écrite quelque temps auparavant :
une sentence rendue contre eux injustement.
car saint Cyrille ne dit rien du pape saint Saint Cyrille ajoute « Il ne suffira pas qwe
:

Célestin, ni de la sentence du concile de vous professiez le symbole de la foi dressé


Rome contre Nestorius. 11 ne marque pas dans le concile de Nicée; car, quoique vous
même qu'il ait eu d'autres motifs de lui sembliez la professer de \\\e voix, ou vous
écrire, que celui de se consoler avec un ne l'entendez pas, ou vous lui donnez des
ami, de la douleur que lui causait l'erreur interprétations violentes. C'est pourquoi il
de Nestorius. Il se plaint surtout de l'ana- est nécessaire que vous détestiez et anathé-
thème prononcé par lévêque Dorotliée con- matisiez par écrit lous les mauvais senti-
tre ceux qui appelleraient la Vierge Mère de ments que vous avez eus jusqu'ici, et dont
Dieu. Acace répondit qu'il avait vu plusieurs vous avez imbu les autres; que vous pro-
personnes de Constantinople, tant clercs que mettiez avec serment que vous croirez et
laïques, qui semblaient défendre la proposi- enseignerez à l'avenir ce que nous croyons
; -,

288 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


tous, nous et tous les évêques d'Occident et Encore donc que Jésus -Christ nous dise
d'Orient, el tous ceux qui conduisent les dans saint Jean Si vous ne mangez la chair du
:
Jo^°

peuples. A l'égard des lettres qui vous ont Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang,

été écrites par l'Eglise d'Alexandrie, le saint vous 7i' la vie en vous; il ne faut pas
aurez point
concile de Rome et nous tous, sommes con- croire que cette chair soit une chair com-
venus qu'elles étaient orthodoxes et sans mune et de même condition que la nôtre,
erreurs. » Saint Cyrille rapporte ensuite en qui de sa nature n'est point vivifiante mais ;

détail les articles de doctrine que Nestorius que cette véritablement la propre
cliair est

devait embrasser et enseigner, et ceux dont chair de celui qui, à cause de nous, s'est fait
il devait s'abstenir. Il propose les premiers et est appelé fils de l'homme, n
Il l'ait voir que les deux natures, quoique
par les paroles mêmes du Symbole de Nicée;
et comme les erreurs de Nestorius atta- ditte rentes, étant unies personnellement en

quaient principalement le mystère de l'In- Jésus-Christ, il est un et seul, et non pas

carnation, le saint en donne une explication deux; comme l'homme, quoique composé de
très-ample et très-exacte, conforme en tout corps et d'âme, qui sont deux natures dif-
à ce qu'il en avait déjà dit dans ses lettres férentes, est un. Il rapporte quelques passa-

précédentes. Il y déclare nettement que le ges de l'Ecriture qui marquent en Jésus


Christ deux natures différentes et prouve
Verbe de Dieu est uni hypostatiquement à la ;

chair, de manière que l'on ne peut, sans par d'autres, que ces deux natures sont
blasphème admettre deux Fils en Jésus-
,
unies en lui hypostatiquement. La conclu-
sion Cyrille en tire, est que la
que saint
Christ, ni appeler le Verbe de Dieu, Dieu ou
Seigneur du Christ, parce que Jésus-Christ sainte ayant engendré corporeUe-
Vierge
est Dieu et le Seigneur de toutes les créatu- ment le Verbe de Dieu uni personnellement
res; qu'ainsi il n'est ni le Seigneur ni le ser- à la chair, elle doit être appelée Mère de
viteur de lui-même. Dieu, non que le Verbe ait tiré de la chair
Sur l'article qui regarde la résurrection le commencement de son être, puisqu'il est

de Jésus-Christ, il dit « Nous annonçons sa


:
coéternel au Père; mais parce que s'étant
mort nous confessons sa résurrection et
et uni hypostatiquement à la nature humaine,
son ascension, en célébrant dans les églises ila pris dans le sein de la Vierge une nais-
le sacrifice non sanglant; ainsi nous nous sance corporelle. « C'est là, ajoute-t-il, ce
approchons des eulogies mystiques, et nous que nous avons appris à croire avec les saints
sommes eu participant à la chair
sanctifiés apôtres et évangélistes, comme étant une

sacrée et au précieux sang de notre Sauveur doctrine établie par toutes les sacrées et di-

Jésus-Christ; nous ne la recevons pas comme vines Ecritures, et par le consentement una-

une chair commune, à Dieu ne plaise, ni nime des saints Pères; c'est à cette doctrine
comme la chair d'un homme sanctifié et con- que vous devez souscrire avec nous dans
joint au Verbe par une union de dignité, ou toute la sincérité et sans aucun détour. »

en qui la divinité ait habité, mais comme Saint Cyrille lui déclare ensuite, dans

vraiment vivifiante et propre au Verbe. Car douze anathématismes, les erreurs qu'il de-
lui qui est vie de sa nature comme Dieu, vait condamner, s'il voulait être reconnu
étant devenu un avec sa chair, Ta rendue vi- pour catholique. 11 choisit pour cela quel-
vifiante autrement, comment la chair d'un
:
ques-unes des propositions avancées par
serait-eUe vivifiante de sa nature? Nestorius '. « 1° Si quelqu'un ne confesse
homme

attribua, quœ in evangelicis et apostoHcis Scripturis


'
Si quis nonconfitetur EmmanuelemverumDeum
I.
passim occurrunt ; quœve a Sanctis de Christo aut ab
êsse, et ob id sanctam Virgineryi Dciparam
[genuit
et alias qui-
ipso quoque Christo de se ipso dictœ sunt;
enim illa incarnatum Dei Verbum secitndum carnem)
anuthema sit. —
II. Si quis non œnfitetur Det
Pains dem homini seorsumu Dei Verbo consideraio adscrihit;
alias vero tanquam in dioinam majestatem convenientes
Verbum carni secundum hypostasiin wiitum, et unuin analhema
soli Verbo quod ex DdO Pâtre est, accommodât;
tantum una cum sua carne esse Christum, eumdem
7iimirum Deum sitnul et hominem ; anuthema
sit. — sit. —V. Si quis dicere audet Christum non esse ve-

Si quis in uno Chrislo post unionemdtuidit hypo-


rum Deum, sed hominem tantum Deiferum utpote ,

III.

stases, eaque duntaxat conjunctione easdem inter se unum naturalemque Filium quatenus nimirum Verbum
;

caro factum, carni et sanguini perinde ac nos commu-


quœ est secundum divinitatem vel auctori-
nectit,
tatem, vel potestatem, et non ea potius quœ
est nicavit ; anuthema sit. — VI. Si quis Dei Patris Ver-

secundum naturalcm unionem; anuthema sit.


— bum, Christi Deum vel Dominum essedixerit; nequepost
voces Verbum secundum Scripturas incarnatum, unum euni'
IV. Si quis duaàus personis vel hypostasibus eas
f]V^ ET \' SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAIN T CYRILLE D'ALEXANDRIE. 28d

pas qu'Eraïuanuel est véritablement Dica, et thème. 7" quelqu'un dit que Jésus, en
Si

par conséquent la sainte Vierge Mère de tant qu'homme, a été possédé du Verbe de
Dieu, puisqu'elle a engendré selon la chair Dieu et revêtu de la gloire du Fils unique,
le Verbe de Dieu fait chair qu'il soit ana- :
comme étant un autre que lui qu'il soit :

thèrae. 2" Si quelqu'un ne confesse pas que auathème. 8° Si quelqu'un ose dire que
le Verbe, qui procède de Dieu le Père, e.st l'homme, pris par le Verbe, doit être adoré,
uni à la chair selon l'hypostase, et qu'avec glorifié et nommé Dieu avec lui, comme l'un
sa chair il fait un seul Christ, qui est Dieu et étant en l'autre; car, y ajoutant toujours le
homme tout ensemble qu'il soil anathème.
: mot avec, il donne cette pensée : au lieu
3" Siquelqu'un après l'union, divise les hy- d'honorer Emmanuel par une seule adora-
poslases du seul Christ, les joignant seule- tion, et luirendre une seule glorification, en
ment par une connexion de dignité, d'au- tant que le Verbe a été fait chair qu'il soit :

torité ou de puissance, et non par une


, anathème. 9° Si quelqu'un dit que notre Sei-
union réelle qu'il soit anathème. On voit
: gneur Jésus-Christ a été glorifié par le Saint-
ici que saint Cyrille prend le mot d'/iyposfase Esprit, comme ayant reçu de lui une puis-
pour la nature, comme les Latins. 4° Si quel- sance étrangère pour agir contre les esprits
qu'un attinbue à deux personnes ou à deux immondes et opérer des miracles sur les
hypostases les choses que les apôtres et les hommes : au lieude dire que l'esprit par le-
évangélistes rapportent comme ayant été di- quel il les opérait lui était propre qu'il soit :

tes de Jésus-Christ, par les saints ou par lui- anathème. 10" L'Ecriture divine dit que Jé-
même, et applique les unes à l'homme, con- sus-Christ a été fait le pontife et l'apôtre de
sidéré séparément du Verbe de Dieu, et les notre foi, et qu'il s'est oûert pour nous à
autres comme dignes de Dieu, au seul Verbe Dieu le Père en odeur de suavité. Donc, si
procédant de Dieu ie Père qu'il soit ana- : quelqu'un dit que notre pontife et notre
thème. 5» Si quelqu'un ose dire que Jésus- apôtre n'est pas le Verbe de Dieu lui-même,
Christ est un homme qui porte Dieu au , depuis qu'il s'est fait chair et homme comme
lieu de dire qu'il est Dieu en vérité, comme nous, mais un homme né d'unefemme, comme
Fils unique et par nature, en tant que le si c'était un autre que
ou si quelqu'un lui :

Verbe a été fait chair et a participé comme dit qu'il a offert pour lui-même
le sacrifice ,

nous à la chair et au saug qu'il soit ana- : au lieu de dire que c'est seulement pour
thème. G" Si quelqu'un ose dire que le Verbe nous car il n'avait pas besoin de sacri-
,

procédant de Dieu le Père, est le Dieu ou le fice, lui qui ne connaissait pas le péché :

Seigneur de Jésus-Christ^ au lieu de con- qu'il soit anathème. H" Si quelqu'un ne con-
fesser que le même est tout ensemble Dieu fesse pas que la chair du Seigneur est vivi-
et homme, en tant que le Verbe a été fait fiante, et propre au Verbe même procédant
chair, selon les Ecritures : qu'il soit ana- de Dieu le Père mais l'attribue à un autre
,

demque Deum simul et hominem esse non confessas ipsum pi'o nobis in odorem suavitatis Deo et Patri
fueritanathema sit.
; —
VII. Si quis Jesum Chrislum obtulisse, divina Scriptura commémorât. Si quis ergo
hominem lanium divini Verbi vi actum esse dixerit ; dixerit, pontificem et apostolum nostrum non esse ip-
aut illuslrem illam Unigeniti gloriam illi ijjsi homini, sum Dei Verbum, poslen quam caro et homo nobis si-
veluti alleri cuipiam ab ipso Verbo, advenisse coni- milis factum est : sed hominem illum, qui ex muliere
menlus fuerit ; anathema sit. —
VIII. S( quis hominem natus est, quasi allerum quempiam ab ipso diversum :
assumptum, unn cum ipso Dei Verbo adorandum, una aut si quis Christuîn pro se ipso quoque, et non potius
cum illo glorificandum,una cum illo, tanquam ulterum pro nobis so'ii sacrificium obtulisse affirmarerit {ne-
in altero existentem, Deum appellandum essediccre au- que enim is oblatione opus habebat, qui nullum pecca-
sus fuerit (huncenim intellectum particula
cum, adjecta, tum commiserat) ; anathema sit. XI. Si quis ipsam —
perpétua et necessario afferre consuevit) : et non una Domini carnem vivifîcam, ipsiusque Verbi quod ex
potius adoratione Emmanuelem honorât, unumqueilli Pâtre est, propriam esse negaverit sed alterius cu-
glorificationem attribuit, quatenus Verbum factum est Juspiam ipsi Verbosecundum dignitctem tantum con-
caro ; anathema sit. —
IX. Sj quis unum Dominutn nos- juncti, aut divinam tantum inhabitat ionem sortiti,
trum Jeium Christum a Spin'tu Sancto tanquam vir- esse dixerit; neque vero potius vivificam confessas
tutea se a/iena glorificatum dixerit ; effîcaciamque, fuerit, ut modo meminimus, quod Verbi , quod om-
eo
qua contra immundos sprilus uteretur, et divina inter nia vivificat, facta sit propria ; anathema sit. XII. Si —
homines miracula operaretur, ab ipso eodem accepisse quis non confitetur Dei Verbum secundum carnem
prœdicuverit, et non prop)'ium naturulemque illius passum, secundum carnem crucifixum, mortemque
esse spiritum, per quem divina signa edidit; ana- secundum carnem gustasse, et primogenitutn tandem
thema sit. —
X. Christum Jesum nostrœ confessionis ex mortuis factum esse, quatenus vide/icet rita est, et
pontificem et upostulum extitisse, eumdemque semet- viuificum ut Deus ; anathema sit.

VJII, 19
290 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
selon la dignité, et en mande pardon de ses égarements : car il
qui lui soit conjoint
au lieu de n'est pas sur, d'admettre dans le trou-
dit-il,
qui la divinité habite seulement :

qu'elle est propre au Verbe, qui a la peau de Jésus-Christ un loup sous l'appa-
dire
choses qu'il soit ana- rence d'un pasteur.
force de vivifier toutes :

15. Les deux lettres suivantes furent écri-


thème. 12° Si quelqu'un ne confesse pas que
Dix-sepUè-
me IcUrc u
la chair, tes après la fête de Pâques de l'an 431, c'est- clergé et n
le Verbe de Dieu a souffert selon peuple
à-dire, depuis le 19 avril de la même année.
d'A.
lejanilrie.ei
qu'il a
qu'il a été crucifié selon la chair, et 431, pag. II.

né d'entre les morts, en tant La première est datée de Rhodes, où saint


été le premier
comme Dieu qu'il Cyrille arriva d'Alexandrie avec un vent fa-
qu'il est vie et vivifiant :

vorable. On y remarque sa chanté paternelle


soit anathème. »
envers son clergé et son peuple. 11 leur té-
La lettre synodale qui contient ces douze
anathématismes, est datée du 30 novembre.
moigne que, quoique absent de corps, il leur
est présent d'esprit et leur demande le se-
Saint Cyrille l'envoya à Constantinople,
si-
cours de leurs prières pour le succès des
gnée de sa propre main.
au nom affairesde l'Eghse. Il écrivit la seconde in-
14. Il y joignit deux autres lettres
aux prê- continent après son arrivée à Ephèse, au
du même concile l'une adressée :

au peuple de Constanti- commencement du mois de juin, quelques


tres, aux diacres et
jours avant l'ouverture du concile. On y voit
nople l'autre, aux abbés des monastères de
;

sa confiance en Jésus-Christ pour le maintien


la même ville. Il exhorte les premiers à con-
foi qu'ils avaient re-
de la vraie foi dans tout le monde, ne dou-
server la pureté de la
tant pas que le méchant, la bête qui ne
çue des saints hommes qui s'étaient acquit-
dort point, qui va et vient de tout côté pour
tés parmi eux avec autant d'intégrité et de
attaquer la gloire de ce divin Sauveur, ne se
sagesse, des fonctions de l'épiscopat, et qui,
frappât lui-même et ne périt avec ses en-
pendant qu'ils vivaient, nommaient la sainte
fants.Ce qu'il dit apparemment du démon,
Vierge Mère de Dieu, et de ne plus commu-
auteur de toutes les hérésies, et peut-être
niquer avec Nestorius, s'il ne s'abstenait,
encore des cabales du parti de Nestorius.
après le terme fixé par le pape saint Céles-
nouveau- 16. Après que la sentence de déposition
tin, de prêcher et d'enseigner les
de vive rendue par le concile contre Nestorius, lui
tés qu'il avait jusque-là enseignées
eut été signifiée, saint Cyrifie écrivit aux
voix et par écrit. Il s'excuse d'avoir tardé si

Rome à évêques Macaire Potamon, à l'abbé Dal-


et
longtemps à mettre la sentence de
mace, et aux prêtres Timothée et Euloge,
exécution, disant qu'à l'imitation des méde-
qui étaient de sa part à Constantinople, pour
cins expérimentés, il a cru devoir différer
les instruire de tout ce qui s'était passé dans
d'appliquer le feu à une plaie qui pouvait se
ma- le concile entre autres de l'attente où
,
guérir par des remèdes plus doux, si le ;

dans le temps que étaient les évêques, que Nestorius rétracte-


lade avait voulu les souffrir
déclare rait ses erreurs et en demanderait pardon
le mal ne faisait que de naître, et

communiquera avec tous au coucile , du retardement aÛ'ecté de Jean


qu'à l'avenu' il
d'Antioche et des évêques dOrient qui étaient
ceux que Nestorius avait excommuniés ou
avec cet hérétique, de la citation faite à Nes-
déposés pour la foi, regardant comme nulles
torius, de sa contumace et de sa déposition.
les sentences portées contre eux. La lettre aux
Il fait mention de la lettre de Jean d'Antioche
abbés est à peu près conçue dans les mêmes
à Nestorius, et il ajoute « Puisque le comte
termes. Saint Cyrille leur fait un précis de
:

Candidien a envoyé des relations de ce qui


ce que le pape Célestin et lui avaient fait
a été fait dans le concile, veillez et avertissez
pour engager Nestorius à rentrer en lui-
même et à professer la foi que les apôtres, que les actes dd la déposition de Nestorius
qui étaient les dispensateurs des mystères
ne sont pas entièrement mis au net c'est :

monde. pourquoi nous n'avons pu envoyer la relation


de Dieu, ont enseignée dans tout le

ajoute qu'ayant, au contraire, per- qui doit être présentée à l'empereur. » Saint
A quoi il
Cyrifie manda aussi à son clergé et à son
sévéré dans ses blasphèmes, on ne peut plus
se dispenser de le séparer de la communion
peuple d'Alexandrie, la nouveUe de la dépo-
sition de Nestorius, en remarquant que l'as-
de l'Eglise et de la société des évêques, à
moins que dans les délais marqués, il ne semblée où cette sentence avait été pronon-
condamne par écrit ses erreurs, qu'il n'em- cée, s'était faite dans la grande église d'E-

brasse la foi de l'Eglise catholique, et ne de- phèse, appelée Marie mère de Dieu; que cette
[iv« ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 291

assemblée était d'environ deux cents évê- principalement aux abbés, de crainte que le

ques que tout le peuple d'Ephèse avait at-


;
comte Jean ne rapporte, à son retour, les
tendu depuis le grand matin jusqu'au soir, choses différemment de ce qu'elles sont. Ne
le jugement du concile et qu'ayant appris
, vous rebutez pas de travailler pour nous, et
la condamnation et la déposition de Nesto- sachez que vous plairez par là à Dieu et aux
rius, ils en avaient loué l'assemblée et rendu hommes. Il y a même des évéques qui ne
grâces à Dieu en reconduisant les évéques à nous avaient jamais vus, qui sont prêts à
leurs logis avec des tlambeaux et des torches donner leur vie pour nous, et nous viennent
allumées. Dans une seconde lettre où il leur dire en pleurant qu'ils souhaitent d'aller en
parle encore de la déposition de Nestorius, exil, ou de mourir avec nous. Nous sommes
il les prie de faire à Dieu de longues prières tous dans une grande affliction, moi particu-
pour son retour à Alexandrie. Il en écrivit lièrement, ayant des soldats qui nous gardent
une troisième aux moines d'Egypte, où il et qui couchent à la porte de nos chambres.
leur marque que quelques évéques avaient Tout le reste du concile soutire extrême-
pris le parti de Nestorius, et leur demande, ment. Plusieurs sont morts, les autres sont
le secours de leurs prières pour ceux qui réduits à vendre ce qu'ils ont pour fournir à
avaient coupé court à cette maladie empes- la dépense. »

tée, et pour la conservation de la vraie foi. La de saint Cyrille à Théopemtus, à


lettre
Saint Cyrille écrivit aussi au clergé et au Daniel et à Potamon, trois évéques d'Egypte
peuple de Constantinople, pour leur donner qui avaient, co semble, porté à Constantinople
avis que la relation envoyée à l'empereur les premières lettres du concile, est pour leur
par le comte Jean, était infidèle que cet ; donner avis des calomnies dont ses ennemis
officier avait employé mille moyens pour obli- , l'avaient chargé, et de la manière dont il avait
ger le concile à communiquer avec les schis- été justifié même par le comte Jean, qui avait
matiques mais que jusque-là tous les évo-
; condamné ses accusateurs, n'ayant rien trouvé
ques l'avaient refusé, en disant que cela était de véritable dans leurs accusations. « 11 a vu
impossible, à moins que ces schismaliques aussi, ajoute saint Cyrille, que le concile a
ne cassassent ce qu'ils avaient fait contre les condamné Nestorius, poussé par son propre
canons, qu'ils n'en demandassent pardon au zèle, ne pouvant souffrir ses blasphèmes. » Il

concile et qu'ils n'anathématisasseut par


, marque que, depuis que l'empereur avait ap-
écrit Nestorius et sa doctrine. « Le comte prouvé sa déposition et celle de Memnou par
Jean, ajoute-t-il, n'ayant pas réussi dans son les Orientaux, on les gardait l'un et l'autre,
dessein, en a forme un autre, eu demandant qu'ils ne savaient pas ce qui en arriverait.
au concile de lui donner une exposition de ((Mais nous rendons, dit-il, grâces à Dieu de
foi par écrit, pour la faire souscrire aux au- l'honneur que nous avons de souffrir pour
tres, et pouvoir dire à son retour Je les ai :
son nom car ce ne sera pas sans récom-
,

raccommodés, ce n'était que des passions pense. Le concile n'a point voulu communi-
humaines qui les divisaient. Le concile s'en quer avec Jean d'Antioche il est demeuré ;

étant aperçu, a résisté fortement, en disant :


ferme, en disant Voilà nos personnes, voilà
:

Nous ne leur faisons point d'injures, nous nos églises, voilà nos villes vous êtes les ,

n'avons pas été appelés ici comme héréti- maîtres. Il nous est impossible de communi-
ques, mais pour soutenir la foi comme nous quer avec les Orientaux, si leur procédure
avons fait l'empereur n'a pas besoin de
:
calomnieuse contre nos confrères, n'est cas-
l'apprendre, il il y a été baptisé.
l'a fait, et sée, et s'ils ne confessent la foi catliolique :

Cette tentative n'ayant donc pas mieux réussi car ils sont dans les sentiments de Nestorius.
aux Orientaux ils ont voulu dresser une
, Ils ne le cachent pas. C'est en cela que con-
exposition de foi qui les a divisés, et ils en siste toute la dispute qu'il y a entre eux et
disputent encore. Les uns veulent bien que nous. »
l'on appelle la sainte Vierge Mère de Dieu, 17. Nous n'avons point de réponse de saint
pourvu que l'on ajoute qu'elle est égalemeui Cvrille, à la lettre que lui écrivit Alvpius, M»i>nien de

mère de l'homme les autres disent qu'ils


; curé de l'église des Apôtres à Constantinople. '"ri» «." "'.'

vdqueàquiia-
se feraient plulùt couper les mains, que de o de la constance avec laquelle
C'est un élotife A vjicnt sacre-
souscrire à de pareilles expressions. Par là ils ce saint évêque défendait la vérité et souf-
se rendent ridicules et se montrent héréti- frait pour elle. Alypius le compare non-seu-
ques. Faites connaître ceci à tout le monde. lcm:^nt à Théophile, son oncle, qu'il traite de
292 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
martyr, mais encore à saint Athanase. Il té- tiré de la sainte Vierge. Comment l'a-t-on pu

moigne un grand désir de le voir et de lui penser, puisque toute notre dispute a roulé
embrasser les genoux. Le diacre Candidien, sur ce que je soutenais qu'elle est mère de
qui apprendre à saint Cyrille et aux
allait Dieu? Comment le serait-elle, et qui aurait-

autres, ce qu'on avait fait pour eux à Cons- elle enfanté, si ce corps était venu du ciel?
tantinople, fut porteur de cette lettre. Maxi- Quand nous disons que Jésus-Christ est des-
mien, élu depuis peu évêque de cette ville, cendu du ciel, nous parlons comme saint
lui écrivit aussi pour le congratuler sur le Paul, qui dit Le premier Jwmme était de terre
: i cor. xt,
*^'
zèle qu'il avait fait paraître dans la défense et terrestre, le second est venu du ciel et comme

de la foi contre Nestorius, disant qu'en cette Sauveur lui-même. Personne n'est monté au
occasion, il était devenu un spectacle aux ciel, que celui qui est descendu du ciel, le Fils

anges, aux hommes et à tous les évêques. Il de l'homme. Car encore que ce soit propre-
le prie de l'assister dans sa nouvelle charge, ment le Verbe qui soit descendu du ciel, en
de ses prières et de ses conseils, puisque, s'anéantissant par la forme d'esclave qu'il a
étant frères, tout le bien que l'un faisait, ap- j)rise, on l'attribue néanmoins à l'homme, à
partenait aussi à l'autre. Dans la réponse que cause de l'unité de personne Jésus-Christ ,

lui fit saint Cyrille, il s'étend principalement notre Seigneur étant un.» On reprochait en-
sur l'explication du mystère derincaruation, core à saint Cyrille d'admettre un mélange
montrant, par divers endroits de l'Ecriture, ou une confusion du Verbe avec la chair. Sur
l'union des deux natures parfaites en Jésus- quoi il dit : « J'en suis si éloigné, que je crois
Christ, sans mélange et sans confusion, en qu'il faut être insensé pour le penser et ,

une seule personne. U y condamne Tliérésie pour attribuer au Verbe divin la moindre \
d'Apollinaire, d'Arius et d'Eunomius, aux- apparence de changement et de vicissitude.
quels il dit anathème, de même qu'à Nesto- Il demeure toujours ce qu'il est, sans avoir
rius. Vers le milieu de sa lettre, il s'adresse soutfert ni pouvoir souffrir aucune altération.
au peuple de Constantinople faisant en , Nous reconnaissons tous encore qu'il est im-
même temps l'éloge du pasteur et du trou- passible, quoiqu'il s'attribue les souffrances de
peau, dont il relève l'intégrité de la foi, et la chair; comme saint Pierre a dit si sage-
finit par la glorification ordinaire aux homé- ment : Jésus-C/iiist a souffert dans sa chair, et i Petr. it,

lies. Dans la lettre suivante, que nous n'a- non pas en sa divinité. » Il ajoute qu'il suit
vons qu'en latin, saint CyriUe témoigne aux en tout la doctrine des saints Pères, particu-
évêques Juvenal, Flavien, Arcadius et autres, lièrement de saint Athanase, et celle du
qui avaient sacré Maximien, élu suivant le symbole de Nicée, sans en altérer la moin-
décret de Dieu et du concile, la joie qu'il dre syllabe, ni l'omettre, la regardant comme
avait de celte élection. ayant été dictée par le Saint-ïlsprit.
18. La paix étant conclue entre les Orien- 19. Il y eut des catholiques qui blâmèrent
taux et saint Cyrille en 433, Jean d'Anlioche saint Cyrille, prétendant qu'il s'était trop
par Paul d^Emèse, marquant que,
lui écrivit relâché dans l'accommodement qu'il avait
pour ùter il tenait pour déposé
les scandales, fait avec les Orientaux. De ce nombre était

Nestorius, qu'il approuvait l'ordination de Acace de Mélitine, son ancien ami, qui lui
Maximien, qu'il anathématisait toutes les écrivit pour s'en plaindre. Pour le désabuser,
nouveautés profanes, et qu'il conservait la saint Cyrille lui faitdans sa réponse un pré-
saine et droite foi, comme saint Cyrille. Le cis de ce qui était arrivé dans la négociafion
saint évêque lui répondit par une lettre qui pour la paix avec Jean d'Antioche et les au-
devint célèbre dans la suite, et dont les pre- tres évêques d'Orient, de la consultafion que
mières paroles sont : « Que les deux se ré- l'empereur fît, pour trouver les moyens de
jouissent et que la terre tressaille. » U in- la procurer au plus tôt; de la résolution qui
séra dans cette lettre, la profession de foi fut prise dans l'assemblée des évêques, de
que Jean lui avait envoyée, protestant qu'il commencer cette négociation par convenir
de même
la trouvait très-pure, et qu'il pensait de la foi, et obliger Jean d'Anlioche d'ana-
que que les autres évêques d'Orient.
lui et thématiser la doctrine de Nestorius et d'ap-
Puis, venant aux éclaircissements qu'on lui prouver sa déposition; des voyages du tribun
demandait sur la doctrine, il dit « On m'ac- : Aristolaus, soit à Alexandrie, soit ailleurs,
cuse, dit-il, d'enseigner que le sacré corps de en exécution des ordres de l'empereur; de
Jésus-Christ a été apporté du ciel, et non pas la demande que les Orientauxlui avaient faite
[IV« ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 293

de supprimer to\is les écrits contre l'hérésie tre de saint Athanase à Epictète, corrompue
de Nestorius de ce qui s'était passé dans
;
par les hérétiques. Saint Cyrille en prend

ses entreliens avec Paul d'Emèse, envoyé occasion d'avertir Acace que les hérétiques
par Jean d'Antioche; et des raisons qu'il avaient même supposé des lettres à Philippe,
avait eues d'admettre Paul à sa communion, prêtre de Rome, et à lui-même. Il est dit
voyant qu'il anathématisait Nestorius, et dans ces lettres que le pape Sixte avait
qu'il approuvait sa dépo:=ition. Il vient eu- trouvé mauvais qu'on eût déposé Nestorius,
suite aux difficultés qu'on proposait contre et qu'il prenait en quelque manière sa dé-
la profession de foi des Orientaux qu'il avait fense.
approuvée et après avoir montré l'obliga-
;
Dans une autre lettre à Acace de Mé-
20. tettre n

tion où ils avaient été de la faire, il fait voir litine,saint Cyrille donne une explication u^nlfUn.
qu'elle est catholique, entièrement éloignée mystérieuse du bouc émissaire dont il est
de l'hérésie de Nestorius, dont il rapporte les parlé dans le seizième chapitre du Lévitique.
propres paroles, qu'il dit être pleines d'im- Iltrouve dans ce bouc, comme dans l'autre
piété, puisqu'il y distinguait nettement deux qu'on immolait en même temps, une figure
Christs, et qu'il enseignait qu'on devait ado- de Jésus-Christ, disant que le bouc, que Ton
rer l'homme avec Dieu. Les Orientaux avaient sacrifiait, représentait l'humanité selon la-
admis dans leur déclaration de foi, les deux quelle il a soutTert la mort pour nous , et que
natures; saint Cyrille ne disconvient pas le bouc émissaire signifiait la divinité selon
qu'il n'ait reconnu ce terme pour orthodoxe : laquelleil est libre et exempt de la mort. Ce

mais il soutient qu'ils n'ont pas voulu dire Père explique dans le même sens ce qui est
par là qu'il y eût deux personnes en Jésus- dit des deux oiseaux que le lépreux devait
Christ qu'il a lui-même enseigné le con-
;
offrir, lorsqu'après sa guérison il se présen-
traire avec ses douze anathématisraes. Pre- tait au prêtre. A propos de quoi il traite fort
nant ensuite le terme de ?ifl^«r<? pour celui de au long du mystère de l'Incarnation et ,

pist. ad personne, il ajoute « qu'il n'y a qu'une seule


: prouve par divers passages des deux Testa-
P-
nature du Verbe incarné. » Expression qu'il ments, l'unité de personne en deux natures.
explique ici et dans la lettre à Successus, en Il rend cette preuve sensible par l'exemple

disant qu'il y a deux natures unies mais , d'un tableau qui représenterait Abraham
que Jésus-Christ est un comme l'homme est tantôt monté sur un âne et suivi de son fils

un, quoique composé d'âme et de corps qui et de ses serviteurs tantôt le glaive à la
;

sont de nature différente Il montre qu'à . main, tout prêt d'immoler son fils. C'est tou-
raison de cette union, on attribue à Jésus- jours le même Abraham, quoique le peintre
Christ certaines choses qui ne conviennent le représente sous différentes figures.
qu'à son humanité d'autres qui sont propres
; 21. Le prêtre Euloge, que saint Cyrille i,eure »

à sa divinité et d';iutres qui marquent qu'il


, avait envoyé d'Alexandrie à Conslantinople, ti£, «» *«,
pag. 132.
est en même temps Dieu et homme. Ces pa- lui ayant écrit que quelques personnes de la

roles Qui me voit, voit mon Père, s'enten-


: cour trouvaient mauvais qu'il eût approuvé
dent de sa divinité seule. Les suivantes : dans les Orientaux la confession des deux
Maintenant vous cherchez à me faire mourir, natures,il lui répondit qu'ils n'avaient rien

moi qui vous ai dit la vérité, appartiennent à enseigné en cela que de catholique et de
l'humanité, et celles-ci : Jésus-Christ était conforme à ce que saint Athanase avait
hier, il est aujourd'hui, il sera le même dans lui-même enseigné dans sa lettre à Epictète,
tous les siècles, sontcommunes aux deux na- à laquelle il renvoie ceux qui le blâmaient.
tures en un certain sens. Saint Cyrille cite
', Il renvoie aussi Euloge à sa lettre à Acace de

la lettre qu'il avait écrite à Jean d'Antioche, Mélitine, où il avait traité amplement cette
pour se justifier auprès de lui de l'hérésie matière, et satisfait à toutes les difficultés
d'Arius et d'Apollinaire, dont on l'accusait ;
que l'on formait sur la confession des Orien-
et celle de Jean d'Antioche à l'évêque Carène taux. Saint Cyrille marque à Euloge de ren-
ou Marin, où il reconnaissait qu'il avait, lui dre avec soin quelques lettres qu'il lui adres-
saint Cyrille, rétabli la tradition des Pères, de remettre au grand chambellan cinq
sait, et
qui semblait être en danger de se perdre ce : lettres écrites sur du vélin, qu'il lui avait de-
qu'il disait, ce semble, à l'occasion de la let- mandées, et deux volumes, dont l'un était

* Quodammodo communes el ad ulramque naturam spectantes, divinitatem et humanitatem. Pag. 119.


, ,

294 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


un écrit contre les blasphèmes de Nestorius, puis ce moment, son corps n'a point changé
et l'autre contenait les actes de ce qui s'était de nature, mais cpi'il a été délivré des infir-
fait dans le concile d'Eplièse, contre le même mités humaines; qu'à cet égard son corps ,

Nestorius et ses sectateurs ; les écrits qu'il peut être appelé divin, parce que depuis sa
avait faits pour défendre ses Anafhéjnatistnes, résurrection, il a été glorifié d'une manière
contre André de Samosate et Tliéodoret , et qui convient à Dieu, et qu'il est toujours le
des expositions courtes swr l'Incarnation corps de Dieu. En envoyant cette lettre à
qu'il dit cire fort bonnes et utiles. C'était Successus, saint Cyrille y joignit une copie
peut-être sesscholies. Quant aux ciuq lettres, de quelques écrits qu'il avait faits contre
c'était celle qu'il avait écrite à Jean d'An- Nestorius, et de la véritable lettre de saint
tioche, celle à Acace, ses deux à Nestorius, Athanase à Epictète, diff"érente de celle qui
et celle de saint Athanase à Épictète. On croit avait été corrompue par les hérétiques. La
^*^'*
que le grand chambellan, qui lui avait de- manière dont ce Père avait expliqué l'ex-
mandé tous ses écrits, était Chrysorète. pression di une seule nature du Verbe incarné
;«.'s"s%n 22. Successus, évoque de Diocésarée dans ne contenta pas; on lui fit diverses objec-
pag. J3.1.
,
pjg^yj.ie^ célèbre pour son savoir, envoya tions, dont Successus lui envoya le mémoire.
vers le même temps à saint Cyrille un mé- Saint Cyrille y répondit par une seconde
moire contenant quelques questions sur la lettre qu'il commence en remarquant que la
foi, sur lesquelles il le priait de lui commu- vérité se fait connaître à ceux qui l'aiment ;

niquer ses lumières. Il lui demandait, entre qu'elle se cache aux hommes artificieux et
autres, s'il fallait dire qu'il y a deux natures dont. les voies ne sont point droites. Ensuite
en Jésus-Christ, et comment il fallait distin- il fait voir qu'en disant une nature, il n'a
guer la foi de l'Eglise, de l'hérésie d'Apolli- rien dit de contraire à la foi des Pères ren-
naire. Il disait encore quelque chose de l'o- fermée dans le symbole, qu'il n'a admis au-
pinion de ceux qui enseignaient que le corps cune confusion, ni aucun mélange parce ,

de Jésus-Christ, après sa résurrection, était que la divinité est immuable, que l'humanité
passé en sa divinité; en sorte que, depuis ce demeure entière en Jésus-Christ, et qu'elle y
moment, il n'y avait plus en lui que la divi- conserve toutes ses propriétés naturelles,
nité. Saint Cyrille, avant de répondre à la comme la divinité conserve les siennes môme
première question dit quelque chose de
, après l'union, puisque ce n'est pas simple-
l'hérésie de Nestorius, dont il fait remonter ment une nature, mais une nature incarnée.
l'origine h Diodore, évêque de Tarse. Ensuite Ilmontre que l'unité se rencontre non-seule-
il dit qu'instruit d'une autre doctrine, tant ment dans les choses qui sont simples de
par les divines Ecritures, que par les saints leur nature, mais encore dans celles qui sont
Pères, il croit que Jésus-Christ est un, soit unies par composition. L'homme, par exem-
avant, soit après l'incarnation. Il ajoute ple, est un, quoiqu'il soit composé de deux
que union vient du concours des deux
cette natures d'une essence différente, c'est-à-dire
natures; qu'après l'union on ne les divise de l'âme et du corps. Il convient que si, en
plus et on ne sépare point en deux Fils, le parlant de Jésus-Christ, il s'était contenté de
Fils unique et indivisible mais qu'on dit ; dire une nature du Verbe, sans ajouter in-
qu'il est un et seul Fils, ou, comme disent les carné , comme pour exclure le mystère de
Pères, une nature de Dieu Verbe incarné : rincarnation.Ies objections de ses adversaires
ce que saint Cyrille explique en ajoutant auraient quelque fondement mais il soutient :

qu'il y a deux natures unies; mais que Jésus- qu'elles n'en ont aucun, puisque cette ex-
Christ Fils et Seigneur, le Verbe de Dieu le pression, une nature de Dieu Verbe incarnée,
Père, fait homme et incarné, est un. Il éta- marque exactement deux natures unies, sans
blitcontre Apollinaire, que l'union du Verbe qu'on puisse inférer ni mélange, ni confu-
avec le corps s'est faite sans aucun mélange sion ni changement depuis leur union. On
,

ni confusion de la divinité avec le corps ;


trouve une grande partie de cette lettre mot
mais que le Verbe s'est uni au corps animé à mot dans celle que saint Cyrille écrivit à
d'une âme raisonnable et intellectuelle, sans Acace de Mélitine, ce qui fait juger que cette
rien perdre de ce qu'il était avant cette partie est déplacée, et qu'on l'a jointe par
union. A l'égard de la question touchant ce erreur à la seconde lettre à Successus. Aussi
qui s'est passé en Jésus -Christ depuis sa ne la lit-on pas dans l'ancienne traduction de
résurrection saint Cyrille répond que de-
, , cette lettre donnée par le Père Lupus.
[iv- ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 295

23. La lettre à Théognoste, Charmosyne, succès de cette négociation à la force de ses


prêtres, et Léonce, diacre, ses agents à Cons- prières et de celles de tous les amateurs de
tanlinople, est pour leur donner avis de ce la vraie foi.

qui se passait au sujet du rétablissement de 26. Ce fut encore pour se justifier au sujet LetlreàVa-
Inrien,cvèque
la paix avqc les Orientaux. On y voit qu'Acace de sa réunion avec Orientaux, que saint
les d'Icône, en
433, pag. 1J8.
de Bérée avait pressé par lettres saint Cy- Cyrille écrivit à Valérien, évêque d'Icône. U
rille de révoquer tout ce qu'il avait écrit sur y réfute de ceux qui voulant
les objections ,

les matières de la foi pour s'en tenir uni-


,
paraître orthodoxes travaillaient au con-
,

quement au symbole do Nicée; mais que de- traire à répandre dans les âmes simples le
puis l'arrivée de Paul d'Emèse à Alexandrie, venin de l'impiété nestorienne. Comme ils
tout se passait avec beaucoup de tranquillité ;
disaient que le Verbe avait divisé le Fils de
que saint Cyrille ne voulut point recevoir à la Vierge en sorte qu'il y aurait eu deux
,

sa communion, ni souffrir qu'on donuAt des Fils, l'un Fils de Dieu, né du Père avant tous

lettres de communion, ni que l'on absout les les siècles, et l'autre, Fils de l'homme, né de

évêques que Maximien avait condamnés; Marie; il fait voir que Dieu le Verbe n'a point
qu'il n'aurait pas même accordé sa commu- été uni à l'homme, mais qu'il a été fait
nion à Paul d'Emèse s'il n'eût auparavant
,
homme de la race d'Abraham, et que c'est à
confessé par écrit que la sainte Vierge est raison de ce que Dieu s'est fait chair dans le
Mère de Dieu, et n'eiit aussi anathématisc sein de la Vierge qu'elle est appelée Mère
,

les dogmes de Nestorius qu'il n'accorda pas


;
de Dieu. C'est sur ce principe qu'il combat
non plus sa communion à Jean d'Antiocbe, ceux qui disaient que Dieu le Verbe était
qu'à condition qu'il signerait un acte sem- demeuré dans le Fils de la Vierge comme ,

blable, et qu'Aristolaiis, porteur de cet acte, dans quelqu'un des saints prophètes. Erreur
avait promis avec serment que si Jean refu- qui est détruite dans les divines Ecritures,
sait de le signer, il irait droit à Constanti- qui nous représentent l'incarnation comme
nople assurer l'empereur qu'il ne tenait point un mystère dans lequel Dieu le Verbe s'est
à l'évêque d'Alexandrie que la paix ne se fit, anéanti, en prenant la forme d'esclave :

mais à l'évêque d'Antiocbe. anéantissement qui n'aurait point lieu, s'il


24. Saint Cyrille fît aussi un détail de ce ne se fût fait chair et semblable à nous, et
qui s'était fait dans ces négociations de paix, s'il se fût contenté d'habiter dans Jésus-
à Donat évêque de Nicople métropolitain
, , Christ comme dans un temple. Il fait sentir
de l'ancienne Epire. Il lui marqua avec quelle le ridicule d'un particulier qui avait avancé
fermeté il avait refusé sa communion à Jean que Jésus- Christ s'était retiré dans le ciel,
d'Antiocbe jusqu'à ce qu'il eût approuvé la
, pour y trouver un asile contre les embûches
condamnation de la doctrine de Nestorius, du démon. Ensuite il rapporte comment Jean
sa déposition et l'ordination de Maximien. A d'Antiocbe et les autres évêques d'Orient
quoi il ajoutait qu'il ne s'était point laissé flé- avaient condamné par écrit et d'une ma-
chir par les instances que Paul d'Emèse lui nière nette et précise , toutes les nouveautés
avait faites en faveur des quatre métropoli- profanes des nestoriens , confessé que la
tains déposés, voyant ne voulaient ac-
qu'ils sainte Vierge est Mère de Dieu ;
que c'est le
cepter aucune des conditions qu'on leur pro- même qui est Dieu et homme Dieu parfait,
,

posait pour le rétablissement de la paix de homme parfait, et qu'il n'y a en lui qu'une
l'Eglise. Saint Cyrille crut qu'il était néces- personne, un Fils, un Christ et un Seigneur.
saire d'informer Donat de toutes ces parti- « Si donc, ajoute-t-il, on les accuse d'être
cularités, de peur que sur de faux rapports, dans d'autres sentiments, ne le croyez pas :

on ne l'accusât d'avoir rétracté tout ce qu'il renvoyez ceux qui le diront, comme des trom-
avait écrit contre Nestorius. Il envoya même peurs et des imposteurs, et si l'on montre
à Donat une copie de la lettre qu'il avait des lettres en leur nom, tenez-les pour sup-
écrite aux Orientaux, et de celle qu'il en avait posées. On met celle de saint Cyrille à Va-
))

reçue pour la conclusion de la paix, voulant lérien, en 433.


qu'il rejetât toute autre lettre qu'on aurait 27. Vers l'an 438, le saint évêque, averti E«pIlfallon
du symbolede
pu produire sur ce sujet. par le diacre et abbé Maxime, que la plupart Nicce,en*38,
pag ni.
25. Aussitôt que cette paix fut conclue, des Oiientaux continuaient à soutenir la doc-
saint Cyrille en écrivit à Maximieu, évêque trine de Nestorius, sous le nom de Théo-
de Constantinople rapportant l'heureux
, dore que, se vantant de s'en tenir au Sym-
;
296 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
bole de Nicée , ils le tournaient à leur sens sur les saints Apôtres en disant : Recevez le
par de mauvaises interprétations, il entre- Saint-Esprit. « Telle est, dit saint Cyrille, la
prit de donner une explication claire et nette vraie foi des saints Pères , exempte de toute
de ce symbole afin de ruiner tous les faux
, erreur.» Il joint nommément Théodore avec
sens qu'on lui donnait. Il l'adressa à cet abbé Nestorius, ne doutant pas qu'ils r^e fussent
et aux autres supérieurs orthodoxes, aux re- dans les mêmes sentiments.
l'un et l'autre
ligieux qui vivaient avec eux dans leurs mo- Quoique saint Cyrille se fût opposé
28. Lettre i
Gennade,
prêtre eu 431,
nastères, et à Anastase, Alexandre, Marti- fortement, dès l'an 431, aux efforts de Juvé- pag. 19».

nien, Jean et Parégoire, prêtres, qui lui nal, évêquede Jérusalem, qui voulait établir
avaient demandé cette explication. Après en cette ville un nouveau patriarchat, il ne

avoir remarqué que Jésus - Christ avait pré- crut pas qu'il fût à propos de se séparer pour
sidé au concile, qui avait dressé ce sym- cela de sa communion saint Procle, devenu :

bole conformément à la règle de la foi éta- évêque de Constantinople eu 434, entra dans
blie dans les divines Ecritures, et qu'il était les mêmes sentiments. Gennade, prêtre et
en autorité dans toutes les Eglises de Dieu, abbé d'un monastère de cette ville, s'en scan-
il en rapporte le texte entier. Les Pères de dalisa; mais saint Cyrille lui écrivit qu'il pen-
Nicée y disent qu'ils croient en un seul sait de même que saint Procle sur ce sujet,
Dieu, pour renverser de fond en comble les et tâcha de lui persuader que dans la cir- ,

erreurs des Gentils sur la pluralité des dieux; constance des temps où ils se trouvaient, il
lorsqu'ils nomment ce Dieu Père tout -puis- était nécessaire d'user de cette condescen-
sant, nous font connaître en même temps
ils dance à l'égard de Juvénal pour éviter de ,

qu'il a im Fils qui lui est coéternel par qui ,


plus grands maux, qu'il devait lui-même se
toutes choses ont été faites, soit dans le ciel, faire un devoir de ne point fuir la commu-
soit sur la terre. Ils ajoutent que ce Fils est nion du saint évêque Procle.
engendré, et non pas fait, pour montrer qu'il 29. Il arriva vers le même temps que
Maximf, •

est de l'essence même du Père, et non du Maxime diacre d'Antioche, refusa de com-
, 438, pag. Il

nombre des créatures, ce qui est engendré muniquer avec son évêque Jean, croyant
étant nécessairement de la même substance que les nestoriens qu'il avait reçus à sa com-
que celle dont il est engendré d'où il suit ; munion, n'étaient pas bien convertis. Saint
que le Fils est consubstantiel au Père, et Cyrille l'ayant appris par le moine Paul,
conséquemment vrai Dieu. Mais, après qu'ils écrivit à Maxime pour l'engager à ne point
ont dit que c'est par lui que toutes choses rompre la communion avec Jean mais à se ,

ont été faites, pour montrer que sa puissance contenter de l'abjuration extérieure qu'a-
est la même que celle du Père , ils ajoutent vaient faite les nestoriens, sans vouloir trop
qu'il s'est fait homme ne nous, parce qu'il pénétrer dans leurs consciences. « Car nous
suliit pas de croire qu'il est Dieu de Dieu et aimons mieux lui dit-il voir des gens qui
, ,

consubstantiel au Père, nous devons croire condamnent les erreurs de Nestorius que ,

qu'il est descendu et s'est incarné pour notre d'en voir qui en prennent la défense. »
salut, en prenant, non une chair inanimée, 30. Les mouvements que se donnèrent quel- LetU» »
Jean d'inlir
comme le disent quelques hérétiques, mais quesmoines d'Arménie, pour faire condamner ihe, Tertio.
*38. p^ig. 41
douée d'une âme raisonnable et intelligente. dans les villes et dans les monastères d'O- et 19*.

En se faisant homme, il n'a rien quitté ni rient, les écrits de Théodore de Mopsueste
perdu de ce qu'il était seulement il s'est :
avec leur auteur, engagèrent Jean d'Antio-
rendu propre ce qui appartient à la chair. Ce che et les évêques d'Orient assemblés avec
qui fait qu'on dit de lui qu'il a souffert, qu'il lui, à en écrire à saint Cyrille pour se plain-
est mort et ressuscité le troisième jour, quoi- dre des nouvelles signatures que l'on deman-
que, selon sa nature divine, il soit impassible dait d'eux, comme si l'on eût douté de la
et immortel. Les Pères de Nicée font aussi pureté de leur foi. Ils l'assurent qu'ils ont
mention du Saint-Esprit, déclarant qu'ils approuvé le TomeAQ saint Pi'ocle aux Armé-
croient en lui comme au Père et au Fils. Il niens, comme contenant la saine doctrine ;

leur est en effet consubstantiel, et comme il « mais, ajoutent-ils, ce Tome était inutile en ce
procède de Dieu et du Père comme d'une temps, puisque tous grâces à Dieu sont ,
,

source, il est aussi donné aux créatures par dans les mêmes sentiments, et que ce qui
le Fils ainsi qu'il est remarqué dans saint
, semble quelquefois nécessaire cause du ,

Jean, où nous lisons que Jésus-Christ souffla ti'ouble, quand il n'est pas fait à propos.» Ils
, .

[iV ET Y' SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 297

parlent ensuite d'un autre Tome qui conte- 31 Le diacre Maxime étant venu à .\lexan- Lettre
Acace Ai Mé-
à

en «38,
nait des extraits de Théodore de Mopsueste drie, montra à saint Cyrille une lettre qu'A- litine,
pag. 197.

qu'on voulait leur faire anatliématiser. A cace de Mélitine avait écrite à Jean d'Antio-
quoi ils témoignent d'autant plus de répu- che au sujet des livres de Théodore de Mop-
gnance qu'ils craignaient qu'en condamnant sueste. Ce fut apparemment l'occasion qui
ces extraits, ils n'anathématisassent plusieurs engagea saint Cyrille d'écrire à Acace dont ,

anciens auteurs qui s'étaient exprimés de la il loue beaucoup la lettre. Il lui marque que,

même manière. Saint Cyrille ne put souffrir s'étant mis à lire les ouvrages de Théodore
sans indignation que l'on comparût Théo- sur rincmmation, avec ceux de Diodore, il en
dore à saint Athanase, à saint Basile et aux avait choisi quelques passages pour les ré-
autres plus illustres Pères de l'Eglise ni , futer de son mieux et montrer que leurs
,

qu'on leur attribuât des opinions aussi dé- opinions étaient tout à fait criminelles et
criées qu'étaient celles de Diodore de Tarse, pleines d'abominations. Il envoya cet ou-
de Théodore de Mopsueste et de quelques vrage à Acace avec son Explication du Sym-
autres mais aussi il n'approuva nullement
; bole.

qu'on renouvelât les troubles qui étaient 32. Saint Cyrille adressa la même Exposi- Lettre
et
au»
clercs à

apaisés. « Nous souhaitons donc, dit -il à tion du Sumbole de Nicée au prêtre
'^ '
Lampon, Lampon. pré
.1)
.
treàCoDstao
Jean et aux évêques de son concile que ,
pour la présenter aux prmeesses et a 1 era- nnopie, et

chacun s'applique à ses affaires particulères, pereur, recommandant à ce prêtre et aux


sans exciter de nouveau dans les Eglises les autres ecclésiastiques qu'il avait à Constan-
troubles qui viennent d'élre dissipés par la tinople, de suivre l'avis de Maxime sur la
grâce de Jésus-Christ et la vigilance de tous manière dont ils présenteraient cet écrit. Il
les évêques. Ceux qui ont renoncé aux er- l'accompagna d'une lettre pour ce prince,
reurs de Nestoriu.s, doivent être reçus, sans qu'il croyait devoir précautionner contre les
qu'on leur reproche le passé, de peur de re- écrits de Diodorede Théodore, les lui
et

buter les autres qui voudraient se convertir. faisant envisager comme


les véritables pères
Exhortez vos clercs à ne rien dire dans les de l'hérésie de Nestorius. Nous avons un
églises, qui ne soit conforme à la foi, et à ne fragment de cette lettre dans le cinquième
point parler de ces matières sans nécessité. concile ^.

Si accuse quelque clerc ou quelque


l'on 33. Mais quelque mouvement que saint Lettre à
nt Procle,
moine d'être retourné aux eiTeurs de Nes- Cyrille se donnât pour obliger les Orientaux 438,r.l99.

torius, après être entrés dans la communion à agir contre Théodore il ne put en venir à
,

de l'Eglise, jugez-les plutôt dans l'église, bout. Jean d'Antioche lui écrivit même qu'il
que de permettre qu'on les accuse devant y en avait parmi eux qui se laisseraient
les tribunaux séculiers, où il est vraisem- brûler plutôt que de l'anathématiser. Saint
blable que leurs accusateurs veulent les tra- Cyrille jugeant donc qu'il y avait à craindre
duire. » qu'en voulant les y obliger, on ne rallumât
Saint Cyrille traitedans cette lettre du dans l'Eglise un feu encore plus dangereux
mystère de l'Incarnation, et y fait l'éloge de que celui qu'on y venait d'éteindi'e, écrivit
saint Procle et de sa lettre aux Arméniens. à saint Procle pour le prier de ne plus son-
On trouve dans Facundus une réponse de '
ger à anathématiser Théodore, et lui envoya
saint Cyrille à Jean d'Antioche et à son con- une copie de la lettre que Jean d'Antioche
cile fort différente de celle dont nous ve-
, lui avait écrite sur ce sujet. Il ajoutait qu'au
nons de parler. Mais elle fut rejetée comme cas qu'il fût comme lui, de sentiment de cé-
supposée, dans le cinquième concile géné- der à la résistance des Orientaux, il prit la
ral 2, par la raison qu'on ne la lisait point peine de l'en assurer, afin qu'ils écrivissent
parmi les écrits de saint Cyrille, et qu'elle en commun pour arrêter ce trouble.
avait une opposition visible avec les autres 34. Rabbula évêque d'Edesse *, était un
, Lettre \

écrits de ce Père. Aussi est-elle rejetée par des plus animés contre Théodore de Mop- éi'.i Babbaia',
Ti i Ji _ • 1 • ' **s lettres,
les plus habiles. sueste 1 accusant d avou' enseigne dans ses
, vers i au ;32.

Facunii., lib. VIII, cap. v, et Libéral, cap. x. rient christianus ; 2° l'indication de la lettre de Rab-
1

* Tom. V Concil., pag. 484 et 485. bula à saint Cjrille. Cette lettre se trouve parmi les
^ Tom. V Concil., pag. 484 et 485. œuvres de Théodoret; elle est la 200' lettre, tome
* tome LXXVII de la Patrologie grecque,
Dans le LXXXIV de la Patrologie grecque; 3° des canons ex-
on trouve 1' une notice sur Rabbula, tirée de l'O-
: traits du yomacanon Ecclesiœ Anliochenœ Syrorutn,
298 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
écritsune autre doctrine que celle qu'il prê- Orientaux, nommément André de Samosate,
chait au peuple; d'avoir dit que la sainte avaient écrit contre les Anathématismes de
Vierge n'est pas vraiment Mère de Dieu; que saint Cyrille, et tous ceux qui ne pensaient
l'homme n'a point été uni au Verbe selon la pas de mêmeque cet évêque. Rabbula écri-
subsistance, mais par la bonne volonté qu'il ;
vit aussi conjointement avec Acace de Méli-

ne faut adorer Jésus-Christ que relativement tine, aux évêques d'Arménie de ne pas re- ,

à Dieu comme une image que la chair de


, ;
cevoir les livres de Théodore de Mopsueste,
Jésus- Christ ne profite de rien; que saint parce que c'était un héi'étique et l'auteur du
Pierre n'a point reconnu que Jésus-Christ fût dogme de Nestorius. Mais Libérât, qui rap-
Dieu, et que l'Eglise est fondée sur la foi en porte ce fait ^, dit que les évêques de Cilicie
un homme. C'est ce que disait Rabbula dans se plaignirent du procédé de Rabbula et
sa lettre à saint Cyrille *. Il ajoutait qu'il y d'Acace, prétendant qu'ils n'avaient agi que
avait des écrits de Théodore, où il défendait par jalousie et par passion, et non par un
sous peine d'anathème au lecteur de les com- motif de charité ®. Rabbula mourut vers l'an
muniquer. 11 se plaignait encore que beau- 435, dans une extrême vieillesse, après avoir
coup de personnes, et même des plus habiles été aveugle pendant les dernières années de
en Orient 2, suivaient la doctrine de Théo- sa vie.
dore, en rejetant l'union hypostatique. Saint 35. Nous avons vu ailleurs que l'Eghse ro- I.etlrei At-
ticus de CoM-

Cyrille, dans sa réponse, dont nous n'avons maine ne voulut point recevoir à sa commu- tantinople. p.
201 et 204,

qu'une partie et seulement en latin qualifie ,


nion Atticus ni le reconnaître pour évêque
,
vers l'a» 417,
t. X, p.*8J.

Pabbula le fondement et la colonne de la de Constantinople qu'il n'eût rétabli la mé-


,

vérité pour tous les Orientaux. Rabbula n'a- moire de saint Chrysostôme; qu'il en fut vi-
vait pas toujours été dans les sentiments ni vement pressé par le peuple de Constanti-
dans les intérêts de saint Cyrille et en 432, , nople et par saint Alexandre d'Antioche;
il était uni avec les Orientaux contre ses qu'enfin il consentit à, mettre le nom de ce
Anathématismes. Mais, dès avant la fête de grand évêque dans les sacrés diptyques.
Pâques de l'année suivante, il se déclara Mais prévoyant que cette démarche pour-
pour saint Cyrille contre Nestorius, comme rait n'être point du goût de saint Cyrille, il

on le voit par une autre lettre que ce Père crut devoir lui en rendre raison par écrit, et
lui écrivit au commencement de cette année ^, essayer même de l'engager à en faire au-
11 se déclara encore hautement contre Théo- tant. Il lui proposa l'exemple de saint Paul,
dore de Mopsueste et ne craignit point de
, qui s'accommodait aux occasions avec beau-
lui dire anathème en pleine éghse, compre- coup de sagesse, quand il s'agissait d'établir
nant dans son anathème non-seulement ceux des règles pour le gouvernement de l'Eghse ;

qui Usaient les ouvrages de cet auteur, et qui celui d'Alexandre d'Antioche, qui non-seule-
ne les lui apportaient pas pour les brûler •*, menl avait rétabli la mémoire de saint Chry-
mais ceux encore qui lisaient ce que les sostôme, mais qui étaitencore venu à Cons-

traduit du syriaque en laliii, par Aloïse Assémaui, et nenda) massa illa porrigatur, detur fidelibus : et si
publié par A. Mai daus le tome X de ses Script. Vd. non inveniatur, similiter sculpntur locus, ut diximus.
nova co/lectio, part. 11, pag. 6 etseq. Il y a un canon Eo modo et si e sanguine effunditur, si lapideus sit i
sur les prémices, les bénédictions et les aumônes ; locus, carbones super imponaniur ei. Le septième est
un sur les économes ou y défend aux laïques d'être
: sur la prière le huitième s'occupe de l'assemblée
;

économes, à moins quil n'y ait point de prêtres ou des moines on y fixe ce que doivent faire les moines,
:

de diacres. Un troisième canon regarde les vases sa- ce qu'ils peuvent posséder; on y détermine leur
crés ; défend au prêtre ou au diacre de placer des
il nourriture, leurs occupations, leurs offices les per- ;

vases profanes avec des vases sacrés dans l'arcbe ou le sonnes qui ne peuvent être admises daus le monas-
L'auteur qui a recueilli Nomacanon est un
paradisque, c'est-à-dire, Cella sacrarii.Varle quatrième tère. le

canon il est défendu de donner l'oblalion aux per- jacobite nommé Abulpharagius Barhœbreus. II vivait

sonnes tenté es pour ne pas profaner les choses sacrées. vers l'an 1226, et fut un des écrivains les plus célè-
Le cinquième est sur la transmission des mystères ; bres des Jacobites. {L'éditeur.)
1 Tom. V Concil, pag. 469.
il pour donner l'oblation.
faut être prêtre ou diacre
- Append. Concil., pag. 896.
Le sixième s'occupe des négligences qui peuvent
3 Append. Concil., pag. 812; tom. IV Co«c(7., pag.
survenir dans la célébration des mystères. Le voici :

Fragmcntum quod cadit de corpore sancto super icr- 663, et append-, pag. 748.

ram, accurate quœratur, et si inveniatur, eradatur '>


Theodor., Lect., pag. 565, et apud Lupum, p. 112.
locus ejus, si ierreus sit, et ipsa illa terra aqua con-
s Libérât., cap. x, et apud Lupum, pag. 208.

fundatur, et hanana {id estpro gratin et clementia obti-


6 Theodor., Lect., pag. 563.
,

[n- ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 299

tantinople pour obligei* le peuple et le clergé du sacerdoce pourra-t-il être mis au rang des
à la rétablir; celui de Tliéodote, successeur prêtres de Dieu et avoir quelque part à leur
d'Alexandre, qui avait quoique malgré lui ,
sacré sort? Comment pourra-t-on mettre dans
comme il en constait par la lettre d'Acace, la listedes ministres de l'Eglise celui qui a ,

écrit le nom de Jean avec ceux des autres été banni de l'enceinte de ses murailles? Com-

évèques ,
pour le reciter dans les prières de ment mettre un laïque au rang des évèques,
l'Eglise. Il alléguait encore ce que l'empe- ou compter panui les véritables prélats un
reur, qu'il avait consulté sur cette affaire, lui homme qui n'a pas cette qualité?» Il con-
avait dit de bouche, qu'il n'y avait aucun in- vient qu'il est digne d'un homme sage d'a-
convénient d'écrire dans les tables de l'E- voir une conduite accommodante selon la
glise le nom d'un évêque mort puisque c'é- diversité des incidents; mais il soutient que
,

tait un moyen de rétablir la paix et la tran- cette prudence ne doit avoir lieu que dans

quillité du peuple. « J'ai donc ajoutait -il, ,


les rencontres où elle n'est nullement préju-

fait écrire ce nom dans le registre des évè- diciable, et que l'on ue doit point user si fa-

ques, et je ne crois point en cela avoir blessé cilement de condescendance envers ceux à
l'autorité descanons, ni offensé le jugement qui il faut plutôt faire la guerre que de les
de nos Pères. Car ce nom que j'ai fait écrire recevoir à la paix. Il convient encore que
dans nos registres, se récite non- seulement c'est une sage et judicieuse conduite, de re-

avec celui des évèques, mais aussi avec celui lâcher un peu quelquefois des obligations

des prêtres , des diacres , des laïques , des étroites et des règles les plus sévères, pour
femmes, en un mot, avec celui des personnes éviter de grands maux ou
procurer de grands
qui ne nous sont nullement associées ni par biens, et « c'est, ajoule-t-ii, dans cette vue que
la communion du sacerdoce ni par la parti- ,
saint Paul s'est fait toutes choses à tout le

cipation des choses que l'on consacre mysti- monde, non pas pour faire un gain peu con-
quement sur la sainte table. En effet, il y a sidérable en souffrant quelque dommage et

une grande différence entre les morts et les quelque perte mais pour gagner tous les
,

vivants, et cette différence est si sensible, que hommes. » Mais il prétend que dans la ma-
l'on écrit même leurs noms dans des livres nière dont Atticus s'était comporté dans l'oc-
différents. Le soin que David prit de procu- casion présente il y avait plus de mal
, à
rer à Saiil une sépulture honorable, n'ap- craindre que de bien à espérer. Il lui con-
porta aucun préjudice à ce prophète, et les seille donc de commander qu'on ôte le nom

apôtres n'ont rien souffert quoique l'on ait ,


de Jean de la liste des évèques, sans s'in-
enterré sous le même autel Eudoxe, qui avait quiéter si cette conduite déplaira à quelques
été le sectateur de l'impiété d'Arius. Paulin personnes « car il n'est pas juste, dit-il, de
:

et Evagre ont été mis après leur mort au renverser entièrement toutes les lois de l'E-
rang des autres évèques dans les tables mys- glise ,à cause de la contradiction de quel-
tiques de l'Eglise d'Antioche, où ils avaient ques personnes. On n'appellerait point cette
été autrefois chefs de parti et de schisme :
conduite un accommodement et une pajx;
le tempérament que l'on a trouvé pour pro- elle mériterait plutôt le nom de division et de

curer la paix et la concorde du peuple, n'a rupture. » Il t!it ensuite que l'exemple d'A-
fait aucun tort à cette Eglise. Faites donc, lexandre et de Théodote, son successeur, ne
continue-t-il, la même chose, et pour procu- doivent point tirer à conséquence , qu'il sera
rer la paix à tout le monde, commandez aux aisé à Atticus de persuader à l'empereur et
Eglises d'Egypte qu'elles écrivent le nom de aux autres princes de se soumettre aux sa-
ce mort. Ce sera le moyen de faire voir d'une crés canons ainsi qu'ils ont toujours fait. Il
,

part que vous ne blessez en rien les sacrés


,
déclare que s'il refuse de consentir à ce qu'on
canons de nos Pères et de témoigner de ,
mette le nom de Jean dans les sacrés dipty-
l'autre que vous estimez beaucoup la con-
,
ques ce n'est point qu'il ait dessein d'insul-
corde de toutes les Eglise de l'univers. » ter à uu mort mais de faire valoir les lois
,

Cette lettre ne fléchit point saint Cyrille il : de l'Eglise, en excluant de la liste des évè-
y fit une réponse qui marquait eu même ques un homme qui n'était point évêque. On
temps une grande fermeté et beaucoup d'é- voit par cette lettre, que l'on met en 417 ou
loigneraent pour le rétablissement de la mé- 418, que saint Cyrille ne s'était point encore
moire de saint Chrysoslôme. « Comment, défait de sa mauvaise disposition couti-e saint
dit-il à Atlicus un homme qui a été déposé
, Chrysoslôme dont il avait comme hérité de
,
,

300 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


Théophile, son oncle; mais cédant ensuite vieillard disait vrai, en eut pitié; il pria
aux remontrances que lui firent plusieurs Domnus d'examinei- juridiquement cette af-
personnes et en particulier saint Isidore de
, faire avec évêques de sa juridiction, à
les
Péluse il assembla les évêques d'Egypte ',
, l'exclusion de ceux que l'accusé suspectait.
et mit le nom de saiut Chrysostôme dans la Il soutient que Pierre ne devant point rendre

liste des évêques morts dans la communion compte de ses revenus, on doit lui rendre
de l'Eglise. tout l'argent qu'on lui avait pris, posant pour
Lettres à 36. Les dcux lettres à Domnus , évêque principe que, bien que les évêques doivent
rsTui^.'pag! d'Antioche ,
paraissent avoir été écrites sur conserver à l'Eglise ses immeubles et ses
208, 209.
Yg^ ^^^ ^^ l^ ^lg jg g^j^^^ CyriUc ,
puisqu'il ne meubles précieux, ils ont néanmoins la libre
survécut que peu d'années à l'élection de administration des revenus de leurs Eglises,
Domnus, qui fut choisi évêque de cette ville, dont ils ne doivent rendre compte à d'autres
sur la de 441 ou au commencement de
fin qu'à Dieu. Il ajoute qu'on ne doit avoir au-
442. ces lettres est en faveur
La première de cun égard aux actes de renonciations , don-
d'un nommé Athanase, évêque de Perrha , nés par crainte, contre les lois de l'Eglise;
que ses propres ecclésiastiques avaient non- mais que si un évêque est digne du minis-
seulement chassé de son Eglise, mais encore tère, il doit y demeurer, et être au contraire
déposé. Ils avaient aussi ôté son nom des sa- déposé juridiquement s'il est indigne de
,

crés diptyques, déposé les économes qu'il l'épiscopat.


avait commis pour l'administration des Liens 37. Quelques abbés de la Thébaïde étant Lettre
évêques
m
di

de l'Eglise, et mis en leur place ceux qu'ils venus à Alexandrie vers l'an 443, informé- Libye et dt II
Pentapola,
avaient jugés à propos. Athanase n'osant for- saint Cyrille qu'il se faisait dans ces cantons vers l'an
p. 211.
klit,

mer ses plaintes devant son métropolitain, des ordinations irrégulières. Des nouveaux
parce qu'il n'en était pas aimé présenta sa , mariés, presque aussitôt après leurs noces,
requête à saint Cyrille et à saint Procle et , surprenaient des évêques, et s'en faisaient
vint pour cet effet à Constantinople où se te- ordonner clercs et même prêtres. D'autres,
nait un concile, que nous ne connaissons pas chassés des monastères pour leurs mauvai-
d'ailleurs. Saint Cyrille dit que les larmes d'A- ses mœurs, se faisaient aussi ordonner, ren-
thanase accompagnèrent ses plaintes ce qui : traient ensuite dans les mêmes monastères
donne lieu de juger qu'il était lui-même pré- d'où ils étaient sortis, et voulaient y offrir les
sent à cette assemblée. Il écrivit donc à saints mystères mais la plupart des moines
;

Domnus en termes assez pressants, pour le aimaient mieux se séparer de la célébration


prier de faire examiner l'afiaire d' Athanase des mystères, que de communiquer avec
par quelques évêques voisins de Perrha, au eux. Saint Cyrille écrivit donc aux évêques
cas que cette ville fût trop éloignée d'An- de Libye et de la Pentapole, pour leur en-
tioche; de ne pas remettre cette afïaire au joindre de s'informer avec soin de la vie des
métropolitain, qui était suspect à Athanase ,
ordinands s'ils étaient mariés ou non, et de-
:

et de déposer sans rémission les ecclésiasti- puis quand s'ils avaient été chassés par
;

ques qui n'avaient point craint de déshono- quelque évêque, ou de quelque monastère,
rer la vieillesse de leur père, supposé qu'ils afin de n'ordonner que des personnes libres
I
se trouvassent coupables. La seconde lettre et sans reproches. Il ajoute que s'il s'en
regarde aussi un évêque d'un âge avancé ,
trouve quelques-uns qui aient été séparés de
nommé Pierre, qui accusé d'avoir mal ad- , l'assemblée de l'Eglise pour leurs fautes, et
ministré les biens de son Eglise avait re- , qu'ils soient en danger de mort, on les bap-

noncé à son évêché. Sa démission fut ac- tisera, s'ils n'étaient que catéchumènes, et

ceptée mais on lui conserva le titre d'évê-


,
qu'on leur accordera la communion, afin
que. Pierre se plaignit à saint Cyrille, disant qu'ils ne sortent point de cette vie sans ce

qu'il ne s'était point démis volontairement secours.


mais qu'il y avait été contraint par menaces ;
38. La
lettre à Aurèle de Carthage et aux Lettnt 1

que son affaire n'avait point été jugée cano- autres évêques d'Afrique, doit avoir été ^uum*'^'
nues do ff*"
niquement, en sorte que c'était à tort qu'on écrite avant l'an 430, puisqu'alors Aurèle ne elle d'AlHO*
vers l'«a *•'.

l'avait privé et de ses biens et de la juridic- vivait plus : saint Cyrille leur marque qu'il p. 21!.

tion d'évêque. Saint Cyrille, croyant que ce leur envoyait par le prêtre Innocent une co-
pie authentique des canons de Nicée. Il leur
• Nicephor., lib. IV, cap. xxvni. annonce que la pâque se célébrerait l'année
,

[IV" ET y SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 301

suivante le 17 des calendes de mai, c'est-à- mener à la raison. Enfin le concile voyant

dire le 23 aviil.Le texte grec porte ainsi de qu'il persistait, même à Ephèse, et qu'il était

même que le latin. Mais il y en a qui veulent incurable, opiniâtre, impénitent, l'a privé du
qu'on lise le 14 des calendes au lieu du 17, sacerdoce; mais en même temps le concile

a confirmé la foi de Nicée. » Il fait souvenir


Pâques ayant été le 18 avril, en 4i0, et que
l'on dise conséquemment que cette lettre fut Acace de ce qu'il lui avait ouï dire dans le
écrite en 419. Buchérius nous a donné un
' concile du Chêne, qu'il serait porté à par-
fragment d'une autre lettre attribuée à saint donner à Jean, c'est-à-dire à saint Chrysos-
Cyrille par plusieurs bons manuscrits et par tome, s'il y eût eu espérance que le pardon
Denys-le-Petit. Elle est adressée à quelques- de ses fautes le rendit meilleur; et il fait

uns qui voulaient, eu 444, faire la pâque le l'application de cette parole à ce qui s'était

26 mars. Saint Léon, qui était de ce senti- passé à l'égard de Nestorius. Après quoi il
ment, en écrivit à saint Cyrille, qui lui répon- dit Pour moi, je veux bien oublier tous
: ((

dit conformément à ce que Théophile, sou les outrages que j'ai reçus, par l'amour de
oncle, avait marqué dans sonque la cycle, Dieu, le respect de l'empereur qui le désire,
pâque devait se faire en cette année non , et l'unité de l'Eglise, et pardonner comme à

le 2G mars, mais le 23 avril, comme on l'y mes Mais aussi c'est la volonté de
frères.
fit en etfet; ce qui donne lieu de croire que Dieu de l'empereur qu'ils approuvent la
et

le fragment donné par Buchérms est une condamnation de Nestorius et qu'ils anathé-
partie de la réponse de saint Cyrille à saint matisent ses blasphèmes. Il ne tient qu'à cela
Léon. que la paix des Eghses ne soit rétablie :

La lettre à Optime, attribuée à saint Cy-


39. et parce que quelques-uns m'accusent de
rille dans la Chronique d'Alexandrie -, n'est soutenir les erreurs d'Apollinaire, d'Ariusou
point de lui, mais de saint Basile ^ parmi les d'Euuomius, je déclare que, par la grâce du
écrits duquel on la trouve dans les anciens Sauveur, j'ai toujours été orthodoxe; j'ana-
manuscrits. Celle d'Acace de Bérée ^ est une thématise Apollinaire et tous les autres hé-
réponse à la lettre que cet évêque lui avait rétiques; je confesse que le corps de Jésus-
écrite par le tribun Aristolaiis, pour l'enga- Chiist est animé d'une âme raisonnable
ger à abandonner tout ce qu'il avait écrit qu'il ne s'est point fait de confusion dans les

contre Nestorius avant le concile d'Ephèse, deux natures, que le Verbe divin est immua-
Saint Cyrille convient avec Acace, que le ble et impassible selon sa nature. Mais je
Symbole de Nicée estsuflSsant, et qu'il le ré- soutiens que le Christ et le Seigneur Fils uni-
vère dans toutes ses parties : « mais ce que que de Dieu, est le même qui a souffert en
j'ai écrit, ajoute-t-il, n'est que contre les que le dit saint Pierre. Quant
sa chair, ainsi
nouvelles erreurs de Nestorius. Je l'ai fait à aux douze Anathématismes ils ne regardent ,

la face de l'Eglise, et plusieurs ont approuvé que les dogmes de Nestorius, rejetant ce
ce que j'ai écrit. Si je le rétracte maintenant, qu'il a enseigné de mauvais, soit de vive
il s'ensuivra que Nestorius aura eu raison, voix, soit par écrit. » Il ajoute que, lorsque
et que nous avons eu tort de le déposer. la paix sera faite, il les éclaircira et tout ce
Vous voyez donc que Jean d'Antioche et ceux qu'on pourra trouver obscur dans tous ses
de son parti, loin de vouloir la paix nous ,
autres écrits « Car notre doctrine, dit-il, et
:

ramènent à l'origine de la division. Ils de- notre conduite est approuvée de tous les
vaient plutôt, quand ils vinrent à Ephèse, évoques, par tout l'empire romain, et nous
condamner avec nous Nestorius car s'ils : devons avoir soin d'entretenir aussi la paix
étaient venus un peu trop tard, qui les em- avec eux. » Il dit à Acace qu'il fallait que la
pêchait de prendre communication des actes paix se faisant aux conditions proposées par
et d'approuver ce que les autres avaient le concile d'Ephèse, c'est-à-dire en anathé-
jugé? Quand nous aurions eu tort en quel- malisant Nestorius et sa doctrine, il écrivit
que chose, fallait-il dédaigner de nous par- aux principaux évéques de pour les l'Eglise
ler? Il y avait trois ans que nous souffrions prier d'accorder leur communion aux Orien-
les blasphèmes de Nestorius et que nous taux; mais que si ceux-ci refusaient d'accep-
nous etforcions tous et vous-même, de le ra- ter ces conditions, on ne pourrait persuader

> Bûcher., de Cycl., pag. 72, 74, 75 et 77. 3 Voger., tom. V[, pag. 319.
' Chronic. Paschal., pag. 192 edit. Venet., au. 1729. ' Balu3., coll. Concil., pag. 758.
302 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
à ces évêques de leur iiccorder cette grâce. chaient pas même dans leurs discours, ce
Il finit en disant Le tribun Aristolaiis a
: « qui occasionnait diverses disputes parmi les
tellement adouci les esprits du clergé d'A- peuples. Saint Cyrille en ayant eu avis par
lexandrie et de tous les évêques d'Egypte, des personnes dignes de foi, écrivit à Aristo-
affligés de ce que les Orientaux ont fait con- laiispour lui recommander d'obliger ceux qui
tre moi, qu'il m'a fort aplani le chemin de étaient suspects, d'anathématiser de nouveau
la paix. )) Nous n'avons cette lettre qu'en la- Nestorius. Il fait dans cette lettre un abrégé
lin; saint Cyrille l'envoya à Acace, avec le de ce qu'on doit les obliger de croire sur le
décret du concile d'Epbèse pour le Symbole mystère de l'Incarnation, et des blasphèmes
de Nicée ', et un grand nombre de passages qu'ils devaient condamner. Il menace de la
des Pères, conformes à ce qui est établi dans déposition décernée par le concile d'Epbèse,
ce Symbole touchant le mystère de Tlncar- ceux qui persévéreront dans les erreurs de
nation. La même année 431, ce Père écrivit Nestorius, après les avoir condamnées eux-
à Rabbula, évêque d'Edesse, pour l'informer mêmes : et ajoute qu'il ne les reconnaîtra
de l'arrivée du tribun Aristolaiis à Alexan- pas pour évêques, s'ils refusent de recon-
drie, et des soins que l'empereur se donnait naître l'autorité de ce concile. Béronicien,
pour procurer la paix aux Eglises 2. Il se évêque de Tyr, à qui Aristolaiis demanda sans
plaint de la conduite des Orientaux à son doute que lui et les autres évêques de sa
égard, disant qu'ils ne voulaient l'obliger à province fissent ce que souhaitait saint Cy-
supprimer ses écrits contre Nestorius, qu'a- rille, s'en excusa, disant que c'était assez
fin de donner cours à ses blasphèmes. Pour que l'on fit ce que portait l'ordre de l'empe-
mettre Rabbula au fait, il lui envoya une reur, sans ajouter aux signatures ce que de-
copie de la lettre qu'il avait reçue d'Acace mandait saint Cyrille. Il en écrivit même à
de Béi'ée, et de la réponse qu'il y avait cet évêque, lui protestant qu'il était prêt,
faite. comme tous les évêques de sa province, de
40. Les Orientaux assemblés à Antioche montrer qu'ils ne suivaient en rien l'hérésie
A^ace de Mé- en 438, signèrent, comme nous l'avons déjà de Nestorius. Cela engagea saint Cyrifie à
htine, en 43H.
Bains, i.oac. dit, le Tome ou la lettre de saint Procle aux dresser une nouvelle déclaration de foi qu'il
917.
Arméniens; muis ils ne purent se résoudre à envoya à Aristolaiis, à Béronicien et à Jean
condamner les propositions extraites des li- d'Antioche, soutenant que cela était compris
vres de Théodore de Mopsueste. Ils écrivirent dans l'ordre de l'empereur, et qu'il n'y avait
sur cela à saint Cyrille, qui, avant que de rien à ajouter. Par ce nouveau formulaire,
leur faire réponse, envoya le prêtre Daniel les évêques suspects de nestorianisme de-
à Acace de Mélitine, à Théodote d'Ancyre et vaient déclarer qu'ils croyaient qu'il n'y a
à Firmus de Césarée en Cappadoce avec , qu'un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils de
une lettre de créance pour eux trois, afin Dieu et Fils unique. Que c'est le même qui
qu'il leur représentât la situation des choses est engendré de Dieu d'une manière inetfa-
et ce qu'il avait dessein de répondre aux ble avant tous les temps, et qui est né dans
Orientaux. On trouve cette lettre dans la cin- les derniers temps d'une Vierge selon la
quième cession du cinquième concile géné- chair, en sorte qu'il n'y a en lui qu'une per-
ral, mais d'une version ditiërenle de celle sonne en deux natures, et que, conséqueni-
que nous a donnée Baluse. C'est là qu'il est ment, la sainte Vierge est mère de Dieu,
remarqué quelle était une lettre de créance parce que celui qui est né d'elle est Dieu et
pour ces trois évêques. 11 n'était besoin que homme; qu'il est impassible selon sa nature
d'une lettre de cette nature, parce que Da- divine, et passible selon sa nature humaine.
niel était parfaitement instruit de toute l'af- 42. La lettre que saint Cyrille écrivit à Lettre
l'emperc
faire. l'empereur, en envoyant son Explication
lui Tliéodose,
U8. Bail

41.Le tribun Aristolaiis ayant été envoyé du symbole de Nicée, avec un autre écrit où il tonc, P-*
Lfllres à
Aiislolaûs en une seconde fois en Orient, avec de nouveaux combattait les sentiments de Théodore de
435 eu:!!"., lia-
lus. Concil., ordres de l'empereur pour anathématiser Mopsueste, avait pour but d'empêcher que
p. 9<5, 889 et
913. Nestorius plusieurs d'entre ceux qui l'a-
,
ce prince de se laisser surprendre par ce que
vaient anatbématisé, ne laissèrent pas de les Orientaux lui avaient écrit en faveur de
continuer à lui être attachés. Ils ne s'en ca- Théodore. Il ne nous reste qu'un fragment

» Balus., collai. Concil., pag. 7G0. Ibid., pag. 812.


flV ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 303

'de cette où nous voyons que saint


lettre, comme indigne d'un évêquc, qui ne doit en"
Cyrille proteste à Tbéodose que Diodore de seigner au dehors que ce qu'il croit intérieu-
Tarse et Théodore de Mopsueste sont les vé- rement; il marque à ces trois abbés qu'il
ritables pères de riiérésie de Nestorius, que leur envoyait (par Adamance, dont il parle
leurs sentiments sont aussi certainement avec éloge ) son traité sur l'Incarnation, dans
impies que les Pères Athanase, Grégoire et lequelil répondait aux objections des nesto-

Basile, auxquels ou veut les comparer, sont riens sur ce mystère. Il y montrait trois cho-
certainement orthodoxes. Il parle de la con- ses : la première, que la sainte Vierge est
damnation de Nestorius dans le concile d'E -
mère de Dieu; la seconde, qu'il n'y a poiut
phèse, et de l'Exposition du Symbole de Nicée, deux Christs, mais un seul; la troisième, que
qu'il avait faite à la prière des archimandri- le Verbe de Dieu, sans cesser d'être impas-

tes d'Orient, pour ruiner tous les faux sens sible a souffert pour nous dans la chair qui
,

que l'on donnait à ce Symbole. lui était propre. Nous n'avons plus ce traité.

43. Dans la lettre que saint Cyrille écrivit 43. Un des évèques qui favorisait en secret
à Jean d'Antioche, en lui envoyant, comme les erreurs de Nestorius, tandis qu'il les ana-
à Béronicien, une nouvelle déclaration de thématisait au dehors, était Musée ouMoyse,
loi qu'il fallait faire signer aux évéqucs sus- évèque d'Amarade dans la Phénicie. L'abbé
pects de nestoiianisme, il se plaint que quel- Maxime en donna avis à saint Cyrille, qui
ques-uns d'entre eux, après avoir analhéma- aussitôt rompit le commerce de lettres qu'il
lisé cette hérésie et son auteur, enseignaient avait avec cet évèque. Musée étonné de ce ,

les mêmes erreurs sous des termes un peu silence, s'en plaignit d'une manière qui sa-
diti'érents, d"où il conclut qu'ils s'auathéma- tistit saint Cyrille. Il lui témoigna dans sa
tisaient ainsi eux-mêmes. Mais il témoigne réponse désapprouver la conduite des évè-
,

du doute sur ce qu'on lui avait rapporté à ques qui conservaient dans leur ccsur des
cet égard. Il en écrivit une seconde à Jean sentiments qu'ils désavouaient eu pubbc ,

d'Antiocbe, pour lui témoigner sa joie du sans marquer toutefois qu'il eût cru Musée
retour des évèques attachés auparavant au coupable de cette hypocrisie.
parti de Xestorius; mais comme tous ne s'é- 46. M. Renaudot rapporte dans son His^
taient pas réunis, il demande à Dieu leur toire des patriarches d'Alexandrie, la seconde
réunion par les prières de Jean. Dans une lettre de saint Cyrille à Nestorius, traduite
troisième lettre, il doute si Théodoret ne sur l'arabe, et différente de celle que l'on
soutenait pas encore les blasphèmes de Nes- trouve dans les actes du concile d'Ephèse.
torius; la raison qu'il avait d'en douter, c'est Il donne aussi l'inscription de la première,
que cet évèque ne l'avait point anatbéma- en remarquant que le reste ne se lit point ni
tisé, ni souscrit à sa déposition, ainsi qu'il dans les manuscrits arabes, ni dans les actes
l'avait appris du prêtre Daniel. C'est pour- de ce concile. Dans cette seconde lettre, saint
quoi il prie Jean d'Antiocbe de le poursuivre, Cyrille avertit Nestorius de quitter ses er-
comme n'ayant poiut eti'acé la tache du nes- reurs, eu lui représentant qu'il n'est pas
torianisme : ce qu'il aurait dû faire à l'exem- assez fort pour combattre contre le Dieu qui
ple des autres évèques. Cette dernière lettre, est mort pour nous, et qui est ressuscité par
qui ne se trouve qu'en latin dans le Synodi- la puissance de sa divinité que les Juifs, avec ;

que, a été donnée en grec par le P. Garnier, plusieurs hérétiques comme Simon le Magi-
à la suite desouvrages de Théodoret. On ne cien, Julien l'Apostat et Arius, ont été punis
peut mettre qu'après la signature géné-
la pour avoir osé l'attaquer.
rale contre Nestorius, c'est-à-dire après 436. 47. Il ne nous reste que quelques frag-
44. C'était, ce semble, par lo prêtre et ments de la lettre de saint Cyrille aux moines
abbé Adamance, que saint Cyrille avait ap- de Phua, qu'on avait accusés de nier la ré-
.Bilos. pris que quelques évèques, après avoir ana- surrection des corps. Ce Père attribue cette
Ihématisé Nestorius et ses dogmes, conti- erreur à Origène, dont il parle en mauvaise
nuaient d'en prendre la défense. Adamance part, l'accusant encore d'avoir enseigné que
l'était venu trouver de la part de Maxime, de les âmes étaient renfermées dans les corps à
Jean et Thalasse, aussi prêtres et abbés en cause des péchés qu'elles avaient commis
Syrie. Saint Cyrille condamne cette conduite précédemment '.

' Quatre autres lettres ont été publiées par Mal. Voyez l'appendice à la fin de ce chapitre. (Vddit.)
.

30-4 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


§ V. qu'à cause de l'union des deux natures, sans
confusion ni changement de l'une ou de
Des Traités sur la Foi.
l'autre.
1 . Saint C3n'ille craignant que Nestorius ne 2. A ce traité, saint Cyrille en joignit un .
Trauédei,
foi, pag. *î.
trouvât de l'appui auprès de l'empereur Théo- second pour les reines vierges et épouses
dose, et qu'à la faveur de cette protection, de Jésus-Christ, qui étaient sœurs de l'em-
son hérésie ne fit do jour en jour de nouveaux pereur c'est-à-dire Pulcbérie Arcadie et
, ,

progrès, crut qu'il était nécessaire d'instruire Marine, qui s'était toutes trois consacrées à
ce prince sur le mystère de l'Incarnation, Dieu. Il en fait un grand éloge, comme il en
afin qu'il fût plus en état d'apaiser les trou- avait fait un de Théodose, et leur dit que si
bles où celte nouvelle hérésie avait jeté les Jésus-Christ n'était pas Dieu, mais seulement
Eglises. Il composa à cet effet un traité assez un homme rempli de son esprit, comme l'ont
long, qu'il lui adressa, et conjointement h Eu- été Abraham et les autres anciens patriar-
doxie,safemme, àPulchérie, sa sœur. 11 y
et ches, sa mort ne nous aurait servi de rien
marque d'abord les diverses hérésies qui s'é- pour notre salut, de même que la leur n'a
taient élevées jusqu 'alors sur le mystère de 'in- l point été utile au genre humain, a II n'y a, EpUes. it,

carnation celles de Ma nés de Gérinthe, de


, , ajoute-t-il, selon l'apôtre saint Paul, qu'un
Photin, d'Apollinaire et de Nestorius; puis il seul Seigneur, qu'une foi, qu'un baptême.

après l'autre, sans toutefois


les réfuie l'une S'il y a deux Fils, qui des deux sera le Sei-
nommer leurs auteurs si ce n'est Photin et , gneur? A qui des deux croirons-nous? Au
Marcelle d'Ancyre. 11 s'y applique surtout à nom duquel serons-nous baptisés ? Le Verbe
combattre les erreurs de Nestorius, emplo- de Dieu était Dieu par sa nature, avant que
yant les mêmes arguments dont il s'était de se faire chair et depuis qu'il s'est fait
:

servi dans la lettre aux solitaires. Il y en cliair, il n'a point cessé d'être Dieu pourquoi :

ajoute néanmoins plusieurs autres et après ; donc refuserions-nous, en reconnaissant pour


avoir rapporté quelques paroles des écrits Dieu le Verbe fait chair, de confesser que la
de Nestorius ou de quelques-uns de son parti, Vierge dont il est né selon la chair, est Mère
il contiennent une doctrine
fait voir qu'elles de Dieu ? Saint Cyrille rapporte les passages
opposée non-seulement à celle des divines de plusieurs anciens, pour montrer qu'ils
Ecritures, mais encore à ce qu'ont enseigné ont donné à la sainte Vierge le titre de mère
les anciens écrivains ecclésiastiques. Il in- de Dieu, et reconnu l'unité de Fils en Jésus-
siste sur ces paroles du Père éternel : Celui- Christ; savoir, de saint Athanase, d'Alticus
ci est mon Fils bien-aimé, dans lequelj'ai mis ma de Constantinople; d'Antiochus, évêque de
complaisance ; écoutez-le. Remarquez, dit ce
(c Phénicie; de saint Amphiloque, d'Ammon
saint docteur, que le Père ne dit pas En : d'Andrinople, de saint Jean Chrysostôme,de
celui-ci est mon Fils, de peur que l'on ne Sévérien de Gabales, de Vital, et de Théo-
croie qu'ily en avait deux,dillerents l'un de phile d'Alexandrie. Il joint à ces passages
l'autre,mais Celui-ci est mon Fils, afin que
: plusieurs endroits choisis du Nouveau Testa-
l'on entende que ce n'est qu'un. » Il ajoute ment, pour prouver que Jésus-Christ est
que l'on ne peut contester que la grâce du Dieu qu'il est l'auteur de la vie que nous
, ,

baptême et la vie qui eu est inséparable, ne croyons en Jésus-Christ comme en notre


nous soient données dans le Saint-Esprit par Dieu , qu'il est notre Dieu et notre propitia-
Jésus-Christ ce qui ne peut se faire que
; lion ,
que sa mort a été le salut du monde
parce que Jésus -Christ est véritablement qu'un seul Fils et qu'un seul Sei-
qu'il n'y a
Dieu. Il insiste encore sur l'Eucharistie, et gneur. Après chaque passage, pour prouver
dit que Jésus-Christ nous y donne la vie ces six articles, saint Cyrille fait un discours
comme Dieu, non-seulement par la partici- pour en montrer le sens et eu faire sentir
pation du Saint-Esprit, mais par cela même toute la force. 11 commence cette démonstra-
qu'ilnous donne à manger la cbair du Fils tion par les Epitres de saint Paul, la continue
de l'homme, qui est la sienne propre. Il mon- par les Epitres catholiques, et la finit par les
tre que Jésus-Christ étant la pierre spirituelle Evangiles, observant cette méthode pour
d'où sortit l'eau que burent les Israélites, il tous ces six articles. Voici quelques-unes de
est évident que celte antiquité reculée qui ses preuves. L'Evangile qui nous parle de Rom. r, 1.

convient proprement au Verbe, ne se dit de Jésus-Christ, est, selon saint Paul, l'Evangile
Jésus-Christ, dans le Nouveau Testament, de Dieu. Jésus-Christ est donc Dieu lui-même.

P\
ï
i
[1V« ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 303

C'est à Jésus-Christ que se rappoitent tons par la foi que les


tmtn, toutes les nations. C'est

les oracles des prophètes ; les saintes Ecri- gentils ont été appelés; celui qu'on leur an-

tures disent que celui-là même qui est né nonçait était Jésus-Christ même, et c'était en
de la race de David, est Fils de Dieu; il l'est lui non comme homme, mais comme Dieu,

donc véritablement, d'autant qu'eu ressusci- que l'on exigeait la foi des gentils il est :

tant d'entre les morts, il a donné dos preuves donc véritablement Dieu. En eÛ'et, il est dit
évidentes de sa divinité. Le même Apôtre dans saint Jean qu'il a donné à tous ceux qui joan. i, 12.

dit que rien ne peut le séparer de l'amour l'ont reçu, le pouvoir d'être faits enfants de
de Jésus-Christ la loi commande un amour ; Dieu; à ceux qui croient en son nom. Si donc
sans réserve pour Dieu donc Jésus-Christ ; Jésus-Christ était l'objet de la foi, et si c'est

est Dieu. Il enseigne ailleurs qu'agissant lui qui donne le pouvoir d'être faits enfants
comme des tidèles ministres de Dieu, nous de Dieu, comment peut-on dire qu'il ne soit
nous rendrons recommandables en toutes pas Dieu lui-même.
choses or, ceux qu'il appelle en cet endroit
: 3. A cet écrit adressé aux princesses vier- sune.p. 128.

ministres de Dieu, sont appelés dans un au- ges, saint Cyrille en ajouta un autre qui est
tre, ministres de Jésus-Christ ; donc Jésus- le troisième sur la Foi, où il s'applique par-
Christ est Dieu. C'est encore l'Apôtre qui ticulièrement à réfuter les raisons de ceux
dit : Lorsquil introduit de nouveau son pre- qui attaquaient la divinité de Jésus-Christ,
mier-né dans le monde, il dit :Que tous les an- ou qui distinguaient deux Fils, l'un Fils de
ges de Dieu Vudorent. Or, le Verbe de Dieu n'a Dieu, et l'autre Fils de l'homme. Ils allé-
été appelé premier-né qu'après son incarna- guaient entre autres ce que Jésus-Christ dit
tion si donc il est adoré en celte qualité,
; dans saint Jean, eu parlant à la Samaritaine :

peut-on douter que Jésus-Cluist ne soit Dieu, Vous adorez ce que vous ne connaissez point : joan. iv, 22.

puisque l'adoration n'est due qu'à Dieu ? On pour nous nous adorons ce que nous cormaissons ;
lit dans le prophète Michée que de Bethléem et ailleurs Je suis encore avec vous un peu de
:
joan. vii,33.

sortira celui qui doit gouverner le peuple temps, et je m'en vais ensuite vers celui qui m'a
d'Israël, et qu'il est sorti dès le commence- envoyé. Et encore Lorsque vous aurez élevé en
: joan. vm,
ment, et dès le jour de l'éternité c'est dans ; haut le Fils de l'homme, vous connaîtrez qui je
Jésus-Christ que cette prophétie s'accomplit; suis. Et dans saint Luc : Jésus croissait en sa- Luc 11,32.

il donc Dieu. Saint Cyrille tire une autre


est dans saint Matthieu
gesse et en âge. Et Nul : Matlh.xxiv,
36.

preuve du sang que les martyrs ont répandu autre que mon Père ne sait ce jour et cette
avec tant de constance pour la foi de Jésus- heure, non pas même les anges du ciel. Saint
Christ; et c'est par là qu'ils ont mérité la Cyrille répond qu'en tous ces endroits Jésus-
couronne, selon ces paroles de Jésus-Christ Christ a parlé selon sa nature humaine et ;

même : Quiconque me confessera devant les en effet, il qu'un Clu-ist,


est vrai qu'il n'y a
hommes, je lereconnaîtrai aussi devant mon Père qui en tant qu'homme adore, et est adoré en
qui est dans le ciel. Seraient-ils ainsi récom- tant que Dieu de toutes les créatures. C'est
pensés de Jésus-Christ, s'ils n'avaient ré- . encore en tant qu'homme, qu'il est envoyé
pandu leur sang que pour un homme ordi- du Père pour prêcher la liberté aux captifs,
naire et n'est-ce pas plutôt parce qu'ils ont
: et qu'il soutire, pour les racheter, le supplice
rendu témoignage à sa divinité? Jésus-Christ de la croix. C'est selon cette même nature
dit dans saint Jean qu'il a donné à ses élus qu'il croissait en âge et en sagesse, qu'il

la gloire que son Père lui avait donnée, afin ignorait le jour du jugement, et qu'il s'est

qu'ils soient un comme il est un avec son soumis à toutes les faiblesses de notre nature,
Père car, quoiqu'il soit autre que le Père à
; excepté le péché. Quant à ce que dit saint
raison de sa propre hypostase ou personne, Paul, qu'î/ a plu au Père que toute plénitude coioss. i, 19.

il est toutefois un avec lui et le même selon résidât en lui; on ne peut en inférer que cet
sa nature. Mais ce n'est pas selon cette na- apôtre ait reconnu deux Fils, puisqu'il dit
ture qu'il est un avec nous, c'est selon sa en termes exprès, qu'il n'y a pour nous qu'un icor.vm.s.
nature humaine. Saint Cyrille, pour prouver seul Dieu, qui est le Père, et un seul Seigneur,
que nous croyons en Jésus-Christ comme en qui est Jésus-Christ par lequel toutes choses ont
notre Dieu, rapporte ces paroles de l'épitre été faites ; mais, par ces paroles, il a voulu
. aux Romains Paul, serviteur de : Jésus-Christ, nous enseigner que la plénitude de la divinité
par lequel nous avons reçu la grâce et l'aposto- résidait en Jésus-Christ, non comme dans un
lat pour faire obéir à la foi, par la vertu de son temple ou seulement par participation, mais
VllL 20
i

306 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


essentiellement, à raison de la vraie et na- vous que
'
la divinité soit née de la sainte premier
tom. VI,

turelle union du Verbe avec la chair. Le Vierge? » Cet argument lui paraissant sans
reste de ce traité n'a rien de bien remarqua- réplique, il en concluait qu'on ne pouvait
ble, et on peut résoudre les difficultés que sans blasphème appeler Marie Mère de ,

saint Cyrille y propose, en distinguant les Dieu; il consentait néanmoins quelquefois


propriétés des deux natures unies person- qu'on l'appelât ainsi, mais il niait qu'elle fût
nellement en Jésus-Christ. C'est suivant cette réellement mère de Dieu, soutenant que Dieu
distinction, qu'il dit que Jésus-Christ, en tant n'avait fait que passer dans elle en sorte que ;

qu'homme, fait les fonctions de prêtre et ,


J.-C. qui était véritablement né de Marie,
que le sacrifice lui est otTert en tant qu'il est devait être regardé non comme vrai Dieu ;

Dieu. mais plutôt comme porte-Dieu. Saint Cyrille


répond que le Verbe de Dieu a été fait chair
§ VL selon que le disent les divines Ecritures,
c'est-à-dire uni hypostatiquement à la chair
Des cinq livres conti^e Nestoinus.
sans aucune confusion ;
qu'il est impossible
\. Nestorius voulant infecter de ses er- que le Verbe ait été fait chair en cette ma-
Aquelleoc- .
,
cision et on
peurs toutc l'Eglise,
^ n en trouva pomt de nière, sans qu'ily ait eu génération de la
quel temps ...
cpscinq livres
moyen plus sùr que de recueilur eu un vo- part d'une femme, les lois de la nature hu-
furent écrits. j r i.

lume toutes les homéhes dans lesquelles il maine le demandant ainsi; que les chrétiens
les avait ou avancées ou soutenues, et de le ne donnent point dans les fables des païens,
faii-e passer dans les différentes pi'ovinces. qui font naitre les corps des hommes, les

Ce recueil tomba entre les mains de saint


' uns d'un chêne, les autres d'un rocher; que
Cyrille, qui eût bien voulu se dispenser d'en si le Fils unique de Dieu ne s'était point fait

réfuter les erreurs, de peur de les rendre homme par la génération charnelle d'une
publiques en les réfutant, et de faire passer femme, comme nous le sommes nous-mêmes,
à la postérité les blasphèmes dont ces homé- nous n'aurions pu avoir part aux richesses
hes étaient remphes. Mais ne doutant pas de sa grâce qu'il n'est point descendu dans
;

que le même recueil qui était venu jusqu'à une chair étrangère pour y habiter, comme
il a habité dans les prophètes; mais que, s'é-
lui, n'eût été communiqué à beaucoup d'au-
tant fait un corps dans le sein de la Vierge,
tres, crut qu'il était de son devoir de dé-
il
celui-là même qui est né du Père avant tous
couvrir tout le venin qui y était caché, d'em-
de les siècles, nous est devenu consubstantiel
pêcher les lecteurs d'en être infectés, et
les mettre de combattre
eux-mêmes en état selon la chair, en naissant de cette Vierge,

Nestorius par ses propres écrits, en leur en qui conséquemment doit être appelée Mère

faisant remarquer les contrariétés et le peu de Dieu. Il met Nestorius en contrariété avec
de sohdité. C'est ce qu'il fit dans un ouvrage lui-même, en ce que d'un côté il regardait
le titre de Mère de Dieu comme un blas-
exprès, que nous avons encore, divisé en cinq
livres. Il n'y nomme jamais Nestorius ce qui :
phème, et que toutefois il permettait qu'on
fait voir, qu'il le composa avant le concile d'E- s'en servit. Il lui demande dans quel livre de

phèse, c'est-à-dire avant 431. Photius qui le l'Ecriture il avait lu que le Verbe était passé

cite^, remarque que le style en est plus simple dans la sainte Vierge, et ce que signifie ce
etplus clair que celui des autres ouvrages de terme ? « S'il entend par là, dit-il, que le Verbe
ce Père, quoiqu'on y voie partout son carac- est passé par elle comme d'un lieu dans un

tère et son génie particuher. Il est aussi cité autre, le Verbe lui répondra par la voix de
par Cassiodore ^, par saint Ephrem d'Antio- ses prophètes : j^Ve remplis-je point le ciel et la jcrem.

che * et par quelques autres anciens. Saint tei'j-e? Elisabeth enfanta Jean-Baptiste, sanc-
Cyrille propres paroles de Nes-
y rapporte les tifié par le même Esprit par lequel le Fils
torius, et les réfute ensuite, soitpar de sim- habite dans nous : il faudra donc dire, selon
ples raisonnements, soit par l'autorité de Nestorius, que le Verbe a passé dans Elisa-
l'Ecriture, soit par le témoignage des Pères beth, puisqu'il a demeuré par le Saint-Esprit
qui l'avaient précédé. dans saint Jean avant la naissance de cet
.\M\jn- du
2. Nestorius disait aux cathohques:« Croyez- entant. Nous lisons dans les Psaumes que psai.cn.

' Lib. I Concil. Nestor., pag. 3. * Cassiod., in Psal. Xxii, 1.


* Phot., Cod. 169, pag. 377, et Cod. 49, pag. 37. * Phot., Cod. 229, pîig. 809.
[l\« ET V^ SliCLFS.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 307
l'espritde l'homme passe en lui, et qu'il ne un seul Fils : doctrine que Nestorius recon-
demeure point à jamais, ses jours étant sem- naissait lui-même être celle de l'Eglise. »

blables au foin et à la ileur des champs qui convient avec lui que les
Saint Cyrille
sèchent? Y a-t-il une expression semblable Pères de Nicée n'ont point dit en termes ex-
dans l'Ecriture, au sujet de ce qui est né de près que Dieu ait été engendré de Marie :

Marie ? N'y est-il pas dit au contraire que mais il soutient qu'en déclarant leur foi en
Dieu est né d'elle selon la chair? » Saint Cy- un Dieu Père tout-puissant et en un Seigneur
rilleexplique en passant le terme de mélange, Jésus-Christ, son Fils, c'est-à-dire véritable-
dont quelques saints Pères se sont servis en ment né de lui selon sa nature divine, et en
parlant de l'union des deux natures en Jé- reconnaissant que ce même Fils Dieu Verbe
employé que
sus-Christ, et dit qu'ils ne l'ont s'est fait homme dans le sein de la Vierge,

pour marquer combien cette union est étroite, ils ont aussi confessé évidemment qu'il était
quoiqu'elle soit sans aucune confusion des né d'une Vierge selon la chair. D'où il ne
natures. Nestorius disait Celui qui nous
: (( suit pas que les catholiques crussent, comme
paraît enfant, né depuis peu, enveloppé de Nestorius les en accusait, que la Vierge Marie
langes, est Fils éternel, créateur de toutes fût avant la divinité même, puisqu'ils ne
choses, et Dieu. » « Or, c'est celui-là même, croient pas que le Fils de Dieu soit né d'elle
reprend saint Cyrille, que Vierge ala suinte selon sa divinité, qui est avant tous les temps,
enfanté. Vous reconnaissez donc que Dieu mais seulement selon son humanité, qui a
est né selon la chair, et vous l'avez appris de priscommencement dans le sein de celte
l'Ecriture divinement inspirée. » Vierge.
«Les anges, ajoutait Nestorius, ont prédit 3. Quoique Nestorius admît en Jésus-Christ Analyse do
deaxiéme li-
que saint Jean serait rempli du Saint-Esprit deux personnes et hypostases entièrement vre, par. 29.

dès le sein de sa mère : dira-t-on pour cela différentes l'une de l'autre il ne laissait pas
,

qu'Elisabeth est la mère du Saint-Esprit?» de se conformer au langage de l'Ecriture,


(( Nous avouons, répond saint Cyrille, qu'E- qui ne parle que d'un Fils, d'un Christ et
lisabeth a enfanté Jean - Baptiste oint du d'un Seigneur; mais il réduisait cette unité
Saint-Esprit dès avant sa naissance : s'il était à celle de la dignité , de l'autorité et de la
écrit dans les saintes Lettres que le Saint- puissance, qui était une en Jésus -Christ, et
Esprit a été fait chair dans le sein de cette non pas à l'unité de personnes en deux na-
femme, nous avouerions qu'on doit l'appeler tures. Saint Cyrille fait voir qu'une parité de
mère du Saint-Esprit; mais il n'est dit autre gloire et de dignité ne suffit pas pour faire
chose de cet enfant, sinon qu'il a été rempli du une union véritable et que, quoique saint
,

Saint-Esprit. Or, ce n'est pas la même chose Pierre et saint Jean fussent également apô-
de dire que le Verbe a été fait chair, et que tres et comblés des dons du Saint-Esprit ils ,

quelqu'un a été oint parle Saint-Esprit; Tun n'étaient pas pour cela un seul et même
est dit du Verbe, et l'autre de saint Jean. homme la vraie union de deux natures ne
,

Donc on ne peut dire en aucune manière se pouvant faire que quand elles sont unies
qu'Ehsabeth soit la mère du Saint-Esprit, personnellement. Nestorius objectait que,
parce qu'elle n'a enfanté qu'un prophète du lorsque l'Ecriture parle de la naissance tem-
Très-Haut et on doit dire, au contraire, que
; porelle de Jésus-Christ elle ne l'appelle ja-
,

la sainte Vierge est véritablement mère de mais Dieu; mais Christ, ou Fils, ou Seigneur,
Dieu, parce qu'elle a enfanté charnellement, trois termes qui, signifiant deux natures, mar-
c'est-à-dire selon la chair, le Verbe uni à la quent tantôt l'une et tantôt l'autre. Il est tou-
chair. » Nestorius objectait y a deux : « Où il tefois Dieu, ajoutait cet hérésiarque, mais eu
générations, il y ait deux
est nécessaire qu'il un sens impropre, comme l'Ecriture dit que
Fils. » «Cela est vrai dans les lîommes, répond Moïse était le Dieu de Pharaon. A ce blas-
saint Cyrille, mais ce n'est pas une consé- phème, qui ne pouvait sortir que de la bou-
quence qu'il en soit de même à l'égard du che de Beelsébuth saint Cyrille répond que
,

mystère de l'Incarnation, où les choses se l'Ecriture donne à Moïse le nom de Dieu, en


passent d'une manière toute dilierenie. Nous la même manière qu'eUe le donne dans les
reconnaissons dans Jésus-Christ deux nais- Psaumes à tous les hommes : J'ai dit : Vous
sances, l'une avant l'incarnation, en tant que êtes des Dieux , du 7'rès-IIaut;
et tous enfants
Verbe de Dieu; l'autre après l'incarnation, en mais Jésus-Christ est Dieu de sa nature;
tant qu'homme; et dans ces deux naissances ce qui parait par un grand nombre d'endroits
,

308 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


du Nouveau Testament, où nous voyons qu'il connaître; et saint Paul : Lorsque le Père in- lUbr.

connaissait les plus secrètes pensées de troduit de nouveau son premier-né dans monde
JolD. II.
l'homme , et qu'il conférait aux hommes le il dit : Que tous les anges de Dieu l'adorent.

Saint-Esprit; prérogatives qui n'appartien- D'où saint Cyrille infère qu'il est donc né-
joan. XX. q^jv^
jjgj^^ Dieu. NcstOHUs ne pouvait même, cessaire de reconnaître un seul Seigneur et
sans se contredire , nier que Jésus-Christ ne Christ en qui les deux natures, la divine el
fût vraiment Dieu puisqu'il convenait qu'on
,
l'humaine, sont unies hypostatiquement, afin
pouvait l'adorer culte qui n'est dû qu'à Dieu
: que l'on conçoive que c'est le même qui
seul. Il disait encore qu'il n'était pas un pur est le Fils unique du Père en tant que Dieu
homme, mais Dieu et homme tout ensemble, par sa nature, et son premier-né, en tant
se servant de semblables expressions pour qu'homme, semblable à nous et de la race
mieux insinuer ses erreurs en distinguant ;
d'Abraham. C'est à raison de cette union,
ensuite deux personnes et deux Fils en Jé- comme le dit ensuite saint Cyrille, que nous
sus-Christ, contre l'autorité de l'Ecriture, qui disons que le Pontife et l'Apôtre de notre
ne prêche qu'un Christ, qu'un Fils, qu'un confession est devenu semblable à nous, afin
Seigneur, que nous révérons, dit saint Cy- qu'il s'offrit au Père en sacrifice de bonne
rille, par une seule et unique adoration avec odeur, pour nous délivrer de nos péchés ,

le Père pt le Saint-Esprit. nous rendre victorieux de la mort, et nous


Analyse du 4. Saîut Cyrille fait voir que c'était à tort rendre parfaits dans toutes sortes de ver-
H-
troi-iiiui," -iT , . •, ,11-
. T .

ïre, pag. Cl. quB INestonus unputaitaux catholiques d en- tus.


seigner que la qualité de pontife et d'apôtre 5. Nestorius n'admettait dans Jésus-Christ Ana
dans Jésus - Christ, tombait sur la divinité qu'une vertu empruntée pour faire des mi- ?",'p'j

même aucun d'eux n'ayant jamais rien dit


, racles, disant qu'il l'avait reçue du Saint-
de semblable mais selon lui on peut éga-
; , , Esprit, comme les autres saints la reçoivent.
lement dire du Fils de Dieu, qu'il est apôtre Il semblait aussi distinguer les opérations
et pontife, comme il est dit que Dieu a en- dans les trois personnes de la Trinité en ,

voyé son Fils foi'mé d'une femme et assu- sorte qu'il y en eût de particulières au Saint-
Gaht. iT, 4.
jg^fi ^ j^ JqJ jj^ qualité de pontife et d'en-
.
Esprit à qui il attribuait la formation du
,

voyé ne se dit de ce Fils que selon la na- corps de Jésus-Christ, à l'exclusion du Père
ture humaine à laquelle le Verbe s'est uni et du Fils. Saint Cyrille réfute la première

personnellement; c'est pareillement à raison de ces erreurs, en montrant, par l'autorité de


du corps que le Verbe a pris dans un des- l'Ecriture ,
que le Saint-Esprit lui-même tire

cendant d'Abraham que ce Fils est appelé ,


son oiigine du Fils en eû'et, nou^ lisons dans
;

enfant d'Abraham; il a pris ce corps dans le saint Jean que celui que Dieu a envoyé, c'est-
sein de la sainte Vierge parce que le Verbe ;
à-dire Jésus-Christ, ne donne pas son esprit
s'est uni réellement avec ce corps animé par mesure; qu'il donna aux Apôtres le pou- joj„ ,

d'une âme raisonnable Jésus -Christ a dit voir de chasser les démons et de guérir toutes
joan. TU!, qu'// était avant qu'Abraham fnt né, et l'Apôtre sortes de maladies; qu'il sortait de lui une luc.h
a dit aussi de lui qu'// était hier, qu'il est au- vertu qui guérissait tous ceux qui s'en ap-
Oebr. XIII, 8. jourd'huï, et qu'il sera le même dans tous les prochaient. Saint Cyrille combat la seconde luc. t

siècles; c'estdu Verbe fait chair et semblable erreur en faisant voir qu'admettre trois opé-
Baruch. III. à nous qu'uu Prophète a dit Celui-ci est : rations différentes dans la Trinité, c'est éta-
notre Dieu, et il n'y en a point d'autre; il a paru blir trois dieux distincts et différents l'un
sur la terre et conversé avec les hommes; lors-
, de l'autre; que l'unité de nature dans la Tri-
qu'il est dit dans l'Evangile qu'il croissait nité ne permet qu'une seule opération dans
eu âge et en sagesse, cela ne tombe point les trois personnes que tout ce que le Père
;

sur sa divinité, qui, au lieu de croître, s'est fait , le Fils et le Saint-Esprit le font aussi;
plutôt anéantie en se faisant homme; en vain qu'ainsi la formation du corps, auquel le
Nestorius voulait distinguer dans Jésus-Christ Verbe s'est uni, est également l'ouvrage du
le Fils de Dieu d'avec le Fils de l'homme ,
Fils comme du du Père. Il
Saint-Esprit et
puisque les Ecritures ne font point cette dis- prouve ensuite que que J.-C. nous
si la chair
tinction et ne reconnaissent qu'un seul Fils. donne à manger et le sang quil nous donne à
^^'"^ homme, dit saint Jean, en parlant de Jé- boire, n'étaient que la chair et le sang d'un
Joan I 18.

sus-Christ, n'a jamais vu Dieu; c'est le Fils pm' homme, comme le prétendait Nestorius,
unique qui est dans le sein du Père, qui l'a fuit el non la chair et le sang d'un Dieu, ils ne i
fn* ET V^ SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 309
produiraient point la vie dans ceux qui le re- de Nicée et à la doctrine de saint Paul , en
çoivent ; ce qui est contraire aux paroles de disant anathème à ceux qui refusaient de
Jésus-Christ même. confesser que la sainte Vierge est Mère de
6. (( L'Ecriture ne dit point, objectait Nesto- Dieu; que le Verbe, qui procède du Père, est
rius, que nous soyons réconciliés par la mort uni à la chair selon l'hypostase par une
de Dien Verbe, mais seulement par la mort union réelle et non par une connexion de
,

du Fils de Dieu. » « Quoi donc, répondit saint dignité, d'autoritéou de puissance.


Cyrille, fallait -il que l'Apôtre dit que la vie Vers le même temps il réfuta un écrit
2. , Apologie des
douze Ana-
avait souffert la mort? Pouvait-il s'exprimer d'André de Samosate contre ces mêmes ana- tlinm ai=me5
contre André
d'une manière plus précise qu'en disant que, tliématismes; mais comme cet évèque n'y du ï5inio:iale,
pis. 157. l'iin
lorsque nous étions ennemis de Dieu, nous avons avait pas mis son nom saint Cyrille ne le
, 431 ou 432.

été réconciliés avec lui par la mort de son nomma pas non plus en le réfutant. 11 parait
Fils? Si saint Paul s'exprime ainsi, c'est qu'il qu'André avait écrit au nom des Orientaux ;

entendait que le Fils de Dieu avait soufiert car saint Cyrille se les oppose toujours en
pour nous dans sa chair. En disant, comme général. Nous n'avons rien de lui ni d'André
le voulait Nestorius que nous avons été ré- , de Samosate sur le second, le cinquième et
conciliés par la mort du Dieu-Verbe il eût , le sixième anathématisme; il n'y a pas
parlé imprudemment; car, dans tout ce qui néanmoins apparence qu'ils n'aient point été
regarde l'économie du mystère de riiicarna- attaqués et défendus, particulièrement le se-
tion il faut toujours supposer l'union'des
, cond, où l'on dit anathème à ceux qui ne con-
deux natures en une personne. » C'est par fessent pas que le Verbe est uni à la chair
ce principe que saint Cyrille répond aux au- personnellement et quavec sa chair il fait
,

tres de Nestorius. Il condamne


subtilités un seul Christ ,
qui est Dieu et homme tout
comme lui ceux qui enseignaient que, par' ensemble. De la manière dont André de Sa-
cette union il s'était fait un mélange des
, mosate attaque les autres anathémalismes ,

deux natures la divinité n'étant susceptible


, ily a heu de croire qu'il ne les prenait pas
d'aucun changement et tout ce qui paraît , dans le sens que saint Cyrille les avait com-
en marquer devant se rapporter à la nature posés, puisqu'ils soutiennent ordinairement
humaine. C'est donc en tant qu'homme que tous les deux la même chose, et quils ne
Jésus -Christ a soufiert et qu'il a dit à son ditfèrcnt que dans
les expressions. Saint Cy-
Père Pourquoi m'avez-vous abandonné? ^Um
: rille exemple, dans le premier
avait dit, par
c'est comme Dieu qu'il a vaincu la mort et anathématisme, que la sainte Viei'ge est Mère
ressuscité le corps mis à mort par les Juifs. de Dieu, puisqu'elle a engendré selon la
Dieu Père a rendu témoignage à Jésus-
le chair le Verbe de Dieu fait chair. André de
Christ qu'il était son Fils par nature et selon Samosate y reprend deux choses la pre- :

la vérité; l'eau et le sang qui découlèrent du mière que si la sainte Vierge a engendré
,

côté de Jésus-Christ, et l'esprit qu'il rendit en selon la chair, elle n'a donc pas engendré
mourant, rendirent témoignage à son huma- comme Vierge et d'une manière convenable
nité. à Dieu la seconde, qu'en disant que le Verbe
;

de Dieu a été fait chair, il semble avoir


§ VII.
avancé que le Verbe a été changé et con-
Des écrits pour la défense des douze Anathé- verti en chair. Que répond à cela saint Cy-
matismes. rille? Il dit avec l'apôtre saint Jean, que ce
qui est né de la chair est chair, et que la
{. Saint Cyrille étant àEphèse, en 431, fut Vierge étant chair, a engendré selon la chair :

prié par les Pères du concile auquel il pré- (( ce qui, ajoute-t-il, n'ôte rien à l'admirable
sidait, de donner des éclaircissements sur naissance de Jésus -Christ, ni à l'opération
ses douze Anatliématismes, auxquels plu- par laquelle le Saint-Esprit a formé cette
sieurs personnes trouvaient à redire soit , chair dans le sein de la Vierge. » Il justifie
qu'elles ne les entendissent pas, soit qu'elles l'autre expression en montrant que le même
fussent du nombre de ceux qui prenaient le Apôtre l'a employée au commencement de
parti de Nestorius attaqué ouvertement dans son Evangile, en disant Le Verbe a été fait
:

ces douze analhèmes. Ce Père satisfit à ce chair. Il rapporte ensuite quelques passages
qu'on demandait de lui et fit voir qu'il n'y , de saint Pierre d'Alexandrie de saint Atha- ,

avait rien enseigné que de conforme à la foi nase et de saint Amphiloque, qui ont ensei-
. ,

310 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


gné une doctrine semblable à la sienne re- ,
concile de Chalcédoine. On les lit dans les
connaissant que le Verbe a été fait chair, qu'il remarques de Théodoret sur le dixième ana-
*

est né selon la chair sans aucune confusion thémalisme où il dit que « le Verbe a pris
,

ni changement. la nature humaine et l'a établie au-dessus

3. Les termes méprisants dont saint Cyrille des pontifes ordinaires ,» façons de parler

se sert, en parlant de Nestorius, dans l'écrit que saint Cyrille dit approcher de celles de
contre André de Samosate, font voir que c'é- Nestorius. Théodoret dit toutefois sur le pre-

tait après sa condamnation dans le


concile mier anathémalisme, qu'il reconnaît la sainte
d'Ephèse, et ainsi après le 23 juin de l'an 431 Vierge pour Mère de Dieu ; en sorte qu'on
Jean d'Antioche qui avait chargé André de
,
peut dire, comme d'André de Samosate 2,
Samosate de réfuter les anathématismes de que si saint Cyrille et Théodoret différaient
saint Cyrille , en donna aussi commission à dans les expressions, ils avaient la même foi
Théodoret, évêque de Cyr. Celui-ci s'en ac- et la même doctrine. Libérât ^ met la réponse

quitta avec encore plus d'aigreur que n'avait de saint C^Tille après la réconciliation avec
Pag. 202
fait André mais en témoignant douter que
, les Orientaux. Cela peut être; mais il traite

saint Cyrille fût auteur des Anathématismes Théodoret d'une manière à ne nous point
qu'on lisait sous son nom. C'est ce que nous laisser douter qu'ils ne fussent mal ensem-
voyons dans la lettre que Théodoret joignit ble lorsqu'il l'écrivit. Aussi la réunion de
à son écrit en l'envoyant à Jean d'Antioche. saint Cyrille avec Jean d'Antioche se fit en
Il y dit qu'ils paraissent être plutôt de quel- 433, et Théodoret ne se réunit que l'année
que ennemi de la vérité, qui aurait voulu par suivante sans approuver même les douze
,

\h allumer de plus en plus le feu de la divi- Anathématismes. Ce que dit saint Cyrille pour
sion dans l'Eglise. Il accuse l'auteur des Ana- en soutenir l'orthodoxie contre l'évêque de
thématismes, d'hérésie, de blasphèmes, et de Cyr, n'a rien qui ne se trouve dans ses au-
renouveler la doctrine impie d'Apollinaire, tres ouvrages. Ce sont les mêmes preuves
se flattant, de son côté, de n'en suivre point tournées différemment.
d'autre que celle de l'Evangile, des Apôtres 4. Saint Cyrille eut encore à justifier sa
et des saints Pères. Evopéius, évêque de Pto- conduite à l'égard des deux lettres différentes
lémaïde dans la Pentapole, envoya à S.Cyrille 011 traités qu'il avait adressés séparément,
ce second écrit contre ses Anathématismes. l'un à l'impératrice Eudoxie l'autre à sa
,

Ce Père l'en remercia par une lettre très-obli- sœur Pulclîérie. Quelques-uns de ses enne-
geante, où il témoigne qu'après avoir lu cet mis, et peut -être Nestorius lui-même, firent
écrit, il avait remercié Dieu de ce qu'il lui avait entendre à Théodose qu'il n'avait p\i écrire
fait la grâce de soufl'rir quelque chose pour la séparément aux princesses, qu'en présumant
défense de la vérité, et qu'il l'avait en même qu'il y avait de la division dans la famille im-

temps prié avec le Psalmiste, de le défendre périale ^ ou dans le dessein d'y en former.
,

des langues mauvaises ,et trompeuses. Car (( Ce prince aigri en fit des reproches à saint
je vois, dit-il que l'on me charge de calom-
,
Cyrille dans la lettre qu'il lui écrivit en par-

nies dans chaque chapitre de cet ouvrage. » ticulier pour l'inviter au concile d'Ephèse

Il loue dans cet auteur la facihté de l'expres- l'accusant en outre d'être l'auteur des trou-
sion, et convient même qu'il est instruit dans bles de l'Eglise. Il ajoutait toutefois qu'il lui
les divines Ecritures: mais il soutient qu'il pardonnait, et l'exhortait à concourir dans ce
n'a pas pris le sens de ses Anathématismes. concile à la tranquillité et au rétabhssement
Craignant donc qu'on ne prît son silence pour de la paix, sous peine d'être pour toujours
une marque de faiblesse, il fit aussi une ré- privé de son amitié. Cette lettre était du même
ponse à cet écrit. Comme Théodoret l'avait temps que celle qui fut adressée à tous les
avoué en y mettant son nom, saint Cyrille le évêques pour les appeler au concile, c'est-à-
combat nommément dans sa réponse où il ,
dire le 19 novembre de l'an 430. Saint Cy-

insère comme dans la précédente le texte ,


rille n'y répondit que sur la fin de l'année
,

entier de son adversaire. Il y reprend plu- suivante 431, par une lettre qui est intitulée
sieurs expressions qui sont en effet peu cor- Apologétique. Il y proteste qu'il ne lui est ja-
rectes, et qui furent désapprouvées dans le mais venu en pensée de fomenter le trouble

> Tom. III Concil., pag. 930 et 935, et apud Cyrill., 2 Ibid., pag. 894, et apud Cyrill., pag. 204.
pag. 230. 3 Libérât., cap. ix. — * Tom. III Concil., pag. 433.
[m ET v^ siÈCLFS.] CHAPITRE XX. SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 311
ni la division dans la famille impériale; que convient aux autres de lui offrir des cou-
s'il a écrit séparément à l'empereur et aux ronnes et d'autres présents usités dans les
princesses , ce n'a été que pour remplir les triomphes des rois mais que ceux qui sont
;

devoirs d'un évêque à qui il appartient de obligés par leur état de maintenir le culte
conBrmer dans la foi de Jésus-Christ ceux divin, doivent lui otiVir des livres qui tendent
qui l'ont embrassée. Il rejette sur les erreurs à la gloire de Dieu. Il remarque que JuUen,
de Nestorius et sur les troubles qu'elles avaient qui avait reçu le sacré baptême dans l'E-
excités dans les Eglises, la nécessité où il s'é- glise, et qui avait été instruit des divines
tait trouvé de les combattre, et d'écrire à Ecritures, en sortit corrompu par l'habitude
l'empereur même pour l'engager à secourir qu'il avait contiactée avec les gentils d'où :

ces Eglises dans ce temps de trouble. Il fait il prend occasion de conseiller à ceux qui
en peu de mots le récit de ce qui s'était passé veulent conserver le dépôt de la vraie foi, de
à l'égard de Nestorius tant avant le concile , s'abstenir de toute conversation avec ceux
d'Ephèse que pendant sa tenue, racontant qui sont imbus des superstitions païennes.
aussi de quelle manière Jean d'Antioche et Nous n'avons des écrits de Julien contre la
les autres Orientaux avaient pris le parti de religion chrétienne, que ce que saint Cyrille
ce novateur; ce qu'il avait fait lui-même pour eu a inséré dans sa réponse. Il les avait com-
les empêcher de soutenir une si mauvaise posés pendant le voyage qu'il entreprit pour
cause, et il finit son Apologie en rapportant faire la guerre aux Perses mais on ne doute ;

comment le moine Victor, accusé d'avoir pu- pas que Maxime et les autres philosophes
blié contre lui des choses trcs-fûcheuses, était qui l'accompagnaient dans cette expédition,
venu à Epbèse dans le temps que le concile n'aient mis la main à cet ouvrage et qu'ils ,

s'y tenait, et avait protesté les mains élevées n'y aient entrer les plus fortes objections
fait

au ciel et en jurant par le saint baptême et contre le christianisme, pour les faire valoir
les vénérables mystères de Jésus -Christ, sous le nom de ce prince. On y trouve en ,

qu'il n'avait rien fait de ce dont on l'accu- effet, la plupart de celles qu'Origène a ré-
sait. futées dans ses livres coH^;"e Celse, et Eusèbe
dans la Préparation évangélique. Julien avait,
§ VIII.
comme le remarque saint Cyrille, divisé son
Des dix livres contre Julien l'Apostat. ouvrage en mais ce Père n'en
trois livres;
a rapporté et réfuté que premier. Les deux le

l. Saint Cyrille avait sans doute regagné autres sont restés sans réponse et ne sont ,

les bonnes grâces de Théodose , lorsqu'il pas même venus jusqu'à nous. Ce premier
écrivit ses dix livres contre Julien, puisqu'il livre de Julien était, comme le dit le même
les luiadressa; on doit croire encore que ce Père ^, composé de pensées confuses entas-
fut après sa réconciliation avec les Orientaux, sées sans aucun ordre comme il y répétait :

c'est-à-dire après l'an 432; car il les envoya souvent les mêmes choses au commence-
à Jean d'.\ntioche ', en le priant de les mon- ment au milieu et à la fin saint Cyrille fut
, ,

trer à ceux qu'il croyait les plus habiles dans obligé de rassembler en un même lieu ce
ces provinces. Les trois livres que Julien qui regardait la même matière, et de mettre
avait composés contre les saints Evangiles et tout ce livre dans un autx^e ordre; ce Père
le culte respectable des chrétiens, en avaient ne fait aucunes remarques sur les deux au-
ébranlé plusieurs , et fait un tort considéra- tres livres de Julien. Ce qui est une preuve
ble à la foi. Néanmoins ces livres étaient jus- qu'il ne les a ni rapportés ni réfutés. Ce qui
que-là demeurés sans réplique. Saint Cy- le prouve encore mieux c'est qu'il y a des
,

rille en entreprit une à la prière de beau- endroits où Julien promet de traiter certaines
coup de personnes, et pour qu'on ne lui re- choses dans son second livre que nous ne ,

prochât point d'avoir mal pris le sens de cet trouvons point dans ce que saint Cyrille a
apostat, il rapporte ordinairement mot à mot rapporté de lui. Il dit, par exemple, qu'il
ses propres termes, pour les réfuter ensuite, traiterait dans la suite des prodiges attri-
sans toutefois s'astreindre à les mettre tous -. bués à Jésus-Christ, et qu'il en montrerait la
Ildit, dans son épitre à l'empereur^ qu'il fausseté; qu'il prouverait aussi que les Evan-

1 Theod., Epist. 83, p£Uî. 9G0. 3 Cyrill., lib. II contr. Julian., pag. 38.
* Cyrill., lib. U coulr. Julian., pag. 38.
312 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
giles ne sont point véritables. Rien de tout croire comme vérité des fables prodigieuses,
cela ne se lit dans saint Cyrille. leur demande pourquoi ils ont préféré la
2. Ce Père se propose dans le premier li- doctrine des Hébreux à celle des Grecs, et
vre, de montrer que Moïse est plus ancien pourquoi, ne s'en tenant pas à celle des Hé-
que les législateurs grecs, que ce qu'il a en- breux, ils ont suivi un chemin particulier,
seigné touchant la Divinité, et raconté de la prenant le plus mauvais des uns et des au-
création de l'univers, est vrai; que ses lois tres : des Hébreux, le mépris des dieux; des
touchant la piété et la justice, sont admira- Grecs, le mépris des cérémonies, c'est-à-dire

bles, et que tout ce que les auteurs grecs ont des distinctions de viandes et des purifica-
écrit sur tous ces points, ils l'ont puisédans tions? A la première de ces deux questions,
les livres de ce prophète, en y mêlant ce saint Cyrille répond que la vraie cause pour
qu'ils avaient inventé de fabuleux. 11 donne laquelle les chrétiens ont préféré la doctrine
im précis de l'histoire du déluge, et montre des Hébreux à celle des Grecs, est que ceux-ci
qu'elle a été imitée par Alexandre Poh'his- ont, de l'aveu de Julien, inventé les fables
tor, comme Abj^dénus a imité ce que nous incroyables et monstrueuses de leurs dieux,
lisons de la construction de la tour de Babel. en enseignant que Saturne avait mangé ses
Venant ensuite à Moïse, il fait voir que Pro- propres fils, et les avait vomis ensuite; que

mélhée et Epiraéthée, que la fable dit avoir Jupiter avait commis un inceste avec sa pro-
été fils de Japbet, n'ont commencé d'être que pre mère, qu'il s'était marié ensuite avec la
la septième année de Moïse que Cécrops, qui
; fille qui était née de celte conjonction illi-

a le premier établi le culte des dieux, n'a cite; qu'il n'y avait rien de semblable dans
régné à Athènes que la trente -cinquième la doctrine des Hébreux, et rien dont on ne
année de ce patriarche; passé
qu'il s'est pût rendre une raison probable ;
que Moïse
quatre cent dix ans depuis sa naissance jus- et avec lui les prophètes et les apôtres ne
qu'à la guerre de Troie. Ce Père parcourt reconnaissent et n'adorenl qu'un seul Dieu;
tous les événements de l'histoire profane, et qu'ils nous exhortent à en faire de même,
montre qu'ils sont postérieurs à Moïse; que en nous prescrivant d'ailleurs un genre de
Selon, le législateur d'Athènes, et Platon ont vie pur et admirable. Comme Julien ajoutait
voyagé en Egypte pour y acquérir de la que l'histoire de la création qui porte le nom
science et se faire une réputation au-dessus de Moïse, ne contenait rien cle vrai, qu'elle
des autres sages de la Grèce; qu'ils ont ad- était remplie de puérilités, et qu'il préférait
miré ses écrits, et qu'il a été connu de ceux ce que les sages des Grecs ont dit sur cette
qui ont composé les histoires des Grecs. Saint matière, saint Cyrille en fait juge le lecteur,
Cyrille vient ensuite à ce qu'on lit dans les en rapportant d'un côté ce qu'on lit dans la
écrits de Moïse touchant la nature de Dieu Genèse touchant la création de l'univers, et
et la création du monde; et après avoir com- de l'autre, ce qu'en ont dit Pythagore, Tha-
paré ce que les écrivains païens ont dit de ïes, Platon et les autres écrivains grecs dont
l'un et de Tautre, avec ce qu'en croyaient Julien était l'admirateur. Il insiste particu-
les Hébreux, il fait voir que les païens s'ex- lièrement sur la manière dont l'homme a été
primant toujours d'une manière uniforme formé, suivant le récit de Moïse, et soutient
sur ces deux points, et étant toujours con- qu'on ne peut rien de mieux que de dire
traires entreeux sur d'autres matières, c'est que l'homme a été formé à la ressemblance
une preuve certaine qu'ils ont puisé dans les de Dieu. Il se moque de Julien qui, pour
écrits des Hébreux, ce qu'ils ont enseigné prouver que le ciel est dieu, alléguait ce qui
sur ces deux articles, dont la connaissance se passe ordinairement parmi les hommes,
ne peut s'acquérir par les seules forces de la qui, soit dans leurs prières, soit dans cer-
raison, si elle n'est éclairée et guidée par tains événements de la vie, lèvent leurs
des lumières supérieures. mains au ciel pour demander secours.
3. Juhen, après avoir dit dans le commen- 4. Ce qui est dit dans la Genèse de la forma-
denxipmc li- IroisièmB
vre, ptg. 37. cement de son ouvrage, qu'il avait quitté la tion de la femme, de la conversation qu'elle Tre, pag.

secte des galiléens, c'est-à-dire des chrétiens, eut avec le serpent, de la défense faite à nos
parce qu'elle est ime invention humaine, premiers parents de manger du fruit de l'ar-
qu'elle n'a rien de divin, et qu'elle est com- bre situé au milieu du paradis terrestre, pa-
posée malicieusement pour abuser de la par- raissait entièrement fabuleux à Julien. Mais
tie crédule et puérile de l'âme, en faisant saint Cyrille le renvoie aux plus sages philo-
fiv ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT C\RILLE D'ALEXANDRIE. 3i3

soplies des Grecs, qui n'ont pas fait difficulté et que de là venait qu'on remarquait dans
d'admettre ce qu'Hésiode a écrit de l'origine les différents peuples, différentes passions et
des dieux, beaucoup moins vraisemblable différentes qualités, 'suivant que ces dieux
que celle que Moïse attribue à la première les leur inspiraient. Saint Cyrille n'a pas de
femme. Qui croira, en eftet, que Cœus et peine à faire sentir le ridicule d'une sembla-
Hyppérion soient nés du ciel et de la terre, ble imagination. Elle déshonore la majesté
comme le dit cet auteur? Il excuse la crédu- d'un Dieu qu'on ne peut supposer avoir be-
lité d'F.ve sur sa simplicité, disant qu'elle soin d'un secours étranger pour le gouver-
croyait apparemment que le serpent et les nement de l'univers, sans l'accuser d'infir-
autres animaux avaient reçn le don de parler mité de faiblesse; qui dit Dieu, dit un être
et
comme les liommcs. A quoi il ajoute que le parfait de sa nature, la source de tout bien,
serpent avait pu lui parler ainsi, par l'opéra- et qui n'a besoin de personne. Dire que les
tiondu démon; enfin, qu'on lit dans Por- Gaulois et les Germains sont hardis, les
pbyre que Pylbagore traversant le fleuve Grecs et les Romains, polis et civils; les
Caucase, ce fleuve le salua d'une voix assez Egyptiens, adroits; les Scythes, prudents,
baute pour être entendu de tous ceux qui mais meurtriers; les Chaldéens, impudiques,
accompagnaient ce pbilosoplie. Il dit, sur la parce qu'ils sont faits ainsi par les dieux qui
défense faite à Adam
Eve de manger d'unet les gouvernent, c'est déclarer inutiles les le-
certain fruit qu'elle ne renfermait aucun
,
çons des pères aux enfants, les soins des
motif d'envie de la part de Dieu; mais que maîtres envers leurs disciples, et les lois qui
Dieu permit qu'ils la transgressassent, pour prescrivent le bien et défendent le mal. Ce
mettre en exécution le mystère de l'Incarna- n'est pas ainsi qu'en ont jugé les plus habi-
tion qui devait s'accomplir dans les derniers les d'entie les paysans mêmes, entr'autres
temps, el relever l'bomrae de sa cbute. Ju- Porphyre, qui reconnaît que ni le hasard ni
lien reprocbait à Moïse de n'avoir point parlé les mauvais génies ne sont pas assez puis-
de la création des anges, et de n'avoir rien sants pour détourner de la vertu celui qui
dit d'où l'on put inférer qu'ils ont été faits l'aime et la pratique sincèrement; c'est donc
ou qu'ils sont incréés. A cela saint Cyrille en vain que les païens leur offraient des sa-
répond qu'il n'y a aucun doute qu'ils ne crifices pour les apaiser. Le saint docteur
soient créés, puisqu'il les appelle ministres, prouve encore contre Julien, que l'hoinme
et qu'il les déclare assujettis comme néces- n'est point nécessité au bien ou au mal par
sairement à volonté d'un antre. Cet apos-
la sa nature ni par les dieux qui le gouvernent ;

tat chicanait encore sur ce que Moïse nous qu'autrement il faudrait dire de tous les Ro-
fait envisager Dieu que comme le Dieu des mains, qu'ils sont tous bons ou tous mau-
Hébreux, et non comme créateur de tout vais :ce qui est démenti par l'expérience,
l'univers. Saint Cyrille réfute cette accusa- qui nous a;)prend aussi que ce n'est point
tion par
propres paroles de Moïse, qui
les par la contiainte des lois que nous sommes
commence de la Genèse en disant
le livre : bons ou mauvais, mais parce que nous le
Au commencement Dieu fît le ciel et la terre : voulons librement. Il explique en cette ma-
paroles qui marquent clairement, que ce lé- nière ce qui est dit de la construction de la
gislateur fait Dieu auteur de l'univers. Il fait tour de Babel « Dieu n'a pas confondu les
:

voir qu'avant môme la sortie d'Egypte, Dieu langues de ceux qui avaient entrepris de la
prenait soin des gentils et des Hébreux, bâtir, parce qu'il en craignait les suites,
comme on dans Abraham, qui est ap-
le voit mais pour détourner les hommes d'un pro-
pelé les prémices des nations; qu'avant le jet aussi vain que celui-là. Il n'est pas écrit
déluge on ne trouve aucun vestige d'idolâ- non plus que leur dessein fut d'élever cette
trie; que si Jésus-Christ a été envoyé parti- tour jusqu'au ciel, la chose étant impossible.
culièrement pour le salut du peuple d'Israël, L'expression de l'Ecriture ne signifie autre p,,!.,
*•'•*• a aussi été l'espérance des nations, ainsi
il chose qu'une élévation considérable; le Psal-
que témoignent divers prophètes.
le miste s'est exprimé à peu près de même,
Ijse do
convenait que le Créateur est le
o. Julien de ceux qui voyagent sur mer
lorsqu'il a dit
éme li-
Mi.
père commun et le roi de tous les hommes; dans des vaisseaux qu'ils montent jusqu'au
:
t-
mais il voulait que, content d'avoir créé l'uni- ciel, et qu'ils descendent jusque dans les
vers, U en eût laissé le gouvernement à di- abimes. « Mais soit, ajoute ce Père, que ceux
vers dieux à Mars, à Minerve, à Mercure;
: qui avaient commencé la tour de Babel, aient
,

314 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


cru par erreur pouvoir l'élever jusqu'au ciel, plus récents. Il convenait aussi que la na-
comme la fable Je dit de Saloïdes, qu'eu ré- ture de rhomme n'était point capable de con-
sulte-t-il contre Dieu? C'est à Julien à mon- naître par elle-même ce qui est utile; «donc,
trer que Dieu a eu peur de leur entreprise, conclut saint Cyrille, tous les hommes avaient
et que cela est écrit dans les livres de Moïse. besoin d'être instruits, et conséquemment la
11 que ce législateur dit que Dieu
est vrai loi de Moïse doit être regardée comme d'une
descendit; mais on sait que c'est une façon grande utilité. » Il ajoute que Julien, au lieu
de parler impropre, et qu'il ne l'a employée de mépriser cette loi, parce qu'elle était con-
que pour s'accommoder à la faiblesse de nue et observée partout, devait au contraire
notre entendement, que Dieu est partout, l'estimer comme étant approuvée générale-
et que, soit que l'on monte dans le ciel, il y ment. On lit dans l'Ecriture <jue Dieu est ja-
xcMii.
^gj^^ comme on le trouve aussi dans l'enfej', loux. Julien en prenait occasion de blâmer
si l'on y descend. » l'écrivain sacré, qui attribuait à Dieu une
Saint Cyrille fait voir que, lorsque Dieu faiblesse qui ne convient qu'à l'homme. Saint
dit : Descendons, et confondons leurs langues, Cyrille répond que les théologiens n'ayant
iln'adresse point son discours à d'autres point de termes pour expliquer ce qui se
dieux semblables ù lui et égaux en autorité, passe eu Dieu lorsque nous l'offensons, ont
comme le prétendait Julien, mais au Fils et recours aux expressions dont nous nous ser-
au Saint-Esprit qui ne font qu'une même na- vons nous-mêmes pour marquer nos pas-
ture, une même essence, un même Dieu en sions; qu'elles ne signifient pas la même
trois personnes; que Moïse, qui était instruit chose dans Dieu, et que celle de jaloux ne
du mystère de en parlant
la Trinité, se sert, veut dire autre chose en lui, sinon qu'il n'a
de Dieu, tantôt du nombre singulier, et tan- rien tant en horreur que les péchés de son
tôt du pluriel, comme ou le voit au commen- peuple. « Si Dieu défend d'en adorer d'autres,
Esod. xjtxiii.
cernent de la Genèse, où Dieu dit Faisons :
ajoutait Julien, pourquoi adorez-vous son
l'homme à noù'e image et ressemblance. Car Fils, que vous convenez être un fils supposé ? »
Dieu, pour former l'homme, n'a pas eu be- (( Nous n'en convenons point, réplique saint
soin du secours de quelque autre Dieu. Il Cyrille au contraire, nous confessons qu'il
:

avoue qu'après que les Israélites eurent fa- est son fils par nature; qu'il procède de lui,
briqué le veau d'or. Dieu, offensé de cette étant son propre Verbe, et que le culte d'a-
injure, leur donna un ange pour les con- doration lui est dû, parce qu'il est véritable-
duire, comme s'il n'eût plus voulu lui-même ment Dieu. » Il relève avec force l'impiété

marcher avec eux mais il montre par la


: de Julien, qui mettait en parallèle le Créa-
suite, que Dieu n'en agit ainsi que pour pu- teur de l'univers avec Solon et Lycurgue et ;

nir ce peuple, qui ne fut pas pour cela sou- montre que ce qui rend l'homme sage et
mis à cet ange en cessant de l'être à Dieu heureux, n'est pas la connaissance des beaux
puisque Moïse, pour obtenir le pardon aux arts, mais celle de Dieu et la pratique de la
Israélites, ne s'adressa point à l'ange mais à vertu. "*

Dieu. prouve une seconde fois contre Ju-


Il 7. Ensuite, pour lui faire rabattre de l'es- Anii!;d
sixième II
lien qu'il y a une providence qui gouverne time qu'il avait pour Platon, Socrate et au-
tout, et que si les hommes sont bons ou tres anciens philosophes, qu'il préférait A
mauvais, ils n'y sont contraints ni par leur Moïse et aux autres prophètes, il rapporte
nature, ni par aucune divinité particulière d'après Porphyre, auteur non suspect, les
déléguée pour les gouverner, mais parce vices honteux de Socrate, et les emporte-
qu'ils le veulent ainsi. ments de Platon, auxquels il oppose la dou-
, , 6. Julien attaquait
^
aussi les 'préceptes du '-
ceur de Moïse et ses autres vertus. Il oppose
Analyse an
cinquième li-
décalosuc,
O ct soutcnalt qu'étant
^
connus et aussi la modération des rois d'Israël, qui,
vre, pag. 151. '

observés de toutes les nations, on ne devait attachés aux lois de Moïse, se sont contentés
point en faire honneur à Moïse. Sur quoi de leurs Etats sans empiéter sur leurs voi-
saint Cyrille demande de qui les nations les sins, à Minos, qui, quoique instruit de Jupi-

avaient appris ; ou s'ils connaissa'ient par les ter même, ainsi que le disait Julien, avait
lumières de la nature ce qui était bien ou envahi les iles et réduit en servitude des
mal. Julien ne pouvait assigner un législa- peuples libres pour contenter son ambition
teur plus ancien que Moïse, Solon et Lycur- et sa passion de régner. « Il y a environ trois

gue qui ont donné des lois aux Grecs, étant cents ans, disait Juhen, que Jésus est re-
[IV» ET V» SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — S.\INT CYRILLE D'.\LEXÂNDRIE. 315

nommé pour avoir persuadé quelques mira- de ceux qui ont bien vécu et dont la mort à
digne de mémoire
cles, sans avoir rien fail été glorieuse? En honorant les tombeaux des

pendant le temps de sa vie, si ce n'est que martyrs, c'est une espèce de récompense
l'on compte pour de grandes actions, d'avoir que nous donnons à leurs vertus. » Il dit
guéri les boiteux et les aveugles, et conjuré qu'au lieu de se rendre coupables d'homi-
les possédés dans les bourgades de Rethsaïde cide, les chrétiens étaient mis à mort par les

et de Bétlianie. » Cet apostat reconnaissait païens, quoiqu'ils ne fussent convaincus


donc la vérité de ces faits. Saint Cyrille lui d'aucun crime, et par la seule raison qu'ils
reproche de chercher à obscurcir des mira- aiment leur Dieu qu'ils lui gardent une foi
,

cles qui auraient dû au contraire faire le su- entière. « Je ne sais, disait Julien, pourquoi,

jet de son admiration. « Car de quelle autre au lieu d'obéir à nos dieux, vous êtes passés
manière, dit-il, Jésus-Christ pouvait-il prou- parmi les juifs? Serait-ce parce que les dieux
ver sa divinité que par ces faits merveilleux.» ont donné l'empire aux Romains, une liberté
Il en ajoute d'autres que Julien avait passés de peu de temps aux Juifs, et ensuite une
sous silence, comme la résurrection de La- captivité perpétuelle chez les autresnations ? »

zare enterré depuis plusieurs jours, et déjà Nous avons pris ce parti, répond saint Cy-
«

corrompu. Il montre que cet apostat n'avait rille, parce que nous trouvons chez les juifs,

aucune raison d'appeler misérables les chré- ou plutôt dans les divines Ecritures dont ils
tiens, parce qu'ils avaient coutume de mar- sont dépositaires, la vraie idée que l'on doit
quer leur front et leurs maisons du signe de avoir de Dieu, des lois, et une discipline
la croix, puisque ce signe leur rappelait en propre à former à la vertu, des promesses
mémoire le bois de la croix sur lequel avait avantageuses, une solide espérance de la vie
été consommé le sacrifice de leur rédemp- éternelle, la rémission des péchés, les dons

tion. Comme Julien avouait que les fausses du Saint-Esprit, et la grâce d'adoption, qui
divinités avaient cessé de rendre des oracles, sui'passent tout ce que l'on peut dire; au lieu
il fait voir que cela est arrivé depuis la ve- que nous ne trouvons chez les gentils que
nue de Jésus-Christ, qui, par sa puissance, des fables dignes de mépris et des faits ca-
a détruit la tyrannie des démons; que c'est pables de porter au libertinage. Voilà pour-
par une semblable raison, qu'il n'y a plus quoi nous avons renoncé à ces dieux qui ne
de prophéties parmi Hébreux, parce que
les le sont que dans l'imagination des hommes, n

Jésus-Christ est la fin de la loi et des pro- Julien objectait que saint Jean l'Evangéliste
phètes; mais que ce don n'a pas pour cela était le premier qui eût parlé de la divinité
été anéanti. Dieu communiquant encore au- de Jésus-Christ, a Vous êtes si malheureux,
jourd'hui son esprit, et découvrant les cho- dit-il aux chrétiens, que vous ne vous en

ses à venir aux saintes âmes dans lesquelles êtes pas tenus à ce que les Apôtres vous
il veut bien habiter; que l'on voit encore des avaient enseigné; mais ceux qui ont suivi
hommes respectables par leurs vertus, chas- l'ont encore poussé à une plus grande im-
ser les démons et guérir diverses maladies. piété. Car ni Paul, ni Matthieu, ni Luc, ni
« Nous ne reconnaissons point pour Dieu un Marc n'ont osé dire que Jésus fût Dieu :

pur homme, ajoute ce Père, et nous n'ado- mais le bon homme Jean voyant que cette
rons pas celui qui n'est pas Dieu par sa na- maladie avait déjà gagné une grande multi-
ture, mais le Verbe même qui procède du tude en plusieurs villes de Grèce et d'Italie,
Père, par qui toutes choses ont été faites; apprenant aussi, comme je crois, que l'on
qui, dans le dessein de sauver le genre hu- révérait, quoiqu'en cachette, les sépulcres
main, s'est incarné et fait homme dans le de Pierre et de Paul, a osé l'avancer le pre-
sein de la Vierge. C'est là cet homme que mier; et ayant un peu parlé de Jean-Bap-
nous confessons être le Verbe de Dieu, que tiste, il revient au Verbe qu'il annonce, et
nous révérons comme Dieu. Mais nous ne dit Le Verbe a été fait chair et a habité parmi
:

rendons point un culte semblable aux saints nous. »


martyrs ce n'est qu'un culte d'atfection et
: A propose jusqu'à
cette objection *, qu'il
d'honneur nous ne les appelons pas dieux.'
: deux fois, répond que saint
saint Cyrille
Est-il absurde, ou plutôt n'est-il pas néces- Paul, dans son épître aux Romains, donne liom.
saire d'honorer des hommes recommandables plusieurs fois à Jésus-Christ le nom de Dieu; 9 etll.
I Cur. Il

par des actions si éclatantes? Platon n'a-t-il


pas ordonné d'adorer même les tombeaux 1 Lib. VI, pag. 213, et lib. X, pag. 327.
316 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
que les disciples le voyant marclier sur les par qui nous avons connu le Sauveur du
eaux, dirent, étonnés du miracle Il est vrai- : genre humain. Quant aux aliments, nous
ment Fils de Dieu; qu'il est appelé Dieu plus n'en connaissons point d'impurs; et s'il y en
d'une dans saint Mallhieu, que saint
l'ois a parmi nous qui, par le désir d'une plus
Marc dès les premiers mois
le qualifie ainsi grande perfection, s'abstiennent des choses
de son évangile; et que saint Luc a en très-utiles à la vie, contents de se nourrir
plusieurs endroits marqué clairement sa di- de pain, d'eau et de légumes ou d'herbages,
vinité. ce n'est pas qu'ils désapprouvent l'usage des
8. Julien portait le défi aux chrétiens de autres aliments ce n'est que pour dompter
:

produire parmi les Hébreux un général com- leur chair et moi'tifier leurs passions. » Il dit

parable à Alexandre ou à César. Son but en à Julien que le baptême est institué pour
cela était d'élever ses faux dieux au-dessus guérir les maladies de l'âme et non celles du
du Dieu des Hébreux, en les faisant auteurs corps ;
qu'ainsi c'était à tort qu'il objectait
des victoires que ces deux conquérants que cette eau salutaire n'avait encore guéri
avaient remportées. Sur quoi saint Cyrille le ni lèpre, ni goutte, ni dyssenterie; qu'au reste
renvoie aux livres des Rois, où nous lisons ilest au pouvoir de Jésus-Christ de donner
que leDieu des Hébreux, à la prière du au baptême la vertu de guérir ces maladies
pieux roi Ezécliias, défit en une nuit cent du corps, comme l'aveugle-ué fut guéri dans
quatre-vingt mille hommes de l'armée des les eaux de Siloë, où il l'envoya pour recou-
Assyriens, des Mèdes et des Perses, comman- vrer la vue.
dée par Rapsacès. Il soutient que les beaux- 9. Selon saint Cyrille, ceux qui ont été justi- ADalvse da
huitième li-
arts ont été cultivés par les Hébreux comme fiés parla foi en Jésus-Christ, étant les vrais vre, pa». 251.

par les Grecs, et que, quelque habile méde- enfants de la promesse, sont aussi les seuls
cin qu'ait été Hippocrate, il n'a jamais res- et véritables enfants d'Abraham; ils n'en-
suscité de mort, ni guéri de lépreux comme seignent rien de contraire à la doctrine de
ont fait les chrétiens, non par la vertu des Moïse et des saints Apôtres; au contraire
remèdes terrestres, mais par le pouvoir que ils les révèrent comme leurs maîtres en ce
Dieu leur avait donné. Il prouve que la chute qui regarde la foi et les mœurs; ils ue
de Salomon ne doit point faire diminuer reconnaissent avec Moïse qu'un seul Dieu,
l'estime qu'on a toujours eue de ses écrits; regardant avec lui les dieux des nations
que Socrale n'avait pas moins que lui, été comme des démons; mais ce législateur
adonné aux femmes; que, bien que nous ayant reconnu en Dieu trois personnes, le
trouvions dans nos livres saints tout ce dont Père, le Verbe qui procède de lui de toute
nous avons besoin pour notre instruction, il éternité, c'est-à-dire son Fils adorable
ne laisse pas de nous être avantageux de comme lui, et le Saint-Esprit, les chrétiens
hre les écrits des gentils, afin d'être en état font profession d'une même foi. Le but

d'en combattre les erreurs. 11 se moque de Moïse dans ses écrits, est de faire connaî-
agréablement de Julien, qui se vantait d'a- comme ce Sauveur le té-
tre Jésus-Christ,
voir été guéri plusieurs fois par le dieu Es- moigne lui-même dans l'Evangile Si vous :

culape, et qui en prenait à témoin Jupiter. croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce que
Après quoi il répond à la seconde question '
c'est de moi qu'il a écrit. Julien soutenait que
que Julien faisait dès le commencement de les paroles de ce législateur Le Seigneur :

son premier livre « Pourquoi les chrétiens,


: votre Dieu vous fera naître un prophète d'entre
ne se tenant pas à la doctrine des Hébreux, vos /"mes, ne doivent point s'eutendre de ce-
avaient suivi un chemin particulier, prenant lui qui est né de Marie. « C'est à vous, dit

des Hébreux le mépris des dieux, et des Grecs saint Cyrille, à nous désigner le prophète de
le mépris des cérémonies, c'est-à-dire des dis- qui elles sont dites, si ce n'est pas de Jésus-
tinctions des viandes et des purifications. » Christ. » Il rapporte la suite des paroles de

((C'est par la loi et les prophètes, dit-il, que Moïse, et montre par un détail des miracles
nous avons été conduits à Jésus-Christ qui du Sauveur, qu'elles ont eu en lui leur ac-
en était la fin; c'est pourquoi nous révérons Qomplissement. Julien soutenait encore que Gènes. xUSt

encore aujourd'hui cette loi et les prophètes la prophétie de Jacob touchant le sceptre

qui nous ont appris à connaître la vérité, et qui ne devait pas sortir de la tribu de Juda
jusqu'à l'avénemenl du Messie, avait été ac-
1 Cyrill.j cotitr. Julian., lib. II, pag. 43. comphe dans le roi Ezéchias. Mais ce Père le
[iv ET Y« SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 317

convainc en cela de mensonge évident par la 10. Moïse, qui parle de plusieurs ûls de AniUse du
neuvit;ine ti-

suite de l'hisloire sainte, où nous lisons que Dieu, mais qui les nomme non pas des hom- vre, pag. 289.

Zorobabel, fils de Salatbiel, de la tribu de mes, mais des anges, aurait-il omis de nous
Juda, régnait depuis la captivité de Baby- faire connaître le Verbe ou le Fils de Dieu,
lone, longtemps après la mort d'Ezéchias. 11 sil l'avait connu lui-même? Sur cela saint
ajoute qu'il y eut des princes de Juda sur le Cyrille rapporte plusieurs endroits des livres
trône successivement jusqu'au règne d'Hé- de Moïse, où il parle du
Fils de Dieu, en lui
rode, juif de naissance par sa mère, mais né donnant tantôt le nom
de Verbe et tantôt le
d'un père étranger; et qu'alors naquit Jésus- nom de Seigneur, en disant que le Seigneur
Cbrist, l'attente des nations, lorsque les prin- a parlé au nom du Seigneur. U y joint
ces de Juda cessèrent de régner. « Comment, un grand nombre d'autres passages de
demandait Julien, peut-on dire que Jésus l'Ancien et du Nouveau Testament qui ,

soit de la tribu de Juda, puisqu'il n'est pas prouvent l'existence et la divinité du Verbe
né de Josepb qui en était, mais du Saint-Es- Fils unique de Dieu. Il montre que ce qui est
prit? » La sainte Vierge et Josepb, son époux, ditdu bouc émissaire et de celui qui était
s'uDi. 36. étaient, répond saint Cyrille, de la tribu de immolé pour les péchés du peuple, a été ac-
Juda, comme en étaient Jessé et David » il : compli dans Jésus-Christ, dont ils étaient l'un
le prouve par la loi rapportée au livre des et l'autre la figure l'un, en ce que Jésus-
:

Nombres qui ordonnait que les mariages


,
Christ est mort pour nous selon la chair; et

entre les Israélites se feraient de deux per- l'autre,en ce qu'il a vaincu la mort par la
sonnes de la même tribu. « Soit, disait Julien, vertu de sa nature divine. Si les chrétiens
que Jésus-Christ ait été de la tribu de Juda, mangent de certains animaux que la même
iln'esl pas pour cela Dieu de Dieu, et toutes loi défendait aux juifs de manger, et s'ils
choses n'ont point été faites par lui. L'étoile s'abstenaient d'otlrir à Dieu le sang des ani-
qui devait sortir de Jacob, et l'homme naître maux et la graisse des victimes, comme fai-

d'Israël, s'entendent de David et de ses suc- saient les juifs, ce par mépris
n'est point
cesseurs, » Saint Cyrille montre d'abord par pour la loi de Moïse; mais instruits que cette
l'autoritéde l'Ecriture, que le Verbe est loi n'était que figurative, ils ont cessé d'of-

Dieu de Dieu; qu'il y a en Dieu plusieurs frir des victimes de cette nature, sachant

personnes et que les païens


, mêmes ,
que Dieu voulait qu'ils l'adorassent en esprit
tels que Platon ont reconnu en Dieu
,
et en vérité. Sur quoi saint Cyrille dit à Ju-

trois byj)ostases, sans admettre toutefois la lien que Porphyre, plus ancien que lui,
consubstanlialité dans ces trois hypostases. mais engagé dans les mêmes superstitions,
Puis, passant au mystère de l'Incarnation de trouvait mauvais que Ton sacrifiât aux dieux
ce Verbe, Fils de Dieu, il en donne la raison, la chair sanglante des animaux parce que
,

et en montre l'accomplissement, après avoir ces sortes de victimes ne convenaient qu'au


rapporté les prophéties qui l'avaientannoncé. démon. U ajoute qu'il n'est pas surprenant
Il que ce myslèi'e qui s'est accompli par
dit que la loi ait défendu aux Hébreux de man-
l'union du Verbe avec la nature humaine ger de certains animaux ou de certaines es-
dans le sein de la Vierge, avait été connu pèces de poissons, puisque la plupart de
d'Abraham, et que c'est pour cela que Jésus- ceux qui leur sont défendus, ou ne sont pas
36. Christ disait aux Juifs j\braham, votre libre,
: bons à manger, ou n'ont que très-peu de sa-
a désiré avec ardeur de voir mon jour : il l'a veur, ou qu'ils leur ont été défendus pour
vu, et il en a été comblé de joie. Il avoue que leur donner de l'éloignement de certains vi-
lamanière dont l'incarnation s'est faite, est ces dont ces animaux et ces poissons sont la
incompréhensible à la raison humaine : figure; car il y a des poissons qui demeurent
mais il soutient qu'on ne peut se refuser aux presque toujours dans le marais et le limon :

miracles par lesquels Jésus-Christ a prouvé en quoi ils sont la figure de ceux qui sont
sa divinité; qu'au reste, l'union de la divinité plongés dans la boue de l'intempérance et
avec la nature humaine, s'est faite de ma- des voluptés. Il fait voir encore qu'il n'y a
nière que aucune
la divinité n'en a soullerl qu'une loi, qui est éternelle; que c'est la
altération ni changement, comme le rayon même qui a été donnée aux Juifs, mais sous
du soleil n'en soutire aucun pour se répan- l'enveloppe des figures et des énigmes, au
dre sur un corps d'une nature moins pure lieu que les chrétiens l'ont dans toute sa vé-
que la sienne. rité; d'où il conclut que mal à propos Ju-
318 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
lien les accusait d'en avoir introduit nne d'autres d'une odeur plus agréable à Dieu,
nouvelle. Il justifie saint Pierre du reproche sur lesquels descendait, non un feu sensible
d'hypocrisie que lui faisait cet apostat, et pour consumer, mais l'Esprit même de
les
dit que si cet apôtre, après avoir mangé avec Dieu procédant du Père par le Fils. Si Dieu
les gentils, sesépara d'eux depuis l'arrivée reçut agréablement les présents d'Abel, et
de quelques juifs, il usa en cela d'une sage rejeta ceux de Caïn^ ce n'est pas, comme le
condescendance, pour être plus utile à ceux prétendait Julien, qu'il prenne plus de plai-
qui venaient à lui. sir dans les sacrifices d'animaux que dans

Analyse du Nous avous déjà remarqué que Julien


11. les fruits de la terre, Pythagore lui-même
dixtènie livre. -it ., '±ii' "il ^ ^
convenait que sanit Jean établissait dans son disant que les sacrifices d'animaux sont
pag.327.

évangile la divinité de Jésus-Cbrist, et qu'il odieux aux dieux, mais parce qu'Abel avait
y encore que le Verbe de Dieu s'est
disait choisi ce qu'il y avait de meilleur parmi ses
fait chair.Mais, rétractant aussitôt cet aveu troupeaux, et que Caïu n'avait pas fait ce
dont il prévoyait apparemment les consé- choix dans les fruits qu'il otïrit au Seigneur.
quences, il mettait cet évangéliste en contra- Il est vrai que les chrétiens ne se font point

diction avec lui-même, disant qu'après avoir circoncire à la manière des juifs, qu'ils n'ob-
avancé que Jésus-Christ avait été connu de servent ni le sabbat, ni l'immolation de l'a-
Jean-Baptiste il ajoutait quelques lignes
, gneau pascal, ni les azymes; mais ils ont été
joao.i.ic.
après : i\nl homme no. jamais vu Dieu : cest délivrés de toutes ces servitudes par la grâce
le Fils unique qui est dans le sein du Pèt^e qui du Saint-Esprit; les azimes qu'ils observent
l'a fait connaître. Saint Cyrille répond que consistent dans la pureté des mœurs; le vrai
cet apôtre dit avec vérité que nul homme Agneau pascal est Jésus-Christ qui est mort
n'a jamais vu Dieu, puisque Dieu n'est pas pour nous. Il justifie Abraham sur l'art des
visible aux yeux des hommes, mais qu'il augures, dont Julien voulait qu'il eût fait pro-
n'est pas pour cela tombé en contradiction fession pour deviner l'avenir, de même qu'E-
avec lui-même, lorsqu'il a dit du Verbe fait liézer, son intendant, et dit que si ce dernier
chair, qu'il avait été connu de Jean-Baptiste, étant allé en Mésopotamie chercher une
parce que le Verbe, Fils de Dieu fait homme, femme à Isaac, connut, en voyant Rébecca,
est visible à nos yeux. D'où vient que David, que c'était celle qui devait épouser le fils de
en prédisant le mystère de l'Incarnation, son maitre, il n'acquit cette connaissance
psai. xLix, 3. dit : Dieu viendra d'une manière sensible ; c'est que par la bonté de celui qui connait les
notre Dieu, et il ne se taira pas. Quant aux re- cœurs et qui sonde les reins, à qui il l'avait
proches que Julien faisait aux chrétiens d'ho- demandé par de ferventes prières. Il montre
norer les martyrs et de leur bâtir des tom- encore qu'il n'y eut aucune sorte de divina-
beaux, ce Père convient du fait, et prouve tion, lorsqu' Abraham ayant séparé en deux
par Homère que les païens mêmes célé- les victimes que Dieu lui avait ordonné d'im-
braient annuellement la mémoire de ceux moler, les oiseaux descendirent dessus que ;

qui s'étaient rendus recommandables parmi ce patriarche ne fit en cette rencontre que
eux par quelques grandes actions. Il ajoute ce qui était d'usage parmi les Chaldéens,
que Julien ne devait pas appeler morts les lorsqu'il s'agissait d'aûermir quelque al-
martyrs dont il est dit dans le livre de la Sa- liance, ou des serments; qu'au surplus, il se
sap. III, 2. gesse, qu'ils sont en paix, et que leur espérance comporta dans cette action de la façon que
est pleine d'immortalité; que l'histoire des Dieu lui avait commandé *.

Grecs fournit plusieurs exemples d'hommes


morts à qui ils ont rendu des honneurs di- § IX.
vins, et construit des temples au lieu de
Du livre contre les Anthropomorphites.
tombeaux. Saint Cyrille fait voir ensuite
que si les chrétiens ne mettaient plus sur les 1 . Le dernier ouvrage de saint Cyrille est A
occasion
autels de victimes sanglantes, parce que le celui qu'il composa contre les Anthropomor- ouvrage
écrit,
temps des figures était passé, ils en ofl'raient phites, c'est-à-dire contre ceux qui croyaient à Calot)
pag. 36;

Saint Jean Damascène, dans ses Parallèles, cite le


^ trouve reproduits dans le tome II Pairum Nov. \
Xll*,XV«, XVI", XVII' et XVIII« livre de saint Cyrille Biblioth., pag. 488-492. Le même cardinal rapporte,
contre Julien. Léonce et Jean, édités par le cardinal ibid., pag. 492, uu fragment du V« livre et deux du
Mal, citent des passages du II* au XIX* livre. On les Vll% qu'on ne litpas dans le texte imprimé. [L'édit.)
[iv^ ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 319

que Dieu avait une forme humaine. Il est propos de leurs mains, pour
qu'ils travaillent

précédé d'une lettre adressée ù Calosyrius, n'être pas à ch rge aux autres
et avoir de

qualitié évéque d'Arsinoé, le même qui as- quoi fournir h leurs propres besoins, de même
sista au faux concile d'Ephèse en 449, et en- qu'à ceux de leurs frères qui sont intirraes ;

suite à celui de Chalcédoine. Elle commence enlin, que si tous en usaient ainsi, qui les
ainsi « Quelques personnes étant venues
: nourrirait? D'où il conclut que l'application
chez nous du mont Calamon, je leur ai de- continuelle à la prière, n'est dans ces moi-
mandé comment vivaient les moines de ce nes qu'un prétexte d'oisivclé et de gourman-
lieu lu. Ils m'ont répondu qu'il y en avait dise. Il avertit Calosyrius de ne pas permet-
plusieurs qui se distinguaient dans les exer- tre que les catholiques s'approchassent delà
cices de piété mais que d'autres allaient et
: communion avec méléciens schismati-
les
venaient, troublant le repos de leurs frères ques, qui en Egypte, de
restaient encoie
par leur ignorance, et disant que, puisqu'on peur que, par ce commerce, ils ne partici-
lit dans l'Ecriture que l'homme est fait à passent à leur schisme et à leur apostasie;
l'image de Dieu, il faut croire que Dieu a il excepte toutefois ceux des méléciens qui

une forme humaine. » Saint Cyrille fait voir se réuniraient à l'Eglise. Pour prévenir tous
l'absurdité et l'impiété extrême de cette opi- les abus à cet égard, et afin aussi que les
nion. Il convient avec eux que l'homme est paresseux ne puissent pas se faire passer
fait à l'image de Dieu mais il soutient que
: pour saints, il recommande à Calosyrius de
cette image et ressemblance n'a rien de cor- faire lire cette lettre dans les monastères.
porel, Dieu étant esprit et sans aucune forme 2. L'on y a joint les réponses à plusieurs Képonses
aux questions
sensible. Il leur demande si Dieu a des pieds questions que les moines faisaient sur la surUcréâtina
de l'homnie ,
et des mains, et s'il passe d'un lieu à un au- création de l'homme, et sur divers autres coDire les An-
thropomorphi-
tre, lui qui dit dans l'Ecriture qu'il remplit sujets, comme si cette lettre était la préface Us, pag. 366.

le ciel et la terre. « Etre donc fait à l'image de de ce traité qui est intitulé : Contre les an-
Dieu, dit ce Père, c'est être doué de raison, par thvopomorphites. Dans quelques manuscrits 2,
laquelle nous aimons la vertu et nous com- il a pour Réponse de saint Cyrille, ar-
titre :

mandons à tous les autres animaux qui sont chevêque d'Alexandrie, à diverses questions dog-
sur la terre. J'apprends, ajoute saint Cy- matiques que lui avaient faites Tibère, diacre,
rille, que d'autres disent que l'eulogie mys- et ses frères, c'est-à-dire les moines du mo-
tique, c'est-à-dire l'Eucharistie, ne sert de nastère dont il était supérieur. On trouve
rien pour la sanctification, quand elle est une partie de ce traité dans ^ un discours
gardée du jour au lendemain. Mais c'est une sur la Naissance de Jésus-Clirist, attribué à
extravagance. Jésus-Christ n'est pas altéré, saint Grégoire de Xysse. La première ques-
ni son saint corps changé la force de la bé- : tion regarde le souffle de vie que Dieu ins-
nédiction et la grâce vivifiante y demeurent pira dans Adam après l'avoir formé; si c'est
toujours. » C'est cet endroit qui a porté les son âme ou un souffle différent de l'âme; si
calvinistes à rejeter cette lettre *
; mais ils c'est une partie de l'essence divine, ou un
n'en ont donné aucune raison. Saint Cyrille être créé? Saint Cyrille répond que ce souf-
continue « D'autres disent, qu'il faut s'ap-
: fle n'est pas l'âme de l'homme, ni aucune
pliquer à l'oraison, sans travailler. Mais créature, mais que c'est le Saint-Esprit même
qu'ils nous disent mieux que
s'ils valent qui a été donné à l'homme pour le sanctifier.
les Apôtres, qui prenaient du temps pour Il nppuie sa réponse sur l'endroit de la Ge-

travailler, quoiqu'ils fussent occupés à la pa- nèse où Dieu dit, en parlant des hommes
role de Dieu. » Il les fait ressouvenir que corrompus Mon esprit ne demeurera plus dans
: G«nea. vt

saint Paul ayant été averti qu'il y en avait eux, parce qu'ils sont chair, et qu'ils ne pensent
chez les Thessaloniciens qui ne travaillaient qu'aux choses de la chair, et sur ces paroles
point, leur ordonna de manger leur pain en de Jésus-Christ dans saint Jean Recevez le : joan. «.
silence. Il ajoute que l'Eglise n'admet point Saint-Esprit , paroles que le Sauveur pro-
cette conduite; qu'il est du bon ordre que nonça en soufflant sur ses apôtres, comme
ceux qui vivent dans les monastères va- ,
pour inspirer dans nous de nouveau l'Esprit
quent à la prière mais qu'il est aussi très-à
; saint qui en était sorti par nos péchés. On

1 Rivet., lib. IV, cap. xix. ' Nyssen., tom. III Oper., pag. 33.
- Gûlel., tom. m Monttm., pag. 3S7.
320 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
demande dans laseconde question, en quel dants les fruits de cette sanctification? Saint
sens il est dit que l'homme a été fait à li- Cyrille répond « Nous ne sommes pas punis
:

mage de Dieu. Saint Cyrille, après avoir précisément comme si nous avions contre-
montré que cela ne se peut entendre d'une venu avec Adam au commandement qui lui
image corporelle, puisque Dieu est esprit, avait été fait; mais parce qu'étant devenu
dit que c'est par le Saint-Esprit que l'homme mortel, il a transféré cette malédiction à
a élé formé à l'image de Dieu, c'est-à-dire tous ses descendants, qui ont été faits mor-
par la vertu et par la sanctification dont l'Es- tels d'un homme mortel; il n'en est pas ainsi
Gaial. IV, 19. prit saint est l'auteur. Ce qu'il prouve par un de la sanctification, parce qu'encore que le
passage de l'épitre aux Galates, pour les- père propre à chacun de nous, obtienne la
quels l'Apôtre dit qu'il sentait de nouveau rémission de ses péchés et soit sanctifié pur
les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Saint-Esprit, cette justice et cette sanctiti-
Jésus-Christ fût formé dans eux. « Or, dit ce cation ne venant point de lui, mais de Jésus-
Père, Jésus-Christ se forme dans nous par la Christ, qui seul nous sanctifie, ce père, qui
sanctification qui se fait par le Saint-Esprit. » nous ne peut point nous transmet-
est propre,
Il admet néanmoins une autre ressemblance tre les fruits de la justice qu'il a reçue. Il
de Dieu dans l'homme, savoir le domaine confirme cette doctrine par un endroit de
qui lui est- accordé sur tout ce qui est dans l'épitre aux Romains, où saint Paul dit clai-
le monde. La troisième question est touchant rement que Jésus-Christ est la source de la
les anges Ont -ils été faits à l'image de
: grâce comme Adam l'est du péché.
Dieu? Saint Cyrille répond affirmativement, La huitième consiste à savoir si, quand le
en entendant par celte image la sainteté et la prophète Ezéchiel vit les os des morts se
justice, que les anges ont dans un plus grand joindre ensemble et reprendre une forme
degré que les hommes. Il dit en répondant à humaine, ce fut une véritable résurrection,
la quatrième, qu'il n'y a peint de différence ou seulement une figure de la résurrection
entre 1 image et la ressemblance de Dieu; et générale. Saint Cyrille dit que cette résur-
demande à ceux qui doutaient s'il n'y en rection se fit seulement dans une vision, et
avait point, de lui en montrer quelqu'une. que l'on ne peut dire sans errer dans la foi,
Il décide dans la cinquième, qu'être fait à que la résurrection ait élé déjà réellement
l'image de Dieu, c'est être fait également à faite. Il cite pour cela l'autorité de saint Paul,

l'image des trois personnes divines, puisque qui dit qu'Hyménée et Alexandre ont fait
le Père est dans le Fils, et le Fils dans le naufrage dans la foi, en enseignant que la
Père; que quiconque voit le Fils voit aussi résurrection est déjà faite. La neuvième
le Père, et que l'on voit aussi le Fils dans le question est touchant les grâces que Jésus- f
Saint-Esprit qui lui est consubstantiel. C'est Christ,par son incarnation, a accordées à la
pourquoi il soutient que lorsque Dieu dit nature humaine. Saint Cyrille fait voir qu'if
dans la Genèse Faisons l'homme à notre
:
lui en a accordé plusieurs, puisqu'il a réta-

image, le mot notre ne signifie pas une per- bli l'homme dans la ressemblance qu'il avait

sonne seule, la plénitude de la divine et inef- avec Dieu, et qui avait été effacée par le pé-
fable nature étant en trois personnes. Il s'a- ché qu'il a retracé en lui les caractères di-
;

git, dans la sixième question, de savoir si vins de justice et de sainteté; qu'il les a
l'âme des bienheureux reçoit quelque per- même perfectionnés. Il ajoute qu'Adam avait
fection. Saint Cyrille répond « Elle ne sera
: toutes les dispositions nécessaires pour le
point d'une nature plus parfaite; mais déli- bien, avec la liberté de le faire; mais que
vrée alors des mouvements de la cupidité, l'action et l'effet lui manquaient, au lieu que
et remplie du Saint-Esprit, elle agira d'une Jésus-Christ est venu pour que ses disciples,
manière plus parfaite, n'étant attentive, ou, comme il dit, ses brebis aient la vie, et
comme le sont les anges, qu'aux choses de qu'elles l'aient abondamment. Il montre dans
l'esprit. la dixième qu'il n'est pas possible de déra-
Dans la septième question on demande ciner entièrement la concupiscence de la
pourquoi tous les hommes sont sujets à la chair, que la victoire entière sur ses mouve-
mort et au péché à cause de la transgres- ments n'aura lieu que dans l'autre monde;
sion d'Adam, notre premier père, et pourquoi mais qu'en celui-ci nous pouvons les re-
ceux qui sont purifiés et sanctifiés par Jésus- pousser et les diminuer avec le secours de
Christ, ne transmettent pas à leurs descen- Dieu.
[iv«= ET \' SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 321

Dans la onzième, il déclare que l'on ne récompense que lorsque Jésus-Christ des-
doit otiiir les saints mystères que dans la cendra du ciel pour la leur donner, et que
seule Eglise catliolique qui est la maison de cela ne se fera qu'après la résurrection ;

Jésus-Christ hgurée par la maison unique


, qu'on ne doit point prendre à la lettre la pa-
oïl, selon la loi de Moise, l'on devait manger rabole de Lazare et du mauvais riche qu'elle ;

l'agneau pascal il en donne: pour raison, signifie seulement que les riches qui n'au-

que les oblations qui se font dans l'Eglise ront point fait part de leurs richesses aux
catholique, sont bénites, sanctifiées et con- pauvres, seront un jour punis sans miséri-
sacrées par Jésus-Christ même. Il rejette corde par des supplices aussi grands qu'iné-
dans douzième, avec quelque sorte de
la vitables.
mépris, la question qu'on lui avait faite, si 13. Voici ce qu'on peut observer dans la çuite.paf.
^**'
Dieu peut taire que ce qui est arrivé ne le seizième qui est dit du commerce charnel des
soit pas. « Comme on ne doit point donner démons avec des femmes, se doit entendre des
de bornes à la puissance de Dieu, dit-il, on enfants d'Enos qui s'allièrent avec les filles
ne doit pas non plus lui attribuer celle de de Caïn, étant ridicule de croire que des
faire des choses absurdes et contradictoires; êtres incorporels puissent avoir des enfants ;

si Dieu ne peut pas faire que ce qui est ar- c'est pour cette raison que les quatre inter-
rivé ne le soit pas, c'est parce qu'il ne peut prètes qui ont traduit cet endroit de la Ge-
pas faire qu'un mensonge soit une vérité; nèse, ont mis les enfants des puissants ou des
cela n'est pas en lui une marque d'impuis- princes, et non pas de Dieu; il y a néan-
sance, mais un eliet de sa perfection; au moins des exemplaires où on lit les anges :

surplus, il est bon de ne jamais faire des de Dieu, mais seulement en note à la marge ;

questions de cette nature. » mais la leçon véritable porte Les fils de :

La treizième regarde la connaissance du Dieu voyant les ftlles des hommes. Le saint
jour du jugement. Saint Cyrille prouve qu'on patriarche combat dans les dix-sept et dix-
ne peut, sans faire injure à la gloire divine huitième, ceux qui disaient que la personne
de Jésus- Christ, avancer qu'il a ignoré, du Fils s'étant faite homme et étant descen-
même en tant que Dieu, ce dernier jour, due sur la terre, avait cessé d'être unie à son
puisqu'on cette qualité, c'est-à-dire en tant Père et d'habiter dans le ciel. « Comment, dit-
que Verbe du Père, il est son conseil, sa vo- il, que le Fils, étant cou-
se pourrait-il faire
lonté, et qu'il fait tous ses desseins. Mais il substantiel au Père cessât d'être avec lui
,

convient qu'on peut dire qu'il a ignoré ce dans le ciel? Si la personne du Fils a été sé-
jour en tant qu'homme, étant à cet égard, parée de celle du Père en se faisant homme,
sujet à toutes les imperfections de la nature il faudra donc dire que la personne du Père

humaine, excepté le péché. La quatorzième n'a point été présente sur la terre. Dieu dit
est une explication de ces paroles de saint toutefois par un de ses prophètes \e rem- :

Jean Le Verbe s'est fait c/iair. C'est l'usage


: plis-je pas le ciel et la terre? Et l'apôtre saint
de l'Ecriture, dit saint Cyrille, d'entendre Philippe demandant à Jésus -Christ de lui
l'homme entier sous le mot de chair, montrer son Père , le Sauveur ne
répon- lui
comme lorsqu'il est déclaré dans les Pro- dit-il pas iYe croyez-vous pas que Je suis dans
:

phètes que Dieu répandra son esprit sur mon Père, et que mon Père est en moi? » Il traite
toute chair et dans l'Evangile, que toute de téméraires et d'ariens ceux qui ensei-
chair verra le Sauveur. Saint Jean n'a pas gnaient une pareille doctinne, et leur dit qu'il
voulu dire par là que le Verbe de Dieu ait n'est pas plus possible de séparer le Fils du
été changé en chair, mais, que s'étant ap- Père, que la lumière de sa splendeur. La dix-
propi'ié une chair animée d'une âme raison- neuvième est conti-e ceux qui soutenaient
nable, il est né de la sainte Vierge d'une que l'on devait attj'ibuer principalement au
manière admirable. On voit par la quinzième Verbe les miracles que Jésus-Christ faisait,
qu'il y en avait qui disaient que chacun re- en sorte que son humanité n'y eût aucune
çoit sa récompense aussitôt après sa mort, part. Saint Cyrille soutient que ceux qui pen-
avant la résurrection, et qu'ils se servaient saient ainsi, ignoraient le mystère de l'Incar-
pour prouver, de ce que l'Evangile ra-
le nation, et quon pouvait dire que la chair de
conte de Lazare et du mauvais riche. Saint Jésus-Christ a fait des miracles, parce que le
Cyrille soutient que chacun ne recevra sa Verbe et l'homme étant unis personnelle-

Vil I. 21
322 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ment, et en un seul Fils, ou lui attribue les raes se fussent entièrement découverts, agis-
opérations divines de même que les opéra- sant à leur égard comme un habile médecin,
tions humaines, qui n'entreprend pas de guérir une maladie
La vingtième est encore sur le mystère de dans son commencement , mais qui attend
l'Incarnation. Saint Cyrille y enseigne que qu'elle se soit déclarée. 11 ajoute que s'il n'a
Jésus-Christ est monté au cielavec la chair d'abord brisé que la tête du dragon, c'est
qui lui était unie : ce qu'il prouve par la ré- pour nous laisser des matières de combat,
ponse que deux hommes vêtus de blanc ,
et que ce dragon ne sera entièrement détruit

c'est-à-dire anges, firent aux Apô-


des qu'après la résurrection. C'est ce qu'il dit
tres qui le regardaient montclnt au ciel Ce :
encore dans la vingt- quatrième question.
Jésus qui, en vous quittant, s'est élevé dans le Dans la vingt-cinquième, on voit que le buis-
ciel, viendra de la même sorte que vous l'y avez son qui brûlait sans se consumer, était la
vu monter. Il ajoute qu'on ne peut pas dire tou- figure de la sainte Vierge, qui est devenue
tefois, comme quelques-uns l'enseignaient, mère sans Dans la vingt-
peindre sa virginité.
que le corps de Jésus-Christ ait été mêlé avec sixième le saint patriarche rend deux rai-
,

Verbe, lorsqu'il s'est fait


la sainte Trinité; le sons pour lesquelles les Juifs tuèrent Zacha-
chair, n'ayant point été changé en chair, rie entre le temple et l'autel : la première,
mais l'aj^ant prise dans le sein de la sainte parce qu'il avait laissé entrer la sainte Vierge
Vierge. Dans la vingt-et-unième il explique ,
eu ce lieu où les vierges seules avaient droit

en quel sens on peut dire que la chair a fait d'entrer; la seconde, parce qu'il avait pro-
des miracles, quoiqu'elle ne les ait point faits phétisé que l'enfant qui naîtrait d'elle, était
séparée du Verbe mais unie avec lui. Pour
,
le roi et le seigneur de tout le monde. Il dit

rendre son explication sensible il propose ,


dans la dernière question, qui est la vingt-
l'exemple dun ouvrier en bois ou en fer. septième que la paix rendue aux hommes
,

« Quoique ce soit l'âme, dit-il, qui fasse agir par la naissance de Jésus-Christ, fut la cause
son corps pour faire quelque ouvrage, on dit de la joie que les anges témoignèrent alors.
néanmoins que l'action est du corps aussi
bien que de Tàrae. 11 en est de même des ac- §X.
tions miraculeuses de Jésus-Christ. Le Verbe,
Du livide de la Trinité et du recueil des Expli-
avant son incarnation, a fait par lui-même,
cations morales sur l'Ancien Testament.
des œuvres divines étant fait homme, il en
:

a fait par sa chair, car c'est par elle qu'il a \ Le livre de la Trinité est à la suite des
.
LfIIth*
touché les aveugles pour leur rendre la vue, ouvrages de saint Cyrille, non comme en fai- n'esi^poiM*

et les morts pour les ressusciter. » saut partie, mais comme étant du nombre de foT' viT*.'

11 montre dans la vingt-deuxième que la ceux qu'on lui a attribués, sans avoir de
nature humaine de Jésus -Christ n'a pu être preuves certaines qu'il en soit auteur. Il y en
sujette au péché, puisqu'il venait pour en a au contraire qui disent que ce traité n'est
délivrer l'homme. Dans la vingt-troisième il pas de lui, et qu'il n'a été écrit qu'après l'hé-
dit que Verbe ne s'est point fait homme
si le résie des monothélites. La question des deux
au commencement du monde, c'est qu'il a volontés y est traitée non en passant, mais
attendu que la malice et les crimes des hom- exprès. On y fait voir qu'il n'y a eu J.-G.
'

* Christum unius personœ prœdtcairius ex duabus tissimam unionem, quoque modo humana actio deifi-
naturis sibi invicem dira confusionem arxlissima Et quidem pronuntiatione unitatis
cata sit, ostendit.
unione unilis, indivisis permnnentibus cu/n a se invi- numéro facta duas actiones coactione unum esse ; ne-
cem, tum a persona secundum quam unitœ sunt ; ex que rêvera a se invicem discretas esse declaravit cum :

naturis aiitern distinctionem et qitœ ipsis ad-iunt dis- autem Dei virilem appellavit, divinam videlicet et vi-
tincta, voluntates, inquam, et actiones habentibus. Di- rilem différent iam actionum quam natura etiam post
vina proinde voluntas manet divinu, et hurnana vicis- unionem habent, commonst ravit ... cum ergo Dominum
sim humana ; verumtamen propler unionem deificaln. duarum naturarum confiteumur, duas etiam natura-
Quod idem etiam in actionibus perspicitur. Duce itaqiie les voluntates, divinam et humanani, hoc est duas vo-
in Christo voluntates sunt. Vult autem etiam secun- lendi potentias ratione natura; a se invicem différen-
dum utramque volunlatcm, et agit secundum utram- tes, ipsum possidere credimus. Quia autem unius per-
que aclionem unus idemquc Deus liomo... Qua de causa sonœ intelligitur, diversas sententiarum voluntates de
is qui T/icandricam, hoc est a Deo et homine simul eo affirmare lubricum et periculosum est. Unum est
proficiscentem aclionem dixit, confusionem naturalibus enim quod vult, propterea quod etiam unus est qui
actionibus non induxit : sed earum summam et arc- vult ; ut humana voluntas ad id quod proprie vult,
,

[iV* ET \"« SIKCLES CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 323

qu'une pei*sonne , mais deux natures unies S XL


étroitement sans aucune confusion, distin-
De quelques ouvrages de saint Cyrille omis dans
guées l'une de l'autre, qui ont chacune leur l'édition de Paris en 1638.
action et leur volonté. Cette union n'empê-
che pas que la volonté humaine ne subsiste 1. Dans l'article des lettres de saint Cyrille,

comuie la divine, quoiqu'elle soit déifiée à nous en avons rapporté plusieurs qui ne se
cause de l'union, c'est-à-dire qu'elle ne de- trouvent point dans l'édition grecque -latine
vienne la volonté d'un Dieu auquel elle est de Jean Aubert. On n'y trouve point non plus
unie personnellement. Il en est de même divers opuscules de ce Père qui auraient dû
des actions et des volontés; qu'ainsi il y a y avoir place, si l'éditeur en avait eu connais-
en Jésus - Christ deux volontés comme deux sance. Tel est le mémoire qu'il confia au
actions puisqu'il veut et qu'il agit selon ses
,
diacre Possidonius, pour le porter au pape
deux natures lui qui est Dieu et homme
, ; Célestin. Ce Père y fait une déclaration
que celui des anciens qui a une action dit abrégée de sa foi-, avec une exposition plus
théandrique c'est-à-dire qui a Dieu et
, longue de la doctrine de Nestorius, et ra-
l'homme pour principe n'a pas pour cela , conte la manière dont il avait déposé le prê-
admis de la confusion dans les deux actions, tre Phihppe. Telle est encore la requête que
mais montré seulement leur étroite union saint Cyrille et Memnon, évêque d'Ephèse ^,
qui fait que l'action humaine est comme présentèrent au concile, tendant à faire dé-
déifiée. terme de théandrique parait
Si le clarer nulle la procédure de Jean d'Antioche
ne marquer dans sa prononciation qu'une contre eux. Ils y disent que cet évêque, en
seule action, il en marque deux dans le sens, haine de la déposition de Nestorius, les avait

ce que cet ancien a marqué lui-même en ap- déposés eux-mêmes ,


quoiqu'il n'eût aucun
pelant cette action Dei virile, ou divine et pouvoir de par les lois de l'E-
les juger, ni
humaine. Enfin, les deux actions et les glise, ni par l'ordre de l'empereur; que,
deux volontés étant d'une même personne, quand il l'aurait pu, il fallait observer les ca-
on ne peut sans erreur avancer qu'elles soient nons, les avertir et les appeler avec le reste du
jamais opposées l'une à l'autre. Trouvera- concile pour leur donner lieu de se défendre;
t-on une semblable discussion dans les vrais «mais, ajoutent-ils, il a tout fait en cachette,
écrits de saint Cyrille et dans aucun auteur , à la même heure qu'il est arrivé à Ephèse,
qui ait vécu avant l'hérésie des monothélites ? et nous n'en avons rien su jusqu'à ce jour. Il
On ne peut donc douter que ce traité de la n'en aurait pas usé ainsi contre le dernier
Trinité n'ait été composé depuis. Il y a
'
des clercs qui sont sous sa puissance. Puis
longtemps que les savants ont icconnu qu'il donc qu'il est ici avec ses complices nous ,

était composé de divers extraits de saint Jean vous conjurons par sa sainte et consubstan-
Damascène. tielle Trinitéde les faire appeler pour ren-
,

2. C'est des écrits de saint Cyrille que sont dre compte de leur entreprise car nous som- ;

tirées les Explications morales sur l'Ancien mes prêts de montrer qu'elle est impie et
il y en a encore de saint Maxime
Testament ; illégitime. » L'on a omis encore deux frag-
etde plusieurs anciens interprètes en sorte , ments d'une homélie qui se trouvent dans
que ce recueil ne peut passer pour un ou- la troisième partiedes actes du concile d'E-
vrage de saint Cyrille. On a imprimé d'au- phèse *, de l'édition de Binius ^; un autre,
tres extraits de ses écrits avec diverses ho- tiré du sermon de la Foi; la préface sur le
mélies des Pères à Augsbourg, en 1587, et en cycle pascal de quatre-vingt-quinze ans,
1611. Le premier recueil est de Hœschélius, rapportée par Buchérius; divers fragments de
le second de Wegélinus. l'homélie touchant ceux qui sont morts dans
la foi; le discours sur la Parabole de la vigne^,

moveatur; quando hoc etiam, et in quantum voluntas Baptiste, le 28 de pharmuti, c'est-à-dire le 23 avril,
ipsius divina vuU. Lib. de Trinit., pag. 24, 25 et 26. dans l'indiction si* sur l'Accord des Eglises et contre
» Petau., de Trinit.. pag. 472. Nestorius. On avait seulement en latin celte homélie
« Balus., tom. Concil., pag. 378. \oy. Pair. Nov.Bibl., tom. Il, pag. 113-114. [L'éJit.)
3 Ibid., pag. 497. s Bin., tom. I, pag. 381 et 423
; Balus., pag. 927 ;

* Le cardinal Mal a publié le texte grec et une Bûcher , pag. 81 et 484; Allai., rfe Purgal., pag. 571
nouvelle traduction latine d'une homélie assez courte et 578.
de saint Cyrille, prononcée le jour de la Saiut-Jeau- 6 Le cardinal Mai a publié le teste grec dans le
324 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
imprimé à Rome en 1378, de la traduction des termes grecs qui s'écrivent ou se pro-
d'Achille Statius de saint Cy-
, et la Liturgie noncent ditleremment, de Jean Philoponus.
rille traduite de l'arabe en latin, par Victo-
, Elle porte aussi quelquefois le nom de Cy-
rius Scielegh, imprimée à Augsbonrg en rille et de Philoxène. Quant aux glossaires

1604, et dans le sixième tome de la Bibliothè- grecs et latins, il y a bien de l'apparence


que des Pères, à Paris, en 1634. Nous en qu'on ne les a attribués à saint Cyrille que ,

avons deux sous le nom du même Père, dans parce qu'ils se trouvent à la fin de quelques
le recueil des Liturgies orientales, par M. Re- écrits de saint Cyrille, ainsi que le remarque

naudot '. Mais on ne peut dire d'aucune Henri Etienne.


qu'elle ait été dressée par saint Cyrille en
§xn.
l'état que nous les avons, puisqu'on y fait

mémoire de lui de , saint Siméon Stylite et Des écrits de saint Cyrille qui nont pas encore
de plusieurs autres morts depuis ce saint vu le Jour, ou qui sont perdus.
évéque.
II y â encore d'autres ouvrages que Jean 1 Nous voyons par une lettre de Velsérus,
. Ouvrage»
maDusrnts de
Aubert n'a point rapportés mais qu'on ne ,
en 1601 ^, que Vulcanius traduisait en latin saint C;rille.

peut assurer être de saint Cyrille, quoiqu'ils les commentaires de saint Cyrille sur Ezé-

portent son nom, soit dans l'édition latine de que ce Père avait en
chiel ; ce qui fait croire

dans quelques manuscrits, sa-


l'an 1373, soit eflet expliqué ce prophète
c'est que l'on ,

voir un livre contre les Juifs, avec plusieurs


:
trouve quelque chose de lui dans les Chaînes,
questions; une petite déduction ou allégorie soit impiimées, soit manuscrites, sur Ezéchiel.
de ceux qui ont fleuri avant la loi de Moïse ;
Sixte de Sienne dit que l'on conserve dans la
seize homélies sur le Lévitique, qui sont d'O- bibliothèque du Vatican plusieurs des homé-
rigène , de même
que les dix-neuf sicr Jéré- lies de saint Cyrille, sur Daniel, sur Osée et sur

mie, imprimées en 1648 à Anvers, par les ,


Habacuc. Il y en a aussi une de lui sur la Nais-
soins de Balthasar Cordier la dix-neuvième ;
sance de J.-C. dans la bibliothèque de Vienne,
n'est toutefois ni d'Origène ni de saint ainsi que le témoigne NesséHus *. Il est en-

Cyrille mais de Clément d'Alexandrie


, ;
core cité dans des Chaînes manuscrites sur
c'est son livre qui a pour titre Quel est le :
les Actes ^, sur V Epître de saint Jacques, et la,

riche qui sera saMî;e7Lemême Cordier a donné première de saint Pierre et de saint Jean. Enfin
sous le nom de saint Cyrille des Apologues on trouve sous son nom diverses explications
woraMj:, imprimés à Vienne, en Autriche, en des endroits difficiles de l'Ecriture, et même
1630. Mais on convient que c'est Touvrage des noms hébreux ; mais on n'a point de
d'un auteur latin et récent. bonnes preuves qu'il en soit auteur. Nous
On imprima à Genève, en 1370, chez Henri avons perdu la réponse ^ qu'il avait faite à
Etienne , une Exposition abrégée de la foi or- l'écrit d'André de Samosale contre ses douze

thodoxe, par demandes


par réponses, sous et Anathématismes ; son traité sur la Fin de la
le nom d'Anastase d'Antioche et de saint Cy- Synagogue ', de même que ceux qu'il avait
rille d'Alexandrie on n'a point de preuve : faits sur l' Impassibilité et sur les souffrances ^; le

que cet de ce Père ^ et moins


ouvrage soit , livre où il racontait^ tout ce qui s'était passé
encore qu'il soit auteur delà Chaîne sur saint dans d'Ephèse contre Nestorius et
le concile

Marc, que d'autres attribuent à Victor d'An- ses sectateurs; son Explication du Psaume
tioche. Le poème iambique de la Propriété VHP *^; ses commentaires sur l'Evangile de
des plantes et des animaux , imprimé à Rome, saint Matthieu ", sur saint Luc et sur l'E-
en 1390, sous le nom de saint Cyrille, est de pître aux Hébreux; ses trois livres co«^/'e Dio-
Georges Pisis , et la collection alphabétique dore de Tarse '^ et Théodore de Mopsueste; son

Spicileg. rom., tom. V, pag. 119-22 de la 1" partie et s Monfauc, Biblioth, Coislin., pag. 963.
dans le Pairum Nov. Bibl., pa^. 459-471.
tom. II « Cyril., ad Eulog., pag. 134.
1 Tom. I Liiurg., pag. 38, et tom. II, pag. 275.
" Photius, Cod. 229.
2 Le cardinal Mai l'a trouvé dans un manuscrit 8 Gennad., de Script. Eccles., cap. lyii, et Phot.,
du Vatican sous le nom do saint Cyrille, et il a pu- Cod. 229.
blié le texte grec dans le tome VII Script. Vct., 9 Cyrill., Epist ad Eulog., pag. 134.

pari. II, pag. 135-137. {L'éditeur.) '0 Photius, Cod. 229.

3 Tom. VIII Bibl. grœc, pag. 590. '1 Pliotius, ibid., et Facund., lib. XI, cap. vu.
* Nessel., part, n, pag. 28. '* Libérât., iu Brev., cap. x.
[IV^ ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 323

où il rapportait les té-


livre de l'Incaimation, voya ce traité aux trois abbés, par Ada-
moignages du pape Félix, de saint Denys, mance, afin qu'ils le fissent lire aux ortho-
évoque de Corinlhe, et de saint Grégoire doxes.
Thaumaturge son traité contre les Apollina-
;
ARTICLE m.
ristes ', et un autre conh^e Arius; son écrit
contre les Pélagiens ^, adressé à l'empereur DOCTRINE DE SAINT CYRILLE.
Théodose ; son livre de la Foi^ contre les hé-
rétiques, et diverses lettres, dontil y en avait 1. L'Ecriture sainte étant divinement ins-
une à Acace, évoque de Scythople ^, ditie- pirée ', n'a rien de fabuleux. Tout y est
rente du traité sur le Bouc émissaire, qu'il lui plein de vérité. Saint Cyrille attribue à Moïse

avait adressé. Les catholiques soutinrent le Pentateuque •*', et à Salomon le livre de la

dans la conférences ^ de l'an 333, avec les Sagesse *'. Il cite le livre de Job et de l'Ec-
acéphales que les écrits de saint Cyrille clésiastique *- comme Ecriture divine '3, le

troisième livre d'Esdras '*


avaient été corrompus par les hérétiques. et l'histoire des
Théophanes ^ et Nicéphore disent que c'é- trois jeunes Hébreux '^jetés dans la fournaise
tait le bruit commun; mais ce dernier rejette à Babylone, comme faisant partie de la pro-
comme une calomnie ce que quelques-uns '^
phétie de Daniel. Il met Daniel '^ au rang des
disaient, que saint Cyrille avait détruit quel- prophètes. Dans l'histoire abrégée qu'il fait

ques écrits de saint Chrysostôme dans sa de la version des Septante, que il marque '''

lettre à Maxime, à Jean et à Thalasse, prê- ces interprètes ont traduit non-seulement les
tres et abbés en Syrie. Saint Cyrille dit que livres de Moïse, mais aussi ceux des Prophè-
beaucoup d'évcques et plusieurs orthodoxes tes. Outre cette version dont il se sert ordi-
lui ayant envoyé diverses objections que les nairement, il a recours dans les lieux dilfi-

nestoricus faisaient contre la foi catholique ^, ciles, à celle d'Aquila et de Symmaque '*. A

il fut obligé de faire un ouvrage sur l'Incar- l'égard du Nouveau Testament, on peut re-
nation, où, bien que très-court, il répondit marquer qu'il allègue l'autorité des Epîtres
néanmoins atout ce que l'on pouvait opposer de saint Jacques *^, de la première et de la
à ce mystère. Il l'avait divisé en trois parties. seconde de saint Pierre de la première de ,

Dans la première, il montrait que la sainte saint Jean et de celle de saint Jude. Il donne
Vierge est Mère de Dieu; dans la seconde, à saint Paul l'Epitre aux Hébreux -'^, et à
qu'il n'y a pas deux Christs, mais un seul; saint Jean l'Apocalypse -', qu'il dit avoir été
et dans la troisième, que le Verbe de Dieu, approuvée par le jugement des Pères --. Selon
sans cesser d'être impassible, a souûert pour saint Cyrille, Jésus-Christ est né la cent qua-
nous dans la chair qui lui est propre. Il en- tre-vingt-quatorzième olympiade ^'. Il appelle

» Photius, Cod. 2-29. — ^ Idem, Cod. 34. Ephes. habita, pag. 364, tom. V, part. ii.
' Gennad., cap. lvu. 1^ Scriptum est in Esdra : Etvovi illic jejunium ju-

» Photius, Cod. 229. venibus in conspectu Dei nostri, etc. (III Esdr., cap.
s Tom. IV Concil., pag. 1767. vjii; vers. 51). Cyrill., homil. 18 de Festis Paschal.,
* Theopb., pag. 95, et Niceph., lib. XV Uistor., pag. 240, tom. V, part. ii.
cap. XVI. 15 Cum autem adolescentuli illi cœlestis auxilii
7 Idem, XIV, cap. xxviu.
lib. prœsentiam animadvertissent, in ignis camino psalle-
* Balus., append. Concil., pag. 913. bant, divinisque laudibus flammarum œsium seda-
8 Nequaquam istud de sancta et divinitus inspirata bant. Cyrill., homil. habita Ephes., pag. 363, tom. V,
Scriptura dicimus. Fubulosum namque in ea pror- part. v.
sus nihil ; verilatis plena sunt omnia. Cyrill., lib. III *8 Dixit etiam alius quidam sanctorum Prophetarum

contr. Jutinn., pag. 86, tom. VI. de nostrum omnium Salvatore Christo : Hic est Deus
'* Exislimo per quinque panes hordeaceos quinque
noster non œstimabitur alius ad eum [Baruch. III,
:

sapientissimi Mosis libros denotari. Cyrill., lib. III in vers. 36). Cyrill., lib. VIII contr. Julian., pag. 267.
Jonn. Evangel., pag. 283. i''
Idem, lib. I contr. Julian., pag. 13 et 14.
" Sapientissimi Sulomonis effatum isiiusmodi :Deus '* Idem, lib. II Glaphyrorum, pag. 29, tom. I.
mortem nou fecit (Sap. i, vers. 13.). Cyrill., Ub. VI >9 Lib. De recta fide, pag. 76, tom. V, part. 2.
i>j Joan., pag. 5C1. *o Idem, ibid., p. 72.
" Scriptura
divina mirifice amplifica7is : Stellae au- *' Cyrill., lib. II in Exod., pag. 273.
Glaphyror.
lem, inquit, non sunt mundœ in conspectu ejus. *- Atqui Joannes sapiens Apocalypsis libellum
ille
{Job. XXV, vers. 5). Cyrill., lib. V in Joan., pag. 531. conscripsit, quiPatrum judicio comprobatus est. CyrilJ.,
•î Divina nos Scriptura edocet.
Fili, inquit iila, ac- lib. \l De adorât, in spiritu et veritat., pag. 188,
cedeuâ ad servitutem Dei, prépara animam tuam ad tom. I.
teulationem {Ecclesiast. n, vers. 1). Cyrill., homil. ^^Centesima nonagesima quarta Olympiade, Augusto
326 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
nombres du diable, les Mages qui vinrent ans entiers^ à la prédication de Jésus-Christ.
l'adorer •, croj'ant qu'ils étaient de vrais ma- Ilcroit qu'au temps de la Passion ^ le soleil
giciens. C'était une tradition des Juifs - que refusa sa lumière à la terre, et que la lune
leLazare, dont il est parlé dans saint Luc, souffritréellement quelque altération, ayant
demeurait à Jérusalem, où il vivait accablé paru changée en sang; que Jésus-Christ,
de maladie et de pauvreté. Ce Père dit que après sa mort^, évacua l'enfer, dont il ouvrit
Jésus-Christ joignit en un même jour ^ l'a- la porte aux esprits, c'est -cà- dire aux âmes
gneau des Juifs et la véritable manne, quand des justes qui y étaient détenues comme en
il bénit le pain et le vin, en disant Ceci est
: prison; que saint Thomas^ toucha véritable-
mon Corps et mon Sang. Il ne doutait donc ment les plaies du Sauveur; que l'avantage
pas que le Sauveur n'ait fait la Pâque légale. de guérir les maladies ^ n'était pas particu-
En expliquant cet endroit d'Isaïe Faites : lier à l'ombre de saint Pierre, mais commun
mémoire du jour de l'année, il enseigne que à tous les apôtres. Saint Cyrille *° donne à
Jésus-Christ n'a prêché que pendant un an. saint Jean le surnom de Théologien, et dit
((Ressouvenez-vous, dit-il "*, de l'année en comme sachant de plusieurs personnes
le
montré et a prêché
laquelle Jésus-Christ s'est doctes qu'après l'ascension de J.-C, il
*',

aux villes et aux bourgs dans toute l'étendue parut au milieu du saint troupeau, c'est-à-
de la Judée. Réveillez-vous en concevant dire des fidèles, de faux docteurs qui osèrent
d'heureuses espérances, rappelez-vous les soutenir que le Fils de Dieu, qui est son
jours de l'année en laquelle notre commun Verbe, n'avait commencé d'être que lorsqu'il
libérateur s'est acquitté du ministère de sa s'est fait homme et qu'il est né delà Vierge.
prédication. » Mais sur le vingt-neuvième Cette erreur ayant jeté le trouble parmi les
chapitre du même prophète, il donne deux chrétiens, les plus sages d'entre eux en don-

Cœsare rerum romanarum patiente, naius est secundum 8 Beatus quippe Thomas nisi manum misissei in
carnem Dominus noster Jésus Chrisfus. Cyrill., lib. I lafus ejus post resurrectionem, et loca clavorum pal-
confr. Julian., pag. 14. passet,non utique credidisset, etc. Idem, homil. in Oc-
1 Venerunt Magi ab Oriente... cumque vasa essent cursum Domini, pag. 391, tom. V, part. ii.
diabolica, et membrorum illius omnium longe hono- 9 Qui Christi tempore fuerunt, Petrum dico et Joan-

vntissima,ad Christum approperarunt. Cyrill., com- neni, aliosque qui umbra sala corporum, œgritudines
ment, in Habac, pag. 537, tom. III. snnabant : Paulum eximium, et qui post illum fuerunt,
2 Hebrœi tradunt Lazarum quemdam esse qui tum quos singillatim non recensebo. Idem, lib. VI contr.
temporis Hierosohpnis exfrema pauperfafe a-gritudi- Julian., pag. 202.
neque laborabat. Idem, lib. contr. Anthropomorphitas, 10 Verbum caro factum est, ut Joannes Theologus
cap.xM, pag. 383 et 384. asserit. Idem, homil. 18 De Festis paschalibus, pag.
3 Dominus autem noster Jésus Christus conjunxit 243.
in unn die agnum Judœorum et verummanna, quando 1* Aiunt itaque nonnulli viri doctrina clari post
benedixit panemvinum, dicens : Hoc est corpus
et Salvatoris nostri crucem, et ad ccelos ascensionem,
meum et sanguis meus, in luna primi mensis, in falsos quosdam pastores et doctores quasi truculentai
anni principio. Cyrill., apud Bûcher., commentar. in feras in Salvatoris ovilia, non parum turbasse... uni-
Canon paschal., pag. 73. genitum Dei Verbum, lumen illud œternum in quo
* Mentionem facile, inquit, dierum anni, quo appa- certe omnes movemur etsumus, tum primum in rerum
ruit Christus et diserte prœdicavit civitatibus et pagis naturam prodiisse inlocte et impie asserunf, quando ex
per universam Judœam... Exurgile igitur, id est, evi- sanctaVirgine homo natusesf... Cum autem non parum
gilate, et bona spe animo concepla, commemorate dies in lus fidelium mentes turbarentur, et simpliciorum
anni, quo, ut dicebam, facta est a Christo omnium animos instar pestis scatidali lues depasceretur... qui
nostrum servatore prœdicatio. Idem, comment, in inter eos sapientia prœstabant in unum congregafi,
Isai., lib. III, pag. 446, tom. II. venerunt ad Salvatoris discipulum, ipsum nempe
Per totum biennium universam peragrans Judœam
5 Jonnnem, et morbum qui fratres invaserat, nuntia-
Dominus noster Jesm Christus, doctrinas omni sa- runt, utque hœreticorum nugas detexerunf, et sibi
pientia refertas adhibuit, divinamque illis et evange- confestim adesse spiriialibus, illustratiotiibus roga-
licam prœdicationcm tradidit. Idem, ibid., pag. 408. runt, et j'am diabolicis retibus involutis salutarem
6 Sol represso splendore suo, mortalibus lucere am- manum porrigere. Eorutn igitur qui perierant, et
plius noluit... fortassis etiam et circa lunœ orbem inu- mente corrupfi erant dolore tactus discipulus, absur-
sitatum quiddam accidit, ut conversa in sanguinem dum item esse ratus nullam posterorum curam ha-
videretur. Taie quiddam igitur sacri Evangelistœ ad hujus libri scriptionem se contulit, et quœ-
bere,
omiserunt. Idem, comment, in Joelem, pag. 230, cumque ad generationem carnalem et naturalem per-
tom. III. tinent, reliquif aliis Evangelistis latius enarranda :
' Evacuasse autem infernum Christum mortuum, et ipse vero ardore quodam animi, in eorum qui talin in
spiritibus in custodia detentis aperuisse portas inferas, médium asserunt, petulantiam invehitur dicens : In
neminem latct. Idem,\;ommeut. in Zachar., pag. principio erat Verbum. Idem, comment, in Joan.,
739. pag. 9 et 10.
[îv^ ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 327

nèrcnt avis à saint Jean, qui, à leurs prières, universelle répandue par toute la terre ap-
écrivitson Evangile en le commençant par prendrait en quel jour il faudrait célébrer
ces paroles qui rendent témoignage à l'éter- cette tète.
nité du Verbe : Au commencement était le 3. Pour marquer combien nous devons Pur i-nnio-
"'*'^"^'='"-
Verbe. Comme cet Apôtre établit aussi dans nous attacher à la doctrine des anciens, il
son Evangile la divinité de Jésus-Christ, Ju- disait ^ que ceux qui ont l'esprit droit, se

lien l'Apostat l'accusa d'avoir à cet égard faisaient un devoir d'en suivre les senti-
innové dans la religion, a Ni Paul, dit-il *, ni ments, persuadés que ces grands hommes,
Matthieu, ni Luc, ni Marc n'ont osé dire que remplis des maximes de l'Evangile et de la
Jésus-Christ fût Dieu mais le bon homme : doctrine qu'ils avaient apprise de la tradition
Jean voyant que celte maladie avait déjà apostolique, avaient traité les dogmes de la
gagné une grande multitude en plusieurs foi d'une manière irrépréhensible et entière-

villes de la Grèce et de l'Italie apprenant ,


ment conforme à l'Ecriture sainte : ce qui
aussi, comme je le crois, que l'on révérait, devait les faire considérer comme lumiè-
les

quoique en cachette, les sépulcres de Pierre res du monde et comme renfermant dans
et de Paul, a osé l'avancer le premier, en leurs écrits les paroles de vie. C'est pourquoi,
disant Le Verbe a été
: fait chair et a habité dans sa lettre synodale à Nestorius, il dé-
parmi ttous. n clare qu'il n'a d'autre doctrine que celle de
2. La vénération de saint Cyrille pour le l'Ecriture et des Pères. «Nous avons, lui dit-
concile de Nicée était telle , qu'il voulait il, appris cette doctrine
(dont il venait de **

qu'on en suivit - en tout le Symbole, sans en donner par les saints Apô-
l'explication), tant
altérer une syllabe, comme ayant été dicté tres et lesEvangélistes, que par toute l'Ecri-
par le Saint-Esprit. Il dit encore que Jésus- ture inspirée de Dieu, et aussi par les décla-
Christ a présidé ^ à ce saint concile, qu'il rations des saints Pères de l'Eglise, qui n'ont
appelle ailleurs le synode des saints *. Il en d'autre appui ni d'autre fondement que la
rapporte un décret qui portait que l'Eglise vérité. »
d'Alexandrie manderait tous les ans le jour 4. C'est dans ces sources " qu'il avait ap- sor uth-
de la Pâque à celle de Rome, de qui l'Eglise pris à croire en un seul Dieu tout-puissant, Sérttiin'ïa

1 Jesum quippe illum, neque Paulus Deiim dicere intimaret : unde apostolica auctoritate universalis
uusus neque Matthœus, neque Marcus, neque Lu-
est, Ecclesia per totum orbem diffinitum Paschœ diem
cas : sed bonus ille Joannes, cum sensisset magnam sine ulla disceptatione cognosceret. Idem, in prolog.
multitudinem in plerisque urbibus grœcis jani tuni eo in Canon Paschal., apud Bûcher., pag. 481.
morbo captant esse, audiretque, opinor, monumenta Omnes enim, quibus integrum cor, illorum (Pa-
5

guoque Pétri et Pauli, cla/n quidem, sed tamen audi- trum) sententias sequi contendunt : quia et ipsi apos-
ret excoli, primus id prodere ausus est. Paucis autem tolica et evangelica traditione suam mentem cum im-
de Joanne Baptista commémora tis,rursum ad Verbum plevissent, et exsacris Scripturis sermonem fidei recte
quod ab ipso prœdicatur, recersus. Et Verbuiu, in- et citrareprehensionem tractassent, mundi fuere lu-
quit, caro factuin est. et habitavit iu nobis. Julian., minaria, sermonem vitœ continentes. Idem, in Apolo-
apud Cyril., lib.X, pag. 327, tom. VI. getic, pag. 178, tom. VI.
* Nul/o autem modo patimur, ut ab aliquo fides « Hœc tenere, hœc sapere cum sanctis et Evangelistis

illa, sive fidei sijmbolum concurratur, quod a sanctis ium ab uni*ersa quoque sacra et divina Scriptura,
quondani Patribus Nicœnis editum est. Neque enim tum ex veraci denique sanctorum Patrum confessione
aut nobis, aut nulli omnino alteri, vel unam voculam edocti sumus. Idem, epist. ad Nestorium de Excom-
ibi positam immutare, aut unam etiam syllabam municatione, pag. 408, tom. III Concil.
prœterire permittimus... non enim ipsi locuti sunt,sed ^ Credimus igitur in unum Deum Patrem omnipo-
ipse Spiritus Dei ac Patris. Cyril., Epist. ad Joannem tentem,visibilium et invisibilium omnium conditorem.
Antiochenum, pag. 1H2, tom. III Conciliorum. Et in unum Dominum_ Jesum
Chi-istum Filium ejus,
' Celeberrimi Patres twstri venerabile et universale ante omne sœculum tempus ex ipso naturaliter gc-
et
fidei definierunt symbolnm in Nicœa olim congregati: nitum, nam quod ad tempus altinet, œque principii
cum quibus sane et ipse Christus consedit... nam quod expers, et coceternus est, atque is qui illum genuit.
Chrislus prœsederit invisibiliter sunctœ et magnœ illi Eadem quoque potestate et gloria cum illo est, per
synodo quomodo licet ambigere. Idem, in sanct. Symb., omnia denique et in omnibus eidem œqualis. Figura
pag. 175, tom. V, part. ii. iwmque et splendor substantiœ illius est. Credimus
* Cum his igitur atque hujusmodi dissensionibus similiter et in Sanctum quoque Spiritum, quem a di-
per unitersum orbem Paschalis régula turbaretur ; vina natura alienum minime reputamus : siquidem
sanctorum totius orbis synodo consensione decretum naturaliter a Pâtre est, et per Filium in creaturas di-
est,ut, quoniam apud Alexandriam talis reperta esset manat. Ad hune enim modum, sancta illa adoranda-
Ecclesia, qiiœ in hujus scientia clureret, quota kalen- que Trinitas, una in essentia, par in gloria et majes-
darum, iduum, quota luna Pusclia debeat cele-
vel tate'cognoscitur. Asserimusque ipsum unigenitum Dei
brari, per singulos annos Romanœ Ecclesiœ litteris Verbum arcano inexplicabilique modo ex Dei et Patris
328 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
créateur de toutes les choses visibles et in- dont il s'est fait homme est toute mysté-

visibles, et en un seul Seigneur Jésus-Christ, rieuse, extraordinaire, au-dessus de nos pen-

son fils, engendré naturellement de lui avant sées et presque ineffable. » Saint Cyrille appli-
que à la génération de Jésus-Christ selon la
tous les siècles et avant tous les temps. Il n'a
que prophète Isaïe Qui ra-
point en effet de commencement, étant co- chair, ce dit le :

éternel à celui qui l'a engendré. Il a la même contera sa génération?


Le Saint-Esprit 2, dont la nature n'est Sur Pro-
la
puissance et la même gloire avec lui. 11 lui 5. cessioo di
point sujette au changement, est du Père
Saint- Espril.
figure et
est égal en toutes choses, étant la
la splendeur de sa substance. Il en est
de comme du Fils, étant une effusion substan-
même du Saint-Esprit. On ne doit point le tielle de l'une et de l'autre. Quoiqu'il ait son
regarder comme étranger à la nature divine, hypostase ^ propre, et qu'il soit connu par
imisqu'il est naturellement du Père et qu'il lui-même en tant qu'il est Esprit et non pas

se répand par le Fils dans les créatures. Fils, il n'est pas toutefois étranger au Fils,

« C'esten cette manière, dit saint Cyrille, que puisqu'il est, comme Jésus-Christ, Esprit de

nous connaissons cette simple et adorable vérité, et qu'il vient de lui par effusion
Trinité, qui, est une en essence, égale en comme du Père. Par effusion, saint Cyrille
gloire et en majesté. Nous soutenons encore, entend procession. Cela se voit dans son
que le Verbe qui est Dieu, a été engendré Exposition du symbole de Nicée,où il dit, après
de Dieu son Père d'une manière incompré-
'
avoir parlé de Jésus-Christ, les bienheureux
hensible, ne l'ayant pas été corporellement, Pères * font aussi mention du Saint-Esprit,
mais ainsi qu'il était convenable à une na- disant qu'ils croient en lui comme au Père
ture intelligente et incorporelle. C'est une lu- et au Fils car il leur est consubstantiel et
:

mière qui est émanée d'une lumière toute en est une effusion, c'est-à-dire il en procède.
brillante, une vie qui a eu la vie pour son Ce Père enseigne ailleurs ^ que le Saint-Es-
origine. Il a été engendré de la substance de prit est de l'essence du Père et du Fils, et
Dieu son Père. Comment cela s'est-il fait? qu'il procède de l'un et de l'autre. Il dit en-
Nous ne pouvons le concevoir ni l'exprimer. core ^ dans l'explication du neuvième de ses
Etant Dieu, il s'est abaissé p*ur l'amour de anathématismes, que le Saint-Esprit est du
nous jusqu'à prendre la forme de serviteur Verbe et substantiellement en lui. Ce qui
et naître d'une femme selon la chair, sans marque assez nettement que saint Cyrille
observer néanmoins dans sa naissance les croyait que le Saint-Esprit procédait du Fils
lois ordinaires de la nature car il n'est pas :
comme du Père car une personne divine :

né d'un homme et d'une femme : la manière ne peut être d'une autre que par génération

substa7itia gcnitiim. Idem. lib. De recta fide, pag. 44, 3 Nam etsi Spiritus in propria persona sub':istat ea-

tenusque in ipso consideretur. quatenus Spiritus


est et
tom. V, part. n.
1 Natus enim ex Deo et Pâtre Deus Verbum: et na-
non Filius ; non est tamen ab eo alicnus :
quandoqui-
modus nec oratione valet, nec intelligentia
tivitatis dem Spiritus veritatis nominetur; Christus autem Ve-
et proinde quoque ab illo alque a Deo
Pâtre
comprehendi, non enim corporaliter genitus est, sed ritasest ;

ut naiurœ sub intelligentiam cadenti et incorporeœ procéda. Idem, epist. ad Nestorium de Excommuni-
catione, cap. xxvi, mim. 10, pag. 405,
tom. 111
convenu. Lux enim resplendv.it de luce,et vita exvita
ortus est. Et genitum esse vere ex substanlia Dei ac Concil.
Patris, indubie credimus : ai quomodo, non est facul- '-
Postquam autem beatissimi Patres sermonem de
tatis nostrœ, vel exprimere vel cogitare. Sed cum es- Christo absolverunt, Spiritus Sancti mentionem fa-
dixerunt, simili
set natura Deus, se ipse dimisit, ut propter nos exina- ciunt. Credere namque se in illum
nitionem pateretur, ac servi formam sumpsit, et 9iasci modo videlicet ut in Patrem et Filium. Est enim ipsis
procédât,
de muliere secundum carnem sustinuit, non humanœ consubstantialis; et profunditur quidem, seu
autem créatures
tamen nativitatis leges secutus. Non enim ex viro sicut a fonte Deo et Pâtre, tribuitur

et muliere ortus erat, sed


mijsticus potius et peregri- per Filium. Idem, in Sanctum Symbol., pag. 190,
nus, etsupra 7ws, ac prope inenarrabilis... quoniam tom. V, part. ii.

vero supra naturœ suœ conditionem hoc carnalis nati- s Cum igitur Spiritus sanctus nobis immissus confor-
vitatis ejus mysterium fuctumessecreditur,
propferea mes nos Deo effîciat : procédât vero is a Pâtre et Filio :

dicit Propheta : Generatioaem ejus quis


enarrabit ? manifestum ex divinn essentia ipsum esse, essen-
est
Thesaur.,
Idem., comment, in Isai., pag. 747 et 748, tom. II. tialiter in ipsa procedentem. Idem, in lib.
2 Mutabilis autcm nullo modo spiritus est ; aut, si pag. 345, tom. V, part. I.
mutalionis morbo laborat, ad ipsam Deinaturam hœc « Spiritus Sanctus ex ipso est, ipsique essentialiter

inest. Idem, in Déclarât, anathematism.


noni, pag.
labes pertinebit ; siquidem est Dei et Patris et
Filii,

ille qui substantialiter ex utroque , nimirum ex


Pâtre 155.
per Filium profluit Spiritus. Cyrill., lib. De adorât, in
spirit. et verit., pag. 9, tom. I.
[iv ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XX. SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 329
ou par procession le Saint-Esprit ne vient
: On dit dans le même sens que Dieu a souf-
pas du Fils par généraliou, il en vient donc fert, qu'il est ressuscité, non qu'il ait souf-
par procession. fert ou qu'il soit ressuscité en sa propre na-
G. II n'y a qu'un seul Jésus-Christ Fils de ture, qui est impassible; mais parce que la
Dieu ', le même qui est engendré de Dieu nature humaine à laquelle il s'est uni, a
avant tous les temps, et d'une femme dans soufl'ert et est ressuscitée. Le Verbe divin
les derniers temps selon la chair; en sorte est immortel de sa nature, il est la vie même :

que c'est une seule personne. Car, quoique mais parce que le corps qu'il a pris a souf-
les deux natures ^ en Jésus-Christ soient dif- fert la mort, nous disons que lui-même est
férentes, étant unies d'une manière ineffa- mort pour nous.
ble eu unité de personnes, elles constituent 7. L'Emmanuel, en tant qu'homme, ne doit Sar l'Ado-
ration due à
un seul Jésus-Christ, sans que cette union pas être adoré ^ ce serait une folie et une
:

détruise la ditlerence des deux natures. C'est erreur de le soutenir, et ceux qui le disent
pourquoi l'on dit du Fils de Dieu qu'il est ne difterent en rien des gentils, qui rendent
né d'une femme, parce qu'il est uni à la na- leur culte à la créature et non au Créateur.
ture humaine selon l'hypostase ou person- Nous ne disons pas * non plus que nous ado-
nellement. Ce n'est point un pur homme qui rons l'homme avec Dieu, de peur que le
est né de la Vierge, dans lequel le Verbe de terme avec ne donne quelque idée de divi-
Dieu soit descendu depuis. C'est le Verbe sion. Mais nou9 l'adorons comme une seule
même qui s'est uni à la chair dans le sein et même personne, car le corps du Verbe ne
de la Vierge. Il est conséquemment né d'elle lui est pas étranger. Saint Cyrille répète la
selon la chair, comme s'élant approprié la même chose dans le huitième de ses ana-
génération do la chair à laquelle il s'est uni. thèmes ^. Pour expliquer l'adoration de l'hu-

1 Credentes unum esse Dominum nostrum Jesum ob rem et ipsum quoque nosiri causa illa perpessum
Christum Filium Dei, utique unigenitum ejus Verbum asseritur. Impalibile enim Verbum in corpore patibili
inhumanatum et incarnatum, non in duos filios inci- existebat. Idem de ejus quoque morte sentiendum et
et
dendum, sed eumdem ex Deo ineffabiliter genittim statuendum est : siquidem Dei Verbum suapte natura
anteomne tempus, et in ultimis sœculi iemporibus immortule, et a corruptione alienum et vita rursum et
eumdem secundum carnem, ila ut et una ejus persona vivificam est. Verum quia suum ipsius corpus gratuito
sit. Cyrill., ad Aristolaum, tribunum, apud
Epist. Dei munere mortem, attestante Paulo, omnium causa
ChristiaQuin Lupum, toin. Epistolarum variorum degusiavit, sit ut ipsum quoque mortem propter nos
Patrum, cap. cxxiv, pag. 385. perpessum dicatur : non quod ipsum, quod quidemad
* Et quamvis naturœ sint diversœ vera tamen unione propriam naturam attiriet, mortem exceperit aliquando
coeuntes, unum nobis Christum et Filium effecerunt ; {insania numque niera esset istud vel dicere vel cogi-
non quod naturarum differentia propter unionem su- tare) sed quia caro illius mortem. ut modo aiebam,
;

blata sit, verum quod divinitas et humanitas sécréta degustavit. Pari modo, quia caro illius j'esurrexit, et
quadam ineffabilique conjunctione in una persona ipsi quoque resurrectio tribuitur : non quod ipsum ce-
unum nobis Jesum Christum et Filium constituerint : ciderit in corruptionem ; absit : sed quia rursus cor~
ad hune itaque modum, qui ante omne sœculum exis- pus illius exsuscitatum est. Idem, Epist. ad Nestor.,
iity et ex Paire genitus fuit, secundum carnem ex pag. 23 et 24, tom. V. part. n.
muliere natus dicitur : non quod divina illius natura ' Ergo ut hominem adorabimus Emmanuel. Absit.

aliquod existentiœ suce initium ex sacra Virgine Vanissimum hoc est, et fraudis atque errons plenissi-
sumpserit, aut quod post primam ex Pâtre, altéra mum. Nam hoc pacto nihil differamus ab Us qui
rursumpropteripsam générât ionem indigner it; s tultum creaturam potius quam crealorem colunf. Gyrill in ,

est enim planeque ineptum asserere, eum qui ante Dialog. de Incarnat., pag. 700, tom. V, part. i.
omnia scecula Patri coœternus existit, altéra denuo * Unum Christum et Dominum confitemur
; neque

quo existere queat, generatione indiguisse ; sed quod hominem una cum Verbo adorandum dicimus ; ne
propter nos, et propter nostram salutem humana na- illud cum Verbo, aliquam divisionis imaginationem
tura secundum hypostasim sibi unita ex muliere 7iasci menti objiciat. Neque enim duos, sed unum eumdem-
voluerit. Atque hinc est quod secundum carnem natus que adoramus : quandoquidem corynis suum non est
prœdicetur. Non enim primo vulgaris quispiam homo alienum a Verbo, sed ipsius Verbi propriam. Idem,
ex Virgine ortus est, in quem Dei Verbum deinde se Epist. ad Nestor., pag. 24, tom. V, part. n.
demiserit : sed in ipso utero carni unitum, secundum '^
Si quis hominem assumptuîn, una cum ipso Dei
carnem progenitum dicitur; quasi suœ carnis genera- Verbo adorandum, unacum illo glorificandum, una cum
tionem sibi ut propriam vindicans. Ad eumdem mo- illo, tanquam alterum altero existentem, Deum appel-
dum illud quoque passum et resuscitatum dicimus : landum esse dicere aasus fuerit {hune enim intellectum
non quod Dei Verbum aut plagas aut ctavorum perfo- particula cum, adjecta, perpétua et necessario afferre
rationes, aut alia id genus incommoda in propriam consuevit) : et non una potius adoratiune Emmanuelem
naturam acceperii (nam ut divinum Numen corporis attribuit, quatenus Verbum factum est caro, anathema
expers est, ita perpeti quoque nihil potest) sed quia Idem, Anathemat.
:
sit. 8, pag. 76, tom. V, part. 2.
corpus quod sibi asciverat hœc expertum fuerat, eam
330 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
manité unie à la divinité, saint Epipliane so veur, j'ai toujours été orthodoxe. J'anathé-
sert de cette comparaison « Qaand on adore
: matise Apollinaire et tous les autres héréti-
l'empereur revêtu de sa pourpre, adore-t-

ques je confesse que le corps de Jésus-
:

on la pourpre ou l'empereur? Il est évident Christ est animé d'une âme raisonnable ;

qu'on adore l'empereur avec sa pourpre. qu'il ne s'est point fait de confusion; que le
Mais lorsqu'il s'est dépouillé de cette pour- Verbe divin est immuable et impassible se-
pre, on ne va pas la saluer ni l'adorer. 11 ar- lon sa nature. Mais je soutiens que le Christ
rive de même que l'empereur étant assis ou le Seigneur Fils unique de Dieu, est le
sur son trône, on vient le saluer et l'adorer même qui a souffert dans sa chair, comme le
sur le trône; mais lorsqu'il se lève et sg re- dit saint Pierre. On m'accuse encore de
tire, on ne rend aucun honneur au trône. dire ^ que le sacré corps de Jésus-Christ a
Comme il n'y a personne assez fou pour dire été apporté du ciel, et non pas tiré de la
à l'empereur Otez-vous de dessus ce trône,
: sainte Vierge. Comment l'a-t-on pu penser,
afin que je puisse vous adorer, il ne se puisque toute notre dispute a roulé sur ce
trouve aussi personne qui dise au Fils uni- que je soutenais qu'elle est mère de Dieu?
que : Dépouillez -vous de votre corps, afin Comment le serait-elle, et qui aurait-elle
que je vous adore mais il adore le Fils
: enfanté, si du ciel? Mais
ce corps était venu
unique avec son corps, l'Etre incréé avec lo quand nous disons que Jésus-Christ est venu
temple auquel il s'est uni. » » du ciel, nous parlons comme saint Paul, qui
8. Il faut entendre saint Cyrille s'expliquer dit Le premier homme était de terre et terres-
:

lui-même sur les mauvais sentiments qu'on tre ; le second estvenu du ciel. Le Sauveur dit
lui attribuait touchant l'incarnation. « Parce lui-même Personne nest monté au ciel, que
:

que quelques-uns, dit-il -, m'attribuent les celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme.
erreurs d'Apollinaire, d'Arius ou d'Euno- Car encore que ce soit proprement le Verbe
mius, je déclare que, par la grâce du Sau- qui soit venu du ciel, on le dit aussi de

1 Etenim cum purpuratus imperator ab omnibus ' Quoniam vero comperi quosdam ex ils guibus
adoratur, utrum purpura an imperator adoratur ? cavillari mos est, instar agrestium vesparum cir-
Profecfo imperator ipse quocum purpura illa, quam cumstrepere, improbosque sermones contra me eructare,
gestaf, adoratur. Hanc cum exuerit princeps et suo quasi dicerem, sanctum Christi corpus non ex sancta
loco reposuerit, no)i amplius purpurea vestis adoratur. Virgine sumptum, sed e cœlo allatum esse, opère pre-
Sœpe numéro accidit, ut imperator in Augustali, suo tium rat us sum, pauca hac de re contra illos disse-
insolio consideat, ibique qui imperaforem venerantur, rere. stolidi et tuntum calumniandi périt is,quomodo
tam ipsum in Augustali quam solium ipsius adorent. in hanc adducti estissententiam? Quomodo in tantw
Mox ubi imperator assurexerit ac discesserit, nemo insipientiœ morbum incidistis? Intelligere namque
augustale amplius, aut solium adoret. Nem.o vero plane oportuit, universum fere certamen pro fide a
adeo insanus est ut imperatorem adorare cupiens ei nobis esse susceptum, quod sanctam Virginem Dei ge-
dicere audeat : « Digredere ex illo tuo augustali, ut nitricem esse constanter afprmamus. At si sanctum
adorem te. nemo dixeril
» Ita ergo unigenito Filio : corpus nostri omnium Salvatoris Christi non ex Vir-
« Depone corpus ut adorem te. » Sed unigenitum gine natum, sed e cœlo allatum asserimus, quomodo
adorât cum corpore hoc est increaium illum cum
: illam Dei genitricem esse intelligemus ? Quem enim
sanctissimo templo quod sibi adveniens udjunxit. tandem illa peperit,si Emmanuelem secundum carnem
Epiphan., in Ancorat., cap. u, pag. 54, tom. II. vere non peperit?... Cum autem Dominum nostrum
* Nec vero simpliciter quidam alienautium et in- Jesum Christum e cœlo et e supernis descendisse dici-
consideratorum contra nos evomantverba, ea qiiœ sunt mus non ita hoc dicimus quasi sanctam illius carnem
Apollinarii, vel Arii sive Eunominii sapere diffamari- superne et e cœlo allatam significare velimus; sed
ies... Ego per gratiam Salvatoris semper fui et orlho- potius beatum Paulum sequimur, diserte prœdican-

doxus, nulritus vero sum et intcr manus ort/iodoxo- tem : Primus homo de terra terrenus, secuiidus liomo
rum patris. Et neque illa quœ sunt Apollinarii sapui de cœlo. Meminimus etiam ipsius Salvatoris dicentis :

unquam, absii, nec ea quœ alterius cujuslibet hœre- Ncino asceudit in cœhim, nisi qui descendit de cœlo,
tici. Immo vero anaihematizo illos. Neque enim ina- Filius liominis quamvis enim ex sancta Virgine, ut
:

nimatum dico Christi corpus. Confilevr vero quod modo dixi, secunduni carnem natus sit : altamen quia
animatum sit anima rationali. Et neque confusiotiem, Deus Ver/jum e supernis deorsum descendit, servilique
vel confermentationem, vel refusioncm factam confir- forma assumptu semetipsum exinanivit, ac Filius homi-
mo, sicut aliqui dicunt ; inconvertibilem vero et im- 7iis appellatus sit, mancns quod erat, hoc est Deus
mutabilem subsistere secundum naturam Dei sermonem {immutabilis et inalte.rabilis est secundum propriant
naturam] ; tanquam unus jam cum propria came con-
novi, et omnis passionis insusceptibilem secundum
propriam naturam... unum vero eumdem Christum et sideratus e cœlo descendisse dicitur. Nominatur autem
Dominum unigenitum Dei Filiiim, ipsum dico passum et homo quoque de cœlo, quippe cum perfectus in di-
pro nobis carne secundum Scripturas, sive secundum idemque in humanitate perfectus et tan-
vinitate sit,

beati Pétri vocem. Cyril., Epist. ad Acacium, apud quam in una persona intelligatur. Ç.jv\)l., Epist. ad
13aluz., in Nova Collect. Cooncil., cap. LVi, pag. 7(30. Joan. Antioch., pag. 106 et 107, tom. V, part. 2.
[iV* ET Y' SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 331

l'homine, à cause de l'unité de personne. » celte expression n'est pas particulière à saint
On lui reprochait aussi d'admettre un Cyrille. Saint Flavien de Constantinople, qui
mélange ou une confusion du Verbe avec la déclare dans sa confession de foi ^ qu'il re-
chair. « J'en suis si éloigné, dit-il ', que je connaît en Jésus-Christ deux natures après
crois qu'il faut être insensé pour le penser, l'incarnation, en une hypostase et en une
et pour attribuer au Verbe divin le moindre personne, ajoute qu'il ne refuse pas de dire
changement. Il demeure toujours ce qu'il est, aussi une nature du Verbe divin, pourvu
sans altération, et nous reconnaissons qu'il que l'on dise incarnée et humanisée. Dans
est impassible, quoiqu'il s'attribue les souf- le premier concile de Latran, en 649, on
frances de la chair, saint Pierre ayant dit si condamna ceux ^ qui ne confessaient pas, se-
sagement que Jésus -Christ a souffert dans lon les saints Pères, une nature du Verbe
sa chair et non pas dans sa divinité. » Ce qui incarné.
pouvait occasionner le reproche fait à saint 9. Dieu qui est le créateur de tous et plein Sur la Vo-
lume ea Dieu
semble ne\e-
Cyrille sur ce sujet, c'est qu'il de bonté ", veut que tous soient sauvés et de SI u Ter (oog
les humiuei.

connaître qu'une nature après Tunion -. qu'ils parviennent à la connaissance de la


« Nous ne divisons plus, dit-il, les natures vérité. C'est dans cette vue qu'il a souvent
après l'union ^; mais nous disons, comme averti par ses Prophètes les Israélites, par-
les Pères, une nature de Dieu Verbe incar- ticulièrement les habitants de Jérusalem, qui
né. » Il s'explique aussitôt en ajoutant qu'il s'étaient rendus les imitateurs des prévarica-
y a deux natures unies, mais que Jésus- tions des Samaritains, peuples qui ne sui-
Christ est un. 11 apporte l'exemple de la na- vaient d'autres loi que leur volonté, et qui
ture humaine, où chaque homme est un, avaient quitté Dieu poiu" adorer les démons
quoique composé de deux natures différen- et les idoles faites de la main des hommes.
tes, savoir de l'ûme et du corps. Au reste, Les Juifs eux-mêmes ''
ont rejeté le Verbe

1 Tua vero sanctitas illorum ora


comprimere digne- positi, duasque ytaturas intuemur, alteram corporis,
tur, qui concretionem, vel confmionem, vel commix- alteram animœ : sed unus ex utriusque unione constat
iionem Dei cum carne factam esse dicunt. Verisimile homo. Neque vero quia ex duabus naturis compositu»'
nanique est nonnul/os esse qui ista quoque de me in est, duos putare debemus homines qui unus est, sed
vulgus jdctent, quasi talia seriserim aut dixerim. Atqui unum eumdem per compositionem, ut dixi, qui anima
tantum abesl ut ejus modi quidpiam sentiam, ut eos constat 'et corpore. Idem, Epist. ad Success., pag. 137
etiam insanire existimem,qui vel aliquam conversionis et 138, tom. V, part. 2.
ac vicissitudi7iis adumbrationem in divinani vcrbi natu- * In duabus utique naturis confilenies Christum post
ram cadere posse suspica7itur. Manei enim illa quod est incarnationem ex sancta Virgine, et inhumanationem, in
semper, neque alterata est aliquando : sed neque un- una subsislentia una persona unum Christum, unum
et
quam ulterabitur, neque uUius erit mutationis capax. Filium, unum Dominum confitemur. Et unam quidem
Impatibite prœterea ipsum Dei Verbum confiiemur am- Verbi Dei naturam, incarnalam tamen et inhumana-
nés, eiiamsi adniirabili quadam sapieniia mysterium tam, dicere non ne.gamus, eo quod ex ambabus unus
hoc ipse dispensons, eus sibi adscribere cernât ur pas- atque idem sit Dominus noster Jésus Christus. Tom.
siones,quœ propriœ carni acciderunt. Hoc quoque sa- IV Concil. Labb., pag. 15.
pientissimus Petrus : Christo, inquit, pro nobispasso 5 S/ quis secundum sanctos Patres, non confitetur
incarne, wo?j autem in illa ineffabilidivinitalis natura. proprie et secundum veritatem unain imturam Dei
Idem, ibid., pag. 107 et 108, tom. V, part. 2. Verbi incarnatam, per hoc quod incarnata dicilur
* Quapropter ex quibus est unus et solus Filius
ac nostra substantia perfecte in Christo Deo et indiminute,
Dominus Jésus Chris tus cogitationibus complexi, duas absque tantummodo peccato significata, condemnatus
quidem naturas uniias esse dicimus ; verum post hanc sit. Concil. Laleranense, anu. 649, Can, 5, pag. 351,
adunntionem, tanquam sublatQ jam in duas sectione, tom. VI Concil.
unani esse cre.dimus Filii naiuram, tanquam unius, ve- 6 Cum enim botius sit universorum
opifex, omnes
rum inhumanati et incarnati. Idem, Epist. ad Acacium, vult salvos esse et in agnitionem veritatis ventre. Hinc
pag. 115, tom. V, part. 2. igitur monuit sœpe per Prophetas sanctos Israelitos,
* Post unionem naturas alteram ab altéra non divi- maxime vero hierosolymitanos , qui ad Samariam
dimus, neque in duos Filios illum unum impalibi- commiijraverunt. Hi autem intemperanter ad id quod
lemque secamus, sed unum asserimus Filium, et ut ipsis placitum est declinarunt, et Deo naturœ et vere
sanc^Patres dixerunt, unam naturam Dei Verbi in- derelicio cul tores dœmoniorum extiterunt, et idolis
carnatam. Itaque quantum ad considerandum attinet, inanimis cul tum tribuerunt. Cyrill., comment, in Isai.,
atque animi oculis tantummodo contemplandum quo- lib. II, pag. 266, tom. II.
modo factus sit unigenitus, duas naturas unitas
ille ' Cum ipse populu^ quem sibi prœ cœten's peculia-
esse dicimus, vnum vero Christum et Filium et Domi- rem elegit Deus, in carne prœsentem abjecerit, et eum
num illud Dei Patris Verbum hominem factum et in- gui ad omnium salulem advenerat, excipere noluerit
carnatum asserimus. At, si plucct, hanc ipiam nosiratn quamvis fidem regno cœlorum remuneraretur Idem .

compositionem qua sumus homines. in exe/nplum ac- comment, in Jean., pag. 89, tom. LXXXIX.
cipiamus. Ex anima namque et corpore sumus com-
332 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
fait hommes et pour
chair pour le salut des pour les Israélites seuls, et non pour les au-
récompenser leur foi du royaume des cieux. tres nations destinées également au salut,
Si Judas ', après avoir reçu comme les autres dit exprès que le Seigneur serait la propi-
disciples, la grâce de Dieu, ne s'est jeté dans tiation du monde de ceux
entier, c'est-à-dire
l'abime de la damnation que par sa volonté de toute nation de toute sorte de condi-
et
propre, peut-on dire que Jésus-Christ ne tion qui devaient être appelés par la foi à la
l'ait pas conservé, puisqu'il lui a donné les justice et à la sainteté. «Mais, ajoute-t-il, no-
secours qui l'auraient maintenu en effet dans tre Seigneur Jésus-Christ séparant les en-
la grâce qu'il avait reçue, si ce traître ne se fants légitimes de ceux qui ne le sont pas,
fût volontairement attiré le malheur qui le et ceux qui écoutent ses divines paroles en
fit périr? Car en son pouvoir de jouir
il était s'y soumettant, d'avec ceux qui les mépri-
comme les autres Apôtres, de la grâce de sent, a prié pour eux seuls, ne croyant de-
Dieu. Mais cette grâce a éclaté en eux, et voir accorder les avantages de sa médiation
elle a toujours conservé ceux qui y ont coo- qu'à ceux dont il est le rédempteur et le
péré en quelque manière. pontife, et qu'il dit lui avoir été donnés par

Sorla Prière 10. Nousdans saint Jean que Jé-


lisons son Père. »
de J.-C. pour
les élus. sus-Christ victime de propitiation,
est la 11. La loi de Moïse ^, donnée aux Israéli-
non-seulement pour nos péchés, mais aussi tes par le ministère des anges, convainquait
pour ceux de tout le monde. Sur quoi saint du péché et montrait les fautes mais elle :

Joan.xxxvil Cyrille s'objecte un endroit de l'Evangile - ne pouvait conduire personne à la justice ;


9.
où Jésus-Christ semble nier clairement qu'il nul, selon saint Paul, n'étant justifié devant
prie pour tout le monde, et restreindre sa Dieu dans la loi. Elle produisait la colère en
prière à ses élus ce qui met le disciple en
: décernant sur-le-champ des peines pour cha-
contradiction avec le maître, du moins en que péché mais elle ne pouvait laver ni
:

apparence. Mais il résout cette difficulté en purifier personne de ses crimes. Dieu a donc
disant que saint Jean, qui était Juif de nais- accordé la grâce et la justification par Jésus-
sance, craignant qu'on ne crût que le Sau- Christ. Saint Cyrille s'objecte Si la loi ne :

veur ne serait avocat auprès du Père, que produisait aucun fruit * et ne servait de rien

1 Ostendat ergo aliquis non îicuisse prodiiori pe- ac goiere vocayidi erant per fidem ad justiliam et
rinde ac aliis discipitlis diviiia fui graiia, et nos vic- sanctificationem. Dominus autetn noster Jésus Christus
ias fatebimur. Sin aulem perinde ac alii septus gra- legitimos a spuriis secernens, et qui divinos ejus ser-
iia,nutu suo in perditionis buratltrum decidit : quo- mones audiunt, cordisque cervicem subjiciunt et se
modo non eum servavit Christus, qui bonilaiis suœ quodammodo servituti Dei mancipant, ab iis qui con-
opem ei impertiit ; ef quantum spectat ad i^ationem au- tumaci et prœfracla indole eum offenduni, pro iis
xilii eum servasset, maluni
nisi voluntate sua ipse solis rogare se convenientius dixit. Quorum enim nie-
sibi ultro aixesisset. gratia.quœ
Refuhit ergo in aliis diator est atque pontifex, iis tantum bona mediationis
perpetuo servavit eos qui suam voluntatem ei quo- largienda putahat. Quos etiam datos sibi esse ait. Id.,
dammodo cooperatricem adhibent. Idem, ibid., pag. lib. XI in Joan., pag. 967.

977. 3 Fuit quidem Israelitis, angelorum ministerio,


2 {Chrisius) advocatus factus est pro nobis, et ipse Mosis édita lex, sed erat illa quœ peccata coargueret,
propitiatio est pro peccatis nostris, juxta Joannis vo- monstraretque noxas : verum quœ nihil plane ad jus-
cem : non pro nostris vero tantum, sedet prouniverso tificationem conferret. Scribit namque sapieniissimus
mundo. At enim objiciet forsan aliquis : Salvatoris Paulus : manifestum est in lege nemitiem jmtificari

vocibus adversari non débet dictum Discipuli : Do- apud Deum : lex enim iram operatur, quœ pro cu-
minus enim nosfer Jésus Christus palam hic negare jusquc dclicto pœnas confestim decernil. Cum sit ergo
videtur se pro toto mundo rogare : sapiens aulem infirma lex, nec abstergere valeat sordes, hoc est, a
Joannes, inquit, contrarium bis ait. Non enim advoca- criminibus liberare quemquam, gratiam per fidem et
tum propitiationem fore pro nostris tantum peccatis jusiificationem in Christo, toto terrarum orbe univer-
Salvatorem asserit, sed etiam pro uniuerso mundo. sorum Deus largitus est. Idem, homil. 30 de Festis
Quœ sit ergo hujus ol>jectionis so/utto, aut quomodo pascbalibus, pag. 344, tom. V, part. 2.
Salvutori B. Jouîmes adstipuletur, non est explicatu Hic vero me forte roges, si nullus prorsus ex lege
'•

difficile. Quia enim beatus Joanties Judœus erat,etex ad expiatio-


fructus, si qui peccato impliciti sunt, iis
Judœis, ne qui forsan existimarent Dominum pro nem antiquœ immorari nihil omnino proderit,
litterœ
Israelitistantum advocatum esse apud Patrem, pro quid igitur ab initio fuit promulgata ? Ad hœc ergo
aliis vero gentibus,quœ per universum orbem sparsœ dicimus minisfratam fuisse per angelos interprète Mose
sunl, non item, quamvis fide erga ipsu77i conspicuœ consignatam litteris legem. Erat porro imago veritatis,
fuiurœ essent ; et brevi ad agnitionem salutis per et quœdam pietatis metamorphosis, per figuram et

Chrisfum vocandœ. necessario dicil, non pro solis umb?-as ad ipsam deducens. Scribit proitide sapieniis-
tantum Israelitis propitiationem fore Dominum, sed simus Paulus : Quoniam lex paedagogus noster fuit
pro universo mundo, hoc est pro iis qui ex omni gente in Christo. Cœterum hoc quoque supernœ sapientiœ
[n' ET \' SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 333

pour purifier ceux qui étaient enveloppés cheur est soumis, selon qu'il est écrit : Mau-
dans le péché pourquoi a-t-elle été pu-
: dit est celui qui ne demeure pas feime dans les

bliée? «C'est, répond-il, que Dieu a voulu ordonnances de cette loi, et qui ne les accomplit
faire passer les Juifs par la loi comme par point. C'est dans ce sens que saint Paul dit
une figure de la vérité et par les symboles que la loi a été établie pour les transgressions,
de la piété semblable à un ouvrier qui,
: et que la loi est survenue pour faire abonder le

voulant faire un vase précieux, fait d'abord péché. C'est-à-dire que les hommes qui étaient
son modèle et sou essai sur la cire. «Il ajoute sous la loi, ne cessant de pécher, le péché

que si Dieu n'a pas accordé aux hommes, dès est devenu plus abondant. Ce qui leur a fait
le commencement, la grâce qui vient de la voir le besoin du secours de celui qui justi-
a jugé nécessaire de leur donner
foi, et s'il fie par la foi, puisqu'ils ne pouvaient acqué-

auparavant la loi de Moïse, c'est afin qu'ils rir la justice par la loi.

connussent mieux le prix de la grâce de Jé- 12. Dieu était connu dans la seule Judée *, I.a Traie re-

sus-Christ. Réduits sous l'esclavage du pé- et sou nom grand dans Israël. Tout le reste
ligion était
dans les seuls
Israélites, de-
ché, assujettis aux passions les plus honteu- de la terre couvert d'épaisses ténèbres, au- puis la loi de
Moïse.
ses, ne pouvaient secouer le joug du
ils cun autre peuple n'était éclairé de la lumière
cruel tyran qui les tenait en esclavage. Ils divine et céleste. Alors toutes les nations
avaient besoin pour cet efiet, de cette bonté privées de la connaissance du vrai Dieu, les
de Dieu qui justifie l'impie et le soustrait à Juifs étaientson peuple, sa portion, son hé-
la vengeance et à la peine qu'il mérite. Il ritage. Mais depuis que le soleil spirituel a
fallait que Dieu fit luire sur eux la grâce qui porté sa lumière par toute la terre, toutes les
vient de la foi en Jésus-Christ, et qu'il les nations, à l'exclusion des Juifs, en ont été
purifiât par ce moyen du péché et de la éclairées; ils se sont trouvés seuls délaissés;
corruption de leur âme. Pour qu'ils recon- la lumière changée pour eux en ténè-
s'est
nussent la grandeur de ce bienfait, Dieu leur bres, selon ce qui est écrit Ceux qui atten- :

a donné d'abord la loi, qui, en ne justifiant daient la lumière ont marché dans les ténèbres :
personne, servait du moins à convaincre c'a été l'accomplissement de la menace que
l'homme de sa faiblesse et de son impuis- Jésus-Christ avait faite aux Juifs, de les
sance. Elle lui faisait connaître son péché abandonner et de leur substituer les autres
en lui marquant l'anathème auquel le pé- nations. Au reste, que le vrai Dieu n'ait été

inventum divinique artificii demonsfralio fuit. Vt enim rursum samtissimus Paulus, scribit namque Quoiiiam :

qui metallariœ artis gloriam adamanint, exercent Lex proptcr trausgressionem posita est. Et iterum :
iili manuni, neque ab initio stntim necessariœ materiœ lex autcm subiulravit ut abuudaret delictum. SuC'
se applicant, atqui in cera politis meditantur artem, cumbentibus nimirum qui sub lege erant et usqua
in ea cujusque vasis fi/juram e/forntant... Liceat porro peccanlibus,abundavit delictum. Coarguente igitur
iis qui recte dicere decreverunt, alium quoque non lege illorum qui sub ipsa degebant imbecillitatem,
ignobilem modum responsionis afferre, quamoLvem proinde indigebant mortales eo qui per fidem, non
omnibus qui terram incolunt nequnquam initio fidei autem ex legis operibus justificaret. Christus auiem
gratia est donata ; sed prœmittere antea tnosaicam hom. 29 de Festis Paschalibus, pag.
hic erat. Cjrill.,
legeni necesse fuerit. Dominabatur in nobis peccatum, 339 et 340, tom. V, part. 2.
et imperium orbis obtinebat. Gravis nos urge-
totius ' Erat in sola Judœa noius Deus, et in solo Israël :
bat tyrannus,libidinum cœno involvens; alque ad reliquam terram alla quœdam tegebat caligo, nemine
omne improbitatis yenus uniuscujusque voluntatem in mundo divinam et cœlestem luccm habente prœler
viribus spoliatam dejiciens. nec illius sœvitiœ jugo unum Israël. Sed tune temporis tanquam universis
eximi licebat. Erat proinde nece^saria mortalibus simul gentibus in hoc mundo a cognitione Dei seclusis,
summa il/a et incomparabi/is Dei beniynitas, quœ seorsimque suum locum tenentibus, genitus est populus
justificat impium, atque a supplicioet pœmi immunem Domini, pars ejus, funiculus hœreditatis ejus Israël :
habet. Oportuit, quibus in/tœserant plane tenacissimœ sic rursus in universum orbem, sole inlelligibili in-
prœvitatis sordes fidei quœ in Christum Bit gratia vecto, et lumine Israelitis decedente, gentibus vero
effulgere.Neque enim aliter evitare et peccati Inqueos, appellente, extra universa Israël repertus est. Quippe
et diabolicœ crudelitatis ti/rannidem licebat. Ut ergo dum exspectant lucem, factœ sunt illis tenebrœ, juxia
per Christum habitœ gratiœ, et beneficentiœ magnitudo id quod scriptum est, operientes lucem, iu uoete am-
non ignoraretur, neminem illa plane
lex est prolata, bulaveruut. Non est igitur de nihilo quod servator
justificans, sed quœ
potius eorum qui hacte/nts vixe- Pharisœos alloquens ait ; Ego sum lux mundi. E/e'
rartt imbecillitatem coargueret. Erat itaque illa
index ganter enim minalur se discessurum ab Israël, frans-
peccati, quœ peccatores execrabiles demonslraret. laturum in universum mundum suam gratiam, et
Scriptum enim : Maledictus otuuis homo qui uon
est aliis jam cognitionis Dei radios expansurum. Cyrill.,
permaaet omnibus sermonibus legis hujus. ut fa-
iu comment, in Joan., pag. 485, tom. IV.
cial ea. Vera porro esse quœcumque dixi, confirmabit
334 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
adoré que des Juifs seuls avant la venue de selon qu'il est écrit : Si le Seigneur ne bâtit Psai- tun.
Jésus-Christ, c'est un fait si constant, que la maison, c'est en vain que travaillent ceux qui
les démons mêmes en convenaient; car l'o- la bâtissent.
racle d'Apollon •, interrogé chez quel peuple Avant que les choses se fassent*, Dieu
14. sarieiitr.
°''"^°"
était la sagesse, répondit que les seuls Chal- les mais il laisse aller les choses
connaît :

déens l'avaient eue en partage, et que les leur cours, étant au pouvoir du libre arbitre
Hébreux adoraient le vrai Dieu. de chacun d'agir et de ne pas agir. L'homme
Sur la Grâce. ^3. Saint Cyrille,
en expliquant ces paro- a entre ses mains ^ les rênes de sa volonté ;

les Les Anges prirent Loth par la main -, y


: il peut, à son choix, se porter d'un côté ou
Irouve une preuve évidente que les avertis- d'un autre, au bien ou au mal. Si donc Dieu
sements extérieurs et les inspirations secrè- se servait d'une vertu secrète pour le porter
tes ne sont pas les seuls moyens dont Dieu au bien et le rendre inaccessible au mal,
se sert pour nous détacher du péché; que, sans qu'il dépendît de la volonté d'agir au-
par un dernier efforl, qui est l'effet de sa trement, le bien que l'homme ferait en cette
miséricorde, il nous donne un secours qui occasion ne pourrait lui être attribué; il n'en
nous fait agir eflicacement; et que c'est en mériterait point de louange. Ce serait l'effet
ce sens qu'il est dit : Vous m'avez pris par ta seul d'une puissance supérieure à la volonté
main droite, et vous m'avez conduit par la voie qui la nécessiterait à l'action.
de votre volonté. L'homme, en effet, étant trop 15. Ou sait avec quel zèle saint Cyrille a s„|j
^""^*'
faible et n'ayant pas de forces suffisantes combattu pour l'honneur de la sainte Vierge.
pour se tirer de l'abime du péché. Dieu veut Il aime à lui donner partout le titre de Mère

bien travailler avec lui pour l'en faire sortir. de Dieu ^, et dit anathème à quiconque le
D'où il est visible qu'il nous donne une dou- lui refuse, ou qui ne confesse pas qu'Emma-
ble grâce la première, lorsqu'il nous excite
: nuel est véritablement Dieu. 11 ne conçoit pas
et nous amime par de charitables averlissc- comment on peut contester à Marie la qua-
semeuls; la seconde, lorsqu'il nous four- lité de Mère de Dieu puisque c'est la doc-
'

nit un secours plus puissant que la violence trine des Apôtres et des Pères qui lui ont
avec laquelle le péché nous poursuit et s'ef- donné ce titre dans leurs écrits, nommément
force de nous entraîner. S'il ne dirige et saint Athanase *. Julien, dont le témoignage
n'aplanit ^ la voie de nos actions, tout le ne peut être suspect, dit que les chrétiens '^

travail de l'homme est inutile et infructueux, la qualifiaient Mère c?e/>jeu; qu'ils reconnais-

1 Cum enim quidam Pijlhiam ad Apollinis icmplum auiem vcluti secundo amne res humanas sinit, quia
venisset ac rogasset, qiiœnam gentes maxime sapientia pendere a cujusque arbitrio cernitur ut agat quidlibef,
cœteris anteirent, feriur oraculum edidisse : « Soli aut non agat. Idem, lib. III contra Julian., pag. 84,
Chaldœi sapienliam Jiacii sunt ; Hebrœi vero inge- tom. VI.
nitum Regem colunf, ipsum Deum. » Idem, lib. V * Ipse enim suœ voluntatis habenas tenet, ac liberis

contra Julinn., pag. 180, tom. VI. motibus in utrumque feriur, bonum scilicet ac malum.
2 Tenuerunt angeli mauum ejus (Gènes, xix, vers. Quapropter si ineffabili quadam et divina virtute et
16). Id porro esse argumenta evidentissimo potest, ?ios efficacia utendo uniuscujusque mentem ad bene agen-

non verbis tantum et admonitionibus in animum im- dum iranstulisset, et imperium ipsi bonum etiam no-
missis incitari ut a peccatis recedamus sed etiam ad ; lenti statuisset, non jam istud mentis fructus esset,
eam erga nos benignitutem descendere omnium Salva- adeoque nec digna laude res, sed nscessitatis potius et
torem Deutn, ut e/ficaci nos auxilio juvet,juxta i/lud : non voluntariœ cupiditatis. Idem, lib. VIII contra Ju-
Temiisti mauum dexteram meam, et iu voluutate tua lian., pag. 285.

deduxiâti me. Nam quia hominis natura non est ad- 8 Si quis non confitelur Emmanuelem verum Deum
modum firma, neque satis virium habet, ut emergere ess';, et ob id sanctam Virginem Deiparam (genuit
e vitiis possit, opem illi fert in ea re Deus. Itaque enim illa incarnatum Dei Verbum secundum carnem),
duplicem grafiam tribuere cognoscitur ; cum enim anathema sit. Idem, Anath. 1, p. 76, tom. V, part. 2.
monitis suadet, tum adjuvandi rationes iuvenit, cas- Miror itaque majorem in modum esse aliquos om-
''

que prœsenti malo, vimque nobis afférente valentiores nino, qui utrum sacra Virgo Deipara appèllandn sit,
efficit. Cyrill., lib. de Adorât, in spirituet verit., pag. plane addubitent. Etenim si Dominus Deus noster Jé-
25 et 26, tom. 1. sus Christus Deus est, quo tandem modo sacra Virgo
3 Deo enim non dirigenfe, et actionum nostrarum quœ illum edidit, Deipara non dicatur ? Hanc fidem
viam non complanante, inanis est prorsus, et infruC' divini discipuli nobis tradiderunt, quamvis istius diC'
tuosus hominis in quacumque re susceptus labor. tionis non meminerint. Ad hune modum a sanctis
Scriptum est enim : Nisi Dominus œdificaverit do- Putribus institua sumus. Idem, Epist. ad Monach.
mum, in vaimm laboraverunt qui œdilieant eam. yEgrjpt., pag. 3, tom. V, part. 2.
Idem, comment, in Aggceum, pag. 64G, tom. III. * Idem, ibid., et pag. •'».

* î^ovit quippe (Deus) omnia priusquam fiant : ire ^ At si Verbum [inquit Julianus) Deus ex Deo est,
[IV' ET V SIÈCLES.] CIIAPITRE XX. SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 333
saient que le Verbe est Dieu et engendré de les Apôtres annoncé le salut aux nations;
la substance du Père. Cet apostat fait contre vous par qui les morts sont ressuscites, en-
eux divers raisonnements rapportés et réfu- fin par qui les rois régnent par la sainte Tri-
tés ailleurs par saint Cyrille. Nous remar- nité. »
querons seulement ici que ce Père, outre coutume des chrétiens - de
16. C'était la
la qualité de Mère de Dieu ', donne encore se munir du signe de la croix pour repous-
à la sainte Vierge celles de trésor vénéral)le ser les embûches du diable. Ils mettaient
de tout l'univers, de lampe qui ne s'éteint dans la croix de Jésus leur gloire et leur
point, de couronne de la virginité, de scep- confiance : doctrine qu'ils avaient apprise de
tre de la bonne doctrine. 11 ajoute, eu s'a- l'Apùtre, qui ne voulait se glorifier en autre
dressant à elle, dans un sermon prononcé h chose qu'en cette croix. Il faut entendre Ju-
Eplièse « Nous vous bénissons, vous qui,
: reproches qu'il leur faisait à ce
lien sur les
dans votre sein toujours pur et toujours sujet, en parlant du bouclier ^ que les Ro-
vierge, avez compris l'immense et l'inconi- mains nommaient ancille, et qu'ils disaient
prébensiblc; vous par qui la Trinité sainte avoir été envoyé du ciel à Numa. « Miséra-
est glorifiée et adorée par qui la précieuse
;
bles que vous êtes, leur dit-il, ayant chez
croix du Sauveur est exaltée et adorée par vous cette arme céleste que le grand Jupiter
toute la terre; par qui le ciel triompbc, les ou Mars, votre père, vous a envoyée pour être
démons sont chassés, le tentateur vaincu, un gage réel de sa protection éternelle sur
les Anges se réjouissent, la nature fragile est votre ville au lieu de l'honorer et de l'ado-
:

élevée jusqu'au ciel, l'idolâtrie est renversée, rer, vous adorez le bois de la croix, et vous
la connaissance de la vérité est établie; par en représentez l'image sur votre front et au
qui les fidèles obtiennent le baptême, sont devant de vos maisons. Doit-on haïr les plus
oints de de joie; vous par qui toutes
l'huile sages d'entre vous, ou avoir pitié des plus
les Eglises du monde ont été fondées et tou- simples que vous avez conduits à cet abime
tes les nations du monde amenées à la péni- d'erreur, de quitter les dieux éternels pour
tence; vous par qui le Fils de Dieu, qui est vous attacher à ce mort des Juifs? »
lalumière du monde, éclaire ceux qui étaient 17. Cet apostat leur reprochait aussi le
dans les ténèbres assis à l'ombre de la mort; culte qu'ils rendaient aux morts, c'est-à-dire
par qui les Prophètes ont prédit l'avenir, et aux martyrs. « Encore, dit-il •*, si vous nous

ut seniitis, et ex substantia Pal7'is prodiit, cur vos gentibus pt'cenuniiarunt, per quam moftui exsusci-
Deiparam Virginem esse dicids (quomodo enim pepe- tantur, per quam reges régnant, per sanctam Trini-
rit Deiim cum sit homo sicuti nos) ? Deinde, ciiin tatem. Ecquis hominum laudabilissimam Mariam pro
Deus, inquit, clare dicat : Ego sum, et non est proe- dignitate celebrare queat? Cyrill., homil. Ephos. in
ter me salvans vos Servatorem cum qui ex ipsa na-
; Neslorium habita, quando septem ad sanctam Mariam
tus est dicercausi estis. Juliau., apud Cyrill., lib. VIII, desceudermit, pag. 583 et seq., tom. III Concil.
pag. 276. * Sanctœ crucis signo obsepiri credenta soient et

Salve a nobis, Deipara Maria, veneroulits totius


* communiri. Usi enim semper sumus hac re cum o»j-
orbis thesawus, lampas itiextinQidbilis, coronn virgi- nem diaboli insultum evertimus, et dœmonum impetus
nitatis, sceptrum rectœ doctrinœ, templum indissolu- infringimus. Murus enim infractus est nobis crux, et
bih, locus ej'iis qui loco capi non potest, Mater et in ea est gloriatio, vere salutem aff'erens. Idcirco sa^
Virgo, per quam is benedictui in sanctis Evangeliis piens Paidus scribit : \hi\i vcro ut ego glorior iiisi
nominatur, qui venit in noinine Domini. Salve, quœ ia criice Christi. Cyrill., comment, in Isai., pag. 294,
immensum incomprehensumque in sancto virgineo tora. IV, vide lib. VI contra Julian., pag. 195.
utero comprehendisti, per quam sancta Trinitas gluri- 3 Vos, infelicissimi homines, cum adorare et colère

ficatur et adoratur, per quam pretiosa crux celebra- nolitis anc'tle quod pênes nos scrvatur œternœ urbis
tur, et in universo orbe adoratur
;
per quam cœlum certissimum pignus cœlitus delapsum , et a magno
exsultat, per quam angeli et archangeli lœtantur, per Jove, aut Marte pâtre demissum, crucis lignum ado-
quam dœmones fugantur, per quam tenlator diabolus ratis, ejusque signa in fronte formatis, et vestibulis
cœlo decidit; per quam prolapsa creatura in cœlum œdium insculpitis ? An prudentissimos vestrum juste
assumitur, per quam universa creatura, idolorum ve- quis oderit, an dementissimos miserabitur, qui vos
sania detenta ad verifatis agnitionem pervenit ; per sequentes in tantum exitium ruerunf, ut œternis Dits
quam sanctum baptisma obtingit credenfibus, per re/ictis ad Judœorum mortuum se contulerint. Julian.,
quam exultationis oleum, per quam toto terrarum apud Cyrill., lib. VI, pag. 19'».
orbe fundatœ sunt Ecclesiœ, per quam gentes addu- * Quid vero taie datum a Deo gloriantur Hebrm^
cuntur ad iJœnitentiam. Et quid plura dicam? per ad quos a nobis vos transfugisse persuasum est ? Illo-
quam unigeniius Dei Filius iis qui in tenebris et in rum igitur se>-monibus si aures prœbuissetis, non in-
umbra mortis sedebant, lux resplenduit per quam ; felici loco prorsus essetis, sed deterius quidem quam
Frophetœ prœnuntiarunt, per quam Apostoli salutem antea, cum inter versatnini ; levia tamen sustineretis
336 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
aviez quittés pour suivre les Hébreux, cela apostat ignorait ou dissimulait la vraie raison
serait plus supportable : vous n'adoreriez du silence des oracles, il la donne en disant
qu'un seul Dieu, au lieu de plusieurs, et non que, depuis que le monde a été éclairé des
pas un homme, ou plutôt plusieurs miséra- lumières de Jésus-Christ, l'empire des dé-
bles hommes. Ce mal a commencé par Jean '; mons a été renversé, toutes leurs illusions,
mais qui pourrait assez détester ce que vous semblables aux amusements des enfants, ont
avez inventé depuis, ajoutant plusieurs nou- été dissipées, et ces esprits impurs renfermés
veaux morts à cet ancien mort ^? Vous avez dans les enfers. Ce Père dit ailleurs qu'avant
tout rempli de sépulcres et do monuments, la venue de Jésus-Christ ^, le démon avait
quoiqu'il ne soit dit nulle part chez vous, que établi sa tyrannie sur tous les hommes plon-
l'on doive fréquenter les sépulcres et s'y gés dans de profondes ténèbres ;
qu'on voyait
prosterner. » Il reconnaît toutefois que cette alors en tout lieu des autels et des temples
tradition venait des Apôtres. Mais il prétend d'idoles, une multitude de simulacres et de
que le culte des morts avait pour but quelque faux dieux, des enchantements, de faux ora-
opération magique, parce qu'en eflet il était cles et autres impostures des démons qui fei-
tel chez les païens. Saint Cyrille lui fait voir gnaient de savoir et de prédire Tavenir; mais
que ne regardent pas les mar-
les chrétiens qu'après qije le Fils unique de Dieu eut
tyrs comme des Dieux
^, et qu'ils ne les ado- éclairé toute la terre de la lumière de l'E-
rent pas qu'ils se contentent de leur rendre
;
vangile, dissipé les ténèbres du péché, appelé
de très-grands honneurs comme ayant com- les hommes à la connaissance de la vérité,
battu courageusement pour la vérité, et con- toutes les illusions des faux prophètes dispa-
servé la sincérité de la foi jusqu'à sacrifier rurent, les divinations furent anéanties, les
leur vie pour elle. oracles des gentils et leurs dieux réduits au
18. Julien avouait que les oracles avaient silence.
cessé mais il en attribuait la cause ' à la
: 19. Le sang et l'eau ^ qui sortirent du côté
longueur des temps et à divers changements. de Jésus-Christ, étaient la figure et les pré- '*

Saint Cyrille loue son aveu ^, et comme cet mices de l'Eulogie mystique et du saint bap-

ac tolerabilin.Unum non pro multis Dits non homi- ignoravit, cur cessarit mendacium , et genuina, ut ipse
nem, imo multos potius infelices homines coleretis. ait : Oracula siluerint. Postquam enim mundo Christus
Juliau., apud Cyrill., iib. VI, pag. 201. illuxit, concussa est omnis illa dœmoniorum iyrannis,
' Verum istud quidem rnali a Joanne cepit inilium. et velut scena quœdam puerilibus crepundiis scatens,
Quœcumque autem vos adinvetiisiis, additis ad illum soluia fraus est, ac impurissimi execrandique dœmo-
priscum morluum novis morluis, quis pro dignitate 7ies inferorum portis coerciti fuerunt, licet olim ter-
satis execretur ? Sepulcris ac mo7iu mentis implesiis ram, quœ sub sole est, pervagati. Cyrill., Iib. VI contra
omnia, licet apud vos nusquam dictum sit circa se- Julian., pag. 198 et 199.
pulchra versandum esse, eaque colenda. Juliau., apud ^ Cum namque Servator omnium nostrum Christus,
Cyrill., Iib. X, pag. 333. nobis de cœlo nondum effulsisset, in omnes diabolicœ
2 Cur sepulcris udvolvimini?... Quod certe et tyrannidis violentia extenso erat, et profundœ lenebrœ
apostolos veslros credibile, est post magistri morieni incolas tcrrœ omnes obruerunt et quasi devorarunt.
fecisse, vobisque qui primi credidistis tvadidisse, et Erunt enim et per i-egioties et per civilates arœ ac de-
incantationes callidius quum vos peregisse, sed poste- lubra, et examina imaginum, et deorum falso nuncu-
ris incantationis istius, et execrationis officinaspu- patorum, innumerabilis uiultitudo, et incantatioites,
bliée exposuisse. Idem, apud Cyrill, Iib. X, pag. 339 et falsœ divinatio)ies passim et imposturœ ac fuci

et 3'.0. dœmoniorum quœ scire se fingebant et prœnuntiare


:

3 Sarictos porro martyres, neque deos esse divimus, posse futura, cum nihil quicquam vel dicerent vel
neqne divino cultu adorare solemus, sed
scilicet illos scirent. Postquam autem vera lux, id est, unigenitus

affectas et quin potius summis honoribus


honoris : Ser)7io Dei, totum orbem terrarum undequaque evan-

illos ornamus, puta quod pro veritate strenue certa- gelicis oraculis illustrasset, ignorationisque nebula
verint, sinccritalemquc fidei eo usque servaverint ut dispuisa esset, et illœ tenebrœ profunde desiissent,
animam ipsam contempserint, etc.. quare ni/ni est essent ad aynitionem veritatis errantes : tune signa
absurdi : imo necesse erat eos qui tam claris facino- ventriloquorum dissipata sunt... Abolita sunt enim
rilius excelluerunt ornari perpeluis honoribus. Idem, ubique carmina ac decantationes dœcanicœ , et qui
Iib. VI contra Julian., pag. 203. mentiri consuerunt dii Grœcorum obticuerint , et
''
Divinus enim ille nfflatus qui homines invadit... aversi sunt rétro prudentes; et concilia eorum infa-

cessavitapud Hebrœos nec apud JEgyptios item per- tuata sunt. Cyrill., commeutar. in Isai., pag. 596,
durât adhuc. Sed videnfur quidem genuina oracula, tom. II.

cedere temporum conversionibus. iulïan.t ai)ud Cyrill., Lancea latus ejus perfodiunt, unde cruor aqua
^

Iib. VI, pag. 198. mixtus scaturiit, quod eulogiœ mysticœ et sancti bap-
» In his iyiiur ufflatum diabolicum cessasse ait. Quœ tismatis imago quœdam erat alque primitiœ. Christi

verba laudo quidem et approbo : verutntamen causam tnim est vere et a Christos anctum baplisma, et mys-
[iv^ ET V' sikLES.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 337

lême; car a institué le baptême.


c'est lui qui Peut-être n'avait-il aucune connaissance des
Quant à mystique, c'est- à -dire
l'eulogie guérisons miraculeuses opérées par le bap-
l'Eucliaristie, sa force nous vient de sa chair tême. Saint Augustin eu rapporte ^ une d'un
sainte. L'iiomme, composé de deux choses *, médecin goutteux de la ville de Carthage,
l'une sensible, qui est le corps; l'autre spiri- qui, ayant donné son nom pour être baptisé,
besoin aussi de deux
tuelle, qui est rârae, a vit en songe, la nuit qui précéda son bap-
choses pour renaître en Jésus-Christ, qui tême, de petits enfants noirs qu'il prit pour
aient rapport l'une et l'autre en quelque fa- des démons qui lui défendirent de se faire
,

çon à ces substances. L'Esprit sanctifie dans baptiser cette année-là. Voyant qu'il ne vou-
le baptême l'esprit de l'homme et l'eau, ; lait pas leur obéir, ils lui marchèrent sur les
sanctitiée par le même Esprit purifie le ,
pieds : ce qui lui occasionna des douleurs plus
corps. De même que l'eau mise dans un vais- vives qu'il n'en avait jamais ressenties. Elles
seau sur le feu devient par la communi- , ne l'empêchèrent pas de se présenter le lende-
cation de son ardeur, toute bouillante, de main au baptême, comme il l'avait promis à
même l'eau du baptême reçoit par la vertu Dieu et il sortit des eaux salutaires non-
:

eilicace de l'esprit de Dieu une vertu toute seulement guéri de ces douleurs extraordi-
divine et ineflable pour sanctifier ceux sur naires, mais encore de sa goutte dont il n'eut
qui eUe est appliquée. Julien TApostat se depuis aucune atteinte. Ce même Père ra-
moquait de cette vertu - que les chrétiens conte ^ qu'un liabitant de Curube, qui avait
attribuaient au baptême, soutenant que l'eau été comédien, fut guéri dans les fonts bap-
ne pouvant pénétrer dans l'âme, ne pouvait tismaux d'une paralysie et d'une hernie dont
la purifier de ses taches. Il ajoutait que le il ne se sentit plus incommodé dans la suite.

baptême n'aj-ant pas même la force de gué- Comme il pouvait arriver que des catéchu-
rir ni la lèpre, ni la goutte, ni aucune mala- mènes séparés pour leurs fautes de l'assem-
die du corps, bien moins pouvait-il ôter les blée de l'Eghse, se trouvassent en danger de
adultères, les rapines et les autres péchés de mort, saint CyriUe croit ^ que, dans ce cas,
l'âme. A cela saint Cyrille ne répond autre on leur doit donner le baptême et la com-
chose ^, sinon que le baptême n'est point munion.
reçu pour guérir les maladies corporelles. 20. t( Que les nestoriens nous disent '
de qui

ticœ eulogiœ vis ex sancta nobis carme prodiit. Idem, conculcanlibus pedes ejus in dolorem acerrimum, qua-
commeut. m Joan., pag. 1074. lem nunquam expertus esset , magisque eos vincens
' Cum
enim homo sit compositum quid, non sim- lavacro regenerationis, ut voverat, ablui non distu-
plex duobus attemperatus, corpore ni-
natura, ex lisset; in baptismale ipso non solum dolore, quo ultra

mirum sensibili, et anima inteltigente, gemino quoque solitum cruciabatur, verum etiam podagra caruisse,
opus erit ei ad regenerationem remédia idrique quo- nec amplius, cum diu postea vixisset, pedes doluisse
dammodo namque snnctificatuv
affini ei amico. Spiritu quis novit ? Nos tamen novimus, et paucissimi fratres
hominis spiritus : aqua VtTo sanciificata corpus. Que- ad quos id potuit pervenire. August., lib. XXII de
madmodum enim infusa lebetibus aqua, si admoceatur num. 4, pag. 666, tom. VII.
Civit. Dei, cap. vu,
igni vehementi, vim ejus concipii : iia Spiritus e/fica- ^ Ex mimo quidam Curubitanus, non solum a pa-
ciiate sensibilis aqua ad divinam quamdam et ineffa- ralysi, verum etiam ab informi pondère genitalium,
bilem vim transformatur, omnesque demum in quibus cum baptizaretur,
salvus effectus est, et liberatus
fuerit sanctificat. Idem, commeut. in Joan., p. 147. utraque molcsiia, tanquam mali nihil habuisset in
Cernis ut hos fuisse talcs ait, sed sanctificatos et
* corpore de fonte regenerationis ascendit. August.,
ablutos cum iis aqua contigisset, oui vis absteryendi ibid., num. 5.
est ne purificandi, quœque ad animam usque pénétrât. ^ Sin autem segregationem aliqui sustinuerint prop-
Et leprosi quidem lepram baplisma non adimit, nec ter lapsus puniti, deinde sint morituri existentes ca-
impetigines, aut vitiiigines, nec verucas infestas, nec techumeni baptizentur, et ne ab humanis excédant
,

podagram, nec dysenteriam, nec uquam infer cuiem, gratice non participes, scilicet communione carenles.
nec reduviant, non parvum, non magnum corporis vi- Cyriil., Epist. ad Episcop. Libyœ, pag. 212, tom. V,
tium, adultérin vero, rapinas et omnia omnino peccata part. 2.
eximet. Juliau., apud Cyriil., lib. VU, pag. -245, ^ Dicant ergo nobis verbosi et omnium absurdis-
tom. VI. simi, cujusnam corpore pascuniur Ecclesiœ oves, aut
3 Sed respondeo tibi, vir egregie, nobis salutare quibus laticibus refocilleniur alumni Ecclesiœ. Si
buptisma omnino non accipi ad curandoi, corporis enim Dei corpus traditur hic Deus verus Cliristus Do-
7norbis. Idem, lib. VII contra Julian., pag. 247. minus, ac non homo simplex, aut ange/us, ut ip^i vo-
* Medicum quemdani podagrum in eadem urbe lunt, administer, et incorporeorum unus est; et, si
(Carthagine). qui cutn dedisset nomen ad baptismum, Dei sanguis Dei poculum est ; non utique Deus tuulus
et pridie quam baptizaretur, in somnis a pucris nigris ille unus adorandœ Trinitatis Dei Filius est, sed
cirratis, quos intell igebat dœmones, baptizari eodem homo foetus Deus Verbum, si vero Christi corpus est
onno prohihitus fuissel, eisque non obtemperans, etiam cibus, et Chris'i sanguis pot us ; atque ila, ut ipsi vo~

Vlll. 22
338 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
est le corps dont de TEgiise sont
les brebis et qui est distribué. nous assure que celui
11

repues, et quel est breuvage dont ses en-


le qui le mange aura la vie nous le mangeons
:

fants sont désaltérés? Si c'est le corps de véritablement '


non en consumant sa divi-
Dieu qu'on leur donne, Jésus-Christ y est nité. Dieu nous garde d'une telle impiété;
donc comme vrai Dieu et non simplement nous mangeons seulement cette chair propre
comme un homme, ou comme un ange, ou du Verbe, qui a été rendue vivifiante, parce
comme un de ces esprits incorporels qui sont qu'elle est devenue la chair de celui qui vit
les ministres du Tout-Puissant. Si c'est le sang par son Père. Comme ce même corps que le
de Dieu et le breuvage de Dieu, il est sans Verbe s'est approprié, est vivifiant, de même,
doute que le Fils de Dieu, qui est une des nous qui participons à sa sainte chair et à
personnes de l'adorable Trinité, n'est pas son sacré sang, nous sommes entièrement vi-
simplement Dieu, mais le Verbe de Dieu qui vifiés, parce que le Verbe demeure en nous,

a été fait homme. Si le corps de Jésus-Christ non-seulement d'une manière divine par le
étant une nourriture, et son sang un breu- Saint-Esprit, mais aussi d'une manière hu-
vage, Jésus-Christ n'est qu'un homme, ainsi maine par cette sainte chair et ce sang pré-
que le disent ces hérétiques, pourquoi-dit-on cieux que nous recevons. En célébrant dans
à ceux qui s'approchent de la sacrée table, les Eglises ^ le sacrifice non sanglant, nous
que ce corps et ce sang leur donneront la annonçons la mort de Jésus-Clii'ist, nous
vie éternelle ? Comment est-il distribué ici et confessons sa résurrection et son ascension.
partout sans être diminué? Un simple corps La chair sacrée et le précieux sang auxquels
ne peut communiquer la vie à ceux qui y nous participons en nous approchant des
participent. Recevons donc le corps de la vie eulogies mystiques nous sanctifient. Aussi
,

qui a habité dans notre corps pour l'amour ne les recevons-nous pas comme une chair
de nous, selon ce que dit saint Jean, que la commune, ni comme la chair d'un homme
vie a été manifestée et qu'elle a habité en sanctifié et conjoint au Verbe par une union
nous. Cette vie est Jésus-Christ, Fils de Dieu de dignité, ou en qui la divinité ait habité,
vivant, une des personnes de la sainte Tri- mais comme vraiment vivifiante et propre au
nité. Buvons son sang pour la rémission de Verbe, qui étant vie de sa nature, comme
nos péchés et pour participer à l'immortalité Dieu, et devenu un avec sa chair, l'a rendue
qu'il possède. Croyons en même temps qu'il vivifiante; autrement, comment la chair d'un
demeure prêtre et hostie que c'est lui qui ;
homme serait-elle vivifiante de sa nature ?
offre et qui est offert ;
qui reçoit le sacrifice, Nous célébrons dans les Eglises !e saint ^, le

lunt, homo nudus ; quo pacto in vitnm œiernam prœ- etiam humo.no, per sanctam illam carnem, pretio-
dicatur iis qui ad sacram mensatn accedunt? Quomodo sumque ejus sanguinem. Idem, lib. IV advers. Nestor.,
rursus dividetur,cum hic, tum ubique,nec tamen mi- pag. 110, tom. VI.
nuilur? Simples enim corpus vitam ner/uaquam infun- * Quin illud quoque non possum hoc loco non adji-

dit participantibus... quapropter accipiamus corpus cere, nempe, dum unigeniti Filii Dei, hoc est, Jesu
ipsiusmet vitœ, quœ propier nos in nostro corpore ha- Christi mortem, et ex mortuis resurrectiojiem annun-
bitavit, ut dininus Joatvies ait : Quoniam vita mani- tiamus, ejusque in cœlum assumptionem confitemur ;
festata est rursus vero. Et Verbuiu caro factuui est,
; incruentum in Ecclesia sacrificiuni nos celebrare,
et tiabitavit iu nobis, qui est Ghristus Filius Dei vi- atque ad mysticas benedictiones accedere, eaque ra-
ventis, sauctse Trinitatis unus. Et bibamus ejus satic- tione sanctificari ufpole sacrœ carnis et pretiosi san-
;

tum sanguinem, in remissionem peccatorum nostrorum guinis Christi omnium tiostrum Snlvatoris participes
et participationem ejus quœ in ipso est immortalitatis, Neque enim illam ut carnem communem susci-
effecti.

credenles simul ipsum manere sucerdotem et hostiam, pimus absit hoc; neque rursum tanquam viri cujus-
:

ipsum qui offert, et oblatus est; qui accipit, et traditur. piam sanctificati, nut dignitatis tantum œqualitate
Cyrill., lioinil. in Mystic. cœn., pag. 378, tom. V, Verbo consociati ; aut divinant habitationem sortiti :
part. 2. sed tanquam vere vivificam, ipsiusque Verbi propriam.
' Et qui manducat me, inquit, et iile vivet. Manduca- Nam cum vita sit ut Dem secundum naturam simul
mus autem nos, non quod ipsamdivinitalem consumamus atque unum quiddam cum ipsa sua carne effectum,
{npage ah ista impictate) ; sed illam propriam Verbi tnox vivificandi virtutem illi contulit... Quomodo enim
carnem jam vivificam effectmn, quia ejus facta est, hominis caro secundum suam ipsius naturam vivifica
qui propter Patrem vivit... Quemndmodum vero vivi- essequeat? Idem, episl. ad Nestor, de Excommuni-
ficum est illud ipsius Verbi corpus, quod sibi pro- catione, pag. 72, tom. V, part. 2.
priuni fecit per veram unionem, quœ et intelligentiam 3 Sanctum ac vivificum incruentumque in Ecclesiis

et sermonem superat; sic nos quoque , qui illius sanctœ sacrificium peragi:nm ; corpus quod proponitur, simt-
Garnis et sanguinis ejus participatione fruimur, om- liier et pretiosum sanguinem, non communis, nobisque

nino vivificamur, cum in nobis maneat Verbum, non similis hominis cujuspiam esse credentes, sed potius
soluni dii'ino modo, per Sanctum Spirituin, vcrum tanquam propriam corpus effectum, et sanguinem
[IV* ET V SIECXES CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 339

vivifiant et le non sanglant sacrifice, ne Christ résidant en nous et mêlé avec nos
croyant pas que le corps et le précieux sang corps. « Jésus-Christ, dit encore ce Père, a
qui sont proposés, soient le corps et le sang donné son corps pour la vie de tous ^, et

d'un homme commun mais nous les rece-


;
c'est par ce corps qu'il fait entrer la vie en
vons comme ayant été faits le propre corps nous d'une manière que je vais tâcher d'ex-
et le propre sang du Verbe, la chair d'un pliquer. Le Verbe vivifiant de Dieu ayant
homme commun étant iucapable de vivifier. habité dans la chair, l'a remplie du bien qui
La chair, dit le Sauveur, ne sert de rien, c'est lui était propre, c'est-à-dire de la vie et par :

l'esprit qui vivifie, n Plein de cette doctrine ', luniou inefi'able qu'il a contractée avec elle,
que la chair de Jésus-Christ étant devenue il l'a rendue vivifiante, de même qu'il l'est

vivifiante par son union au Verbe, eUe nous par sa nature. » Ainsi le corps de Jésus-Christ
communiquait la vie dont elle était remplie, donne la vie à ceux qui y participent, et il
saint Cyrille répète la même chose dans une chasse la mort, étant reçu dans les corps su-
infinité d'endroits mais c'est toujours eu y
: jets à la mort. Et aiUeurs « Parce que la chair
:

ajoutant, que le moyeu dont Jésus -Christ du Sauveur ^ est devenue vivifiante, comme
se sert pour nous communiquer celte vie, étant unie à la vie essentielle nous aurons ,

est d'entrer en nos corps. On ne trouve ja- la vie en nous lorsque nous la mangerons,
mais dans ses écrits ni dans aucun autre des puisque nous lui serons unis aussi bien qu'au
Pères, que la chair de Jésus-Christ nous ins- Verbe qui habite en elle. L'Exterminateur ^,
pire la vie du haut du ciel, ainsi que le veu- c'est-à-dire la mort de la chair, avait pris les
lent les novateurs." Le saint corps de Jésus- armes contre toute la nature humaine, à
Christ -, dit ce Père, vivifie ceux dans qui il cause du péché de nos premiers parents qui
est, et il les préserve de la corruption, étant nous a attiré cet arrêt Tu es terre, et tu re-
:

mêlé à leurs corps; car l'on sait par la foi, tourneras en terre. Mais parce que Jésus-
que ce n'est pas le corps de quelque homme Christ étant en nous par sa chair, en qualité
séparé de Dieu, mais que c'est le corps de la de vie, devait vaincre ce cruel tyran ; ce
vie même qui a en soi toute la vertu du mystère fut annoncé en figure aux Juifs, à
Verbe auquel il est uni qu'il possède les ;
qui il fut ordonné poui* cela de manger la
mêmes qualités, et qu'il est rempli de sa chair de l'Agneau. Celui qui mange ma chair,
force et de son elficacilé. » Voilà la vertu de a la vie éternelle, et je le ressusciterai, dit Jé-
l'Eucharistie bien exprimée, mais la voilà en sus-Christ en saint Jean. » A quoi saint Cyrille
même temps attachée au corps de Jésus- ajoute ''
qu'il n'est pas possible queJésus-

etiam Verbi, quod omnia vivificat accipientes. Siqui- cum illam degustabimus, (une vitam habebimus in
dem communis caro vivificare non potest. Et hoc Sal- nobis, quoque simul uniti, quemadmodum ipsa
ei
vator ipse testatum facit, caro, imjuiens, non prodest Verbo inhabitanti. Idem, ibid., pag. 361.
quidqxiam; Spiritus est qui vivificat. Idem, iu Decla- ^ Exterminator enim, id est mors, adversus hominis

rationc uudecimi auathematismi, pag. 15G, toiu. VI. naturam universam arma ceperat, propler primi ho-
Perpétuité de la foi, tom. II, pag. 495.
' minum parentis transgressionem. Tune enim primum
' Vivificat igitur sanctuin Christi corpus eos in audivimus Terra es, et iu terram reverteris. Sed
:

rjuibus fuerit, et in incorruptione conservât, nostris quoniam sœvissiinum illum tyrannum eversurus erat,
commixtum corporibus. Corpus enim non alterius cu- per sanctam suam carnem in nobis existens ut vita,
jusdam, sed ipsius vitœ secundum ?iaturam intelli- mysterium illud veleribus prœfiguratum fuit, ideoque
yitur tolam halei^s in se ipso uniti Verbi virtutem,
, carnes Agni gustabant. Cyrill., comment, in Joan.,
et eadem, ut ita dicam, qualitale prœditum, imo vero pag. 372.
ejus vi et efficacia repletum, per quam omnia vivifi.- * Ego igitur, inquit, in eo existens, per meam car-
cantur et in suo esse conservantur. Idem, comment. nem videlicet, resuscitabo eum
qui manducal, nimi-
in Joan., pag. 324, tom. IV. rum, iu novissimo die fieri enim prorsus nequit, ut
;

* Dédit ergo suum corpus Christus pro vifa omnium, qui secundum naturam vita est, corruptionem non su-
et per ipsum rursus in nobis vitam inserit. Quonam peret ac vincat mortem : proinde licet mors, quœ per
autem pacto, dicam pro viribus. Postquam eidm vivi- prœvaricationem nos invasit, humanum corpus cor-
ficum illud Dei Verbunt in carne inhabitavit, in suum ruplionis necessitati subjiciat, tamen quia per suam
bonum eam, hoc est ad vitam, reformavit, et omnino ipsius carnem in nobis est, omnino resurgemus; incre-
ci ineffabili unionis modo conjunctum, vivificam red- dibileenim est, quin imo vero impossibile, ul vita eos in
didil, non secus ac ipsum est secundum naturam. quibus fuerit, non vivificet. Quemadmodum scintillam
Proinde Christi corpus vivificat eos qui ejus sunt ex- multis paleis inserimus, ut semen ignis servemus, sic
pertes. Expellit enim mortem cum fuerit in corporibus etiam Dominus nosler Jésus Christus per carnem
morti obnoxiis. Idem, comment, in Joan., pag. 354. suam in nobis vitam integit, ac veluti quoddam semen
* Quoniam vivifica fada est caro Salvatoris, utpote immorlalitatis inserit, quod totam quœ in nobis est
ritœ secundum naturam, Verbo nimirutndivino, unita. corruptionem nbolet. Idem, ibid., pag. 363.
340 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Christ étant par sa chair en celui qui le sang, vous n'aurez point la vie en vous. Celui
mange, il ne surmonte la corruption et ne qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie
demeure maître de la mort. Car, quoique la éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour.
mort nous assujettisse à la corruption, tou- Car ma chair est véritablement viande, et mon
tefois,parce que Jésus-Christ est dans nous sang véritablement breuvage. Celui qui mange
par sa propre chair, il est certain que nous ma chair et boit mon sang, demeure en moi et
ressusciterons, étant impossible que la vie moi en lui. » Sur quoi saint Cyrille dit « Con- :

ne pas ceux en qui elle réside. Quand


vivifie sidérez de quelle sorte Jésus-Christ demeure
on jette une étincelle dans un monceau de en nous, et nous fait surmonter la corruption,
paille, le feu s'y conserve de même notre : en entrant lui-même dans nos corps par sa
Seigneur Jésus-Christ cache par sa chair en propre chair qui est le véritable aliment au :

nous la vie, et nous imprime comme un lieu que l'ombre de la loi et tout son culte
sceau d'immortalité en abolissant toute la n'avaient point de vérité. » En expliquant ces
corruption. Il réprime la loi qui exerce sa ' autres paroles de Jésus-Christ : C'est ici le pain
fureur dans nos membres, réveille la piété, qui est descendu du ciel, etc., il dit ^ que les

mortifie les passions, et, nous traitant en ma- ouvrages des grands doivent être grands, et
lades, il nous guérit de nos péchés, au lieu que nous devons juger que ce qui vient de
de nous les imputer. la grâce suprême de Dieu, répond à l'im-

Sur l'Excel-
21Les Israélites donnaient de grands
. « mensité de son pouvoir et est digne de la
Unce de
cbaristle.
l'Ea-
éloges à Moïse à cause de la manne qui magnificence divine. « Si donc vous croyez,
tomba du ciel pour les nourrir dans le dé- ajoute-t-il, que ce pain est venu du ciel, il
sert^. Mais comme elle n'était qu'une figure, est nécessaire que la vie qu'il donne à ceux
Jésus-Christ la rabaisse en disant : Cette qui le recherchent, soit éternelle, et qu'il ait
manne n était point le pain de vie : c'est moi qui en une vertu toute-puissante poux pro-
soi
le suis, qui suis venu du ciel, qui domine la vie à curer Timmortalité. Cette conséquence est
. toute chose, et qui m'introduis moi-même par la puisque c'est un pain qui
claire et infaillible,
chair qui m'est unie, dans ceux qui me mangent. vient du de Dieu car il est
ciel, c'est-à-dire ;

C'est ce que
Sauveur explique encore plus
le convenable à celui qui est éternel, de donner
clairement, lorsqu'il dit Si vous ne mangez : un bien éternel, et non pas le simple usage
la chair du Fils de lliomme et ne buvez son d'une nourriture temporelle qui ne dure que

1 Christus existens in nobis sopit sœvientem in nos- ' Magna, inquit, esse oportet quœ a magnis sunt
tris membris carnis legem, et piefaiem in Deum ex- opéra, et quœ superna gratia traduntur Deo conve-
suscitat, perturbationes mortificat, delicta in quibus nientia censenda sunt, et munificentia divina digna. Si
sumus nobis non
imputons, sed potius ut œgiotos enim utique c.redideris panem cœlitus delapsum, vitœ
sana7is. Idem, ibid., pag. 3G5. perennitatem indat iis necesse est, qui appetierint
* Nam quia ex gênera Israël nati de manna suppe- ipsum, et immortalitatis indesinentem vim habeat. Cla-
ditatione Mosen admirabantur, qtiod cum per de- rum enim argumentum est, ipsum esse de cœlo panent,
sertum ejus temporiôus demissum fuisset, typum ges- id est a Deo. Nam œternum œterna largiri decet, non
sil mysticœ benedictionis, umbra tiamque erai lex ;
autem sibi temporarii usum, qui vel brevissimo spatio
ideo prudenter admodum Dominus noster Jésus Christus durare vix queat. Neque vero sapientis est putare pa-
typum exténuât, ut ad veritatem transférât. Neque nem illum esse divinitus et superne demissum, quem
enim, inquit, ille fuit panis vitœ, sed ego potius qui tametsi majores nostri comederint, morti nihilominus
de cœlo su)7i, et omnia vivi/ico, et me in manducantes succubuerunt...Nam qui de cœlo descendit, illepotest
etiam per unitam mi/ii carnem insero : quod eiiam morte et corruptione poiiores eos reddere, qui sunt
clarius reddidif, dicens : Ameu dico vobis, uisi Prœterea panem hune esse de cœlo,
ejus participes.
mauducaveritis carnem Filii bomiuis, et biberitis ejus qui per Christum nimirum traditur, hoc est corpus
sanguincm, non babebitis vitam in vobis. Qui mau- ejus, indubitato argumenta confirmatur. Facit enim
ducat meam carnem et bibit moum sauguinem, ha- ut in œternum vivat qui eum cumederit. Magna autem
bet vitam £eteruam, et ego resuscitabo eum in no- naturœ divinœ dignitas etiam hic cernitur, quœ nihil
vissimo die. Qui manducat meam carnem et bibit exiguum largiri velit, sed omnia prorsus super natu-
meum sanguinem, in me manet, et ego in eo. Sicut ralia, licet captum noslrum ob gratiœ magnitudinem
misit me viveus Pater, et ego vivo propter Patrem excedentia a simplicioribus non credentur... in parvis
meum et qui manducat me, et ipse vivet. Vide
; autem lex magna prœfigurabat, umbram habens futu-
igitur quemadmoduni in tiobis manet, et corruptionis rorum bonorum, non ipsam rerum imaginem, sicut
vie tores efficit, dum se in noslra demittit corpora, scriptum est, ut in manna cibo eulogia illa, quœ per
etiam per suam carnem, quœ vere est ciljus, cum illa Christum est, cerneretur. Cyrill., comment, in Joan.,
legalis umbra, et cuitus per ipsum institutus, non pag. 371 cl 372.
hubeat veritatem. Cyriû., lib. IV adversus Nestor.,
pag. 11-2 et 113.
[n- ET V' SIÈCLES.] CHAPITRE XX. — SAINÏ CYRILLE D'ALEXANDRIE. 341

quelques moments. Un liomme sage ne croira Pourquoi encore recevons - nous l'eulogic
donc jamais que le pain que nos pères ont mystique au-dedans de nous, si ce n'est afin
mangé, et qui n'a pas empêché leur mort, qu'elle fasse habiter corporellement Jésus-
soit venu du ciel et de Dieu même mais : Christ en nous par la participation de sa
quant à celui qui est descendu du ciel, il est sainte chair? L'Apôtre dit que les Gentils Kphes. im,b.

certain qu'il a la vertu de préserver de la sont devenus un même corps avec Jésus-Christ.
mort et de la corruption ceux qui s'en nour- Comment cela s'est-il fait, sinon parce qu'ils
rissent. Or, la raison indubitable qui prouve ont eu l'honneur, de même que chacun des
que ce pain vient du ciel, c'est qu'il fait vivre saints apôtres, de participer àl'euîogie mys-
éternellement celui qui le mange. Il est vrai tique ? Celui, dit le Sauveur^ qui moMge ma
que les personnes simples et grossières font chair et boit mon sang, demeure en moi et moi
difficulté de le croire mais c'est parce que
: en lui. Il ne dit pas qu'il sera dans lui par un
le don que Jésus-Christ nous fait dans l'Eu- rapport d'affection et de charité, mais par
charistie, est plein d'une grâce si extraordi- une participation naturelle. Lorsque l'on
naire et si sublime, qu'il surpasse la portée fond ensemble deux morceaux de cire, on
de nos esprits. » Saint Cyrille dit encore que n'eu fait qu'un même corps de même, par :

la loi qui ne se servait que de petites choses la participation du corps de Jésus-Christ et

pour en figurer de grandes, nous a donné de son sang précieux, il est en nous, et nous
dans la manne, qui n'était qu'une nourriture lui sommes unis, un être corruptible comme
corporelle, une figure de la sainte eulogie le nôtre ne pouvant être autrement vivifié
qui nous est donnée par Jésus-Cbrist. que par une union corporelle au corps de
22. « La doctrine catholique ne nous permet celui qui est la vie par essence. » Ce Père re-
pas de disconvenir que nous ne soyons unis garde l'union que nous avons avec Jésus-
spirituellement à Jésus-Christ par l'infusion Christ par l'Eucharistie, comme si intime et
d'une charité parfaite ', par une foi inébran- si naturelle, qu'il l'appelle mélange, incorpo-
lable, et par une piété sincère mais dire, :
ration, confusion. Il répète la comparaison de
comme font certaines personnes, que rien ne deux morceaux de cire que l'on môle en-
nous lie avec lui selon la chair, cela est ab- semble, et en est de même de celui
dit qu'il

solument contraire aux Ecritures. Qui peut qui reçoit la chair de Notre-Seigneur et qui
douter en effet que ce ne soit par là que Jé- boit son sang précieux il devient une même
:

sus-Christ est appelé la vigne et nous les chose avec Jésus-Christ-, étant comme mêlé
branches, et que nous tirons de lui la vie qui et incorporé avec lui par cette participation,
vient de lui? C'est ce qu'enseigne saint Paul en sorte qu'il est véritablement avec Jésus-
en disant que nous sommes tous un même Christ, et que Jésus-Christ est réellement en
corps en Jésus-Christ, parce que nous devenons lui. « Le Fils de Dieu est en nous corporel-
un même pain en participant à un même pain. lement comme homme 3, étant mêlé et joint

1 Nos quippe affecta cbarifatis perfectœ, rectaque


et camem, inquit, et bibit meum sanguinem, in me
inconcussa fide, et sincera ac virtutis studiosa mente manet, et ego iu illo. Hic enim animadvertere est
Chtisto spiritaliier uniri tiostrorum dogmatum ratio operœ pretium, Christum non dicere se duntaxat in
nullutenus inficiabitur : nos enim recte id eus docerefa- nobis futurum secundum relaxationem quamdam affec-
tebimur. Quod veto dicere ausi sunt nullam esse nobis tualeni, sed et per participationem 7iaturalem. Ut
cum eo carnalis conjunclionis rationem, sacris Litteris enim si quis ceram cerœ iadutam igné simul liquave-
dissentire penitus ostendemus. Quis enim sanus dubi- rit, unum quid ex ambobus efficii, ita per coiyoris
taverit unquam ea ratione Christum esse vitem, nos Christi et pretiosi sanguinis participationem ipse qui-
vero palmitum, formam referentes, vitam ex ipso et ab dem in nobis, nos autem rursus in eo simul unimur.
ipso in nos traheve, cum Pautus dicat Omnes euim Nec enim aliter vivificari potest quod natura sua
: est
uuum corpus suruus in Christo, quoniam unus panis corruptibile, quam si corporaliter unitum sit corpori
multi suuius. Omiics enim de uiio pane participamus. ejus qui secundum tmturam suam est vita, hoc est uni-
Dicat enim nobis aliquis causam, et vim eulogiœ mysticœ comment, in Joan., lib. X, p. 862 et 863.
geniti. Cyrill.,
obiter doceat. Nam car in nobis inseritur ? Nonne ut * Quemadmodum enim si quis ceram cerœ conjun-
Christum inhabitare faciat in riobis etiam corporaliter xerit, utique atieram in altéra videbit : eodem quoque
participa tione et
communione sanctœ suœ carnis? Prœ- opinor modo, qui Salvatoris nostri curnem suscipit, et
clare quidem scribit enim Paulus, gentes factas esse
: bibit ejus pretiosum sanguinem, ut ipse ait, unum
corporales, et comparticipes et cohœredes Clirisli : quiddarn cum eo reperitur, commixtus quodam modo
corporales autem quonam modo faciœ sunt ? Nempe et immixtus ei per illam participationem, ita ut in
eulogiœ mysticœ participatione honoratœ, imum cum Christo quidem ipse reperiatur, et vicissim Christus
eo factœ sunt corpus, sicut et unusquisque sanctorum comment, in Joan., pag. 364 et 365.
in ipso. Cyrill.,
Apostolorum...sed Servator ipse : Qui manducat mcam 3 Ust enim in 7iobis Filius, corporaliter quidem
ut
342 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
avec nous par l'eulogie mystique et spiri- ; sus-Christ par son saint corps, recevant dans
tuellement comme Dieu, parce qu'il renou- nos propres corps ce corps unique et indi-
velle notre esprit par la vertu et la grâce de visible ce qui fait que nos membres lui ap-
:

son esprit, et qu'il nous rend participants de partiennent plus qu'à nous. )> En expliquant
la nature divine. L'Eucharistie nous incor- ce qui est dit des soldats qui divisèrent en
pore à Jésus-Christ en deux manières pre- : quatre parties les habits de Jésus-Christ, ex-
mièrement, par la communication de l'esprit cepté sa tunique, il dit que les quatre parties
de Jésus-Christ, puisque c'est être du même de ce monde ont obtenu par sort le saint vê-
corps, que d'être animé du même esprit se- : tement du Verbe -, c'est-cà-dire son corps, et
condement, par le corps même de Jésus- qu'elles le possèdent sans division, parce que
Christ, qui fait un même corps de tous les le Fils unique, quoique distribué à tous les
justes qui le reçoivent. « Afin, dit saint Cy- fidèles dont il sanctifie en particulier l'âme
rille *, que nous fussions réduits en unité et le corps par sa propre chair, est néan-
avec Dieu même et entre nous, quoique sé- moins entier el sans division en tous, parce
parés les uns des autres parla différence des qu'il est un par tout, et que, selon saint Paul,
corps el des esprits, le Fils unique de Dieu ilne peut être divisé.
a trouvé un moyen, qui est un effet de sa 23. 11 ne faut pas que les incirconcis ^,
((

sagesse et un conseil de son Père. Car, unis- c'est-à-dire les impurs, touchent le sacré
sant dans la communion mystique tous les corps du Seigneur cela n'appartient qu'à
:

fidèles par un seul corps, qui est le sien pro- ceux qui sont purifiés par la circoncision
pre, il en fait un même corps avec lui et en- spirituelle qui se fait dans le cœur par l'opé-
tre eux. Aussi qui pourrait les diviser et ration du Saint-Esprit. Elle ne se peut faire
rompre l'union naturelle qu'ont entre eux dans nous, si cet Esprit même n'y habite par
ceux qui sont liés avec Jésus-Christ en unité la foi et le saint baptême. Ce ne fut donc pas
par ce corps unique ? Si nous participons sans raison que Jésus-Christ empêcha Marie
donc tous à un même pain, nous ne faisons de toucher son corps après qu'il fut ressuscité,
tous qu'un corps, parce que Jésus-Christ ne puisqu'elle n'avait pas encore reçu le Saint-
peut être divisé. C'est pour cela que l'Eglise Esprit. C'est de là que les Eglises saintes ont
est appelée le corps de Jésus-Christ, et que pris l'exemple de leur conduite. Car nous
nous en sommes nommés les membres, selon chassons de l'autel sacré les catéchumènes,
saint Paul; car nous sommes tous unis à Jé- c'est-à-dire ceux qui connaissent déjà la di-

homo, nobiscum commixius et unitus per eulogiam intègre et indivise est in omnibus unus existens ubi-
mysticnm : spiritalifcr autem ut De"s, sui Sphiftis que. Neguaquamdivisus est, ut Paulus docet. Idem,
virtule et gratta Spirifum qui in nobis est instaurans ibid.,pag. 1063.
ad novitatem vitœ, et divinœ suœ nafurœ consories ' Non oportet ergo ut qui sunt incircumcisi , id est

faciens. Idem, ibid., pa;:;. 1001. impuri, sacrum Domini corpus tangant, sed qui spi-
1 Vt ergo ad unifatem cum Deo et inter nos conten- ritali circumcisione puri sunt redditi. Circumcisio
deremus, atque nos una commisceremur, licet corpo- enim co7-dis fit in spiritu, juxta Pauli vocem : sed
ribus et animis alii ab aliis differamus, rationem haud. quaquam fiet in nobis circumcisio iUa spiritalis,
qimmdam excogitavit Unigenitus, per convenienfem nisi Sancfus Spiriius in nobis habitet per fidem et
sibi sapienfiamconsilium Patris. Un^i enim corpore
et sanctum haptisma. Numquid ergo Mariam oportebat
suo nimirum, credenies in se benedicens per mysticam a tangendo sacro corpore arceri, cum Spiritum non-
communionem, cum eos sibi, tum etiam inter se con- dum accepisset... Nondum enim ad Patrem ascenderat,
cvrpornles Quis enim eos qui per unum illud
efjpcit. idcirco Mariam quœ nondum Spiritum ac-
abigit, ut
sanctum corpus ad unitaiem cum Chnsto conjuncti cepisset, dicens Noli me taugere, nondum enim as-
:

sunt, diviserit et a naturali inter se unione remnveril? cendi ad Patrem meum, id est, nondum Sanctum
Nam si onines de uno patie participantus, unum omnes Spiritum demisi ad vos. Inde Ecclesiœ exemplum sump-
corpus efficimur. Christus enim dividi nequit. Ideoque serunt, quippe a sacra mensa etiam arcemus eos qui
et Christi corpus nuncupata est Ecclesia, nos autem deitatem quidem ejus agnoscunt, et fidem jam pro-
particularia ejusmembra, juxta Pauîi sententiam. fessi sunt, id est, catechumenos, sed nondum iamen
Uni enim Christo per sanctum ejus corpus omnes uniti Sancto Spiritu ditati sunt; nec enim in iis qui non-
maxime, cum eum unum et indivisibilem in nostris dum postquam autem Sancti
baptizati sunt, inhabitat :

corporibus sumamus, ei potins quam nobis nostra Spiritus facti fuerint participes, tune Servatorem
membra debemus. Idem, ibid., pag. 998 et 999. quoque nostrum Christum tangere nihil prohibet.
* Nam partes orbis quatuor sorlitœ sunt quodam- Quapropter iis qui eulogiœ mysticœ fieri volunt par-
modo, et impartibiliter habeni sacrosanctum Verbi in- ticipes, divinorum mysleriorum ministri acclamant :
dumentum, hoc est corpus ejus. In minutas enim Saucta Sanctis, décentes sanctorum participationem
partes sigillatim distributas, et unius cujusque animam decere eos qui sanctificaii sunt in Spiritu. Idem, ibid.,
cum corpore sanctificans per suam carnem Unigenitus, pag. 1085 et 1086.
[IV' ET V SIKCLES.] CHAPITllE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 343

vinité de Jésus-Christ et font profession de mal, et leur fait voir ce qui leur est le plus
la foi chrétienne, mais qui, n'étant pas en- utileen les faisant passer d'une vie intem-
core baptisés, n'ont pas reçu le Saint-Esprit. pérante à la sobriété. 11 faut donc surmonter
Aussitôt qu'ils en ont été faits participants les voluptés de la chair par la tempérance,

dans le baptême, rien n'empêche plus qu'ils et s'approcher de cette grâce céleste et divine

ne touchent notre Sauveur Jésus -Christ. de l'Eucharistie. »

C'est pourquoi les ministres des divins mys- 24. « L'oblation mystique - ne doit s'ofi'rir
tères disent à haute voix à ceux qui veulent que dans les saintes églises des orthodoxes;
participer à l'eulogie mystique, c'est-à-dire et ceux qui font autrement, violent manifes-

à l'Eucharistie Les choses saintes sont pour


:
tement la loi. Celle qui avait commandé de
les saints, afin de leur apprendre qu'il n'ap- sacrifier un agneau en la fête de Pâques,

partient qu'à ceux qui sont sanctifiés par avait en même temps ordonné qu'on le man-
l'Esprit saint, d'y participer. » Saint Cj-rille geât dans une même maison, sans que l'on
dit' que ceux qui, après avoir goûté la grâce put porter au dehors aucune partie de sa
divine, négligent d'aller à l'Eglise et diffè- chair. Ceux donc qui ne célèbrent pas l'Eu-
rent longtemps de recevoir l'Eucharistie, sous charistie dans l'Eglise, qui est cette maison
prétexte de respect et de révérence, mais en unique et universelle de Jésus-Christ mar-
eôet par indévofion et par fioideur, se pri- quée par la loi, portent dehors l'Agneau im-
vent eux-mêmes de la vie éternelle en refu- molé, et contreviennent conséquemment à
sant la vie qu'ils recevraient dans ce sa- cette loi. est encore écrit dans le Lévitique
Il

crement. Ce refus, dit -il, qui semble


(( que celui qui aura tué un veau ou une brebis
procéder d'un mouvement de piété, n'est dans le camp, et qui ne l'aura pas présenté
qu'un piège et qu'une pierre de scandale qui à l'entrée du tabernacle pour être offert au
les fait tomber. C'est pourquoi ils devraient Seigneur, périra du milieu de son peuple.
plutôt s'appliquer à se purifier de leurs pé- Ainsi ceux qui célèbrent l'Eucharistie hors
chés, afin que par une vie sainte, ils puissent du tabernacle, sont les hérétiques, et ils s'at-
s'approcher avec confiance et avec ardeur tirent par là leur ruine au lieu que les obla-
:

de la participation de la vie. En etfet, le dé- tions qui se font dans les églises, sont sacri-
mon se sert d'une infinité d'artifices pour les fiées, bénites et consacrées par Jésus-Christ. »

tromper et les empêcher de se reconnaître ; 23.Quelques moines du mont Calomon


en sorte qu'après les avoir précipités dans le disaient que l'Eucharistie ne servaient de
mal, il leur inspire de l'aversion pour la rien pour la sanctification, quand elle était
grâce même qui pourrait les détacher de gardée du jour au lendemain. « C'est, dit saint
cette douceur trompeuse qui les porte au Cyrille, une extravagance de penser ainsi 3,

• Intelligant demum quicumque baptizati sunt, di- débet, neque alibi omnino. Qui secus faciunf, aperte
vinamque gratiam gustarunt, si cunctanter eivix Eccle- legem violant : atque hoc quidem facile est videre ex
sias adeant et longo teniporum spntio eulogiam quœ enim lex sacrificari ovem ipso
sacris Scripturis. Jussit
per Christum frequentare desinant, et ex eo quod no- die sive festo Paschœ,quod quidem typum Christi prœ
lunt ei mystice communicare, damnosum metum oc se ferebat. Sed in domo una comedetur, inquit, neque
religionem prœtexant, œterna vita seipsos excltidere, efferetur quicquam carnium ejus. Efferunt igitur foras
dum vivificari renuunt, et recusafionem illam, tametsi donum qui non in una atque eadem catholica domo
a nieiu ac religione profecta videtur, in laqueum ce- Christi, hoc est, Ecclesia, ipsum célébrant. Et per
dere et scandalum : eniti quippe magis eos omni studio aliam etiam legem ejusmodi quid significatur. Scrip-
ac virions decerct, ut a peccato statim mundentur, turn est emm rursus et si quis mactaverit vitulum aut
:

honestumque ac probum vitœ institutum amplexi, ad ovem non adduxerit intra ostia taberna-
in castris, et
vitœ participationem demum magna cum fiducia pro- culi, pereat anima illa e populo suo. Qui ergo extra
perent. Sed cum Satatiœ varice ad decipicndum sint tabernaculum célébrant, non alii fuerint, quam hœre-
artes,ad saniorem mentem eos titalis inquinavit, ipsam tici : certoque pernicies iis impendet, qui id facere
quoque gratiam cogit exhorrescere, per quam a vo- veriti non fuerint. Quocirca oblationes quœ in Ecclesia
luptate quœ ad vitium inducit, tanquam a vino et fiunt, sanctificari, benedici et consecrari a jChristo
crapula ad sobrietatem revocati, quid utile sit perspi- credimus. Idem, lib. advers. Anlhropomorp., pag. 380,
cere queant. Ruptis igitur illius viticulis, et excusso tom. VI.
jugo tyramiico, in timoré Domino serviamus, ut scr'ip- s Porro altos etiam esse audio, qui mysticam bene-

tum est, et carnis voluptatibus per temperantiam su- dictionem nihil ad sanctificationem juvare dicant, si
peratis, ad divinam ac cœlestem gr'atiam accedamus, quid ex ea fiât reliqui in alium diem. [nscniunt vero
et ad sanctam Christi participationem ascendamus. qui hœc asserunt : neque enim ulteratur Christus, ne-
Idem, ibid., lib. III, pag. 324 et 325. que sanctum ejus corpus immutatur : sed benedictionis
* Donum vero, site oblatio quam htgstice celebra- vis ac facultas, et vivificans gratia, perpétua in ipso
mus, in solis orthodoxorum sanctis ecclesiis offerri existit. Idem, Epist. ad Calosyrium, p. 365, tom. VI,
344 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
puisque Jésus-Christ n'est point altéré, ni ges de saint Cyrille, de l'élégance et de la
son saint corps changé et que la force de , politesse,un style noble et bien châtié, du
la bénédiction et la grâce vivifiante demeu- choix dans les pensées, de la justesse dans
rent toujours dans cette eulogie mystique. » les expressions, et de la précision dans le
11 remarque quedimanche *, lorsque l'on
le discours. Ce Père ne s'est attaché ni à le
célébrait les mystères dans l'église, on en polir, ni à le resserrer dans de justes bornes ,

fermait les portes; et au moment de la com- entassant matière sur matière sans les avoir
munion, chacun s'approchait pour participer auparavant ni choisies ni bien digérées; d'où
à l'eulogie sacrée, en recevant Jésus -Christ vient qu'il apporte souvent en preuve des
dans leurs mains. Il appelle cette eulogie un «. témoignages qui ne font que peu ou point
type du mystère que Jésus-Christ fil par lui- du tout à son sujet. Cela se voit surtout dans
même, lorsque, distribuant le pain qu'il avait ce qu'il a fait sur l'Ecriture sainte, où, se
rompu, il dit : Ceci est mon corps qui sera livré laissant aller au penchant qu'il avait pour
pour vous. Mais c'est un tj'^pe qui contient l'allégorie, il transcrit tous les passages que
Jésus-Christ. C'est pourquoi, en le recevant sa mémoire lui fournissait, les appropriant à
dans nos mains, nous y recevons Jésus-Christ; son sujet, avec la liberté que donne cette
en le voyant, nous voyons son corps, et Jé- manière d'interpréter l'Ecriture. Il la quitte
sus-Christ nous y apparaît visiblement dans néanmoins dans plusieurs de ses traités,
son corps. » Il s'y donne à toucher comme aux pour donner le vrai sens de la lettre et il ;

Apôtres. Ainsi le mot de type ne signifie pas réussit très-souvent. y a plus de suite, plus
Il

dans saint Cyrille, une pure figure, mais un de clarté et de précision dans la plupart de
signe et un sacrement qui contient réellement ses ouvrages polémiques. Comme il était
la chair même de Jésus-Christ ^. très-instruit dans la dialectique, et qu'il avait
26. Nous finirons l'article de la doctrine une grande connaissance des auteurs
,

de saint Cyrille, par ce qui regarde les pré- sacrés et profanes il est rare que les
rogatives de l'Eglise romaine. Il entend par subtilités de ses adversaires lui échappent,
la pierre sur laquelle Jésus-Christ dit qu'il et qu'il ne les accable eux-mêmes, soit par
bâtirait son Eglise, la foi très-ferme et iné- la force de ses raisonnements, soit par l'au-
branlable de saint Pierre ^, qu'il appelle le torité des témoignages qu'il allègue contre
chef et le prince des autres apôtres"*. Il qua- eux. C'est ce qu'on peut voir dans ses livres
lifie le pape saint Célestin ^, archevêque de contre Nestoriiis , contre Julien l'Apostat, et
toute la terre, père et patriarche de la grande dans celui qui est intitulé Le Trésor. Ces
:

ville de Rome. trois ouvrages sont aussi écrits d'un style


plus simple et plus clair que les autres.
ARTICLE III.
2. Les commentaires de saint Cyrille sur
JUGEMENT DES ÉCRITS DE SAINT CYRILLE :
saint Jean, et son Trésor, qui avaient été im-
ÉDITIONS qu'on en A FAITES.
primés séparément à Paris, en 1520 et 1521,
1, On chercherait en vain dans les ouvra- in-folio, furent réimprimés ensemble en latin

1 Justissimis itaque de causis sancfos convenius in de illosententiam haberef ,remunerationem tulit illico,
ecclesiis ugimus octava die... et fores quidem claudi- Christo dicente : Beatus es, Simon Barjona, quia caro
mus, sed supervenit et apparet Christus nobis omni- et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in
bus, invisibiliter simul ac visibilité)' invisibiliter : cœlis est. Et ego dico tibi, quia tu es Peirus, et
quidem, ut Deus, visibiliter vero in corpore. Permittit super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam, et
vero et dat sanctam carnem suam tangendam. Accedi- portae inferi non praivalebuut adversus eam. Petram,
m>^s enim secundum Dei gratiam ad participationetn opinor, quasi denominative nihil aliud quam incon-
eulogiœ myslicœ, Christum in manus suscipienies, ut cussam et firmissimam discipuli fidem appellans , super
et nos firmiter credamus eum templum suum vere ex- quam etiam citra casus periculum firmata est ac fun-
citasse. Quod enim communio mj/sficœ eulogiœ con- data Christi Ecclesia, et ipsis inferorum portis per-
fessio quœdam sit resurrectionis Christi, facile patebit pétua inanet inexpugnabilis. Idem, dialog. 4 de Trinit.,
ex iis quœ ipse dixit, cum mysferii typum per se ip- pag. 505 et 508, tom. V, part. 1.
sum peragerei. Nam cum panem fregisset, ut scriptum * Prœ aliis rursus emicaf cœterorum caput ac prin-

est, distribua dicens : Hoc est corpus meum, quod ceps, et ait : Tu es Christus Filius Dei vivi. Id., comm.
pro vobis tradetur in remissiouem peccatorum hoc : in Joan., pag. 1118.
facile in meam coinmemorationem. GyrilL, comment. * Tesiem locupletem proferamus sanctissimum Cœ-
in Joan., paçç. 1104 et 1103, lom. IV. lestiuum et archiepiscopum totius orbis et patrem, et
2 Perpétuité de la foi, tom. III, pag. 37.
patriarchatn magnœ urbis Romœ. Idem, in Encom. in
3 Sapienier admodum et scite clamavit [Petrus] sanctam Mariam, pag. 384, tom. V, part. 2.
dicens : Tu es Christus Filius Dei vivi, cumque veram
[jv ET v PiKCLF.s.] CHAPITRE XX. — SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 343

seulement h RAle, chez Cratandre, en 1524, peu exacte. Ce fut aussi sur sa tra-
fidèle et

avec les commentnires d'Oripône sio' le IJvi- duction que l'on imprima à Paris, en 1314
tiqite. L'édition faite en la même ville, chez et 1320, in-folio, le Trésor de la sainte et con-

Hervage, eu 1546, par Georges de Trébizonde substantielle Trinité. 11 se trouve dans le cin-

in-folio, n'e?t aussi qu'en latin, mais plus quième tome, divisé en trente-cinq livres, de
ample que la précédente, et distribuée en la version de Ronaventure Vulcanius, que
quatre tomes. On y trouve les sept livres de Jean Aubert avait eue manuscrite de la bi-
la Trinité, de l'Adoration en esprit et en vérité, bliothèque de Leyde. Le même tome com-
les dix livres contre Julien, plusieurs lettres prend les neuf dialogues à Néniésinus, et les
et plusieurs opuscules. Celle de 1566, chez deux touchant l'Incarnation. Vulcanius les
les héritiers d'Horvage, est augmentée d'un avait fait imprimer en grec et en latin, avec

tome qui nmferme les commentaires sur des notes, à la suite du livre contre les An-
haïe, de la traduction de Laurent HunCrédus. thropomorphites , à Leyde, en l'an 1603, in-4''.

Il y en eut ensuite deux à Paris, l'une en C'est cette version que Jean Aubert a suivie.

1373, in-folio, deux volumes, par les soins Les sept premiers dialogues ont été traduits
de Gentien Hervet, et l'autre en 1603. Cette par Jean Œcolampade, imprimés en 1346, à
dernière est plus ample que la première, Râle. Les scholies sur l'Incarnation, ont aussi
étant augmentée des Glaphyres sur le Penta- été traduites par Vulcanius et imprimées à
,

teuque, de la version d'André Schottus, et Leyde, eu 1603, chez Robert Winter; en


des seize derniers livres de VAdoration en es- 1342, dans le recueil des Constitutions syno-
prit et en vérité, traduite par Antoine Agel- dales, et dans le premier tome des Conciles

lius. La seule que nous ayons en grec et en de Rinius, en 1618. Les homélies pascales,
latin est de Jean Aubert, prêtre et chanoine qui font partie du sixième tome, avaient déjà
de Laon. Elle parut à Paris en 1638, in-folio, été imprimées en grec et en latin à Anvers,
divisée en six tomes, qui font ordinairement en 1618, par les soins d'Antoine Salmatia,
sept volumes. Ronavenlure Vulcanius, Fron- sur un manuscrit de la Ribliothèque Vati-
ton-le-Duc et Conrnde Rittershusius avaient cnnc. On avait aussi imprimé à Paris l'ho-
aussi promis de donner chacun une nouvelle mélie latine sur l'IiKornation, en 1634, et à
édition des ouvrages de ce Père mais ils

;
Leyde, en 1605. Morel traduisit en français
n'ont pas tenu leur promesse, si ce n'est quelques autres homélies de ce Père et de
Vulcanius, à qui nous sommes redevables de saint Chrysostôme, qu'il fit imprimer à Paris,
quelques éditions particulières. Le premier en 1604, in-8°.
tome de l'édition de Jean Aubert comprend Pour ce qui est des lettres de saint Cyrille,
les dix-sept livres de l'Adoration et du culte il y en a peu qui ne se trouvent dans les
en esprit de vérité, déjà imprimés h Lyon, en collections des Conciles. Le Père Lupus et
1387, in-4''; à Rome, en 1380, et h Venise, en M. Raluze en ont donné quelques-unes qui
1604 les Glaphyres sur le Pentateuque, im-
; n'avaient pas encore vu le jour. La lettre à
primés séparément à Paris en 1603, et à An- l'empereur Théodose sur la Foi, et celles qui
vers en 1618. On trouve dans le second tome sont adressées aux princesses, sont également
les cinq livres de commentaires sur Isa'ie, imprimées parmi les actes du concile d'E-
que Laurent Hunfrédus, anglais, avait fait phèse. Les cinq livres contre Nestorius avaient
imprimer en 1362, et dédiés à Elisabeth, été publiés à Rome en grec et en latin, en
reine d'Angleterre. Les commentaires sur les 1608, in-folio, de la traduction et avec les
Douze Petits Prophf'tes sont placés dans le troi- notes d'Antoine Agellius. Les lettres à Dom-
sième tome, de la version de Jacques Pon- nus et aux autres évêques de Libye ont paru
tanus, qui les avait donnés séparément en dans les Bibliothèques des Pères. Ses livres con-
grec et en latin à lugolsfat, en 1603, in-folio. tre Julien parurent pour la première fois à Co-
Le quatrième tome renferme les douze livres logne, en 1346, traduits par Œcolampade,
sur l'Evanrjile de saint Jean, avec une nou- et depuis à Paris, en 1619, 1630 et 1631. L'é-
velle version de Jean Aubert. Ils avaient été dition de Leipsik, par Spanheim, en 1696,
imprimés en particulier à Paris, en 1320, in- '
n'est différente en rien de celle de Jean Au-
folio, de la traduction de Heorges de Trébi- bert. Vulcanius avait fait imprimer à Leyde,
zonde, que l'on convient être encore très-in- en 1603, la lettre à Calosyrius et le livre
contre les Anthropomirphites avant qu'on les
,

> FabriciuSj tom. VIII Bibl. grcec, p. 558. insérât dans l'édition générale des œuvres
346 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
de saint Cyrille, à Paris, en 1638. Nous ne di- Trinité, celui de l'Incarnation du Eils de Dieu,
rons rien des éditions qu'on a faites des ou- le traité que le Christ est un, les scliolies sur
vrages qui ne sont pas constamment de ce TIncarnat ion, le livre de l'Incarnation du Verbe
Père, cela n'étant point de notre dessein. Dieu, Fils du Père, un autre traité de TIncar
[L'édition la plus complète des ouvrages nation. Dans le tome IX se trouvent les cinq
de saint Cyrille est celle qu'on trouve clans livres des Blasphèmes contre Nestorius, le Dia-
la Patrologie grecque, du tome LXVIIP au logue avec Nestorius, le traité que la bienheu-
LXXVIP. Elle reproduit l'édition d'Aubert reuse Vierge Marie est mère de Dieu , V Expli-
avec de nombreuses corrections et additions, cation des douze chapitres, contre Théocloret ;

toutes les découvertes modernes relatives à V Apjologétique à l'empereur Théodose, les


saint Cyrille. Dans le tome I"'' nous trouvons livres contre l'empereur Julien, les livres contre
la Vie de saint Cyrille d'après les Bollan- les Anthropomorphites, le traité sur la vraie foi
distes; une notice d'après Fabricius, les en Notre-Seigneur, à l'empereur Théodose; le

préfaces de Mai aux œuvres inédites de livre aux reines sur la vraie Foi, le traité
saint Cyrille, publiées par lui; les préfaces contre ceux qui nient que l'on doit offrir pour
des différentes éditions. Ce tome comprend les morts, les fragments dogmatiques contre
les dix-sept livres de l'Adoration et du culte en Diodore de Tarse, contre les Sinusiastes, etc. Le
esprit et en vérité. Le tome II contient les tome X
renferme les épîtres de saint Cyrille,
Glaphyres, les fragments sur les Livres des les homélies sur les Fêtes pascales, quatorze

Rois, sur les Psaumes, sur le Cantique de Moïse, homélies diverses, une homélie sur l'Incarna-
sur le Cantique d'Anne, sur les Proverbes, sur le tion du Dieu Verbe, une homélie prononcée

Cantique des Cantiques. Le tome III renferme sur la fête de saint Jean-BapAiste, une homélie
les cinq livres des commentaires sur haïe et sur la Parabole de la vigne, trois petits dis-
Jérémie, les fragments sur Daruch et Daniel. couj"S sur la translation des reliques des saints
Dans les tomes IV et V, on trouve les com- martgrs saint Cyr et saint Jean, un discours
mentaires sur les Douze Petits Prophi'tes, ce sur les Eunuques, un fragment de l'homélie

qui reste des commenVdh'es sur saint Matthieu que le Christ n'est pas un homme porte-Dieu,
et sur saint Luc. Les tomes VI et VII contien- mais Dieu incarné, des fragments de l'allocu-
nent les douze livres des commentaires sur tion aux habitants d'Alexandrie, des frag-
l'Evangde de saint Jean, les fragments sur les ments du sermon sur la Foi, discours de Cy-
Actes des Apôtres, l'Explication de l'Epitre aux rille-le-Jeune sur les trois Enfants et sur le sage
Romains, de la première et de la deuxième au.v Daniel, un livre sur la Trinité, faussement at-
Corinthiens, sur celle de saint Jacques, de l'E- tribué à saint Cyrille; les paroles de l'Ancien
pitre aux Hébreux, sur la première et la deu- Testament et de la sainte Ecriture interpré-
xième de saint Pierre, sur la premièi^e de saint tées anagogiquement, réunies par saint Cy-
Jean, sur l'Epitre de saint Jude. Le tome VllI rille, saint Maxime et par d'autres, et enfin
renferme le Trésor, les sept dialogues de la la Liturgie de saint Cyrille.
APPENDICE

AU CHAPITRE DE DOM CEILLIER

SUR SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE.

Le cardinal Mai avait publié dans les saint Cyrille d'Alexandrie, due à Aubert, en
Clnssici Auctores, les Scripforum veterum Xova sept volumes Les traductions latines
in-folio.
Collectio et le Spicilegium Romanum, plusieurs appartiennent à plus de vingt auteurs diffé-
ouvrages ou fragments d'ouvrages inédits de rents, qui souvent ont mal rendu le texte; on
saint Cyrille. En ayant trouvé un grand nom- n'y trouve point des scbolies ni des notes criti-
bre d'autres, il a réuni le tout dans les tomes ques et exégéliqnes qui seraient nécessaires
II et III de Patrwn Nova Bib'iotheca. Tous pour l'intelligence du saint arcbevèque; les
ces ouvrages ont paru de nouveau dans la divisions y sont trop rares; le texte grec
Patrologie grecque , où ils sont rangés à leur fourmille de fautes; les tables sont insuffi-
place naturelle. Pour les faire connaître, santes ou manquent totalement; la marche
nous allons suivre cette disposition. Nous y de l'éditeur et Thistoire de ses travaux ne
trouverons aussi quelques autres fragments sont point indiquées. Le principal défaut est
réunis pour la première fois aux œuvres de qu'on n'y rencontre pas un grand nombre
saint Cyrille. d'opuscules qui existent, en grec ou en latin,
dans divers recueils imprimés et notés par
§ I. — TOME I".
Fabricius '. Le cardinal indique encore un
Des Œuvres de saint Cyrille. grand nombre de sources où l'on peut en
trouver d'autres; il cite en particulier les Ac-
1 . Dans le premier volume on trouve d'a- tes des conciles, les anciens apologistes, les
bord les préfaces du cardinal Mai, col. 91 et bibliographes, et surtout Photius et les an-
suiv. L'éditeur commence par signaler l'im-
perfection de la dernière édition des écrits de ' Bibl. grœca, tom. IX, pag. 487.
.

348 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


ciens auteurs. Les chaînes grecques sw l'An- ajouté aux fragments donnés par Maï ceux
cien et Nouveau Testament renferment un
le qu'avait publiés Cordier dans sa Chaîne. Le
grand nombre de textes inédits. Mai aurait cardinal fait précéder le commentaire sur les
désiré lui-même en donner une édition en dix Psaumes de la préface sur la Chaîne des
volumes in-folio; mais, ne pouvant le faire, Psaumes, par Nicétas, évêque des Serres,
il a voulu au moins rechercher dans les ma- ensuite d'Héraclée au xi^ siècle. Le manus-
nuscrits du Vatican tous les ouvrages qui crit qui renferme cette Chaîne va seulement
sont de saint Cyrille. Ses recherches ont été jusqu'au psaume LxxviP; le volume qui ren-
si heureuses, qu'il a pu composer deux volu- fermait la seconde partie n'existe plus. Voici
mes in-folio de sa Nouvelle Bibliothèque, le ce qui nous a paru plus remarquable dans
deuxième et le troisième,où l'on trouve le le commentaire de saint Cyrille.
grec avec la traduction latine composée par En expliquant le verset o du psaume i", ce
lui-même. Père dit que les impies revivront, mais non
2. Dans la préface qui est à la tête du troi- dans le conseil des justes; par conseil des
sième volume, le cardinal recherche quels justes il entend un certain ordre, une cer-
sont les fragments imprimés ou inédits de taine dignité. Il prétend que David a donné
saint Cyrille sur l'Ancien et le Nouveau Testa- le premier une connaissance manifeste du

ment; il donne une notice des différents co- jugement et de la promesse de la vie future.
dex d'où il a tiré les ouvrages nouveaux Moïse n'ayant point fait mention de ces cho-
qu'il publie; il traite de divers lexiques qui ses ^. Photius, dans sa sixième question à
se trouvent encore manuscrits dans la Biblio- Amphiloque ^, admet que Moïse a nommé
thèque Vaticane *. au moins d'une manière figurée et énigma-
tique leroyaume des cieux. Saint Cyrille en-
§ II. — TOME 11. tend de Jésus-Christ, le psaume ii, et, selon
la coutume des anciens Pères, il applique

1. Le second volume des œuvres de saint aussi à Jésus-Christ en différents endroits,

r'°°e
Cyrille, publié par M. Migne, contient, à la les prédictions contenues dans les Psau-
suite des Glaphyres, des fragments swr les Li- mes. 11 a toujours Jésus-Christ devant les
vrées des Rois, une explication des Psaumes, des yeux. Sur le verset Ego dormivi, et soporatus
:

fragments sur le Canticiue de Moïse, sur le sum (psaume m), il enseigne clairement la
Cantique d'Anne,sur les Proverbes, sur le Can- nécessité de la grâce divine pour la péni-
tique des Cantiques. Les fragmentss«<r/es Li- tence *, Il cite comme Ecriture divine le livre
vres des Bois, col, 688 et suiv., sont tirés de de l'Ecclésiastique ^, le livre de la Sagesse ^
;

la chaîne sur les Livres des Bois, composée par il affirme l'existence du péché originel '',

le cardinal Bessarion et conservée manus- l'existence des anges gardiens, qui nous ap-
criteà Venise; saint Cyrille y cite ses com- portent du secours dans les tentations aux-
mentaires sur saint Matthieu, qui sont perdus. quelles d'ailleurs nous ne pourrions pas ré-
2. Psaumes est em-
L'Exposition sur les sister par la seule force de la nature *. Selon
pruntée à douze manuscrits de la Bibliothè- saint Cyrille, tout péché n'apporte pas la
que Vaticane et à un manuscrit ancien du mort ^; les hérétiques finissent misérable-
Chapitre de Vérone; elle n'est pourtant pas ment et ce verset
'*', Convertantur retror- :

complète, quoique très-étendue, col. et M sum du psaume xxxiv% leur convient parfai-
suiv. elle s'arrête au psaume cxx% et les
;
tement le psaume xl^ ne s'applique pas à
;

Chaînes ne reproduisent souvent que des David ni à Ezéchias malade, mais à Jésus-
fragments. Les éditeurs de la Patrologie ont Christ lui-même, comme l'atteste l'Evangile ' '

' Cette table e-t suivie, dans la Bibliotheca nora, eramus propter Adami transgressionem, habuimus-
d'uue planche donnaDt le fac-similé d'un codex du que euni (Christum) defensorem nique staiorent.
xu' siècle sur l'Epitre de saint Paul aux Romains, Col SU, et col. 1034, 1091, 1099, 1158, 1193.
et d'uue autre planche renfermant le fac-siuiile de 8 Sanctis ientatis apponit Deus angelos qui acuant
sept fragments. —
^ Col. 719. ad fortitudinem, quique violentas ab eis incursionei
'^
Script. Veter., tom. I, et Euseb., Chronic, lib. 1, arcere queant. Sala enim mens liominis tante inimi-

cap. XVI. corum incursui resistere nequit. Ibid., col. 887. Vid.
* Neque ad pœnitentiam excitatus essem, 7iisi Do- eliam col. 1078, 1223.

minus me suscepisset. Patrol., ibid., col. 727. 9 Etenirn non omne peccatum mortem afferl. Ibid.,
» Ibid., col. 767, et col. 874, 919.—
«Col. 790, 851. col. 834. — " Ibid., col. 895.
Il
7 Quippe oblati sumus Patris conspeclui, qui pulsi Ibid., col. 991.
[1V« ET V« SIECLES APPENDICE SUR SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 349
On sait que Théodore de Mopsueste appli- Bibliotheca, avec une traduction latine, pag.
quait cepsaume à Ezéchias; saint Cyiille ici 438. Ils sont tirés de la Chaîne de Procope.
combat évidemment cet évêque. Au psaume Saint Cyrille uc voit dans le Cantique des
XLiii*, il parle de la première édition d'Eu- Cantiques que des sens spirituels et pieux,
sèbe sur les Psaumes au psaume xliv% il
'
; imilant en cela les autres Pères grecs et la-
parle de la seconde. On n'en cojmaissait jus- lins. On peut y remarquer un nouvea témoi-
qu'ici qu'une seule. Partout le saint évêque gnage de saint Cyrille sur la présence de
établit fortement contre les ariens la divinité l'humanité de Jésus-Christ sous les espèces
du Fils, et il donne une définition parfaite de sacramentelles ".
Notre-Seigneur Jésus -Christ - en lui appli-
quant ce verset septième du psaume xliv^, § m. — TOME III.

Tlironus tuus, Deus, in sœculum sœculi. Pour


lui, le Saint-Esprit procède du Père et du Le tome III de la nouvelle édition des
Fragments
Fils ^. L'autorité des Pères est proclamée, et œuvres de saint Cyrille, col. 1431 et suiv., snr harucb,
sur Ez'chift!
leur doctrine est exaltée; elle sert à confir- contient quelques fragments des commen- et sur iJaniel.

mer nos dogmes et notre morale *. Contrai- tairesde saint Cyrille sur Jé)'émie, Baruch,
lement à l'erreur reçue aujourd'hui chez d'après la Chaîne de Ghisler, pubhée à Lyon
les Grecs, il enseigne que les âmes des jus- en 1623, trois tomes in-folio; quelques frag-
tes voient Dieu avant le jugement général ^. ments sur Ezéchiel et sur Daniel, d'après le
Il parle de la communion des saints ^, du cardinal Mai. qui les donne au tome II de sa
ministère sacerdotal et de son autorité ", Patrum Nova Bibliotheca, pag. 467, 468.
du dogme de la descente de Jésus -Christ
aux enfers ^, des saintes images ^. § IV. — TOME V.
Les fragments sur le Cantique de Moïse
3.

dans le Deutéronome, sw le Cantique d'Anne, Dans le tome V de la nouvelle édition des


sur les Proverbes, sont très-courts. Eu expli- œuvres de saint Cyrille, nous trouvons des
quant le verset 22 du chapitre viii des Pro- fragments du commentaire sur saint Matthieu
verbes Dominus creavit me, saint Cyrille dit
: et le commentaire sur saint Luc.
que le mot creavit, s'il s'applique k la divi- 1. Dans son commentaire sur saint Luc,
Commentai-
nité, doit s'entendre comme s'il y avait co?is- l'archevêque d'Alexandrie cite plusieurs fois re sur
Luc. Choses
saint

tituit me, comme Davida dit : Ego ahtem celui qu'il avait composé sur saint Matthieu remarquables
qui sont
y
constitutus swn rex ab eo '*'.
etdont il ne nous reste que des fragments *-. coutennes.
Jugement sor
4. Les fragments du commentaire sur le Ces fragments ont été recueiUis par Cordier, le commen-
taire publié
par
Cantique des Cantiques avaient déjà paru en Poussin, et plus récemment par Cramer, d'a-
le
nal Mat. ver.
cardi-

sion syriaque.
grec dans le tome IX Auctor. Clussic. de Mai. près le manuscrit de Coishn, et par Mai, d'a-
Le cardinal les a reproduits de nouveau plus près les Codex du Vatican. On peut y remar-
correctement dans le tome II Patrum Nova quer que saint Cyrille entend par le mot

* Saint Cyrille, opéra, tome II, colonnes 1018, et et communia et c/iaritatis vinculum hominibus cum
1031. sanctis angelis Ibid., col. 1079.
fit.
* Animadverte igitur qmd Deuin appellat illum ^
Congregate ej'us. A lia quoque modo
illi sancios
qui humanatus est, eique cehissimum thronuni attri- intelliges quod
melius dici videtur. Nempe
itno milii
buit. Deus enim erat in specie humana, neque obhanc hoc evidenter est dîscerni populum Dei spirifuatium
ah eo, quod erat, exciderat; sed in sua potiwi subli- polestatum opéra, iiemque illorum qui evangelica sa-
mita te manebat, virgam insuper rectitudinem habens. lutarique prtedicutione fungi jussi sunt. Ibid.
Ibid., col. 1038. 8 Col. lUG.
Est enim Sancti Spiritus dator Filius, quia ipsi
3 3 Non ergo imaginem dicinius esse Deum; sed Deum
nnturatiter quidquid Pater habet inest. Ibid., col. imagine pictus
esse scimus, qui in est, etquem imago
1039. Vid. etiam col. 1235. reprœsentat. Secus vero etfmici errore abrcpii iconas
* Horum nos pars quodammodo sumus , qui post il' deos esse crcduni. Col. 1270.
los vice niagislrorum funfjiinur, quique ab eis recte 10 Col. 1278.
et sine errore dicta excipienies , sermones inde nos- !• Ostendit pariter sacerdotium ejus (Christi) dum
tros confirmamus , duni verilatis dogmata tueri stu-
ait .•
« Non deficiens misto, » id est Clirisli sanguine
;
demus, et subjectis nolns plebibus morum doctrinam hic enim in sacerdotum manibus est. Col. 1291. Col-
exponimus. Ibid., col. 1067. lum ejus dicit Cliristi diaconos, quia hi nempe C/iris-
s
Non enim jam deinceps ad inferos abeunt snncto- tum gerunt capul Ecclesiœ. Gerunt enim corpus Christs
rum animœ, ut illœ pcccatorum. S. Cyrill. oper., in conscient ia pura, mysteria ejus confit entes. Ibid.
lom. Il, col. 1071. '* Vid. tom. V oppr. S. Cyrill., col. 583, 6G8,
^ Namquein Domno supernis conjunguntur infema, 835, 899.
,

350 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


camelum du verset 2 i du chapitre xix% un câ- tive ^. Puisse bientôt une version latine le
ble et non un chameau ', qu'il y aÛirme la mettre à la portée d'un plus grand nombre
nécessité et l'efficacité de la grâce pour faire de lecteurs! M. Migne espère publier le
le bien 2. Selon ce Père, Judas sortit avant texte et la version latine dans la Patrologie
que le Sauveur eût donné le mystère salu- orientale.
taire aux onze disciples ^. C'est son propre Voici ce qui frappe davantage dans les
corps et son propre sang que Jésus nous a fragments recueillis par le cardinal Mai.
donné dans l'Eucharistie *. Le Seigneur a dit 2. On voit saint Cyrille, pour ainsi dire, Choses
remarqu.ibloj
démonstrativement Ceci est mon corps, ceci
: à chaque page, enseignant et défendant la cooleniies
fljns le coin-
est mon sang, pour que vous ne preniez pas divinité du Verbe et toute la divine écono- moutaire sur
saint Luc.
pour une figure ce qui est vu, mais que vous mie de son ineÛable incarnation, ainsi que la
regardiez ce qui est vraiment otfert comme distinction des deux natgres et des deux
transformé d'une manière mystérieuse par opérations dans Jésus-Christ Il professe '^.

le Dieu tout-puissant au corps et au sang de en outre plusieurs dogmes, tels que l'institu-
Jésus-Christ, dont nous devenons partici- tion du sacrement de pénitence, le secours
pants, nous qui avons reçu la vertu vivifiante et la nécessité de la grâce divine, la résur-
et sanctitiante de Jésus-Christ ^. Les Clas- rection de la chair, l'immortalité et l'éternité
sici Auctores, tome X contenaient en grec
,
des peines, l'existence des anges gardiens,
la plus grande partie dii commentaire de la doctrine sur les mérites des saints, qui

saint Cyrille sur saint Luc; un fragment de servent aux autres ; sur la célébration quo-
ce même commentaire se trouvait au tome IX tidienne du sacrifice de la messe, sur la pré-
des Scriptorum veterum Nova Collectio, p. 741. sence réelle , et sur le privilège donné à
Mais douze manuscrits fournirent au cardi- Pierre. Voici divers textes traduits par
nal Maï de nouveaux fragments et lui permi- M. Bonnetty ^.

rent de corriger ce qu'il avait déjà édité. Ce 1° Sur l'Eucharistie et le saint sacrifice de
travail important a paru dans le tome II de la messe.
Patrum Nova Bibliotheca, pag. 116 et suiv., « C'est en cette Eglise qu'on sacrifie mys-

avec une traduction latine et des notes au tiquement chaque jour le pain qui est des-
bas des pages quand la matière le réclame. cendu du ciel et donne la vie au monde ''.
Mais la traduction syriaque du commentaire Ce n'est pas l'agneau choisi au milieu du
de saint Cyrille sur saint Luc, apportée de troupeau, qui sanctifie les chrétiens, mais
Nitrie en Angleterre, et publiée en 1859 par plutôt le Christ lui-même, immolé mainte-
M. Payne Smith, sous-bibliothécaire à la Bi- nant par la bénédiction mystique, dans la-
bliothèque Bodhleyenne, vient de prouver quelle nous sommes bénis et vivifiés '*'. »
que le savant cardinal s'est trouvé avoir im- « Nous approchons des saintes tables

primé sous le nom de saint Cyrille de longs croj^ant que nous sommes ainsi vivifiés et
passages de Théophylacte et d'autres auteurs. bénis corporellement et spirituellement ; car
Le texte, publié avec soin par M. Payne nous recevons en nous le Verbe de Dieu le
Smith, nous donne l'ouvrage de saint Cyrille Père, humanisé, fait homme pour nous, le-
dans son ensemble et dans sa forme primi- quel estia vie et vivifie ". »

1 Facilius est camelum per foramen acu3 pertran- vivificam et sanctificantem Christi virtutem suscipi-
sire. Camelum animal oneribus feren-
hic dicit, non mus. Ibid.
dis deslinatum, sed crassum funem, eut anchoras al- * Voyez les Annales de philosophie, tom. LVIII de
ligant nautœ. Ibid., col. 430. Vid. etiam col. 858, la collection, pag. 476."
commeulaire sur saint Luc. ''
Voyez la table des matières au mot Christus.
2 Jam quodammodo rem impossibilem esse dicens, * Annales de philosophie, tom. LVllI, pag. 44. Les
ostendit non quamlibet inercedem diviiibus et poten- textes sout cités ici d'après la pagination de Patrum
tihus convenire; ideoque opus idipsum esse ait, ui os- Nova Bibliotheca. On la trouve en gros caractères

tendat magna gratin opus esse, ut quis in futurum dans le texte.

hoc recte facial. Ibid. * qua [Ecclesia] mysticc quotidie sacrificafur is


In
3 Col. 431. qui de cœlo descendit panis, et vitam mundo suppe-
'<
Dédit nobis proprium corpus et sanguinem. Ibid. ditat. S. Cyrill., in Lucam, tom. II, pag. 124.
^ Démonstrative autem dixit : Hoc est corpus Neque agnus de grege sumplus christianos sanc-
10

mcum, et lue est sanguis meus, ne figuram esse ar- fifical sed ipse potius Christus sancte immolatus
,

bitreris ea quœ videntur, sed arcana rutione aliqua per mysticam benedictionem, in qua benedicimur et
transformari ab omnipotente Deo in corpus et san- vivificamur. Ibid., in Lucam, pag. 413.
guinem Chrisli vere oblata, quorum participes effecti, *' Ad sanctas mensas sic accedimus: credenies itn
[IV* ET V* SIÈCLES.] APPENDICE SUR SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 351
« Ainsi, en mangeant la chair du Christ, le donne aux autres le droit de faire la même
Sauveur de nous tous, nous avons la vie en chose ^ ! »

nous, faisant pour ainsi dire un avec lui, de- Le savant cardinal ajoute en note les
meurant en lui, et l'ayant lui-même au-de- éclaircissements suivants : a Que les héréti-
dans de nous *. » ques observent ici l'évidente institution du
« Mais, de peur que nous fussions saisis de sacrement de pénitence et le pouvoir donné
torpeur, si nous voyions que l'on mît sous par le Christ au prêtre d'absoudre les péchés.
nos yeux, sur les saintes tahles de nos égli- Que les Grecs observent aussi combien est
ses, la chair et le sang eu nature, Dieu, ayant plus conforme à l'autorité donnée par le
égard à nos faiblesses, inspire une force vi- Christ, et à la façon de parler de saint Cy-
tale aux offrandes qui sont proposées et les rille, la formule de puissance Je t'absous au :

transforme pour en faire son propre corps, nom, etc, usitée chez les Latins, que la for-
afin que nous en ayons une participation vi- mule rogatoire en usage chez les Grecs Que :

vifiante, et que le corps de vie soit en nous le Christ t'absolve, etc. La controverse sur cette

comme une semence vivifiante et n'ayez ; formule a été abondamment traitée par Arca-
aucun doute sur cela, c'est la vérité même, dius liv. rV De Concordia, chap.
, et iv, et m
car c'est lui qui nous le dit clairement : Ceci par Goar, aux notes in Euchologium grœcum,
est mon corps, et ceci est mon sang. Acceptez pag. 331 Benoit XIV, dans sa constitution Etsi
.

plutôt avec foi la parole du Sauveur, qui, pastoralis {Bull. ,tom. l, png. 172), plutôt pour
étant la vérité, ne peut mentir -. d retenir ce rit que pour définir quelque chose,
Sur rétablissement du sacrement de
2° ordonne que les prêtres grecs, dans le cas de
pénitence dans l'Eglise. nécessité, absoudront les Latins, mais avec
Saint Cyrille, après avoir cité les paroles de notre formule, en leur permettant, si cela
saint Matthieu et de saint Jean (chap. xviii, leur plait, d'y ajouter aussi la leur » {Ibid.,
vers. 18, et chap. xx, vers. 23), par lesquel- pag. 179.)
les le Sauveur donne à ses apôtres le pou- Et ailleurs le même saint Cyrille dit en-
voir de lier et de délier, ajoute : core : « Car, puisqu'ils ont été faits partici-
« Quand savons-nous que leur furent dites pants de la nature divine, en recevant l'Es-
ces paroles? lorsque, après avoir foulé aux prit dominateur et ayant puissance sur toutes
pieds la puissance de la mort, et être ressus- choses, c'est pour cela qu'une dignité, con-
cité du milieu des moi-ts, il souffla sur eux, venant à Dieu seulement, leur a été conférée,
en disant Recevez le Saint-Esprit, etc. Car,
: celle de remettre les péchés à ceux qu'ils
après avoir ainsi démontré qu'ils étaient par- voudraient, et de les retenir aux autres *. »
ticipants de sa nature, et avoir fait habiter 3° Privilège donné à Pierre de confirmer
en eux le Saint-Esprit, alors il les fit aussi et d'enseigner.
participants de sa majesté, en leur donnant Saint Cyrille dit avec une grande précision:
le pouvoir de remettre ou môme de retenir « Lorsque le Seigneur eut fait allusion au
les péchés. Ainsi, puisque nous-mêmes nous reniement du disciple, dans les paroles qu'il
avons reçu l'ordre de faire cela com- , lui dit J'ai prié pour toi afin que ta foi ne dé-
:

bien plus remet -il les péchés, celui qui faille pas, il lui apporte aussi des paroles de

nos vivificari atque benedici corporaliter ac spirifua- Servatoris verbum cum fide recipe; qui cum sit veri'
liter. Recipimus enim intra nos humanalum nosiri tas, non mentit ur. Ibid., pag. 417.
causa Dei Palris Verbum, quod et vita est et vivificat, 3 Quandonam autem hœc illis dixisse comperitur?

Ibid., pag. 415. Nempe quum calcata mortis potentia, et e mortuis


Ergo manducantes carnem omnium nostrum ser-
' suscitatus, tnsufflavit eis dicens : Accipite Spirilum
vatoris Clirisli,iiitatiï habemus m nobis, unum velufi Sauctum. Nam quum
suœ naturœ participes de-
eos
effecli cum ipso, et in ipso manentes, ipsumque in no- 7nonslrasset, eisdemque Sanctum Spiritum inhabitare
bis habentes. Ibid., pag. 41C. fecisset, tune suœ quoque majestatis participes effecit,
Ne* forte enim obtorperemus, si carnem et sangui- potestatem tribuens remittendi tel etiam retinendi
nem in sunctis ecclesiarum mensis proponi nobis ins- peccata. Jam quia nos hoc idem facere j'ussi fuimus,
piceremus, indu.'gens nosiris infirmitatibus Deus, vi- quanto magis ille peccata dimittit, qui aliis ejus rei
talem vim proposais rébus inspirât, easr/ie ad sui faciendœ facultatem tradidit. Ibid., i>j Lucim, p. 179.
corporis efficientiani transmutât ; ut easdem ad vivi- * Nam quia omnino facii sutit divinœ consortes nû'

ficam habeamus participationem, et tanquam semen turœ, dominico et universaliter potestativo Spiritu ac
vivificuns sit nobis corpus vitce. Neque dubites; id ceplo, ideo congruu Deo dignitas eisdem colluta fuit,
quippe verum est, ipso manifeste dicente : Hoc est remittendi, inquam, peccata quorum voluerint, alio-
corpus meum, et hic est sanguis meus. Immo poiens rum vero retinendi. Ibid., pag. 214,
,

352 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


consolation, en lui disant : Alors que tu seras duits d'après la Chaîne de Cramer, Oxford f" los ac

converti, confirme tes frères, c'est-à-dire : Sois 1838. Cramer dans le manuscrit de
les a pris
maître de ceux qui approchent
le soutien et le Coislin. Les éditeurs de la Patrologie y ont
de moi par la foi » •
. ajouté une traduction latine, col. 758 à 774.
4° Quelques principes philosophiques sur 2. L'Explication sur l'Epitre aux Romains Expiiçm

l'essence des choses et sur l'âme. est reproduite col. 775 à 856, d'après le auiRomai

Saint Cyrille expliquant les paroles adres- cardinal Mai qui la donne au tome III de sa
sées à Jésus par le diable dans la tentation Nouvelle Bibliothèque des Pères, pag. 1. Dans
du désert, se demande pourquoi l'esprit ten- sa préface * il avertit qu'il l'a trouvée, ainsi
tateur demanda que les pierres fussent chan- que les commentaires sur l'Epître aux Ro-
gées en pain, et il ajoute : « Il pensa que mains et sur les deux Epîtres aux Corinthiens,
c'était un effet et une œuvre de la puissance dans un manuscrit du xiP siècle. Les frag-
divine, que la transformation d'une chose na- ments publiés dans la CAûine de Cramer sont
turelle en une autre qui lui est étrangère; car, assez semblables à ceux que publie le car-
ajoute-t-il. Dieu est l'auteur et le transfor- dinal, comme il le reconnaît lui-même; ils

mateur de toutes ces choses -. » n'ont pourtant rien de semblable avec les
Sur quoi le cardinal ajoute : « Remarquez fragments sur l'Epître II aux Corinthiens. Le
la doctrine professée par saint Cyrille sur la traité de Nicéphore in Antiri-hetico^ a fourni ,

puissance divine, de transformer la nature quelques fragments pour l'Epître aux Ro- |

d'une chose en une autre différente ; ce qui sert mains. !

à démontrer le dogme de la transsubstantia- 3. Dans ce commentaire comme dans l'^'.i'- cboseJ

tion eucharistique. C'est ce que pensait aussi plication sur les Psaumes, saint Cyrille ne coTtl"
Jean-Baptiste quand il disait : Dieu a le pou- manque point, toutes les fois que l'occasion pi'icaiioo.
j

voir de susciter de ces pierres des enfants d'A- s'en présente, d'affirmer avec force la vraie,
braham (Ibid., pag. do2.). naturehe et consubstantielle divinité du Fils.

Nnus signalons aussi ces paroles de saint On comprend facilement cette insistance,
Athanase, sur nature de notre esprit, dont
la puisqu'il était évèque d'une ville où Arius
prétendent expliquer toutes
les philosophies avait à répandre son hérésie. En
commencé
les opérations «Le Christ voulut aussi nous
: exphquant le verset 18 du chapitre v, il ex-
enseigner que la nature de notre esprit est pose la défense du dogme du péché originel,
une chose inetfable ^. » et dit pourquoi nous sommes pécheurs par
la désobéissance d'Adam. Selon ce Père,

S V TOME YIl. nous n'avons pas été constitués pécheurs


pour avoir péché en même temps et avec
Le tome YIl de la nouvelle édition ren- Adam puisque nous n'étions nullement
,

ferme tout ce qui nous reste de saint Cyrille mais parce que nous sommes de la même
sur les Actes des Apôtres et sur les Epîtres. nature qui est tombée sons la loi du péché*'.
Fragments i Les fragmculs sur les Actes sont repro- On peut comparer cette exposition avec celles

I Quum ercjo Dominus discipuli negationem innuis- paradiso deliciarum mores erant, mens ejusdem di-
set lis verbisquitus dixit : Oravi pro te ut uon defi- vinis visionibus semper intenta, incolume corpus et
ciat fides tua, inferl statim consolatorium sermonem, tranquillum, omni turpi voluptate carens. Quippe ab-
ailque Et lu aliquaudo conversus, confirma fratres
: surdis in eo motibus non tumidtuantibus. Postea ta-
tuos; id est, fivmamentum at'jue magister esta illo- men quam in peccatum decidif, et corruptioni patuit,
rum qui per fidein ad me accedunt. Ibid., pag. 420. illico in carnis naiui'am voluptates impurœ irrepse-
^ Cogitavit divinœ potentiœ effedum opusque esse, runt, simulque nobis sœva lex membrorum subnata
naturulis rei alicujus in uliud quid sibi exlraneum, est. Peccati igitur tnorbum natura contraxit ob unius,

transformcdionem , nam talium factor esi et iininuta- id est Adami, inobedientiam : atque ita peccatores

tor Deus. Ibid., in Lucam, pag. 152. constituti sunt multi non quod cum Adamo simul
:

s \'el hoc etiam docere voluit, Spirilus naturam esse, peccaierint, qui nulli prorsus erant, sed quia ejusdem
ineffabilem. Fragm. in Lucam, Ipm. il, pag. 381. atque Adamus naturœ sunt, quœ sub peccati legem
' Vid. tom. I oper. S. Cyrill., col. 103. cecidit. Sicut tgitur humana in Adamo natura ob
5 Mal, tom. m, cap. xxx, pag. 37. inobedientiam, corruptionis infirmitalem nacla est, et
« igiiur facicmus hujus dogmatis defen-
Qunmnam passiones eam invaserunt, sic eadem postea per Chris-
sionem? Anima, inquam, quœ peecaverit, ipsn morie- tum liberata est, qui obediens Deo Patri fuit, et pec-
lur. Nosaulem peccatores effecti sumus ob Adami ino- catum ?ion commisit. S. Cyrill. oper., tom. VII, col.
bedientiam hacce raiione : ille quidem creutus fuerat 787-790.
ad incorruptiotiem ntque vilam, sanctique ejus in
, .

[IV* ET V« SIKCLES. J APPENDICE SUR SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 333

qu'ont données saint Chrysoslôme, Tbéo- Ici comme dans ses autres ouvrages, saint
doret, Tliéophylacte mais on doit se garder
;
Cyrille affirme la nature divine de Jésus-
de confondre la coulpe du péché originel Cbrist, etcombat avec force les ariens. La
avec la peine et les effets de ce péché; création du monde tiré du néant *, la né-
on ne doit point croire qu'il est transmis cessité de ^, la réalité de la chair de
la fol
par imitation plutôt que par propagation. Jésus-Christ*^ y sont enseignées. On y trouve
Le saint patriarche proclame la néces- un bel éloge du célibat et de la continence ';
sité de la grâce intérieure il n'exclut per- *
;
on y voit que chaque Eglise a ses anges gar-
sonne du salut et admet, selon le cardinal diens ^ Le saint patriarche y exphque admi-
Mai, la prédestination d'après les mérites,
'
rablement l'union des fidèles avec Jésus-
ce qui pourtant n'est pas clair-; il rejette Christ ^, ce qu'on doit entendre par le mot
tout doute dans la foi chrétienne ^. prophète, employé par saint Pavd au chap. xiv,

•oBinenui- ^- ^6 Commentaire siu' la première Epitre verset 2 "'. On peut y remarquer encore un

^'Êp''ii^ aux Corinthiens, qui vient à la suite,, tom. 111 témoignage bien formel sur la divinité du
ji^CoriD-
jg jjj Xouvelle Bibliothèque des Pères, pag. 48, Saint-Esprit ", un éloge parfait de la science
et tom. VII des œuvres de saint Cy-
dans le exégétique et de la profession de prédica-
833 à 916, avec la. traduction latine,
rille, col. teur '-. On y voit aussi l'usage d'un chœur
est assez étendu, quoique le compositeur de de chant '3, l'apologie étendue et solide du
la Chaîne en ait supprimé plusieurs parties. dogme de la résurrection des corps *'.

1 lis autem qui peccati infirmitaie tenentu>\ haud rum quoque prodigiorum evidentem ostensionem, hune
satis est cognoscere, quod meliora agere debeant, sed rei cardinem ponentes, nempe opus esse credere, Deum
viribus opus est agendi quœ recta sunt et quœ legi in his et a Spiritu et a rébus quoque gestis testimo-
placent. Veluti iis qui in prœliis excellere volunt, nium accipere : ita ut arcana quadam ineffabili vir-
haud nuda sola sufficit iacticorum prœceptorum
et tute et vi utentes, prodigia quoque facile efficerent.
scientia; sed ium demum illustres spectabilesque vix Ibid., col. 863.
évadent, si onimi quoque fortitudo iisdem insit. Igitur 6 A'a/71 et in cordibus nostris habitai per Spiritum,
si officii quidem rectitudinem docet lex, nullo tamen et sonctam quoque ejus carnem participamus, et sic
modo tentatione vexatis opem fert, peccati vires debi- dupliciter sanctificamur : habitatque in nobis et vi-
litando, prœclarus sane magister est, neque tamen vens simul et vivificans, ut obrepentem membris nos-
cum gratia Christi comparari digne potesf, qui et tris mortem per se ipse destruat. Ibid., col. 870.
'
sanam sententiam suppeditare valet, et nos peccato in exemplum singularis
Adducit autem {Paulus)
fortiores prœstare. Ibid., col 814. curisque carentis vitœ seipsum, cœlibatumque conju-
' Ecce omnes Christus dicendo : (Veuite ad me om- gali vitœ prorsus anteponit. Ibid., col. 874.
nesqui laboratis), ad se vocabat; dutn enim omnes di- * Ideo veletur propter angelos. Sine dubio autem

cit, neminem excludit Ximirum quos mullo ante prœ-


. intelligit angelos cuique Ecclesiœ constitutos a Deo,
vidit, quinam futuriessent, eos prœdestinavit ad fut u- qui œgre ferunt magnopere, sijdecori lex a quopiam
rorum honorum participationem , eosdemque vocavit, ut violetur. Ibid., col. 883.
per fidem in ipsum justificationem consequerentur Conjuncti enim invicem sumus et cum Christo
9

neque denuo jam peccarent. Ibid., col. 827-830. Age corixjrati, qui simul nos congregavit, ac quodammodo
vero si illorum quos, secundum suam notitiam eligit, colligavit per unum in omnibus spiritum, quem eliam
imo et qui misericordia digniores sunt, miseretur vivificantis calicis instar potavimus. Ibid., col. 887-890.
Deus; dixit enitn olim Moysi : Miserebor quorum 10 Ergo prophetatio nihil aliud erit, nisi prophelia-

misereor, et propitiabor quibus propitior quidni : rum enucleandarum facultas; quas auditoribus expia-
res extra omnem calumniam sit. Age vero prœvidens, nantes, et deinde sermonem nostrum secundum rei
ut reor, perspicue Apostotus, non defuturos fartasse veritaiem ex ips^s confirmantes, recti veracesque eri-
qui existimarent, divine nutu alios quidem bonos esse, mus optimarum rerum interprètes. Ibid., col. 890.
altos contumaces, necessario '• Semo enim,prœter solum Deum quem nihil latet,
ipjse sibi objicit quœ ab
illorum inscita forent, aitque : Erçro non volentis ne- quidquam intelliget; nam Spiritui, inquit, mysteria
que currenliâ, sed miserentis est Dei. Ibid.. col. 835. loquitur. Observa autem quod Deo loquens, Spiritui
* Sunt ergo inscrutaliilia quœ altiora nobis sunt. loquitur; ergo Spiritus Deus est. Ibid., col. 890.
iVanj sivere dicitur, ea ipsa quœ in manibus sunt, vix '* Major ergo est et excelsiore gradu locata, ac
a nobis, uti scriptum est , compre/iendi : quidni ne- splendidiore spe fréta, prophetandi scientia : siquidem
cessarium sit opinari, in iis quœ ratiocinium nostrum melius sine dubio est Ecclesiam œdificare, quam sibi
superant, multo utilissimam esse fidem, nullo examine soli lingua loqui. Ibid., col. 891.
comilante, nulla vanu adhibita vestigatione? ^'amque '3 Cum tu, inquit [Apostotus), lingua loqueris, ille

in his rébus prudentia prœcipuum ornamentum qui laicali conditione est, si tuam linguam non nove-
sit.
Ibid., col. 843. rit,quomodo respondebit amen in suis gratiarum ac-
* Ignorant enim omnium Deum, qui tionibus sive precibus ? nempe ut quod sacerdotum li-
fianc mundi
universilalem arcana vi sine ullo labore fabricav.t, et turgicœ preci videtur déesse, laicorum cantilenu ini-
ea quœ nulla erant, ad existentiam unico nutu pro- pleutur, atque ita tenues cum magnis tanquam in
duxil. Ibid., col. 862. Spiritus unilate Deus excipiat. Ibid., col. 891
* Elenim prœdicationi addebant Apostoli divino- 'k Col. 893 et seq.

vm. 2'6
354 HISTOIRE GÉNÉRyaE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Commentai- 5. Lc Commentaire "swr la seconde Epître trouve deux ouvrages nouveaux, le livre
xième Epiire aux Corintkïens s'étend de lu col. 915 à 951, de la Trinité et celui de l' Incarnation du Sei-
tbieos texte grec el; version latine. Le préambule, gneur. Ils ont paru d'abord dans le VHP vo-
où l'on cite un passage de ce commentaire, lume des Scriptorum Veterum Nova Collectio,

est tiré d'un manuscrit syriaque où se trouve pag. 27-58, et pag. 59-103, sans traduction
un ouvrage monophysite, intitulé Foi des : latine, et dans le tom II de Patrum Nova Bi-
Pères. On peut remarquer dans ce com- bliotheca, grec-latin, pag. 1 à 34, et pag. 32
mentaire un nouveau témoignage de saint à 74.
Cyrille sur la divinité du Saint-Esprit ', une 1 . Saint Cyrille a composé un grand nom-
citation du livre de la Sagesse -. bre d'ouvrages où il défend ex professa la
Fraîjmenis 6. A la suite de ce commentaire vient un doctrine catholique sur la Trinité, et répond
ll'x Ga'iaîes fragment sur lEpître aux Galates, et un autre aux objections des ariens, et surtout d'Euno-
^'''^'
siens." sur l'Epitre aux Colossiens, col. 951. mius. Nous avons vu, en effet, qu'il avait
7. Le commentaire sur l'Epitre aux Hé- composé sur cette matière le Trésor, ouvrage
resnri Epiire breux, col. 953 à 1006, sc compose de Irag- où il avait réuni toute espèce d'armes pour la
aux Hébreux.
ments recueillis par Mai, d'après Cramer, qui défense du dogme catholique, les sept dialo-
s'est servi du manuscrit Coislin, et d'après gues à Hermias. Le traité de la Trinité, pu-
deux manuscrits, l'un du Vatican et un autre blié par le cardinal, est tout-à-fait difierent
de Milan, où se trouve une Chaine composée de celui qu'a fait paraître Wégélinus, et qui
par Nicétas, évêque des Serres ^. L'éditeur n'otlre guère qu'un extrait de saint Jean Da-

faitobserver que les manuscrits sont souvent mascène. Dans le /"mor saint Cyrille réfutait
en désaccord, et qu'on y trouve des parties les hérétiques; dans le nouveau traité il ex-

qui appartiennent à d'autres ouvrages de pose aux fidèles la foi orthodoxe. Il y défend
saint Cyrille, quoiqu'on ne puisse douter que avec beaucoup de force le mystère delà Tri-
ce patriarche ait composé un commentaire nité contre Arius, et nomme spécialement les
sur l'Epitre aux Hébreux'^. Dans ce commen- trois personnes divines. L'ouvrage est divisé

taire l'auteur s'emploie tout entier à réfuter en vingt-huit chapitres, qui sont précédés
les ariens; aussi ces hérétiques rejetaient-ils d'un préliminaire.
du canon des Ecritures cette Epitre ; ce qui Dieu fait grand cas du salut des hommes. Cap. I.

exphque peut-être pourquoi on ne la trouve C'est pour cela qu'il a envoyé ses apôtres
pas dans la traduction gothique des Ecritures instruire le monde c'est pour cela que ceux
;

par l'évêque arien Ulphilas. qui conservent le dépôt de la doctrine, doivent


Aux col. 1003 à 1006, on trouve quelques veiller à l'instruction de leurs frères et les

autres fragments sur la même Epître, recueil- éloigner de l'erreur.


liségalement par Mai d'après un manuscrit La forme de l'enseignement ecclésiastique
du Vatican, et d'après Anastase et Mansi. doit être claire, simple, didactique, étran-

8. Les fragments sur les Epltres catholiques; gère aux disputes, instructive, sans pompe,
jj^^ ^^
snr i.s Epi-
savoir, sur celle de saint Jacques, et sur les
' -^ '
telleque le Saint-Esprit l'a exposée.
très catholi-
ques.
deux de saint Pierre, sont donnes d'après Cet enseignement doit mettre à nu l'im-
Cramer, Oxford 1840, avec une traduction piété. On évitera également la proHxité, qui
latine par les éditeurs de la Patrologie, col. engendre le dégoût, et la trop grande briè-
1007 à 1022. Le cardinal Mai a fourni deux veté.
fragments sur la première Epitre de saint Que faut-il penser de Dieu le Père ? Nous
Jean; les autres sont de Cramer, qui en croyons en Dieu le Père, sans commence-
donne aussi un sur saint Jude ^. ment, qui a toujours été Père il est incréé, ;

il n'y a pas de temps où il n'a pas été.

§ VL — TOME Vm. Par rapport au Fils, nous croyons en un


Dans le tome VIU, col. 1147 à 1419, on seul Fils, coéternel au Père qui l'engendre,

1 Nos quidem hœrelicorum calumniam non fere- ce commentaire d'après Auastase le Sinaïte, qui cite
mus, qui creatis rébus Spiritum annumerat. Ibid., nommément saint Cyrille, Script. Veter., tom. VII, pag.
col. 931. — 2 Ibid., col. 935. 8-10, d'après Léonce, pag. 130,
18-24; deux autres
3 Vid. Praefat. Mal au tom. Pairum
III Xo':a Bi- 140, et d'autresaux tom. VIII et IX des Script. Veter.
bliollieca, et dans le tom. I" des œuvres de saiut Cy- 5 Vid. Mai, proleg. ad III vol. Patrum Nova Bi-
rille, col. 106. iliotheca, dans le premier volume de saint Cyrille,
^ Ibid., col. 107. Mai a édité quatre passages de col. 103.
[iv ET V* SIÈCLES.] APPENDICE SUR SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE.
d'une manière ineffable, qui n'a pas eu de lure; premier-né, car il a les hommes pour

commencement, mais qui a toujours été avec frères ; unique dans sa génération
il est Fils

le Père. céleste, premier-né dans sa naissance mor-


Les saintes Ecritures enseignent que le telle.

Fils est coéleruel au Père Au commencement : Personne ne connaît le Fils si ce n'est le


était le Verbe, et le Verbe était Dieu. Il était au Père, et personne ne connaît le Père si ce
commencement, mais il n'a pas été produit au n'est le Fils. La connaissance en l'un et
commencement : notre imagination ne sau- l'autre est égale. Nous croyons que Dieu est
rait assigner un point de départ à cette pa- invisible, que la pensée humaine ne saurait
role. Le VerL.e était en Dieu. Tout a com- le dépeindre ; la foi seule éclaire notre intel-

mencé, mais non le Verbe; tout a été fait ligence.


par le Fils, dit l'Evangéliste. Saint Paul dit La puissance du Père et celle du Fils sont
du Fils qu'il est l'auteur des siècles per : égales. Notre-Seigneur a prévu la malice des
quem fecit et sœculu. S'il en est l'auteur, ils hérétiques quand il a dit : Ego et Pater unum
ue l'ont donc pas précédé. Le Verbe étant sumus. Il a dit aussi : Sicut Pater suscitât mor- Joan. T, 2t.

auteur de la création avec le Père, il est tuos et vivificat, ita et Filius quos vult vivificat,
donc Dieu comme lui. C'est TEsprit saint qui ce qui montre en tous deux la même vo-
s'est chargé d'enseigner cette théologie sur lonté. Ces autres paroles : Sachez que mon joan. x, 38.

le Fils unique de Dieu. Jamais ceux qui ont Père est en moi, et moi en lui, ne sauraient
enseigné la doctrine de TEgUse n'ont mis au s'entendre de deux personnes dont l'une se-
même rang Dieu et sa créature. rait plus puissante que l'autre. Le Fils ne
L'Ancien Testament prouve l'éternité du saurait être contenu dans la créature, et il

Fils de Dieu. Dieu dit à Moïse Celui qui m'a : contient dans sa main les eaux de la mer et l'im- Psal. XL, Jî.

envoyé vers vous. Dieu dit à Jérémie : Je ferai mensité du ciel.

avec la maison de Judas une nouvelle alliance. Le Père et le Fils méritent le même hon- Cap. HT.
Qui a fait cette alliance? N'est-ce pas Notre neur. Ils ont la même nature divine. Ces pa-
Seigneur Jésus-Christ car c'est lui qui disait
'? roles : Si me sciretis, Patrem quoque meum xr.

aux Juifs : Il vous a été dit : Vous ne tuerez sciVe^i's, réfutent parfaitement les erreurs d'A-
pas, et moi je vous dis : Vous ne vous mettrez rius etd'Eunomius. La sottise de ces héréti-
pas en colère. Ne renversait-il pas l'ancienne ques n'a d'égale que leur impudence, car ils
loi pour en établir une plus parfaite ? disent que celui qui envoie est supérieur à

y a des propriétés qui conviennent au


11 celui qui est envoyé. Quelle ignorance des
Dieu Verbe;, et d'autres à la nature humaine saintes Ecritures ! Dans votre loi, dit le Sei-

qu'il a prise. Quand les hérauts de la vérité gneur, il est admis que le témoignage de deux
ont dit que le Verbe existait de tout temps, personnes est vrai ; or, je rends témoignage de
qui osera dire le contraire? Qui osera appeler moi-même avec mon Père; deux hommes sont de
créature celui qui est dans le sein du Père ? même nature, mon Père et moi nous sommes donc
Mais saint Paul, qui dit que le Fils est égal à de la même nature divine. Le Seigneur établit
Dieu, dit aussi qu'il s'est abaissé jusqu'à sa consubstantialité par ces paroles : Si vous
prendre la forme de l'esclave. Il met en op- me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père.
position ces paroles forme de Dieu et forme Nous croyons à cette consubstantialité, et
de l'esclave. La forme divine a toujours existé, nous adorons Notre-Seigneur.
ellea reçu la forme de l'esclave. Le Fils co- La consubstantiahté du Père et du Fils est xn.
^^ •

existe donc toujours avec le Père, et il reçoit enseignée dans plusieurs endroits de l'Evan-
avec lui les adorations des fidèles. gile Celui qui croit en moi, dit Jésus-Christ,
:
j^^^ j,,^
La génération divine est bien différente de ne croit pas en moi, mais en celui qui m'a en-
la génération humaine, car Dieu est sans voyé. Si le Père était plus grand que le Fils,
corps, impassible, immuable. comment pourrait-on le voir dans le Fils?
Voici les noms de Notre-Seigneur. Le Fils Jésus ajoute Celui qui me voit, voit aussi mon
:

de Dieu est appelé Verbe, parce qu'il est en- Père. Les paroles que je dis ne sont pas de moi-
gendré sans souffrance, comme la pensée même, mais de mon Père qui est en 7noi. Quoi
par l'esprit humain. Il est appelé Fils, parce de plus clair que ces paroles, dit saint Cyrille :

provient du Père qui l'engendre. 11 est


qu'il il n'y a qu'une seule nature pour le Père et
nommé Dieu, parce qu'il participe à la divi- le Fils.
nité ; unique, parce qu'il est seul de sa na- Le Fils est glorifié par le Père. Mais, disent Cip. xv...
356 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
les hérétiques, celui qui glorifle, est plus Nous sommes appelés temples de Dieu par
grand que celui qui est glorifié. Ici, dit saint lebaptême, car nous devenons la demeure
Cyrille , il y a réciprocité. Le Fils , à son de l'Esprit saint. Ce saint Esprit, nous le re-
tour, glorifie le Père, le Père sera-t-il donc cevons de Dieu.
moindre que le Fils? Saint Pierre a la même croyance. Ananie, cip. xx

Cap. xrm. Le Père et le Fils ont la même domination. pourquoi t'es-tu laissé séduire par Satan, pour
Il n'y a pas de partage de souverain pouvoir; mentir à l'Esprit saint et distraire de la valeur
il y a au contraire communauté. de ton champ? Tu n'as pas menti aux hommes,
XIX. Les chapitres suivants jusqu'au xxviip sont mais à Dieu.
consacrés au Saint-Esprit. Nous croyons en Ici saint Cyrille allègue diverses preuves .xxvi

Dieu le Père sans principe, en Dieu le Fils de de l'Esprit saint. Paul et Bar-
la divinité

coéternel au Père, en l'Espxnt saint, bon, nabe, choisis pour l'œuvre apostolique, sont
droit, dirigeant les hommes, les consolant, envoyés par l'Esprit saint en Séleucie. L'au- -Act xn

procédant de Dieu, non engendré. Les saintes teur sacré racontant leurs travaux dans di-
Ecritures le mettent au rang des deux autres verses villes, donne deux fois à l'Esprit saint
personnes divines. Nous ignorons de quelle le nom de Dieu. Aux uns, dit saint Paul,
manière il procède. l'Esprit saint donne la sagesse,aux autres la
XX. Le Saint-Esprit est rais au rang des autres science,aux autres la foi, tous ces dons pro-
personnes divines, puisque Notre-Seigneur, viennent du même Esprit. Si c'est par l'Esprit
en envoyant les apôtres, leur dit Baptisez : de Dieu que le démon est chassé, disait Aotre-
au nom du Père, du Fi/s et du Saint-Esprit. SeigneuK, le royaume de Dieu est donc au mi-
Il est supérieur à toute créature, puisqu'il lieu de vous. Saint Paul faisant ses adieux aux
est avec le Père et le Fils. Saint Paul dit : fidèles de Milet, leur dit : L'Esprit saint est in- cap. s

n Cor. XIII, Que la grâce de Xotre Seigneur Jésus-Christ créé et éternel. Saint Pierre, dans son épitre
et la charité de Dieu le Père et la communica- catholique, dit : Si vous recevez des outrages à
tion du Saint-Esprit soient avec vous tous. cause de Jésus-Christ, estimez-vous heureux, car
cip.xxi. Ees grâces sont partagées, dit saint Paul, l'Esprit de Dieu 7-epose en vous. Saint Jean
mais l'Esprit saint est le même. C'est par l'Es- dit : C'est à cette marque que nous connaissons
prit saint que nous recevons le pardon des que nous sommes en Dieu et qu'il est en nous,
péchés, que nous adoptons la liberté et la parce qu'il nous a donné so7i Esprit. Si l'Esprit
grâce de l'adoption. Ou est l'Esprit du Sei- saint est en Dieu, reprend saint Cyrille, ce
gneur, là est la liberté. Je suis au milieu de n'est point une créature, il a la substance
vous, dit Notre-Seigneur et mon Esprit est divine, et comme tel il est éternel.
avec vous. L'Esprit saint partage la puissance Le chapitre xxviii est un résumé de la foi „vni
des autres divines personnes, catholique sur la Trinité. «Nous croyons que
xxii. Le divin Paraclet est créateur. Job dit que dans la sainte Trinité il n'y a qu'une nature,
job.xxxii, 8. l'Esprit saint est créateur et Seigneur; ilne une substance en trois personnes, une puis-
dit pas qu'il est créature. sance qu'elles ne partagent avec nulle autre,
cip. XXXIII. L'Esprit saint vient de Dieu. L'Esprit saint une divinité, une domination. Cette Tiinité
a la substance divine. Joël nous le montre n'existe pas seulement dans les noms, mais
Joël. XI, 28.
(Jans ces paroles : Bans les derniers jours je dans les hypostases. Nous ne disons pas que
répandrai mon Esprit sur toute chair. c'est un trionyme, comme Sabellius, Photiu
Le Seigneur dit à ses apôtres : Quand vous et Marcel le prétendent. Cette sainte Trinité
serez devant les tribunaux, ne soyez pas inquiets est sans fin, immortelle, infinie, incorrupti-
de ce que vous direz, car ce ne sera pas vous qui ble, mystérieuse, invisible, source Je tout
parlerez, 7nais l'Esprit de inon Père qui parlera bien, tr( sor de sagesse, gourvernantle monde.
en vous. Tous ceux qui sont conduits par l'Es- Cette foi, nous la tenons d'hommes saints.
prit de Dieu, dit saint Paul, sont les enfants de Pour ceux qui disputent, nous leur laissons
Dieu. Et ailleurs : EEsprit saint sonde tout, leur croyance; mais nous prenons pourndtre
même les profondeurs de Dieu. L'Esprit saint, partage la doctrine enseignée par les Apô-
conclut saint Cyrille, est donc de la subs- tres, qui sera notre lumière et notre loi. »
tance divine. 2. Ce traité se trouve dans le manuscrit xra
^^'"^"
Cap. XXIV.
L^ grand Apôtre a su que Jésus-Christ du Vatican qui renferme le traité de la
icor.n.ii. était Dieu Vous avez été sanctifiés au nom de
: sainte Trinité ; il vient à la suite du traité

Jésus-Christ et par l'Esprit de notre Dieu. de la Trinité, dans l'ouvrage Patrum A'ova
[1V« ET V* SIÈCLES.] APPENDICE SUR SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 357

Bibliotheca, pag. 32-74, en grec et en latin. pureté devinrent communs. Mais Dieu ne
Il est reproduit à la fin du huitième volume veut pas la perte de ceux qu'il a créés il ;

des œuvres de saiut Cyrille, col. I4]9. On détruit le monde par le déluge, mais il con-
doit le distinguer des autres écrits du même serve dans l'arche la famille du juste. Il con-
Père snr le même sujet. Saint Cyrille n'ou- sume par le feu des villes impures, mais il
blie pas dans cet ouvrage la réfutation des préserve Loth qui n'a point pris part à l'ini-
hérétiques. Le plus récent, réfuté par lui, est quité de leurs habitants. Il envoie des mala-
Eunomius. Il y réfute aussi complètement la dies contagieuses qii'il fait disparaître, des
calomnie de quelques monophysites, qui pré- grêles, des animaux malfaisants; mais il n'a-
tendaient qu'il ne reconnaissait en Notre- bandonne pas les hommes religieux, il con-
Seigneur qu'une seule nature. Quoique ce verse familièrement avec eux.
traité soit surtout polémique, le saint docteur L'incarnation démontre la souveraine clé- *^^p- ^"'

insiste sur la bonté de Dieu à l'égard des mence de Dieu. Tous les enseignements que
hommes. Pour enflammer le peuple chrétien Dieu avait donnés ne pouvaient corriger le
de l'amour divin et le confirmer dans la foi, monde le souverain remède fut le mystère
:

il expose excellemment avec quelle piété on de rincarnation. Le Verbe de Dieu, auteur


doit obéir et croire aux vérités que Dieu a de la création, lumière de lumière, brillante
daigné révéler. Il vent qu'en cette matière on image du Père, se revêt de la nature hu-
omette toute controverse et tout curieux exa- maine pour la purifier des souillures qu'elle
men, le peuple et la plus grande partie des avait contractées par le péché, pour la re-
hommes n'en étant pas capables. nouveler et la rendre plus belle, ne chan-
3. Ce traité est divisé en trente-cinq cha- geant pas la nature divine en nature hu-
pitres. Dans le premier saint Cyrille dit com- maine, mais associant la nature humaine à
bien le souvenir de la divine incarnation est la nature divine.
utile et combien grande est l'obligation con- saint Cyrille s'élève contre la perversité
Ici 'x-

tractée par l'humanité à l'égard de Dieu. des hérétiques Arius, Eunomius, Manès et
Dieu a créé le monde, et l'homme, qui est Apollinaire. Arius et Eunomius, dit-il, ensei-
son chef-d'œuvre, est admirablement cons- gnent que Notre-Seigneur s'est uni h la na-
titué dans le corps et dans l'âme; l'âme ture humaine sans en prendre l'âme. Apolli-
a reçu l'immortalité. L'homme est consti- naire considère cette nature comme animée,
tué le roi de la création. Dieu a créé l'homme mais sans l'intelligence; nous ne savons ce
de la terre; aussi il l'a appelé Adam, car qu'il pense de l'âme. Marcion et Manès dé-
Adam en hébreu signifie terre, pour lui ap- truisent chacun à leur manière l'incarnation
prendre qu'il ne doit point s'élever orgueil- divine. Ils traitent de fable la conception de
leusement contre son Créateur, et pour qu'il se Marie, et disent que Notre-Seigneur était re-
connût lui-même et adorât le Dieu qui lui a vêtu d'un corps fantastique; mais les termes
accordé une si grande beauté. Après avoir de l'Apôtre sont clairs, dit saiut Cyrille For- :
AdPhn. n.e.

créé l'homme. Dieu lui donna une compa- mam servi accipiens, in similitudinem hominum
gne il ne la prit pas de la terre, mais des
; factus,ethabitu inventas est uthomo. L'Apôtre cap. x.

côtes de l'homme, non par pénurie de ma- a voulu signifier ici non le mode de nature,
tière, mais parce qu'il voulait établir un lien mais le mode d'opération; car Jésus, qui a
entre l'homme et la femme. Adam reçut l'or- reçu notre nature, n'a point reçu en elle
dre de ne pas toucher à certain fruitduparadis, notre malice, ayant été exempt de péché,
Dieu voulant lui faire comprendre qu'il avait L'Evangéliste,voulant réfuter par avance l'er-
un maître à qui il devait obéir. Il n'y a que reur d'Arius et d'Eunomius, ne dit pas que
les animaux dépourvus de raison qui n'ont Notre-Seigneur Jésus -Christ, dans son hu-
pas de loi. Adam ayant désobéi par suite de manité, fut assimilé à la créature ou aux an-
l'envie du démon et de la simplicité de la ges, mais bien à Dieu. Sabellius, Marcel,
femme, fut chassé du paradis terrestre, con- Photin, qui rejettent les trois hypostases, sont
damné à la peine, aux sueurs et au travail. également réfutés par ce texte car ils sont ;

L'auteur y expose l'ingratitude des hom- bien forcés de reconnaître que celui dont il
mes et la providence de Dieu à leur égard. est dit Qui cum in fonyia Dei esset, etc., a
:

Les hommes, peu instruits par la chute d'A- unehypostase distincte de celui dont il est la
dam, commirent de plus grands crimes le ; ressemblance; la ressemblance et l'objet
meurtre, le mensonge, l'intempérance, l'im- comparé sont deux. Par cette substance de
358 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
l'esclaveon n'entend pas seulement le corps, et de notre âme. De plus, cette partie de
mais toute la nature humaine. Le Verbe fut nous-mêmes est trop noble ppur qu'il l'ait
revêtu de chair et doué d'une âme raison- méprisée. C'est elle qui, avec plus de raison,
nable comme nous, sans ressentir les atteintes peut être dite créée A l'image de Dieu, car elle
du péché. est immortelle. Il est absurde de croire que
Cap. XI.
Pourquoi Verbe revêtu de la na-
le s'est-il le Sauveur ait pris un corps de boue en dé-
ture humaine? C'est pour nous fortifier dans daignant l'âme spirituelle qui doit avoir
le combat contre le démon, guérir nos bles- part à notre récompense et à notre châti-
sures, nous justifier et nous glorifier. ment.
>!>. Nous devons participer à la vie du Sei- Apollinaire, préférant à nos dogmes son
gneur, comme nous avons participé à
mort la bavardage, soutenait que le Verbe divin avait
d'Adam, car si plusieurs sont tombés par la pris notre chair comme un voile, qu'il n'avait
chute d'un seul, la grâce du Seigneur doit pas besoin d'âme, qu'il en tenait lieu. On
aussi abonder pour plusieurs par l'humanité peut lui répondre, dit saint Cyrille Le :

de Jésus-Christ. Un seul homme a attiré la Verbe avait-il besoin de corps? Il pouvait,


condamnation de tous, un seul aussi a pro- par un simple acte de sa volonté, nous sau-
curé leur justification. ver; mais il a voulu nous faire coopérer à
xiii. Le bienfait de l'incarnation a été un bien- notre salut; il a pris notre nature pécheresse,
fait commun pour les hommes. Pour soute- il l'a justifiée par ses souffrances et l'a af-

nir la lutte avec l'Esprit tentateur, le Sauveur franchie des liens de la mort. Vainement on
s'y prépare par le jeûne. 11 jeûne quarante objecte le texte de saint Jean, car la sainte
jours, ne voulant pas dépasser ce qu'ont fait Ecriture prend souvent la partie pour le
les anciens pénitents, afin de n'exciter au- temps; tantôt elle appelle l'homme âme, tan-
cune défiance dans l'Esprit tentateur, qui tôt elle l'appelle chaù\ »
déjà avait été témoin d'un assez grand nom- Ici l'auteur prouve que le Verbe divin a

bre de merveilles arrivées à l'occasion de pris une âme intelligente, que les prophètes
Notre-Seigneur, le concert des anges, l'étoile lui attribuent une nature parfaite, qu'il y a

miraculeuse, l'adoration des mages. deux natures en Jésus-Christ, qu'il est Dieu
^'^- Saint Cyrille expose, d'après l'histoire et homme.
évangélique, comment Jésus -Christ a été Au xxiirchapitre il est question de l'en-
^^- vaincu. Le chapitre xv est contre ApoUimire. fantement ineffable de Marie. Les chapitres
Cet hérétique prétendait que Dieu, en pre- xxiv^ et xxv« sont un abrégé de la vie de No-
nant la nature humaine, n'en avait pas pris tre-Seigneur. Les miracles de Jésus, son obla-
l'âme intelligente. « S'il en était ainsi, répli- tion volontaire dans sa passion, la cause de
que saint Cyrille, Dieu seul aurait lutté contre ses souffrances, le salut obtenu par ses tour-
Satan et aurait remporté la victoire; nous ments, voilà le contenu des chapitres xxvi,
n'en eussions pas profité, car notre nature xxvii et xxviir.
n'y aurait nullement contribué; nous n'en Dans les chapitres xxix, xxx, xxxi, xxxii
aurions pas la joie, car nous nous glorifie- et XXXIII, le saint docteur s'attache à mon-
rions d'un trophée étranger. Nous n'aurions trer que Notre-Seigneur a réellement pris la
point de part à la gloire qui revient à Dieu nature humaine, qu'il est le Fils de Dieu,
des souffrances de Notre-Seigneur. » que les deux natures en Jésus-Christ ne for-
"v'-
Si Notre-Seigneur eût pris l'âme humaine, ment qu'une seule personne, mais qu'elles
disait Apollinaire, il n'aurait pu justifier les sont parfaitement distinctes, que le Sauveur,
hommes, car il aurait été sujet au péché et après être monté au ciel avec notre nature,
à l'erreur. nous a envoyé l'Esprit saint selon. la pro-
XV"- Le répond en montrant
saint patriarche messe qu'il avait faite. Cet Esprit est une lu-
les raisons pour lesquelles Jésus -Christ a mière inextinguible pour ceux qui s'appro-
voulu prendre l'âme humaine. L'homme chent de la foi, c'est le médecin des blessu-
tout entier, avec son corps et son âme, était res spirituelles, c'est le chef qui nous apprend
tombé : tout l'homme devait être réparé, et à lutter avantageusement avec le diable; c'est
devait prendre part à la rédemption ; l'âme lui qui attire nos yeux vers les richesses cé-
avait péché avant le corps. C'est donc ajuste lestes et nous fait supporter avec résignation
titre que Jésus-Christ, voulant relever notre les souffrances.
nature déchue, s'est revêtu de notre corps Célébrons celui qui nous a fait de si riches
[IV ET \o SIÈCLES.] APPENDICE SUR SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 359
2. Le traité contre ceux qui """
présents; celui qui s'est fait pauvre pour J pas Ire"^"''^
ne veulent r ceux qui
,

nous Louons le Père, qui a telle-


enricliir. accorder à la sainte Vierge le titre de Mère de ^% aècoJjêr
ment aimé le monde, qu'il lui a donné son Dieu, a paru en grec dans les Script. Veter. vie!gM|"uue
'"
Fils unique; louons-le au nom du Fils et dn Nova Collectio, tora. VIII, en weuf '"
pag. 108 à 131 ;

Saint-Esprit, au nom desquels nous avons reçu grec et en latin, dans


de Patrum
le tome II

le baptême louons le Fils, qui nous a retirés


; Nova Bibliotheca^ pag. 75 à 100, et dans le
des ténèbres pour nous donner la lumière. tome IX des œuvres de saint Cyrille, col. 123
Ne cherchons pas à sonder trop curieuse- à 292. Le cardinal Mai l'a trouvé dans un
ment la génération du Verbe; ne cherchons vieux manuscrit du Vatican, dans un autre
pas à mesurer celui qui est immense, et ne moins ancien du fonds Ottobonien, et enfin
passons pas les bornes que nos pères ont dans la collection Barberini. Saint Cyrille
posées; attendons le ciel où toute clarté nous avait déjà traité ce sujet plusieurs fois,quoi-
éclairera. Adam voulut être semblable à qu'en passant, dans sermon premier contre
le

Dieu; son orgueil lui en fit perdre la ressem- Nestorius, dans VEpltre dogmatique aux moi-
blance. nes d' n gypte ; W célèbre magnifiquement la
«xr. Vierge dans le discours qu'il prononça à
*p.
Croyons que de la vierge Marie est né
Jésus-Christ, Dieu et homme, et qu'ainsi Ephèse devant le concile, et l'appelle trois
Marie est appelée avec raison par les théolo- fois Mère de Dieu. Il en parle encore dans le

giens Mère de Dieu et Mère de l'homme. premier discours de Fide ad reginas. Dans le
Louons Dieu, qui nous a révélé le mystère de traité dont il est ici question, on reconnaît
l'Incarnation. Devenons les temples de Dieu le style et la doctrine de saint Cyrille
;

par la pureté de notre vie marchons à la ;


mais on sait d'une manière positive que ce
lumière de ses' splendeurs, en attendant la traité ou cette homélie lui appartient; car,
bienheureuse espérance et la venue glorieuse dans sa lettre aux moines, publiée par Mai *,
de Dieu, notre Sauveur, à qui même gloire Justinien l'attribue formellement au saint
et même puissance avec le Père et le Saint- docteur. Le pape saint Léon et saint Pierre
Esprit dans les siècles des siècles. Chrysologue semblent avoir emprunté le
commencement de ce traité, le premier dans
§ VII. TOME IX.
le sermon où il réfute Eutychès, et le se-
ruioeue Le tome IX renferme le Dialoque avec Nes- cond au commencement de son quarante-
tonus, le traite intitulé : (Jue la sainte Vierge quatrième sermon 2,
est Mère de Dieu, et les fragments dogmati- 3. Voici l'analyse de ce traité, où le saint Anawse de
^"^^
ques. patriarche prouve que la bienheureuse vierge "
1 . Le Dialogue avec IVestorius est attribué Marie est en effet, et doit être appelée en
nommément à saint Cyrille dans le manuscrit termes précis Mère de Dieu.
du Vatican qui le contient. Il n'y a rienaureste Le médecin nous apprend à prévenir le cap. i.

qui s'éloigne de la manière de parler de saint mal, le pilote cherche à éviter l'orage qu'il
Cyrille, comme on peut s'en convaincre d'a- prévoit. Dieu, pour éviter notre perte, nous
près ses Dialogues avec Hermias etNestorius. donne des avertissements il nous dit de nous;

C'est une très-belle réfutation de Nestorius. garder des faux prophètes et des héréti-
La bienheureuse vierge Marie peut être ap- ques.
pelée dans un sens Christipara, puisqu'elle Les hérésies n'ont pas manqué à l'E- „.

a enfanté le mais comme Nestorius


Christ ; glise l'une a affirmé que la substance du
:

avait inventé ce mot pour le mettre à la Verbe et celle du Père n'étaient pas sembla-
place de celui de Deipara ou Mère de Dieu, bles; une autre a méconnu la dignité de
c'est à bon droit que saiut Cyrille le repousse l'Esprit saint; une autre, qui s'est montrée
ici. Ce Dialogue se trouve dans Script. Veter. de nos jours, dit que le Verbe nç s'est pas
Nova Collectio, tome VIII, en grec, pag 132- fait homme, mais qu'il a habité dans un

133, et en grec et en latin dans le tome II de homme engendré de la femme, ce qui di-
Patrum Nova Bibliotheca, pag. 101 à 104. Il vise Jésus-Christ, qui est unique, en un Dieu
est reproduit dans le tome IX des œuvres de et en un homme ce qui est contraire à l'en-
;

saint Cyrille, col. 249 à 2oG. seignement des Apôtres et est une découverte

Script. Veter. Nova Collectio, loin. VII, pag. 299- * Vid. Mai, Prœf. dans le tom. I" des œuvres de
313. saiut Cyrille, col. 93.
360 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.

de Satan, car la sainte Ecriture nous apprend Dieu le Verbe est Dieu et qu'il est roi ;

que le Verbe s'est fait homme à la fin des il n'établit pas ici de distinction; il dit aussi
siècles, non pas qu'il se soit changé en la qu'il a reçu l'onction; il a reçu cette onction
nature humaine, mais parce qu'il se l'est as- parce qu'il a pris la forme de l'esclave.
Cap. vtii.
sociée, le Verbe étant immuable. Saint Paul, parlant de Jésus - Christ et
c.p. m. Les apôtres nous ont dit que Jésus- des Prophètes, met une grande distance en-
Ciirist était Dieu et homme tout ensemble ;
tre lui et eux; il appelle Jésus la splendeur

aussi saint Jean le Théologien dit-il Le :


du Père et la figure de sa substance; il n'en

Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous. dit jamais autant des Prophètes.

,v. La sainte Ecriture appelle Jésus du nom Jésus-Christ a reçu l'onction dont parlent
lés Psaumes et saint Paul, à cause de l'union
de Dieu; les souffrances ne peuvent se faire
sentir que dans le corps cependant, comme;
de sa divinité avec notre humanité.
ce corps est inséparablement uni à la divi- Ce n'est poiut un homme qui a pris
naissance en Marie, mais Verbe éternel
nité, saint Paul dit Si cognovissent, nunqmm
le
:

Dominum gloriœ crucifixissent Il a choisi le .


de Dieu, revêtu de notre nature humaine :

sein de Marie pour être le temple où il a re-


ceux qui affirment le contraire soutiennent
l'erreur des juifs, erreur qui est maudite de
posé, et par un privilège dont les saints n'ont
Dieu. La vengeance de Dieu tombera sur les
jamais joui, il lui a conservé sa virginité.
fauteurs du mensonge.
C'est donc à juste titre que Marie est appelée
Mère vierge, car celui Ces erreurs sont venues mettre le trou-
Mère de Dieu, et
n'était pas purement un ble dans le troupeau du Seigneur. Quel
qu'elle enfanta
profit ontprocuré les erreurs d'Arius, d'Eu-
homme.
nomius, de Paul de Samosat(^, d'ApolMnaire?
^-
D'après l'apôtre saint Jude, Jésus sauva
Ils ont eu une triste fin dans ce monde, et
son peuple de la terre d'Egypte, perdit ceux
seront privés en l'autre de l'héritage des en-
qui ne crurent pas, et réserva les anges infi-
fants de Dieu; ceux qui les suivent seront
dèles pour le jugement du grand jour, les
effacés du livre de vie, à moins qu'ils ne
tenant enchaînés dans les ténèbres éter-
un viennent à résipiscence le Seigneur leur
nelles. Si Marie eût enfanté en Jésus
:

comme hommes, Jésus eût-il adressera ce reproche Vous avez dévasté


homme les autres :

pu justifier l'assertion de saint Jude? pourrait-


mon pays, vous avez égorgé mon peuple,
on lui appliquer des miracles opérés long- vous n'aurez pas de part à mon éternité.
temps avant sa venue dans le monde? Pour nous, restons inviolablement attachés
v- Nous pouvons répéter à ceux qui sou- au Seigneur.
Mais disent ces hérétiques, saint Paul
tiennent de pareilles assertions la parole de
,

Tim. 11,1

Notre-Seigneur Vous êtes dans Vignoi^ance


:
dit : Homo Christus Jésus , Jésus - Christ
I

des saintes Ecritures, et vous ne connaissez pas


n'est donc qu'un homme Pour trouver
?

Nous croyons que Jé- une réponse à cette question, on n'a qu'à
la puissance de Dieu.
lire les paroles précédentes de cette épître,
sus a toujours été Dieu, que dans les temps il
où que saint Paul n'appelle pas
l'on voit
s'est fait homme, mais que sa divinité a été
Notre-Seigneur^ simplement homme, mais
conservée dans son immutabifité, qu'il fut le
dit aussi qu'il est Dieu, qu'il est médiateur
sauveur d'Israël sortant d'Egj^pte, qu'il a tou-
entre Dieu et les hommes, qu'il est le Verbe
jours été le Verbe du Père, sa lumière et sa
et qu'il a joui d'une puissance di- de Dieu fait homme, et que les deux na-
splendeur,
tures réunies ne font qu'un seul Dieu.
gne de la gloire de Dieu.
"" Hic Deus noster est, ne- Saint Paul ne se contente pas d'appeler cap.xi.
Jérémie ' dit :

Notre-Seigneur Dieu et homme, il l'appelle


que alius quisquam cum eo comparabitur . ipse
le Seigneur qui s'est offert de lui-même
omnem scient iœ semitam adinvenit, tradiditque
pour nous tous, pour notre rédemption. No-
eam Jacobo puero suo, et Israeli dilecto suo ;
tre culte, d'accord avec notre croyance, n'est
posthœc in terra visus est, et cum hominibus con-
versatus est. Le psaume xliv« dit encore Di- :
pas comme celui des hérétiques. L'ineffable
charité de notre Dieu l'a fait naître pour nous
lexisti justitiam, et odisti iniquitatem : propte-
rea unxit te Deus, Deus tuus oleo lœtitiœ prœ
d'une vierge mère; il est Dieu de sa nature
Le Psalmiste déclare que et Fils de Dieu, aussi on l'appelle homme et
consortibus tuis.
Dieu; il est le Christ sous ces deux noms. XIT.

II Cor.
1 Lisez Baruch.
Saint Paul appelle Notre-Seigneur Jésus-
[i\- ET v« SIÈCLES.] APPENDICE SUR SAINT CYRILLE D'ALEXA-NDRIE. 3GI

Christ le Seigneur et Dieu béni an-dessus de au milieu de vous un homme approuvé de Dieu.
tout : Exquibus secundum carnem Christus, qui Ici, cependant, l'Apôtre a voulu prouver que

est super omm'a Deus benedictus in sœcula.Amen. Notre-Seigneur était Dieu, car il ne veut pas
L'humanité dont il s'est revêtu pour nous, nous porter cà adorer une créature. Interrogé
n'a point amoindri sa dignité. par Jésus, n'a-t-il pas répondu : Vous êtes
Notre -Seigneur, disent nos adversaires; le Fils du Dieu vivant?
a confessé lui-même qu'il était homme : Saint Pierre disant à Jésus qu'il est le Mattb.xn.is.

Cw me quœritis occidere, hominem qui verita- de Dieu, n'entend point dire de lui que
Fils ^^f- "*•

tem vobis lociittis sum? Mais Jésus-Christ, comme les justes, il est fils de Dieu, mais il
avant ces paroles, avait dit aux Juifs- qui dit : C'est vous qui êtes le Fils de Dieu.
avaient les yeux fermés aux vérités de l'E- Sciât universa domus quod et
Israelis ,
AcI. V, 36

Cap. XXI.
criture et aux oracles des Prophètes, qu'il Dominum Christum Deus fecerit hune, quem
et

était Dieu et Fils de Dieu. Nos adversaires vox crucifixistis, Jesum. Ce Jésus, qui a été
tiennent la même conduite que les phari- crucifié par les Juifs, est le Seigneur de
siens qui clierchaient à surprendre Notre- toutes choses.
Seigneur dans ses paroles ; ils lisent la Dieu n'a pas créé un nouveau Seigneur;
sainte Ecriture plutôt par curiosité et pour seulement le Père adonné au Fils fait homme
trouver quelque raison de leurs assertions la domination sur toutes choses et la gloire
mensongères, que pour leur pj-opre édifica- de son Christ.
tion. Mais dans quel passage des saintes Let-
Notre-Seigneur se compare à son Père ;
tres, diront nos adversaires, la vierge Ma-
il dit qu'ils sont égaux; ce que le Père rie est-elle appelée Mère de Dieu? Qu'ils
fait,le Fils le fait aussi; le Père a remis écoutent l'ange parlant aux bergers Au- :
Luc. II, II

le jugement de toutes choses entre les jou7'd'hui, il vous est né un Sauveur, qui est
mains du Fils, pour que tous honorent le le Christ et le Seigneur; il ne dit pas qu'il

Fils comme ils honorent le Père mais nos ;


sera le Seigneur, mais qu'il l'est actuellement.
adversaires sont afïligés de surdité volon- Le signe auquel ils reconnaîtront le Fils de
taire ils détournent le sens des Ecritures
; Dieu, c'est qu'ils verront un enfant revêtu
pour tromper les esprits faibles. Les Juifs se de langes et couché dans une crèche. Cet
disent entre eux Jésus n'est-il pas le fils de
: enfant étant appelé par l'ange, le Christ, le
Joseph, ne connaissons-nous pas son père et Seigneur; celle qui l'a enfanté n'esl-elle pas la
sa mère qui habitent au milieu de nous? Jésus, Mère de Dieu? Elisabeth, inspirée par l'Es-
cependant, leur parle d'Abraham, qui n'a pu prit saint, dit à Marie : Vous êtes bienheureuse
désirer le voir que parce qu'il est Dieu. entre les femmes, et le fruit de vos entrailles est
Le crime qu'ont commis les Juifs en cruci- béni; et d'où me vient cette faveur, que la mère
fiantNotre-Seigneur n'est si grand que parce démon Seigneur me visite? Qui refusera d'ap-
que Jésus est Dieu; c'est pour cela que saint peler avec les Evangélistes, Mère de Dieu,
Paul en fait ressortir l'énormité; s'ils l'eus- celle qui a enfanté Jésus-Christ?
sent connu, jamais ils n'eussent crucifié le Que les hérétiques n'aillent pas nous Cp.
Roi de gloire. Cette mort était prédite par objecter les souffrances que Jésus a en-
Notre-Seigneur lui-même dans la parabole durées, sa résurrection opérée par le Sei-
du père de famille qui envoie son fils aux gneur. Car saint Paul, parlant de Notre-Sei-
vi.nerons qui le mettent à mort. gneur qui a été crucifié, dit : Ego enim ac- cor. 11,23.

Ce Jésus, revêtu de notre humanité, doit cepi a Domino, et vobis tradidi, quoniam Do-
juger les nations Tune sedebit in throno gloriœ
: minus Jésus, in qua nocte tradebatur, accepit
suœ, et congregabuntia^ coy^am ipso omnes génies. panem. Il appelle ici Seigneur celui qui a
Saint Paul reconnaît avoir reçu son apostolat, souÛert pour nous. Pour ce qui est de la ré-
non des hommes, mais de Jésus-Christ. Dieu surrection Jesum Dominum nostrum e morfuis
: Rom. iv, 23.

seul peut donner cette mission. suscitavit. N'appelle-t-il pas ici Seigneur, celui
Pour bien comprendre la sainte Ecri- qui est ressuscité ?

ture, il faut faire attention aux personnes Qu'on ne dise pas, pour amoindrir la Cap. xxv.
qui ont parlé, au lieu où elles se sont trou- valeur de ces noms de Seigneur et de
vées et aux raisons qu'elles avaient de par- Dieu donnés à Jésus-Christ, que nous aussi
ler. Jésus de Nazareth, dit saint Pierre, était sommes appelés des dieux. Quand le Psal-
362 HISTOIBE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
miste a dit : ]'ous êtes des dieux et les fils refuse à Marie le titre de Mère de Dieu, est
du Très-Haut, n'ajoute-t-il pas Et cepen- : encore de nos jours soutenue par les Chal-
dant vous mow^rez comme des hommes? Jésus déens, qu'on appelle vulgairement nesto-
n'est pas appelé Dieu simplement, mais Dieu riens. Ils récusent toutefois cette dénomina-
au-dessus de tout, et Dieu béni dans les siè- tion de nestoriens, car ils prétendent que
cles. Il est appelé Fils, mais le Fils unique Neslorius a emprunté aux Ghaldéens sa
de Dieu. doctrine. Voici pour quelles pauvres rai-
Galat. IV, 4. Saint Paul a donné un beau témoignage sons les nestoriens ne veulent pas reconnaî-
Cap. xxvj.
de la maternité divine de Marie Cum ve- :
tre que Marie est mère de Dieu 1» parce :

nerit plenitudo temporis, misit Deus filium suum qu'aJors on pourrait l'appeler mère de toute
factum ex muliere. Il n'y a ici aucune injure la sainte Trinité; 2» parce que Dieu serait
Hebr. xiii,8. au Verbe divin Jésus Christus heri et hodie,
: mort en Jésus-Christ. Ces erreurs
et ressuscité
idem et in sœcida; Jésus est impassible de sa et d'autressemblables ont été réfutées par
nature, intangible, incirconscrit, Léonce de Jérusalem, que nous avons édité
ixvii. gi Notre -Seigneur a été transporté en au tome IX des Anciens Ecrivains, Ephrem,
Egypte, lors de la persécution d'Hérode; patriarche d'Antioche, fait remarquer que

si plus tard, quand il entendit parler de la saint Léon l^^ souverain pontife, fut le pre-
mort de Jean-Baptiste, il se réfugia en Gali- mier qui donna à Marie, dans les épîtres
lée, ce ne fut pas par crainte mais parce , dogmatiques, le titre de Mère de Dieu.
que riienre de sa passion n'était pas venue. 4. Les fragments des ouvrages perdus se

11 devait auparavant établir sa doctrine, trouvent à la fin du neuvième volume, col.


xxviii. Dans tout ce qu'on trouve écrit sur l'en- 1421 et suiv. Le premier fragment grec la-
fance et le reste de la vie de Notre -Sei- tin est tiré de l'ouvrage intitulé de la Bêfail-
:

gneur, on voit quelques marques de sa divi- lanc3 de la Synagogue ou du changement du


nité. nom d'Abraham. Maï l'avait publié dans sa Pa-
Mattb.xxii, Quid vohis videtur de Christo? Cuju$nam filius trum Nova Bibliotheca, tom. IIÏ, pag. 284, d'a-
<2
Cap. x.xix. est? Respondentibus illis, Davidis, ait illis : Cur près un manuscrit de Florence. Gennade
€7^goDavid Spiritu instinctus vocat eum Domi- (chap. LVii), et d'autres après lui font mention
num. Notre-Seigneur n'invoque-t-il pas le té- des livres de saint Cyrille sur la Synagogue. On
moignage de David pour s'appeler Seigneur? peut remarquer que le saint docteur y dit que
comment pouvait-il descendre de David et le mystère de la Trinité était connu dans l'an-

s'asseoir sur le trône de son Père, si ce n'est tiquité plus explicitement que nous ne pen-

parce que sa divinité était revêtue de la na- sons. Voici ses paroles Après avoir expli-
:

ture humaine ? qué que dans Abram se trouvent les mots


que nos adversaires, bien
Plaise à Dieu père et très-haut, il ajoute « Puisque Dieu
:

qu'il soit peu tard reviennent à la


un , fit ce changement de nom du patriarche, on

saine doctrine. Pour nous, adhérons tou- voit avec évidence que depuis longtemps
jours fermement à la foi du Seigneur. Te- avait été consigné dans l'Ecriture et pré-
nons-nous en aux prédictions des prophètes, montré le dogme caché et tout-à-fait ineffa-
à la prédication des apôtres, à cette foi qui ble de la sainte Trinité '. »
donne la vie éternelle, h l'enseignement des o. Le deuxième fragment grec-latin est con-

Pères, notre vrai trésor, pour l'acquisition tre ceux qui nient qu'on doive offrir pour les

duquel nous pouvons tout vendre; si quel- morts. Il est tiré du livre d'Eustrate, prêtre
qu'un veut nous dépouiller de ce trésor, re- de Constantinople, contre ceux qui disent fjue les
gardons-le comme ennemi de Jésus-Christ âmes nont plus d'opération (operari) dès qu elles
et ennemi de notre salut, suivant ce que dit sont sorties du corps, et ne peuvent être soulagées
Galat. 1 , 8.
l'Apôtre : Licet nos vel angélus de cœlo vobis par les prières qu'on offre pour elles, ni par les
cvangelizet, prœter quam quod evangelizavimus autres bonnes œuvres ; c'est Léon Allatius qui
vobis, anathema sit. nous conservé dans son livre De utrius-
l'a

Scholie du cardinal Mai. — L'erreur qui que Ecclesiœ occidentalis et orientalis peiyetua

1 Quum igitur a Deo fada fuerii patriarchœ trans- ineffabile prorsus arcanumque dogma. Tom. IX,
nominatio, deprehenditur manifeste jamdiu scriptum col. 1423.

prœmonslratumque fuisse sanctœ quoque Trinitatis


,

[iv' ET V- SIÈCLE?.] APPENDICE SUR SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 363

indogmnte de Purgatorio consensione, p. 571. Léonce "^affirment aussi queThéodote d'An-


Romœ Î6.0O, in-8°. On voit dans ce fragment tioche avait écrit contre ces hérétique?. Mal-
que saint Cyrille y affirme la présence du gré tant d'écrits, cette hérésie subsiste en-
corps de Notre-Soigneur au saint sacrifice *, core dans la plus grande partie des Syriens,
que les âmes des défunts sont vivantes au- des Arméniens, des Ethiopiens et des Cop-
près de Dieu *, et qu'ainsi ce n'est pas un grande l'opiniâtreté fondée sur
tes, tant est

crime d'ofïrir pour elles les sacrifices ', que du préjugé "! On voit dans ces
l'antiquité
cette oblation leur est utile.Le saint Docteur fragments combien saint Cyrille avait en hor-
prouve par divers exemples tirés de l'Evan- reur le sentiment de Sévère le Monophysite,
gile, que la foi d'autrui peut servir au pro- qui prétendait pourtant s'appuyer sur lui,
chain, et qu'ainsi on peut offrir pour les dé- car il distingue parfaitement les deux natu-
funts le sacré et mystique sacrifice, par le res en Notre-Seigneur '^.

secours duquel nous obtenons miséricorde, Les fragments contre Diodore de Tarse
7.

par qui la force de la mort est tombée et par sont au nombre de dix. Le diacre Libérât
qui a lui en Jésus-Christ Notre-Seigneur l'es- nous apprend que saint Cyrille a écrit trois
pérance d'une vie qui ne cessera jamais *. Le livres contre Diodore et Théodore, comme au-
sage et très-bon Père, ajoute Eustrate, con- teurs du nestorianisme *^. Plusieurs frag-
tinue à démontrer longuement l'utilité des sa- ments de ces livres avaient été lus dans la
crifices, des prières, des dons pour les morts, cinquième session du cinquième concile gé-
par l'Ecriture, parla constitution, la coutume néral. Un passage est cité par Sévère d'.\n-
et le dogme légitime de l'Eglise catholique tioche, dans son ouvrage inédit intitulé Phi-
et apostolique ^. lalète.

6. Les fragments latins, col. 1427-1-438, 8. Les fragments tirés des livres contre
sont tirés du livre contre les Sinusiastes Théodore de Mopsueste et Diodore de Tarse sont
au nombre de quinze, du livre contre Dio- au nombre de vingt-sept. Les éditeurs de la
dore de Tarse, des livres contre Théodore de Patrologie greccjue ont pris les douze pre-
Mopsueste et Diodore de Tarse. Ils sont re- miers dans Mansi '*, et les autres dans le car-
produits d'après YApologie composée
par dinal Mai. On y voit que des trois livres
Jean de Césarée pour le concile de Ghalcé- contre Diodore de Tai^se et contre Théodore,
doine, et que Ton conserve en syriaque dans le premier seul était contre Diodore, et les
un manuscrit du Vatican. Le cardinal Mai deux autres contre Théodore. Le dix-sep-
les a donnés au tome III de Patrum Xova Bi- tième et le dix-huitième fragment sont tirés
bliotheca, pag. 445. Le livre de saint Cyrille de l'ouvrage inédit de Sévère d'Antioche, in-
dont il est question ici, était dirigé contre ceux titulé Philalète, contenu dans un manuscrit
qui prétendaient que les deux substances, la syriaque du Vatican. Le dix-neuvième et le
divine et l'humaine, étaient tellement unies, vingtième se trouvent dans V Apologie de Sé-
qu'après la réunion il n'y avait qu'une vère d'Antioche pour son ouvrage intitulé
substance. Il est cité sous ce titre par Philalhte, dans un manuscrit syriaque du Va-
Ephrem d'Antioche ^, et bien des fois dans tican. Un autre manuscrit syriaque où l'on
les opuscules grecs édités par Mai, dans le rencontre des passages tirés des Questions de
tom.VIIdes^cr?);^ Veter. Diodore de Tarse
''.
Sévère d'Antioche avec les hérétiques, a fourni
et Théodore de Mopsueste avaient aussi écrit le vingt-unième fragment. Le vingt-deuxième
contre les Sinusiastes, comme l'attestent Fa- est pris de l'Apologétique de Sévère contre
cundus 8 et Léonce ^ Le prêtre Anastase et Julien d'Halicarnasse, dans un manuscrit sy-

* Quid ergo absurdi fuerit, corpore Chrisium prœ- 9 Apud Canisium, Antiq. Lect., edit. nov., tom I,
sentem pro iis qui in fide obdovmierunt , supplica- pag. 591, et Spicileg. Rom., tom. X, pari, ii, pag.
tiones accipere? Ibid.^ col. 1423. 87-88.
* enim e terrenis corporibus extra factœ sunt
Licet 1* Spiciteg. Rom., ibid., pag. 134.
defunctorum animœ, nihilominus viventes adhuc re- " Mai, Patrum Nova Bibliotheca, tom. Il; Migne,
putantur apud Deum. Ibid. ibid., col. 1427.
' Ergo sacrificia
offerre pro aliis a Deonon rejicitur, !' Ipse (Christus) unus eH in unica adunatione,
in
quod absque crimine fieri pennittit. Ibid., col. 1426. qua sane grandi cum differentia distinguuntur duœ
» Ibid. — » Ibid. naturœ. Ibid., col. 1431.
* Apud Photium, Cod. 229, pag. 796. " In Rreviario, cap. X.
^ Pag. 10, 15, 27, 290, 293, 302. 1* Mansi, Collect. Concil., tom. IX, pag. 230.
* Lib. VIII, cap. iv.
364 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
ricique du Vatican. Les vingt-troisième, vingt- Cyrille y dit que le très^religieux évêque de
quatrième, vingt-cinquième, vingt-sixième, Mélitène, Acace, lui a écrit la conclusion de
vingt-septième sont tirés des livres de Sé- cette paix. Les Orientaux y confessent que la
vère contre Julien d'Halicarnasse, contenus sainte Vierge est mère de Dieu, et qu'il n'y
dans un manuscrit du Vatican. a qu'un Fils en Notre-Seigneur Jésus-Christ,
9. Le fragment grec-latin, col. 1431, com- une seule personne, et non deux.
pris sous le numéro 4, est contre les Pneuma- Dans la seconde lettre, saint Cyrille est
tomagues, ou ceux qui combattaient le Saint- d'avis que pour la paix des Eglises on traite
Esprit. l'a donné dans le tom. X de son
Mai avec douceur les hérétiques pénitents. Il dit
Spicileg. Roman., pag. 40, d'après le concile que l'empereur a envoyé des lettres pour
de Ryzance. Ephrem patriarche d'Antio-
,
pacifier les Eglises. Il s'agit ici de l'empe-'
che *, loue les Discours antirrhétiques de saint reur Théodose-le-Jeune. 11 transmet à Rufus
Cyrille. ses livres de l'Incarnation et contre les blas-

10. Les fragments divers grecs et latins, phèmes de Nestorius, en le priant de les lire,
compris sous le numéro 3, sont au nombre de les corriger, s'il en est besoin, et de les
de trois. Le premier rapporte, d'après saint communiquer aux frères. Les livres qu'il lui
Cyrille, le sentiment de Jules, évêque de envoie sont ceux-ci un sur la Genèse, De
:

Rome, sur l'Incarnation; le deuxième con- l'Adoration en esprit et en vérité, les deux li-

tient, d'après le même Père, le sentiment de vres contre Théodore et les capitules contre
saint Ambroise sur la différence des deux André -, un livre de l'Incarnation et contre les
natures en Jésus -Christ. Le troisième est blasphèmes de Nestorius.
pris du livre des Sentences. Ce livre, conte- 2. La lettre à Maxime, diacre d'Anlioche, .
Lettre

nant des témoignages et des autorités ex- est la cinquante-huitième de la nouvelle édi-
traits des ouvrages de saint Cyrille et peut- tion, col. 321 et 322. Elle traite, comme celle
être d'autres auteurs, est cité par Anastase qui était déjà publiée, du retour de Maxime
du Vatican, pag. 36. Ces trois fragments et de ses adhérents à la communion de Jean
sont reproduits d'après le cardinal Mai, d'Anlioche, leur patriarche. Maxime avait
Patrum Nova Bibliotheca, tom. II, pag. 487. écrit à saint Cyrille par le moine Paul, et lui
envoyé le prêtre Présentinus. Le
§ VIII. — TOME X.
avait aussi
saint veut que Tévêque Jean, très-circons-
Le dixième volume des œuvres de saint pect, use de beaucoup de prudence pour ga-
Cyrillecomprend, parmi les lettres, celles gner les contumaces.
qui ne se trouvaient point dans l'édition 3. La lettre à Amphiloque, évêque de Side, Lettre i

d'Aubert et dont il est question dans l'article est la quatre-vmgt-deuxieme, col. 37o-3/6.
de UomGeillier, et de plus quatre nouvelles Saint Cyrille y parle des hérétiques messa-
lettres,quelques homélies, des fragments de liens, et veut qu'on agisse à leur égard avec
discours, et enfin la Liturgie de saint Cyrille. modération et prudence. Ces hérétiques,
1. Les lettres sont celles-ci deuxàRnfus, : nommés aussi euchites, prétendaient qu'on
Quatre let-
tres nouvelle- évêque de Thessalonique; une à Amphilo- devait toujours prier et négliger tout le reste.
ment éditées.
que, évêque de Side en Pampliilie, et une à Raronius, à l'an 427, num. 23, parle, d'après
Maxime, prêtre d'Anlioche. Elles ont paru Photius, d'un canon porté par un concile, in-
d'abord en grec dausles5cv7)j^.Te^, tom. VIII, connu de l'Eghse d'Orient, par lequel on dé-
pag. 138-141, et ensuite en grec et en latin fend de ne plus recevoir dans l'Eglise les mes-
dans le tome II Patrum Nova Bibliotheca, sahens, quoiqu'ils montrent les apparences
pag. 103-108, d'où elles ont passé dans le de pénitence. Cette lettre, conclut le car-
la

tome X des œuvres de saint Cyrille. Les deux dinal Maï^


a donc été écrite avant l'an 427,
premières sont quarante-deuxième et la
la temps où vivait encore saint Cyrille, qui n'est
Deuj lettres
2:21 et suiv. La pre-
quarante-troisième, col. mort qu'en 440. Le même savant* fait obser-
à Kurus.
mière a pour but d'assurer Rufus ([ue la ver combien cette lettre est digne d'atten-

paix avec les Orientaux est conclue; saint tion, à cause de la prudence et de la modé-

» Apud Phot., Cod. 229, col. 793. Voyez le Trésor, Orientaux, confer. Anaslasii presbyteri Ecclogas,
tom. VIII, pag. 339, et le commentaire sur saint Luc, éditées par Mai, Script. Veter., tom. VII, pag. 8.

chap. XI, 20. » Nota 4, col. 375. — * Ibid., nota 4.

2 Cet André avait lui-même écrit les Capitules des


,

,ye ET ye SIECLES. APPENDICE SUR SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE. 365

lation qu'elle conseille. Saint Cyrille, pour crimes aûïeux auxquels se livraient les eu-
recevoir les messaliens, se contente de faire nuques.
dire à ceux qui reviennent Je dis ana- : <( Le fragment grec-la lin, tiré de la première
thème à l'hérésie des messaliens ou des eu- homélie qui a pour sujet que le Christ ne doit
chites. J'écris ceci, sachant bien qu'en ces pas être appelé homme porte-Dieu, mais Dieu
choses la prudence est excellente; car la ri- homme, a
fait été publié dans le tom. III de
gueur {summum Jus) trouble souvent même Patrum Nova Bibliotheca, pag. 287 et suiv.
ceux qui paraissent les plus sages. » On le trouve dans le tom. X des œuvres de
Nous ne devons pas oublier de mentionner saint Cyrille, col. 1109 et suiv., imprimé d'a-
un très-court fragment publié par Mai '. Il près un manuscrit de Nicétas, appartenant à
est tiré de la lettre à Xiste, évêque de Rome, la bibliothèque de Florence.
et forme la lettre cinquante-troisième dans la Les fragments extraits de l'allocution
nouvelle édition, col. 285 et suiv. adressée aux Alexandrins sur la Foi, se trou-
4. Les discours nouveaux sont trois petits vent aux col. 1111 et suiv. Le cardinal Maï
discours sut' la Translation des reliques des avait publié les plus étendus dans le tom. VII
saints martyrs Cyr et Jean. Ils ont paru d'a- des Script. Veter., pag. 7 et 8, d'après le prê-
bord eu dans le Spicileg. Rom., tom. IV,
gi'ec tre Anastase et dans un autre, d'après
,

pag. 248-252; en latin, ibid., pag. 263-206, Léonce, ibid., pag. 132, et deux autres dans
et grec et latin, dans le tom. Il Patrum ?sova lesScript. TWer., tom. VllI, part. 2, pag. 148.
Bibliotheca, pag. 472. C'est saint Sophrone qui Un fragment d'une homélie aux Alexan-
nous a conservé ces petits discours dans drins sur l'Incarnation, a été publiée par le
l'Histoire des saints Cyr et Jean -, éditée par cardinal Mai, au tome III de Patrum Nova
le cardinal Mai, Spicileg. Roman., tom. IV. Bibliotheca, pag. 289, d'après un manuscrit
Le premier discours fut prononcé le 18 des du Vatican qui contient la Panoplie d'Eu-
calendes d'août, chez les moines de ïa- thyrae de Zigaba. Il est reproduit dans la
benne qui sont à Canope, appelée Ptuitence; Patrologie, col. 1115, 1116. Ces divers frag-
le deuxième, la veille des calendes d'août. ments sont suivis d'un extrait du discours
Saint Cyrille parle dans ce dernier de la pas- sur la Mort des trois enfants et du sage Daniel
sion honorable de ces martyrs et de la dépo- grec-latin, col. 1117 et suiv. Le cardinal Ma'i
sition de leurs saintes reliques; il le pro- les avait publiés, tom. de Nova Patrum
II
nonça dans l'église des Saints-Apôtres. Le Bibliotheca, pag. 497-498. 11 croit que ce dis-
troisième discours fut prononcé dans les ca- cours est de Cyrille II, archevêque d'Alexan-
lendes d'août, en l'église des Evangélistes, drie, qui vivait au xi« siècle. Les choses
où saint Cyrille plaça dans un monument les qu'on y raconte, et le titre de minimus episco-
reliques des saints Cyr et Jean, à deux milles porum que se donnaient les archevêques
de la partie orientale de Canope, près de d'Alexandrie au moyen âge, et qu'on re-
Ménuthin. Le nom d'Abuchir rappelle encore trouve ici, ne permettent pas de l'attribuer
la désignation d'Abba-Cyri, donnée à saint à saint Cyrille-le-G)'and, quoique les manus-
Cyr. La traduction latine de ces discours est crits grecs et coptes l'affirment ^.

d'Anastase le Bibliothécaire. On peut com- 6. Voilà les ouvrages et les fragments nou- Jncement
de ces ouvra-
parer ces discours avec les trois que nous li- veaux contenus dans l'édition récente des œu- ges noaveaui.
sons sur les Miracles de saint Etienne, dans vres de saint Cyrille. Nous y avons vu un grand
le tome V des œuvres de saint Augustin, nombre de témoignages nouveaux pour la foi
serm. 320, 321 , 322. catholique. On voit le saint archevêque, pour
5. A la suite se trouve
le fragment d'un ainsi dire, à chaque page, enseignant et dé-
autre discours contre Eunuques, col. 1105
les fendant la divinité du Verbe et toute la di-
et suiv. Le cardinal Mai l'a donné en grec et vine économie de son inetiable incarnation,
en latin dans le tom. II Patrum Nova Biblio- ainsi que la distinction des deux natures et
theca, pag. 494-497, d'après la Chronique de des deux opérations dans le Christ. Il pro-
Georges le Moine, manuscrite au Vatican. fesse en outre plusieurs dogmes de la théo-
Dani» ce discours, saint Cyrille dépeint les logie chrétienne, tels que l'institution du sa-

* Patrum Nova Bibliotheca., tom. \l, pag. 487, ex * Voyez le tom. III de D. Ceillier, pag. 61.
Leonlio cod. Vaticano, pag. 132. 3 Vid. Monitum, col. 11 J 5, et not. 2, col. 1117.
36G HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
crement de pénitence, la présence réelle, le prétations les plus belles et les plus neuves;
saint sacrifice, le dogme de la transsubstan- il accumule et répand, pour ainsi dire, à
tiation, le secours et la nécessité de la grâce pleines mains, des avertissements moraux
divine, la résurrection de la chair, limmor- sur la fuite des voluptés, l'aumône, l'oubli
talité de l'âme et l'éternité des peines. Il ré- des injures, l'amour fraternel, la vie apos-
fute les gentils, les juifs, les macédoniens, tolique, la force d'esprit qu'il faut montrer
les eutycbiens et les pliantasiastes, les mar- contre les hérétiques pour garder la foi or-
cionites et les manichéens, enfin toutes les thodoxe, l'amour de la prière, l'efficacité du
iiérésies, qu'il appelle les portes de l'enfer. jeune, les pieux délassements de l'esprit, la
Mais ceux qu'il combat principalement, ce haine du siècle, le mépris des richesses, et
sont les ariens et les nestoriens; ceux-là, des biens à venir.
l'attente
comme évêque de la ville qui donna le jour Homme vraiment admirable, et que nous
à Arius; ceux-ci, comme étant une peste qui voyons dans ses écrits professer les idées les
se répandait alors de tous côtés, et qu'il con- plus justes sur Pierre, le maître, le chef et le
tribua beaucoup à étouÛ'er. Il explique avec fondement des catholiques sur cette terre,
une éloquence admirable les paraboles évan- et sur son successeur Céleslin, dont il tint la
géliques, l'oraison dominicale, les discours place au concile d'Ephèse, à propos duquel
du Sauveur, les trésors de la bonté divine ; il il proféra ces paroles remarquables dans son

célèbre la virginité perpétuelle de Marie et homélie su?' la Vierge, Mère de Dieu : « Or,
sa maternité divine; il entremêle et rattache qu'ilen soit ainsi, nous en avons un témoin
de la manière la plus heureuse le Nouveau digne de foi, à savoir le très -saint archevê-
Testament à l'Ancien, l'Evangile avec Moïse que du monde entier, Céleslin, le père et le
et les Prophètes, Paul avec le Psalmiste; il patriarche la grande Rome '. » Nous
de
introduit dans la discussion avec une espèce avons emprunté ce résumé à M. Bonnetty,
de spontanéité et de force imprévue d'esprit, dans la table raisonnée des ouvrages de
et comme avec une autorité divine les inter- Maï.l

CHAPITRE XXI.

Nestorius, archevêque de Constantinople.

[En l'an 439.]

de qui nous avons beaucoup


1. Nestorius, médiocre des belles-lettres. Il avait de la fa-
Naissance
de Nestorius; parlé, était de Germauicie 2, ville delà Syrie cilité à parler sur-le-champ, la voix belle et
son éduca-
tioD. euphratésienne; et c'est par erreur que quel- forte ^. Il passa quelque temps dans le mo-
ques-uns le font naître à Antioche ^, appa- nastère d'Euprépius, à deux stades d'Antio-
remment parce qu'il y demeura longtemps. che ". On l'en tira pour le faire diacre, puis
Il parait que son extraction était fort médio- prêtre de cette Eglise. Les talentsqu'on remar-
cre, puisqu'on lit qu'il avait été élevé de la quait en lui pour la parole, lui firent confier
bassesse aux dignités les plus éminentes *. le soin d'instruire le peuple ^. Sa vie était

Il quitta de bonne heure sa patrie; et après d'ailleurs fort exemplaire, et la pureté de ses
avoir parcouru divers pays ^, il fixa sa de- mœurs lui attirait l'estimede beaucoup
meure à Antioche, où il acquit une science de personnes. Il était modeste dans ses ha-

« Tom. X de la nouvelle édition, col. 1338. * Gennad., de Script. Ecoles., cap. un. ^
'
« Socral., lib. VU, cap. il, ix et x. Socrat., lib. VII, cap. xxxn; Evagr. lib. I, cap.
B Cassian., de Incam., lib. VI, cap. ni, v et vi. vu.
* Cyrill., homil. 4 de Divers., tom. V, pag. 357. 8 Cassian., de Incam., lib. VI, cap. vi et xi; So-
ti
Theodoret., lib. IV, Hœret. Fahul., cap. xu. crat., lib. VII, cap. XXIX Theodor., ubi supra.
;
,

[iv^ ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XXI. — NESTORIUS DE CONSTANTIXOPLE. 367

bits cl daus tout son maintien, éviliint avec foi. Mais les plus sages ne laissèrent pas de
soin les lieux de troubles et d'assemblées. remarquer " qu'il y avait de l'indiscrétion

Sa sobriété paraissait à la pâleur de son vi- dans sou zèle contre les hérétiques, et qu'il
sage; on le trouvait chez lui presque tou- était trop violent. Dès le premier sermon,
jours appliqué à la lecture. Il arriva un jour on aperçut en lui cette présomption et cet
que Théodore de Mopsueste 'avança, en prê- esprit de vanité qu'il ne quitta presque ja-
chant à Antioche une proposition peu , mais car, s'adressant à l'empereur en pré-
:

exacte Nestorius fut le premier à la désap-


: sence de tout le peuple *^, il lui dit « Faites, :

prouver et à témoigner son zèle pour la grand prince, que la foi orthodoxe règne
doctrine orthodoxe. Par ce moyen, il acquit seule dans toute la terre, et moi, je vous fe-
une réputation qui le lit envier à l'Eglise rai régner avec Dieu dans le ciel aidez-moi :

d'Antioche -. Des auteurs du temps ^ pré- à exterminer les hérétiques, et j'extermine-


tendent néanmoins qu'il se faisait plus admi- rai les Perses avec vous. » Il y eut toutefois
rer, qu'il ne se rendait utile, et que toute la quelques personnes du peuple à qui ces pa-
vertu extérieure qui paraissait en lui, n'était roles plurent extrêmement.
qu'une vaine apparence pour s'acquérir l'es- 3. Cinq jours après son ordination, il en-
Sa conduite
prit des hommes; que ses discours n'avaient treprit de faire abattre l'église où les ariens pendant 6oa
épiscopat.
rien de naturel ni de touchant; qu'il s'appli- s'assemblaient en secret. De désespoir ils y
quait plus àtlatter les oreilles de ses auditeurs mirent eux-mêmes le feu, qui, s'étant com-
et àgagner leur estime, qu'à les conduire dans muniqué aux maisons voisines, les réduisit
la voie du salut; qu'enflé de son éloquence, en cendres. Cet embrasement fit donner à
il ne s'était pas mis en peine de lire les in- Nestorius le nom d'incendiaire, non-seule-
terprètes de l'Ecriture *, ni d'étudier avec ment par les hérétiques, mais aussi par les
soin la doctrine des anciens Pères; qu"étant catholiques. On attribue à ses sollicitations
tout ensemble vain, violent, peu judicieux et que Théodose publia le 30 mai de la
la loi
plein de feu ^, il se portait avec ardeur à même année 428, par laquelle il fut défendu
tout ce qu'il entreprenait; enfin, qu'il avait aux hérétiques d'ordonner aucun clerc sous
plus d'attache à l'or et à l'argent qu'aux vé- peine d'une amende de dix livres d'or, ni
rités de l'Ecriture ^. d'empêcher qui que ce fût d'embrasser la foi
2. Sisinnius, évêque de Constantinople orthodoxe '3. Cette loi renouvelait aussi tou-
étant mort, le peuple de cette ville lui donna tes les anciennes lois faites contre les héré-
pour successeur Nestorius, espérant qu'étant tiques particulièrement contre les mani-
,

tiré de la même Eglise que saint Chrysos- chéens, qui étaient regardés comme les plus
lôme ", c'est-à-dire d'Antioche, il retrouve- détestables de tous. Il persécuta vivement
rait eu l'un ce qu'il avait perdu par la mort les quartodécimaas '^, c'est-à-dire ceux qui
de l'autre. Son ordination se fit le 1" ou le faisaient toujours la pâque le 14 de la lune
10 avril de l'an 428 ^, trois mois après la comme les Juifs. Les maux qu'il leur fît souf-
mort de Sisinnius, arrivée le 24 décembre de frir occasionnèrent, ce semble, les séditions
l'année précédente. Les évèques qui se trou- qui s'élevèrent du côté de Milet et de Sardes,
vèrent à son sacre, en donnèrent avis au dans lesquelles plusieurs personnes furent
pape saint Célestin ^, à saint Cyrille, et appa- tuées '^. Cette conduite le rendit odieux,
remment aux autres évèques des grands siè- étant plus du devoir d'un évêque de soulFrir
ges, à qui ils rendaient un témoignage avan- la violence, que de la faire *6. X son exem-
tageux à Nestorius. Il donna en ell'et dès le ple, Antoine, évêque de Germe dans l'Hel-
commencement de sonépiscopat, des preuves Icspont, l'un des suû'ragants de Nestorius,
de son zèle, soit pour instruire son peuple ^^, fitsoutfrir de cruelles persécutions aux ma-
soit pour combattre les ennemis de la vraie cédoniens, sous prétexte qu'il se conformait

« Tom. m
ConciL, pag. 392. 9 Tom. III ConciL, pag. 333, 1038.
* Vincent. Lirin., cap. xvi. '0 Vincent. Lirin., cap. xvi, et tom. Ill ConciL,
* Idem, ibid. Theodoret., ibid.
; pag. 1078.
* Socrat., lib. VU, cap. xxxii. '» Socrat., lib. VII, cap. xxix.
5 Idem, cap. xxix, tom. lll ConciL, pag. 103;. '- Idem, ibid.
6 Cyrill., liomil. 4 de Divers., tom. V, pa^'. 337, '3 Cod. Theod., tom. VI, pag. 189.
' Cassiau., lib. de Incarnat., cap. xxx, pag. 1C03. '• Socrat., lib. VII, cap. xxix
* Libérât., cap. iv. '5 Idem, ibid.. cap. xxxi. le —
id-m, ibid
368 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
en cela aux intentions et aux ordres de son évêques de sa faction. Célestius s'en plaignit
patriarche. Mais ces hérétiques, las des mau- à Nestorius, qui, sur la fin de l'année 430,
vais traitements d'Antoine, le firent assassi- lui écrivit pour l'en consoler. Il lui donnait

ner ^ Nestorius en prit occasion de les per- dans cette lettre '"le salut, avec la qualité de
sécuter encore avec plus de violence il ob- ; frère et de très-religieux prêtre, ne rougis-
tint de l'empereur qu'ils seraient dépouillés sant pas de comparer les justes peines que
de leurs églises, tant de celles qu'ils avaient l'on faisait soulMr à cet impie, aux soutlran-
à Constantinople qu'à Cyzique et en divers ces de saint Jean-Baptiste, de saint Pierre et
lieux de l'Hellespont. de saint Paul; de dire qu'il soutenait la vé-
Il favorise 4. Il au Contraire, trop d'égard pour
cut, rité, et de lui demander le secours de ses
pélagiens.
les pélagiens, dont on prétend qu'il suivait prières. Il porta même Célestius à se rendre
la doctrine, du moins en ce qui regarde les dénonciateur contre le prêtre Philippe qui,
forces dn libre arbitre - car^ pour le péché : ayant été cité, comparut pour se défendre ".
originel, il l'admetlait ^, reconnaissant que Mais Célestius, destitué de preuves, aima
les peines que soutirent les hommes et les mieux se tenir caché, que de se présenter
femmes dans les misères de cette vie, sont devant l'assemblée que Nestorius s'était hâté
un eflet de la sentence que Dieu prononça de convoquer pour le jugement de ce prê-
contre Adam et Eve à la suite de leur péché *. tre.
Julien, banni d'Italie avec dix-sept évêques o. Nestorius ne l'avait fait accuser que Erreuni

de son parti, par un décret de l'empereur parce qu u était un de ceux qui 1 avaient re-
Honorius, vint à Constantinople avec quel- pris hautement de ses erreurs, et qui ne
ques-uns de ces évêques, vers l'an 429. Gé- voulaient plus avoir de communion avec lui.
lestius s'y trouva en même temps, et tous Ces erreurs consistaient à admettre en Jé-
ensemble, ils adressèrent leurs plaintes à sus-Christ '^ deux natures si peu unies,
Théodose et à Nestorius, sur les persécutions que Jésus-Christ n'était véritablement qu'un
injustes qu'on leur faisait souffrir pour la pur homme uni au Verbe, et rempli de la
défense de la foi de l'Eglise ^. Ils demandè- vertu divine beaucoup plus que tous les
rent un concile, où leur atlaire fût examinée saints : d'où que le Verbe s'était
il suivait
de nouveau. Nestorius, qui ne pouvait igno- uni à l'homme, mais ne s'était point fait
rer que leur demande avait déjà été rejetée homme, n'était point né de la Vierge, n'était
plusieurs fois, feignit d'ignorer même l'é- point mort, et que la Vierge n'était point mère
tat de la question ^ Il pape
écrivit au de Dieu, mais mère de l'homme, ou, comme
saint Célestin, comme pour recevoir de lui il l'appelait. Mère de Christ voulant que ce ,

quelque instruction sur ces personnes et sur mot Christ, marque non un homme Dieu, mais
ce qui avait fait le sujet de leur condamna- un homme uni à Dieu. Nestorius consentait
tion. Mais, sans attendre la réponse, il les re- toutefois, à cause de cette union, à ce qu'on
çut à la célébration des mystères et à la donnât à Jésus-Christ la qualité de Dieu, et
communion, leur faisant espérer qu'ils se- qu'on l'adorât; mais il voulait que ce fût en
raient bientôt rétablis Il en arriva tout au-
'^. un sens impropre, comme lorsque l'Ecriture
trement car un simple fidèle, nommé Ma-
:
appelle Moïse le Dieu de Pharaon, et à peu
rius Mercator, ayant fait connaître à l'empe- prés de la même manière que ce titre est
reur Théodose les erreurs de Célestius et quelquefois attribué aux saints. Il consentait
de Pelage ^ la manière dont ils avaient été
,
aussi quelquefois que l'on donnât à la sainte
condamnés par les évêques d'Afrique et par Vierge la qualité de Mère de Dieu '^^ qu'il
les papes Innocent et Zosime, et comment lui refusait ordinairement, pourvu que l'on

Julien et ses associés avaient été déposés et dit que c'était en un sens impropre, et seu-

bannis de l'Italie ^ ce prince fit chasser de


,
lement parce que Jésus- Christ était insépa-
Constantinople Célestius, Julien et les autres rablement le temple de Dieu. Pour résoudre

' Sûcrat., ibid., cap, iil.


9 Ibid., pag. 18. — »o Ibid., pag. 71.

« Fhot., Cod. 64, pag. 44, 45.


11 Append. Concil. Baluz., pag. 380.
3 Tûin. III Concil., pag. 361. — ^ Mercat., tom. I, 12 Tom. III Concil., pag. 1124, 1150, et in appeud.,

pag. 76, 77. —


5 Tom. III Concil., pag. 349, 351. pag. 377, et Cyrill., Epist. 38, pag. 136.
6 Ibid., pag. 361, 351, 349.
13 Tom. III Concil., pag. 351 Mercat., tom. II, pag.
;

">
Mercat., tom. I, pag. 73. 86 ; Lup., Epist, 3, pag. 16.
« Idem, ibid., pag. 5 et 26.
, ,

[IV ET V* SIÈCLES.] CH.\PITRE XXI. — NESTORIUS DE CONSTANTIXOPLE. 3G9

diverses objeclious qu'on lui faisait, il distin- leur protesta qu'il croyait que le Fils du Père
guait le Verbe du Fils de Dieu ', voulant éternel était né de la sainte Vierge mère de
bien que Jésus -Christ fût Fils de Dieu et Dieu, et les renvoya. La suite fit voir le peu
Emmanuel, mais non pas qu'il fût le Verbe. de sincérité de cet aveu.
Voyant ne pouvait établir cette doctrine
qu'il G. Saint Procle, quoique nommé à l'évé- Saint Pro-
cle les com-
qu'en ruinant celle qui était reçue commu- ché de Cyzique continuait à instruire le
, bat : a'.iutrc?
s'y opposent
nément dans l'Eglise, il ne la produisit d"a- peuple de Constantinople, parce que ceux aussi.

bord que sous des termes obscurs -, ambigus de Cyzique n'avaient pas voulu le recevoir.
et équivoques, tombant quelquefois en con- Nestorius l'ayant invité à prêcher en un jour
tradiction avec lui-même. Il avouait encore^ de fête de la sainte Vierge, dans la grande
que la doctrine qu'il voulait qu'on suivit, église de Constantinople, il en prit occasion
n'était point celle dont le peuple de Cons- d'établir la doctrine catholique sur l'incarna-
tantiuople avait été instruit jusqu'alors. Son tion, en présence même de Nestorius. Dès
hérésie éclata enfin, et commença à exciter l'entrée de son discours, il donna à la sainte
du trouble dans TEglise de Constantiuople Vierge de Mère de Dieu; puis il fit
le titre
par la manière insolente dont le prêtre Anas- voir qu'elle méritait ce titre et que son Fils ,

tase, qu'il avait amené d'Antioche, la débita *. était véritablement Dieu et homme sans au-
Préchant un jour dans l'église, il avança ces cune confusion des deux natures, et sans
paroles « Que personne n'appelle Marie,
: que Dieu ait soufiert aucun changement ni
Mère de Dieu : elle était une femme et il est , altération en se faisant homme ^. Il apporta
impossible que Dieu naisse d'une femme. » pour cause de l'incarnation, la condamna-
Le peuple de cette ville, accoutumé à adorer tion et la mort éternelle où tous les hommes
Jésus-Christ comme Dieu, ne put les écouter étaient tombés par la prévarication d'Adam
sans grand trouble. Un grand nombre de disant qu'aucim ne pouvant les en délivrer,
laïques et d'ecclésiastiques en témoignèrent puisqu'ils étaient tous coupables; qu'aucun
leur indignation, et accusèrent Anastase de ange ne le pouvant non plus, parce qu'ils
blasphème. Eusèbe de Dorylée fut celui qui n'auraient pu trouver de victime propre il ,

s'éleva le premier contre cette impiété ^. avait été nécessaire que Dieu même se livrât
L'émotion du peuple et du clergé ne lit point à la mort pour nous racheter. Mais ajouta-
changer de sentiment à Nestorius, et, dans t-il. Dieu demeurant seulement Dieu ne ,

plusieurs discours qu'il fit lui-même ensuite, pouvait mourir. Il fallait donc qu'il se fit
il soutint ce quAnastase avait avancé, et homme pour sauver les hommes, et qu'il de-
combattit toujours le terme de Mère de Dieu, vînt tout à la fois, et notre ^•ictime pour nous
y ajoutant encore de plus grands blasphè- racheter de la mort, et notre pontife pour
mes ^. Dans le discours qu'il prononça s'ofirir à son Père en notre faveur. » Il déclara

comme l'on croit, le jour de Xoël de l'an- encore que si on soutient que Jésus-Christ est
née 428, il dit qu'appeler la Vierge Mère un pur homme, on est juif; que si on ensei-
de Dieu, ce serait justifier la folie des païens, gne que le Christ et le Verbe divin sont deux,
".
qui donnaient des mères à leurs dieux ou mérite d'être séparé de Dieu, et on éta-
Ces excès ayant paru incroyables à l'abbé bht une quaternité au lieu de la Trinité que
Basile, à Thalasse, lecteur, et à plusieurs au- nous adorons. Le peuple applaudit à ce dis-
tres moines de Constantinople qui n'eu ,
cours '**
mais Nestorius en fut d'autant plus
;

avaient pas été témoins, ils vinrent lui de- choqué ", et prenant aussitôt la parole, car
mander à lui-même ce qui en était *. Il les c'était l'usage que quand un prêtre ou un
fit arrêter et mettre dans les prisons de l'é- autre évêque avait parlé dans l'église en
vêché, où ils furent traités avec autant de présence de l'évêque, il ajoutât aussi quel-
cruauté que d'ignominie. Cependant, après que instruction il s'eflbrça de montrer '-
,

plusieurs jours de mauvais traitements, il qu'on ne doit pas dire que Dieu et le Verbe

' Tom. III CoiiQiL, pag. 498; Mercat., tom. II, 6 Evagr., lib. II, cap. ii.
^
l'ag. 17. Mercat., tom. Il, pag. 4 et 5.
« Tom. m Concil., pag. 748, 749; Mercat., tom. H, 8 Tom. III Concil.. pag. 426, 427, 428.
pag. 129. — î Cyrill.,
Epist. 8, pag. 34. 9 Tom. m Concil., pag. 9 et seq.
* Socrat., lib. VU, cap. xxxu; Evagr., lib. I, cap. 10 .Mercat., tom. II, pag. 26 et 27.
Il et vu ; Libéral., cap. iv. n Niccphor., lib. XIV, cap. xxxii.
^ Theophil., in Chronic, pag. 76. " Mercat., ibid.
VlII. 24
370 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
soient nés de la Vierge, ni qu'il soit mort, qu'ils croyaient sur le mystère de l'Incarna-
mais seulement qu'il était uni h celui qui est tion, tout ce que l'Ecriture sainte, les apô-
né et qui est mort. 11 s'opposa aussi à ce que tres, lesmartyrs, les conciles et les saints

saint Procle avait dit, que Dieu s'était fait Pères nous en apprennent ils , lui représen-
notre pontife. Il y en eut beaucoup d'autres taient les violences que Nestorius exerçait
qui s'élevèrent contre cette nouvelle doctrine; continuellement contre les cathohques, ap-
et comme Nestorius disait un jour en pleine puyé, comme il le disait, de l'autorité de ce
cliaiie*, que le Verbe n'était pas né de Ma- prince. Ils priaient Théodose de remédier

rie,mais qu'il babitait et était uni insépara- aux maux de TEglise d'assembler à cet eûet
,

blement avec le fils de Marie, Eusèbe de un concile général, et, en attendant, d'obliger
Dorylée, qui n'était alors que laïque 2, l'in- Nestorius de renvoyer à Antioche les ecclé-
terrompit et dit à haute voix que le Verbe, siastiques qu'il en avait amenés ^, qui sui-
ué du Père avant tous les siècles, était né vaient tous ses dogmes ou ses façons de
une seconde fois de la Vierge selon la chair. parler. On afficha contre lui, en un lieu pu-
Son zèle fut loué du plus grand nombre des blic de Constantinople '*^, un placard où l'on

assistants, qui étaient les mieux instruits; montrait par ses propres paroles, qu'il pen-
mais Nestorius chargea d'injures. Quelque
le sait de même que Paul de Samosate sur le
opiniâtre qu'il parût dans son erreur, on mystère de l'Incarnation. Ce placard finissait
avait toujours eu l'espérance à Conslantino- par un anathème contre ceux qui distin-
ple qu'il pourrait y renoncer ^; mais elle guaient le Fils de Dieu et le fils de la Vierge.
cessa lorsqu'en sa présence Dorothée de Outre l'hérésie, on blâmait encore dans Nes-
Marcianople, qui avait épousé tous ses senti- torius *• son faste son orgueil et la hauteur
,

ments, dit devant le peuple assemblé dans avec laquelle il traitait tout le monde. Ses
l'église Si quelqu'un dit que Marie est
"^
: (( homélies ayant été portées en Egypte y
,
,

mère de Dieu, qu'il soit anathème. » A cette excitèrent un grand trouble parmi les soli-
parole tout le peuple jeta un cri, et s'enfuit taires '- ce qui engagea saint Cyrille à leur
:

de l'église. Mais Nestorius demeura dans le écrire pour en réfuter les erreurs '-. Cette
silence et admit Dorothée à sa communion : lettre otfensa Nestorius; et les remontrances

ce qui ne laissa aucun lieu de douter qu'il que lui adressa saint Cyrille pour l'enga-
n'eût prononcé cet anathème par ses ordres. ger à abandonner sa mauvaise doctrine '^,
Depuis ce temps-là, le peuple ne vint plus à ne firent que l'irriter. Nestorius le fit accu-
1eghse, beaucoup de sénateurs s'en absen- ser de divers crimes par des gens sans aveu,
tèrent, divers prêtres se séparèrent ouverte- dont il avait acheté les témoignages '^; mais
ment de la communion de leur évèque, et il cette accusation n'eut pas l'effet qu'il en
fut abandonné des plus saints abbés et de attendait. Elle n'empêcha pas que saint Cy-
leurs moines ^. Saint Dalmace surtout signala rille ne lui écrivît une seconde lettre où, en

son zèle en cette occasion ^. faisant un abrégé de la foi catholique, il con-


"
Nestorius
'^ Ncstorius, pour se venger de ses adver- jurait Nestorius d'y conformer ses sentiments

con'cTie''où"i! salrcs, assembla contre eux un concile, où et ses paroles mais elle fut inutile '^, et cet
:

nersesajTe"^! H déposa plusieurs ecclésiastiques, comme hérésiarque n'y répondit qu'avec beaucoup
'*'"' "
sectateurs des impiétés des manichéens ;
d'orgueil et d'aigreur.
en excommunia d'autres, et frappa d'une sem- 8. Espérant cependant d'engager l'Eglise

blable censure divers laïques. L'abbé Basile romaine à prendre sa défense, il prit occa-
Papo. Il
comme
(

et ses moines, maltraités les autres sion des pélagiens qui étaient à Constanti- condamné.

par Nestorius, s'en plaignirent à l'empereur nople, pour écrire au pape saint Célestin.
par une requête *, où, après avoir protesté Dans cette lettre qui contenait quantité d'ab-

» Mercat., lom. II, pag. 12, 13; Cyrill., lib. I contr. 9 Ibid., pag. 342.
Nestor., cap. v, tom. VI, pag. 20. 10 Tom. III ConciL, pag, 338, 339.
2 Cyrill., ibid., pag. 10, et Mercat., tom. II, p. 16. >i Tlieophan., iu Chrono^r., pag. 76, tom. III Conc,
•' Cyrill.. Epis t. 9, pag. 37. pag. 430.
* Idem., ibid., et Episi. G, pag. 30. »s Cyrill., Epist. 9, pag. 38.
5 Tom. III ConciL, pag. 427, 369, 422. 13 Idem, Epist. 1, pag. 3.
8 Mercat., tom. II pr., pag. 38. !=>
Idem, Epist. 2 et 9, pag. 21, 37.
"
Tom. III ConciL, pag. 327, 350, 388, 372. ^' Tom. III ConciL, pag. 1054.
8 Ibid., pag. 426, 427, 430, 4^. !•> Tom. III ConciL, pag. 343, et Libérât., cap. iv.
[iVe ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XXI. — NESÏORIUS DE CONSTAXTINOPLE. 371

surdités ', il faisait un crime à ses adversai- lait que se servir du terme de Mère de Dieu,

res de n'avoir pas d'horreur de donner à la il le dirait tant que l'on voudrait mais en ;

sainte Vierge le titre de Mère de Dieu et, :


même temps il tâcha de rendre ce terme
pour les rendre plus odieux, il ajoutait qu'ils odieux, en faisant entendre qu'il favorisait
s'éloignaient en cela de la doctrine des Pères les ariens, les eunomiens et les apoUinaristes.

de Mcée, qui s'étaient contentés de dire que Ce qu'il dit sur cette matière ayant paru em-
notre Seigneur Jésus-Christ s'est incarné du barrassé, on le pria de s'expliquer, ce qu'il
fit le lendemain dimanche, en disant à haute
Saint-Esprit et de la Vierge Marie. Antiochus,
qui fut porteur de cette lettre, se chargea aussi voix que la sainte Vierge était Mère de Dieu
de rendre au Pape les homélies de Xestorius, et Mère de l'homme ". A quoi il ajouta, qu'elle

qui étaient en assez grand nombre -. C'était était mère de Dieu, parce que le temple de

en 430. Au commencement du mois d'août Dieu créé en elle avait été uni avec la divi-
de la même année, saint Célestin tint un nité. Ce n'était donner le titre de Mère de Dieu

concile à Rome où on lut et où l'on examina à la sainte Vierge que dans un sens impropre.
les écrits de Xestorius ^ Tous les évêques y Aussi Socrate remarque * que l'on n'eut pas
trouvèrent une doctrine nouvelle et contraire d'égard à Ephèse à une semblable déclara-
à celle que Rome, Alexaudiùe et toute TE- tion qu'y fit Xestorius. Il s'y rendit des pre-
glisecathohque enseignaient touchant Jésus- miers, n'en étant pas éloigné Acace de ^.

Christ notre Dieu et, en conséquence, ils


: Mélitine, son ami '**, mais zélé pour la vraie
prononcèrent contre Xestorius une sentence foi, fit tous ses efibrts pour le retirer de ses

de déposition, si, dans dix jours après qu'elle mauvais sentiments. Xestorius parut touché
lui aurait été signifiée, il ne rétractait ses de ses remontrances et on croit que ce fut,

erreurs. Saint Cyrille, commis par le Pape en cette occasion qu'il consentit à reconnaître
pour exécuter le jugement du Siège aposto- que la sainte Viei-ge est Mère de Dieu, de
lique, assembla un concile à Alexandrie, au même qu'elle est mère de l'homme ". Mais,
nom duquel il écrivit une lettre à Xestorius, quelques jours après, dans un entretien qu'il
pour de troisième et dernière moni-
servir eut avec le même Acace il s'efforça de lui ,

tion *. Mais, avant que la lettre de saint Cy- faire dire '- ou que le Fils unique de
,

rille lui eût été rendue, l'empereur Théodose Dieu ne s'était pas fait homme, ou que le
avait ordonné la convocation d'un concile Père et le Saint-Esprit s'étaient incarnés
général à Ephèse pour le 7 juin 431. aussi bien que le Fils. Un des évêques de son
9. Les députés du concile d'Alexandrie, parti avança que le ciime que les Juifs
arrivés à Constantinople , allèrent à l'église avaient commis n'était point contre Dieu,
cathédrale le 7 décembre de l'année précé- lûais contre un homme. Un autre dit que le
dente. Comme c'était un dimanche, ils y trou- Fils, qui avait souffert la mort, était autre
vèrent Xestorius avec ceux du clergé et du que Verbe de Dieu. Acace ne pouvant
le

peuple qui lui étaient demeurés attachés ^. souffrir ce blasphème, se retira. Dans une
Us lui présentèrent les lettres du Pape, de autre conférence où Théodote d'Ancyre sou-
saint CyriUe et du concile. Il les reçut, et dit tenait à Xestorius que c'est Dieu même qui
'3.
aux députés qu'il voulait, le lendemain, leur est né de la sainte Vierge selon la chair
parler en particulier. Ils revinrent, mais il «Je ne saurais, lui répliqua Xestorius '^, dire
ne voulut ni les voir, ni leur parler, ni faire qu'un enfant de deux ou trois mois soit
aucune réponse aux lettres qu'ils lui avaient Dieu. » Le jour pris pour la première séance,
apportées. Le samedi suivant, qui était le 13 qui était le 22 juin, le concile envoya prier
décembre, il fit un discours ^ où il accusa Xestorius d'y venir prendre place et de s'y
saint Cyrille, sans le nommer, de semer le justifier '^ Il répondit qu'il en délibérerait,
trouble et la division dans son Eglise ajou- , et qu'au cas qu'il jugeât que cela fût néces-
tant que si, pour être catholique et dissiper saire, il y viendrait. On le cita jusqu'à trois

les calomnies dont on le chargeait, il ne fal- fois par divers députés accompagnés d'un

' Tom. III Concil., p;ig. 378. 8 Socrat., lib. VII, cap. xxxiv.
* Ibid., pag. 331, 37(i, 462. 9 Idem, ibid. —
'" Tom. III Concil,, pag. 506.

•>
Ibid., pag. 379, 387,349, 364, 373, 377. »' Append. Concil. Baluz, pag. 707.
* Ibid., pag. 395. —
5 Tom. III Concil., pag 503. 14 Tom. III Concil., pag. 506. — >» Ibid., pag. 561.
6 Mercat., tom. Il, pag. 84 et seq. li Tom. III Concil., pag. 506, 572.
''
Idem, ibid., pag. 94. « Evagr., lib. I, cap. iv.
372 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
notaire : mais il refusa toujours de compa- à justifier par écrit les troubles qu'il avait
raître. Le concile voulut s'assurer de ses occasionnés dans l'Eglise, et à soutenir les
sentiments, fil lire sade réponse à la lettre blasphèmes qu'il avait avancés. Il y écrivit
saint Cyrille on obligea Tliéodote d'An-
'
;
un dialogue sur le sujet de son bannissement
cyre et Acace de raconter ce qu'ils avaient à Oasis, où il faisait, mais avec plus d'éten-
ouï dans les entretiens qu'ils avaient eus due, l'apologie de sa conduite et de sa doc-
avec lui on lut aussi divers extraits tirés de
; trine. Il était encore dans ce lieu en 439 '^ :

ses homélies et pour s'asurer en même


; mais les Nomades ayant rempli tout le pays
temps de la foi de l'Eglise sur l'incarnation, de feu et de carnage '^, et fait un grand nom-
on lut le symbole de Nicée -, la seconde lettre bre de prisonniers, Nestorius se trouva du
de saint Cyrille à Nestorius, et celle du con- nombre de ces derniers. Les Nomades lui
cile d'Alexandrie; on rapporta comment celles accordèrent la liberté avec quelques autres,
de saint Célestin et de saint Cyrille lui avaient mais en lui ordonnant de sortir au plus tôt
été signifiées ^ enfin on produisit un grand
;
du pays, parce que les Maziques étaient prés
nombre de passages des Pères grecs et la- d'y entrer. Nestorius vint donc dans la Thé-
tins ;
puis le concile rendit contre Nestorius baïde, et se retira à Pane. Mais, craignant
une sentence par laquelle il était privé de qu'on ne l'accusât d'être sorti de lui-même
l'honneur de l'épiscopat* et séparé de toute du lieu de son exil, il écrivit au gouvez-neur
l'assemblée des ministres de l'autel. Le peu- de la Thébaïde la manière dont la chose
ple d'Ephèse ayant appris que Nestorius était s'était passée, le conjurant d'en informer

déposé, jeta de grands cris de joie, remercia l'empereur, afin de recevoir de nouveaux
le concile, et loua Dieu d'avoir fait tomber ordres sur ce qui le regardait. Sa lettre fut
l'adversaire de la foi ^. mal reçue. Le gouverneur, mécontent, le fit
10. L'empereur Théodose ^, informé par conduire par des soldats en un lieu nommé
une relation infidèle du comte Candidien, de Eléphantine, à l'extrémité de la Thébaïde,
la manière dont Nestorius avait été déposé, sur les bords du Nil, à quarante lieues en-
désapprouva la conduite du concile. Mais ce viron de Thèbes. Nestorius avait déjà fait
prince ne fut pas longtemps dans l'erreur, et une bonne partie du chemin lorsque les sol-

ayant su par les lettres mêmes et par les dats qui le conduisaient, reçurent un nouvel
députés du concile, comment les choses s'y ordre du gouverneur, pour le ramener à
étaient passées ", il confirma la déposition Pane. Il y arriva à demi-mort, le corps brisé
de Nestorius. Les légats du Pape la signèrent des fatigues du voyage et d'une chute. On
aussi ^ Il n'y eut que Jean d'Antioche et les ne l'y laissa pas longtemps en repos, et il
Orientaux qui étaient venus avec lui, qui vint tout à coup ordre du gouverneur de le
refusèrent pendant quelque temps d'y sous- transférer en un autre lieu du territoire de
crire. L'empereur fit plus il ordonna à Nes- : Pane. Peu de temps après il fut exilé pour
torius de sortir d'Ephèse ^ et fit éhre un une quatrième fois. Alors il s'en plaignit au
autre évéque à Constantinople "'. Nestorius gouverneur d'une manière assez haute ses :

se retira dans un monastère où il avait été plaintes furent inutiles. Il mourut ayant le

élevé pendant sa jeunesse. Mais Jean, évéque corps tout pourri et la langue mangée de
de cette ville, voyant qu'il y répandait ses vers *".

erreurs", pria Théodose de le chasser de 11. L'empereur Théodose défendit de gar- g,^,
tout l'Orient. 11 fut donc relégué à Oasis '^, où der et de lire les écrits que Nestorius avait
l'on bannissait ordinairement les criminels. faits sur la religion; et afin que celte or-
C'était un lieu exposé aux courses des No- donnance fût observée encore plus exacte-
mades et des Magiques '3, du côté de Pane ment, il voulut que l'on en fit la recherche
dans la Thébaïde. Il s'occupa dans sou exil '^ pour les brûler publiquement. Cet édit se

' Tom. mConcil., pag. 491, 50G, 519. 1* Evagr., lib. I, cap vu, et Theopban., in Chrono-
« Ibid., pag. 459, 452, 40-2. graph., pag. 78.
» Ibid., pag. 507, 518. —
» Ibid., pag. 5G0, 564. 12 Socrat., lib. VII, cap. xxxiv.
5 Tom. III Concil., pag. 573. " Evagr., lib. I, cap. vu. — '* Idem, ibid.
6 Tom. III Concil., pag. 704, 705. 1» Socrat., lib. VII, cap. xxxiv et xlviu.
7 Ibid., pag. 753, 717. is Evagr., lib. I, cap. vn.
f Ibid., pag. C2G. —
» Ibid., pag. 731. — i» Il)id., ''
Theodor., Leclor., lib. II, pag. 5G5; Evagr., lib. I,

pag. 730. cap. vu; Tlieophau., iu C/ironoyrapU., pag. 79.


[iV ET V* SIKCLLS.] CHAPITRE XXI. — NESTORIUS DE CONSTANTINOPLE. 373

trouve parmi les actes du concile d'Ephcse '. les passages qu'on en lut à Ephèse. 11 fil

Nestorius avait composé une infinité de aussi quelques discours contre les Pélagiens ;

traités mais l'ordre de les


ou d'homélies ; nous avons encore '". Pour ce qui est de
les
brûler fut suivi avec tant de rigueur, qu'il ses lettres, il nous en reste trois au pape Cé-
n'en restait que très-peu du temps de Gen- deux à saint Cyrille '2, une à Céles-
lestin ",
nade *. Cet auteur témoigne que Nestorius tius une à l'empereur Théodose, sur le ju-
*3,

les avait composés pour la plupart, n'étant gement rendu h Ephèse **, et des fragments
encore que prêtre à Anliocbe, et qu'il y ré- des deux lettres qu'il écrivit au gouverneur
pandait déjà insensiblement, et souvent sous de la Thébaïde *^. On trouve quelque chose
prétexte de traiter quelque point de morale, de la lettre qu'il écrivit à Alexandre d'IIié-
le venin de la doctrine impie qu'il enseigna raple '^, l'un des plus forts et des plus obs-
depuis publiquement et à haute voix. Gcn- tinés de son parti. On fait aussi Nestorius
nade ajoute, que Nestoriu? étant devenu , auteur du symbole qui fut condamné par le
évéque de Constantinople et ennemi déclaré concile d'Ephèse '^, et que quelques-uns ont
de l'Eglise, composa un livre sur l'Incarna- attribué à Théodore de Mopsueste. Dans le
tion, où il détournait en un sens hérétique catalogue des livres Ebed-Jésu , on compte,
soixante-deux passages de l'Ecriture. Si c'est entre ceux de Nestorius, un ouvrage sous le
le même livre que saint Cyrille a réfuté ^, titre de Tragédie, un livre d'Héraclide, une
Nestorius y avait ramassé plusieurs de ses lettre à Cosme, une Liturgie assez longue,
homélies, disposées selon l'ordre des lettres un livre de lettres, un autre qui renfermait
do l'alphabet, ainsi que ce Père le remarque diverses explications de l'Ecriture et plusieurs
dans la préface de son premier livre contre sermons. Mais le livre intitulé Tragédie, n'est
Nestorius. Jean Mosch * parle de deux livres point de Nestorius. Ce fut le comte Irénée,
de Nestorius brûlés par Hésychius de Jéru-
, son ami intime, qui le composa. Il est divisé
salem. Il nous reste quelques-unes des ho- en plusieurs livres, d'où sont tirées presque
mélies de Nestorius, que le Père Garnier Et toutes les pièces dont est composé le recueil
rassemblées en un corps ^. 11 lui attribue ou synodique donné par le Père Lupus, et
aussi deux sermons, l'un sur la Résurrection ensuite par le Père Garnier et M. Baluze,
de Jésus-Christ, et l'autre sur l'Ascension, dans l'appendice des Conciles. Le but du
donnés par le Père Combefis ^ sous le nom comte Irénée est d'y justifier Nestorius et
de saint Athanase. C'est lui qui nous a donné ceux qui étaient demeurés attachés à son
l'homélie de Nestorius sur les Trois tentations parti jusqu'à la fin, entre autres Alexandre
de Jésus-Christ, que Savilius avait fait impri- d'Hiéraple, dont il parle toujours avec éloge.
mer dans les sermons douteux de Paint Cliry- Une partie de cet ouvrage est employée à
sostûme. Mais on ne doute plus qu'elle ne rapporter ce qui se passa à Alexandrie dans
soit de Nestorius, à qui elle est attribuée par la négociation de la paix qui fut conclue en
Marius Mercator, auteur contemporain ". Le 433. II ne fut écrit qu'après les troubles qui
Père Combefis l'avait donnée sous le nom s'élevèrent sur Théodore de Mopsueste en
d'Astère d'Amasée ^. Il y a des manuscrits 437 et 438. L'auteur était encore laïque lors-
qui l'attribuent à saint Ephrem. On cita dans qu'il le composa '^. Il avait été banni àPétra,
le concile d'Ephèse ^ plusieurs passages tirés à cause de son attachement pour Nestorius '^,
d'un livre de Nestorius rempli de blasphè- mais il obtint sans doute sa liberté et son
mes, et fait avant la tenue de ce concile. On rappel en rentrant dans la communion de
croit que les douze Anathématismes qu'il op- l'Eglise -'^, puisqu'il fut fait ensuite évêque de
posa à ceux de saint Cyrille, pouvaient faire Tyr, par Domnus, évêque d'Antioche.
partie de ce livre, qu'on ne connait que par 12. Nous avons en latin une Liturgie tra-

« Tom. m Concil., pag. 1209. " Tom. III Concil., pag. 349, 351, Pt Mercat.,
* Gennad., df. Script, eccles., cap. Lin. tom. II, pag. 180.— " Tom. III Concil., pag. 315, 321.
» CyrilL, toui. VII, pag. 3. " Mercat., tom. I, pag. 71.
* Mosch., in Prato spirit., cap. XLvt. >' Tom. III Concil., pag. 5C4.
5 Mercat., tom. II, pag. 5. »5 Evagr., lib. I, cap. vu.
* Tom. II Auduar. novi. ** Mercat., tom. II, pag. 325; tom. V Concil., pag.
''
Mercat., tom. I, pag. 85. 709. — " Tom. m Concil., pag. 689.
* Combcf., Biblioth. concion., ad Domin. I Qua- »s .\ppend. Concil., pag. 860.
drag. — 9 Tom. III Concil., pag. 519. 19 Tom. III Concil., pag. 1215.

Mercat., tom. •^ >o


'0 I^ pag. 76 et 9'i. Appeud. Concil., pag. 860.
374 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
duite du syriaque, sous le nom de Nestorius '. l'airde simplicité qu'elles ont partout, elles
Il est remarqué dans le titre qu'elle était en ne se ressentent en rien des erreurs de Nes-
usage cinq fois l'année, savoir : le jour de torius. Il est vrai néanmoins que la sainte
l'Epiphanie, la veille de saint Jean-liaptiste, Vierge n'y est point appelée Mère de Dieu;
la veillede la commémoration que l'on fai- mais cela ne doit point surprendre parce ,

sait le vendredi de la cinquième semaine qu'avant le concile d'Ephèse, on ne lui don-


d'après l'Epiphanie, des principaux docteurs nait pas ce titre dans les prières publiques,
grecs nesto^ens, savoir Diodore de Tarse,
: quoique la plupart des prêtres le lui donnas-
Théodore de Mopsueste c\ Nestorius. Cette sent dans leurs écrits. Si ces deux Liturgies
Liturgie est très-ancienne mais on n'a pas : avaient eu pour auteurs quelques nestoriens,
de preuves que Nestorius en soit auteur. Ce ils n'auraient pas manqué d'y faire entrer

qu'elle contient de plus remarquable, c'est des termes propres à marquer leur senti-
qu'il y est dit ^ que le pain et le vin sont ments, comme ils ont fait dans leurs autres
changés au corps et au sang de Jésus-Christ oftices ecclésiastiques, où ils appellent la
par l'opération du Saint-Esprit. Outre la Li- sainte Vierge, Mère de Christ et Temple de la
turgie qui porte le nom de Nestorius, les divinité. On ne peut pas dire la même chose

Orientaux nestoriens en ont deux autres : de celle qui porte le nom de Nestorius. Quoi-
l'une intitulée : des Saints Apôtres, c'est-à- que, pour le fond, ce soit la même qui était
dire, d'Adœus et de Maris, qu'ils appellent en usage dans TEglise de Constantinople, il
les Docteurs de l'Orient ; et l'autre sous le y a des endroits auxquels il n'est pas aisé de
nom de Théodore de Mopsueste ^, Celle de donner un sens catholique. Telle est l'oraison
Nestorius ne tient chez eux que le troisième qui suit immédiatement le Trisagion, où l'on
rang ce qui est une preuve qu'ils ne la
: réduit à une simple participation de dignité,
croient point de lui, ni même de ses premiers d'honneur et de puissance, l'union de la na-
disciples. Les deux autres paraissent plus ture humaine dans Jésus-Christ^ avec la na-
anciennes que l'établissement de l'hérésie ture divine.
nestorienne dans la Mésopotamie "*. Outre

CHAPITRE XXII.

Alexandre d'Hiéraple, Parthène, Jean de Germanicie, Maximien d'Ana-


zarbe, André de Samosate, Euthérius de Thyanes, Dorothée de Marcia-
nople, Himérius de Nicomédie, [Eusèbe d'Alexandrie], auteurs grecs du
v^ siècle.

Alexandre
Alexandre d'Hiéraple, l'un des plus obs-
1 . concile n'avait aucun égard à ses remon-
d'Hiéraple.
Son union
tinés partisans de Nestorius, vint au concile trances, il s'en plaignit, et s'unit à Jean ^ dans
avec Nesto-
rius Jean d'Ephèse de compagnie avec Jean d'An-
, toutes les procédures qui se firent dans la
d'Antioihe et
Acace de Bé- tioche. Mais celui-ci s'étant arrêté à quelque suite contre le concile même , en particulier
rée. Sa lettre
à Acace. distance de la ville Alexandre le prévint et
,
contre saint Cyrille et Memnon. 11 signa aussi
y arriva avec un autre évêque de même nom, que Nestorius envoya à l'empereur
la relation
vers le 20 juin de l'an 431. 11 s'intéressa beau- pour se plaindre du concile particulière- '',

coup à ce que l'on ne fit point l'ouverture du ment de ce qu'on n'avait pas attendu Jean
concile avant l'arrivée de Jean d'Antioche; d'Antioche. Sou union avec Jean le fît com-
il signa même un acte ^ par lequel plusieurs prendre dans la sentence que le concile pro-
évêques le demandaient mais voyant que le
: nonça contre cet évêque et ses complices, et

Renaud., tom. Liturg., pag. 626.


1 cante per operationem Spiritus Sancti. Renaud., tom. II

Et veniat, Domine, gratta Spirilus Sancti, hali-


* Liturg. Orient., pag. 633.
tetque et requiescat super oblationem hanc quam offe- ' Renaud., tom. II Liturg. Orient., pag. 566 et
rimus coram te, et sanctificet eam, et faciat panem seq. — '*
Ibid., pag. 628. — » Lupus, Epist. 1, pag. 26.
scilicet et calicem hune corpus et sanguinem Domini 6 Tom. III Concil., pag. 597 et 600.
nostri Jesu Christi, transmutante ea te et ea sanctifi- '
Ibid., pag. 598.
fn- ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XXII. — ALEXANDRE D'HIÉRAPLE, ETC. 375

il fut, comme les autres, retranché de la com- Ilfait, dans la même lettre, une déclaration

munion ecclésiastique *. Comme il honorait de leur foi, qui prise dans un sens naturel
,

singulièrement Acace de Bérée, il lui écrivit, des termes, renverse entièrement l'hérésie de
avec les autres évêques de son parti, et même Nestorius. « La vérité, dit Parthène, consiste
en particulier, pour lui apprendre la déposi- à confesser que Notre-Seigneur Jésus-Christ
tion de saint Cyrille-, et le reste de ce qu'ils est le Fils du Dieu vivant, qu'il est Dieu par-
avaient fait de concert avec Jean d'Anlioche. fait et homme. Nous attribuons les souffrances
Il envoya en même temps à Acace ^ un pas- à l'humanité de Jésus-Christ, et les miracles
sage d'Acace de Mélitine qui lui paraissait dire à la divinité, ne prêchant toutefcis qu'un seul
que la divinité a souffert, mais qui en eflet était Christ et un seul Seigneur, qui est descendu,
susceptible d'un sens tout contraire et catho- qui a souffert selon la chair, et qui viendra
lique. Neslorius avait dit ne pouvait que l'on dans la gloire du Père juger les vivants et les

soutenir, suivant les Ecritures, que Dieu fût né morts. »

et qu'il eût souffert la mort : et il accusait Dans une autre lettre qu'il écrivit à Alexan-
saint Cyrille d'avoir enseigné que la divinité dre Théodoret ^, il se plaignait de ce que
et à

est passible. Que fit Acace de Mélitine dans l'on prêchait hautement à Constantinople que
l'ouvrage qu'il composa contre Nestorius? 11 l'immortel est mort. Expression toutefois sus-
soutint que, suivant les Ecritures^, Dieu était ceptible d'un bon sens, et qui ne pouvait en
né et mort, selon la chair, et que cet héré- avoir un mauvais dans la bouche des catho-
siarque calomniait saint Cyrille en l'accusant liques de cette ville, qui s'appliquaient à com-
de soutenir que la divinité est capable de battre l'hérésie de Nestorius.
souffrir. Nous n'avons plus cet ouvrage d'A- 3. Les députés
^
des Orientaux étant venus .
Alexandre
oppose a U
s

cace de Mélitine, ni la lettre d'Acace de Bérée. d'Ancyre à Tarse ^, y tinrent un concile où ''i'',e.s'êsieu
''**•
Alexandre signa le premier le pouvoir absolu Alexandre d'Hiéraple se trouva. Il assista
que les Orientaux donnèrent aux huit dépu- aussi *o au concile que Jean tint à Antioche,
tés ^ qu'ils envoyèrent à l'ciupereur en suite et où on délibéra beaucoup sur les moyens

de la déposition de Nestorius. De retour de pacifier les troubles. Les propositions que


àHiéraple, i! reçut une lettre de Théodoret^ l'on y fit furent mises entre les mains du tri-
dans laquelle celui-ci marquait le peu de suc- bun Aristolaus, qui en agréa particulièrement
cès qu'ils avaient eu dans leurs audiences, et une, qui était en effet la plus recevable. C'é-
les mauvais traitements qu'on leur avait faits tait de se contenter *' du s\'mbole de Nicée,
lorsqu'ils revenaient du palais de Rufin, où eu rejetant tous les écrits qui avaient causé
était l'empereur. On leur jeta en effet quan- du trouble. Alexandre d'Hiéraple approuva
tité de pierres qui, dit-on, blessèrent griève- cette proposition, et on résolut de l'envoyer
ment plusieurs des députés envoyés par les seule à saint Cyrille, avec la lettre de saint
Orientaux. Athanase à Epictète. Néanmoins les Orien-
1
s» lettre à Alcxaudre, inquiet sur ce qui se passait
2. taux n'ayant rien voulu exécuter sans avoir
U de"°pa'r- à Coustautinople avait écrit à Parthène
, ,
auparavant consulté Acace de Bérée, tin-
'
'
prêtre et abbé en cette ville pour en savoir ,
rent chez lui '- une assemblée dont le ré- ,

des nouvelles. Parthène lui fit réponse ' que sultat fut qu'il écrirait de leur part à saint
ceux qui étaient attachés à Nestorius, à qui Cyrille pour l'engager à se contenter du sym-
il ne fait point de difficulté de donner la qua- bole de Nicée. Acace écrivit donc à saint Cy-
lité de martyr, avaient tpus les jours quelque rille, qui refusa d'accepter ce qu'on deman-
nouvelle tribulation à souffrir, mais que cela dait de lui, ne jugeant pas à propos de con-
ne les affaiblissait point dans la foi qu'ils damner ni de rétracter ce qu'il avait écrit
tenaient en Jésus-Christ, et qu'ils étaient dis- contre Nestorius. Mais, dans la lettre qu'il
posés de confesser lorsqu'il plairait à Dieu. écrivit '^ à Acace de Bérée, il donna une dé-

» Tom. III Concil., pag. 764. » Tom. III ConciL, pag. 723.
* Append. ConciL, pag. 714 et 763. « Ibid., pag. 732, 733.
pag. 763. '
3 Ibid., Append. Concil., pag. 853.
Mentitus est divinam Scripturam Nestoritis , tan-
* 8 Pag. 866. — 9 Ibid., pag. 840, 843, 874.
quam nativitatem mortemque non divinitatis , sed hu- »o Ibid., pag. 764. — " Ibid., pag. 786.
manitatis edoceat. Calomniatus est et sanctissimum 1- Ibid. et tom. III Concil., pag. 114.
episcopum Cyrillum, tanquam Deum passibilem di- "Tom. III Concil., pag. 1157, et append., pag. 771.
centem. Acac. Meiit., appeud. Concil. Baluz.,pag. 763.
.

376 HISTOffiE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


claratlon de sa foi, promit d'éclaircir ce qu'il natures, a Pourmoi*, lui répondit Alexandre,
y aurait d'obscur dans ses écrits, et s'engagea je n'ai point vu de lettre de Cyrille qui con-
d'accepter la paix, si l'on voulait condamner tînt cette doctrine; au contraire j'ai remar- ,

Nestorius. Acace de Bérée envoya la lettre de qué défend son impiété dans tous les
qu'il

saint Cyrille h Alexandre, qui s'en était re- écrits qu'il a composés pour la défense de ses
tourné à Hiéraple. Mais il la reçut très-mal anathématismes.i) Il dit donc à Théodoret que
et se raidit h ne point vouloir condamner siluiet Jean d' Antioche croyaient Cyrille or-
Nestorius qu'on ne lui eût démontré son hé- thodoxe, ils fissent ce qu'il leur plairait; qu'il
résie. Il prétendait au contraire que saint s'en lavait les mains et qu'il amait mieux ,

Cyrille étaitdans l'erreur d'Apollinaire, et être banni à Oasis ou dans le dernier des
protesta qu'il n'aurait aucune communion villages, que de communiquer avec un héré-
avec lui avant qu'il ne confessât les deux tique. Théodoret lui ^ répondit qu'il ne con-
natures. C'est ce que l'on voit dans la ré- naissait point le venin qu'on prétendait être
ponse * qu'il fit à Acace. Il y dit qu'il y avait caché dans la lettre de saint Cyrille et qu'il ,

déjà quarante ans qu'il pleurait ses péchés eût voulu pouvoir aller à Hiéraple l'apprendre
dans une vie pénitente mais qu'il avait aimé , d'Alexandre même. « Je dis cela, ajoutait-il,
la vraie foi dès le premier jour, et qu'il l'ai- non que je croie que cela suffise pour com-
merait jusqu'à la mort. Il envoya à André de muniquer avec Cyrille; il faut de plus qu'il
Samosate toutes les pièces qu'il avait reçues, fasse voir clairement la conformité de sa doc-
avec sa réponse à d'Acace en lui
la lettre , trine avec la foi de Nicée, et qu'il y souscrive
protestant - qu'il perdrait son évêché et qu'il de même que tous ceux dont nous recevons
se couperait la main droite plutôt que de re- la communion, n Cette lettre déplut ^ extrê-
connaître Cyrille pour catholique, tant qu'il mement à Alexandre, et accusa Théodoret
il

parlerait comme il faisait et qu'il ne confes- de trahir la foi. Malgré les eÛorts de Jean
serait pas clairement que Jésus-Christ est d'Antioche pour la paix, Alexandre ^ empê-
Dieu et homme ,
qu'il a soutïert selon l'hu- cha Hellade de Tarse d'y concourir. Cepen-
manité, par la vertu du
et qu'il est ressuscité dant, comme on faisait courir le bruit partout
Verbe de Dieu. Il marque en peu de mots, que saint Cyrille abandonnait ses anathéma-
dans sa lettre à André ce qui s'était passé , tismes, Alexandre dit à Hellade que si cela
dans le concile d' Antioche. André de Samosate était vrai, il rendre à saint
était prêt aussi à
entra dans les sentiments d'Alexandre sur la Cyrille et sa communion et toute sorte de res-
légèreté qu'il reprochait à Acace de Bérée, pects mais qu'il ne fallait pas s'en tenir à
;

ajoutant que la lettre qu'il avait écrite à saint ces bruits, et qu'il serait bon que deux ou
Cyrille lui faisait juger que Jean d' Antioche trois évêques de Cilicie allassent en Egypte
même cédait. Dans une ^ autre lettre d'A- s'informer de la vérité des choses qu'il ne
;

lexandre à André de Samosate, il dit qu'il suffisait pas que Cyrille confessât alors la vé-
faut distinguer la condescendance de l'im- rité qu'il fallait encore qu'il condamnât ce
;

piété, et que de communiquer avec des hé- qu'il avait écrit auparavant, de peur qu'il ne
rétiques ce n'est point du tout avoir la paix fît revivre ensuite ses mauvaises opinions, et

de Jésus-Christ. Il lui proteste avec serment ne les soutînt avec d'autant plus de liberté
que s'il ne peut s'unir dans les mystères avec qu'il n'aurait plus d'adversaires. Cependant
Cyrille, ce n'est nipar animosité, ni par es- la réunion de Jean d'Antioche avec saint
prit de contention, ni par haine, ni par ami- Cyrille ayant été faite, Alexandre, qui tenait
tié pour personne, mais qu'il n'a devant les toujours saint Cyrille pour hérétique, se sé-
yeux que Dieu et Jean. Entendait-il saint para même de la communion de Jean d'An-
Jean-Baptiste ou Jean d' Antioche? C'est ce tioche et de tous ceux qui embrassèrent la
que l'on ne sait pas. Il reçut, vers le même paix. Il se plaignit amèrement de la conduite
temps, une lettre de Théodoret, et une du de Jean à André de Samosate ", et l'assura
même Théodoret à André de Samosate, dans qu'il n'aurait pointde part avec ceux qui
laquelle il assurait que saint Cyrille anathé- avaient embrassé cette paix soit qu'on lui ,

raatisail ceux qui disaient que la divinité était proposât l'exil , la mort , le précipice , le feu
passible, ou qui admettaient la confusion des ou les bêtes. <( Dieu me donnera, dit-il, la force.

» Tom. III ConciL, pag. 762. — « Ibid., pag. 764. 6 Ibid., pag. 775. — "^
Pag. 771.
3 Ibid., pag. 768. — * Pag. 768. — 5 Pag. 769. 8 Pas. 799.
(iv« F.T v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XXIT. — ALEXANDRE D'ITTÉRAPLE, ETC. 377

de tout souffrir, plutôt que de communiquer cherché la brebis égarée : elle ne veut pas
avec eux.» être trouvée. Tenez-vous dans la suiteen re- .

Il écrivit aussi à Tliéodoret ' sur le même pos. Nous nous verrons les uns les autres
sujet, et lui dit : « Je ne consentirai point aux devant le tribunal redoutable. » R n'eut pas
propositions que Paul d'Emèse a faites et que plus d'égard pour le concile de Zeugma; car
l'Egyptien, c'est-à-dire Cj^rille, a reçues, n'ayant ^ pas assez de lumière pour voir la

quand on me condamnerait à mille morts, et vérité dans la lettre de saint Cyrille, il dé-
quand le monde entier y consentirait. » Il in- clara qu'il était prêt à entrer dans toutes les
siste surtout sur le nom de Mère de Dieu que condescendanceslégitimes, et non dans celles
saint Cyrille voulait qu'ondonnât à la sainte qui, sous prétexte de la paix, blessaient la
Vierge , ne consent à l'admettre
et dit qu'il religion ;
qu'il nV avait point d'autorité même
qu'en y ajoutant celui de Mère de Christ. impériale qui pût l'obliger à embrasser la
Alexandre n'avait pas encore vu les lettres communion de l'impie parce qu'il voulait ,

de Jean d'Anlioche et de saint Cyrille, lors- conserver sa conscience pure de tout mélange
qu'il se rencontra avec Tliéodoret en un lieu de l'hérésie, surtout en la célébration des
appelé Arbatimile. Mais il les reçut ^ depuis redoutables mystères et qu'au cas qu'on;

et trouva que la confession que Paul avait voulût l'y obliger, il était prêt cà souffrir
^
portée en Egypte n'exprimait que le terme plutôt dix mille morts. C'est la disposition
de Mhe de Dieu, et non celui de V Homme ou où il se glorifiait de persévérer dans la lettre
de Christ. Il en donna avis à Tliéodoret, lui qu'il écrivit, quelque temps après la tenue
déclarant qu'il ne trouvait pas cette seconde de ce concile, à Jean, évêque de Germanicie,
lettre de saint Cyrille plus orthodoxe que la qui lui avait écrit pour le porter à la paix.
première. A cela Théodoret ne répondit autre Nous n'avons plus sa lettre. Alexandre se
chose, sinon qu'il était fâché que Paul n'eût plaignit ^ même à Maximin d'Anazarbe, de ce
pas joint le terme de Mère de l'Homme à celui que Jean de Germanicie et André de Samo-
de Mère de Dieu. Mais il invita Alexandre à se sate s'étaient séparés des autres évoques de
trouver à Zeugma avec André de Samosate, leur province pour s'unir à la communion de
pour délibérer sur la conduite qu'il fallait saint Cyrille.
tenir dans cette occasion. Alexandre ^ lui 4. Maximin d'Anazarbe lui récrivit qu'il en iiapproora
de nouvean
répondit qu'il était inutile de s'assembler, que
était aussi afflisré
~^
surpris;
A
mais il l'assura '
'« condamna-
t'Oîi de saint
s'ils n'étaient point choqués de la conduite en même temps l
que
i
tous les autres étaient yr^m.^
lettres a
ses
Ar-
de Jean d'.\ntioche, qui avait trabi la foi unis avec lui contre la paix; que ceux de sa ^^^«^""^
S""»*

et condamné Nestorius, le connaissant pour province qui avaient quelque commerce dans
orthodoxe; que c'était la même chose de la Cappadoce et dans l'Arménie, souffraient
condamner une personne qu'on croit être beaucoup de persécutions, paixe qu'ayant
innocente et de communiquer avec ceux
, reçu une lettre de Firmus, évêque de Césa-
qui la condamnent que Cyrille au lieu
; , rée, il n'avait voulu ni la lire ni y répondre,
de rétracter ses erreui-s en prenait de plus
, ce qui avait, causé entre eux une guerre
dit-il,

eu plus la défense dans sa dernière lettre. Il irréconciliable. Vers le même temps, Maxi-
répondit * à André de Samosate, qui lui avait min d'Anazarbe ayant tenu un concile dans •"
écrit sur la même atiaire, qu'il était inutile sa ville épiscopale, confirma ce que les Orien-
qu'il lui en écrivit à l'avenir; qu'il ne quitte- taux avaient fait à Ephèse contre saint Cyrille,
raitson Eglise que par la violence séculière, et se sépara de la communion de ceux qui
pour ne paraître pas abandonner le troupeau l'avaient reçu dans la leur, jusqu'à ce qu'il
de Jésus-Christ. André et Théodoret se trou- eût signé de sa propre main la condamnation
vèrent au concile de Zeugma; ils y approu- de ses anatbématismes. Il envoya ce décret
vèrent ^ la lettre de saint Cyrille, se réunirent à Alexandre, et il parait, par ce qu'il eu dit
avec lui, et en écrivirent l'un et l'autre à alors dans ** une de ses lettres à Théodoret,
Alexandre. 11 répondit ^ à André « Je ne : que le concile d'Anazarbe, en disant ana-
communique plus avec vous ni avec Cyrille; thème à saint Cyrille, excommuniait aussi
vous avez fait ce qui est en vous. Vous avez tous ceux qui le regardaient comme évêque.

« Tom. m ConciL, pag. 800. —


2 Pag. 808. Pag. 810. — 8 Ibid. — 9 Pag. 872.
3 Pag. 806, 807. —
* Ibid., pag. 808. Pag. 814, 815. — » Ibid., pag. 866, 867.
s
Ibid., pag. 802, —
« Ibid., pag. 809.
,

378 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


C'est ce qu'il confirme dans la suite de cette étaient persuadés qu'ils étaient tous en droit
lettre,où ilditqu'Euslobien, Eroponiend'Eu- de s'adresser au pape pour se plaindre des
rèthe avec les autres évoques assemblés à A na- vexations de leurs supérieurs et dos désordres
zarbe anathématisèreut saint Cyrille eu pleine de l'Eglise. André de Samosate ^, qui voulait
église. Alexandre fît part du résultat de ce '
se réconcilier avec Rabbula évoque d'E- ,

concile à Helladius de Tarse en lui mar- , desse entreprit pour cet effet et pour quel-
,

quant qu'il était résolu de faire la même qu'autre raison un voyage dans la Mésopo-
chose dans celui qu'il allait assembler; il prie tamie. Il crut qu'il était de son devoir d'en

Helladius de vouloir s'y trouver pour en signer informer Alexandre d'Hiéraple, son métro-
les décrets. Dans le même temps, Mélèce de politain, et prit occasion de la lettre qu'il lui
Mopsueste, dans la seconde Cilicie, lui écri- écrivit sur ce sujet, pour l'exhorter à la paix.
vit pour le prier de venir visiter cette pro- La réponse que lui fît Alexandre fut que
'*^

vince. Il fut aussi consulté parles autres évo- ceux qui pensaient de Cyrille autrement que
ques de la même province, pour savoir s'ils lui, étaient maîtres de faire ce qu'il leur plai-

devaient écrire à Antiocbe. Alexandre ^ leur rait; que, le regardant comme hérétique, il
répondit qu'ilsne devaient ni éci'ire à Antiocbe ne voulait avoir aucune société avec ceux de
ni en recevoir des lettres. Mélèce de Mop- sa communion qu'au surplus, il ne quitterait
;

sueste, qu'ils avaient aussi consulté, leur ré- son Eglise que lorsqu'il y serait contraint par
pondit de la même manière, ajoutant qu'ils la violence, de peur d'être condamné par Jé-

ne devaient pas non plus envoyer d'eulogies sus-Christ comme un déserteur. André, fâché
è Antiocbe, c'est-à-dire les petits présents que de cette disposition, lui écrivit une seconde *'
l'on se faisait aux grandes fêtes. Les évêques lettre dans laquelle il l'exhortait à ne point

de la seconde Cilicie firent tout le contraire. abandonner son troupeau dans l'espérance ,

Alexandre les blâma ^ de leur inconstance, et que Dieu, pour qui il avait fait tant de bonnes
loua la fermeté de Mélèce. Dans la lettre qu'il œuvres, lui ouvrirait quelque voie pour réu-
écrivit pour cela à ce dernier, il lui parlait nir les membres de l'Eglise, et lui accorde-
des persécutions que Ton faisait souffrir à rait la grâce de l'unanimité et de la commu-

Acilinus, chassé depuis peu de son évêcbé nion avec tous les autres évêques. Cette lettre
de Barbalisse. Ce fut sans doute une grande ne fit aucun effet sur l'esprit d'Alexandre. Il
joie à Alexandre, lorsqu'il apprit qu'Euthé- pria '- André de se tenir en repos et de ne
rius de Tbyanes avait écrit au pape Sixte
'* plus se mêler de lui donner des avis. Il se
contre la paix faite entre saint Cyrille et Jean plaignit même à divers évêques du voyage
'"^

d' Antiocbe la lettre par laquelle on lui fai-


; d'André en Mésopotamie. André prit donc le
sait part de cette opposition lui était adres- parti d'écrire aux économes '* de l'Eglise
sée conjointement avec Théodoret. Eutbérius d'Hiéraple, pour leur déclarer qu'il voulait
y joignit ^ celle qu'il écrivait au pape, signée communique)' avec saint Cjanlle, avec Rab-
de lui et d'Helladius de Tharse, afin qu'ils bula et avec tous ceux qui faisaient profes-
l'examinassent et l'envoyassent à Rome. C'é- sion de la vraie foi dont il fait un abrégé
,

tait pour demander que l'on fit une enquête particulièrement en ce qui regarde le mys-
de tout ce qui s'était passé dans l'affaire de tère de l'Incarnation. Il ajoutait qu'il était
Nestorius et de saint Cyrille. Alexandre dé- fâché qu'Alexandre, leur évêque ne voulût ,

puta lui-même ^ au pape, pour se plaindre pas entrer dans cette union et sauver par là
en particulier de la réunion de Jean avec tant de personnes que leur dispute faisait
saint Cyrille. Mais toutes ces démarches ne périr.
pouvaient être d'aucun effet à Rome, où l'on 5. Théodoret, ne pouvant se refuser aux „
avait approuvé si solennellement' la doctrine empressements de quelques saints solitaires, ^'"^

de saint Cyrille les actes du concile d'Epbèse


, se réunit aussi avec Jean d'Antiocbe. Alexan- do\^t.«i

et la réconciliation de Jeand'Antioche. Elles dre à qui il en écrivit les raisons et les mo-
,

sont plus utiles ^ pour nous apprendre que, tifs, lui répondit « Je *^ suis affligé de l'em-
:

jusqu'aux extrémités de l'Orient, les évêques pressement des saints moines contre nous ;

1 Pag. 815, 816. — 2 Ibid., pag. SCS. 9 Ibid., pag. 808. — i» Ibid., pag. 808, 809.
3 Ibid., pag. 853. — * Pag. 816 cl 817. »' Ibid., pag. 809. — »2 Ibid. — '^ Ibid., pag. 810.
» Ibid. — « Ibid., pag. 821. — ^ Ibid., pag. 8-22. ^'
Ibid., pag. 819, 811. — i^ Ibid., 848, 849.
8 Fleury, lib. XX\ I Hist. ecclés., pag. 193.
,

[iv ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XXn. — ALEXANDRE D'HIÉRAPLE, ETC. 370

mais quand ils ressuscilcraient tout ce qu'il j'aime mieux souffrir ici l'exil, la mort et les

y a de morts depuis le commencement du railleriesdes hommes, que le supplice éternel.


monde, je les prie de se tenir en repos et de Ne vous étonnez pas si nous écrivons diffé-
prier pour nous. S'ils nous condamnent, que remment. Vous croyez Cyrille catholique, et
l)ieu leur pardonne. Ils ne sont pas de plus moi je le crois hérétique. Quand on chassait,
grande autorité que les apôtres ou les anges de notre temps, les bienheureux évoques Mé-
du ciel, que Jésus-Christ anatbémaiise parla lèce, Eusèbe, Barsès et les autres. Dieu pre-
bouche de saint Paul s'ils prêchent au-delà , nait soin de leurs Eglises et il ne leur en a ,

de son Evangile. Si vous les voyez, assurez- pas demandé compte. Faites ce que vous ju-
les que quand Jean d'Autioche me donnerait gerez utile à la vôtre. S'il plait à Dieu de m'en
tout le royaume des cieux, je ne communi- donner la force, je suis résolu de comparaître
querai pas avec lui jusqu'à ce que Ton ait devant les conciles, devant les gouverneurs
corrigé ce qui a causé le naufrage universel et devant les souverains, pour soutenir la foi
de la foi. Dieu soit loué : ils ont pour eux les qui est notre unique espérance, et souffrir
conciles, les sièges, les royaumes, les juges; après cela tout ce qu'il plaira à Dieu de per-
et nous avons Dieu et la pureté de sa foi. » mettre. ))

Il s'autorise dans ses sentiments, parce qu'on Il marque, à la fin de cette lettre, qu'il lui

lui avait appris que ceux qui faisaient Dieu envoie celle de l'abbé Parthène, qui avait écrit
passible, établissaient de plus en plus cette *ussi lui-même ^ à Théodoret. Théodoret ne
hérésie à Constantinople et la prêchaient ou- se rebuta point : dès qu'il eut fait sa paix, il

vertement à Anlioche. Il met de ce nombre lui écrivit ^ dans les termes les plus soumis
Antoine, évèque de Chalcide, et cite pour té- disant qu'il était résolu de se jeter à ses pieds
moinsMarana s, prêtre d'Hiéra pie, et plusieurs et d'embrasser ses genoux quand même il ,

autres qui l'avaient ouï prêcher pendant la eût dû prendre un bâton pour le chasser.
semaine sainte. Pour faire voir toutefois qu'il Alexandre lui répondit ^ a Je crois que vous
:

n'était point éloigné d'un accommodement, n'avez rien omis pour le salut de ma malheu-
il envoya à Théodoret trois projets de la '
reuse âme; vous avez même fait plus que le
manière dont on pouvait se réunir avec Jean bon Pasteur de l'Evangile, qui n'a cherché
d'Anfioche. L'un des trois portait que l'on qu'une fois la brebis égarée. Tenez-vous donc
pouvait recevoir la lettre synodique de saint en repos, et cessez, à l'avenir, de vous fati-
Procle si elle s'accordait avec la vraie foi,
, guer, et nous aussi. Je ne me mets pas en
sans contenir rien de mauvais, et si elle n'au- peine de ce que fontles Ciliciens et les Isaures;
torisait point ce qui s'était fait à Ephèse. 11 mais quand tous ceux qui sont morts depuis
envoya à Théodoret le commencement - de le commencement du monde ressusciteraient
cette lettre. Mais il réduisait à rien tous ces et nommeraient piété l'abomination d'Egypte,
projets, en déclarant qu'il ne voulait point je ne les croirais pas plus dignes de foi que
communiquer avec toute personne qui ne re- la science que Dieu m'a donnée. » Il cite
jetât pas la communion de saint Cyrille. Théo- plusieurs faits pour montrer qu'il y en avait
doret pria Alexandre, par une seconde ^ lettre, d'autres que lui qui avaient en horreur l'im-
de ne songer pas seulement à la foi, mais en- piété de Cyrille. Théodoret, ne voulant rien
core à la paix des Eglises, et de regarder négliger pour retirer ce vieillard, lui manda ^

moins son propre intérêt que celui des peu- la réunion de la Cilicie et de l'Isaurie avec
ples. « Balancez, lui disait-il dans une troi- Jean d'Anfioche. Alexandre lui répondit qu'il
sième * lettre, le gain et la perte, et choisis- ne prétendait '^ pas suivre un homme chan-
sez le moindre mal. » a II est inutile, lui ré- geant comme lui, elle conjura, par la sainte
pliqua ^ Alexandre, de répéter si souvent les Trinité, de lelaisser en repos. Il déclare qu'il
mômes choses relisez mes lettres sans m'im-
; n'a jamais cru Jean d'Anfioche hérétique,
portuner davantage. Vive Dieu! en comparant mais que, pour Cyrille il ne craint point de
,

les avantages, je préfère le désir de Dieu et l'appeler un impie. Tous les autres elibrts de
du royaume des cieux à l'honneur et à la Théodoret pour gagner Alexandre furent
gloire du siècle; et en compai-ant les pertes, inutiles. Il se fit " une loi de fuir la vue.

» Fleury, lib. XXVI Hist. ecclës., pag. 849, 830. 6 Ibid., pag. 866. — ^ Ibid ,
pag. 865. — 8 Ibid.
> Ibid. pag. 831. 9 Ibid., pag. 867., 867 10 Ibid., pag. 868.
» Ibid., pag. 849. — '-
Ibid.. pag. 852. — s Ibid. " Ibid., pag. 878.
,

380 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


l'entretien, et le souvenir même de tous ceux vu l'ouvrage d'André de Samosate, lui dit ana-
qui demandaient à lui parler sur cette affaire, thème^et à tous ceux qui le liraient. Comme
les regardant ' comme des gens qui étaient il avait compris dans cet atiathème Théodore
retournés de cœur en Egypte, et qui ne cher- de Mopsueste et ses écrits, plusieurs person-
chaient tous qu'à le tenter et à l'abattre. C'est nes d'Edesse ^, zélées pour Théodore et pour
ce qu'il dit ^ dans une lettre à Mélèce de Mop- le parti des Orientaux, consultèrent André

sueste. Il cessa ^ aussitôt tout commerce de de Samosate pour savoir si elles ne devaient
lettresavec ses plus intimes amis. point se séparer de la communion de Rab-
Il est chassé Jean d'Antioche, informé de son opiniâ-
G. bula, leur évêque. Elles l'accusèrent^ d'ensei-
et banni en
435. treté invincible, ne crut pas devoir empê- gner en Jésus-Christ qu'une na-
qu'il n'y a

cher l'exécution des ordres de l'empereur, ture, de chasser de l'Eglise ceux qui soute-
qui ordonnaient aux évoques de se réunir naient le contraire, et de jeter le trouble
avec Jean ou de sortir de leurs Eglises. Ale- dans toute la ville et dans les provinces voi-
xandre avait demandé ^ au général Denys sines. André écrivit "^ à Alexandre d'Hiéraple

que, quand on voudrait qu'il quittât la sienne, son métropolitain, pour savoir de lui ce qu'il
on lui fît la grâce de lui signifier en secret cet devait répondre en attendant qu'il pût as-
ordre, et qu'il partirait sans bruit. Tite, maître sembler des évêques pour décider cette
de la milice et vicaire de Nys, voyant qu'A- affaire. 11 lui marquait en même temps que

lexandre n'avait répondu ^ à ses exhortations son sentiment était que, puisque Rabbula se
qu'en protestant qu'il ne pouvait s'unir à Jean déclarait contre tous les Orientaux, ils de-

d'Antioche sans blesser la foi, envoya un vaient aussi s'élever tous contre lui, et que
ordre par écrit à Lybien, gouverneur de l'Eu- ceux d'Edesse auraient déjà dû le faire. Jean
phratésienne, pour l'obliger de sortir d'Hié- d'Antioche, à qui la chose fut portée, assem-
raple, s'il refusait de communiquer avec Jean bla quelques évêques, au nom *• desquels il

et de maintenir celui que les évoques auraient écrivit à ceux de l'Osroène, siiffragants d'E-

ordonné en sa place. Le peuple n'osa résister desse, que si ce qu'on leur avait dit de Rab-
aux ordres de l'empereur; mais, dans la dou- bula était vrai, ils devaient d'eux-mêmes
leur de la perte de son évêque, il ferma les s'être séparés de lui ; mais qu'au moins il

églises pour n3 s'occuper qu'à pleurer. Ale- fallait qu'ils le fissent alors jusqu'à ce qu'il
xandre fut relégué aux mines de Famothin eût appelé Rabbula et examiné sa cause.
en Egypte, et mourut dans son intlexibililé. André, ayant vu l'écrit que saint Cyrille avait
André 7. André de Samosate ne put assister au fait pour sa justification, en composa '^ ua
Samosate.
concile d'Ephèse parce qu'il était demeuré ^ second, mais moins modéré que le premier,
malade. Il avait été chargé quelque temps où il prétendait réfuter ce que saint Cyrille
auparavant, par Jean d'Antioche, de réfuter et Rabbula ^^ avaient écrit contre Théodoret.

les douze anathématismes de saint Cyrille, Nous ne l'avons plus. Il nous en reste un
et il le fît en effet, mais de manière qu'il fragment rapporté par Anastase '* Sinaïte, qui
paraît n'avoir pas entendu l'écrit qu'il avait y trouve tant d'aigreur qu'il en prend sujet
entrepris de combattre car il accorde sou- ;
de qualifier André un dragon cruel, qui vo-
vent ce que saint Cyrille enseigne et il le ,
missait le venin de l'hérésie de Nestorius.

condamne plusieurs fois sur de faux sens qu'il André citait dans cet écrit l'Apologie de saint
lui attribue. Il tâche aussi de trouver de la
Cyrille contre Théodoret, ses scholies et sou

contradiction entre les anathématismes de écrit à Hermias.Il fut du nombre '^ des évê-

ce Père, son épître aux solitaires, et sa dix- ques qui, en 432, se trouvèrent au concile
septième homélie sur la Pâque. Nous avons d'Antioche pour y délibérer sur les conditions
encore cet écrit avec les réponses de saint de la paix ayant enfin reconnu la catholi-
:

cité de saint Cyrille '^, il embrassa sa com-


Cyrille, parmi les écrits de ce Père et dans le
tome III des Conciles, ^ahhula d'Edesse, ayant munion. Il '^ se réconcilia aussi avec Rabbula,

u Ibid., pag. 749.


» Fleury, lib. XXVI Hist. ecclés., pag. 879.
2 Ibid. — 3 Ibid., pag. 871. — «^
Ibid., pag. 880. 12 Mercator, tom. Il, pag. 176.

5 Ibid., pag. 879.


'•5
Tbeodor., Lector., pag. 565.
6 Tom. V ConciL, pag. 506.
''•
Anastas,, iu Odeyo, cap. xxii, etMercat., tom. II,

^ Append. ConciL, pag. 6'.8, et Theodor., Lector., pag. 175, 176.


pag. 565.-8 ConciL, append., pag. 748. ^^ Append. ConciL, pag. 754, 758.
9 Ibid., pag. 749. —
»<> Ibid., pag. 748. 16 Ibid., pag. 810, 811. — " Ibid.
[IV' ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XXII. ALEXANDRE D'HIERAPLE, ETC. 381

dans la communion de saint


et' entra depuis devaient non-seulement continuer, comme
En 4M, fat appelé -au concile que
Procle. il ils avaient fait jusqu'alors, à dresser des em-
Domnus avait indiqué pour juger l'affaire bûches aux saints, mais encore à contrain-
d'Athanase, évéque de Perrha mais n'ayant :
dre par l'autorité du souverain dont ils étaient
pu y aller, il s'en excusa par une lettre. Il soutenus, les autres d'entrer dans leurs sen-
nous en reste plusieurs de lui, rapportées timents, et exiger d'eux une prompte sou-
dans le Synodique du Père Lupus ^. On ue mission à leurs ordres mettre en justice ;

sait point le temps de mort mais on


sa ;
ceux qui refuseraient de se soumettre, et les
trouve un Rufin évoque de Samosate, qui
,
fairepunir; noter lesuns d'infamie, chasser les
assista en cette qualité au concile de Chalcé- autres, former de fausses accusations contre
doine en 431 Théophane * dit qu'André fut
. ceux-ci, et priver ceux-là de leurs dignités
déposé en 449 par le faux concile d'Eplièse, et de leurs charges. Euthérius ajoute qu'il

avec tous les évéques du patriarchat d'An- veut bien ue point parler des liens, des pri-
tioche, ce qui est une fausseté visible d'ail- : sons, des infamies^ des peines pécuniaires et
leurs Rufin de Samosate assista même à ce ^ corporelles qu'ils feront souffrir à leurs ad-
faux concile. versaires il témoigne que ce qui lui parait
;

8. C'est encore du Synodique que sont ti- de plus déplorable dans cette tragédie, c'est
rées les lettres d'Euthérius de Thyanes et de que des évéques en étaient auteurs. «Quand
presque tous ceux qui ont eu part aux con- ils commencent, dit-il, la célébration des
testations entre Nestorius, Jean d'Antioche saintsmystères ou de parler au peuple pour
et saint Cyrille. Nous avons déjà parlé en son instruction, ils ont dans la bouche cette
plusieurs endroits de celles d'Euthérius. Il douce salutation Que la paix soit donnée à
:

reste à marquer le sujet de quelques discours tous :en effet, rien ne leur est si fort re-
et,

imprimés autrefois parmi les œuvres de saint commandé dans les saintes Ecritures, que la
Athanase, attribués par Photius ^ à Théodo- douceur. Pourquoi donc condamnent-ils sans
ret, et par Marins ' Mercator ta Eutlierius de connaissance de cause? Pourquoi rejettent-
Thyanes. Ce qui a engagé Photius à les ilsune doctrine qu'ils n'ont jamais convain-
croire de Théodoret, c'est qu'il avait en main cue de fausseté? Pourquoi donnent-ils le nom
un cahier divisé en trois parties, dont la pre- de force à leurs violences, et cachent-ils leur
mière et la dernière contenaient quelques cruauté sous le nom de zèle ? Pourquoi ap-
opuscules de Théodoret, et la seconde les pellent-ils sagesse ce qui n'est que tromperie
discours d'Euthérius sans nom d'auteur. Mais et une fausse politique? Quel est le poète tra-
dans un fait comme celui-là on ne doit point gique qui pourrait décrire toutes ces choses
hésiter de lui préférer le témoignage de Mer- d'un style assez lamentable? Les Lamentations
cator, qui écrivait du vivant d'Euthérius, et mêmes de Jérémie ne suffiraient pas pour dé-
qui était bien informé à cause de la part qu'il peindre l'assemblaue et le concours de tant
temps
avait eue à toutes les brouilleries de son de maux.» Mais, dans la crainte qu'on ne crût
et de son attachement aux erreurs et à la qu'il n'avait que des plaintes à former contre
personne de Nestorius. Ces discours sont au ses adversaires, il établit contre eux plu-
nombre de dix-huit, que l'on peut regarder sieurs propositions, dont la plupart font voir
plutôt comme un traité dogmatique distribué ou qu'il déguisait leurs sentiments, ou qu'il
en dix-huit chapitres, dont le premier sert ne les connaissait pas. Le premier- est qu'on
de préface. Il y dépeint à Eustathe d'une ma- ne doit pas juger de la force et de l'autorité
nière odieuse les persécutions dont il dit que d'une doctrine par le grand nombre de ceux
ceux de son parti étaient menacés. A l'en- qui l'approuvent. « Notre Seigneur Jésus-
tendre, les évèques attachés à saint Cyrille Christa, dit-il, choisi douze disciplespauvreset

' Append. Concil. pag. 811. * Theoph , in Chronic, pag. 87.


* Tom. IV Concil., pag. 739. » Tom. IV Concil. y pag. 263.
' Les épîtres d'André de Samosate sont reproduites 6 Phot., Cod. 46, pag. 32, 33.
dans le tome LXXXIV de la Patrologie 'jrecque, ^
Palefaclishnctenns Nestorii, Theodori ac Théo-
parmi les œuvres de Théodoret, col. 649, 638, 639, doreti blasphemiis, quod eadein fuerit Eutherii ac il'
669, 672, 691, 70't, 713, 716, 717, 719. Uue notice loruni itnpielas, approbemus ex sennoniOus quos cons'
sur André de Samosate se lit au tome LXXXV de la cripsit. Mercat., tom. fl, pag. 277.
Patrologie grecque; elle est tirée de VOriens Chris- 8 Ibid., pag. 690.
lianus, tom II, [lag. 933. {L'ccliteur.)
382 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ignorants pour convertir toute la terre. Il n'a esprit mais l'Ecriture qui nous en avertit,
:

pas voulu qu'ils suivissent un million dliom- nous apprend aussi qu'il yen a d'autres dont
mes, mais qu'un million d'hommes les sui- il faut chercher l'intelligence ; et comme il
y
vissent. La multitude qui approuve ce dont aurait de l'impiété à vouloir tout approfondir,
elle n'a point de preuves, peut bien donner c'est aussi une manque de piété de négliger
de la terreur, mais non pas persuader. iN'est- absolument la recherche des vérités divines.
il pas dit qu'il y en a beaucoup d'appelés et Il est du devoir d'un chacun de connaître ce

peu d'élus? Qui préférera le grand nombre au qu'il adore, selon qu'il est écrit : i\ous ado-
petit? Saint Etienne, Phinéès, Noé, Loth, rons ce que nous connaissons . Mais c'est le fait
avaient contre eux la multitude. Leur parti des insensés de demander combien, de
pas préférable au parti opposé? Je
n'était-il quelle manière, comment et où il faut ado-
respecte toutefois la multitude, ajoute-t-il : rer. Il fait envisager ceux qui détournent les
celle-là qui prouve ce qu'elle enseigne, et autres de l'étude de l'Ecriture sainte, sous
non pas celle qui ne veut point entrer en prétexte qu'on ne doit point en pénétrer les
discussion; celle qui corrige avec la douceur profondeurs, comme des personnes qui crai-
paternelle, et non celle qui combat avec ai- gnent qu'on n'y trouve de quoi les convain-
greur ; celle qui défend l'héritage de ses Pè- cre d'erreur. 11 répond à l'argument ^ que
res, et non pas celle qui aime les nouveau- ses adversaires tiraient de ses paroles : Le
tés. » Verbe a été fait chair, s'appliquant à montrer
Il dit que la multitude que lui opposaient qu'ils leur donnaient un sens contraire à ce-
ses adversaires était une troupe de gens cor- lui dit pas que le 'Verbe
de l'Ecriture, qui ne
rompus par les llatteries et par les présents, ait été changé en chair, mais seulement uni
sans science et sans lumière, faibles, timides, à la chair. Il combat, sans nommer saint Cy-
qui préféraient à une vie éternelle de bon- l'ille^, l'expression d'une nature en Jésus-

heur, des plaisirs d'un moment que le péché Christ, dont ce Père s'était servi, mais dans
procure en celle-ci. un sens bien dillerentde celui que lui donne
Sa seconde proposition est contre ceux qui Euthérius. Comme les catholiques distin-
soutenaient qu'il était inutile de chercher
'
guaient dans Jésus-Christ la forme de Dieu
dans l'Ecriture ce que l'on doit croire, soit et la forme d'esclave, Euthérius en prend
parce qu'il suffit à chacun de croire ce que sa occasion de montrer * contre eux que cette

foi lui enseigne; soit parce qu'en cherchant distinction introduit dans la nature divine
la vérité dans l'Ecriture, on se rend les cho- une quateruité, au lieu de la trinité. Il les ^
ses plus obscures et plus incertaines qu'au- accuse de ne mettre leur espérance que dans
paravant. Ce n'est pas ce que dit Jésus- l'homme. 11 leur reproche quelques-unes des
Christ, qui promet
connaissance de la vé-
la expressions dont ils s'étaient servis, entre
rité à ceux qui la chercheront. Si ou néglige autres celles-ci Dieu ^ a souffert d'une ma-
:

de la chercher dans l'Ecriture d'où l'ap- , nière impassible le Verbe a souffert dans la
:

"
prendra-t-on ? S'il est dangereux pour cette chair comme aussi d'enseigner que Dieu
;

vie d'ignorer les lois romaines, l'est-il moins a soufi'ert parce qu'il l'a voulu. Il soutient
pour l'autre de ne savoir pas les oracles de que non-seulement on ne trouve aucune ex-
notre Roi céleste ? L'Ecriture est la nourri- pression semblable dans les divines Ecritures,
ture de l'âme; on ne doit point faire mourir mais que les anciens Pères ne les ont point
de faim l'homme intérieur en le privant de employées, du moins dans le même sens. Il
la parole de Dieu. N'y a-t-il pas assez de gens leur prête d'avoir dit ^ que de même que les
qui portent des coups mortels à Tûme? Pour- anges mangèrent dans leur propre nature
quoi ne lui pas laisser la liberté de chercher les aliments qu'Abraham leur présenta, de
le remède à ses maux ? Il donne pour exem- même aussi la divinité, dans Jésus-Christ,
ple de l'assiduité qu'on doit avoir à lire l'E- avait bu et mangé sans l'humanité. Le reste
criture, l'eunuque de la reine de Candace, de ce traité ^ n'est pas mieux fondé et ne
qui n'en était pas même détourné par les roule que sur de fausses suppositions. Il est
fatigues convient qu'il y a dans
du voyage. Il écrit avec sens et avec netteté, mais il fait
l'Ecriture des choses qui surpassent notice voir partout qu'il n'était pas très éloigné des

' Mercat., tom. II, pag. 692. 8 Pag. 699. —


6 Pag. 701. — ' Pag. 703.
i Pag. 693. — » Pag. 696. — * Pag. 697. 8 Pag. 705, 707, 710, 712. — 9 Pag. 714.
[IV ET Y« SIÈCLES.] CHAPITRE XXÎI. — ALEXANDRE D'HIÉRAPLE, ETC. 383

sentiments de Nestorius, et surtout dans sa et par ce moyen il demeura paisible posses-


dernière proposition, où il combat ceux qui
' seur de sou évcché. Il s'était uni <à Ephèse
étaient la diti'érence des natures dans Jésus- avec Jean d'Antioche pour condamner le
Christ sa passion et son ascension
après concile, et avait été ensuite déposé par Ma-
dans le Euthérius fut un des quatre
ciel. ximien de Coaslantinople avec trois autres
mélropolitains déposés par Maximien de métropolitains. Mais une des conditions de
Constanlinople, en 432. 11 le fut une seconde la paix de la part des Orientaux fut qu'Hi-

fois pour son obstination à ne point vouloir mérius serait rétabli.


se réunir avec saint Cyrille et avec Jean [Il Ang. Mai a publié en grec et en latin,
.
Eosèbe
. . . d'Alexii.drie.
d'Antioche. Il en était si éloigné qu'il écrivit dans le tome IX du Spicileq. Rom., trois dis- ses écrits'.
^ . ,
Qoi il éUil.
une grande lettre à Alexandre d'Hiéraple cours d'Eusèbe d'Alexandrie. Il y en a un
et aux autres - qui n'avaient pas encore em- sur le Jeûne, un autre sur la Charité, et un
brassé la paix, pour les en détourner. Saint troisième sur l'Incarnation du Seigneur. Le
Cyrille et Jean d'Antioche y sont fort mal- même volume en renferme douze autres,
traités. Il y parle au contraire avec éloge de mais seulement en grec; savoir 1° exhorta- :

Diodore de Tarse. Il appelle la déposition tion pour rendre grâces à Dieu dans l'infir-
de Nestorius un fratricide, et la paix coaclue mité; elle est aussi sur Job; 2° Que celui qui a
entre saint Cyrille et Jean d'Antioche, une la grâce doit la communiquer à celui qui ne l'a

vraie guerre. 11 conjure ceux qui n'avaient pas : on y parle aussi des prêtres 3" des ;

pas encore embrassé cette paix, de renon- Morts imprévues ; 4° de la Néoménie, du Sabbat;
cer même à la communion de ceux qui s'é- Qu'il ne faut pas observer les voix des oiseaux ;
taient réunis, disant que, par cette réunion, 0" de la Commémoraison des saints; ce sermon
ils s'étaient souillés et rendus les ministres existe en latin dans le tome XXVlt de la Bi-
de l'impiété ^, en voulant paraître les défen- bliothèque des Pères de Lyon; l'éditeur donne
seurs de la foi. L'empereur le fit chasser de le texte grec dans le Spicilége ; 6» du Festin ;
Thyanes eu 435 et reléguer à Scylhople en
, 1° sur la Naissance du Seigneur; 8° sur le Bap-
Palestine, d'où ayant encore été chassé, il se tème du Seigneur ; 9" sur ces paroles : Etes^
retira à Tyr où il finit sa vie. vous celui qui venez, ou en attendons-nous un
ui^jg 9. Dorothée, évêque de Marcianople, mé- autre? 10» sur l'Avènement de Jean aux enfers
»opi«-
tropole de la seconde Mésie, fut aussi dé- et sur le le Traître Judas; 12°
diable; 11° sur
posé * de l'épiscopat pour n'avoir pas voulu sur le Diable Cinq autres sermons
et l'enfer.

entrer dans la communion de saint Cyrille, qui se trouvaient dans le manuscrit ont été
et banni ensuite à Césarée en Cappadoce. omis comme aj-ant été publiés ailleurs. Il y
On ne voit pas qu'il se soit jamais rétracté de en a un sur le Dimanche, publié en grec et
l'anathème qu'il avait dit en prêchant dans en latin dans la Bibliothèque des Pères de
l'Eglise de Constanlinople à tous ceux qui Galland, tom. VIII, pag. 252; un sur la Ré^
diraient que Marie est Mère de Dieu. Nous surrection du Seigneur ; \\ se trouve dans le
avons quatre ^ de ses lettres, l'une au peuple tome X de saint Chrysostôme, dans les écrits
de Constanlinople, l'autre à Alexandre d'Hié- supposés page 787. Il est cité par saint
,

raple, la troisième à Théodoret, et la qua- Jean Damascène dans ses Parallèles, p. 598,
trième à Jean d'Antioche. On voit par la pre- et par Turrien ". Un sermon sur l'Ascension
mière que Saturnin avait été ordonné évêque du Seigneur, qui se trouve dans le tome XIU
de Marcianople à la place de Dorothée mais , de saint Chrysostôme, parmi les œuvres
que, malgré les etforts du général Plintha, supposées, page 247, est cité par Turrien *
Dorothée se maintint en possession de son comme appartenant à Eusèbe d'Alexandrie,
évéché jusqu'à ce qu'il fut banni à Césarée. et se trouve aussi dans le manuscrit. Il y en
Ses autres lettres n'ont rien de remarquable. a un sur le second Avènement de Nolre-Sei'
Hudt ^^- L^^ lettre d'Himcrius ^ de Xicomédie à gneur. Ang. Mai l'a donné en grec d'après
•"••
Théodoret regardait les négociations de la un autre manuscrit du Vatican, au tome X
paix, dont il souhaitait d'être instruit, dans des Auteurs classiques, page 395. Le sermon
le désir de l'embrasser. Il l'embrassa en eflet, sur les Astronomes et celui sur l'Aumône sont

1 Pag. 726. 6 Ibid., pag. 773, 774.


"
* Append. Concil. Baluz., pag. 897, 898 et 3eq. In Defeus. Epist. pontificis, pag. 166.
s Ibid., pag. 886. — * Ibid., pag. 885 et 886. s Ibid., pag. 182.
5 Ibid., pag. 750, 816, 840, 881.
384 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
seulement indiqués dans le manuscrit, les glise, que ses sermons ont été écrits par son
feuillets contenaient ayant été dé-
qui les notaire, appelé Jean, et que le manuscrit en
truits ; mais on trouve le premier dans la fut confié à l'évêque Alexandre; qu'après la
Bibliothèque royale de Paris, d'après Le- mort de Jean rentra
cet évéque, le notaire
quien '. Saint Jean Damascène en cite des en possession de ce manuscrit, le fit trans-
fragments dans ses Parallèles - ; c'est ce que crire par un calligraphe habile, nommé Mé-
fait aussi Jean le Moine dans ses Parallèles ^. sobius, et avec un soin particulier réunit ses
Le second sermon se trouve manuscrit dans sermons en un livre. Le savant éditeur doute
la *. Dans
Bibliothèque impériale de Vienne de plusieurs faits rapportés dans les com-
les discours publiés par Mai, on trouve un mentaires de Jean sur la vie, sur l'épiscopat
Témoignage sur la confession faite aux prêtres ^, et la mort d'Eusèbe et cependant il trouve
,

un autre sur l' Eucharistie ^. Dans le sermon qu'il y en a plusieurs nouveaux et intéres-
sur la IVaissance de Jésus-Christ, on lit un bel sants que l'on ne saurait contester "'. Guil-
éloge de la croix '. Dans le sermon sur la laume Augusti, dans son ouvrage intitulé :

Néoménie et le sabbat, l'auteur fait un détail Eusebii Emeseni quœ supersunt opuscula grœca ,

curieux des superstitions qui avaient cours Elberfeldi, que tous les
1829, a prétendu
de son temps. écrits publiés sous le nom d'Eusèbe d'Ale-
Mais quel est cet Eusèbe d'.\lexandrie à xandrie appartenaient à Eusèbe d'Emèse, et
qui l'on attribue ces sermons, et en quel qu'Eusèbe d'Alexandrie n'avait jamais existé.
temps vivait-il? Turrien, qui en a parlé le Le cardinal Mai a réfuté solidement cette
premier, le place au xiir siècle; mais il est opinion dans sa Bibliotheca nova, tome II,
bien plus ancien, puisqu'il est cité par saint page 499. Outre les raisons déjà alléguées,
Jean Damascène du viii" siècle et par Jean il ajoute les deux suivantes 1° L'auteur, ap- :

le Moine du viP siècle. Mai le croit du v^ siè- pelé Eusèbe dans les manuscrits, parle dans
cle et archevêque d'Alexandrie. Les manus- son sermon sur V Aumône de la dame Mélanie,
crits lui donnent ce titre, l'appellent grand si recommandable par ses aumônes, etc. 11

et pape. Dans V Ascétique encore inédit de dit assez clairement qu'elle était morte à cette
Nicon dans Lambécius ^, dans un manus-
'^j époque. Or, il y a eu deux Mélanies, l'An-
crit du Vatican, on trouve citées les ques- cienne et la Jeune, toutes deux riches et cé-
tions de Macaire d'Alexandrie ou autrement lèbres par leurs aumônes. Or, Eusèbe d'E-
d'Eusèbe-le-Grand d'Alexandrie. Il est vrai mèse mourut plus de quarante ans avant
qu'on ne le trouve pas dans la liste des évo- Mélanie l'Ancienne, et certainement avant
ques de cette ville, mais on sait que cette qu'il pût connaître ses libéralités. 2° Eusèbe

pas toujours exacte. D'après la Vie


liste n'est d'Emèse était le porte-étendard de la faction
publiée par Mai avec les discours, Eusèbe arienne; il fut aussi accusé de sabellianisme.
aurait d'abord été moine près d'Alexandrie, Mais Eusèbe d'Alexandrie, dans tous ses
et se serait distingué par ses vertus. Cyrille écrits, est à l'abri de ces l'eproches. Au reste

évéque d'Alexandrie, l'aurait visité, et à la fin les discours sur l'Avent, sur la Trahison de
de sa vie, il l'aurait désigné à son clergé Judas, sur le Démon et sur l'enfer, qu 'Augusti
comme son successeur. Eusèbe aurait été en publie comme
inédits, avaient déjà été pu-
effet choisi pour ce siège et s'y serait distin- bliés par Mai. Tout ce qui nous reste d'Eu-
gué par ses vertus et par son zèle pour la sèbe d'Alexandrie se trouve réuni dans le
prédication. Après sept ans d'épiscopat, ou tome LXXXVI de la Patrologie grecque, avec
vingt ans, selon une autre leçon, il serait notices de Mai, de Galland, Vie par le moine
retourné dans le désert, où il serait mort et Jean, col. 279-462. Les opuscules attribués à
oîi il aurait été enseveli. On raconte encore Eusèbe d'Emèse sont reproduits d'après Au-
dans cette biographie que de la Vie le livre gusti, ibid., col. 462-562.]
d'Eusèbe fut placé religieusement dans l'é-

i
Oriens Christ., tom. Il, pag. 906. *» Ka; ô fÂi\ â.fTcç ymiai trus/Jat, khi to ttotsp/ov •^niTxt
« Tom. II oper., pag. 316 et 596. d'ifxi Tiu Kvpiou iiuâv l'it^iù XfiiTToZ, Pag. 660-681, Vid.
B
Pag. 783. etiam pag. 671. ? —
Pag. 679.
Ces deux sermons ont paru dans le tom. II de
*• ^ Apud Moutfaucon, Biblioth. Coislin, pag. 3.

la Bibliolh. nova, eu grec et en latin. 9 Apud Lamb., cum Koll., lib. V, pag. 302.

" Ksi) i^afiOXo-^iiTui Tstç ây.apT(ac auToù Toit itfiTCx,- 1" Voyez Proleg. du tom. IX du Spicileg. Rom.,

TJpoîc. Spiciî. Rom., tom. IX, pag. 654. pag. 11 et seq.


[iV^ ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XXIII. — HELLADE DE TARSE, ETC. 38c

CHAPITRE XXIII.

Hellade de Tarse, Méléce de Mopsueste, Epiphane d'Alexandrie, Tran-


quillin d'Antioche en Pisidie, Hésychius de Castabales, Ibas d'Édesse,
Irénée, Photius, Abibiis et Hypacie; [Timothée, prêtre de Jérusalem;
autre Timothée; Timothée, prêtre d'Antioche; Timothée de Béryte,]
écrivains grecs du v^ siècle.

l.Il est peu de ces écrivains qui n'aient eu nous reste de lui ^ onze lettres, dont cinq
part ou aux troubles qu'occasionna dans l'E- sont adressées à Alexandre d'Hiéraple ; une
glise l'hérésiede Nestorius, ou aux négocia- au mêmeAlexandre, à Théodoret, à Abibus,
tions de la paix qui fut depuis établie entre Héliade, Maris, David et Acilius une à Hel- ;

saint Cyrille et Jean d'Antioche. Ces deux lade de Tarse, deux à Maximin d'Auazarbe,
articles font ménje le sujet de leurs lettres. une au comte Néotérius, et une à Titus, comte
Ainsi, pour ne pas tomber dans de fréquentes des domestiques et vicaire de Denys, général
redites, nous nous contenterons de marquer de la milice.
ici le nombre de ces lettres. Nous en avons La d'Epiphane, archidiacre d'Ale-
'
3. lettre
six d'Hellade, savoir : quatre à Alexandre xandrie, est une réponse à celle qu'il avait
d'Hiéraple, une à Mélèce de Mopsueste^ et reçue de Maximien de Constantinople sur la
une à Nestorius. On en trouve une synodale fin de 432, ou au commencement de 433. 11
des évêques de la première Cilicie dans les s'y ''plaint de ce qu'il ne faisait pas pour saint
Conciles - du Père Hardouin elle est sous- : Cyrille ce qu"il aurait dû faire, et l'exhorte de
crite d'Hellade, de Cyrille, de Valentin, de s'employer à faire sortir Aristolaûs d'Alexan-
Minodore et de Tatien, tous évêques de la drie. Il le pria encore de s'employer auprès de
même province, et adressée aux empereurs Pulcbérie, afin qu'elle écrivit une lettre mena-
Théodose et Valentinien. Ils y témoignent à çante à Jean d'Antioche, qui l'obligeât de ne
ces deux princes qu'en suite des ordres qu'ils plus faire mémoire de Nestorius dans le sa-
en avaient reçus par le tribun et notaire Aris- crifice. Il dit à Maximien que comme quel-
tolalis, ils communiquaient avec les évêques ques Orientaux travaillaient de tout leur
du concile d'Ephèse, nommément avec saint pouvoir pour le rétabhssement de cet héré-
Cyrille, et aussi avec Proclus de Constanti- siarque, il y allait de son intérêt aussi bien
uoplc et Jean d'Antioche ajoutant qu'ils
, que de celui de saint Cyrille et de beaucoup
anathématisaient Nestorius, tuus ses écrits, d'autres, de les prévenir, en employant au-
et tous ceux qui enseignaient les mêmes im- près de l'empereur et de tous les chambel-
piétés que lui. Helladeétait mort ^ en 431. lans, le crédit d'Olympiade et de quelques
Il avait passé près de soixante ans dans la autres dames, de même que celui du saint
vie solitaire, dont il avait appris les exercices abbé Dalmace. On voit par la même lettre,
.sous saint Théodose d'Antioche. Il ne les que saint Cyrille avait lui-même écrit à l'im-
quitta point pendant son épiscopat. C'était, pératrice Pulchérie, à Paul, à quelques da-
selon Théodore! ^, un homme admirable de- mes de la cour, et à diverses autres person-
puis qu'il se fut réuni à Jean d'Antioche il ; nes et qu'il leur avait envoyé à tous des
,

n'omit rien pour lui réunir aussi Alexandre présents même à Chrysoret, grand cham-
,

d'Hiéraple et Mélèce de Mopsueste. Mais tous bellan, quoiqu'il fût extrêmement prévenu
ses soins furent inutiles. contre lui, et fort opposé aux intérêts de l'E-
,
2. Mélèce de Mopsueste fut déposé par glise. Epiphane joignit à sa lettre le mémoire
Jean d'Antioche, et relégué à Méliiine en de ces présents, qu'il appelle des eulogies
Arménie, où il mourut dans le schisme. Il et des bénédictions pour lui faire voir
,

> Append. Concil. Baluz., pag. 814, 770, 813, ^ Thcodor., Vit. Pair., cap. X, pag. 829.
802, 888. 5 Append. Concil. Baluz., pag. 877, 870, 855, 862,
* Tom. I Concil. Harduin., pag. Miï. 798, 8i2, 8iC, 828, 836, 842, 872.
•*
Tom. IV Concil., pag. 773, 774. 6 Ihid., pag. 907, 908, 909.
VUl. 25
386 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
coml)ien l'Eglise d'Alexandrie s'intéressait à qui n'avait pas voulu y assister, était toute-
le maintenir sur le siège de Constantinople, foiscui^eux de savoir ce qui s'y était passé.
sans avoir égard aux murmures des ecclé- Hésychius le satisfit par 'un
auquel ^ il billet

siastiques d'Alexandrie, qui se plaignaient joignit la lettre de ce concile à Jean d'Antio-


qu'on dépouillait leur Eglise. Il ajoute qu'ou- che. Il le pria en même temps de se décider
tre les présents faitspar cette Eglise et en- sur cette atfaire d'une manière conforme à
voyés de ses propres biens, le comte Hammo- ce qu'il avait appris de Théodore de Mop-
nius avait encore avancé quinze cents livres sueste, sur l'obligation qu'il y a de conserver
"d'or, et que Maximien devait aussi contribuer le corps de l'Eghse sans division. C'est tout

de son côté, et satisfaire l'avarice de cer- ce que nous avons d'Hésycbius.


taines personnes , de peur qu'elles ne fus- 6. Il ne nous reste qu'un fragment de la

sent contraires à l'Eglise d'Alexandrie. lettre " d'Ibas, évêque d'Edesse, à Maris,

4. On cite deux lettres sous le nom de Pcisan, par lequel on voit qu'il lui mandait
d'AniS un Tranquillin,
^ évoque
^
d'Anlioche en Pisidie, ce qui s'était passé sur l'affaire de Nestorius
l'isidie. ,., •. 1
apparemment parce qu d y souscrivit le pre- depuis son départ pour Ephèse jusqu'à la
mier il avait droit de le faire comme
: mais réconcihation de saint Cyrille avec Jean d'An-
le plus ancien métropolitain. La première tioche, afin qu'il en instruisît tous ceux de
est en forme ^ de protestation, par laquelle son pays. Ibas envoya aussi à Maris la lettre
lui et soixante-sept autres évêques deman- de Jean d'Antioche à saint Cyrille pour la
dent que l'on attende Jean d'Antioche et les paix, et la réponse de saint Cyrille. Il recon-
évêques dOccideut, avant que de faire l'ou- naît dans cette* lettre que saint Cyrille, qu'il
verture du concile d'Ephèse. La seconde avait regardé, jusqu'à la paix et à l'éclaircis-
est^une que les Orientaux envoyèrent
lettre sement donné à ses anathématismes, comme
à leurs députés auprès de l'empereur, et un hérétique, avait fait profession de la vé-
dans laquelle ils leur faisaient entendre que ritable foi dans sa réconciliation avec Jean
la défense de Nestorius leur était de la der- d'Antioche. Dans le concile deChalcédoine*^,
nière conséquence. y protestaient qu'ilsIls où il fut beaucoup question d'Ibas d'Edesse, on
étaient prêts à mort plutôt que
souffrir la le jugea orthodoxe : il rétractait en quelque
d'admettre un seul des anathématismes de sorte, à la fin de sa lettre à Maris, ce qu'il y
saint Gyiùlle, et chargeaient ces députés de avait dit contre les anathématismes et la
s'employer afin qu'on leur permit bientôt conduite de saint Cyrille. Ibas ne laissa pas
de se retirer, parce que l'hiver s'approchait. d'être "^ accusé de nestorianisme par saint
Cette seconde lettre est signée de quarante- Procle de Constantinople, à cette occasion.
deux évêques, dont Tranquillin est le pre- Cet archevêque, en envoyant son Tome aux
mier comme dans la précédente. Ils souscri- Arméniens, y en avait joint un autre qui
virent ^ aussi à la lettre que les Orientaux était apparemment le même qu'il avait reçu
écrivirent d'Ephèse au clergé et au peuple d'eux, composé de divers passages confor-
d'Hiéraple. mes à la doctrine de Nestorius. Ces passages

tiésvrhiDs
Hésychius de Castabales dans la
^' Qi^'iût à se répandirent dans Constantinople, traduits
.iec.siai)jie5.
secoude Cilicie, il entra avec deux autres en syriaque. On accusa Ibas d'en être le tra-
évêques de la même province dans les sen- ducteur ce "qui excita dans cette ville beau-
:

timents* d'Alexandre d'Hiéraple, et se sépara coup de bruit contre lui. Quoique saint Pro-
de la communion de Jean d'Antioche. Mais cle ne le crût pas attaché au mauvais sens
s'étant depuis assemblés pour délibérer sur enfermé dans ces passages, il pria toutefois
la lettre que Jean d'Antioche lui avait écrite Jean d'Antioche de porter Ibas à signer son
et aux autres évoques des deux Gilicies, et Tome aux Arméniens, et à anathématiser les
n'y ayant rien trouvé que de bon, il rentra passages qui y étaient joints. C'était en 437.
dans sa communion. Ce concde, auquel se En 4i4, Ibas fut invité au concile que Dom-
trouva Hésychius, écrivit à Jean d'Antioche nus tint à Antioche pour examiner l'afi'aire
une lettre d'excuse ^ d'avoir été quelque d'Athanase, évêque de Perrha mais n'ayant :

temps séparé de lui. Mélèce de Mopsueste, pu y aller, il s'en excusa par une lettre. Nous

1 Append. Concil., pag. 696. ' Append. Concil., pag. 821, et tom. IV Concil.,
2 Ibid., pag. 725. — » Ibid., pag. 705. pag. 662, 666. — 8 Ibid., pag. 659. — 9 Ibid., pag.
* Ibid., pag. 833. — ^ Ibid., pag. 85G. 6 Ibid. 075. (380. — «0 ïom. V Concil., pag. 511 et suiv.
.

[jyc £y ye SIÈCLES.] CHAPITRE XXIII. — HELLADE DE TARSE, ETC. 387

aurons encore occasion de parler de celle ' torius à la lettre de saint Cyrille aux solitai-

qu'il écrivit à Maris elle fut condamnée : res ^.

après sa raort par le cinquième concile gé- 9 On compte dans le parti de Nestorius Abiba^. évo-
que de Uoli-
néral, en 536. 11 avait succédé à llabbula dans Abibus, évêque de Dolique, dans le patriar- qiic.

l'évêclié d'Edesse, en 433 ou 437. chat d'Antioche. Son opiniâtreté à ne vouloir


7. Ibas eut pour adversaire le comte Iré- point entrer dans lacommunion de saint Cy-
née extrêmement attaché au parti
qui, étant de Jean d'Antioche fut cause que l'on
rille et ,

de Nestorius, ne pouvait soullrir ce qu'lbas mit un autre évêque en sa place. Comme


en avait écrit de désavantageux dans sa let- Abibus était alors extrêmement âgé, cette
tre à Maris 2, Persan. Ce fut lui que les Orien- ordination donna lieu de publier qu'il était
taux, assemblés à Ephèse, prièrent d'aller mort, ou tombé en démence, ou qu'il avait
défendre leur cause auprès de l'empereur, envoyé sa démission à Jean d'Antioche. xMais
pour qui ils lui donnèrent deux lettres. Mais Abibus fît voir la fausseté de tous ces bruits
Irénée fut prévenu par les députés du con- par une '^ petite lettre qu'il écrivit à Alexan-
cile, qui arrivèrent à Constantinople trois dre, à Théodoret, à Marc et aux autres évê-
^
jours avant lui, et eurent assez de temps ques de la province.
pour persuader tout le monde, et même les 10. Nous avons dans le Synodique une let- Hypacie.

plus grands de la cour, que lu déposition de tre " attribuée à Hypacie, que l'auteur dit
iNestorius s'était faite suivant toutes les for- avoir reçue d'un certain Epiphane, moine d'A-
malités de la justice. Irénée, honteux de lexandrie. Elle est en faveur de Nestorius et
n'avoir pu réussir dans sa commission, ne adressée à saint Cyrille. On voit qu'Hypacie
trouva pas d'autre moyen de se consoler et pensait à embrasser le christianisme; qu'elle
ceux de son parti, qu'en décriant la manière en était toutefois arrêtée, parce que les chré-
dont les députés du concile s'étaient com- tiens enseignaient que Dieu est mort pour
portés* à Constantinople ajoutant que pour , les hommes. Mais il paraît bien qu'elle ne
lui il avait même eu peine à y entrer. Nous contestait qu'incidemment la vérité de cette
avons encore ^ la lettre qu'il écrivit sur ce doctrine, et que le sujet principal de sa lettre
sujet à ceux qui l'avaient envoyé. Son atta- était de se plaindre de ce qu'on avait lait
chement à Nestorius lui attira la disgrâce de condamner et bannir Nestorius, dont la doc-
l'empereur, qui, en 433, le relégua à Pétra, trine s'accordait mieux, disait-elle, avec la
avec ordre au préfet Isidore de ^ confisquer raison et les écrits des apôtres, que celle de
tous ses biens, en fournissant toutefois ce qui saint Cyrille. Cette lettre peut bien être d'une
serait nécessaire pour le conduire dans le femme, puisqu'on y remarque assez de viva-
lieu de son exil. Ce fut apparemment dans cité mais on ne peut l'attribuer à Hypacie,
;

ce temps-là qu'il composa son ouvrage inti- massacrée à coups de tuiles par une troupe
tulé Tragédie, dont nous avons déjà parlé. Il de furieux dès l'an 413, c'est-à-dire seize ans
est au moins certain qu'il le fit ' étant encore avant la condamnation de Nestorius dont il
laïque. Mais, s'élant depuis uni à la commu- est parlé dans cette lettre.
nion catholique, il fut fait évêque de Tyr par [Le tome LXXXVl de la. Patrologie grecque, Timothée,
prèlre de Jé-
Domnus, évéque d'Antioche. col. 233 et suiv., sous l'an 333, contient un rusalem . vers
l'ao 535.
8. Photius, l'un des principaux partisans écrit de Timothée, prêtre de Jérusalem. C'est
de Nestorius, fut relégué à Pétra en même une homélie sur le prophète Siméon et son
temps qu'lrénée, biens
et eut comme lui ses cantique, et sur la bienheureuse Vierge Marie.
confisqués. Il de Constantinople,
était prêtre Corabefis, qui publiée en latin dans son
l'a

et ce fut lui qui, avec Anastase, prêtre de la Auctarium, ne savait à quelle époque en pla-
même Eglise attesta en 428 la pureté de la
, cer l'auteur. Le texte grec a été publié par
foi* des prêtres Antoine et Jacques, que Nes- Mai, ClassiciAuctores, t. X, p. 383-593. Le sa-
torius envoya en Lydie afin d'obliger les vant éditeur observer que des critiques at-
fait

quartodécimans à quitter leurs erreurs. On tribuent cette homélie à Hésychius de Jérusa-


le fait aussi auteur de la réponse de Nes- lem, et d'autres à Méthodius, de la même ville

' Tom. IV Concil., pag. 739. « Tom. m Concil., pag. 673, 676.
* Append. Concil., pag. 821 et 860. 9 Mercator., tom. II, pag. 50.
»Toin. III Concil., pag. 717 et seq. — '>
Ibid. >o Appeud. Concil., pag. 837.
* Append. Concil., pag. 716. 11 Ibid., pag. 926 et 927.
« Ibid., pag. 884. — ^ Ibid., pag. 860.
388 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.

«nJur'dïn 0" trouve, au tome X du Spicileg. Rom., Cretser a publié, t. II, p.i 313, une homélie
'
'
ti
prêtn
uè^Tui 'ël P- 11' ^6 titre et la fin d'un dialogue entre Ti- de Timothée, prêtre d'Antioche, sur/a Croix "<";'"

Aquiia, juif,
niotliée chrétieu et Aquila juif. Le but de ce et la Transfiguration ; il croit que cette homélie

dialogue est de prouver à l'interlocuteur juif a été prononcée au milieu du carême. Elle
la divinité du christianisme. L'ouvrage est est rapportée au tome LXXXVI de la Patro-
très-considérable. L'auteur dit que le dialogue logie grecque, col. 253-266.
eut lieu du temps de saint Cyrille ,
qui com- Parmi les évêques qui assistèrent an pre-
battit contre Nestorius. Il n'était que laïc, mais mier concile de Constantinople, on trouve un
saint Cyrille le fit diacre et prêtre pour qu'il nommé Timothée, évêque de Béryte dans la
pût conférer le baptême au juif devenu sa con- Phénicie. On ignore si c'est le même évêque
quête. Cependant le style parait à l'éditeur de Béryte qui fut disciple d'Apollinaire. On
d'une date plus récente que le temps où vivait a de lui plusieurs fragments parmi les œu-
saint Cyrille. Le spécimen de cet ouvrage est vres de Léonce de Byzauce, tome LXXXVI*
reproduit au tome LXXXVI de la Patrologie de la Patrologie grecque.]
grecque, col. 251, 254.

CHAPITRE XXIV.
Acace de Mélitine et Théodote d'Ancyre.

Acaca da ^- Acace de Mélitine * tenait le rang de ne pouvait ^ se résoudre à adorer un enfant


Méiuine.
lecteur dans cette Eglise dès l'an 390. Sa nourri de lait, ni à donner le de Dieu à nom
prudence, sa modération et la connaissance celui qui s'était enfui en Egypte. Acace et
qu'il avait tant des lettres humaines que sa- Théodote voyant que Nestorius ne leur ré-
"^

crées, engagèrent Otrée, son évêque, à lui pondait que par des blasphèmes, préférèrent
confier l'instruction de saint Euthyme alors à son amitié le zèle qu'ils devaient avoir pour
enfant. On ne ^ait point s'il succéda immé- la vérité. Obligés donc par le concile d'E-
diatement à Otrée - dans l'épiscopat de Mé- phèse de raconter les entretiens qu'ils avaient
litine; mais on sait qu'il était déjà évêque en eus avec lui, ils ne purent s'empêcher, quoi-
431. Il gouverna son Eglise ^ avec tant de quen versant des larmes, de rapporter les
dignité, qu'après sa moit on ne l'appelait à blasphèmes qu'ils avaient entendus, ajoutant
Mélitine que le grand Acace, notre père et qu'ils étaient prêts à en convaincre leur ami,
notre docteur. Nous n'avons plus l'-écrit * comme aussi des erreurs qu'ils lui avaient
qu'il composa au commencement de l'an vu avancer. Nous avons encore ^ l'homélie
431, contre Nestorius. Acace y défendait, ce qu'Acace de Méhtine prononça à Ephèse en
semble, les anathémalismes de saint Cyrille, présence du concile. Elle fut faite au milieu
à qui il était fort attaché. Il ne laissait pas de la tempête qui semblait près de submerger
d'être ami de Nestorius : et dès qu'il fut ar- tous les défenseurs de la vérité. Acace y fait
rivé à Ephèse, il fit tous ses etlbrts '',
dans des espérer aux Pères du concile que leurs priè-
entretiens secrets et publics, pour lui persua- res réveilleront Jésus-Christ, qui leur rendra
der de quitter ses erreurs. Nestorius parut le calme et les fera heureusement arriver au
un moment suivre ses conseils, mais il per- port. Il donne ^ plusieurs fois à la sainte Vierge
sévéra dans son impiété. Théodote d'Ancyre, la qualité et dit que celui qui
de Mère de Dieu,
qui était aussi son ami, travaifia de même est né non qu'il ait pris d'elle
d'elle est Dieu,
qu' Acace à lui faire reconnaître la vérité : son commencement, mais parce qu'il a pris
ce fut aussi inutilement. Nestorius dit qu'il d'elle de quoi se faire homme. Il distingue ^'^

1 Ce qui nous reste d'Acace de Mélitine se trouve 6 Ibid., pag. 633. — '^
Ibid., pag. 5G1, 1039.
reproduit ou indiqué dans le tome LXXVII' de la 8 Tom. m Concil., pag. 983 et seq., et tom. 1

Patrologie grecque ûe M. Migne, col. 1467-1474. L'ho- Concil., Harduin, pag. 1639.
mélie prononcée à Ephèse est reproduite d'après 9 Deipara igitur est sancta Virgo. Deus enim est
Mansi, Concil. tom. V. {L'éditeur.) qui ex ea 7iatus est, non rjuod initium ut esset ex ea
2 Bollaud., ad diem 30 jauuar., pag. 303. sumpserit ; sed quod ut honio fieret, principia inde hau-
3 Tom. IV Concil., pag, 490. serit. Acac. Melit., tom. l Concil. Harduin., pag. 1642.
* Append. Concil., pag. 703. '" Idem impussiùilis divinitale, pro noLis vere sponte
'•>
Tom. m Concil., pag. 50G. passas carne. Ibid.
[iv ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XXIV. — AC ACE DE MELITINE, THEODOTE, ETC. 389

clairement les deux natures, et dit que le que l'une ait souffert et l'autre soit demeurée
même qui est impassible selon sa divinité, impassible, c'est dire qu'il y a deux fils. Il
a souflert pour nous volontairement dans la dit qu'il avait trouvé cette erreur dans quel-

chair. C'en était assez pour le justifier du ques personnes de Germanicie, et prie saint
reproche qu'Alexandre d'Hiéraple lui fit ', Cyrille de veiller là-dessus. Le Synodique, où
dans sa lettre à Acace de Bérée, d'avoir dit l'on trouve cette lettre, la rapporte au voyage
que la divinité avait souffert. Ce reproche qu'Aristolaûs fit en Orient pour la paix, c'est-
lui fut encore adressé par les députés des à-dire à l'an 432. Elle y convient mieux en
Orientaux, en présence de l'empereur Théo- effet qu'à l'an 435, auquel Aristolaûs fut en-

dose, qui témoigna une extrême horreur de voyé une seconde fois en Orient avec de
ce ^blasphème; mais Acace n'eut sans doute nouveaux ordres pour faire condamner Nes-
aucune peine à y répondre. II ne put voir torius; car alors Acace de Mélitine n'avait
sans étonnement que saint Cyrille eût ap- osé s'élever contre les deux natures, sachant
prouvé la profession de foi des Orientaux, et que saint Cyrille avait approuvé cette ex-
on prétend même qu'il lui écrivit ^ pour se pression dans la confession de foi des Orien-
plaindre de sa précipitation à leur accorder taux. Ce qui la faisait regarder comme une
la paix, comme eût abandonné * ses
s'il erreur par Acace de Mélitine, c'est qu'il était
écrits et sa doctrine pour obtenir leur com- persuadé que ceux dans qui il la reprenait,
munion. Mais saint Cyrille le détrompa par entendaient par deux natures, deux fils au ;

une grande lettre où il fait l'histoire de ce lieu que, conformément à la doctrine de l'E-
qui s'était passé dans la négociation de cette glise, il ne reconnaissait qu'un fils en deux
paix. En 437, il se joignit à Rabbula, évêque natures, prêchant nettement que le même
d'Edesse, pour empêcher le cours des écrits qui est né du Père ^ avant tous les siècles,
de Théodore de Mopsueste et de Diodore de est né selon la chair dans les derniers temps,
Tarse, que les sectateurs de Xestorius répan- et que le même Seigneur Jésus-Christ qui
daient partout traduits en arménien, en per- est impassible selon sa divinité, a souffert
san et en syriaque ils écrivirent ensemble
;
dans sa chair.
aux évêques d'Arménie pour ^ les avertir de 2. Théodote, évêque d'Ancyre ^, n'eut pas néodoie.
ne point recevoir les livres de Théodore de moins de part à ce qui se fit contre Neslo- cyre."les di"-

Mopsueste, parce que c'était un hérétique, rius, soit devant, soitaprès le concile d'E-
et fauteur de l'hérésie de Nestorius. Dans phèse. Nous venons de voir qu'il disputa
une lettre qu'Acace de Mélitine écrivit ^ à contre lui quelques jours avant la tenue de
saint Cyrille pour se réjouir avec lui de ce ce concile, et qu'il lui ^ soutint que Jésus-

que le tribun Aristolaûs avait ordre de tra- Christ était Dieu. Il luiprouva par les saintes
vailler à la paix, et d'aller en conséquence Ecritures que c'est Dieu même qui est né de
dans toutes les villes, obliger chaque évêque la Vierge selon la chair. Nestorius n'ayant
;\analhématiser publiquement les dogmes de rien de bon à répondre à ses preuves, se ré-
Nestorius et de Théodore de Mopsueste, il pandit en blasphèmes, disant qu'il ne pou-
l'exhorte à faire ce voyage avec Aristolaûs, vait dire qu'un enfant de deux ou trois mois
ou du moins de l'y faire accompagner par fût Dieu. Théodote combattit aussi ses er-
quelques-uns de ses ecclésiastiques les plus reurs dans des discours qu'il fit en présence
remphs de zèle. Il témoigne dans la même du concile sur le mystère de l'Incarnation.
lettre qu'il regardait coran*e une erreur, dans Il en fit un dans l'église de Saint-Jean-l'E-

ceux mêmes qui niaient qu'il y eût deux fils, vangéliste, où il compare
la nécessité où l'E-
de dire néanmoins qu'il y avait deux natures glise s'était trouvéede déposer Nestorius, à
après l'union, et il prétend que de dire que cha- celle d'un chirurgien qui coupe en pleurant
que nature ait son opération propre, en sorte un membre pourri, pour conserver le reste

' Appeud. ConciL, pag. 763. lom. I ConciL Harduin., pag. 1642. »- " Le tomo
* Ibid., pag. 736. — Libérât., cap. vni.
3 LXXVII« de grecque, col. 1314-1433,
la Patrologie
* Tom. m CoiiciL, pag. 111, 114 et 115. reproduit ce qui nous reste des écrits de Théodote,
* Libérât., cap. x. — Append. Conc, p. 785, 786.
« d'après Galland, au tome IX de sa Bibliothèque des
" Sj quidem unus Dominus Jésus Chrisius,
est nobis Anciens Pères. Les homélies se trouvent aussi en
unigeniius Dei Filius, De.us Verbum : idem anle om- latin dans la liibliotheca Ascetica , donnée par J.-B*
nia sœcula ex solo Pâtre, idem rursum in novissimis Malou, Louvain 1848. {L'éditeur.)
diebus in servi forma... idem impassibilis divinitate, 9 Socrat., lib. VII, cap. xxxiv, tora. III Concil,,
pro nobis vero sponte passus carne. Acacius Melit., pag. 561, 506, 572.
390 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
du corps et dit que lorsque les prêtres font même qui est Dieu et homme qu'il est de- ;

dans l'Eglise cette opération, on ne peut eu racuré ce qu'il était et qu'il a été fait ce
aucune manière les accuser de cruauté, puis- qu'il n'était pas; qu'étant incorporel de sa
qu'ils ne la font que pour empêcher que la nature, il a été fait chair sans aucun chan-
pourriture dont ce membre est infecté ne se gement. « Si vous me demandez comment
répande dans les autres membres du même cela s'est fait, dit-il, je vous répondrai que
corps. Il prouve que ce genre de médecine c'est un mystère qui surpasse la portée de

n'est point nouveau dans l'Eglise; que les notre esprit, et qu'il s'est fait homme comme
anciens \*ères l'ont mis en pratique, et que il a fait des miracles. Quand je vous
rapporte
l'on en voit des vestiges dans les écrits du un miracle, cessez de chercher les raisons
prophète Jérémie, lorsque Dieu l'établit sur du fait miraculeux. Nous ajoutons foi aux
les royaumes et les nations, pour arracher et miracles et aux prodiges par la foi que nous
détruire, rebâtir et planter. Il montre que le avons en Dieu, nous ne les examinons pas
Verbe de Dieu, en se faisant homme, est de- par les lumières de la raison. Les mages ont
meuré ce qu'il était *, sans avoir soutïert reconnu sa divinité, les Barbares ont ajouté
aucun changement ni diminution dans sa foi à ses miracles sans les avoir approfondis ;
propre nature que ;
s'il s'est incarné, c'a été et vous qui êtes du nombre des Qdèles, pour-
pour nous délivrer de l'esclavage sous lequel quoi demeurez-vous incrédules et ne voulez-
le péché nous avait réduits qu'il n'y a pas ; vous croire que ce que la raison humaine
deux Christs, mais un seul, qui, étant Dieu par vous rend croyable ? Ils ont confessé comme
nature, et égal à Dieu, s'est anéanti eu pre- nous l'unité "ou l'union de la divinité et de
nant la forme d'esclave. « ExpUquez-moi, l'humanité dans Jésus-Christ. Or, ce qui est
ajoute-t-il, l'abaissement du Fils unique de uni, est fait indivisiblemcnt. Mais, direz-vous,
Dieu. Comment s'e?t-il anéanti, s'il n'a rien je ne le divise que par la pensée? Qu'im-
souffert des faiblesseshumaines? Toutefois, porte, puisque c'est toujours le diviser. En
lorsque nous disons que Dieu a souffert, le divisant par la pensée, c'est une preuve
nous ne faisons point tomber ces souffrances que vous ne l'unissez aussi que par la pen-
sur la nature divine elle n'est point capable : sée. »

de souftYir mais l'union de la nature divine


; Théodote prouve ensuite par divers pas-
avec la nature humaine susceptible de souf- sages de l'Ecriture que c'est le même Jésus-
frances, a fait Dieu lui-même capable de Christ qm était hier et aujourd'hui, c'est-à-
souffrir nature.» Théodote dis-
dans cette dire de toute éternité, et homme dans le

tingue clairement ces deux natures en Jésus- temps; à quoi il ajoute que tout ce que Jé-
Christ : comme notre conserviteur, dit-il, sus-Christ a fait et souffert, eût été inutile
il nos yeux
était visible à et comme no- , pour opérer notre salut, si ^ ce n'eussent été
tre Seigneur, il nous comblait de bienfaits ; les actions et les souffrances d'un Dieu. Il

comme serviteur il avait faim et en tant , presse si de Jésus-Christ, que


fort sur l'unité
que Dieu, il multipliait les pains; comme l'on dirait qu'en quelques endroits de ce dis-
homme , il était sensible aux fatigues du cours il affaiblit la distinction des deux na-
vovage , et comme Dieu , il marchait sur les tures mais toute la suite fait voir que son but
;

eaux. Nous avons de lui deux autres dis- n'est que d'étabhr l'unité de personne dans
cours prononcés^ à Ancyre le jour de Noël, deux natures, dont il distingue très-claire-
auquel on célébrait aussi dans la même ville ment les propriétés et les attributs. C'est
l'adoration des mage. Us furent lus l'un et pourquoi il conclut en disant qu'il faut con-
l'autre dans le concile d'Ephèse. Dans le fesser un seul Christ *, le même Dieu et
premier Théodote réfute l'hérésie de Nesto- homme tout ensemble, sans vouloir appro-
rius, mais sans le nommer, montrant que fondir par les lumières de la raison, la
celui qui est né de la Vierge, est Dieu qu'il ; possibilité de cette union. Il enseigne dans
a été fait liDmme par un miracle et non par le discours que Dieu se servit de la
même
le changement de sa nature; que c'est le connaissance ^ que les mages avaient de

>
Tom. III ConciL, pag. 1023 et 102ô. 4 Oporfet ergo untim dicere CJwistum, eumdem et
2 Ibid., pag. 987, 1007, 1014, et pag. 994. Deum et hominem. Theodoret., tom. I in die Nat.
3 Quomodo autem crux peccatum crucifixisset , aut Christ).
mors mortis tyrannidem dexiruxisset, nisi kœc fuis- s Sed quoniam Chaldœorum terra plurimos habet
sent Dei. Theodoret., toiu. I m die Natal. Christ. slellarum motus inspicientes, virtuiis quœdam prœs-
, ,

[IN- ET \- S1ÎCI.ES.J CHAPITRE XXIV. — AGACE DE MÉLlïlNE, THÉODOTE, ETC. 391

l'astronomie, liès-cullivée dans la Cluildée, de lui ce qu'il est en eUfet. Ainsi, quand le
pour les conduire ù la foi do Jésus-Christ, Fils est dit la splendeur du Père , pour
c'est

par les choses mêmes dont ils s'étaient fait marquer qu'il lui est coéternel; comme la

une étude dans leur pays; que ce qui toute- splendeur du soleil est en même temps que
fois leur paraissait une étoile, n'en était pas le soleil, quoique produite de lui. Il demande

une, mais une vertu céleste et angélique, à ceux qui ne voulaient pas que l'homme
qui, sous la forme d'un astre, leur montrait fût digne d'être la demeure d'un Dieu, si le
le chemin qu'ils devaient suivre pour trou- ciel, qui n'est composé que de matière, est

ver Jésus-Christ; que Jésus-Christ a été mis plus digne que l'homme, dont l'âme raison-
dans la crèche, afin qu'il nous servit ensuite nable surpasse en beauté tout ce que les
de nourriture sur la table sacrée et salutaire ; corps ont de plus relevant. «-Le soleil est
que la Vierge, sa mère, est celle des chœurs nécessité à une certaine révolution; l'homme
des vierges qui s'assemblent dans l'égUse ; agit librement ; il fait ce qu'il veut; il n'est
que la pauvreté et l'abjection de l'étable de astreint à aucune nécessité dans ses actions.
Bethléem ont bâti les temples magnifiques Quel de l'esclave ou du
est le plus excellent
que nous voyons, et que les langes dont Jé- libre? Qu'y a-t-il de surprenant que Dieu de-
sus-Christ fut enveloppé dans sa naissance, meure dans celui qu'il a formé à son image?
sont devenus l'absolution de nos péchés. Car il faut regarder l'homme tel qu'il était
Dans le second discours sur lu iVaissance dans son origine, et non ce qu'il est devenu
du Sauveur ', il montre contre les Juifs qu'il par le péché. » Tliéodote s'explique nette-
n'a pas été plus indécent à Dieu de naitre ment sur la divinité de Jésus-Christ, en di-
d'une vierge, que de paraître sous la forme sant que les Juifs n'ont pas crucifié un pur
d'un buisson ardent. Il dit à Fliotin, qui niait homme mais Dieu qui s'était approprié les
,

la divinitéde Jésus-Christ, qu'il n'y a qu'un qualités de la nature à laquelle il s'était uni
Dieu seul qui puisse être né d'une vierge Dieu ayant voulu souLfrir la mort dans cette
sans lui faire perdre sa virginité; qu'en vain nature, afin de nous procurer l'immortalité.
on chercherait comment il est possible qu'un 3. Théodote avait composé d'autres dis- Autres dis-
cours«te Théo-

Dieu se soit fait chair, puisque la manière cours qui ne sont pas encore imprimés, mais dote. Tom.VU
Concil., pag.
dont Dieu fait des prodiges, surpasse les lu- qui sont cités sous son nom par le diacre
mières de notre raison; que comme c'est à Epiphane, et que le Père Corabefis a eus en
la foi à nous rendre le miracle croyable, main savoir un sur Elle et la veuve de Sa-
. :

nous devons laisser à Dieu seul de connaître rcpta, un sur saint Pierre et saint Jean, un
comment il l'a fait. « Il en est ainsi, dit-il, sur le Boiteux qui était assis à la belle porte du
de rincaination Dieu le Verbe, quoique in-
, temple, un sur ceux qui avaient reçu les talents,

visible de sa nature, a paru sous une forme et un sur les deux Aveugles de Jéricho. L'ho-
visible. C'est un fait que nous devons croire, mélie sur la sainte Vierge - et sur Siinéon,
mais Dieu seul connaît comment cela s'est donnée mal à propos sous le nom de saint
fait. La pensée de l'homme qui d'elle-même Amphiloque, porte celui de Théodote dans
n'est ni visible ni palpable, ne se fait-elle un manuscrit, et dans d'autres, celui d'Am-
pas connaître par la parole qui est son verbe philoque, évèque de Side. Saint Xicéphore
et qui frappe nos oreilles ? mais c'est un de Constantinople ^, dans un ouvrage qui
verbe passager, au lieu que le Verbe de n'a point été rendu public, attribue à Théo-
Dieu est un Etre subsistant. » dote un discours sur le même sujet, dont il
Théodole remarque que l'Ecriture appelle rappoi'te un passage. On pourra voir quel-
le Filsde Dieu tantôt Verbe, tantôt la splen- que jour si ce passage se trouve dans l'ho-
deur du Père, et qu'elle lui donne quelquefois mélie dont nous venons de parler. Les ico-
d'autres noms, pour nous apprendre à croire noclastes * citaient, sous le nom de Théo-

lantior deducens niagos assuinpsit siellœ speciem, ut nemo utique facere dixerit ullum e sulitis sideribus
ab quœ didicerant Chaldœi, quod ncsciebant,
lis ipsis sensui notis, sed virtutem in stellœ figura astronomie
ugnoscerent; et cum aslronomiœ studium udhiberent, apparentem. Ibid.
ab ipsis astris Christi mysteria docereniur. Quod enim » Ubi supra, tom. I Concil. Harduin., pag. 1643
non ernt stella, sed virlus angeliai ducens barbaros et seq.
ad pietaiem, ipse Evangelista significat , cum dicit 2 Voyez toin. V, pag. 370.
steltam hanc in die alif/uando quidem apparuisse * Comb., Auctuar. i, pag. 473.
aliquandu rursum latuisse, alias vero deduxisse rna- * Toin. VII Concil., pag. 492, 493.
gos, et cum ipsis in Bethléem profectam esse : quod
392 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
dote, un endroit de ses écrits contre le culte qui vous a dit la vérité? 11 la prouve ensuite
des images mais le diacre Epiphane leur
: par ce que dit saint Paul : C^est le même qui
soutint qu'on ne lisait rien de semblable est descendu du ciel et qui y est monté. Après
dans ce qui restait alors des ouvrages de quoi il rapporte tout entier le symbole avec
Théodote. Nous n'avons plus l'écrit qu'il l'anathème de l'Eglise catholique et aposto-
composa, étant à Ephèse *, pour convaincre lique, à tous ceux qui ne croient point le
et pour réfuter Nestorius. Il y employait Fils éternel et de la même substance que le
d'abord diverses preuves tirées du raisonne- Père. Il remarque que les Pères de Nicée
ment et de la dialectique, puis les autorités commencent leur symbole par la croyance
de l'Ecriture. Si c'est le même dont parle le en un seul Dieu Père tout-puissant , non qu'ils
diacre Epiphane, il était divisé en six tomes eussent besoin d'établir un point de foi ac-
ou livres, dédiés à Lausus, grand chambellan. cepté et cru généralement, mais pour décla-
Il avait encore écrit trois livres du Saint-Es- rer que, comme ils ne reconnaissaient qu'un
prit, et une lettre à Vital, moine de Cappa- Père, ils n'admettaient non plus qu'un Fils
doce, dont il nous resle un fragment -, où unique en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il ac-
Théodote dit que Nestorius n'était que le cuse Nestorius d'avoir corrompu en cet en-
disciple de l'impiété de Théodore de Mop- droit ce symbole, en supprimant le terme
sueste qui l'avait communiquée à quelques un Seigneur Jésus-Christ, et d'avoir aussi re-
Ciliciens. Il remarque dans le même frag- tranché ces paroles de l'épître de saint Paul
ment, que Vital avait vécu longtemps dans aux Philippiens // s'est anéanti lui-même en
:

les exercices de piété avant de se laisser al- prenant forme d'esclave ; parce que ces deux
la

ler aux nouveautés de Nestorius, et qu'il endroits détruisaient son erreur et prouvaient
n'avait donné dans ses erreurs que pour nettement que c'est le Fils unique du Père
avoir voulu examiner le mystère de l'In- qui s'est fait homme et qui a soutfeit pour
carnation avec plus de curiosité que de nous dans sa chair. Théodote insiste dans
simplicité et de soumission pour l'an- cette explication, comme dans les deux dis-
cienne doctrine de l'Eglise. Théodote se cours sur la Naissance de Jésus-Christ, sur la
joignit aussi à Maximien de Constantinople, soumission aveugle aux mystères, voulant
et à Firmus de Césarée, pour empêcher le qu'en cette matièie l'on fasse taire la raison,
clergé et le peuple d'Ancyre d'admettre les et que l'on s'en rapporte à ce qui a toujours
Orientaux à la communion. Jean d'Antioclie ^ été enseigné dans l'Eglise. Il ajoute que * si
fait mention de la lettre qu'ils écrivirent con- les Pères de Nicée n'ont dit que peu de chose
jointement à cet eft'et, et il semble attribuer du Saint-Esprit, c'est qu'alors personne ne
à Théodote et à Firmus tout ce qui s'était contestait sa divinité; mais qu'en disant dans
fait à Ephèse, à Chalcédoine et à Constanti- leur symbole qu'ils croyaient aussi au Saint-
nople "Contre les Orientaux. Fsptit comme au Père et au Fils, c'était as-
Son expli- 4. L'explication du symbole de Nicée est sez déclarer qu'ils croyaient ces trois per-
cation du
Sviiibole. visiblement contre Nestorius. Théodote n'en sonnes de même dignité. Il renvoie son ami,
Tom. XXVII
Biblinl.l'alr., explique point tous les articles, ne s'arrê- pour qui il avait entrepris cette explication,
pag. 179.
tant qu'à ceux qui établissent l'union indivi- à ses trois livres du Saint-Esprit, disant qu'il
sible des deux natures en une personne dans y avait traité plus à fond ce qui regarde cette
Jésus-Christ. Il la prouve d'abord parles pa- troisième personne de la Trinité. Théodote
roles du Sauveur qui pour marquer qu'il
,
écrit avec beaucoup de précision et de force.
est Dieu son Père, dit Mon Père et
et égal à : Son Explication du Symbole fut imprimée à
moi nous sommes un; et encore Qui me voit, : Rome, en 1669, et dans le supplément de la
voit mon Père; et qui, pour ne point nous Bibliothèque des Pères à Lyon, en 1677. Saint
laisser douter qu'il ne fût homme, ajoute : Sophrone de Jérusalem cite Théodote entre
Pourquoi cherchez-vous à me tuer, un homme les Pères de l'Eglise ^.

1 Gennad., de Script. Eccles., cap. Llii. nos etiam in Spiinium Sanctum credere, quemadmo-
' Append. Concil. Baluz., pag. 896. dum credimus in Patrem et Filium, œqualem digni-
s Ibid., pag. 740. tatem eorum in quos creditur significant : nam fides
* Cœterum de Spiritu Sancto, quia nul/a tune quœs- honore et dignitate œqualis, illorum in quos creditur

tio erat, satis habuerunt majesfafem divinam indicare, deitatem honore œqualem ostendit. Tom. XXVII Bi-
dicenies paucis verbis, se jtixta Patrem et Filium blioth. Pair., pag. 180.
eliam in Spiritum Sanctum credere : nam qui dicunt, s Phot., Cod. 231, pag. 889.
,

[jv' ET v^ SIÈCLES] CHAPITBE XXV. — MEMNON D'ÉPHÈSE, RHÉGINUS, ETC. 393

CHAPITRE XXV.

Memnon d'Ephèse, Rhéginus de Constantia; Alypius, curé de Constanti-


nople; Maximien, évêque de la même ville; les abbés Dalmace, Basile
et Eusèbe de Dorylée [auteurs grecs du v^ siècle.]

i. Memnon, que le concile d'Ephèse *


préjudiciable à la foi. C'est la seule lettre
nous représente comme im prélat digne de qui nous reste de Memnon. 11
y parle des
recevoir des éloges de la part des hommes, mauvais traitements que Jean d'.\ntiociie fit
et la main de Jésus-Christ
des couronnes de aux députés du concile d'Ephèse; de l'écrit
même, rendu plus recommandable à la
s'est sans nom et sans souscription qu'il fit aflfi-

poslérité par la grandeur de son zèle pour cher en un certain quartier de la ville, por-
la vraie foi, que par le nombre de ses écrits. tant sentence d'excommunication contre Cy-
Avant la tenue de ce concile, il en assembla rille, Memnon et de ses
et tout le concile;
un dans sa ville épiscopale ^, composé de sollicitations continuellesauprès du conseil
trente à quarante évêques, tous de l'Asie, public de la ville d'Ephèse et des magistrats,
dont, en qualité d'évêque d'Ephèse, il était, afin d'obtenir un décret pour ordonner un
ce semble, le chef et l'exarque. Dès le com- autre évêque au lieu de Memnon. Le concile
mencement il s'unit avec saint Cyrille contre n'eut aucun égard à la sentence rendue par
Nestorius et ceux de son parti. Leur union Jean d'.\ntioche contre saint Cyrille et con-
dans la défense de la foi, leur mérita à l'un tre Memnon, et il continua à communiquer
et à l'autre le litre de confesseurs, par la pri- avec eux ^ et à célébrer en leur compagnie
son et par les mauvais traitements qu'ils en- la litui'gie et les synaxes. Memnon mourut
durèrent pour Jésus-Christ. Ils curent en- avant l'an 44i, et eut pour successeur Ba-
core cela de commun, qu'ils furent déposés sile, dont l'ordination se fit à Constantinople

par les Orientaux ^ comme s'ils eussent été par saint Procle qui en était évêque ^.
les auteurs du trouble et les causes du dé- 2. On rapporte au 27 juin de l'an 431, le
Rhêginus
sordre où les aft'aires de l'Eglise se trou- discours de Rlféginus, évêque de Constantia, évêque de
Coiifetanlia.
Son discours.
vaient réduites alors. Mais ils n'eurent garde méliopole de Chypre. Il le prononça en pré- Tom.UlCon-
p»e- s»"
de déférer à une sentence aussi injuste, et sence de tout le concile d'Ephèse. C'est une '''••

rendue sans aucune formalité. En vain les invective contre Nestorius, qu'il compare
Orientaux tentèrent d'ordonner un évêque pour son impicrtc aux juifs qui ont crucifié
d'Ephèse à la place de Memnon. L'église de Jésus-Christ, à Caïn, à Cham, aux Sodomi-
Saint-Jean-l'Evangéliste, où ils prétendaient tes. 11 donne cà la sainte Vierge le titre de
faire cette ordination, leur fut fermée, et le Mère de Dieu, et pour marquer qu'il ne di-

peuple les contraignit de se retirer en désor- visait pas le Christ, comme faisait Nestorius :

dre. Memnon se plaignit de cet attentat au ('Nous adorons, dit-il Dieu le Verbe, qui
'',

clergé de Constantinople, en le priant de n'a pas dédaigné converser parmi nous dans
publier les violences de Jean d'Antioche et la chair, reconnaissant en même temps que
des autres Orientaux, et de travailler à faire par là il n'a quitté en aucune façon la subs-
rappeler les comtes Candidien et Iiénée, de tance du Père, dont il tire son origine, et
peur qu'en continuant à tourmenter tout le qu'il est toujours demeuré la splendeur de
monde, ils n'obtinssent quelque chose de sa gloire, la figure de sa substance, soute-

' Totn. III ConciL, pag. 737, 769. ConciL, tom. IV. Elle est précédée d'une notice
* Ibid-, pag. 608 et 708. extraite de VOrieus Christianus. {L'éditeur.)
' Libérât., cap. vi. ^
Nos autem adoremus Deum Verbum, quod in carne
* Tom. I Concil. Harduin., pag. 1395. nobiscum versari non est dedignatum, quamvis per
5 Coucil. Epbes., Epist. ad Cœlestin., pag. 665. hoc a patenta substantia minime recesserit, existens
* La lettre de Memnon au tome LXXVII
se trouve splendor gloriœ et figura substantiœ ejus, portansque
de la Palrologie grecque, d'après Mansi, Coliect. omnia verbo oris sui. Regin., lom. lll Concil., pag. 380.
394 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
liant tout par la puissance de sa parole. » Il leur communion. Hellade de Tarse la refusa ^,

du concile d'Ephèse
faut renvoyer à l'article et il faut bien qu'Eutérius de Tyanes.
Himé-
ce qui se passa dans la septième session, au lius de Nicomédie et Dorothée de Marciano-
sujet de la requête que Rliéginus, Zenon et ple en aient usé de même, puisque Maxi-
Evagre présentèrent en plainte contre le mien les déposa. Jean d'Antioche approuva
clergé d'Antioche, qui entreprenait sur la le refus d'Hellade, et le loua de n'avoir pas
libertéoù ils étaient de choisir leur métro- voulu mettre le nom de Maximien dans les
politaindans le concile de la province, sans dyptiques de son Eglise. Tout cela n'éteignit
que l'évêque d'Antioche ou aucun autre s'en point dans le cœur de Maximien l'amour
mêlât. qu'il avait pour la réunion. Le pape saint
Maximien, 3. NestoHus ayant été déposé dans le con- Sixte lui écrivit plusieurs fois " pour l'enga-
j;_onsia''ntino - cilc d'Ephèsc, OU élut quclqucs iiiois après, ger à disposer les esprits à la recevoir. U le
p!e. Ses écrits.
pour remplacer, Maximien, prêtre de l'E-
le fit, et,quoique très-uni à saint Cyrille, il le
glise de Constantinople *. Instruit par saint pressa vivement d'abandonner ses anathé-
Chrysostôme, par Atticus et par Sisinnius, matismes ^, qui paraissaient un obstacle in-
il s'était toujours exercé dans les travaux de surmontable à la réunion. Il en écrivit même
la piété. On ne peut rien ajouter à ce qu'en au tribun Aristolaiis, comme pour se plain-
dit le pape Célestin dans la lettre qu'il lui dre de ce qu'il ne pressait point assez saint
écrivit sur son élection, u Nous avons eu, Cyrille sur ce point, et 4 Epiphane, son ar-

lui dit-il -, pour Votre Sainteté les sentiments chidiacre ^. La paix se fit enfin, et aussitôt
que nous devions avoir pour une personne Jean d'Antioche et les autres Orientaux écri-
illustre par sa candeur et la pureté de ses virent à Maximien une lettre de commu-
mœurs, et plus glorieuse par les belles qua- nion *°, témoignant qu'ils consentaient ause^i

lités de son âme que par le titre d'une vaine à son élection et à la déposition de Nesto-
éloquence. » Son ordination se fit par le suf- rius. Saint Cyrille lui écrivit sur le même
frage commun de l'empereur, du clergé et sujet ", rapportant un
heureux succès à la
si

du peuple. Maximien en donna avis au Pape force de ses prières. Quant à la lettre que
et à saint Cyrille. La première de ces deux lui en écrivit aussi Aristolaiis '-, elle est re-

lettres est perdue. Dans la seconde il donne gardée comme supposée par Dorothée de
de grands éloges ^ à la constance que saint Marcianoplc, qui pouvait bien n'en juger de
Cyrille avait fait paraître dans la défense de la sorte, que parce qu'il ne voyait qu'avec

la cause de Jésus-Christ, et à la patience par peine que ce tribun se déclarât si haute-


laquelle il avait surmonté les attaques du menf pour Maximien. Il reconnaît que cet
démon. Il le conjure de l'assister de ses évêque fit lire la lettre d'Arislolaiis dans
prières et de ses conseils dans l'épiscopat l'église,en présence du peuple. Maximien
dont on venait de le charger le motif qu'il : ne siège de Constantinople '^ que deux
tint le

allègue pour l'y engager, c'est qu'étant fi-è- ans, cinq mois et dix-neuf jours, c'est-à-dire
res, tout le bien que l'un ferait, appartien- depuis le 25 octobre 431, jusqu'au 12 avril
drait à l'autre. Quoiqu'il eût écrit ^ conjoiu- 434. De toutes ses lettres , celle à saint
tement avec Firmus de Césarée et Théodote Cyrille est la seule qui soit venue jusqu'à
d'Ancyre, au clergé de cette dernière ville, nous.
pour empêcher qu'on n'y admit les Orien- 4. même saint Cy-
Nous en avons une au
taux à la communion, il ne laissa pas de de la part d'Alypius, curé de l'église
rille **, i':

faire tout son possible pour les réunir ^. Il des Apôtres à Constantinople elle lui fut en- ; cyr-fi

leur envoya, comme aux autres, sa syiiodi- voyée à Ephèse par le diacre Candidien. Aly-
que, c'est-à-dire la lettre que les évêques pius y félicite ce saint évêque sur sa cons-
des principaux sièges écrivaient après leur tance dans la défense de la vérité, sur le suc-
ordination à leurs confrères les plus consi- cès avec lequel il y avait ramené ceux qui en
dérables dans l'Eglise, pour leur demander étaient entièrement éloignés, fermé la gueule

» Tom. III Concil., pag. 1080. — 2 Ibid., pag. lo74. ' Append. Concil., pag. 907.
3 Ibid., pag. 1061. ««Tom. III Concil., pag. 1087 et 1090.
* Append. Concil. Balviz., pag. 740 et 741. " Tom. III Concil., pag. 1155.
î>
Ibid., pag. 851. — « Lupus, Epist. 48, 49. '2 Append. Concil., pag. 816.
Tom. III Concil., pag. H78. t'i
Socrat., lib. VII, cap. XL. — '''
Tom. III Concil.
s Append. Concil., pag. 907, 9o8. pag. 788.
[lV« ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XXV. — MEMNON D'ÉPHÈSE, RHÉGINUS. ETC. 395

du dragon et terrassé l'idole de Bel. Il lui pcreiir, à moins de dire qu'il voulut, par mo-
attribue la foi d'Elie , le zèle de Phinéès , les destie, laisser à d'autre? le soin d'informer le

vertus de Théophile, son oncle, et la gloire concile de ce qui était arrivé dans l'audience
disant qu'il l'avait méritée par qn'il avait eue de ce prince; quoi qu'il en soit,
du martyre,
des combats semblables à ceux que saint ce concile reconnut, dans une seconde lettre
Athanase soutint autrefois pour établir la qn'il écrivit à saint Dalmace *, que c'était à
consubstantialitédu Verbe contre Arius. Aly- lui seul qu'il avait obligation d'avoir décou-
pius eut part aussi à la requête pleine de
' vert la vérité à l'empereur, ajoutant qu'il sa-
force et de générosité que le clergé de Cons- vait qu'avant que Nestorius vint à Constanti-
tantinople adressa à l'empereui" Théodose nople. Dieu avait révélé à ce saint abbé ce
pour la liberté de saint Cyrille et la condam- qu'il avait dans le cœur, et qu'il disait à tous
nation de Nestorius. ceux qui venaient à sa cellule de se garder
3. Saint Dalmace eut encorebeaucoup de de Nestorius comme d'une méchante bête;
part h cette requête. C'était de tous les moines qu'il devait nuire à beaucoup de gens par sa

de Constantinople, le plus célèbre pour ses doctrine. Le concile pria ce saint, dans la
vertus -. Il avait suivi quelque temps le parti même lettre, de continuer ses bons oflBces
des armes sous le grand Théodose mais, dans ; pour terminer toutes les difficultés qui s'éle-
le désir de servir Dieu avec plus de fidélité, vaient touchant la foi.
il quitta sa femme et ses enfants, excepté sou .\ la suite du récit de ce qui se passa à

fils Fauste, avec lequel il embrassa la vie l'audience de l'empereur ^ on trouve un écrit
monastique sous la conduite de l'abbé Isaac. intitulé Apologie de saint Dalmace où nous
: ,

Celui-ci, se voyant près de mourir, établit lisons qu'étant arrivé, avec les abbés et le
Dalmace supérieur de son monastère. 11 y peuple, à l'égUse de Saint-Mocius il monta ,

avait quarante ans que Dalmace y demeurait à la tribune et dit que l'empereur avait lu la
sans en avoir voulu sortir, quoique l'empe- lettre du concile et en avait été persuadé ;

reur l'en eût souvent prié, pour assister aux qu'il lui avait raconté par ordre tout ce qui
processions qui se faisaient dans les calami- s'y était passé, et qu'il en avait rendu grâces
tés publiques, lorsque, pressé par le concile à Dieu et approuvé la procédure du concile;
d'Ephèse de faire connaître à ce prince l'in- qu'enfin il avait permis que les évoques vins-
justice avec laquelle on opprimait une assem- sent. « Je lui ai dit, ajouta saint Dalmace : On
blée nombreuse et si respectable, il alla au
si ne leur permet pas de venir. Personne, m'a-
palais, accompagné de tous les moines de t-il dit, ne les empêche. Je lui ai dit On les :

chaque monastère, conduits par leurs abbés, a arrêtés. De l'auti'e parti, plusieurs vont et
chantant à deux chœurs par les rues. 11 pré- viennent librement; mais on ne permet pas
senta à Théodose la lettre du concile. Le de vous rapporter ce que fait le saint concile.
prince la lut y ajouta foi permit qu'on lui
, , Je lui ai dit encore, pour soutenir le parti do
envoyât des députés, et suspendit, sur les re- Cyrille Qui voulez-vous écouter, six mille
:

montrances de Dalmace, la résolution où évêques ou un seul impie? J'ai dit six mille,
il était d'envoyer en exil saint Cyrille et Mem- en comptant ceux qui dépendaient dos mé-
non, les croyant l'un et l'autre justement dé- tropolitains. Cela tendait h avoir un ordre
posés. Outre la lettre à l'empereur, le con- pour faire venir des évoques, comme il en
cile en avait écrit une à saint Dalmace. Dans vient de la part du concile, qui expliqueront
sa réponse, il témoigne aux évêques d'E- ce qui s'est passé. L'empereur m'a l'épondu :

phèse ^ combien il était sensible à leurs maux Vous avez bien dit; priez pour moi. Je sais,
et aux victoires que Dieu leur avait fait rem- dit encore saint Dalmace, que l'empereur est
porter par leurs soutlVances mêmes, protes- attaché à Dieu et au saint concile; qu'il n'é-
tant qu'il était prêt à exécuter ce qu'ils dési- coutera plus les hommes pervers. Priez donc
raient de lui, et qu'il ne s'était jusque-là re- pour l'empereur et pour nous. » Le peuple,
fusé à rien de ce qui pouvait leur être utile ,
ayant entendu ce discours, s'écria tout d'une
parce que c'était des intérêts de Dieu qu'il voix Analhème à Nestorius » L'empereur
: (( !

s'agissait. Il parait donc que saint Dalmace ayant envoyé ordre aux évêques des deux
écrivit celte lettre avant d'avoir parlé à i'em- partis de lui députer d'Ephèse qui ils juge-

« Tom. m Concil., pag. 777, 780. 3 Appond. Concil., pag. Gd7.


î 11 fut plus lard évèque de Cyziqae. {L'édileur.) * Ibid. — * Ibid., pag. 754.
396 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
raient à propos, les évêques qui étaient à de l'autorité de l'empereur, Basile et Thalas-
Constantinople, au nombre de sept, firent sius présentèrent une requête à ce prince, en
réponse à la lettre qu'ils avaient reçue du leur nom et au nom de tous les moines. Ils la
concile; le clergé de la même ville écrivit commencent en disant ^ que la connaissance
aussi ; à la tête de cette lettre * saint Dalmace de la vérité et la haine de l'erreur sont des
est nommé le premier, et ensuite Tigrius, dons de Dieu; ensuite ils protestent que leur
Samson et Maximien, comme les principaux doctrine sur l'incarnation est celle que l'Eglise
prêtres; elle porte qu'on avait lu publique- a reçue par tradition des apôtres, des mar-
* ment, dans l'église, les lettres du concile à tyrs, des confesseurs, des évêques, et em-
l'empereur, touchant la déposition de Nesto- brassée des princes chrétiens; la même qu'ont
rius; que tout le peuple l'avait approuvée professée saint Jacques, archevêque de Jéru-
avec des acclamations à la louange du con- salem, les apôtres, les martyrs, les conciles
cile, et que la seule chose qui restait à faire, et les Pères, entre lesquels ils nomment saint
était d'ordonner un évêque de Constantinople Irénée, saint Grégoire-Thaumaturge, saint
à la place de Nestorius. [La lettre au concile Basile, saint Grégoire de Nysse, saint Atha-
d'Epbèse, écrite par saint Dalmace et celle ,
nase, saint Ephrera, saint Grégoire de Na-
du clergé de Constantinople au même con- zianze, Ammonius, évêque d'Andrinople, l'é-
cile, V Apologie, sont au tome LXXXV de la vêque Vital, saint Amphiloque, Paul, .Antio-

Palynologie grecque, col. 1797-1802. Ces pièces, chus, saint Eustathe d'Antioche, saint Mé-
reproduites d'après Mansi, Col. Conc, t. IV, thodius de Tyr, Optimus d'Antioche en Pisi-
col. 1258, sont précédées d'une notice par die Léporius, saint Ambroise saint Jean
, ,

Lequien, Oriens christianus , tome 1. p. 752.] Chrysostôme, Séverin de Cabales, Atticus et


L'abbé Ba- 6. Lc uom
de l'abbé Basile ne paraît point saint Cyrille d'Alexandrie, qui est, disent-ils,
siie.sesécrits
^^^^ de cette lettre, mais il y
l'inscription encore vivant, et qui suit comme nous la règle
avait déjà plus d'une année qu'il s'était rendu de la vérité. Ils allèguent aussi le témoignage
recommandable par son zèle pour la vérité. du concile d'Antioche contre Paul de Samo-
Il était diacre et archimandrite. Ayant ouï sate, de celui de Nicée et du concile de toute

dire ^ que Nestorius, averti plusieurs fois de l'Afrique. Ils entrent dans le détail de toutes
rétracter ses erreurs, persistait à ne pas nom- les violences que Nestorius avait faites et fai-

mer Vierge Mère de Dieu, et Jésus-


la sainte sait tous les jours aux catholiques, et con-
Christ vraiment Dieu et par nature, alla le jurent Théodose de ne pas souti'rir que l'Eglise
trouver avec Thalassius, lecteur et moine, et soit corrompue de leur temps par les héré-

avec quelques autres, pour savoir de lui s'ils tiques. « Ce n'est pas pour nous venger,
avaient bien entendu ce qu'ils avaient ouï ajoutent-ils. Dieu le sait; c'est afin que la foi
dire de lui. Nestorius, après les avoir remis en Jésus-Christ demeure inébranlable. Nous
jusqu'à trois fois, leur demanda enfin ce qu'ils vous pi'ions donc d'ordonner ici, maintenant,
voulaient. ((Vous avez, lui dirent-ils, avancé l'assemblée d'un conseil œcuménique pour ,

que Marie n'est que mère d'un homme de réunir l'Eglise et rétablir la prédication de la
même nature qu'elle, et que ce qui est né vérité, avant que l'erreur s'étende plus loin ;

de la chair est chair; ce qui n'est point que cependant il ne soit permis à Nestorius
orthodoxe en ce sens. » Aussitôt il les fit d'user ni de violence, ni de menaces contre
prendre et conduire dans la prison de l'é- personne, jusqu'à ce que l'on ail réglé ce qui
vêché, où on les traita avec beaucoup de ri- regai-de la foi, et que ceux qui voudraient

gueur. De cette prison, le préfet de Constan- insulter aux catholiques soient réprimés par

tinople les passer dans une autre, chargés


fit
le préfet de Constantinople. Que si vous mé-

de chaînes; puis, les ayant fait amener à son prisez notre requête, nous protestons devant

prétoire, il les renvoya à leur première pri- leRoi des siècles qui viendra juger les vivants
son, voyant qu'il ne se présentait point d'ac- et lesmorts, que nous sommes innocents des
cusateur. Au bout de quelque temps, Nesto- &aux qui pourront arriver. » Ils se plaignent
rius les fit venir, et, après une explication cap- que Nestorius, non content d'employer ses
tieuse de sa doctrine les mit en libei-té.
, il clercs et ses domestiques ou syncelles, c'est-

Conlme il s'appuyait dans toutes cesviolences à-dire les clercs qui couchaient dans sa chaui-

' Append. ConciL, pag. 755. ConciL, pag. 425. - 3 Tom. III ConciL, pag. 425.
2 Basil., libell. ad Imperat., num. 2 etseq., tom. 111
[lV« ET V^ SIÈCLES.] CHAPITRE XXV. — MEMNON D'ÉPHÈSE, RHÉGLNUS, ETC. 397

bre suivant la coutume, se servait encore du s'éleva ^ contre lui en pleine église , et dit à

ministère de quelques clercs des autres dio- haute voix : » C'est le Verbe éternel lui-

cèses pour se soutenir dans ses vexations, même qui est né une seconde fois selon la
eux qui, selon les canons, devaient se tenir chair, et d'une Vierge. » A ces paroles, le

en repos dans les villes où ils avaient été or- peuple s'émut les plus instruits et qui fai-
; ,

donnés. Cela regardait Anastase et les autres saient aussi le plus grand nombre, donnèrent
ecclésiastiques venus d'.\nlioclie, qui étaient de grandes louanges à Eusèbe les autres :

attachés au parti de \estorius. s'emportèrtmt avec fureur contre lui. Cela se


La profession de de Basile et de Tlui-
foi passa vers la fin de l'an -4:28. Au commence-
lassius ne regarde que le mystère de l'Incar- ment de l'année suivante Nestorius , soutint
nation. Ils confessent que Jésus-Christ est Fils une troisième fois qu'on ne devait pas dire
de Dieu et vrai Dieu qu'en se faisant homme
;
que le Verbe divin fût né de Marie ou qu'il ,

pour l'amour de nous, il na pas cessé détre fût mort, rciais seulement l'homme en qui
Dieu qu'étant Dieu Verbe Fils unique de
;
, était le Verbe. Alors Eusèbe dressa par écrit
Dieu avant tous les siècles, il s'est fait homme une protestation en ces termes ^ « Je con- :

parfait et en tout semblable à nous, excepté jure, par la sainte Trinité, celui qui prendra
le péché, en naissant de la sainte Vierge ce papier, de le faire connaître aux évéques,
Marie pour le salut du genre humain d'une , aux prêtres, aux diacres, aux lecteurs, aux
manière qui n'est connue que de lui seul. Ils laïques qui demeurent à Constantiuople, et
soutiennent que la foi en la divinité de Jé-
'
de leur en donner copie pour la conviction
sus-Christ estnon-seulement celle des apôtres, de l'hérétique Nestorius qui est dans les sen-
,

des pères et des conciles, mais qu'il ne serait timents de Paul de Samosate, anathémalisé,
aisé à personne de compter les fidèles qui ont il y a cent soixante ans par les évéques ca- ,

professé cette foi et qui la professaient encore tholiques. » Il fait ensuite le parallèle de la
alors, tant lenombre en était grand. doctrine de Nestorius avec celle de Paul , et
Eusèbe, surnommé de Dorylée, était un
7. montre, par propres paroles de l'un et de
les
des plus zélés. Dès la seconde fois que Nes- l'autre qu'ils soutiennent qu'autre est le
,

torius proposa ses erreurs sur la personne Verbe, autre est Jésus-Christ, et non pas un
du Fils de Dieu, soutenant qu'il n'est jamais seul, comme enseigne la foi catholique. Il

nommé Dieu dans l'Ecriture, lorsqu'il s'agit oppose aux erreurs de Nestorius et de Paul,
de sa naissance temporelle ou de sa mort, et le symbole qui était en usage à Antioche,

qu'il y est appelé seulement C/uist, Fils ou qui, quoiqu'un peu différent, quant aux pa-
Seig7ïeur;^usèhc, quoique simple laïque, mais roles, de celui de Nicée et de Constanlinople,
très-verlueux et très-instruit de la religion. est le même quant aux sens ne reconnais- ,

> Porro auiem inter alia Dei bénéficia non immerito Ecclesiœ Alexandrinœ episcopo, Ephrem Syro, Gre'
censenda est veritalis cognitio, et odium falsœ cogni- gorio episcopo, Ammone episcopo, Vifulio episcopo,
tionis : quo riimirum explorata peispeciaqi'O habea- Amphilochio, Paulo, Antiocho, Eustathio, Methodio,
mus fidei mysteria, jam inde ab initio a sanctis apos- Optimo, Leporio, Ambrosio Mediolanensium episcopo;
lolis, martyribus, confessoribus et cpiscopis conspiran- ab uni versa synodo A fricana, Joanne, Severiano, At-
tibus ad
quoque reiigiosissimis principibus, catho-
id tico episcopo, Cyrillo Alexandriœ episcopo, qui e'iam-
licœ Ecclesiœ tradita : et primo quidem au apostolc num superstes nostrœ pietatis legem observât. Deni-
rum principe Petro, secundum cognilionem quam di- que nullus hominum facile enumeraverit omnes fidèles
vinitus perceperat, hanc palam confitenle posleritati- qui crediderunt et credunt in Christum Dei Filium,
que tradenle : Tu es Cbriitus Filius Dei vivi a Ja- : quod verus sit Deus. Neque emm posteaquam nostri
cobo apostolc et arcJnepiscopo , Jeanne apostolo et causa homo factus est, id quod erat, hoc est, Deus
evangelista, reliquisque evangelisiùi, martyribus, con- esse non desinens (quemadmodum et vesfra quoque
fessoribus, episcopis, atqne ab omnibus, qui consubs- pietas non ignorât), idcirco negabimus quod erat : sed
tantiali Trinitati crediderunt, et credunt; ab Irenœo, non credimus, et profitemur, et prœdicamus, Deum
Gregorio magno Neocœsareœ epiicopo; a sancfa sy- Verbum, unigenitumque Dei Filium, qui sœcula om-
nodo Antiochice contra Paulum Samosalenum congre- nia antecedebat, propter suam erya nos benignitatem,
gala, quœ centum octoginta numéro Patres compiexa, immensamque bonilutem, hominem perfectum, nobis-
illum propter suam impielatem [negabat enim Cliris- que per omnia similem ipeccato tantum excepto) effec-
tum nutura esse Deum, et Dei Patris Filiuin] exauc- tum esse; idipsum quod erat non amittens , modo
toravit; a magna et sancta trecentorum decem et octo quem solus ipse novif, ex sancta Virgine Maria pro
episcoporum synodo apud Nicœam habita, quœ sen- salute humani generis natum esse.
tentiam eorum qui Antiochiœ contra Paulutn Samo- * Mariuà Mercat., tom. II, pag. 12, 13.
satenuni convenerant, coufirmavit et approbavit ; a » Ibid., pag. 18, 19.
Basilio et Gregorio cpiscopis et fratribus, Athanasio
308 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
sant qu'un seul Fils unique de Dieu, né du jour dans l'égHse, il dit : u Que personne
Fcre avant tous les siècles, consubstauticlau n'appelle Marie Mèi^e de Dieu elle était une ';

Père, par qui toutes choses ont été faites dans femme , et il que Dieu naisse
est impossible
le ciel et sur la terre, et qui, sousTeniporeur d'une femme. » Tout le peuple, accoutumé à
Auguste, est né de la sainte Vierge Marie. 11 adorer Jésus-Christ comme Dieu, ne put
leur oppose encore le témoignage de saint soutlVir ces paroles sans indignation mais ;

Euslathe évoque d'Anlioche, l'un des trois


,
Eusèbe témoigna hautement qu'il les désap-
cent dix-huit évêques qui assistèrent au con- prouvait. Ce zèle dans Eusèbe a fait croire
cile de Nicée, qi'i dit que Jésus-Christ est aux plus habiles qu'on ne le laissa pas long-
non-seulement homme, mais Dieu, selon que temps dans l'état de laïque. 11 parait eu etlet -
l'enseigne le prophète Jérémie. Eusèbe n'al- qu'il était déjà dans le clergé lorsque saint
léguait ces preuves contre Nestorius que pour Cyrille écrivit ses cinq livres contre Nestorius,
montrer qu'il s'était écarté de la tradition de c'est-à-dire vers l'an 430. Il était évêque de
l'Eglise dans laquelle il avait été élevé. Il Dorylée en 448. Nous verrons, dans la suite,
finissait cette protestation par un anathème avec quelle vigueur il poursuivit la condam-
à quiconque disait qui est né du
que le Fils, nation de l'hérésie eutychienne dans le con-
Père avant tous les siècles, est autre que ce- cilede Chalcédoine, en 451. Nous remai-que-
lui qui est né de la Vierge Marie. Ce fut aussi rons seulement ici qu'avant d'entrer dans le
Eusèbe de Dorylée qui s'éleva le premier clergé ^, il faisait à Constantinople les fonc-
contre une proposition impie d'Anastase, l'un tions d'avocat ou de rhéteur, et qu'il était
des partisans de Nestorius. C'était un jeune employé , à la cour, dans les ati'aires du
homme hardi et entreprenant. Prêchant un prince.

CHAPITRE XXVI.

Saint Arsène, solitaire d'Egypte.

[Vers l'an 445.]

Premières *• Salut Arsèue, dont la naissance ne pou- voir la vanité et l'embrasa tellement du feu

MTnrArs''ène'! "^ait être que très-illustre, puisqu'il comptait de son amour, qu'Arsène, après avoir donné
des sénateurs parmi ses parents, fut instruit*, ses quarante premières années au monde,
dès sa jeunesse, dans les lettres grecques et s'en sépara entièrement pour ne plus s'atta-

latines, et dans toutes les sciences humaines. cher qu'à Jésus-Christ. Il était encore à la
La considération que le grand Théodose avait cour, lorsque, demandant à Dieu, dans la
pour lui ^, le lui fit donner pour parrain à prière, de lui apprendre ce qu'il devait faire

Arcade et Honorius, ses enfants. Il le chargea pour se sauver, il entendit une voix qui lui
même de leur éducation, dont il s'acquitta dit « Arsène, fuis la compagnie des hommes
:

avec autant de soin et d'attection que s'il eût et tu te sauveras. »

été leur père ^. Oiiligé, par cet emploi de ,


2. On met le temps de sa retraite entre

vivre à la cour, en suivit les usages, étant


il
l'an 390 et 394. On ne peut la mettre plus
toujours vêtu richement ', meublé superbe- tard, puisqu'il y avait déjà plusieurs années
ment, environné d'une troupe de domes- qu'il vivait dans le désert lorsqu'il y vit

tiques ^, couvert d'or et de soie usant de ,


Evagre, qui mourut en 399. Celui de Scété
parfums et de toutes les autres délicatesses lui parut plus propre pcmr mener, avec les
ordinaires à ce genre de vie ^ Dieu lui en fit saints pères qui y demeuraient une vie ca- ,

» Socrat., lib. VII, cap. xxxii; Liber., cap. iv; 5 Ibid., lib. III, cap. xxxvu.
Kvagr., lib. I, cap. ii; Theopli., in Chron., pag. 76. 6 Coteler., Analect., tom. III, pag. 43.
« Gyrill., toni. VI, pag. 20.
7 Vit. Pal., lib. m, cap. xxxvu.
3 Theophau., ia Chron., pag. 70, et Ilist. Acacii, 8 Coteler., Monum. seu Analect., toiu. I, pag. 367.
pag. 112.
9 Vit. Pat)-., lib. 111, cap. xxxix.
* Vit. Pat)'., lih. V, cap. vi, x, XV.
[iv ET x" SIÈCLES.] CHAPITRE XXVI. — S VINT ARSÈNE D'EGYPTE. 399

chée et Iranquille. Comme il y relierait un accepter la succession. Bien qu'on ne lui

jour ^ Dieu la prière qu'il lui avait laite étant donnât qu'une très-petite mesure de nourri-
encore à la cour, il entendit une voix qui lui ture pour son année il ne laissait pas d'en
"^
,

dit : <( Arsène ' , fuis la compagnie des hommes, faire part à ceux qui l'allaient voir. Quand

garde le silence et demeure dans le repos. » les nouveaux fruits étaient mûrs, il en de-

Ce sont là les premières choses qu'il faut faire mandait, en goûtait seulement un peu pour
pour se sauver et ne point pécher. Plus il éviter la vanité d'une abstinence singulière.
s'était vêtu richement dans le monde -, plus 11 passait ordinairement la nuit sans dormir ^:

il se vêtit pauvrement dans la solitude. 11 s'y mais, au point du jour, il dormait un peu
occupait ordiuairement à faire des corbeilles tout assis. Le dimanche ^, il demeurait de-

avec des feuilles de palmier et lorsque l'eau ;


bout jusqu'après le lever du soleil. Lorsqu'il
dans laquelle il les trempait pour les amollir venait à l'église ou à l'assemblée avec les
venait à se corrompre, il n'en changeait pas, autres solitaires, il se plaçait de façon qu'il

disant à ceux qui voulaient engager ^, l'y ne pût voir le visage de personne '^, et que
qu'ayant autrefois usé des parfums les plus personne ne vit le sien. Il n'ouvrait que très-
excellents, il était raisonnable qu'il suppoiiât rarement la porte de sa cellule à ceux qui
la mauvaise odeur de cette eau, afin qu'au venaient le visiter " mais s'ils étaient étran-
:

jour du jugement Dieu le délivrât de la puan- gers, il faisait exercer envers eux l'hospita-
teur inconcevaljle de l'enfer, et qu'il ne con- lité par Daniel, son disciple. 11 n'avait pas
damnât pas son âme avec celle de ce riche moins de peine à parler des mystères ren-
qui avait vécu dans les festins et dans les fermés sous la lettre de l'Ecriture sainte,
délices. Son amour pour la pauvreté fut sans quoiqu'il fût en état d'en expliquer les en-
égal n'ayant rien pour se procurer quelque
: droits les plus difficiles '2; la crainte de la
linge dont il avait besoin ^, il reçut en au- vaine gloire le au contraire, il con-
retenait :

mône de quoi en acheter, après quoi il ren- sultait volontiers les autres. La pensée de la
dit grâces à Dieu de ce qu'il rav;.it rendu mort l'occupait sans cesse il ne cessait pas :

digne d'être dans la nécessité de demander non plus de pleurer; en sorte qu'étant même
l'aumône en son nom. Ce fut peut-être dans assis pour travailler, il fallait qu'il eut tou-
cette maladie que le prêtre de Scété ^, l'ayant jours un mouchoir pour essuyer les larmes
fait transporter dans un logement près de qui lui coulaient des yeux. On raconte de
l'église, le fît mettre sur un petit lit et lui lui '3 que le soleil se couchant les samedis
donna un moine, qui le vit dans
oreiller. Un derrière lui, lorsqu'il était en oraison les
cet état, en fut scandalisé; mais ayant su du mains étendues vers le ciel, il priait sans
prêtre la manière dont Arsène avait été élevé, discontinuation en cette posture, jusqu'à ce
il demanda pardon de sa faute, reconnaissant, que cet astre, venant le lendemain à se le-
dans 1(1 vérité, qu'Arsène était plus humble, ver, lui frap])ât les yeux; et qu'alors il s'as-
plus austère que lui, qui, en passant de la vie seyait pour dormir un peu.
de berger à celle de solitaire, avait plutôt tem- 4. Los courses des Maziques, barbares de 11 Ti à Troé
pt à (lanope,
péré qu'augmenté la dureté de sa première la Libye, l'obligèrent d'abandonner le désert vers l'an 4.>0.

condition. de Scété vers l'an 430, après y avoir de-


^^, 3. Il arriva qu'un des parents de saint
*^
meuré environ quarante ans '*. Il passa de
"»• Arsène lui légua par son testament une là à Troé, lieu situé au-dessus de Babylone
grande succession. « Comment, dit le saint d'Egypte vis-à-vis de Memphis, et y de-
,

à celui qui apporta le testament, a-t-il pu me meura dix ans. De Troé il se retira à Canope
faire son héritier, puisqu'il y a si peu qu'il dans la Basse-Egypte, contraint encore par
est mort, et qu'il y a si longtemps que je le d'autres barbares de changer de demeure.
suis? » Il renvoya le porteur sans avoir voulu Pendant qu'il était à Canope ^'^, une vierge

Vit. Pair., cap. CXC. i«


» Ibid., pag. 357.
* VU. Patr., lib. III, cap. cxc. u Vit. Patr., lib. III, cap. VJU et cxcil, et lib. Vil,
3 Ibid., cap. xxsvn, xv et vi.— * Ibid., cap. vi. cap. xxxiv.
^ Coteler., Munum., toin. I, paq. 3G7. »* Ibid., lib. V, cap. ix, x et xv. et lib. III, cap.
6 Ibid., pag. 3G2. CLXIU.
^
Vit. Pat., lib. XV, cap. iv et vi. '3 Ibid., lib. III, cap. ccxi, et lib. V, cap. xii.
* Goteler. Monum., tom. I, pag. 3oG, et tom. II, » Coteler., tom. I, pag. 357, 371.

pag. 248. — 9 Ibid., toiu. I, pag. 3C3. >s Vit. Pat., lib. III, cap. lxv, et lib. V, cap. i.
400 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
roraaine, riche et vertueuse, d'une famille de prie pour elle. » Satisfaite de ces paroles,
sénateurs, vint à Alexandrie dans le dessein elle s'en retourna avec joie eu Italie.
de voir un homme d'une si grande réputa- o. Les fréquentes visites que saint Arsène
tion. Elle s'adressa d'abord à l'archevêque, recevait à Canope, lui firent prendre la ré-
qui s'employa, mais inutilement, pour lui solution d'en sortir après y avoir demeuré
faire obtenir de saint Arsène ce qu'elle sou- trois ans. Etant à Alexandrie, il tomba dan-
haitait. La dame ne perdit point courage, et gereusement malade. Mais aussitôt qu'il eut
dans le désir de voir, non pas un homme, recouvré ses forces, il reprit par eau le che-
mais un prophète, elle alla à sa cellule. min de Troé. H était encore sur le bord du
Dieu permit qu'elle le trouvât se promenant fleuve, lorsqu'une jeune fille égyptienne,
au-dehors elle l'aborda et se jeta à ses
: s'approchant de lui, toucha ses vêtements.
pieds, le visage contre terre. Le saint l'ayant Ill'en reprit d'un ton sévère. « Si vous êtes
relevée avec quelque sorte d'indignation, lui moine, lui dit cette fiUe, allez-vous-en à la
dit : « Si c'est seulement mon visage que vous montagne. » Cette parole fit sur lui impres-
désirez de voir, me voilà, regardez-moi » ! sion : et il se disait en la répétant : « Ar-
Surprise de ces paroles, la pudeur l'empê- sène, si tu es moine, va-t-en à la monta-
cha de lever les yeux. « Si l'on vous avait gne. » Il y alla en effet, c'est-à-dire à la ro-
raconté, ajouta saint Arsène, quelques-unes che de Troé. Ses deux disciples, Alexandre
de mes paroles qui vous eussent édifiée, et Zoïle, qu'il en sortant de
avait renvoyés
vous deviez vous contenter de les considérer Canope, vinrent ne le quittè-
le rejoindre et
en vous-même, sans penser, pour venir me rent point jusqu'à sa mort, qui arriva deux
voir, à traverser un si grand espace de mer. ans après, vers l'an 443. Il était âgé de qua-
Ignorez-vous qu'étant femme, vous ne de- tre-vingt-quinze ans, dont il en avait passé
vez point sortir de votre maison ? N'êtes- cinquante-cinq dans la retraite et dans la
vous venue ici que pour pouvoir dire, quand pénitence. Etant proche de sa fin, il dit à
vous serez retournée à Rome, que vous avez ses disciples « Ne vous mettez point en
:

vu un Arsène, afin de donner envie à d'au- peine d'avoir de quoi faire des aumônes
*

tres de passer aussi la mer pour me venir pour moi quand je serai mort, c'est assez
voir? » Elle lui répondit « Si Dieu veut que
: qu'on se souvienne de moi lorsqu'on oflrira
nulle autre ne vienne ici, je laisse cela à sa le saint sacrifice. Si j'ai fait quelque bonne

disposition, et je ferai même


ce que je pour- œuvre durant ma vie je la retrouverai ,

raipour l'empêcher, si je retourne à Rome. alors. » Il leur défendit de donner quoi que
Je vous demande de prier pour moi et de ce fût de son corps comme des reliques et :

me conserver en votre mémoire. » « Je prie les voyant en peine de savoir comment ils
Dieu, répartit le saint, qu'il efface la vôtre l'enseveliraient -, il leur dit : « Ne sauriez-
de mon
cœur. » Ces paroles l'affligèrent tel- vous m'attacher une corde aux pieds et me
lement, que la fièvre la prit lorsqu'eUe fut trainer ainsi à la montagne? » Les approches
de retour à Alexandrie. L'archevêque l'étant de la mort lui firent verser des larmes ^. Ses
venu voir, sur ce qu'on lui dit qu'elle était disciples en étant surpris, lui dirent « Pour- :

malade, lui demanda ce qu'elle avait et com- quoi pleurez-vous, mon Père? Avez-vous
ment s'était passée sa visite. Elle lui dit, donc aussi, comme peur de mou-
les autres,
après avoir rapporté les paroles du saint, rir? » « Oui, leur ai une
répondit-il, j'en
qu'elles la feraient mourir de douleur, et grande peur, et cette peur ne m'a jamais
qu'elle voudrait ne l'avoir jamais été voir. quilté depuis que je suis solitaire. Je crains,
Illa consola en lui disant « Ne savez-vous : et je crains beaucoup » sur cela il s'endor- ;

pas que vous êtes femme; et parce que c'est mit en paix.
d'ordinaire par les femmes que le démon at- 6. Nous avons sous son nom * un petit

taque les hommes, c'est pour cela qu'il veut discours qui est une exhortation à divers
etiacer voire visage de son cœur; mais, pour se garantir des divers pièges
solitaires,

quant à voire âme. ne douiez pas qu'il ne du démon ^. Le saint y remarque qu'il ne

» Nemo super me faciat charitatem, nisi in sol a 4 Tom. m


Auctuar. Gomb., pag. 301.
s
ohlatione ; ego si feci charitatem, invenio illam. Lib. La Doctrine et l'Exhortation d'Arsène, ses ^/>ojoA-
III, Vit. Pat., cap. CLxni. therjmcs se trouvent dans Galland, au tom. VII, avec
2 Ibid., lib. V, cap. xv. des prolégomènes. Le tome LXVI* de la Patrologie
3 Ibid., lib. m, cap. CLSUi, et lib. V, cap. xv. grecque, col. lC]5-I622,reproduitlaDoc^;'î«eetl'£'xAor-
[]V' ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XXVI. — S.UNT ARSÈNE D'EGYPTE. 401

sufiil point d'avoir recours aux jeûnes, aux sentèrent aux Israélites : mais ils ne les obli-

veilles elaux autres morliûcatious corporel- gèrent pas de les venir trouver. Ceux qui le
les pour purifier sa charr; qu'on doit en voulurent y allèrent; et les autres, au con-
même temps prendre soin de détruire les traire, ne les traitèrent qu'avec colère et
vices de l'âme, tels que sont l'envio, l'amour avec menaces, tuèrent même ceux qui
de la vaine gloire, l'orgueil et autres défauts avaient péché avec ces filles, et vengèrent
de cette nature que ceux qui ne s'appliquent
;
dans leur sangle crime qu'ils avaient commis
qu'à la pureté du corps, sans travailler à celle avec elles. Faites de même par rapport aux
de l'âme, sont semblables à des statues dont pensées de fornication. Quand vous les sentez
les dehors brillent par l'éclat de l'or ou de s'élever et comme vous parler dans votre
l'airain el dont le dedans n'est que de boue.
, cœur, ne leur répondez point; mais levez-
Il remarque encore que le démon se sert vous, priez, gémissez, et dites : Jésus-Christ,
des apparences mêmes du bien pour nous Fils de Dieu, ayez de moi. » Ce soli-
pitié
^
jeter dans le désordre; qu'à l'un il inspire taire ajouta « Je fais tout ce que je puis
:

l'amour de l'hospitalité, pour l'engager, sous pour méditer ce que j'ai appris par cœur
le prétexte de bien recevoir ses hôtes, dans de l'Ecriture sainte, sans que toutefois mon
des excès de bouche et dans d'autres vices esprit en soit touché de componction, parce
qui sont la suite de l'intempérance; qu'il que je n'en entends pas bien le sens; ce qui
persuade à un autre de faire l'aumône, afin me met dans une grande tristesse. » Saint
de lui inspirer en même temps l'amour de Arsène lui répondit « Mon fils, ne disconti-
:

l'argent. 11 en laisse quelques-uns sans les nuez pas de méditer sans cesse ces paroles
tenter du côté des mauvaises pensées, pour de vie et de salut. J'ai appris de plusieurs
que, se croyant au-dessus de tous les vices, saints Pères qu'encore que ceux qui
,

ils tombent dans celui de l'orgueil. Il con- conjurent les serpents n'entendent pas les
seille donc aux solitaires d'être sans cesse mots dont ils se servent pour les conjurer,
sur leur garde, et de s'appliquera découvrir les serpents n'ignorent pas quelle en est la
de quel côté, quand et comment le démon force et la vertu; qu'ils demeurent sans au-
les attaque. cun pouvoir de nuire, et leur obéissent de :

Parmi les autres instructions qu'on lit sous même, quoique nous n'entendions pas le
son nom, dans les vies et les apophthegmes sens de l'Ecriture sainte, les démons ne lais-
des Pères, voici celles qui paraissent plus sent pas de l'entendre; étant épouvantés par
remarquables. Un solitaire lui dit un jour '
; la puissance de ces divines paroles, ils nous
« Que dois-je faille, mon
Père? mon esprit quittent et s'enfuient, ne pouvant résister à
est toujours rempli de pensées impures qui ces mots sacrés que le Saint-Espi-it a profé-
ne me donnent aucun repos cela m'afflige : rés par la bouche de ses serviteurs les pro-
extrêmement. » Saint Arsène lui répondit : phètes et les apôtres. » Il dit à un autre soli-

« Quand vous vous apercevez que le dé- taire qui luidemandait quelque instruction ^ :

mon répand dans votre cœur les semences « Employez tout ce que vous avez de force et

de ces pensées, ne vous en entretenez point de vertu pour régler votre intérieur suivant
en vous-même. Les démons peuvent nous Tordre et la volonté de Dieu après cela, :

suggérer ces pensées, et ils n'y manquent vous surmonterez aisément tout ce qui peut
pas mais ils ne peuvent point nous y faire
; vous faire peine au-dehors » à quoi il ajouta
; :

consentir. Ainsi c'est à vous à les recevoir, « Si nous cherchons Dieu, il se découvrira à
ou à ne les recevoir pas. »Ce solitaire con- nous; et si nous avons soin de le retenir, il
tinua à dire : Mais que ferai-je? je suis
« ne nous quittera point. »
faible, et la passion me surmonte. » Alors le Saint Arsène racontait qu'un bon père de
saint lui répliqua : « Que firent les Madiani- Scété admirable dans ses actions, mais
"*,

tes? Us ajustèrent bien leurs filles et les pré- simple dans sa foi, et qui errait par igno-

tations. Les Apophtegmes sout au lome LXV, col. 87 maijnus esset iti agendo, in fide vero simples : unde
et seq. ^L'éditeur.) quia eral idiota, fallebatur, ac dicebat : « Non est
' Vit. Pair., lib. V, cap. y. rêvera corpus Christi, panis quem sumimus, sed an-
* Ibid., lib. III, cap. XL. titypum, seu figura. » Et audierunt duo senes, quod
^ Cotel.,Monum., tom. I, pag. 35. talem proferrel sennonem. Scientes auteni magnum
* Abbas Daniel Pharanita narravit hœc : Dixit pa- eum esse vitœ moribus , reputaverunt , ita loqui ex
ter noster abbas Arseitius de quodam Scetiota, quod simplicitate, absque malitia, Unde ad eum pro/'ecti

VllJ. 26
402 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
rance, disant que le pain que nous recevons etmon maître, si vous voyez dans le fond
dans la sainte communion, n'est pas le véri- de uion cœur que ce n'est pas par malice,
table corps de Jésus-Glirist, mais seulement mais seulement par ignorance, que je ne
sa figure; deux autres anciens Pères qui puis croire ce qu'ils me
donnez-m'en,
disent,
avaient ouï dire qu'il parlait de la sorte par s'il vous plait, la » Les deux
connaissance.
une pure simplicité, vinrent le trouver et lui autres, de leur côté, s'étant retirés dans
dirent : « Un
infidèle nous disait, il y a quel- leurs cellules, prièrent aussi Dieu en cette
que temps, que le pain que nous prenons sorte « Seigneur, révélez, s'il vous plait, ce
:

dans la sainte communion n'est pas le véri- mystère à ce bon vieillard, afin qu'entrant
table corps de Jésus-Christ, mais seulement dans la croyance qu'il est obligé d'avoir, il
sa figure. » Ce solitaire leur répondit: u C'est ne vous serve pas inutilement. » Dieu les
moi-même qui ai dit cela. » Ils lui réparti- exauça tous trois car la semaine étant fi-
:

rent « Au nom de
: ne Dieu, mon Père, nie, ils allèrent tous ensemble le dimanche
soyez pas dans une telle opinion mais ; à l'église, où ils se mirent sur une botte de
croyez comme l'Eglise catholique nous en- jonc, ce bon vieillard au milieu d'eux; après
seigne, et comme nous le croyons, que ce qu'on eut ofl'ert les pains sur l'autel. Dieu
pain est le corps même de Jésus-Christ, et leur ayant ouvert les yeux, ils virent seuls
que ce vin est son sang, non pas en figure, comme un jeune et quand
enfant sur l'autel :

mais selon la vérité. Car comme Dieu, au le prêtre étendit les mains pour rompre le
commencement, prit de la terre et en forma pain, ils virent aussi un ange de Dieu des-
l'homme à son image, sans que personne cendre du ciel avec un couteau à la main,
ose dire que l'homme ne fut pas l'image qui coupa cet enfant et reçut son sang dans
de Dieu, quoique Dieu soit incompréhensi- le calice et à mesure que le prêtre rompait
;

ble ainsi nous croyons que ce pain que Jé-


: le pain en de plus pefites parties, ils voyaient
sus-Christ a dit être son corps, l'est vérita- l'ange qui coupait aussi en morceaux les
blement et en etiet. » « Si je ne le vois de mes membres de cet enfant. Le vieillard étant
propres yeux, leur répondit le solitaire, je allé après cela pour communier, il reçut
ne demeurerai point satisfait de ce que vous seul, aude pain, de la chair toute san-
lieu
me dites. » Alors ils lui dirent « Prions : glante. Saisi de crainte à la vue de cet objet,
Dieu durant toute cette semaine sur le sujet il s'écria « Seigneur, je crois que le pain
:

de ce grand mystère, et nous espérons qu'il qui est sur l'autel est votre corps, et que ce
nous en donnera la connaissance. » Le vieil- vin est votre sang. » Il n'eut pas plutôt
lard se joignit à eux, et pria Dieu en ces ter- achevé ces paroles, que le morceau de chair
mes « Jésus-Christ, qui êtes mon Seigneur
: qui était dans sa main, se changea en pain

dixei'unt : « Abba, sermonem fidei contrarium aitdivi- Deus utrosque. Compléta ergo hebdomada, venerunt
mus de quodnm, quod putet non esse vers et natura dominico die ad ecclesiam, stetei'untque una très soli
corpus Christi quem sumimus panem, sed esse aniity- in uno embrimio; médius autem erat senex. Tune
pum. » Respondit senex « Ego sum qui ita sentio. »
: aperti sunt oculi eorum. Nam eum panis ad sacrani
///( vero monuerunt eum hisce verbis « Abba, noli sic : memam positus fuisset, tribus solis apparebat velut
tenere, sed quemadmodum iradit Ecclesia calholica. puerulus. Et ubi manum extendit presbyter ad fran-
Nos enim credimus, quod ipse panii corpus sii Christi gendum panem, Angélus Domini descendit de
ecce
sanguis Christi, secundutn veritatem,
et calix ipse sit cœlo habens culirum, et puerulum mactavit, ac san-
non secundum figurant. Sed sicut in mundi principio guinem ejus infudit in calicem. Tum quando presby-
Deus pulverem de terra accipiens, hominem formnvit ter in particulas fregit panem, etiam Angélus e pue-
ad imaginem suo.m, nec quisquam dicere potest, noii rulo particulas incidebat. Ut porro accesserunt ad su-
esse imaginem Dei, quamvis incomprehensa sit imago : mendum e sanctis, soli seni data est caro cruenta.
ita etiam de pane de quodixit: Corpus nieutn est, sic Quod intuitus, timuit, et clamavit, dicens : « Credo,
credimus, quod juxia veritatem corpus sit Christi. » Domine, quod panis corpus tuum sit, necnon calix
Tum senex in fit : « Nisi 7-es ipsa persuaserit, non sanguis tuus. » Atque illico caro quam prœ manibus
plane mihi erit satisfactum. » Illi ad eum : « Deum gerebat, evasit in panem, juxta mysterium. Et com-
deprecemur per hanc hebdomadum circa mysterium munionem sumpsit, gratias agens Deo. Aiuid ei senes :
hoc, confidimus eum nobis revelaturu77i. » Senex vero K Novit Deus humanum naturam, quod carnibus crudis
eum lœtitia admisit sermonem, Deumque orabat, di- vesci nequeat; ideo corpus suum transformavit in pa-
cens : « Domine, tu scis, me non propter maliliam nem, et suum sanguinem in vinum, iis qui fide susci-
esse incredulum; sed ne per ignorantiam aherrem, piunt. » Et gratias egerunt Deo de sene, quod non per-
mihi révéla. Domine Jesu Christe. » Senes quoque re- misisset perii-e labores iliius. Tune abierunt très illi
gressi ad suas cellas obsecrabant Deum, ac dicebant : in cellas suas ingenti eum gaudio. Gotel., Monum.,
« Domine Jesu Christe, mysteriutn istud révéla scni, tom. I, pag. 421; Vit. Pat., lib. V, cap. xviii.

ut credat, nec perdat labores suos. » Et exaudivit


[iv« ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XXVII. SAINT PROCLE DE CONSTAXTIXOPLE. /i03

comme il est dans nos mystères, et il le porta sent été inutiles, ils s'en retournèrent dans
dans sa bouche en rendant grâces à Dieu. leurs celhiles.
Les deux autres solilaires dirent ensuite au [ Ang. Mai a donné dans le dixième vo-
vieillard que Dieu, connaissant notre faiblesse lume de ses Classici Auctores, un fragment
et notre répugnance à nous nourrir de viande d'un discours de saint Arsène contre le Ten-
crue, avait voulu, en faveur de ceux qui le tateur de la loL Ce fragment est en grec et
recevaient avec foi, changer son corps eu en latin dans le tome LXVI de la Patrologie
pain et son sang en vin. Après avoir remer- grecque. L'auteur y développe la nécessité
cié Dieu de ce que sa bonté n'avait pas per- d'aimer le prochain et même ses ennemis.]
mis que les travaux de ce solitaire lui eus-

CHAPITRE XXVII.

Saint Procle, archevêque de Constantinople et docteur de l'Eglise.

[Ea 446.]

1 . On ne peut guère mettre plus tard qu'en lacour se détermina à lui donner l'évêché
390, la naissance de saint Procle, puisqu'on de Constantinople. Il ne le posséda pas long-
l'an 4:26 il fut proposé par diverses person- temps. Le concile d'Ephèse le voyant obstiné
nes pour succéder à Atticus archevêque de , dans ses erreurs, prononça contre lui une
Constantinople, mort le 10 octobre 4i5 *. sentence de déposition le 22 juin de l'an 431,
Saint Procle était fort jeune lorsqu'on le fit environ trois ans après son élection. On pro-
lecteur de l'Eglise de cette ville, et il en fut posa une troisième fois saint Procle pour
successivement fait diacre et prêtre, après évêque de Constantinople ^, et il eût été
s'être rendu digne de ces différents degrés choisi, si quelques personnes n'eussent re-
du ministère ecclésiastique ^ par son appli- présenté que les canons ne lui permettaient
cation à l'étude des sciences divines et hu- pas, étant nommé évêque de Cyzique, de
maines et par ses vertus. Sisinnius, qui lui passer à un autre évêché. Maximien fut donc
fut préféré dans le choix d'un évêque de élu par le sufirage de l'empereur, du clergé
Constantinople, un témoi-
voulut donner et du peuple. Il tint ce siège depuis le 25 oc-
gnage pubhc qu'il digne de l'épiscopat,
était tobre 431, jusqu'au 12 avril 434. Aussitôt
en le nommant à celui de Cyzique, métro- l'empereur Théodose fit introniser saint Pro-
pole de l'Hellespont ^. Mais les habitants de cle par les évêques. Son premier soin fut
Cyzique n'ayant aucun égard à la nomina- d'envoyer sa lettre sj-nodique à saint Cyrille
tion de Sisinnius, qu'ils ne croyaient pas et à Jean d'Antioche, pour leur demander
bjen fondée, élurent, suivant la liberté que leur communion.
leur en donnaient les canons, un moine 2. On s'attendait ^ qu'à cause du crédit Sa doncenr
et SI modéra-
nommé Dalmace pour leur évêque. 11 ne pa- qu'il avait à la cour, il enverrait cette lettre tiun dans le
pon verne -
rait par aucun endroit de l'iiisloire, que avec ordre de l'empereur, de chasser de ment. Ses let-
tres.
saint Procle se soit opposé à l'élection de leurs Eglises ceux qui ne la recevraient pas.
Dalmace; et il est certain que celui-ci de- L'histoire n'en dit rien elle marque seule-;

meura évêque de Cyzique, ayant assisté en ment que l'on condamna au bannissement
^

cette qualité au concile d'Ephèse ^. Après la les évêques qui refusèrent de se réunir, et
mort de Sisinnius, arrivée le 24 décembre que ceux qui se réunissaient promettaient
de l'an 427, beaucoup de personnes deman- de suivre le Pape, saint Procle, saint Cyrille
dèrent que saint Procle fût mis en sa place : et Jean d'Antioche. Saint Procle fit paraître
mais, sur la réputation qu'avait Xeslorius ^, beaucoup de bonté et de douceur dans son

' Socrat., lib. VII, cap. xxv. 5 Socrat., lib. VII, cap. xsix.
* Ihid., cap. xu. — 3 Ihid., cap. xxvni. 6 Ibid., lib. VII;cap. xxxv.
* Tom. m ConciL, pag. 447. ^
Append. ConciL. pag. 846. — 8 Ibid., pag. 887.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
gouvernement '. Il en témoignait à tout le quelques propositions extraites de ces écrits,
monde, sans excepter même les hérétiques, lesenvoyèrent à saint Procle pour en avoir
persuadé que la douceur était plus propre à sou jugement. Avant de le donner, il exa-
les ramener que la violence. Mais cette rao- mina avec grand soin toutes les propositions,
déi'ation ne venait ni de faiblesse ni de lâ- et il le fit, ce semble, dans un concile de di-
cheté, puisqu'il eut assez de courage pour vers évêques qui se trouvaient alors à Cons-
combattre les erreurs de Nestorius, lui pré- tantinople. Sa réponse, à qui l'on donne sou-
sent, sans se mettre en peine de son crédit vent le nom
de tome ^, comme aux autres
auprès du prince. Nous n'avons plus la lettre écrits des anciens évêques sur les matières
qu'il écrivit au clergé et au peuple de Mar- de la foi, fut approuvée de Jean d'Anlioche
cianople dans la Mésie -, contre Dorothée, et de son concile ^, de saint Cyrille et du
'^

évêque de ce lieu, qui avait osé anathé- concile de Chalcédoine ^. Elle fut citée dans
matiser le terme de Mère de Dieu; maïs il le cinquième concile général, par Facundus

paraît par ce qu'en dit cet évêque, qu'elle et beaucoup d'autres anciens, dont quelques-
était pleine de force et de vigueur. Quoique uns ^ la font passer pour ce que nous avons
l'autorité que Juvénal de Jérusalem voulait de plus exact et de mieux travaillé sur l'in-
s'attribuer sur la Palestine ^, ne fût point carnation Saint Procle, après y avoir dit quel-
.

appuyée sur les canons, saint Procle ne crut que chose touchant la nature des vertus mo-
point que cette démarche dût l'empêcher de rales et théologiques, s'arrête particulière-
l'admettre à sa communion l'abbé Gennade : ment à la foi et aux qualités qu'elle doit avoir,
s'en scandalisa; et saint Cyrille lui fît voir parce qu'il la regarde comme le chef des au-
qu'en cela saint Procle avait usé d'une sage tres vertu. Il demande pour qu'elle soit sin-
condescendance, qui veut que quelquefois cère '^, qu'elle ne se laisse altérer par aucun

l'on tolère de moindres maux pour en évi- raisonnement humain, ni salir par aucune
ter de plus grands. Saint Procle reçut eu nouveauté de paroles qu'elle se renferme de
;

436 ^ une lettre de Jean d'Autioche, qui l'ex- telle sorte dans les bornes de la doctrine

hortait d'employer sa sagesse, ses travaux et évangélique etapostohque dont nous faisons
ses sueurs, qu'on voyait tous les jours être profession de vive voix dans le baptême,
si utiles aux tidèles, à donner à l'Eglise une qu'elle n'entreprenne rien au-delà. Sur quoi
paix entière. Nous n'avons aucune connais- il allègue ces paroles de saint Paul Quand : oaia

sance de la réponse que lui fit saint Procle. nous vous annoncerions nous-mêmes, ou qu'un
^- CcUe qu'il fit l'aunée suivante 437, aux ange du ciel vous annonceimt un Evangile dif-
saietircaux

«"""éJiu'dS évêques de la grande Arménie, a été fort férent de celui que nous vous avons annoncé, qu'il

pag'^'^'nosf °et
célèbre et très-estimée dans l'antiquité voici :
soitanathème. Or, quelle est la foi que nous
p°.g.' liiT'' quelle en fut l'occasion. Les sectateurs de avons reçue des divines Ecritures? C'est que
Nestorius n'osant plus soutenir leur doctrine Dieu a fait le monde par son Verbe qu'il a ;

par les écrits de Nestorius même, s'avisèrent produit les créatures du néant ;
qu'il a im-
de répandre partout ceux de quelques au- primé une loi naturelle à l'animal raison-
teurs plus anciens qui, en réfutant Eunomius nable ; qu'il l'a doué du libre arbitre ;
qu'il
et Apollinaire, s'étaient exprimés d'une façon lui a donné des préceptes en lui marquant
assez conforme à ceUe de Nestorius, sur la ce qui lui était expédient, afin qu'il évitât
distinction des deux natures en Jésus-Christ. par son choix ce qui lui était nuisible que ;

Ils traduisirent même ces écrits en arménien, l'homme étant tombé volontairement dans
en persan et en syriaque. Les uns étaient de le péché, a pour cela été chassé du paradis;
Diodore de Tarse, et les autres de Théodore que Dieu, pour le ramener à son devoir, lui
de Mopsueste du moins on les leur attri-
: a envoyé des prophètes qui ont bien pu
buait. Les évêques d'Arménie, troublés par l'instruire, mais non le délivrer de l'escla-

' Socrat., ILb. VII, cap. xli, xui. 1" Fides quœ omnium virtutum est caput sincera
2 Append. Concil., pag. 840. servetur, nul lis humanis adulterala l'utiociniis nul-
3 Tom. VII Concil., pag. 73. — * Ibid , pag. 892. lisve sane profanis vocum novitatibus inquinata, sed
K Tom. III Concil., pag. 1218 et 1231. intra evangelicos et apostolicos terminos consistens,
6 Ibid., pag. 1202.— "
Tom. V Concil., pag. 4G7. îiemo impio eam ciusu violare audeat, per quam sal-
8 Tom. IV Concil., pag. 82G et 827. vati sumus et quam in baptismale linguœ ministerio
9 Tom. V Concil., pag. 465, 466; Facuud., lib. I, obsignavimus. ProcL, Epist. ad Armen. , ^la.^. 611.
cap. I; Libérât., cap. x.
, -

[iv« ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XXVII. — SAINT PROCLE DE CONSTANTINOPLE. 405


vage du démon que le Verbe lout-puissant,
;
comme d'avoir été enveloppé de langes, d'a-
qui est Dieu sans figure sensible, sans com- voir souffert la faim et la fatigue du voyage;
mencement, s'est fait cliair dans le temps qu'ils aient à choisir de deux choses l'une,
qu'il a voulu, ne naissant d'une vierge que, ;
ou de nier que le Verbe se soit véritablement
pour montrer qu'il s'était fait vraiment hom- fait homme; ou, en reconnaissant cette vé-
me, il a pris les habitudes et les passions de l'incarnation, de ne point
rité et l'utilité
attachées à la condition de la nature hu- rougir d'attribuer à Jésus-Christ des passions
maine ; et il n'est pas dit dans
qu'en effet qui conviennent à la nature humaine. Il con-
l'Evangile, Verbe soit entré dans un
que le fesse une seule hypostase du Verbe-Dieu in-
homme déjà parfait dans toutes ses parties carné, soutenant que c'est le même qui a
mais qu'il a été fait chair, y ayant eu dans souffert et qui a fait des miracles. Il convient
sa génération un commencement comme avec ses adversaires que la Trinité est im-
dans celle des autres hommes, dont les passible, et que
le Verbe est une personne
corps ne se perfectionnent que par degrés de la mais nous ne disons pas,
Trinité;
et par la succession des temps. Saint Procle ajoute-t-il, que le Verbe ait souffert dans sa
dit que les termes il a été fait chair, dont le nature divine, qui d'elle-même est impassi-
saint Evangéliste se sert en parlant de l'in- ble. C'est en cet endroit qu'il dit que le Verbe,
carnation, marquent une union des deux na- une personne de la Trinité, s'est incarné :

tures si puissante et si forte, qu'elle n'est sus- expression qui fit beaucoup de bruit quel-
ceptible d'aucune division comme l'unité ; ques années après. Il prouve l'unité d'un
ne se peut diviser en deux unités, parce Christ et sa divinité par divers passages de
qu'elle cesserait dès lors d'être unité. Il l'Ecriture. Il n'y a, dit saint Paul, qu'un Sei- icor. vm.
ajoute que ces mêmes paroles prouvent l'u- gneur Jésus-Christ, par qui toutes choses ont
nité de personne dans Jésus-Christ et l'im- été faites. Si toutes choses ont été faites par
mutabilité de la nature du Verbe car il : le Christ, il est évident que le Christ est le
n'est pas dit qu'il a été changé en chair ;
Verbe de Dieu, puisque l'évangéliste saint
mais qu'il s'est fait chair. Il conclut qu'il n'y Jean dit : Au commencement était le Verbe, et Joan. i.

a qu'un Fils qui, né du Père sans commen- le Verbe était avec Dieu,
Verbe était Dieu.
et le
cement d'une manière ineffable, s'est fait Il était au commencement avec Dieu ; toutes
voir sur la terre sans être séparé de celui choses ont été faites par lui. Il est vrai que le
qui l'a engendréa pris à cet effet et
;
qu'il Christ est appelé homme dans l'Ecriture :

pour sauver l'homme qu'il avait formé, un Vous savez, dit saint Pierre aux Juifs, que Act. 11,22.

corps dans le sein d'une vierge; qu'il est donc Jésus de Nazareth a été un homme que Dieu a
né d'une façon au-dessus du cours ordinaire rendu célèbre parmi nous. Et il l'est en effet ',
de la nature que c'est donc le Verbe même
; ayant été fait homme, lorsqu'auparavant il
qui s'est fait homme
qu'on ne peut point ; était seulement Dieu. De même qu'il est
dire que Dieu le Verbe soit autre que Jésus- consubstantiel à son Père selon sa divinité,
Christ, la nature divine ne reconnaissant pas il l'est à sa mère selon son humanité. La vé-

deux Fils que s'il y avait un autre Christ


; rité du mystère parait partout, sans aucun
différent de Dieu le Verbe, il s'ensuivrait que lieu d'erreur. Si celui que la Vierge a en-
le Christ est un pur homme ce qui ne peut : gendré n'est pas Dieu, quelle merveille y
ii.to. se soutenir, puisqu'il est dit qn'en son nom aura-t-il dans son enfantement? Ne connais-
tout genou fléchit dans le ciel, dans la terre et sons-nous pas plusieurs femmes qui ont mis
dans les enfers. D'ailleurs, quel sens donne- des hommes justes au monde? N'est-il pas
|h.„,. rons-nous à cet oracle du Prophète Notice : dit dans les Prophètes qu'une Vierge con-
Dieu a été vu sur la terre, et il a conversé avec cevra et qu'elle enfantera un Fils qui sera
les hommes? On ne peut l'entendre que de sa appelé Emmanuel , c'est-à-dire Dieu avec u^x.yn.
manifestation dans la chair. Il dit à ceux qui, que l'ange Gabriel l'a expliqué ?
nous, ainsi matth. i.

avouant, ce semble, que le Verbe a été véri- En vain on dira que ce qui est né est de
tablement homme, rougissaient de lui attri- même genre que celui de qui il est engen-
buer toutes les suites de la nature humaine, dré qu'ainsi la mère de Jésus-Christ étant
;

' Nam
et homo est rêvera Christus, sed hoc factus tialis, sic idem ipse secundum carnem cjusdem gcne-
cum prius non esset nisi tantummodo Deus... quem-
est, ris est cum Virgine. Procl., Epist. ad Armen., pag.
admodurn Patri secundum divinitalem consubstan- 619.
406 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
homme, il faut que son fils soit homme nous ne l'avons pas entière *. Saint Procle y
aussi ; cela n'est vrai que dans les généra- avait joint les propositions hérétiques que
tions qui se font suivant le cours ordinaire l'on répandait sous le nom
de Théodore de
de la nature; mais la naissance de Jésus- Mopsueste ^, afin d'en inspirer de l'horreur
Christ n'a point suivi cet ordre. L'enfante- aux Arméniens elles ne s'y trouvent plus
:
;

ment de Vierge est au-dessus de la na-


la mais c'étaient sans doute les mêmes qu'il in-
ture : celui qui en est né est Dieu. C'est le séra dans sa lettre à Jean d'Antioche, et qui
même qui, après avoir fait le monde, donné y sont encore elles étaient plus au long ^
:

prophètes, s'est fait homme


la loi, inspiré les dans la lettre que les Arméniens écrivirent
dans les derniers temps, et nous a envoyé eux-mêmes à saint Procle, pour le prier de
les apôtres pour nous procurer le salut. confirmer la sentence de condamnation qu'ils
Saint Procle rejette toutes les hérésies qui avaient prononcée contre Théodore de Mop-
ont enseigné une doctrine contraire, celle sueste, dans un concile assemblé non-seule-
d'Arius, d'Eunomius, de Macédonius, et le ment dés évêques d'Arménie, mais aussi de
nouveau blasphème fabriqué par Nestorius, ceux de la Perse et des nations voisines.
qui surpasse de beaucoup le judaïsme. Il ex- 4. Le trouble de l'Arménie était venu de
horte les Arméniens à garder avec soin les *
l'Orient, dont les évêques avaient été les plus
traditions qu'ils avaient reçues des saints attachés à Nestorius, et l'étaient encore à
Pères, et dont ils avaient la formule de foi Théodore de Mopsueste. Saint Procle leur
dressée par eux dans de Nicée, le concile envoya donc sa lettre aux Arm^iens avec "^
,

comme des bienheureux


aussi la doctrine une lettre synodique, où il priait Jean d'An-
Basile, Grégoire, et des autres dont les noms tioche et son concile de la signer, pour mar-
sont écrits dans le livre de vie. Ces deux quer qu'ils étaient unis dans la même foi. 11
saints, qui avaient vécu avec beaucoup de ne nous reste que deux passages de cette
réputation dans la Cappadoce pouvaient ,
lettre synodique à Jean et aux autres Orien-
être connus particulièrement des Arméniens; taux. Dans le premier, saint Procle recon-
et c'est apparemment pour cela que saint naît ^ que l'un de la Trinité a été crucifié
Procle les cite nommément. Sa lettre n'a pas selon la chair; dans le second, il distingue
de date dans le gi^ec mais dans le latin elle ; clairement les propriétés des deux natures,
est datée du quinzième consulat de Théo- disant ^ que celui qui est sans commence-
dose, et du quatrième de Valentinien, c'est- ment, naît selon la chair; qu'il croit en âge
à-dire de l'an 435 mais ou croit qu'il y a
; et se perfectionne selon le corps, quoique
faute, la suite de l'histoire ne permettant pas très-parfait de sa nature; qu'il soutire, quoi-
de mettre cette lettre avant l'an 436. On voit que supérieur à la douleur; souffrant les in-
par Jean d'Antioche et par Facundus - que jures et les opprobres, non dans ce qu'il était
saint Procle y confirmait la vérité du mys- avant son incarnation, mais dans ce qu'il a
tère de l'hicarnation par divers passages des été fait. Outre la lettre synodique, il en écri-

Pères, et par saint Cyrille ^; qu'il y disait vit une particulière à Jean d'Antioche, où,
nettement que le corps de Jésus-Christ était après lui avoir montré par l'exemple du ,

animé d'une âme intelligente et raisonnable. grand-prêtre Héli et de ses enfants, combien
Nous n'y trouvons rien de tout cela, ni ce il est dangereux de laisser le crime impuni

qu'en cite Jean Maxence, ce qui fait voir que et de ne veiller pas sur la conduite de ceux

1 Custodite tmditiones quas accepistis a sanctis ac 8 Dicentes autem iterum impassibilem Deum, id est,

beatis Patribus, qui apud Nicœam rectam fidem edi- Christum, confitemur eum non esse passum quod est,
derunt; et a sanctis ac beatis viris Basil io et Grego- sed quod factum est, id est, propria cnrne : et ita
rio et a reliquis qui cum illis eadem senserunt. Ihià., prœdicantes tiullo modo fallimur : quoniam quidem
pag. G21. et nnum, ex Trinitale secundum carnem crucifixum
2 Faciind.j lib. I, cap. i; Joan., Epist. ad Procl., fatemur, et divinitatem passibilem minime blasphe-
pag. 637, iuter oper. Procl. mamus. Procl., Oper., pag. 636.
3 Cyrill., Epist. ad Joan. Antioch., et Synod., part. 3,
9 Nascitur autem secundum carnem, qui principio
cap. XLiv. caret ; proficit vero per illam secundum corpus œtatem,
* Joan. Maxen., in not. ad Procl., pag. 622 edit. qui natura perfectissimus est; et passiones sustinet,
Rom. 1630. qui passionibus est superior; non eo quod erat susti-
s Libéral., cap. x. ?iens contumelias, sed in eo quod factus est suscipiens
6 Procl., oper. Rom. an. 1630, pag. 603. corporis passiones. Procl., apud Cyrill. , tom. III
? Libérât., ibid. Concil., pag. 1201.
[iv ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XXVII. — S \INT PROCLE DE CONSTANTINOPLE. 407

dont on est chargé il l'oxhortc à veiller tel-


, la condamnation récrivit à Jean et à son con-
,

lement sur son peuple qu'il n'en soutire au- cile que son intention n'avait point été de les
cun reproche. Il lui fait part des plaintes que obliger à condamner nommément Théodore,
les clercs et les moines d'Edesse et beaucoup n'en ayant fait aucune mention dans sa lettre,
d'autres, même des laïques zélés pour la foi, et n'ayant donné sur ce sujet aucun ordre à
faisaient de la conduite d'Ibas, accusé d'ai- son diacre Théodote, porteur de sa lettre. Il

mer beaucoup les folies de Xestorius, d'eu les pressa donc de nouveau de condamner les
inspirer le venin aux simples et d'avoir tra- propositions de Théodore, mais sans le nom-
duit en syriaque les passages de Tliéodoie de mer.
Mopsueste, qu'il avait joints à son tome, c'est- 6. Il se plaignit même au diacre Maxime de Lellre à
Maxime, ibid.,

à-dire à sa lettre aux Arméniens, dont je vous ce qu'on avait voulu déshonorer des per- (>=g. 632.

ai, lui dit-il, envoyé copie. Il témoigne ne pas sonnes qui étaient devant Dieu et qui n'a-
croire qu'lbas fût dans les mauvais senti- vaient été accusées de rien pendant leur vie,
ments enfermés dans les passages qu'il avait de s'informer comment il était arrivé
le p]'iant

traduits; mais parce qu'en les traduisant il qu'on eût mis le nom de Théodore à la tête
avait été une occasion de scandale à beaucoup de ces propositions, et de remettre le tout à
de personnes, et surtout au très-saint prêtre la prudence de Jean d'Antioche. Il le char-
et archimandrite Dalmace, il prie Jean d'en- geait aussi de renvoyer à Constantinople le
gager Ibas à signer sa lettre aux Arméniens diacre Théodote après que l'on aurait con-
,

et àanatbématiser les passages qui y étaient damné de peur qu'un plus


les propositions,
joints parce qu'encore
: que la foi soit la
• long séjour de sa part en cette ville ne cau-
plus excellente de toutes les vertus, elle cède sâtquelques troubles.
toutefois à la charité pour laquelle seule Dieu La lettre de saint Procle à Domnus, élu
7. LeKre à
Oomnus'i'An-
s'est fait homme. Théodote, diacre de l'Eglise évêque d'Antioche à la place de Jean, mort tiocbc ,
pag.
655.
de Conslantinople, fut porteur de cette lettre. en 441, regarde l'aÔaire d'Athanase de Per-
Aussitôt que Jean d'Antioche l'eut reçue avec rha. Accusé ^ de diverses fautes considérables,
la lettre synodique et les deux Tomes de saint tant par rapport â ses mœurs qu'à l'ad-
Procle il assembla les évoques de l'Orient.
, ministration des biens de son Eglise, il aima
Us trouvèrent mauvais d'abord qu'on leur mieux renoncer à son évêché que de compa-
demandâtde nouvelles signatures; mais ayant raître soit devant Doranus, soit devant Pano-
ensuite examiné la lettre de saint Procle, ils ble de Hiéraple métropolitain de l'Euphra-
,

les souscrivirent- et la lui renvoyèrent. Quant tésienne, et les autres évêques de la même
aux passages dont il leur avait demandé la province, assemblés en concile. Il se retira
condamnation, ils répondirent que plusieurs dans une terre qu'il avait dans le diocèse de
étant clairement orthodoxes et les autres sus- Samosate. Mais regrettant l'évêcbé de Per-
,

ceptibles d'un bon sens, ils ne pouvaient les rha, il y revint vers l'an 444, et entreprit
analhématiser sans condamner en même même d'y faire quelques ordinations. Les ec-
temps les plus illustres Pères de l'Eglise qui clésiastiques de la ville qui avaient été ses
,

avaient parlé de même. mettaient de ce


Ils accusateurs ne voulurent point l'y souffrir.
,

nombre ^ saint Ignace^ martyr. 11 prit donc le parti de quitter la Syrie et de

^
j Ce qui engagea particulièrement les
5. se retirer à Constantinople. Saint Cyrille

ifl'iii
Orientaux à refuser de condamner les propo- d'Alexandrie y était ce semble avec saint
, ,

'*'"°-
sitions que saint Procle leur avait envoyées, Procle. Athanase leur entendre que ses
fit

fut qu'on les attribuait nommément à Théo- propres ecclésiastiques secouant le joug de
''
,

dore de Mopsueste, qu'ils regardaient comme la soumission qu'ilslui devaient, l'avaient non-
Ihonneur de leur pays , tant à cause de son seulement chassé de son Eglise, mais qu'ils
grand savoir que pour l'éclat de ses vertus. avaient encore ôté son nom des sacrés dip-
Saint Procle, fâché qu'on eût mis le nom de tyques, déposé les économes à qui il avait
Théodore aux extraits dont il avait demandé commis l'administration des biens de l'Eglise,

' Fides quœ sola est 7iatura et ralione superior, rem Ignatium, qui secundus post Petrum Apostolorum
vmni virtute melior est, per hoc solutn cèdent charilali, primum Antiochiœ sedis Ecclesiam ordinavit. Ibid.
quod qui créditai- Deus, propter solam charitatem fiomo pag. 638.
faclus est. Procl., Epist. ad Joan., p:ig. 634. * Tom. IV Concil., pag. 730 et suiv.
* Epist. Oriental, ad Procl., pag. 638. •5
Procl., Epist. ad Domn., pag. 636.
' His similia invenimus... apud mafjnum marty-
408 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
et renversé tout l'ordre ecclésiastique. Il ajou- taninople le corps de saint Chrysostôrae, vou-
tait que s'il ne s'était point adressé à son mé- lant par là réunir au corps de l'Eglise de cette
tropolitain , c'est qu'il était son ennemi dé- ceux qui s'en étaient séparés depuis la
ville

claré, jusque-là qu'il excitait ses propres ec- déposition et l'exil de ce saint, c'est-à-dire
clésiastiques contre lui. Saint Procle, frappé depuis trente-cinq ans. Il le plaça dans l'é-
du procédé des clercs de Perrlia ,
qu'il ne glise des Saints-Apôtres, sépulture des em-
connaissait que par le faux récit d'Atlia- pereurs et des archevêques de Constanti-
nase , Domnus d'Antioche pour le
écrivit à , nople. Théodose et sa sœur Pulchérie assis-
prier de faire examiner l'atTaire, de com- tèrent à cette cérémonie. Plusieurs années
mettre à cet effet quelques évêques voisins, auparavant, Atticus avait fait rétablir la mé-
si la ville de Perrha était trop éloignée d'An- moire de ce saint, quoiqu'il en eût usurpé le
tioche, et de déposer sans miséricorde les siège et on avait * commencé, dès l'an 428,
;

ecclésiastiques qui se trouveraient coupables. à célébrer sa fête dans le palais de Théodose,


Il fait entendre à Domnus qu'Athanase, en le 26 septembre. Nous avons un fragment
s'adressant à d'autres qu'à lui , n'avait point latin d'un discours que saint Procle prononça
prétendu déroger au droit et à l'autorité de dans cette solennité. On y voit combien il
la ville d'Antioche et que , s'il se mêlait de était pénétré d'amour, d'estime et de véné-
cette afiaire avec saint Cyrille, ce n'était que rationpour saint Chrysostôme, qu'il compare,
comme médiateurs enfin qu'ils ne le priaient
; pour son zèle , pour son savoir et pour ses
d'avoir égard à leurs lettres que par la cha- travaux , à saint Jean-Baptiste , à saint lean
rité qui les unissait tous ensemble. l'Evangélislc , à saint Pierre et à saint Paul.
8. Sur la fin de l'an 436 ou au commence- Il le prononça, non dans le palais, mais dans

ment de 437, Mélanie la Jeune vint de Jéru- l'église même où saint Chrysostôme avait
salem à Constantinople, dans le dessein de prêché ^; ce qui fait voir que la célébration
travailler à la conversion de Volusien, son de sa fête avait passé du palais à l'église mé-
oncle, qui était ' encore païen. Elle fit^ tout tropolitaine mais son corps n'avait point en-
;

ce qui dépendait d'elle pour lui faire conce- core été transféré de Comane ^. Baronius
'^
voir la grandeur des biens que les chrétiens croit que ce fut à l'occasion de ce discours
espèrent de Dieu, mais elle lui fit aussi par- que les fidèles demandèrent avec instance
ler par saint Procle, dont les discours pleins qu'on leur rendît le corps de saint Chrysos-
de sagesse l'engagèrent à reconnaître la vé- tôme, et que leurs acclamations fréquentes
rité. Il reçut le baptême de ses mains, et il pendantl'élogequ'cnfaisait saint Procle, l'em-
disait depuis que ses ^ paroles étaient si per- pêclièrent de l'achever. Il remarque que dans
suasives et si efficaces, que si Rome avait les anciens lectionnaires de il faisait partie
trois personnes comme lui, il n'y resterait plus l'office de la fête de
de ses re-
la translation
aucun païen. Nous avons vu, dans l'article liques à Constantinople, et c'est de ces lec-
de saint Sixte, qu'il écrivit à saint Procle, tionnaires qu'il l'a fait passer dans le cin-

\ dans le mois de décembre de l'an 437, pour


le prier de traiter comme infracteurs des ca-
quième tome de ses Annales. Il paraît aussi
que ce fut saint Procle qui fit la translation
nons les évêques d'Illyrie qui iraient à Cons- solennelle de quelques reliques des quarante
tantinople sans avoir, par écrit, le consente- martyrs à Constantinople *, car elle se fit
ment de l'évêque de Thessalonique, et d'em- sous son pontificat, vers l'an 438.
pêcher que l'on ne surprît l'empereur pour 10. En 439, ceux de Césarée en Cappadoce
Il crd
obtenir de lui quelque rescrit au préjudice étant venus lui demander un évêque en la divers
ques.
des droits de cet évêque. Le même Pape par- place de Firmus, qui venait de mourir, saint
lait dans cette lettre
, d'un jugement rendu , Procle leur nomma Tallassius préfet d'Illy- ,

par saint Procle en faveur de l'évêque de rie,sans doute avec l'agrément de l'empe-
Smyrne, et ordonnait de l'observer. reur ^. Il par ce prince à
fut aussi autorisé
Il transfère 9. Au commencement de l'année suivante donner pour évêque à d'Ephèse un
la ville
le corps de
saint thrysos-
438, saint Procle transféra de Comane à Cons- nommé Basile, qui, étant mort en 444, fut

1 Phot., Cod. 53, pag. 44. * In ponfo jacet. Ibid.


* Surius, ad diem 30 decemb. '
Barou., ad an. 438, tom. V, paj
8 Ibid. — ''
Marcell. , in Chron. 8 Socrat., lib. IV, cap. ii.
» bi domo ejus, in qua sacra intonuit tuba. Pag. 567. 9 Ibid., lib. YIF, cap. XLviii.
.

[iv« ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XXVII. — SAINT PROGLE DE CONSTANTLNOPLE. 409

remplacé par Bassicn '. Saint Procle n'ap- le comte Marcellin et la Chronique orientale
prouva point l'intronisation de ce dernier, en font mention. Mais, sans reculer le temps
parce qu'elle lui paraissait irrégulière. Néan- de la mort de saint Procle, que les Menées des
moins, l'empereur lui ayant demandé de la Grecs mettent en 446, en quoi elles sont sui-
confirmer, il le fit de l'avis des évêques et du vies par plusieurs savants, ne peut-on pas
clergé. Il le reçut à la communion mit son , dire que, quoique les historiens qui ont écrit
nom dans les diptyques, et écrivit en sa fa- sous règne du jeune Théodose, ne mettent
le

k veur au clergé et au peuple d'Ephèse de


même qu'aux évêqiies d'Asie. Ces lettres que
nous n'avons plus, sont appelées synodiques
,
, aucun tremblement de terre sous l'épiscopat
de saint Procle, il peut néanmoins y en avoir
eu dont ils n'ont point parlé. Il y en eut un
dans la requête que Bassien présenta à Va- en430; toutefois, aucunauteur du temps n'en
lentinien en 431,. d'où il est naturel de con- dit rien, et il n'est connu que par la Chronique

clure que saint Procle avait assemblé les orientale ou d'Alexandrie. Il faut ajouter que
évêques qui se trouvaient à Constantinople, le témoignage de ceux qui mettent l'institu-

pour délibérer avec eux sur l'ordination de tion du Trisagion sous l'épiscopat de saint
Bassien. Il ordonna encore Eusèbe évêque Procle ^, à l'occasion d'un tremblement de
d'Ancyre -, et Pierre évêque de Gangres ^. Il terre, disent deux choses : que c'est le
l'une,
donna son approbation à l'ordination du comte saint évêque qui a établi cette hymne, et
Irénée *, que Domnus d'Antioche avait fait de son temps un trem-
l'autre, qu'il s'est fait
évêque de Tyr, quoique bigame. Nous n'a- blement de terre qui en a occasionné l'éta-
vons point de connaissance du synode qu'il blissement. Sur ce pied-là, il est inutile de
tint à Constantinople vers l'an 443. Il paraît toucher à l'époque de la mort de saint Procle,
seulement que la lettre synodique qu'il signa ^, mise communément par les Grecs en 446.
pouvait regarder les droits et le rang de l'E- On peut aussi les suivi^e dans leur sentiment
glise de Constantinople. Il s'employa, à la re- sur l'instituteur du Trisagion. Ils sont d'ac-
commandation de Théodoret, en 4'i6, à déli- cord que c'est saint Procle Longtemps avant
^.

vrer de l'oppression un habitant de Cyr. lui l'Eglise joignait aux prières sacrées du
11. Il mourut la même année, après avoir sacrifice ces paroles qu'Isaïe avait entendu
go^^'^'ci'ûé l'Eglise de Constantinople douze chanter aux chérubins Saint, saint , saint :
b*L T?
î*»"- ans et quelques mois. D'autres diffèrent sa est le Seigneur Dieu des armées. Saint Procle

mort jusqu'en 447 en suivant cette époque,


;
ajouta celles-ci « Dieu saint
: saint et fort, ,

ils sont plus en état de satisfaire aux diffi- saint et immortel ayez pitié de nous n On les
, .

cultés que forment ceux qui font passer l'ori- trouve pour la première fois parmi les accla-
gine du Ti'isagion pour une fable ^; car une mations que firent les évêques de Chalcédoiue ^

de leurs principales raisons est que le com- à la fin de la première session du concile,
mun des Grecs la met dans un tremblement environ cinq ans depuis la mort de saint
de terre arrivé le 24 de septembre de l'an 39 Procle ce qui est une preuve qu'elles n'é-
,

de Théodose le Jeune, c'est-à-dire en l'an 446, taient en usage que depuis peu, c'est-à-dire
et qu'il n'y eut en cette année-là aucun trem- depuis que saint Procle avait établi le Trisa-
blement. Ils ne peuvent au contraire discon- gion. Pierre le Foullon, évêque d'Antioche en
venir qu'il n'y en ait eu un en 447, puisque 473, y fît une addition en ces termes « Vous :

1 Tom. IV Concil., pag. 690, 691, 694. ut timentes Bysantii extra civitatem, in loco qui dici-
î Tom. IV Concil., pag. 815. — 3 Ibid., pag. 814. tur Campus , essent persévérantes cum episcopo ad
* Append. Concil. Bains., pag. 860. Deum precibus et litaniis vociférantes. Quadam ergo
5 Theod., Epist. 47, pag. 930, 931 die fluctuante terra omni plèbe attentius excla-
et
« Trisag., pag. 27 et 30. mante : Kyrie eleison* circa horam tertiam, omnibus
' Tempère ter beati Procli
ex divina revelatione videntibus contigit divina virtute sustolli quemdam
ter sanctum hijmnum cecinerunt : Sanctus Deus, sanc- adolescentulum in aerem, et audiri divinam vocem
tus fortis, sanctus immortalis, miserere nobis. Nempe admonentem eum episcopo ac populo nuntiare ut lita-
cum puerum quemdam e média supplicaniinm turba nias facerent et dicerenl Sanctus Deus, sanctus for-
:

sublime raptvm fuisse aiunt, atque virtute quadam tis, sanctus immortalis, miserere nobis; nihil aliud

angelicn in aerem evectutn, hune hymnum didicisse, apponentes. Sanctus autem Proclus, hac suscepta sen-
quantumque in hoc hi/mno divinitatis inesset, calami- tentia, prœcepit populo sic psallere, et statim terrœ
tatis quœ tune grassabatur levationem, testimonio motus cessavit. Theoph., in Chron., et alii plurimi
esse. Damascen., Epist. de Trisag. tom. oper. Procl., pag. 8, 9, 10.
* Sub hoc sanctœ memoriœ Proclo ierrœ motus facli 9 Tom. IV Concil., pag. 323.

tunt magni Constantinopoli per quatuor menses : ita


,

410 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


qui avez été crucifié pour nous, ayez pitié de d'Adam*', tombaient nécessairement dans la
nous, » attribuant ainsi la passion, non au condamnation dans
mort éternelle, s'ils
et la
Fils seul, mais à toutes les trois personnes de u'avaient été rachetés par une victime dont
la sainte Trinité, en disant analhème à qui le prix répondît à la grandeur de leur dette.
ne tiendrait pas ce langage. Il mit, par cette Aucun homme ne pouvait les racheter, puis-
nouveauté, la division dans le peuple de son qu'ils étaient tous coupables et avaient éga-
Eglise, parce que cette addition pouvait re- lement besoin d'un sauveur. Aucun ange ne
cevoir un mauvais sens; en effet le concile, le pouvait, parce qu'il n'eût point trouvé de
appelé in Trullo *, défendit, sous peine d'a- victime propre. Il fallait donc que Dieu se li-
nathème et de déposition, de s'en servir. vrât à la mort pour nous racheter; c'était le
Ses discours. 12. On nous a donné vingt-deux homélies seul moyen qui restât. Or, Dieu demeurant
Homélies sur
la sainte Vier- sous le nom de saint Procle. La première seulement Dieu, ne pouvait mourir. Il a donc
ge, pa?. 59
etédit. Rora., est celle qu'il fit contre Nestorius même qui fallu qu'il se fit homme pour sauver les
ano 1630.
prononça, ce semble, vers le
l'écouttiit. Il la hommes, et qu'il devint tout ensemble et
commencement de l'an 429, en un jour de notre victime en donnant son sang et son
,

fête de la sainte Vierge, dans la grande église corps à la mort afin de nous en délivrer, et
de Constantinople. Eiie fut écoutée du peuple notre pontife pour se présenter au Père en
,

avec de grands applaudissements; mais Nes- notre faveur. Il convient qu'il n'y a que Dieu
torius en fut si choqué, qu'il prit sur-le- seul qui connaisse la manière dont il s'est
champ la parole pour détruire ce que saint fait homme dans le sein de la Vierge, et que

Procle avait avancé, et depuis ce temps-là il sa naissance n'est pas moins miraculeuse ',
se déclara son ennemi. On a rais cette ho- puisqu'il est né sans avoir rompu le sceau
mélie à la tête des Actes du concile d'Ephèse, de la virginité de sa Mère, et qu'il a été conçu
et elle est citée sous le nom de saint Procle de même. Il combat sous divers noms l'hé-
par plusieurs anciens écrivains ecclésiasti- résie de Nestorius, soutenant que de dire que
ques^. Dès l'entrée de son discours, il donne le Christ et le Verbe sont deux, c'est mériter

à la sainte Vierge le titre de Mère de Dieu ^, d'être divisé et séparé de Dieu même, et éta-
et il en fait de même à la fin. Pour montrer blir une quaternité au lieu de la Trinité que
qu'elle méritait cette qualité, il prouve que nous adorons ^.
son Fils n'était ni seulement Dieu ni seule- , 13. On ne trouve, dans la seconde homé-
ment homme *, mais Emmanuel, Dieu et lie, ni le génie, ni le style de saint Procle.
homme, sans aucune confusion des deux na- L'orateur, au lieu de s'attacher à son sujet
tures ^; « car nous ne prêchons point, dit-il, principal qui était d'établir le mystère de
,

un homme déifié, mais un Dieu incarné. » 11 l'Incarnation s'amuse à des questions qui
,

donne pour raison de l'incarnation du Verbe n'ont que peu ou point de rapport à ce qu'il
le salut du genre humain. Tous les hommes, avait entrepris de traiter. Il cherche, dans la
engagés au démon et au péché par la chute formation de l'homme, des figures de l'incar-

1 Concil. TruUau., Can. 82. demnationis causa prœcipites abirent in mortem


2 pag. 86.
Ibid., quandoquidem omnes peccaverant ; aut ut ejusmodi
et
3 Hic aulein nos modo coegit in unum saticla Dei pretium in pœnœ repensionem penderetur quod uni- ,

genitrix et Virgo Maria, impoUutus ille virginitatis verso débita juste adamussimresponderet. Atquihomo
thésaurus. Procl., Orat. i, pag. 60. Eti evidens de- quod peccati débita subjaceret , salvare utique non
monstratio sacrœ Deiparœque Virginis Mariœ. Ibid., poterat. Angélus vero, quod tantum pretium rcdemp-
pag. 66. tionis ipsi non suppeteret, genus humanum redimere
* la unum coiere naturœ, et absque ulla omnino nequibat : supererat igitur, ut impeccabilis Deus pro
confusione earum, fuit unitio. Ad salvandum vcnerat, peccaforibus moreretur : unica enim hœc resiabat
sed pati illum quoque oportebat : at utraque hœc quo- mali redemptia. Quid itaque? Ille ipse qui naturam
nam pacto fieri poteraut? Purus homo salvare non universam ex nihila, ut esset, effecerat... fit hama ex
poterat : Deus solus pati nequibat; quid igiiur? Ipse virgine, rnoda ei pernoto, et marti tradit id quod fac-
Deus cum esset, factus est homo, hoc est Emmanuel. tum est, et redemptionis pretium, id quod erat exsol-
Ibid., pag. 65. vit. Ibid., pag. 6a.
5 Ubi supra.
"
Naturœ quidem portas reseravit ut homo : virgi-
« Quoniam humana natura ex peccatis, multis obs- nitatis autem claustra non violavit, neque perrupit
tricta debitis, quod debebat dependere nulla ratione ut Deus. Ibid., pag. 06.
poterat; per Adamum quippe omnes, peccato quasi 8 Quod si alius est Christus et alius Deus Verbum,
chirographo accepta serves nos tenebat diabolus... nos- jam sanctu trinitas non erit : sed secundum te hœre-
que ad supplicium et condemnationem deposcebat; tice, quaternitas. Ibid.

erat itaque alierutrum necessarium, aut ut omnes con-


,

[iv' ET v« SIÈCLES.] CHAPITRE XXVIl. — S AINT PROCLE DE CONSTANTINOPLE. 11

nation, et il réussit assez mal. Que fait à ce Juifs, qui ne s'y occupaient que de ce qui
mystère de savoir pourquoi Dieu a tiré d'A- pouvait contenter leur gourmandise et leur
dam, pendant qu'il dormait, une côte pour sensualité.
en former Eve, et non pendant qu'il ne dor- lo. La quatrième homélie fut faite le jour Discours

mait point ? Aussi n'en tire-t-il aucune induc- de Noël; le commencement est le même que «nce^iu s'ao-
""' "" '
tion pour l'incarnation du Verbe. Il se con- celle de Théodote d'Ancyre, laquelle fut lue
tente de nous apprendre que Dieu en a agi dans le concile d'Ephèse *; mais la suite est
ainsi de peur qu'Adam se sentant tirer une , plus du style de saint Procle et il y a des ,

côte ne prit occasion de la douleur qu'il en


, pensées et des expressions toutes semblables
avait ressentie de haïr sa femme et de vivre à celles que l'on trouve dans la quinzième
en ennemi avec celle qu'il devait considérer homélie, que personne ne lui conteste '.
comme sa propre chair, comme s'il avait été 16. Saint Jean Damascène cite la cin- Discours«
l'honneur do
impossible à Dieu de suspendre la douleur quième sous le nom
de samt Procle ^, et elle usainievier-

dans Adam le jour plutôt que la nuit. L'édi- lui convient mieux qu'à saint Chrysostôme,

teur, pour attribuer cette homélie à saint à qui ou l'a quelquefois attribuée. C'est un
Procle *, allègue les témoignages de saint éloge de la Vierge, qui y est souvent ap-
Ephrem d'Antioche et d'Anastase de Nicée. pelée Mère de Dieu. Saint Procle le fit eu un
Il est vrai que saint Ephrem cite un discours jour de fête déjà établi en son honneur. On
de l'Incarnation ; mais ce peut être celui que croit que c'était celle de l'Annonciation
l'on nous a donné pour le troisième parmi - parce qu'il s'y étend beaucoup sur la saluta-
ceux de saint Procle. A l'égard d'Anastase de tion angéliqne. Il repasse en peu de mots
Nicée, ce qu'il cite de saint Procle ne se lit tout ce qui a rendu recommandables les
point dans l'homéHc dont nous parlons. Il saints les plus renommés de l'Ancien Testa-
l'avait apparemment tiré d'un autre discours ment, le sacrifice d'Abel, la foi d'Abraham,
de ce Père sur le même sujet, qui n'est pas la patience de Job, le courage de Josué, le
venu jusqu'à nous au reste, de qui que soit ;
zèle d'Elie, la force de Samson, la science
cette homélie elle paraît avoir été faite à
, divine d'Isaïe, les lumières de Daniel, la sa-
Constantinople dans un temps où l'hérésie
,
gesse de Salomou il dit que
; rien de tout
de Nestorius y était condamnée publique- cela n'est comparable à la gloire de Marie,
ment car il y est mis nettement au nombre
, qui a porté dans son seiu le Verbe incarné.
des hérétiques avec Arius, Eunomius et Ma- Il dit quelque chose mais seulement en gé-
,

cédonius. néral, de la vertu des reliques des saints,


1-4. La troisième homélie est aussi sur l'In- marquant les lieux de la sépulture de plu-
carnation. On ne peut douter, ce semble, sieurs anciens patriarches. Il met celle d'A-
qu'elle ne soitde saint Procle. Elle en a le braham dans la Palestinede Daniel, à Ba-
;

style et le tour des pensées; elle commence bylone ; d'Ezéchiel, en Perse. Mais il avoue
par une comparaison : ce Père s'en servait qu'où ne sait en quel endroit ont été enterrés
volontiers. Il le lendemain
fit cette homélie Moïse et Isaïe.
de Noël , qu'il compte pour
première des la 17. La sixième homéhe ne porte le nom niscoursen

cinq fêtes que l'Eglise célébrait alors ^. Les de saint Procle que dans un seul manuscrit; l3'"vT"rge!
^^^'
autres sont l'Epiphanie, jour auquel on fai- mais quand il y en aurait un plus grand
sait aussi mémoire de la sanctification des nombre, cette preuve ne nous paraîtrait pas
eaux par le baptême de Jésus-Christ; Pâques, suffisante pour lui attribuer une si mauvaise
l'Ascension et la Pentecôte, que saint Procle pièce. C'est un long et ennuyeux dialogue
l'egarJe comme des sources et des trésors de entre saint Joseph et la sainte Vierge au
salut, et beaucoup au-dessus des fêtes des sujet de sa grossesse, fondé uniquement sur

' Pag. 110. — 2 Ibid., pag. 6. sum, clamât. Quinta Spiritus Sancti descensum ac
' Al christianorum solemnia divina sunt admi- et sexcentos gratiarum imbres ceu tubœ prœconio a/le
rabilia, veregue fontes ac thesauri salutis. Nam prima tonat : hœc solemnia sunt quœ fecit Dominus : exul-
nostra cclebritas Dei ad homines adventum prœdi- temus et lœtemur in eis. Procl., homil. in Natal.
cat quœ vero haiic sequitur, aquarum sanctificatio-
: Ctirisf., pag. 130.
nem ac baptismatis fontem graphice exprimit. Terti'a * 111 Concil., pag. 988.
Toin.
mortis interilum, ac tropfiœum crticis resurrectionis- s Agite intueamur Virginis uterum mundo tpso
qitedonum, ac quo patribus est parla libcrtas lœto ampliorem. Homil. 4. Uterum vidit cœlo latiorem.
sanctoque nuntio indicat. Quurta primitiarum nostra- Homil. 15.
rum in cœlos ascensum earumque a dextris conses- 6 Damasc, de Trisag., oper. Procl., pag. 182,
412 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
des imaginations, ou quelques anciennes sœur de Théodose ayant été déclarée Au-II :

histoires apocryphes. guste lede l'an 414 elle prit le


4 juillet ,

Discours 18. On ne trouve point de difficulté à don- maniement des affaires pendant la minorité
sur la Théo-
pbaaie , pag. ner à saint Procle les cinq homélies suivan- de son frère. Cette homélie ne paraît point
279.
tes. Dans celle qui est sur la Tliéophanie ou entière elle roule sur les avantages qui nous
;

l'Epiphanie, saint Procle dit que Jésus-Christ reviennent de la résurrection de Jésus-Christ


reçut le baptême pour deux raisons la pre- : et du baptême.
mière, afin de sanctifier les eaux; la seconde, 21. Nous en avons trois autres de saint
pour inviter tous les hommes par son exem- Procle sur le même sujet. La première est
ple à le recevoir. Il y parle assez clairement visiblement contre la doctrine de Nestorius,
du péché original, en disant que Jésus-Christ quoiqu'il ne le nomme pas. Il y établit ^ que
n'est point tombé dans l'exécration d'Adam *. c'est le même qui s'est formé un corps dans

Discours 49. Il n'y a rien de bien remarquable dans le sein de la Vierge, d'une manière qui lui
s.ir Trans-
figuration
la

,
l'homélie sui' la Transfiguration. C'est moins est connue, qui a réuni à ce corps l'âme qui
297 ur les
Palmes, pag. un éloge du mystère, qu'une explication des en avait été séparée pendant trois jours;
321 sur le
circonstances qui l'accompagnèrent. Il en est qu'en naissant au temps réglé pour l'enfan-
;

Jeudi et sur
le Vendredi
saint pag. , de même de l'homélie sur les Palmes. Dans tement, il a fait voir qu'il était homme, et
351 et 367.
celle qui est sur le Jeudi saint, saint Procle montré qu'il était Dieu en sortant du tom-
parle de la cène que Jésus-Christ fit avec ses beau par sa propre puissance que, depuis ;

disciples. que ce fut en cette occasion


Il dit son incarnation *, nous rendons à Dieu un
qu'il leur révéla de grands mystères qu'il : culte nouveau, qui consiste non dans le sang
leur donna à manger sa chair 2; que le calice des victimes ni dans la circoncision mais ;

qu'il leur présenta à boire, a etfacé les pé- dans la foi par laquelle nous adorons trois
chés. Dans la suivante, qui est sur la Passion personnes en une même substance; que,
au jour du vendredi, il compte cinq mille quoique Dieu le Verbe fait homme ait été
cinq cents ans depuis la chute du premier crucifié ^, c'est dans la chair qu'il a soufi'ert,
homme jusqu'à la mort de Jésus-Christ. I^ ayant toujours conservé comme Dieu sa puis-
ne doute point qu'il n'ait tiré Adam comme sance et son empire. Il demande aux Juifs
Abel du sein de l'enfer; et pour montrer aux qui ne pouvaient croire qu'un Dieu se fût fait
Juifs combien il est au-dessus de tous leurs homme, pourquoi le soleil s'est-il obscurci
patriarches, il les fait souvenir qu'ils ont en plein midi lors de lamortde Jésus-Chrisl,
tous été vaincus par la mort, au lieu que et que rien de semblable n'est arrivé quand

Jésus-Christ l'a vaincue en mourant dans sa le juste Naboth a été mis à mort? pourquoi

chair. la terretrembla lorsque Jésus-Christ fut atta-


Discours 20. La douzième homélie est sur la Résur- ché à la croix, et qu'elle ne trembla point à
sur la Résur-
re et n dei
rection de Notre-Seigneur. Saint Procle la la mort d'Isaïe sous Manassé ? Il presse de
.lésas-Christ,
pag. 384. commence par l'éloge d'une reine qui s'é- même sur toutes les autres circonstances de
tait consacrée à Dieu par piété elle avait
;
, la Passion de Jésus-Christ, dont la divinité fut
épuisé ses trésors pour en enrichir l'Eglise alors attestée même par les éléments. Dans la
et orner le temple où il prêchait, c'est-à-dire seconde homélie sur la Pâguc, saint Procle
l'église de Sainte- Sophie elle s'apphquait ; montre que le temps des figures étant passé,
à mortifier sa chair, et ne s'occupait que il n'est plus permis aux Juifs d'immoler un

de Jésus-Christ et de sa croix. Tout cela agneau suivant le rit prescrit par la loi,
convient à Pulchérie, que sa piété, sa pru- parce que le véritable agneau le Fils de ,

dence et sa libéralité envers les Eglises ont Dieu, a été immolé, et que par son sacrifice il
rendue célèbre dans l'histoire. Elle était nous a rachetés de nos iniquités. La troi-

1 In execrationem Adami non incidisti. imperioque fidem confirmât quod sit Deus. Procl.,
« Immaculalain cai-nem in cibum tradidit : pocu- orat. in Pasch., pag. 405.
lum flagitia quasi sponyia eluens largitus est. Ibid., * Novus Dei cultus ut pote qui non jam amplius
pag. 351. sacrificiorum sit nidor et circumcisio sed fides quce
.

3 Idem enim ipse qui in Virginis utero suurn ipsius très personas in una substantia celebri gloria venern-
corpus modo quem ipse novit sibimetipsi efformavit : tur e.t colit. Ibid.
idem et tribus diebus suam animam a proprio se- ^ Cum Deus Verbum homo factus crucifigetur : Gar-
junctam corpore ei rursum uniens, semeiipsum a mor- nis tamen erit passio , divinitatis vero potestas et
tuis excitavit. Illic quidem tempus parlui fidem as- imperium. Ibid., pag. 406.

truit, quod sit homo : hic vero sepulcrum a virtute


[iv ET v< SIÈCLES.] CHAPITRE XXVll. — S AINT PROCLE DE CONSTAxNTlNOPLE. 413

sième est en même temps sur la Pâque et sur des Evangiles et des Epitres de saint Paul.
saint Jean l' E vangéliste . C'est uue explication On y voit que le Saint-Esprit est appelé Dieu
de ces premières paroles de son Evangile : et Seigneur; qu'il y est glorifié avec les deux
Au commencement était le Verbe, et le Verbe autres personnes de la Trinité qu'il est le ;

était avec Dieu. Il était au commencement avec distributeur des dons spirituels; qu'Ananias,
Dieu: toutes choses ont été faites par lui. Saint pour lui avoir menti, fut mis à mort.
Procle les regarde comme cinq pierres fon- 23. Le premier des deux discours en l'hon- F.Ioge do
saint Ltienne,
damentales de l'édifice de l'Eglise, et comme neur de saint Etienne, dont la fête se célé- martïp, pag.
485.
une preuve de l'éternité du Verbe et de l'i- brait dans l'Eglise le lendemain de Noël *, Acl. VI, 8;
VII, 2.
dentité de sa nature avec celle du Père et n'est pas de saint Procle, mais de saint As-
du Saint-Esprit. Sur quoi il remarque ' que tère d'Amasée, comme on l'a remarqué dans
le nombre des personnes divines ne rompt l'article de ce Père. Le second ne parait pas

point l'unité de la nature et que la Trinité , non plus de saint Procle, tant le style en est
ne divise point l'essence divine par parties : affecté.
en sorte que la Trinité est consubstantielle renferme en abrégé
24. Celui de saint Paul Eloge do
saint Paul
en puissance, en bonté, en divinité, divisée lesgrandes actions de son apostolat. Saint pag. 538.
,

en trois personnes, unie en nature. Le Père Procle dit que son tombeau ^, qu'il met à
est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Rome, avait, comme ses suaires, la vertu de
Dieu : nous leur devons à tous les trois l'a- guérir les maladies.
doration qui leur est rendue aussi dans le Dans VEloge de saint André il repasse
23. Eloges de
saiDt André
ciel. 11 dit que par la foi, c'est-à-
que ce n'est les grandes merveilles que Dieu a opérées pag. 539 et de
,

saint Chrysos-
dire par révélation, que saint Jean a appris dans l'Ancien Testament, et dit qu'elles ne tôme, p. 567.

ce qu'il a mis dans son Evangile touchant la sont rien en comparaison de celles qui se
génération ineffable du Verbe^ ne l'ayant pu sont opérées dans le Nouveau, où les Apô-
apprendre ni de ses concitoyens, ni des tres ont touché de leurs mains le Verbe de
Juifs, pas même de Moïse, ni de la loi qui ne Dieu, qui était dès le commencement, mangé
contenait que des figures d'avenir. Il ajoute avec lui, ouï sa parole, et voyagé avec lui.
que le même apôtre a \'u aussi le mystère Ce discours est quelquefois attribué à saint
de l'Incarnation, le Verbe converser sur la Chrysostôme; mais il est de même style que
terre, sans avoir quitté le ciel, enveloppé de le précédent, que l'on ne doute point être de
langes comme homme, lui qui, en tant que saint Procle. On y trouve même un endroit
Dieu, délia par son ordre seul les bandes considérable répété presque mot à mot de
qui liaient Lazare. Il donne à l'Eglise les V Eloge de saint Paul. Il est suivi dans l'édi-
titres de Catholique, d'Apostolique et d'Imma- tion de Rome, du Panégyrique de saint Chry-
culée ^. sostôme, donné d'abord par Baronius. Nous
22. Dans la seizième homéhe prononcée le en avons parlé plus haut.
jour de la Pentecôte, saint Procle établit 26. Les Orientaux ont une Liturgie sous le Traité delà
Messe, pag.
contre les macédoniens et les ennomiens, la nom de saint Procle^, sur le témoignage du- 570.

divinité du Saint-Esprit par divers endroits quel ils se sont persuadés ^ que saint Jacques,
de l'Ancien et du Nouveau Testament. C'é- évêque de Jérusalem, avait le premier com-
tait une preuve également forte et néces- posé une Liturgie. C'est ce qu'on lit, en effet,
saire, parce qu'ils niaient qu'on pût en prou- dans le traité de la divine Messe ^, qui porte
ver la divinité par aucun endroit de l'Ecri- le nom de saint Procle, et qui nous a été
ture ^. Ceux que saint Procle allègue, sont donné à de ses ouvrages dans l'édi-
la suite
tirés des Actes des Apôtres, des Psaumes, tion romaine. Mais nous croyons avoir mon-

' Pater est Deus. Filius Verbum est Deus, et Spiri- 3 Nazianz, orat. 3 de Theohg.
tus Sanctus etiam Deus : numerus autem personarum ^ Festus namque dies, festum diem excipit... sev'
non infringit naturam, nec Trinitas in partes dividit vique solemnia Domini subsequuntur natalMia. Procl.,
essentiam : sed est Trinitas consubstantialis in poten- Orat. 17, pag. 483.
iia, in divinifate, in bonitate... vidit Joannes Spiri- Monumenta ejus pariter ac sudaria languores re-
'"

tnm Sanctum cum Pâtre et Filio adoratum : Trinita- secant... sepulcrum Romanorum splendor. Procl.,
tem in unitate gloria cumukitam, et in tribus perso- Orat. 19, pag. 338, 339.
nis divisât», et in natura unitam. Procl., orat. 13, * Boua, Liturg., pag. 64.

pag. 440, 442. '


Renaud., toin. Il Liturg., pag. 74.
* Pudore suffundantur cuncti hostes immaculatœ, 8 Procl., pag. 580
catholicœ et apostolicœ Ecciesiœ. Ibid., pag. 443.
444 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tré ailleurs que ce traité ou plutôt ce frag-
'
prière : et trouvant une très-grande conso-
ment, n'est point de saint Procle; ou que s'il lation dans mystique du corps du
le sacrifice
est lui, tout ce qu'on pourrait eu conclure, Seigneur, employaient beaucoup de temps
ils

c'est que de son temps il y avait une Liturgie et faisaient de longues prières dans la célé-
qui était attribuée à saint Jacques, une au- bration de la liturgie car ils croyaient que
;

tre à saint Clément, et une troisième à saint ces mystères divins, qui renfermaient aussi
Basile, car il est fait mention de ces trois les instructions que l'on donnait au peuple
Liturgies dans le traité dont nous parlons. chrétien, étaient préférables k tout le reste.
Ce qu'il contient de plus remarquable est la Ils étaient d'autant plus embrasés d'amour
croyance de son auteur sur la transsubstan- et d'ardeur pour
choses de Dieu et pour
les
tiation, et le cliangement qu'il prétend avoir le saint sacrifice ils employaient d'autant
;

été fait par saint Basile dans la liturgie. plus de temps à l'oraison, qu'ils conservaient
Voici ses paroles «Le grand Basile ^ voyant
: toujours ces paroles du Seigneur profondé-
que de son temps la froideur et l'indévotion ment gravées dans leur souvenir Ceci est :

des chrétiens leur donnaient de l'ennui et du mon corps; et Faites ceci en mémoire de moi; et
: :

dégoût pour la longueur de la liturgie, il la Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang,
retrancha et la fit célébrer dans son Eglise demeure en moi^ et moi je demeure en lui. Ainsi
en une forme plus courte et plus abrégée. ilspriaient longtemps d'un cœur contrit et hu-
Ce n'est pas qu'il la trouvât en effet trop milié, et imploraient le secours de Dieu avec
longue mais il le fit pour s'accommoder un
; beaucoup d'assiduité et de ferveur. Ils avaient
peu à la faiblesse, tant de ceux qui écoutaient aussi un grand soin de bien instruire ceux
la parole de Dieu qu'on leur annonçait, que d'entre les juifs ou les gentils qui avaient
de ceux qui priaient ensemble, afin de les été nouvellement convertis et baptisés, en
guérir de l'impatience et de l'ennui que la les faisant exercer dans les actions de piété
durée de l'office leur pouvait causer. Après qui les pouvaient rendre capables de parti-
que notre Sauveur fut monté au ciel, et avant ciper aux saints mystères, et en leur appre-
que les Apôtres se séparassent pour aller nant ce qu'ils devaient éviter pour s'en ren-
prêcher l'Evangile par toute la terre, les fi- dre dignes. Par ces prières, ils attiraient le
dèles conspiraient tous ensemble d'un com- Saint-Esprit, et attendaient sa venue, afin
mun esprit à passer les jours entiers dans la que, par la vertu de sa divine présence, il fit

1 Tom. I, pag. 288. Ejusmodi itaque precibus Spiritus Sancti accessum


8 Magnus Basi/ius hominum socordiam et in dete- prœstolabantur, ut divina ejus prœsentia propositum
rius prolapsionem conspicatus, ac proinde longùiqui- in sacrificium panem, et vinum permixtum aquu ip-
taie productœ missœ pertœsos , non quod ipse super' sum illud corpus, ipsumque sanguinem Salvatoris
vacaneum quidquam, nimis longius production in
ve.l nostri Jesu Christi palam faciat, consecratumque de-

ea fore arbitraretur sed ut pariter ium simul oran-


:
monstret. Qui plane religiosus ritus hue usque serva-

tium, tum audientium ignaviam ex longo illo tempo- tur et ad finem usque sœculi servabitur. At posteri

ris intermllo prœcideret , breviorem recitandam ira- fidei firmiiatem fervoremque abjicientes , negotiis hu-
didit. Salmtore nosiro in cœ/is assumpto, Apostoli jusce sœculi, et mundi curis maticipati, longinquitale

antequam per omnem terrarum orbem dispergerentur, productœ missœ, ut superius dixeram,pertœsi, vixad.
conspirantibus anirnis convenientes ad iategram oran- divinam audiendam recitationem dominicorum conve-
dum diem converiebantur : et cum rnnltam consola- niebant verborum. Quamobrem et divus Basilius me-
tionem in mystico illo Dominici corporis sacrificio dica qiiadam ratione usus, breviorem eam concisio-
positam reperissent, fusissime longoqiie verborum remque rcddidit. Haud vero multo post Pater ille
ambitu missam decaniabant ; id enim pariter ac do- noster, aurea prœditus lingua Joannes de ovium sa-

cendi institutum, cœteris rébus omnibus tanquam prœs- lute, ut pastorem decet, strenua cura soUicitus, na-
tantius anteponendum exislimabant. Maxima satie cum turœ humanœ socordiam ignaviamque respiciens , fi-

alacritate, plurimoque gaudio huic divino sacrificio bras omnes ac radiées satanici prœtextus hujus pror-
tempus insumentes inslabant impense; jugiter memo- sus voluit evellere. Et idcirco multa prœcidit, et con-
res verborum Domini, dicentis : Hoc est
illorum cisiori pressiorique oratione sacrum conficiendum sla-

corpus meiftn; Hoc facile in meam commemo-


et : tuit, ne sensim homines, qui liberlatem quamdam, et

rationem, et : Qui manducat meam carnem, et inertiam quam maxime complectuntur, fallacibus
bibit meum sanguiuem in me manet, et ego iu eo. adversarii rationibus decepti, ub ejusmodi Apostolica
Quocirca et contrito spiriiu multas preces décanta- hac et divina absterriti traditione, eam omitterent,
bant, impense divinum implorantes numen. Quin etiam quemadmodum hoc ipsum multis, variis sœpe in locis
eos qui ex Judœis ac Gentibus recenter baptizati erant, accidisse, ad hune usque diem deprehendimus. Procl.,

his gratiœ 7nijsteriis assuefaciebant : et ea quœ ante in trac, de Traditions divinœ missœ, pag. 580 et
yratiœ tempus erant , utpote quœ gratiœ forent uni' seq.
bra relinquere docentes, pie rcligioseque instituebant.
[IV ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XXVll. — SAINT PROCLE DE CONSTANTIXOPLE. A\o

que pain et le vin niclé d'ean, qu'on avait


le plus que celle qui était sur la Naissance de
oflerts pour le sacrifice, devinssent le propre Jésus-Christ, dans laquelle il expliquait ces
sang de Jésus-Christ. Or, ce culte religieux paroles du prophète Isaïe in enfant nous
:

s'est observé dans l'Eglise jusqu'à présent, est né. Elle est citée dans le concile de Chalcé-

et il s'y observera de même jusqu'cà la fin doine*. Anastase Sinaïte cite deux endroits
=>

du monde. Mais il est arrivé quelque temps d'une homélie sur la Mère de Dieu, qui ne se
après la naissance de l'Eglise, que ceux qui. trouvent point dans celles que nous avons de
ayant perdu cette première ferveur et cette saint Procle sous ce titre.
vigueur de la foi chrétienne, s'occupaient trop [28. Le tome IV du Spicileg. Roman, con- cinqhomé-

du soin des choses du monde, ont commencé tient cinq homélies de saint Procle qui n'a- ps^ASg^MaL

<i s'ennuyer et à se lasser de la longueur de valent pas encore vu le jour. On les trouve
la liturgie, et n'ont pu se résoudre qu'avec aussi dans le tome LXV« de la Patrologie
quelque peine d'assister seulement h la lec- grecque. La première, sur l'Ascension, est tirée
ture de la parole de Dieu. C'est ce qui a d'un manuscrit du Vatican du x^ siècle. La
porté, comme j'ai déjà dit, saint Basile à re- deuxième, sur la Circoncision, est attribuée
médier en quelque sorte à ce mal, en abré- par le copiste d'un ancien manuscrit à saint
geant le divin oliice. Un peu après lui, notre Chrysostôme : elles sont en grec et en latin.

bienheureux Père Jean, archevêque de cette Les trois autres sont en syriaque; l'éditeur
Eglise, qui s'est acquis le surnom de Chrysos- les a traduites Il y en a une sur le
en latin.

tôme par la splendeur de son éloquence, Dogme une sur la Nativité,


de l'Incarnation,
étant comme un bon pasteur uniquement une sur saint Clément, évêque d'Ancyre, et
possédé du soin de sauver son troupeau, et martyr sous Dioclétien, en 285. L'homélie
connaissant, comme il faisait, la faiblesse et sur le Dogme de l'Incarnation et celle sur la

l'infirmité de la ne voulut laisser


nature, il Nativité sont citées par Ephrem d'Antioche^.
aux fidèles aucun lieu de s'excuser de l'assi- Dans la première, le saint docteur exalte les
duité qu'ils doivent rendre à la célébration richesses ineffables de la grâce divine, celles
des saints mystères, ni aucun prétexte au que contiennent les livres divins. Il y dit que
démon pour leur persuader de s'en éloigner. Notre-Seigneur Jésus-Christ n'a pas cessé
C'est pourquoi il abrégea de beaucoup la li- d'aider diversement le genre humain dès le
turgie, de peur que les hommes qui aiment commencement des choses " qu'il a rappelé ;

le libertinage et l'oisiveté, étant trompés par Adam chassé du paradis et condamné, et l'a
les suggestions de l'ennemi de leur salut, ne fait asseoir avec lui dans le ciel ^. Il énumère

fussent détournés de cette tradition aposto- brièvement les bienfaits dont Dieu a comblé
lique et divine, comme nous en avons vu les justes de l'ancienne loi; de là il passe à
plusieurs jusqu'à présent, qui en divers lieux la sainte quarantaine, qu'il exalte grande-
ont tâché de s'exempter de l'assistance que ment. Selon le saint évêque, un des grands
tous les fidèles doivent rendre à l'office de avantages de ce temps d'abstinence, c'est
l'Eglise. » qu'il nous sera donné de scruter de plus en
27. Saint Ephrem ' d'Antioche - cite une plus les merveilles de l'Incarnation. Ici l'on
ivôrie homélie de saint Piocle sur le Carême, c'est- retrouve un exposé court, mais parfait de la
à-dire apparemment sur le commencement doctrine cathoHque sur l'Incarnation : Dieu
du jeune de carême. Socrate lui en attribue s'est fait homme sans changer, le Verbe s'est
une autre ^ sur la Fuite des barbares nommés uni au limon sans confusion, et Dieu s'est
Huns, auxquels il appliquait ce qu'on lit au montré en chair sans souffrance et sans
troisième verset du chapitre xxxviii^ d'Ezé- changement ^. En tant qu'il est du Père, il
chiel. Nous n'avons ni l'une ni l'autre, non n'a pas de principe en tant qu'il a été fait,
;

* Nous avons déjà averti que D. Ceillier donne à vando. Migne, Pab-olog. grœc, totn. LXV, col. 841.
tort le titre de saint à Ephrem d'Antioche. [L'édiî.). 8 Nam primo quidem Adamum illum paradiso put-

» Phot., Cod. 229, pag. 828. sitm damnalumque revocavit, sccumque voluit consi-
3 Socrat., hh. VII, cap. XLiii. dère. Ibid.
* Tona. IV Concil., pag. 831. 9 Rêvera enim infirmier est intelleclus ad scrulan-
* Anast., in Odego, pag. 110, 166. dum quomodo Deus inconvertihiliter factus sil homo;
« Apud Photium, Cod. 229, pag. 805 et 828. quomodo Verbum sine confusione lima copulatum fue-
' Hinc enim passim doceberis quomodo Dominus rit, ac Deus impassibiliter ac sine mutntione semel i>\

nosler Jésus Chrislus jam inde n rerum initio nun- carnem figuraverit.
qunm desliterit ali humano génère muUifariam ju-
416 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
ilne peut passer pour un fantôme, car il est Son sacerdoce était d'autant plus grand, que
un vrai Dieu et homme sans nulle fausseté *. le sacerdoce de la loi nouvelle est bien au-
Celui qui est consubstantiel au Père, est égal dessus de celui de la loi ancienne. En finis-
à moi par sa naissance humaine, à l'excep- sant, l'orateur combat encora les juifs qui
tion du péché-. La nature divine est incréée; rejetaient le mystère de la Trinité et de l'In-
l'union de l'humanité n'est pas imaginaire ;
carnation.]
il n'y a qu'un Fils, et il en
n'est point divisé 29. Saint Procle fut loué par les écrivains
deux personnes; car ayant, par une vénérable de son siècle, comme étant plein de piété *,

économie, réuni deux natures sous une seule très-instruit de la discipline ecclésiastique ^ et
personne, il n'en résulte qu'un Fils, quoique grand observateur des canons et des règles
les hérétiques s'en moquent, quoique les de l'Eghse en sorte qu'il ne faisait rien et
:

juifs traitent ce mystère de folie et que les ne laissait rien faire aux autres évêques, au-
païens le délestent. Il ne s'est pas séparé du tant qu'il dépendait de lui, qui fût contraire
Père, et cependant il a demeuré parmi les aux anciens décrets des Pères, Il fut aussi
hommes; il s'est fait chair sans changement; regardé comme le plus savant évéque de son
il est devenu homme, et n'est pas divisé en siècle ^, et comme un des plus illustres Pè-
deux; tout entier dans le ciel, tout entier sur res " dont on se faisait gloire de suivre les
la terre et partout; car la nature divine ne sentiments. Exercé de bonne heure à com-
souffre pas de division; il a souffert eu ce battre les ennemis de la vérité ^, il ne les at-
qu'il a pris, il est demeuré impassible dans taquait point sans les vaincre soutenant ,

ce qu'il était ^ Après avoir développé ces avec autant de force et d'érudition que d'es-
pensées, l'auteur termine en montrant aux prit et d'éloquence, toutes les vérités qu'ils
juifs la divinité de Jésus-Christ. combattaient. On en trouvera la preuve dans
Le sermon sur la Naissance de Notre-Sei- le discours qu'il fit en l'an 429 ou 430, à la
gneur présente à peu près le même exposé prière de Nestorius et en sa présence. Aussi
sur l'Incarnation. l'a-t-on mis à la tête des Actes du concile
Dans le sermon swr saint Clément, saint d'Ephèse. Sa lettre aux Arméniens lui a mé-
Procle exalte la pureté de son sacerdoce, la rité l'estime de toute l'antiquité. On y voit

gloire de son martyre, sa miséricorde envers toute l'habileté et toute l'exactitude d'un
les pauvres, les larmes qu'il répandait pour homme accoutumé à traiter avec solidité les
les pécheurs, ses sollicitudes pour l'Eglise, matières les plus sublimes et les plus diffi-
sa fermeté contre les erreurs, sa douceur, sa ciles. Il y a moins à profiter dans la plupart

confiance, son éloquence, son union à Dieu, de ses sermons le style en est sententieux,
:

sa virginité, et sa science des livres sacrés. coupé et chargé de figures : on dirait qu'il
C'étaitrévéque tel que Ta dépeint saint Paul, s'y est plus étudié à plaire qu'à toucher, et à

1 Quatenus a Pâtre est, caret prindpio. Quatenus Licet fraternitatem tuam, disciplinis ecclesiasti-
^

vero facius est, phantasma reputari nequit; idem cis eruditam, ea amnia, quœ ad regularum et cano-
quippe verus Deus est, et absque ulla falsitate homo. num observantiam pertinent, custodire summa sollici-
Ibid. tudine noverimus, nec quidquam aut ipsam facere,
Qui Patri consuhstantialis erat, idem mihi nati-
2 aut facere alias sacerdotes, se connirente permittere
vilate humana œqualis, excepta tamen peccato factus. quod vetusta patrum constituta pervertat, docamentis
Migue, PatroL, lib. LXV, col. 832. evidentibus prabaverimus, nostra tamen adhortationc
3 Increata est natura divina, Jmmanitatis autem as- per gratiam charitatis hoc fraternitati tuœ specialiter
sumptio non est imaginaria, unusque est Filius, ?ieque débet accedere, ut contra subreptiones aliquorum cir-
in duas personas dividitur; etenim cum veneratida cumspecta sanctitns tua non prœbeat horum incongruœ
œconomia duns sub una persona naturns adunaverit, voluntati, qui Ecclesiis per se cupiunt et discordiam
unicus conflatur Filius; quamvis id hœretici irri- generare, et lacum sibi per dispensationem facere SO'
deant, Judœi i7isaniam putent, ethnici anima aversen- cerdatum. SLxtus, Epist. ad Procl.; Collect. Epist.
tur. Haud semet a Pâtre separavit, et tamen inter Décrétai., pag. 1264.
hamines versatus est; cara factus sine mutatiane; * Perpendat ergo pietatis vestrœ sapientia singulu'

homo, nec tamen in duos divisus; tatus in cœla, tatus- ris, quia Proclus eruditissimus sacerdotum et non

que iti terra, et ubique, quia divisioncin divina natura longe a Theodori Mopsuesteni vita repertus, mala
non patitur; pasms est in eo quod assumpsit; impas- quœ libenter damnaverat, cujus essent se Jam tune
sibilis mansit in eo quod erat. Ibid. profesius est ignorare. Vigilii Constit., oper. Procl.,
* Proclus vir pius cl ad certamina adversus eos qui pag. 5.
'
quœ recta sunt pervertunt, exercitatus , et ex veritu- Euseb. Doryl., toni. IV Concil., pag. 133.
tis assertiane victoriam reportare assuetus. Cyrill., 8 Cyrill., tom. III Concil., pag. 1208; ubi supra.

loin. III Concil., pag. 1208.


,

[IV^ ET V* SIECLES ] CHAPITRE XXVIII. — CAPRÉOLUS, VITAL ET TONANTIUS. 417

polir son discours qu'à le rendre utile à ses On en a une édition à Heidelberg, en 1579,
auditeurs. 11 ne manquait ni de sens ni de in-S", parmi dix-sept homélies des Pères sur
vivacité, et savait présenter une même pensée les principales Fêtes du Sauveur. La lettre aux

sous une infinité de faces ditierentcs. Arméniens fut imprimée de la version de


30. Le recueil le plus complet de ses ou- Denys le Petit, à Bâle, en 1528, et à Paris,
vrages est celui qu'en a fait Vincent llicliard, en 1538; dans l'Antidote contre les hérésies, à
clerc régulier d Italie. Il le Ht imprimer à Bàle en 1556; dans VHérésiologue de Jean
,

Rome, en 1630, Mais le Père Combefis


in-4". Héroldus à Paris en 1539. Dans plusieurs
, ,

ayant trouvé des manuscrits plus corrects éditions des Bibliothèques des Pères, elle n'est
que ceux dont Richard s'était servi, fit réim- qu'en latin mais le Père Labbe l'a donnée
;

primer les vingt-deux homélies qui portent en grec et en latin dans le troisième tome de
le nom de saint Procle en y ajoutant quel-
, ses Conciles; ce qu'a fait aussi le Père Har-
ques notes pour l'explication du texte. Elles douin, dans son premier tome; Elmenhors-
se trouvent dans le premier tome de son nou- Richard en ont fait de même. [Galland
tius et
veau supplément à la Bibliothèque des Pères, a réuni tous les ouvrages de saint Procle
à Paris, en 1648, in-fol. Avant ces deux édi- qu'on a pu trouver jusqu'à ce jour, d'après
tions, il y en avait eu une à Leyde, en 1617, Richard et Combetis, au tome IX Bibliotheca
in-8°, par les soins d'Elmenhorstius; mais on veter. Patr. Il y a joint quelques fragments

n'y trouvait ni Ihomélie sur la Nativité de d'ouvrages perdus et de quelques épitres du


Noire-Seigneur, ni celles que Richard nous a même écrivain. Le tome LXV de la Patrologie
données sur la Théophanie , sur les Hameaux grecque, col. 679-888, reproduit l'édition de
et sur plusieurs auties sujets. Le discours Galland avec les sermons pubhés par Mai.
en l'honneur de la sainte Vierge , prononcé en On y trouve aussi une notice sur saint Pro-
présence de Nestorius, a été placé presque cle, tirée de Fesseler.]
dans toutes les éditions du concile d'Ephèse.

CHAPITRE XXVIII.
Gapréolus, évêque de Carthage; Vital et Tonantius.

[Ecrivains latins du v* siècle.]

1 Gapréolus, que le diacre Ferrand appelle


. versel. Mais les ravages que les Vandales
un glorieux ponùfé et un célèbre docteur
'
avaient faits dans le pays ne permirent pas
de l'Eglise de Carthage, en était évêque lors- aux évêques de s'assembler. Ils n'en avaient
que l'empereur Théodose II écrivit aux évo- pas même le temps parce que la lettre de
,

ques d'iUrique pour les inviter au concile l'empereur , quoique du 19 novembre 430 ,

qu'il avait indiqué à Ephèse en 431. Quoique n'arriva à Carthage que vers Pâques de Tan-
la lettrede convocation s'adressât surtout à née suivante, en sorte qu'il ne restait pas
saint Augustin, dont ce prince demandait deux mois jusqu'au temps marqué pour le
particulièrement la présence dans ce concile, concile d'Ephèse terme trop court pour as-
:

on ne peut guère douter qu'elle ne s'adres- sembler les évêques de toutes les provinces
sât aussi à Gapréolus, puisqu'il y en eut une d'Afrique, même en temps de paix. Gapréo-
de la part de Théodose pour tous les métro- lus ne pouvant donc envoyer une dépulation
politains. Ce qu'il y a de certain, c'est que la solennelle, voulut au moins observer la dis-
lettre de convocation fut rendue à Gapréolus cipline et marquer son respect au concile
par Ebagne, qui en était le porteur. Gapréo- luiiversel, en envoyant un diacre porter ses
lus écrivit aussitôt à toutes les provinces d'A- excuses. Le nom de ce diacre était Vésulas.
frique pour assembler un concile national, où 2. Dans la lettre dont il le chargea il fait
,

l'on choisit des députés pour le concile uni- mention de celle qu'il avait reçue de l'empe-

' Ferrand., Epist. ad Pelay. et AnaloL, loui. XI Bibliolh. Pair., pag. 51o.
Vill.
418 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
lom.
cil..
m Con-
pag. 529.
rcur, mais qui était adressée à saint Augus- porté celle de ce prince. Il ne nous en reste

tin, disant qu'il ne l'avait ouverte que parce qu'un endroit où il pose pour principe, comme
que ce saint évêque était mort depuis quelque dans sa lettre au concile d'Ephèse -, qu'il n'y
temps. Ensuite, après avoir rendu raison de aura plus rien d'assuré dans le sacré comme
l'impossibilité où il se trouvait d'assembler les dans le civil, si, dans les siècles postérieurs,
évêques d'Afrique, il conjure ceux d'Ephèse l'on donne atteinte aux décisions des pères.
derésistercourageusement ',avec le secours Le diacre Ferrand allègue ce passage contre
du St-Esprit toujours présent, comme il l'es- le nouvel examen que demandaient les péla-

père, à toutes leurs délibérations, et de s'op- giens.


poser à ceux qui voudraient introduire dans La lettre de Capréolus à Vital et à Tonan-
4.

TEglise de nouvelles doctrines ou des erreurs tius est une réponse qu'il leur fit sur certains
déjà condamnées par l'Eglise, et de ne point points de doctrine touchant lesquels ils l'a-
soulfrir que l'on remette en question ce qui vaient consulté;car sa réputation était grande,
a déjà été jugé ce que l'autorité du Siège
, et on le mers pour
connaissait au-delà des
apostolique et le consentement uuanime des un homme de que Vital et
savoir. Il parait
évêques ont réprouvé. « Car, ajoute-t-il si , Tonanlius étaient laïques du moins ne pren- ;

l'on dispute de nouveau sur ce qui a été dé- nent-ils point d'autre titre dans leurs lettres
cidé autrefois, ce sera douter de la foi même que celui de pécheurs et Capréolus les ap-
,

qui a été professée jusqu'ici. Il n'en est pas pelle ses fils. S'étant aperçus qu'en Espagne,
de même des choses qui n'ont point encore d'où ils étaient, quelques personnes commen-
été décidées on peut les examiner et les
: çaient à semer les erreurs de Nestorius, ne
recevoir ou les rejeter, suivaat qu'elles sont voulant pas qu'on dit que Dieu est né, et sou-
ftonnes ou mauvaises. Or, il est important tenant que c'est un pur homme qui est né de
pour la postérité de maintenir fermes et iné- la Vierge et a souflert sur la croix , ils éta-
branlables les décisions des saints Pères qui bhrent comme ils purent contre ces nouveaux
nous ont précédés étant de règle que per-
,
dogniatistes la pureté de la foi, montrant, par
sonne ne peut établir une doctrine par son l'autorité de l'Ecriture, que c'est Dieu même

autorité propre mais par celle des anciens,


,
qui est né de la Vierge, en se faisant homme
avec qui nous devons conformer nos senti- dans son sein qu'étant médiateur de Dieu
;

ments, parce que la vérité est une dans tous et des hommes, il est nécessaire qu'il soit

les siècles. » Cette lettre fut lue en plein con- Dieu et homme; qu'il n'est pas vrai que ce-
cile, approuvée généralement et insérée aux lui qui est mort sur la croix n'ait été qu'un
Actes à la requête de saint Cyrille. pur homme, ni que Dieu ait jamais aban-
3. Capréolus en écrivit une autre à l'em- donné l'homme auquel il s'est uni, si ce n'est,
Sa lettre à
Théodose, en
pereur Théodose, sur la mort de saint Au- ajoutent-ils, dans le moment de sa mort, lors-
431.

gustin, par le même officier qui lui avait ap- qu'il dit : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi ina-

1 Quamobrem vestram sanctitalem iterum atque ite- tuam firmitatem obtinere valeant, oportet ea omnia
rum rogatam cupio [etiatyisi fidem cat/iolicam per inconcussaimmotaque conservare, quœ superioribus
tantam venerandorum sacerdotum synodum, Dei nos- iemporibus a sanctis Patribus constituta sunt. Nam
tri auxilio, in omnibus stabilem ac firynnm futuram qui illam perpétuant stabilitatem relinere voluerit, quœ
cerio confidam) ut Spirilu Sancto coopérante, guem de catholicœ fidei ratione s ta tuer it, is non propria
cordibus vestris in omnibus quœ acturi estis, prœsto auctoritate, sed antiquorum judicio senfentiam suam
fulurum non dubito, notas doctrinas et ante hac ec- corroijorare débet; ita ut ea ratione partim veterum,
clesiasticis auribus inusilatas, priscœ auctorilatis ro- partim recentiorum decretis et sententiis p/ocita sua
bore instructi e medio profligetis, atque ita quibus- coniprobans unicam Ecclesiœ veritatem, jam inde ab
cumque 7iovis erroribus resistalis; ne hos, quos pridem inilio ad prœsens tisque tempus simpiici pwitate, in-

impugnavit Ecclesia, hisque tcmporibus repullulantcs victaque constantia et auctoritate decurrentem, se


nposlolicœ Sedis auctoritas sacerdotumgue in ununi
, asserere, docere et tenere ostendut. Gapr., tom. III
consonans senientia oppressif, secundœ disputationis Concil., pag. 532.
prœtextu vox jamdudum ablata renovare videatur. * Nihil in divinis humanisque actibus, nihil tam in
Nam si quid forte uovarum contrôler siarutn inciderit, sacris quam in publicis rébus obtinere nullam poterit
id discussione subj'iciatur oporict; ut vel rectum com- firmitatem, si ea quœ debito sentenliœ judicialis fine
prol>etur, vel condemnatione dignum explodatur. At clauduntur, post annorum spatiaet quœlibet volumina
vero si guis ea quœ jam olim dijudicaia sunt in dis- sœculorum , tanquam in emendatione Patrum velut
putationem vocari sinat, is sane aliud nihil facere instructor prœsumat emendare posleritas. Capreol.,
censebitur, quam de fide, quœ hactenus valuit, ipse- apud Ferr.j Epist. ad Pelag., tom. IX Biblioth. Patr.,
met dubitare. Deinde ad posteritaiis exemplum, ut pag. SIC.
ea quœ nunc pro catholica fide definita sunt, perpe-
[IV* ET V* SIÈCLES.] CHAPITRE XXVIIÎ. — CAPRÉOLUS, VITAL ET TONANTIUS. 419

vez-voiis abandonne? Vital et Tonantius l'on- la divinité une quaternité au lieu de la Tri-

tendaient apparemment d'une privation de nité. ))

vertu , comme s'ils Verbe


avaient dit que le Ensuite il fait voir que la distinction que
abandonna la nature bumaine à elle-même saint Paul jnet entre le premier homme qui
afin qu'elle pût souflVir la mort à laquelle il a été formé de la terre, et le second qui est
s'étaitlivré volontairement. Mais craignant descendu du ciel, ne peut subsister si Jésus-
de ne pas penser sainement sur cet article Christ n'est pas vrai Dieu, puisqu'il serait
comme sur tous les autres, ils prièrent lium- absurde de dire que la chair a été envoyée
blement Capréolus de les instruire de la vé- du ciel sur la terre comme il
, l'est dit

ritable doctrme de l'Eglise. du Saint-Esprit. Le second Adam est donc


o. Il commence par les assurer que les er- appelé par l'Apôtre, parce que le
céleste Verbe
reurs qu'ils combattaient étaient celles de habité parmi nous.
s'est fait chair et qu'il a

Nestorius, qui avaient déjà été condamnées, 11 prouve l'unité de personne dans les deux

avec leur auteur, en Orient, par un célèbre natures, par divers passages de l'Ecriture, en
concile auquel il avait lui-même député. C'é- distinguant les propriétés de chacune. Il est

tait celui d'Epbèse, en 431. Il les renvoie aux dit dans l'Apocalypse reconnaît être
,
qu'il
Actes de ce concile. Mais pour ne point leur de l'apôtre saint Jean ^ Je suis le premier et
:

refuser les éclaircissements qu'ils lui avaient le dernier. Je suis celui qui vis ;fai été mort et

demandés : « Nous confessons^ leur dit-il ', je vis maintenant dans les siècles des siècles. Jé-
pour la seule et véritable doctrine celle que sus-Christ est appelé le premier, à cause de
l'antiquité cvangélique tient et qu'elle nous sa divinité, parce qu'il est le principe de tout;
a transmise , savoir : que le Fils de Dieu est et il est il est appelé le dernier, à cause de
vrai Dieu et vrai homme, quoique ce ne soit son humanité, dans laquelle il a soutiert la
qu'une même et inséparable personne ;
qu'il mort pour nous. Capréolus ne croit pas que
n'a point habité en Jésus-Christ comme dans le Verbe ait abandonné l'âme bumaine qu'il
les patriarches, les propliètes et les apôtres; s'était unie-', ni que son corps ait souûert la
mais quil a été fait homme réellement et , moindre corruption mais il ne doute pas
;
qu'il

toutefois d'une manière ineflable; en sorte ne soit descendu aux enfers, c'est-à-dire qu'il

que celui qui était et qui est encore le Fils n'ait visité les saints qui y étaient détenus *.

unique du Père, est devenu, en se faisant Il rapporte à cette visite la résurrection de


homme, premier né entre plusieurs frères,
le leurs corpsmarquée dans l'Evangile. Il allè-
et que celui qui est engendré éternellement gue pour preuve de l'union inséparable des
dans le ciel, sans mère, a été créé du Saint- deux natures en Jésus-Christ, les miracles
Esprit, sans père, dans le sein de la Vierge; qui parurent lors de sa mort « Si Jésus- :

que l'en ne doit point, par conséquent ad- , Christ s'est plaint de l'abandon de Dieu, s'il

mettre plusieurs personnes en Jésus-Christ, a été triste jusqu'à la mort, s'il a demandé
l'une de Dieu, l'autre de Thomme, parce que d'en être délivré ce n'a été que pour nous
,

cette distinction conduirait à admettre dans prouver qu'il était véritablement homme ^
;

1 Unam veramque doctrinam hanc esse confitemur, lypsi sic loquitur : Posuil manum, etc. Gapreol., ibid.'
quam evangelka tenet ac iradit antiquitas, id est, * Tantum abest Deum Dei Filium incommutabilem
Dei Filium Deum verum et hominem verum, unius atque incomprehensibilem, ab inferis potuisse conclu-
prorsus atque inseparabilis esse personœ. Nec sicut in di; ut nec ipsam assumptionis animam credamus aut
aliis prœclanssimis viris habifavit aut habitat Deus; exitiabiliter susceptam, aut tenaciter derelictam. Sed
ita in Christum Jesum divinam illam plenitudinem nec carnem ejus credimus contagione alicuju<t corrup-
velut extrinsecus credimus advenisse ; sed proprio tio7iis infectam. Ibid.
quodam atque ine/jfabili modo, Filium Dei etiam Fi- Deus ergo Filium proprium hominem nec in infe-
*

lium hominis- factum. Ut qui ingenita Patris substan- ris deseruit, nec apud inferos dereliquit. Cujus autem
tia unigenitus permanebat ac permanet, mirabiliter virtute ac majestute antiqua sanctorum corpora visa
siiscepto homine, fîeret primogenitus in multis fratri- sunt resurrexisse, si Deus inferos minime visitavit ?
bus... Qui enim sine matre in caelis œterne genitus, Qui est ille qui petras scindi, terram commoveri, so-
ipse in terris sine Pâtre in utero Virginis homo de* lem obscurari, vélum templi in duas dividi parles
Spiritu Sancto creatus est. Et ideo in Christo Jesu effecit? Numquid homo tantum? Nonne etiam Deus?
separari vel subdividi Dei hominisque nullo modo Ergo ei nec in cruce, nec in morte, nec in sepulcro, nec
credimus passe personam : ne non jam in divinitale in inferis defuit. Ibid.
trinitas, sed quaternitas numeretur. Gapreol., Epist. 5 Qualiter creditur contristari magister, nisi ut ««
ad Vital. homine veri hominis passioîies et fluctuationes osten-
* De ipso siquidem Joannes apostolus in Apoca- deret ? Ibid.
,

420 IlISTOffiE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


mais on ne peut inférer de ces endroits qu'il Il relève beaucoup le témoignage que saint
Matlh. X,
ait été abandonné de Dieu. Comment, en
19.
Pierre rendit à la divinité de Jésus-Christ, et
effet, en aurait-il été abandonné, lui qui pro- montre que, par le rapport de sa réponse à
met à ses disciples que lorsqu'ils seront mis
' la question du Sauveur, on voit clairement ^
entre les mains des juges, l'esprit de son Père qu'il ne reconnaissait en lui qu'une seule

ne les abandonnera pas? L'éternel, l'impas- personne en deux natures. Il conseille à Vital
sible, l'immortel, ne pouvait ni naître, ni et àTonantius la lecture des divines Ecritures
souflrir, ni mourir sans se faire homme. Voilà et des livres des docteurs de l'Eglise, les as-
la raison de son incarnation. Il fallait qu'il surant qu'ils y trouveront mieux que dans sa
se fit homme pour racheter l'homme. S'il se lettre ce que la foi nous obhge de croire ^.

trouvait quelque insensé qui dit que l'homme [Ces trois lettres se lisent au tome LUI de la
seul peut remettre les péchés, Capréolus lui Patrologie latine, col. 843-859, d'apx'ès Gal-
oppose le témoignage même des Juifs, qui land, qui les a données au tome IX de sa
soutenaient que c'était blasphémer que d'at- Bibliothèque, avec une préface.]
tribuer à tout autre qu'à Dieu ce pouvoir. »

CHAPITRE XXIX.

Victor, poète chrétien; saint Orient, évêque d'Auch; Evagre, prêt re


et Paulin.

[Auteurs latins du v« siècle.]

1. Claudius-Marius Victor, appelé quelque- dans la solitude sur la fin


tefois qu'il se retira
Qni ctail
Victor? fois Victorin par Gennade et les autres qui "*
de sa vie que ce fut là qu'occupé à lire
, et
ont fait des catalogues des anciens auteurs les saintes Ecritures, il en fit la matière des
ecclésiastiques, était né dans la Provence, et poésies qu'il nous a laissées. Il mourut sous
peut-être à Marseille même. Il est du moins les empereurs Théodose le Jeune etValenti-
certain qu'il enseigna la rhétorique dans cette nien III, c'est-à-dire entre l'an 423, auquel
ville. Pendant le séjour qu'il y fit, il lia une Valenlinien commença de régner, et l'an 430,
étroite amitié avec Salomon, abbé du mo- qui fut celui de la mort de Théodose.
nastère de Marseille, dont Cassien avait eu 2. Nous avons de Victor un commentaire
auparavant le gouvernement. Victor était sur la Genèse, divisé en trois livres, dont le
marié, et on ne voit point qu'il soit passé de premier commence à la création, et le troi-
cet état à celui d'ecclésiastique mais il vivait ; sième finit à la mort d'Abraham. C'est un
avec beaucoup de piété ne prenant aucune
, poème en vers hexamètres, précédé d'une
part aux désordres du siècle au milieu duquel préface dans laquelle Victor s'adresse au Dieu
sa condition l'obhgeait de vivre. Il paraît tou- tout-puissant à qui il fait une confession de
,

1 Itane ille qui servis facientibus Domini volunta- tum Dei Filium, quod in occulto gerebatur, donata
tem suain divinam prœsentiam promisit, exhibuit; in sibi confessione monstrnvit? Ibid.
quo nullo existenle peccato pro nostra snlute mortem ' Non mea, quœ nulla aut parva sunf, habentcs in

subiit innoxiam, ut Patris fuceret voluntatem, divi- hac fidei régula documenta : sed Scripturarum divi-
num auxilium sibi carnis tempore denegavit; et Deus narum, ac magnorum et doctissimorum virorum, qui
liominem, queni ob hase sustinenda nul/a cotnpulsus hœc ante nos et firmissime tenueruni, et i7iulliplicibus
necessitate suscepii , in hac perfunctione destitua? libris eloquentissime docuerunt. Ibid.
Capreol., Epist. ad Vital. * Viclorinus rhetor Massiliensis, ad filii sui Ethe-
2Vos autem quem me esse dicitis? Me utique Fi- riipersonam commentatus est in Genesim, id est, a
lium hominis, ad hœc Petrus : Tu es Christus Filius principio libri usque ad obitum patriarchœ Abrahœ,
Del vivi. Tu. tu, o ille quiFilium hominis dicis,
te très diversos edidit libros, chrisliano quidem et pio
Tu es Christus Filius Dei vivi. Numquid non etiam sensu, sed ut pote sœculari litteratura occupatus homo
hic, sive interrogatione Domini, seu in responsione et nullius magisterio in divinis Scripturis exercita'
Apostoli, utriusque substantiœ una monstratur osten- tus, levioris ponderis sententiam ftguravit. Moritur
diturque persona, dum et ille se hominis Filium, Theodosio et Valentiniano regnuntibus. Geuuad.
quod in aperto videbatur, edicif, et Petrus eum Chris- cap. LX.
,

[iv ET v SIÈCLES.] CHAPITRE XXIX. — VICTOR, SAINT ORIENT, ETC. 421

sa foi, reconnaissant qu'il est un seul Dieu ces vains ornements, ajoute que les hommes
en personnes, sans commencement et
trois ne le sont pas moins en ce qu'ils les souffrent
sans fin. Il y parle de la chute des anges, de dans ces désordres au lieu de les en retirer.
celle de l'homme, et de la rédemption du genre Il se console, dans sa juste douleur, sur ce

humain par le sang du Fils unique de Dieu. que, malgré la corruption presque générale,
Pour ce qui est de ses commentaires, il les on ne laissait pas de trouver encore plusieurs
adresse à son fils Ethérius, qui est le seul de personnes, soit dans le clergé, soit parmi les

ses enfants dont l'histoire fasse mention. Gen- moines, soit même parmi les laïques des deux
nade n'estimait cet ouvrage que pour les sen- sexes, qui pratiquaient la vertu et menaient
timents de piété que l'auteur fait paraître une vie exemplaire et innocente de crime. Il
presque partout, et il n'en trouvait pas les finit cette lettre en disant que la fin du jour
pensées solides disant que Victor, tout oc-
, l'obligeait à se lever et à accourir à l'assem-

cupé de la littérature profane, ne s'était point blée des saints pour la prière du soir. [Ang.
rendu habile dans l'intelligence des divines Maïa publié dans les Classici Aiictores, tom.Y
Ecritures. On ne peut néanmoins lui refuser pag. 367, un poème sur la naissance , la vie
d'avoir mis dans un beau jour l'histoire de la passion et la résurrection de Jésus-Christ.
la création du monde et de tout ce qtii s'est poème est de Victorin
L'éditeur croit que ce
ensuivi jusqu'à la mort d'Abraham. Il le fait de Marseille.]
même avec quelque sorte de noblesse et d'é- La première édition que l'on trouve des [Edilions.]

lévation, quoique son style soit un peu rude poésies de Victor est celle de Lyon, en 1336,
et ses vers peu coulants '. in-S".On en fit une seconde à Paris, en 1343,
On a mis à la fin de ce poème une lettre et une troisième en 1360, avec quelques au-
de Victor, aussi en vers hexamètres, adressée tres poésies chrétiennes, dont une était le
à l'abbé Salomon. Ill'écrivit de la campagne poème sur la Genèse , attribué à saint Hilaire
où il s'était retiré. Il y gémit sur les mœurs de Poitiers. Celui de Victor porte, dans cette
déréglées de sa patrie et en fait une censure dernière édition, qui fut faite chez Guillaume
continuelle. Il se plaint de ce que ni les in- Morel, le titre De la Vérité, et on le lui a con-
cursions des Alains des Vandales des Sar-
, , servé dans le Chœur des Poètes, tom. II, p. 49,
mates et des autres barbares qui avaient porté où on lui a donné place à l'exclusion de sa
la désolation dans les villes et dans les cam- lettre à l'abbé Salomon. Mais cette lettre et
pagnes, ni la famine, ni les divisions intes- les autres poésies de Victor ont été insérées
tines, ni les autres calamités publiques, ne dans le recueil de Georges Fabricius, et dans
servaient de rien pour corriger les pécheurs les Bibliothèques des Pères, de Paris, en 1373,
et les rappeler à eux-mêmes. « Rien, dit-il, et de Lyon, en 1677, sans parler de celle de
n'est saint pour nous que le gain et tout ce , Cologne et des autres faites à Paris depuis
qui est utile nous parait honnête. Nous cou- celles que nous venons de citer. [Le commen-
vrons les vices du nom de vertu, et l'avarice taire sur la Genèse et la lettre sont reproduits
ne craint point de se parer du nom d'épargne.» au tome LXI de la Patrologie latine, dans les
Il déclame particulièrement contre les pas- Carmina e Poetis christianis excerpta, 1836,
sions des femmes, leur luxe, leur affectation par Félix Clément. Le même éditeur a donné
à se parer richement, contre l'usage qu'elles la traduction de ce commentaire et de la
faisaient du fard, du vermillon
et de diverses lettre dans les Poètes chrétiens, chez Gaume,
autres couleurs, qui ne servaient qu'à les 1837, in-8°.]
déshonorer lorsqu'elles croyaient se rendre Sans nous arrêter à rapporter les difi'é-
3.
S.iint
Orient , é»è-
plus agréables. Il leur dit que la beauté de rents sentiments sur le temps auquel a fleuri que d'Aach.

l'esprit et la probité des mœurs sont les vé- saint Orient -, que les uns placent au com-
ritables liens d'un saintmariage; que si l'on mencement du vi« siècle, lesautres dans le viP,
n'y recherche que la beauté du corps, comme et quelques-uns vers le milieu du w^, nous
«iUe passe à la suite des temps^ l'amour pas- dirons, avec les continuateurs de Bollaudus,
sera aussi; que la vertu seule ne vieillit pas.- que ce saint était déjà avancé en âge lorsque
Victor, après avoir fait sentir combien les Théodoric l'Ancien, roi des Goths, le pria de
femmes sont coupables dans la recherche de s'entremettre auprès de l'empereur pour en

' Gennad., cap. lx, pa^. 427. Sévillc. (L'éditeur.


* Voyez le volume suivant, article saint Orient de
422 HISTOIRE GÊNER .\LE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
obtenir la paix '. Aëce, que ce prince avait divisé en deux livres, dont chacun renferme
envoyé avec Littorius, contre Théodoric, re- des principes d'une morale très-pure. Il en-
çut saint Orient avec beaucoup d'honneur et seigne dans le premier que nous ne naissons
de respect; mais Littorius ne lui témoigna que pour chercher, autant qu'il est en nous,
que du mépris. Il était évêque d'Auch lors le Dieu qui a fait le ciel et la terre; que le
de celte ambassade dans laquelle il eut la
,
culte que nous lui devons ne consiste point à
gloire de rétablir la paix dans son pays. On faire élever devant lui la fumée de l'encens,
ne sait point l'année de sa mort, mais on voit ni à répandre le sang des victimes ni dans ,

qu'un nommé Armentaire occupait le siège des sacrifices de cette nature; mais à lui
épiscopal d'Auch en 451, et qu'il signa, en offrir une hostie de louange, qui parte d'nn

cette quahlé, la lettre synodique des évêques cœur pur à croire en lui d'une foi religieuse,
;

des Gaules à saint Léon, écrite cette année-là. et à l'aimer de toute l'étendue de notre cœur,
[1 paraît que saint Orient était né de parents de notre esprit et de nos forces. Pour mon-
idolâtres ^-\ mais aussitôt qu'il eut embrassé trer ce que nous devons à Dieu, il entre dans
la religion chrétienne, il s'instruisit avec soin le détail de tous les bienfaits dont Dieu nous

de la doctrine de rEghse, qu'il prêcha, étant a comblés, soit par rapport aux biens du
évêque avec tant de succès dans son dio-
, , corps, soit par rapport à ceux de l'âme. Il
cèse, où il y avait encore beaucoup de païens, passe du précepte de l'amour de Dieu à celui
que plusieurs renoncèrent à leurs cultes su- qui regarde le prochain, et montre qu'on ne
perstitieux et reçurent le baptême. peut l'aimer véritablement qu'en lui voulant
4. On nous a donné, sous le nom de saint et en lui faisant, selon notre pouvoir, tout le
Ses écrits ,
tom. V Anec. Orient, un ouvrage en vers hexamètres et bien que nous nous souhaitons à nous-mêmes.
Mirt.,paà. 19
et suiT.
pentamètres, intitulé Mémoire ou Avertisse- Il rend cette obligation sensible par l'exem-

ment. C'était assez le goût de ce temps-là d'en ple de l'affection que les animaux ont les uns
composer sous ce titre, comme on le voit par pour les autres dans la même espèce, a Vous
ceux que nous avons de Marins Mercator et souhaitez dit-il, que l'on vous couvre d'un
,

de Vincent de Lérins. Cet ouvrage porte beau- habit quand vous êtes nus, que l'on vous
coup d'autres marques d'antiquité. On y voit donne à boire lorsque vous avez soif, et à
que les idoles avaient encore des adorateurs manger quand la faim vous presse. Soyez
dans les Gaules mêmes; que ces provinces touchés, à l'égard des autres, comme vous
étaient ravagées par les Barbares par la
^
,
l'êtes de vos propres besoins : partagez avec
peste ,
la famine par des guerres intes-
par ,
les malheureux vos habits, vos pots et vos
tines. C'est précisément l'état oii elles étaient plats. » 11 presse surtout l'obligation où nous
lorsque Victor écrivait sa lettre à l'abbé Sa- sommes de faire du bien à notre prochain par
lomon, c'est-à-dire vers l'an 443 ou 450. On l'avantage qui nousenreviendra,lorsqu'après
peut donc rapporter au même temps le Mé- la résurrection Dieu rendra à chacun de nous
moire ou Avertissement de saint Orient. Ce suivant ses mérites, et donne une preuve de
saint s'y nomme lui-même * ; il lui est d'ail- cette résurrection, dans les arbres qui, morts
leurs attribué par Fortunat, qui écrivait vers pour ainsi dire pendant l'hiver, renaissent au
le milieu du vi^ siècle ^, et par Sigebert de printemps et se chargent de feuilles et de
Gemblours, dans son livre des Hommes illus- fruits. Il en tire une semblable de la révolu-
tres ^. L'un et l'autre le nomment Orient, ce tion des saisons. 11 établit aussi l'immortalité
qui suffît, avec les manuscrits où il est nommé de l'âme sur la justice qu'il y a de la part de
de même, pour le distinguer d'Orésius de Dieu à récompenser les bons et à punir les
Tarragone, connu par les lettres de Sidoine méchants. Ensuite il exhorte à fouler aux
Apollinaire. L'ouvrage de saint Orient est pieds le monde avec celui qui en est le prince,

'BoUand., ad prim. diem maii, pag. ei et 62. '<


Ut peccatores vincens Orientais omnes,
2Et nos a fœce ethniconim emersimus, Sanctorum veniam promerear precibus.
Eamque tandem rupimus caliginem, Ibid., pag. 40.
Dum spiritales exaudimus angelos. K Paucaque perstrinxit florente Orientius ore,
Orient., Orat. 24, pag. 46, tom. V Anecd. Mart. Fortun., in Vit. S. Mart.
3 Per vicos, villas, per 7nira, et compila et omnes
6 Orientius Cominonitorium scripsit métro heroieo,
Per pagos, lotis inde vel inde viis.
Mors, dolor, excidium, strage?, incendia, luclus, ut n\ulccat legentem suavi breviloquio. Sigebert., De
Uno fumavil Gallia Iota rogo. Vir illust., cap. XXXIV.

Orient., Commonit., lib. Il, pag. 36.


[iv« ET Y" SIÈCLES.] CHAPITRE XXIX. — V ICTOR, SAINT ORIENT, ETC. 423
avec soin la vue et le commerce
et à éviter que nous en soyons spectateurs, ils ne font
des femmes, montrant que c'est par elles que pas assez d'impression sur nous pour nous
le mal a commencé, et que les plus sages et porter à la vertu et nous préparer à rendre
les plus forts ont été séduits. Il leur attiibue compte à Dieu de toutes nos actions. Il fait
la ruine des républiques les plus florissantes, en passant l'éloge des martyrs, des saints
et fait voir à cette occasion qu'il n'était pas prêtres et des solitaires qui, renonçant à tou-
moins instruit de profane que de la
l'histoire tes les faveurs du siècle, s'appliquent à mé-
sacrée. Ensuite il fait une peinture de l'envie récompenses éternelles ce qui le
riter les :

etde l'avarice « L'envie a fait tomber les


: conduit insensiblement à la description de la
anges du ciel dans de profondes ténèbres ;
béatitude promise aux justes, et des suppli-
c'est elle qui fît répandre le sang d'Abel et , ces éternels destinés aux méchants. Il ajoute
elle est la mère de la guerre et de la dis- qu'en suivant les instructions qu'il donne
corde. Quant à l'avarice, elle infecte toute la dans ce poème, on commencera à devenir
terre, et elle a tant d'empire sur le cœur de enfant de Dieu mais il faut encore croire
;

l'homme, qu'il n'y a point de ciimes si atroces nécessairement que Jésus-Christ est un avec
que l'on n'oblige de commettre à force d'or le Père et le Saint-Esprit, sans aucune difle-
et d'argent; mais nous avons beau faire, dit-il ; rence ces trois noms marquant un même
,

nous sommes entrés nus dans le monde, nous Dieu.


en sortirons nus; nous n'y avons rien ap- A la suite de ces deux livres, on trouve
porté nous n'en emporterons rien; nous
, quelques petits poèmes, dont le premier est s«/-
pouvons toutefois en emporter et même au , la Naissance du Sauveio-;
le second sur divers
double, non en gardant nos richesses, mais noms propres impropres qu'on lui donne,
et
en les donnant à Jésus-Christ dans la per- comme celui de Vertu, de Sagesse, de Verbe,
sonne des pauvres. Fussions-nous pauvres de Pierre angulaire, de Lion, d'Agneau le ;

nous-mêmes, nous pouvons encore lui don- troisième sur la Trinité ; le quatrième sur le
ner si ce n'est pas de l'argent, ou des ali-
: sens des noms propres et impropres qu'on
ments, ou de l'eau chaude, du moins de l'eau lui donne. Le cinquième traite de la même
froide lorsqu'il en a besoin. » matière. Suivent deux prières ou cantiques.
Il commence le second livre par la censure Il dans l'inscription de la première
est dit
de la vaine gloire, qui se répand sur toutes que en avait composé vingt-qua-
saint Orient
nos actions, en sorte que nous donnons tre. Nous n'en avons que deux celle qui est
:

même souvent à celles qui sont vicieuses le la première en suppose visiblement une pré-
nom de vertu. Il dit que si nous voulons cédente mais celle qui est la seconde, était
:

plaire à Jésus-Christ seul, nous ne devons sans doute la dernière de toutes, puisque,
pas mettre notre gloire dans l'approbation dans le manuscrit d'où elle est tirée, elle est
des hommes, mais la chercher dans l'humi- intitulée vingt-quatrième.
liation. Il veut aussi que nous souffrions les Le premier livre du Mémoire de saint
injures sans nous en venger, et il propose Orient parut à Anvers, en 1599 ou 1600,
l'exemple de Jésus-Christ, qui priait pour chez Joachim Trognez, en un volume in-12,
ceux qui le déchiraient de coups, et celui de avec les notes de Martin Delrlo à Salaman-
;

saint Etienne et de saint Jacques, qui ont in- que, chez Antoine Taberniel, in-4", eu 1604
tercédé pour leurs persécuteurs. Il combat et 1044; à Leipsik, en 1631, in-8°, par les
ensuite d'autres vices, comme le mensonge, soins d'André Risinus à Cologne, en 1618,
;

la gourmandise dont il décrit


et l'ivrognerie, dans la Bibliothèque des Pères. On l'a inséré
d'un style pathétique les suites honteuses et depuis dans tous les autres recueils de ce
funestes. Il n'oublie pas l'abus que l'ivrogne genre imprimés à Lyon. Dom Martène ayant
fait des biens, dont il pourrait nourrir les recouvré le second livre, avec les autres pe-
pauvres, et auxquels il refuse ordinairement tits poèmes de saint Orient, dans un manus-

d'en faire part. Il fait une description des critde la collégiale de Saint-Martin de Tours,
calamités dont les Gaules étaient alors affli- ancien d'environ huit cents ans, fit imprimer
gées et ce qu'il dit sur ce sujet répond assez
: le tout dans sa nouvelle Collection des anciens
à ce qu'en dit un autre poète gaulois, dans écrivains, publiée à Rouen en 1700, en un vo-
un poème intitulé de la Providence, parmi les lume in-4''; en 1717, dans le cinquième vo-
œuvres de saint Prosper. La moralité qu'il lume de son Jrésor d'Anecdotes, in-folio. [Le
tire de ces tristes événements, est que, quoi- Mémoire se trouve dans la Biblioth. Veter.
4â4 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Pntr. de Galland, tome X. Le tome LXI.de même, par une prière humble
c'est-à-dire,
"la Patrologie latine, coL 975-1003, renferme et fervente à Dieu. On ne peut
douter non
toutes les œuvres de saint Orient. Le Commoni- plus que l'auteur de ce second écrit n'ait été
toire est reproduit en latin dans les Carmina moine cela paraît visiblement par ce qu'il
:

e poetis christianis selecta de M. Clément, et dit de l'état monastique dans le troisième li-
la traduction française se lit dans les Poètes vre de ses Consultations. Ajoutons qu'elles
chrétiens du même éditeur.] Les vers de saint ont été faites dans le commencement du cin-
Orient ont de la douceur dans le style, et quième siècle, de même que la Dispute entre
de la force dans les pensées mais les su- ; Théophile et Simon. Cela paraît par ce que
jets n'en sont pas assez distincts ce qui les ; l'auteur se sert ordinairement de la version
fait perdre quelquefois de vue au lecteur. de l'Ecriture en usage dans les premiers
Evagre.
g Le même Dom Martène nous a donné à siècles de l'Eglise et parce qu'en faisant
,

la tête du recueil dont nous venons de par- rénumération des hérétiques qui infectaient
ler, un ouvrage très-ancien, intitulé Dispute de son temps les Eglises, il ne parle que des
entre Théophile, chrétien, et Simon, juif. Gen- manichéens, des marcionites, des photiniens,
nade parle de cet écrit comme étant connu
*
des sabelliens, des patri-passiens, des ariens
de presque tout le monde, et il l'attribue à et des novatiens, sans dire un mot des péla-
un Evagre, qu'il croit différent de celui du giens ni des nestoriens, quoiqu'il eût occa-
Pont dont il avait parlé plus haut. Il est fait sion d'en parler dans le onzième chapitre de
mention d'un Evagre dans les Dialogues de son second livre. Il en
avait aussi occasion
Sulpice Sévère ^. Il était prêtre et avait été parlant de l'état monastique dans le troisième
moine sous saint Martin de Tours. Après la livre, de rapporter quelque chose de la règle
mort de ce saint évêque, il se retira chez de saint Benoît comme il ne l'a pas fait,
:

Sulpice Sévère, et on voit qu'il y était encore c'est une preuve qu'il écrivait avant que cette
en 405, et qu'il fut présent à la seconde con- règle fût établie, c'est-à-dire avant le sixième
férence que Gallus y fit sur les actions de siècle. Mais on ne peut pas dire qu'il ait écrit
saint Martin, dont Sulpice Sévère n'avait pas plus tôt que sur la fin du quatrième, qui est
parlé dans sa vie. On connaît encore un le temps où la vie monastique a commencé
Evagre qui fut évêque d'Ântioche; mais il à s'établir en Occident.
n'y a pas moyen de lui attribuer l'ouvrage 6. Les difficultés que le juif Simon pro-
dont nous parlons. L'auteur n'était que prê- pose, sont ordinairement appuyées sur quel-
tre. Il était né en Occident et y faisait pro- ques passages de l'Ecriture de l'Ancien Tes-
fession de la vie monastique. Tout cela con- tament, et tendent toutes à montrer que
vient assez à Evagre, disciple de saint Martin, Jésus-Christ n'est pas Dieu. Théophile sou-
et ce qui nous persuade que cet ouvrage est tient, au contraire, que Jésus-Christ est Dieu
de lui, c'est que le comte Marcellin ^ place et Fils de Dieu et comme Simon en inférait
;

l'Evagre qui en est auteur dans les commen- qu'il y avait donc deux Dieux, Théophile ré-
cements du cinquième siècle, c'est-à-dire en pond qu'il n'y en a qu'un, de qui est Jésus-
423. Dans un ancien manuscrit de l'abbaye Christ et qui est dans Jésus-Christ. Il cite à
de Vendôme, il se trouve immédiatement cette occasion ce qu'on dans la Genèse, lit

après les livres des Consultations ou Délibéj^a- qu'Abraham vit trois personnes, et n'en salua
tions de Zachée, chrétien, et d'Apollonius, phi- qu'une parce qu'il connaissait que c'était
,

losophe; et on juge par le style que ces deux Dieu. Si Jésus-Christ est Dieu et Fils de
écrits sont d'une même main on y voit le
: Dieu, comment est-il dit dans l'Ecriture Au :

même génie et les mêmes façons de penser. commencement Dieu fit le ciel et la terre? L'é-
Ils sont l'un et l'autre composés en forme de crivain sacré ne pouvait-il pas dire Au :

dialogue, où le gentil et le juif proposent commencement le Père et le Fils de Dieu


leurs difficultés, qui sont toujours levées par ont fait le ciel et la terre ? Théophile répond
le chrétien, à l'avantage de la religion de ; qxie par le mot de commencement ou de prin-
manière qu'ilremporte toujours la victoire cipe, il faut entendre Jésus-Christ, en sorte
sur son adversaire. Ils finissent encore de que le sens de l'Ecriture soit que Dieu a

* Evagrius aller scripsit altercationem Simonis j'u- ' Evngrius scripsit altercationem judœi Simonis et
dœi, et Theophili christiani , quœ pêne omnibus nota Theophili christiani, quœ pêne omnibus nota est. Mar-
est. Gennad., De Vir. illust., cap. l. cellin., ad ann. 423.
2 Sulpit-, Dialog. 3, num. 1 et 2.
[IV ET V SIÈCLES.] CHAPITRE XXIX. — V ICTOR, SAINT ORIENT, ETC. 425

terre selon la volonté de celui


fait le ciel et la nication ;
que c'est cette circoncision que
à l'image duquel l'homme a été fait. Il mon- pratiquaient les anciens patriarches Enoch,
tre que ces paroles Faisons l'homme à notre
: Noé, Job et Melchisédech que plusieurs ;

image, ne peuvent s'entendre des anges, même de ceux qui ont cru en Jésus-Christ
mais du Fils de Dieu, dont il est dit dans lorsqu'il était sur la terre, étaient incirconcis,
'"'
les Psaumes Je : l'établirai prince au-dessus de entre autres saint Matthieu et Zachée. De là
tous les rois de la terre. Il rapporte plusieurs Théophile passe à la passion de Jésus-Christ,

passages de l'Ancien Testament, pour prou- que Simon faisait difficulté de reconnaître,
ver la divinité de Jésus-Christ, montrant en et prouve par un grand nombre de passages
même temps qii'il est la vertu et la sagesse de l'Ancien Testament, qu'il était nécessaire
11,10.
çjg Pieu. Simon expliquait ces paroles : Voilà que le Christ souffrît pour la rédemption du
qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils, de genre humain. II allègue en particulier l'au-
la fille de Jérusalem, et par le nom cVFm- torité du psaume xxi% où sont décrites toutes
manuel, il entendait l'ange qui extermina les circonstances de la passion, sans témoi-
cent quatre- vingt mille hommes du camp des gner que les Juifs donnassent alors, comme
Assyriens. Théophile répond que l'on ne ils ont fait depuis, un autre sens aux paroles
peut marquer le Fils de la Fille de Jérusalem, de ce psaume, que celui que présente la let-

en qui se soient accomplies toutes les cir- tre, et qui est le véritable. Il décrit après
constances de la prophétie d'Isaïe qu'il n'y ;
cela le premier avènement du Christ, qui,
a que Jésus-Christ dont on puisse dire qu'il suivant Isaïc, devait se faire dans l'humilia-
a mangé le beurre et le miel, et qu'il a em- tion et dans les souffrances. Il enseigne avec
porté les dépouilles de Samarie avant qu'il TertulUen et Lactance que Jésus -Christ, *

connût son Père ou sa mère; que, par le le Jourdain, ne


après avoir été baptisé dans
beurre, on entend l'onction du Saint-Esprit, prêcha l'Evangile que pendant un an, et
et par le miel la douceur de sa doctrine ;
qu'ensuite il soufifrit la mort, sentiment qui
qu'il a emporté les dépouilles de Samarie, n'a été suivi de personne après le quatrième
soit étant enfant, lorsqu'il a reçu des pré- siècle, si ce n'est par Orose. Il cite le hvre
sents des Mages; soit étant dans l'adoles- de Sagesse sous le nom de Salomon -, et
la
cence, lorsqu'à sa prédication, Samarie et l'histoiredes trois jeunes hommes dans la
Damas ont abandonné le culte des idoles et fournaise, sous le nom de Daniel ^. Simon,
quitté l'Assyrien, c'est-à-dire le diable, pour convaincu de la nécessité d'abandonner le
croire au vrai Dieu. Il montre que Jésus- judaïsme, demanda d'être catéchisé et de
Christ étant né de la Vierge Marie, qui était recevoir le baptême, qui lui fut conféré par
de la race de David, il est lui-même descendu Théophile, c'est-à-dire par Evagre, qui fait
de David, suivant la même prophétie d'Isaïe; dans ce dialogue le personnage de Théophile.
qu'il n'était pas plus impossible à Dieu d'or- Cet endroit fait voir qu'Evagre était prêtre.
donner qu'une Vierge enfanterait, que de [La Dispute entre Théophile et Simon le Juif,
commander un rocher de se fondre et
à a été réimprimée dans Galland tome IX, ,

d'en faire sortir une fontaine enfin que, ;


dans le tome XX de la Patrologie latine.]
selon la prophétie de Michée, Jésus-Christ 7. Les trois livres des Consultations de Za- Consnlla-
tions de Za-
est né dans Bethléem. Ensuite il fait voir que chée et d'Apollonius sontimprimés dans le chée. lom. X
Soicil. Ach.,
la circoncision n'étant qu'un signe pour dis- dixième tome du Spicilége de Dom Luc d'A- lib. I, cap. I,
*« édil.
p. 1 ,

tinguer nation juive d'avec les autres, et


la chéry, sur trois manuscrits très-anciens, dont Paris.,
1671.
aaa.

non pas un signe de salut, Jésus-Christ a pu l'un était de l'abbaye de Saint-Arnould de


en abolir l'usage, pour lui substituer la cir- Metz. Ces manuscrits s'étant trouvés fort
concision du cœur, qui retranche toutes les défectueux, Dom Martène les a depuis colla-
passions mauvaises, l'avarice, le vol, la for- tionnés sur deux autres l'un de l'abbaye de :

Anniculus autem dictus est, quia postea quam


* cumveniamus justutn, etc. Evagr., ibid., et Sapient.
tinctus e.if in Jordane, mmum prœdicavit, et sic pas- u. 12.
sus est, et sanguine ejus fronte signali censemnr, ut in 3 Si his testimoniis, Simon, credere nolueris, lege

secundo adventu, cum venerit vastatio mundi istius, Danielem, et invenies Xabuchodonosor barbnrum : Fi-
sahi esse possimus. Evagr., AUercai., tom. V Anecd. lium Dei ipse cognovit quem tu tardai agnoscere.
Mari., pag. 13. Nonne très viros in fornacem misimus? Evagr., ibid.,
* Hic est etiam Dei virtus Christus, de quo Salo- pag. 16, et Daniel, m, 91.
mon in persona Judœorum prophetavit dicens : Cir-
426 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Vendôme, de la inain d'Ademar de
et l'autre morts ressuscitent. Il y a plus, c'est que les
Cbabanoir, écrit avant l'an dOlO, et mit les hommes mêmes font ces prodiges par l'invo-
variantes du texte de ces Consultations dans cation de son nom. S'il n'était pas Fils de
le treizième tome de ses recueils. [Ces Con- Dieu ou Dieu lui-même, et si l'on croyait
paru dans Galland, tome IX,
sultations ont faussement qu'il s'est fait homme, assiste-
avec des prolégomènes. Le tome XX de la rait-il ceux qui l'invoquent^ et ferait-il des

Patrologie latine reproduit cette édition.] Elles miracles en faveur de ceux qui sont dans le
sont en forme de dialogue : Apollonius qui besoin? Non car il est visible que Dieu ne
:

fait lepersonnage d'un philosophe païen, peut favoriser le mensonge, et que les hom-
propose contre la religion chrétienne, les mes ne peuvent, par le mensonge, mériter
difficultés qui lui paraissaient les plus fortes : des miracles. »

et Evagre, sous le nom


de Zachée chrétien, Evagre ou Zachée donne pour raison de
les résout. Il reconnaît que la conférence est l'incarnation le salut ou la réparation du
feinte, et qu'il ne fait lui-même ce dialogue genre humain mais il semble ne faire con-
:
C'pvi

que pour exprimer plus aisément ses senti- sister cette réparation que dans la loi que
ments. A quoi il ajoute que son dessein est Jésus-Christ a établie et dans les exemples .w, j

de faire un corps de ce que d'autres avaient de vertus qu'il nous a donnés; et lorsqu'il
dit avant lui sur la religion. « Qu'y a-t-il de parle de la mort prématurée des enfants, il
plus absurde et de plus déraisonnable, dit en rejette la cause sur l'inégalité des élé-
Apollonius au commencement du premier ments et des saisons, ou sur les crimes des
livre, que de croire que Jésus-Christ, appelé parents, et non pas sur le péché originel,
par les chrétiens Fils de Dieu, soit en même pour montrer que Dieu ne fait rien d'injuste xxxvi.

temps Dieu et homme? » Zachée lui répond en permettant ces sortes de morts. Il ajoute
d'abord que c'est le fait des philosophes qu'elles leur arrivent même par une espèce
païens de ne rien croire que ce qu'ils savent de boulieur, de peur qu'étant nés de parents
par eux-mêmes et de ne pas reconnaître
, criminels, ils ne le devinssent aussi, s'ils vi-
plus de pouvoir dans le Créateur que dans la vaient plus longtemps. Jamais il ne parle de
créature. Venant ensuite à la difficulté pro- la grâce du Sauveur, qu'il reconnaît toutefois
posée, il fait voir à Apollonius que les écri- pour l'arbitre de nos mérites et fait dépen- :
x^xm.

vains même païens ont rendu témoignage à dre de notre volonté l'entière observation de
la divinité de Jésus-Christ, et qu'ils l'ont la loi. C'était à peu près l'erreur des péla-
aussi reconnu pour homme, puisqu'ils ont giens mais s'il est vrai, comme il y a beau-
:

parlé de la mort qu'il a soufferte sur la croix. coup d'apparence, que l'auteur de ces Con-
11 cite en particulier Platon, qu'ils regar- sultations ait vécu dans les commencements
daient comme le plus savant et le plus sage, du cinquième siècle, il faut dire qu'écrivant
et la Sibylle, dont il rapporte un vers où il est en un temps où les matières de la grâce n'é-
dit '
: taient pas bien éclaircies, il est pardonnable
d'en avoir parlé moins correctement. Suivant
Heureux est le Dieu qui est suspendu au bois.
l'ordre qu'elles tiennent dans les manuscrits,
11prouve la même chose par le témoignage elles ont été faites avant la dispute entre
des démons, « qui sont, dit-il, les Dieux Théophile et Simon, que le comte Marcellin
des païens. » Le seul nom de Jésus-Christ met en 423. Il est donc très-possible qu'elles
les efiraie, lorsqu'on l'invoque contre eux ;
aient été écrites avant la tenue des conciles
et ils ne peuvent s'empêcher de confesser où Pelage fut condamné. Mais, sans recourir
qu'il est Dieu et Fils de Dieu. Il la prouve à cette solution, il suffit de remarquer ici -
encore par les miracles que Jésus-Christ a que Zachée reconnaît en termes exprès, en
faits. A son ordre, les aveugles recouvrent la d'autres endroits, que la raison principale de
vue, l'ouïe est rendue aux sourds, les boi- l'incarnation a été de délivrer l'homme du
teux marchent, les lépreux sont purifiés, les péché qu'il a contracté ;
qu'aucun ne peut

• Félix ille Deus ligno qui pendet ah alto. Consult. aquœ posse salvari. Lili. II, cap. vm. Taceo quod ge-
Zach., tom. X Spicileg., pag. 6. nerali exemptus ruina, in spem quum amiseras repa-
^ liœc fuit assumendi hominem prœcipua ratio vel raris. Lib. II, cap. xvi. Nisi infinnitas carnis efficiat
voluntas, ut peccatum ab homine conlradum, per ho- parafam spiritus voluntutem; ille iantum efficiendi

minem totleretur. Lib. I, cap. xiv. Dominus in Evan- substantiam prœstet, qui magna cupere se donanti
gelio protestatur nullum penitus sine lavacro spiritalis promisit. Lib. III, cap. X.
[lV« ET V« SIÈCLES.] CHAPITRE XXÏX. — VICTOR, SAINT ORIENT, ETC. 427

être sauvé, s'il n'est régénéré dans le bain naires àrbommc


pendant plusieurs années.
de l'eau spirituelle; que, par l'incarnation, Il a fait non en employant les re-
tout cela,

nous sommes délivrés de la ruine générale mèdes de la médecine, mais par une seule
parole. Ensuite Zacbée montre que c'est
et rétablis dans l'espérance que nous avions
perdue; que Dieu qui donne le désir de faire l'homme dans Jésus-Cbrist qui souiirit, et cap. xiv.

le bien, donne le nioy<în de l'accomplir. que le supplice de la croix n'a répandu aucun
Pour reprendre la suite du premier livre opprobre sur la divinité,

de Zachée,nous dirons que l'auteur fait voir Apollonius soubaitant de savoir la nature
que Dieu ne s'est fait bomme par aucune du pécbé qui, par sa grièveté, avait occa-
nécessité, mais par sa volonté seule et par sionné à Jésus-Cbrist un supplice aussi in-
amour pour nous qu'il a voulu naître et
;
fâme que celui de la croix, Zacbée expli-
croître comme tous les autres bommes, afin que en quoi ce pé^^-bé consistait, et fait à ce
qu'il fût constant qu'il était réellement bom- sujet le récit de la manière dont l'homme

me avec cette différence, qu'il est né d'une transgressa le commandement que Dieu lui
;

Vierge par l'opération du Saint-Esprit qui avait fait dans le paradis terrestre. « Cette xv.

transgression, dit-il -, est cause de tous


la
lui forma un corps du sang le plus pur de
cette Vierge. Afin de rendre ce mystère croya-
les maux et le principe de la mort. Dieu,

ble à Apollonius, Zacbée lui dit que si l'es- toutefois, n'en a pas tiré vengeance aussitôt,

prit du monde, c'est-à-dire le vent, a la force voulant bien nous donner le temps d'en mé-
de cbanger l'eau en glace et d'en faire du riter le pardon par les travaux de la péni-

cristal, l'esprit de Dieu peut bien rendre une tence. Mais, au lieu de penser à satisfaù-e à
Vierge mère. Il ajoute qu'en cela même Dieu sa justice, les bommes ont multiplié leurs

a fait connaître sa puissance; que, comme iniquités, lis en ont été punis par un déluge xvn.

Jésus-Cbrist a montré par ses miracles qu'il universel, dont Noé seul fut sauvé avec sa

était Dieu,
il a fait voir aussi qu'il était famille, parce qu'il fut trouvé seul juste. »

homme en souffrant la faim, la soif, la fati- Zacbée raconte en peu de mots ce qui se

.
gue et les autres infirmités de la nature bu- passa depuis le déluge, comment Abraham xvm.

maine qu'il n'en est point de ces miracles fut déclaré le pourquoi
père des croyants ;
;

comme de ceux des magiciens, qui, par les Dieu l'obligea à la circoncision ce que les ;

encbantements des démons, ont quelquefois Israélites eurent à soutlrir en Egypte durant

fait paraître comme vivants ceux qui étaient la captivité de quelle manière Dieu les en
;

morts. retira par le ministère de Moïse; comment x<x.

il les nourrit dans le désert, et leur doiuia


Selon Zacbée, les âmes des défunts de- '

meurent, depuis le moment de leur sépara- la loi; les miracles qu'il fit en leur faveur,
et ce que prescrit cette loi. Il dit que si Je-
tion d'avec leur corps, dans certains lieux j;^.

jusqu'au jour du jugement, et ne peuvent sus-Cbrist fût venu délivrer l'homme plus tôt
en être tirées par aucune invocation des dé- qu'il n'est venu, les fruits de sa venue au-
mons. Mais les miracles de Jésus-Cbrist ont raient été moins grands, parce que
si nous

été réels. Il vue aux aveugles, fait


a rendu la avons tant de peine à ajouter foi à ce qui xx..

marcher les boiteux, arrêté le sang dans une s'est passé depuis peu quelle peine n'au-
,

femme qui en souîfrait la perte depuis long- rions-nous pas eu de croire des choses si
temps, rétabli l'oreille de celui à qui on l'a- ancieimes, et d'imiter des exemples si éloi-
vait coupée. Il a guéri des lépreux, ressuscité gnés? «Ou voit encore aujourd'hui, dit Zacbée,
des morts, qui ont fait preuve d(^leur résur- les signes de la croix du Seigneur et de sa

rection en faisant toutes les fonctions ordi- mort ^ et les dépouilles de son sépulcre,

1 Defundorum animœ resolutis corporihus ad sedes lestem iestatur ascensum, pêne ad hue solo résident
débitas perducuntur, ac pro meritis usr/ue ad futuri pedum p)-essa vestigia, ac lustrâtes operibus regione;

judicii diem tel ùi locis beatorum morantur, et sub- virtutum exempta demonstrant, et a multis Christus
jectœ magorum invocationibus non sunt, aut quibus- aut quia fuit mortuus, Deus esse non œstimatur, aut
dam clausœ carcerihus ventre ad superna prohibentur. quoniam si Deus fuisset mortuus, et post murtem re-
Lib. I, cap. xii. surgere, potuisse non creditur; cum prœter cœtera et
* Hœcinterdicti prima tranagressio malorum om- mors hoiuinem probet et rcsurrectio Deutn. Extant
nium cauia mortisque principium. Lib, I, cap. xv. prœterea apostolicœ conversai ionis uctus, et formam
* Ecce adliuc dominicœ crucis ac mortis indicia fe- justitiœ sequi prout a prœsenlibus edocemur, cum ea
licis scpulcri exuviœ continent , et signatus a pres- quœ fecisse legimus vivos eliam ante defunctorum ci-
senti multitudine locus, post resurrectionis visum coe- neres fisri sœpe videamus, vix propinquitute finis et
428 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
peut-être le suaire qui avait enveloppé son aux faux dieux, ne paraissent à Za-
tribuait
sacré corps, et qn'Eudoxie apporta à Cnns- que des illusions des démons, et il se
cliée c^p.i.t

tanlinople au commencement du cinquième moque du soin que les païens prenaient de


siècle les impressions de ses pieds sont
; dresser à leurs dieux des simulacres ou
presque encore marquées au lieu d'où il est de terre cuite ou de bois, ou de quelque
monté au ciel; les merveilles qu'il a opérées, autre matière, pour les adorer. « Nous ado- "^"'
et les exemples de ses vertus sont connus rons, répondait Apollonius, les images de
dans les pays qu'il a parcourus; et toutefois, ceux que nous savons être dieux mais, vous
:

parce qu'il est mort, il y en a qui ne croient autres chrétiens, pourquoi adorez-vous les
pas qu'il soit Dieu, ni même qu'étant Dieu, images des hommes, et pourquoi vos prêtres
il soit ressuscité après sa mort ,
quoique sa ne s'opposent-ils point à un culte qu'ils ne
mort prouve qu'il était homme, et sa ré-ur- peuvent ignorer être défendu par la loi? »
rection, qu'il est Dieu. Nous avons, outre cela, Zachée convient qu'il n'est permis d'adorer
les Actes des Apôtres, et nous savons par ni les éléments, ni les anges, ni aucune des
ceux-ci, comme s'ils étaient présents, quels principautés du siècle ou de la terre ou de
sont les modèles de justice que nous devons l'air; mais il répond que les chrétiens n'ado-
Cap. XXII,
suivre, puisque les miracles qu'ils ont faits rent point les images ', qu'ils ne leur offrent
pendant leur vie, se renouvellent souvent à point d'encens, qu'ils ne leur donnent point
leurs tombeaux et toutefois à peine la
; le nom de Dieu, et que s'ils les placent sur

crainte de notre fin prochaine et du jour du les autels, c'est pour honorer la mémoire de ^-^"^
jugement, qui ne tardera pas, nous oblige- ceux qu'elles représentent et afin qu'en
,

t-elle d'abandonner les idoles pour n'adorer voyant leurs images, on soit porté à suivre
que le vrni Dieu. » les exemples de vertu qu'ils ont laissés à la
Il réfute après cela l'opinion d'Apollonius, postérité. Il fait le démon auteur de l'astro-
qui voulait que les âmes fussent de la subs- logie judiciaire, et dit que cet esprit malin
tance même de Dieu, de s'y mêler
et qu'avant n'a rien trouvé de plus propre à séduire les
de nouveau, elles fussent purgées par un feu hommes, qu'en leur persuadant que c'est au
céleste des taches qu'elles avaient contrac- destin qu'ils sont redevables de leur vie. Il ""
tées pendant leur union avec le corps. « La montre que cet art n'a aucun principe solide,
substance de Dieu, dit-il, ne peut être puri- soit qu'il cherche l'avenir dans la position ^"'f'
fiée, parce qu'elle est incapable de taches, des astres, ou dans le vol des oiseaux, ou
et les âmes des hommes ne sont pas de Dieu, dans toute autre chose.
mais faites par Dieu elles sont l'ouvrage du
: Dans les chapitres suivants, Zachée traite
Créateur et ne participent pas à la divinité. » de la création des anges et de l'homme, de
Il prouve que la résurrection des corps se leur chute et de la peine qu'ils ont encourue
''^^"^'
fera par la vertu de Dieu, à qui il n'est pas pour leur prévarication. Il dit qu'il convenait
plus de leur rendre la vie, qu'il lui a
difficile que celui qui a formé l'homme pour être im-
été facile de la leur donner. Que ces corps mortel, le rétablît lui-même, et non pas par
aient été consumés dans le ventre des pois- le ministère des anges; que si Dieu permet

sons et des animaux, ou dans le sein de la qu'en ce monde les justes manquent souvent
terre, il est toujours au pouvoir de Dieu de de bien et de consolation, tandis que les mé-
les retirer des éléments qui en conservent chants prospèrent, c'est pour empêcher qu 'ils
les restes, qui sont mêlés ou dans l'eau ou ne se corrompent au milieu de l'abondance,
dans la terre. Selon le même auteur, le et qu'il se séserve de les rendre heureux dans

monde, qui a été créé de rien, subira un l'autre vie, où chacun recevra suivant ses
sort semblable au corps, c'est-à-dire qu'il mérites. Il finit son premier livre en exhor-
sera détruit, et qu'après sa destruction il y tant Apollonius à renoncer à la sagesse du
aura un ciel nouveau et une terre nouvelle, siècle pour embrasser la foi de Jésus-Christ,
et alors les justes jouiront de la souveraine dont en effet il fait profession dans le dernier
et éternelle féhcité. Les oracles que l'on at- chapitre, où il confesse l'unité de Dieu, la

instantis examtnis ierrore compellimur, relictis ido- sed memo7'iœ pro meritis exponuntur, ut exemplum
lis, veram colère divinitatem. Lib. I, cap. XXI. factorum probabilium posteris prœstenf, aut prœsentes
' Non Deus dicitur cujus effigies salutaiur, nec ado- pro abusione casligent. Lib.I, cap. xsviii.
lentur thure imagines, aut colendœ aris superstant.
[iv« ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XXIX. — \ ICTOR, SAINT ORIENT, ETC. 429

résurrecliou de la chair, la rédemption du siste plus ^, parce qu'il n'est aucun temps où
genre humain par Jésus-Christ, le jugement les fidèles faire de bonnes œuvres
ne doivent ;

dernier,où les bons seront récompensés et que la circoncision n'était ordonnée aux Juifs
les méchants punis de supplices éternels. Il que pour les distinguer des autres nations ;

renonce en même temps au culte des idoles d'où vient que, pendant les quarante ans qu'ils Cop. vm.

et déteste les sacriiices abominables qu'on fujent dans le désert, aucun deux ne fut cir-
leur oiirait dans leurs temples, et demande concis, parce qu'ils n'étaient point mêlés avec
à Zachée de lui conférer la plénitude de la des peuples étrangers; qu'au contraire, le
foi et les mystères intérieurs , apparemment baptême est tellement nécessaire, soit aux
lebaptême et les autres sacrements qui l'ac- hommes soit aux femmes, que sans lui per-
compagnaient ordinairement, c'est-à-dire la sonne ne peut être sauvé que s'il a été per- ; ,i.

confirmation et Teuchaiistie. Nous avons vu rais aux anciens patriarches d'avoir plusieurs

que l'auteur de la Dispute entre Théophile et femmes c'est qu'il était convenable que le
,

Simon terminait de même son Dialogue^ ce qui peuple de Dieu, réduit à un petit nombre du
fait une nouvelle preuve qu'ils sont l'un et temps d'Abraham, se multipliât, et que d'ail-
l'autre d'un même auteur. leurs chacun d'eux souhaitait de voir naitre
Zachée, après avoir persuadé à Apol-
8. le Messie de sa race. Il pose pour principe que x.

lonius la vérité de la rehgion chrétienne dans Dieu, dès le commencement, n'a rebuté au-
son premier hvre, s'occupe, dans le second, cune nation en particulier, et que les Gentils
à lui inspirer le désir de vivre pour Dieu et n'ont déplu à Dieu que lorsque, s'oubliant
dans une exacte observation de ses préceptes. eux-mêmes et ce qu'ils devaient à leur Créa-
Pour cet etlet, il l'instruit exactemei.t du mys- tem-, ils ont rendu un culte divin à des simu-
tère de la sainte Triuilé, disant qu'il n'y a lacres d'hommes et de bêtes, et ont reconnu
qu'un Dieu en trois personnes ; le Père, le puur dieux les astres le feu et d'autres élé-
,

Fils et le Saint-Esprit ;
que cette Trinité, quoi- ments; que tandis que la foi et la justice ont
que distinguée de noms et de personnes, est fleuri parmi les Juifs, Dieu les a aimés, et xi.

une même divinité, eu sorte que l'on ne peut qu'il ne leur a substitué les Gentils qu'après

pas dire il y a un dans la Trinité ', mais


:
: qu'ils ont eu comblé leurs crimes en faisant

la Trinité est une même chose. 11 prouve^ par mourir Jésus-Christ. Zachée traite ensuite de
l'autorité de l'Ecriture, celte trinité de per- plusieurs hérésies qui avaient paru jusqu'a-
sonnes, et montre en particulier que le Saint- lors, de celles de Marcion, de Photin, de Ma-

Esprit est Dieu. 11 prouve aussi la divinité de nichée, de Sabellius, des patri-passiens, d'A-
Jésus-Christ contre les Juifs en faisant voir ,
rius et des novatiens. Il en commence la ré-

que les prophéties touchant le Messie ont futation par l'hérésie des manichéens ,
qui
été accomplies dans Jésus-Christ que l'on y ;
disaientque ce monde était l'ouvrage du
voit toutes les circonstances de sa passion, de mauvais principe, et que Jésus-Christ ne s'é-
sa résurrection, de son ascension au ciel, de tait fait homme qu'en apparence. Il détruit xn.

même que de sa naissance temporelle, en- la première erreur par cet endi-oit de l'Ecri-
suite il rend raison pourquoi la loi nouvelle ture où il est dit que tous les ouvrages de Dieu

a aboli une partie de l'ancienne, montrant lui plurent parce quils étaient extrêmement
,

que les cérémonies légales n'avaient été or- Oons. Il détruit la seconde par le témoignage

données aux Juifs que pour les humilier, et des Juifs qui, connaissant la généalogie de
p
non pas pour les justifier; que les purifica- Jésus-Christ, disaient : A'est-il pas le Fils de *'
tions prescrites par la loi étaient la figure du Joseph l'artisan? sa mère et ses frères ne de- Mauh.i
^^"
baptême; qu'aux sacrifices sanglants a suc- meurent-ils pas avec nous? Et par cet autre
cédé l'oblation pure, qui se fait par l'Homme- endroit de l'Evangile : Jésus croissait en âge, i,ac. „ 5

Dieu, dont il est dit dans le psaume Vous êtes : en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les

le Pontife éternel selon l'ordre de Melchisédech; hommes. 11 étabUt contre les marcionites la di-
oblation éternelle où, en recevant Dieu-, nous vinité de Jésus-Christ, et son éternité contre Cip. X|[t.

devenons pour ainsi dire une partie de lui- les pholiniens, employant à cet eûet plusieurs
même que l'observation du sabbat ne sub-
;
passages des deux Testaments. U suit la même

' Neque in Trinilate unus, sed Trinitas unum est. mendo pars ipstus, salutaria expetere debeo. Lib. Il,
Lib. Il, cap. II. pag. 512.
* .Eterni sacrificii partkeps factus, immo Deum su- ' Praefat., lib. IF, pag. 51
430 HISTOIBE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Cap. XIV et méthode dans des au-
la réfutation qu'il fait dans le Fils , même
que la plénitude du
de
très hérétiques dont nous venons de parler. Père et du dans lui. » Zachée. après
Fils est
^""- Les novatiens soutenaient qu'il n'y avait point avoir fait l'exposition de la foi touchant la
de rémission à espérer pour celui qui tom- Trinité, semble dire à Apollonius qu'il lui
bait dans le péché après son baptême. Za- suffit de s'attacher à la doctrine renfermée

chée leur répond que Jésus-Christ même a dans les livres canoniques ^; mais il ne pré-
déclaré que le blasphème ,
qui est le plus tend point par là détruire l'autorité de la
grand de tous les crimes ', était rémissible, tradition qu'il avait établie plus haut, en di-
de même que les autres péchés commis con- sant * que les hérétiques ne sont devenus tels
tre lui, pourvu que le coupable méritât, par que pour avoir abandonné la tradition apos-
la sincérité de sa pénitence et de sa conver- tohque et suivi des maîtres de perfidie. Il
sion, que la sentence d'absolution prononcée l'établit encore dans la suite, lorsqu'il dit,

par le prêtre fût ratifiée dans le ciel. C'est le dans la prière qu'il adresse à Dieu qu'il en ,

XVIII. raisonnement de Zachée, qui en apporte plu- obtiendra miséricorde ^, s'il accomplit pen-
sieurs autres pour défendre la doctrine ca- dant sa vie la volonté de son Seigneur et s'il
tholique contre ces scbismatiques. 11 fait une garde fidèlement la foi qui nous a été con-
petite récapitulation des articles de foi qu'A- servée par la tradition des Pères.
pollonius devait croire. « Il y a, dit-il -, un Dieu 9. Dans le troisième livre Zachée donne, ,
^roi

Père qui a toujours eu ce qui est essentiel à d'après l'Ecriture sainte, diverses maximes pj^^à-"

sa qualité de Père ne recevant rien de per-


, importantes pour le règlement des mœurs,
sonne, mais produisant tout de lui-même; il recommandant surtout l'observation du dou-
y a un Fils, distingué du Père personnelle- ble précepte de l'amour de Dieu et du pro-
ment par son nom et non pas par sa subs-
, chain. Ensuite il pour se
prescrit des règles cap. n
tance, d'une pleine majesté comme celui qui former un genre de vie plus parfait, qu'il fait
Ta engendré, parfait et étemel, qui s'estfait consister dans la pauvreté volontaire et dans
voir à nous dans le temps comme notre Sau- la mortification continuelle du corps et de
veur il y a un Saint-Esprit, qui est distingué
; l'esprit. De làilpasseauxinstitutsdesmoines,

du Père et du Fils personnellement et de nom, dont il dit qu'il y avait dès-lors divers genres.
et non pas de majesté ou de substance. Il Il convient que la plupart des moines étaient m.
n'est pas engendré comme le Fils mais il , méprisés des gens du siècle non que leur ,

procède du Père à qui il est égal en vertu


, état fût digne de mépris, mais parce que
et en divinité, n'ayant qu'une même volonté beaucoup d'entre eux ne vivaient pas d'une
avec lui , et faisant toujours ce que font le manière conforme à leur profession. Parlant
Père et le Fils. On en lui et l'ado-
doit croire des cénobites ^, il dit qu'ils vivaient tous dans
rer comme étant toujours dans le Père et un même endroit; que leur habit était pau-

1 Posiremo etîarn blasphemiam quas cuncta super- magistros perfidies sunt secuti. Lib. II, cap. XI.
greditur o'imina, remitti passe Salvator insviuat, î»
'Mmen suœ miserationis beneficiis relaturus, si et
abolerique in se commissa non re.nuit, si verœ conver- vivendo voluntatem ipsius impleam, et servaiam Pa-
sionis labore mereamur, ut sitb ejus prœcepto cœlum trum traditionibus fidem reprœsentem. Lib. II, cap.
conseniiat cum judicio sacerdoUnn. Lib. II, cap. xvm, XX.
* Vnus Deus Pater, qui semper hoc habuit spé-
est
fi
His conveniendi unus omnibus locus est, sed dis-
ciale qiiod Pater est, non recipiens ulla, sed a se pro- par manendi; vestitus humilis, cibusque non blandus,

ferens omnia ; est et Filius nomine atque persona, non nec interest ex quo potissimum sitis, vel quam vili
substantia a Pâtre distinctus, plenœ majestatis ut liquore satietur, dum potandi orceat voluptaiem, et
genitor, perfectus perinde et sempiternus... nobis ex vim corpore necessitatis excludat. Psallendi vero in-

temporc assumpti Salvaloris oslensus... est et Spiritus sunt studia, certisque horarum vicibus
ientis crebra

Sanctus a Pâtre simul ac Filio, persona tanlum et laudandi Deum devotio disfributa : jugis jejunii usque
nomine, non majestate aut substantia alius œstiman- ad vesperum, labor et opus diurnum prout est scien-
tia exercetur a singulis proprium quod alicui sup'
dus; non genilus id Filius, sed a Pâtre procedens,
:

virtutis, divinitatis , honoris perinde ac voluntatis


petit non est, et est commune quod déficit. Ideo cunc-
tis execrabilis torpor et victus ?iisi ex labore non con-
ejusdem, idem semper quod Pater et Filius faciens
atque idem prœstaîts... hune perpetuo credi et confi- gruens. Juncia perinde lectulis strata, parvisque ve-
teri, adorari, colique ac mctui convenit ; ut sicut laminibus permissum soiiino corpus obtegitur : quin
idem in Pâtre semper ac Filio est; ita in eo Patris etiam supplicandi in nocte statuta sunt tempora, no-
ac Filii plenitudo credatur. Lib. Il, cap. xix. iœque vigiliœ. Nunquam prœterea diei falluntur ad-
3 Ergo sufficiat canonicis inliœrere doclrinis. Lib. II, ventu, sed strenuos semper fallentis aurorœ tempus

cap. XIX. exuscitat, atque offerendas Deo laudes devotio matu-


* Hi itaque traditionem apostolicam relinquentes lina compellit.
, , <

[iv ET v^ SIÈCLES.] CHAPITRE XXIX. — VICTOR, SAINT ORIENT, ETC. 4âi

vre, et leur nourriture sans aucune délica- épitre aux Corinthiens et l'Apocalypse de
tesse, ne recbercliant clans le boire et dans saint Jean.
le niaugcr que de quoi soulcuir et entretenir Il autorise l'assiduité des moines à la prière icor.vii,2â
^po'-^'v.
les forces du corps qu'ils psalmodiaient très-
;
parle précepte de Jésus-Christ et de saint
souvent, et toutefois àcertaiues heures mar- Paul et le chant des psaumes
,
^ et des canti-
I
"t'"'"'*
Ttess. V.
quées qu'ils jeûnaient toujours jusqu'au soir;
;
ques par l'exemple de Moïse, de David et des Exod. xv.

que chacun travaillait des mains suivant son trois 'jeunes hommes dans la fournaise. Il fait p^i'- ï" <

CXVIII.
savoir; qu'ils n'avaient rien en propre, et que une digression sur l'antcchrist, à la prière
tout était commun parmi eux, La tiédeur et d'Apollonius, et dit qu'il est certain que l'an- Cip. vu.

la négligence leur étaient en horreur, et il ne tcchrist , ou plutôt le diable sous la forme


leur paraissait pas convenable de manger de d'un homme, viendra ;
qu'il détestera le culte

ce qu'ils n'avaient pas gagné du travail de des idoles, prêchera la circoncision, rétablira
leurs mains. Leurs lits étaient un tissu de l'ancienne loi , et , sous ce prétexte , séduira
joncs, et il leur était permis d'avoir de lé- les Juifs; que, pour séduire les hérétiqiies, il

gères couvertures pour mettre sur eux pen- se fera passer pour un Dieu, mais moindre
dant le sommeil. La nuit avait des heures que le Père; qu'il trompera les Gentils par
marquées pour la prière, et le point du jour ses prestiges qu'après avoir combattu l'ido-
;

les trouvait sûrement éveillés pour chanter lâtrie, il se fera dresser à lui-même des idoles

les louanges de Dieu. Les ermites demeurent dans les lieux saints, et contraindra par toutes
seuls dans le désert, où ils se mettent h cou- sortes de tourmenls les saints à l'adorer. Il
vert des ardeurs du soleil et delà pluie dans ne décide rien sur le temps de sa venue, quoi-
le creux des rochers ou dans des antres de qu'il ne le crût pas éloigné mais il croit que ;

la terre. Ils se contentent de pain dur et de le règne de l'antechrist ne sera pas long, et
Teau des fontaines, ne s'habillant que de que Jésus-Christ viendra aussitôt. Il ajoute
l)eaux ou de ciliées. Ils passent toute leur vie qu'Elie le précédera; qu'il annoncera pon-
à combattre contre les vices du corps et de dant trois ans et demi la venue de l'ante-
l'esprit. Les prières qu'ils font sans cesse à christ et le dernier avènement de Jésus-Christ,
Dieu leur tiennent lieu de sacrifice, et ils ne et qu'alors ce qui a été prédit de la prédica-
cessent de prier que pour chanter des psau- tion de l'Evangile dans tout le monde, sera
mes. Leur constance est souvent à l'épreuve accompli. Il donne pour preuve de la venue
des démons et des esprits immondes. Ils jeû- prochaine de l'antechrist le trouble où l'on
nent continuellement passent les nuits sans ,
voyait alors généralement tous les peuples,*
dormir, et ils prennent un peu
si quelquefois qui quittaient leurs pays pour s'emparer de
de repos, c'est en se couchant sur la terre celui des autres, qui abandonnaient la cul-
nue, sans se donner de quoi appuyer leur ture de leurs terres et les autres exercices de
cip IV. tête, si ce n'est quelque rocher. Une vie si la paix pour ne s'occuper qu'à la guerre, aux
singulière fait demander à Apollonius si l'on pillages et aux meurtres; les haines les in- ,

trouvait dans l'Ecriture de quoi l'autoriser. justices qui régnaient partout, la piété ban-
Zachée répond que la raison de se retirer nie du monde, les usurpations, qui étaient
dans les déserts est d'éviter les occasions du telles que l'on voyait des personnes dont on
T. pécbé d'ailleurs, l'Ecriture nous défend d'ai-
; ne se serait jamais douté, porter le diadème
mer le monde et tout ce qui est dans le après avoir dépossédé ceux qui étaient assis
monde; que l'on voit, par divers endroits légitimement sur le trône; les prodiges ex-
des psaumes, que David même se revê- traordinaires qui annonçaient de grandes ca-
tait de cilice qu'il humiliait son âme par
,
lamités, les fréquents tremblements de terre,
lejeûne, mêlait de la cendre avec son pain, les divers signes qui avaient paru dans le
et ses larmes avec sa boisson saint Jean- : ciel, les grandes famines suivies de morta-
Baptiste vivait dans le désert, vêtu d'un ha- lité. Tous ces événements conviennent aux

bit de poils de chameaux. Elie ayant un che- dernières années de l'empereur Honorius
min assez long à faire par l'ordre de Dieu, mort en 423.
l'ange ne lui donna pour le soutenir que de Zachée prend occasion de ce qu'il avait dit ,j

l'eau et du pain. Zachée prouve aussi que de l'antechrist, de parler de la résurrection


quoique le mariage soit bon et établi de des corps et de faire voir que Dieu l'a pro-
Dieu , l'état des vierges et des continents lui mise en divers endroits de l'Ecriture. Il allè-
est préférable sur quoi il cite la première
; gue ce que nous en lisons dans le trente-
43â HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
septième chapitre d'Ezécbiel, à qui l'Esprit traordinaires qui parurent en di rers endroits,
de Dieu fit voir une image de la manière dont surtout à Béziers. Nous n'avons plus cette
celte résurrection se ferait dans les derniers lettre ,nous n'en savons que ce que la
et
jours. 11 allègue encore la réponse que le Chronique d'idace nous en dit en général. Il
Sauveur fit aux Sadducéens, qui doulaieul de ne spécifie pas non plus ces prodiges dans
la résurrection des morts. Comment lisez-vous, ses Fastes, se contentant de marquer que
leur dit-il, que Dieu est le Dieu d'Abraham, Jean de Jérusalem fit aussi connaître, par
d'Isaac et de Jacob? assurément il n'est pas le une letti'e-circulaire les signes extraordi-
,

Dieu des morts , mais des vivants. Puis, pour naires dont il avait été témoin C'était appa-
donner quelque idée de la vie bienheureuse remment les mêmes dont le comte Marcellin
qui sera la récompense des justes, il dit fait mention dans sa Chronique, où nous lisons

qu'ils n'auront besoin de rien mais que , que Jésus-CInist se fit voir sur le mont des
Dieu ,
par sa présence , leur procurera des Oliviers que le signe de la croix parut em-
;

joies et des plaisirs ineffables. 11 semble que preint sur les habits tant des Juifs que de
lorsque Evagre écrivait, les Gentils mena- plusieurs autres qui effrayés de ces pro-
,
,

çaient encore avec fierté les chrétiens. Il diges, demandèrent et reçurent le baptême.
exhorte Apollonius à ne point s'en efirayer, 11 y eut, dans le même siècle divers autres ,

l'assurant que Dieu l'aidera à soutenir leurs Paulin, l'un disciple de saint Ambroise, et
efforts, et que par sa puissance il changera même qui a écrit sa vie; un autre évêque, de
les tempêtes en une légère écume. Périgueux. Le premier était diacre de Milan,
Voilà ce qui nous a paru remarquable et à moins qu'il n'ait été fait évêque, ce qu'on
dans ces deux dialogues, dont le style est ex- ne sait pas on ne peut lui attribuer les dis-
,

trêmement mauvais, obscur, enflé et chargé cours dont parle Gennade. Le second vivait
d'expressions peu latines. Les matières qui encore sur la fin du v« siècle. Celui de Béziers
y sont traitées le sont assez superficiellement; convient mieux au temps où Gennade place
il paraît que l'auteur les possédait de même. Paulin, auteur des traités sur le Carême et
10. Geunade met parmi les écrivains qui sur la Pâque. [Le cardinal Mai, dans le tom. IV
ont fleuri avant le milieu du v« siècle *, un du Spicilegium Romanum^ a publié trois ser-
nommé Paulin qu'il dit avoir composé des
,
mons qu'il attribue à Uy Paulin de Béziers.
traités sur le commencement du Carême. 11 en a deux sur le un troisième sur
Carême, et
ajoute qu'il en avait lu deux sur le Jour du di- l'évangile du jour, où ou hsait ces mots :

manche de Pâques, sur l'Obéissance, sur la Péni- Convertimini ad me, et ego convertaradvos. Ils
tence et sur les Néophytes. On ne sait qui était sont précédés d'une notice du cardinal Bésu-
ce Paulin. Il y avait, en 419, un évêque de tius , sur le manuscrit et sur les auteurs qui
ce nom à Béziers, dans le bas Languedoc, ont porté le nom de Paulin, depuis l'évêque
lequel, en cette année, écrivit une lettre circu- de Noie, à la fin du iv^ siècle, jusqu'au temps
laire à toutes les Eglises du monde pourtour de Paulin d'Aix du temps de Charlemagne.
,

faire le récit des prodiges et des signes ex- Le cardinal Bésutius indique une épître du
même Paulin, de Siynis terrificis.]
' Geunad., de Vir. illust., cap. Lxviii.
[V SIÈCLE. CHAPITRE XXX. — SAINT HILAIRE D'ARLES. m

CHAPITRE XXX.

Saint Hilaire , archevêque d'Arles [auteur latin].

[En 449.

1 Ce saint, né, comme saint Honorât, son celui qu'il devait suivre. Mais, grâce à votre
prédécesseur, sur les confins de la Lorraine miséricorde, ô divin Jésus, fléchi par les
et de la Bourgogne, naquit vers l'an 401, de ferventes prières de votre serviteur Hono-
parents honorés de la dignité érainente du rât, vous avez rompu mes liens pour m'at-
consulat. Son éducation fut conforme à sa tacher à vous par les liens de votre amour.
naissance. Ou lui fit étudier l'éloquence et Assujetti à cette heureuse captivité, je ne
les belles-lettres ', dont il acquit une parfaite tomberai plus sous la servitude du péché. Je
connaissance, aidé dans ce genre d'étude par reviens humilié et soumis à vous, dont je
de grands talents naturels. C'en était assez, m'étais éloigné par mon orgueil. »
avec les biens considérables qu'il possédait, 3. Dès ce moment, Hilaire se défit de tous Il lionne ses

pour plaire au monde. lU'aima jusqu'au point ses biens, les vendit à son frère, en distri- vres, se retire
à Li-rins.
de s'y mettre en danger de périr, par son bua le prix aux pauvres quitta son pays et
,

attachement à ses vains honneurs et à ses aUa s'enfermer dans le désert de Lérius pour
faux biens. Mais Dieu qui voulait lui faire , y vivre sous la conduite de saint Honorât ^.
éviter le naufrage se servit à cet effet du
, , , Ce saintl'y nourrit d'abord de lait, et ensuite
ministère de saint Honorât alors abbé dans , de viandes plus solides, désaltérant sa soif
lile de Lérius, sur les côtes de la "Provence. par les eaux d'une sagesse toute céleste. Ses
2. Le saint abbé quitta son désert pour un progrès dans la vertu furent rapides propre :

temps, vint trouver Hilaire, le pressa, parles à y former les autres, on le chargea de l'é-
discours les plus toucliants, de renoncer au ducation de Salone, fils de saint Eucher *, de-
monde. Il lui représenta d'un côté la bas- puis évèque de Lyon.
sesse et rinstabilité des choses humaines, de 4. Tout cela se passait avant l'an 426, au- Il tient à
Arles eu ;26
l'autre la certitude et la grandeur des biens quel Palrocle, évèque d'Arles, ayant été tué, retourne à
Leriiis, et re-
à venir. Hilaire en fut convaincu; mais, plus saint Honorât fut choisi pour lui succéder. vipnt à Arles
en '•^TouiïS.
flatté des biens dont il jouissait que de ceux Saint Hilaire le suivit à Arles; mais aussitôt
qu'on lui faisait espérer, il continua à jouir qu'il le vit établi sur ce siège, il retourna à
des premiers. Saint Honorât eut recours à la Lérins, gouverné alors par saint Maxime, qui,
prière, son refuge ordinaire -. Il
y joignit ses quelques années après, fut fait évèque de
larmes et ses caresses; mais rien jusque-là Ries. Il ne jouit pas longtemps des douceurs
n'ayant pu amollir la dureté du cœur d'Hi- de cette solitude. Saint Honorât le rappela
laire, le saint abbé le quitta, sans toutefois auprès de lui dès l'année suivante, ou au
l'abandonner. « Car, trois jours après qu'il plus lard en 428.
m'eut quitté, dit Hilaire, la miséricorde de o. Ce saint évèque étant tombé dangei'cu-
n est hit
Dieu, sollicitée par ses prières, subjugua mon sement malade quelque temps après, les per- fjf''"^^.^'^

âme rebelle. Le trouble de mes pensées avait sonnes les plus qualifiées d'Arles lui deman- *-à-

banni le sommeil de mes yeux. Je voyais dèrent sur qui ils pourraient jeter les yeux
d'un côté le Seigneur qui m'appelait à lui pour lui succéder il leur désigna Hilaire,
:

avec bonté, d'un autre le monde qui me pré- qui fut en eÛet élu évèque de cette ville quel-
sentait de loin tous ses plaisirs et tous ses ques jours après la mort de saint Honorât,
charmes. Mon esprit comparait eu lui-même arrivée selon l'opinion la plus suivie le 16
, ,

l'un et l'autre parti et flottait sur le choix de janvier 429. Saint Hilaire navait alors qu'en-

< Bolland., ad diem 16 jauuar.; Geiinad., de Script. 3 Hilar., de Honorât., apud Leou., toui. [, cap. iv;
Eccles., cap. LXix. Bolland., ad diem 10 januar.
* Hilar., de Honorât., tom. I oper. Leun., cap. u * Eucher., Instit., pag. 343.
et ui.

vm. 28
434 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
viron 29 ans. Mais sou mérite surpassait sou pouvoir pas même
avoir un cheval pour ses
âge . étant éminent en toutes sortes de ver- voyages nous verrons dans la suite qu'il
, et
tus et tout brûlant du feu de la foi '. Il s'était alla à pied depuis Arles jusqu'à Rome, en
sauvé à la nouvelle que l'on pensait à lui pour traversant les Alpes pendant l'hiver ". Après
l'épiscopat; mais Cassius, commandant des avoir partagé avec les pauvres ses revenus
troupes romaines, ayant envoyé des soldats et le produit du travail de ses mains il em- ,

lechercher, ils l'atteignirent à quelques lieues ploya toute l'argenterie des églises et même
d'Arles et l'y ramenèrent 2. les vases sacrés pour le rachat des captifs ^,

Si conduite 6. La digiiité épiscopale ne lui fit rien re- content de n'avoir que des calices et des pa-
''''"^""
pat'.' lâcher de ses exercices de piété. Il passait de tènes de verre pour offrir le saint sacrifice.
la méditation des livres saints à la prédica- Il mettait sa joie à envoyer au ciel les vœux
tion de la parole de Dieu, et de là à la prière ^, et les offrandes des fidèles, qui, loin de lui
mortifiant son corps par les jeûnes, les veilles en faire un crime, approuvaient sa conduite
et le travail des mains. Ce dernier exercice en multipliant leurs oblations ^, ravis de ce
lui était utile, non-seulement pour abattre que celles qu'ils avaient faites auparavant,
son corps, mais aussi pour n'être à charge à après avoir servi aux mystères de Jésus-
personne selon l'exemple de saint Paul. Il
,
Christ, servaient ensuite au soulagement de
semble que son travail ordinaire était de tri- ceux en qui il reçoit tout ce que nous don-
coter ou de nouer des cordes pour faire des nons pour lui.
tilets, et il s'en occupait même pendant qu'il 8. Dans le choix des évêques qu'il avait à saconduiia
lisait et qu'il dictait, et quelquefois la nuit. consacrer, il prenait ceux qu'il fallait traîner ttrê^pisTopiV.

L'étoffe la plus grossière servait à le vêtir, à l'épiscopat, jugeant qu'ils étaient plus pro-
supportant avec la seule et même tunique,
,
pres pour le ministère "^. Il établit divers mo-
la chaleur de l'été et les plus grands froids nastères, bâtit des églises, et pour orner le ,

de l'hiver. On ne servait à sa table que le temple du Seigneur, il crut devoir dépouil-


pain le plus bis; le reste de sa nourriture se ler, avec l'agrément du préfet, le théâtre de

prenait dans ce qu'il y avait de plus vil *. ses marbres et de ses autres ornements ".
Aussi n'y invitait-il presque jamais de sécu- C'était ordinairement le dimanche qu'il met-
lier. Les jours de jeûne il prêchait depuis tait en pénitence les pécheurs, ce qui attirait

midi jusqu'à quatre heures, sans se lasser ni un grand concours de gens qui pleuraient
ennuyer ceux qui l'écoutaient mais, pour ;
et gémissaient avec lui, s'animant mutuelle-
soutenir la faiblesse de leurs corps, il les fai- ment à mépriser la vie présente. Son discours
sait asseoir, contre l'usage ordinaire qui ,
fini, il commençait la prière, qu'il accompa-
voulaitque le peuple fût debout pendant le gnait toujours de ses larmes, pour obtenir le
sermon. S'il avait à parler à des gens de mé- fruit de
la pénitence à ceux en qui il en avait

diocre condition ou à des personnes de la jeté lessemences par ses exhortations. Saint
campagne, il se proportionnait à la portée de Honorât, son disciple et évêque de Marseille,
leur esprit ; si c'était à des savants, il prenait qui a écrit sa Vie, raconte qu'une femme se
un air et un ton tout différent, élevant telle- mêlant de deviner par l'esprit impur '^, le
ment son discours, que les plus habiles trou- saint la fit prendre, et après qu'on eut lu les
vaient dans ses façons de parler quelque leçons de l'Ancien Testament, la fit mettre
chose au-dessus de l'homme ^. Un jour, étant dans l'église en un lieu où elle pouvait être
sur le point de prêcher ^, il s'aperçut que vue de tout le monde; à la suite d'un dis-
plusieurs sortaient après la lecture de l'Evan- cours où il montra le sacrilège de ceux qui
gile il les fit rentrer en leur disant
; « Allez, : consultent ces sortes de personnes, il ordonna
allez vous ne sortirez pas si aisément de
, au démon de sortir de cette femme, et le dé-
l'enfer. » mon obéit. Il rapporte divers autres miracles
,. , .,. 7. Son amour pour la pauvreté et sa cha- par lesquels il plut à Dieu de glorifier la vertu
envers les ne de saint Hilaire '^ la guérison de Cyrille, son
pauvres.
j-jf^ envci's Ics pauvrcs le réduisirent à
i-
:

1 Surins, ad dicoi 31 juL, 23. 5 Ibid., cap. XI. — * Ibid., cap. XiV.
* Vif. lom. I oper. Léon., cap. vi, et Bo-
Hilar., 1 Gcnuad., cap. Lxix.
land., ad dieiu ICj.m. 8 17/. Hilar., cap. vui. — » Ibid., cap. vin.
2 Vif. Hilar., ubi supra, cap. viii, et Gennad., 10 Vit. Hilar., cap. vin, et Léo, Epist. 10, cap. vi.
cap. LXix. " Vif. Hilar., cap. xv.
* Vif. Hilar., cap. vu, vni, xii, xiv, xx. 12 Ibid., cap. xiii. — 13 Ibid., cap. xiv.
[V* SIÈCLE.] CHAPITRE XXX. — SALNT HILAIRE D'ARLES. 43S

diacre, qui avait eu le pied brisé par la chute raient la charité, de lui attribuer une Eglise
d'une grosse pierre *; celle d'une femme dans leurs diocèses, qu'il gouvernerait en
aveugle à qui il rendit la vue en lui imposant qualité de chorévêque, ou pour y assister au
les mains -; celle d'un possédé qu'il délivra, service et y participer aux saints mystères
en ordonnant au démon, par le nom de Jésus, comme un évêque étranger, pourvu que cette
de sortir ^. Eglise ne fût ni dans la province des Alpes-
-, .

tient on
Il
L'évêque
9. ^ d'Embrun étant mort vers le Maritimes, où avait eu lieu son intrusion, ni
concii» a R|ès
eu 4J9 , de-
mgis de mars de l'an 438 le siège demeura ,
' *-'
dans aucune ville.
pose Armen- vacaut pendant vingt mois par la faction de 10. Nous avons encore les Actes des autres Il tient nn
concile
quelqueslaïques qui usèrent même de violence
à
conciles auxquels saint Hilaire présida. Le Onnpi- , en
Ul, nn à Vai-
pour empêcher le clergé de procéder à une premier est celui d'Orange. On ne voit point son , en 442,
et un à Ar-
élection canonique Ils vinrent à bout de
"*.
de raisons particulières de sa convocation, si les, en 443.

faire nommer pourévêque un jeune homme ce n'est qu'il avait été ordonné dans celui de
appelé Armeutaire, qui, quoique élevé dans Ries d'en tenir un ou même deux tous les ans.
la crainte de DieU;, céda à la tentation et ac- Il s'y trouva dix-sept évêques, et l'assemblée
cepta l'épiscopat. 11 aurait fallu, suivant les se tint dans l'éghse Justinienne, le 8 no-
canons, trois évêques pour l'ordonner mais ; vembre 441. Le concile de Vaison, qui est le
on se contenta de deux, qui vinrent d'eux- second s'assembla le 13 du même mois de
,

mêmes, sans l'autorité du métropolitain ni l'année suivante, chez Auspicius évêque de ,

les lettres des comprovinciaux. Mais le jour TEgiise catholique de cette ville *'. On ne sait

même qu'ils ordonnèrent Armenlaire ils se , pas le nombre des évêques qui y assistèrent ;

repentirent de leur faute et en demandèrent lesuns en mettent quinze, d'autres dix-huit.


pardon. Armeutaire, reconnaissant aussi le Ce dont on ne peut, ce semble, douter, est
défaut de son ordination, protesta contre, et que Vaison étant de la province d'Arles, saint
pria le clergé de cette Eglise d'etfacer sou nom Hilaire dut présider à ce concile. Nous ver-
des diptyques. Poussé toutefois par les fac- rons, dans l'article des conciles, qu'il s'en
tieux, il retourna à Embrun et ordonna quel- tint un à Arles en 443, où sans doute saint
ques clercs, entre lesquels on prélendit qu'il Hilaire tint aussi la première place.
y en avait d'excommuniés ^. Pour remédier 11. L'affaire qui lui donna le plus de peine n déposa
Celidonius ou
aux troubles que causaient toutes ces ordi- pendant son épiscopat fut celle de Célido-
,
Qatliloine,
en 414.
nations irrégulières, les évêques voisins s'as- nius ', que l'on nomme communément Qué-
semblèrent, non à Embrun, où ils avaient lidoine. Avant d'entrer dans le clergé, il avait
peut-être à craindre de la part des factieux, épousé une veuve, et condamné des per-
L mais à Ries, au nombre de douze. Saint Hi- sonnes à mort dans le temps qu'il exerçait la
I laire présida au concile. L'ordination d'Ar- judicature. Quoiqu'il fût contre l'usage de
menlaire y fut déclarée nulle, et pour punir l'Eglise de promouvoir à l'épiscopat ceux qui
' les évêques qui l'avaient ordonné, on leur étaient tombés dans ces sortes d'irrégularités,
défendit, suivant le troisième canon de Turin, Ouéiidoine ne laissa pas d'être placé sur le
d'assisler à l'avenir à aucune ordination ni à siège épiscopalde Besançon; d'autres le font
aucun concile. Pour marquer néanmoins que évêque de la province de Vienne sans dire ,

le concile oubliait la dernière faute qu'Ar- de quel endroit. La première opinion parait
mentaire avait faite en retournant à Embrun, la plus vraisemblable. L'Eglise de Besançon *
après avoir reconnu lui-même la nullité de met vers ce lemps-là un Quélidoine dans le
son ordiuation, il fut arrêté qu'on le traile- catalogue de ses évêques Quélidoine est ap- ;

rait comme le concile de Nicée avait traité les pelé évêque de Besançon dans la Vie de saint
novatiens dans son huitième canon, savoir : Romain ^, tirée d'un ancien manuscrit de
qu'il serait permis aux évêques qui en au- l'abbaye de Saint-Claude et la lettre de saint ;

» Vit. Mil., cap. XV. — 2 Ibid., cap. xiii. — ''


Ibid. toire universelle , tom. VIII, pag. 147 et suiv., troi-
'>
Tom. 111 Concil., pag. 1283. sième édition; Heuriou, Cours d'Histoire ecclésiasti-
" Ibid., pag. 1287. que, toui. XV, col. 1371 et suiv. {L'éditeur.)
« ïoiu. m Concil., pag. 1446 et 1456. « Vesou. Chimet., tom. II, pag. 98, 113, 116.
Sur
'•
cette affaire de saiut Hilaire d'Arles, voir * Hilarius veneraLilem suyrudictœ metropolis Ve-
Lougueval, lib. IV, tom. Il, pag. 22; Saccarelli, an sontiensis,patriarcham palricii prœ f ectorisque favore
445. Voir surtout la lettre de saiut Léou et le rescrit indebitam sibi per Gallias vindicans monarchiam a
de Valentiuieu, dans Balleriui et daus Cacciari, sede episcopali nulla existente ratione dejecerat. Vit.
Episl. 1 0, suivie de la Novelle. Voir Rohrbacher, His- S. Rom.
,
,

436 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


Léon, dans l'affaire de Quélidoine, est, dans supériorité au-dessus des autres de leur ,

nn manuscrit, qu'on dit aussi très-ancien, consentement unanime ce n'est qu'une con- :

adressée premièrement à la grande ville des jecture. On croit que le concile se tint à Be-
Scquanais ', c'est-à-dire de Besançon, et en sançon même; mais on n'allègue sur cela
second lieu à la province de Vienne. Il faut que des probabilités. L'auteur de la Vie de
ajouter que ni l'Eglise de Vienne, ni aucune saint Hilaire ne le dit point *.
autre que l'on sache n'a eu un évéque du
, 12. Il se contente de remarquer que Que- uvaà ro-

nom de Quélidoine sous le pontificat de saint lidoine, se voyantdéposé, se pourvutàRome, 445'/°

Léon. On objecte que les pièces sur lesquelles se plaignant de l'injustice de la sentence ren-
l'Eglise de Besançon se fonde ne sont point due contre lui ^. Saint Léon, qui occupait
d'une autorité reconnue, et que la Vie de suint alors le siège, admit d'abord Quélidoine à sa
Romain est ou supposée ou falsifiée. C'est ce communion. Saint Hilaire l'ayant appris,
qu'on ne prouve pas; mais quand on en don- partit pour Rome au miheu de l'hiver de l'an
nerait de bonnes preuves , il serait toujours 444, n'ayant ni monture ni bagage ^. Après
que l'opinion qui fait Quélidoine
vrai de dire avoir visité les tombeaux des apôtres et des
évêque de Besançon, est très-ancienne et martyrs, il se présenta à saint Léon avec
qu'elle est adoptée par ceux-là mêmes qui toutes sortes de respects , le suppliant de
avaient intérêt de la rejeter comme n'étant maintenir la discipline des Eglises suivant
pas honorable à l'Eglise dont ils font l'éloge. l'ancien usage, et se plaignant que l'on ad-
Ce qu'on dit de plus fort contre la Vie de saint mettait à Rome aux saints autels des per-
Romain, c'est que l'auteur, au lieu d'appeler sonnes condamnées dans les Gaules par une
métropolitain l'archevêque de Besançon, lui sentence publique. Il conjura ce saint pape,
donne le titre de patriarche -. Mais ces deux si ses plaintes lui paraissaient justes, de re-
termes se trouvent joints ensemble dans une médier secrètement à cet abus. « Car je suis
ordonnance d'Athalaric faite vers l'an 533
, venu, ajouta-t-il, pour vous rendre mes de-
comme signifiant la même chose. Quoi qu'il voirs, et non pour plaider ma cause, et je vous
en soit, saint Hilaire étant allé, selon sa cou- instruis de ce qui s'est passé, non par forme
tume, à Auxerre, voir saint Germain qui en d'accusation, mais par simple récit si vous :

était évêque, dès qu'on sut qu'il y était, plu- êtes d'un autre sentiment, je ne vous impor-
sieurs personnes nobles et quelques-unes de tunerai pas davantage. »
moindre condition vinrent faire à ces deux 13. SaintLéonassembla un concile pour dé- Il assisie
an ronciiti de
saints des plaintes contre Quélidoine. Saint cider cette affaire. Saint Hilaire y fut entendu Rome, en 445.

Hilaire et saint Germain demandèrent que avec Quélidoine en présence l'un de l'autre, et
l'on produisit des témoins 3; en attendant, l'on mit par écrit ce quils alléguèrent pour

divers évêques s'assemblèrent pour juger leur défense. Le concile trouva trop de hau-
l'affaire. On l'examina avec tout le soin et teur dans les réponses de saint Hilaire, et ju-
toute la maturité possible. L'accusation fut geant, par les dépositions des témoins, que
vérifiée, et on jugea, suivant les règles d^ Quélidoine était innocent, il le rétablit dans
l'Ecriture, que Quélidoine, ayant été mari son siège ^ Saint Hilaire ne changea pas pour
d'une'Veuve, devait renoncer volontairement cela de sentiments et quelques menaces
,

à l'épiscopat. La suite de cette affaire ne per- qu'on lui fit, il ne voulut jamais communiquer
met pas de douter que saint Hilaire n'ait avec Quélidoine, qu'il avait déposé avec le
présidé à ce jugement les évêques de
: l'as- sutl'ragede tant de grands évêques ^ Voyant
semblée pouvaient lui avoir déféré cet hon- donc ne pouvait persuader ni le pape ni
qu'il
neur soit à raison de son ancienneté soit , son concile, il sortit de Rome, et nonobstant
parce que le préfet du prétoire résidant alors les gardes qu'on lui avait donnés et l'hiver
à .4iies, l'évéque de cette ville avait quelque qui durait encore, il s'en retourna à Arles.

' In vetere scheda sequens epislola Leonis non ad Atque ideo Sancliias Vestra statnisse nos prœsenti
2

Viennensis tcmtum provinciœ, sed etiam ad Maximœ definitione cognoscat, quod etiam ad universos pa-
Scquanoriun episcopos missa inscribitur hoc modo : triarchas atque mefrupolitanas Ecclesias volumus per-
« Dilectissimis universis episcopis , per provincias tinere. Cassiod., lib. IX Vuriar. Epist., 15.
Maximam Seiinanorum et Viennensium conslitutis 3 Vit. Hilar., cap. xvi.
Léo. » Quœ res et pvobabilem de loco synodi conjec- 4 Sirm. et Labb., tom. III Concil., pag. 1461, 1463.
tarnm fucit, et Chelidonium Vesontionis, quœ Maxi- 5 Vit. Hilar., cap. XVI.
mœ Sequanorum est metropolis, episcopum confirmât. 6 Ibid.. cap. XVII.
I.abb.j tom. III Concil., pag. 1463. 7 Léo, Epist. 10, cap. m. — ^Vit. Hilar., cap. xvil.
[V* SIÈCLE. CHAPITRE XXX. — SAINT HILAIRE D'ARLES. 437

i 4. Alors ses ennemis le croyant dans la défense, «n'osant pas, dit-il, examiner les
disgrûce du pape, formèrent à Home diverses jugements et la conduite de deux si grands

plaintes contre L'évéque Projcctus se


lui. hommes, que Dieu avait déjà appelés à sa
plaignit qu'étant malade, saint Hilairc avait gloire lorsqu'il écrivait "^. » il nous ap-
Mais
ordonné un évêque en sa place, à son insu '. prend que saint Hilaire étant tombé malade
D'autres Taccusèrent d'avoir fait traîner des à son retour de Rome , n'omit rien pour flé-
personnes, pour les ordonner évèques, dans chir saint Léon, et qu'il fit en cette occasion
des lieux où on ne les demandait pas -. On toutes les soumissions et toutes les avances
l'accusa de séparer trop facilement des laï- que son humilité lui fît juger raisonnables. II
ques de la communion, pour des fautes lé- lui députa premièrement le prêtre Ravenne,

gères ^; de s'attribuer l'autorité de régler qui fut depuis son successeur; ensuite il lui

toutes les Eglises des Gaules ^ d'aller par les ;


envoya deux saints évèques, l'un nommé Xec-
provinces, accompagné de gens armés, pour taire, l'autre Constance. Outre les renseigne-
donner des évèques aux Eglises vacantes ^ ;
ments donner au pape de vive
qu'ils devaient
d'indiquer des conciles et de troubler les droits voix, y a apparence qu'ils furent porteurs
il

des métropolitains de s'être fait une habitude


; des écrits qu'il composa pour sa justification,
de meniir Le pape, passant légèrement sur
'^. et dont aucun n'est venu jusqu'à nous. Auxi-
quelques-unes de ces accusations, s'arrêta liarius qui avait été autrefois préfet des
,

surtout à celles qui regardaient la déposition Gaules, et qui se trouvait alors à Rome, parla
de Quélidoine et l'ordination d'un second encore à saint Léon en faveur de saint Hilaire,
évêque dans l'Eglise dont Projeclus était titu- dont il connaissait la vertu. INFais il parait que
laire "^
. U défendit à saint Hilaire d'entre- toutes ces démarches furent inutiles , et l'on

prendre à l'avenir sur les droits d'autrui, lui peut en juger ainsi par la lettre qu'Auxi-
ôta la juridiction qu'il avait sur la province liarius écrivit à Hilaire au sujet de l'entre-
de Vienne, lui défendit non-seulement d'or- tien qu'il avait eu avec « Comme vous
le pape.
donner aucun évêque, mais de se trouver êtes, lui dit-il, toujours ferme et constant dans
même à aucune ordination; le déclara séparé vos résolutions, et toujours égal à vous-même,
de la communion du Saint-Siège, et préten- sans vous laisser emporter ni au trouble du
dit lui faire grâce en le laissant dans son chagrin, ni à la douceur de la joie, je ne vois
Eglise sans le déposer. Saint Léon, croyant pas l'ombre d'arrogance dans votre sainteté;
devoir s'autoriser d'un rescrit de l'empereur mais les hommes ont peine à souffrir que
Valentiuieu, qui était alors à Rome, en ob- nous parlions avec la hardiesse qu'inspire une
tint un adressé au patrice Aëtius, comman- bonne conscience. D'ailleurs, les oreilles dos
dant des troupes de l'Empire dans les Gaules ^, Romains sont d'une extrême délicatesse. Si
par lequel il était défendu à saint Hilaire et vous vous y accommodiez un peu vous gagne- ,

atout autre d'employer les armes pour les riez beaucoup, et vous n'y perdriez rien. Ac-
affaires ecclésiastiques, et à tous évèques, cordez-moi cela, je vous en prie, et dissipez ces
soit des Gaules, soit des autres provinces, de petits images par une petite condescendance.»
rien entreprendre contre l'ancienne coutimie, On ne lit point que saint Hilaire ait eu aucun
sans l'autorité du pape ^. égard à cet avis; mais il paraît que sa fermeté
do. L'auteur de la Vie de saint Hilaire a ne put empêcher l'exécution de la sentence
passé sous silence le procédé de saint Léon du concile en faveur de Quélidoine qu'il con- ;

et de son concile contre saint Hilaire, et les tinua à gouverner l'Eglise de Besançon, el
raisons que ce saint évêque allégua pour sa qu'Importunus ,
qui avait été mis à sa place.

1 Léo, Epist. 10, cap. iv. l'établit pas ; mais il fait connaître les bases sur les-
* Ibid., cap. VI. — » Ibid., cap. vin. que l'obéissance qu'on
quelles elle repose, et déclare
* Ibid., cap. u. — 5 Ibid., cap. VI. — « Ibid., cap. iv. lui rend une coutume consacrée par le temps.
est
' Tom. m Concil., pag. 1401, et Léo, Epist. 10. Si le rescrit de l'empereur est le fondement de la
8 Tom. m Concil., pag. 1401. juridiction romaine en Gaule, d'où vient qu'avant la
Les écrivains hostiles au Saint-Siège et les com-
8 publication de cette pièce, Célidoine et Projectus
pilateurs, qui souvent ne font que se copier, préten- avaient eu naturellement recours à Rome, comme à
dent que la juridiction papale uait de la constitu- la suprême cour d'appel, contre le métropolitain et
tion de Valentinien. « Pour l'érudit impartial, dit son concile ? D'où vient que saint Hilah'e lui-même
l'abbé Goriui {Défense de l'Eglise, tom. I, j)ag. 114), avait dit à saint Léon de régler selon les canons l'é-
il est obligé d'avouer que le rescrit de Valentinien tat des Eglises? » [L'éditeur.)
honore, mais n'étabUt pas l'autorité des Papes. 11 ne >o Vit. Uilar., cap. xvu.
438 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEUllS ECCLÉSIASTIQUES.
fut contraint de la quitter '. Nous finirons ce ce préfet entrait un jour dans l'église pen-
qui regarde cette contestation par le juge- dant que saint Hilaire prêchait, le saint lui
ment qu'en a porté le cardinal Baronius. Il dit qu'il n'était pas digne de recevoir la nour-
s'exprime ainsi Après avoir transcrit la
: « riture céleste après avoir méprisé ses avis
lettre assez vive du pape Hilaire contre saint salutaires. Le préfet se retira confus, et saint
Mamert, évoque de Vienne, accusé d'avoir Hilaire reprit la suite de son discours. Il mou-
ordonné un évêque à Dié, malgré le peuple rut, épuisé de travail et d'austérités, dans la
et par violence, que l'on ne s'étonne pas ^ si quarante-huitième année de son âge* le 5 mai
ce pape s'élève avec tant de véhémence con- de l'an 449 ^, jour auquel les anciens Marty-
tre un évéque dont la sainteté est si illustre. rologes marquent sa fête. Son corps fut porté,
Dans ces choses qui dépendent du témoignage avec un grand nombre de cierges allumés,
des hommes, il est aisé à toutes sortes de per- dans l'église de Saint-Etienne, le peuple s'é-
sonnes d'être trompées, et c'est ce qui arriva criant avec larmes « Voici un jour qui fait
:

aussi à saint Léonavec tant


lorsqu'il parla cesser pour jamais les injustes reproches
d'aigreur contre saint Hilaire. Qui ne sait que qu'on a faits à ce saint évêque ^. » De là on

les oreilles des papes sont souvent remplies le transporta devant l'autel du martyr saint
du bruit que font de fausses accusations par Genès , où chacun s'empressa de le toucher
lesquelles on les surprend, ensuite de quoi et d'avoir quelques morceaux de ses habits.
ils maltraitent un innocent et croient néan- Les juifs mêmes se trouvèrent à son enterre-
moins ne rien faire que de juste 3? » ment, chantant des psaumes en hébreu pour
i 6. Saint Hilaire passa le reste de ses jours honorer ses funérailles.
dans les mêmes exercices de piété qu'il avait 17. Ses contestations avec saint Léon n'em-
pratiqués dès le commencement de son épis- pêchèrent pas ce saint pape de le qualifier "^,
copat *, occupé de la prière , de la prédica- après sa mort, un évêque de sainte mémoire.
tion, du travail des mains, jeûnant, marchant L'auteur de sa Vie, qui avait été témoin ocu-
nu-pieds. dans une maison commune
Il vivait laire de ses actions vertueuses, même les plus
avec ses clercs, n'ayant que sa cellule comme secrètes, ne doutait point qu'elles ne lui eus-
un autre; se levait à minuit les jours de di- sent mérité la gloire éternelle a '*, et l'Eglise
manche, faisait à pied trente milles, qui font confirmé son jugement par le culte public
dix lieues, assistait à rotfiee où il prêchait ^, qu'elle rend à ce saint depuis un grand nom-
nourrissant son peuple du pain de la parole bre de siècles. Celte Vie porte le nom de saint
jusqu'à la septième heure, c'est-à-dire une Honorât, évêque de Marseille *-. 11 avait été
heure après midi. On lisait toujours pendant disciple de saint Hilaire et élevé sous ses yeux
qu'il prenait sa réfection, et il en introduisit dans la crainte du Seigneur. Il était évêque
la coutume dans les villes
avait repris ^. Il de Marseille vers l'an 490, et vivait encore
plusieurs fois en particulier le préfet de ses sous le pontificat de Gélase, en 494. Il marque
injustices, sans qu'il s'en corrigeât'^. Comme lui-même qu'il n'écrivit la Vie de saint Hilaire ''

1 Chifflet. Vesont., tom. II, pag. 115, lie. Gaules pour la résidence du préfet, pour s'arroger
2 No7i mireris, ledor, romanum poniificem Hilarium une domination séculière sur toutes les Eglises de
adversus Mamertum adeo vehementer insurgere, vi- ce pays. On doit observer aussi que les novateurs ne
rum ut declararunt éventa sanctitate insiynem. In his peuvent tirer aucun avantage de la résistance de
enitn quœ contentiosi fort sunt, perfacile est quemque saint Hilaire aux décisions du souverain Pontife
decipi. etiam sancto Leoni accidit, qui in
Persimile dans une affaire aussi étrangère au dogme, que l'est
sanctum Hilarium eadem ferme ex causa acerrime in- une simple question de faits concernant les préroga-
vectus est. Quis nesciat sœpe accidere, ut falsis accu- tives d'une Eglise particulière. [L'e'diteur.)
sationibus et subreptionibus aures Pontificum replean- ''
Vit. Hilar., cap. xviil, xiv.
tur, et cum putant agere quod justum appareat, exa- s Ibid., cap. XII.
gitent innocentem? Baron., ad an. 464, cap. viii, s Cibum sine tectione non sumpsit. Ab eodem in ci-
pag. 267. vitaiibus ista est invecta primitus consuetudo. Vit.
3 Saint Léon avait été témoin à Rome de la ma- Hilar., tom. I oper. Léon.
nière d'agir d'Hilaire; il avait examiné les pièces du ''
Ibid., cap. x. .
procès dont il était juge, et on ne peut, sarft témé- * Gennad., de Script. Eccles., cap. Lxix.
rité, prononcer qu'un si grand homme et un si 9 Vit. HiL, cap. xxi, xxn.

grand pontife ait agi par passion contre im autre •0 Léo, Epist. 36. —
» Vit. Hilar., cap. xxiv.
saint. L'exemple d'Hilaire, s'il n'eiit été réprimé, '2 Genuad., cap. xcix.

pouvait avoir des suites fâcheuses; un de ses suc- '3 Tôt nnnorum spatiis evolutis, in tiiorum filiorum
cesseurs aurait pu en abuser, ainsi que du prétexte renasci non cessas honoribus atquc reparari. Vit. Hil.,
que la ville d'Arles était la métropole civile des cap. xsiv.
[V» SIÈCLE.] CHAPITRE XXX. SAINT HILAIRE D'ARLES. 439
que lougjlemps après sa mort; ce qui fait tom- des autres hommes par sa modestie et ses
ber l'opinion de ceux qui l'attribuent h Ra- autres vertus. Gennade dit en général que
venne, successeur immédiat de saint Hiiaire, tous les écrits de saint Hiiaire portaient les
mort avant l'an 461. marques de son admirable génie ^, de son

Ecrils He 18. On voit, par cette Vie ', que saint Hi- profond savoir et de son ardente foi mais il ;
saint Hiiaire.
iaire avait fait ses homélies pour toutes les loue en particulier le panégyrique qu'il pro-
fêtes de l'année, qu'il avait écrit un fort grand nonça en l'honneur de saint Honorât, son
nombre de lettres, composé la Vie de saint Ho- prédécesseur, au jour anniversairedesamort,
norât, son prédécesseur, fait une explication en présence du peuple de la ville d'Arles.
du Symbole, quelques vers qui marquaient 19. Cette pièce est en effet digne des plus panégjriuue

le feu et l'abondance de son esprit, et un grands éloges, tant pour la douceur et l'élé- norat'lom.ïï

grand nombre de mémoires pour la défense gance du style, que pour la beauté, le choix s^'écnur"

de sa cause auprès du pape saint Léon Il "-. et la variété des pensées. L'orateur commence
ne nous reste aucune de ses homélies, si ce ainsi : « Bien que ce soit l'usage des orateurs
n'est peut-être celle sur le martyre de saint de louer les hommes par la noblesse de leur

Genès, qui est la cinquantième parmi les ho- origine et de leur faire un mérite des vertus
mélies d'Eusèbe d'Emèse ^. Nous n'avons non de leurs ancêtres, lorsqu'ils n'en ont pas eux-
plus qu'une de ses lettres : c'est celle qu'il mêmes ^ cette façon de louer ne doit point
Eucher. Elle est courte mais
écrivit à saint ,
avoir lieu parmi les chrétiens, où le suprême
de conséquence, puisqu'elle nous assure que degré de la noblesse est d'être compté entre
ce saint évêque est auteur des deux livides des les enfants de Dieu, et où une naissance illus-
Institutions, qui portent son nom. Elle nous tre n'est honorable que par le mépris qu'on
apprend aussi que saint Euclier avait deux en fait. » Saint Hiiaire ne s'étend donc point
fils, dont l'un se nommait Salone. Saint Hi- sur les avantages de la naissance de saint Ho-
iaire, qui n'avait lu ces deux livres qu'en norât. Il passe tout d'un coup aux marques de
courant, celui qui les lui avait apportés vertu qu'il donna n'étant encore que catéchu-
étant très pressé de les reporter, pria saint mène, à sa libéralité envers les pau vres, à son
Eucher de lui en envoyer une copie le invincible résolution de quitter le monde, ses
plus tôt qu'il pourrait, afin qu'il put profiter faux biens, ses vains honneurs; à son amour
des instructions qu'il y donnait à ses enfants, pour la retraite, à sa charité envers les étran-
au nombre desquels il le priait de le compter. gers, qui était telle, que les évêque?qu'il rece-
C'est le sujet de cette lettre que l'on a impri- vait quelquefois pouvaient apprendre de lui les
mée parmi les œuvres de saint Léon *. Saint règles de l'hospitalité. S'étant fait couper les
Eucher, qui avait reçu plusieurs autres lettres cheveux et ayant quitté sa patrie, il se retira,
de saint Hiiaire, dit qu'elles étaient très- avec Venant, son frère ^, dans les îles, pour
longues et très-éloquentes ', en quoi il s'ac- y vivre sous la conduite de saint Caprais;
corde avec Auxiliarius dont le jugement ne
,
cherchant ensuite un pays où la langue latine
peut être rejeté, puisqu'il était un maître en ne fût pas en usage, il passa en Achaïe, c'est-
fait d'éloquence. Il ne trouve point d'expres- à-dire dans la Grèce et dans le Péloponèse.
sion pour relever le mérite de ces lettres •>, Il fiit accompagné, dans ce voyage, de son

où l'éloquence brillait dit-il avec autant


, , frère et de saint Caprais mais Venant, épuisé
;

d'éclat, que leur auteur était élevé au-dessus de fatigues et de maladies, mourut à Mélhone.

^
' Vita Honorati antistitis, homiliœ in
totius anni Aliqua parva edidit quœ eruditœ animœ et fi-
et

Symholi exposilio, epistola-


festivitatibus expedilœ, delis linguœ indicio sunt : in quibus prœcipue, et ad

rum vero ianlus numerus , versus etiam fonds arden- multoruin uiilitatcni, necessario opère Vitam sancti
tis. Vit. Ililar., cap. xi. Honorati prœdecessoris sut composuit. Gennad., cap.
* Quanta in hac causa dictnverit, huic operi nulla LXIX.
possum ratione connectere. Ibid., cap. xvu. 8 Est illud notum oratoriœ disciplinée, quorum lau-
s Tom.
VI Biblioth. Pair., pag. 324. dandam receperim vita^i, patriam prius et originem
* Tom. I oper S. Léon., in fine. prœdicare, ut quod in propriis virtutibus deest, in pa-
5 Unde quia me respondere copiosius spatiosissimis trum gloria prœceîsisse videatur. Nos autem omnes in
ac facundissimis litteris iuis sœpe postulas. Eucher., Christo unum sumus, et fastigium nobilitatis est inier
nd Hilar., pag. 41. filios Dei computari; nec addere nobis quidquam ad
6 Dictu difficile est quanti mihi pretii fuerinf litle- dignitatem terrenœ originis decui, nisi contemptu suo
rœ sanctitatis tuœ, in quihus ita expressam facundiam polest. Vit. Houor., tom. I oper. Léon.
recognovi, sicut tenes in aliis modestiœ morurnque 9 Rediguntur ad brèves capillos luxuriantes comœ.
operibun principaium, Auxiliar., Ililar. Vit., cap. a. Ibid.
440 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Cette mort fit naître à saint Honorât le des- neurs temporels , sur les avantages d'une
sein de retourner dans les Gaules, dont il prit bonne mort. Saint Hilaire, qui nous l'a con-
le chemin par l'Italie et la Toscane. L'île de servé, dit qu'il en faisait souvent à son peu-
Lérins fut le lieu qu'il choisit pour fixer sa ple , et qu'en traitant du mystère de la Tri-

demeure. C'était un désert affreux où l'on ,


nité personne n'en parlait avec plus de
^,

ne voyait que des serpents et autres bêtes lumière et de netteté, distinguant dans la
venimeuses. Saint Caprais et saint Honorât Trinité trois personnes unies par l'éternité e*
en firent la demeure des saints, recevant sous la majesté d'une même gloire. Il finit son
leur discipline tous ceux qui y venaient des panégyrique en lui adressant la parole pour
pays voisins travailler à leur salut. Saint Ho- le prier de se souvenir de son peuple, d'en
norai y bâtit des logements pour ses moines être le protecteur auprès de Dieu, de lui pré-
et pour le service divin une église, dont il senter lesprières qu'il faisait sur son tombeau,
fut lui-même le ministre *, ayant été élevé et d'obtenir que, conjointement avec leur
d'abord à la cléricatnre ,
puis au sacerdoce. évêque, îls missent en pratique ce qu'il leur
Rien n'est plus édifiant que ce que saint Hi- avait enseigné. 11 ne nous reste rien des ho-
laire ditde ce nouveau monastère la chas- : mélies de saint Hilaire, ni de ce grand nombre
teté, la sainteté, la foi, la sagesse, la justice, de lettres qu'il avait écrites, toutes pleines
la vérité y briUaient avecéclat. Saint Hono- d'onction, de douceur et de gravité ^. Il les
rât, infatigable dans les travaux de la péni- écrivait sur des tablettes cirées, suivant la
tence, et également avide du salut de tous coutume de ce temps-là *. Saint Eucher en
savait se proportionner à leur capacité et à ayant reçu une de lui, écrite de cette ma-
leurs besoins pour les gagner tous à Jésus- nière, lui dit dans sa réponse qu'il avait ren-
Christ. Il reçut dans cette île la visite de saint fermé une seconde fois le miel dans la cire,
Eu cher de beaucoup d'autres saints^ per-
et d'où il avait été tiré. Le même saint Eucher
sonnages; Dieu se servit de lui pour la con- fait un grand cas de la règle que saint Hono-

version de saint Hilaire, qui rapporte lui- rât avait établie à Lérins ^, et il fut ordonné

même fort au long la manière dont elle s'o- dans le concile d'Arles de l'an 454 qu'elle **,

péra. Saint Honorât, ayant été tiré de sa re- serait observée dans tous ses points. Nous ne

traite pour gouverner l'Eglise d'Arles, son l'avons plus, et il n'en est pas même fait

premier soin fut d'y établir la concorde qui mention dans la Concorde des règles de saint
en avait été bannie par les brigues qui avaient Benoît d'Aniane.
régné dans l'élection d'un évêque. Sous son 20. Pour revenir aux écrits de saint Hilaire,
gouvernement, l'Eglise d'Arles fleurit comme ilne paraît pas que son Explication du Sym- Hriain

avait fleuri le monastère de Lérins, quand il bole soit venue jusqu'à nous. Quelques-uns tues.

en était supérieur. Son épiscopat fut de peu ont cru que c'était la neuvième des homélies
de durée, c'est-à-dire de deux ans et quelques qui porte le nom d'Eusèbe d'Emèse; mais
mois, depuis la fin de l'an 426 jusqu'au 16 elle est, ainsi que la suivante qui traite aussi

janvier de l'an 428, qu'il mourut. Il avait en- du Symbole, de Fanste, évêque de Ries. Le
core prêché dans l'église le jour de l'Epipha- poème en vers héroïques, sur les six premiers
nie, c'est-à-dire le 6 du même mois. Quelques chapitres de la Genèse, adressé au pape Léon '
moments avant sa mort il fit au préfet des et imprimé parmi ses œuvres n'est pas non ,

Gaules, et à d'autres personnes de condition plus de saint Hilaire, quoiqu'on l'ait donné
qui étaient présentes, un discours pathétique souvent sous son nom et qu'il lui soit attribué
sur la nécessité de mourir, sur l'inconstance dans quelques manuscrits. C'est plutôt un
de la vie, sur le mépris des biens et des hon- essai qu'un ouvrage de poésie, rempli de

1 Eledis Dei Ecclesiœ templum excitaiur , apta * Vnde Eucherius cum ab eremo in tabulis, ut asso-

monachorum habitacidis te^ta consurgunt. Vit. Ho- le!, cera illiiis littcras ejus accepisset : mel, inquit,
norât., tom. I oper. Léon. sunni ceris reddidisti. Ibid.
2 Quotidianus siqnidem in sincerissimis Iractatihus 5 Digna quœ cœlestibus disciplinis Honorato auctore

confesnonis Patris ac Filii ac Spiritiis Sancti festis fuit. fiindata sit, quœ fautis institufis fantum nacta sit
Nec facile iam exerte, tara dilucide quisquam de di- Patrem [insnla). Eucher., de Laude Eremi, num. 42,
vinitntis Trinikitc disseruif, cum eam personis disfin- et bomil. 13.
gueres, et gloriœ œternitate ac majestate sociarsi. Ibid. <5
Régula quœ a furidatore ipsius monasterii Liri-
3 Hinc ad illuni undique Utterarum officia perlata nensis dudum comtituta est in omnibus custodita.
sunt, quihus ille quam novis affecfibus variafa red- Tom. IV Concil., pag. 1025.
'
debat, quam gravia, quam blanda, quam dulcia. Ibid Tom. I oper. Léon., in fine.
[V» SIÈCLE.] CHAPITRE XXX. — SAINT HILAIRE D'ARLES. 441

fautes qu'on ne pardonnerait point à un com- peut avoir de lui-même le désir de se conver-
mençant, et où l'on ol)serve peine la me- .'i tir, et qu'il y a réellement en nous un com-

sure des vers. 11 y en a même plusieurs qui mencement de foi que Dieu n'y a pas mis?
ne sont point achevés. On lui en a attribué On a enfin attribué à saint Hilaire d'Arles
un autre sur le martyre des Machabées ', mais l'Histoire du martyre de saint Genès et le traité

sur (le simples conjectures, et un troisième de la Vocation des Gentils. Mais cette Histoire
sur la Providence, lequel porte aussi le nom de porte dans les manuscrits le nom de saint
saint Prosper.La raison de lui attribuer ce Paulin, et l'on n'en cite aucun qui la donne
dernier poème est, dit-on que l'auteur était
,
à saint Hilaire. Quant aux livres delà Vocation
semi-pélagien -. Ce serait au contraire une des Gentils, on s'est comme réuni à deux opi-

preuve qu'il n'est point de saint Hilaire, dont nions, savoir, qu'ils sont ou de saint Prosper
les sentiments sur la grâce sont tout opposés ou de saint Léon. Nous en parlerons ailleurs.
à ceux de ces hérétiques. On en jugera par C'est tout ce que nous savons des écrits de

la manière dont il parle de sa conversion, saint Hilaire *. 11 en avait composé d'autres ^


dont nous avons déjà dit quelque chose. qui étaient des preuves de son érudition,
(( Quelles agitations, quelles tempêtes ^ n'ex- même dans les sciences profanes, en parti-
cita point en moi le com.bat de mes volontés culier dans les philosophiques. 11 n'en est rien
opposées? Combien de fois voulais-je et ne venu jusqu'à nous. Il joignait à une grande

voulais-je pins une même chose? Mais enfin facilitéde parler, même sur-le-champ ®, celle
Jésus-Christ agit en moi pour Honorât, et trois de dicter en même temps qu'il lisait et tra-
jours après qu'il m'eut quitté, la miséricorde vaillait des mains ce dont saint Edésius
;

de Dieu sollicitée par ses prières, subjugua


,
poète célèbre de son temps, dit avoir été té-
mon Ame rebelle. Le trouble de mes pensées moin '^.

avait banni le sommeil de mes yeux. Je voyais La nous a donnée de saint Hono-
Vie qu'il

d'un côté le Seigneur qui m'appelait à lui rât a été imprimée à Paris en 1578 et 1673.
avec bonté; d'un autre, le monde qui me La première édition est de Génébrard, qui y
présentait de loin tous ses plaisirs et tous ses joignit la lettre de saint Encher sur TE loge du

charmes. Mon esprit comparait en hii-même désert. Cet opuscule se trouve aussi dans la

l'un et l'autre parti et flottait sur le choix. seconde, avec un autre écrit de saint Eucher,
Mais grâce à votre miséricorde, ô divin Jésus, intitulé Le chemin à l'éternité. Surius et Bol-
:

fléchi par les ferventes prières de votre ser- landus ont aussi inséré cette Vie dans leurs
viteur Honorât, vous avez rompu les liens qui recueils, de même que le nouvel éditeur des
m'attachaient au monde pour m'attacher à œuvres de saint Léon. Nous l'avons en fran-
vous par les liens de votre amour. Assujetti à çaisdelatraductiond'Arnaudd'Andilly. [J. Sa- [Editions.]

cette heureuse captivité, je ne retomberai linas réunit tous les opuscules de saint Hilaire
point sous la servitude du péché. » d'Arles et les publia, avec ceux de saint Vin-
Est-ce ainsi qu'aurait parlé un semi-péla- cent de Lérins, à Rome, 1731, 1 vol. in-S".

gien, dont les principes sont qu'un homme L'éditeur eut soin d'éclaircir ces opuscules

« Du Bosc. tom. II, pag. 198. les vers sur une fontaine composés par saint Hilaire
* Noris, Hist. Pelag., cap. xm. d'Arles. Voyez le tom. lll Scriptorum veterum, pag.
* Quœ tempestates diversarum et infer se compu- 239. (L'éditeur.)
gnantium voluniatum excitatœ sunt, quoties îibi in * Inexhaustum facundiœ fontem. philosophicorum
animo meo telle et nolle successif ; et quid plura ? dogmatum interiorem veramque doctrinam prœclara
Absente illo partes in me suas Christus exequitur : posferis tradita ejus eloquio monumenta testantur.
posf biduum orationibus suis per miserationem Dei mea Vit. Hilar., tom. I oper. Léon.
contumacia subjugatur. Fugaverat enim somnum cogi- * Temporalis ejus prœdicatio quantum flumen elo-

me pio Domino totus eminus cum volup-


tntio,et invitante quentiœ habuerit, me cogitare me posse fateor. Ibid.
tatibus suis mundus adstabat. Quid expetendum, quid "
\'idi ego nec dignus tanta ad prœconia testis
relinquendum suaderetur , animus mecum tanquam Plenos sole jugi digitos cessis'se lubori.
collatis apud amicum tractatibus, ventilabat gratias : Nectendi ratio varias injunxerat horas,
tibi, Jesu bone, gratias, qui dirupisti vincula mea, Nec finem precibus mutatus fecerat actus,
famuli tui Honorât i pia supplicatione per mot us, et Credere vix possum quemquam sic tempore eodem.
injecisti mihi vincula amoris tui, quibus si tenear, Nectere dictantem, relegendo lecta fatendo
nunqunm peccati vincula 7-evalescant. Vit. Honorât., Ore, manu simul hoc operari, attendere, fari.
tom. I oper Léon. Ibid.
' Dans un fragmeut cité par Ang. Mai, on trouve
,

442 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


par des notes. Les frères Ballérini les ont tome L<= de la Patrologie latine reproduit
donnés dans leur édition des œuvres de saint cette édition avec une notice de Schœne-
Léon-le-Grand, tome II, col. ."{47-392. Le man.l

CHAPITRE XXXI.

Saint Eucher, archevêque de Lyon, et Salvius, évêque d'Octodure


[auteurs latins].

[Eu l'an 449.]

i. Ce saint, qui se donne la même oris;ine *"


quence. Le premier prit aussi soin de Vérau ^,
Origine de
i x i
snintEucher; que celle des martv;s
' ^
de Lvon
«
', saint Eoi- ' qui, comme son aîné, avait reçu les premières
ses enfants. i

pode et saint Alexandre, soit qu'il descendit instructions de saint Honorât.


de leurs ancêtres, soit parce qu'il était spiri- 3. " de
Le voisinage Lérins lui facilita un
Son un.oo
tuellement dans la même Eglise qu'eux, na- commerce de lettres et d'amitié avec saint ayecsaimHo-
nor.it , saint

quit avec des talents heureux, un esprit sub- Honorât et saint Hilaire, et quoiqu'il n'eût Hi")-"^*'''''"
*'2«'*'3
til, pénétrant et élevé, et toutes les autres pu connaître dans le monde,
saint Paulin
dispositions. naturelles qui concourent à for- parce y
qu'il longtemps que ce saint
avait trop
mer les grands hommes. A l'aide de tous ces s'en était retiré il ne laissa pas de vouloir
,

avantages il acquit une science profonde^ et être uni avec un homme dont la sainteté écla-
une éloquence vive et pressante, qui se re- tait de toute part. Il envoya donc ^, tant en
marque aisément dans les écrits que nous son nom qu'en celui de Galla, vers l'an 41 2, à
avons de lui ^. Il fut marié à une dame nom- Noie, visiter ce saint, qui en était évêque de-
mée Galla, dont il eut deux fils*, l'un appelé puis l'an 409. Saint Paulin appelle ses enfants
Salone et l'autre Yéran, qui furent tous deux ceux que saint Eucher lui envoya, et il té-
élevés à l'épiscopat, du vivant même de leur moigne que ce fut d'eux qu'il apprit le lieu
père. Il y en a qui lui donnent aussi deux de la retraite de saint Eucher et de saint Ho-
filles, Consorcie etTullie; mais la chose n'est norât. Dans la lettre qu'il écrivit l'année sui-
'pas certaine. vante 413 '^î à saint Eucher et à Galla, il leur
Il quitte !e
2. Il u'y avalt pas longtemps qu'il s'était souhaite une longue vie dans une parfaite
monde.
engagé dans le mariage
conçut le lorsqu'il union conjugale, afin qu'ils eussent l'un et
dessein de la retraite. de Léro,
11 choisit l'Ile l'autre la satisfaction de voir leurs enfants
proche celle de Lérins. On ne sait point en bénis de Dieu. Il s'était informé, par ceux-là
quelle année il s'y retira mais on ne doute ,
mêmes qu'il chargea de sa lettre, de la santé
point que Galla, son épouse, ne l'ait accom- de saint Eucher et de celle de sa femme, et
pagné dans cette retraite ^. Ses enfants l'y futbien aise d'apprendre qu'ils s'occupaient
suivirent aussi; mais afin qu'ils ne lui fussent sans relâche des œuvres de piété.
pas un sujet de distraction continuelle, il les 4. C'est à saint Honorât et à saint Eucher
envoya à Lérins, où Salone fut instruit par que Cassien adressa, en 425 ou 426, la on-
saint Honorât^, et formé ensuite dans toutes zième de ses Conférences , pour satisfaire au
les sciences spirituelles par saint Ililaire, qui désir qu'ils avaient de connaître la vertu des
fut depuis évêque d'Arles. Salone se perfec- anachorètes de l'Egypte. La dix-huitième
tionna sous la discipline de Salvien et de Vin- qui fut écrite en 427, est encore adressée à
cent ^, célèbres alors en sagesse et en élo- saint Eucher; comme Cassien ne le qualifie

1 Euseb. Emist., Homil. 49. Epist. 8. — s Paulin-, Epist. 51.


2 Mamert., lib. II de Anima, cap. x. 6 Eucber., lib. I ad Sn/on.
3 Sidon., lib. IV, Epist. S.
'
Salvian., Epist. 9. — " Idem, Episti, pag. 8.
* Geunad.; de Vir. illust., cap. lxjii, et Selviau., 9 Paulin., Epist. 51. — i» Idem, ibid.
[v'siÈCLE.J CHAPITRE XXXI. — SAINT EUCHER ET S.^LVIUS, ETC. 443

que serviteur de Jésus-Christ, on en infère témoigné plus de vertu en y retournant, que


avec raison qu'il n'était encore alors que lorsqu'il y était venu pour la premièie fois
moine et laïque. Dans une lettre que saint avec ce saint homme. « Cet attrait pour la so-
Hilaire d'Arles lui écrivit, en 429, pour lui litude, ajoute-t-il, que vous avez fait paraître

demander une copie de ses Institutions, il lui en cette occasion, me ravit plus que la dis-
donne de pape, tant dans l'inscription
le titre tribution que vous avez faite de tous vos

qu'à la fin. Ce qui pourrait donner lieu de biens aux pauvres, et que toutes les autres
croire que saint Eucher était dès-lors évèque. grandes qualités qui vous relèvent devant
Mais on convient qu'il le fut seulement plu- Dieu devant les hommes. Il appelle le dé-
et

sieurs années après, et que saint Hilaire sert letemple de Dieu, disant qu'il s'y est fait
n'use de ce terme h son ép^ard que pour mar- voir souvent à ses serviteurs. C'est dans le

quer combien il respectait sa vertu. Ce qu'il désert que Moïse a vu le Seigneur, et c'est

y a de plus certain, c'est que saint Eucher au contraire dans un lieu de délices que le
était évêque de Lyon avant l'an 441, auquel premier homme a transgressé la loi que Dieu
il sig-na les Actes du concile d'Orange, tenu lui avait prescrite, et la mort qu'il s'est atti-

en cette année. rée par cette transgression a étendu son ai-


St mort, en
5. L'histoire ne nous a laissé aucune autre guillon jusque sur nous ^. Celui donc qui veut
a.
particularité de son épiscopal; elle nous ap- avoir la vie, doit vivre dans le désert. C'est là
prend seulement en général qu'il surpassa * qne Moïse a eu des entretiens familiers avec
de beaucoup les grands évêques de son temps, Dieu, que peuple d'Israël s'est retiré pour
le

qu'il fut humble de cœur, d'un mérite supé- secouer joug de la servitude d'Egypte et
le :

rieur, savant et éloquent, et qu'il mourut l'an afin qu'il ne la subît pas une seconde fois, la

449 -, après avoir brillé dans le monde par la mer, qui s'était ouverte pour lui faire un pas-
perfection de sa vertu, comme un astre d'une sage dans le désert, s'est ensuite réunie pour
admirable splendeur, et servi de modèle aux empêcher qu'il n'en sortît. C'est dans le dé-
saints solitaires de l'île de Lérins ^. Il n'est sert que le même peuple a été nourri d'une
qualifié que de prêtre dans les éditions de viande préparée de la main des anges, qu'il
Gennade *; mais, dans un ancien manuscrit a étanché sa soif avec des eaux tirées mira-
de Corbie, on lui donne le titre d'évêque, le- culeusement d'un rocher, et qu'il a reçu la
çon qui est autorisée par tous les anciens qui loigravée sur des tables par le doigt de Dieu
ont parlé de saint Eucher. même. C'est en se sauvant dans le désert que
S»9 écrits, 6. Le premier des écrits qui nous restent David a évité les embûches du roi Saiil. Là
r.lose du
de lui est un traité en forme de lettre, où il Elie, après y avoir fait un grand nombre de
)in.
lioth.
VI Bi-
Pair.,
fait l'éloge du désert, et particulièrement de miracles, a été enlevé au ciel sur un char de
.g. 862.
celui de Lérins. Il est adressé à saint Hilaire, feu; là Elisée, son disciple, a ressuscité les
que l'amour de la solitude avait engagé à re- morts là les enfants des prophètes ont
;

tourner cà Lérins aussitôt qu'il eut vu saint passé leur vie; là saint Jean-Baptiste a prê-
Honorât établi sur le siège épiscopal de la ville ché aux hommes la pénitence et préparé les
d'Arles. Il faut donc le mettre après l'an 426, voies au Messie ; là Jésus-Christ a sanctifié
auquel ce saint fut élu évêque. Saint Eucher les eaux en y recevant le baptême. C'est dans
le commence en louant le courage que saint le désert que les anges l'ont servi qu'il a ,

Hilaire avait fait paraître en quittant saint rassasié cinq mille hommes avec cinq pains.
Honorât, qu'il avait suivi à Arles, pour re- C'est là qu'il se retirait lorsqu'il voulait
tourner dans le désert, et dit qu'il avait prier; c'est là que dans un parfait silence

' Haudquaquam Eucherium prœterierirn ,


qui cœli ingenii fratrum cœnobio prœsidens, congregationem
appetens, humilis spirifu, arduus meriio, scientiœ suam quœ sanctœ conversationis vestrœ
qiiotidiano
plenus, eloquii profluus, mar/norum sœculi sui ponti- docetur intuitu, illorum quoque pairum prœeeptis op-
ficum longe maximus fuit. Mamert., lib. II de Statu tet institui. Cassian., prolopt. in Collât. XI.
animœ, cap. ix. Eucherius Lugdunensis Ecclesiœ presbt/ter. Gen-
*

* Prosp., Tiro in Chron. nad., de Vir. illustr., cap. LXiii mss. Gorbeiense.
s Cum virtutem perfectionis vestrœ, qua velut qui- Pontifex. Fabric, not. in Gennad., cap. Lxni.
s Quanto enim jucundior ille amœnitatihus loctts,
dam magna luminarin in hoc mundo admirabili cla-
ritaie fulgentis,multi sanctorum qui vestro erudiun- tanto huic in lapsum pronior fuit. Unde non solum
tur exemple vix queant œmulari : tatnen vos, n
, hune legibus suis subdidit, sed etiam in nos usque
sancti fralres, llonorate et Euchcri, tanta illorum vi- suum illum stimulum mors tetendit. Eucher., de
rorum laude flammamini, ut unus quidem vestrum J/iude eremi, num. 6.
444 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
et dans un doux repos, l'on s'occupe de la sies. Il quelque temps après la pré-
l'écrivit
psalmodie, de la prière, de la méditation des cédente encore dans l'ile de
et lorsqu'il était
vérités divines que l'on trouve Dieu, que
; Léro un peu avant que saint Hilaire fût
,

l'onpossède Jésus-Christ. » choisi évêque d'Arles, c'est-à-dire vers l'an


Des louanges générales du désert, saint 428. Valérien, à qui cette lettre est adressée,
Euclier passe h celles de Lérins, qu'il nous re- était son parent et avait un père et un
présente comme un lieu charmant, couvert beau-père élevés aux premières dignités
d'herbes et de fleurs également agréables à du siècle. Quelques-ims ont cru que c'était
la vue et à l'odorat, où coulent plusieui-s fon- Prisque Valérien, préfet des Gaules et parent
taines d'eau vive, comme une digne demeure de l'empereur Avitus, à qui saint Sidoine
d'Honorat, fondateur du monastère que l'on adressa le panégyrique de ce prince, fait en
y voyait alors; recommandable par les ver- 456. D'autres croient que c'est ce Valérien
tus du bienheureux Loup, de son frère Vin- qui fut évêque de Cémèle, près de Nice en
cent, du vénérable Caprais, et de tant d'au- Savoie dont on nous a donné quelques ho-
,

tres saints qui l'habitaient et menaient dans mélies avec une lettre. Ce qu'il y a de vrai,
les Gaules la vie sainte des moines d'Egypte. c'est que le Valérien à qui saint Euclier écri-
Il congratule saint Hilaire sur son retour dans vit, était un homme de bonnes mœurs et
cette aimable solitude. « Vous êtes à présent, porté à la piété par ses inclinations. Les
lui dit-il, le vrai Israël, qui voyez Dieu dans liens du sang et de l'amitié engagèrent saint
votre cœur après être sorti du siècle, comme Eucher à lui écrire pour l'exhorter à secon-
des ténèbres de l'Egypte , après avoir passé der ses bonnes inclinations et à accomplir,
par eaux salutaires où vous avez noyé
les dans la vue de son salut, ce que le règlement
votre ennemi après avoir suivi dans le dé-
, de ses mœurs lui faisait pratiquer. Il lui re-
sert, comme votre colonne, le feu et la lu- présente que la première obligation de l'hom-
mière de la foi. Ce qui vous paraissait autre- me est de rendre hommage à Dieu comme à
fois amer, vous est devenu doux par le sacré l'auteur de sa vie, et de reconnaître que, la
bois de la croix. Vous tirez de Jésus-Christ tenant de lui sans l'avoir méritée, il la doit
des eaux rejaillissantes jusque dans la vie toute employer pour son service; que notre
éternelle.Vous nourrissez votre homme in- âme étant ce qu'il y a de plus important en
térieurdu pain descendu du ciel. Vous enten- nous, nous devons préférer notre salut à tout
dez dans l'Evangile le tonnerre de la parole le reste qu'ainsi nos deux principaux devoirs
;

de Dieu; puisque vous demeurez donc ainsi consistent en une parfaite soumission à Dieu
dans le désert avec Israël assurez-vous que, et dans un extrême soin de notre âme, n'é-
vous entrerez avec Jésus dans la terre qui tant pas possible de nous bien acquitter de
nous est promise. » l'un, sans nous acquitter aussi de l'autre.
Celte lettre de saint Euclier est citée par (( Il n'y a point de soin ajoute-t-il que l'on
, ,

saint Honorât, évêque de Marseille *, écri- n'apporte pour conserver la sanlé du corps
vain du même siècle, et par saint Isidore de et pour le bien traiter lorsqu'il est malade;
Séville, qui, quelque longue qu'elle soit -, l'âme est-elle donc indigne que l'on prenne
ne laissait pas de la trouver courte à cause le même soin d'elle? Elle est en nous l'image

des belles choses qu'elle renferme, de l'élé- de Dieu et le gage précieux des dons célestes
gance des pensées, de l'ornement des pa- qu'il nous prépare; c'est un dépôt qu'il nous
roles et du style doux et éloquent qui la a mis entre les mains que ne devons-nous
:

rendent agréable. pas faire pour le lui conserver fidèlement?


7. On ne trouve ni moins de grâces ni Que servirait à un homme, dit Jésus-Christ, de Matth.xvi.ie.

Mé^p'r'i's^ du moins d'éloquence dans la lettre à Valérien. gagner tout le monde et de se perdre soi-même?
vr'*Bibiiôîh; Les raisonnements en sont pleins de force, On ne saurait rien gagner, quand c'est aux
'"'Anafjse de les pcusées uoblcs et élevées, les expressions dépens de l'âme, ni accorder le profit tempo-
rel avec la perte du salut. Peut-on même
ce traite.
ylves, Ics comparaisons belles et bien choi-

' liclationi huic scripta beali Eucherii prœbent at- tom. I oper. Léon., et Eucher., ad Hilar., num. 1.
testatinnem, quœ ad eum directa magno,
testuniur : * Eucherius edidit ad Hilarium eremi déserta pe-

inquity ani)/io egressus dudum de domo tua et de co- tentem , unum opusculum de Laude ejusdem eremi,
gnatione tua usque in mure magnum recedentia eremi luculenlissinie et du/ci sermone dictatum,in quo opère
sécréta penetraveras majore tamen virtute repetita
: laudamus doctorem, etsi pauca, tamen pulchra dic-
a le est eremus, quam pelila. Honorai., iu Vit. Hilar., tantem. Isid. Hispal., cap. xv.
[V« SIÈCLE ]
CHAPITRE XXXI. — SAINT EUCHER ET SALVIUS, ETC. 445

donner le nom de gaiu à l'acquisition d'une aux richesses, qu'y a-t-il de plus à craindre,
chose qui nous échappe dos mains? Le salut puisqu'il arrive rarement de les acquérir par
est le seul gain véritable peut-on se donner : des voies justes et qu'on les conserve presque
,

trop de mouvement pour lacquérir? Quand toujours par les mêmes voies qu'on les a ac-
nos jours se passeraient dans l'état le plus quises? Ce qui a à un homme de
fait dire

heureux, leur petit nombre les rendrait peu piété : Que sont les richesses, sinon la ma-
estimables, parce que rien de ce qui est ren- tière de faire du mal? Pour ce qui est des
fermé dans un petit espace ne peut être grand honneurs, quelle estime en doit-on faire, puis-
eu eflét, ni des plaisirs beaucoup durei', lors- que l'ambition et les brigues y élèvent les
qu'ils se trouvent resserrés entre des bornes méchants confusément avec les bons. Un
si étroites. Cette raison seule ne doit-elle pas même degré d'honneur se donne à des hom-
l'aire mépriser les douceurs de cette vie, que mes d'un mérite très-dissemblable, et les di-

leur peu de durée rend si peu considérables? gnités, de distinguer ceux qui en sont
au lieu
Mais celte vie même est-elle aussi heureuse dignes d'avec ceux qui en sont indignes, les
qu'on se l'imagine? n'est-elle pas, au con- confondent de telle sorte que, par un renver-
traire, outre sa brièveté, sujette à mille maux sement étrange, on ne voit jamais moins que
qui la rendent pénible et insupportable ? n'est- dans les honneurs la différence qui devrait
elle pas pleine de travaux, de soins et de dan- être entre les plus gens de bien et les plus
gers? Si en ce monde ceux qui sont sages
, , méchants? N'y a-t-il donc pas plus d'honneur
travaillent avec beaucoup plus de soin et de d'en mépriser de semblables, qu'aies possé-
dépense à rendre logeable et commode- une der, et h aimer mieux être estimé par sa
maison qu'ils veulent to ujours ha biter qu 'une , vertu que par les dignités qui se donnant ,

où ils ont seulement dessein de demeurer peu indifféremment, ne sont point une preuve du
de temps, ne devons-nous pas nous employer mérite? »

beaucoup pour ce qui durrea toujours, et Il rapporte divers exemples de personnes


très-peu pour ce qui ne fait que passer? Si comblées de biens et d'honneurs, qui ne pos-
un homme de qualité et extrêmement riche sédaient plus rien des uns et des autres. Il

voulait nous adopter, il n'y a point d'obsta- fait remarquer à Valérien que ces monar-
cles que nous ne surmontassions pour rece- chies autrefois si puissantes, ne nous parais-
voir cette grâce. Pouvons-nous donc, lorsque sent maintenant qu'un songe, toute leur
Dieu nous appelle à la possession de son hé- grandeur s'étant évanouie, et ceux qui en
ritage éternel, et qu'il veut nous honorer du portaient le sceptre n'ayant rien emporté
même nom qu'il donne à sou Fils unique, ne avec eux de toute cette grandeur mondaine.
pas nous hâter de venir, de peur qu'une mort La seule piété, s'ils -en ont eu, les a suivis
inopinée ne nous empêche de jouir d'un si dans l'autre monde sans les abandonner ja-
grand bientait ? Il n'est besoin, pour l'obtenir, mais. Saint Eucher passe de là à la brièveté
ni de traverser de grands déserts secs et ari- de la vie, pour montrer le peu de cas qu'on
des, ni de longs espaces de mer sujets à mille doit en faire. «Rien n'est, dit-il, plus souveni
périls : cette adoption dépend de notre vo- exposé à nos yeux que la mort et nous :

lonté. » n'oublions rien si aisément que la mort. Tous


8. Saint Eucher marque ensuite les raisons les hommes y courent avec rapidité, et ne
de mépriser la vie présente; il signale les cesseront d'y couiir dans la suite des siècles.
travaux, les chagrins et les inquiétudes dont Nos pères sont partis les premiers nous :

elle est pleine ; cette chaîne d'alfaires insé- irons après eux; et nos descendants nous
parables dun travail qui dure autant que la suivront. De même que l'on voit les tlols,
vie; les embarras qui se multiplient sans après s'être élevés les uns sur les autres, se
cesse, les soins inutiles, les désirs inquiets, les briser contre leurs rivages ainsi tous les
;

craintes mal fondées, l'inconstance des for- âges s'entresuivent et se terminent à la mort
tunes qui, soit petites, soit grandes, sont ex- qui est comme l'écueil de la vie. Cette pen-
posées aux coups de la tempête. Les gi andes, sée de notre condition humaine est comme
dit-il, sont enviées, les petites sont opprimées. une voix qui crie jour et nuit à nos oreilles que
11trouve qu'il y a deux choses qui tiennent de notre vie s'approche, et qu'elle arri-
la fin
les hommes attachés au monde par l'attrait vera d'autant plus tôt qu'elle a tardé davan-
qu'y trouvent les sens, savoir l'abondance : tage. Le moyen de ne pas craindre la mort,
des richesses et l'éclat des honneurs. « Quant quoiqu'elle soit toujours accompagnée de
446 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
crainte, est de s'entretenir d'une pensée si messes qu'il nous
Les oreilles ne doi-
fait ?

salutaire ; ceux-là sont véritablement heu- vent-elles pas, de même


que les yeux, pio-
leux, qui se préparent à cette dernière heure duire en nous de grands sentiments par
en se réconciliant avec Jésus-Christ, et qui l'espérance des choses qui nous sont promi-
attendent la mort avec un esprit tranquille, ses ? Ne devons-nous pas user de telle sorte
comme leur important peu de perdre une vie de nos sens, qu'en les rendant utiles pour
temporelle lorsque c'est pour passer à une cette vie temporelle, nous ne les rendions
vie éternelle. » pas inutiles à nous en procurer une qui
propose à Valérien les exemples des
Il n'aura jamais de fin? » Il fait voir à Valérien
hommes illustres par leur naissance, élevés qu'il n'y a rien de plus raisonnable que d'ai-
par leur mérite aux grands honneurs, très- mer par dessus tout celui en qui nous trou-
sages, très-éloquents et très-savants, qui ont vons tout, et que les richesses et toutes les
tout quitté pour travailler sans cesse à l'ou- auti'es choses qui nous rendent la vie agréa-

vrage de leur salut, se représentant que c'é- ble, viennent de lui et sont en lui. «Rassem-
tait pour cette fin que Dieu les avait créés. blez donc maintenant, pour le donnera Dieu
Il met de ce nombre le pape saint Clément, seul, l'amour que vous avez jusqu'ici répandu
« qui avait tiré, dit-il, sa naissance des sé- si injustement dans les créatures que vos :

nateurs et des Césars, et qui excellait dans affections mieux réglées n'aient dans la suite

les sciences et les belles-lettres ; saint Gré- que de saints objets reconnaissant votre
; et
goire Thaumaturge, qui passait pour le plus erreur, donnez maintenant votre cœur à
grand philosophe et l'un des premiers ora- Dieu. »

teurs de son temps saint Grégoire de Na-


; Après avoir montré à Valérien que les
9. j^_^|

zianze et saint Basile, son ami, célèbres l'uu richesses et les honneurs n'ont rien qui doi-
et l'autre dans la philosophie et les belles vent nous attacher au monde, il fait voir que
lettres; saint Paulin, évèque de Noie, dont le monde même n'est pas aimable par lui-
les richesses étaient immenses, et l'éloquence même, puisqu'il tend à sa fin. « La famine,
comme une source inépuisable Hilaire et ; la peste, la guérie, la désolation des pro-
Pétrone, évêques d'itahe, qui renoncèrent à vinces et tant d'autres maux qu'il soutire,
une fortune mondaine, l'un pour se rendre sont les maladies qui le réduisent dans la

religieux, et l'autre prêtre ; Firmien, Minu- langueur les signes qui paraissent dans le
:

cien, Cyprien, Hilaire, saint Chrysostôme, ciel, les tremblements de terre, le renverse-
saint Ambroise, qui tous ont quitté le siècle ment des saisons et la quantité de monstres
pour suivre Jésus-Christ. » sont autant de prodiges qui présagent sa dé-
11 propose encore à Valérien les vertus faillance. Qu'attendons-nous donc? Pourquoi
des rois dont la sainte Ecriture fait l'éloge ; différer à nous résoudre? Le dernier jour
la piété de David, la foi de Josias, l'humilité non-seulement de notre vie, mais de la durée
d'Ezéchias. 11 y ajoute la soumission que les de l'univers s'approche. » Il montre que l'es-
choses mêmes inanimées, comme les jours, pérance de l'avenir doit être d'autant plus le
lesannées, les astres, témoignent aux ordres continuel objet de nos pensées que c'est ;

de Dieu, en suivant les lois qu'il leur a pres- Jésus-Christ, la vérité même, qui a promis
crites. D'où il tire cette conséquence, que aux justes des récompenses éternelles; lui
nous sommes d'autant plus obligés de nous qui, par l'ineffable mystère de son incarna-
rendre aux ordres de Dieu, qu'il nous les tion, étant Dieu et homme tout ensemble, a
renouvelle souvent; au lieu qu'il n'a donné réconcilié les hommes avec Dieu, et qui, par
qu'une seule fois à cette grande machine du un autre mystèi'e non moins inconcevable,
monde l'ordre qu'elle suit toujours. Saint a obtenu l'absolution de leurs crimes par le
Eucher insiste sur la nécessité où se trou- sang qu'il a répandu pour eux sur la croix.
vent ceux qui croient se soustraire à l'obéis- Il exhorte Valérien à quitter l'étude de la
sance du Créateur, de tomber entre ses mains. vaine philosophie, et à laisser les recueils
« D'où vient, dit-il encore, que nous nous qu'il faisait des matières qui le frappaient

attachons avec tant d'affection aux choses davantage dans les écrits des philosophes,
présentes et visibles? Est-ce qu'entre tous nos pour ne s'occuper qu'à la lecture des écri-
sens, celui de la vue est le seul dont nous vains sacrés ecclésiastiques. « Vous y
et

devons usage? Dieu ne nous a-t-il pas


faire trouverez, de quoi vous remplir l'es-
dit-il,

aussi donné Touïe pour entendre les pro- prit d'instructions admirables, et de quoi
[y SIÈCLE.] CHAPITRE XXXI. — SAINT EUCHER ET SALVIUS, ETC. 447

fortifier votre foi, non par de simples paroles, voir ce que nous voulons qu'ils ignorent,
mais par des paroles ellicaces : car, pour en- étant de ne pas le faire, de même le moyen
tendre rEcrit'iro sainte, il faut la croire. d'empêcher Dieu d'en avoir connaissance
Vous y apprendrez à craindre Dieu, parce est de ne pas le penser qu'il vaut mieux
;

qu'il est le Seigneur; et à l'aimer, parce être trompé que de tromper; enfin, que plus
qu'il est votre père. Vous y apprendrez on est vertueux, plus on doit fuir la vanité,
quelles sont les véiitables hosties qu'il de- parce qu'au lieu que les autres vices s'aug-
mande, et que la justice et la miséricorde mentent par les vices, la vanité s'augmente
sont les sacrifices les plus agréables qu'on lui par les vertus. »
puisse ofiVir. Vous y apprendrez qu'il n'y a 10. Saint Eucher dit que l'Ecriture sainte, où
point de raisons qui vous doivent persuader l'on apprend toutes ces maximes, ressemble
qu'il soit justede donner la mort à un homme. à ces pierres précieuses, dont plus on consi-
Vous y apprendrez à vous fortifier contre dère l'éclat, plus on est ravi de voir qu'elles
toutes les passions déréglées, à résister aux brillent au-dedans comme au-dehors d'une
attraits de la volupté comme à un cruel en- vive lumière. Il finit en conjurant Valérien,
nemi qui prend plaisir d'insulter à ceux qu'il au milieu des occupations qui l'environ-
a vaincus à dompter la concupiscence, en
; naient, de tourner ses yeux vers cet heureux
considérant qu'il vaut mieux ne point désirer port où les véritables serviteurs de Dieu sont
ce que l'on n'a pas, que de le posséder après à l'abri des tempêtes, et de faire tous ses ef-
l'avoir désiré; à ne vous point mettre en co- forts pour y arriver. « C'est, dit-il, l'unique
lère, en vous représentant que celui qui s"y port où après après avoir été agité par tant
met lorsqu'on l'irrite, ne cesse de s'y mettre d'orages dans le siècle, nous pouvons trouver
que parce qu'on ne l'irrite plus. Vous y le calme, être en assurance contre la vio-

apprendrez que, n'y ayant personne qui lence des vents et des fiots, et jouir d'une
n'aime ceux qui l'aiment, nous devons aimer heureuse tranquillité. »
ceux mêmes qui ne nous aiment pas que ;
11. On ne même beauté de
trouve pas la Traité des
Forra n les
l'on ne peut mieux conserver son bien qu'en style ni la même
élégance dans les trois ou- lom. VI Bi-
t-iolh. l'atr.,

le distribuant aux pauvres, parce que l'on vrages suivants. Aussi ne sont-ce pas des pog. «24.
lOnduililis-
n'est plus en danger de perdre ce que l'on a discours étudiés comme celui dont nous ve- tiuguer trois
tra tés d es
i

nons de donner le précis. Ce sont de simples Formules.]


employé de la sorte que la continence est
;

le fruit d'un mai-iage chaste et fidèle que ;


explications de quelques endroits de l'Ecri-
les maux de cette vie sont communs aux ture et on sait que dans ce genre d'écrire,
;

bons et aux méchants que les diverses


;
il n'est besoin ni d'élévation, ni de noblesse,

maladies n'abattent pas tant le corps, que soit dans le style, soit dans le tour des pen-

les vices rendent l'âme languissante. Vous y sées. C'est d'ailleurs un père qui écrit pour
apprendrez qu'un homme prudent tire un instruire ses enfants. 11 nous apprend qu'il '

égal avantage des actions des sages et des s'est plus appliqué à la précision qu'à l'élé-

fous, parce que les uns lui montrent ce qu'il gance. Le premier de ces ouvrages est inti-
doit imiter, et les autres ce qu'il doit fuir ; tulé Des Principes de l'intelligence spirituelle.
:

qu'il faut autant remercier Dieu dans l'ad- Il est cité par Gennade, de même que les deux

versité que dans la prospérité, et reconnaître autres ^; par un auteur anonyme, dont nous
lorsque les choses réussissent suivant nos dé- avons un catalogue des anciens écrivains ec-
sirs,que nous ne le méritons pas que pour ;
clésiastiques 3, et par Notker le Bègue, dans

preuve qu'il n'y a point de destin, c'est son traité des Interprètes de l'Ecriture*. Stuïnt
qu'aucune nation ni aucune loi n'ordonnent Eucher pour le second de ses
écrivit ce traité
des peines qu'à cause de lu volonté que l'on fils, nommé Véran,
de lui faciliter l'intel-
afin
a eue de mal faire. Vous y apprendrez que ligence de divers termes ou façons de parler
le moyen d'empêcher les hommes de sa- de l'Ecriture sainte, qu'il serait dangereux

1 Consecians non inm eloquii exullanlis (imbilum, Eucherius scribit de forma spirifuaiis intetlectus
*

quam necessariœ brevitalis modum. Eucher., praefat. et nominum. Anouym. Mellic, cap.
inlerprefatione
in lih. I ad Salon. LV, in Bib. Fabric, pag. 151.
* Euiherius disseruit etiam ad personnm filiorum * Habes Eucherium. qui tnultas et utilissimas inter-

Salonii et Veranii posten episcoporum, obscura quce- prelationes tropolor/icas et anugogas sacrnrum litterai
que sanctarum capitula scriptururum. Gennad., cap. Scripturarum proposuit et diàsolvit. Nolker., de In'
LXUI. terpr., toin. I Anecd. pezii.
448 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
de prendre à la lettre, particulièrement ceux gnifie son Fils, par qui il a fait toutes cho-
qui attribuent à Dieu un corps et des mem- ses ; sa bouche, les discours qu'il a adressés
bres humains. Il l'avcrlit donc dans la pré- aux hommes ses paupières, l'examen qu'il
;

face de cet écrit que l'on doit distinguer plu- fait des actions des hommes, les jugements
sieurs sens ditlerents dans les Livres saints, qu'il en porte son boucher et ses armes, la
;

savoir : le littéral, le tropologique ou moral, protection qu'il accorde aux justes. Dans le
l'anagogique et l'allégorique : le littéral re- troisième il nous observer sous quels dif-
fait

garde les faits de l'histoire; le moral, la cor- férents noms les apôtres et les prophètes nous
rection des mœurs; l'anagogique nous élève sont représentés ;
quels sont ceux qui dési-
vers les choses du ciel, et l'allégorique nous gnent l'Ancien et le Nouveau Testament,
montre dans les faits rapportés dans l'his- l'Eglise et ses ministres. Comme toutes ses
toire, une figure des choses à venir. Le ciel, applications sont arbitraires, de que même
par exemple, lorsqu'on le prend selon le sens celles qu'il fait dans les chapitres suivants,
de la lettre, marque le ciel que nous voyons il est libre à un chacun de les admettre ou

de nos yeux mais, dans le sens moral, il si-


;
de les rejeter. Mais il en faut excepter celles
gnifie la pureté de la vie ou la vie céleste. qui sont fondées sur le texte même de l'Ecri-
Les eaux, dans le sens allégorique, signifient ture. Telle est celle qu'il fait de la vigne et
le baptême, et dans le sens anagogique, les de ses branches, à Jésus-Christ et à ses apô-
anges. D'où vient qu'il est dit dans le psau- tres ou aux saints.
me cxLViii^ : Que les eaux qui sont au-dessus Le dernier chapitre traite des nombres,
des deux, louent le nom du Seigneur. dont l'auteur fait l'application suivant leur
Ce traité est divisé en dix chapitres : valeur. Le nombre un marque l'unité de
le premier traite des noms de Dieu, Saint Dieu le trois, la trinité des personnes le
; ;

Eucher le commence en disant « que Dieu huit, le jour du dimanche ou de la résurrec-


toul-puissant ', le Père, le Fils et le Saint- tion de Jésus-Christ; le douze, les douze
Esprit, est un en
un en nature, trois
trois; apôtres; le soixante- douze, les septante-
en personnes. Seul invisible, immense et in- deux prêtres ou anciens que Moïse choisit
compréhensible, seul infini, immuable, in- pour lui aider dans le gouvernement, ou les
corporel et immortel, présent et caché, tout soixante et douze disciples dont il est parlé
entier partout, sans être enfermé dans aucun dans l'Evangile. Le nombre millénaire si-
lieu. » Il explique ensuite ce que signifient gnifie la perfection de toutes les bonnes œu-
tons ces attributs, puis les divers noms que vres. [On doit distinguer trois ouvrages des
l'Ecriture donne à chacune des personnes de formules spirituelles sous le nom de saint
la Trinité, ou à Dieu en général. Nous lui Eucher. Le premier porte le nom de Gloses
pmi.ixxiï,4. disons : Montrez-nous votre face, et nous se- ou de Formules mineures; le second porte
rons sauvés, c'est-à-dire, faites-vous con- celui de Formules majeures, imprimées dans
naître à nous. La face de Dieu peut encore le xv^ siècle, sans nom de lieu ni d'année,
signifier l'essence invisible de la divinité du dans la Bibliothèque des Pères, de Fleury, qui
Fils de Dieu. C'est aussi le Fils du Père, est très-peu considérable et rare -. Elles ont
c'est-à-dire Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui été depuis imprimées en 1530. EUes sont di-
est appelé la bouche de Dieu dans le pro- gnes de la haut3 sagesse de saint Eucher. Le
isai. I , an. phète Isaïe, comme le Saint-Esprit est appelé troisième ouvrage est celui des Formules pu-
Kxod.xxxii, le doigt de Dieu dans le livre de l'Exode et bliées et exploitées depuis trois siècles sous

i.uc XI, co.


dans l'Evangile selon saint Luc. Voir en le nom de saint Eucher. C'est un ouvrage
Dieu, c'est approuver quelque chose de bon: qui parait supposé, mais où certainement se
Gencs. 1,31. ^dusi cst-ll dit dans la Genèse que Dieu vit trouvent beaucoup d'emprunts faits à saint

tout ce qu'il avait fait, et qu'il était très-bon. Grégoire-le-Grand, à Isidore, à Bède. Mais
Il marque dans le second chapitre ce que on y trouve un autre écrit sur le même sujet
membres humains que l'Ecri-
signifient les d'un auteur diflerent. Cet écrit, attribué à un
ture donne à Dieu. Son bras ou sa main si- grand nombre d'auteurs, parait être plus

' Omnipotens Deus Pater et Filius et Spiritus Sanc- lutens : ubique totus et itntnensus. Eucher., cap. i,

tus unus algue irinus. U/ius videlicet extat in natura, pag. 824.
trinus in personis. Soliis invisibitis , immciisus atque 2 D. Pitra en a trouvé uu exemplaire dans la Bi-
incomprehensibilis. So/us incircumscriptus, immuta- bliolh. Lambeth., num. 384. {L'éditeur.)
Oilii, incorporeus et immortalis : ubique prœsens et
[v'siKCi.E.] CHAPITRE XXXI. — SAINT EUCHER ET SALVIUS, ETC. A Ad

ancien que le concile de Nicée ; l'autre dcril Salone et Véran étaient dés lors évêques,
plus étendu et contemporain de saint Euclier. pourquoi Salvien ne dit-il pas qu'ils étaient
D. Pitra a retrouvé l'ouvrage intitulé Gloses les maîtresdes Eglises? Le terme de com-
ou Petites formules '; il l'a publié dans le mencer, dont il se sert, ne marque-t-il pas

tome III du Spicilége. On y lit trois cent qua- clairement qu'ils ne l'étaient pas encore,
tre-vingt-dix formules. Elles commencent quoique leur vertu et leur doctrine fussent

ainsi 1° le laboureur, Dieu; 2» le champ,


: un présage assuré qu'ils le seraient bientôt?
le monde; 3» les oreilles du Seigneur, l'in- Il faut ajouter que cet auteur, en parlant des
tellect divin. Elles finissent par celles-ci : deux fils de saint Eucher, les appelle des

388° la voie, le Christ; 389» la zizanie, les jeunes gens admirables et de saintes mœurs'.
scandales ou ceux qui vivent mal; 390° le Eùt-il donné le nom de jeunes gens à des
zèle, l'indignation -.] évêques ? Tout ce que l'on peut inférer de
12. Il y a plus de solidité dans les deux la lettrede Salvien, c'est que Salone et Vé-
livi'es des Institutions ; ils sont à tous égards ran étaient prêtres lorsqu'il l'écrivit. Quant à
plus utiles que le traité à Yéran. Salvien, à saint Eucher, il était évèque alors, puisque
qui saint Euoher les avait envoyés ', dit que Salvien lui donne celte qualité dans l'ins-
si leur brièveté les rend facile à lire, l'érudi- cription de sa lettre mais ce n'est pas une
:

tion dont ils sont pleins, fait qu'on y trouve preuve qu'il le fût déjà lorsqu'il composa ces
abondamment de quoi s'instruire ;
que cet deux livres. Peut-être ne les envoya-t-il pas
excellent et important ouvrage était digne aussitôt à Salvien ou Salvien fut -il long-
de ses lumières et de sa piété. Saint Eucher temps à l'en remercier. Ce qu'il y a de plus
cite dans ces deux livres le texte hébreu, et assuré sur l'époque de ces deux livres, est
recourt quelquefois aux anciens interprètes qu'ayant été écrits depuis l'épiscopat de
de l'Ecriture sainte. Il marque dans le pro- saint Hilaire, on ne peut les mettre avant
logue * que saint Hilaire était déjà évèque l'an 429.
d'Arles lorsqu'il les écrivit mais il n'y dit ; 13. Saint Eucher y cherche non l'élo- Analyse rta
premier livre,
rien, ni dans le corps de l'ouvrage, d'où l'on quence, mais la brièveté, tirant ses explica- Uni. VI Hi-
bholh. Pair.,
puisse inférer que lui ou ses enfiints fussent tions, moins de son propre fond que des pag. «39.

revêtus du caractère épiscopal. Il parait, au personnes célèbres par leur science, qui,
contraire, par le témoignage de Geunade ^, avant lui, avaient traité les mêmes matières.
que Salone et Yéran ne furent faits évêques 11 trouve dans les premières paroles de la

qu'après que saint Eucher leur eut adressé Genèse, les trois personnes de la sainte Tri-
cet écrit. Il est vrai que Salvien, dans la let- nité, dont il prouve le mystère par divers
tre qu'il écrivit à saint Eucher pour le re- autres passages de l'Ecriiure. Il remarque
mercier de ces deux livres dont il lui avait que la langue latine n'ayant pas, comme
fait présent, dit de Salone et de Véran qu'ils l'hébreu, de termes propres pour expi-iraer
commençaient déjà, par la dispensation et le le nom de la femme par rapport à son ori-
jugement de Dieu à être les maîtres des
**, gine, saint Jérôme l'avait fort bien rendu
Eglises, et qu'ils avaient la grâce et le droit par celui de virago. Que s'il y a des versions
de donner des enfants à l'Eglise. Il souhaite qui donnent à Mathusalem quatorze ans au-
dans la même lettre, qu'après avoir été ses delà du déluge, c'est une faute à corriger
disciples, ils soient ses intercesseurs. Mais si sur l'hébreu, où on ne lit point cet excédant;

* Manuscrits de Bruxelles du x' et du xi* siècle, ^ Et quia jum dispensaiione divina atque judicio
et trois manuscrits de Leyde, dont un du via* siècle. etiam magistri Ecclesiarum esse cœperunt, donet hoc
{L'éditeur.) Dei pietas, ut doctrina illorum fructus sit Ecclesia-
* Voir Spicileg., loco cit. (L'éditeur.) rum et iuus; profectuque excellentissimo, tant illum
s Legi libros quos transmisisti, stylo brèves, doc- ornent, a quo sunt geniti, quam eos, quos ipsi sua ins-
trina uberes, Itctione expeditos, instructione perfectos, titutione generaverint : mihique Deus tribuat , ut qui
menti tuœ ac pietati pares. SaMau., Epist. ad Euche- fuerunt discipuli quondam mei , sint nunc quotidie
rium. oralores mei. Salviau., ubi supra.
* Cum te illic beatissimi Hilarii tune insulani Ty- "
Superest ut Dominus Deus noster, cujus dono ad-
ronis, sed jani nunc summi Pontifias doctrina forma- mirandissimi juvenes taies sunt, pares eos facial li-
ret. Eucher , prolog. in lib. ad Salon. bris tuis. Ibid. Ul indoles sanctœ œque doctrina ac
» Disseruit eiiam ad personam filiorum Salonii et vita illustrarentur , quos morali institutione forma-
Veranii, postea episcoporum, obscura quœque sancia- teras, spiritali instructione decorusti. Ibid.
rum capitula Scripturarum. Gennad., cap. Lxiii.
VIll. 29
450 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
que les patriarches, en épousant plusieurs Jésus-Ghiist, qui n'est point né de Joseph,
femmes, ne péchaient point, soit parce qu'il est appelé fils de David il remarque que,
,

n'y avait point de lois qui le leur défendissent, selon la loi, les mariages, parmi les Juifs, se
soit parce qu'alors cet usage était autorisé contractaient entre des personnes d'une
par le besoin de multiplier le genre humain; même parenté ; et qu'ainsi il n'y a aucune
que, dans le quinzième chapitre de la Genèse, raison de douter que Marie étant de la même
où il est dit qu'à la quatrième génération les tribu que Joseph, qui de la race de Da-
était

enfants d'Israël sortiraient d'Egypte, on doit vid, elle n'en ait aussi tiré son origine que ;

corriger ce qui est dit ensuite : qu'ils en si l'Evangéliste nous a découvert l'origine

sortirent à la cinquième, ce dernier mot ne se de Marie en faisant la généalogie de Joseph,


c'est que dans l'usage de l'Ecriture, on fait
'

lisant point dans l'hébreu mais seulement, :

qu'ils sortirent armés de la terre d'Egypte. Il la généalogie d'une famille plutôt par les

dit en termes exprès que Moïse a écrit le hommes que par les femmes. Il ajoute que
Pentateuque par l'inspiration du Saint-Es- Marie étant cousine d'Elisabeth, qui était
prit que, dans le temps où nous sommes,
'
;
d'entre les filles d'Aaron, c'est une preuve
nous devons observer tout ce qui est prescrit que Jésus-Christ est né selon la chair de la
dans l'Ancien Testament pour le règlement race royale et de la sacerdotale. Saint Mat-
des mœurs et n'observer plus ce qui re-
,
thieu fait naitre Joseph de Jacob, et saint
garde les cérémonies et les sacrifices, parce Luc le fait descendre d'Héh. Mais en cela
ce n'étaient que des ligures et des présages ces deux Evangélistes ne sont point con-
des choses à venir. Il ne décide rien sur le traires l'un à l'autre, parce que Jacob était
faitde l'évocation de Samuel, se contentant véritablement le père de Joseph selon la na-
de dire, ou que ce ne fut qu'un prestige, ou ture, au lieu qu'Héli n'était son père que
que Dieu permit au démon cette évocation, selon la loi. Comme la coutume chez les
comme il lui fut permis de tenter Job et de Juifs était que le frère épousât la femme de
transporter Jésus-Christ sur le sommet du son frère mort sans enfants, Héli étant mort
temple. Si les Juifs ne pouvaient croire, parce sans aucun enfant;, Jacob,, qui était son frère
que, selon Isaïe, Dieu les avait aveuglés et utérin, épousa sa veuve, dont il eut Joseph,
endurci leur cœur, pourquoi les rendre cou- époux de la sainte Vierge. Ainsi saint Luc
pables de leur incrédulité ? Saint Eucher appelle Joseph fils d'Héli, parce qu'il l'était
répond que Prophète a prédit l'incrédulité
le selon l'ordonnance et l'usage de la loi et ;

des Juifs, parce que Dieu l'avait prévue et ;


saint Matthieu l'appelle fils de Jacob, parce
que Dieu ne poussant personne au péché, il qu'il l'était par la voie de la génération. Il y

faut entendre ce que dit Isaïe ^, non d'un a entre saint Marc et saint Luc une autre
décret de Dieu, mais de sa prescience que : contrariété apparente. Le premier dit que
ne pouvoir croire, peut encore signifier, ue Jésus-Christ fut crucifié la troisième heure du ^i^^ ^^
pas vouloir croire, comme il nous arrive jour. Le second dit qu'il était environ la si- nic.xxm
souvent de dire que nous ne pouvons pas xième heure du jour. Saint Eucher lève cette
faire quelque chose, lorsque nous ne le vou- contrariété, en observant que saint Marc parle
lons pas. Il explique les autres endroits de de l'heure à laquelle Jésus-Christ fut con-
l'Ecriture, où il est ditque Dieu endurcit le damné à être attaché à la croix; et saint Luc,
cœur des pécheurs, en disant qu'il ne les de l'heure qu'il y fut attaché. Il explique en-
endurcit qu'en les abandonnant à eux-mê- core comment Jésus-Christ a pu dire sans
mes en leur refusant son secours. Il croit
et contradiction : Mon Père est plus grand que joan.xxir.s.

que donné le nom de Graduel aux


l'on n'a moi, et ailleurs Moi et mon Père sommes une
: joan. x, 30.

quinze psaumes qui portent ce titre, que même chose; parce que dans un endroit, le
parce qu'ils nous élèvent comme par degrés Sauveur parle de lui-même selon son huma-
à la connaissance des choses spirituelles, à nité, et dans l'autre selon sa divinité. Dans
l'imitation des quinze degrés par lesquels on le premier sens, son Père est plus grand que
montait au temple. Pour expliquer comment lui; et dans le second, il lui est égal et un

' Moyxes, inspirante Srmcto Spiritu, Penlateuchi scrip- ergo non prœdestinatio divina intelligenda est, sed
tor est. Toui. VI Biblioth. Pair., pag. 842. prœscientia... excœcat auteni et indurat Dominus pec-
* Propiteta hoc prœdixit, quia Deus hoc futurum cntorem deserendo,et non adjuvando. Ibid., pag. 843,
esse prœscivit. Neque enim potest ad peccotum com- 844.
pellere Deus, eut non potest placere peccaium. In his
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXI. — SAINT EUCHER ET SALVIUS, ETC. 451

avec que lorsque saint Paul sou-


lui. Il dit 14. Le second livre n'est point par de- Deoxième
, . liïreàSilone,
haite d'être analhème pour ses frères, cela mandes et par réponses comme le premier, 'oî». vi Bi--

iom.i.x,3. peut avoir deux sens le premier, de mourir


: Salone en avait fourni, par ses questions, la p-8"3-

selon la chair ahn de sauver ses frères selon matière. Mais saint Eucher composa le second
l'esprit; lesecond, en entendant ses paroles de son propre mouvement. Il y explique d'a-
d'un excès de charité, qui lui faisait préférer bord les noms propres hébreux de l'Ecriture,
le salut de ses frères au sien, de même que commençant par celui d'Adonaï, qu'il rend
Moïse demandait à Dieu le pardon des pé- par celui de Seigneur; puis il donne l'inter-
chés de ses frères, ou de l'etiacer lui-même prétation des termes employés par les auteurs
du livre de vie. 11 rapporte que, suivant une sacrés pour marquer les nations, les heux,
certaine tradition, lorsque les Apôtres se les neuves, les mois, les fêtes des idoles, les
dispersèrent dans toutes les parties du habits soit sacerdotaux, soit ordinaires, les
monde pour y prêcher l'Evangile ', saint oiseaux, les bêtes à quatre pieds, les reptiles,
Barthélémy le prêcha aux Indiens saint , les poids, les mesures , et beaucoup d'autres
Thomas aux Parlhes, saint Matthieu aux choses dont l'intelligence lui paraissait né-
Ethiopiens, saint André aux Scythes, saint cessaire ce qui prouve que saint Eucher
;

Jean dans l'Asie, saint Pierre dans la Cappa- était non-seulement instruit de la langue
doce, la Galatie, la Bithynie, le Pont et les hébraïque, mais encore de la grecque, ù
provinces voisines, et qu'enfin il passa à laquelle il recourt de temps en temps. En
Rome que ;
Paul porta l'Evangile dans
saint parlant du mot Arurat, qu'il dit signifier l'Ar-
cette grande étendue de pays qui est depuis ménie, il marque* que l'on voyait encore de
Jérusalem jusqu'à l'Illyrie. Sur ce qui est dit son temps quelques restes ou vestiges de
dans les Actes des Apôtres, que saint Paul l'arche sur les montagnes de cette province,
donna le baptême à ceux qui n'avaient reçu où elle s'était arrêtée après le déluge. Il prend
que celui de saint Jean, il dit qu'il n'en usa Jébus, Jérusalem et Salem, dont Melchisé-
ainsi que parce qu'ils n'avaient pas été bap- dech était roi, pour une même ville. 11 re-
tisés au nom de la Trinité « D'où vient, '-.
marque que l'on donnait ordinairement le
ajoute-t-il, qus nous ne rebaptisons pas ceux nom de Nil au Géou fieuve d'Egypte l'un
, ,

qui l'ont été chez les hérétiques, pourvu qu'il des fleuves qui sortaient du paradis terrestre,
soit sûr qu'ils ont été baptisés au nom de la et que quelques-uns appelaient Ganges; le
Trinité. Toutefois, s'ils se convertissent à la Phison, fleuve de l'Inde, qui tirait aussi sa
vraie foi, on leur impose les mains ahn qu'ils source du même paradis; que la didragme,
reçoivent le Saint-Esprit. 11 explique le péché dont il est parlé dans l'Evangile, signifie deux
à mort 3, pour lequel saint Jean dit qu'où
la dragmes, et non pas une demi-once, comme
ne doit pas prier, de l'impénitence finale et , le dit l'auteur des Questions hébraïques, c'est-

croit que, par le blasphème contre le Saint- à-dire saintJérôme.


Esprit qui n'est rémissible ni en ce monde ni L'ouvrage qui fait le plus d'honneur à
lo. ^^^^^^ ju

en l'autre, il faut entendre le péché de celui saint Eucher, est V Histoire de saint Maurice ^inJ"u»i-
qui, ne croyant ni aux divines promesses, ni et des autres martyrs de la légion Thébaine, ssl'Manyr!,'
"*'
au Saint-Esprit en qui est la rémission des donnée d'abord par le Père Chifflet, et ensuite ^^^
péchés, refuse de se réconciher avec Dieu en par dom Tliieny Ruinart. Ce saint évêque,
cette vie par des œuvres salisl'actoires. qui avait appris un événement si glorieux de

1 Per quod Apostoli sese in orbis partes intulerunt, tam co7iversis adhibetur, ut per hanc Sancli Spiritus
quantum narrât historia , Bartholomœus in Indos, suscipiatur infusio. Ibid., pag. 853.
Thomas tetendit in Parlhos; Matthœus jEthiopes, An- Utique usque ad mortem peccat ille peecator qui
3

dréas Scyihas prœdicaiione mnllivit, Joannes Asiam in hujus temporariœ vitœ cursu pœnitentiam non agit.
divino sermons correxit, Petrus Cappadociam atque Uac ratione illud quoque oportet intelligi : Qui autem
Galatiam, Bithyniam pariter et Pontum, provincias- blasphemaverit in Sancluiu Spiritum etc.; blasphémât
dum Judœis prœdicat, circuit postremo
f/ue confines, : enim qui divinis promissis, Spirituique Sanrto minime
Romam iiiustraturus accessit. Paulus ab Jérusalem credens, in quo est remissio peccatorum, reconciliari
usque lllyricum cum Evangelio replevisset, tam innu- Deo in hac vita per satisfactionis opéra detrectat.
meras ac dispares nationes prœcepUs tanquam armis Ibid.
Victor edomuit. Eucher., pag. 852. * Ararath, Armenia in cujus moniibus post dilu-
* Hoc idcirco, quia non in nomine Trinitatis
bapti- vium arca consedit, adeo ut illic aliqua indicia 7iunc
zati erant. Vnde et ab hœreticis venientes non rebap- usque permaneant. Eucher., tom. VI Biblioth. Pair.,
tizanlur a nobis, si baptizalos constat in nomine Tri- pag. 855.
nitatis : sed impositio tantum manus ad fidem rec-
, ,,

432 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


ceux qui disaient le savoir de saint Isaac, coutume d'approuver tous ses écrits, ce qui
évêque de Genève, et, par lui, de saint Tliéo- prouve qu'il en avait composé d'autres. On
dore et de ceux qui avaient été témoins ocu- ne trouve point, dans ce calendrier, tout ce
laires de ce martj're arrivé dans le diocèse
, que Silvius promet dans la préface. Ainsi on
d'Octodure , crut devoir le mettre par écrit, ne doit point se llatter de l'avoir entier. [Le
de peur qu'à la suite des temps il ne s'etlaçât tome L* de la Patrologie latine l'indique avec
de la mémoire des hommes. Saint Euclier une notice de Schœueman. Il se lit dans le
était alors évêque de Lyon, comme on en tome Xm.]
peut juger par la qualité de frère qu'il donne 16. Gennade cite un abrégé des ouvrages
^''°'''°
à Salvius, évêque d'Octodure ou Martignac, de Cassien par saint Eucher ^. Il y en a un
, j

à qui il adressa cette relation. Dans plusieurs sous ce titre dans


de ses œuvres, à l'édition
manuscrits, Salvius est nommé Silvius, et Rome, en 1564. On doute que ce soit de lui,
c'est apparemment le même que saint Hono- du moins a-t-il été rebuté dans toutes les édi-
rât , évêque de Marseille ', met avec Eusèbe tions qui ont suivi celle de Rome. Il semble
et Domnulus entre de ce temps-
les docteurs que l'abrégé fait par saint Eucher ait été tra-
là qui s'étaient rendus célèbres par leurs ex- duit en grec, et que Photius n'avait pas lu
cellents écrits. Nous n'avons rien dEusèbe ailleurs les ouvrages de Cassien qu'il quali- ,

ni de Domnulus; mais il nous reste de Sil- fie ini petit livre *.

vius une espèce de calendi'ier sacré et pro- 17. Nous avons parlé plus haut d'une lettre Aaires
T-» 1 '11 . •. f -1 écrits Je sain
fane, dont Bollandus a donné quelques ex-
,

que samt Euclier écrivit en réponse de celle Eacher.

traits dans son premier volume sur le mois qu'il avait reçue de saint Honorât, et où, pour
de janvier 2, et qui a depuis été inséré tout marquer la douceur qu'il trouvait dans les
entier dans le tome Vil des Vies des Saints paroles de ce dernier, il la comparait à celle

du mois de juin. Dans la préface qui est à la du miel. mention de cette lettre dans
11 est fait
tête de ce calendrier, l'auteur remarque que la Vie de saint Honorât ^. Il est parlé d'une
l'année n'avait d'abord que dix mois qui ,
autre lettre de saint Eucher, dans la Vie de
comprenaient trois cent quatre jours; que saint Hilaire d'Arles, par laquelle il remer-
chez les Acarnaniens elle n'avait que six ciait ce saint évêque d'un volume de ses ou-
mois, quatre chez les Egyptiens, et trois seu- vrages, écrit partie en prose et partie en vers.
lement chez les Arcadiens que le second roi
;
Il y louait saint Hilaire de ce qu'étant encore

de Rome ajouta les mois de janvier et de fé- jeune, il avait les mœurs d'un %icillard.
vrier entre décembre et mars, en sorte que 18. On nous nom de saint
a donné, sous le Commeai
Uire sur
l'année se trouva alors composée de trois cent Eucher, un commentaire sur la Genèse, divisé Genèse, altri
baé à
cinquante -quatre jours; que, dans la suite en trois livres et adressé à ses deux fils, Sa- Eucher.

des temps, on y ajouta dix jours et le quart lone et Véran, qui y sont qualifiés évêques.
d'un, qui forme le bissextil, qui revient de L'auteur savait l'hébreu et le grec, et il écri-
quatre ans en quatre ans; que les Egyptiens vait depuis que Fauste le Manichéen avait
commençaient leur année au mois de sep- rendu publiques ses invectives contre les an-
tembre^ les Grecs au mois de novembre, les ciens patriarches. En cela il n'y a rien qui
Juifs au mois de mars et les Occidentaux
, nous engage à ùter ces commentaires à saint
qui suivaient l'ordre des calendes, au mois Eucher, vu qu'il parait, par plusieurs en-
de janvier, huit jours après le solstice d'hi- droits de ses écrits, qu'il savait ces deux lan-
ver ou après la naissance de Jésus-Christ. gues. On sait d'ailleurs qu'il a survécu à Fauste
Silvius travaillait à cet ouvrage sous les con- le Manichéen, mort au commencement du
sulats de Posthumien, de Zenon et d'Astère, quatrième siècle. Il faut ajouter qu'ils ne sont
c'est-à-dire l'an de Jésus-Christ 4 48. [1 adressa point indignes de ce saint évêque, soit que
ce calendrier à saint Eucher, qui, dit-il, avait l'on considère l'érudition que l'auteur y fait

' Ai ubi instrucios supervenisse vidisset, sermone ac î Tom. I, pag. 43, 44.
vullu pariter in quadam grafia insolita excilabalur, 3 Sed Cassiani quœdam opuscula, lato tensa ser-
et
se ipso celsior apparcbat, ut ejusdem prolati aitclore mone, angusto verbi resolvens tramite, in unum coegit
tcmporis, qui suis scriptis merito claruerunt, Silvius, volumen, aliaque tam ecclesiasticis quani monasticis
Eusebius, Domnulus, admiralione succensi, in Itœc verba studiis necessnria. Geuuad., cap. Lxm.
proruperint ; non doctrinain , non eloque/itiam, sed * Fbot., Cod. 197, pag. 516.
nescio quid super homines cmisecutum. Vit. Hilar. * Vit. Honorât., tom. I oper. Leou.
toui»I oper. Leou.
[V' siÈCLE.J CHAPITRE XXXI. — SAINT EUCHER ET SALVIUS, ETC. 453

paraître partout, soit que l'on fasse attention forme de questions, comme le premier livre
au style, qui est naturel, noble et aisé. Mais de saint Eucher à Salone, où il y en a quel-
ce qui nous empêche de les lui attribuer, c'est ques-unes sur les Livres des Bois*; mais l'au-
qu'outre qu'il s'y trouve plusieurs passages teur y explique de suite, et dans une grande
lus et expliqués en deux manières différentes, étendue le texte de l'Ecriture premièrement
,
,

l'auteur ne se rencontre pas, sur le nom et à la lettre, et ensuite dans un sens moral ou
la position des fleuves du paradis terrestre, allégorique.
avec saint Eucber. Ce saint évéque, dans ses 20. On nous a donné, sous le nom de saint
Philon, atlri-
explications des noms hébreux, distingue net- Eucher, une lettre à un prêtre nommé Phi- bué« à saint
Eucher.
tement le Géon d'avec le Phison, le Nil d'avec Ion ^, dans laquelle l'auteur prie ce prêtre Autre lettre
à Fjustin.
le Ganges; car il dit que le Géon, appelé or- d'empêcher que l'abbé Maxime n'abandonne
dinairement le Nil, est un fleuve d'Ethiopie ', son monastère de l'Ile Barbe. Il y ordonne
et que le Phison, que quelques-uns appellent aussi de donner à ce monastère trois cents
le Ganges, est un fleuve de l'Inde. L'auteur muids de blé, deux cents muids de vin, deux
de ces commentaires ^, au contraire donne , cents livres de fromage et cent livres d'huile.
au Ganges le nom de Nil et confond le Phi-
, Mais il ne parait, par aucun monument du
son avec le Ganges, en sorte que le Phison, siècle de saint Eucher, qu'il y eût alors
le Ganges et le Nil sont, selon lui, un même un monastère à l'île Barbe ^. Cassien n'en
fleuve qui arrose l'Ethiopie. Ajoutons que ce dit rien, et on n'en trouve rien non plus dans
qui est dit dans le troisième livre sur les Bé- les Vies de saint Honorât et de saint Hilaire.
nédictions des patriarches, est reconnu pour Ce que l'on y lit, que beaucoup de per-
être d'Alcuin 3, qui en a tiré une partie des sonnes ne faisaient plus leurs aumônes ordi-
écrits de saint Grégoire. naires, parce qu'elles appréhendaient les na-
11 y a aussi beaucoup d'érudition dans
19. tions étrangères ou les gentils, peut se rap-
le commentaire sur les Livres des Rois et on , porter aux incursions des Sarrazins dans le
y remarque que l'auteur était encore instruit viii'= siècle pu des Normands dans le ix*.
,

des langues grecque et hébraïque. Il est di- Nous avons une autre lettre sous le nom d'un
visé en quatre livres, et fait à peu près dans Eucher, évcque, à Faustin, prêtre de l'Ile".
le même goût que le précédent. Dans la Bi- L'auteur y fait la description de la Palestine
bliothèque des Pères, où ils sont imprimés l'un sur ce qu'il en avait lu dans Josèphe et dans
et l'autre, il est remarqué qu'on les a fausse- saint Jérôme, et sur ce qu'il en avait appris
ment attribués à saint Eucher, et on croit, lui-même de diverses personnes qui en avaient
avec beaucoup de vraisemblance, qu'ils sont fait le voyage. Comme cette pièce est très-

d'un siècle postérieur. On trouve dans le ,


obscure et embarrassée, on peut dire que le
commentaire sur les Bois, des exphcations du seul style est une preuve qu'elle n'est point
nombre trois et du nombre six qui revien- ,
de saint Eucher, qui écrivait avec autant de
nent à celles que saint Eucher en a données netteté que d'élégance.
dans le dernier chapitre des Formules spiri- 21. Claudien Mamert, prêtre de Vienne, Hc.mélies.la
saiùt Eucher.
tuelles et il peut y avoir d'autres endroits
,
voulant prouver que l'âme est incorporelle,
tirésde ses ouvrages qui lui auront fait attri- rapporte divers témoignages des anciens doc-
buer ce commentaire. L'auteur anonyme de teurs de l'Eglise, au nombre desquels il met
l'abbaye de Molk met entre les ouvrages de saint Eucher, qu'il avait connu particulière-
ce Père des Questions sur les Livres des Bois; ment. Ce qu'il cite de lui est tiré d'un de ses
mais cela ne peut s'entendre du commen- sermons sur l'Incarnation. Il y disait « Quel- :

taire dont nous parlons; il n'est point en ques-uns ^ ont coutume de demander com-

' Geon, fluvius est ^thiopiœ, de paradiso emergens, tatus scribit QuaBstiones in Librum Regum. Fabr.,
quem Nilum usitalo notnine uppellant. Phison, fluvius Biblioth., pag. 151.
Indiœ idem quoque a paradiso fluens
: hune alii :
* Elle est reproduite d'après Baluze dans le t. L
Gangen vocant. Eucher., de Hebr. nominib., tom. VI de la Patrologie latine, col. 1213. (L'éditeur.)
Biblioth. Pair., pag. 856. * Agobar., in Append., pag. 155.
« Nomen
uni Fhison. Ipse est Ganges, qui nunc di- Labb., tom. I Biblioth., pag. CCS.
citw Nilus, qui JEthiopiœ partes irrigat. Ibid., lib. I * Quœre>e quidam soient quomodo in Christo mis-
in Gènes., pag. 874. ceri potuerit homoDeus. Quœrunt et rationem hu-
et
Tom. I oper. August. in Append., pag. 31.
=*
jus nvjsterii, quod scmel factum est, cum ipsi reddere
* Eucherius in divinis Scripturis admodum
exerci- rationem nequaquam possint ejusrei quœ fit semper,
434 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
ment l'homme et Dieu ont pu être mêlés sur de légères conjectures. Dans celle qu'il
dans Jésus-Chrisl. Ils demandent et veulent fit la fête de sainte Blandine, il fait
au jour de
savoir la raison de ce mystère, qui ne s'est le parallèle de son martyre avec celui des
accompli qu'une seule fois, tandis qu'ils ne saints Innocents mis à mort par Hérode, et
,

peuvent eux-mêmes rendre raison de ce qui dit que si les autres Eglises se réjouissent

se fait tous les jours, comment l'âme est unie lorsqu'elles possèdent le corps d'un martyr'',
au corps pour former un homme. Je leur ré- celle de Lyon pouvait tressaillir de joie, puis-
ponds que, delà même manière qu'une chose qu'elle possédait des peuples entiers de mar-
corporelle est unie avec une incorporelle, le tyrs. Il y invective contre ceux ^ qui ne vou-
corps avec l'Ame p()ur composer l'homme, de laient pas que l'on eût de la vénération pour
même l'homme est uni à Dieu pour faire le les sacrés corps des martyrs, et il se moque
Christ. J'ajoute que lunion de l'âme avec de ceux qui réduisaient en cendre les osse-
Dieu, qui sont deux choses incorporelles, est ments des saints disant qu'il leur était im-
,

plus facile que celle qui se fait dans l'homme, possible d'agir avec la même autorité sur les
de l'âme avec le corps, pour en former la per- mérites de ces saints, et de brûler leurs ver-
sonne de l'homme. » tus avec leurs cendres. Il paraît, par l'homé-
Il n'est pas douteux que saint Eucher n'ait He que saint Eucher fit en l'honneur de saint
fait plusieurs autres discours, pendant qu'il Epipode et de saint Alexandre, que ces deux
était évêque de Lyon ou lorsqu'il habitait
, martyrs étaient de Lyon même ^ et qu'on y ,

l'île de Léro, qui était séparée de celle de Lé- célébrait leur fête à deux ou trois jours l'une
rins par un rocher. Nous avons un recueil de de l'autre. Les dix homélies awjcj/omes parais-
cinquante-six homélies, imprimé à Paris en sent être d'un même auteur; la troisième,
1347, et depuis dans la Bibliothèque des Pères, néanmoins, est mieux travaillée que les au-
h Lyon, en 1G77. Le style fait voir qu'elles tres. Il y a, dans la neuvième des phrases,

ne sont point une traduction, et qu'elles ont entières répétées de la quatrième. Dans la
été prononcées en latin. Il paraît même indu- cinquième, l'auteur dit nettement qu'il de-
bitable que celles qui sont en l'honneur de meurait dans une île avec des moines, et qu'il
sainte Blandine et des saints martyrs Epipode en était supérieur. Cela peut convenir à saint
et Alexandre, ont été prêchées dans TEghse Eucher, mais encore à d'autres. Celle qui est
de Lyon. L'auteur appelle cette ville sa pa- en l'honneur de saint Maxime, est de Fauste
trie saint Photin, qui en avait été évêque,
*
; de Ries; on peut lui attribuer aussi le pané-
son père -; et l'Eglise de Lyon, son Eglise ^. gyrique de saint Honorât. L'homélie sur sa?»^
C'est dans l'homélie sur sainte Blandine qu'il Genès, martyr à Arles, est vraisemblablement
s'exprime ainsi; et comme celle de saint Epi- de saint Hilaire évêque de cette ville. Les
,

pode et de saint Alexandre est de même style, autres sont ou de Fauste de Ries, ou de saint
il est naturel de les attribuer l'une et l'autre Césaire d'Arles ou d'Eusèbe ^, appelé ordi-
,

à saint Eucher, à qui tous ces traits convien- nairement le Gaidois. On a imprimé, dans la
nent autant qu'à aucun autre. Quelques-uns Bibliothèque des Pères, à Paris, en 1644, et à
lui donnent aussi l'homélie SMrsflm^ Bomuin, Lyon, eu 1677, quelques fragments d'homé-
diacre et martyr de Césarée en Palestine et , lies sous le nom de saint Eucher; mais on n'a

celle qui est sur saint Pierre et saint Paul, mais point de preuves que ces homélies soient de

quomodo societur anima covpori, ut fiât homo. Ergo Exsuliant singularum urbium populi, et si unius
'•

quoniûdo corporea res incorporeaque conjungitur, et saliem martyris reliquiis muniantur : ecce nos popu-
corpori anima miscetur, ut homo efficiatur, ita homo los martyrum possidemus. Hom. de S. Bland., pag.
conjunctus est Dec, et facius est Chrisius; et tamen 632.
ut fieret Ch)'istus, duo illa incorpoi^ea, id est anima 5 Ubi sunt qui dicunt venerationem sacris martyrum

et Deus, facilius conjungi permiscerique potuerunt, deferendam. non esse corporibus?... Sacra corpora fu-
quam miscetur una incorporea attaque corporea, id est, neris veneranda ossa in cineres redigcbant, quasi vero
anima et corpus, ut persona hominis existât. Mamert. possint flammis mérita consumi, et virtutes cum cine-
lib. II de Stat. anim., cap. IX. ribus concremari. Ibid.
1 Gaudeat terra nostra nutrix cœlestium militum. * Duplicia itaque Epipodii et Alexandri trophœa
* Beatus Pater noster Photinus Ecclesiœ hujus au- Ecclesiœ nostrœ fides interjecta bidui vel tridui dis-
tistes. tinctione concélébrât, non adventitiis fesia reliquiis,
' Cum ergo Ecclesia nostra iantis fidei adornetur sed intemeritafis patrii sinus festa monumetitis. Ibid.,
trophœis, d elaborabat jus iniquitatis, ut seipsam pag. 669.
scelerum novitate superaret. Eucher., Hom. de S. '
Tom. II Biblioth. Pair., Paris., pag. 765, 788, et
Bland., tom. VI Biblioth. Pair., pag. 632. tom. XXVII Biblioth. Patr., Lugd., pag. 180.
[V* SIÈCLE.] CHAPiTUE XXXI. — SAINT EUCHER ET SALVIUS, ETC. 4o5

lui; elles ne contiennent rien d'ailleurs qui l'abrégé que saint Eucher avait fait des
soit bien remarquable. Conférences de Cassien mais il ne
; dit pas
22. Nous avons encore trois discours qui qu'il les eût abrégées, en retranchant ce qu'il
portent le nom
de saint Eucher. Le premier y avait de contraire à la doctrine catholique
est une exhortation d'un abbé à ses moines, touchant la grâce. Il se contente de marquer
dans lequel il les exhorte à l'obéissance et à que ce évêque avait mis en un style
saint

l'humilité, que Jésus-


à l'exemple de celle concis, ce que Cassien avait écrit d'un style

Christ a témoignée eu mourant sur la croix, trop difiûs. Ce qui revient à la pensée de

pour obéir à son Père. La fin de ce discours Gennade. C'est à Victor, évêque de IMarty-
rite en Afrique, que Cassiodore ^ fait l'hon-
n'a point de rapport avec ce qui précède.
L'auteur y adresse la parole au supérieur neur d'avoir retranché de Cassien ce qu'il y
d'un monastère, qui eu avait été tiré pour avait de mauvais touchant la grâce, et d'y

être fait évêque. Le second discours parait


avoir ajouté les vérités qu'il avait omises. 11

imparfait et moins élégant que le premier. avertit ses moines de ne lire Cassien qu'avec
C'est un abbé qui exhorte ses religieux à re- discernement sur cette matière, jusqu'à ce
noncer à eux-mêmes et à porter la croix de qu'il eûtreçu d'Afrique cet ouvrage de Vic-
Jésus-Chiist, en mortifiant les désirs de la tor. Nous ne l'avons pas et peut-être ne fut-
:

il pas envoyé à Cassiodore.


chair et en renonçant pour toujours aux
plaisirs du siècle. Ces deux discours se trou- 24. De tous les écrits de saint Eucher, il Editions des
écnis de saint

vent imprimés dans le tome XXVIl«de la Bi- n'y en a point qui aient été si souvent mis Eucher.

bliothèque des Pères, à Lyon, en 1667. Ils sous presse que ses deux lettres , l'une à

avaient été auparavant insérés dans le re- saint Hilaire, l'autre à Valérien.La première
cueil des Règles de saint Benoît d'Aniane fut imprimée à en 1578, avec le Pané-
Paris,
,

avec un troisième discours fait pour des re- gyrique de saint Honorât et quelques autres
ligieuses, et qu'où croit être de saint Césaire opuscules, par les soins de Génébrard, en
d'Arles. un volume in-8"; à Anvers, en 1621, in -12,
23. Le moine Hariulfe, qui écrivait dans le avec la lettre à Valérien, la Vie de saint Pau-
XI* siècle, parle d'un livre de saint Eucher, lin, elles notes de Rosweyde; à Lyon, en

évêque, sur l'Eclipsé du soleil et de la lune, 1627, in-12, encore avec la lettre à Valérien,
dont on avait, dit-il, un exemplaire dans la la doctrine de saint Dorothée et d'autres ,

bibliothèque du monastère de Saint-Riquier, petits ouvrages sous le titre d'Œuires ascé-

où il demeurait. Il ne dit point si ce saint tiques de saint Eucher; à Gênes, en 1644,

Eucher était évêque de Lyon. Nous n'avons toujours avec la lettre à Valérien; à Paris,
pas plus de preuves que le quatrième livre en 1662, in-S", sous le titre de Solitude chré-
des Vies des Pères du désert soit de saint Eu- tienne. Cette édition est française. Il y en a

cher. Rosweyde, qui le donne à saint Eucher, une latine de Nicolas Lefèvre dont on ne ,

ne cite aucun manuscrit pour lui et il ne '


;
marque pas l'année. La seconde lettre parut
se fonde que sur l'autorité de Gennade, ne séparément à Paris, en 1525, in-8°, avec les
prenant pas garde que ce quatrième livre distiques d'un ancien philosophe, et quel-
des Mes des Pères n'est point un abrégé des ques petits écrits; à Bâle, eu 1530, in-4°,
œuvres de Cassien, mais une compilation de avec deux autres traités de saint Eucher et
ce qu'il dit dans ses écrits touchant les an- les scholies d'Erasme; à Lyon, en 1541, et

ciens Pères du désert. Il ajoute qu'il est tiré dans la Bibliothèque des Pères, à Cologne, en
aussi des écrits de saint Sévère Sulpice ce : 1618, sous le titre : De la Vie solitaire : elle

que Gennade n'aurait pas manqué d'obser- fut traduiteen vers français par Barthélémy
ver, s'il eût parlé de ce livre. Saint Pierre Aneau, et imprimée en celte langue à Lyon,
Damieu 2, dont Rosweyde l'apporte le témoi- en 1552, in-12. Louis de Grenade la tradui-
gnage, dit bien que l'on avait de son temps sit en espagnol mais ou ne dit point qu'il
:

* Roâwed., prolog. in Vit. Pair., pag. 17.


» Cassiani dicta Victor Martyritantts, episcopus a fer,
* Quod si vobis dubium videtur, saltem vestrarum ita Domino juvante purgavit, et quœ minus erunt ad-
partium testimonio aureni accommodate, legife colla- didit, ut ei rerum istarum palnia merilo conferatur,
tiones Patrum, quas Eucherius Lugdunensis elimato quem inler alia de Africœ parlibus cito nobis credi-
sennone aibreviare sluduit; et si nobis credere non mus esse dirigendum. Casoiod., Divin. Instit., cap.
vultis, saltem illius litterœ crédite. Damian., lib. V, XXIX.
Epis t. 19.
,

456 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


l'ait faitimprimer. M. Arnaud d'Andilly en a 22 septembre, que l'on croit être Touvrage
fait une nouvelle traduction française, im- de quelque moine d'Agaune, au vu* siècle.
primée avec le texte latin à la fin du volume, Stévartius la fît imprimer séparément à In-
à Paris, en 1672, et depuis, dans le recueil golstadt, en 1617. Molanus remarque que
des œuvres de ce traducteur, à Paris, en l'édition des œuvres de saint Eucher, faite à
1675, in-fol. Les Formules spirituelles furent Rome en 1364, par Galésinius, renferme
mises sous presse avec les deux livres à Sa- plusieurs pièces supposées peut-être com- * :

larie et la lettre à Valérien, à Râle, en 1530, prend-il dans ce nombre celle qui est intitu-
in-4°, et séparément la même année, à lée Epitome des livres de Cassien, par saint
:

Vienne en Autriche. Les trois écrits impri- Eucher; car on ne voit pas, comme on l'a
més à Râle, en 1330, parurent une seconde déjà dit, que depuis ce temps l'on se soit
fois en la même \A\\e, en 1331 in-fol., avec , empressé de réimprimer cet ouvrage, ni que
les commentaires sur la Genèse et sur les Livres les savants l'aient reconnu pour le véritable
des Rois, attribués à saint Euclier, ensuite à abrégé de Cassien, fait par saint Eucher.
Rome, en 1364, in-fol. L'édition de Paris, chez Nous ajouterons aux éditions de Cassien
Claude Chevalon, est sans date, et ne con- que celle de Gazet fut réimprimée à Leip-
tient que les Formules, les deux livres à Sa- sik, en 1733, in-fol., et que nous avons une
lone, la lettre à Valérien, avec les scholies traduction française de ses Conférences, par
d'Erasme. C'est sur cette édition que Rarrali Jean de Lavardin imprimée à Paris en
,

a donné les mêmes ouvrages dans la Chrono- 1389 et 1636. [Les œuvres de saint Eucher
logie des abbés et des saints du monastère de ont été publiées avec celles de saint Vincent
Lérins, et qu'ils sont passés dans les Bibliothè- de Lérins, par J.-F. Grégoire et F.-Z. Col-
ques des Pères, à Cologne, en 1618; à Paris, lombet, texte et traduction française, Paris,
en 1644; à Lyon, en 1677. Pour ce qui est 1834, in-S». On trouve aussi le texte latiu
de l'Histoire du martyre de saint Maurice et dans le tome L* de la Patrologie latine, d'a-
de ses compagnons, elle parut pour la pre- près l'édition de Schot. La lettre sur le Mé-
mière fois à Dijon, en 1662, dans le Paidinus pris du monde, et celle sur l'Eloge du désert,
illustratus du Père Chifïlet; puis dans le se lisent aussi dans la Bibliotheca ascetica,
tome m
des Annales du Père Le Cointe, à tom. I, Louvain, 1846, par J.-R. Malou. Elles
Paris, en 1668, et dans le Recueil des Actes y sont précédées de la Vie de saint Eucher,
sincères des martyrs par Dom Ruinart
, à , d'après le Martyrologe d'Adon, le Martyro-
Paris, en 1689, in-4'', et à Amsterdam, en- loge romain, et d'après Schœneman. Elles
1713, in-fol. Surius en a donné une autre au sont suivies des observations de Rosweyde.]

CHAPITRE XXXII.

Vincent de Lérins, prêtre et moine.

[Vers l'an 450.]

1. Vincent, surnommé de Lérins, pour le être troublé par des distractions importunes,
distinguer de ceux qui ont porté le même à pratiquer ce que Dieu ordonne dans le
nom, était ^ Gaulois de naissance. Après psaume xlv% lorsqu'il dit * : Faites toute votre
avoir vécu dans les tristes et diverses agita- occupation de contempler que je suis Dieu.
tions du siècle et de la guerre , la grâce ^ le Quelques-uns ont confondu Vincent de Lé-
conduisit dans le port sûr et solitaire de la rins avec Vincent, préfet des Gaules, en 397,
vie religieuse. Ce fut là que, loin du tumulte et consul en 401. Gennade eùt-il oublié une
des villes, caché dans un lieu désert et dans circonstance de cette nature dans la Vie qu'il
le silence d'un monastère, il s'appliqua, sans a faite du premier? Il ne dit point que de

' Fdbric, Bibliolh., not. in Gennad., pag. 30. 3 Vincent., iu ProL, pag. 324 edit. Baluz., Paris.
* Geunad., de Vir. illustr., cap. Lxiv. 1963. — * Ibid.
[V^ SIÈCLE.] CHAPITRE XXXII. — VINCENT DE LÉRINS. 437
consul il se soil fait inoinc , et ne relève en j'ai besoin de ce travail, tout m'invite à
lui aucune dignité, que celle du sacerdoce. l'entreprendre, le fruit qu'il peut produire,
Vincent ne marque pas clairement le lieu de le temps qui semble l'exiger, et la commo-
sa retraite, ne le désignant que sous le nom ditéde la solitude où je me li'ouve. » Après
d'une petite terre très-écartée; mais on ne ce préambule il déclare qu'il va écrire non
peut douter, après le témoignage de Gen- en homme qui établit ses opinions particu-
nade ', qu'il n'ait vécu dans le monastère lières, mais en historien fidèle, ce qui est
de Lérins. venu de nos pères jiisqu'ri nous, par une
Il UD
f.ii 2. Trois ans environ - après le grand tradition certaine. Seulement il se réserve
nemoire. en
^^j^^j^ç d'Ephèse, c'cst-à-dirB en 434, il com- le droit de ne pas tout rapporter, mais de se

posa son Méjnoire contre les hérétiques, pour fixer avec choix à ce qui lui paraîtra plus
montrer que la foi ancienne et universelle nécessaire, et de retoucher chaque jour son
est la véritable et la catholique, dont on doit ouvrage, en l'augmentant et en lui donnant
prendre la défense contre les nouveautés une nouvelle perfection. Ensuite il donne
profanes de toutes les hérésies. Ce Mémoire pour un moyen certain de démêler la vérité
était divisé en deux parties, dont la seconde de l'erreur, de juger des sentiments *, pre-
traitait du concile d'Ephèse. Cette partie lui mièrement, par l'autorité de la loi de Dieu ;

fut volée et il ne lui resta que l'abrégé ^ qu'il


, secondement, par leur conformité avec la
en rivait fait, de même que de la première, tradition de l'Eglise, Ce n'est pas que l'Ecri-
et qu'il avait mis à la fin de son Mémoire. ture soit imparfaite; mais sa sublimité est
Quoique son but principal soit d'y combattre que, susceptible de divers sens, diverses
telle

rhérésie de Nestoiius, que Ton venait de personnes l'interprètent différemment. Les


condamner, il y attaque encore celle d'Eu- hérétiques mêmes l'expliquent d'une ma-
tyche en la personne d'Apollinaire, et donne nière favorable ri leurs erreurs, et tous ont
des principes pour combattre toutes les au- prétendu y puiser les preuves de leurs dog-
tres, n ne fit pas ce Mémoire sous son mes impies. Cette variété, qui ne peut se
nom, mais sous celui de Pérégrin, cher- fixer d'elle-même, est une preuve évidente
chant moins à se montrer qu'à défendre la de la nécessité d'exphquer les paroles des
vérité. prophètes et des apôtres en la manière que
Analyse de 3. Il commeuce ainsi : « L'Ecriture sainte les explique l'EgUse catholique. Il est encore
idi^^p^ris.; parle pour notre instruction lorsqu'elle dit :
nécessaire, pour êtx-e catholique, de n'admet-
1663, pag. I.
j^fgf,f,Qgf,^ ^Qg pères, et ils vous raconteront, les tre, en matière de foi. que ce qui ^ a été cru
anciens du peuple, et ils vous diront ce que en tout temps, en tous heux et par tous les
Dieu a fait pour son peuple. Elle vous dit en fidèles; c'est-ri-dire ce qui a pour foi l'an-
Dent, xxxiii.
^n autre endroit : Prêtez une oreille attentive cienneté, l'universalité et le consentement
Ecc'es. Ti.
Qj^^ paroles des sages ; ailleurs elle nous unanime de Nous serons dans l'uni-
tous. «
pro». iT.
exhorte en ces termes Mon fis, n oubliez : versalité, nous ne regardons comme foi
si

pas mes discours, et que votre cœur garde mes véritable que celle que l'Eglise approuve
paroles. Tout cela m'a persuadé, ri moi qui dans toutes les pai ties de l'univers nous se- ;

suis le dernier des serviteurs de Dieu, que rons vrais sectateurs de l'antiquité de la foi,
je ferais avec le secours du ciel une chose si nous ne nous écartons point des senti-
utile, si je rassemblais dans un seul traité ce ments des anciens évêques, qui ont été les
que j'ai appris des anciens Pères illustres maîtres du peuple fidèle. »
par leur sainteté; outre que je sens bien que 4. Mais que doit faire un chrétien, lors-
(( qu-ji rant
se séparer des

* Gennad., cap. LXiv. que déclarât, quœ omnin fere universaliter compre-
* Vincent., in Commonit., pag. 374. hendit. Sed hoc demum ita fiet, si sequamur univer-
» pag. 373.
Ibid., sitatem, antiquitatem, consensionem.Sequemur aulem
* Si quis vellet in fide sana sanus atque irdeger universitatem hoc modo hanc unam fidem veram
: si
pennanere, duplici modo munira fidem suam, Domino esse faieamur, quani tota per orbem terrnrum confi-
adjuvante, deberet : primo scilicetdivinœ legin aucio- tetur Ecclesia : antiquitatem vero ita, si ab his sen-
ritafe, tum deinde Ecclesiœ catholicœ tradiiione. Vin- sibus nullatenus recedamus, quos sanctos majores ac
cent., Commonit., pag. 325. patres nostros célébrasse mani festum est : consensio-
'^
In ipsa item catholica Ecclesia
magnopere curan- nem quoque itidem, si in ipsa velustate, omnium vei
dum est, ut teneamus quod ubique, quod semper,
id certe pêne omnium sacerdotum pariter et magistro-
quod ab omnibus creditum est. Hoc est etenim vere rum definitiones sententiasque sectemur. Ibid., pag.
proprieque catholicum, quod ipsa vis nominis ratio- 326.
458 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
et qu^une partie de l'Eglise se sépare de la rité, il le confirme par le témoignage de
à communion du reste? Il faut qu'il préfère saint Ambroise. remarque ^, comme une
Il

tout le corps à ce membre retranché : et s'il chose importante, que les saints confesseurs,
arrive qu'une nouvelle erreur s'efforce d'in- en défendant les anciens dogmes de l'Eglise,
fecter toute l'Eglise, il doit s'attacher à l'an- se sont attachés non à une partie, mais au
tiquité,parce que les anciens dogmes n'ont plus grand nombre et il fait consister leur
:

pu être corrompus par la nouveauté. S'il se gloire en ce que, défenseurs des décrets de
trouve dans une conjoncture où il soit plus l'Eglise et des décisions des saints évêques,
difficile de démêler le vrai d'avec le faux, il dépositaires de la vérité catholique, ils ont

doit alors consulter les docteurs approu\T3s mieux aimé se livrer à la mort que de man-
qui ont vécu eu divers lieux et en divers quer à leur devoir en abandonnant la foi an-
temps dans la communion de l'Eglise, et te- cienne. « Ce n'est point ici, ajoute-t-il, une
nirpour ceitain ce que tous ' ont enseigné maxime nouvelle que je débite; dans tous
clairement, unanimement et sans varier, n les temps, plus les hommes ont eu de reli-
Pour donner plus d'évidence à ces principes, gion, plus ils se sont opposés aux progrès
Vincent apporte l'exemple des donatistes sé- des nouvelles opinions. Agrippin, évêque de
parés de l'Eglise, et des ariens qui avaient Carthage, soutint le premier, contre la règle
engagé dans leurs erreurs presque tous les des canons, contre l'usage universel de l'E-
évêques d'Occident, et dit qu'on opposa aux glise, contre le sentiment de ses confrères,
premiers le plus grand nombre, et aux der- contre la coutume et les décrets de ses pré-
niers toute l'antiquité. « Du temps de
, décesseurs, qu'il fallait rebaptiser. Les évê-
Donat, on vit, dit-il, dans une grande partie ques s'élevèrent de toutes parts contre cette
de l'Afrique des hommes séduits par cet hé- nouvelle erreur mais surtout le pape
,

résiarque furieux, et aveuglés par la nou- Etienne, persuadé que, comme il surpassait
veauté, oublier leur religion, leur profession, les autresen dignité, il devait aussi les sur-
le nom saint qu'ils portaient pour s'attacher passer en zèle pour la vraie foi. Il écrivit
aux erreurs d'un seul homme, en abandon- donc en ces termes aux évêques d'Afrique // :

nant l'Eglise de Jésus-Christ. Mais les hom- ne faut rien innovey^ et nous devons nous en te-
mes sages, demeurant fermes dans la foi de nir à la tî^adition de nos Pères, n
l'Eghse, se joignirent aux autres Eglises du Ce saint Pape savait que la vraie et solide
monde pour détester avec elles ce schisme piété consiste àne rien enseigner touchant la
impie, et nous apprirent par leur conduite - religion, que ce que nous en disent ceux qui
à préférer toujours les sentiments catholi- en sont les fondateurs; que ce n'est point à
ques de la multitude, à la folie d'un seul ou nous à la régler, mais à nous laisser con-
du petit nombre. La chute d'un grand nom- duire par elle; que c'est poumons un devoir
bre d'évéques de l'Eglise latine par les arti- de demeurer fermes dans ce que nous avons
fices des ariens, fut comme un nuage répan- reçu de nos pères, et non de faire passer nos
du sur la face de l'Eglise on avait peine à : nouveaux sentiments à la postérité. Quelle
remarquer dans cette confusion quelle était fut donc la fin de la dispute sur la rebaptisa-
la route certaine et sûre de la foi, et on ne tion? On se déclara pour l'antiquité, et on
la reconnut qu'en préférant la foi ancienne condamna la nouveauté. Celle-ci manqua-t-
à une nouvelle hérésie, n Vincent décrit les elle donc de défenseurs? Non; elle fut défen-
maux et les persécutions dont l'hérésie due par de grands esprits, par une éloquence
arienne fut la cause; et craignant que ce vive, par un grand nombre de sectateurs; la
qu'il en dit ne parût incroyable à la posté- vraisemblance, jointe à une multitude surpre-

* Quid emergat ubi nihil hujusmodi


si taie aliquid sckismate detestato, universis mundi Ecclesiis asso-
reperiatur? Tune operam dabit ut con/atas inter se ciati su7it egre.giam profecto relinquentes posteris
:

majontm consulat sententias; eorum duntuxat qui di- formam, qucmadmodum scilicet deinceps, bono more,
versis licet iemporibus et locis, in unius tamen tccle- unius aut cerie paucorum vesaniœ, universorum sani-
siœ catholicœ communiune et fide permanentes, magis- tas anteferretur. Ibid., pag. 327.
tri irobabiles extiterunt, et quidquid non unus aut 3 Sed in hac divina quadam confessorum virtufe
duo tantum, sed omnes pariler uno eodemque con- illud est etiam nobis tel maxime considerandum, quod
sensu, aperte, fréquenter, perseveranter tenuisse, scrip- tune apud ipsam Ecclesiœ vetustatem 7ion partis ali-
sisse, docuisse cognouerit, id sibi quoque inlelligat cujus, sed universitatis ab Us est suscepta defensio.
absque ulla dubitatione credendum. Ibid. Ibid., pag. 330.
* Tune quicumque per Africain constitutif profana
• [V* SIÈCLE.] CHAPITRE XXXII. — VINCENT DE LERINS. 459

nante de passages de l'Ecriture mais expli- ,


liques d'enseigner une doctrine différente de
qués en des sens inouïs jusqu'alors et insou- celle des premiers temps; qu'il a toujours
tenables, donnait un tel air de vérité à l'er- fallu, qu'il faut et qu'il faudra toujours dire

reur, qu'on y eût été trompé, si le carac- anathème à ceux qui prêchent des dogmes
tère d'antiquité n'eût manqué à cette nou- autres que ceux que nous avons reçus par une
velle opinion si applaudie et défendue avec
,
tradition constante. « Ce n'est pas là , dit-il

tant de chaleur. Ceux qui la soutenaient furent le langage que tiennent les hérétiques ils :

condamnés, et les décrets du concile d'Afrique veulent que nous renoncions à la foi an-
qui l'avaient autorisée furent regardés comme cienne, au dépôt que nous avons reçu de nos

nuls et comme des fables dignes d'être mé- pères, et que nous admettions leurs nouveaux

prisées et foulées aux pieds.» Vincent blâme dogmes. » Vincent demande pourquoi Dieu
en passant la témérité de ceux qui, pour pu- permet quelquefois que des personnnges con-
blier leurs erreurs sous des noms qui leur sidérables dans l'Eglise enseignent quelque

donnent de l'autorité, se servent des écrits nouveauté ? A quoi il répond que c'est pour
de quelque ancien auteur qui ait parlé avec éprouver notre que Dieu, qui a prévu
foi, et

moins de clarté et de précision que les autres, qu'il s'élèverait de faux prophètes du milieu
et qui ajustent ses paroles à leurs nouvelles de son peuple, a défendu aussi de les écou-
opinions, afin de donner à entendre qu'ils ne ter. Il donne pour exemple Neslorius, qui

sont pas les premiers qui les aient soutenues. avait, dit-il, été élu évêque par les suffrages

« Ces sortes de personnes, méritent par dit-il, de tout l'Empire, qui était estimé des évêques
deux endroits d'être odieuses en ce qu'elles :
et aimé du peuple qui, en prêchant tous les
;

ont la hardiesse de répandre le poison de jours, réfutait les erreurs des païens et celles
l'hérésie, et en ce qu'elles noircissent et re- des Juifs.» Son artifice, ajoute-t-il, consistait
muent les cendres des saints, s'efForcant de à combattre toutes les autres hérésies, afin de
faire revivre des sentiments qu'il faudrait en- mieux établir la sienne et il y eut toujours
;

sevelir. » en lui plus de merveilleux que d'utile plus ,

Combien 5. Ensuite il marque, d'après saint Paul, de réputation que d'etïet. » Il rapporte encore
d?e'',r'ètrràû' les dangers et les châtiments auxquels s'ex- l'exemple de Photin et d'Apollinaire dont il ,

"" explique et réfute sommairement les erreurs,


r&ie.
*
posent ceux qui, abandonnant celui qui les
avait appelés à la grâce de Jésus-Christ, pas- de même que celle de Nestorius. Ce dernier,
sent à un autre Evangile et s'arrête en par- comme le remarque Vincent, ne témoigna
ticulier à ces paroles de l'épître aux Galates :
tant d'ardeur à distinguerdeux substances en
Quand nous vous annonceiions iious-tnâmes, ou Jésus-Christ, que pour en prendre occasion
qu'un ange du ciel vous annoncerait un Evangile d'ydistinguerenmême temps deux personnes,
différent de celui que nous vous avons annoncé, et pour introduire dans l'Eglise la distinction

qu'il soit anathème. «Expression terrible, qui de deux Fils de Dieu, de deux Christs dont ,

prouve, Vincent, le zèle que Ton doit avoir


dit l'un était Dieu, et l'autre seulement homme;
pour l'ancienne doctrine, puisque cet apôtre l'un ayant un père par qui il est engendré, et
serait prêt à ne pas épargner non-seulement l'autre étant né d'une mère. De là venait son
les autres apôtres, ses collègues, s'ils s'en application à prouver que Marie est la mère
écartaient, mais encore les anges du ciel. Ce du Christ et non pas la mère de Dieu, parce
n'est pas qu'il les crût capables de tomber que le Christ, disait-il, qui est Dieu, n'est pas
dans l'erreur; mais il fait cette supposition son fils, et qu'elle n'a pour fils que celui qui
pour s'expliquer avec plus de force et de vi- est homme. D'après Vincent, le système de
gueur. Vincent fait voir que l'ana thème
)) Nestorius consistait en ce que J.-C. homme
prononcé par saint Paul tombe sur tous ceux avait d'abord été conçu, était né seul et
qui innovent soit dans la doctrine des mœurs, avec la nature purement humaine, sans être
soit dans la foi; d'où il infère qu'on ne doit uni par le Verbe à la personne de Dieu en- ;

jamais varier dans l'une ni dans l'autre qu'il '


;
suite la personne du Verbe était descendue
n'a jamais été permis, qu'il ne l'est point, et pour s'unir à l'homme, en sorte qu'il y avait
qu'il ne le sera jamais aux chrétiens catho- un temps où Jésus-Christ n'avait été difiérent

* Annuntiare ergo aliquid christianis catholicis, nunliant aliquid prœterquam quod semel acceptum
pro-ter id f/uod acceperunt, nunquam licuit, nusquam est,nunquam non oportuit, nunquam non oportet,
licet, nunquam licebit : et anathematizare eos qui an- nunquam non oportebit. Ibid., pag. 836.
460 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
de rien du reste des hommes. Il dit de Photin ture divine de la nature humaine; quant à la
qu'il prétendait que Dieu est un en personne personne, elle est une, et
n'y a rien à dis- il

comme en essence que le Verbe et le Saint-


; tinguer. La divinité et l'humanité sont jointes
Esprit ne sont pas des personnes distinctes en unité de personnes, comme dans l'homme
en Dieu que Jésus-Christ est un pur homme
; l'âme corps forment la personne ou l'in-
et le
qui a tiré toute son origine de Marie. Quant dividu de sorte que l'âme et le coips ne for-
;

à ApoUinaire, il l'accuse d'avoir enseigné que ment pas deux, mais un seul homme, com-
le corps de Notre-Seigneur n'a point été ani- posé de corps et d'âme; ainsi, dans Jésus-
mé d'une âme humaine et créée, ou que, s'il Christ, il y a deux natures l'une divine et :

l'a été, cette âme était sans raison; que le l'autre humaine; de Marie et
celle-ci est
corps de notre Sauveur n'était pas né dans celle-là de Dieu
Père; par la première, il
le
le sein de Marie, mais qu'il était descendu est éternel et égal au Père par la seconde, il ;

du ciel dans les entrailles de cette Vierge ;


est moindre que le Père, étant né dans le
que la nature du Verbe avait été divisée en temps. Sous ces deux rapports il est consubs-
deux parties, dont l'une était restée dans le tanliel au Père et consubstantiel à la Mère,
sein du Père, et l'autre avait été changée en et l'unionde ces deux natures forme un seul
chair et en corps ;
qu'en Jésus-Christ il n'y a et même Jésus-Christ.
Il n'y en a donc pas

donc pas deux substances, et que le Verbe y deux, dont l'un soit homme, et l'autre Dieu;
a pris la place de l'âme humaine. A toutes dontl'unsoit incréé, impassible, égal au Père,
ces erreurs Vincent oppose la foi de l'Eglise et l'autre créé, passible, moindre que le Père
;

en ces termes * « En Dieu il y a une subs-


: dont l'un soit du Père, et l'autre de Marie.
tance et trois personnes; en Jésus-Christ il
y Mais il n'y a qu'un seul Jésus-Christ, qui, sous
a deux substances et une personne. Dans la ditierents regards, est créé et iucréé, immua-
Trinité on peut dire, autre est la personne ble et sujet auchangement, impassible et ca-
du Père, autre est la personne du Fils, autre pable de souffrir, égal au Père et moindre
celle du Saint-Esprit; mais on ne peut pas que lui, engendré du Père avec les siècles et
dire, autre est la nature du Père, antre est la né de Marie dans le temps, véritablement
nature du Fils, autre celle du Saint-Esprit. Dieu et homme. En lui est la plénitude de la
Dans Jésus-Christ on peut distinguer la na- divinité; en lui est une humanité parfaite,

' In Deo una substantia, sed ires personœ : in idem commutatus et passus : idem Patin et œqualis
Chrisfo sed una personn : in Trinifale
clitœ subilanfire, et minor : idem ex Paire ante sœcula genitus, idem in
tinus atque alius, non aliud atque aliud : in Salva- sœculo ex Matre generatus : perfectus Deus, perfectus
iore aliud atque aliud, non nlius atque alius. Quo- homo : in Deo summa divinitas, in homine plena hu-
modo in Trinitaie alius atque alius, 7ion aliud atque manitas; plena, inquam, humanitas, quippe quœ ani-
aliud ? Quia scilicet alla est persona Patris, alia Fi- mam simul hubeat et carnem, sed carnem veram,
lii, alia Spiritus Sancti, sed tamen Patris et Filii et nostram mateniam animam vero intellectu prœditam
:

Spiritus Sancti non alia et alia, sed una eademque mente ac rutione pollentem. Est ergo in Christo Ver-
natura. Quomodo in Salvatore aliud atque aliud, non bunc, anima, caro : sed hoc totum unus est Christus,
alius atque alius? Quia videlicet altéra substantia unus Filius Dei, et unus Salvator noster. Unus autem,
divinitatis, altéra humanitatts : sed tamen deitns et non corruptibilis nescio qua divinitatis et humanitatis
humanitas non aller et aller, sed unus idemque Ckri- confusione, sed intégra et singulari quadam unitate
stus, unus idemque Filius Dei et unius ejusdemque personœ. Neque enim illa confunctio alterum in alte-
Christi, et Filii Dei una eademque persona. Sicut in rum convertit atque mutavit, sed ita in unum potius
homine aliud caro et aliud anima : sed unus idem- utrumque compegit, ut manente semper in Christo
que homo anima et caro. In Petro aliud anima aliud singularitate unius ejusdemque personœ, in wternum
caro : nec tamen duo, Pétri caro et anima sed unus ; quoque permaneat proprietas uniuscufusque naturœ :
idemque Petrus ex duplici diversaque subsistens animi quo scilicet nec unquam Deus corpus esse inci-
corporisque natura. Ita in uno eodemque Christo duœ piat, 7iec aliquando corpus, corpus esse désistât.
substantiœ sunt, sed una divina, altéra humana, una Quod etiam humanœ conditionis demonstratur exem-
ex Pâtre Deo, altéra ex Matre Virgine una coœterna : pta. Neque enim in prœsenti tantum, sed in futuro
et œqualis Pairi, altéra ex corpore et minor Pâtre : quoque, unusquisque hominum ex anima constabit et
una consubstantialis Patri altéra consubstantialis
, corpore : nec tamen unquam aut corpus in animam aut
Matri; unus tamen idemque Christus in utraque subs- anima vertetur in corpus; sed unoquoque hominum
tantia. Non ergo aller Christus Deus, aller homo : sine fine unoquoque hominum sine fine
victuro, in
non aller increatus, aller creatus : non aller impas- necessario utriusque substantiœ
dif/'erentia permu-
sibilis, aller passibilii : non aller œqualis Patri, aller nebit. Ita in Christo quoque utriusque substan-
minor Pâtre : non alter ex Pâtre, aller ex Matre ; sed tiœ sua cuique in œternum proprietas, salia tamen
unus idemque Christus Deus et homo : idem non crea- personœ unitate, retinenda est. Ibid., pag. 343.
tus et creatus : idem incommutabilis et impassibilis :
[V^ SIÈCLE.] CHAPITRE XXXIl. — VINCENT DE LERINS. 4GI

uno âme et un corps véritables et semblables pressions de l'Ecriture, que le Fils de Dieu est Joan. m.
aux nôtres. 11 tient son corps de sa Mère, en descendu du ciel, et que le Dieu de majesté a été ' Cor. n.

qui il a été formé il a de plus une âme rai-


; crucifie. De là ces façons de parler catholiques :

sonnable qui anime ce corps. On trouve donc la chair du Seigneur a été créée, le Verbe
en Jésus-Cbrist le Verbe l'âme et le corps.,
s'est fait cbair, la sagesse de Dieu a été rem-
Tout cela ne forme qu'un Jésus-Cbrist, Fils de plie et sa science créée. Ainsi l'on dit que
Uieu, sauveur et rédempteur des bommes. les pieds et les mains du Seigneur ont été
Celte unité n'est pas une confusion de la di- percés, qu'un Dieu est né d'une Vierge, et
vinité et de l'bumanilé, mais une véritable et que Marie est véritablement Mère de Dieu
paifaite unité de personne. Ce n'est pas un sans aucune restriction.
changement d'une nature transformée eu une 6. Après avoir établi la foi de la Trinité et Combien il

de danger
y a
autre mais ces deux natures ont été unies
; de l'Incarnation contre Photin, Apollinaire et a écouler lea
noTatenis-
de telle sorte que l'unité de personne subsiste Nestorius il leur dit analhème, et relève le
,

sans que la propriété des natures soit con- bonheur de la gloire de l'Eglise, qui croit un
fondue; car jamais Dieu n'a été corps, et ja- Dieu en trois personnes qui adore l'éga- ,

mais le corps n'a cessé d'être cbair. Dans lité de nature et de divinité dans ces trois

l'autre vie comme dans celle-ci, chacun de personnes de manière que la singularité
,

nous sera composé de corps et d'âme, sans de substance ne confond point la propriété
que le corps devienne l'âme, ni que l'âme de- des personnes et que la distinction des
,

vienne le corps ; leur distinction nécessaire personnes ne divise point l'unité de nature;
subsistera éternellement. Il en sera de même qui croit en Jésus -Christ deux natures
dans Jésus-Christ de la diti'érence des deux véritables et parfaites en une unité de per-
natures en une seule personne. » Vincent re- sonne, sans que la distinction des natures
marque que quelques-uns abusaient du mot détruise lunité de personne, ni que l'unité
de personne, le pienant, suivant la significa- de personne confonde les natures. Puis, re-
tion ordinaire du mot latin, pour un person- venant à ce qu'il s'était proposé d'abord, sa-
nage feint, comme ceux des théâtres. «Ainsi, voir, de montrer que l'erreur du maître est
quand ils disaient que Dieu s'était lait homme souvent une tentation pour ceux qui sont sous
en personne, ils voulaient dire qu'il s'était fait sa discipline, il ajoute aux exemples qu'il
homme en apparence retombant dans l'er-
, avait allégués, celui d'Origène et de Tertul-
reur des manichéens, qui disaient que le Fils ben. Le premier, dont il fait un éloge accom-
de Dieu, qui est Dieu, n'a été homme qu'en pb, travailla, dit-il, à faire passer l'Eglise de

apparence. Il rejette cette explication cbimé- la foiancienne dans des nouveautés profanes.
rique et criminelle du terme de personne, et Il s'objecte que, de l'aveu de quelques catho-

soutient que le Verbe de Dieu s'est tellement liques et de quelques hérétiques, les écrits
fait bomme, qu'il n'y a rien eu en lui que de d'Origène avaient été corrompus. Il ne le nie
vrai et de réel, et qu'il a été homme en effet pas mais on les lit, dit-il, parce qu'ils portent
;

comme nous le sommes tous. Il ajoute que * le nom d'Origène, et on les aime par cette
l'unité de personne dans Jésus-Cbrist n'est raison. Son nom donne du poids à l'erreur et
point postérieure à sa naissance, qu'elle sub- la fait embrasser avec plus d'ardeur. Il porte

sistait déjà dans de Marie, qu'elle y


le sein le même jugement de Tertullien et dit que ,

était parfaite dés le moment de sa conception, l'autorité d'un seul homme, l'amour qu'on a
en vertu de l'union - des deux natures, d'où pour beauté de son génie, son élo-
lui, la
résulte l'unité de personne. Ce qui est propre quence, son savoir, rien ne doit nous le faire
à Dieu est attribué à l'homme et ce qui est , préférer à la vérité. Fermes ^ à mépriser tous
de l'homme est attribué à Dieu. De là ces ex- ces talents, inébranlables dans la foi, nous ne

* Hœc ifjitur in Chrisio personœ imitas, nequaquam prœsentia manus ipsius et pedes ejus fossi esse refc'
post Virginis partum, sed in ipso Virginis utero, runtur. Per hanc, inquam, personœ unitatem, illud
compacta atque per/ccta est. Ibid., pag. 347. quoque similis mysterii ratione perfectum est, ut cai^e
* Propter quatn personœ unitatem indi/ferc/iter at- Verbi ex intégra matre tiascente, ipse Deus Verbum
que promiscue, et quœ Dei sunt propria, triùuunlur natus ex Virgine catholicissime credatur impiissime ,

liomini; et quœ carnis propria, adscrihuittur Deo. Inde denegetur. Est enim singutari quodam Domini ac Dei
est enim quod divinitus scriptumest : et Filium lio- nostri, Filii autem sui munere, verissime ac beatis-
minis descendisse de cœlo, et Dominum majestatis sime Deipara confitenda. Ibid., pag. 347.
crucifixum in terra. Inde etiam est, ut carne Domini 3 llle est verus et germanus catholicus qui veritatem
fada, ipsum VerOuin Dei factum dicatur : sicut in Dei, qui Ecclesiam, qui Christi corpus diiigit; qui
histoire: générale des auteurs ecclésiastiques.
devons admettre que ce que l'Eglise a tou- avez reçu; vous avez reçu de l'or, donnez de

jours et universellement cru : tout ce qu'un l'or, etnon du plomb ni de l'airain; n'ensei-
seul séparément, tout ce qu'un seul, contre gnez que ce que vous avez appris; et, ensei-
lesentiment de tous, ose enseigner, est nou- gnant d'une manière nouvelle, n'enseignez
veau, n'appartient point à la religion; et dès- rien de nouveau par rapport à la doctrine et
lors un vrai fidèle comprend que Dieu l'a au fond du dogme. »
permis pour éprouver les hommes et non 7. Quoi donc, direz-vous, n'est-il pas per-
<( F.n quel
sons il est pi>r-
pour leur servir de règle de foi. Vincent in- mis de faire des progrès dans la doctrine de mis de faire
des progrès
siste sur la défense faite dans l'Ecriture de la religion? Il l'est sans doute, mais seule- dans la doc-
Irine de l'K-
transporter les bornes que nos pères ont po- ment pour l'éclaircir et l'affermir sans la chan- glise.

sées, sur la nécessité de garder le dépôt de ger; qu'il n'y ait point de temps, point de
la foi qui nous a été confié et d'éviter les
, siècle où l'intelJigence, la science, le goût des
nouveautés profanes de paroles suivant ces , vérités divines ne croisse; mais qu'au milieu
paroles de saint Paul à Timothée Gardez le ; de tous ces progrès, la même foi, le même
dépôt qui vous a été confié. « Qui tient, dil-il, sens des paroles, le même dogme soit con-
aujourd'hui la place de Timothée? C'est sans servé sans altération. Les accroissements sont
doute •
ou l'Kglise universelle, ou en parti- nécessaires à la religion chrétienne, afin que
culier le corps des pasteurs, pour qui c'est un le dogme s'affermisse par les années, qu'il se
devoir attaché à leur état, d'avoir la science dilate, qu'il s'élève, et qu'il demeure toute-

de la rehgion et de la communiquer aux au- fois le même en se perfectionnant, sans rien


tres. Que veut dire Gardez le dépôt? C'est
: perdre des parties qui lui sont essentielles,
veiller contre les efforts des voleurs, de peur sans recevoir aucun changement, sans aucune
que pendant le sommeil des pères de famille variation dans les points sur lesquels il pose
ils ne sèment l'ivraie parmi le bon grain que comme sur un fondement solide. Il est per-

le Fils de l'homme a semé dans son champ. mis, suivant les circonstances des temps, d'é-
Gardez ce qu'on vous a confié, et non ce que claircir ledogme invariable de la foi; mais il
vous avez trouvé ce que vous avez reçu et
; , est défendu d'y rien changer. Mettez la vé-
non ce que vous avez imaginé. Ce que l'on rité dans tout son jour, faites-la sentir par des

vous confie n'est pas l'ouvrage de votre es- distinctions et des précisions justes; mais
prit, c'est une doctrine que Ton vous a ensei- laissez au décret de la foi toute son étendue

gnée; ce n'est point un bien qui vienne de et toute sa force. Si on laissait à chacun la

vous c'est une tradition qui vous est trans-


, liberté de changer à son gré ce qui doit être
mise vous n'en êtes ni l'auteur ni l'inven-
;
immuable, on verrait régner une licence dont
teur, mais seulement le dépositaire et le dé- la suite serait la destruction de la religion.

fenseur; vous n'êtes point maître ni guide, L'un retranchant un article de ceux qui sont
vous êtes disciple, et vous devez vous laisser de foi, un autre en retranchera un second ;

conduire. Gardez soigneusement le dépôt qui et le droit de mêler la nouveauté avec les
vous a été confié, c'est-à-dire, conservez entier anciennes vérités, les opinions étrangères
le talent de la foi catholique qui vous a été avec celles qui sont dans l'Eglise depuis sa
mis entre mains, et ne permettez pas qu'il
les naissance, le profane avec le sacré, s'étant
moindre diminution. Gardez ce que
souffre la une fois établi, il ne restera plus rien de fixe
vous avez reçu, et ne donnez que ce que vous à l'Eghse , rien d'inviolable , rien de sûr. Un

divinœ religioni nihil prœponit, non hominis cujus- dere. Quid depositum? Id est quod tibi creditum
est

piam auclorHatem, non amorem, non ingenium, non est, non quod ate inventum; quod accepisli, non quod

eloqueniiam, sed hœc cuncta despiciens, et in fide excogitasti : rem non ingenii sed doctrinœ : non
,

fixus et stafjilis permanens,quidquid unioersaliter usurpationis privatœ, sed publicœ traditionis rem ad :

antiquitus Ecclesiam catholicam tenuisse cognoverit, te perductam, non a te prolatam : in qua non auctor

id solum sibi tenendum credendumque decernit : dehes esse, sed custos : non inslitufor, sed sectator :
quidquid vevo ab aliquo deinccps uno, prœler omnes, von ducens, sed sequens. Déposition custodi : catholi-
tel cuntra omnes sanctos novuni et inauditum subin- cœ tulentum inviolutum conserva. Quod tibi
fidei

duci senserit, id non ad religionem, sed ad ientatio- creditum hoc pênes te maneat, hoc a le tradatur,
est,

nem potius inielligat pertinere. Ibid., pag. 335. Aurum accepisli, aurum redde; nolo mihi pro aliis
» Timothée, depositum cuslodi, devitans pro- alla subjicias, nolo pro aura aut impudenter plom-
fanas vocum novitates. Quid est liodie Timoiheus? bum, aut fraudulenter ceramenta supponas ; nolo auri
Nisi vel generaliter universa Ecclesia, tel specialiter speciem, sed naturam plane... eadem quce didicisti

totuni corpus prcepositorum, qui integram divini Qui- doce, ut cum dicas nove, non dicas nova. Ibid., pag.
tus scientiam vel habere ipsi debent, vel aliis infun- 338.
fV« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXII. — VINCENT DE LÉRINS. 463

assemblage monstrueux changera le sanc- éclaircisscnt ce qui était moins clair aupara-
tuaire chaste et incorruptible de lu vérité en vant. »

une caverne infâme, qui servira de retraite au Après cette digression, Vincent revient en-
mensonge et aux erreurs les plus détestables. core aux paroles de saint Paul à Tiraothée :

Que Dieu détourne ce malheur, et que cette Fuyez les nouveautés profanes de paroles, c'est-
fureur soit le partage des impies Il n'en est ! à-dire tontes les opinions, tous les sentiments
pas ainsi de l'Eglise, épouse de Jésus-Christ '; qu'enfante la nouveauté, et qui sont opposées
elle garde avec exactitude le dépôt qui lui a aux anciens décrets de la foi; ces opinions ^
été confié; elle n'y change, elle n'y ajoute, qu'on ne peut approuver sans détruire, en
elle n'y retranche rien; attentive à maintenir tout ou en partie la foi des saints Pères et
, ,

la pureté de la foi, elle ne rejette rien de ce qu'en prétendant que les fidèles de tous les
qui est essentiel, elle n'introduit rien de su- siècles, que tous les saints, les hommes les
perflu elle conserve ce qui lui appartient et
: plus chastes et les plus irréprochables, les
n'admet rien d'étranger; son allcntion se vierges, les clercs, les diacres, les prêtres, les
borne à ne rien laisser perdre de ce quelle évêques, la multitude innombrable de con-
a reçu dès son origine. Il est vrai qu'elle tra- fesseurs, de martyrs qui nous ont précédés,
obscur, mais elle
vaille à éclaii'cir ce qui est se sont ti-ompés ;
qu'en soutenant que tant de
garde avec un respect inviolable ce qui est villes, de provinces, de royaumes, de nations,
assez clairement expliqué. tant de rois et de grands hommes, en un mot
8. « Son but, dans
les décrets de ses con-
'
que l'univers entier, qui est entré par la foi
Quel est
sprit de elles*, est de
former de façon qu'ils
les
*
servent »
dans le corps de Jésus-Christ, s'est trompé et
[lise d.ins .
'
.

conciles? à faire croire plus fortement ce que l'on croyait a vécu dansl'erreur avant ces nouvelles doc-
déjà, mais avec plus de simplicité et moins trines.
de connaissance; à faire prêcher avec plus 9. « Les nouveautés *, continue Vincent, a queiia

de force ce que l'on prêchait auparavant avec ont toujours été la marque certaine par où S>"na°iiieshé'-
"'"'""
moins de hardiesse à faire adorer avec plus ; l'on a pu, sans se tromper, distinguer l'héré-
de ferveur ce que l'on adorait déjà sans crainte. tique qui en est le sectateur, du catholique
Quand les hérésies se sont manifestées par qui les déteste. Remontez à la naissance des
des nouveautés impies l'Eglise a assemblé , hérésies : vous dans
les verrez toutes naitre
des conciles pour y publier, dans des décrets un certain dans un certain temps, et
lieu,
authentiques, les vérités de la foi qu'elle avait paraître sous quelque nom de parti; vous
reçues par la tradition, et les faire passer par verrez tous les hérésiarques se signaler par
ce moyen dans toutes les parties du monde. le schisme, en se séparant de la communion
On voit dans ces décrets non de nouveaux
, , de l'Eglise catholique et en se déclarant con-
articles- de foi, mais de nouveaux termes qui tre la croyance généralement reçue. Avant
fixent le sens des dogmes de la religion et qui Pelage, s'était-il trouvé un homme qui osât

1 Christi vero Ecclesia, sedula et cauia depositorum appellationis proprietate signando. Lbid., pag. 362.
apud se dogmaium cuslos, nihil in his unquam per- 3 Vocum novitates, vocum, id est, dogmatum; rc
mutât, nihil minuit, nihil addit : non amputât neces- rum, sententiarum 7iovitates, quœ sunt vetustati atque
saria, non apponit superflua, non amittit sua : non antiquitati contrariée, Quœ si recipiantur, necesse est
Uiurpat aliéna ; sed omni industria hoc ununi studet, ut fides beatorum Putrum, aut tota magna
aut certe
ut vetera fideliter sapienterque tractando, si qua sunt ex parte violetur; necesse est ut omnes omnium œta-
illa antiquitus informata et inchoala, accuret et po- tum omnes sancti, omnes casti, continentes,
fidèles,
liat : si qua jam confirmata et definita custodial. virgines, omnes clerici, levitœ et sacerdotes, tantu
Ibid., pag. 362. confessorum millia, tanti martyrum exercitus, tanta
* Quid unquam aliud conciliorum decretis enisa est, urbium et populorum celebritas et multitudo, tôt in-
nisi ut quod antea simpliciter credebatur, hoc idem sulœ, provinciœ, reges, génies, régna, nutiones, lotus
postea diligentius crederetur? Quod antea Icntius prœ- postremo jam pêne terrarum orbis, per catholicam fi'
dicabatur, hoc idem postea iriitantius prœdicaretur ; dem Christo capiti incorporatus , tanto sœculorum
quod antea securius colebatur, hoc idem postea solli- traclu ignorasse, errasse, blasphémasse, nescisse quid
citius excoleretur? Hoc, inqunm, semper nec quic- credideral, pi'onuntiutur. Ibid., pag. 363.
qiiam prœterea, hœrelicorum novilatibus exciiata, con- * Profanas vocaui novitalos devita, quas recipere
ciliorum suorum decretis catholica perfecit Ecclesia, atque sectari, nunquam calholicorum, semper vero
nisi ut quod priui a majoribus sola traditione susce- hœreticorum fuit. Et rêvera quœ unquam hœresis nisi
peral, hoc deinde posleris etiam per scripturœ chiro- sub certo nomine, certo loco, certo tempore ebullivit ?
graphum consignaret, magnam rerum summam pau- Quis unquam hœreses instituit, nisi qui se prius ab
cis litteris comprehendendo et plerumque propter
, Ecclesiœ catholicœ universitatis et antiquilatis consen-
intelligentiœ lucem, non novum fidei sensum, novœ sione discreverit? Ibid., pag. 3G4.
464 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
soutenir que le libre arbitre pouvait ', par ses répandent encore dans leurs conversations et
propres forces, se déterminer au bien, sans dans leurs discours, soit publics, soit parti-
avoir besoin du secours de la grâce, et sans culiers; dans leurs entretiens avec ceux de
que ce secours fût nécessaire pour les saintes leur secte et avec ceux qui n'en sont pas en ;

actions? Avant Célestius, avait-on soutenu un mot, ils ont sans cesse les paroles de TE-
que le péché d'Adam n'eût pas souillé l'ori- ciiturc dans la bouche. Cachés, pour ainsi
gine de toute sa postérité? Personne n'avait, dire, sous cette ombre respectable de la loi
avant Arius, dogmatisé contre lunité de la divine, ils se flattent de paraître moins sus-
très-sainte Trinité, et, avant Sabellius, nul pects, en tâchant de tempérer Todeur empoi-
n'avait confondu les personnes dans cette sonnée qu'ils exhalent par le parfum des pa-
adorable Trinité. Novatien est le premier quL roles saintes car ils ne savent que trop qu'en
;

ait enseigné que Dieu aimait mieux la mort proposant à découvert leurs erreurs, elles
du pécheur dans l'impénitence que sa vie ,
seraient rejetées aussitôt. C'est pourquoi ils
dans la conversion. Qui, avant Simon le Ma- les enveloppent des paroles sacrées, afin que
gicien, a avancé que Dieu était auteur du celui qui concevrait aisément du mépris pour
mal, c'est-à-dire de l'impiété et des crimes les leur mauvaise doctrine, n'en conçoive pas
plus noirs? » Vincent dit qu'il pourrait ajou- facilement pour les oracles divins. En cela
ter plusieurs autres exemples par lesquels il ils imitent l'artifice des empoisonneurs, qui

paraîtrait évidemment que toutes les hérésies marquent avec des étiquettes trompeuses les
se sont fait un capital d'enseigner des nou- pots où ils conservent leurs poisons. Vincent
veautés profanes et de mépriser la doctrine applique aux hérétiques qui cachent ainsi
des anciens, ce qui leur a fait faire naufrage leurs erreurs sous les paroles de l'Ecriture
dans la foi puis il ajoute
;
« Les catholiques,
: interprétées à leur façon, ce que dit Jésus-
au contraire, gardent avec fidélité le dépôt Christ : Défiez-vous des faux prophètes qui
sacré d'une foi pure qu'ils ont reçue de leurs viennent à vous vêtus comme des brebis, et qui
ancêtres ;*ils condamnent les nouveautés pro- sont au-dedans des loups ravissants; vous les
fanes, réglantleur conduite sur cette expres- connaîtrez par leur fruit. Vous les verrez cou-
sion si précise de saint PaulSi quelqu'un : per la haie que le Seigneur avait plantée,
vous annonce un Evangile différent de celui que franchir les bornes que nos pères ont posées
vous avez reçu, qu'il soit anathème. d avec sagesse , et se déclarer contre la foi ca-

10. « Quelqu'un me demandera peut-être, tholique et la doctrine de l'Eglise. »


Quel usage
lesYérétiques dit Yinceut si les hérétiques font usage de
, 11. pas assez à Vincent de mar-
Ce n'était
l'Ecriture sainte? Ils s'en - servent tous et le quer l'abus que les hérétiques font de l'Ecri-
font avec beaucoup d'ostentation. Leurs ou- ture il donne en ces termes un moyen d'en
,

vrages sont semés de citations tirées des prendre sûrement le sens « Imitez les saints:

livres de Moïse, des Rois, des Psaumes, des Pères qui nous ont précédés, expliquez comme
Prophètes, de l'Evangile et des Apôtres. Ils les eux l'Ecriture sainte par la tradition univer-

' Quis ante profanum illum Pelngium, tantam vir- quaui quod acceptum est, auatliema sit. Ibid., p. 3G4.
tutcin liieri prœsumpsit arbitrii, ut ad hoc in bonis 2 Hic fartasse aliquis interroget, un et hœretici di-
rebits per actus singulos adjuvandum, necessariam vines Scriplurœ testimoniis utantur. Utantur plane, et
Dei gratiam non puiaret? Quis ante prodigiosum dis- vehementer quidem. Nam videas eos volare per singula
cipulum ejus Cœlestium, reatu prœvavicationis Adœ quœque sanctœ legis volumina: per Moysis, per Regum
omne genus humanum negavit adstrictum? Quis ante libros, per Psalmos , per Apostolos, per Evangelia,
sacrilegum Arium Trinitatis unitatem discindere? per Prophetas. Sive enim apud suos, sive aliénas, sive
Quis ante scelemtum Sabellium, unitatis Trinitatem privatim, sive publiée, sive in sermonibus, sive in li-
confundere ausus est? Quis ante crudelissimum No- bris, sive in conviviis, sive in plateis : nihil nnquam
vatianum crudelem Deum dixit, eo quod mallet ynor- pêne de suo proferunt, quod non etiam Scriptu7-œ ver-
tem morientis , quam ut revertatur et vivat? Quis dis adumbrare conentur, sed tanto riiagis cavendi et

ante Magum Sinionem, auctorem 7nalorum, id est, pertiniescendi sunt, quanta occultius sub divinœ legis
scelerum, ausus est dicere Creaiorem Deum. Innumera umbraculis latitajit. Sciunt enim fœtores suos 7iulli
sunt talia, quibus eridenter monslratur, hoc apud fere cito esse plucituros, si nudi et simplices exhalen-
vmnes fere liœieses quasi solemne ac legitimum esse, tur atque idcirco eos cœlestis eloquii velut quodnm
:

ut semper profanis novitatibus gaudeant antiquitatis , aromate adspergunt ; ut ille qui humanum facile des-

scita fastidiant , et per oppositiones falsi }ioniinis piceret errorem, divina non facile contemnat oracula.
scient iœ, a fide naufragent. Contra vero catholicorum Itaque faciunt quod hi soient, qui noxios succès, me-
hoc vere proprium, deposita sanctorum Patrum et dicaminum vocabulis prœcolorant, ut nemo fere ubi
commissa servore , damnare profanas noviiates; et supra scriptum legerit remedium, suspicetur venenum.
sicut dixit Apostolus : Si quis annuDtiaverit pr?pter- Ibid., pag. 365.
V SIECLE. CHAPITRE XXXII. — VINCENT DE LEIUNS. 465

sellement reçue et parles règles de la foi gé- lique , dont les mœurs et la doctrine ont été
néralement admises dans tous les temps; car irréprochables, qui sont morts avec une foi

il est essentiel de suivi-e dans l'Eglise catho-


' pure, ou qui ont soufi'ert le martyre pour Jé-
lique le sentiment universel, le consentement sus-Christ. Il ne faut même s'en tenir à leurs

unanime et ancien, et de préférer ce consen- décisions que quand tous ou plusieurs sont
tement sain et unanime au sentiment cor- d'un même sentiment, que quand ils se sont
rompu d'une partie. Si, après ces précautions, expliqués clairement , sans variation et jus-

il reste de l'obscurité , la ressource certaine qu'à la Gu en sorte que ce consentement


,

est de se ranger du côté de ceux dont le unanime forme comme une espèce de con-
nombre est plus grand et dont les sentiments cile. Dans ces circonstances, ce que les Pères

paraissent plus probables. » ont décidé est la règle certaine de la foi, et


12. Lorsqu'il s'agit de combattre une - an- il n'est jamais permis de s'en écarter. D'où il

cienne hérésie dont les sectateurs ont eu le


,
est facile de conclure que ce qu'un évêque
temps de donner des sens détournés aux ex- seul, un confesseur, un martyr a avancé con-
pressions des Pères, Vincent veut que l'on tre le sentiment commun et généralement
emploie pour toutes armes l'autorité de l'E- reçu, doit être regardé comme une opinion
criture, et que, quand les conciles ont parlé, singulière, qui ne doit point être confondue
on s'en tienne à leurs décisions. A l'égard avec la doctrine publique et universelle de
des nouvelles hérésies qui s'elforcont de se de peur qu'au péril de notre salut
l'Eglise,
soutenir par des autorités prises de l'Ecriture, nous ne préférions à l'imitation des héré-
,

il dit que, pour éclaircir et fixer le sens du tiques, l'erreur d'un seulhomme à la vérité
texte sacré, il faut consulter les anciens Pères ancienne du dogme reçu généralement. »
et rassembler leurs interprétations pour en Vincent ne croit pas que l'on puisse, sans té-
former une lanière de doctrine qui fasse dé- mérité, mépriser cette autorité du consente-
couvrir le venin de l'erreur, et qui en donne ment unanime des saints Pères, et il rapporte
de l'aversion en la faisant connaître. « Pour sur cela ce que saint Paul dit des ditférents
marcher sans danger dans cet examen, con- ordres établis de Dieu pour le gouvernement
tinue Vincent, il faut ^ choisir parmi les Pères de l'Eglise mais il ne demande * ce con-
;
IICor.xii,98.

ceux qui ont vécu dans la communion catho- sentement que dans les matières de la foi, et

1 Sed dicet aliquis : si divtnis eloquiis diabolus et ciliis damnatasque vitare. Itaque cum pri-
convictas
discipuli ejus utuntur, quid facient catholici homines mum mali cujusque erroris puiredo erumpere cœperit,
et Ma' ris Ecclesiœ filiil Quonain modo in Script uris et ad defensionem sui quidam sacrœ legis verba fu-
sanctis veritalem n falsitaie discernent? Hoc scilicet rari, eaque fullaciter et fraudulenter exponere, sta-
facere magnopere curabunt, quod sanctos et doctes vi- tim interpretando canoni majorum sententiœ congre-
ros tiobis tradidisse scripsimus : ut divinum canonem gatidœ sunt: quibus tllud quodcumque exurgei novi-
secuudum universalis Ecclesiœ traditioncs, et juxta tium, ideoque profanum et absque ulla ambage pro-
catholicidogmatis régulas interprefentur. In qua item latur, et sine ulla retractalione dumnetar. Ibid., pag.
catholica et apostolica Ecclesin sequantur necesse est 370.
universitaiem , antiquitatem , consensioncm. Et si 3Sed eorum duntaxat Patrum sententiœ confereri-
qiumdo pars contra universitaiem, noviias contra ve- dœ commnnione catholica. sancte,
sunt, qui t« fide et
tustatem, unius tel paucorum errantium dissensio sapienter, constanter viventes, docentes et permanen-
contra omnium tel cerle multo plurium catholicorum tes, vel mori in Chrido fideliter, vel occidi pro Christo
consensioncm rebellaverit; prœferant partis corruptioni féliciter meruerunt. Quibus iamen hac lege creden-
universitatis infegritatem... Si id minus est, sequantur dum est, ut quidquid vel omnes, vel plures, uno eo-
quod proximum est multorum atque magnorum con- demque sensu manifeste, fréquenter, perseveranter,
sentientes sibi sententias mugistrorum. Ibid. , pag. vel quodam consentiente sibi magistrorum concilio ac-
369. cipiendo, tenendo, tradendo firmaverint, id pro indu-
Sed neque semper, neque omnes hœreses hoc modo
* bitato , certo , ratoque habeatur. Quidquid vero
impugnundœ sunt ; sed noviliœ recentesque tantum- quamvis ille sanctus et doctus, quamvis episcopus,
modo; cum primum scilicet exoriuntur, anlequam in- quamvis confessor et martyr prœter omnes aut etiam
fnlsarent vetustœ fidei régulas, ipsius tempons veten- contra omnes senserit; id mter proprias et occultas et
tur angustiis, ac priusquam manante latius veneno, privalas opiniunculas, a communis et publicœ, ac ge-
majorum volutnina vitiare conentur. Cœterum invete- neralis sententiœ auctorilate secretum sit : ne cum
ratœ liœreses nequaquam hac via aggrediendœ sunt, summo œternœ salutis periculo, juxta sacrilegam hœ-
eo quod prolixo temporum tractu longa iis furandœ relicorum et schismaticorum consuetudinem, univer-
veritatis parturit occasio ; atque ideo quascumque il- salisdogmatis antiqua veriiate dimissa, unius homi-
las aniiquiores vel schismatum et hœreseum profa- nisnovitium sectemur errorem, quorum beatorum Pa-
nitates, nullo modo nos oportet, nisi aut sola, si opus trum s'inctum catholicumque comensum, ne quis sibi
est,Scripturarum auctorilate convincere, aut certe jam temere conlemnendum arbitreiur. Ibid., pag. 371.
antiquités universalibus sacerdotum catholicorum con- * Quœ tamen antiqua sanctorttm Patrum consensio,

Vlil. 30
468 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
non dans les contestations de moindre impor- l'édition de Paris, en 1561, in-12, enjoignit
tance qui peuvent naître sur le sens de quel- à ce Mémoire l'ouvrage d'Hosius sur la Com-
ques endroits de l'Ecriture. munion sous les deux espèces, sur le Mariage des
Ré.-ipiiuia- 13. Voilà ce qui nous a paru de plus remar- prêtres, et la Messe en langue vulgaire. L'édi-

Ji"„"
ji^j *'f; quable dans le premier Mémoire de Vincent tion de Louvain, en 1562, est la même en la
Vincent, pag.
Jg L^ij^ij^g^ jj faisait, daus le second, l'appli- même forme. L'ouvrage de Vincent parut de
cation des règles rapportées dans le premier, nouveau en la même ville, en 1568, chez Jean
et montrait comment on devait emploj'er les Regard; à Cologne, en 1569, chez Materne
autorités des Pères, par l'exemple du concile Cholin; en 1589, chez Rouille, avec les œu-
d'Ephèse, qui allégua en etfet le témoignage vres de saint Denys l'Aréopagite et les lettres
des anciens Pères contre Thérésie de Nesto- de saint Ignace et de saint Polycarpe; eu
rius. Ce second Mémoire n'est pas venu jus- 1589, chez Herst, et en 1594, avec les notes
qu'à nous. Il ne nous en reste que la récapi- de divers savants en 1600 et en 16l3, à
;

tulation, dans laquelle on voit qu'outre les Londres, en 1591. L'édition de Douai, en
passages des Pères allégués dans le concile 1611, in-16, est de Barthélémy Petit, qui re-
d'Ephèse contre Nestorius il rapportait en- , vit le texte de Vincent sur deux manuscrits,
core une partie de la lettre de saint Célestin et y fit des commentaires qu'il joignit à ceux
aux évéques des Gaules, et une partie de celle de Jean Coster. L'écrit de Vincent se trouve
que saint Sixte écrivit à Jean d'Antioche. à la tête de quelques anciens théologiens
14. Le Mémoire de Vincent est un de ces gaulois donnés par M. Pilliou, et imprimés à
Jugempnt
"^' écrits que l'on ne peut lire trop souvent, et Paris, en 1586, chez Nivelle. Il fut remis sous
moirr
il en est peu dans l'antiquité qui rentèrment presse, en la même ville, en 1619, chez Denis
tant de belles choses en si peu de paroles. Le Langlois, avec le commentaire de Jean File-
style en est net agréable coulant et doux
, , ; sac; à Lyon, en 1622, chez Landry, avec le
les raisonnements solides de force,
et pleins traité de Tertullien des Presciiptions , la con-
les principes certains, et, ce qu'il y a de plus sultation de Lessius sur la Religion, et un écrit
intéressant, c'est que l'auteur y donne des d'Edmond Campian à Helmstad, chez Henri
;

règles non-seulement pour découvrir et ré- MuUer, en 1655, in-4'', avec les livres de la
futer les nouveautés profanes des hérétiques Doctrine chrétienne, de la Foi et du Symbole, de
de tous les temps, mais encore pour mettre saint Augustin, par les soins de Georges Ca-
la vérité à couvert de tous leurs artitices. liste à Paiis, en 1663, in-8°, avec les ouvrages
;

Vincent, en parlant des lettres d'Origène à de Salvien et les notes de Baluze. Cette édi-
l'empereur Philippe dit que ce prince est
,
' tion fut réimprimée en la môme ville, en 1669
le premier des empereurs romains qui ait et 1684, et à Brème, en 1688. L'édition de

embrassé la religion chrétienne. Eusèbe l'a- Cambridge, en 1687, in-12, renferme, avec
vait dit avant lui. les notes de M. Baluze, le traité de saint Au-
,.,... ,
L.<litionsdo
15. La première
t édition du Mémoire de gustin sur /es //eres/fô. Le Mémoire de Vincent
ce Mémoire.
Vincent est de Venise, sans date la seconde ; a eu place aussi dans les Orthodoxographes et
de Bâle, en 1528, dans le Recueil des anciens dans les Bibliothèques des Peines, de Cologne,
Pères contre les hé)'ésies. On en fît une troi- de Paris et de Lyon, [Dans Galland, tome X,
sième édition en 1543, à Lyon, chez Jacques pag. 103-121, on cite encore les éditions de
Gareau, et une quatrième à Paris, en 1544, Rome, 1731; de Vienne, 1809; d'Avignon et
avec le traité de Tertullien, intitulé Des Pres- : de Paris, 1821; d'Ingolstadt, 1834; de Besan-
criptions. Les éditions suivantes sont de Paris, çon. Gauthier frères, 1837 de Breslau, 1839,
;

en 1547; de Venise, en 1549 et 1552. On trouve La plus complète édition qui ait paru des écrits
dans cette dernière la dissertation de Jean de ce Père est celle que l'on trouve dans la
Cochlée sur les Vœux; et dans l'édition de Patrologie latine, tome L, avec d'autres au-
Louvain, en la même année, le commentaire teurs. On y lit une notice de Galland et une
de Jean Coster sur le texte de Vincent de autre de Schœneman.]
Lérins, in-4°. Ces deux ouvrages furent réim- 16. Guillaume Ruzé;, évêque d'Angers et
primés à Reims en 1554, in-4''; à Cologne, confesseur du roi, ayant traduit en français de " e"
in-24, la même année, et en 15C0, in-12. Dans le Mémoire de Vincent, le fit imprimer à Pa-

no)i in o»ini(/us divinœ legis quœsthmculis , sel solum investiganda et sequenda. Ibid., pag. 370. Voyez
certe prœcipuc in fidei régula magno nobis studio et tom. II.
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XXXII. — VjNCENT DE LÉRINS. 467
ris, chez Vascosaii, en i561, in-8°. Sa traduc- été connu avant septième ou huitième siè-
le
tion fut réimprimée à Lyon en 1570, et à Pa- cle. Encore ne le citait-on point sous le nom

ris, cliozMorel, en lo8U. Le sieur de la Brosse de Vincent de Lérins mais sous celui de
,

le traduisit de nouveau et le donna en notre saint Athanase, ou sous quelque autre nom.
langue en 1015 à Paris, chez Jean de Heu-
, 18. Sur la conformité du nom et le voisi- . ,,
Il n eH pal

queville avec une lettre de saint Cyprien et


, nage
^ de Cassien et des autres r prêtres de :'»<*'"•''""''-
jei'l oiis relu-

une de saint Jérôme. Il parut à Liège, eu 16G3, Marseille qui attaquèrent la doctrine de saint pr^s'er/''"'
une troisième traduction du même ouvrage, Augustin sur la grâce, on attribue encore à
par les soins de Barthélémy d'Astroy, qui y Vincent de Lérins les objections de Vincent
joignit quelques noies pour l'explication du réfutées par saint Prosper. Mais est-il permis
texte. On en vit une quatrième à Paris, en d'attaquer un homme dans sa foi sur de sim-
1684 chez Jacques Letevre de la façon du
, , ples conjectures ? N'y
avait-il pas alors d'au-
sieur de Frontignières, avec de nouvelles re- tres Vincent que de Lérins? Gennade en
celui
marques. Cette traduction fut remise sous cite ^ un qui était comme celui-ci Gaulois de
presse en la même ville, en 1686. La cin- naissance, et très-habile dans l'intelligence
quième version est du Père Bîmnet, de l'Ora- des divines Ecritures. Nous avons vu un prê-
toire, qui traduisit en même temps les œuvres tre de même nom assister au concile de Riez
de Salvieu. L'édition qu'il en fit est de Paris, eu 439. Pourquoi attribuer à Vincent de Lé-
en 17UU chez Guillaume Valleyre in-l:2.
, , rins plutôt qu'à l'un des autres Vincent, qui
[Une traduction du Commonitoire fait partie vivaient en même temps, un écrit fait exprès
d'un livre publié en 1839 par l'abbé Savy, pour la défense du semi-pélagianisme? Com-
sous le titre de Règle de foi catholique, Lyon ment Vincent de Léi-ins, qui avait par modestie
et Paris, Périsse, in-12. Les écrits de saint supprimé son nom dans un ouvrage composé
Vincent de Lérins ont été publiés sous ce pour la défense delà vérité, l'aurait-il mis à la
litre : Œuvres de saint Vincent de Lérins et de tète de ces objections, don t le but est d'établir
saint EucherdeLyon, traduction nouvelle avec l'erreur, ou du moins de combattre le senti-
le texte en regard, noies et préfaces, par ment d'un homme d'aussi grande réputation
J.-F. Grégoire et F.-Z. CoUombet, Paris, 1834, que Tétait alors S. Augustin? Qu'y a-t-il dans
in-S".] Nous en avons une italienne par Jérôme son Mémoire qui puisse le faire regarder ou
Mutio, imprimée à Montréal en 1365, in-8"; comme ennemi de ce saint docteur, ou bien
[une autre, en anglais, à Oxford, en 1836.] comme ami des semi-pélagiens? N'y parle-
17. Vincent, après avoir établi dans son t-il pas des pélagiens ^ comme d'hérétiques
Quican.que , Mémoire la croyance des deux natures unies condamnés avec justice ? Et pouvait-il en té-
M parail pas "
t rii .
Il • .
rtre de viD- eu uuc pcrsonuc dans Jesus-Christ, semble moigner plus de mépris ^ qu'en les compa-
s'engager de traiter plus au long dans un
'
rant à des mouches, à des grenouilles, à des
autre écrit du mystère de l'Incarnation et de moucherons? Il témoigne tant d'horreur^ de
celui de la Trinité. Nous ne voyons point leur hérésie, qu'il croit qu'il ne pouvait sans
qu'il ait rempli son engagement, elGennade crime entreprendre de la réfuter. Est-ce dans
n'en dit rien. Quelques-uns ont cru qu'il fal- ces termes que se serait expliqué un homme
laitentendre par cet écrit -, le symbole Qui- infecté du semi-pélagianisme?
cumque, qui porte le nom de saint Athanase. 19. On ne trouve ni le style ni le génie de
ij.p,sAes-
Mais ce symbole, quoique long, ne peut être Vincent de Lérins dans l'ouvi-age intitulé ''''^'"' ?>'
o point de V in-
regardé comme un traité sur l'Incarnation et Prœdestinatus, et ceux qui l'en ont fait auteur, ""'•

sur la Trinité, tel que Vincent parait en pro- ne pouvaient lui faire un plus mince présent.
mettre un. D'ailleurs, ce symbole n'a été cité Nous aurons lieu d'en parler dans l'article
d'aucun de ceux qui, dans le cinquième ou d'Arnobe le Jeune, à qui le Père Sirmond
sixième siècle, ont eu à combattre les macé- l'attribue.
doniens, les nestoriens, les eutychiens et les 20. Vincent mourut '
sous les empereurs
"^
Mort do
acéphales, quoiqu'il soit formel contre tous .

Iheodose et Valentmicn III, c est-à-dire, vinccm.Ter»


ces hérétiques et on ne voit point qu'il ait
; en l'an 450 au plus tard puisque Théodose ,

' Idcirco etenim tel maxime unitatem Christi prœ- 3 Gcnnad., de Vir. illusl., cap. LXXX.
dicat, ne mysteriuin Trinitatis excédât. Hœc
excursu in * Vincent., in Commonit., pag. 380, 336.
dicta sint. Alias si Deo placuerit , utierius tracianda B Ibid. —
6 Ibid., pag. 337.
et explicanda. Vincent., in Commonit., pag. 350. "
Geuuad., De Vir. illusl., cap. LSiv.
» Voyez tom. V.
,

468 HISTOTUE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


mourut lui-même le 29 juillet de celte année. 427, lorsque saint Euclier écrivit à saint Hi-
On conserve avec respect les reliques de Vin- laire d'Arles, sur son retour en cette soli-
cent à Lérins : ce qui donne lieu de croire tude; si Vincent de Lérins eût eu pour frère
qu'il mourut en ce lieu. Il faut donc le dis- un évéque aussi célèbre qu'était saint Loup
tinguer de Vincent, frère de saint Loup de Troyes, Gennade eût-il oublié de lui en
qui avait quitté Lérins dès l'année 426 et
'
faire lionneur?

CHAPITRE XXXIÏI.

Saint Pémen, abbé en Egypte.


[Vers l'an 451.]

1. Ce saint, si célèbre dans l'histoire des frère en quoi que ce soit; 5» ne faire mal à
Pères des déserts, nous est plus connu par personne 6° se purifier avant de sortir du
;

ses vertus que par ses écrits, qui se rédui- monde de toutes les impuretés que nous pou-
sent à quelques lettres très- courtes, mais vons avoir contractées, soit dans le corps, soit
pleines de sens et de piété. 11 embrassa la dans l'esprit; 7° avoir toujours le cœur brisé
vie monastique à Scété, avec six de ses frè- de douleur et humilié à la vue de ses péchés,
res, quelque temps avant que saint Arsène sans s'arrêter à considérer ceux de son pro-
s'y retirât vers l'an 391, ou même avant la chain. L'abbé Moïse lui donna encore d'au-
mort de saint Pambon, prêtre des cellules, ires instructions ^.

arrivée vers l'an 385; car il parait que saint 2.Les courses que les Barbares firent dans
Pémen l'avait vu et qu'il l'avait conversé ^. le désert de Scété vers 395, obligèrent Pé-
Dans les commencements de sa retraite, il men et ses frères d'en sortir. Ils passèrent de
passait plusieurs jours et quelquefois des se- là dans un lieu appelé Térénuthi, où était un
maines entières sans manger ^ mais il con- : vieux temple d'idoles. Ils vécurent ensemble
seillait aux autres de manger un peu chaque durant plusieurs années, s'édifiant mutuelle-,
jour, suivant en cela l'avis des anciens, qui ment par des actes de vertus ^, travaillant
trouvaient que cette manière de jeûner était des mains et pratiquant la règle qu'Anube,
la plus aisée et la moins sujette à la vanité. l'ainé de tous, leur avait prescrite. Des douze
Il ne croyait pas que les moines dussent heures de la nuit, ils en employaient quatre
boire de vin * et il avait pour maxime^ que
, au sommeil, quatre au travail des mains,
toute satisfaction non nécessaire du corps ^, quatre au chant des psaumes. Pendant le
chassait du cœur la crainte de Dieu, comme jour ils travaillaient jusqu'à l'heure de sexte,
la fumée fait fuir les abeilles. Etant encore lisaient jusqu'à none, et ensuite ils ramas-
jeune ^, il avait soin de rendre visite aux an- saient quelques herbes pour leur repas. Un
ciens, pour apprendre d'eux le chemin de la d'entre eux avait la charge d'économe tout :

perfection, proposant ses doutes, et


leur ce qu'il faisait servir à table, y était mangé
s'instruisant exactement des devoirs de son sans discernement; personne ne demandait
état. Il reçut de l'abbé Moïse sept maximes autre chose que ce qui avait été servi pour
de salut pour des personnes de toutes con- tous, et aucun ne se plaignait de la nourri-
ditions ^ 1» d'aimer Dieu de tout son cœur
: ture. Pémen Anube dans le gouver-
aidait
et de toute son âme 2" aimer son prochain ; nement de la communauté ils se déféraient
;

comme soi-même ;
3" se mortifier et s'abste- l'un à l'autre *^, et vivaient dans une union
nir de toute sorte de mal; 4" ne juger son parfaite. On ne sait si Pémen resta longtemps

> Eucher., ad Hilar., pag. 5G. "'


Vit. Pair., in append. 109, pag. 1001.
2 Tom. I Monum. Cotel., pag. G02, CIO. 8 Vil. Pair., lib. VI, cap. iv.
^ Ibid., pag. 599, 600. — * Ibid., pag. 596. 9 Ibid., Jib. VII, cap. xui.
» Ibid., pag. 631, 605. »» Tom. I Moiium. Cote!., pag. 618.
" Vil. Pair., lib. V, cap. ix, x, si.
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXIII. — SAIiNT PEMEN, ABBE EN EGYPTE. 4G9

à Térénuthi mais on ne'peut douter, ce


; voir dans le ciel, je veux bien ne pas vous
semble, qu'il ne soit retourné à Scété, et voir sur la terre. » Il usa de la même sévé-
qu'il n'ait été obligé d'en sortir une seconde rité enversgouverneur de la province qui
le

foisavec saint Arsène, vers l'an 430, à cause souhaitait extrêmement de le voir sur ce
des nouvelles courses des Barbares en ces qu'il en avait ouï dire. Cet officier, pour vain-
quartiers-là. On raconte que, pendant qu'il cre sa résistance, fit mettre en prison un fils
était en Egypte ', le prêtre de Péluse chaigé unique de sa sœur, et manda en même temps
du soin des solitaires du diocèse, ayant su à Pémen que la faute de son neveu était trop
que quelques-uns d'eux venaient souvent à grande pour la laisser impunie. Il croyait
la ville, prenaient le bain et témoignaient par là obliger le saint à le venir voir pour
peu de soin de leur âme, vint à l'assemblée obtenir la grâce de son neveu. Sa sœur, sur
des solitaires, et ôta l'habit à onze de ces la nouvelle de l'emprisonnement de son fils,
moines négligents. Pémen, qu'il consulta sur courut au désert et fil tout ce qui dépendait
celte action, luidemanda s'il était entière- d'elle pour l'engager à venir trouver le juge.
ment dépouillé du vieil homme. Le prêtre Tous ces mouvements furent inutiles Pémen :

avoua qu'il n eu était rien. Sur quoi Pémen fit dire à sa sreur par le fière qui le servait :

lui dit Vous êtes donc comme eux, et


: <( « Je n'ai point d'enfants, ni d'afïïiction ; » et

sujet comme eux au péché, quoique ce ne il la renvoya de la sorte. Le gouverneur in-

soit peut-être pas dans des choses considé- formé de ce qui s'était passé, voulut du
rables. » Il ne lui en fallut pas davantage : moins que Pémen lui écrivit, pour lui donner
et faisant assembler les solitaires qu'il gou- occasion de délivrer le prisonnier. Beaucoup
vernait, il rendit l'habit à ceux à qui il l'avait de personnes le lui ayant conseillé, il lui
été. écrivit en ces termes a Je prie Votre Gran- :

3. L'on rapporte encore au séjour de Pé- deur de faire examiner soigneusement la


men en Egypte, ce qui se passa entre sa cause de mon neveu s'il a commis un crime :

mère et luiQuoique très-âgée, elle venait


^. qui mérite la mort, qu'il soufiVe ce supplice,
souvent au lieu où il demeurait avec ses frè- afin qu'en étant puni en ce monde, il évite
res, sans avoir jamais pu les voir. Une fois, les peines éternelles de l'enfer. S'il n'a pas
néanmoins, elle prit si bien ses mesures, mérité la mort, ordonnez de lui ce qui est
qu'elle les rencontra lorsqu'ils allaient à l'é- conforme à l'autorité des lois. » Le juge ad-
glise : mais dès qu'ils l'aperçurent, ils s'en mira la conduite de Pémen, et relâcha le pri-

retournèrent dans leurs cellules, dont ils fer- sonnier 3.

mèrent la porte sur eux elle les suivit, et


: Les Vies des Pères * sont remplies d'ex-
A. Maximes de
pictj de sJint
ayant trouvé la porte fermée, elle les appe- cellentesmaximes sous le nom de Pémen, Pémea.

lait avec des larmes et des cris capables de qui sont des preuves de sa sagesse, de ses
les toucher de compassion. Pémen l'enten- lumières et de sa discrétion. Nous en rap-
dant pleurer, alla à la porte, et sans l'ouvrir, porterons quelques-unes. Un solitaire vint
essaya de lui persuader de s'en retourner. un jour le trouver et lui dit ^ « Mon Père, :

Mais sa voix, qu'elle reconnut, ne fit qu'aug- j'ai fait une grande faute je suis résolu d'en :

menter l'envie qu'elle avait de le voir, et faire pénitence pendant trois ans. » — « C'est
elle n'oublia rien pour l'engager ;\ lui donner beaucoup, » lui dit Pémen. L'autre lui ré-
cette satisfaction. « Qu'aimez-vous mieux, lui pondit Voulez-vous que je la fasse pen-
: «

repartit Pémen, de nous voir ici, ou de nous dant un an? » —


« C'est beaucoup, » dit le

voir en l'autre vie ?» —


« Si je ne vous vois Saint. Ceux qui étaient présents lui dirent :

point en cette vie, répondit-elle, suis-je as- « Combien donc Durant quarante jours ? »
?

surée de vous voir en l'autre ?» « Oui, lui dit — Il répondit encore « C'est beaucoup. » Puis
:

Pémen, si vous pouvez étouffer ce désir que il ajouta « Pour moi, je crois que si un
:

vous avez de nous voir présentement, je vous homme se repent de tout son cœur, et qu'il
promets que vous nous verrez sans cesse en ne commette plus de faute dont il ait sujet
l'autre monde.» Sur cela elle se retira, disant de se repentir, Dieu se contentera d'une pé-
avec joie « Puisque je suis assurée de vous
: nitence de trois jours.» Il parlait par rapport

> Tom. I Momtm. Cote!., pag. 594. * Voyez Patrologie latine, tom. LXXIV, col. 381 et
* Ibid., pag. 610, et Vit. l'air., lib. III, cap. CLiv. suiv. [L'éditeur.)
3 Mouea., ad dieiu 27 august., pag. 292. 5 Vit. Patr., lib. V, cap. x, pag. GOO.
470 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
à la disposition particulière de ce solitaire. vois bien que c'estpour me dire vos pensées.
Mais il n'en usait pas toujours de même en- Cependant vous vous en retournez toujours
vers les pécheurs qui venaient le consulter. avec vos peines sans les découvrir. Dites-moi
Un autre lui ayant dit qu'il souffrait une '
donc, je vous prie, ce que c'est. » Le frère
grande tentation, il lui ordonna de quitter le lui fit un aveu de "tout ce qui se passait dans
lieu où il demeurait, de s'en éloigner d'au- son esprit, et aussitôt il se sentit soulagé.
tant de chemin qu'il en pourrait faire en Pémen le consola ensuite et que quand
lui dit
trois jours et trois nuits, et de jeûner une ces pensées lui reviendraient, hardiment
il dît
année entière jusqu'au soir. Ce frère lui dit : au démon « : Que ton blasphème retombe
« Mais si je viens à mourir avant que l'année surtoi pour moi, je n'en
: suis pas coupable;
soit finie, que deviendrai-je?» Pémen lui ré- car mon âme le déteste. »
pondit J'espère en Dieu que si vous mou-
: <(
5. La montagne d'Athribi, dans la Basse-
rez dans la résolution d'accomplir cette pé- Egypte, servait de retraite à plusieurs soli-
nitence ou quelque autre que ce soit, vous taires. L'un d'eux, qui était célèbre dans le
serez sauvé. » Sa raison de traiter douce- pays 5, ayant été attaqué par des voleurs,'
ment les pécheurs ^, était qu'en reprenant cria au secours. Les frères accoururent au
avec aigreur un homme qui avoue sa faute, bruit, et prirent les voleurs. On les mena
on l'abat entièrement, au lieu qu'en lui di- ensuite à la ville, où le juge les fit mettre en
sant « Ne vous affligez pas, mon frère, mais
: prison. Ces solitaires, affligés d'avoir été cause
prenez garde de ne plus pécher, » vous forti- de leur emprisonnement, allèrent en témoi-
fiez son esprit, et vous lui donnez le courage gner leur peine à Pémen, qui écrivit en cette
de faire pénitence. La seconde semaine de manière à celui qui avait été attaqué u Exa- :

carême ^, un solitaire vint le trouver pour lui minez par quelle raison ces voleurs ont été
découvrir le fond de son cœur. Après que le livrés au juge, et vous verrez que c'est parce
Saint lui eut mis l'esprit en repos, ce frère votre cœur vous a livré vous-même à la ten-
lui dit «Il s'en est peu fallu, mon Père, que
: tation. Ce solitaire, rentrant alors en lui-
))

je ne vous sois pas venu voir aujourd'hui. » même, sortit de sa cellule, ce qu'il n'avait
— Pourquoi, lui répliqua Pémen? »
(( — pas fait depuis longtemps, vint à la ville et
« C'est, répondit le solitaire, que je craignais obtint l'élargissement de ces voleurs.
qu'à cause du temps de carême vous ne vou- 6. On dit que Pémen ayant appris ou été té-
lussiez pas m'ouvrir votre porte, d u Je ne — moin lui-même de la mort de saint Arsène^,
sais point, dit le saint vieillard, fermer cette s'écria en pleurant « Que vous êtes heu-
:

porte de bois, mais je fais ce que je puis reux, Arsène, de vous être tant pleuré en ce
pour tenir fermée celle de ma langue. » Un monde. » C'était vers l'an 443. Il lui survécut
frère, tourmenté de pensées de blasphème*, de quelques années, étant mort, comme l'on
n'osait s'en ouvrir à personne. Il vint souvent croit, sur la fin de l'an 461. II est honoré
voir Pémen dans dessein de lui ouvrir son
le comme saint, tant chez les Latins que chez
cœur; mais, saisi de honte, il s'en retournait les Grecs, qui en font leur grand office le 27
sans lui rien dire. Pémen le voyant embar- d'août, où ils le qualifient le flambeau de
rassé, lui dit un jour en le reconduisant : l'univers et le modèle des moines.
« Il y a longtemps que vous venez ici, et je

1 Vif. Ptitr., Append., pag. 994. 8 Vit. Pair., lib. III, cap. Lxxxiir, et lib. VII, cap.
2 Ibid., lib. V, cap. x, pag. 601. VIII.
3 Ibid., lib. VII, cap. xui, pag. G15. * Ibid., lib. III, cap. CLXin, et lib. V, cap. xv,
* Poàsin., Ascet., lib. IX, pag. 614. pag. 621.
[V SIÈCLE. CHAPITRE XXXIV. — SAINTE PULCHÉRIE, EUDOXIE. 471

CHAPITRE XXXIV.

Sainte Pulchérie, vierge, [453]; Eudoxie, impératrice.

[Eu l'an 4C0.]

1. Sainte Pulchérie, dont l'Eglise latine, de fondée ^, qu'en se mariant, leurs maris ne
même que la grecque , révère la mémoire formassent des brouilleries dans l'Etat, ou
le 10 septembre, était fille d'Arcade et sœur ne donnassent de la jalousie à l'empereur;
de Théodose-le-Jeune, mais plus âgée que mais qu'elle avait aussi pour principe une piété
lui de deux ans, étant né le 19 de janvier de solide; car ces princesses ne s^occupaient
l'an 399, et Théodose étant né en 401. Dès que de la prière ^, du chant des psaumes,
sa première jeunesse elle fît paraître une du soin des pauvres, du travail des mains,
prudence au-dessus de son âge et comme * : c'est-à-dire d'ouvrages de tapisserie ou
elle excellait pour le conseil et pour l'exécu- d'autres semblables mettant leur joie et
,

tion, elle fut déclarée Auguste et Impératrice leurs délices dans la méditation des oracles
le 4 juillet de l'an 414 -, et chargée du soin divins.
de tout l'empire et de l'éducation de son 3. En l'an 430, saint Cyrille d'Alexandrie Saint rijrille
li]i ndresso
frère Thcodose. Elle s'acquitta avec succès adressa deux de ses écrits contre Nestorius, deui écrits ,

en 410.
de l'un et de l'autre de ces emplois, s'atta- â Pulchérie, dont l'aversion contre le nesto-
chant surtout ^ à faire régner la vérité dans rianisme connue. Pour s'en venger,
était

tous ceux qui étaient soumis à son pouvoir, ceux de ce ne s'é-


parti prétendirent qu'elle
et défendant avec ardeur * la véritable doc- tait déclarée leur ennemie, que parce que

trine lorsqu'elle la voyait en danger d'être Nestorius, leur chef, l'avait reprise de divers
altérée par des nouveautés pernicieuses. Elle crimes. Mais celte calomnie ne trouva aucun
donna à son frère les plus habiles maîtres crédit, et la vertu de l'accusée prévalut.
qu'elle put trouver, soit pour lui apprendre 4. Saint Procle ayant persuadé à l'empe- E:le assiste
à la transl»-
les exercices convenables à son âge et à sa reur, en 438, de faire rapporter
'
'
de Comane
'^
''»" ^es ieu-
ques de sniot
dignité, soit pour lui enseigner les humani- dans le Pont, le corps de saint Chrysostôme e^'i^g""^,';;
tés : mais elle eut soin surtout de lui inspirer à Constantinople, sainte Pulchérie assista [^'/'(""'Pê,-:

la piété pour ceux qui en fai-


et le respect avec ce prince à cette solennité. Quelques 2,"'JL,'*s"
*2
**^"
saient profession. Elle dressait elle-même années après, c'est-à-dire en 446, l'on dé-
toutes les ordonnances, ayant appris à parler couvrit dans la même ville des reliques des
et à écrire tant en latin qu'en grec, et les fai- quarante martyrs qui avaient souffert sous
sait ensuite signer à Théodose, pour lui laisser Licinius, à Sébaste eu Arménie. Sainte Pul-
l'honneur et la gloire de toutes les affaires. chérie en avait eu révélation par le martyr
En 421 elle lui fît épouser Athénaïs, qui prit
, saint Thyrse, qui lui était apparu trois fois,
le nom d'Eudoxie, et dès-lors elle ne con- cl lui avait ordonné de transférer auprès de
serva d'autre pouvoir dans l'empire, que celui lui ces reliques qui étaient cachées sous

qae lui donnait sa naissance. terre. Les quarante martyrs apparurent eux-
2. Pulchérie avait trois sœurs, Flaccile, mêmes à cette princesse, tous revêtus de
Arcadie et Marine. Elle fut la première à manteaux blancs. Leurs reliques furent trou-
consacrer sa virginité à Jésus-Christ; puis vées en eliet sous l'ambon ou le pupitre de
elle y porta ses sœurs et toutes firent voir
:
l'église de Saint-Thyrse. Le cercueil était
que leur résolution ne venait pas seulement couvert d'une table de marbre, où il y avait
d'une sage politique, et d'une crainte bien une petite ouverture qui répondait à l'en-

' Sozom., lib. IX, cap. i. * Theodor., lib. V, cap. xxxvi, et Sozom., lib. IX,
* Chronic. Alexand., pag. 716. cap. I.

3 Tem. IV Concil., pag. 466. 6 Sozom., lib. IX, cap. ni, et Theod. , 17/., lib. \,
' Sozoui., lib. IX, cap. i. cap. XXXVI.
472 HlSTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
droit 011 étaient les reliques dans deux vases rait cette princesse d'arrêter le progrès des
d'argent, environnés de quantité de parfums. maux de l'Eglise, et d'obtenir un concile
Cette ouverture servait à descendre les linges œcuménique en donnant à cet effet
Italie, lui

que l'on voulait faire toucher aux reliques. la légation de saint Pierre auprès de l'em-
Sainte Pulcliérie fît mettre les reliques des pereur. Il joignit à cette lettre une copie de
quarante martyrs, dans une châsse très-pré- celle que les eutychiens avaient interceptée,
cieuse, auprès de celle de saint Thyrse. So- et une de sa lettre à Théodose. Le diacre
zomène, témoin oculaire de cette translation, Hilaire, qui avait assisté au faux concile d'E-
en a fait le récit *.
phèse au nom de saint Léon, écrivit de son
5. Nous avons encore le discours dans le- côté à sainte Pulchérie pour la supplier
quel saint Procle fil, le jour de Pâques, l'éloge d'appuyer les généreuses résolutions de ce
de sainte Pulchérie, ensuite de quelques em- Pape pour la défense de la vérité. Il dit assez
belHssements qu'elle avait faits dans l'église clnirement dans sa lettre ^ que cette impé-
de Sainte-Sophie. ratrice avait déjà commencé à agir dans
6. Vers l'an 445, Théodorct, évêque de cette affaire, même avant le faux concile
Cyr, lui écrivit pour la prier d'empêcher que d'Ephèse.
l'on n'aagmentât les impositions publiques 9. On voyait des preuves de son zèle pour
dont cette ville était surchargée ^, lui repré- la foi catholique dans la lettre qu'elle écrivit
sentant qu'au lieu de lui faire porter des à saint Léon '^
: elle y témoignait son horreur
charges plus pesantes que celles qu'elle avait pour les hérésies d'Eutychès, et exhortait ce
déjà, il était de sa bonté de lui en obtenir saint Pape à chercher des remèdes aux maux
quelque soulagement. que l'assemblée d'Ephèse venait de causer à
7. Trois ans après, c'est-à-dire en 448, les l'Eglise. Cette lettre n'est pas venue jusqu'à
évéques et le clergé d'Ephèse lui écrivirent nous. Nous n'avons pas non plus la réponse
pour lui rendre témoignage de la possession qu'elle fit à Placidie, sa tante, qui lui avait
paisible où Bassien était de l'épiscopat de écrit au commencement de l'an 450 ^, pour
cette ville. Nous n'avons plus la réponse de l'engager à travailler avec elle en faveur de
sainte Pulchérie mais on voit par ce qui en
;
la doctrine catholique, et à se joindre aux
est rapporté dans les actes du concile de sollicitations que Valentinien III, son fils, et
Chalcédoine ^, qu'elle récrivit aux évêques et elle faisaient auprès de Théodose pour le
au clergé en faveur de Bassien, les assurant maintien de la vraie foi, qui avait été invio-
du désir que l'empereur et elle avaient de lablement gardée par leurs ancêtres depuis
conserver la paix des Eglises. Saint Procle Constantin. Placidie témoignait dans cette
de Constantinople n'avait pas approuvé d'a- lettre beaucoup de mépris pour le faux con-
bord l'élection de Bassien; mais, par l'entre- cile d'Ephèse, où tout avait été fait sans or-
mise de Théodose, il le reçut à sa commu- dre et en confusion. Saint Léon, en répondant
nion, mit son nom dans les diptyques, et à la lettre de Pulchérie ^, prit sujet de l'ex-
écrivit pour lui des lettres de recommandation hortation qu'elle lui avait faite, de la presser
tant à la ville et au clergé d'Ephèse, qu'aux d'employer de plus en plus son autorité pour
évéques de la province à qui il appartenait la défense de la foi. Cette princesse lui écri-
déjuger delà vahdité de son élection. Elle vit une seconde fois*'', et l'assura qu'elle fai-
fat reconnue pour canonique, et Bassien sait tout ce qui dépendait d'elle, pour le ré-
gouverna son Eglise sans opposition pendant tablissement de la paix dans l'Eglise. Elle
plusieurs années. eut occasion de lui écrire une troisième let-
,
8. En 449 *, saint Léon écrivit à Pulchérie, tre ** par les députés qu'Anatole, évêque de
'
la priant de faire cesser les troubles que cau- Constantinople, envoya à Rome. Sainte Pul-
sait dans l'Eglise la nouvelle hérésie d'Euty- chérie rendait témoignage dans cette lettre
chès. Cette lettre ayant été interceptée par les à la pureté de la foi d'Anatole, disant qu'il
partisans de cette erreur, ce saint Pape ^ en avait souscrit sans aucune difficulté à la lettre
écrivit une seconde, dans laquelle il conju- de ce saint à Flavien. Elle priait ensuite saint

> Sozom., lib. IX, cap. ii. — 2 Theodor., Episf. 43. ^


Léo, Epist. 48.
3 Tom. IV ConciL, pag. 690. 8 Tom. IV Co7ieil., pag. 55, 58, et interoper. Léon.,
* Lc.o, Epist. 30. — 5 Epist. 41. pag. 265. — 9 Léo, Epist. 48.
« Ililar., apud Léon., post Epist. M, pag. 266. '0 Léo, Epist. 54. — i'
Idem, Epist. 58.
[v^ siKf.i.E.1 CHAPITRE XXXIV. — SAINTE PULCHÉRIE, EUDOXIE. 473

Léon de lui mander


pensée sur le concile
sa les couronnes que vos mérites précédents
recuménique, afin qu'on pût l'assembler au vous ont acquises. » Elle écrivit elle-même
plus tôt pour déterminer ce qui regardait la à saint Léon'* sur la convocation d'un concile
foi et les évêques qui avaient été quelque œcuménique, qui fut d'abord indique à Nicée
temps auparavant séparés de sa communion. en Bithynic mais lorsque les évoques y fu-
:

Elle ajoutait qu'elle avait fait rapporter so- rent assemblés, elle donna ordre à Straté-
lennellement à Constantinople le corps de gius, consulaire de cette province ^ de chas-
saint Flavien, et rappelé d'exil les évêques ser de Nicée tous les clercs, les moines et les
qui avaient été bannis, parce qu'ils avaient laïques qui y étaient venus pour exciter du
la même foi que lui, afin qu'ils fussent réta- iuraulte, sans y avoir été appelés et sans en
blis dans leurs Ecrlises par le jugement du avoir eu permission de leur évêque. De Nicée
concile qui se devait tenir, et par les suffrages les évêques passèrent à Chalcédoine, où ils
de tous les évêques. Ce rappel fut ordonné tinrent plusieurs sessions. Il est dit dans le
par une pragmatique ou loi qui cassait et texte latin de la sixième ^, que Pulchérie
y
annulait celle que Théodose avait donnée en assista avec Marcien on lit la même chose :

449, portant approbation du faux concile dans l'ancien code de l'Eglise romaine. Mais
d'Ephèse, et sentence de déposition contre on ne lit rien de semblable dans le grec et ;

les évêques qui suivraient la doctrine de lesanciens écrivains ecclésiastiques, comme


Flavien et de Nestorius : car ce prince sup- Evagre, Libérât, Ferrand de Carthage, qui
posait qu'ils enseignaient la même erreur. ont remarqué que Marcien avait assisté à ce
i2. Sainte Pulchérie parle plusieurs fois concile, n'ont rien dit de Pulchérie. Si les
dans cette lettre de Marcien, son époux. Français eussent lu dans leurs exemplaires
Etant devenue maîtresse de l'Orient par la du concile de Chalcédoine que cette impé-
mort de Théodose, arrivée le 29 juillet de ratrice y avait été présente, eussent-ils trouvé
l'an450 ne pouvant gouverner seule cet
, et étrange ^, sur la fin du huitième siècle, que
empire, elle jeta les yeux sur Marcien, capi- l'impératrice Irène se fût trouvée au second
taine d'une grande réputation, et le fit élire concile de Nicée ? L'on remarque même ^
empereur. Ensuite, pour lui donner plus d'au- que dans plusieurs anciens manuscrits latins,
torité et régner avec lui, elle l'épousa avec cet endroit manque ce qui est une nouvelle:

assurance de sa part de lui conserver sa vir- preuve qu'il a été ajouté dans ceux où nous
ginité pure et entière. Marcien tint fidèlement le lisons.
sa parole. Sainte Pulchérie était alors âgée 14. Le concile de Chalcédoine fini, Mar- Elo?e que
lui Honae le
de cinquante et un ans'. Marcien était aussi cien et Pulchérie rendirent toutes sortes con.ile.

avancé en âge. Il avait eu d'un premier ma- d'honneurs et d'amitié aux Bvêques qui
y
riage une fille nommée Euphémie, qui fut avaient assisté. Eux, de leur côté, écrivirent
mariée h Anthémius, depuis empereur d'Oc- une lettre pleine d'éloges à cette pri)icesse^,
cident. la qualifiant très-pieuse, pleine d'amour de
Léon, dans une de ses lettres -,
13. Saint Dieu et très-chérie de Dieu, la gardienne et
rend témoignage à sainte Pulchérie des ser- la conservatrice de la catholique et or-
foi

vices qu'elle avait rendus à l'Eglise contre thodoxe. « La lumière de votre piété, lui di-
les hérésies de Nestorius et d'Eutvchès. Il lui saient-ils, estrépandue de toutes parts l'é- :

recommande dans une autre ^ les légats clat de votre mérite


brille aux yeux de tous les
qu'il envoyait en Orient la prie de faire , hommes, qui, voyant vos bonnes œuvres,
mettre un abbé catholique dans le monastère glorifient notre Père qui est dans les cieux.
d'Eutychès, qu'elle avait fait bannir, et l'ex- C'est par votre moyen que l'on prêche par-
horte h éteindre les restes de cette hérésie. tout la doctrine apostolique. L'ardeur de
en cela, lui dit-il, à votre piété une
« J'offre votre amour pour Dieu
a banni les ténèbres
matière digne d'elle et d'exercer les soins de l'ignorance, et réuni tous les chrétiens
d'un cœur aussi saint que le vôtre, d'une dans la connaissance et la profession de la
manière agréable à Dieu, et de multiplier vraie foi. Votre- zèle nous a délivrés de la

1 Evagr.. lib. Il, cap. xxvi, et lib. III. cap. XXVI. * Tom. IV Concil., pag. 573.
* Lpo, Ëpist. 59. Lupus, Can., pag. 963.
7 » Baluz., Concil., —
pag.
3 Idpm, Epist. C4. — * Idem, Epist. 75. 12C4. —
9 Tom. IV Concil., pag. 464.
* Tom. IV Concil., pag. 70.
,

474 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


zizanie et de la peste des hérésies. La piété, gement. Nous souhaitons, ajoute-t-elle, de
par vos travaux, tient parmi nous un même persévérer constamment dans cette foi, qui
langage par vos soins, toutes les églises
; est conforme à la tradition des saints Pères.
sont partout remplies de fidèles ceux qui ; Elle les exhorte encore une fois de ne pas
s'en étaient éloignés y reviennent les brebis ; s'éloigner de cette doctrine, de peur d'être
sont restituées à leurs pasteurs, et les disci- taxés d'hérésie. Puis elle leur fait savoir que
ples remis sous la conduite de leurs maîtres. l'empereur Marcien, son mari, a donné un
Car celui qui dispersait le troupeau est dé- ordre exprès au comte Dorothée, d'empêcher
truit ; le persécuteur est dans l'assoupisse- qu'on ne leur fit aucun tort, espérant que
ment, et l'auteur de la tempête a été chassé.» cette douceur dans leur de-
les ferait rentrer
Lollre do
MlePuIcliB
15. En 452, les archimandrites et les moi- voir; qu'il avait ordonné au même
comte
nes de Jérusalem et des lieux circonvoisins d'informer de ce que les moines accusaient
adressèrent à sainte Pulchérie une requête les Samaritains d'avoir fait de faire rendre
;

contre Juvénal de Jérusalem et contre ce qui tout ce qu'ils avaient pillé dans les Eglises,
s'était passé au concile de Chalcédoine. L'im- et de punir selon les lois ceux qui se trouve-
pératrice leur répondit par une lettre que raient avoir causé le désordre.
nous avons encore oii elle les blâme d'abord
* ,
16. L'année suivante 453, sainte Pulchérie
de mener une conduite peu digne de leur écrivit une autre lettre à une abbesse nom-
état, et de s'élever contre la foi et la disci- mée Ressa, chargée de la conduite d'un mo-
pline commune
de l'Eglise. Ensuite elle les nastère dans Jérusalem. Le but de cette
exhorte de rentrer en eux-mêmes, de quitter lettre était de détruire les calomnies que le
leur erreur (c'était l'eutychianisme), et d'em- moine Théodose, qui, deux ans auparavant,
brasser la vraie foi, celle qu'ont enseignée s'était fait ordonner par violence évêque de
les Pères de Nicée, qui a été établie et dé- Jérusalem, répandait partout avec les moines
fendue contre Nestorius dans le concile d'E- eutychiens, contre le concile de Chalcédoine
phèse auquel présidaient le pape Célestin et et contre la pureté de la foi de Pulchérie.
Cyrille, de respectable mémoire, et qui a été C'est pourquoi cette sainte princesse fait à
confirmée depuis peu dans le concile de Ressa une déclaration de sa foi sur le mys-
Chalcédoine, lorsqu'on y a reçu d'un com- tère de l'Incarnation et prie cette abbesse
,

mun consentement le symbole de Nicée, et d'en informer toutes les femmes consacrées
fait profession de croire que notre Seigneur à Dieu sous sa conduite. « Nous gardons,
et Sauveur Jésus-Christ est né du Saint-Es- dit-elle 2, la foi qui nous a été proposée dans
prit et delà Vierge Marie, qu'il est vrai Dieu le symbole de Nicée par les trois cents et
et vrai homme. Elle cite sur cela un passage dix-huit Pères de ce concile et nous détes-
;

de l'épître aux Galates puis, continuant de


; tons l'impiété de Photin, d'Apollinaire, de
s'adresser à ces moines, elle dit qu'ils sont Valentin et de Nestorius, de même que la
dans l'erreur lorsqu'ils se persuadent que le nouveauté profane d'Eutychès. Nous croyons
concile de Chalcédoine a cru que, par les que Notre-Seigneur Jésus-Christ est né du
deux natures, il fallait entendre deux Fils et Saint-Esprit et de Marie Vierge Mère de Dieu
deux Christs; qu'elle anathématise elle-même et que ce même Fils Jésus est Dieu parfait
ceux qui tiennent une semblable doctrine, et homme parfait, sans être en aucune façon
soit par écrit, soit de vive voix confessant , divisé, ou séparé, ou changé, mais toujours
qu'il n'y a qu'un seul et même Fils, qui est digne de nos adorations. Désirant de persé-
Jésus-Christ Notre-Seigneur, Dieu parfait et vérer dans cette foi, nous disons anatlième
homme parfait, sans division et sans chan- à ceux qui disent deux Fils, ou deux Christs,

» Tom. IV ConciL, pag. 874, 878. semper adoramus : in hac fide, sine fluctua tione per-
5 Nos fidem secundum expnsitum Symbolum a tre- severare optantes, et anathematizantes eos qui dicunt
centisdecem et ocio sanctis Patrihus servamus, detes- duos Filios, aut duos Christos, aut duas personas;
tamur vero Photini, Apollinarii, Valentini et Nestorii tel qui dixerunt, aut scripserunt, aut dicere audent :

impietatem ; ad hœc vero et novellam irnprobamque quam quidem sanctam et orthodoxam fidem univer-
Eutychis sententiam : et credimus Dominum et Sal- salis etiam synodus, quœ proxime Chalcedone habita
vatorem nostrum Jesum Christum de Spirifu Sancto fuit, confirmavit :nuUamque vel additionem, vel de-
et Maria Virgine Deipara natuni esse; confitentes tractionem fecit in exposito sancto symbolo a trecentis
unum et eumdem Filium Jesum, Deum perfectum et octodecim sanctis Patribus, ac solius Eutychis per-
hominem perfectum eumdem, nulloque modo divisum versam opinionem condemnavit suffragio sanctis Pa-
aut separaium, aut conversum Salvaiorem Christum tribus concinente. Tom. IV ConciL, pag. 873.
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXIV. — SAINTE PULCHÉRIE, EUDOXIE.
OU deux personnes et à ceux qui l'ont dit
;
gné des revenus suffisants. On faisait monter
ou écrit. C'est la même foi qui a été depuis toutes ses donations tant aux églises qu'aux
peu confirmée dans le concile universel de hôpitaux et aux monastères, à vingt mille
Chalcédoine, qui n'a rien ajouté au symbole quatre cent quatre-vingts livres d'or, sans
de Nicée n'en a rien retranché, s'étant
et compter les vases sacrés. Elle rebâtit de fond
contenté do condamner, suivant la tradition en comble la maison épiscopale de Jérusa-
des Pères, l'erreur d'Eutychès. » lem, étendit et renouvela les murs de cette
17. Sainte Pulchérie mourut la même an- vifie. EUe laissa aussi quelques monuments
née, et au commencement de 454, laissant qui prouvent son savoir et son esprit
^
aux pauvres tous ses biens, qui étaient con- savoir , un poème en vers héroïques grecs
sidérables. Elle avait de son vivant fait bâtir qui contient les huit premiers livres de
tant d'églises, d'hôpitaux et de monastères, l'Ecriture, c'est-ù-dire les cinq livres de
qu'on pouvait à peine en savoir le nombre *; Moïse, Josué, les Juges et Ruth. Ce n'était

et elle leur avait assigné des revenus à per- qu'une simple traduction, mais nette, élé-
pétuité. Une de ces églises, nommée des Gui- gante, et qui rendait fidèlement le texte,
des, située auprès de la mer, servait à un sans mélange d'ornements poétiques en ;

monastère d'hommes. Nicéphore dit que sorte qu'on n'y trouvait ni digressions inu-
sainte Pulchérie y mit un tableau de la sainte tiles, ni rien de fabuleux, ni rien de dit ex-

Vierge *, que saint Luc avait fait sur elle- près pour flatter l'oreille des jeunes gens :

même de son vivant, et qu'on avait envoyé ce qui n'empêchait pas que les règles de
d'Antioche à cette princesse.- Théodore le l'avt n'y fussent très-bien observées. Eudoxie
Lecteur, qui parle de ce tableau ^, dit qu'Eu- avait traduit de la même manière les pro-
doxie l'envoya de Jérusalem à sainte Pul- phéties de Zacharie et de Daniel '. Photius,
chérie, sa belle-sœur. qui avait lu ces deux traductions, en parle
18. Eudoxie était femme de Théodose-le- avec éloge, et trouve le travail de cette
Jeune. Elle ne ])rit ce nom que depuis son princesse d'autant plus à estimer, qu'il est
mariage, célébré le 7 juin de l'an 421 aupa- ; plus rare dans les délices de la cour. Il avait
ravant elle se nommait Athénaïs engagée : lu encore VHistoire de saint Cyprien et de
dans le parti d'Eutychès, par les artifices de sainte Justine, martyrs, dont Eudoxie avait
Chrysaphe, alors maître delà cour de Théo- fait un poème divisé en trois livres. On
dose, elle le soutint avec beaucoup de cha- voyait, dans le premier, de quelle manière
leur, même depuis qu'il eut clé condamné Justine avait embrassé la religion chrétienne,
dans le concile de Chalcédoine. Après la mort et comment elle avait persuadé à ses parents
de son mari en 430, elle alla à Jérusalem d'abandonner le culte des idoles les eftorts ;

sous prétexte d'un vœu. Le moine Théodose, inutiles qu'un jeune homme d'Antioche s'é-
qui s'était emparé de force du siège épiscopal tait donnés pour corrompre la vertu de cette
de cette fit entrer Eudoxie dans son
ville, sainte vierge comment, par le signe de la
;

schisme, qu'elle ne quitta pas même après croix, elle dissipa les efl'ets de la magie à la-
l'expulsion de cet intrus. Mais, s'étant adres- quelle ce jeune homme avait eu recours pour
sée à saint Siméon Stylite, et ensuite à saint satisfaire sa passion; la conversion de Cy-
Euthyme renonça en 436, au schisme
*, elle prien, son renoncement à l'art magique, son
de Théodose, pour se réunir à l'Eglise ca- baptême, son élévation aux premières di-
tholique. Elle rentra donc dans la commu- gnités de l'Eglise, ses miracles. Le second
nion de Juvénal, y fit rentrer beaucoup de renfermait l'histoire de Cyprien jusqu'à son
moines et de laïques qui ne s'en étaient sé- baptême , et particulièrement le récit des
parés qu'avec elle, et passa le reste de ses voyages qu'il avait faits pour serendre habile
jours dans des œuvres de piété. Sa mort ar- dans la magie. Il finissait par la conversion
riva le 20 octobre de l'an 460 ^. d'Aglaïde, qui, voyant qu'il ne pouvait sur-
19. Quelque temps auparavant elle avait monter la constance de Justine, prit le parti
fait dédier plusieurs églises qu'elle avait fait d'imiter sa vertu, donna tous ses biens aux
bâtir et à chacune desquelles elle avait assi- pauvres et se fit chrétien. Eudoxie rappor-

• Sozom., lib. IX, cap. i. » Nicephor., lib. XIV, cap. r,.


' Niceph., lib. XV, cap. xiv. 8 Phot., Cod. 183, pafî. 414.
» Theod., lib. I., pag. 551. '
Idem, ibid. 184, pag. 414.
* Cotel., Monum., tom. I, pag. 63, 65, 66.
476 FIISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tait dans le troisième livre les circonstances nant à la chute de l'homme, il entre dans
du martyre de saint Cyprien et de sainte Jus- l'économie du mystère de l'Incarnation, dont
tine, et le transport de leurs reliques à Rome, il rapporte les circonstances marquées dans
où une sainte dame, nommée Rufiine, leur les Evangiles.On fait aussi dans ce poème
fit bâtir une église. Il parait que dans le ma- un narré des principaux miracles de Jésus-
nuscrit que Pliotius avait en mains, ce poème Christ, du meurtre des Innocents par Hérode,
ne portait pas le nom d'Eudoxie comme les de mort funeste de Juda, et de plusieurs
la
autres ouvrages dont nous avons parlé mais : autres événements remarquables. On a im-
il remarque qu'on voyait dans ce poème
'
primé ce poème dans le sixième tome de la
tous les traits de son esprit, comme on voit Bibliothèque des Pères, à Lyon, en 1677. Il
ceux d'une mère dans ses enfants et il ne : n'y est qu'en latin, d'une traduction assez
doutait point que ce ne fût son ouvrage. Il embarrassée, et Ton ne s'est point astreint à
n'est pas venu jusqu'à nous ^, non plus que la mesure des vers. L'auteur se sert d'une
ce qu'elle avait fait sur l'Octateuque et sur expression peu correcte en parlant de la
les prophètes Zacliarie et Daniel. Mais nous sainte Trinité, disant que les trois personnes
avons sous le nom de cette princesse un au- sont nées d'une même essence, ce qui n'est
tre poème appelé In Centon d'Homère, parce vrai que du Fils. Ce poème se trouve aussi
qu'il est composé entièrement des vers de ce dans les Bibliothèques de Paris et de Cologne,
poète. Pliotius n'en dit rien : preuve qu'il ne dans la Collection des poètes chrétiens, à Paris,
se trouvait pas dans le recueil des œuvres en 1624. Socrate fait mention d'un poème hé-
d'Eudoxie. Mais Zonare le lui attribue ^ et roïque ^ qu'Eudoxie lit vers l'an 422, sur la
dit qu'elle le pour achever l'ouvrage qu'un
fit victoire que Théodose, son mari, avait rem-
patrice avaitcommencé. Quelques-uns croient portée sur les Perses. Nous ne l'avons plus.
que c'était le patrice Pelage, tué sous l'em- Toutes ces pièces sont des preuves de ce que
pereur Zénou, vers l'an 480. Mais Pelage dit cet historien, qu'Eudoxie avait été élevée
était païen * et le poème dont nous par-
: dans l'amour des belles-lettres, apparemment
lons, contient l'histoire de la vie de Jésus- par son père Léonce, sophiste à Athènes, ou
Christ. Il commence à la création; puis, ve- professeur en éloquence.

CHAPITRE XXXV.

Saint Isidore de Péluse, prêtre et abbé.

[En 449.]

ARTICLE I. tale du Nil ,


parce qu'ayant abandonné ses
biens et sa famille, il se retira sur une mon-
HISTOIRE DE SA VIE.
tagne proche de cette ville. Il est aussi quel-
1. Ce saint, que ses vertus
son savoir
et quefois appelé Isidore de Damiette, mais par
rendirent recommandable, même
de son vi- l'erreur de ceux qui se sont faussement ima-
vant, était originaire d'Alexandrie ^ mais ;
giné que Damiette, célèbre dans les xii'' et
on lui donne communément le surnom de XIII'' siècles, était l'ancienne Péluse..
située sur l'embouchure orien- Dès 356 y avait auprès de cette
"^
Péluse, ville 2. l'an il

' Hoc ipso item volumine continebantur simili ver- grecque, col. 8S7-8C4. Le commencement du pre-
suum forma conscripti lUrri très in laudem beati Cy- mier livre et la fin du deuxième manquent. Le pre-
priani inartyris, ostendebantque vel ipsa carminn, ut mier renferme 322 vers, le deuxième en contient
liberi matrem soient, hune quoque augustœ esse par- 479. {L'éditeur.)
tum legitimum. Phot., Cod. 184, pag. 415. 3 Zonar., lom. 111, pag. 37.
* Les deux premiers livres ont été publiés presque * Ibid., pag. 44. — ^ Socrat., lib. VII, cap. xxi.
eu eutier par Bandiui, Anecdot. grœc. et lut., Florcu- 6 Phot., Cod. 228, pag. 777.
^
tiae, 1761, in-S", vol. I-III, avec notice. Le tout est Hieronyni., in Vit. Uilar.
reproduit dans le tome LXXXV de la Putrologic
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXV. — SAINT ISIDORE DE PELUSE. Ail

ville, en un lieu appelé Lyclinos, un monas- CCS derniers Maron et Zosirae ^, qui avaient
tère. Saint Isidore y embrassa la viemonas- acheté la prêtrise à prix d'argent, et Quéré-
tique, et s'y rendit si illustre parmi les an- mon, qui, quoique déposé du degré de lec-
ciens solitaires y était regardé comme
', qu'il teur par sou évêque, pour de grands crimes,
la règle vivante, tant des exercices de la vie avait été fait diacre par Eusèbe. Il se plaint
religieuse, que de la manière dont on devait que leur vie scandaleuse faisait naître à beau-
contempler la vérité. A l'imitation de saint coup de personnes la pensée qu'on ne pou-
Jean-Baptiste -, il se contentait d'un vête- vait recevoir d'eux le baptême ni les autres
ment de poil, se nourrissant uniquement de sacrements '^, et qu'il valait mieux ne les point
feuilles et d'herbes. Mais tandis qu'il dessé- recevoir du tout. Mais, quelque ardent que
chait sa chair par les travaux de la péni- fût son zèle contre les désordres de plusieurs
tence 3, il engraissait son âme par la médi- ecclésiastiques, il souvent d'autres
n'en tira
tation des choses du ciel. On ne peut guère avantages que la satisfaction de sa propre
douter qu'il n'ait été dans la suite choisi su- conscience et la gloire de soutfrir pour la
périeur de ce monastère, puisqu'en écrivant justice. II fut plus heureux en d'autres occa-
à un moine suspect de marcionisme et de sions ses avis eurent assez de force pour
:

manichéisme, qu'au cas qu'il s'en


il lui dit * engager des personnes de la première condi-
trouvât infecté, aucun de son tioupeau ne se tion à quitter le vice et à embrasser la vertu.

joindrait à lui. Il faut l'entendre au sujet d'une âme que Dieu

3. Il est qualifié prêtre par Facundus et avait retirée, par son ministère, du danger où
par Suidas^, mais ni l'un ni l'autre ne disent elle était de périr. « Plût à Dieu dit-il à un ,

de quelle Eglise il l'était peut-être u'élait-il


: évêque, que vous eussiez été ici " pour avoir
d'aucun clergé, mais seulement prêtre de part à nos travaux et à notre couronne aux ,

son monastère. On voit toutefois qu'il se louanges et aux bénédictions que l'on nous
croyait établi de Dieu docteur de iiglise, 1 donne. La tiédeur et la paresse avaient relâ-
pour la défendre contre ses ennemis et pour ché notre ami et atïaibli son amour pour la
reprendre les méchants. «Je méprise, dit-il^, céleste philosophie. Nous l'avons renais dans
toutes sortes de dangers pour m'acquitter de le bon chemin par nos conseils et par nos

ce devoir, et je manquerais plutôt à toute au- exhortations, et encore plus parle secours de
tre chose, qu'à poursuivre autant qu'il me la grâce de Dieu. Nous en faisons à présent
sera possible, ceux qui combattent l'Eglise.» une fête où nous chantons des cantiques de
Ce qui semble marquer qu'il exerçait même joie pour cette victoire, où nous régalons nos
au dehors de son monastère les fonctions amis par des banquets tout spirituels. »
du sacerdoce. On le voit encore par les per- 5. Ce fut lui surtout qui engagea saint Cy- Il honore la
mémoire de
sécutions qu'il eut à soutiVir pour avoir an- rille d'Alexandrie à rétablir la mémoire de sainlChrysos-
tùme. Il coni-
noncé la vérité aux pécheurs. Il dit à un de saint Chrysostôme '-, pour lequel il avait un btt les neâtu-
riens.
ceux de qui il avait le plus soutiert" «Vous : respect et une vénération singulière. Nous
m'avez couronné malgré vous, et je puis dire avons encore la lettre qu'il lui écrivit à cette
maintenant que Dieu m'a fait la grâce, non- occasion. « La prévention, lui dit-il, ne voit
seulement de croire en lui, mais aussi de pas clair '^, mais l'aversion ne voit goûte. Si
soutlrir pour lui. » donc vous voulez éviter l'un et l'autre de ces
4. Ses lettres sont remplies de reproches ^ défauts, ne portez pas des condamnations
qu'il faisait à ceux de Péluse pour avoir élu violentes, mais examinez les causes avec jus-
indiscrètement une personne aussi indigne de lice. Plusieurs de ceux qui se sont assemblés

l'épiscopat que l'était Eusèbe. 11 en fait à Eu- à Ephèse vous accusent de venger votre ini-
sèbe lui-même de ce qu'il excluait du sacer- mitié particulière plutôt que de chercher siu-
doce les gens de bien et y élevait des per- cèiement les intérêts de Jésus-Christ. Il est,
sonnes de mauvaise vie. Il met du nombre de disent-ils, neveu de Théophile, il imite sa

> Phot., Cod. 228, p. 777, et Evag., lib. I, cap. xv. 8 Ibid., lib. I, Epist. 39, pag. 245.
* Isidor., lib. I, Epist. 5. » Ibid., Epist. 119, et lib. 111, Epist. 136 et 178.
3 Evagr., ubi supra. >o Ibid., lib. II, Epist. 37, 38, et lib. V, Epist. 5G9.
* Isidor., lib. I, Epist. 52. '1 Ibid., lib. m, Epist. 273.
5 Facund., lib. II, cap. IV; Suidas, in Isidor. lî Nicepli., lib. XIV, cap. xxviii, et Isid., lib. l,
6 Isidor., lib. 1, Episl. 389 et 75. Epist. 152.
Ibid., lib. V, Episl. 131. >3 Isid., lib. I, Epist. 310.
478 HlSTOniE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
couduite et cherche à se faire valoir comme riable, sans trahir par crainte l'intérêt du
Toncle qui répandit sa fureur contre le bien- ciel, ni paraître contraire à vous-même; car
heureux Jean, quoiqu'il y ait bien de la dif- si vous comparez ce que vous venez d'é-
férence entre les accusés. » Dans le même crire avec vos écrits précédents, vous verrez
temps étant informé que les oliiciers que
, que l'on peut vous accuser de flatterie de ,

l'empereur avait envoyés à Ephèse faisaient légèreté ou de variation et de ne pas imiter


,

tous leurs etibrls pour étoutler la vérité, en ces illustres champions qui ont mieux aimé
persécutant ceux qui la défendaient, il écri- passer toute leur vie, dans un rude exil que
vit à ce prince, c'est-à-dire à Tliéodose-le- de prêter seulement l'oreille à une opinion
Jeune « Si vous voulez prendre le temps
: erronée. »

d'aller en personne à Ephèse ', les jugements encore dans le temps


7. Saint Isidore vivait
qui s'y rendront seront sans reproche; mais que l'hérésie d'Eutychès commençait à se
si vous abandonnez les suffrages à une pas- répandre en Egypte, puisqu'en écrivant à
sion tumultueuse, qui garantira le concile des Hermogène, évêque de Rinocorure, il l'avertit
railleries? Vous y apporterez le remède, si de s'en donner de garde * et de demeurer
vous empêchez vos domestiques de dogma- ferme dan? la doctrine de l'Eglise, qui ensei-
tiser; car ils sont bien éloignés de servir leur gne que Dieu, en prenant l'humanité, n'a
prince et de prendre en même temps les in- souffert ni changement, ni confusion, ni par-
térêts de Dieu. Craignez qu'ils ne fassent pé- tage. Nous avons d'autres lettres où il com-
rir l'Empire par leur infidélité, en le faisant bat l'expression d'une seule nature en Jésus-
choquer contre l'Eglise, qui est la pierre so- Christ^. 11 vivait donc encore l'an 449, car il fal-
lide, inébranlable, suivant la promesse de lait du temps pour que l'hérésie d'Eutychès,

Dieu. » Il soutient contre Neslorius, dont ces condamnée à Constanlinople, sur la fin de

oliiciers prenaient le parti, que toutes les na- l'année précédente 448 se répandit en
,

tions de la terre ont reconnu cette vérité, que Egypte. Mais il y a tout lieu de croire qu'il
la sainte Vierge est Mère de Dieu -. ne vécut point au-delà du mois de mars de
6. La déposition de Neslorius, dans le con- l'an 449 n'y ayant rien dans ses lettres qui
,

cile d'Epbèse et la condamnation de ses er-


,
ait rapport au faux concile d'Epbèse, convo-

reurs furent suivies d'une fâcheuse division qué le 30 du même mois, et tenu le 8 août de
entre saint Cyrille et Jean d'Antioche. Les la même année; du moins est-il certain qu'il
esprits s'échauti'ant de part et d'autre , saint n'eut aucune part à celui de Chalcédoine, qui
Isidore, qui croyait s'apercevoir qu'il y avait se tint en 451 ^.
trop d'opiniâtreté du côté de saint Cyrille, et 8. Il a toujours été regardé comme un Son éloge.

qu'il dépendait de lui de faire cesser le homme très-saint, dont le nom était glorieux
*chisme lui écrivit en des termes très-pres-
, dans l'Eglise de Jésus-Christ ", et qui avait
sants, le conjurant ^, comme son père et mérité, par ses vertus et son savoir, l'estime
comme son fils, de finir cette contention, de et l'approbation de tout le monde. Les enne-
ne pas tourner contre le corps de l'Eglise la mis mèmesderEglisel'ontreconnupour saint
vengeance d'une injure particulière, et de ne et exempt de tout reproche soit dans ses
'^,

pas faire une division éternelle sous prétexte mœurs, soit dans sa doctrine. Il semble que
de religion. Mais dès qu'il eut appris ce que de sou vivant il était en telle réputation de
saint Cyrille avait écrit aux Orientaux crai- , sainteté, que l'on gardait avec confiance les
gnant qu'il ne se fût trop relâché, il lui écri- habillements qui lui avaient servi ^, et qu'on
vit une seconde lettre dans laquelle il lui di- s'adressait à lui '^pour obtenir les grâces ex-
sait « Vous devez demeurer toujours inva-
: traordinaires de la part de Dieu.

1 lïidor., Epist. 311. — ^ Epist. 54.


Ibid., ret,non inventa causa aliqua, affingit illi quod cutn
s Ibid., lib. I, Epist. 370. Origene senserit, etsi idem iterum per sese, a veritate
* Ibid., Epist. 419. — Ibid., Epist. 496.
= superatus id revocet. Stepban. Gorus Tritbeita, apud
6 FacuDd., lib. IV, cap. iv. Pbotium, Cod. 232, pag. 902.
^ Nain vir etiam saiictissimus et magnœ in Eccle- 9 Sin autem hanc quoque tunicam, ut quorumdam
sia Christ i gloriœ, Isidonts presbyter /Egyptius Pe- sanctorum virorum supellectilem servaturus ey, me
lusiota, quem duo millia epistolarum ad œdificaiio- quidem in summam mei diffîdentiam conjicies, ut qui

nem Ecclesice inulti scripsisse noveruid, etiam pro vi- conscientiœ meœ testimonio convincar. Isidor., lib. I,

tœ ac sapientiœ suœ meritis, ut pater ab ipso Lyrillo Epist. 216.


liO)ioratui est.Facund., lib. II, pag. 79. 1* Si autem ea spe frétas, quœ omnia continet ad

8 Severus impulsus ut beatum Isidorum reprehende- hujusmodi rem oculos conjccisti, ac fide ea aggressus
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXV. — SAINT ISIDORE DE PÉLUSE. 479

lumes de cinq cents chacun. Il y a toute ap-


ARTICLE II.
parence que ce sont les mêmes que nous
DES ECRITS DE SAINT ISIDORE DE PELUSE. avons encore aujourd'hui. On les a divisées
en cinq livres, dont le premier en contient
Saint Isidore avait, au rapport dEvagre ', cinq cent quatre-vingt-dix, le second trois
composé un grand nombre d'écrits, dont un cent quatre-vingts, le troisième quatre cent
était adressé à Cyrille. Cet historien ne s'ex- treize, le quatrième deux cent trente, le cin-
plique pas davantage ; en sorte que nous ne quième cinq cent soixante-neuf. Les trois
savons ni qui était ce Cyrille, si c était l'évê- premiers sont de la traduction de l'abbé Billy;
que d'Alexandrie ou un moine de même nom, le quatrième, d'un savant jurisconsulte nom-
ni de quoi traitait l'ouvrage que saint Isidore mé llittershusius; le cinquième, du Père An-
lui avait dédié. Ce saint nous donne des éclair- dré Schottus.
cissements sur les autres écrits dont parle
Evagre. On voit, par une ^ de ses lettres,
qu'il avait composé un traité contre les Gentils,
Le premier livre des lettres de saint Isidore.
où il faisait voir par quelle conduite de la
Providence il arrivait que les méchants pros- 1. Les lettres de saint Isidore auraient pu Matières
pèrent dans ce monde, tandis que les gens de être distribuées en trois classes, suivant les tr.iilées
les
dans
lettres ije
saint Isidure.
bien sont dans l'alllictiou et dans l'adversité. ditiérentes matières qui y sont traitées. 11 y
11 y montrait^ aussi l'inutilité et la vanité des en a plusieurs de dogmatiques, où il explitjue
divinations qui étaient en usage chez les des passages difficiles de l'Ecriture et où il ,

païens. Cet ouvrage n'est pas venu jusqu'à établit divers dogmes de la rehgion; d'autres
nous , non plus que celui qu'il avait écrit de discipline qui regardent les devoirs des
,

contre le destin, si toutefois il était distingué ecclésiastiques et des moines, et un grand


du premier. Ce qui fait croire que c'étaient nombre de morales pour rinstruclion des
deux ouvrages différents, c'est que le saint laïques de tout état et de toute condition.
parle du livre contre le Destin comme d'un Comme on n'a point suivi cette distribution
petit livre, ce qu'il n'aui-ait pu dire s'il avait dans les éditions qu'on a faites de ces lettres,
fait partie de l'écrit contre avoue les Gentils. Il nous ne la suivrons pas non plus et nous ,

que ce petit ouvrage avait *élé goûté du pu- nous attacherons, suivant notre usage ordi-
blic, et qu'il y en avait qui con\enaient que naire à l'arrangement qu'on leur a donné
,

l'on n'avait encore rien écrit de mieux sur dans les imprimés, en passant celles qui n'ont
cette matière. Mais il prie le comte Herminus, rien de bien remarquable.
qui le lui avait demandé, de l'examiner lui- 2. Saint Isidoje propose au moine Nil
Analyse des
même et de ne point s'en rapporter au juge- l'exemple de saint Jean-Baptiste comme le leltrisdu pre-
mier livre ,

ment d'autrui; et qu'au cas qu'il le trouvât modèle de la vie qu'il devait suivre, s'il vou- suivant l'édi-
tion ne Paris,
en 1638, in-
écrit avec solidité, d'en rendre grâces à Dieu, lait vivre en solitaire disant * qu'à son imi-
,
folio.

et d'excuser, sur l'incapacité de l'homme qui tation, il fallait qu'il se contentât d'un vête-
ne fait pas toujours ce qu'il souhaiterait, les ment de poil pour se couvrir, de feuilles et
défauts qu'il y rencontrerait. Nous ne l'avons d'herbes pour se nourrir. « Que si ce genre de
plus, et il ne nous reste de saint Isidore que vie, ajoute-t-il, surpasse nos forces, nous de-
ses lettres, encore ne sont-elles pas toutes vons nous en tenir à ce que notre supérieur
rendues publiques. Facundus dit ^ qu'il en nous prescrira, soit pour la manière de satis-
écrivit deux mille pour l'édification de l'Eglise. faire à nos besoins, soit pour le chemin que
D'autres les faisaient *"
monter jusqu'à dix nous devons tenir pour arriver à la perfec-
'
mille, dont trois mille étaient sur l'Ecriture tion. » 11 remarque ^ que le très-sacré Evan-
sainte, et sept mille sur divers sujets. Les gile, en faisant la généalogie de Jésus-Christ
acémètes de Constantinople en recueillirent par saint Joseph, a démontré en même temps
deux mihe, qu'ils distribuèrent en quatre vo- que la sainte Vierge était, comme son époux,

es, quœ modulum nostrum superant, fruere sane isto 4 Isid., lib. II, Epist. 137. — 3 Ibid., Epist. 228,
auimi instituto, sœpius nos vestiens, ac nobis ea quœ * Ibid., lib. III, Epist. 253.
opus sunt libemliter atque copiose imperiiens. Alque 5 Facund., lib. II, cap. iv.
utinam in die illa miser icordiam a Domino nancis- 6 Niceph., lib. XIV, cap. un.
caris. Ibid., Epist. 217. Siriuond., not. in Facund., pag. 79.
1 Evagr., lib. I, cap. xv. 8 Lib. I, Epist. 5.-9 Epist. 7.
480 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Num. 3G. delà tribu de Juda, la loi de Moïse ayant propre. Il donne deux raisons ^ pour les-
ordonné qne les mariages se feraient entre quelles saint Jean est appelé le plus grand
deux personnes de la même tribu; mais que des enfants des femmes la première, parce :

ce que TP^vangile n'a marqué que d'une ma- qu'il prophétisa étant encore dans le sein de
Hcbr. vu. nière indirecte, saint Paul l'a expliqué clai- sa mère, ce qui n'est arrivé à aucun homme,
rement en disant que le Seigneur est origi- et qu'enveloppé de ténèbres il eut connais- ,

naire de la tiibu de Juda. Il dit à un moine sance de la lumière qui était venue dans le
nommé Patrinus que s'il désire sincèrement monde; la seconde, parce qu'il a vu dans la
les récompenses immortelles ', il doit s'in- chair celui que tous les prophètes n'avaient
quiéter peu de parler avec grâce, mais mettre vu qu'en énigme et dans des visions, et non
tous ses soins à bien vivre. Sa lettre à Pierre ^ pas de leurs propres yeux. Voici le conseil
est pour lui remontrer qu'en vain il avait qu'il donne à l'empereur Théodose ^ « Si :

quitté les richesses et les honneurs du siècle, vous souhaitez acquérir un roj-aume éternel,
s'il livrait son cœur à l'orgueil, la modestie, tempérez votre puissance par la douceur et
l'humilité et la soumission rendant imitateurs la mansuétude, et allégez le poids de vos ri-
de Dieu ceux qui mettent ces vertus en pra- chesses en les distribuant avec prudence et
tique. Le comte Herminus lui avait écrit ^ que de la manière qu'il vous convient; car il ne
les Juifs inféraient de ces paroles de saint faut pas vous imaginer que le roi soit sauvé
Matthieu -.Joseph ne l'avait point connue quand par sa grande puissance; et celui-là n'évite
elle enfanta son fils premier-né , qu'il la conimt point le crime d'idolâtrie, qui n'ose touchera
ensuite. Sur quoi saint Isidore dit que le mot ses trésors. » Entre plusieurs lettres ^ d'in-
quand ào'xi se rendre par toujours, en sorte vectives contre Eusèbe, évèque de Péluse, il
que le sens de l'Evangile soit que Joseph ne y en a une où il lui reproche de bâtir à Pé-
connut jamais la sainte Vierge. Il prouve cette luse même une église avec l'argent qu'il avait
interprétation par divers exemples tii'és de tiié'des ordinations et des élections, et aux
l'Ecriture; dans le psaume cix il est dit Le : dépens des pauvres. 11 le conjure d'inter-
Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous rompre la construction de cet édifice et de
à ma droite, jusqu'à ce que j'aie fait de vos en- cesser de vexer ceux qui dépendaient de lui,
nemis l'escabeau de vos pieds. Et dans la Ge- ajoutant que s'il continue son entreprise,
nèse La coloiube ne retourna point dans l'arche
: cette maison même rendra un témoignage
jusqu'à ce que les eaux se fussent écoulées. Il est contre lui à Dieu. On voit par celle qu'il écri-
qu'en ces deux endroits le même
visible, dit-il, vit ^ à Tuba, qu'on regardait comme une in-
terme employé par l'évangéliste se prend décence à un soldai, de porter l'épée dans la
pour toujours. Le Fils sera toujours à la droite ville en temps de paix et de paraître dans les
du Père, et la colombe ne retourna plus dans places publiques avec des armes et en habit
l'arche; elle en était sortie pour toujours. 11 de guerre. Il veut qu'à l'exemple de Jésus-
écrit * à Zozime ,
qui ambitionnait le sacer- Christ qui pour obéir à Tédit d'Auguste se
, ,

doce, ou de changer de dessein, ou de mœurs; fît enregistrer étant encore dans le sein de sa

et à l'eunuque Pharismanius, qu'il était sur- mère, nous obéissions aux puissances en ce
pris qu'étant assidu comme il l'était à la lec- qui n'est point contraire à la piété "', et que
ture de l'Ecriture sainte l'amour divin n'eût
', comme lui, nousleui" payions les tributs, sans
pas encore chassé de son cœur l'amour de prétendre nous en exempter sous le prétexte
l'argent, vu que les livres saints ne défendent de pauvreté.
pas seulement le désir du bien d'aulrui, mais 3. La lettre à Théologius " est contre les
'-
qu'ils avertissent aussi de répandre le sien ncstoriens. Saint Isidore y fait voir qu'il y a

» Epist. 14. — 2 Ibid. 15. — 3 Ibid. 18. om?ies hominum nationes vere agnoverunt , sic nimi-
* Epist. 22. — Ibid. 27. —
5 « Ibid. 33. rum td nec virile semcn, ncc laies ulla intercesserit.

Episf. 35. — Ibid. 37. —
8 » Ibid. ',0. Quod si sermonibus meis ex ejiis qui genitus
diffidis,
'« Epist. 48. — » Ibid. 34. est potentia id verius Cœcis enim oculos
intelliges.
'^ Geniiles deorum snorum, et quidem sittnmoi'um largitus est, leprosos labe ac vitio purgavit, balhis
matrem ejusmodi agnoveruuf, quœ ex libidine ac ne- impeditœque linguœ hominibus ac surdis eam harmo-
fundis affeclibus et conceperit, et pepererit quwque : niam indidit, qua et audire et loqiii passent ; supra
ut liujusniodi deorum mater, nulhim lasciviœ (jeans maris tevguoi ambulavit, tumentes fluctus ac prœci-
aut ignora cerit attt prœtermiserit. Ad eam quam nos j)iles veniorum impetus sedavit, dœmonum agmina et

incarnati Dei nostri Matrem extitisse, atquc tinius cuneos solo sermone fudit ac profligavit ; multos mor-
generis ac modi concepiionem suscepisse con/ilemur, fuos verbo solo ad viiam reiocavil : hœc divinitus
V SIECLE. CHAPITRE XXXV. — SAINT ISIDORE DE PELUSE. 481

cette dillerence entre la mère des dieux de quoi le péché contre le Saint-Esprit n'est pas
la fable et la Mère de que
Jcsus-Clirist Dieu, rémissible, c'est que ceux qui s'en rendent
celle-là, de l'aveu des païens mêmes, a conçu coupables sont convaincus par eux-mêmes de
et enfanté des fruits de sa débauche, au lieu malignité et d'ingratitude, en ce que, voyant
que celle-ci a conçu sans le commerce d'au- de leurs propres yeux des œuvres miracu-
cun lionime; ce qui est avoué de toutes les leuses qui ne peuvent être que l'effet de la

nations du monde. 11 prouve la vérité de celte puissance de Dieu, ils les attribuent au dé-
naissance miraculeuse par les merveilles de mon, ce qui est attaquer directement la nature
celui qui est né de cette saiute Mère n'a-t-il : divine. Dans la lettre à Zozime, il fait l'éloge
pas rendu la vue aux aveugles? la netteté de saint Basile *, qu'il regarde comme un
aux lépreux? la parole aux muets? l'ouïe aux homme inspiré de Dieu, et loue extrêmement
sourds? marché sur le dos de la mer? com- sou discours contre l'ivrognerie. Il traite du-
mandé aux aux tempêtes? chassé les
flots et rement le moine Thalélaùs de ce que, placé
démons? Ceux qui ont
ressuscité les morts? par son état parmi les disciples du Seigneur,
vu ces miracles nous en ont conservé la mé- il s'occupait ^ encore de la lecture des histo-
moire; et ce qui les rend dignes de foi, c'est riens et des poètes païens, remplis de fables,
qu'ils nous ont aussi laissé par écrit les mau- de mensonges et d'obscénités capables de
vais traitements que le Fils de Dieu fait rouvrir les plaies déjà fermées, et défaire
homme a soufierls, ses persécutions, ses rentrer l'esprit immonde dans la maison d'où
soutliances, sa mort. Ils ont ajouté à cela sa on l'avait chassé. Il dit ^ à des religieuses d'A-
résurrection, qui sert de preuve à sa divinité, lexandrie qu'elles ne peuvent s'excuser sur , „^

et qui montre en même temps que celle qui leurs sœurs des fautes qu'elles commettent,
l'a enfanté est Mère de Dieu. Un homme de puisqu'il est en leur pouvoir de combattre
condition, nommé Hiérace ', s'offensait du leurs passions et de leur résister. Il leur ap-
culte que rendaient aux reliques
les chrétiens porte pour exemples Suzanne, qui, quoique
des martyrs, en considération de leur charité jeune, surmonta l'impudicité des vieillards;
envers Dieu et de leur constance dans la foi. la fille de Jephté, qui reçut la mort avec cou-
Saint Isidore, pour justifier ce culte, renvoie jfage, après avoir passé glorieusement sa vie
Hiérace à ceux qui avaient été guéris par l'at- dans la virginité; Judith, qui, en récompense
touchement de ces reliques 2, persuadé que, de sa chasteté obtint de Dieu de mettre à
,

convaincu de leur vertu il les honorera lui-


,
mort le tyran Holopherne; et la célèbi'e Thè-
même au lieu d'en faire des risées. Mais il cle, qui est le comble des victoires et des tro-
lui permet de se railler des honneurs divins pliées des femmes, une colonne immobile qui
que les païens rendaient, dans le temple de publie sans cesse la gloire et la vertu de la
la Diane d'Ephèse, aux tombeaux et aux re- pureté un phare élevé au milieu de la mer
,

liques de certains d'entre eux qui ne s'étaient des passions, qui, par son exemple, nous con-
rendus célèbres que par leurs crimes et par duit, malgré les tempêtes, au port d'une heu-
leurs turpitudes. Il croit ^ que la raison pour- reuse tranquillité. Il remarque^ que les apô-

edita signa ii qui eu videront, tradiderunl. Qua etiam templo gentiles defoderunt , iis divinos honores tri-
in re testimonium suum ab adulatione et gratia us- buentes. Isidor., lib. I, Epist. 55.
que adeo piirum servaverunt ; ut probra etiam quœ ipsi « Lib. II, Epist. 85.
acciderunt litteris mandarint, persecutiones, contume- * At vcro contumelia ad versus Spiritum Sanctum
lias, lapidationes, sputa, colaphos, alapas, crucein, conjecta idcirco venia caret, quoniam ipsa opéra in
clavos ac mortem quam resurrectio secuta est breviter oculis et aspectu posila eos, qui contumeliam inferunt,
atque compendiarie, tum eum qui passus est, incarna- malignilatis et iiigratitudinis convincunt. Nam cum
tum Deum esse significans ; tum eam quœ peperit, divinœ naturœ potentia morbi exscinderentur, ac dœ-
incarnati Dei Matrem esse prœdicans. Isidor., lib. J, mones pellerentur, hœc diuina signa in Beelzebub edi
Epist. 54. Judœi per calumniam affirmabant. Quocirca Dominus
' Si te istud offendit quod martijricorum corporum
hanc contumeliam, quœ divinam esseiitiam perspicue
cinerem propter eorum eiga Deum cftaritatem atque impetebat, omnis veniœ expertcm esse pronuntiavit
conslantiam, honore afficiamus, eos qui ab ipsis medi- Ibid., Epist 59. * Epist. 61.—
cinain accipiunt, interroga
atque, quod morùis re-
: ^ Quis te non commisereatur, qui cum in philoso-
medium ajferant, mtetlige. Sic fiet ut non modo id phiœ discipulorum Domini tranquillitate sedeas, gen-
quod a nabis sit, non irrideas caiillisque incessas, ve- tilium historicorum et poetarum tumuitum atque œs-
rum etiam quod recte et cum laudc sit, imiteris. Quod tum tecum trahai? etc. Ibid., Epist. 63.
simortua ossa contingere detrectas, sceleratorum ho- 6 Epist. 87.
minum reliquias execrare, quas in Ephesiœ Dianœ "
Importunas in ecclesiis loquacitates Domini apos-
Vill.
482 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
très avaient permis aux femmes de chauler sur un linge net qu'ils étendent sur l'autel,
dans les églises, mais que cet usage étant est le même que celui de Joseph d'Arimathie
tourné en abus par la passion des femmes envers Jésus-Christ; car, comme ce sénateur
mêmes, qui ne cbercliaicnt dans ce chant enveloppa dans un linge et ensevelit dans le
qu'à faire admirer la douceur et la beauté de tombeau le corps du Seigneur, par lequel toute
leur voix, il est à propos de l'abolir. Sa lettre la nature humaine a recueilli le fruit de la
contre les macédoniens mérite d'être rappor- résurrection; ainsi, lorsque nous sanctifions
tée tout entière, parce qu'en y établissant la sur le linge le pain qui est otTert, nous trou-
divinité du Saint-Esprit, il y établit aussi le vons indubitablement le corps de Jésus-Christ,
mystère de la présence réelle dans l'eucha- qui répand sur nous, comme d'une source,
ristie. «Jésus-Christ, dit-il', notre Dieu et rimmortaJité que le même Sauveur, enseveli
notre Sauveur, qui s'est fait homme pour l'a- par Joseph d'Arimathie, daigna nous donner
mour de nous nous ayant enseigne que le
, après qu'il fut passé de la mort à. la vie par
Saint-Esprit est la troisième personne de la sa résurrection. C'est à l'imitation de la paix
divine Trinité; que dans le saint baptême on que Jésus-Christ donna à ses disciples ^, que
l'invoque avec le Père et le Fils, comme nous révêque la donne au peuple du haut de la
délivrant tous trois ensemble de nos péchés, chaire destinée à lui annoncer la parole de
et que c'est ce même Esprit saint qui, dans Dieu; et lorsque le peuple lui répond Quelle :

la table mystique fait que le pain commun


, soit aussi avec votre esprit , c'est comme s'il

et ordinaire qui y est oti'ert, devient le propre disait : Vous nous avez donné la paix, Sei-
corps dont le Fils de Dieu s'est revêtu dans gneur, c'est-à-dire une charité mutuelle en-
son incarnation; pourquoi, ô homme sans trenous; donnez-nous-la aussi avec vous, de
esprit et sans jugement, enseignez-vous que manière que nous ne puissions être séparés
le Saint-Esprit a été fait ou créé, et qu'il est de votre charité. » Il défend, en parlant de
d'une nature servile et assujettie, et non pas la mort et des soutiVances du Sauveur, de
d'une nature maîtresse opérante par soi- ,
dire la passion de Dieu, et veut qu'on dise *

même, et consubslantielle à l'essence royale la passion de Jésus-Christ, Dieu, qui est im-
et toute divine du Père et du Fils? Car s'il est passible de sa nature n'ayant souffert que ,

serviteur, on ne doit pas le mettre au même dans la cliair à laquelle il s'est uni par sa
rang que le Maître et s'il a été créé on ne
, , bonté. Il que par les sauterelles dont il
croit
doit point le joindre au Créateur. Mais il y est est dit dans l'Evangile que saint Jean se nour-
joint et mis au même rang, puisqu'on ne peut rissait ^, il faut entendre, non de petits ani-
pas ne point ajouter foi à Jésus-Christ, qui maux, mais les extrémités des
herbes et des
est le docteur par excellence, dont nous pou- plantes; et par le miel sauvage, celui que
vons apprendre de si grands mystères. » Il font les abeilles sauvages, et qui est extrê-
ajoute 2 dans une aulre lettre « Le minis- :
mement amer. Il trouve dans le hnge ^ dont
tère des prêtres qui consacrent les dons divins le diacre se sert en faisant ses fonctions, la

toli comprùnere studentes, ut mulieres in ipsis cariè- sepulturw mandavit, per quod universum morlalium
Veruni ut omnia
rent, sapienti consilio permiserunt .
genus resurrectionem percepit; eodem modo nos pro-
divina documenta in confrarium versa sunf, hoc quo- positionis pariem in sindone sanctificantes, Ckristi
que quamplurimis in dissolutionem ac peccati occa- corpus si?ie dubitatione reperimus ; itlam nobis im-
sionem cessit, etc. Operœ pretium est igiiur , si quod morlalitatem fontis in modum proferens, quani Sal-
Dec gratum atque id quod ex utilitate puhlica
est, vator Jésus, a Josepho funere elatus, posteaquam a
est, facere volumui, ne deinceps in eccle.na canant, morte ad vitam rediit, largitus est. Ibid., Epist. 123.
inierdicere. Ibid., Epist. 90. 3 Epist. 122.
' Cum Dcus et Salvator noster homo factus Spiri- •^
Dei pass non diciiur : verum Christ i passio :
tum Sanctum divinam Trinitatem complere tradide- extitilenim incarnate Deo, ac per assumptam carnem
rit, atque in sattcti baptismi invocatione una cum Pâ- supplicium perpessum. Nuda enim divinitas non modo
tre ac Filio, tanquam a peccatis libérons, numerelur, paii non puluisset, sed 9iec teneri, nec cerni, nisi ho-
et iti mystica mensa communem panem, proprium in- minum naturœ pro sua benignitate copulata fuisset.
carnationis ipsius corpus reddat : Quid tu, o vesane, Ibid., Epist. 124.
eum quiddam factitium aut creatum, aut servilis na- s Epist. 132.
tures, ac non herilis et effectricis ac regiœ essentiœ 8 Linleum illud eum quo diaconi in sanctis myste-
cognatum et consubslanfialem Spiriium Sanctum esse riis munus suu/n obeunt , humilitalem Domini, qui
doces? etc. Ibid., Epist. 109. discipulorum pedes tavit et extersil, nobis in memo-
* Para illa sindon quœ sub divinorum donorum mi- riam redigit. Id autem amiculum quod sacerdos hu-
nisterio expansa est, Josephi Arimatensis est 7niniste- meris gestaf, atque ex lana non ex lino contextum
rium : ut enim ille Domini corpus sindone involutum est, ovis illius quam Dominus aberrantem quœsivit,
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XXXV. — SAINT ISIDORE DE PÉLUSE. 483

représentation de celui avec lequel Jésus- lui de qui on l'exige est accoutumé de dire
Christ essuya les pieds des apôtres, et dans vrai, ou de mentir; s'il est dans la première
le manteau de laine dont Tévéque couvrait disposition, il dira vrai sans qu'il soit besoin
ses épaules, la figure de la brebis égarée que de l'engager à le dire par serment; s'il a cou-
Jésus-Christ rapporta sur ses épaules après tume de mentir, il mentira en jurant.
l'avoir retrouvée '. L'évoque quittait ce vête- 4. Un nommé Quérénon ', qui contrevenait
ment de laine lorsqu'on commençait la lec- à tous les préceptes de la de Dieu et se
loi

ture de l'Evangile, et se levait en même temps souillait de plusieurs crimes, ne laissait pas
pour marquer que le Seigneur et le Maitre de s'approcher des saints mystères, et de
était présent. Saint Isidore fait remarquer à recevoir impudeniment ce qu'il ne lui était
un Sabellien qui abusait de ces paroles Mon : pas permis de toucher. Saint Isidore, surpris
Père et moi sommes une même chose, qu'il n'est de cet excès de témérité, lui écrivit qu'il ne
pas dit Mon Père et moije suis un, mais sommes
: lui convenait pas de participer à la table du
une même chose. Le mot un marque l'unité de Seigneur, après qu'il s'était rassasié à la ta-
l'essence dans le Père et le Fils; celui de ble des démons. Il l'avertit qu'imitant Judas
sommes fait voir que le Père et le Fils sont dans sa trahison lorsqu'il s'approchait ainsi
deux personnes. La lettre à l'évêque Tribo- de la sainte communion, il pourrait bien,
nien est pour lui représenter les dangers et comme ce traître, se pendre lui-même. Q se
les devoirs de l'épiscopat, chargé par le de- plaint dans une autre lettre ^ de ce que le
voir de sa dignité de connaître les etforts des duc Cyrénius avait fait afficher aux portes
ennemis de l'Eglise, fussent-ils inconnus, les de l'église un placard, par lequel il ôtait à
négligences de son peuple et des moines, les tous les ciloyens de Péluse la liberté de se
désordres des méchants les calamités des ,
justifier en cas d'accusation, et de se réfugier
veuves, les défauts de ses ministres, les fautes dans l'église ce qui donnait lieu à toutes
:

des jeunes gens, les mauvais conseils des sortes de calomnies et à l'oppression de l'in-
vieillards s'il néglige quelques-unes de ces
; nocence. L'événement vériha ce que le saint
choses, non-seulement il en sera puni, mais avait appréhendé ^. Toute la ville fut mise
peut-être encore toute son Eglise avec lui, en désordre par l'arrivée de ce duc et ;

pour avoir élevé à l'épiscopat un homme qui comme les affaires ecclésiastiques y étaient
n'en était pas digne. Celle que saint Isidore déjà dérangées par la mauvaise administra-
écrivit - à Symmaque, renferme en peu de tion de l'évêque Eusèbe, les affaires civiles
mots les persécutions que Théophile ht souf- essuyèrent un sort pareil par le gouver-
frir à saint Chrysostùme, dont il fait un grand nement de Cyrénius. 11 loue Sérénus de son
éloge. 11 témoigne une estime particulière de attention à orner les mémoires des martyrs '^;

ses livres du Sacerdoce, et en conseille la lec- mais il l'exhorte à imiter encore avec plus de
ture 3, disant qu'il est également utile tant à soin leurs vertus. Il ne trouve rien que de
ceux qui en remplissent les fonctions, qu'à juste dans l'ordre que Dieu donna aux Israé-
ceux qui les négligent. 11 n'est point d'avis lites de dépouiller les Egyptiens de ce qu'ils
qu'on exige le serment de personne ou ce- :
avaient de plus précieux parce qu'il est du
,

inventamque humeris suis sustulit, pellem désignât. desperationem prolapsum, simulque et prodilionem
Et cum per adorandorum evangelioruiu apcrtionem perpetrantem et sacrosanctam communionem poslu-
accedit, tum demain episcopus asstirgit, atque imitalio- lantem. Ibid., Epist. 170.
nis habitum deponit : hinc nimirum Dominum ipsum * Chartam nohis cives miserunt pro ecclesiœ foribus
pastoralis artis ducem, ac Deum et herum adesse si-
fixam, quœ omnibus purgandisui potestatem adimil, et
gnificant. Ibid., Epist. 136.
perfugium in ecclesiam claudit. Quod quidem non su-
' Epist. 138. lum crudelitatis, sed etiam impietatis suspicionem ha-
* Epist. 152. — 3 Ibid. 156. bet. Nam si nec causœ dicendœ potestatem facis, nec
* Aiunl nonnulli le, cum omnia quœ divinis legihus fugam in ecclesiam permittis, nimirum hac rationeet
interdicta sunt, facere tum nonnulla etiam ne/aria et calumniatores exucaisti, et injuriaru>7i numerum au~
impia perpelrare : atque intérim tamen manus ad di- xisti. Ibid., Epist. 174.
vina inysteria conlinenter protendere, eaque quœ a te « Epist. 176, 177.
attingi nefas est, impudenter percipere. Ac mihi sane J Pulchrum quidem est pietatis martyres votivis do-
temeritatem atque impudentiam tuam vehementer ad- quemadmodum
nis oritare, tu facis. Pulcfirius autem
mirari subiit, qui cum dœmonum mensis ad saturi- ac prœstantius fuerit eos, per ea quœ cum virtute ac
talem usque communices , dominicœ quoque mensœ laude gesserunt, colère. Quamobrem quibus ornatum
particeps fieriminime iimeas. Vide igitur ne quis te obtulisti, fac iisdem quoque mores offeras. Ibid.,
laqueus corripiat ut Judam, ob temeritatem suam in Epist. 189.
484 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
devoir d'un juge de faire rendre le salaire exempts des travaux ordinaires, de peur
au mercenaire et il dit que, parce qu'ils
*
: qu'ils ne tombassent dans la paresse et la
avaient fait mourir tous les enfants mâles tiédeur mais qu'on devait les conduire par
;

des Hébreux, ils méritaient d'être engloutis degrés à ce qu'il y a de plus parfait. 11 dit à
eux-mêmes dans la mer Rouge. Etre baptisé un de ces nouveaux convertis '^ « Vous vous :

pour les morts ^, c'est, selon lui, êti'e baptisé êtes assujetti à un joug bien dur, vous qui
dans l'espérance d'être changé en un état ne saviez ce que c'était d'en avoir jamais
incorruptible. La ville de Péluse ayant subi aucun, et il est à craindre qu'après avoir
changé de gouverneur, changea aussi de mis la main à la charrue du Seigneur, le
face. Elle fut mieux traitée par Siraplicius; cœur ne vous manque, et que vous ne pa-
ce que saint Isidore attribua à l'intercession raissiez semblable à cet homme dont il est
des martyrs, qu'il appelle les conservateurs parlé dans l'Evangile, qui avait voulu bâtir
de cette ville ^. Il croit qu'on n'a donné le une tour sans avoir prévu auparavant s'il
nom de communion à la participation des avait de quoi fournir à cette dépense. Si donc
mystères que parce qu'elle nous procure
"*, vous avez dessein de devenir un véritable so-
l'union avec Dieu et qu'elle nous rend par- litaire, gardez-vous de prendre votre propre

ticipants de son royaume. Voici un de ses volonté pour règle de votre conduite et de
raisonnements contre les ariens et les euno- vouloir vivre à votre mode mais soumettez ;

miens « Si Dieu est toujours semblable à


:
votre esprit à ceux qui ont déjà foui et cul-
lui-même ^, et s'il ne lui arrive rien de nou- tivé celte vigne spii-ituelle et toute divine pen-

veau, il est nécessairement toujours Père :


dant un long temps et avec beaucoup de tra-
s'il l'est toujours, il s'ensuit qu'il a toujours vail, etqui sont capables de vous instruire
eu un Fils, qui, conséquemment,lui est coé- sans peine de ce que vous aurez à faire dans
ternel. » Il ne fait aucune distinction entre cette profession sainte. Car ce serait une
ces deux sectes ^, sinon qu'elles se sont ef- chose tout-à-fait ridicule de voir que Ton
forcées mutuellement de se surpasser en cherche de tous les côtés les plus excellents
impiétés , Arius disant le Fils créature , Eu- maîtres pour apprendre des métiers vils et
nomius enseignant qu'il est serviteur. Il re- mécaniques, et de nous en fier à nous-mê-
marque que les montanistes se souillaient mes quand il s'agit de nous instruire de cette
non-seulement par des adultères, mais en- divine sagesse, comme si c'était la chose du
core par le sang des enfants qu'ils mettaient monde plus méprisable et la plus basse. »
la

à mort '; qu'ils usaient aussi de prestiges et Il enseigne " que les biens de l'Eglise sont
adoraient des idoles. Il montre que les sa- le patrimoine des pauvres, et que l'économe
belliens, en disant que la sainte et adorable n'est appelé ainsi que parce qu'il leur dis-
Trinité est une hypostase consistant en trois tiibue ce qui leur appartient; que, quoique
personnes *, la détruisaient plutôt qu'ils ne lepaganisme se fût fortifié par la longueur
l'établissaient, et que l'on doit dire qu'il n'y du temps, par les richesses, par la force des
a qu'une divinité et trois hypostases (ou per- armes '"-, par l'éloquence, il est toutefois dis-
sonnes). Sa maxime à Tégard de ceux qui paru; au heu que l'Evangile prêché par des
embrassaient l'état monastique, était qu'il hommes de la he du peuple, pauvres et il-
ne fallait pas d'abord leur faire sentir toutes lettrés, a pénétré partout en très- peu de
les austérités de la règle, de crainte de les temps et presque comme un éclair; que la
rebuter ^ ni aussi les laisser désoccupés et
;
vie monastique est l'accomplissement de tous

» Epist. 196, 198. si semper Pater est, sequitur ut Filium quoque sem-
•2
Epist. 222. per habuerit. Ex quo conficitur eum eamdem cum
3 Pelusiœ commodis Deus adhuc consulii. Adhuc di- Paire œternitatem liabere. Ibid., Epist. 241.
vini cultus semen in ea existit. Adhuc curam miserœ 6 Epist. 246. — '
Ibid. 242.
gérant martyres urbis conservatores. eximia l^enit vir 8 Adorandam ac beatom Trinitatem, unam quam-
virtule prceditus, Siinplicius, prœturœ gubernacula mo- dam tribus personis constantem hypnstasin esse deli-
derans. Ibid., Epist. 226. ravit. Quod quidem très potius delere est. Vna enim
*Divinorum sacramentoru7)i perceptio idcirco com- est Dei deltas, ires auleni hypostases. Ibid., Epist. 247.
munio appellata est, quia tiohis conjunclionem cum 9 Epist. 258. — 10 Ibid. 260.
Deo conciliât, nosque regni ipsius consorles ac parti- " Œconomus hinc diclus est, quod pauperibus quœ
cipes reddit. Ibid., Epist. 228. ipsorum sunt Iribuat. Propria autem ipsorum mérita
" Si Dem sui semper similis est, nec quicquam un- sunt ecclesiastica bona. Ibid., Epist. 269.
quam ipsi accedit Pater semper Quod
sit necesse est. 1^ Epist. 270.
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XXXV. SAINT ISIDORE DE PELUSE. 485

les commandements de Dieu '


; ne connais- du quatrième livre d'où vient apparemment
:

sant ni la colère, ni la méchanceté, ni le que la collection que nous en avons est plus
faste, nil'amour de l'argent, ni l'amour de ample que celle du monastère des acémètes,
soi-même. L'obéissance y est en honneur, qui n'en comptaient que deux mille au lieu :

on sert tout le monde peu inquiet des ;


que nous en avons deux mille douze. Saint
biens du corps, on ne s'y occupe que des Isidore dit à Léandre que le mal n'est pas
biens de l'esprit. La langue, toujours prête ù l'effet de notre nature, comme s'il en était

rendre des actions de grâces et à prier, perd inséparable, mais du hbre arbitre, qui peut
tout mouvement lorsqu'il s'agit de médire. quand il veut, ne pas faire le bien. Il ajoute
Touts'y fait avec raisonetsoumission, suivant que le premier homme ayant, par un effet de
la volonté de celui que l'expérience, le tra- ce même libre arbitre, perdu le salut, Jésus-
vail et le suftiage de Dieu ont chargé du Christ né de lui et qui a véritablement pris
gouvernement, et qui connaît assez les impé- notre nature, le lui a rendu; car, étant vrai
tuosités des vents pour les éviter et en met- Dieu ^, il s'est fait vrai homme; quoique de
tre h couvert ceux qui sont sous sa conduite. deux natures, il n'est qu'un seul Fils de Dieu,
Telle est l'idée que saint Isidore nous donne n'ayant souffert aucun changement dans ce
de la vie monastique. Il en donne une fort qu'il était, lorsqu'il a été fait ce que nous
mauvaise des Cappadociens. A l'entendre, sommes. Il est un ' et le même adorable
leursmœursne valaient pas mieux que celles dans deux natures ^ une , seule personne, une
des Philistins, dont il semble dire qu'ils ti- seule hypostase de la même substance que
raient leur origine -, ni que celles des Ga- le Pèie ^, n'ayant avec lui qu'une nature et
baonites. Il convient toutefois qu'il y a eu de une volonté. Un prêtre tiède et négligent
grands hommes parmi eux. Ecrivant sur la en sera puni mais il ne laisse pas d'être
:

résurrection à un nommé Synadius ^, il dit toujours l'ange du Seigneur "^j parce qu'il
que si Dieu a le pouvoir de créer de rien ce offre le divin sacrifice et qu'il travaille au
qu'il veut, h plus forte raison peut-il renou- salut de plusieurs. Saint Isidore conseille à
veler ce qui est déjà. Il trouve dans les se- Cyrus de s'en tenir à la lecture des livres
mences qu'on jette en terre et dans la pro- canoniques '*, et de laisser aux autres ceux
duction des arbres qui ont été comme morts qui ne sont point dans le canon des divines
pendant l'hiver une figure et une preuve
, Ecritures, bien qu'ils renferment quelque
de la résurrection future de nos corps. Il dit chose d'utile pour les mœurs. Il regarde les
;\ ceux qui sont constitués en dignité, que, premières comme autant d'échelles par les-
pour se faire amis de Dieu*, ils doivent gou- quelles nous moutons vers Dieu. Il dit que
verner de façon qu'ils n'aient égard ni aux les marcionites, au lieu de ces paroles de Jé-
présents ni à l'amitié, mais au mérite et à la sus-Christ Je ne suis point venu détruire la
:

vertu de ceux qu'ils mettent en place. loi ni les prophètes, avaient mis dans leurs

5. Le commencement de la lettre trois cent exemplaires '- « Pensez-vous que je suis


:

troisième^ à Léandre, est le même que celui venu pour accomplir la loi et les prophètes ?
de la deux cent soixante et onzième ce qui ; Je suis venu pour les renverser, non pour
fait voir que d'une on en a fait deux. Il y en les accomplir. » Cette altération tendait à
a plusiisurs autres que l'on a divisées, comme une opposition entre l'Ancien et le
établir
la deux cent sixième et deux cent septième Nouveau Testament; ce qui était une des er-

» Epist. 278. — 2 Ibid. 281, 251, 352. culis contaminatus est, ipse quidem poenas luet; in-
» Epist. 284. — '•
Ibid., 290. — » Ibid. 303. térim tamen angélus Domini omnipotentis est, rtum
« Nnm ciim vere esset Deiis, homo vere effectus est, quia divini sacrificii munere perfungitur, tum quia
ex duabus naturis unus Dei Filins existens, huud qua- muHorum saluti operam dat. Ibid., Epist. 349.
quam ah eo, quod erat immutatus, cuin id quod su- " Sacrosancla volumina quœ divinarum Scriptu)-a-
mus fuctus est. Ibid., Epist. 303. rum testimoniutn habent, scalœ quœdam sunt quibus
' Vnus idemque iti duabus 7iaturis adoratidis. Ibid., ad Deum ascenditur. Quamobrem ea omnia quœ in
Epist. 23. ecclesiaproponuntur tanquam probum aurum excipe,
« Humanœ fcrmentum copulavit ac
conspersionis ut quœ divino veritatis spiritu velut igné purgata
perpurgavit, atque divinitatis suœ igné velul excoxit, sint. Quœ autem extra hoc volumen circumferuntur,
necnon unu cum eo persona atque itna adorandu hij- etiamsi quippiam hubeant, quod ad gravilatem vitœ-
postnsis effectus est. Ibid., Epist. 360. quc honestatem allicere queat, iis qui a tuis certami-
9 Ut Patris et Filii quemadmodum una voluntas, ita nibus remoti sunt investiganda et conservanda relin-
etiam una natura! Ibid., Epist. 353. que. Ibid., Epist. 369.
'" Sacerdos, etiamsi ineriis
atque ignavœ vitœ tna- 12 Epist. 371.
, ,

/i86 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


renrs capitales des marcionites. Quelques mes cause de notre perte , et il est évident
imposteurs s'avisèrent, pour séduire les hom- que c'est à Jésus-Christque nous devons
mes ', de répandre dans le public certains notre salut. C'est lui qui, lorsque nous méri-
écrits quirenfermaient plusieurs événements tions le supplice, nous a donné la justice par
en l'honneur d'Apollonius de Thyanes. Saint le baptême, et qui nous a comblés des grâ-
Isidore en conteste la vérité, soutenant que ces célestes. Mais elles nous seront inutiles,
si ce philosophe avait fait des actions de si nous ne faisons de notre côté ce qui est en

cette nature, Philostrate, qui a écrit sa vie nous. » Et encore « Sans un grand secours
:

avec tant d'exactitude, ne les aurait pas de Dieu nous ne pouvons accomplir non-
'^.

omises. Il annonce les derniers supplices en seulement les choses qui ne dépendent pas
l'autre vie à un nommé Candidus -, pour ne de notre pouvoir, mais celles-là mêmes qui
faire aucun usage du grand nombre de livres en dépendent; mais cette grâce sera donnée
qu'il avait amassés, et pour ne vouloir pas à tous ceux qui font sans aucun détour ce
les prêter à ceux qui voulaient les lire, disant qui est en eux, et qui n'omettent rien de ce
qu'il méritait ce châtiment, pour avoir amassé qui est nécessaire : car si la divine Provi-
un trésor infructueux. dence excite et exhorte à vouloir ceux qui
Selon ce Père ^ l'abstinence du boire et ne veulent pas elle ne refusera pas son se-
;

du manger ne sert de rien à ceux qui ne font cours à ceux qui ont la volonté, et qui font
pas jeûner tous leurs sens. 11 semble dire ce qu'ils peuvent. » Ce Père veut toutefois *
que la piété est en nous par la force de la que dans la guerre sacrée que nous soute-
nature ^ ; mais il faut donner un bon sens à nons contre nos passions, nous ne mettions
cette expression, en rapportant de suite ses point notre confiance en nous-mêmes, mais
sentiments sur la grâce. Dans la lettre au que nous attendions la victoire de Dieu
prêtre Eustathe^, il dit d'abord que la nature nous assurant que nous l'obtiendrons facile-
de l'homme a depuis longtemps en elle des ment, si, dans ce combat, nous mettons notre
semences de vertu et de probité, mais que confiance dans ce secours divin. Il rapporte
maintenant elle est devenue plus portée à la à la grâce de Dieu ^, qui rend sages et éclai-
vertu et plus traitable. Il s'explique lorsqu'il rés les plus grossiers et les plus ignorants,
ajoute que, comme il est de l'industrie des ce qu'il y avait de bon dans ses écrits •<*.
matelots, de seconder les vents favorables 6.Quelques écrivains avaient confondu Phi-
que Providence leur envoie, il faut de
la lippe, un des septpremiers diacres, qui baptisa
même que le travail de l'homme se joigne à l'eunuque de la reine deCandace, avec saint
la bonne volonté que Dieu lui donne pour le Philippe, l'un des douze apôtres ". Saint Isi-
bien, c C'est nous dit-il ailleurs, qui som-
*',
dore ne doute pas qu'il ne faille les distin-

1 Epist. 398. — 2 Ibid. 399. — s Ibid. 403. sed ea quoque quorum nos domini sumus, si non ma-
' Pietas naturœ vi in nobis insita. Ibid., Epist. gna auxilii copia nobis a divinn Providentia adveniat,
431. non poterimus ad perfectum finem exitumque perdu-
5 Cu7n hominum natura virluiis ac probitatis semina cere. Aderit autem id prœsto omnino iis hominibus
jam olim habuerit, nunc cum ea in melius ornata qui absque tergiversatione ac prœtexfu ulîo ea quœ ,

sexcentisque beneficiis ta?iquam coronis i-edimita, ai- pênes se sunt, inferuni, nihilque eorum quœ ad illud
que ad virtuiem obsequentiov tractabiliorque reddita impetrandum conducere videntur, prœlermittunt. Ibid.,
sif, annon illa quoqiie in ea intégra incolumiaque lib. IV, Epist. 171.
mansisse existimas? Ibid., lib. II, Epist. 2. Est au- 8 Ad sacrum bellum cum vitiis carnis gerendum
iem divinœ Providentiœ navigantibus opem ferre : nos conferamus oportet, ut in nobis ipsis fiduciam col-
opéra autem a seipso quemque e.xigere oportet. Ad locemus , verum divino subsidio victoriam permitta-
eumdem igitur modum nos quoque cum divinœ manus mus. Si enim ad hune modum progrediamur, ut om-
munere propensionem ad virtutem natura tributam esse nem quidem apparatum et prœlium et labores ac vi-
perspectum habeumus, lal'ores ipsi conferamus. Sic gilias suscipiamus, in divina autem ope alque auxilio
enim lœtus ac faustus finis comequetur. Ibid. fiduciam nostram positam habeamus, victoriam facile
6 Quod quantum in nobis fuit periimus : quantum consequemur. Ibid., lib. II, Epist. ÎÎ42.
autem in Christo satutem consecuti sumus, omnibus 9 Quoniam scripsisti me, ut par est, omni ratione te
perspicuum est. A'am cmw supplicium mereremur mea in tuas aures per doctrt-
pascere, atque a lingua
ipse per baptismum jusiitia nos donavit ac cœlestibus nam commémorât ione dignam derivare illud rescribo :

gratiis auxit et exornavit. Qund autem nisi ea quœ quod si quid commodi atque eruditi a me scribitur,
nostrarum partium sunt, prœstiterimus , nihil ex hu- hoc divinœ ac cœlestis gratiœ esse existimare debes,
jusmodi quœstu et gratia commodi capiemus. Ibid., quœ rudes etiam et imperitos sapientes facit. Ibid.,
Epist. 61. lib. II, Epist 21G.
<
Non solum ea quce non sunt m tiostra potestate, 10 Lib. II, Epist. 218. — " Lib. I, Epist. 447.
V* SIECLE. CHAPITRE XXXV. — SAINT ISIDORE DE PÉLUSE. 487
guer l'un de l'autre. 11 le prouve par ce qui exempt de tentations au milieu même des
est dit dans les Actes •, que, s'étant élevé une déserts, puisque Jésus-Christ y fut tenté '.

grande persécution contre l'Eglise de Jéru- Mais le désert a du moins cet avantage, qu'on
salem, tons les fidèles, du nombre desquels peut n'y être point troublé par l'inquiétude
était le diacre Philippe, furent dispersés en des mauvaises affaires, ni par des discours
divers endroits de la Judée et de la Samarie, contre la pudeur ^ ; et qu'on peut y vivre
excepté les Apôtres. D'après saint Isidore, éloigné du faste, de l'ostentation et de la
ce fut le diacre Philippe qui instruisit dans bonne chère. Il est même essentiel à un
la foi les Samaritains et Simon le Magicien. moine d'embrasser avec ardeur tout ce que
S'il avait été apôtre, n'aurait-il pas donné le sa profession a de plus dur et de plus péni-
Saint-Esprit par Timposition des mains, à ble '-*,
s"il désire sincèrement son salut. S'il

ceux qu'il avait baptisés dans cette ville ? est inconstant, change souvent de de-
s'il

Mais il se contenta de les baptiser comme meure pour avoir une nourriture plus abon-
disciple, et les apôtres vinrent ensuite leur dante "^
; c'est quitter la croix, qui doit être
imposer les mains. La lettre à Cynégiiis - est la compagne de la vie religieuse, se perdre
pour l'engager à traiter ses domestiques et et être aux autres un sujet de scandale. Il
ses esclaves avec humanité. 11 lui représente parait que dans chaque monastère les moi-
que nous ne sommes qu'un avec eux, soit nes portaient suj' leurs habits quelque mar-
que nous les considérions par rapport à la que distinctive qui les faisait reconnaître *'.
nature, soit par les principes de la foi, soit Saint Isidore en reçut un qui sortait du mo-
par rapport au jugement dernier qu'ils sont ; nastère de l'arcliimandrite Luc. 11 demanda
hommes comme nous, et que s'ils nous sont grâce pour lui à cet abbé, mais en supposant
soumis, c'est ou par le sort de la guerre, que ce n'était point un incorrigible. Il con-
ou par quelque f\utre événement qui ne seillait à l'abbé Paul '^d'occuper ses moines
change rien à ce qu'ils ont de commun avec du travail des mains, soit pour gagner de
nous. quoi se nourrir, soit pour se mettre à couvert
7. Dans un grand nombre de lettres de des tentations. Il ne voulait point qu'ils affec-
saint Isidore, qui concernent l'état monasti- tassent de bien parler *3, ni que ceux qui

que on peut remarquer qu'il le fait con-


^, avaient le talent de la parole cherchassent à
sister surtout dans la retraite et dans l'obéis- plaire à leurs auditeurs par une déclamation
sance; que la retraite renferme l'oubli des trop étudiée. 11 leur défend aussi la lecture
choses que l'on a quittées et le renoncement des auteurs profanes '^, comme capable de
à ses anciennes habitudes; que l'obéissance salir leur imagination et de réveiller d'an-
engage à la mortification de la chair. L'habit ciennes passions.
d'un moine doit être de poil *, s'il est possi- '8. 11 donne à sainte Thècle
'^ le titre de

ble, et sa nourriture d'herbes, à moins que première martyre, semble, qu'il y


et dit, ce

la faiblesse de son tempérament n'exige avait alors ime église qui poilait son nom.
quelque chose de plus en quoi il doit se ;
Il loue le comte Henninus, qui donnait à son

rapporter au jugement de son supérieur; monastère les prémices et la dîme de ses


car il ne faut pas qu'il se gouverne selon sa terres '^, disant que par là il rendait au Sei-
propre volonté ^, mais suivant la volonté de gneur ce qu'il en avait reçu. En écrivant au
ceux qui ont vieilli dans la pratique de la vie prêtre Caliope '^, il dit qu'il ne faut pas s'é-
religieuse. Comme il n'est pas possible de tonner que Dieu étende les eflets de sa co-
vivre d'une manière convenable à cet état lère jusque sur les temples, de même que
dans le tumulte des aflaires ^, il doit s'en sur ses saints mystères, qu'il le fait pour
éloigner, sans toutefois se flatter d'être épouvanter les pécheurs véritablement di-

' Epist. 448, 449, 450. — « Ibid. 471. spectantium asperitatem tenueris, verum primœ mar-
^ Lib. Epist. 1.
I, — » Ibid., Epist. 5. tyiis Theclœ et mores et templuni amaveris. Lib. 1,
5 Ibid.. Epist. 260. — 6 Ibid., Epist. 25. Epist. 160.
Ibid., Epist. 75. — » Ibid., Epist. 92 et 220. 16 Prccclare Dominum ornas, cum nofjis fructuum
3 Ibid., Epist. 110. tuorum primilias tribuis , decinmmque partem ex uber-
'" Ibid., Epist. 41, 173, 314. terrœ tuœ ei a quo accepisti, pendis. Lib.
tote I .

>' Ibid., Epist. 318. — »2 U)id., Epist. 49. Epist. 317.


>' Ibid., Epist. 62. — »* Ibid., Epist. 63. »"
Ibid., Epist. 73.
>s Prœstantiorem te esse omnes aiunt, ut qui non
488 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
gnes d'éprouver les rigueurs de sa justice et par le temps qu'elles ont duré mais exami- ;

les porter à la pénitence. ner si le mal se rencontre dans les pratiques


anciennes et le bien dans les nouvelles. Il
§11- témoigne avoir appris d'un homme qui ai-
Deuxième livre des lettres de saint Isidore.
mait la vérité ^, qu'un jeune et misérable fou
ayant conçu une passion violente pour une
1. Un lecteur, nommé Timothée, avait de- vierge très-chaste, celle-ci, voulant travailler
mandé à saint Isidore le sens de ces paroles à le guérir, se fitraser les cheveux, se cou-
de l'Apôtre Nous portons ce trésor dans des
'
:
vrit le visage d'une pâte avec des cendres,
vases de terre. Ce Père répond qu'on doit les eten cet état le fit entrer dans sa chambre.
entendre des dons surnaturels que Dieu a Ce jeune homme, frappé de cet objet, rentra
faits aux ministres de son Eglise dès son en etfet aussitôt en lui-même sa passion ;

établissement, c'est-à-dire du pouvoir de res- criminelle s'éteignit tout-à-coup, et il se sen-


susciter les morts, guérir les malades, chas- tit porter à vivre dans la chasteté. Le prêtre
ser les démons, donner le Saint-Esprit, re- Zosirae continuant de vivre dans les dérè-
mettre les péchés en ce monde et en l'autre. glements de sa jeunesse, saint Isidore lui
N'est-ce pas là porter un trésor dans des va- écrivit de s'abstenir de monter à l'autel^, de
ses d'argile ? 11 ajoute qu'à raison de toutes crainte que la foudre ne le frappât de mort.
ces grûces dont Dieu a favorisé en particu- Il se plaignit à l'évêque Lampétius ^ du peu

lier le prince des apôtres, celui qui obtenait de soin qu'il prenait de ce mauvais prêtre,
alors l'empire de la terre et de la mer ^, est lui représentant qu'il n'en était pas de l'âme
allé au sépulcre de ce pêcheur baiser ses comme du corps qu'ayant une volonté et
;

ossements. Il enseigne ^ que la vie déréglée un y avait toujours à espé-


libre arbitre, il

des ministres de l'Eglise, n'empêche en au- rer; qu'on en avait vu qui étaient passés des
cune manière l'effet des sacrements dans plus grands vices aux plus grandes vertus;
ceux qui les reçoivent de leurs mains; qu'on qu'au reste, quoique Zosirae se corrigeât ou
ne doit avoir là-dessus aucune inquiétude ; ne se corrigeât point, il serait toujours ré-
que Dieu se servit de l'impie Balaam pour compensé du soin qu'il aurait pris de sa con-
bénir son peuple que le scélérat Caïphe
; version. Il remarque ^ que lorsqu'on consul-
prophétisa, la grâce ayant agi sur sa langue tait les prêtres touchant les personnes à qui
sans agir sur son cœur. Il dit contre un païen on pouvait donner de son bien ^, ils conseil-
qui accusait l'Evangile de nouveauté ^, que laient de le faire aux pauvres mais si on ;

si Jésus-Christ eût voulu que les choses res- leur avait donné sans demander leur con-
tassent sur le même pied, il lui eût été inutile sentement, ils le recevaient, non qu'ils crus-
de rien tenter de nouveau mais que s'il est ; sent qu'il fût mieux de leur donner qu'aux
venu pour réformer ce qu'il y avait de dé- pauvres, car Jésus-Christ n'est pas venu pour
fectueux, il a eu besoin d'établir de nouvelles remplir les églises d'or et d'argent mais ,

choses pour détruire les mauvaises qui éta ient pour ne pas contrister celui qui leur avait fait
passées en usage que lorsque l'utihté se
; une donation. L'explication qu'il donne à ces
trouve jointe à la nouveauté, ce n'est plus dernières paroles de l'Evangile selon saint
un crime d'innover que l'on ne doit pas
; Jean, est remarquable Jésus a fait tant d'au-
:

juger de l'utilité ni de la bonté des choses tres choses, que si on les t'apportait en détail,

» Epist. 5. 4 Epist. 4B. — 5 Ibid. 53.


2 Qui terrœ et maris imperium obtinet, ad piscaio- Plane constat te Epicuri morbo laborare, nec quod
6

ris sepulcrum ex osculandorum ossium causa se con- animi hnbeas, premere ac continere passe, verum ip-
fert. Lib. II. Epist. 5. sius dogmata per opéra confirmare. Quamobrem in-
* Is qui initiatur, quantum ad salutaria symbola terdic tibi ipsi divine altari, ne forte in tuum caput
spectaf, ex improha sacerdoiis viia nullo damno affi- fulmen grassetur. Ibid., Epist. 73.
citur, verum ipse prorsus atque omnino divinis atque '<
Epist. 79. — 8 Ibid. 74.
omni dicendi facultate prœstaiitioribus Leneficiis frue- Si quis dicat, consecrare atque appendere aliquid
9

iur. Sacerdos auiem graviores vitœ suce rationes subi- volo, id eum pauperihus dari jubent (sacerdotes). Sin
bit... Quid Balaam illo impurius ac scelestiusexiitit? autem id jam ipse fecerit, non modo eum non incre-
Et tamen ipsius lingua Deus ad benedictiones abusus panf, verum efiam blande ac leniter admittunt : non
est. Quid Caipiha sceleratius? Et tamen vaticinatus quod hoc illo melius ac prœstantius esse ducant, non
est, et gratia Unguam qnidem ipsius letigif : at non enim propterea Christus venit ut ecclesias aura et
mentem item tetigit. Ibid., Epist. 37|; vid. Epist. 32^ argento impleat, sed ne eum qui hoc donarium obtu-
et lib. III, Epist. 34, 394. lit, animi anxietate officiant. Ibid., Epist. 88.
[v« SrÈCLE.] CHAPITRE XXXV. — SAINT ISIDORE DE PELUSE. 489

je ne crois pas que le monde entier put contenir dessein sacrilège. Saint Isidore dit à saint
les livres qu'on en écrirait. Un juif y trouvait Cyrille qu'au lieu demenacer Martinien de
de l'hyperbole. Saint Isidore ne le nie pas ' : l'€xcommunication, il aurait dû l'excommu-
mais, après lui avoir cité plusieurs endroits nier en effet. 11 le supplie de ne pas lui par-
de l'Ancien Testament qui ne sont pas moins donner après cette rechute
renvoyer ; de le
hyperboliques, et dont il lui demande une à Péluse avec des évêques capables de revoir
explication littérale, il s'exprime ainsi on : les comptes de l'Eglise, pour obliger Marti-
ne lit pas dans saint Jean que Jésus-Christ nien de payer ce qu'il lui devait et de dé- ,

ait fait tous ces miracles dans le monde, mais poser l'évêque Eusèbe, ou du moins de lui
indéfiniment qu'il en a tant fait, que le monde donner un curateur qui le pût empêcher de
entier ne pourrait contenir les livres qu'on tomt)er à l'avenir dans des fautes aussi nota-
en écrirait. Or, Jésus-Christ a tant fait d'au- bles que celles qu'il avait faites jusqu'alors.
tres miracles avant même que le monde fût 2. Saint Isidore établit pour maxime^, que

fait, ne serait pas possible ni de les


qu'il l'homme étant doué du libre arbitre, ce
écrire ni de les raconter. Qui connaît on effet n'est ni par la force, ni par la contrainte,
la nature des compagnies célestes, leur or- qu il acquiert le salut, mais par la douceur
dre, leur beauté, leur charité, leur paix et et par la persuasion; en sorte que tous étant
les autres merveilles qu'on ne peut douter arbitres de leur salut, ceux-là sont justement
avoir été faites par Jésus-Christ le Verbe de récompensés ou punis qui ont choisi de vivre
Dieu? Il prouve par l'autorité de l'Ecriture -,
,
bien ou mal. Il préfère la virginité au ma-
que le péché d'un prêtre est beaucoup plus riage ^ et dit à ceux qui révoquaient en doute
;

grand que celui d'un laïque. En effet, il était ce que Jésus-Christ a dit du jugement der-
ordonné d'offrir le même sacrifice pour le nier 7, que, puisque tout ce qu'il a prédit est
péché d'un prêtre, que pour le péché de tout arrivé, on ne peut douter que ce qu'il a dit
le peuple. Mais la grandeur de ce péché ne du jugement dernier n'arrive aussi, l'évé-
vient point du péché même ^, qui n'est pas nement d'une partie des choses prédites étant
d'une nature différente dans un prêtre ni une preuve que l'autre partie aura aussi
dans un laïque elle vient de la dignité de
: son accomplissement. 11 ne blâmait pas ceux
ce ministre qui, s'étant chargé de gouverner qui rapportaient tout r.\ncien Testament à
les autres, aggrave son péché par la dignité Jésus-Christ ^; mais il ne croyait pas non plus

dont il est revêtu. Dans une longue lettre à que tout ce qu'il contient soit dit de lui. Il dit
saint Cyrille *, il lui fait le récit de la ma- des évêques qui, peu soigneux du salut des
nière dont un moine, nommé Martinien, avait âmes ^, ne s'occupent que du faste et d'a-
été fait prêtre de Péluse parl'évêque Eusèbe, masser de l'argent, qu'ils déshonorent leur
après avoir été rejeté comme un hypocrite propre personne et non pas le sacerdoce.
par Annomius par un autre évoque com-
et ; Il y en av;iit qui demandaient pourquoi
ment il avait obtenu d'Eusèbe la charge d'é- Jésus-Christ était ressuscité avant que les
conome, et comment il avait dissipé tout le trois jours fussent écoulés ? Saint Isidore ré-
bien de l'Eglise de Péluse, employant même pond : « Jésus-Clirist, en ressuscitant plus tôt
pour cela, à ce qu'on prétendait, le sortilège même qu'il ne l'avait prédit, n'en faisait que
et la magie. 11 ajoute que, non content de ces mieux voir sa puissance, et fermait par une
crimes, envoyé de l'argent à Alexan-
il avait prompte résurrection la bouche aux Juifs;
drie, dans l'espérance d'y obtenir un évêché ;
au contraire, en ressuscitant plus tard que
qu'en ayant été repris par saint Cyrille, il les trois jours,il aurait laissé lieu de soup-

s'était moqué de ses menaces et était allé çonner de fraude dans sa résurrection.
la
lui-même en cette ville pour faire réussir son Jésus-Christ a accompli exactement ce qu'il

» Epist. 99. * Epist. 127.


« Epist. 121. et lib. III, Epist. 18. ^ Neque enim vi et coactione, sed persuasione ac le-
3 Tamen non idem est laicum peccare quod sacer- nitate hominum
salus comparalur. Unde etiam suœ
dotem. Idque ex lege perspicue constat. Tuidum enioi quisque sa/utis arbitrium hahef, ut et qui corona do-
ea pro sacerdote peccante sacrificium offerri prœcipit, nantur, et qui suppliciis afficiuntur, juste quod elege-
quantum pro U7iiversa piebe. Majus porro peccatum rint, percipiant. Ibid., Epist. 129.
efpcitur, non ob naturam, sed ob perpeiraidis dignita- ^ Bonum est matrityionium : at melior est virgini-
tem. Nam qui id sihi sunipsit ni aliorum mores com- ias. Ibid., Epist. 133.
ponat ac moderetur, si ipse labalur, mnjus ob digni- » Epist. 137. — 8 Ibid. 193. — 9 Ibid. 200.
tatis suœ gradum peccatum reddit. Ibid., Epist. 121.
490 HISTOIHE GÉNÉllÂLE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
avait prédit, c'est-à-dire qu'il ressusciterait unie par la vraie foi et par la bonne vie; » et
le troisième jour, et non pas après trois après avoir distingué cette Eglise des tem-
jours. Or, il est mort le vendredi, et n'est plesoù elle s'assemble, il dit qu'il aimerait
ressuscité que le dimanche au lever du so- mieux avoir vécu dans le siècle des apôtres,
leil. Il a donc été mort pendant trois jours :
où l'on n'avait point de temples matériels,
chaque jour est composé de vingt-quatre ou dans des siècles où les temples étaient
heures; et en quelque heure de ces vingt- moins ornés de toutes sortes de marbres,
quatre, qu'il soit mort ou ressuscité que ce , mais où les fidèles étaient remplis de beau-
soit à la première ou à la dernière, c'est un coup plus de grâces célestes. Il n'exclut pas
jour, en prenant une partie pour le tout. » toutefoisde l'Eglise catholique les pécheurs
Saint Isidore nous donne cet exemple •
:
ou mauvais chrétiens, puisqu'il dit ailleurs
« Si l'on disait à un prisonnier le vendredi que tous les fidèles, dispersés par toute la
au soir : Dans trois jours vous sortiiez de terre, composent le corps de Jésus-Christ ^.
prison, cela s'entendrait qu'il en sortirait le C'est de cette Eglise universelle qu'il ajoute®
dimanche. » C'est de cette sorte qu'il explique qu'elle a été plusieurs fois attaquée, mais
ce que dit encore Jésus-Christ, qu'il serait elle n'a jamais été et ne sera jamais étouffée.
trois jours et trois nuits dans le ventre de la Quant aux Eglises particulières comme celle
terre, comme Jonas avait été trois jours et de Corinthe, elles sont membres de l'Eglise
trois nuits dans le ventre d'une baleine. universelle. Il ne croit pas que celui-là puisse
(( C'était, dit-il, une manière de parler en être utile à ses sujets ^, qui est parvenu à
usage chez les Juifs, de ne point séparer la l'épiscopat sans avoir passé par les degrés
nuit du jour, ni le jour de la nuit. Si un inférieurs suivant les canons de l'Eglise. Il
homme naissait un peu avant le coucher du explique polygamie des patriarches * sur
la
soleil, le premier jour du mois, ce jour lui la nécessité où ils se trouvaient d'avoir une
était compté tout entier, quoiqu'il n'eût peut- nombreuse postérité. En expliquant les pre-
être eu qu'une heure de vie en ce jour-là.» Il mières paroles de l'Oraison dominicale ", il dit
fait remarquer à Denys ^, qui ne pouvait que nous n'y demandons ni l'empire, ni les
s'imaginer que tout homme qui gouverne, richesses, ni la beauté, ni la force, ni aucune
soit établi de Dieu pour gouverner, que saint des choses qui périssent, puisqu'il nous est
Paul n'a point dit Il n'est aucun prince qui
:
même ordonné de ne point nous y attacher
ne soit établi de Dieu; mais « il n'y a pas de quand nous les avons; mais les biens de
puissance qui ne vienne de Dieu,» distinguant l'âme et il met de ce nombre le pain quo-
:

la puissance, de celui qui en est revêtu. Il tidien nécessaire à la conservation du corps;


ci'oit que ce n'est pas assez à un évcque d'a- car de ne demander, dit-il, que ce pain quo-
voir de bonnes mœurs 3; qu'il lui faut encore tidien, c'est le fait d'une âme vraiment rem-
de la science et de la facilité de parler de ; plie de sagesse. Il réduit la connaissance que
crainte que, succombant dans des disputes nous devons avoir de Dieu **^, à savoir qu'il
touchant la foi, les ennemis de la religion est , à fuir le vice et à pratiquer la vertu ;

n'en prennent occasion d'accuser la religion n'étant nullement nécessaire de vouloir ap-
même de faiblesse et de peu de solidité, profondir son essence, d'autant qu'elle est
plutôt que d'accuser l'évêque d'ignorance. au-dessus de la capacité de l'esprit humain.
Jl définit l'EgUse * « L'assemblée des saints

1 Lib. I, Epist. 114. honestata sunt, Ecclesia autem spiritualibus illis gra-
« Epist. 217. — 3 Ibid. 235. tiis nuda et vacua est. Ibid., Epist. 246.
* Natn quod sanctorum cœtus ex recta fide, algue ^ Ârbitror quia quotquot ubique vivunt homines Ec-
optima Vivendi ratione collectus, Ecctesia sit, inter clesiœ universalis sub sole per totum orbem dispersa:
eos constat, qui sapientiamdegustarunt... Apostolorum corpus constituunt Christi, Corinthi vero pars erant
tempore cum Ecclesia et spiritualibus gniliis abunda- hujus corporis... et membrum Ecclesiœ universalis
ret, et vitcf; splendore afflueret, nuUa temp/a erunt, et ubique locorum diffusée. Lib. II, Epist. 103.
nostia tenipestate templu plusquam par sit exornata 6 Lib. III, Epist. 5.
siint, Ecclesia autem comicis cavillis incessitur. Ego '•
eum qui ad hoc imperium [sacerdotii) ante
Aio
vero si mihi optio daretur temporibus illis fuisse , prosiliit quam ecclesiasticarum sanctionum imperium
mallem, in quibus templa quidem ?ion perinde ornata sustinuerit, haudquaquam ad subditorum utilitatem
erant, Ecclesia autem divinis ac cœlestibus graliis hujusmodi provinciam persequi. Lib. II, Epist. 264.
undique cincta et redimita erat, quam his nostri^, in » Epist. 274. — 9 Ibid. 281. — »« Ibid. 297.
quibus templa quidem umiiis generis marmoribus co-
^91
[v' SIÈCLE.] CHAPITRE XXXV. SAINT ISIDORE DE PÉLUSE.
m- suit la fête de Pâques car les Juifs célé-
:

§
braient la pâque le soir; et le lendemain, ils
de saint Isidore.
faisaient la fête des azymes, donnant à ce
Livre troisième des lettres

jour comme à toutes les autres fêtes le nom


Celui-là paraît éloquent à saint Isidore
*
\ .

qui exprime sa pensée avec netteté ;


mais il de sabbat. Il concilie ce que David dit de la
ne juge pas de même de celui qui, affectant beauté de Jésus-Christ ^ avec ce qu'Isaïe dit
des termes savants et sublimes, rend obscu- de sa ditformité, en disant que le premier
res les choses les plus claires. Il loue le pre- parle de sa divinité le second parle de son
,

mier parce qu'il tâche de se rendre utile à humanité, et qu'il fait suitout allusion aux
ses auditeurs; il blâme le second, parce qu'il opprobres dont Jésus-Christ s'est couvert
ne cherche qu'à contenter sa vanité. Sa leltie lors de sa passion. Il soutient que le diable

à Pallade -, est pour lui persuader que la foi ne connaît nos pensées que par conjecture ^
seule ne suffisait pas pour le salut, et qu'elle c'est-à-dire par les mouvements de notre
ne méritait pas même le nom de foi, quand corps avec lesquels ces pensées ont du rap-
elle se trouve destituée de bonnes œuvres. port, et c'est sur ces conjectures qu'il
que
11 est vrai que la foi justifie mais cette foi qui ; nous dresse des embûches pour nous faire
justifie, exige qu'elle soit suivie de bonnes tomber dans le mal.
œuvres et il faut que celui qui a été élevé par
;
2. Parce que Dieu nous accorde de faire

la grâce, soit orné par ses propres œuvres, pénitence ^, ce n'est pas une suite que nous
pour ne point passer pour un ingrat. Il met devions pécher de nouveau, comme s'il de-
le commencement des septante semaines de vait encore nous accorder la même grâce.
Daniel ^, à la vingtième année du règne Outre qu'il en est mort plusieurs qui ont été
d'Artaxerxès Longue -Main, auquel temps punis de leurs crimes sans avoir eu le temps
Néhémie commença à rétabUr Jérusalem; et d'en faire pénitence, les crimes ne s'expient
la fin à la guerre des Juifs par Vespasien, ordinairement que par une pénitence de
général de l'armée de Néron, et depuis em- longue durée, par les travaux, par les jeû-
pereur lui-même. C'est de l'âme humaine nes, par les veilles, par les prières, par les
qu'il croit que l'on doit entendre ces paroles aumônes. Les richesses sont bonnes ^, mais
de la Genèse * Faisons l'homme à notre image
: pour ceux qui savent en bien user et les ad-
et ressemblance. Quant à ce que dit saint Paul, ministrer sagement. La pauvreté est bonne,
que l'homme est l'image de Dieu, et la femme mais pour ceux qui la supportent avec une
l'image de l'homme , saint Isidore répond que âme forte et courageuse. Les honneuis sont
la femme jouissait d'abord des mêmes pré- bons, mais pour ceux qui en usent pour la
rogatives d'honneur et des mêmes droits ; défense et le soulagement des affligés et des
mais que ces droits et ces prérogatives ont opprimés. L'empire est bon, mais pour celui
été diminués par son péché, ayant depuis ce qui gouverne avec équité, et qui ne se sert
temps-là été assujettie au domaine de son pas de sa puissance pour se venger de ses
mari et que c'est ce que veut dire l'Apôtre
, inférieurs. La force est bonne, mais pour
lorsqu'il l'appelle l'image de l'homme. On celui qui l'emploie à la défense du faible. Ce
lui avait demandé pourquoi l'homme qui n'est donc pas les choses en elles-mêmes
avait le domaine sur tous les animaux, en qu'il faut accuser, puisqu'elles peuvent être
craint aujourd'hui la plupart : à quoi il ré- l'instrument de la vertu mais la mauvaise ,

pond qu'il est déchu de ce domaine par son disposition de notre cœur qui fait que nous
péché et qu'il était juste qu'il fût excité à en
, usons mal des choses bonnes. Le baptême
faire pénitence parmême que les la terreur n'efface pas seulement la tache transmise à
animaux lui entend par le sab-
inspirent. Il la nature humaine par le péché d'Adam ***,
bat second premier, dont il est parlé dans mais il confère aussi beaucoup de grâces,
l'Evangile ^, le premier jour des azymes qui rendant enfants adoptifs de Dieu, ceux qui le

1 Lib. m, Epist. 42. dem spatium habuisse, ut qui infer ipsa flagilia pœ-
* Episl 73. — Ibid. 89. — Ibid. 95.
3 * nas persolverent ; deinde pœnitentiam diuturno tem-
» Epid. 110. — Ibid. 130. — Mbid. 156,
6 pore vitia curare solere. Nam et laboribus , et jejunio
8 Neque enini quia pœnitentiam divino mitnere no- et vigilia, et eleemosyna et precibus, atque omnibus
bis co>icessam esse audis, idcirco ad peccandum pro- id genus rébus opus habet , ut contracta vulnera
yredere, tanquam omnino sanitalem adepturus : verum sanenlur. Lib. IIF, Epist. 157. — 9 Epist. 172.
illud scito primurn quidem tnultos ncc pœnitendi qui- 10 Ne hoc existii}ies, baptismuni peccata tantummodo
492 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
reçoivent. On doit écrire sur l'eau l'inimitié, même peine? Le saint répond **
que Caïn fut
afin qu'elle s'etface aussitôt; et l'amitié sur l'ai- puni pour son péché, parce qu'il ne voulut
rain, afin qu'elle dure toujours. Saint Isidore pas l'avouer, et que il le nia; que La- même
prouve l'immortalité de l'âme ', non-seule- mech au avoué le sien sans
contraire, ayant
ment par l'autorité de l'Evangile, mais en- qu'on l'interrogeât, en avait obtenu le par-
core par le consentement des poètes ^, des don d'où il infère que nous devons éviter
:

orateurs et des philosophes païens. Il ne re- avec soin le péché mais lorsque nous l'avons ;

connaît de véritable paix que celle qui est commis, ne point l'augmenter en le niant. Il
ornée de la piété et de la justice ^; et dit * appelle la célèbre croix de Jésus-Christ ^, la
que de même que le corps vit en présence splendeur et le soutien non-seulement de la
de l'âme, l'âme vit en présence du Saint-Es- terre, mais encore du ciel. Il dit que comme
prit et que comme le corps meurt lorsque
; le manteau et le bâton ne font point le phi-
l'âme se retire, de même l'âme perd la vie losophe, mais la facilité de parler et la bonne
bienheureuse lorsque le Saint-Espi'it se retire vie ; de même l'habit et la récitation des
d'elle. Il prouve contre les ariens et les eu- prières usitées dans l'Eglise ne font pas le
nomiens, que si l'on devait prendre à la let- chrétien, mais la vie et les mœurs conformes
tre ces paroles de l'Evangile Le Fils ne fait : à la droite raison. Voici l'ordre dans lequel
rien de lui-même, il serait moindre que nous, il aux jeunes gens les livres de Sa-
conseille
qui faisons plusieurs choses de nous-mêmes^: lomon premièrement, les Proverbes, en-
**^
:

car nous fuyons le vice et nous pratiquons la suite l'Ecclésiaste, puis le Cantique des Can-
vertu. Aussi le Fils ne dit pas qu'il ne peut tiques. Sa raison est que le premier de ces
rien faire qu'il n^en ait reçu le pouvoir du livres enseigne les vertus morales; le second
Père, mais que ce qu'il voit faire au Père : fait des biens de ce
connaître la vanité
ce qui marque une égalité d'honneur et de monde, et le troisième inspire l'amour des
force et une même substance dans le Père et biens spirituels, et représente le bonheur
le Fils. Ces hérétiques soutenaient que le d'une âme qui en est possédée. Sur ces pa-
Fils est créature. « Si cela est, répond saint roles de l'Epître aux Romains Ceux quil a
:

Isidore ^, comment le Fils établit-il une com- appelés selon son décret, il que la grâce,
dit
paraison entre le Père et lui la comparaison , mêlée avec l'industrie humaine " et avec
ne se faisant qu'entre les choses de même l'activitéde l'âme, sauve l'homme, et que
nature? » La lettre à Zenon est un gémis- "^
c'est pour cela que l'Apôtre, en qui Jésus-
sement continuel sur les désordres de l'Eglise Christ parlait disait que Dieu coopère avec
,

de Péiuse, surtout sur la simonie et le dérè- ceux qu'il a appelés selon sou décret; car ce
glement des mœurs des ecclésiastiques. La n'est pas la vocation seule, puisque tous sont
plupart de ses autres lettres roulent sur ces appelés, quoique tous n'obéissent pas à la
deux articles. vocation, mais le décret et la volonté d'obéir
qui opèrent le salut dans ceux qui sont ap-
§IV.
pelés : la vocation n'étant ni contrainte, ni
violentée, mais volontaire. Et sur celles-ci
Livre quatrième des lettres de saint Isidore.
du même Apôtre '^ : Dieu les a livrés à un sens
1 . On avait demandé à saint Isidore pourquoi dépravé, en sorte qu'ils ont fait des choses indi-
Caïn et Laraech, qui étaient l'un et l'autre gnes de la raison ; qu ils ont été remplis de toute
coupables d'homicide, n'avaient pas subi la sorte d'injustice, il remarque qu'ils étaient

delere, verum et adopfionem, et divinam cognatio- lare non solum terrœ, sed et cœli fulcrum et splendo-
nem , ac sexcenta alia bona procreare. Lib. III, Epist. rem. Lib. IV, Epist. 32. '» Epist. 39. —
i> Divina gratia humanœ mixta industries animique
195.
» Epist. 211. — 2 Ibid. 235. — 3 Ibid. 246. promptiludini, salvum facit hominem. Quocirca etiam
*Ut enini corpus prœsente anima vivit ; sic etiam Apostolus, qui Christum habebat in se loquentem, di-
anima diuino Spiritu prœsente : et quemadmodum re- cebat : Cooperatur iis qui secundum propositum vo-
cèdent e anima, corpus morluum manet; sic etiam re- cati sunt non enim sola vocatio {omnes enim vocati
:

cedente Spiritu Sancto, anima beatam vitam a^nittet, sunt quidem, sed non obedierunt vocationi), verum,
non quidem illa in nihilurn dilabens, verum morte etiam propositum voluntatis animique propensio et
quavis acerbiorem vitam ducens. Lib. Epist. 2o2. studium obsequendi in vocatis salutem operatur. Non
5 Epist. 335. — 6 Ibid. 342. — ^ Ibid. 408. enim coacta est vocatio, neque violenta, sed voluntaria
8 Ub. IV, Epist. 8. ac spontanea. Lib. IV, Epist. 51.
liceat appel- '2 Ibid. I, 28, 29.
9 Celeberrimam Christi crucem merito
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXV. — SAINT ISIDORE DE PÉLUSE. 493

déjà remplis d'iniquité lorsque Dieu les a li- n'est pas de la même substance que la na-
vrés à un sens dépravé, c'est-à-dire qu'il les ture de Dieu ni une partie, quoiqu'elle soit
;

a abandonnés à eux-mêmes, destitués de son immortelle. En effet, si elle en était une par-
secours et de sa protection comme fait un , tie, elle n'aurait pas péché, et n'aurait pas
général d'armée qui, ayant des soldats déso- été condamnée. Il faut donc la regarder
béissants, les abandonne sans les secourir comme l'ouvrage de Dieu. Quand l'Ecriture
de ses conseils '. Et sur celles de saint Jac- se sert du terme de génération pour marquer
ques L'homme est justifié par les œuvres et
: la manière dont le Fils est né du Père^, c'est
non pas seulement par la foi, il dit qu'il est pour exprimer l'identité de sa nature avec
nécessaire que les bonnes œuvres se mêlent celle du Père l'engendré et celui qui en-
,

avec la foi pour l'animer -. Il répond à ceux gendre étant véritablement de mémo nature;
qui ne trouvaient pas assez d'éloquence dans et afin que l'on ne s'imaginât pas qu'il y ait
les Ecritures divines ^, que si la vérité nous une distance de temps dans cette génération,
était proposée dans des discours ornés, elle il est dit dans l'Evangile selon saint Jean Au :

ne serait intelligible qu'aux savants au lieu ; commencement était le Verbe. La suite de ces
qu'étant proposée avec plus de simplicité, paroles marque sa cousubstautialité, son
les ignorants comme les savants, les enfants union avec le Père, son éternité et sa divi-
et les femmes peuvent l'entendre et la con- nité.On voit par la lettre cent quarante-troi-
naître. convient qu'il y a des endroits obs-
Il sième, qui est sans inscription *, combien le
curs dans les livres saints*, mais qu'on peut saint désapprouvait un traité que l'empereur
les éclaircir par ceux qui sont clairs ;
que s'il avait fait avec les P)arbares, à cause d'un ser-
y en a qui demeurent obscurs, on ne laisse pas ment capable, dit-il, d'allumer la colère de
d'en tirer un grand fruit, qui est d'abaisser Dieu, parce qu'on avait laissé toucher aux
l'orgueil humain. Après avoir fait dans sa pa'iens ce que nous avons de plus saint et de
lettre à Eudémon un détail des erreurs sur la plus sacré, et qu'en cette occasion, des chré-
Trinité et sur l'Incarnation, il lui conseille de tiens avaient pris part
aux abominations sa-
n'écouter aucun de ceux qui en sont infec- crilèges des idolâtres ce qui ne s'était pas :

tés mais de s'en rapporter à la doctrine des


^, vu jusque-là, et ne pouvait être qu'une té-
saints Pères et au symbole de Nicée, sans y mérité de gens sans foi, ou qui du moins
ajouter ni en retrancher, parce que le concile ignoraient les principes de la rehgion.
étant divinement inspiré, nous a transmis la 2. Saint Isidore rejette l'opinion d'Origène ^

véritable doctrine. Quoique saint Isidore croie touchant la préexistence des âmes et leur
l'âme divine ^, il soutient toutefois qu'elle péché, avant qu'elles aient été unies au corps;

1 Epist. 59. naturœ partem quœ principio caret, et res creavit et


* bonorum operum iludio duci sayixit
Justificalos sempiterna est. Namsiineffabilis illius naturœ port io
{Apostolus) quippe cum non possit homo fide iantum
: cssei, non utique peccasset, non esset judicata. Quod

salvnri. Oportet enim fidei misceri actiones [rectas), et si hœc patitur, œquum ipsam credi supremœ il-
est
per /tas' tllam guasi animari. His enim remotis mortua lius substantiœ opificium, non partem esse, ne divina
sit. Ibid., Epist. 65. natura se ipsam jitdicare deprehendatur. Ibid., Epist.
3 Epist. 67. 124.
^ Sacrœ
* Sj omnia fuissent clara ac manifesta in divinis Litterœ temporis expertem et œternam at-
Litteris, ubi prudentia usi fuissemus, remota inquisi- que immediatam omnique et oratione et mente supe-
tione? Sin autein omnia fuissent obscura, sic quoque riorem. Christi a Pâtre progressionem vocant genera-
excidissemus cognitione, cum nuila sit inventio. Num tionem, non ut perpessionem aliquam adumbrent, sed
uuteni per ea quœ sunt clara, quodammodo etiam eu ut essetitiœ, ut sic loqunr, identitutem statuant. Nam
comprehenduntur quœ sunt obscura et abdita. Quod si quœ gignuntur, rêvera eamdem cum gignentibus essen-
nostram illa cognitionem effugianf, sic quoque nobis tiam liahent. Sed ne recentius aut posterius quid forte
utilitatem ea res offert non pœnitendam, dum nimi- cogitetur , in principio inquiunt erat Verbum.
. ,

rum fastus nosler /tac ralione comprimitur. Lib. IV, Deinde etiam ejusdem ad Patrem habitudinem prœdi-
Epist. 82 cant , cum aiunt : Et verbum erat apud Deum. Post
^ Non oportet eorum qui morbo laborant, sequi suf- hœc et dignitatem : Et Deus erat Verbum. Quare ex
fragia ; sed ex judicio sanctorum hominum demons' appellutione Filii eamdem essentiam ; ex Verbo gene^
trationes muiuari ; et sanctie synodo quœ Mcœœ ha- rationem perpessionis expertem ; ex eo porro quod fue-
bita fuit, adhœrere, neque addentes ei quidquam, ne- rit in principio, eamdem œternitatem; denique ex eo
que detrahenles. Illa enim divinitus inspirata verita- quod fueril apud Deum, conjunctionem cum Pâtre :
tem dogmatum tradidit. Ibid., Epist. 99. ex eo vero quod Deus sit, dignitatem atque excellen-
* Divinam quidem esse animam arbilramur tiam ipsius dicentes. Ibid., Epist. 141.
; non

tamen ejusdem cum divinissima niaximeque regia 8 Epist. 143. — 9 Ibid. 163.
naiura substantiœ : et immortulem, non autem ejus
.

494 HiSTOlRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCUÉSl ASTIQUES.


outre qu'elle n'est point fondée dans l'E- dans les élections. Autant le ciel est supé-
criture, elle peut causer beaucoup de scan- rieur à la terre, et l'âme au corps, autant la
dales par ses suites. Par ces paroles de Jésus- virginité était préférée au mariage', parce
Christ : Ne donnez point aux chiens les choses qu'on persuadé que la chasteté rendait
était
saintes, qu'on peut entendre
il dit 1» la pa- ' : l'homme semblable aux anges. Ce que cha-
role de Dieu, et par les chiens ceux non-seu- cun donne suivant ses facultés, lui est compté
lement qui enseignent une mauvaise doctrine, dans le ciel d'où vient que la veuve de lE-
;

mais ceux encore qui vivent mal; 2° le sacer- vangile, qui jeta dans le tronc les deux oboles
doce, qu'on ne doit pas conférer aux mé- qu'elle avait ^, est devenue aussi célèbre que
chants et aux impudiques; 3° l'eucharistie, les rois et les reines. Il est juste que le corps,
qu'on doit refuser aux laïques qui vivent dans qui en cette vie concourt avec l'âme à de
le péché A" le baptême
;
qu'il ne faut pas ,
bonnes actions, en soit récompensé avec elle
accorder à ceux qui n'embrassent la religion dans l'autre '. La sagesse divine a tellement
chrétienne que par feinte, eu continuant dans compassé les saintes Ecritures, qu'il y a des
leur ancienne manière de vie. Il ne croit pas choses qui doivent s'entendre de Jésus-Christ,
que tous les Psaumes soient d'un même au- et d'autres qu'on ne pourrait lui appliquer
teur 2, mais il ne doute pas qu'ils ne soient sans lui faire injure ^. Cela se voit dans un
inspirés de Dieu. On voit, par une de ses certain psaume où il y a des endroits qui ne
lettres qui est sans inscription, que les savants peuvent s'entendre que de Salomon, et d'au-
donnaient deux conjectures ^ sur l'origine de tres qui sont dits de Jésus-Christ seul. Si tou-
l'autel dressé à Athènes en l'honneur du Dieu tefois il se trouve quelque prophétie qui puisse,
inconnu. Les uns disaient que les Athéniens selon le sens historique et le spirituel, s'en-

ayant demandé du secours aux Lacédémo- tendre de Jésus-Christ, sans faire à la lettre

niens, le courrier qu'ils avaient envoyé à cet aucune violence, on peut la lui appliquer en-
effet fut arrêté près de la montagne de Par- tièrement. Ce n'est pas assez de bien parler,
ténie par un spectre qui lui dit de retourner il faut encore bien vivre , si l'on veut éviter
et de dire aux Athéniens qu'ils prissent cou- et l'opprobre en ce monde et le supplice éter-
rage, qu'ils n'avaient que faire du secours nel en l'autre ^. Celui-là n'est pas coupable
des Lacédémoniens, qu'il les secourrait; que qui a des ennemis, mais celui qui s'en fait "^.

les Athéniens ayant remporté ensuite la vic- Si l'impie ne veut point embrasser la piété,
toire, ils dressèrent un autel à cette divinité riiomme de bien n'en souU"re rien. Si nous
inconnue qui leur avait donné cet avis et les surpassons les hérétiques, les païens elles
avait secourus. D'autres avançaient que la juifs par la vérité de nos dogmes, il est de la
ville d'Athènes étant affligée d'une cruelle justice que nous les surpassions aussi par la
peste, les Athéniens, après avoir invoqué inu- bonté et la probité de nos mœurs. Par là nous
tilement tous leurs dieux, s'avisèrent de dres- leur fermerons la bouche, et ils n'oseront nous
ser un autel à un dieu inconnu, et que la faire aucun reproche ". Saint Isidore allègue
peste cessa. contre les Juifs le célèbre passage de Josèphe,
3. Les diacres étaient regardés comme l'œil historien de leur nation '^, ne doutant point

de l'évêque *. Ils avaient au-dessus d'eux qu'iln'ait véritablement rendu témoignage à


l'archidiacre. Leur office était de veiller avec la divinité de Jésus-Christ, et que ce passage
soin sur l'administration des biens de l'Eglise ne soit de lui. Pour montrer la fausseté de ce
et d'empêcher que l'autel ne fût souillé par qu'on disait de la Diane d'Epbèse et de quel-
l'avarice et qu'il ne se glissât point de simonie ques autres idoles, qu'elles n'avaient point

1 tllud dictum : Nolite saucta date canibus, neque ciant, et in eos a quibus electi sunt irruant. 3° Quod
projicite margaritas ante porcos. Talem quemdam si etiam peccantibus laids dixeris 7ion esse danda di-
parit sensum. 1° Quia Verbum divinum est sacrosanc- vina mysteria, scias te recte accipere. 4° Si denique
ium, et margarita rêvera preliosissima. Canes autem etiam dixeris quod prohibent divinuoi impartiri bap-
et porci sunt, non solum qui circa dogmata christia- tismum illis qui simulant quidem se ad fidem chris-
nœ religio/iis, sed etiam qui circa aciiones lubuntur : tianam accedere, sed intérim noji desistunt a prœsen-^
conculcatio autem est conlenfio atque concertatio de tibus vitœ institutis, scito nihil te a vero aberrare.
illis suscepta, dum alii dogmatum rectitudinem sin- Ibid., Epist. 181.
ceritatemque evertere conantur; alii oplimam vivendi 2 Kpi^t. —
18-2. 3 IbiJ. G9. — * Ibid. 188.
rationem contumelia afficiunt. %" Sunt autem qui non 5 Epist. —
19-2. 6 Ibid. 193. — "
Ibid. 201.
absurde dicant quod etiam sacerdotium prohibeat dari s Epist. 203. — 9 Ibid. 212. — lo Ibid., 220.
improbis, atque inipuris, nec et ipsutn itnpura offi- n Ibid. 226. — 12 ibid. 223.
[v* siKCLE.l CHAPITRE XXXY. — SAINT ISIDORE DE PÊLUSE. A9t

été faites de la maiu des hommes ', il soulienl n'élevait alors au sacerdoce que ceux qui
que les païens, pour donner crédit à ces fa- étaient vertueux on y élève aujourd'hui ceux
:

bles, bannissaient ou mettaient même à mort qui aiment l'argent *. Alors on fuyait l'épis-
les ouvriers qui les avaient faites : sur quoi il copat à cause de la grandeur de sa dignité,
rapporte que Ptolomée, l'un des rois d'Egypte comme on le voit par saint ilrégoire de Na-
ayant eu la même folie pour une Diane qu'il zianze, par saint Chrysostôme et par beau-
avait lait faire à Alexandrie sous un nom qui coup d'autres aujourd'hui on le souhaite,
:

signifiait qu'elle n'avait point été souillée par on l'accepte volontiers, on s'en empare dans
la main d'aucun ouvrier, fit, lorsqu'elle fut la vue de se procurer une abondance de dé-

achevée, un festin à tous ceux qui y avaient lices; alors on se faisait honneur de la pau-
travaillé, et plaça les tables sur un endroit vreté volontaire aujourd'hui on ne cherche
:

creusé exprès, où il les fit tous précipiter. qu'à gagner de l'argent; alors on pensait au
« Mais la chose, ajoute-t-il, ayant été décou- jugement de Dieu aujourd'hui on n'y pense
:

verte, ce prince, pour diminuer l'horreur d'un plus; alors on était prêt à tout souffrir : au-
crime ne pouvait ni cacher ni rejeter sur
qu'il jourd'hui on est prêt à faire souffrir les autres ;

d'autres, leur fit rendre annuellement des qu'est-il besoin d'en dire davantage? La di-
honneurs funèbres. » gnité du sacerdoce est changée en un désir
de régner; on est passé de l'humilité à l'or-
§V. gueil, du jeune aux délices, de la qualité

Livre cinquième des lettres de saint Isidore. d'économe et de dispensateur à celle de maî-
tre et de propriétaire des biens de l'Eglise. »
i. Saint Isidore croit qu'il faut prier Dieu Il convient toutefois que tous les évêques de

pour les pécheurs, quelque incorrigibles qu'ils son temps n'étaient pas de ce caractère, et
paraissent, car il appartient à Dieu de les tirer qu'il y en avait qui menaient une vie aposto-
de l'abime du péché Il enseiguc que les
"-.
lique; mais il se plaint de ce quils n'avaient
martyrs ne sont point vaincus par la mort, pas assez de force pour reprendre les dérègle-
mais dignes de louanges ^, leur but dans le ments des autres, à cause de la multitude, ce
combat étant non de se préserver de la mort, qui était néanmoins de leur devoir. Il con-
mais de ne pas perdre la beauté de la vertu; seille k un magistrat de ne punir que lente-
qu'il est mieux de ne pas tomber dans le pé- ment et après avoir bien examiné celui que
ché ou d'en sortir au plus tôt; que c'est le l'on dit coupable ^. Sa raison est qu'il n'ar-
fait d'un bon père * d'apprendre à ses enfants rive aucun dommage d'examiner soigneuse-
premièrement combien Dieu est grand, com- ment une affaire, et qu'il en arrive beaucoup
bien sa providence est admirable ensuite, de ; de condamner un innocent. Il dit, en parlant
former leurs mœurs dans la vertu ^'; qu'il de l'avarice des économes de l'Eglise de Pé-
n'est pas aisé à un ministre de Jésus-Christ'' luse, que s'il n'est pas permis de faire l'au-
de persuader aux autres la modestie et la mône d'un bien mal acquis '", à plus forte rai-
tempérance, s'il parvient à une extrême vieil- son ne l'est-il pas de s'en enrichir.
lesse sans les avoir pratiquées lui-même; que, 2. «Il est beau de faire du bien à ses amis",
tenant une conduite aussi irrégulière, il doit plus beau d'en faire à tous les indigents, et
ou la quitter ou s'abstenir d'otfrir sur l'autel très-beau de mériter de ses ennemis. Le pre-
des saints sacrifices; que l'on doit s'abstenir mier est un devoir de raison, le second d'hu-
des petits péchés ", de peur qu'ils ne nous manité le troisième est au-dessus de toutes
,

entraînent dans de plus grands. Faisant le louanges. Dans les défauts, on doit distinguer
parallèle des ecclésiastiques de son temps ceux qui sont naturels d'avec les défauts de
avec ceux des siècles précédents, il dit «On : l'âme. Etre' petit de corps, laid dévisage,

» Epist. 207. - 2 Lib. V, Epi si 2. ' Scito extguum


in specie vitium, serpendo grandius
» Epist. 5. — * Ibid. 8. — 5 Ibid. 9. fieri... illum fide dignum dixeris, etiam hic
quare si
* Quomodo vero juvenibus ut modeste se temperan- {Demoit/ienes) persuaserit, parva etiam peccata re-
lerque gérant, persuadées, si ne tibi quidcin ad exire- secanda ducens , tie majora tibi imperent. Ibid. ,
mutn ttsque senium persuaseris? Quin igifur horres Epist. 17.
vererisque talia committere, et altnria frequentare ? 8 Epist. 21. — 9 Ibid. 42.
Quomodo immaculata sacrorum mysteria audes attin- '0 Sj enim per nefai parta ne indigis quidem ero-
gere? Horlo itaque te ut vel committere hujusmodi gare fas est, quomodo nefas non erit ea in propriis
desinas, vel u venerandis allaris sacrificiis abstineas. thesauris reponere? Ibid., Epist. 79.
Lib. V, Epist. 12 ad Zozimum presbyterum. «> Epist. 137.
496 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
est un défaut naturel; être ennemi delà vertu, violents, mais proportionnés aux forces du
compagnon des méchants, sont des défauts malade, de peur qu'en voulant le guérir ils
de l'ûme '. Les premiers ne sont point blâ- ne lui ôtent la vie "^. Il faut reprendre le cou-
mables, les seconds ne méritent point d'in- pable avec force et liberté, mais ne pas l'ac-
dulgence. C'est contre ces sortes de vices qu'il cabler d'injures. »

faut toujours combattre 2. Toute la terre étant 3. Dans le parallèle que saint Isidore fait
notre patrie, il est peu important en quel en- des écrivains sacrés avec les profanes ", il
droit notre corps ait sa sépulture; c'est une nous fait remarquer que le style de ceux-là
faiblesse de femme de faire porter un cadavre est simple et sans élévation, mais que le sens
de ville en ville ^. C'est un mal de pécher, en est sublime et céleste ceux-ci au contraire
;

mais c'en est un bien plus grand de commettre ne disent rien que de bas et de rampant, mais
le péché sans en sentir de remords *. Celui en des termes tleuris et élégants. Il enseigne
qui pèche par négligence rougit de son péché, la doctrine suivante Dieu ne donne pas son
:

et il y a lieu d'espérer qu'il en fera pénitence ; secours à tous les hommes'-; il le refuse avec
mais celui qui ne refuse i-ien à ses passions, justice à ceux qui ne prennent aucun soin de
et qui au lieu de s'éloigner du mal et d'en
, leur salut, et l'accorde à ceux qui font à cet
avoir honte, s'en glorifie, doit être puni plus égard ce qu'ils peuvent; l'on ne doit point
grièvement que celui qui est trouvé à faire mépriser la religion, parce que quelques-uns
une mauvaise action qu'il doit empêcher les de ceux qui en font profession vivent mal '^;
autre's de commettre^. Trois choses sont né- celui qui veut se venger et ne le peut, est
cessaires à la vie du chrétien la prière, la : aussi coupable que s'il se fût vengé '*; il en
vertu et la foi. La prière est comme l'orne- est de même de celui qui voudrait donner,
ment, vertu comme le corps, et la foi
la et qui n'en a pas le moyen en sorte qu'il :

comme l'âme *"; ces trois choses ensemble faut juger des choses non par l'événement,
rendent un homme parfait. S'il en manque mais par la disposition du cœur; il y a un
nue, il est imparfait. Quelle vie en etiet a la milieu à tenir dans les lettres comme dans
vertu, animée de la foi? La résur-
si elle n'est les discours, et la prolixitédans l'un ou dans
rection d'une âme morte dans le péché se fait l'autre tient de la femme *^; la connaissance
lorsqu'elle est rappelée à la vie par les bonnes de soi-même est le premier chemin à la
œuvres car quoique l'âme ne périsse pas, on
: vertu '^; l'envie des méchants ne doit point
ne laisse pas d'appeler l'iniquité la mort de faire quitter aux bons la pratique des bonnes
l'âme; d'où vient qu'il est dit de l'enfant pro- œuvres ''; l'on distingue le véritable roi des
digue qui vivait encore : // était mort, et il tyrans en ce que, maître de ses passions, il

est i^essuscité. Si tous les hommes recevaient traite ses sujets avec bonté etjuslice'*; comme
en ce monde selon leurs mérites les impies : l'on doit modérer sa joie dans la prospérité,
la peine due à leurs péchés % les justes la l'on doit aussi modérer sa tristesse dans l'ad-
récompense de leur vertu, le jugement der- versité '^; il est permis à un ami de faire l'é-
nier deviendrait inutile. Mais il ne le sera loge funèbre de son ami tant pour lui faire ,

point, puisque nous voyons que beaucoup de honneur que pour rendre ses vertus imitables
méchants prospèrent en ce monde * et que à la postérité, mais il doit moins s'inquiéter
les justes y sont souvent affligés. C'est donc des oniements de sa sépulture -'^; l'on doit
surtout dans l'autre vie que les méchants su- s'opposer à toute innovation dans les fonc-
biront la peine qu'ils méi'itent ^ et que les 2'; les vrais richesses ne
tions ecclésiastiques
bons seront recompensés. Dans la correction consistent pas dans l'abondance, mais à n'a-
des mœurs il faut imiter la prudence des mé- voir pas besoin --; la familiaj-ité avec les gens
decins qui n'usent pas d'abord de remèdes prudents et vertueux est d'un grand secoui's

1 £pist. 140. — 2 Ihid. 144. œquum est divinum etiam implorare, ut opem Deus
8 Epist. 157. — ^ Ibid. 159. — » Ibid. 160. ferat auxilium. At qui ejus nullam ducit rationem,
6 Epiit. 162. — '
Ibid. 179. — » Ibid. 215. îieque invocat numen, illud proprium non experietur.
» Epist. -221 et 222. Qui enim omnia quoad ejus fieri potest implet, béni-
ï» Ibid. 279, 290. — " Ibid. 281. gne ei Deus annuit. Ibid., Epist. 459.
'2 Quodcum lia sil, merito eliom divinus tiittus non " Epist. 342. — '* Ibid. 35'.. — « ibid. 360.

omnibus accedit. Sid eos dimittens qui suam salutem 16 Epist. 387. — " Ibid. 392. — '» Ibid. 395.

per negligenliam decoquunt, iis, qui ea quœ ex iisu 19 Epist. 403. — 20 Ibid. 415. — «i Ibid. 435.
22
sunt facere conantur tel proponunt, opportunum auxi- Epist. 450.
(ium triluit. Ibid., Epist. 2,'il. Virtuti ope.ram navanti
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XXXV. — SAINT ISIDORE DE PÉLUSE. 491
pour lu pratique de la vertu '; l'on doit évi- § VI.
ter les spectacles comme étant l'école de la
Jugement des écrits de saint Isidore ; éditions
débauche ^.
qu'on en a faites.
Dans sa lettre au diacre Eutonius, il cite
les Canons apostoliques, mais seulement en 1 On peut dire que ce Père a mis ces règles
. jupemem
«„ .• »"î i T • • ïies écrits de
général ^. Dans celle qu'il écrivit à Nil, il dit en pratique, et qu il a su joindre dans ses
-I

saim hidore.

que le lieu et le temps sont des circonstances lettres l'utile h l'agréable. Quoique très-
qui aggravent le péché ^; qu'ainsi un meurtre courtes pour la plupart, elles renferment une
commis dans l'égUse est un plus grand péché infinité de choses très-instructives, dites avec
que si on le commettait ailleurs, et qu'il est autant d'agrément que d'élégance. Le style
encore beaucoup plus grand si on le commet en est naturel et sans affectation, le tour aisé
dans le temps que l'on oilVe le sacrifice. Il ne et délicat, les pensées nobles et élevées. Soit
veut pas que dans les guerres spirituelles l'on qu'il y explique les difficultés qu'on lui pro-

se laisse abattre par les impétuosités de l'en- posait sur l'Ecriture, soit qu'il y établisse la
nemi ^, et il au com-
conseille de se préparer vérité des dogmes de notre religion, soit qu'il
bat avec confiance dans le secours de Dieu*'; y développe quelques points de morale, soit
quelque grands que soient nos péchés et qu'il y combatte les hérésies, soit qu'il
y
quelqu'indignes qu'ils soient de pardon, il ne fasse réloge de la vertu, soit qu'il y reprenne
doute pas que Dieu ne nous les remette, si le vice, il se soutient partout. C'est toujours
nous en faisons une sincère pénitence. Il pa- le même feu et la même pénétration d'esprit,
rait que saint Isidore désespérait de celle de la même politesse dans le chscours, la même

Zosime, l'un des prêtres de Péluse. Il lui force dans l'expression, le même zèle pour
avait écrit un très-grand nombre de lettres la religion etpour la défense de ses dogmes,
pour l'exhorter à se corriger de ses vices, la mêmeardeur pour la conversion des pé-
qui causaient tant de scandale, que plusieurs cheurs. Evéques, prêtres, diacres, princes,
ne voulaient pas recevoir de lui l'eucharistie", magistrats, moines, laïques de toutes condi-
et que d'autres sortaient de léglise lorsqu'il tions, il s'intéresse au salut de tous, répétant

célébrait les saints mystères de la messe. Il sans cesse à ceux qui sont préposés à l'ins-
lui écrivit pour la dernière fois « de se cor- tiuctiou des autres, que la vie doit répondre
riger ou de s'éloigner de la sainte table, alin aux paroles, que l'on doit pratiquer ce que
du moins de ne pas empêcher les fidèles d'ap- l'on enseigne,que ce n'est pas assez de dire
procher des mystères, sans lesquels ils ne ce qu'il faut faire, qu'il est nécessaire de le
peuvent acquérir le salut, n pratiquer soi-même. C'est assez sa coatume
4. Nous finirons l'analyse des lettres de de tirer le fond de ses lettres de l'Ecriture,
i i"ûre*fa? saiut Isldorc par celle où il donne des règles qui lui était si présente et si familière, qu'en
1 manière , _,
. , .
,, ,
'écrire les pour eu bieu écrire. 11 ne veut tr
-^
pas qu
1 elles
peu de mots il donnait différentes explications
(tires. . .

soient sans ornemenl et sans élégance *, mais d'un même passage. Elles roulent, pour la
il dit qu'il ne faut pas aussi qu'il y ait trop plus grande partie sur les difficultés qu'on
,

d'affectation le premier défaut les rend


: lui Nouveau Tes-
proposait sur l'Ancien elle
méprisables et le second ridicules
, il ; tament. Mais quoiqu'il donne quelquefois le
y a donc un milieu à tenir, qui est de leur sens littéral de l'Ecriture, il s'attache plus
donner autant d'ornement qu'il est nécessaire souvent au sens moral et spirituel comme ,

pour les rendre utiles et agréables. plus utile à ceux qui le consultaient. Il y en

a aussi plusieurs de critique, d'autres sur la

1 Epist. 460. —
ï Ibid. 463. » Ibid. 481. — non itiitiari, quam ut ab impuris sceleratisque mani'
Vitia ipsa a loco et iempore graviora fiant, verbi
*
bus pura et iinmaculata suscipiant muneru... vel lalia
gratia, cœdes omnis deteslanda : si lero in sacro
com- commiltere desine, vel a sacra mensa discede, ul tulo
mittere loco quis audeat, magis sit deiestanda : al
si denique Ecdesiœ alumni ad sacra accédant mysteria,
sacrificii iempore, censenda sceleslissima. Ibid ' sine quibus sulutem consequi ?iequeanl. Ibid., Epist.
Epist. 492.
569.
' Epist. 509.
8 Epistolas scrioendi character non omninosit expers
« Tamelsi et gravia
venia indigna commiserilis,
et
elegantiœ alqiie ornatus, neque nimis dicendi mollitie
judex tamen Deus ignoscet, si modo sincera accesseril
ac deliciis euervatus. Il'ud enim simplex ac tenue :
pœnitentia. Ibid., Epist. 539.
hoc vero ineptum estmoderate ornari, cum ad
: at
^ Cognito enim le execrandis Iraclare manibus usum, lum ad venusiatem sufficii. Isid., lib. V,
mcra missœ mysteria, recédant homines, maluntque
Epi't. 133.
VIII.
32
.

498 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


discipline de l'Eglise et quelques-unes où il
, tefois qu'un recueil des éditions de l'abbé de
combat avec force la religion et les mystères Billy,de Rittershusius et de Schottus. On y a
du paganisme. On ne peut doue trop en con- conservé leur version et leurs notes. C'est sur
seiller la lecture, et un savant du dernier cette édition que l'on a mis les lettres de saint
siècle souhaitait fit les leçons dans
qu'on en Isidore dans le tome YII de la Bibliothèque
les écoles publiques pour former en même
', des Pères, à Lyon, en 1677. Mais on en
temps les jeunes gens à la piété et à l'élo- a retranché les notes. Arcudius ayant conféré
quence. celte dernière édition avec plusieurs anciens
2. Les trois premiers livres, qui sont de la manuscrits mit en marge les différentes le-
,

traduction de l'abbé de Billy, furent imprimés çons. Nous les avons dans un volume in-8'',
en grec et en latin, à Paris, en 1585, en deux imprimé à Rome, en l'an 1670, par le Père
volumes in-fol., avec les notes et les obser- Poussines. [L'édition de 1638 a reparu à
vations de ce savant homme, tant sur saint Venise, en latin seulement, eu 1743, un
Isidore que sur quelques autres Pères de l'E- vol. in-fol., par les soins duP. Poussines. Le
glise, et réimprimés dans la seconde partie volume LXXVIII de la Patrologie grecque, de
du tome V« de la Bibliothèque des Pèi-es, M. Migne, contient tout ce qui nous reste des
à Cologne, en 1618. Conrad Ritter^husius en écrits de S. Isidore de Péluse.] On trouve quel-
donna une nouvelle édition,càiaquelle il ajouta ques sentences tirées des lettres de S. Isidore
un quatrième livre avec des notes plus am-
, dans le 1. 1" des Monuments grecs, de Cotelier -.
ples, à Heidelberg, en 1603, in-fol. Le cin- Michel Glycas rapporte un fragmentd'unelet-
quième parut séparément en grec et eu latin tre où le saint disait que de la même manière
à Anvers, en 1623, par les soins d'André que le corps de Jésus-Christ ^, lorsqu'il fut
Schottus, in-8'',eten latin seulement, à Rome, mis dans le tombeau, souffrit quelque sorte
en 1624, in-S", et depuis à Francfort, en 1629, de corruption, ce même coi*ps, lorsqu'il est
in-fol. Cette dernière édition est grecque et pressé par nos dents, se corrompt aussi en
latine , afin de pouvoir faire corps avec celle quelque façon comme nos corps, mais qu'aus-
de Rittershusius. Mais la plus complète est sitôt il devient la noujriture de notre âme et
celle de Paris, en 1638, in-fol.; ce n'est tou- demeure toujours avec celle des justes.

CHAPITRE XXXVI.

Marius Mercator, défenseur des mystères de la grâce et de l'incarnation.

[Ecrivain latin, en 449.]

1. Quoique Marius Mercator ait tenu un ecclésiastiques composés depuis. La dureté du


rang considérable parmi les défenseurs des style de Mercator donne lieu de croire qu'il
mystères de la grâce et de l'incarnation, ses était Africain ^, et on le conjecture encore
écrits n'ont pas laissé d'être ensevelis dans parce que Facundus, évêque d'Hermiane en
l'oubli pendant un grand nombre de siècles, Afrique, dans la province de Byzacène, s'est
et ce n'est que sur la fui du dernier qu'on les servi des termes de Mercator dans ce qu'il a
en a tirés. Il est surprenant que Gennade de écrit pour la défense des trois Chapities. Mais
Marseille, qui lui était presque contemporain, cette dernière preuve n'en est pas une bien
n'en ait rien dit, et que l'on n'en trouve rien convaincante, puisque le pape Pelage II a
non plus dans les catalogues des écrivains aussiemprunté les expressions de Mercator

1 Possev., in Appar., pag. 481 non absolutam... Quin potius deposita slatim corrup-
2 Tom. I Momim., pag. 487, 488. te/a animœ suhstantiœ traditur : sed et non solum
3 Quemadniùdum Domini corpus cum in inferi den- traditur, vcrum perpétua perstat cum animis justo-
tés corntptionem quidetn admisit, non ta-
cecidisset, rum. Micli. Glyc, Epist. ad Joannic, loin. 1 oper.
men omnigenam vidit : sic et in prœsenli ipsummet Joau. Daiuasc, pag. 654.
corpus Domini, dum deniibus nostris subjicitur, pari * Baluz., praefat. in Mercat., pag. 7.

modo atque corpora nostra corntptionem subit, sed


[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXM. — MARIUS MERCATOR. 499

dans sa lettre aux évêques d'Istrie. Il est plus ne les trouve-t-on point dans les collections

naturel de conclure de là que ses ouvrages de ses œuvres données par les Pères Garnier
ont été connus non-seulement en Afrique, où et Gcrberon, et par Baluze. D'autres pensent

vivait Facundus, mais encore à Home, dont que c'est Vllypognosikon, imprimé dans l'ap-
Pelage II occupait le sîége pontiGcal. pendice du tome X^ de saint .\ugustin ^. Cet
.„ 2. Mercator était eu cette ville ou dans le ouvrage a en etïet beaucoup de rapport avec
,V3 a nome

voisinage, en 417 ou 418, lorsque Julien et le second que Mercator composa contre les
?dé"f"uVu

ZiZl^' les autres chefs des pélagiens y disputaient pélagiens, et qu'il envoya à la suite du pre-
contre la grâce de Jésus-Christ. Il en prit la mier à saint Augustin pour le revoir et l'exa-
défense, et composa à cet etl'et un ouvrage miner. Ce Père dit que Mercator y com-
'^

qu'ilenvoya à saint Augustin ', en le piiant battait les pélagiens par un grand nombre
de l'examiner. Ce saint évéque était à Car- de passages de l'Ecriture sainte. C'est ce que
thage lorsqu'il reçut lalettre et l'écrit de Mer- fait aussi l'auteur de VHypognosticon ou de

cator : et comme
y était extrêmement oc-
il VHypomnesticon, comme portent quelques
cupé des de l'Eglise, il ne répondit
allaires manuscrits. Ce dernier titre, qui signifie Mé-
point sur-le-champ à cette lettre. Mercator moire ou Mémorial, était foit du goût de Mer-
lui en écrivit une seconde, où il se plaignait cator, dont nous avons encore deux écrits
de n'avoir point reçu de réponse à la pre- sous un semblable titre, l'un contre l'hérésie
mière. 11 lui envoya en même temps un se- de Pelage, de Célestius et les écrits de Ju-
cond ouvrage qu'il avait fait contre les péla- lien; l'autre contre Célestius en parlicuUer;

giens, où il employait presque partout l'au- et un troisième intitulé : Petites notes sur les

torité de l'Ecriture. Saint Augustin reçut ses ouvrages de Julien. On voit dans cet écrit,

plaintes comme des marques non d'aigreur, comme dans ceux de Mercator, un esprit
mais d'amitié -, le priant de ne point douter extrêmement aigri contre Julien et déclaré
de la joie que ses lettres et ses ouvrages lui en faveur de saint Augustin; un latin peu
avaient causée, l'ien ne pouvant lui faire correct, des exclamations fréquentes, des
plus de plaisir que de voir les défenseurs de mots peu usités, une attention à relever en
l'Eglise se multiplier. 11 l'exhortait à s'avan- termes mordants et satyriques les mœurs dé-
cer de plus en plus dans les sciences, et à pravées des pélagiens. Il est vrai qu'en quel-
cultiver, avec le secours de Dieu, les talents ques endroits l'auteur de VHypognosticon et
qu'il « Je ne croyais pas, ajou-
en avait reçus. Mercator ne se rencontrent pas dans la ma-
que vous eussiez tant profité, ni que
tait-il 3, nière de citer l'Ecriture. Mais ces endroits ne
vous fussiez encore en état de faire ce que sont pas si fréquents. D'ailleurs, n'est-il pas
vousavezfait. Mercator était déjà connu de
i> assez ordinaire à un écrivain qui sait les
saint .\ugustin il l'avait vu
: apparemment langues, de se donner la liberté d'abandon-
en Afrique, avant son voyage de Rome. Ce ner la version commune pour traduire lui-
Père répondait aussi dans sa lettre à quel- même le texte original à sa façon? Mercator
ques ditlicultés que Mercator lui avait propo- savait le grec, puisqu'il présenta un mémoire
sées touchant l'opinion des pélagiens, qui ne écrit dans cette langue, tant à l'empereur
voulaient pas que la mort fut une suite du Théodose quà l'Eglise de Constanlinople.il
péché d'Adam en quoi ils se fondaient sur
: n'était donc pas obligé de s'en tenir toujours
ce qu'Enoch et Elle ne sont pas morts. On aux versions latines qui avaient cours soit en
peut voir dans l'analyse de la lettre cent Italie, soit en Afrique, et il pouvait recourir
quatre-vingt-treizième * de saint Augustin, soit au texte grec du Nouveau Testament, soit
le précis de celles que Mercator lui avait au grec des Septante.
écrites et les solutions aux ditlicultés qu'il 4. L'IIypognosticon est divisé en six livres. ,,.^ j^^^
lui avait proposées car nous n'avons plus
: La plupart des manuscrits n'en mettent que li';,g';s'°" ^
ses lettres. '*??«"'•?•«•
cinq; d'autres ne le divisent point en livres,
^' ^^ doute même si ses deux premiers mais par réponses. Le sixième est intitulé :
Esiii inu-

^Vi.o.Vco'n-7
ouvrages sont venus jusqu'à nous. Du moins Dispute touchant la prédestination, contre les

* AugUât., Epist. 193. » Ibid. — 5 Tom. X oper. August., pag. 6.


^ Fateor, tanlum te profecisse nescieLam. August., 6 Inveni et uliiini adversus novos kœreticos librum
Epist. 193. refertum sanctarum testimoniisScripturarum. \\igusl.,
* Vid. tom. II. Epist. 193.
500 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
pélagiens. Le but de l'auteur, dans tout l'ou- Dieu l'élection des prédestinés, soutenant
vrage, est de se faire à lui-même un précis que le décret de Dieu à leur égard, au lieu
de la doctrine catholique, afin d'en avoir plus de les rendre négligents dans les bonnes
aisément les articles présents à sa mémoire, œuvres, doit au contraire les engager à s'y
lorsqu'il serait question de la défendre contre rendre plus assidus. Il s'objecte qu'il est donc
les pélagiens. Il marque dans sa préface les faux de dire avec l'Apôtre, que Dieu veut
cinq principales erreurs des pélagiens, dont sauver tous les hommes. A quoi il répond :

la première était qu'Adam devait mourir, « Cela n'est pas faux, Dieu peut faire tout ce

soit ([u'il péchât ou ne péchât point; la se- qu'il lui plaît, et la volonté des hommes ne
conde, que son péclié n'a nui qu'à lui seul ; peut empêcher en aucune manière que la
la troisième, que l'homme se suffit à lui- sienne n'ait son eiTet; l'Ecriture disant en.
même pour que la grâce
faire ce qu'il veut, et plusieurs endroits que Dieu éclaire les cœurs
de Dieu est donnée à un chacun suivant le des uns, pendant qu'il répand des ténèbres
mérite de ses œuvres; la quatrième, que la sur les autres, c'est à ceux qui font cette
concupiscence est un bien naturel, et qu'on objection de concilier ces endroits avec celui
n'en doit pas rougir; la cinquième, que les de saint Paul pour lui, il l'entend en ce sens
: :

enfants ne contractent pas le péché originel, Tous ceux qui sont sauvés le sont par la vo-
et qu'ils ne seront point exclus de la vie lonté de Dieu. » Voilà le système qu'il établit
éternelle, quoiqu'ils meurent sans baptême. dans le sixième livre. Mercator dit dans le
Il emploie un livre entier à réfuter chacune troisième, en parlant du libre arbitre - u Le :

de ces propositions, et ne les réfute guères libre arbitre ayant été corrompu par le pé-
que par l'autorité de TEcriture, dont il accu- ché, tout l'homme a été corrompu, et il ne
mule passages sur passages. Il suit la même peut par ce libre arbitre, sans le secours de
méthode dans le sixième livre. Après avoir la grâce, ni rien commencer, ni rien achever
remarqué qu'il avait traité fort au long dans qui plaise à Dieu; mais la grâce de Jésus-
les précédents, de la grâce et du libre ar- Christ le prévient : elle est pour lui une mé-
bitre ', il se propose de défendre contre les decine salutaire qui guérit et rétablit en lui
mêmes pélagiens la doctrine de la prédesti- sa volonté séduite et gâtée par le péché, et
nation. C'est un décret par lequel Dieu, qui qui a toujours un besoin pressant de la grâce
prévoyait de toute éternité que la masse du du Sauveur qui l'éclairé et qui l'aide, soit
genre humain serait corrompue par la pré- pour connaître Dieu, soit pour vivre d'une
varication d'Adam, et conséquemment digne manière conforme à sa volonté. » Il y com-
des peines et des tourments de l'enfer, a dé- pare l'homme tombé par le péché 3, au Sa-
livré les uns de cette damnation par un effet maritain de l'Evangile, maltraité par les vo-
de sa miséricorde, et y a laissé les autres par leurs et laissé à demi mort. Il dit que le genre
un efiet de sa justice. Il soutient qu'en cela il humain en cet état n'avait pas assez de forces
n'y a point dans Dieu acception de personne; pour se relever et pour chercher Dieu, Tuni-
mais aussi qu'on ne peut lui demander rai- que médecin qui le devait guérir. Il trouve
son d'une conduite si différente, sans démen- dans la brebis égarée une figure du libre
Rom. IX, 20. tir Paul qui nous dit
saint homme, quiètes-
: arbitre, qui ayant, dit-il, perdu la possibilité
vous pour contester avec Dieu? Un vase d'argile pour le bien parle péché du premier homme,
dit-il à celui qui l'a fait : Pourquoi m'avez-vous a abandonné la compagnie des justes. Ce
fait ainsi? Dieu punit les méchants, parce qu'il dit dans le quatrième livre sur la né-
qu'il a prévu qu'ils le seraient. Il ne les a pas cessité de la grâce, est encore remarquable*.
faits pour les punir. S'il les punit, c'est qu'ils « Je connais seulement mes vices par la loi,
l'ont mérité. A l'égard des enfants qui ne mais je ne m'en défais pas en vain je pré- :

sont point régénérés dans les eaux salutaires sume de ma chair qui est faible. Je ne puis
du baptême, il enseigne qu'ils subiront aussi vaincre seul mon ennemi à qui j'ai été livré
lapeine due non au péché qu'ils ont commis à cause du péché, et auquel la volonté du
par leur propre volonté, puisqu'on cet âge premier homme m'a vendu. Dieu commande.
ilsn'en ont ni bonne ni mauvaise, mais au Ah plutôt! qu'il fasse que ce qu'il commande
péché d'Adam qu'ils ont contracté par leur soit fait. Je veux obéir au précepte de la loi
naissance. 11 rapporte à la grâce gratuite de par l'effort de ma propre volonté, et je ne le

' Pag. 142 et seq. î Pas. 15. — 3 Pa?. 17. 18. - * Pag. 30,
[V SIÈCLE. CHAPITRE XXXVl. — MAUIUS MERCATOR. 501

puis : et pendant que je résiste au péché, je mauvaise doctrine de Célestius, le chassa


sens du plaisir à y consentir. » Il dit au même de Constantinople avec Julien et les autres
endroit qu'on ne peut vaincre les efforts de pélagiens.
la concupiscence que par la grâce de Dieu, 6. Nous avons encore ce mémoire, à la tête MéD.oiredo
/-i •
«r 1 > •
MerriiorcoD-
par Jésus-Christ. duquel on lit « Copie du mémoire que Mer-
:
tm céiesi;»s.
11.. /-in. Iliiuz., lom.
Mercator 5. Julicu et Ics Eutres évêques que l'on cator a publie
^
en grec contre Célestius, et «p". Mer-
, cator., cdit.

*pie°,""V!i avait chassés d'Occident à cause de leur at- qu'il a donné non-seulement
à l'Eglise
^ de p:ig.
''"'s- ««S4.
n2, et
1, s'oppose ,i,i/f>iT^'t
a llieresie de Pelage, ne voyant
I
1

Constantinople et distribué h plusieurs per- c^ieVl'''


IX poli- tachement
point de moyen de rentrer dans leurs Eglises, sonnes de piété, mais qu'il a même présenté ^•
ni d'obtenir du Saint-Siège que la cause qu'ils A l'empereur Théodose, sous le consulat de
défendaient fût examinée de nouveau, tour- Florentins et de Denys, et qu'il a depuis tra-
nèrent leurs vues du côté de l'Orient, dans duit en latin : lequel mémoire ayant décou-
Pespérance de gagner l'évêque de Constan- vert les erreurs de Célestius, a été cause que
tinople, ou du moins de se rendre l'empereur Julien, qui les défendait, et ses compagnons
favorable. Ils avaient tenté, mais inutilement, ont été chassés de Constantinople, de môme
Alticus et Sisinnius, son successeur mais ils : que Célestius, par un édit de l'empereur, et
n'eurent pas de peine à lier amitié avec Xes- condamnés depuis dans le concile d'Ephèse
torius : ce qui leur était d'autant plus inté- par les avis de deux cent soixante et quinze
ressant,que cet évêque, qui était du choix de évcques. » Il est divisé en cinq parties. On
Théodose, avait un grand crédit à la cour. voit dans la première comment Célestius,
Nestorius, sans avoir aucun égard au juge- étant passé de Rome
à Carthage, y fut con-
ment que le Saint-Siège avait prononcé con- damné par évêques d'Afrique, pour n'a-
les
tre les pélagiens, ni à l'édit de l'empereur voir pas voulu arnathématiser les erreurs que
Honorius, qui les avait procrits, les reçut le diacie Paulin l'avait accusé d'enseigner ;

pour ses amis, leur promit de les faire ab- qu'ayant appelé de ce jugement au Saint-
soudre des censures portées contre eux, et Siège, au lieu de venir à Rome poursuivre
d'empêcher qu'ils ne fussent compris dans son appel, il était allé à Ephèse, et de là à
la loi que Théodose avait donnée contre les Constantinople, d'où il fut chassé par Atticus
hérésies. Il fit plus il leur procura une au-
: qui en était alors évêque. Mercator dit en-
dience de l'empereur, et leur permit de célé- suite que Célestius se voyant expulsé de
brer les saints mystères dans son église. L'ac- cette ville, se hâta de se pourvoir auprès du
cès qu'ils eurent à la cour, leur donna moyen pape Zosime, et qu'ayant feint de condamner
d'y semer leurs plaintes de s'y faire un
et les six articles qui lui avaient été objectés à
parti d'où il arriva que
: les uns les regar- Carthage, Zosime écrivit en s'a faveur aux
daient comme chassés injustement de leurs évêques d'Afrique mais que ces évêques ;

sièges; les autres, comme ayant été juste- ayant exposé par écrit à ce saint Pape de
ment condamnés par le Saint-Siège à cause quelle manière les choses s'étaient passées,
de leur opiniâtreté à soutenir les erreurs de Zosime avait cité à son tribunal Célestius,
Pelage. Il y en avait qui tenaient un milieu, pour y condamner réellement ces six arti-
ne voulant les croire ni innocents, ni coupa- cles Célestius ayant refusé de comparaitre,
:

bles. Ceci se passait vers l'an 420. Mercator le Pape le condamna par un écrit assez long,
était alors à Constantinople, où il était venu qui, outre les six articles des erreurs impu-
d'Italie. Craignant que le partage de senti- tées à Célestius, renfermait l'histoire des pro-
ments où l'on était tant à la cour que dans cédures faites contre lui.
à l'égard de Célestius, de Julien et
la ville, Dans seconde partie, Mercator rapporte
la
des autres pélagiens, n'eût de fâcheuses sui- les erreurs de Pelage, maître de Célestius, ti-
tes, il écrivit en grec un mémoire sur le nom rées en propres termes des commentaires
de Célestius, où, prenant les choses dès le qu'il avait faits sur les Epitres de saint Paul,
commencement, il faisait voir quel était ce dès avant le sac de Rome, c'est-à-dire avant
disciple de Pelage, que lui et tous ceux le mois d'août de l'an 410. Il fait dans la
de son parti étaient véritablement hérétiques, troisième le rapport des sentences rendues
et que c'était avec justice qu'on les avait contre Pelage et Célestius, par les papes
chassés d'Occident. II adressa son mémoire Zosime et Innocent, et par le concile de Dios-
tant à l'empereur Théodose qu'à l'Eglise de polis, et renvoie à la lettre de Zosime, quil
Constantinople. Ce prince, convaincu de la dit avoir été portée à Constantinople et cou-
502 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
firmée par le consentement et les souscrip- vres de Pelage à une veuve les lettres et les ;

tions des évêques de toute la terre. Il ajoute requêtes de Lazare et d'Eros contre Pelage;
que Julien et ses adhérents n'ayant pas voulu les lettres synodiques des conciles de Car-
y souscrire, avaient été chassés d'Italie, sui- thage et de Milève à saint Innocent, avec les
vant la loi de l'empereur, et déposés par les réponses de ce Pape à ces deux conciles; les
décrets des conciles; que d'autres ayant re- Actes des conciles de Diospolis sous Euloge,
connu leur erreur, avaient été rétablis dans et d'Antioche sous Théodote; les lettres de
leurs Eglises par le Siège apostolique ;
que Prayle, évêque de Jérusalem, dans lesquelles
Pelage et Célestius avaient, dès auparavant, il condamnait Pelage.
été condamnés par Innocent, prédécesseur de 7. Ce ne fut qu'après la mort de saint Au-
Zosirae que Pelage s'étant retiré en Pales-
; gustin ', c^est-à-dire après le mois d'août de
tine après la prise de Rome, les évêques de l'an 430, que Mercator entreprit de réfuter
cette province, entre les mains de qui ses les deux que Julien avait faits contre
livres
écrits étaient tombés, les envoyèrent à ceux ce saint évêque. Ce n'était d'abord que de
d'Afrique; qu'ils furent lus et examinés dans petites notes, sans suite et sans liaison; mais
trois conciles, qui en écrivirent au Saint- il en fit depuis un corps, à la prière d'un prê-

Siège que le Pape condamna ces livres et


; tre nommé Pientius. Le titre de vénérable
excommunia Pelage et Célestius; que Pelage qu'il lui donne, fait voir que Mercator n'était
ayant encore été déféré à un concile tenu à lui-même que laïque. Son ouvrage est pré-
Jérusalem, évita par ses subtilités et ses cédé d'un prologue où il décrit l'origine de
subterfuges la condamnation qu'il méritait; l'hérésie de Pelage; il en fait auteur quelques
mais que dans un second concile, auquel Syriens, et surtout Théodor£ de Mopsueste
présida Théodote d'Ancyre, il fut convaincu en Cilicie, mort vers l'an 428. Il accuse Rufin,
d'erreur et chassé des saints lieux. Il prouve qui était aussi de Syrie, d'avoir le premier
dans la quatrième que les sentiments de apporté cette erreur à Rome; à quoi il ajoute
Célestius étant les mêmes que ceux de Pe- que, n'ayant osé la publier, il en avait ins-
lage, la condamnation de l'un emporte celle truit Pelage, moine anglais, qui l'avait ré-
de l'autre. La cinquième partie regarde Ju- pandu dans commentaires sur les Epîtres
ses
lien. Mercatorle presse de condamner Pelage de saint Paul ; que Célestius, homme de qua-
et Célestius, ou de proposer les raisons qui lité et d'esprit, mais né eunuque, s'était
pourraient l'en empêcher. Il finit son mé- joint à Pelage et qu'ayant réduit sa doc-
,

moire en marquant, comme il l'avait déjà trine en six articles, il en avait imbu le peu-
fait, que plusieurs de ceux qui s'étaient ran- ple quoiqu'ils eussent été l'un et l'autre con-
;

gés du côté de Pelage, de Célestius et même damnés, avec leurs erreurs, Julien en avait
de Julien, s'en étaient repentis et avaient en pris la défense dans divers écrits réfutés par
conséquence éprouvé la miséricorde des évê- saint Augustin. Mercator ne se contenta pas
ques catholiques. Mercator cite dans ce mé- de lire la réfutation que saint Augustin en
moire un grand nombre de pièces originales il lut aussi les écrits de Julien
avait faite, et :

sur lesquelles il avait travaillé son mémoire, comme y remarqua qu'il s'appliquait par-
il

disant qu'il les avait entre les mains. La plu- ticulièrement à montrer que le péché d'Adam
part sont perdues, ou du moins il ne nous en et d'Eve ne les avait pas rendus sujets à la
reste que quelques fragments. Voici celles mort, et que ce péché n'était passé à leurs
qu'il cite la requête ou le libelle d'accusa-
:
descendants que par imitation, et non par la
tion présenté par le diacre Paulin contre Cé- génération, qu'il appelle succession hérédi-
lestius, à Aurèle, évêque de Carthage; les taire, il crut devoir s'attacher dans ses notes
Actes du concile tenu à cette occasion par à prouver que la mort est l'eflfet du péché
cet évêque ; les lettres d^\tticus de Constan- d'Adam et d'Eve, et que c'est par une suite
tinople aux évêques des grands sièges, tou- de ce péché que nous sommes mortels. Il ne
chant condamnation de Célestius les
la ; laisse pas d'y combattre les autres erreurs
Actes du concile de Rome, sous Zosime ; des pélagiens, mais uniquement comme des
les lettres de ce Pape à tous les évêques du suites de celles dont nous venons de parler.
monde pour leur donner avis de la con- Il se reconnaît dans ce prologue moins élo-

damnation des erreurs et des personnes de quent que JuUen, mais en un autre sens plus
Pelage et de Célestius les commentaires de
;

Pelage sur les Epîtres de saint Paul, les li- ' Mercat., ia Prolog., pag.
fV SIECLE. CHAPITRE XXXVI. — MARIUS MERCATOR. 503

fort que lui, à cause de la solidité de la foi le corps, mais de mort qui tue l'âme et
la

chrélienne sur laquelle il s'appuyait, décla- qui la fait périr éternellement. Sur quoi Mer-
rant que, sans avoir recours h l'art des so- cator lui fait celte question qu'il avait faite
phistes, il ne voulait emplo}'er que les pa- lui-même à Rome touchant le péché. «Est-ce
roles de l'Ecriture pour convaincre cet esprit une substance? Est-ce une nature? Est-ce un
superbe- et réfuter ses erreurs. Il le regarde accident? » Il lui demande pourquoi les en-
au surplus comme un objet plus digne de fants ont besoin du rédempteur, s'ils n'ont
compassion et de larmes que d'aversion. point été en captivité; pourquoi dit -on
Après ce préambule, il passe aux proposi- qu'ils sont renouvelés dans le baptême, s'ils
tions qu'il avait extraites des livres de Julien, n'ont point été déshonorés par l'ancienne
et les réfute par des notes aussi aigres que tache du péché d'Adam? Comme il pouvait
pressantes, relevant jusqu'aux termes de Ju- répondre, avec Pelage et Célestius ^, qu'ils
lien, lorsqu'ils lui paraissent impropres ^ Tel étaient baptisés pour le royaume du ciel et

est le terme d' innovât io7}. Mercator soutient afin de devenir enfants adoptifs, il montre
que son adversaire ne s'en est servi que pour que, suivant la doctrine de l'Apôtre, le bap-
couvrir ses mauvais sentiments, et qu'en tême nous sauve, nous rachète, nous renou-
parlant de ceux qui sont baptisés , il faut velle que l'Apôtre suppose donc nécessai-
;

employer terme de rénovation et non pas


le rement qu'avant le baptême tous les hommes
d'innovation. Il lui reproche aussi d'avoir dit et les enfants mêmes sont dans le péché,
que le péché qui nous est transmis d'Adam, dans l'esclavage et dans l'état qu'il qualifie
est natftrel à l'homme 2, au lieu de l'appeler de vieil homme. Il prouve par le même Apô-
originel, comme faisaient les catholiques, et tre que Dieu nous a non-seulement trans-
"^ ^^Tit. n.u

de reconnaître avec eux qu'il est attaché à férés dans le royaume de son Fils bien-aimé,
la nature corrompue de l'homme. Il le pousse mais qu'il nous a encore arrachés de la puis-
vivement sur une raillerie trop libre qu'il sance des ténèbres; qu'il nous a rachetés en
avait faite ', et lui demande s'il est donc le nous méritant par le sang de son Fils la ré-
fils de l'évéque Memor, d'heureuse mémoire, mission de nos péchés; que ce Fils s'est livré
et de Julienne, cette femme si recomman- lui-même afin de nous purifier, pour se faire
dable parmi celles de son sexe ou plutôt ;
un peuple particulièrement consacré à son
s'il n'est pas né de quelque femme débau- service, u Les enfants, dit Mercator, sont-ils
chée. Julien avait aussi avancé^ que la mort donc exclus du nombre de ceux qui sont ra-
a passé dans le genre humain par le péché chetés du sang de Jésus-Christ ? Ne sont-ils
d'Adam, et que toutefois elle ne règne que pas purifiés pour être du peuple que Jésus-
sur ceux qui imitent sa prévarication. Mer- Christ s'est formé?» Il rapporte un grand
cator le combat par lui-même, en lui remet- nombre de passages des Epitres de saint Paul
tant devant les yeux une lettre qu'il avait et des Evangiles, qui nous représentent Jé-

écrite autrefois au Siège apostolique, et oîi sus-Christ comme notre médecin, notre pas-
il disait que quiconque assure que tout le teur, notre consolateur, qui nous a guéris,
genre humain ne meurt pas par le péché régénérés, justifiés, réconciliés, délivrés,
d'Adam ^, et ne ressuscite pas par la résur- transférés de la puissance des ténèbres au
rection de Jésus-Christ, contredit l'Apôtre, royaume de son Père qui a efiacé les péchés
;

>)r ïv.-'î. qui dit : Comme tous meurent en Adam, tous du monde et aboli la cédule qui était contre
ressuscitei'ont aussi en Jésus-Christ. Ensuite il nous, en l'attachant à la croix. Il se moque
prouve que la mort régnant sur les enfants de Julien * qui, accordant que le péché était
comme sur les personnes âgées, on ne peut entré dans le monde par im seul homme, et
dire qu'elle n'a d'empire que sur ceux qui la mort par le péché, soutenait que la mort
imitent le péché d'Adam, les enfants n'étant seule avait régné sur tous les hommes, et non
pas capables de cette imitation. Julien ré- pas le péché. « Le péché, lui dit-il, est-il
pondait que la mort qui est passée aux des- entré pour rester à la porte? Et où est-il en-
cendants d'Adam à cause de son péché, s'en- tré, sinon dans tous les hommes? C'est à
tendait non de la séparation de l'âme d'avec vous à. expliquer comment le péché par imi-

' Garner., 37, pag. 6. s Ibid., 46, pag. 16. — « Ibid., 53, pag. 22.
» Ibid., 38, pag. 8. ^ Ibid-, 54, 53, pag. 24.
3 Ibid., 40, pag. 9. — ' Ibid., 4S, pag. 12. » Ibid., 58, pag. 32.
S04 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
talion s'est fait un passage, et que lepéché qu'elle suppose que Jésus-Christ est un com-
originel ne s'en est point fait. » Il lui oppose posé de deux personnes, et non pas de deux
le sentiment de l'Eglise universelle*, qui en- natures unies en une même personne. Il ré-
seigne qu'Adam et Eve ont été, après leur fute cette erreur par divers passages de l'An-
prévarication, punis d'une double mort, l'une cien etdu Nouveau Testament, et conclut
qui consiste dans la dissolution de l'âme avec ainsi « Le Verbe Dieu est homme
* : et ,

le corps l'autre qui prive l'âme de la vie


;
l'homme est Verbe Dieu et comme il est :

éternelle; mais que Jésus-Christ nous a dé- un dans la gloire et la majesté de Dieu il ,

livrés de toutes les deux de celle de l'âme :


est un aussi dans la bassesse de l'homme. Il
en nous remettant nos péchés dans le bap- n'y a encore qu'un seul Seigneur Jésus-Christ
tême ; de celle du corps, en nous accordant dès le sein de la Vierge, qui, étant substan-
rimmortalité par la résurrection : ce qui est tiellement Fils de Dieu, est une même chose
une preuve que cette double mort passe dans avec le Père et le Saint-Esprit, un seul Dieu
tout le genre humain. Il lui oppose encore dans la Trinité. »
plusieurs passages de saint Paul, qui con- 9. Dans un autre écrit Mercator fit voir en
tiennent une semblable doctrine. Il excepte quoi l'erreur de Nestorius était conforme à
de la mort l'âme de Jésus-Christ, parce que celle de Paul de Samosate, et en quoi elle
la concupiscence n'a eu aucune part à sa en convenaient ensemble en ce
différait. Ils
naissance^, et qu'il est né d'une mère vierge qu'ils disaient l'un et l'autre que le Verbe,
devant et après son enfantement. A quoi il quoique uni avec Jésus-Christ, en était dis-
ajoute que si le Sauveur a souffert l'autre genre tingué, comme le temple l'est de celui qui
de mort, qui consiste dans la séparation de l'habite. Mais Nestorius soutenait la consubs-
l'âme avec le corps, c'est qu'il l'a bien voulu, tantialité et l'éternité du Verbe ce que Paul ;

pour nous délivrer de la dette que nous de Samosate, Photin et Ebion niaient. On
avions contractée eu Adam. Mercator promet croitque Mercator fit ce petit écrit avant la
un second écrit contre Julien ^, surtout s'il condamnation de Nestorius dans le concile
entreprend de répondre à celui-ci. On ne voit d'Ephèse. Mais depuis, et lorsque Nestorius
pas qu'il l'ait fait. eut été déposé, Mercator voulant faire con-
8. Mais, pour rabattre l'orgueil de Julien, naître et éviter les blasphèmes de Nestorius,
qui se vantait d'avoir eu pour maître Théo- à ceux qui n'entendaient pas la langue grec-
dore de Mopsueste, Mercator entreprit de que ^, traduisit quelques-unes des homélies
montrer que cet évêque avait été dans des de cet hérésiarque, en commençant par la
sentiments hérétiques sur l'incarnation, et première, dans laquelle il avait attaqué la
infecté des erreurs de Paul de Samosate, divinité de Jésus-Christ, et contesté à la
d'Ebion, de Marcel d'Ancyre et de Pholin. sainte Vierge le titre de Mère de Dieu. Il re-
Il traduisit à cet effet un symbole que l'on
marque, à la tète de la quatrième, que Nes-
attribuait alors à Théodore de Mopsueste, et torius la prononça le 8 des ides de décem-
qui fut condamné dans le concile d'Ephèse, bre, sous le consulat de Théodose pour la
mais sans nom d'auteur. Il fait divers rai- treizième fois, et de Valentinien pour la troi-
sonnements sur ce symbole, qui tendent à sième, c'est-à-dire le sixième de ce mois de
montrer que la doctrine en est hérétique, et l'an 430, et six jours après qu'il eut reçu des

1 Super hac quœstione mortis videlicet, videamus


,
carnali, sed nova in eo generatio ex immaculata ante
quid universalis Ecclesia, quam grœco sermone catho- parium et post partum virgine sine libidine ad fuit.
licam dicbnus, dicat et senliat, suosqite filios doceat, Ibid., pag. 37, 60.
quannm sciât morte Adam et Evam post prœvarica- s S/ autem vitœ Deus commeatum dederit, et ad re-
tionem fuisse mulctatos, illane quœ a corpore animam fractandos hos optimos libros tuos, et ad illam sa-
séparât, an illa quœ secundum animam dicitur? sed pientissimam epistolam tuam relegendam fempus in-
dubium non est utraque eos esse mulctatos, et utrique dulserit, quando Deus voluerit, tibi iteruoi responde-
remedium attulisse. Nam cum par lavacrum regene- bimus. Ibid., pag. 20 et 51.
rationis ac renovationis remittid peccata, et immorta- * Ergo Verbum Deus homo, et homo Deus Verbum,
litatem per resurrectionem carnis... non aliter prosa- et sicut in gloria et majestafe Dei ununi, ita et his
tores generis humuni prœdictos condemnatos fuisse, quœ ima sunt secundum hominem unum : et unus Do-
quam geinina morte credendum est et ingénus utrum- minus Jésus Cftristus ex utero, qui substantialiter Fi-
que transire. Mercator., pag. 33 ; Baluz. et Garner., lius Dei unum cum Pâtre et Spiritu Sancto, Deus
pag. 59. unus in Trinitate. Ibid., pag. 50, Baluz.
* Non ita natus est ut cœteri homines de voluptate 5 Pag. 53, 56, 70, 74.
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXVI. — MARIUS MERC.VTOR. oOo

lettres de saint Cyrille et de saint Célestin ; douze articles de foi qui lui avaient été en-

que lendemain, qui ëtait un dimanche, il


le vovés. Nous avons mis les premiers, ceux
fit celle qui est la cinquième '. Il traduisit de l'évêque Cyrille, que l'Eglise romaine a
aussi la lettre de Nestorius - en réponse à approuvés par un jugement véritable, et en-
celle qu'il avait reçue de saint Cyrille ; les suite ceux de Nestorius, les uns et les autres
deux que saint Cyrille écrivit à Nestorius ; traduits du grec en latin. » Mercator, dans les
une troisième du même saint à ses clercs qui réponses qu'il fait aux anathèmes de Nesto-
étaient à Constantinople ; les extraits que rius, se cache sous le nom général de catho-
saint Cyrille avait faits des différents écrits lique. Il y combat avec force l'erreur de Nes-
de Nestorius ^. torius, qui distinguait deux Fils, l'un né du
11 travaille 10. Celui-cl avait reçu dans son amitié Ju- Père avant tous les siècles l'autre né de ,

léré»ie"'"de lien et ses adhérents, et leur avait promis de Marie depuis environ quatre cents ans, et il

"*'*'
'-
les appuyer de son crédit et de ses sollicita- soutient les vérités suivantes : c'est le même
se<].

tions. avec eux sincèrement ou


Ai?issait-il qui . étant Fils de Dieu par sa nature, s'est
non? que Mercator ne veut point
C'est ce fait Fils de l'homme en prenant un corps
décider mais sachant qu'il ne pensait pas
; dans de la Vierge sans cela, Jésus-
le sein ;

comme eux sur la doctrine du péché origi- Christ ne pourrait être Emmanuel, et le pro-
nel, il mit en latin quatre discours, ou du phète n'aurait pas dit vrai lorsqu'il a prédit
Vous n'aurez point parmi vous un
'

moins les endroits de ces discours les plus à Israël :

précis sur cette matière. Il ne fit cette tra- Dieu nouveau et récent. Le mélange et le chan-
duction qu'après le concile d'Ephèse. Dans gement que Nestorius appréhendait dans la

le premier de ces discours, qui fut fait en pré- divinité, en la supposant unie substantielle-
sence même de Julien, Nestorius reconnaît ment h l'humanité, étaient purement imagi-
que douleurs de l'enfantement sont
les la naires de sa part car l'âme, quoique étant
;

peine du péché de nos premiers parents, et unie de la même manièi-e au corps, n'en
que les enfants emporteront avec eux la sen- souffre ni changement, ni mélange; à cause
tence rendue contre le genre humain, s'ils de l'imion des deux natures en une seule
ne sont point régénérés dans les eaux du personne, lésus-Christ est véritablement et
baptême avant leur mort. Il établit la même positivement Fils de Dieu en Dieu c'est ce ;

doctrine dans les trois autres discours. Mer- Fils de Dieu coéternel et consubstantiel au
cator joignit à ses traductions celle de la let- Père, qui, s'étant incarné dans les derniers
tre de Nestorius à Célestius, qui, ce semble *, temps, a soufîert pour nous, non dans sa di-
ne laisse aucun lieu de douter qu'il n'ait été vinité, mais dans sa chair, ainsi que les Pères
uni de communion comme d'amitié avec les de Nicée le disent dans leur symbole c'est une ;

pélagiens, qu'il salue dans cette lettre. folie et une impiété de dire, comme faisait

Mercator
MOn ne peut guère mettre plus tôt qu'en
. Nestorius, qu'il y a deux Fils, un par nature,
traduit
ADalbématis-
les
l'an 431 la réponse que Mercator fit aux l'autre par adoption ;
par cette distinction,
Nestorius tombe dans l'hérésie de Paul de
ines de satnt
Cyrille et de douze anathèmes que Nestorius avait oppo-
Nestorius
Répond à sés à ceux de saint Cyrille, puisqu'il y dit ^ Samosate, qui distinguait dans Jésus-Christ
ceni-ci pag.
maux deux personnes comme deux natures. Celui
,

\\i Baluz.; avoir appris que Nestorius, averti des


qui est né de la Vierge, est le même qui est
Garner., pie.
116, tom. U. que son obstination à refuser à la sainte
Vierge le titre de Mère de Dieu, causait à né le Fils unique du Père avant l'aurore ;

l'Eglise, consentit de le lui donner ce que : aucun chrétien n'a jamais séparé ni divisé
Socrate dit être arrivé à Ephèse ^, apparem- les mérites, c'est-à-dire l'adoration et la glo-
ment pendant la tenue du concile, ou quel- rification qui est due à l'Emmanuel; tous
ques jours auparavant. Le titre de la réponse ayant reconnu Jésus-Christ pour un et même
de Mercator est conçu en ces termes « Les : Dieu et Fils de Dieu, que Jésus-Christ est le
douze blasphèmes de Nestorius, par lesquels seul médiateur, et que l'esprit par lequel il

il contredit les lettres qui lui ont été en- a opéré des miracles sur les hommes, lui était
voyées par les saints Célestin, évêque de propre; il n'est pas seulement Dieu de nom,
Rome, et Cyrille d'Alexandrie, et s'etïorce mais par nature; la chair de Jésus-Christ est
par des réponses très-courtes de réfuter les vivifiante par sa nature, comme il le dit lui-

» PasT. 87. — * Pag. 90, 99, 103. s Mercat., pag. 134; Baluz., pag. 117; Garner.
» Papr. 107.— ' Pag. 131. 6 Socrat., lib. VII, cap. x.Kxiv.
506 HISTOIBE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Joan. V, b • même : Si vous ne mangez ma chair et ne buvez Orientaux, et la défense qu'il en fit en parti-
mon sang, vous n aurez point la vie en vous. culier contre Théodoret, adressée à Evoplius :

Bien que la divinité soit impassllile , on a outre que ces pièces se trouvent dans les
dit avec vérité que le Fils de Dieu uni à manuscrits de Mercator, on juge que la tra-
l'homme composé de corps et d'âme *, a duction est de parles termes aigres dont
lui,
souffert tout ce que son humanité a souflert; il accompagne ordinairement ses ouvrages;
parce que, s'en étant approprié toute la subs- car tandis que saint Cyrille, en répondant à
tance qu'il voulait guérir, il ne faisait qu'un Théodoret, s'était contenté de mettre Objec- :

tout avec elle, et que, demeurant Dieu avec tion de Théodoret, Mercator met Objection de :

elle, comme il Tétait auparavant, il était l'hérétique. Suit un extrait des cinq livres de
homme aussi. Mercator joignit h la réfutation Théodoret contre le concile d'Ephèse *; plu-
des douze anathèmes de Nestorius^, celle de sieurs de ses lettres à diverses personnes ,

plusieurs passages qu'il avait extraits de ses les unes à Nestorius déjà banni, d'autres à
sermons, et qui contenaient ses erreurs sur Alexandre d'Hiéraple, à Himérius de Nico-
l'incarnation. Pour lui, il déclare sa foi sur médie^; et un passage d'un discours supposé
ce mystère en ces termes ^ : « Nous confes- à Théodoret sur la mort de saint Cyrille, tiré
sons que Jésus-Christ est Dieu, et le Verbe, des actes de la condamnation de Domnus
qui, coéternel au Père, s'est fait chair, c'est- d'Autioche ^. Mercator ne dissimule point
à-dire fait homme , un corps et
a^^ant pris qu'il n'a traduit toutes ces pièces que pour
une âme raisonnable que
nature divine
;
la faire voir que Théodoret a pensé comme
par laquelle il est un avec le Père et le Saint- Nestorius et mérité d'être condamné avec
Esprit, demeurant en lui sans changement lui. Il avance la même chose de Théodore de

et sans altération, il ne fait qu'un tout indi- Mopsueste; et pour en apporter des preuves,
visible avec sa chair et son âme raisonnable; il donne des extraits de ses livres contre
qti'ainsi ou ne peut dire qu'il y ait deux saint Augustin, où il prétend qu'il combat la
Fils, ni trois, comme on ne peut dire qu'un doctrine de l'Eglise sur le péché oi'iginel ^.
homme ordinaire en fasse deux, parce qu'il Il en donne aussi des écrits de Diodore de

est composé de deux substances, c'est-à-dire Tarse, d'Ibas d'Edesse d'Eulhérius de


,

du corps et de l'âme, étant un dans la sin- Thianes, qu'il croit avoir été dans des senti-
gularité de sou état et de son espèce et une ments favorables à l'hérésie de Nestorius ^.
seule substance. Il en est de même de l'inef- 11 promet de traduire encore en latin divers

fable majesté divine du Fils de Dieu, qui, autres écrits des partisans de cet hérésiar-
avec le corps et l'âme raisonnable, est une que, afin de les faire connaître et d'éviter
dans sa personne et dans sa substance et , par ce moyen la surprise aux simples. Il
ne fait de Dieu et de l'homme qu'un seul ajoute qu'il n'était guère possible, dans le
Seigneur Jésus-Christ, qui est Dieu avec le temps auquel il écrivait, de témoigner du
Père et le Saint-Esprit dans tous les siècles.» zèle contre les nesloriens sans passer pour
12. Après la réfutation des anathèmes de eutychien ou contre les eutychiens sans
,

Nestorius, suit dans l'édition de M. Baluze, passer pour nestorien. Quelques-uns ont in-
la traduction de la sixième session du con- féré de là que Mercator a survécu au concile
cile d'Ephèse puis l'apologie que saint Cy-
;
de Chalcédoine, où l'hérésie d'Eutychès fut
rille fit de ses Anathématismes contre les condamnée mais ils n'ont point pris garde
;

' Dei Filius, Deus gerens hominem compositum ex plicem dicendum, non triplicem, qui nec homo com-
anima et corpore reclissime dicitur passus (juidquid munis unus ex anima rationali et corpore duplex aut
illa suscepta humanitns pei'tulit. Ipsius enhii propria triplex un'juam dici potuit, sed in singularitaie status
tota humana illa substantia erat, quam sanandam sui unus et una substantia : ita et illa ineffabilis di-
susceperat, sibi conjungens, unum se totum cum illa vina Filii Dei majestas in sua personu et substantia
faciendo, et cum illa Deus manens quod erat, cxis- una est cum assumpta anima sua compote rationis, et
iens etiam homo. Mercat., Anathem. li, pag. 159; solido ac perf'ecto corpore suo, nihil dupli tel In'pli
Baluz., Garner., pag. 124. admittetïs in se appellationis propter unitutem vel
* Baluz., pag. 159; Garner., pag. 126. singularita'em in qua ei hominem suscipere et gerere
Cliristum nos Deum ab œtet'no Verbum apud Pa-
' placuit, seque Deo et illo facere unum Dominum nos-
trem, caniem factum, id est, hominem factum , con- trum Jesum Christum cum Pâtre et Spiritu Sancto
fitemur ex anima ralionali et corpore manente in eo in Trinitate unum Deum manentem in sœcula. Mer-
incommutabili atque inconvertibili cvm Pâtre et Spi- cat., pag. 160.
riiu Sancto divina natura, unum totum indivisum a * Pag. 324. — s
Pag. 333. — « Pag. 339.
sua carne et anima, ut diximus, rationali, non du- Pag. 340, 349. — » Pag. 334.
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XXXVI. — MARIUS MERCATOR. 507

qu'elle l'avait déjà étéen l'année 448, le un Christ, une seule personne, et non pas
22 de novembre, dans la dernière session deux Christs, deux personnes, deux Fils. Il
du concile de Constantiiiople *. Il y a même distingue au même endroit les deux natu-
de la charité à le supposer, puisqu'on n'a res * le Verbe, le Fils unique de Dieu fait
:

point de preuves du contraire, qu'il n'a pas homme, a conversé avec les hommes, s'étant
vécu au-delà de Tan 449, auquel Domnus rendu visible par son humanité ; c'est dans
dont il parle, fut condamné par le faux con- sa chair qu'il a souffert, qu'il est mort, qu'il
cile d'Eplièse car on ne pourrait l'excuser
; est ressuscité, qu'il viendra juger les vivants
d'avoir traité si durement et avec tant de et les Nous avons vu plus haut
morts.
mépris Théodoret, s'il l'avait fait depuis le qu'il reconnaît que le Verbe, en se faisant

concile de Chalcédoine, où cet évêque fut chair, n'a souffert aucun changement, et il
reçu dans la communion publique de toute le dit encore dans l'endroit même qui fait

l'Eglise. Mercator semble dire que ce qu'il quelque difficulté.


avait écrit contre l'iiérésie de Nestorius le fil 13. L'on a mis parmi les œuvres de Mer- Autre»
ductions
tra-
He
Merci>tor. B»-
soupçonner d'eutycbiauisme; mais il se lave cntor la lettre de Nestorius au pape Célestin; luz., pag. 3S5
et àeq.
au même endroit de ce soupçon ^, en quali- celle de saint Cyrille à Nestorius, où sont les
fiant de folie l'hérésie d'Eutychès, comme douze anathématismes et les scholies du
celle de Nestorius, et en mettant à In fin de même Père sur l'Incarnation, apparemment
son recueil un discours de Jsan, évêque de parce que l'on a cru qu'il les avait traduites

Tomes en Scytbie, qu'il appelle un bienheu- du Ce qu'il y a de vrai, c'est qu'elles se


grec.
reux Père, contre les hérésies de Nestorius et trouvent parmi ses œuvres dans le manuscrit ,

d'Eutychès, qui se répandaient beaucoup, de Beauvais, dont le Père Garnier fait grand
parce qu'on ne les connaissait pas assez. Si cas mais il convient qu'il contient aussi la
:

donc, en quelque endroit de ses écrits, il re- lettre du pape .Anastase contre Rufin d'A-
jette l'expression de deux natures et de deux quilée, et l'écrit d'un autre Rufin sur la Foi;
substances ', voulant que le Verbe, l'âme et et toutefois il ne pas qu'elles viennent
croit
le corps ne fissent en Jésus -Christ qu'une ni l'une ni l'autre de Mercator. Baluze rap-
substance, comme elles n'y sont qu'une per- porte les lettres de Nestorius à Célestin, celle
sonne, on ne doit point inférer do là qu'il ait de saint Cyrille et ses scholies. Pel^t-êt^e les
pensé, comme les eutychiens, qu'après l'u- a-t-il trouvées aussi dans le manuscrit du

nion des deux natures, il n'en est resté Vatican, qu'il croit plus correct et plus ample
qu'une à cause du mélange et de la confusion que celui de Beauvais. Mais il n'a pas cru
des deux. Ce n'est point là le sens de Mer- devoir charger son édition de la lettre du
cator. Il soutient que comme l'homme, quoi- pape Anastase, ni de l'écrit sur la Foi. Il la
que composé de deux natures diflerentes, de finit par la lettre de saint Augustin à Merca-

l'âme et du corps, n'est qu'une nature, par tor. On peut voir dans l'article de Rtifin ce
l'institution même de Dieu, qui l'a réglé dès que nous y avons dit de cette profession de
le commencement et pour toujours de même ; foi et d'une autre qu'on lui a aussi attribuée *.

Jésus-Christ, quoique Dieu et homme tout Mercator vécut, comme on l'a dit, jus-
14. jo^i-ment

ensemble, n'est qu'une nature, c'est-à-dire qu'en 449, ayant témoigné dans toutes les M^mo"

» Toin. IV Concil., pag. 227. convenit in unum non contra naturam, sed naturaliter
* Est enim hœresibus utriusque (Nestorii et Enty~ et institutione Dei, qui ita ut esset semel, et ab initia
chelis) concretum ut contra quamlibet eurum catholi- et in perpetuum sanxit atque disposait. Pag. 48.
cus disputator assurgat , neiilri (amen suipicionii cri- * l'tiqueVerbum Dei, Deus homo, et homo Deus,
men e/fugiat, dum nos eutychianam refellentes insa- Jésus Christus, Filius unigenifus Patris, qui cum in
niam, nestorianos appellare non desinant, et contra terris in came constitutus esset, et in ipsa visibilis
Nestorii complices catholica veritate convicti, refuta- conversaretur inter homines ab hominibus in ipsa
tores suos eutychianos existere mentiantur. Ideo neces- passus, crucifixus in ipsa, morluus in ipsa, re-iurrexit
sarium credidimus -tttramque pravitatem sua per plu- tertia die, cum ipsa judex venturus iotus. Hic natura
rimos ignoruntia serpeniem l^eatissimi patris Joannis Filius Dei est ex Deo Verbo et homine cum anima
Tliomiianœ urbis episcopi, provinciœ Scythiœ, sermoni- rationa/i et carne solida atque perfecla. Hcetrei sulis-
bus prodere. Mercat., pag. 335. tantiœ, una jam substnnfia, una quoque persona,
3 Quid duaiitas naturarum, quid diversitas subs- subsiantialHer enim Deus hominem indemutabiliter
tantiarum in uno Domino Chnsto magna et impia lo- euro faclus suscepit, et gessit, nec deposuit. Nec de~
quacitale nobis adfertur? et cerfe homo communis ex positurus est unqunm. Ibid.
anima et corpore constitutus ex dicersis sine dubio » Voyez tom. VU, pag. 43i, 453.
substantiis et naturis, corporali videlicet et spiritali...
508 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Kditiors
qu'on
occasioiis un "rand zèle pour la pureté de la ont rapport à l'hérésie de Nestorius. Le Père
en a ,

laiies.
doctrine de l'Eglise, sans cranidre les mau- Garnier, qui a pris soin de cette édition, l'a

vais traitoments de ses adversaires. On ne enrichie de quantité de dissertations et de


voit pas qu'il ait été employé dans le ministère notes qui causent quelque ennui par leur
ecclésiastique, et il ne prend d'autre qualité longueur, mais qui répandent beaucoup de
dans ses écrits que celle de serviteur de Jé- lumières sur le texte de Mercator et sur l'his-

sus-Christ; mais il n'en mérite pas moins toire de l'Eglise de son temps. Le Père Gar-
dé considération, surtout en ce qui regarde nier adonné cette édition sur deux manus-
la condamnation des erreurs de Pelage et de crits, l'undu Vatican, l'autre de Beauvais.
Nestorius. Ce fut sur ses Mémoires que l'on Le Père Poussines avait envoyé une copie du
chassa les pélagiens de Constantinople et premier au Père Labbe qui songeait à don-
,

d'Epbèse, et en traduisant de grec en latin ner Mercator au public, mais qui en fut em-
les anathèmes de Nestorius, il rendit cet pêché par la mort. Ce fut aussi le Père Labbe
hérétique, comme il le méritait, l'objet de qui revit cet auteur sur le manuscrit de Beau-
l'horreur de l'Occident, ainsi qu'il l'était déjà vais, en sorte qu'il n'y a que les notes et les
de l'Orient. S'il eût traité ses adversaires dissertations qui soientdu Père Garnier. La
avec moins de dureté et avec un peu plus de même année dom Gabriel Gerberon fit im-
,

modération et de politesse, il se fût rendu primer une partie des écrits de Mercator à
plus recommandable, et la cause de l'Eglise Bruxelles, en un volume in-i2, avec de courtes
n'en eût rien souffert. La vérité n'a pas be- notes mais aussi utiles que savantes. Il ne
,

soin du secours des injures. Mais c'était un donna point le premier Mémoire historique de
naturel plein de feu, qui ne se donnait pas le Mercator touchant Célestius, parce qu'il se
loisir de mesurer ses expressions, moins en- trouvait déjà imprimé parmi les Conciles du
core de les choisir. Il n'avait en vue que la Père Labbe. Dom Gerberon prit à la tête de
défense de la saine doctrine, peu inquiet dans cette édition le nom de Rigbérius. La troi-
quels termes il la défendait. Il traduisait, au- sième est de Baluze. Elle parut, à Paris, en
tant qu'il le pouvait, mot à mot, dans la 1684, in-8°, revue, comme la première, sur
crainte de passer pour un faussaire '. Dans les manuscrits du Vatican et de Beauvais.
ses traductions, il songeait plus à la fidélité Cette édition est plus complète que les pré-
qu'à l'élégance, aimant mieux qu'on le reprît cédentes et plus commode, parce qu'on y
de quelque mot barbare et peu latin, que d'a- trouve de suite le texte de Mercator et des
voir altéré le sens des pièces qu'il traduisait. autres écrivains dont il nous adonné des tra-
Il en fait néanmoins des excuses à ceux de ductions, et que ses notes n'ont rien d'étran-
ses lecteurs qui auraient souhaité plus de po- ger an texte. 11 paraît seulement que Baluze
litesse dans le style et de choix dans les ex- a renversé l'ordre des Mémoires de Mercator,
pressions. Il ajoute qu'il se soucie peu que et qu'il a mis en premier lieu celui qui ne
l'on en examine chaque syllabe ^, assuré que devait être qu'en second et en second celui
,

personne ne pourra l'accuser de faux, et que qu'il devait placer le premier. [Elle a été
s'il a employé quelques termes vicieux, il
y réimprimée dans la Biblioth. vet. Pair, de
a été obligé pour conserver dans le latin toute Galland, tome VIII, pages 613-738. Le tome
l'énergie et toute la force du mot grec. Nous XLVllï de la Pati^ologie latine contient tous
avons trois éditions de ses œuvres. La pre- les écrits qui nous restent de Marins Merca-
mière, qui est de Paris, en 1673, est en deux tor, d'après l'édition du Père Garnier, mais
volumes in-fol., dont le premier renferme les avec les notes et les variantes des éditions de
écrits de Mercator et de quelques autres tou- Baluze et de Galland. En tête on ht une pré-
chant l'hérésie de Pelage et sa condamnation. face des nouveaux éditeurs, la préface du
Le second est un grand nombre de pièces qui Père Garnier sur tous les ouvrages de Merca-

'
Li quihus de verbo ad verbum, in quantum fieri gius aberrare. Mercat., praefat. in Nestor, serm.;
poiuit, conatus sum translator exprimere, ne prius Garner., tom. Il, pag. 3; Baluz., pag. 52.
falsaj'ius mayis, quam verus postea probarer inler- * Occupent igitur se ad singulas nostras syltabas

pres. Da igitur veniam, pie lector, si aut mi7ius ora- scrutandas et verba rimanda, non id euro nec magni
tione luculenta, aut verborum ubicumque prœsumpto- pendo, securus quod mihi de hoc opère nullus falsarii
rum novitas aurem forte perculerit : elegi oblrecta- nomen imponai : scio etiam ab islis exprobrandu no-
torum linguis inagis exponi, quam a veritate sensuutn bis esse aliquu dicta viliosa, quœ 7iobis vis servandœ
exprimenda , ubi est omne de fatsitate periculum, lon- grœcce proprietatis extorsit. Ibid.
[V<^ SIÈCLE.] CHAPITRE XXXVII. — PHILOSTORGE, HISTORIEN. 509

de Baluze et une notice littéraire de


tor, celle a donné doni Gerberon a été réimprimé dans
Schœnemann.] On trouve quelque chose des le supplément de la Bibliothèque des Pères,

écrits de Mcrcator contre les pélagiens, dans c'est-à-dire dans le vingt-septième tome, ù
le dixième tome de saint Augustin ce qu'en ; Lyon, en 1677.

CHAPITRE XXXVII.

Philostorge , historien ecclésiastique, [écrivain grec du v^ siècle].

Phi- \. Nous ne trouvons rien de Philostorge côté des ariens contre l'Eglise. On voit, par
II

vers dans les écrivains qui ont vécu de son temps, ses écrits ", des arts libé-
qu'il était instruit
ni dans ceux qui ont écrit depuis, jusqu'au raux, en particulier de la philosophie natu-
siècle de Photius et peut-être serait-il tombé
; relle de l'histoire de la géographie
, de la
, ,

dans un éternel oubli, si ce célèbre critique poésie , de la médecine , des mathématiques


ne lui eût donné place dans sa Bibliothèque^. et de l'astrologie, sciences que l'on cultivait
On met sa naissance vers l'an 364, ce qu'il alors avec beaucoup de soin. Il parait aussi
autorise lui-même en disant qu'il avait vingt quil avait lu les écrits des anciens, comme
ans lorsqu'il vint à Coustantinople et qu'il y de Josèphe, de Piiilou, d'Eusèbe de Césarée,
vil Euuomius ^, qui, comme l'on croit ^, fut de Porphyre, de Méthodius, de saint Basile,
présent à la grande conférence de Constan- d'Apolliuaire, d'Astérius et d'Eunomius, et
tinople, en 383. qu'un méde-
U dit ailleurs * qu'il s'était appliqué à l'étude de l'Ecriture
cin de son temps, de même nom que lui, se sainte ^. Il eu rapporte en eti'el divers endroits
rendit fameux sous le règne de Valenlinien et diverses, maximes de piété, qui ont fait
et de Valens; qu'il eut deux fils, dont l'un se croire à quelques-uns ^ que Philostorge, quoi-
nommait Philagrius et l'autre Possidouius, et que engagé dans l'erreur des ariens, n'était
que ce dernier réussissait fort bien dans la pas néanmoins livré entièrement à l'impiété.
profession de son père. La mère de Philos- Sa haine contre les juifs, contre les apostats
torge se nommait Eulampie ^. Elle était native et contre les païens "^ était implacable, et il

de Borille, petite ville de la seconde Cappa- Théodose ",


attribue la félicité de l'empereur
doce, et fille d'un prêtre nommé Anysius. dont ordinairement il ne parle pas bien, au
Son père, qui s'appelait Cartérius, suivait la zèle ardent qu'il avait pour 1 destruction 1

secte des eunomiens. Quoique Eulanipie fût des idoles; il combat lui-même la vanité
née catholique elle se laissa persuader par
, de leur cuite en plus d'un endroit de ses '^
son mari de clianger de sentiment, et quand écrits et dit assez nettement qu'il avait
,

elle eut embrassé l'erreur d'Eunomius, elle y écrit contre Porphyre en faveur de la reli-
engagea ses frères, au nombre de quatre, puis gion chrétienne '^. Il condamne diverses pro-
son père Anysius, et enfin tous ses parents. positions, soit des hérétiques de son siècle,
Philostorge fut lui-même zélé partisan d'Eu- soit des précédents. Il recommande l'obser-
nomius, comme on juge par les éloges qu'il vationdujcûnedumercrediet du vendredi'*,
lui donne ^ et son attention à faire valoir ses et non-seulement il ne trouve pas mauvais
sentiments. U est bien certain qu'il était du que l'on honore les reliques des saints, il se

» Phot., Cod. 40, pag. 26. 8 Lib. III, cap. IV ; lib. VII, cap. ix; lib. IX, cap. ii;

* Philost., lib. X, cap. vi. — » Socrat., lib. V, cap. x. lib. XII, cap. VI.
4 Philoit., lib. YIIl, cap. x. 9 Gotofr., prolog. in Hist. Philost., pag. 10.
B Ibid., lib. IX, cap. ix. »o Lib. m, cap. iv; lib. VII, cap. ix, x, xin; lib. III,

6 Ibid., lib. X, cap. vi. cap. XXVI, xxvii; lib. XI, cap. ii.

" i>
Lib. XI, cap. vu; lib. III, cap. is; lib. Il, cap. v; Ibid
lib. 111, cap. IV, VI, VII, VIII, ix, x, etc.; lib. II!,
li Lib. VII, cap. xii et xv, et lib. IX, cap. xt.
cap. xi; lib. VII, cap. xv; lib. I, cap. vi ; lib. 111, " Lib. X, cap. x.
cap. XXVI, et lib. X, cap. xi. '* Lib. X, cap. xii.
.

310 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


plaint encore delaprofonalion que les païens le règne du jeune Théodose, cite un endroit

en firent sous Julien l'Aposlat '. Mais il parle de celle de Philostorge, mais pour rejeter ce
des moines avec quelque sorte de mépris 2, qu'elle dit. Elle a aussi été citée par Jean
et n'est nullement favorable au culte des d'Antioche, dans le vii^ siècle, par Nicétas Co-
images ^. Philostorge vivait encore en 423, niate dans le xiii«, et par Suidas.
comme on le voit par son Histoire, qu'il con- 3. Dans le premier livre, Philostorge donne

duit jusqu'au règne de Valentinien III, qui de grandes louanges aux livres des Maclia-
fut déclaré Auguste en 423 *. bées, non-seulement parce que l'histoirequ'ils
„. .
Histoire
2. Son but, dans cette //^i.'j^o/ré',^ est de rendre
'
renferment s'accorde parfaitement avec les
rie'pîiUon'l)"-
odieux les défenseurs de la consubstantialité prophéties de Daniel, mais aussi parce qu'ils
L^niVuT?
'*'
tlu Verbe, c'est-à-dire les catholiques, dont il font voir d'une manière admirable comment
fait une satire continuelle, et d'établir l'aria- quelques-uns ayant ruiné les affaires des Juifs
nisme; ce qu'il fait, moins par des raisonne- par leur malice, d'autres les avaient rétablies
ments que par des éloges qu'il donne aux par leur vertu. Il avoue que l'auteur de ces
plus fameux de cette secte, et par les pro- livres ne lui était pas connu, et ajoute que le
diges qu'il leur attribue, surtout à Eusèbe de second ne lui paraissait pas être du même
Nicomédie, à Théophile Tlndien, à Agapet de auteur que le premier, et qu'il le croyait un
Synades, à Léonce de Tripoli et à quelques simple abrégé des cinq qui furent écrits par
autres. II ne feint point aussi pour donner ,
Jason le Cyrénéen. Il désapprouve fort le troi-
quelque vraisemblance au mérite qu'il attri- sième desMachabées,rappeIantunlivre mon-
bue à l'hérésiarque Arius, de raconter les strueux et qui n'avait rien de comparable au
choses tout autrement qu'elles se passèrent, premier. Pour ce qui est du quatrième, il l'at-
lorsqu'Alexandre fut choisi évéque d'Alexan- tribue à Josèphe, et le regarde moins comme
drie et il en use presque toujours de même
; une histoire que comme l'éloge d'Eléazar et
dans ce qui regarde l'arianisme d'où vient ; des sept Machabées, ses fils. Après avoir loué
que Photius l'accuse d'être un menteur ^ et dans le même livre Eusèbe de Césarée et son
de s'être même laissé aller à des fables. Nous Histoire de l'Eglise , il l'accuse d'avoir ensei-
n'avons de cette Histoire que l'abrégé que gnéplusieurs erreurs, entr'autres, d'avoir cru
Photius en a fait, et il est assez ample pour que Dieu ne peut être ni connu ni compris.
nous instruire de ce qu'elle contenait. Elle Il dit d'Arius qu'ayant un grand nombre de
était divisée en douze livres, dont les pre- voix pour être élu archevêque d'Alexandrie,
mières lettres formaient le nom de Philos- il tâcha de les faire tomber sur Alexandre, se

torge, de manière que la première commen- privant volontairement de l'honneur de l'é-

çait par la première lettre du nom de cet his- piscopat pour le lui procurer. Selon cet his-
torien et les autres de suite en façon d'a-
, , torien, ce fut un prêtre d'Alexandrie, sur-
crostiche. Philostorge en avait usé ainsi à nommé Baucalis, qui jeta des semences de
l'imitation de Plante dans les arguments de division et de haine entre Arius et Alexandre,
deThéo-
ses comédies. IlTécrivit sous le règne évêque de Il ajoute que ce prélat
cette ville.
dose-le-Jeune, et la commença par la mort de étant allé àNicomédie avant la tenue du con-
Constance, père du grand Constantin, afin cile de Nicée et y ayant conféré avec Osius
,

d'avoir occasion de venir insensiblement à et quelques autres évêques, fit en sorte qu'ils
l'histoire d'Arius. Delà il la continue jusqu'au convinrent de déclarer dans le concile que le
commencement du règne de Valentinien III. Fils de Dieu est de même substance que son
Sozomène, qui écrivit aussi sou Histoire sons Père, et de retrancher Arius de la commu-

* Lib. \\\, cap. n; lib. IV, cap. iv; lib. VII, cap. i, cette partie de V Histoire ecclésiastique de Philostorge
IV, IX. dont Photius n'avait pas parlé, et qui, par consé-
* Lib. III, cap. xiiT, et lib. XI, cap. v. quent, était tout-à-fait inconnue. Parmi les faits
3 Lib. II, cap. xvni, et lib. VII, cap. ni. nouveaux on y voit que Artémius, que Tillemont
* Angelo Mai a publié daus le tome IV du Spici- accuse était très-orthodoxe. La
d'arianisme , Vie
leg. Rom., en grec, un commentaire bistorique sur d' Artémius,que Sarius a donnée, n'est qu'un extrait
le saint et célèbre martyr et tbaumaturge Artémius, tronqué de ctflle-ci. Un autre fragment de Philos-
extrait de l'Histoire ecclésiastique de Philostorge et torge tur Apollinaire se trouve à la page 424 du
de quelques autres, par saint Jeau Damascèue. Alla- même volume il est extrait de Nicétas. {L'éditeur.)
;

tius efLabbe avaient parlé de cet écrit; mais aucun 5 Phot., i« Philosi., lib. VllI, cap. n, et Cod. 40,
n'avait songé à en publier le texte. C'est une bonne pag. 26.
fortune que la connaissance et cette publication de
[V* SIÈCLE.] CHAPITRE XXXVll. — PHILOSTORGE, HISTORIEN. 11

uion. On ne trouve rien de semblable dans est dissemblable à son Père quant à la subs-
les historiens du même temps, ni, à ce qu'a- tance. Nous nB dirons
rien de ce que l'on
joute Pliiloslorge ,
que ce fui Constanline ,
trouve dans ce livre touchant saint Anastase :

sœur de Tempcreur Constantin, qui conseilla ce ne sont que mensonges et impostures. Mais
à Eusèbe de Nicomédie, à Théognisle de Ni- il faut remarquer ce qui y est dit de Lucien,

cée et à divers autres évéques de dissimuler qu'étant près de finir sa vie par le martyre,
leurs sentiments et de se soumettre extérieu- dans un temps où la persécution ne laissait
rement à la décision du concile touchant la aux chrétiens ni églises ni autels, et où les
consubstantialilé. chaînes dont il était chargé et les coups dont
4. Cet historien ne mérite pas plus de il était meurtri lui étaient la liberté du mou-
croyance lorsqu'il raconte qu' Eusèbe et ses vement, il offrit sur son estomac le redoutable
partisans, ayant rétracté l'approbation qu'ils sacrifice, y participa et y fit participer les
avaient donnée au concile de Nicée, l'empe- fidèles, qui, s'étantassemblés dans sa prison
reur Constantin les châtia de la periidie avec pour assister à sa mort, étaient debout autour
laquelle ils avaient signé la consubstantialité, de son lit et dérobaient la vue de nos mystères
quoiqu'ils ne la crussent pas; qu'il rappela aux profanes.
Secundus, évéque de Ptolémaïde, et ses com- 5. D'après Philostorge, dans son troisième Anqlyss du
troisième li-
pagnons, du lieu de leur exil, et qu'il écrivit livre, le paradis terrestre est vers la partie vre, pag. 23.

à toutes les Eglises une lettre par laquelle il équuioxiale de l'Orient. Il se fonde sur une
rejetait les termes de même substance, et met- conjecture tirée de ce que tous les pays mé-
tait en la place ceux de semblable substance ; ridionaux sont habités jusqu'à l'Océan, que
qu'Alexandre, évéque d'Alexandrie, signa le soleiléchauffe extraordinairement par ses
cette lettre; que, depuis qu'il l'eut signée, rayons qu'il y jette perpendiculairement. Il
Arius communiqua avec lui mais qu'Alexan-
; en juge aussi parce que le tleuve que l'Ecri-
dre ayant vu depuis qu'il n'y avait i^n à ap- i ture sainte appelle le Phison et qui lire sa ,

préhender de la part de l'empereur, il retourna source du paradis, coule de la partie septen-


à son premier sentiment, et qu'alors Arius se trionale de l'orient vers le midi, et se dé-
sépara de lui et de l'Eghse avec ceux de son charge dans l'Océan, vis-à-vis l'Ile Taprobane,
parti. Quoique Philostorge donne de grandes qu'on appelle maintenant Ceylan. Une autre
louanges à Arius, pour avoir attaqué la divi- preuve de la communication de ce fleuve avec
nité du Fils de Dieu, il ne laisse pas de lui le paradis, c'est, dit Philostorge, que ses eaux
attrihuer des erreurs extravagantes, comme ont une force merveilleuse contre les mala-
d'avoir cru que Dieu ne peut élre connu ni dies ,que quand on plonge dedans un
et
compris, non-seulement par les hommes, mais homme tourmenté de la fièvre, on l'en retire
pas même par son Fils unique. Il dit de Cons- guéri. De plus, les Heurs que ce fleuve pro-
tantin qu'ayant ajouté toi trop légèrement duit, font juger qu'il coule toujours ?ur la
aux médisances de Fauste, sa femme, il avait terre au lieu que le Tigre et l'Euphrate se
;

faitmourir Crispe, son fils et que depuis,, cachant sous la terre, n'en apportent rien
l'ayanlsurprise eu adultère avec un courrier, comme fait le Phison. Il en est de même du
il l'avait lait étoutfer par les vapeurs d'un du paradis terrestre, selon
Nil, qui vient aussi
bain échautl'é plus que de coutume, que et le témoignage de Moïse qui l'appelle Gion. ,

bientôt après il fut empoisonné lui-même par Philostorge parle de divers animaux mons-
ses frères à Nicomédie. 11 parle dans le même trueux que l'on voyait en Ethiopie et en
livre de la conversion des Scythes ou des Goths; Egypte au pays qui est à l'orient et vers le
,

d'Ulfila, qu'il dit avoir été leur picmier évéque. midi, entr'autres des dragons aussi gros que
Il le fait inventeur des lettres particulières des poutres et qui ont quinze orgies de long.
dont ces peuples se servaient, et dit qu'il tra- Il avait vu
peau de quelques-uns. 11 dit que
la
duisit l'Ecriture sainte en leur langue, à la ce fut Flavien, évéque d'Antioche, qui, ayant
réserve du livre des Rois, ne jugeant pas à assemblé une multitude incroyable de moines,
propos de mettre entre les mains de gens qui s'écria le premier Gloire soit au Père, au Fils
:

se portaient d'eux-mêmes avec trop d'ardeur etau Saint-Esprit ; qu'avant son temps, les
à l'exercice des armes, des livres qui ne con- uns disaient Gloire soit au Père par le Fils
:

tiennent que des guerres. Parlant des Indiens dans le Saint-Esprit , et d'autres : Gloire soit
convertis à la par saint Barthélémy, apôtre,
foi au Père da7is le Fils et dans le Saint-Esprit. 11

il leur attribue cette erreur que le Fils de Dieu ajoute que les ariens, quoique divisés de doc-
512 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
trine d'avec ceux qui soutenaient la cousubs- sans toutefois l'adorer, n'étant, dit-il, permis
tantialité du Fils, ne laissaient pas d'entrete- d'adorer ni bronze, ni aucune matière. Il ap-
nir avec eux une communion de prières, de pelle sacrilège l'entreprise des païens, qui,
chant, de conférences et de toute autre chose ayant tiré les os du prophète Elisée et de
que du saint sacrifice; mais qu'Aëtius per- saint Jean-Baptiste de leurs tombeaux, les
suada à ceux de son parti de rompre cette mêlèrent avec des os de bêtes, les mirent con-
sorte de communion; que l'empereur Cons- fuse ment dan s le feu et en jetèrent les cendres
tant fut tué par le tyran Magnence, en haine au vent. Il se plaint des outrages que Julien
de la trop grande ardeur avec laquelle il sou- l'Apostat fit aux saintes reliques du martyr
tenait les intérêts de saint Athanase; que, Babylas, et rapporte le témoignage glorieux
dans le siège de la ville de Nisibe par Sapor, que les démons furent contraints de rendre
roi de Perse, saint Jacques, évêque de cette à la gloire de ce saint, dont il décrit la cons-
ville, donna aux habitants des conseils fort tance et la mort. quelque chose des se-
Il dit
utiles pour se bien défendre et qu'en effet
, cours et de l'ordre que Julien donna pour
ce prince fut obligé de se retirer honteuse- le rétablissement du temple de Jérusalem,

ment; que la victoire que Constance, fils du remarquant que quelques-uns des ouvriers
grand Constantin, remporta sur Magnence, ayant été consumés par le feu, et d'autres
fut précédée d'une croix de lumière qui parut abîmés dans les tremblements de terre, la
à Jérusalem sur la troisième heure du jour
,
vérité des prédictions du Sauveur fut confir-
auquel on célébrait la fête de la Pentecôte; mée par celui-là même qui avait eu l'inso-
qu'elle s'étendait depuis la montagne du Cal- lence d'entreprendre de les convaincre de
vaire jusqu'à celle des Oliviers, et qu'elle était fausseté.
entourée d'un arc-en-ciel qui lai servait de 8. Pbilostorge commence son huitième Analyse

couronne. livre par raconter manière dont Jovien


la ,"è!p™/. i

6. Il marque, dans le quatrième livre, la parvint à l'empire après la mort de Julien, et


Analyse du zi ,
•. T ce qu'il fit pour rendre la paix et les évê-
quairièine li- part quc Coustanco prit, en diverses occa-
vre, pag.
.
gj^^^g^ .^^^^ diCûcultés qui régnaient entre les ques exilés à l'Eglise. Il y parle avec éloge
cbrétiens, au sujet de la consubstantialité, et de saint Basile et de saint Grégoire de Ts'a-
les différents conciles qui furent assemblés zianze; mais il prétend qu'Apollinaire, évêque

Anaivse du P^^" ^^^ ordrc à cette occasion. Le cinquième de Laodicée était plus habile qu'eux dans
,

cinquième et jjyj.g
*' traite de la même matière, ainsi que
i
le '
l'intelligence de l'Ecriture sainte. Il convient
du sixième II- •

lîVor^'
'*
sixième. Philostorge raconte dans celui-ci que néanmoins que le style de saint Basile avait
pendant que Coustance s'occupait à ces dif- quelque chose de plus éclatant que celui d'A-
férends, on lui apporta la nouvelle de la ré- polfinaire, et de p] us propre aux panégyriques;
volte de Julien, et qu'étant parti à l'heure que celui de saint Grégoire était plus riche et
même pour Constantinople, il y avait convo- plus abondant, et que celui d'Apollinaire était
qué un concile à Nicée, pour examiner l'opi- plus serré et plus ferme. Pbotius accuse avec
nion de ceux qui enseignaient que le Fils de raison cet historien d'impudence, en ce qu'il
Dieu est dissemblable à son Père; qu'arrivé attribue à saint Basile et à saint Grégoire d'a-
k Mopsicrennes il y fut attaqué de maladie,
, voir cru que le Fils de Dieu ne s'est point fait
pendant laquehe il reçut le baptême de la homme, mais qu'il a seulement habité dans
main dEuzoïus. l'homme.
7. Le septième est employé ci décrire les 9. Le neuvième livre contient les prodiges ^„,|,.s,

se^t.Tme'* 11- pBrsécutious que Julien l'Apostat, successeur inventés par Philostorge et faussement attri- "re/paTi
vre.pag. 9«.
^^ Constauce dans Tempire fit soutfrir à , bues aux plus zélés partisans de l'impiété
l'Eglise. y parle honorablement de la sta-
Il arienne. Il y dit que Moïse, non content d'a-
tue que la femme guérie miraculeusement voir châtié Jannès et Mambrès par des ulcères
d'un tlux de sang par le Sauveur, lui avait qui leur furent envoyés du ciel, fit encore
érigée en reconnaissance de ce bienfait, et ne mourir la mère d'un des deux; qu'Euzoïus,
doute pas de ce qu'on lui avait dit que l'herbe évêque d'Antioche, étant mort, Dorothée fut
qui croissait au pied de cette statue était un tiré d'Héraclée pour lui succéder; que ce Do-

puissant remède contre la corruption. Il ajoute rothée était un homme vain et que Démo- ,

que de terre par le


s'étant trouvée couverte phile, avec qui il alla à Cyzique pour y élire
laps du temps, quand on l'eut retirée ou la , un évêque en la place d'Eunomius, avait mis
mit dans la sacristie de l'éghse de Panéade, partout la confusion et le désordre, et prin-
[V< SIECLE.] CHAPITRE XXXVll. — PHILOSTORGE, HISTORIEN. 513

cipalement dans lu doctrine de l'Eglise , en- des malheurs les plus funestes qu'au même ;

seignant, entre antres impiétés, que le corps temps on vit en Syrie un géant qui avait cinq
de Jésus-Christ avait été absorbé dans le mé- coudées et une palme de haut, et en Egypte
lange avec la divinité, de la même manière un nain si petit qu'on l'enfermait dans une
qu'une petite quantité de bit se perd quand cage avec des perdrix qui jouaient et se bat-
on la jette dans la mer. Il raconte que sous taient avec lui que la petitesse de sa stature
;

le règne de Valens, les oracles firent des ré- ne lui avait néanmoins rien oté de la gran-
ponses par écrit, mais ambiguës et douteuses deur de son esprit; que sa manière de parler
selon leur coutume, à ceux qui les consul- était assez élégante et faisait voir qu'il ne
taient; que Théodose, étant entré àConstan- manquait pas de suffisance. Ils vécurent l'un

tinople après avoir pris possession de l'au- et l'autre environ vingt-cinq ans. Philostorge
toritésouveraine, mit aussi en possession des dit, en parlant du jeune du mercredi et du
Eglises ceux qui tenaient que le Fils de Dieu vendredi, qu'il ne consiste pas seulement dans
est de même substance que son Père, et l'abstinence de la viande mais à ne rien
,

chassa de la ville les ariens et les eunomiens, manger du tout jusqu'au soir, suivant les ca-
et que Démophile et Dorotliée ayant été chas- nons des conciles.
sés comme premier se retira à
les autres, le 11. Il est parlé dans le onzième livre du
, ,
Analyse du
nzième li-

Bérée, ville de sa naissance, et le second en règne de Valentinien et de celui de Thcodose. re, pag. 144.

Thrace, province où il était né. Philostorge dit de ce dernier que, pendant


10. Dans le dixième livre, Philostorge ac- son règne, il parvint au comble de la félicité
cuse Arius d'impiété, pour avoir dit que Dieu, humaine; que ses victoires lui acquirent une
créateur de l'univers, est composé de parties, réputation immortelle et la jouissance paisi-
et d'avoir cruque Dieu n'est ni substance, ni ble d'une puissance absolue sur toute l'éten-
hypostase, ni rien de ce qu'on s'imagine. Il due de l'Empire; qu'il laissa, en mourant,
convient que les ariens ne s'accordent pas son autorité à ses enfants que sa mort fut ;

dans manière d'expliquer la ressemblance


la douce et naturelle, et que tous ces avantages
du Fils de Dieu avec son Père les uns la : furent la récompense dont Dieu voulut recou-
faisant consister en ce qu'ils connaissent tous naitre son zèle contre les superstitions païen-
deux l'avenir, les autres en ce que l'un et nes. Il met sous le règne d'Arcade une peste
l'autre est Dieu de sa nature, et quelques-uns violente et présagée, dit-il, parl'astre qui avait
en ce qu'ils ont le pouvoir de créer. Il avoue paru en forme d'épée. Ce tléau fut suivi de
encore que, depuis que ces hérétiques se fu- plusieurs autres, et jamais il ne périt tant de
rent divisés, ils tombèrent en de grands désor- personnes en Europe, en Asie et en Afrique
dres ;
qu'ils vendirent les charges et les em- par un genre de mort tout-à-fait funeste. Les
plois de l'Eglise, et s'abandonnèrent aux plai- uns furent percés par le fer des Barbares, les
sirs les plus infâmes. Les eunomiens, ajoute autres enlevés par la maladie contagieuse, et
Philostorge, avaient tant d'aversion pour les un grand nombre par la famine. Des villes
ariens, qu'ils ne recevaient ni le baptême entières se trouvèrent renversées par des
ni l'ordination de ceux qui suivaient leur tremblements de terre, et les hommes abî-
doctrine. Mais quand ils conféraient eux- més. La campagne fut ruinée en quelques
mêmes le premier de ces sacrements, c'était provinces par des inondations, et en d'autres
par une seule immeision à cause que nous , par une trop grande sécheresse. Il tomba en
sommes baptisés en la mort de Jésus-Christ, certains endroits une grêle d'une grosseur
qu'il n'a souffert qu'une fois pour nous. Il fait prodigieuse, et on en trouva qui pesaient
un grand éloge du mérite et de la vertu d'Eu- jusqu'à douze livres. La quantité extraordi-
nomius, comparant aux pierreries les paroles naire des neiges et la rigueur extrême du froid
qui sortaient de sa bouche, quoiqu'il n'eût firent mourir des personnes qui avaient évité
pas la prononciation fort libre. 11 témoigne les autres dangers. Les Huns, qui avaient
une estime générale des écrits de cet héré- couru et pillé la Thrace qui est au-delà du
siaique, mais il préfère ses lettjes à tous les Danube, ayant passé sur la glace, se répan-
autres. Il raconte qu'après que Maxime eut dirent sur les terres des Romains et déso-
été vaincu, et dans le temps que Théodose lèrent toute l'Europe. Gainas, envoyé contre
était près de partir de Rome, il parut au ciel, Trivigilde, en qualité de général d'armée,
pendant quarante jours, un astre sous la figure de l'Empire, et, étant re-
trahit les intérêts
terrible d'une épée, qui menaçait le monde tourné vers Conslantinople pour s'en rendre
Vlll. 33
514 niSTOn^E GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSl ASTIQUES.
maître, ses gens, épouvantés parla vue d'une sons dont les combles s'entr'ouvrirent de
armée d'anges, manquèrent leur entreprise manière qu'on vit le ciel, et qui se refer-
telle
et furent taillés en pièces. Les Isauriens cau- mèrent ensuite. Il regarde tous ces événe-
sèrent aussi de grandes pertes aux Romains. ments comme des châtiments de la justice
La Cilicie la Syrie la Pamphilie la Lycie,
, , , divine, et soutient, par divers raisonnements,
la Cappadoce, furent désolées et traitées avec que tremblements de terre ne procèdent
les
beaucoup de dureté. ni de l'inondation des eaux, ni de la violence
Annlyse du 12. On trouve, dans le douzième livre, que des vents renfermés dans les concavités de
liouzième
la terre, ni d'aucun mouvement que la terre
li-
M'e, p.i!;. ioJ.
l'empereur Honorius, sans avoir aucun égard
au droit d'asile attribué à l'Eglise, fit mourir ait elle-même, mais de la volonté de Dieu qui

Eucher, fds de Stilicon, qui s'était réfugié veut nous punir de nos crimes. Voilà ce qui
dans une église de Rome pour éviter la pour- nous a paru de plus remarquable dans l'a-
suite des ennemis; que sous le règne de Théo- brégé que Photius a fait des douze livres de
dose-le-Jeune, le 19 juillet, en la huitième Philostorge '.Il en loue le style comme étant
heure du jour, le soleil fut éclipsé de telle agréable et élevé, quoiqu'il y ait quelquefois
sorte, qu'on vit les étoiles au ciel; que cette des figures ou froides ou trop hardies, et de
éclipse fut suivie d'une sécheresse extraor- grands tours de périodes qui rendent son dis-
dinaire et d'une mortalité presque générale cours obscur et qui fatiguent le lecteur. îl

des hommes et des bêtes; qu'à l'heure même remarque que cet historien dans le
^ citait,

où arriva cette éclipse, il parut une lumière dixième livre, un écrit qu'il avait fait contre
en forme de cône, que quelques-uns prirent Porphyre pour la défense de la religion chré-
pour une comète; qu'elle commença à pa- tienne. Cet abrégé fut imprimé pour la pre-
raître sur le milieu de l'été, et ne disparut mière fois à Genève, en 1642, ou 1643, ou
que vers la fin de l'automne. Philostorge té- 1644, avec de longues et savantes disserta-
moigne qu'elle fut regardée comme un pré- tions de Jacques Godefroy sur chacun des
sage de guerre et de mortalité, et qu'en effet, douze livres. Henri de Valois en donna une
l'année suivante, il y eut des tremblements nouvelle édition sur un manuscrit que Rochart
de terre plus considérables que ceux qu'on lui communiqua ^. Elle passe pour plus cor-

avait vus dans les siècles précédents; qu'ils recte que la précédente, et se trouve à la suite
furent accompagnés de feux du ciel, qui des Histoires ecclésiastiques de Théodoret, d'.E-
semblaient ôter toute espérance de salut, vagre et de Théodore-le-Lecteur, à Paris, en
mais qui néanmoins ne firent aucun dom- 1673, in-fol. L'édition de Mayence, ou plutôt
mage, parce qu'un vent impétueux s'étant de Francfoit, en 1679, n'est qu'une réimpres-
élevé au même temps, chassa ces feux du sion de celle de Paris. 11 y en a une autre que
côté de la mer, en sorte que l'on vit les eaux l'on dit avoir été faite à Amsterdam, en 1693,
brûler comme une forêt, jusqu'à ce qu'elles mais c'est absolument la même que celle de
éteignirent ces feux. Il ajoute que, durant Mayence ou de Francfort. On n'y a changé
ces tremblements de terre, il y eut des mai- que le titre et le heu de l'impression.

CHAPITRE XXXVIir.

Socrate, historien ecclésiastique, [écrivain grec du v« siècle].

1. Socrate naquit à Constantinopie au monius et Helladius, célèbres professeurs^


de
V'jrs
tfocMie,
l'flo 380
commencement du règne du grand Théo- t_^ ^—
et tous deux prêtres
i
païens d'Alexandiie,
j. '

dose, vers l'an 380. Il fut élevé même


dans la qui, contraints d'en sortir en 389, parce qu'on
ville *, et y étudia la grammaire sous Am- y avait ruiné les temples des idoles, s'étaient

1 Phot., Cod. 40, pag. 23. * Socrat.. lib. Y. cap. xxiv.


2 Philost., HIsf., lib. X, pag. 142, s Ibid., lib. V, cap. xvi.
' Le Moyne, Varia sacra, pag. 39,
[V SlicLE. CHAPITRE XXXVIII. — SOCRATE, HISTORIEN. olo

retirés à Conslanlinople. Il connut, étant en- empereurs avaient ordonné par leurs lettres,
core fort jeune ', Auxanon, prêtre novalien, et ce que les évêques avaient décidé dans
"
qui avait vu le concile de Nicée, et qui vécut les conciles. 11 proteste qu'il n'a rien écrit
jusqu'en 408. Ses premières études achevées, qu'après s'être instruit de la vérité des faits,

il s'appliqua à l'éloquence dans l'école du et que son Histoire est composée tant sur les
sopliiste Troïle. C'est du moins ce qu'il donne écrits de ceux qui l'ont précédé *, que sur ce

lieu de conjecturer par les louanges qu'il qu'il a vu lui-même et sur ce qu'il a appris

donne à ce personnage -. On dit qu'après de personnes qui vivaient encore lorsqu'il


cela il suivit le barreau, et plaida quelque écrivait, et qui avaient vu les choses de leurs

temps , c'est pour cela qu'on lui a


et que yeux. Comme la crainte de blesser des per-
donné de Scolastique. On ne trouve
le titre sonnes qui vivaient encore ^, ne l'empêcha
rien de tout cela dans les anciens qui ont pas de dire ce qu'il croyait de véritable, il ne
parlé de Socrate et Pliotius ^, qui donne la
:
craignit pas non plus de déplaire à ceux qui

qualité de scolastique h Sozoraèue et à Eva- pourraient trouver mauvais ''^, de ce qu'il ne


gre, ne la donne pas ii Socrate. Quoi quil en faisait point d'éloge des personnes de son
soit, Socrate fit sa principale occupation de temps, qu'il ne relevait point leurs actions,
l'histoire de l'Eglise, et il entreprit de l'é- et qu'il n'ailéctait point de donner des titres

crire par l'ordre ou à la prière de Théodose


* d'honneur aux évêques et aux princes. « Il me
à qui elle est adressée. serait, dit-il, aisé de faire voir, par le témoi-

„. . Socrate y décrit plus en détail ce qui


2. gnage des anciens, que quand un esclave
l'EgHsc de Constantinople, soit parce
l'egiiidc parle de son maître, il le nomme simple-
lei' e.f''e°i
dessein?
qyi[ g^ ayait plus de connaissance, soit à ment, sans exprimer sa dignité. Les règles
cause des événements remarquables arrivés de l'histoire ne demandent qu'une narration
en cette ville. 11 s'attacha d'abord à l'Histoire simple et fidèle. » Socrate commence son His-
de Rufin, et la suivit particulièrement dans toireoù Eusèbe de Césarée finit la sienne,
ses deux premiers livres ^. Mais, ayant re- c'est-à-dire au règne de Constantin, auquel

connu par la lecture des ouvrages de saint cessa la persécution que Dioclétien avait ex-
Athanase, que Rufin avait l'ait plusieurs fau- citée contre les chrétiens. Il reprend néan-
tes contre la chionologie et contre la vérité moins les choses dès la première année de
de l'histoire, cela l'obligea de travailler de Constantin, c'est-à-dire dès l'an 306, et con-
nouveau ces deux premiers livres sans , tinue son //wto^'rejuscju'au dix-seplième con-
néanmoins retrancher les endroits où Rufin sulat de Théodose-le-Jeune, qui est l'an 439.
ne s'était point trompé. Socrate corrigea en Il marque événe-
les dates des principaux
même temps un autre défaut dans lequel il ments par par les
les consuls, et quelquefois
était touibé lui-même pour vouloir éviter *>, olympiades. Son Histoire est divisée en sept
une longueur qu'il craignait ennuyeuse aux livres, et comprend ce qui s'est passé pendant
lecteurs. Car son premier dessein avait été cent trente-quatre ans, mais il y en compte
de ne rapporter ni les sentences des conciles, cent quarante selon sa supputation des olym-
ni les lettres des empereurs, mais de se con- piades, qui n'est pas juste.
tenter d'un simple récit des faits, sans les 3. Il commence son premier '^
par re-
livre ^ .
^
Analyse du
,

prouver par les pièces originales. Théodore marquer qu'Eusèbe de Césurée, n'ayant tou- premieriivre,

''»''• '^^s.
fut d'un autre avis, il conseilla à Socrate de ché dans les livres de la Vie de Constantin,
rapporter dans son Histoire tous les monu- que légèrement ce qui regarde Arius, il était
ments qui pourraient autoriser sa narration. à propos de représenter exactement ce qui
Cet historien suivit donc cette méthode dans était airivé danspropos des erreurs
l'Eglise à
les livres suivants; cl lorsqu'il revit les deux que y avait répandues. Ainsi,
cet hérésiarque
premiers, il y ajouta en laveur de Théodore, après avoir rapporté de quelle manière l'em-
qu'il appelle ordinairement le saint prêtre pereur Constantin embrassa la religion chré-
de Dieu, les pièces qu'il crut nécessaires tienne, la persécution de Licinius et la mort
pour faire connaître à la postérité ce que les de ce prince, il détaille la contestation entre

1 Ibid., lib. cap. xiu. "


I, Lib. V, cap. xix.
- IbiJ., in Prolog., et lib. VII, cap. i. 8 Lib. II, cap. 1, et lib. VI, cap. i.

3 Pbolius, Cod. 28 et 30, pag. 6. 9 Lib. V, cap. i.

* Socrat., lib. II, cap. i, et lib. VI, in proœinio. '0 Lib. VI, in proœoiio.
î>
Ibid., lib. Il, cap. i. « Ibid. -
lie HlSTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Arius et Alexandre;, évêque d'Alexandrie, en déserte. Elle laissa dans ce même lieu une
fait voir le progrès el la décision qui s'en fit portion de enfermée dans une boite
la croix,
au concile de Nicée, dont il donne Thistoire. d'argent, afin qu'elle pût être vue de tout le
11 raconte ensuite comment l'empereur Cons- monde, et en envoya une portion à Cons-
tantin, ayant embelli la ville de Byzance de tantin, qui, dans la créance que la ville où un
quantité de bâliraenls, lui donna son nom, si précieux dépôt serait conservé, demeure-

et ordonna quelle serait appelée à l'avenir la rait invincible, la mit au bas de sa statue,
nouvelle Rome, par une loi qui fut gravée qui était sur une colonne de porphyre dans
sur une colonne de pierre proche de sa sta- la plucc Constantine. Hélène envoya aussi à
tue ù cheval. 11 ajoute que ce prince éleva ce prince les clous dont les mains du Sau-
dans la môme ville de magnifiques églises, veur avaient été percées, et il en fit faire un
une sous le nom d'Irène, une autre sous celui mors et un casque, dont il se servit depuis
des Apôtres; et qu'il ne se contenta pas d'a- lorsqu'il allait à la guerre. En suite de ces
grandir la religion chrétienne, qu'il abattit histoires que Socrate dit avoir apprises de
encore la superstition païenne, faisant servir plusieurs personnes de Consiantinople, il re-
les statues des dieux à l'embellissement de lève le zèle de Constantin pour la religion
la de Constantinople, et exposant les
ville chrétienne, son attention à bâtir et à déco-
trépieds d'Apollon dans l'hippodrome. Il dit, rer des églises, et fait voir comment sous son
en parlant de l'invention de la croix du Sau- règne les peuples les plus reculés des Indes
veur, qu'Hélène, mère de Constantin, ayant et les Ibériens reçurent la foi. Il dit que,
fait abattre la statue de Vénus que les païens quand Apôtres se partagèrent entre eux
les
avaient mise sur le tombeau de Jésus-Christ, les nations pour leur prêcher l'Evangile, le
et creuser la terre, elle trouva trois croix, pays des Parthes échut à saint Thomas, l'E-
savoir, celle où le Sauveur avait été attaché, thiopie à saint Matthieu, la partie des Indes
et les deux autres où étaient morts les deux qui louche à l'Ethiopie, à saint Barthélémy ;

larrons crucifiés avec lui ;


qu'elle trouva aussi mais que la partie lapjus éloignée et habitée
l'écriteau où Pilate avait fait mettre en plu- par divers peuples qui parlent diverses lan-
sieurs langues le nom de Jésus que, dans ;
gues, n'échut à aucun apôtre, et ne fut pas
l'incertitude où l'on était de savoir laquelle éclairée de la lumière de la foi avant le lè-
de ces que l'on cher-
trois croix était celle gne de Constantin. Ce fut, comme le dit cet
chait, Macaire, évêque de Jérusalem, après historien après quelques autres, par le mi-
une fervente prière à Dieu, dans laquelle il nistère d'Edésius et de Frumentius. Il attri-
lui demandait un signe pour la reconnaître, bue la conversion des Ibériens à une femme
commanda de faire toucher ces trois croix à de vertu qui, ayant fait plusieurs miracles
une femme réduite à l'extrémité ', dans la en présence de leur roi, l'engagea à recevoir
croyance que celle du Sauveur lui rendrait l'Evangile. Le reste du premier livre est em-
la santé que, quand on eut fait toucher à
;
ployé principalement à décrire la vie et les
cette femme les croix des deux larrons, elle erreurs de Manès les embûches que les
,

demeura dans le même danger qu'aupara- ariens dressèrent à saint Athanase, les mau-
vant mais qu'aussitôt qu'on lui eut fait tou-
; vais traitements qu'ils firent souffrir à Eus-
cher celle du Sauveur, elle fut entièrement tathe d'Antioche l'assemblée du concile de
,

guérie. La vraie croix ayant été reconnue de Tyr de Jérusalem les troubles excités à
et ,

la sorte, Hélène fit élever une magnifique Constantinople par Arius, la mort et la sé-
éghse au-dessus du tombeau du Sauveur, et pulture de l'empereur Constantin. Socrate
donna à fit bâtir au même en-
la ville qu'elle dit que ce prince, quelque temps avant que
droit le nom
de nouvelle Jérusalem, comme de mourir, reçut le baptême dans un des
pourl'opposeràl'ancienne qui était demeurée faubourgs deNicomédie; qu'il fit ensuite son

' ilaca'rius anibiguitatem omnem fidei virtute dis- eum fefellit. Admotis enim duabus crucihus, quœ do-
solvit. Signum enim a Deo petiit et impetravit . Si- minicœ non erant, mulier nihilominus in summo vi-
gnum vero fuit ejusmodi. Mulier quœdum illius loci, tœ discrimine rema)isit. Adhibita vero tertio, qua
diuturno confecta morbo, jam in ipso mortis articula vera Domini crux erat, illa in vitœ mortisqtte confi-
erat coustitula. Huic ergo animatn agenti episcopus nio posita, statim conraluit, et pristinum vigorcm re-
singulas cruces apponi jubet, certissime sibi persua- cuperavit. Hoc igitur modo repertum est crucis lignum,
dens, fore ut mulier pristinœ valetudini restitueretur, Socrat., lib. I, cap. xvn.
si pretiosam Domini crucem nttigis^et. Nec vero spes
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXVUI. — SOCRATE, HISTORIEN. 317

testament, et qu'il accorda de grands privi- les enfants, et les obligeaient à recevoir le

lèges aux villes de Rome et de Constanti- baptême, et quand ils osaient faire la moin-

nople. dre résistance, ils les battaient, les char-


4. Daus le second livre, Socrale continue geaient de chaînes et les enfermaient en
naissed»

"^g. de l'arianisme, et s'étend beaucoup


l'histoire prison .Ils persécutèrent même les novaticr.s,
\i.

sur les persécutions que ceux qui favori- comme tenant la doctrine de la consubstan-
saient ce parti, firent souffrir à saint Atlia- tialité. » En parlant du schisme de l'Eglise

nase et à Paul, évêque de Conslantinople, et d' Antioche, Socrate dit que les deux partis

sur les troubles qu'ils excitèrent dans les qui divisaient cette Eglise, ne laissaient pas
Eglises d'Alexandrie et de Constantinople. 11 d'être unis entre eux par la confession de

rapporte des formules de foi qu'ils dressè- la même foi ; il rapporte la naissance de
rent dans divers conciliabules, à dessein do l'hérésie des apollinaristesaux mauvais trai-

détruire celle qui avait été faite dans le con- tements que Georges, évêque de Laodicée,
cile de Nicée. A l'occasion du rétablissement avait faits au jeune Apollinaire. Thèodote,
de Marcel d'Ancyre dans le concile de Sar- prédécesseur de Georges dans le même siège,
dique, Socrate prend la défense d'Eusèbe de avait défendu aux deux Apollinaire père et
Césarée qui avait écrit contre les livres de de fréquenter un sophiste nommé Epi-
fils,

Marcel, et montre par plusieurs raisons qu'on phane, de peur qu'une grande familiarité
l'accusait à tort d'avoir enseigné les erreurs avec lui ne les pervertît et ne les poitût aux
d'Arius. «Premièrement, dit-il, il est cons- superstitions païennes. Mais, sans se soucier
tant qu'il a assisté et consenti au concile de des défenses de l'évêque, ils continuèrent à.
Nicée, où il a été décidé que le Fils est con- entretenir l'amitié d'Epiphane. Georges leur
substanliel à son Père. De plus, il nous ap- fit les mêmes remontrances que Thèodote :

prend dans le troisième livre de la Vie de mais, n'ayant rien pu gagner sur leur opi-
Constantin, que ce prince exhorta les cvê- niâtreté, il les retrancha de la communion.
ques à s'accorder, jusqu'à ce qu'il les eût Apollinaire le fils, irrité de ce châtiment, en-
tous réunis dans le même sentiment et qu'ils une nouvelle hérésie k la-
treprit d'inventer
fussent tous convenus de la même foi dans quelle on donna son nom. Elle consista d'a-
ce concile. » Il excuse certaines expressions bord à dire que le Verbe n'avait pris qu'un
d'Eusèbe qui paraissaient favorables aux er- corps sans âme mais, réformant ce senti- ;

reurs d'Arius, sur ce que les écrivains ecclé- ment, Apollinaire enseigna depuis que le
siastiques, et même saint Paul, s'en sont Verbe avait pris une âme qui n'avait point
servis pour marquer l'économie du mystère de raison, le Verbe lui en tenant lieu. Le
de l'Incarnation, et en rapporte d'autres ti- second livre de Socrate finit à la mort de
rées des livres du même Eusèbe contre Mar- Constance, qui, quelque temps auparavant,
cel, où il reconnaît que le Fils est vrai Dieu. s'était fait baptiser par Euzoïus, l'un des
Socrate parle aussi de la chute d'Osius, plus zélés partisans de l'hérésie arienne.
comme n'ayant été qu'une suite de la vio- 5. Dans le troisième livre, Socrate décrit Analyse du

lence qui lui fut faite au concile de Sirmium.


,
la
. T
naissance de Julien, son éducation, son
T !• 'Il- Iroisièine
vie. pag.ieo.
1i-

Il marque le temps auquel Aétius, sur- avènement k l'empire et son apostasie. Il


nommé l'Athée, publia dans Antioche une passe de là aux aff'aires de l'EgUse et au re-
nouvelle hérésie, après s'être séparé des tour des évêques exilés par Constance. En
ariens; et les cruautés que Macédonius, qui parlant du concile qu'ils tinrent à Alexandrie,
s'était emparé du siège de l'Eglise de Cons- il remarque qu'en déclarant que le Saint-Es-

tantinople, employa pour s'y maintenir et prit estDieu et de même substance que les
fortifier parti. « Plusieurs personnes de
son autres personnes de la Trinité que le Verbe, ;

ayant été prises, furent cruelle-


piété, dit-il, en se faisant homme, n'a pas pris seulement
ment tourmentées en haine de ce qu'elles un corps, mais aussi une âme, ces évêques
évitaient sa communion. Après les avoir n'inventaient point en cela une nouvelle doc-
tourmentées de la sorte, ses partisans les trine, et qu'ils ne faisaient qu'expliquer l'an-

contraignaient à communier, en leur ou- cienne tradition. « C'est, dit-il, le sentiment


vrant la bouche avec un instrument de bois, uniforme des premiers docteurs. Irénéc, Clé-
et leur mettaient le Saint-Sacrement dedans, ment, Apollinaire, évêque d'Hiéraple, et Sé-
ce qui était la plus grande peine qu'ils leur rapion , évêque d'Antioche assurent que ,

pussent faire. Ils enlevaient les femmes et c'est une vérité généralement reçue, que
518 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Jésus-Christ en se faisant homme, a pris une et tenaient la foi du saint concile de Nicée.
Ame. Le concile d'Arabie enseigne la même Socrate dit qu'ils l'avaient trouvée dans le
chose clans sa lettre à Bérille, évêque de Phi- recueil des conciles fait par Sabin.
ladelphie. Origène reconnaît cette vérité dans 6. On voit par le livre quatrième, que les Aaaijs
qiiatr'éui
tous ses ouvrages; saint Pamphile et Eusèbe ariens et les macédoniens trouvèrent beau- vre, pag.

de Césarée en rendent un témoignage qui ne coup d'appui dans Valens, associé à l'empire
peut être rejeté. » Socrate dit ensuite quelque par Valentinien. en profitèrent pour au-
Ils

chose du schisme de Lucifer de Cagliari et toriser leur doctrine dans divers concilia-
du zèle de saint Hilaire de Poitiers pour la bules, et pour persécuter les défenseurs de
défense de la foi orthodoxe. Après quoi, re- la consubstantialité. Comme les novatiens
venant à Julien l'Apostat, il raconte la ma- étaient dans le même sentiment sur ce point
nière dont il s'efforça de pervertir les chré- que les catholiques, Valens les traita avec une
tiens, et ce qu'il tit pour le rétablissement égale rigueur, et commanda que l'on fermât
du temple de Jérusalem. Il met sous son rè- leurs églises. Socrate remarque que sous le
gne trois martyrs en Phrygie, savoir Macé- :
règne de ce prince, il arriva plusieurs trem-
donius, Théodule et Tatien. Etant entrés blements de terre une inondation si consi-
,

tous trois dans un temple qu'Amachie, gou- dérable, que la mer, passant ses bornes,
verneur de cette province, avait fait ouvrir, inonda des pays entiers il rapporte encore
;

ils en brisèrent les statues. Le gouverneur qu'il tomba à Constantinople une grêle aussi
irrité résolut de faire mourir plusieurs habi- grosse que des pierres. « Quelques-uns,
tants, qui étaient innocents de cette action. ajoute-t-il, regardaient ces accidents comme
Ceux qui l'avaient faite, aimant mieux mou- un effet de la colère du ciel, qui voulait pu-
rir pour la défense de la vérité, que d'en nir l'impiété avec laquelle Valens avait exilé
laisser mourir d'autres en leur place, se pré- les évêques qui ne voulaient point admettre
sentèrent et se déférèrent eux-mêmes. Le Eudoxe à leur communion. Mais ils n'arrê-

juge leur commanda d'expier leur crime en tèrent point le cours de la persécution que
sacrifiant aux dieux. Mais, méprisant ses me- cet évêque faisait avec Valens à ceux qui
naces, ils témoignèrent qu'ils étaients prêts n'étaient point de son sentiment. Irrités l'un
de subir les plus cruels supplices, plutôt que et l'autre de ce que les défenseurs de la con-
de se souiller par des sacrifices profanes. On substantiahté avaient choisi Evagre pour
leur fît donc soufîrir de cruels tourments, remplir siège de Constantinople, ils dé-
le

et enfin on les mit sur un gril de fer ardent. chargèrent leur colère sur quatre-vingts ec-
Ils couronnèrent leur martyre par ces paroles clésiastiques, dont les principaux étaient Ur-
admirables qu'ils adressèrent au juge « Si
: bain, Théodore et Ménédémus. Valens donna
vous voulez manger de la chair rôtie, com- ordre au préfet Modeste de les faire mourir.
mandez que l'on nous tourne de l'autre côté, Mais comme le genre de leur mort était fort
de peur que vous ne nous trouviez pas assez extraordinaire, le préfet fit semblant de les

cuits. » Socrate emploie le xxiii« chapitre de vouloir envoyer en exil, de peur d'exciter
ce hvre à réfuter ce que le sophiste Libanius quelque sédition, s'il les faisait mourir en
avait écrit en l'honneur de Julien l'Apostat, présence de tout le monde. Il commanda à
et il n'oublie pas de rapporter le jugement des matelots de les mettre sur un vaisseau
que saint Grégoire de Nazianze a fait de ce et de les brûler lorsqu ils seraient en mer,
prince. Sur l'empereur Jovien, il dit qu'aus- afin qu'ils fussent privés de l'honneur de la
sitôt qu'il fut parvenu à l'empire, les évêques sépulture. Quand les matelots furent au mi-
s'eflorcèrenl à l'envi de le prévenir, dans heu du golfe Astacène, ils firent ce qui leur
l'espérance qu'ils avaient de l'attirer dans avait été commandé, et s'étant retirés dans
leurs sentiments; que, dès le commencement labarque, ils mirent le feu au vaisseau. Un
de son règne, il se déclara pour la doctrine vent de l'Orient s'étant levé, augmenta l'em-
de la consubstantialité, et qu'il rappela les brasement et poussa avec violence le vais-
évêques exilés par Constance, et qui n'a- seau jusqu'au havre nommé Dacidize, où il
vaient point été rappelés par Julien. Il fut entièrement consumé avec les hommes
rapporte une lettre que les évêques de di- qui étaient dessus. A Edesse en Mésopota-
verses provinces assemblés à Antioche de mie, Valens ayant appris que tout le peuple
Syrie, avaient écrite à ce prince, et dans la- détestait l'hérésie arienne, frappa le préfet
quelle ils lui déclaraient qu'ils embrassaient de dépit de ce qu'il n'avait pas chassé tout
V* SItCLE. CHAPITRE XXXVIII. — SOCRATE, HISTORIEN. 519
le peuple de l'église de Saint-Thomas où ils où il fît voir qu'il ne fallait pas trouver si

avaient coutume de s'assembler. Le préfet, étrange la diversité des opinions touchant la


contraint de céder à la colère de ce prince, et religion des chrétiens puisqu'elle n'appro-
;

ne voulant pas faire mourir un si grand nom- che pas de celle qui est parmi les Grecs, chez
bre de chrétiens, les avertit en secret de ne qui Ton compte plus de trois cents opinions
se plus assembler. Mais, au lieu de suivre son différentes sur cette matière. Il paiîe avec
avis ou d'apprt'hender les menaces de Va- éloge d'un Sarrasin nommé
Moïse, qui vivait
lens, ils coururent en foule à l'église le jour dans le désert, et se rendait célèbre par sa
suivant. Le préfet y alla à la tète de quelques foi, par sa piété et par ses miracles. Maria,
troupes, et en allant, il trouva une pauvre reine des Sarrasins, demanda aux Romains
femme qui tenait un enfant par la main. Le avec qui en guerre, qu'ils le fissent
elle était

préfet se l'étant fait amener, lui demanda où évêque de sa nation, et promit à cette con-
elle courait ainsi en désordre. Elle répondit dition de mettre les armes bas. Les chefs de
qu'elle courait où couraient les autres. « Ne l'armée romaine jugeant que la paix leur
savez-vous pas, reprit le préfet, que l'on fera serait avantageuse, consentirent à l'ordina-
mourir tous ceux que l'on trouvera dans tion de Moïse. Il fut donc tiré de son désert,
I église? )) — « Je cours, répartit la femme, mené à Alexandrie et présenté à Lucius, afin
à dessein d'y être trouvée.» — «Pourquoi y qu'il lui imposât les mains. « Je reconnais,
traînez-vous cet enfant, dit le préfet ?» — dit Moïse, que je suis indigne du sacerdoce;
u Je l'y traîne, répondit la femme, afin qu'il mais si la nécessité publique demande que
soit si heureux que de martyre. »
souffrir le je sois ordonné, jamais Lucius ne m'impo-
Le préfet, jugeant par les réponses de cette sera les mains encore toutes dé-
: elles sont
femme de l'assurance et de la fermeté des goûtantes de sang. » Lucius lui ayant répondu
autres, alla dire à l'empereur qu'il y avait qu'au lieu de lui dire des injures, il devait
une multitude incroyable de peuple qui était apprendre de lui les dogmes de notre sainte
prêt de souflrir la mort pour la défense de religion. « Il ne
pas maintenant des
s'agit
la foi, et qu'il n'était pas juste de répandre dogmes, répliqua Moïse les violences que ;

tant de sang. Valens se désista, et le peuple vous avez commises contre vos frères, font
fut sauvé. Ce prince exerça beaucoup d'au- assez voir combien les dogmes que vous te-
tres cruautés contre les orthodoxes, et les nez sont peu conformes à la religion chré-
moines n'en furent pas exempts. Lucius, faux tienne. Un chrétien ne frappe point, ne dit
évcque d'Alexandrie, se transporta avec un point d'injures, ne se bat point. Mais vos ac-
capitaine et des gens de guerre, dans les dé- tions crient contre vous par la bouche de
serts d'Egypte, où il trouva des solitaires ceux qui ont été envoyés en exil, exposés
occupés à leurs saints exercices, les uns qui aux bêtes et brûlés vifs. » Moïse ayant ré-
priaient Dieu, les autres qui guérissaient les pondu de la sorte à Lucius, ses amis le me-
malades, quelques-uns qui chassaient les
et nèrent sur la montagne, où il fut ordonné
démons :sans se soucier de tous ces mi-
et par les évêques qui y avaient été relégués,
racles, cet évêque arien et les soldats qui et son ordination termina la guerre des Sar-
l'accompagnaient, les chassèrent et les pour- rasins.
suivirent à. main armée. » 7. Le cinquième livre de V Histoire de So- Analysera
Socrate fait ici un abrégé delà vie de plu- crate est beaucoup plus chargé que les pré- vre?pa^^238'
sieurs moines de réputation et de quelques- cédeuts d'événements profanes. L'auteur y
uns des plus célèbres personnages de l'E- mêle quantité de faits de guerre, dont il dit
glise, Didyme l'.Yveugle, saint Basile, saint avoir été très -bien informé. Trois raisons
Grégoire de Nazianze, saint Grégoire Thau- l'ont engagé à en user de la sorte la pre- :

maturge, saint Ambroise, évêque de Milan. mière, pour rapporter plus exactement tou-
II dit quelque chose de Novat et des nova- tes choses et pour en donner une connais-
tiens, et de la sédition arrivée à Rome au sance plus parfaite la seconde, pour délasser
;

sujet de Damas et de l'anti-pape Ursin. Il les espriiS ennuyés peut-être de ne lire que
raconte que tandis que Valens faisait une des disputes et des contestations entre les
guerre cruelle à ceux qui soutenaient que le évêques ; la troisième, pour faire voir com-
Fils de Dieu est consubstanliel à son Père, bien l'Eglise se ressent des désordies de
le philosophe Thémistius modéra un peu la l'Etat..\près ce préambule, il décrit les ra-
violence de la persécution par un discours vages que les Goths firent dans Constanti-
, ,

520 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


nople, dont ils ruinèrent les faubourgs. En- qu'ils ont laissé à leur liberté de célébrer
suite il de l'Eglise, et
revient à l'histoire comme il leur plairait la fête de Pâques et
il marque le rappel des évèques par Gra- les autres auxquelles ils avaient reçu les

tien quels étaient ceux qui occupaient en


;
grâces de Dieu ;
que chaque Eglise a fait
ce temps-là les sièges des principales Eglises, comme il lui a plu, et par une certaine cou-
c'est-à-dire de Rome, de Jérusalem, d'An- tume, la mémoire de la passion du Sauveur;
tiocbe, d'Alexandrie et de Constantinople; la que ce n'est qu'historiquement que l'on a

rechute des macédoniens dans leurs pre- rapporté dons l'Evangile que Jésus-Christ a
mières erreurs dix ans après qu'ils s'étaient été sacrifié pendant les jours des azymes ;

unis au parti catholique sous le pape Libère; enfin que les Apôtres n'ont point pensé à
la sédition arrivée dans l'Eglise d'Antioche faire des règles sur les jours de fête, et que
au sujet de Paulin et de Mélèce la transla- ; leur unique but a été d'enseigner la foi et la

tion de saint Grégoire de l'Eglise de Na- vertu. (( Ainsi, dit-il, la célébration de la Pâ-

zianze à celle de Constantinople ;


baptême
le que s'est introduite dans les Eglises de la
de l'empereur Théodose par les mains d'As- même sorte que plusieurs autres coutumes.
colius, évéque de Tbessalonique ce qui se ; Dans l'Asie Mineure, il y en avait beaucoup
passa dans le premier concile de Constanti- qui observaient le quatorzième jour de la

nople; l'ordination de Nectaire, élu évêque lune sans avoir aucun égard au jour du
,

de cette ville après la démission de saint sabbat, et ils ne se sont jamais séparés de
Grégoire de Nazianze la translation du corps
; ceux qui avaient un autre usage, jusqu'à ce
de Paul, évêque de la même ville, et l'as- que Victor évêque de Rome, prononçât une
semblée qui se fit des évèques de chaque excommunication contre ceux qui obser-
secte par ordre de l'empereur Tbéodose. 11 vaient le quatorzième jour de la lune. Il y
vient après cela à la trahison de Maxime, à en avait d'autres en Orient qui célébraient la
la guerre que Théodose lui fit, aux diffé- fête le jour du sabbat, mais qui ne l'obser-
rends qui s'élevèrent à x\lexandrie entre les vaient pas dans le même mois car les uns ;

chrétiens et les païens. Il dit qu'en démolis- la célébraient avec les Juifs, et les autres
sant le temple de Sérapis en cette ville, on après l'équinoxe, selon une ancienne tradi-
trouva des hiéroglyphes en forme de croix tion. Ceux qui la célébraient le quatorzième
gravés sur les pierres, que les chrétiens et jour de la lune , rapportaient l'origine de
les païens attribuaient également à leur re- cettecoutume à saint Jean l'Evangéliste; les
ligion. Les uns soutenaient que c'était le Romains et les autres peuples d'Occident
signe de la passion salutaire du Sauveur, et assuraient qu'ils avaient reçu leur usage de
les autres, que ce signe était commun à Jé- saint Pierre et de saint Paul. Mais ni les uns
sus-Christ et à Sérapis. Quelques païens qui ni les autresne produisaient aucun témoi-
connaissaient ces lettres mj^stérieuses s'étant gnage qui prouvât ce qu'ils avançaient.
convertis à la religion chrétienne durant cette Le jeûne que l'on observe avant la fête
((

contestation découvrirent qu'elles signi-


, de Pâques n'est pas, dit encore Sozoraène,
fiaient la vie à venir. Alors les chréliens ti- observé partout de la même manière. On
rant avantage de cette explication, commen- jeûne à Rome durant trois semaines, excepté
cèrent à s'élever au-dessus des idolâtres. les samedi et dimanche. En Ulyrie, en Acbaïe
Mais lorsqu'on eut trouvé d'autres hiérogly- et à Alexandrie, on en jeûne six, et on ap-
phes, par lesquels il était prédit que quand pelle ce jeùne-là, carême. D'autres commen-
le signe de la croix paraîtrait, le temple de cent leur jeûne sept semaines avant Pâques,
Sérapis serait détruit, il vint encore un plus et bien qu'ils ne jeûnent que quinze jours,

grand nombre de païens, qui confessèrent ils ne laissent pas de donner le nom de ca-

leurs péchés et reçurent le baptême. Nous rême à leur jeûne. Je m'étonne quelquefois
avons rapporté dans l'article de Nectaire ce de ce nom, dont chacun apporte différentes
que Socrate dit de la suppression du prêtre- raisons, selon qu'il lui plaît. Il y a diversité
pénitencier dans l'Eglise de Constantinople : d'usage dans l'abstinence des viandes aussi
mais nous ne pouvons nous dispenser de bien que dans le nombre des jours. Les uns
rapporter ici les remarques qu'il fait sur di- s'abstiennent de la viande de tous les animaux
vers points de discipline. Il établit d'abord et les autres ne s'abstiennent point des posi-
pour principe, que les Apôtres n'ont imposé sons. Quelques-uns mangent des oiseaux de
aucun joug à ceux qui se convertissaient, et même que des poissons, parce qu'ils ont été
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXVIII. — SOCRATE, HISTORIEN. 32 1

faits des eaux selon le témoignage de Moïse. Ceux qui ont péché depuis leur baptême,
Quelques-uns s'abstiennent d'oeufs et de tou- sont retranchés de la communion à Césarée
tes sortes de fruits. Quelques-uns ne mangent en Cappadoce, et cette discipline s'observe
que du pain, et d'autres même n'en mangent aussi en Asie parmi ceux qui célèbrent la
pas.Quelques-unsjeûnentjusqu'à la neuvième fête de Pâques le quatorzième jour de la
heure du jour, et mangent après cela indif- lune. Les novatiens de Phrygie n'admettent
féremment de toutes sortes de viandes. La point à la communion ceux qui se sont ma-
manière de s'assembler dans l'église n'est riés deux fois, au lieu que ceux de Constan-
pas moins différente que celle de joiiner. tinople ne les y admettent ni ne les en ex-
Quoique toutes les sociétés chrétiennes du cluent ouvertement. En Occident ils y sont
monde célèbrent les saints mystères tous les admis. La diversité de ces usages procède,
samedis de chaque semaine, les fidèles d'A- comme je me le persuade, des évêques qui
lexandrie et de Rome ne les célèbrent point ont gouverné les Eglises; et ceux qui les
ce jour-là, selon une ancienne tradition. Les avaient reçus d'eux, les ont transmis comme
Egyptiens qui sont voisins d'Alexandrie, et des lois à ceux qui les ont suivis. »
ceux qui habitent la Thébaïde s'assemblent Socrate ajoute que le concile de Nicée n'a
le samedi, sans toutefois participer aux saints point apporté de changement à la célébration
mystères, comme on a coutume d'y parti- de la fête de Pâques, et que les évêques de
ciper, c'est-à-dire à jeun car, après avoir
: ce concile n'ont point eu d'autre dessein que
mangé de toutes sortes de viandes, ils oflVent de faire en sorte que les peuples qui avaient
le sacrifice et communient sur le soir. Le une coutume particulière se conformassent
jeudi et le vendredi on lit la sainte Ecriture au plus grand nombre. Il finit son cinquième
dans l'Eglise d'Alexandrie. Les docteurs l'ex- livre à la mort du jeune Valentinien et de
pliquent, et on fait tout ce que Ton a accou- l'empereur Théodose, dont il dit que, jugeant
tumé d'observer dans les assemblées, excepté sa maladie mortelle et repassant dans son
,

que l'on ne participe pas aux saints mystères. esprit le nombre et l'excès des malheurs qui
Dans la même ville on choisit indifféremment accablent souvent les peuples après la mort
des catéchumènes et desfidèlespourles faire des ])rince3, il se mit plus en peine de pour-
lecteurs et chantres, quoiqu'en toutes les au- voir aux nécessités de l'Etat qu'à la conser-
tres Eglises on ne choisisse jamais que des vation de sa vie.
fidèles pour cette fonction. En Thessalie, 8. Le sixième livre commence par la mort An^yseJa
quand un clerc demeure depuis son ordina- du préfet du prétoire, nommé Rufiu, que les pa^j^^gs.'"*'

tion avec la femme qu'il avait épousée au- soldats tuèrent aux pieds de l'empereur .\r-
paravant, il est déposé; au lieu qu'en Orient, cade, parce qu'il était soupçonné d'aspirer à
les clercs et les évêques mômes s'abstiennent la souveraine puissance. Le reste est presque
de leurs femmes, selon qu'il leur plait, sans tout employé à décrire ce qui regarde saint
y être obligés par aucune loi ni par aucune Jean Chrysostôme et ses démêlés avec Théo-
nécessité. Car il y a eu parmi eux plusieurs phile d'Alexandrie, avec saint Epiphane, avec
évêques qui, depuis qu'ils ont été élevés à Sévérien de Cabales et quelques autres dont
cette dignité, ont eu des enfants légitimes nous avons déjà parlé. Socrate y fait en ces
depuis leur mariage. J'ai vu en Thessalie termes l'apologie d'Origène « Des gens qui
:

une autre coutume, qui est qu'ils ne confè- n'ont rien que de bas et de méprisable s'ima- ,

rent le baptême que le jour de Pflques, ce ginent qu'ils se pourront élever en décriant
qui est cause que plusieurs meurent sans le ceux qui sont au-dessus d'eux. Méthodius,
recevoir. Dans l'Eglise catholique, l'autel est évêque d'Olympe en Lycie Eustathe, évêque
;

à l'occident au lieu d'être à l'orient en : d'Antioche, Apollinaire et Théophile on! été


Achaïe, en Thessalie et à Jérusalem, aussi- de cette humeur, et ils se sont efforcés de
tôt que les cierges sont allumés, on fait les noircir Origène par leurs calomnies, quoi-
prières; à Césarée en Cappadoce et à l'ile de qu'ils ne les aient pas répandues tous quatre
Chypre, les évêques et les prêtres expliquent de la même sorte. Ils ne l'ont accusé chacun
l'Ecriture sainte le samedi et le dimanche au qu'en un point, et ont fait voir par là qu'ils
soir, les cierges allumés. Les prêtres ne prê- l'approuvaient dans les autres. Méthodius,
chent plus à Alexandrie depuis qu'Arius en après l'avoir longtemps déchiré, rétracte en
a troublé la paix par la nouveauté de sa doc- quelque sorte ce qu'il en a dit de mauvais dans
trine. On jeûne à Rome tous les samedis. le dialogue intitulé Xénon, où il parle de lui
522 HISTOIRE GÉNÉKALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
comme d'un homme admirable. Pour moi, l'austéritéde ce jeûne, pressait fort qu'on lui
ajoute Sociate, je trouve la justification d'O- donnât le baptême. Paul, ne voulant pas l'uf-
rigène dans les accusations de ses ennemis : fiiger par trop de remise, lui acheta une robe
car, parmi tout ce qu'ils reprennent dans ses blanche, fit mettre de l'eau dans les fonts, et
livres ,ils ne reprennent rien touchant la l'y mena. L'eau ayant disparu par un effet

sainte Trinité, et par conséquent ils recon- secret de la puissance divine, Paul et les au-
naissent que ce qu'il en a écrit est orthodoxe. tres qui étaient présents, crurent qu'elle s'é-
Athanase ce généreux défenseur de la con-
, taitécoulée par les canaux par où elle avait
substantialité du Fils de Dieu, le cite comme accoutumé de s'écouler, et, les ayant fait
un témoin de sa foi. Origène, dit-il, cet homme boucher avec plus de soin, on en versa d'au-
si laborieux et si admirable confirme notre
, tre dans les fonts; mais elle disparut comme
doctrine, quand il dit que le Fils de Dieu est celle qui y avait été mise auparavant. Alors
coéterncl à son Père. Ceux donc qui s'effor- Paul ditau juif a Ou vous êtes mal disposé
:

cent de noircir Origène par leurs calomnies, à recevoir le baptême, ou vous l'avez déjà
ne prennent pas garde qu'ils attaquent aussi reçu. » Le peuple étant accouru en foule pour
Athanase qui lui a donné de grands éloges. » voir le miracle, quelques-uns reconnurent
Socrate marque a?sez clairement, sur la l'imposteur et découvrirent qu'il avait déjà
fin de ce sixième livre, en parlant de Sisin- reçu le baptême. » On voit encore, dans ce
nius, que les ecclésiastiques portaient un ha- septième fivre une action d'une singulière
,

des séculiers.
bit différent charité. Acace, évêque d'Amida, ayant vu
Analyse du 9. On trouve, dans le septième livre, un avec une extrême douleur que sept mille
septiènje li-
vre, pag. 338. grand éloge d'Atticus, évêque de Constanti- Perses, faits prisonniers par les Romains,
nople, et on y relève également son esprit, mouraient de faim assembla ses ecclésias-
,

son érudition et la pureté de ses mœurs, u Un tiques et leur dit " Dieu n'a besoin ni de
:

juif, retenu dans son lit par une paralysie de- plats ni de pots, puisqu'il ne boit ni ne mange.
puis plusieurs années, sans que l'art des mé- Il est donc juste de vendre quantité de vases

decins ni les prières des autres juifs lui eus- d'or et d'argent que l'Eglise possède par la
sent apporté aucun soulagement, eut recours libéralité des fidèles, et d'en employer le prix
au baptême comme à un souverain remède. à racheter et à nourrir les prisonniers.» Ayant
Atticus l'ayant instruit des vérités de notre donc fait fondre tous ces vases, il paya aux
religion, le fit porter sur son lit aux fonts, et soldats la rançon des prisonniers, les nourrit
aussitôt qu'il eut reçu ce sacrement avec une quelque temps et les renvoya avec de l'argent
foi vive, il sortit de l'eau en parfaite santé. pour la dépense de leur voyage. Socrate re-
Ce miracle attira plusieurs païens à la foi, marque que les plus éloquents du siècle pro-
mais les juifs ne se convertirent point. Ceux noncèrent des panégyriques en l'honneur de
de cette nation qui étaient à Alexandrie, y Théodose, après sa victoire sur les Perses, et
excitèrent de grands troubles sous le ponti- que l'impératrice même composa un poème
ficat de Cyrille, qui les chassa de la ville ;
en vers héroïques. Atticus l'avait baptisée un
mais il y en eut qui, se divertissant dans un peu avant que l'empereur l'épousât, et nom-
lieu nommé Immestar, entre Antioche et la mée Eudoxie, au lieu qu'elle s'appelait aupa-
Chalcide, attachèrent un enfant à une croix ravant Athénaïs. Cet historien s'étend beau-
et l'y firentmourir à force de coups, en dé- coup sur les vertus de Théodose, et dit, entre
rision de Jésus-Christ et des chrétiens, de autres, qu'il avait un singulier respect pour
quoi ils furent punis par l'empereur. Un au- les ecclésiastiques, principalement pour ceux
tre, faisant semblant d'être chrétien, dans le qui excellaient en sainteté que lorsqu'il s'é-
;

temps que Paul était évêque novatien de levait une guerre, il avait recours, à l'imita-
Constantinople, avait reçu plusieurs fois le tion de David au Dieu des armées et obte-
, ,

baptême et amassé beaucoup d'argent par nait la victoire par sa piété. Il faut encore
cette imposture. Après avoir tiorapé les évê- remarquer ce que Socrate dit de la conver-
ques de plusieurs sectes, il se présenta à Paul sion des Bourguignons, qu'il met vers l'an
dans le dessein de le tromper de la même 430. Ces peuples menaient une vie fort tran-
manière. Cet évêque, peur le préparer au quille et travaillaient en menuiserie, se nour-
saint baptême, l'instruisit des vérités de notre rissant de leurs ouvrages. Les Huns ayant
religion et l'obligea à jeûner durant plusieurs fait irruption en leur pays et en ayant tué un

jours. Le juif, ennuyé de la longueur et de grand nombre, ceux qui restèrent eurent re-
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XXXVIII. — SOCRATE, HISTORIEN. 523

cours à Dieu au lieu d'avoir recours aux hom- 10. Ce sont là les choses les plus dignes de Jagement
l'H.sloire
1 1 1- 1 1. rr- • 1 <)«

mes, et ayant reconnu que celui que les Ro- remarque dans les sept livres de l//M/o/re de desocraie.

mains adoraient protège puissamment ceux Socrate. Son style n'a rien de beau ni de re-
qui le servent avec une crainte religieuse, ils levé, et il parait ne s'être attaché qu'à rap-
résolurent de faire profession de la foi de porter d'une manière claire et intelligible les
Jésus-Christ, et, pour cet effet, ils allèrent faits qu'il croyait dignes d'être transmis à la

trouver un évéque des Gaules et lui deman- postérité. Quoiqu'il protestedonné '
s'être
dèrent le baptême. Cet évêque les ayant ins- beaucoup de soin pour s'en instruire, afm de
truits des vérités de la religion et les ayant n'en rapporter que de vrais il y en a néan- ,

fait jeûner sept jours, leur donna le baptême moins plusieurs auxquels on ne peut donner
et les renvoya. Dans l'ile de Crète, plusieurs croyance. Il n'est pas même fort exact dans
juifs embrassèrent aussi la religion chrétienne les dogmes quelques-uns ont cru qu'il
-, et

à cette occasion. Un imposteur eut l'insolence avait été novalien ils en ont jugé ainsi parce
;

de dire qu'il était Moïse et qu'il avait été en- qu'il parle toujours avec honneur de cette

voyé de Dieu pour tirer de File les habitants secte, qu'il doiuie la qualité de martyr à No-
de sa religion, et pour leur faire passer la mer valien qui en était le chef, et qu'il relève en
à pied sec, comme il avait autrefois fait pas- toute occasion le mérite des évêques que ces
ser la mer Rouge aux Israélites. 11 parcourut liérétiques avaient à Constantinople , les fai-
toute l'île en un an, et persuada aux juifs sant passer non-seulement pour des hommss
d'abandonner leurs meubles et leurs héri- d'une vertu éminente, mais aussi pour mira-
tages, de se mettre sous sa conduite et de le culeux. Il parait néanmoins indu!)itable que
suivre à une terre promise où il les assurait Socrate n'a eu aucune part à leur schisme et
de les mener. Les juifs, trompés par ses arti- à leurs erreurs; car il oppose souvent leurs
fices, renoncèrent à la possession de leurs Eglises 3, leurs assemblées et leur commu-
biens et les laissèrent <i ceux qui voulurent nion aux Eglises, aux assemblées et à la com-
s'en emparer. Le jour qu'il leur avait marqué munion des catholiques. Il dit en termes for-
pour leur départ étant arrivé, il se mit à la mels * qu'ils se sont séparés de l'Eglise. Il

tète d'une multitude incroyable d'hommes, condamne la dureté de leurs dogmes ^. Il

de femmes et d'enfants, et les mena à un pro- désapprouve expressément l'abolition du prê-


montoire qui s'avance dans la mer, d'où il tre-pénitencier ^, et dit que ce furent les no-
leur commanda de se jeter. Les premiers s'é- vatiens ''
qui refusèrent, sous Constance, de
tant jetés, les uns furent brisés contre les ro- se réunir avec les catholiques dî Constanti-
chers, les autres ensevelis sous les Ilots, et nople. S'il a donc donné de grands éloges à

ils auiaient tous péri de la même sorte, s'ils quelques évêques novatiens, c'est que ce qui
n'avaient été préservés d'un
si extrême dan- paraissait d'eux au-dehors était estimable, et
ger par des pêcheurs et des marchands qui qu'il n'en savait pas apparemment assez pour
en retirèrent quelques-uns de la mer et em- savoir distinguer quel esprit les animait, n'é-
pêchèrent le reste de s'y précipiter. Les juifs tant qu'un laïque etpeu versé dans les ma-
donc condamnèrent l'imprudence avec la- tièresde théologie; ajoutons qu'il avait été
quelle ils foi aux paroles de
avaient ajouté prévenu, dès la jeunesse, par les rapports
cet imposteur, et un grand nombre renon- d'Auxanon, prêtre novalien. Il ne parait pas
cèrent a leur religion pour demander le bap- non plus avoir été trop bien instruit de la dis-
tême. Un évêque, nommé Silvain, célèbre cipline de l'Eglise romaine, puisqu'il dit qu'à
par ses vertus et par ses miracles ayant re- , Rome on ne jeûnait que trois semaines de
connu que les ecclésiastiques tiraient de l'ar- suite avant Pâques, et que même on en excep-
gent des procès n'en nomma plus aucun à
, tait les samedis et les dimanches. Quelques-
l'avenir pour être juge; mais, prenant les uns, pour l'excuser, croient qu'il a voulu par-
papiers des parties , il les mettait entre les ler de la nouvelle Rome, c'est-à-dire de Cons-
mains de quelques laïques dont il connaissait tantinople, où l'on ne jeûnait point les same-
la probité, et les chaigeait de terminer leurs dis, de même que dans la Grèce et dans l'O-
différends. » rient. Mais, en supposant qu'il parle de l'an-

* Lib. V, cap. xix. * Lib. I, cap. x. — * Lib. \', cap. xix.


* Photius, Cod. 28, paj 17. ^ Lib. Il, cap. xxxvui.
5 Lib. II, cap. xxxvui. Lib. V, cap. xix.
HISfOlRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
cienne Rome , il faut dire qu'il s'est trompé. mort d'Alexandre, évêque de Constantinople,
Saint Léon ', qui vivait dans le même siècle en 340; et toutefois Paul, son successeur,
que Socrate dit plusieurs fois dans ses dis-
, occupait le siège de cette Eglise sous le règne
cours que l'on se préparait à la pâque par du grand Constantin, qui mourut en 337. So-
un jeûne de quarante jours, et que ce jeûne crate ne parle des conciles de Sirmium que
est d'institution apostolique. Sozomène, con- d'une manière très-embarrassée, et fait beau-
temporain de Socrate ^, dit en général que coup de fautes dans ce qu'il dit des persécu-
les lllyriens et lesOccidentaux comptaient six tions que Ton fit souffrir à saint Athanase.
semaines de carême, et Cassien, qui vivait Ce qu'il dit du mariage de Valentinien avec
en Occident * compte trente-six jours de
, Justine ^, sans avoir auparavant répudié Sé-
jeûne avant Pâques, qu'il regarde comme la vère , et de la loi par laquelle il permit d'a-
dîme des jours qui composent l'année. Il pa- voirdeux femmes, ne se trouve point ailleurs.
rait donc que la règle de l'Eglise de Rome et Enfin je ne sais si l'on peut approuver dans
même de tout l'Occident était de jeûner qua- Socrate d'avoir loué saint Procle évêque de ,

rante jours avant Pâques, et que la pratique Constantinople \ de s'être peu mis en peine
de n'y jeûner que trois semaines, comme le si d'autres avaient des sentiments différents

dit Socrate, et après lui Cassiodore ne pou- , des siens sur la divinité. Ce n'est pas là, ce
vait être qu'un abus que la liberté de quelques semble, un motif de louange dans un évêque
particuliers y avait introduit. C'est sans doute orthodoxe qui doit être zélé pour la saine
,

de cet abus que veut parler le vénérable doctrine. Rajoute que saint Procle ressemble
Bède *, lorsqu'il dit que de son temps on était en ce point à Théodose, qui n'usa jamais de
encore assez partagé en Italie touchant la son pouvoir pour punir les coupables.
manière déjeuner le carême, et que ce jeûne H. Nous ne connaissons qu'une édition
n'y était chez les uns que de vingt jours ou grecque de V Histoire de Socrate, qui fut faite
environ trois semaines, et parmi d'autres de conjointement avec celle d'Eusèbe, de Sozo-
sept jours ou d'une semaine seulement. A l'é- mène, de Théodoret, d'Evagre, et avec les
gard des fails dans lesquels ou ne peut dis- Eglogues de Théodore Lecteur, par Robert
convenir que Socrate ne se soit trompé, on Etienne, à Paris, en 1544, in-fol., de l'impri-
peut mettre ce qu'il dit ^, qu'il y eut cinq merie Royale. Vers le commencement du
évêques, dans le concile de Nicée, qui ne vou- sixième siècle, Epiphane le Scholastique tra-
lurent pas souscrire à la doctrine qui y avait duisit en latin les Histoires de Socrate, de So-
été décidée, ni recevoir le terme de consubs- zomène et de Théodoret, sous les auspices de
fantiel, savoir Eusèbe de Nicomédie, Théo-
: Cassiodore. Ce corps d'histoire porte le nom
gnis de Nicée, Maris de Ghalcédoiue, Théo- de Tripartite et est divisé en douze hvres. On
uas de Marmarique et Second de Ptolémaïde. l'imprima à Paris , sans date , chez François
II est vrai qu'ils en firent d'abord difficulté; Regnault , in-8°, et ensuite à Bâle en 1323
, ,

mais Eusèbe, Théognis et Maris cédèrent par 1528, 1333, 1539, 1568, sur la révision qu'en
la crainte de l'exil, et il n'y eut que Théo- avait faite Béatus Rhénanus, et à Francfort,

nas et Second qui persistèrent dans leur refus, en 1588, avec {'Histoire d'Eusèbe, traduite
comme on par la lettre du concile. Il
le voit et continuée par Rufin. Elle se trouve aussi

est vrai encore qu'Eusèbe et Théognis furent dans la nouvelle édition de Cassiodore à ,

exilés par ordre de Constantin, mais ce fut en Rouen, en 1679, et à Venise, en 1729, in-fol.
un autre temps et pour un autre sujet dont On en cite une traduction française par Louis
Socrate ne dit rien. C'est encore une faute à Cyanous, à Paris, en 1338, in-fol., chez Gille
cet historien d'avoir mis la mort d'Alexandre, Gourlin, et une allemande, par Gaspard Hé-
évêque d'Alexandrie, et l'ordination de saint dion, à Strasbourg, en 1543. Musculus tra-
Athanase après le rappel d'Eusèbe et de Théo- duisit de nouveau en latin VHistoire de So-

gnis. Alexandre mourut la même année que crate et les autres dont nous venons de parler,
se tint le concile de Nicée, et ce fut aussi en avec les Vies des Prophètes et des Apùti^es, par
cette même année qu'il désigna saint Atha- Dorothée, et les fit imprimer à Bâle, en 1344,
nase pour son successeur. Socrate met la 1349, 1357, 1594, in-fol. On en a une autre

• Lco, serm. 42 et 43 in Quadrag. * Beda, de Paschate seu œquinoct.


* Sozomeji., lib. Vil, cap. xix. » Lib. I, cap. vni.
5 Cassian., Collai. XXI, cap. xxiv. 6 Lib. IV, cap. xxxi. — "^
Lib. VII, cap. xli.
[V^ SIECLE.] CHAPITRE XXXIX. — SOZOMÈNE, HISTORIEN. 525

version de Jean Cliristophorson, évêque de de Mayence, et on la fit passer pour impri-


Sisestre, imprimée à Paris en lo7J à Cologne , mée à Amsterdam. [En 1844, on a donné à
en 1581, à Bâle en 1570,. avec les notes de Oxford la version de Valois, in-8", et en 1833,
Grynœus, et chez Henri Pierre, en 161 i, in-fol. R. Hussey fît paraître, dans la même ville,
C'est cette version dont on s'est servi dans les une autre édition de V Histoire àe Socrate, en
Bibliothèques des Pères de Cologne, tome V, grec et en latin, trois vol. in-8''. Le tome LXVII
et de Lyon, tome VII. L'édition de Genève, de la Patrologie grecque renferme cette même
en 1612, in-fol., a joint le texte grec de So- histoire, d'après l'édition imprimée à Cam-
crate, d'Eusèbe, de Sozomcne, de Tliéodoret bridge, eu 1720, dans le Recueil des historiens
et d'Evagre avec la version de Christopbor- ecclésiastiques, en trois vol. in-fol., avec la
son. Comme cet interprèle n'avait eu recours traduction latine de Valois et les notes chro-
ù aucun manuscrit pour corriger le texte qu'il nologiques et critiques de G. Reading. L'édi-
avait entrepris de traduire, Henri de Valois tion de 1720 avait déjà été réimprimée à
le revit sur le manuscrit de la bibliolhèque Turin en 1746, trois vol. in-fol. En 1842,
du roi, dont Robert Etienne s'était servi, et E. Burlon fît paraître, en deux volumes in-8°,
sur quelques autres des bibliothèques de Flo- \e?, Annotationes variorum in Hist. ^cc/es.]C'est
rence et du Vatican. Il fît aussi un grand sur la traduction latine d'Henri de Valois que
nombre de notes su ries endroits qui en avaient le président Cousin a traduit Socrate et Sozo-
besoin et les inséra dans l'édition de Socrale mène, et les autres historiens que nous venons
et des autres historiens ecclésiastiques, à de nommer, avec l'abrégé que Pholius a fait
Paris, en 1668, in-fol. Cette édition fut réim- de l'Histoire de Phiiostorge. Cette édition fran-
primée à Mayence en 1677, in-fol. La même çaise est de Paris en 1676 in-4''. L'Histoire
, ,

année, ces historiens furent mis sous presse de Socrate fut citée dans le second concile ,

ù Paris, mais en latin seulement et sans notes. de Nicée, sous le nom de Rufin *.
En 169o, on mit un nouveau titre à l'édition

CHAPITRE XXXIX.

Sozoméne, historien ecclésiastique, [écrivain grec du v^ siéclej.

sotomèDe,
'*• Sozoméne, à qui l'on donne aussi les avoir pris le nom de Salaman d'un des dis-
•oà^n éuii.
jjoms d'Hermias etdeSalamine ou Salaman, ciples de saint Hilarion, qui le portait ^. Il
était originaire de Palestine, et ce semble, passa de la Palestine à Constautinople ^, où,
du bourg de Béthelie, dans le territoire de étant tombé malade, il eut recours à l'inter-
Gaza, du moins son a'ieul en était -, et il cession de saint Michel, dans une église qui
y
avait embrassé le cluistianisme, ayant été portait son nom, et en reçut du soulagement.
converti par les miracles de saint Hilarion. Le titre de Scholaslique qu'on lui donne
Sozoméne dit aussi qu'il avait vécu, étant communément ^, ne permet point de douter
jeune ^ avec plusieurs disciples de ce saint qu'il n'ait cultivé les belles-lettres et fait les
abbé, qui étaient du même bourg de Béthe- fonctions d'avocat. Il témoigne lui-même ^
lie, dans le voisinage duquel ils demeuraient. qu'il était tous les jours au barreau avec un
Enfin il nous assure qu'il avait été témoin avocat célèbre , nommé Aquilin, qui avait
de la manière de vivre de saint Zenon *, aussi été guéri miraculeusement de la fièvre,
évêque de Ma'iume près de Gaza. C'est donc par l'intercession de saint Michel, et que, dans
sans fondement que quelques-uns l'ont fait le temps même qu'il travaillait à son His-
naître à Salamine, en Chypre. Il pouvait toire ecclésiastique, il continuait d'avocasser.

' Ad. 1, tom. ni Biiiii, pag. 492. 5 Idem, lib. VI, cap. xxxn.
* Sozouieu., lib. V, cap. xv. — » Ibid. « Lib. II, cap. m.
* idem, lib. VU, cap. xxvii, xxvni. ^ Phot., Cod. 30, pag. 17. — a ibid.
8^6 MISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
2. Son premier coup d'essai fut un abrégé •
Héraclée en Thrace. Cela supposé, il faut
(le ce qui s'était passé depuis l'ascension du dire que Sozomène ne commença son His-
Sauveur jusqu'à la destitution de Licinius, toire qu'après l'an 443. Il y travaillait encore
en 323. Cet abrégé, qui était divisé en deux après l'an 446, puisque, dans son dernier li-
livres, n'est pas venu jusqu'à nous. Ensuite vre, il parle de saint Procle, archevêque de
il écrivit sa grande Histoire, qui est divisée Constantinople, comme d'une personne qui
en neuf livres. Elle devait, suivant son pro- ne vivait plus et il est ceitain qu'il mourut
:

jet ^, comprendre les événements arrivés de- en celte année-là. On ne sait pas bien pour-
puis l'an 324, auquel Crispe et Constantin quoi cet historien n'ayant commencé d'é-
Césars avaient été consuls pour la troisième crire qu'après l'an 443, ne promet dans sa
fois, jusqu'au dix-septième consulat de Théo- préface de conduire son Histoire que jus-
dose -le -Jeune, c'est-à-dire jusqu'en 439; qu'en 439, si ce n'est qu'il n'ait eu quelque
mais elle ne va pas au-delà de l'an 413 ce ; peine d'entrer dans les tristes et funestes
qui marque que Sozoraène mourut avant de événements dont Théodose fut accablé de-
Tachever. Il avait promis de parler de l'épis- puis l'an 440. Il fait dans la même préface
copat de Sabbatius le iSovatien 5, de la rêvé-, la distribution de son Histoire en neuf livres,
lation des reliques de saint Etienne , et du marquant en peu de mots ce qu'ils devaient
zèle de Pulchérie contre les nouvelles héré- renfermer.
sies : rien de tout cela ne se trouve dans 3. Comme il connaissait parfaitement le Aniiysedu

son Histoire. On pourrait dire que cette par- chemin que doit suivre un pour
historien Sriozomèùe'

tie de son Histoire a eu le même sort que


'

trouver la vérité, il dit au commencement du vu^es., f


'

son abrégé. En ell'et, saint Grégoire-le-Grand premier hvrc qu il écrit ce qui s est passe
le blâme d'avoir donné des louanges exces- de son temps, sur ce qu'il a vu lui-même,
sives à Théodore de Mopsueste ^; ce qui ne ou sur ce qu'il a appris des personnes les
se trouve pas dans Sozomène. Mais on croit mieux instruites et qui souvent avaient été
avec beaucoup de vraisemblance que ce saint témoins oculaires des choses. « Quant à cel-
Pape a confondu V Histoire de Sozomène les qui sont plus anciennes, j'ai, dit-il, tâché
avec celle de Théodoret, où il est parlé de m'en instruire par la recherche que j'ai
fort avantageusement de Théodore de Mop- faite des conciles qui ont été tenus, des ca-
sueste. Sozomène adressa son Histoire à nons qui y ont été faits, des lettres des em-
Tbéodose-le-Jeune, par une espèce de lettre pereurs et des évêques, dont quelques-unes
ou de préface où il fait Téloge de ce piince, sont gardées avec soin dans les palais des
en y relevant sa sobriété il y rapporte que :
princes et dans les Eglises, et quelques-unes
Théodose, étant à la campagne par une entre les mains des savants. J'avais résolu,
grande cbaleur et une grande poussière, ne ajoute-t-il, de les insérer entières dans mon

voulut pas prendre un breuvage frais et dé- ouvrage mais leur longueur m'a fait juger
;

licieux qu'un de ses gardes lui présenta sur depuis que je ferais mieux d'en rapporter
le midi, faisant réflexion qu'il n'y avait per- le sens en peu de paroles, si ce n'est lors-

sonne dans son ai'mée qui n'enviât son qu'il s'agit de quelques faits contestés car :

bonheur et qui n'eût voulu avoir une pa- alors je ne ferais point de difficulté de trans-
reille liqueur pour apaiser sa soif. C'était, crire une pièce qui pourra servir à l'éclair-

comme remarque Sozomène, dans un


le cissement de la vérité. » Il témoigne ensuite
voyage que cet empereur fit àHéraclée dans que, pour remplir ce qu'un historien doit à
le Pont, pour réparer les ruines que le temps la vérité, il marque les ditïérends arrivés

y avait faites. Ce voyage ne peut se rappor- dans l'Eglise, tant parmi ceux qui ont aspiré
ter qu'à l'an 443, auquel Théodose alla en aux premières places, qu'entre ceux qui ont
Asie et à Héraclée, dans le Pont, pendant disputé opiniâtrement pour la défense de
l'été, et non pas à celui qu'il fit en 437, puis- leurs dogmes; qu'il en usera de même à l'é-
qu'alors il n'alla qu'à Cyzique, qui est bien gard des troubles que les hérétiques ont
en-deça d'Héraclée, et qu'il y alla par mer; excités dans l'Kglise, et des eflbrts qu'ils ont
moins encore au voyage qu'il fit en 416, où faits contre elle, et il croit qu'en cela même

il alla, non à Héraclée dans le Pont, mais à on verra que l'Eglise est l'ouvrage de Dieu,

1 Sozoïneu., lilj. I, cap. i. 3 Lib. VII, cap. xviu; lib. IX, cap. xvi, et lib. IX,
2 Sozomen., in Prolo;/. cap. 1. — * Gregor., lib. VI, Epist. 30.
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXIX. — SOZOMÈNE, HISTORIEN. 527
puisqu'elle subsiste parmi toutes les tempê- faveur de l'Eglise, après sa conversion;
tes, et qu'elle s'augmente au lieu de périr, « mais, dit-il, bien que ces privilèges rele-
Dieu l'ayant toujours rendue victorieuse et vassent merveilleusement l'éclat de la reli-
lui ayant donné la force d'attirer et de s'as- gion chrétienne, la vertu de ceux qui en fai-
sujettir tous les peuples. Il promet de ne saient profession le relevait encore davan-
point se renfermer dans les bornes de l'em- tage. » Il compte pour les principaux, Osius
pire romain, mais de rapporter aussi ce qui de Cordoue, Araphion d'Epiphanie, Maxime
est arrivé à l'Eglise dans les nations étran- de Jérusalem et Paphnuce d'Egypte, dont
gères, et en particulier cbez les Perses ; on dit que Dieu s'était servi pour faire plu-
comme aussi de parler des fondateurs et des sieurs miracles.
premiers supérieurs des monastèies, espé- Il fait un détail des actions merveilleuses

rant que le portrait qu'il fera de leurs vertus de saint Spiridion, évêque de Chypre, et
sei'vira de modèle à ceux qui voudront les parle en ces termes de la manière de vivre
imiter. Il cite ce que saint Clément, Hégé- des moineset de leurs fondateurs. « Ils font
sippe, Africain et Eusèbe ont écrit toucliant grand honneur à l'Eglise, et confirment la
l'bistoire de en parlant de Jo-
l'Eglise, et dit, vérité de sa doctrine par la pureté de leurs
sèphe, l'historien a rendu un té-
juif, qu'il mœurs. La philosophie dont ils font profes-
moignage irréprochable à l'avantage de Jé- sion est un des plus riches présents que le
sus-Christ, l'ayant appelé Christ, et ayant à la terre. Ils négUgent les dé-
ciel ait fait
parut vivant trois jours après qu'il
écrit qu'il monstrations de mathématiques et les argu-
eut expiré sur la croix. Il marque que notre ments de logique, persuadés qu'ils dérobent
religion a été établie par la veitu de ceux beaucoup de temps et qu'ils ne servent de
qui la gouvernèrent dans sa naissance que, ;
rien pour bien vivre, et suivent les lumières
sans avoir jamais appris l'art de parler, et de la prudence naturelle qui retranche abso-
sans avoir recours aux arguments de mathé- lument le vice ou du moins le diminue. Us
matiques, ils persuadèrent leur doctrine par ne mettent point au nombre des biens ce qui
leurs actions et par leurs soutîrances. Après tient comme le milieu entre le vice et la
cette espèce de préambule, qui fait le pre- vertu, et ils croient que c'est être méchant,
mier chapitre, Sozomène nomme lesévêques que de ne s'abstenir que du mal sans faire
des grandes villes sous le règne de Constan- le bien. Ilsrecherchent la vertu pour elle-
tin, et raconte la manière dont ce prince se même, et non pour les louanges des hom-
convertit à la religion chrétienne par la vue mes, combattant leurs passions sans céder
du sigiie de la croix. Il réfute ceux qui di- ni aux nécessités de la nature, ni aux infir-
saient qu'il s'était fait chrétien
pour expier mités du corps soutenus par la force toute-
:

le meurtre qu'il avait commis en


la personne puissante de leur Créateur, ils le contemplent
de Crispe, son fils, en montrant qu'ils tom- et l'adorent jour et nuit, et lui adressent
l)aient dans un anachronisme considérable, sans cesse leurs prières faisant consister le
:

et fait voir d'ailleurs que l'empereur Cons- culte qu'ils lui rendent, dans la pureté de
tance, père de Constantin, avait déjà été fa- leur cœur dans la sainteté de leur vie, ils
et
vorable à la religion, par ce trait digne, se- se mettent fort peu en peine des purifications
lon lui, d'être remarqué. Voulant éprouver extérieures, ne croyant pas qu'il y ait de vé-
la vertu des chrétiens qui avaient des char- ritables taches que celles qui viennent du
ges dans son palais, il ordonna que ceux qui péché. Au-dessus des accidents et des dan-
désireraient de les conserver, sacrifiassent gers qui surviennent dans le cours delà vie,
aux dieux, ou qu'ils se retirassent. Ces offi- l'inconstance qui règne avec tant de pouvoir
ciers partagés en deux bandes, et
s'étant dans le monde, et la nécessité qui y exerce
les uns ayant trahi leur religion et les au- , un empire tyrannique, ne les font jamais
tres l'ayant préférée à leur fortune, il estima changer de sentiments. Ils ne se fâchent pas
et honora ceux qui étaient demeurés fermes des injures qu'on leur fait, et ne cherchent
dans leur croyance, et méprisa comme des point à s'en venger. Attaqués par la maladie
lâches ceux qui avaient changé de sentiment, ou pressés par la disette, ils ne perdent pas
ne voulut plus se servir d'eux, ne croyant courage, mais ils en font gloire et les souf-
pas qu'ils lui pussent être fidèles, puisqu'ils frent avec patience. Ils s'accoutument, du-
ne l'avaient point été à Dieu. Sozomène fait rant toute leur vie, à se contenter de peu, et
mention des lois portées par Constantin en s'approchent par là de l'indépendance de
B28 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Dieu, autant qu'il est possible à rinfîrmité dans les élections. C'est que Mélèce avait
l)umaine. Ilsne s'inquiètent point pour ac- usurpé le droit d'imposer les mains au pré-
quérir des biens, parce qu'ils ne regardent judice de Pierre, évêque d'Alexandrie.
celte vie que comme un passage, et ils ne 4. Sozomène commence son second livre Analyse
font de provision qu'autant que la nécessité par de l'invention de la croix et des
l'histoire yrTl-t"'*
les y oblige. Ils louent la manière de vivre la clous du Sauveur, qu'il raconte à peu près
plus sainte, et ne songent qu'à la félicité qui de la même manière que Socrate seulement :

nous est promise. Ils ne respirent que la il ajoute qu'après qu'une dame de Jérusalem,
piété, et évitent dans leurs discouis les im- malade à l'extrémité, eut été guérie par l'at-
puretés qu'ils ont bannies de leurs actions. touchement de la croix de Jésus-Christ, un
Ils accoutument leur corps à se contenter de mort fut ressuscité de la même sorte. Il dit
peu, et surmontent l'intempérance par la so- encore que la Sibylle, de même que le pro-
briété. Ils entretiennent la paix avec tous phète Zacharie, avait prédit la vertu des
ceux qui approchent d'eux. Ils ont soin de instruments de la passion, par ces paroles :

leurs amis et des étrangers, communiquant Que l'arbre fut heureux ou Dieu fut attaché. Il
ce qu'ils ont à ceux qui n'ont rien. Ils con- loue la piété d'Hélène, mère de Constantin,
solent ceux qui sont dans l'affliction, et n'af- et parle de la fondation de Constantinople et
tligent point ceux qui sont dans la joie. des églises que ce prince y fit bâtir, enti'e
Comme ils sont sérieux en toutes choses et autres de celle de Saint-Michel, qui fut ainsi
qu'ils rapportent toutes leurs actions au sou- nommée, dit-il, parce qu'on croyait qu'il
y
verain bien, ils instruisent par de sages et était apparu. A deux cent cinquante stades
judicieuses remontrances, où il n'y a ni flat- de Jérusalem et proche du chêne de Mam-
terie, ni aigreur, et où ceux qui les écou- brés, les habitants de Palestine, de Phénicie
tent, trouvent des remèdes salutaires aux et d'Arabie s'assemblaient tous les ans en

maladies de leurs âmes. Ils s'entretiennent été, pour y célébrer une fête fort solennelle,
ensemble avec honneur et avec respect, sans mêlée de beaucoup de superstitions. Les
contestation, sans raillerie, sans colère, n'a- Juifs allaient, parce qu'ils se glorifiaient
y
gissant que par la raison. lis répriment tous d'être descendus d'Abraham; les païens,
lesmouvements qui y sont contraires, et parce que les anges y étaient apparus, et les ,

commandent aux passions de l'esprit et du chrétiens, parce que celui qui est né d'une
corps. » Vierge pour le salut des hommes, s'y était
Sozomène ajoute à cette description de la fait voir autrefois à Abraham. Chacun y ren-
vie des moines, celle que Philon a defaite dait ses hommages
selon l'idée qu'il avilit de
la manière de vivre des plus réglés juifs de la religion.Les uns y priaient Dieu, et les
son temps. Il rapporte ensuite quelques autres invoquaient les anges, soit en répan-
beaux traits de la vie de saint Antoine et de dant du vin, en brûlant de l'encens, en sa-
saint Paulj de saint Ammon et d'Eutychien crifiant un bœuf ou quelque autre animal.
le Novatieu. Après quoi il remarque l'origine L'empereur Constantin, averti des supersti-
de l'hérésie arienne, ses progrès, sa con- tions qui se commettaient en ce lieu, fit dé-
damnation dans le concile de Nicée, le ban- molir l'autel, brûler les statues et tracer le
nissement des partisans d'Arius et la con- plan d'une église, pour sanctifier par l'exer-
damnation de son hérésie. Il dit qu'Acésius, cice de la véritable religion le lieu qui avait
évêque des novatiens, invité par Constantin été souillé par des sacrifices profanes. Il fît

d'assister au concile de Nicée, convint qu'on aussi démolir partout les temples des dieux :

n'y avait rien statué de nouveau touchannt les statues d'or et d'argent qu'on y trouva,
la célébration de la pâque, mais qu'il per- furent fondues pour être converties en mon-
sista opiniâtrement dans son schisme que,;
naie. Celles qui n'étaient que de cuivre, mais
de l'avis de Paphnuce, le concile ne fit point bien travaillées, furent portées à Constanti-
de canon pour obliger les ecclésiastiques à nople pour servir d'ornement dans les places
la conlinence et qu'il y fut permis à ceux
;
publiques et dans le palais.
que Mélèce avait ordonnés, de demeurer Sozomène rapporte, d'après Socrate, la con-
dans la communion de l'Eghse et dans l'e- version des Ibères, et décrit assez au long la
xercice de leur ministère, à condition qu'ils persécution que Sapor excita contre les chré-
n'auraient rang qu'.après les autres ecclé- tiens dans la Perse. Nous avons parlé ail-

siastiques, et qu'ils n'auraient aucun suffrage leurs de ceux qui, en cette occasion, rempor-
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE XXXIX. — SOZOMÈNE, HISTORIEN. 529

tèrent la couronne du martyre '. C'est en- parler de quelques-uns de ces saints solitaires,
core du même historien qu'il parait avoir entre autres des Macaires, et de décrire la
emprunté ce quil dit de la conversion des manière dont les religieux de Tabenne avaient
Indiens. coutume de se vêtir et de vivre. Il parle de la
Le reste de son second livre, qu'il finit à la règle qu'un ange donna, à ce qu'on disait, à
mort de Constantin est employé à décrire los
,
saint Pacôme, chef de cette congrégation, et

broiiilleries que l'arianisme causa dans l'E- de celle que l'on attribuait à Eustalhe, évê-
glise, les persécutions que l'on fit souffrir à que de Sébaste. Il dit aussi quelque chose de
saint Athanase, et ce que fit ce prince pour abo- divers personnages célèbres par leur science,
lir les sectes des novatiens, des phrygiens et comme de Didyme et de saint Ephrem. Il
autres, qui n'étaient point unis de commu- marque que les enfants de Constantin favo-
nion avec l'Eglise catholique. Il dit, comme risèrent la doctrine catholique et ceux qui la

tous les autres historiens que la maladie -, soutenaient, et que quoique Constance eût
de Constantin s'élant augmentée, il se fit por- abandonné le terme de co/is«6s^art^/t7,Ie voyant
ter à Xicomédie et y reçut le baptême dans décrié, il ne laissa pas d'avouer toujours que
un des faubourgs. le Fils de Dieu est semblable à son Père

An.useda ^- Après la mort de Constantin, plusieurs quant à la substance, et il ne faut pas, ajoute-
^"^ ^6 son vivant n'avaient osé combattre la t-il, trouver étrange que ce prince se soit
iît"p*i6%9'7?

doctrine de Xicée, s'en déclarèrent ennemis trompé de la sorte, puisque plusieurs évê-
et firent tous leurs eûbrts pour rendre la doc- ques attachés à la doctrine de Nicée, n'ont
trine d'Arius victorieuse. C'est ce que mon- point fait de dilficulté de se servir de ce
tre Sozomène dans son troisième livre, où il terme. II soutient que le concile de Rimini
parle des nouvelles persécutions que les fut assemblé à l'occasion de la fausse doc-
ariens firent soulfrir à saint Athanase, et de trine qu'Aétius répandait et finit son troi-
;

diverses formules de foi qu'ils dressèrent sième par diverses lettres en faveur de
livre
pour autoriser leurs erreurs. En parlant de saint Athanase.
la lettre du pape Jules aux évêques du con- 6. On trouve dans le quatrième hvre l'his- Anawseda
cile d'Antioche il fait dire à ce saint Pape
, toire des conciles de Sirmium, de Milan, 'i^e^'pts.^tiii.

qu'il y a une loi qui déclare nul tout ce qui d'Ancyre,de Rimini et de Séleucie. Mais So-
est fait sans la participation de lévéque de zomène n'eu reconnaît qu'un de Sirmium,
Rome. Le même historien faisant le dénom- quoiqu'il y en ait eu plusieurs assemblés en
brement des évêques qui assistèrent au con- cette ville, et il lui attribuait trois formulai-
cile de Nicée ^, dit que le pape Jules ne put res. Socrate avait fait la même chose Sozo- ;

s'y trouver à cause de son grand âge, mais mène mention d'un con-
est le seul qui fasse
qu'il y envoya Viton et Vincent. Mais on sait cile tenu à Anlioche, où Georges fut ordonné

que saint Sylvestre était alors assis sur le par les ariens, évêque d'Alexandrie mais il ;

siège épiscopal de l'Eglise de Rome *, et So- le place en un autre temps que celui où il a
zomène le reconnaît lui-même dans la suite été tenu. Il donne aussi le précis de la lettre
de son Histoire. II parle du concile de Sar- qu'ils écrivirent à tous les évêques du monde
dique et de la division que la doctrine y mit pour leur donner avis qu'Athanase avait re-
entre les évêques d'Orient et d'Occident, qui pris possession du siège d'Alexandrie, contre
fut poussée jusqu'à un tel point que, selon les règlesde l'Eglise, sans s'être justifié au-
lui, il n'y eut plus de communion entre eux paravant dans un concile, et les exhorter à
depuis ce concile. Il en excepte néanmoins n'entretenir aucune communion avec lui
saint Paul évêque de Constantinople, et saint mais plutôt avec Georges, élu et ordonné
Athanase, avec saint Antoine, qui vivait en- pour lui succéder. Parlant des violences que
core, ses disciples et une multitude incroya- Macédonius exerça dans l'Eglise de Constan-
ble de moines, et quantité d'autres personnes tinople, il dit qu'elles allèrent jusqu'à faire
tant de i'Egyple que des autres provinces de mourir plusieurs personnes ; de ce nombre
l'empire, qui soutenaient avec vigueur, de furent Marlyrius et Marcien. Ils avaient été
même que les Occidentaux, la doctrine du l'un et l'autre domestiques de Paul, évêque
concile de ÎSicée. Il prend de là occasion.de de cette ville. Marlyrius était sous-diacre, et

» Tom. IV Concil., pag. 446 et suiv. s Lih. I, cap. xvn.


* Voyez l'article sur Constantin, tome III. {L'édit.) * Lih. II, cap. vu.
VIll. 34
530 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Marcien, chantre et lecteur. Leur tombeau, tant la raillerie au blasphème, lui dit : u Le
dit Sozomène, est vis-à-vis des murailles de Galiléen, ton Dieu, ne te guérira pas. » —
la ville, et renfermé dans Teuceinle dune (( Je le remercie, répartit Maris , de ce que
église qui a été commencée par saint Jean je suis aveugle et que je ne saurais voir un
Chrysostôme et par Sisinnius tous les deux , apostat. » Nous remarquerons encore que
évéques de la même ville. Ces prélats jugè- Julien, considérant que rien ne contribue
rent qu'il n'y avait point d'apparence que tant à la réputation de la religion chrétienne,
Marlyrius et Marcien fussent privés de la que la manière de vivre de ceux qui en font
gloire du martyre devant les hommes, dans profession, résolut d'introduire dans les tem-
le temps que Dieu les honorait de la grâce ples l'ordre et la discipline de nos églises,
des miracles , car il s'en faisait beaucoup à des degrés, des chaires élevées, des lecteurs,
leur tombeau. A
Jérusalem, sous Tépiscopat des maîtres, des prières à certains jours et
de saint Cyrille, il parut au ciel une croix à certaines heures, des monastères pour les
d'environ quinze stades de longueur, et d'une hommes et pour les femmes qui désireraient

largeur proportionnée elle s'étendait depuis : de vivre dans la solitude et de s'appliquer à


le Calvaire jusqu'au mont des Oliviers. A la l'étude de la sagesse, des hôpitaux pour les
vue de ce prodige, tout le monde com^ut à l'é- étrangers, pour les pauvres et pour les ma-
glisey faire ses prières, et plusieurs, soit lades. Il avait encore envie d'établir parmi
juifs,soit païens, se convertirent. A Nico- les païens, à l'imitation des chrétiens, le re-

médie,la terre ayant été ébranlée, plusieurs mède de la pénitence contre les péchés vo-
périrent. On dit qu'un solitaire de grande lontaires et involontaires. Mais il souhaitait
vertu, nommé
Arsace, qui était Perse de na- surtout que la coutume que les évêques ont
tion, avait prévu ce malheur, et qu'étant ac- de donner des lettres de recommandation à
couru à l'église, et n'ayant pu peruader aux ceux qui voj'agent, afin qu'ils soient reçus
ecclésiastiques que ce qu il leur prédisait par les autres évêques avec toute sorte de
était véritable, il retourna à une tour où il témoignages d'aôectionetde charité, eût aussi
logeait ordinairement, et que s'y étant pros- lieu parmi les païens. C'est ce qui paraît par
terné contre terre, il pria Dieu de détourner une lettre de ce prince adressée à Arsace,
,

un si funeste danger. y Il fut enveloppé lui- prince de Galacie, que Sozomène rapporte
même et trouvé mort dans la même posture tout entière. Julien défend encore dans
où il s'était Sozomène lui
mis pour prier. cette lettre aux sacrificateurs d'aller ni au

attribue plusieurs miracles. Il donne assez théâtre ni au cabaret, et il y dit qu'il avait

au long l'histoire du pape Libère mais ni ; déjà pourvu à ladépense des hôpitaux
lui ni Socratene rapportent point les lettres qu'Arsace devait établir, en ordonnant qu'on
que macédoniens lui adressèrent et aux
les lui fournit chaque année trente mille muids

autres évêques d'Occident, pour les prier de de blé, et soixante mille mesures de vin,
recevoir favorablement leurs députés et de dont la cinquième partie serait employée à
conférer avec eux touchant les moyens d'é- la nourriture des pauvres qui servent les sa-

tablir un bon ordre dans les ailaires de l'E- crificateurs, et le reste distribué aux pauvres
glise. et aux étrangers. « Car ce serait, ajoutait-il,

7. L'histoire de Julien l'Apostat, et celle une chose honteuse, que nous abandonnas-
ci;fq°D'ieme''et dcs martyrs à qui il fit souffrir la mort, oc- sions nos pauvres, pendant que les juifs n'en
siiieme livres, ,., •> „
ont aucun, et que les impies galiléens nour-

cupcut prcsque entièrement le cmquieme


. , i
pag. 600 et

livre de Sozomène. Nous ajouterons ici à ce rissent non-seulement ceux qui sont parmi

que nous en avons rapporté ailleurs *, que eux, mais encore ceux qui sont parmi nous.
comme ce prince sacrifiait un jour à Cons- Apprenez aux païens, lui dit-il encore, à
tantinople, dans le temple de la Fortune pu- contribuer à une œuvre aussi sainte, et faites
blique. Maris, évêque de Cliulcédoine, y en- en sorte que les bourgs ofl'rent aux dieux les
tra et luireprocha devant tout le monde son prémices de leurs Ce prince ayant ap-
fruits.

impiété et son apostasie. Julien n'ayant rien pris qu'ily avait dans de Césarée de
la ville

à lui répondre de solide, lui reprocha la fai- Philippe en Phénicie, une image du Sauveur
blesse de sa vue qui le mettait dans le besoin qui y avait été érigée par la reconnaissance
de se faire conduire par un enfant, et ajou- d'une femme guérie miraculeusement du
fiux de sang, la fit abattre pour mettre la
sienne en la place. Mais le feu du ciel étant
I
» Voyez tom. III.
[V* SIÈCLE.] CHAPITRE XXXIX. — SOZOMÈNE, HISTORIEN. 531

tombé dessus à l'heure même, la renversa, doit être conféré, non au nom de la Trinité,
en brisa la tête, la perça et l'attacha à la mais au nom
de la mort de Jésus-Christ. So-
terre à du cœur. » Sozoraène dit
l'endroit zomène dit que si les erreurs d'Eunome et
qu'on encore de son temps noircie
la voyait d'Apollinaire ne firent pas de grands pro-
de ce coup de foudre. Il parle aussi d'une grès, on en fut redevable à la vertu et au
fontaine miraculeuse près d'Emmaiis ou Ni- zèle des saints solitaires qui habitaient dans
cople, à l'endroit où le Sauveur se séparade la Syrie, dans la Cappadoce et dans les pro-
Cléoplias et de son compagnon, où il avait
et vinces voisines, tous attachés à la doctrine
lavé ses pieds ; et d'un arbre à Hermopole, du concile de Nicée. Car le peuple conçut de
dont les rejetons, les feuilles et l'écorce gué- l'horreur des sentiments de ces deux héré-
rissent toutes les maladies quand on les fait siarques, quand il vit qu'ils n'étaient point
toucher aux malades. 11 rapporte, dans le approuvés par moines, dont ils admi-
les
commencement du sixième livre, les divers raient trop la vertu pour pouvoir se persua-
sentiments sur la manière dont Julien avait der qu'ils s'écartassent de la vérité. Sozo-
été tué , ce qu'en a dit LibaniuS;, et diffé- mène donne de suite l'histoire d'un grand
rentes visions qu'on avait eues sur sa mort. nombre de ces saints solitaires, qui vécurent
11 ajoute y eut sous le règne de ce
qu'il en ce temps-là dans l'Egypte, dans la Thé-
prince une grande inondation à Alexan-
si baide, dans Scété, dans les monastères de
drie, que quand la mer fut retirée, on trouva Nitrie, de Palestine, de Syrie, et dans les en-
des bateaux sur la couverture des maisons ; virons de la ville d'Edesse.
qu'il y eut une si grande sécheresse que les 11 parle de la conversion des Goths et de
hommes, faute des aliments ordmaires, fu- leur attachement à l'arianisme; de l'origine
rent contraints de recourir à ceux des bêtes, et de la religion des Sarrasins, et de la ma-
et que la peste ayant succédé à la famine, nière dont ils embrassèrent la foi de Jésus-
fit mourir beaucoup de monde. Christ. « Ils tirent, dit-il, leur origine d'Is-
Il donne l'histoire du concile d'Antioche maël, fils d'Abraham, et c'est pour cela qu'ils
sous Jovien, et de celui de Lampsaque sous étaient autrefois appelés Ismaélites : mais,
Valentiuien celle de la révolte de Procope
; pour se purger en quelque sorte du vice de
et des mauvais traitements que les ariens leur naissance, et du reproche de la servi-
firent souffrir aux catholiques sous le règne tude d'Agar^ ils prirent eux-mêmes le nom
de Valens. Ce prince étant entré en passant de Sarrasins, comme s'ils eussent été des
à Tomes, dans l'église de ce lieu, dont Vétra- descendants de Sara. Us sont circoncis comme
nion était évoque, voulut lui persuader d'ad- les juifs, s'abstiennent de manger de la chair
mettre les ariens à sa communion. Mais il le de porc, et observent quantité d'autres céré-
refusa avec une généreuse liberté, soutint monies judaïques. Moïse fut leur premier
fortement la foi du concile de Nicée, laissa évêque et ce ne fut qu'à condition qu'il vou-
;

Valens seul dans l'église, et alla à un autre drait l'être que Maria, leur reine, fit la paix
lieu où le peuple le suivit. L'empereur, fâché avec les Romains. Les Sarrasins avaient pu
d'avoir été laissé seul dans l'église avec sa connaître Moïse dans les conférences qu'ils
suite, ht mener Yétranion en exil. Mais, quel- avaient eues sur la religion avec quelques
que temps après, il lui rendit la liberté, crai- prêtres et quelques solitaires qui s'étaient
gnant que les Scythes, fâchés de l'absence de rendus célèbres dans leur voisinage par la
leur pasteur, n'entreprissent de se soulever pureté de leur vertu et par l'éclat de leurs
au préjudice de l'empire. Sozomène traite miracles. Un d'entre eux promit à Zocome,
ensuite de diverses hérésies inventées sous chef d'une tribu de Sarrasins, qui l'était venu
le règne de Yalentinien et de Valens, et dit, trouver, qu'il aurait un fils, s'il voulait croire
en parlant de celle des eunomiens, qu'Eu- en Jésus-Christ. Dieu accomplit la promesse
nome fut le premier qui osa avancer que le du solitaire; et Zocome Voulant tenir sa pa-
saint baptême ne doit être conféré que par role, reçut le baptême et le fit recevoir à ses
une simple immersion, interrompant ainsi la sujets. Un autre solitaire se présenta devant
tradition descendue depuis les Apôtres et Valens lorsqu'il partait de Constantinople, et
,

introduisant une discipline inconnue que ;


lui dit Rendez à ceux qui observent la doc-
: ((

Théophione et Eutyclùus, s'étant séparés trine de Nicée, les églises que vous leur avez
d'Eunome, introduisirent encore des nou- ôtées, et vous remporterez la victoire. » L'em-
veautés touchant le baptême, en disant qu'il pereur en colère le fit garder, afin de le pu-
532 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
nir à son retour, a Vous ne reviendrez jamais saint Paul, et les Asiatiques voulant aussi
ici, lui répondit le solitaire, si vous ne rendez demeurer inviolabloment attachés à celle de
les églises; » en etfet, Valens s'étant avancé saint Jean, ils convinrent d'un commun con-
jusqu'à Andrinople, y fut investi dans une sentement, que les uns et les autres célébre-
tour par les Barbares, et brûlé avec tous raient la fête dePâques selon l'usage qu'ils
ceux qui s'y étaient réfugiés avec lui. n avaient pratiqué anciennement, sans se sé-
Analyse da 8. Dous Ic Septième livre, Sozomène ra- parer de communion pour un fait de disci-
welp^gSoi' conte ce qui se passa de plus considérable pline; car les Eglises qui font profession
dans l'Eglise sous le règne de Théodose. Les d'une même doctrine, n'observent pas pour
ariens, aspirant de le gagner comme ils cela les mêmes coutumes. Il y a plusieurs
avaient gagné Valens, obtinrent de conférer villes en Scythie qui n'ont toutes ensemble
avec lui sur la religion. Mais l'impératrice qu'un évêque, au lieu qu'en d'autres pro-
Flaccile, très-attacliée à la foi de la consubs- vinces, comme en Arabie et en Chypre, il y
détourna ces conférences, et celle
tantialilé, a des bourgs qui en ont chacun un. Il n'y a
en accordée à Euno-
pai'ticulier qu'il avait que sept diacres à Rome, comme il n'y en
me, de peur que l'empereur, son mari, eut que sept ordonnés par les Apôtres au ;

trompé par les artifices de cet évêque, ne lieu que dans les autres villes le nombre
changeât de doctrine. Cependant les évêques n'en est point limité. A Rome, on chante
qui étaient alors à Constantinople, allèrent Alléluia une fois l'année, le premier jour des
saluer Théodose. Un d'entre eux, vieillard fêles de Pâques; de sorte que c'est un ser-
respectable, après avoir salué l'empereur ment ordinaire en cette ville, de ne pouvoir
comme les autres, s'approcha du prince, son jamais entendre ni chanter Alléluia, si ce
fils, lui, et au lieu de
qui était assis auprès de qu'on dit n'est pas véritable. Ni l'évêque
lui rendre hoimeurs dus à sa naissance
les ni aucun autre n'enseigne le peuple dans
et à sa dignité, lui dit en le caressant avec l'église de la même ville mais à Alexandrie
;

la main, comme un enfant « Bonjour, mon: il n'y a que l'évêque qui prêche, et on dit

fds.» Théodose indigné de ce que cet évêque que cet usage y a été établi depuis qu'Arius,
n'avait pas rendu les mêmes honneurs à son qui n'était que prêtre, y publia une nouvelle
fils qu'à lui, commanda qu'on le mit dehors. doctrine. C'est encore la coutume dans l'E-
Comme on l'emmenait, il à Fempereur,
dit glise d'Alexandrie, étonne voit point qu'elle
en se retournant « : Soyez persuadé que le ait lieu ailleurs, que quand on lit l'Evangile,
Père céleste conçoit une indignation sem- l'évêque ne se lève pas, et il n'y a que l'ar-
blable à la vôtre contre ceux qui n'honorent chidiacre qui le lise ; au lieu qu'en plusieurs
pas son Fils comme lui, et qui osent avancer autres vifies les diacres le lisent, en d'autres
qu'ilestmoindrequelui.» L'empereur, étonné les prêtresseulement, et en quelques-unes,
de ce discours, convint que cet évêque disait comme à Constantinople, ce sont les évê-
vrai, le rappela, le pria d'excuser ce qui s'é- ques, mais seulement aux grandes fêtes et
tait passé, et défendit par une loi expresse le premier jour de celles de Pâques. Les
les assemblées et les disputes louchant la uns comptent six semaines au carême qui
substance et la nature de Dieu. Il convoqua précède immédiatement cette grande fête et
même incontinent après un concile pour ,
qui est consacré au jeûne, comme font les
confirmer les décrets de celui de Nicée et habitants de l'illyrie et de l'Occident, de l'A-
ordonner un évêque de Constantinople. C'est frique de l'Egypte et de la Palestine et les
, ;

le second concile œcuménique '. Sozomène autres en comptent sept, comme ceuxdeCons-
rapporte comment cela se fit, et nous l'avons tantinople et des provinces voisines jusqu'à
déjà dit aiUeurs. la Phénicie. Quelques-uns jeûnent par inter-
Après avoir marqué les diflférenls usages valle durant troi? de ces six ou de ces sept
dans la célébration de la pâque, qui se trou- semaines; d'autres jeûnent sans interrup-
vent dans les différentes sectes, il ajoute : tion les trois qui précèdent la fêle. Tous
« Sous le pontificat de Victor, les évêques les peuples ne s'assemblent pas dans l'église
d'Occident ne croyant pas devoir s'éloigner, au même jour ni aux mêmes heures. Ceux
touchant la fête de Pâques, de la tradition de Constantinople et de plusieurs autres
qu'ils avaient reçue de saint Pierre et de villes s'assemblent le samedi aussi bien que
ledimanche. Ceux de Rome et d'Alexandrie
' Voyez loin. IV, pag. Cl G. ne s'assemblent point le samedi. Il y a des
[V* SIÈCLE.] CHAPITRE XXXIX. — SOZOMÈNE, HISTORIEN. 533

villes et des bourgs en Egypte où, contre la Cela, et celles du second à dix stades au-delà,
coutume reçue partout ailleurs, on s'assem- dans un lieu nommé Rérat-Satia.
9. Le huitième livre de Sozomène ne con-
Analyse des
ble le samedi au soir, et quoiqu'on ait dîné, boitième et
neuvième
on participe aux saints mystères. On ne se tient presque rien que nous n'ayons rapporté
li-
vres, pag. 153
et aa.
sert pas en tout temps ni en tout lieu des dans les articles de saint Jean Chrysostôme, de
mêmes prières, des mêmes psaumes et des Théophile d'Alexandrie et de saint Epiphane.
mêmes livres. Nous voyons qu'en quelques Le neuvième commence à la mort de l'em-
Eglises de Palestine on lit une fois l'année, pereur Arcade, qui eut pour successeur
savoir le jour du vendredi, auquel le peuple Théodose, son fils. Comme il était dans les
jeune très-austèrement en mémoire de la , premières années de l'enfance, son père
passion du Sauveur, la révélation de mint chargea, en mourant, Pulchérie de son édu-
Pierre, qui a par les anciens
été rejetée cation. Elle n'avait pas encore quinze ans,
comme un ouvrage apocryphe. Un grand mais son esprit, sa sagesse et sa prudence
nombre de saints solitaires estiment fort étaient fort au-dessus de son âge. Elle con-
celle qui a été publiée sous le nom de saint sacra à Dieu sa virginité, éleva Arcadie et
Paul, quoique aucun des anciens ne la lui Marine, ses deux sœurs, dans la même ma-
ait attribuée. On assure qu'elle a été trouvée nière de vivre, et défendit l'entrée de son
sous règne de Théodose-le-Jeune, enfer-
le palais aux hommes, pour ne donner lieu à
mée dans une boîte de marbre, qui était aucune espèce de bruit ni de soupçons. Pour
sous terre dans la maison de cet apôtre, à se confirmer de plus en plus dans la résolu-
Tarse en Cilicie. Mais un prêtre de cette tion qu'elle avait faite de garder la virginité,
Eglise, fort avancé en âge, soutient que cela elle en prit Dieu, les prêtres et tous les Ro-
est faux, et apparemment supposé par les mains à témoins en offrant dans l'église une
,

hérétiques. Il y a quantité d'autres coutumes table enrichie d'or et de pierreries, au-dessus


que ceux qui les ont observées dès leur bas de laquelle le sujet de son offrande était écrit.
âge, ne croient pas pouvoir violer sans crime, Outre le soin qu'elle prit de l'instruction de
par le respect qu'ils ont pour ceux qui les Théodose, son frère, elle détourna par sa
ont établies, ou pour ceux qui ont succédé prudence les troubles dont les erreurs et les
à leur dignité ; et il faut porter le même ju- fausses opinions allaient de nouveau agiter
gement des différentes manières d'observer l'Eglise. Ce fut sous le règne de Théodose-
la fête de Pâques. » le-Jcune que se fit l'invention des reliques
Sozomène rapporte que l'empereur Valens des quarante martyrs qui avaient souffert à
ayant ordonné de transférer à Constantinople Sébaste, dans la persécution de Licinius.
la tête de saint Jean-Baptiste, trouvée, à ce Pulchérie les fit mettre dans une châsse de
que l'on disait chez les moines de la secte
, grand prix, et placer auprès de celle de saint
de Macédonius, ceux qui étaient chargés Thyrsus, avec beaucoup de solennité. Procle
de l'exécution ne purent la porter au-delà était alors évêque de Constantinople, et So-
d'un endroit du territoire de Chalcédoine, zomène assista lui-même à la cérémonie. Il
nommé Pantichium; qu'ainsi ils furent obli- décrit le siège de Rome par Alaric, et les
gés de la déposer à Cosila bourg du voisi- , conditions auxquelles il fut levé. Alaric s'en
nage appartenant à Mardonius premier
, , retournait, lorsqu'un étranger nommé Saruce
eunuque de la cour mais que Théodose ; l'attaqua et tua un grand nombre de ceux
étant allé en ce lieu-là, ne trouva aucune qui l'accompagnaient. Irrité de cette perfidie,
difficulté à la translation de cette sainte reli- il retourna vers Rome, et la prit d'adresse.

que, que l'opposition d'une femme consacrée Il abandonna les maisons au pillage ;mais,
à Dieu, qui la gardait; qu'ayant, par ses priè- par respect pour l'apôtre saint Pierre, il dé-
res, obtenu son consentement, il la mit dans fendit de toucher à la grande église qui est
sa robe de pourpre et la porta à Constanti- autour de son tombeau. Plusieurs personnes
nople, où il fit élever une église fort magni- s'y étaient réfugiées, et ce furent celles-là
fique. Sozomène raconte encore que, sous mêmes qui une nouvelle ville sur les
bâtirent
le règne de Théodose, Dieu découvrit en ruines de l'ancienne. Sozomène admire la
songe à Zébénius, évêque d'Eleutérople, les vertu d'une jeune femme qui, en cette occa-
reliques des prophètes Habacuc et Michée. sion, aima mieux s'exposer à la mort, que
Les rehques du premier furent trouvées à de manquer à la fidélité qu'elle devait à son
S34 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
mari. Le soldai qui avait attenté inutilement, avaient commis depuis le baptême. Il faut
l'épée à la main, à lapudeur de cette femme, donc dire que Sozomène, en louant les no-
ne pouvant s'empêcher d'admirer sa pureté, vatiens, comme a fait Socrate, n'a eu égard
la mena à l'église de Saint -Pierre, et donna qu'à leurs vertus extérieures, sans approuver
six pièces d'or au défenseur de l'église pour en aucune manière ni leur schisme ni leurs
la garder et la rendre à son mari. erreurs. Peut-être aussi n'en use-t-il de la
Le reste de ce neuvième livre est employé sorte que par une suite de sa trop grande
h marquer la défaite de plusieurs tyrans en fidélité h copier Socrate. On voudrait au
Occident, et finit par l'histoire de l'invention moins que, l'ayant si souvent copié, il l'eût
du corps du prophète Zacharie, et de celui cité quelquefois. Son Histoire est plus éten-
de saint Etienne, premier martyr. Le corps due et mieux écrite * mais elle n'est pas
;

du prophète fut trouvé dans le territoire d'E- sans défauts pour le style même, et on trouve
leutérople, en un bourg nommé Caphar. qu'il est fort au-dessous de Socrate pour le
Quoiqu'il y fût enterré depuis plusieurs siè- jugement ^. En parlant du concile de Nicée,
cles, on le trouva encore entier, rasé de fort il dit que Second, évêque de Ptolémaïde,
près, le nez droit, la barbe un peu longue, signa la déQnition de foi qui y fut dressée :

la tète courte et lesyeux enfoncés. Il était ce qui est contraire à la lettre du concile, où
vêtu d'une robe blanche, et mis dans un cer- il est dit expressément que Second et Théo-
cueil de plomb enfermé dans un de bois. nas refusèrent de la signer, et qu'ils suivi-
10. Il y a plusieurs autres traits d'histoires rent ouvertement l'impiété d'Arius. Il ajoute
remarquables dans Sozomène; mais la plu- au même endroit qu'Eusèbe et Théogniste
part se trouvent aussi dans Socrate, que So- approuvèrent que l'on condamnât les erreurs,
zomène semble n'avoir que copié. C'est de mais qu'ils ne consentirent pas qu'elles fus-
lui surtout qu'il a tiré ce qu'il dit en faveur sent imputées à Arius, ce qui n'est attesté
des novatiens et comme il en parle très-
;
par aucun ancien écrivain, mais seulement
avantageusement, on l'a aussi traité de no- par la lettre que ces deux évêques écrivirent
va tien. Mais il est hors de doute qu'il a re- du lieu de leur exil, où ils déclarèrent qu'ils
gardé les novatiens comme une secte séparée ne s'étaient jamais éloignés de la doctrine
de l'Eglise catholique. « Les novatiens, dit- du concile de Nicée, quoiqu'ils n'eussent pu
il *, en parlant de la réunion des religions
consentir à la déposition d'Arius, persuadés
projetée par l'empereur Théodose, n'eurent qu'il ne tenait pas les erreurs qu'on lui im-
aucun désavantage dans cette affaire, parce putait. Il met, comme Socrate, deux voyages
qu'ils tenaient le même sentiment que l'E- de saint Athanase à Rome, quoiqu'il n'y ait
glise catholique touchant la nature divine. » été qu'une seule fois. Il rapporte au règne
D'ailleurs il reconnaît ^ que Dieu a ordonné de Julien l'Apostat des tremblements de
d'accorder le pardon à ceux mêmes qui terre et des inondations qui n'arrivèrent que
avaient souvent péché, pourvu qu'ils s'en deux ans après la mort de ce prince. Il se
repentissent, et ajoute qu'étant nécessaire, trompe aussi dans l'époque de la sédition
pour obtenir ce pardon, d'avouer ses fautes, d'Antioche et du massacre de Thessalonique.
on avait établi pour cela dans chaque église On croit même qu'il n'a pas bien rencontré
un prêtre sage, secret et le plus exemplaire en disant que les Sarrasins tiraient leur nom
de tons, pour les lui confesser en particulier, -de Sara, femme d'Abraham, et que ce nom leur
parce qu'il eût été trop fâcheux de les avouer est venu de celui de Sarac, qui signifie voleur,
devant tout un peuple. Pouvait-il rien dire parce que ces peuples-là ne vivaient que de
de plus opposé ou à l'erreur ou à la pratique vols et de brigandages. Enfin on reprend
des novatiens? Il loue encore l'empereur dans Sozomène d'avoir écrit qu'on ne chan-
Constantin ^ d'avoir blâmé Acésius, évêque tait Alléluia dans l'Eglise de Rome, que le
novatien, de la rigueur que lui et ceux de sa jour de Pâques et en effet, le contraire est
;

secte exerçaient envers les pénitents, en leur attesté par saint Jérôme qui, comme on l'a
étant toute espérance d'être jamais réconci- vu plus haut, assure qu'on le chantait en
liés dans l'Eglise, pour les péchés qu'ils d'autres jours, et qu'on le chanta même aux

' Sozouien., lib. YII, cap. xii. * Phot., Cod. 30, pag. 17.
' Lib. VII, cap. xvi. — 3 yj, (^ cap xxii. * Vales., prolog. in Socrat., pag. 11.
[V* SIÈCLE.J CHAPITRE XL. — PHILIPPE DE SIDE ET JEAN L'EUTYCHIEN. S35
funérailles de Fabiole. Il n'est pas plus exact éditions qu'on a faites de l'Histoire de Sozo-
dans ce qu'il dit qu'à Home ni les prêtres, mène, soit grecques, soit latines, soit fran-
ni les évêques ne prêchaient point dans l'é- çaises : communes avec celles
elles lui sont
glise. Les sermons de saint Léon, qui vivait de Socrate que nous avons rapportées plus
dans le même siècle, sont une preuve qu'il liaut. [La Patrologie grecque^ tom. LXVII, re-

prêchait dans l'église. produit l'édition de Cambridge de 1720.]


i i Nous ne dirons rien en particulier des
.

CHAPITRE XL.

Philippe de Side et Jean l'Eutychien, historiens ecclésiastiques.

\ . Ce fut encore sous le règne du jeune monde *, mêlant dans sa narration quantité

Théodose que Philippe d.e Side écrivit son de choses inutiles ayant moins pour but
,

Histoire. Il dans la ville


avait pris naissance d'instruire que de faire paraître sa science.
de Side en PamphyUe ', et était parent du Il récrivit dans un stj^le asiatique, fort étendu

sophiste Troïle. Dès sa jeunesse il fit de l'é- et fort ditfus. L'ouvrage était divisé en trente-
tude son occupation principale, et se forma six parties, et chaque partie en plusieurs li-
une bibliothèque nombreuse, composée de vres^, en sorte qu'il comprenait près de mille
toutes sortes de livres. Il fut fort uni avec livi'cs. Photius, qui n'en avait vu que vingt-

saint Jean Chrysostôme et servit dans l'E- , quatre parties, dit qu'elles renfermaient cha-
glise de Constantinople en qualité de diacre. cune vingt-quatre livres. Les trente-six parties
Atticus, successeur de ce saint évêqtie'dans faisaient donc huit cent soixante-quatre li-
le siège épiscopal de cette ville, conféra à vres. L'argument que Philippe avait mis à la
Philippe l'ordre de la prêtrise et on parla , tête de chaque livre "^, était aussi long que le
même de le lui donner pour successeur. Il y livre même. Un ouvrage de cette nature ne
en eut aussi ^ qui le demandèrent encore pour pouvait être que fort ennuyant, soit par sa
évêque après la mort de Sisinnius, et après la longueur, soit par les inutilités qu'il renfer-
déposition de Nestorius mais il a fait voir ; mait, soit par son mauvais style. Aussi So-
lui-même qu'il n'était pas digne de l'épisco- crate dit " qu'il n'était propre ni pour les
pat, en se plaignant amèrement dans son personnes habiles, à cause de ses défauts;
Histoire * de ce qu'on lui avait préféré Si- ni pour les ignorants, à cause de son style
sinnius, quoiqu'ils tinssent tous deux le même pompeux et entlé qu'ils n'entendaient pas.
rang dans le clergé et qu'il surpassât Sisin- 3. Le même historien attribue à Philippe
de Phi-
nius en éloquence ^. Cette jalousie contre Si- un grand ouvrage où il réfutait les écrits de pcrits
lippe.

sinnius, fît dire à Philippe des choses que Julien l'Apostat. Il n'en est rien venu jusqu'à
Socrate a eu honte de rapporter*^, se conten- nous.
tant de blâmer la témérité qu'il avait eue de 4. ne nous reste rien non plus de VHis-
Il
^^
les écrire. qu'un eutychien, nommé
toire ecclésiastique 'i'^''

2. Comme Philippe n'a pas fait, qu'on sa- Jean, écrivit en cinq livres. Elle renfermait
che, les mêmes plaintes contre Nestorius et ce qui s'était passé depuis Nestorius jusqu'à
contre Maximien, dont il fut aussi le compéti- la défaite de Basilique c'est-à-dire, depuis ,

teur,on en infère qu'il écrivit sou Histoire 428 jusqu'en 477 à ces cinq livres il en
:

sous l'épiscopat de Sisinnius. Socrate lui ajouta cinq autres dont nous n'avons aucune
donne le titre d'Histoire chrétienne ', et ap- connaissance. Photius croit que ce Jean '-,
paremment que Phihppe l'avait intitulée est celui d'Egée, qui était prêtre eutychien.
ainsi. Il la commençait dès la création du

' Socrat, lib. VII, cap. xxvn. — « Idem, ibid., 7 Idem, ibid. — « Phot-, Cod. 35, pag. 21.
cap. XXVI. — » Ibid., cap. xxix et xxxi. — * Ibid., 9 Socrat., lib. VII, cap. xxvn, et Phot., ubi supra.
pag. 26. — s
Phot.. Cod. 35, pag. 22. «9 Socrat., lib. VII, cap. xxvn.
* Socrat., lib. VU, cap sxvi. i> Socrat., ibid. — »* Phot., Cod. 41, pag. 28.
336 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.

CHAPITRE XLl.

Des Conciles du v siècle.

de faire instance auprès de l'empereur, afin


ARTICLE I".
qu'il fît abattre toutes les idoles qui restaient
DES CONCILES DE CARTHAGE, DE MILÈVE ET DE en Afrique sur les bords dedans
la mer, et
PTOLÉMAÏDE. les terres des particuliers, et tem-même les
ples qui, étant dans les champs ou dans les
1. C'était l'usage ordinaire de l'Afrique d'y lieux cachés, ne pouvaient servir d'aucun
tenir chaque année un concile général de ornement. C'est qu'Honorius avait ordonné *

toutes les provinces. Mais, en 401, il y en de conserver les statues qui servaient d'or-
eut deux, l'un le 16 juin, et l'autre le 13 sep- nements dans les villes, et tous les temples.
tembre. Le premier se tint dans la sacristie Aurèle ajouta qu'il fallait aussi demander à
de l'église Restituée. Aurèle, qui y présidait, l'empereur qu'on ne pût point obliger les
témoigne qu'il ne s'y trouvait qu'une partie ecclésiastiques ^ ci comparaître devant les ju-
des évêques qui auraient dû y être présents. ges civils, pour porter témoignage surtout
Les diacres y assistaient mais debout, tandis
,
dans les affaires laïques qu'ils auraient ju-
que les évêques étaient assis. La première gées, en cas qu'il y eût appel; que les clercs
chose qu'Aurèle représenta fut le besoin , condamnés par jugements des évêques,
les
que l'on avait de ministres, soit supérieurs, ne pussent être défendus 3, ni par les Eglises
soit inférieurs. Les diacres étaient si rares qu'ils auraient gouvernés, ni par quelqu'au-
que, dans beaucoup d'églises il n'y en avait tre personne que ce fût, sous peine d'infamie,
pas même un. Les peuples en faisaient de d'amende, et même de punition corporelle;
grandes plaintes, et les évêques en gémis- que si un bateleur ou un comédien veut
saient, dans la crainte que, manquant à se- abandonner son exercice infâme pour se
courir ceux dont le besoin leur était confié, faire chrétien, personne ne puisse l'obliger
ils ne pussent s'excuser devant Dieu de la de continuer. Cet évêque voulut que l'on de-
perte de tant d'âmes. Le seul remède qu'ils mandât encore une loi pour défendre les
'*

trouvaient à ce mal, était d'admettre à l'état festins que faisaient les païens, à cause des
ecclésiastique les donatistes qui se réunis- danses et des autres insolences qu'ils y com-
saient à l'Eglise. Mais cela avait été défendu mettaient, au mépris de la religion, et parce
par les évêques de Rome et de Milan. Aurèle qu'ils contraignaient les chrétiens de s'y
demanda donc que l'on députût un évêque au trouver; ce qui excitait une persécution se-
pape Anastase, et à Vénérius évêque de , crète, sous des empereurs chrétiens. Il re-
Milan, pour leur représenter les besoins de marque que les festins venaient de l'erreur
l'Eglise d'Afrique, et les prier de trouver du paganisme; qu'ils étaient contraires aux
bon que l'on élevât à la cléricature ceux qui ordres de Dieu, qu'ils se faisaient en quel-
auraient été baptisés par les donatistes étant ques endroits aux jours des solennités des
enfants, si l'on remarquait en eux la piété et chrétiens ^, particulièrement des martyrs;
les autres qualités qui les rendissent dignes qu'en ces jours, de même que les diman-
de ce rang. La résolution en avait été prise ches, on donnait des spectacles et des jeux,
dans le concile précédent; mais on ne vou- même pendant la fête de Pâques. Aurèle,
lait rien décider sur ce point, sans desl'avis sans demander l'abolition de ces festins^, de
Eglises d'outre-mer, nommément de celles ces jeux et de ces spectacles, parce qu'ils
de Rome et de Milan. Aurèle proposa ensuite étaient autorisés par une loi d'Honorius du

» Cod. Thend., 16, tom. X, leg. xv, pag. 280. s Pag. 1088.
2 Pag. 1085. —3 Pag. 1088. —» Pag. 1085. « Cod. Theod., 16, tom. XVI, leg. xvn, pag. 284.
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — CONCILES DE CARTHAGE, DE MILÈVE, ETC. 337

20 août 399, veut qu'on demande du moins pérance que des corrections charitables fe-
qu'on ne les célèbre pas dans les jours de raient sur eux plus d'impression que si on
fêtes des I.e grand Constantin
chrétiens. les traitait avec rigueur. Ils résolurent pour
avait autoriséceux qui voulaient aflranchir cela que le concile écrirait aux officiers qui
leurs esclaves ', de le faire dans l'église en commandaient en Afrique, pour avoir, par '*'? ""^

présence des évêques, sans être astreints h leur moyen, dos actes authentiques de ce qui
toutes les formalités requises par le droit. s'était passé entre les donatistes et les maxi-
Comme l'usage n'en était pas apparemment mianistes, et qu'ensuite on députerait des
bien établi en Afrique, ou qu'il y soutirait évêques pour aller exhorter à la paix, tant
quelque difiiculté, Aurèle demanda que le les évêques que les peuples donatistes leur ,

député que l'on envoyer en Italie,


devait moulrer que les reproches qu'ils faisaient à
s'informât comment en usaient les évêques l'Eglise catholique n'étaient poitit fondés, et
de ces provinces, afin de se modeler sur leur leur faire voir surtout que leur conduite à
conduite. Il finit son discours en promettant l'égard des maximianistes renversait tous les
"""•
d'avouer et de tenir tout ce que le député prétextes de leur schisme. Et afin que les
aurait fait pour le bien de l'Eglise, souhai- évêques députés se conduisissent d'une ma-
tant qu'on lui donnât h cet égard toute sorte nière uniforme, dans toutes les provinces
de pouvoir. Tous les évêques du concile fu- d'Afrique, on jugea à propos de leur donner
rent d'avis que l'on fit toutes choses de la un pouvoir en forme d'instruction, dans les
manière qu'Aurèle les avait proposées; et, termes duquel ils devaient se tenir. Dans le
après avoir consenti aussi à l'exécution de la concile du 16 juin, on s'était remis absolu-
sentence rendue contre Equicius, ils sous- ment au jugement du Pape et de Vénérius
crivirent avec Aurèle à tout ce qui avait été de Milan, si l'on recevrait ou non les ecclé-
ordonné. siastiques donatistes dans les fonctions de
2. Dans le concile du 13 septembre de la leur ministère, lorsqu'ils voudraient se réu-
même année 401, assemblé comme le précé- nir. Mais, dans celui-ci, il fut résolu d'écrire
"''^•

dent dans la sacristie de la basilique Resti- même aux évêques d'Italie, poui- les consul-
tuée, on fît d'abord la lecture des lettres que ter sur cette matière, et surtout au Saint-
le pape Anastase écrivait aux évêques d'.\- Siège, qui était rempli par Anastase.
frique, pour les exhorter à ne point dissimu- 3. Après ces dispositions générales, le con- Règlemenls
de ce concile.
ler les mauvais traitements que l'Eglise ca- cile fit divers règlements touchant la disci-
tholique recevait dans leur province, de la pline, dont il y en a onze rapportés dans
part des hérétiques et des scbismatiques do- le cinquième concile de Carthage, savoir :

natistes. Les évêques, sensibles aux marques ceux qui sont les titres soixante-dix, soixante-
de tendresse et de charité dont elles étaient onze, soixante-douze, soixante-treize, soixan-
remplies, rendirent grâces à Dieu de les te-quatorze, soixante-quinze, soixante-seize,
avoir inspirées à ce saint Pontife. Quelques- soixante -dix -neuf, quatre-vingts, quatre-
uns ont cru que ces lettres étaient pour ré- vingt-trois et quatre-vingt-quatre. Les titres
pondre à celles qus le concile de Carthage cinquante-neuf et soixante-deux du concile
du 16 juin avait résolu d'écrire tant au Pape du 16 juin se trouvent aussi dans ce cin-
qu'à l'évêque de Milan, sur le besoin que quième concile^; ce qui donne lieu de croire,
l'Afrique avait d'admettre dans le clergé les comme on l'a dit ailleurs, que ce n'est qu'une
donatistes convertis. Mais cela ne parait pas compilation des deux conciles de cette an-
par les lettres d'Anastase, et ne peut s'accor- née 3 401, et de quelques autres tenus en
der avec la résolution qui fut prise dans ce- Afrique. Le premier canon défend l'usage
lui du 13 septembre, d'écrire au Saint-Siège du mariage aux évêques, aux prêtres et aux
une lettre semblable k celle qu'on avait pro- diacres, sous peine de déposition, laissant
jetée dans le concile précédent, et qui, selon aux autres ecclésiastiques de suivre la cou-
toutes les apparences, n'avait pas encore été tume de leur Eglise. Le second* ne veut pas
envoyée. En attendant , les évêques d'Afri- qu'un évêque change le lieu de son siège,
que prirent le parti d'agir envers les doua- ni qu'il réside dans aucune autre église de
listes avec beaucoup de douceur, dans l'es- son diocèse que dans la cathédrale, dont il

1 Cod. Theod., tom. I, pag. 354 et 355. * Tom. II Concil., pag. 1093. Voj-ez le texte latin,
» Voy. tom. VII, p. 734. —
3 Concil., tom. II, p. 1088. tom. VII, pag. 734.
,

S38 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


ne doit pas même s'absenter longtemps. Sur devant le prochain concile général, sur peine
la remontrance des députés de la Maurita- de déposition. Cet évêque ayant abandonné
nie, qu'ils rachetaient souvent des barbares, son Eglise, s'était emparé de celle de Tubie,
divers enfants dont ils n'avaient point de dans la Mauritanie de Stèfe. Par le neu-
preuve certaine s'ils étaient baptisés ou non, vième ", le concile commet vingt évêques, du
le concile déclare par un troisième
canon *
nombre desquels était saint Augustin, pour
que, dans on ne devait
cette incertitude, se transporter à Hippozarrytes dans la Pro-
faire aucune difficulté de les baptiser. Le ^ consulaire, et y ordonner un évêque, d'un
quatrième ordonne d'annoncer partout le consentement commun de tout le peuple, à
saint jour de Pâques, par des lettres formées la place d'Equicius, condamné pour ses cri-
et la tenue du concile général d'Afrique le mes par sentence des évêques, mais qui avait
23 août, suivant le décret du concile d'Hip- des partisans en cette ville. Le dixième or-
pone, en avertissant les primats de chaque donne ^ que les ecclésiastiques privés de la
province, de ne pas tenir en ce temps -là communion et déposés, auront un an pour
leur concile provincial. Dans le cinquième ^
poursuivre leur justification, mais qu'après
il est ordonné que l'intercesseur ou commis- ce temps écoulé, ils n'y seront plus reçus.
saire à qui l'on a confié le soin d'une Eglise Le onzième réduit ^ à la communion de son
vacante, aura l'attention d'y procurer un Eglise seule l'évêque qui aura ordonné clerc
évêque dans l'année, sans pouvoir lui-même ou supérieur de son monastère, un moine
être choisi pour évêque de cette Eglise que ;
dépendant d'un autre évêque, et exclut ce
s'il n'a pu faire faire l'élection, on mettra un moine tant de la cléricature que de la supé-
autre commissaire à sa place au bout de l'an- riorité. Il est ordonné dans le douzième
***

née. Le sixième * contient la résolution du que si un évêque préfère à l'Eglise, ou des


concile, de demander à l'empereur que les héritiers étrangers qui ne lui soient pas pa-
évêques pussent commettre des défenseurs rents, ou même ses parents, s'ils sont héré-
qui se chargeassent du soin des affaires des tiques ou païens, il sera anathématisé, du
pauvres, dont l'Eglise était surchargée, et moins après sa mort, et son nom ne sera
qui les défendissent contre l'oppression des point lu parmi ceux des prêtres du Seigneur,
riches. Il est dit ^ canon, que
dans le septième quand même il n'aurait point fait de testa-
quand il un concile gé-
sera besoin de tenir ment, puisqu'un évêque doit donner ordre à
néral, tous les évêques de chaque province ses affaires d'une manière qui convienne à
qui n'auront aucun empêchement légitime, sa profession. Le treizième porte qu'on de-
s'assembleront en deux ou trois bandes, de mandera à l'empereur qu'il soit permis d'af-
chacune desquelles on choisira tour à tour franchir les esclaves dans l'Eglise **. On or-
des députés, qui seront obligés de se rendre donne dans le quatorzième que *2, pour évi-
promptement au lieu du concile, ou de faire ter les superstitions, les évêques détruiront
insérer leur excuse dans la lettre publique tant qu'ils pourront les autels élevés à la
que province écrira au concile. Que si,
la campagne et sur les chemins, comme des
après le départ de cette lettre, ils se trouvent mémoires de martyrs, s'il n'y a en effet quel-
arrêtés par quelque empêchement, ils en ren- que corps ou quelques reliques d'un martyr;
dront compte au primat, sinon, ils ne pour- qu'en général on n'admettra aucune mémoire
ront communiquer avec personne hors de ou chapelle sous le nom d'un martyr, qu'on
leur Eglise. Le huitième ^déclare qu'on fera ne soit assuré que son corps y est, ou quel-
savoir au primat de Piumidie, de faire som- ques reliques de lui, ou qu'il y a demeuré,
mer Cresconius de Villerége de comparaître ou qu'il a possédé ce lieu, ou qu'il y a souf-

1 Tom. H ConciL, pag. 1093. Voyez le texte latin, '0 licm constitutum est ut si quis episcopus hœredes

tom. VII, pag. 734. exiraneos a consanguinitate sua, vel hœreiicos etiam
2 Ibid. — 3 Ibid. — ^ Ibid. — = Ibid., pag. 1096. consanguineos, aut paganos, Ecclesiœ prœtulerit, sal-
^ De Cresconio Villa Regensi, hoc omnibus visum tem post mortem anatliema ei dicatur, atque ej'us no-
est, ut hinc quoque primati Niimidiœ intimetur, quo men in ter Dei sacerdotes nullo modo recite tur. Nec
cognoscat memoratum Cresconium scriptis suis conve- excusari possit, si intestatus discesserit, quia ulique
niendum esse ut proximo universali A fricana concilio debuit, factus episcopus, rei suœ ordinationem con-
suani prœsentiam non différât exhibere, Quod si ve- gruam suœ professioni nequaquam differre. Ibid.
nire contempserit, in se cognoscat senteniiam promul- 11 Item placuit ut de manu7ynssionibus in Ecclesia
gandam. Pag. 1096. cflebrandis al/ imperatore petatur. Ibid.
?
Ibid. — » Ibid. — » Pag. 1097. »î Ibid.
[r SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — CONCILES DE CARTHAGE, DE MlLftVE, ETC. 339

qu'on rejettera absolument les autels


fert, et écrite ou signée de la main de leur ordina-
qu'on aura élevés sur des songes ou sur
* teur, où le jour et le consulat de leur ordi-
de prétendues révélations. Le quinzième nation seraient marqués; en outre, que l'on
^ la matricule et la liste des évéques '^'"- '

veut qu'on demande i\ l'empereur une loi mettrait


pour la destruction, non-seulement des ido- de Numidie, tant dans la ville du premier
la

les qui restaient encore, mais aussi de tous siège, c'est-à-dire dont l'évéque aurait été
les lieux consacrés à l'idolâtrie, même des primat, que dans Constantine, qui était la
bocages et des arbres. Enfin le ^ concile métropole civile de cette province. "Quod- ^
donna pouvoir à l'évéque de Carthage de vull-Deus, évêque de Centurie dans la Nu-
dicter et de signer au nom de tous les évo- midie, accusé par une personne qui était
ques, l'instruction qu'il fallait donner tou- présente au concile, avait promis de se sou-
chant les donatistes, et tontes les lettres mettre à ce qui y serait décidé. La cause fut
qu'on avait résolu d'écrire. A quoi Aurèle agitée; mais le lendemain cet évêque, chan-
et les évéques présents consentirent et si- geant de sentiment, ne voulut plus tenir sa
gnèrent. promesse, et se retira. Comme l'affaire n'a-
4. Sons le cinquième consulat des empe- vait point été jugée à fond, le concile ne crut
reurs Arcade et Honorius, c'est-à-dire l'an pas pouvoir le déposer. Il ordonna seule-
402, le 27 août, il se tint à Milève en Numi- ment qu'il demeurerait séparé de la commu-
die, un concile général de toutes les provin- nion des autres évéques, jusqu'à ce que son
ces d'Afrique. Aurèle de Cartbage, quoique procès fût terminé. Il le fut sans doute, et en
infirme, y assista, Dieu ayant fortifié sa fai- sa faveur, puisqu'en 411, Quod-vult-Deus
blesse. La première chose qu'il proposa, fut assista à la conférence de Carthage, sans
que tous les évéques et députés présents, qu'il y reçût aucun reproche de la part des
pour marquer leur unanimité, confirmassent donatistes. Voici quelle fut l'occasion du rè-
les canons des conciles d'Hippone et de Car- glement suivant. Maximin, évêque de Ba- 3.

ihage. On les lut, et tous les confirmèrent gaïe ou de Vagine, ayant quitté le schisme
de la main. Il est marqué que Xanthippe et des donatistes pour se réunir à l'Eglise ca-
Nicétius les signèrent. tholique craignit de ne pouvoir conserver
,

Après quoi Tévêque Valentin demanda


5. l'honneur de l'épiscopat sans troubler l'E-
que l'on confirmât par un décret ce qui s'é- glise par quelque dissension. Il offrit donc
tait toujours observé en Afrique, que le rang volontairement de céder pour le bien de la
des évéques fût réglé par l'antiquité de la paix. Le concile accepta cette démission, et
promotion en sorte que les plus jeunes dé-
; ordonna que l'on écrirait à Maximin pour
férassent l'honneur à leurs anciens. Cette l'engager à se retirer; et à son peuple, afin
demande plut à Aurèle, et à tout le concile, qu'il procédât à l'élection d'un nouvel évê-
qui la confirma ^ à la requête de Xanthippe,
que. On choisit Castorius, frère de Maximin,
évêque du premier siège de Numidie. On qui avait aussi quitté le schisme des dona-
excepta toutefois de cette règle les primats tistes. Sur quoi saint Augustin et saint Aly-
de Numidie et de Mauritanie, qui pourraient pius lui écrivirent pour l'exhorter à accep-
avoir la préséance au-dessus des autres pri- ter 1 épiscopat et à quitter pour Dieu toutes
mats, quoique plus anciens. Ensuite, pour les espérances du siècle. Mais comme ils
empêcher qu'à l'avenir, il ne survînt quel- craignaient que Castorius ne s'enfuît à la
ques difficultés touchant l'ordre de la pro- nouvelle de son élection, ils ordonnèrent
motion, on régla * que tous ceux qui seraient qu'on ne lui lût leur lettre que quand le
ordonnés laïques prendraient une lettre
, peuple le tiendrait. On croit que saint Au-

* ConciL, lom II, pag. 1097. — "^


Ibid. Deinde placuit ut quicumque deinceps ab episco-
*

Illui scimus inviolatam semper mansisse eccle-


' pis ordinantur per provincias africanas, lifteras acci-
siusticam disciplinam, iia ut nullus fratrum priori- piant ab ordi7iatoribus suis, manu eorum conscriptas,
bus suis se aliquaudo auderet antepouere, sed ofjîciis continentes consulem et diem, ut nulla altercatio de
charitatis idsemper exhibitum est prioribus, quod ah posterioribus tel anterioribus oriatur. Ibidem, pag.
insnquentibus gratanter acciperetur. Hune ordinem ju- 1101.
beat sanctitas vestra melius vestris inlerlocutiontbiis 5 Deinde placuit omnibus episcopis ut matricula et
roborari... Universi episcopi dixerunt : « Hic ordo et archivus Numidiœ et apud primam sedem sif et in
n patribus et a majoribus servatus est, et a nobis Deo metropoli, id est Constantina. Ibid.
propitio servabitur, salvo jure primatus Numidiœ et
Mauritanice. » Tom. II ConciL, pag. H 00.
S40 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
giistin avaiten vue la cession de Maximin, l'on convintque chaque évêque dans sa ville,
lorsqu'il disait quelques années après aux
'
ou seul ou avec quelqu'un de ses voisins, irait
donatistes. Il y a eu des personnes saintes et
((
trouver l'évêque donatiste et le sommerait,
assez humbles, pour se démettre de l'épisco- par le moj'en des magistrats ou des anciens
pat, croyant que la piété le demandait d'eux, du lieu, de s'assembler avec ses collègues,
à cause de quelque chose qui blessait les pour choisir des députés qui, avec ceux des
peuples; et on a loué en eux cette cession, catholiques, examineraient, dans un lieu et
comme* une action sainte. » Le dernier canon un temps convenus, toute l'affaire du schisme
paraît avoir rapport au différend entre saint qui les divisait, et tâcheraient de la finir par
Augustin et Sévère, évêque de Milève. Ce- une heureuse réunion. Et afin que tous les
lui-ci revendiquait un nommé Timothée, évêques catholiques pussent agir d'une ma-
quoiqu'il eût fait plusieurs fois les fonctions nière uniforme Aurèle présenta un modèle
,

de lecteur dans une église du diocèse d'Hip- de la sommation qu'ils devaient faire. On le Pag. no?
pone. Le concile ordonne - que quiconque lut il fut approuvé et signé de tous les évê-
,

aura fait une seule fois la fonction de lec- ques présents. Il portait en substance a Nous :

teur dans une église, ne pourra être retenu


A^ous invitons,de l'autorité de notre concile,
pour clerc dans une autre. Ces cinq canons de choisir ceux à qui vous voudrez confier la
se trouvent dans le code de l'Eglise d'Afri-
défense de votre cause, comme nous en choi-
que.
sirons de notre part pour examiner avec eux,
Cnnrile de 6. On y trouve aussi les Actes de ce qui se dans le lieu et le temps marqués, la question
Carthige, en
403, tom. II passa dans le concile général d'Afrique as- qui nous sépare de communion. Si vous l'ac-
Concil., nie.
^ ^
1104. semblé à Carthage, dans la basilique delà ceptez, la vérité paraîtra si vous refusez, on ;

seconde région, le 8 des calendes de sep- verra que vous vous défiez de votre cause. »
tembre, sous le consulat du jeune Théodose Cette sommation était précédée d'une espèce
et de Runoride, c'est-à-dire le 2o août de l'an
de supplique au magistrat de chaque ville,
403; quatre députés de la Byzacène et deux afin qu'ils la signifiassent à l'évêque dona-
dela Mauritanie de Stèfe y furent présents. tiste et comme il était besoin pour cela de
:
"°'
Iln'en vint point de la Mauritanie Césarienne, jussion de lapart des gouverneurs, le concile
parce qu'ils avaient reçu tard la lettre de con- leur écrivit des lettres qui furent signées d'A u-
vocation; ni de la Numidie, à cause de quel- rèle de Carthaj?e au nom de toute l'assem-
ques troubles qu'y causaient les nouveaux blée. Celle qui fut présentée, le 13 septembre,
soldats; mais saint Augustin, saint Alypius à Septimus, proconsul d'Afrique, est en forme
et saint Possidius s'y trouvèrent; les députés de requête. Les évêques ^ y disent que, quoi-
de la Mauritanie de Stèfe assurèrent que les qu'ils pussent employer contre les violenc*es
évêques de Mauritanie Césarienne consen-
la des donatistes les lois que les empereurs
dans le concile,
tiraient à tout ce qui se ferait
avaient faites pour les réprimer, ils aimaient
et Aurèle de Carthage dit la même chose des
mieux avec douceur d'abandonner
les avertir
évêques de Numidie, se reconnai-sanl chargé leur schisme, ou d'en prendre la défense, s'ils
du soin de leur envoyer les actes. Il se char- croyaient pouvoir le faire, non par la fureur
gea aussi, avec l'agrément du concile, de les de leurs circoncellions, mais en rendant rai-
envoyer aux évêques de Tripoli. Comme il son de leur doctrine avec paix et tranquillité,
présidait à l'assemblée, il dit d'abord que les dans une conférence réglée. La même re-
députés envoyés outre-mer le 16 juin ou le quête ou une semblable fut présentée au vi-
13 septembre de l'an 401, pour faire voir au caire ^ de la préfecture, qui sans doute s'ac-
pape Anastase la nécessité de recevoir dans corda, comme avait fait le proconsul.
leur rang les donatistes qui se voudraient Les évêques catholiques ne manquèrent
7. conciie

convertir, étant de retour, ils devaient rendre point de faire les sommations convenues, *os, tom.
Concil p:
compte au concile de leur commission. Ils . .

mais les donatistes n en firent aucun cas, di- noseiseq


,

l'avaient déjà fait la veille, mais par forme saut qu'il était indigne d'eux de conférer et
d'entretien. On fit aussi dresser un acte de de s'assembler avec des pécheurs. Comme ils
la session solennelle du concile. Après quoi
continuaient donc à exercer contre les catho-

1 Lib. Il contra Crescon., cap. xi. 3 CoUatorem diei 3, § 174, tom. II Concil., pag.
* Item p/acuit ut quicumque in Ecclesia vel setnel 1480.
legerit, ab alia Ecclesia ad clericatum non teneatur. '•
Ibid., §§ 141, 146, pag. 1475, 1476.
Ibid., pag. 1104.
[ye SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — CONXILES DE CARTHAGE, DE MILÈVE, ETC. 54

liques toutes sortes dinhumanités, ceux-ci les propriétaires des lieux où ils s'assemblent,
s'étant assemblés à Carthage, dans la basi- soit confirmée et étendue à ceux que les ca-

lique de la seconde région, sous le sixième tholiques attaqués par eux auront dénoncés,
consulat d'Honorius, le 6 des calendes de et que la loi qui défend aux hérétiques de

juillet, c'est-à-dire le 26 juin 404, résolurent donner ou de recevoir par donation ou par
d'implorer le secours de l'empereur contre testament, soit exécutée confie ceux qui de-
ces violences. Quelques évèques ', surtout meureront donatistes, mais non contre ceux
les plus anciens, qui avaient été témoins de qui se convertiront de bonne foi avant que
l'utilité des lois contre les hérétiques du temps d'être poursuivis en justice. Le concile laissa
de Macaire et de l'empereur Constant, vou- néanmoins la liberté à ces deux évèques de
laient que l'on demandât des lois pour obli- faire et de demander tout ce qu'ils jugeraient

ger tous les donatistes à rentrer dans la com- à propos pour le bien et l'utiUté de TEglise.
munion de l'Eglise catholique, en prescrivant Il fut arrêté de plus qu'on leur donnerait des Pag.niî.

une peine à ceux qui sopiniâtreraient dans lettres de recommandation, au nom du con-
le schisme. Les autres évèques, du nombre cile, pour le pape et les évèques des lieux où
desquels était saint Augustin étaient d'avis
, pourrait être l'empereur, et des lettres de
que l'on se contentât de demander que leurs créance pour l'empereur et les principaux
violences fussent réprimées, et que l'on mit officiers, mais qu'il suffirait que ces lettres
à couvert de leurs insultes ceux qui prêche- fussent signées d'Aurèle de Carthage, au nom
raient la vérité catholique ou qui écriraient de tous les évèques ,
pour éviter le retarde-
pour sa défense. Ils même que
souhaitaient ment; que l'on écrirait encore aux juges d'A-
les lois qui interviendraient ne fussent que frique, afin qu'en attendant le retour des
confie ceux des donatistes qui seraient dé- députés, ils prêtassent secours à l'Eglise ca-
noncés par les catholiques à cause de leurs tholique, par le moyen des officiers des villes
violences. Ce sentiment prévalut -, et les évè- et des propriétaires des terres. Possidius,
ques Théasiuset Evodius furent députés vers dans le dénombrement des lettres de saint
l'empereur avec l'instruction suivante « Ils :
Augustin, met ces quatre de suite à l'évêque :

représenteront que, suivant le concile de l'an- Innocent, aux empereurs, à Stilicon, aux pré-
née dernière, les prélats des donatistes ont fets dTtaiie ce qui marque que le concile
; uta.

été interpellés, par actes des officiers muni- l'avait chargé de les écrire. Mais elles ne sont
cipaux, de conférer pacifiquement avec nous; pas venues jusqu'à nous. La dernière chose
mais, se détîant de leur cause, ils n'ont pres- que l'on recommanda aux députés, fut le soin
que point osé répondi-e, et en sont venus à des de l'affaire d'Equicius, évêque d'Hippozarryte,
violences excessives en sorte qu'ils ont fait
, dans la Proconsulaire, qui, au lieu de se sou-
périr plusieurs évèques et plusieurs clercs, mettre au jugement rendu contre lui, conti-
sans parler des laïques qu'ils ont attaqué des
;
nuait d'entretenir la division parmi le peuple
éghses et en ont pris quelques-unes que c'est ;
de cette ville. Il y a apparence que ce fut à
donc maintenant à l'empereur de pourvoir à son occasion et sur la remontrance des dépu-
la sûreté de l'Eglise catholique, afin que ces tés du concile, qu'Honorius déclara ^, le 12 fé-
hommes téméraires n'intimident pas le peu- vrier de l'année suivante, c'est-à-dire de l'an
ple faible quils ne peuvent séduire; que l'on 403, qu'un évêque déposé par un concile et
connaît la fureur des circoncellions, souvent qui n'acquiescerait point à la sentence rendue
condamnés par les lois, et que l'on croit pou- contre lui, serait banni à cent milles de son
voii-demander du secours contre eux, comme évèché, sans pouvoir venir à la cour.
saint Paul employa même le secours mili- 8. Dès avant l'arrivée des députés à la cour „ ., ,
i CoDCile de
taire contre la conspiration des factieux. » de l'empereur Honorius, ce prince avait, J5^"'"se. «n

L'instruction ajoute que Théasius et Evodius le 12 février de l'an 405, donné un édit d'u-
demanderont aussi que les magistrats des nion qui portait qu'il n'y aurait qu'une reli-
villes et les propriétairesdes terres voisines gion, savoir la catholique. Le même jour, il
prêtent secours de bonne foi aux églises ca- avait publié une loi contre les donatistes, por-
tholiques; que la loi de l'empereur Théodose tant défense de rebaptiser, sous peine de con-
touchant l'amende de dix livres d'or contre fiscation de tous les biens, du lieu où ce
ces hérétiques ordinateurs ou ordonnés, et sacrilège aurait été commis, et de vingt livres

> August., Episl. 93, ad Vincent. — * Tom. II Con- cil., p. 1108. — « Cod. Tfieod., tom. \\, p. 308 et 309,
U2 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
d'or d'amende. Ces lois ne furent pas plutôt de la Mauritanie de Stèfe, delà Césarienne et
portées en Afrique que plusieurs donatistes se de la Tripolitaine. Aurèle y présida. Après
réunirent, particulièrement ceux qui souhai- qu'il se l'ut assis avec les autres évêques, les
taient depuis longtemps de rentrer dans l'E- diacres étant debout, il fit voir l'inconvénient
glise catholique et ne cherchaient que l'oc- qu'il y avait dans l'observation d'un décret du
casion de se mettre à couvert des mauvais concile d'Hippone, portant que tous les ans
traitements des circoncellions ou de l'indigna- on assemblerait le concile général d'Afrique.
tion de leurs parents. La réunion commença Tous les évêques présents étant convenus que
à Carthage, et elle n'avait pas encore fait de c'était les fatiguer inutilement *, on ordonna
plus grands progrès lorsque les évêques s'y qu'on le tiendrait seulement quand l'intérêt
assemblèrent en concile le 10 des calendes de commun de toute l'Afrique le demanderait,
septembre, dans la basilique de la seconde et dans où l'on jugerait qu'il serait plus
le lieu
région, sous le consulat de Stilicon et d'Au- commode de l'assembler; que la convocation
thénius, c'est-à-dire le 23 août de l'an 408. serait réservée à l'évèque de Carthage, à qui,
Il y fut donc ordonné que toutes les provinces pour cet etfet, on écrirait de tous côtés pour
enverraient des députations au concile, que en marquer le besoin qu'à l'égard des autres
;

les députés auraient un pouvoir absolu et non atlaires qui n'avaient point de rapport au bien
limité, et qu'on enverrait même pour cela des commun, elles seraient jugées chacune dans
lettres et des députés à Mizonius, le même, leur province.
ce semble, qui était primat de la Byzacène en 10. Il fut aussi décidé que s'il y - avait ap-
397. On y ordonna encore que l'on écrirait pel d'un jugement, l'appelant et l'appelé choi-
aux juges ou gouverneurs de toutes les pro- siraient chacun des juges dont il leur serait
vinces d'Afrique, pour y faire exécuter l'édit défendu d'appeler; qu'on pourrait ^ deman-
d'union, et que l'on enverrait deux clercs de der à l'empereur des évêques pour juges, mais
l'Eglise de Carthage à la cour, au nom de que quiconque lui demanderait des juges laï-
toute l'Afrique, avec des lettres des évêques, ques, serait privé de sa dignité que les clercs ;

pour rendre grâces à l'empereur et aux mi- qui, étant ^ séparés en Afrique de la commu-
nistres de l'extinction des donatistes. On lut nion des autres, surprendraient la commu-
aussi dans ce concile les lettres du pape In- nion en passant la mer, seraient dégradés;
nocent, qui avertissait les évêques d'Afrique que ^ ceux qui voudraient aller à la cour,
de ne pas passer la mer; à quoi les évêques seraient obligés de le faire marquer dans la
présents trouvèrent qu'il était à propos de se lettre formée qu'on leur donnerait pour l'E-
conformer. glise romaine, et qu'à Rome on leur donne-
9. Sous le septième consulat d'Honorius et rait une lettre formée pour la cour. Que si,
Concile de
Canhage , en le second de Théodose, aux ides de juillet, après avoir pris une lettre formée pour le
407.
c'est-à-dire le lo de juillet de l'an 407, il se voyage de Rome sans dire qu'ils avaient
,

tint à Carthage dans la basilique de la se-


, besoin d'aller à la cour, ils s'y en vont de
conde région, un concile où se trouvèrent les cette sorte ils seront séparés de la commu-
,

députés de toutes les provinces d'Afrique, nion. Que si, étant à Rome, il leur survenait
c'est-à-dire de la Numidie de la Byzacène,
, une nécessité d'aller à la cour, ils devaient

1 Placuit ut non sit ultra fatigandis fratribus an- Placuit ut quicumque ad comitatum ire voluerit,
s

niversaria nécessitas, sed quoties exegerit causa com- in formata quœ ad urbis Romœ Ecclesiam mittitur,
munis, id est totius Africœ, undecumque ad hanc se- intimetur, ut inde etiam ad comitatum formatam ac-
dem de hac re datœ fuerint litterœ, congregandam cipiat. Quod si accipiens ad Romam tantum forma-
esse synodum in ea provincia uhi opportunitas suasc- tam, et tucens necessitatem, qua ad comitatum il/i
rit : causœ uuteni quœ communes non sunt, in suis pergendum est, voluerit statim ad comitatum pergere,
provinciis judicentur. Tom. II Concil., pag. 1113. a communione removeatur. Quod si ibi Romœ ei re-
* Si autem provocatum fuerit, eligut qui provoca- pentina nécessitas orta fuerit ad comitatum pergendi,
verit, judices, et cum eo et ille contra quem provoca- alleget apud episcopum urbis Romœ ipsam necessita-
verit, utab ipsis deinceps nuHi liceat provocare. Ibid. tem, et de hoc rescripta ejusdem episcopi romani per-r
3 Placuit ut quicumque ab imperatore cognitionem ferat. Formatœ autem quœ a primatibus tel a quibus-
judiciorum publicorum petierit, honore proprio prive- cumque episcopis clericis propriis dantiir, habeant
tur : si autem episcopale judicium ab imperatore pos- diem Paschœ; quod si adhuc ejusdem anni Paschœ
tularit, thhil ei obsit. Ibid., pag. 1117. dies incertus est, ille prœcedens adjungatur, quo-
* Quicumque autem non communicans in Africa, in modo sûlet posl consulatum in publicis gestis adscribi.
transmarinis ad communicandum abrepserit, j'acturam Tom. II Concil., pag. 1120.
clericatus excipiat. Ibid., pag. 1120.
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — CONCILES DE CARTHAGE, DE MILÈVE, ETC. 343
la représenter au Pape et en rapporter un té- de comparaître firen défaut. Les évèques
,

moignage. Ces lettres formées devaient être ordonnèrent que, soit pour les préfaces de la
données aux évèques par les primats, et aux messe soit pour les béuédictions, soit pour
'^,

ecclésiastiques par les évèques. Le concile les impositions des mains, on ne se servirait
ordonne qu'on y marquera le jour de Pâques d'aucune prière quifùt contraire à la foi, mais
de l'année courante, ou, si on ne le sait pas seulement de celles qui auraient été dressées
encore, celui de l'année précédente, comme par des personnes sages et approuvées par
quand on datait par les consuls. Il avait été un concile. Ils députèrent h l'empereur, au
défendu, dans les conciles précédents, d'éri- nom de toutes les provinces d'Afrique, les
ger de nouveaux évêchés sans le consente- *
évèques Vincent et Fortunatien, pour lui
ment de l'évéque dont on démembrait le nou- demander le pouvoir d'établir des avocats du
veau siège. Celui-ci ajouta à cela qu'il fallait nombre de ceux qui étaient dans l'exercice
encore le - consentement du concile de la actuel ^, qui, en qualité de défenseurs de
province et du primat. Il est ordonné ^ que l'Eglise, en poursuivissent les afiaires, avec
les Eglises entières des donatistes qui se sont la liberté d'entrer au barreau des gouverneurs
converties pourront garder leurs évèques sans et des juges toutes les fois qu'ils le jugeraient
consulter le concile, si ce n'est qu'après la nécessaire, soit pour requérir, soit pour s'op-
mort de leur évèque, au lieu de lui deman- poser, et d'obtenir aussi une loi pour confir-
der un successeur, elles aiment mieux se réu- mer le décret du concile touchant les per-
nir à un autre diocèse. Mais le* concile n'ac- sonnes répudiées. Ce décret porte que ^, con-
corde aux évèques donatistes la faculté de formément aux règles de l'Evangile et de saint
garder leurs sièges, qu'en cas qu'ils se soient Paul, ces personnes ne pourraient point se
convertis avant l'édit d'union donné le 12 fé- marier à d'autres, mais qu'elles seraient obli-
vrier 403, voulant que toutes les Eglises con- gées de garder la continence si elles ne pou-
verties depuis cette loi appartiennent, avec vaient se réconcilier , ou qu'elles seraient
leurs ornements et tous leurs droits, à l'évé- mises en pénitence.
que catholique dans le diocèse duquel elles M. En 408, il se tint deux conciles à Car- Conciles 'le
Carthage, en
se trouvaient enfermées, et que si un autre tilage : l'unie i«' juillet, l'autre le 13 octobre, 408, tom. II
Concil., pag.
s'en était mis en possession, il soit obligé de tous deux dans la sacristie de l'église Resti- 1120.

les rendre. On^


dans le concile l'atfaire
agita tuée. Tout ce que nous en savons est que dans
de Primase, évèque de Thigane ou Tigave, le premier '« Vincent et Fortunatien furent
dans la Mauritanie Césarienne, avec ceux envoyés avec pouvoir d'agir en cour contre
de cette ville qui avaient obtenu un rescrit les païens et les hérétiques, et que dans le

de l'empereur portant qu'il comparaîtrait de- second on donna une semblable commission
' '

vant le concile général. Ce rescrit lui fut si- aux évèques Florent et Reslitut. Ce qui occa-
gnifié, mais il ne comparut point. Maurence sionna ce dernier concile, fut que Sévère et
au contraire ^, qui était en différend avec le Macaire avaient été tués vers le mois de sep-
peuple de Germanie-la-\euve, dans la Nu- tembre par les païens ou les hérétiques, et
midie, comparut devant le concile, à l'ordre qu'à cause d'eux les évèques Evodius, Théa-
de Xanthippe, primat de Xumidie; mais les sius et Victor avaient été battus.
anciens de cette ville, qui avaient aussi ordre 12. Nous n'avons pas plus de connaissance CoDcHe do

1 Concil. m
Cartliag., ann. 397. omnino contra fidem proferantur; sed quœcumque a
Plaçait et illud , ut plèbes, quœ nunquam habue-
* prudeniioribus fuerint coUectœ, dicantur. Ibid., pag.
runt proprios episcopos, tiisiex concilio plenario unius- 1117.
cujusque provinciœ, et primatis, atque conscnsu ejus, 8 Plaçait etiam ut pétant a gloriosissimis impera-
ad cujus diœcesim eadem Ecciesia pertinebat, decre- toribus, ut dent facuUatem constituendi defensores
tuni fuerit, minime accipiant. Ibid., pag. 1116. scholaslicos...Qui habeant facultatem pro negotiis
Sane ut illce plèbes quœ conversœ sunt a donatis-
' Ecclesiarum, quoties nécessitas fïagitaverit , vel ad
tis, et habuerunt episcopos, sine dubio, inconsulto obsistendum ohrepentibus, vel ad necessaria sugge-
concilio, habere mereantur : quœ aulem plèbes habue- rendu, ingredi judicum secretaria. Ibid., pag. 1113.
runt episcopum, et eo defuncto voluerint non episco- 9 Ptacuit ut secundum evangelicam et apostolicatn

pum proprium habere, sed ad alicujus episcopi diœ- disciplinam neque dimissus ab uiore, neque dimissa
cesim perttnere, non eis esse deneyandum. Ibid. a marito ulteri conjungetur ; sed iia maneant, aut si-
* Tom. II Concil., pag. IIIC— » Ibid. — « Ibid. bimel reconcilieniur : quod si contempserint ad pœ-
'
Plaçait etiam hoc ut preces quœ probat'Jb fuerint nitentiam redigantur. In qua causa legem imperialem
in concilio, sive prœfationes, sive commendationes, seu petendum est promulgari. Ibid., pag. 1117.
manus impositiones ab omnibus celebrantur, nec aliae '0 Tom. II Concil., pag. 1120. —
" Ibid.
.

544 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AtJTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


Carlhage, en
409, tum. II
du concile que l'on tint dans la même ville dans l'article de Synésius tout ce qui se passa
Concil., pag. l'année suivante 409, le lo juin, dans la ba- dans cette affaire.
1120.
silique de la seconde région. L'auteur du Code
de l'Eglise d'Afiique '
dit qu'il n'en a pas rap- ARTICLE H.
porté les actes, parce que le concile n'était
DU CONCILE ROMAIN, SOUS LE PAPE INNOCENT 1",
que provincial. Il remarque seulement qu'il y
ET DU CONCILE DE CIRTHE.
lut ^ ordonné qu'un évêque n'entreprendrait
point de juger seul. 1 Nous avons dans le Recueil des Conciles

Concile de 13. On ne peut douter que celui que l'on de France par le Père Sirmond et dans celui
Canbage en
«10, totn.
,

Il assembla à Carthage, le 14 juin de l'an 410, du Père Labbe, seize canons ou règlements
Conil., pag.
n'ait été général de toute l'Afrique, puisqu'on adressés aux évêques gaulois. Il est marqué
y voit Possidius évêque de Calame en Nu-
, , que ce sont autant de réponses aux questions
midie. Il fut un des quatre évêques députés qu'ils avaient proposées au Saint-Siège, c'est-
vers l'empereur Honorius, pour demander la à-dire au pape Innocent, comme on en juge
révocation de sa loi, qui laissait la liberté de par la conformité du style qu'il y a entre ces
conscience au sujet de la religion. Les autres canons et les lettres de ce Pape. Ils sont pré-
députés étaient Florentins, Praesidius et Bé- cédés d'une préface où il est dit que dans les
néuatus. Honorius leur accorda l'etfet de difficultés qui se trouvent dans la recherche
leur demande, comme on le voit par une loi de la vérité, on doit avoir recours à la prière
du 23 août de la même année 410^, adressée pour découvrir ce qui était caché, et que di-
à Héraclien, comte d'Afrique, par laquelle il vers évêques sont tombés dans les ténèbres
révoque absolument la liberté qu'il avait ac- de l'erreur, pour avoir voulu changer la doc-
cordée aux hérétiques pour l'exercice de leur trine qui avait été transmise par la tradition
religion leur défendant de tenir aucune as-
, de nos pères.
semblée publique, sous peine de proscription 2. Les évêques des Gaules avaient demandé
et même du dernier supplice. On ne doute comment ils devaient se comporter envers
pas que ces mêmes députés n'aient demandé les vierges qui, après avoir reçu le voile et
à ce prince la conférence de Carthage, dont la bénédiction du prêtre, et fait une profes-
l'ordre fut expédié le 14 octobre de cette an- sion publique de chasteté avaient ou commis
née et qui se tint en ctiet le
, juin de l'an l'^'' des incestes ou contracté un mariage dé-
4M, en la manière que nous l'avons rapporté fendu. On décide dans le premier canon
ailleurs. que ^ d'avoir changé la résolution de vivre
14. Nous avons aussi ^ parlé du concile de en chasteté, avoir quitté le voile et violé la
Concile de
Ploléinaiile , Ptolémaïde en Libye, tenu à l'occasion d'An- première foi donnée, sont autant de péchés;
en 411 tom,

iiconci.pag. dronic de Bérénice, gouverneur delà Penta- et que celles qui en sont coupables, ayant
133.T , et lom. ' '-'

1 Baïus ,pag.
pôle. Cc ii'était proprement qu'un synode où commis une grande faute en quittant Dieu_,
l'évêque, avec ses prêtres, rendit une sen- pour s'attacher à un homme doivent la
tence d'excommunication contre cet officier, pleurer pendant plusieurs années, et en ob-
pour s'être conduit en tyran et avoir commis tenir le pardon par de dignes fruits de péni-
plusieurs crimes contre Dieu et contre les tence.
hommes. Aussi l'acte de cette censure fut 3. Le second canon impose aussi une pé-
envoyé aux évêques non au nom d'un concile, nitence à celles qui, après ^ avoir pris la ré-
mais de l'Eghse de Ptolémaïde. On peut voir solution de demeurer vierges, se marient

» Tûm. II Concil., pag. 1120. culpa reliquisse Deum et ivisse post hominem. Unde
* In hoc concilia plaçait ut non sibi unus episcopus annis quamplurimis deflendum ei peccatum est, etc.
vindicet cognitionem. Ibid. Cau. i, pag. 1317.
3 Cod. Theod. 16, tom. V, lib. LI, pag. 170. 6 Puella quœ nondum velata est, sed propos uerat sic
* Voyez ci-dessuSj pag. 23. manere licet non sit in Christo velata, tamen quia
,

5 Si virgo velata jam Christo, quœ integritafem proposuit... et liis pœnitenliœ agendœ tempus consti-
puLlico testimonio professa a sacerdoie prece effusa tuendum est, quoniam seu rapta, seu volens, ad vi-

benedictionis velamen accepit, sive incestum commise- rum ire perverso o>-dine consensit... Utrisque ergo ex-
rit, xeu volens crimen protegere adultéra nmriti no- pedit sub endem temporis constilutione a camrnunione
men imposuit... in ejusmodi jnuliere quat sunl causœ, suspendi, dignamque agere pœniientiam : fletu, humi-
tôt reatus, integritatis prapositum mutatum, vela- litate, jejunio, misericordia redimere crimen admis-
men ajnissum, fides prima depravata... Non est parva sum. Ibid.
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — DU CONCILE ROMAIN SOUS INNOCENT 1*% ETC. 345

soit ayant été enlevées, soit volontairement, était d'admettre dans le clergé celui qui,
quoiqu'elles n'aient pas fait une profession étant baptisé dans l'enfance, avait gardé la
solennelle de virginité, ni reçu le voile. Il y virginité; et celui-là môme qui, ayant reçu
est encore ordonné qu'elles seront, pendant le baptême étant adulte, s'était conservé
un certain temps, privées de la communion, chaste ou n'avait épousé qu'une femme
et qu'elles etfaceront leurs crimes en vivant pourvu qu'il ne fût pas coupable de quelque
dans les pleurs, l'hurailiation et le jeûne. autre crime. Mais on n'y admettait point
4. Dans le troisième on avertit les prêtres ceux qui avaient souillé la sainteté de leur
et les diacres qu'ils doivent être l'exemple baptême par quelque crime de la chair,
du peuple par leurs bonnes œuvres, afin quoiqu'ils fussent mariés depuis : car, dit
que leurs instructions puissent être de quel- le concile, comment accorder le sacerdoce
que utilité. On les y oblige aussi, de même
'
à celui qui doit se purifier par la satisfaction
que les évoques, à garder le célibat suivant d'une longue pénitence ?

les ordonnances des Pères. La raison qu'on 6. Il dans le sixième * canon que cme.
est dit
en donne est qu'ils sont obligés d'offrir à comme il n'y a qu'une même foi dans les Egli-
tout moment le saint' sacrifice, de baptiser et ses répandues dans l'univers, ce qui est cause
d'administrer, ce qui demande de leur part que l'Eglise est appelée Une, il ne devrait
une cbasteté d'esprit et de corps. D'ailleurs, non plus y avoir dans toutes ces Eglises
avec quel front oseraient-ils prêcher la vir- qu'une même discipline. Le septième porte t.
ginité aux vierges et la continence aux veu- qu'au temps de Pâques, le prêtre et le dia-
ves, s'ils usaient eux-mêmes de la liberté du cre pourront administrer le baptême dans
mariage? On leur met devant les yeux la les paroisses, même en présence de l'évêque,
pureté prescrite à ceux qui otiVaient des sa- au nom duquel ils le donnent en ce temps-là;
crifices dans le temple de Jérusalem et l'u- ; mais que, lorsqu'il y aura nécessité de bap-
sage où étaient même les idolâtres de gar- tiser en un autre temps, cela appartiendra
der la continence aux jours de leurs céré- au prêtre, et non pas au diacre, puisque l'on
monies sacrilèges, et lorsqu'ils devaient offrir ne voit pas que ce pouvoir ait été accordé
des victimes au démon, aux diacres mais que s'ils l'ont usurpé une
;

5. Le quatrième -semble exclure du clergé fois, la nécessité qu'il y avait les excuse ,

ceux qui ont été employés depuis leur bap- sans qu'ils puissent à l'avenir l'administrer
tême dans la milice sécufière, n'étant guère en sûreté.
possible que pendant ce temps ils n'aient as- 7. Il n'est pas aisé de rendre le sens du a.

sisté aux spectacles et commis quelque in- huitième, et ce que l'on en peut tirer, c'est
justice dans la vue du gain. On voit par le qu'il n'est pas nécessaire d'exorciser plu-
cinquième ^ que l'usage de l'Eglise romaine sieurs jours de suite les huiles que Ion veut

' De sacerdoiibus primo in loco statutum est, de ducat uxorem, quomodo poterit ad dimiltenda peccata
episcopis, presbyleris et diaconibus, guos sacrificiis ministerio assistere, qui prioris vitœ repetierit cœci-
divinis necesse est interesse, per quorum 7nanus et talem? Can. 5, pag. 1319.
gratta baptismaiis iraditur et corpus Cliristi confici- ^ Caihoiicorum episcoporum unam confessionem esse

tur, quos non solum nos, sed et Scriptura divina com- debere apostolica disciplina composuit. Si ergo una
quoque jusserunt con-
pellii esse castissimos; et Patres fides est, una débet disciplina per omnes Ecclesias
tinentiam eos corporalem servare dehere. Qua de re custodiri. Diversis in regionibus quidem Ecclesiœ sunt
non prœtereamus, sed dicamus et causam. Quo enim conditœ, sed per omnem mundum unilate fidei caiho-
pudore viduce aut virgini ausus est episcopus vel pres- licœ una est appellata. Can. 6, ibid.
ùyler inlegrilatem tel continentiam prœdicare, si ipse * Paschœ tempore presbyler et diaconus per paro-

sœculo inagis generare quam Deo? De


institit filios chias dare repromissionem peccatorum, et ministerium
his itaque gradibus guos legimus in Scripturis, a mi- implere consueverunt , etiam prœsente episcopo : in
nistris Dei munditia pracepta est observari, quibus foniem quoque ipsi descendunl, illi in officio sunt.
semper in promptu est. Aut enim baptisma
yiecessiias Sed illis nomini facli summa conceditur. Reliquis
tradendum est, aut offerenda sunt sacrificia. Can. 3, vero temporibus, ubi œgriiudinis nécessitas consequi
pag. 1318. unumquemque compellit, specinliter presbytero licentia
* Romana Ecclesia
hoc specialiier cmtodit, ut si est per salularis aquœ gratiam dare indulgentiam
quis parvulus baptizalus integritatem corporis serva- peccatorum, quoniam et t/iunus ipsi licet causa mun-
ient, admitti potest ad clerum : vel si quis major dationis offerre : diaonis vero nulla licentia inveni-
fuerit baplizatus, et manserit pudicus, imius uxoris tur esse concessa : sed quod semel forte contigil usur-
vir, potest clericus fieri, si nullis aliis criminum vin- pare, per necessitatem dicuntur excusad, nec postea
culis alligatur. Cœterum qui corruperit carnalihus in secttritate commissum. Can. 7, pag. 1320.
vitiis aquœ sacramenia, posl fornicationem, efiamsi

VIJI. 35
546 HISTOTRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
bénir pour l'adminislratiou des sacrements. on ajoute qu'une telle démarche ne doit pas
On dans le
déclare neuvième qu'il n'est
' demeurer impunie.
pas permis, dans la nouvelle loi comme 11. Le quatorzième renouvelle la défense
dans l'ancienne, d'épouser la femme de son faite déjà plusieurs fois, de recevoir un clerc

frère, ni d'avoir des concubines avec sa chassé de l'Eglise par son évêque, et ne veut
femme. pas qu'on lui accoi'de la communion laïque
8. Il est défendu, dans le dixième, d'or- dans une autre Eglise. En effet, s'il n'est pas
donner évêques ceux qui ont exercé la judi- permis de laisser faire au clerc dun autre
cature du siècle quand ils auraient été
,
évêque les fonctions de son ministère, sans
choisis du peuple, parce ^ que son sutiVage qu'il en apporte des lettres formées à plus ;

ne doit être suivi que lorsqu'il est conforme forte raison doit-il être défendu de recevoir
à la discipline évangélique et qu'il tombe et d'admettre à la communion, ou même de

sur une personne d^ne du sacerdoce. Or, il promouvoir à un degré supérieur le clerc
est évident que ceux qui ont possédé des qui a été condamné par son évêque. Ce se-
charges séculières ne peuvent être exempts rait communiquer aux péchés d'autrui, faire

de fautes, soit qu'ils ordonnent des peines injure à son confrère et le soupçonner d'a-
de mort, ou qu'ils rendent des jugements in- voir condamné ce clerc injustement. Ce ca-
justes, ou qu'ils ordonnent des tortures, ou non déclare hors de la société des catholi-
qu'ils prennent soin des spectacles et autres ques et de la communion du Siège apostoli-
plaisirs publics, ou qu'ils y assistent. Le que celui qui aura prévariqué en ce point.
même canon approuve ce qui avait été dé- 12. Le quinzième défend aux évoques de
cidé dans le premier concile de Nicée, d'ad- faire des ordinations hors do leur diocèse,

mettre à la cléricature celui qui a été mutilé voulant, conformément au quatrième canon
par force. de Nicée, que l'ordination des évêques se
9. On défend dans le onzième le mariage fasse par le métropolitain et par les évêques
d'un homme avec la femme de son oncle, et de la piovince. Le seizième ordonne d'éloi-
celui d'une tante avec le frère de son fils du gner du ministère certains laïques qui, après
mari, et on mariages pour
fait passer de tels avoir été excommuniés par leur propre évê-
une fornication; la suite du canon est fort que, avec connaissance de cause, avaient été
embarrassée. Le douzième^ veut que l'on ne admis à la cléricature par un autre évêque :

choisisse pour évêques que ceux qui étaient et le Pape demande qu'on lui envoie les
déjà clercs, n'étant pas convenable de mettre noms de ceux qui étaient coupables de cette
à la tête du clergé celui qui n'a point servi faute, afin de se séparer d'eux. Il est dit à la
dans les offices inférieurs de même qu'on ;
finde tous ces canons que si on les observe
ne lit point qu'aucun soit parvenu cà l'empire exactement. Dieu ne sera point offensé, et
sans avoir auparavant servi dans la milice. aura ni schisme ni hérésie.
qu'il n'y
Il faut donc choisir celui-là que l'âge, le 13. se tint en 412 un concile à Cirthe
Il

temps, le mérite et la vie rendent recom- ou Zert, ville dont on ne sait point au juste
mandable. la situation, mais qui était apparemment
10. Il est remarqué dans '*
le treizième dans le voisinage de Sommes, dont Sylvain,
que l'on privait de l'épiscopat celui qui pas- primat de Numidie, qui y présida, était évê-
sait d'une Eglise à une autre, et qu'il était que. Nous en avons la lettre synodale, signée
regardé comme ayant quitté sa propre femme de Sylvain, de Valentin, d'Aurèle, de saint
pour attenter à la pudeur d'une autre : à quoi Augustin et de quatre autres évêques mais :

' De suœ duxerit uxorem in


eo qui sororem uxoris semper clerici fiant episcopi. Sic enim scriptum est :
lege Veieris Testamenti scriptum est, ad susciiatidum Et bi primo probentur, et sic miuistrent (I Timoth. ni).
semen defuncti fratris opoi-tere ducere uxorem... num- Qui non probaiur tempore prœcedenti in minori officia
quid Jacob habuit et concubinas... sed nunc hoc non ministrasse, quomodo prœponitur clero? Non est au-
patitur fieri testamentum, ubi amplius de integritate ditum îiecdum tironem mililum imperium suscepisse.
tractatur, et castitas Christo docenie laudatur. Can. 9, Is ergo débet fieri quem œtas, tempus meritum com-
ibid. mendat et vita. Cau. 12, pag. 1322.
* Non enini quid populus velit, sed quid evangelica * De /lis qui ab Ecclesia ad Ecclesiam transierunt,

disciplina, perquiritur. Plebs tune habet tedimonium Jussi sunt haberi quasi relie (a vxore ad alienam ac-
guoties ad digni alicujus meritum reprehendens auram cesserint, quod impunitum esse non Talem epis-
possit.
favoris impertit. Can. 10, pag. 1322. copum invasorem pudoris alieni episcopatu privori
3 De ordinationibus maxime observandum est, ut judicarunt. Can. 13, ibid.
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. - DU CONCILE ROMAIN SOUS INNOCENT I-, ETC. 547
saint Augustin se reconnaît auteur de cette noms par dans leurs épitres que de là
écrit
;
lettre dans son second livre des Rétractations,
elle s'est répandue dans les autres
nations.
quoiqu'on ne la mit pas au rang des siennes, Saint Augustin montre en second lieu que
parce qu'elle fut écrite de l'avis et au nom du
c'est en vain que ceux qui se sont
séparés
concile. Ce qui l'engagea à l'écrire, c'est qu'il
de l'Eglise catholique, se tlattent d'une vie
lui revenait de tous côtés que les évéques
pure et innocente, puisque le seul crime
donatistes faisaient entendi'e à ceux de leur
d'être hors de l'unité de Jésus-Christ, fait
parti que le tribun Marcellin, commissaire qu'ils n'ont point la vie en eux, et
que la co-
de l'empereur dans la conférence de Car- lère de Dieu demeure sur eux. « Ceux au
con-
thage, n'avait prononcé contre eux, que traire, ajoute-t-il, qui sont dans cette Eglise
parce qu'on l'avait gagné à force d'argent. n'ont qu'à bien vivre; les péchés des autres
Ce bruit, quoique faux, empêchait beaucoup ne leur font aucun tort, parce que chacun Gaia,.y,.5.
de donatistes de se rendre à la vérité. C'est
portera son fardeau, comme dit l'Apôtre,
et
donc aux donatistes mêmes que saint Au-
que, comme il dit encore, chacun boit et mange
gustin s'adi-esse dans cette lettre, au nom du i cor. xi, m.
sa propre condamnation, et non point celle des
concile. Il y marque en abrégé ce qui s'était
autres , lorsqu'il boit le sang et mange le corps
passé dans cette conférence, afin d'en ins-
de Jésus-Christ indignement. Car ce qui nous
truire ceux qui ne pouvaient en avoir les ac-
souille n'est pas d'être avec des méchants
tes ou ne voulaient pas prendi-e la peine de
dans la communion des mêmes sacrements,
les lire.
mais de consentir à leurs œuvres; ainsi, quand
14. 11 fait voii- en premier lieu que les évé-
Analyse de nous n'y consentons point, ces méchants de-
lettre sj- que» donatistes ayant été convaincus de
HJale de ce meurent seuls méchants et portent seuls le
ncile , tom. mensonge dans cette conférence, lorsque,
oper. S. fardeau de leurs péchés sans faire tort à ceux
,
ngtjst., pag. voulant faire parade de leur grand nombre,
6, et tom.
CoDcil.,
que nulle sorte de consentement ne rend
ils mettaient dans leur mandement
(.1519. non-seu- complices de leurs crimes. » C'est ce que les
lement les noms de quelques-uns de leurs col-
donatistes mêmes furent contraints d'avouer
lègues absents, mais même celui d'un d'entre depuis, lorsqu'on leur objecta qu'ils ne défé-
eux qui était mort dans le temps que ce man-
raient point à la condamnation du concile de
dement avait été fait, ils ne méritaient au-
Cabarsus contre Primien , et qu'ils avaient
cune croyance, ni sur la prévarication pré-
eux-mêmes reçu parmi eux quelques-uns de
tendue du commissaire, ni sur le prétendu
ceux qu'ils avaient condamnés pour avoir
crime de ceux qu'ils accusaient d'avoir au-
suivi le parti de Maximien. Cette objection
trefois livré les Ecritures. Ensuite rapporte il
les troubla de telle sorte que, ne se souve-
les préliminaires de cette conférence, et l'or-
nant plus de ce qu'ils avaient contesté un peu
dre que l'on y suivit. Comme on avait nommé
auparavant aux catholiques ils s'écrièrent ,
de part et d'autre sept
évéques qui devaient tous d'une voix : « La cause de
l'un ne fait
y parler, et quatre pour prendre garde à ce rien à celle de l'autre, et le crime de l'un ne
qu'on écrirait, les évéques donatistes choisis
rend point l'autre coupable. » C'était établir
pour parler au nom de tous, tirent tous leurs
bien clairement ce que les calhohques soute-
etibrts pom- empêcher que l'on ne
traitât naient dans la conférence, que, quel qu'ait été
l'atlaire pour laquelle tantd'évêques s'étaient
Cécihen, traditeur ou non, sa cause ne faisait
rendus à Carthage, craignant sans doute que
rien à celle des catholiques d'outre-mer, aux-
si la cause ne fussent confon-
était agitée, ils
quels les donatistes avouaient qu'ils n'avaient
dus par les catholiques. Ils ne purent néan-
rien à reprocher, et que le prétendu crime
moins empêcher qu'on ne l'examinât; et
de Cécihen n'avait point rendu ces Eghses
l'examen qui en fut fait, est une preuve que
coupables, par la même raison que la con-
ce n'était pas sans sujet qu'ils le
craignaient. damnation prononcée contre Primien et la
En eflet, ils succombèrent en tout; ils avouè- communication avec les maximianistes ne
rent qu'ils n'avaient rien à dire contre
l'E- rendaient point coupables, selon eux, ceux
glise catholique répandue par
toute la terre, du parti de Donat.
et ils se trouvèrent accablés
par une foule 15. Saint Augustin
d'autorités de l'Ecriture qui montrent en troisième
fait voir,
que l'E- lieu, que les donatistes ^"""'
glise, après avoir pris naissance
ayant porté devant
à Jérusalem, l'empereur l'accusation de Cécilien, et s'en
a été croissant dans les lieux
où les Apôtres étant même fait honneur, ils ne pouvaient
ont prêché, et dont ils nous ont laissé les trouver mauvais que les catholiques eussent
5/i8 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
eu recours au tribunal de ce même prince ;
bernardin nommé Bernard Briton, imprimée
etcomme ils soutenaient que Constantin avait à Lisbonne en 1609. Ils sont aussi rapportés
rétracté sentence d'absolution de Cécilien
l;i dans du père Hardouin -, avec cette ditfé-
celle
et l'avait condamné depuis l'examen qu'In- rence, que ce dernier a mis eu tête une note
gentius avait fait de cette afiaire, il les con- où l'on voit que Jean-Baptiste Péré/ius, cha-
vainc de calomnie par l'ordre des dates de noine de Tolède, les croit supposés, et que le
toutes les pièces rapportées dans les actes de cardinal d'Aguirre n'en pensait guère mieux,
la conférence; car on y trouvait première- tandis que le père Labbe ne forme aucun
ment que Cécilien avait été absous par le ju- doute sur leur authenticité. Ils ont toutefois
gement des évêques que peu de temps après,
;
l'aird'une pièce supposée et fabriquée depuis
Félix, évêque d'Aptonge, dont l'afiaire avait que l'on s'est persuadé en Espagne que saint
été portée devant le proconsul ^lien, fut Jacques, apôtre, y était venu prêcher l'Evan-
aussi déclaré innocent; que ce fut dans le gile, c'est-à-dire depuis le xip siècle. Le lan-
cours de cette afiaire que l'empereur ordonna gage en est bas ^ et contre les règles de la
qu'on lui envoyât Ingentius, et que ce ne fut latinité. On y lit que
évêques s'assem-
les
que longtemps après que ce prince, ayant blèrent dans une église qui portait le nom de
pris lui-même connaissance du procès de Cé- Sainte-Marie, ce qui paraît peu conforme à la
cilien, le jugea contradictolrement, en décla- commune opinion où Ton est que la première
rant cet évêque innocent et ses accusateurs église de la Vierge a été celle d'Ephèse, où
convaincus de faux. « Que les donatistes ne se tint le concile de l'an 431. D'ailleurs, pour
disent donc plus, continue ce Père, que nous marquer cette église, les actes emploient le
avons gagné le commissaire Marcellin à force terme ^ de fanum, contre l'usage général des
d'argent c'est le langage ordinaire de ceux
: chrétiens qui, laissant ce terme aux païens
qui perdent leur cause. Si ce senties présents pour désigner le lieu de leurs assemblées, se
que nous-avons faits au juge qui l'ont obligé servaient des noms d'église, de basilique ou
de prononcer contre eux, quels présents leur de quelques autres semblables, lorsqu'ils par-
avons-nous faits à eux-mêmes pour les obli- laient des lieux destinés aux exercices publics
ger non-seulement de dire, mais de justifier de la vraie religion. On attribue à ce concile
par tant de pièces tout ce que nous soute- une profession de foi qu'on devait opposer
nions contre eux? « 11 conclut en exhortant aux Vandales et aux Suèves qui ravageaient
ceux de ce parti à revenir et à demeurer dans alors l'Espagne dont les uns étaient ariens,
,

l'unité de l'Eglise catliolique, en renonçant les autres idolâtres. Qu'était-il besoin d'une
aux vieilles erreurs où la seule force de l'ha- nouvelle profession de foi? Les Pères de ce
bitude les tenait engagés. «Vous nous donne- concile n'avaient-ils pas celle de Nicée et de
rez, leur dit-il, sujet de nous réjouir de votre Constantinople ? et, s'ils en voulaient faire une
conversion les sacrements de Jésus-Christ,
; nouvelle, pourquoi n'y disaient-ils i*ien sur
que vous ne portez qu'à votre condamnation l'Incarnation, contre les liérésiesd'ApoUinaire
tant que vous demeurez dans le schisme sa- et de Priscillien, qui avaient alors tant de
crilège où vous êtes, commenceront de vous cours eu Espagne? Il est encore surprenant
être utiles et salutaires lorsque vous aurez que des métropolitains comme celui de Lugo
Jésus-Christ pour chef dans l'unité catholique et de Mérida se trouvent dans un concile d'une
où la charité couvre la multitude des péchés.)) autre province et qu'ils n'y soient pointnom-
més les premiers dans l'inscription. On a joint
ARTICLE m. aux Actes une lettre d'Arisbert, adressée à
Samérius, archidiacre de Brague, où il lui té-
DU CONCILE DE BRAGUE.
moigne sa douleur sur le ravage que faisaient
i . Nous avons, dans
la collection du père ' les Vandales tant dans Brague que dans plu-
Labbe, d'un concile de Brague, en
les actes sieurs villes de la Galice et les Alains dans
,

411, tirés d'une Histoire de Portugal, par un la Lusitanie. Il dit qu'il lui envoie les décrets

1 Tom. II Concil., pag. 1507. riam et Carpetaniam jam reîiqua omnia versus Pyre-
2 Tom. I Concil., pagT 1189. nœos sub sua jacent potestate. Tom. II Concil., pag.
8 Notum vobis est, fratres et socii mei, quomodo 1508. Des évêques, assemblés à Brague eu 411, au-
barbarœ génies dévastant universam Hispaniam... et raient ditsub ipsorum potestate.
:

quia malum hoc jain est supra capita, volui vos advo- *Quid est ni fanum in que est conventus genti-
care ut unusguisque sua provideat... prœter Celtibe- Uum? Ambros., Epist. 40, pag. 951.
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — DU CONCILE DE BRAGUE. 549

touchant la foi qu'il lui avait demandés , et conversion de l'Espagne à saint Jacques, frère
qu'il est lui-même dans une continuelle attente de saint Jean; en quoi ils ne sont pas mieux
de soutîVir comme les autres de la part de ces fondés, puisque cet apôtre fut mis à mort par
barbares. On ne sait de quels décrets il veut Hérode Agrippa, en 44, et que saint Paul, Ron

parler. Si c'étaientceux du concile de Brague, dont l'emploi était de porter l'Evangile où il


comment Samérius, qui en était archidiacre, n'avait pas encore été prêché, se proposait,

ne les avait-il pas? et comment Arisbert les en 58, de le porter en Espagne.


lui envoyait-il, puisqu'il ne savait où il était
caché? Voici ce qu'ils contiennent de plus
ARTICLE IV.

remarquable. DES CONCILES CONTRE LES PÉLAGIENS.


2. Pancratien Je crois en Dieu, un,
dit : «

véritable, éternel, non engendré, qui ne pro- Pelage et Célestius, après avoir com-
1. Concile de
Carlhage CD
,

cède de personne créateur du ciel et de la


, battu secrètement pendant quelques années
terre, et de tout ce qu'ils contiennent, et en la doctrine de l'Eglise touchant la grâce du

un Verbe engendré du Père avant les temps. Sauveur et du péché originel l'attaquèrent ,

Dieu de Dieu véritable, de la même substance publiquement à Carthage en 411. Célestius


que le Père, sans lequel rien n'a été fait et faisait tous ses efforts pour s'y faire ordonner

par qui toutes choses ont été créées; et au prêtre. Mais, accusé devant l'évèque - Aurèle
Saint-Esprit qui procède du Père et du Verbe, par quelques fidèles catholiques zélés pour
un en divinité avec eux, qui a parlé par la la foi, on assembla contre lui un concile dans

bouche des prophètes, qui s'est reposé sur la même ville, où il fut obligé de comparaître.
les apôtres, et qui a rempli Marie, mère du Les actes n'en sont pas venus entiers jusqu'à
Christ. Je crois que dans cette Trinité il n'y nous, mais saint Augustin et Mercator nous
a ni plus grand ni plus petit, ni antérieur ni en ont transmis une partie. Le principal ad-
postérieur, mais une seule divinité en trois versaire de Célestius, dans cette assemblée,
personnes égales. Je condamne, excommunie fut Paulin, diacre de Milan, le même qui, à
et anathématise tous ceux qui pensent le con- la prière de saint Augustin écrivit la vie de
,

traire. Je crois que les dieux des nations sont saint Ambroise. Il présenta à Aurèle un mé-
des démons; que notre Dieu est un en trois moire qui contenait les erreurs que Célestius
personnes, et un en essence; qu'il a créé de enseignait et qu'il faisait répandre en diverses
terre Adam, notre père, et Eve de son côté; provinces par des personnes de son parti.
qu'il a détruit le monde par les eaux, donné Paulin les réduisait à sept articles, savoir :

la loi à Moïse, et que dans les derniers temps qu'Adam avait été fait mortel, en sorte que,
il nous a visités par son Fils, qui lui a été fait soit qu'il péchât ou ne péchât point, il devait
de la race de David selon la chair.» A chaque mourir; que son péché n'a nui qu'à lui seul
article les évêques répondaient « Nous: et non au genre humain; que les enfants qui
croyons ainsi. » Après cette profession do foi, naissent, sont au même état où Adam était
Pancratien demanda ce que l'on ferait des avant son péché que ce péché n'est pas cause
;

reliques des saints. Elipand de Conimbre dit : de la mort de tous les hommes ni la résur- ,

t(iNous ne pourrons tous les sauver de même rection de Jésus-Christ cause de leur résur-
manière; que chacun les cache décemment rection ; que au royaume des
la loi élevait

et nous envoie la relation des lieux et des cieux, de que l'Evangile que même
même ;

cavernes où on les aura mises, de peur qu'on avant la venue de Jésus-Christ, il y a eu des
ne les oublie avec le temps.» Tous les évêques hommes qui n'ont point péché que les en- ;

approuvèrent cet avis. fants sans baptême ont la vie éternelle. Cé-
La seule relique dont Pancratien fasse une lestius n'osa ^ pas avouer le second et le
mention particulière est celle de Pierre de troisième article qui regardent le péché ori-
Rates, qu'il dit avoir été envoyée en Galice '
ginel mais aussi il ne voulut pas les désa-
;

par saint Jacques, parent du Seigneur, pour vouer, disant que c'étaient des questions pro-
y prêcher l'Evangile. D'autres attribuent la blématiques qui pouvaient se soutenir de part

ï Nunc autein, si placet vobis omnibus, staluatur « Tom. II Concil., pag. 1510 et seq., et August.,
qitid agendum sit de reliquiis sanctorum, prœcipue de de Gratta Christi, lib. II; et de Peccato origin., cap.
Pâtre nostro et apostolo hujus regionis Petro Ratis- H, ui et IV ; et Mercator, in Commonit.
tensi, quein ad salvandas animas Jacobus Domini con- s August., de Peccato origin., cap. ui et lY.
sanguineus dimisit. Pag. 1509.
550 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
et d'autre, et qu'il connaissait plusieurs prê- chant les hérésies de Pelage et de Célestius.
tres, entre autres Rufin, hôte de saint Para- Orose expliqua en peu de mots ^ comment
maque, qui niaient le péché originel. Il ajouta Célestius avait été dénoncé à plusieurs évê-
néanmoins qu'il avait toujours dit que les en- ques assemblés à Carthage, et ensuite con-
fants avaient besoin de baptême et qu'ils de- damné pour ses erreurs. Il dit aussi quelque
vaient être baptisés. Il donna même un mé- '
chose de l'ouvrage intitulé De la Nature et :

moire très-court, où il reconnaissait que les de la Grâce, que saint Augustin composait
enfants avaient besoin de recevoir la rédemp- alors pour répondre à un écrit de Pelage, et
tion par le baptême; mais il ne voulut pas ajouta « J'ai entre les mains une lettre du
:

confesser que le péché d'Adam passât dans même évêque, qui l'a envoyée depuis peu en.
eux, ni qu'ils reçussent la rémission d'aucun Sicile, où il a rapporté plusieurs questions des
péché. Convaincu d'hérésie et d'opiniâtreté, hérétiques. » On lui ordonna de la lire, ce
il fut condamné par le concile et privé de la qu'il fit. C'était la lettre à Hilaire.
communion ecclésiastique. Il appela de cette 3. Après qu'il en eut achevé la lecture, l'é-
sentence au jugement du Saint-Siège; mais, vêque Jean demanda que l'on fit entrer Pe-
au lieu de poursuivre son appel, il s'enfuit lage, à quoi l'assemblée consentit, tant par
d'Afrique et se retira à Ephèsc, abandonnant respect pour celui qui le demandait que parce
ainsi son appel et mettant ses accusateurs que l'on croyait que la réfutation que l'on fe-
hors de nécessité de suivre cette affaire. Il est raitde ses erreurs en sa présence, sertiit plus
parlé de ce premier concile contre les péla- forte et plus utile. Lorsque Pelage fut entré,
giens dans la lettre synodale de celui de Car- les prêtres lui demandèrent tout d'une voix
thage en 416 et il y est dit qu'il avait été
, , s'il reconnaissait avoir enseigné la doctrine
assemblé près de cinq ans auparavant, c'est- que l'évêque Augustin avait combattue. Il
à-dire sur la fin de 411 ou en 412. répondit: «Qu'ai-jeàfaire d'Augustin?» Tous
Concile de 2. Nous ne dirons rien ici du concile de s'élevèrent contre une réponse si injurieuse
Jérusalem, en
415. Macédoine, en 414; on peut voir dans l'ar- à un évêque dont Dieu s'était servi pour la
ticle du pape Innocent 2, le contenu de la lettre réunion de toute l'Afrique et l'extinction du
synodale que les évêques de cette province schisme des donatistes. Ils s'écrièrent qu'il
lui adressèrent. Il s'en tint un l'année sui- fallaitnon-seulement le chasser de l'assem-
vante 414 , à Jérusalem , sur la fin du mois blée, mais de toute l'Eglise. L'évêque Jean,
de juin. Jean , évêque de cette ville y pré-
,
au lieu de le chasser, le fit asseoir au milieu
sida , et il paraît même qu'il ne s'y trouva des prêtres, lui qui n'était qu'un simple laïque
point d'autre évêque que lui. Entre les prê- et accusé d'hérésie et pour avoir la liberté de
;

tres dont cette assemblée fut composée, on pardonner à Pelage l'injure qu'il avait faite
connaît Orose, Avite, Vital et Passérius. Il
y à saint Augustin, il dit qu'il la prenait sur lui.
avait aussi un interprète, dont le nom n'est « Je suis, dit-il, Augustin. » Orose répondit :

pas connu, et un nommé Domin, qui y fut « Si vous représentez la personne d Augus-

invité parce qu'il savait le grec et le latin. Le tin, suivez donc aussi ses sentiments. » Jean

prêtre Orose, que saint Augustin avait en- demanda ensuite à toute l'assemblée si ce
voyé à saint Jérôme qui était alors à Beth- ,
qu'on venait de lire de l'épître à Hilaire était
léem, fut aussi obligé de quitter cette soli- contre Pelage ou contre d'autres, et ajouta :

tude pour venir à Jérusalem, et étant entré (( Si c'est contre Pelage, déclarez ce que vous
dans le lieu de l'assemblée, l'évêque Jean le avez à dire contre lui. » Orose, voyant qu'on
fit asseoir avec les prêtres qui la composaient. lui faisait signe de parler, le fit en ces termes :

Aussitôt tous les assistants le prièrent de leur ((Pelage m'a dit qu'il enseignait que l'homme
raconter avec simplicité et sincérité ce qu'il peut être sans péché et garder facilement les
savait de ce qui s'était passé en Afrique tou- commandements de Dieu, s'il veut, n Pelage

1 August.j de Peccato origin., cap. xis, et de Pec- mus quid anfe ferme quinquennium super Cœ/estii
cator. mentis, lib. I, cap. xxxiv; et lib. III in Ju- nomine hic apud Ecclesiam carthaginensem fuerat
lian., cap. ni; et lib. II Retract., cap. xxxiii; et agitatum. Quo recitato sicut ex subditis avertere po-
Mercator, in Commonitor. terit sanctitas tua, quamvis judicatio manifesta cons-
2 Voyez tome VII, pag. 521. taret, quia illo tempore episcopn/i judicio excisum
8 His Pelagium, Cœlestium, auctores nefarii
lectis hoc tantum vulnus nb Ecclesia videreiur, nihilominus
prorsus et anathemalizundi ab omnibus nobis erroris tauien id communi deliberatione censuimus. Tom. II

advertimus. Unde faclum est ut recensendum putare- Concil., pag. 1311.


[V SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — DES CONCILES CONTRE LES PÉLAGIENS. 551

dit : « Je ne puis nier que je ne l'aie dit et dit : « S'ilque l'homme eût ce pouvoir
disait
que je ne le dise. » Orose ajouta : « C'est ce sans le secours de Dieu, il serait condamna-
que le concile d'Afrique a détesté dans Céles- ble. Vous autres, que dites-vous? Niez-vous
tius, ce que l'évèque Augustin a rejeté avec le secours de Dieu?» Orose répondit « Ana- :

horreur, comme vous venez de l'entendre; thème à celui qui nie le secours de Dieu. Pour
ce qu'il condamne encore présentement dans moi, je ne le nie point, et c'est au contraire
la réponse qu'il fait aux écrits de Pelage; ce pour cela que je condamne les hérétiques. »
que le bienheureux Jérôme, si célèbre par Comme Orose parlait en latin et l'évèque Jean
ses victoires sur les hérétiques, a aussi con- en grec, ils ne s'entendaient que par un in-
damné depuis peu dans sa Içttre à Ctésiphon, terprèle qui souvent rendait les choses en des
et ce qu'il réfute encore maintenant dans les sens tout différents, comme il en fut souvent
Dialogues qu'il compose. » L'évèque Jean ,
convaincu. Orose, voyantdonc que cet inter-
sans rien entendre de tout cela, voulait obli- prète brouillait tout, et que l'évèque Jean
ger Orose el ceux qui étaient contre Pelage était si peu favorable, s'écria « L'hérétique
:

à se déclarer ses accusateurs et à le pour- est latin ; nous sommes latins : il faut ren-
suivre devant lui, comme évèque de Jérusa- voyer à des juges latins cette hérésie qui est
lem mais tous répondirent plusieurs fois
; : plus connue chez les Latins. » L'évèque Jean
« Nous ne sommes point les parties de Pe- veut s'ingérer à juger sans accusateurs, étant
lage; nous vous déclarons seulement ce que lui-même suspect. Orose fut soutenu par quel-
ceux qui sont nos frèies et nos pères ont jugé ques-uns de l'assemblée qui protestèrent
,

et ordonné sur cette hérésie qu'un hiïque ré- qu'on ne pouvait pas être tout à la fois avo-
pand partout, de peur que, sans que vous le cat et juge. Ainsi, après diverses contesta-
sachiez, il ne trouble les Eglises, et particu- tions, Jean conclut, suivant la demande dO-
lièrement la vôtre sous la protection de la-
, rose, que l'on enverrait des députés et des
quelle nous sommes présentement.» Comme lettres au pape Innocent, et que tous suivraient
Jean insistait toujours pour qu'ils se décla- ce qu'il aurait décidé. Cependant il imposa
rassent les accusateurs de Pelage, ils conti- silence à Pelage défendant en même temps
,

nuèrent de répondre qu'ils étaient enfants de à ses adversaires de lui insulter, comme s'il

l'Eglise et non pas docteurs des docteurs, ni était demeuré convaincu. Tous consentirent
juges des juges qu'ils ne pouvaient que sui-
; à cet accord, rendirent solennellement grâces
vre ceux qui étaient en vénération dans toute à Dieu , se donnèrent mutuellement la paix
l'Eglise, et condamner ce qu'ils avaient con- et, pour la confirmer, firent ensemble l'orai-

damné comme mauvais. son avant de se séparer. Ce à quoi on man-


4. On disputa longtemps, et Jean prétendit qua dans cette assemblée, fut qu'on n'écrivit
qu'Orose soutenait que Dieu avait fait la na- rien de ce qui se disait de part et d'autre, et
ture des hommes mauvaise. Ensuite, comme nous ne le saurions pas si Orose, qui avait été
on accusait Pelage d'enseigner que l'homme présent ne nous l'eût laissé par écrit. Saint
,

peut être sans péché, s'il veut, l'évèque Jean Augustin en dit quelque chose dans son livre Cao. XIT,
XT XVI.
l'ayant interrogé, répondit
Je n'ai pas
il : « des Actes de la Palestine. et

dit que l'homme est impeccable pas sa na- 5. Quelques mois après, c'est-à-dire le 20 Conciles de
niospolls ou
ture, mais j'ai dit que celui qui voudra tra- décembre de la même année 415, quatorze de Pa'estine,
en 41 5, to ni. II
vailler pour ne point pécher a reçu ce pou- évêques s'assemblèrent à Diospoiis, ville de Concil., pag.
1329.
voir de Dieu. » Alors quelques-uns murmu- Palestine, connue dans l'Ecriture sous le nom
rèrent de cette réponse et dirent que Pelage de Lydda. Euloge que l'on croit avoir été
,

prétendait que l'on pouvait être parfait sans archevêque de Césarée, est nommé le pre-
la grâce de Dieu. L'évèque Jean les reprit et mier et avant Jean de Jérusalem, apparem-
dit : L'Apôtre même témoigne qu'il travaille
<( ment à cause qu'il était métropolitain de la
beaucoup, non selon sa force, mais selon la Palestine. Ce fut à lui que Héros d'Arles et
grâce de Dieu. » Comme les assistants conti- Lazare d'Aix présentèrent un mémoire des
nuaient à murmurer, Pelage dit lui-même : erreurs qu'ils avaient tirées en partie des écrits
« C'est ce que je crois aussi. Anathème à qui de Pelage et en partie de ceux de Célestius ;

dit que, sans le secours de Dieu, l'homme peut mais ils ne purent se rendre au concile le jour
avancer dans toutes sortes de vertus. » Jean, marqué, parce que l'un d'eux était tombé
ne pénétrant pas les déguisements de Pelage, dangereusement malade. Pelage, au con-
niSTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
traire, comparut pour se justifier *, et il n'eut s'il voulait, être sans péché; et qu'écrivant à
pas beaucoup de peine à le faire n'y ayant ,
une veuve, il lui avait dit, pour montrer com-
personne sur les lieux pour agir contre lui, ment les saints doivent prier * : « Celui-là
ni pour découvrir le mauvais sens de ses prie en bonne conscience, qui peut dire vous :

écrits, ni pour de s'expliquer, ou


l'obliger savez, Seigneur, combien sont pures les mains
pour distinguer ce qu'il y avait d'obscur dans que j'étends vers vous et les lèvres avec les-
sa doctrine, car le prêtre Orose n'y était pas quelles je vous demande miséricorde.» Pelage
non plus. On croit que cela se fît par quelque répondit que ce qu'il avait dit des pécheurs
intrigue secrète de Jean de Jérusalem 2, qui ^Mmh.xxx.
était conforme à l'Evangile, où nous lisons
aida Pelage à prendre si bien son temps qu'il que les pécheurs iront aux supplices éter-
n'eût point d'accusateurs en tête. Celui-ci, nels et les justes à la vie éternelle; qu'il n'a-
voulant se donner un nom dans le concile, se vaitpas dit que le mal ne venait point même
vanta d'être uni d'amitié avec beaucoup de en pensée aux justes mais que le chrétien ,

saints évêques, et produisit plusieurs lettres, doit s'appliquer à ne point penser de mal;
dont quelques-unes furent lues, entre autres que l'on pouvait prouver, par les Ecritures,
une de saint Augustin, qui lui témoignait en que le royaume des cieux est prorais même
effet beaucoup d'amitié, mais l'exhoitait taci- dans l'Ancien Testament, puisqu'on lit dans
tement à changer de doctrine sur la nécessité Daniel Les saints recevront le royaume du
:
Dan. vn.is,

de la grâce. Très-Haut; qu'il avait dit que l'homme pou-


6. On ne laissa pas de lire le mémoire où vait être sans péché et garder les comman-
les évêques Héros et Lazare avaient mis les dements, s'il voulait, puisque Dieu lui a donné
erreurs dont ils l'accusaient; mais comme les ce pouvoir; qu'au reste, il peut être sans pé-

évêques du concile n'entendaient pas le latin, ché par son propre travail et par la grâce de
ils se firent expliquer ce mémoire par un in- Dieu, sans qu'après être converti il ne puisse
terprète. Pelage, au contraire, qui savait le plus pécher à l'avenir; que les autres chefs
grec, répondit en cette langue à toutes les d'accusation étaient supposés et qu'il n'y ,

demandes qui lui furent faites. On lui objecta avait rien de semblable dans ses livres. Le
d'abord qu'il avait écrit dans un de ses livres ^ concile approuva ses réponses et lui ordonna
qu'on ne peut être sans péché sans avoir la de répondre aussi aux articles suivants. Ils
science de la loi; à quoi il répondit qu'il n'a- regardaient la doctrine de Célestius, son dis-
vait pas dit que celui qui a la science de la ciple, accusé d'avoir enseigné qu'Adam a été
loi ne puisse pécher, mais qu'il est aidé par fait que son péché n'a nui qu'à lui
mortel ^; ;

la science de la loi à ne point pécher. Le con- que royaume du ciel comme


la loi procurait le
que cette doctrine n'était point éloi-
cile dit l'Evangile; qu'avant la venue de Jésus-Christ
gnée de celle de l'Eglise. On dit ensuite que il y a eu des hommes sans péché que les ;

Pelage avait mis dans le même livre que


"*
enfants nouvellement nés sont au même état
tous étaient conduits par leur propre volonté. oîi Adam était avant son péché; que tout le

« Je répondit-il, à cause du libre ar-


l'ai dit, genre humain ne meurt point par le péché
bitre Dieu aide à choisir le bien, et l'homme
: d'Adam et ne ressuscite point par la résur-
,

qui pèche est en faute, parce qu'il a le libre rection de Jésus-Christ; que l'homme peut
arbitre. » Cela ne parut pas non plus aux être sans péché s'il veut que les enfants sans ;

évêques éloigné de la doctrine de l'Eglise. être baptisés, ont la vie éternelle; que si les
Les autres chefs d'accusations portaient que riches baptisés ne renoncent à tout, le bien
Pelage avait écrit qu'au jour du jugement on qu'ils semblent faire ne leur sert de rien, et
ne pardonnerait point aux injustes et aux ils ne peuvent avoir le royaume de Dieu. Pe-

pécheurs ^, sans distinguer ceux qui seront lage répondit que la doctrine de Célestius ne
sauvés par les mérites de Jésus-Cbrist de ceux le regardait pas; qu'à l'égard de ce qu'on lui
qui seront condamnés; que le mal ne venait objectait d'avoir dit qu'avant la venue du Sei-
pas même en pensée aux justes^; que le gneur il y a eu des hommes sans péché, il ne
royaume des cieux était promis, même dans faisait point de dilficulté de dire qu'en ce
l'Ancien Testament ^; que l'homme pouvait. temps-là quelques-uns ont vécu saintement

' August., de Gesi. Pelagii, cap. u et m. 4 Ibid., cap. n. — » Ibid., cap. m.


* August., de Gesf. Pelag., cap. xxv, et Episl. 146. * Ibid., cap. IV. — ''
Ibid., cap. v.
3 August., de Gest. Pelag., cap. i. » Ibid., cap. VI. — ^ August., ibid., cap. xi.
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — DES CONCILES CONTRE LES PÉLAGIENS. 553

et justement, selon que les saintes Ecritures le pardon n'est pas accordé aux pénitents sui-
l'enseignent. Il anathématisa toutes les autres vant la grâce et la miséricorde de Dieu, mais
erreurs qu'on lui avait dit être de Célestius, selon les mérites et le travail de ceux qui, par
et ceux qui les tenaient ou qui les avaient la pénitence, se rendent dignes de miséri-
jamais tenues. Sur quoi le concile dit « Pélai^e : corde. » Il ajouta qu'il croyait en la trinité

ici présent a répondu bien et suffisamment à d'une seule substance, et tout le reste selon
ces articles, anatliématisant ce qui n'était la doctrine de l'EgHse, disant « Anathème à
:

point de lui. n quiconque croit autre chose.» Le concile, con-


7.Comme on l'accusa* d'avoir enseigné que tent de ses déclarations et de ses réponses le ,

l'Eglise est ici sans tache et sans ride, il ré- reconnut pour être dans la communion de l'E-
pondit dit, parce que l'Eglise est
: « Je l'ai glise catholique. Mais si Pelage y fut absous,
purifiée par lebaptême et que le Seigneur ,
parce qu'il sut tromper les évêques en confes-
veut qu'elle demeure ainsi. » Cette réponse sant de bouche ce qu'il condamnait dans le
fut approuvée du concile. Ensuite on lui ob- cœur, sa doctrine y fut anathématisée, étant
jecta quelques propositions de Célestius dont contraint de l'anathcmatiser lui-même pour
le sens était que nous faisons plus qu'il n'est éviter sa condamnation. Ce qui fait dire à saint
ordonné par la loi et par l'Evangile 2; que la Augustin, qui a toujours jugé favorablement
grâce de Dieu et son secours ne sont pas de ce concile ^, « qu'on y avait absous un
donnés pour chaque action particulière, mais homme qui niait l'hérésie, mais qu'on n'y
que ce secours consiste dans le libre arbitre ou avait point absous l'hérésie, » ou plutôt que
dans la loi et la doctrine ^; que la grûce de Pelage n'y avait point été absous, puisqu'il
Dieu est donnée selon nos mérites, car s'il la tenait la doctrine qu'on y avait condamnée,
donnait aux pécheurs, il semblerait être in- mais que la foi qu'il y avait confessée de bou-
juste d'où il suit que la grâce même dépend
: che, y avait été embrassée comme catholique.
de notre volonté, pour en être digne ou in- 8. Orose, de retour en Afrique, rendit aux ^-^^^-^^ ^^
digne. Sur la première proposition, il dit :
évêques de la province de Carthage, qu'il 4o*"''i'o^m.'

«Nous l'avons avancée suivant ce que dit saint trouva assemblés vers le mois de juin de l'an î^à^îlî^^'li'Aug^
•''^ «'
Paul de la virginité Je n'ai point de précopte : 416, les lettres d'Héros et de Lazare contre Jji'*'-

du Seigneur. » Quant aux autres, il ajouta :


Pelage et Célestius. On y voyait que cet hé-
« Sice sont là les sentiments de Célestius, c'est résiarque était à Jérusalem, où il s'efforçait
à ceux qui le disent à l'examiner; pour moi, de répandre ses erreurs, faisant beaucoup va-
je n'aijamais tenu cette doctrine et j'anathé- loir l'absolution qu'il avait reçue dans le con-
matise celui qui la tient. » Le concile fut sa- cile de Diospolis. Il n'osait toutefois en mon-
tisfait de cette réponse. Mais sur cette autre trer les Actes, parce qu'on y aurait vu qu'il
proposition deCclestius:(( Que chaque homme avait été obligé de désavouer la doctrine qu'il
peut avoir toutes les vertus et les grâces, » continuait de prêcher. Ce concile de Carthage
Pelage répondit « Nous n'ôtons pas la diver-: était composé de soixante-huit évêques, et
sité des grâces mais nous disons que Dieu
, Aurèle y présidait. Nous n'avons point
donne toutes les grâces à celui qui est digne connaissance de ce qui y fut traité, mais on
de lés recevoir, comme
il les donna à saint sait que les lettres d'Héros et de Lazare y
Paul. » Ensuite
désavoua ces autres pro-il furent lues, et qu'on y lut aussi les Actes du
positions de Célestius * « Que l'on ne peut : concile de Carthage, où Célestius avait été
appeler enfants de Dieu, sinon ceux qui sont condamné environ cinq ans auparavant. Les
absolument sans péché; que l'oubli et l'igno- évêques ayant ouï les erreurs que Pelage et
rance ne sont point susceptibles de péché, Célestius soutenaient, résolurent de les ana-
parce qu'ils ne sont pas volontaires, mais né- thématiser l'un et l'autre, s'ils n'anathémati-
cessaires; qu'il n'y a point de libre arbitre, saient eux-mêmes clairement et distinctement
s'il a besoin du secours de Dieu parce qu'il la pernicieuse doctrine dont ils étaient au-
,

dépend de la volonté de chacun de faire ou teurs. Ils crurent cette sévérité nécessaire,
de pas faire ; que notre victoire ne vient pas afin que la sentence prononcée contre eux
du secours de Dieu, mais du libre arbitre ; que guérît l'esprit de plusieurs personnes qu'ils

• Auffust., ibid., cap. xu. — « Ibid., cap. xni. sim negans. August., serm. contra Pelag., pag. 1511
8 Ibid., cap. xiY. — * Ibid., cap. xvni. tom. V. Voyez la lettre 177» à Innocent, pag. 622
* Tamen non hœresis est absoluta, sed homo hœre- tom. II.
,

S34 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


avaient séduites ou qu'ils pourraient séduire tin, Alypius, Evodius et Possidius lui en écri-
à l'avenir; car il y avait beaucoup de per- virent une en où ils lui expli-
particulier,
sonnes en toute sorte d'endroits qui répan- quaient familièrement, mais avec plus d'é-
daient leurs erreurs et qui, à force de parler tendue et d'exactitude, toute l'affaire de Pe-
et de disputer, entraînaient dans leur senti- lage. Ils priaient le Pape de le faire venir à
ment ceux qui avaient moins de force et de Rome, pour l'examiner avec soin et savoir
lumières, et fatiguaient ceux-là mêmes qui de lui s'il reconnaissait la véritable grâce du
étaient les plus fermes dans la foi. Le concile Sauveur, afin que, s'il la reconnaissait, il fût
résolut aussi de porter cette affaire au Siège absous sans difïiculté. A cette lettre ils joi-
apostolique, afm de joindre son autorité au gnirent le livre de Pelage, envoyé à saint
jugement qu'il venait de rendre, et afin d'être Augustin par Timasius et Jacques, avec la
assuré, par la réponse du Pape, que les sen- réponse que ce saint y avait faite. Ils avaient
timents des évêques d'Afrique étaient con- marqué dans ce livre les endroits les plus
formes aux siens. Ils lui écrivirent donc une importants, afin que le Pape y piit garde et
lettre synodale, à laquelle ils joignirent les qu'ensuite il obligeât Pelage d'anathématiser
lettres de Héros et Lazare, avec les Actes du ce livre, et qu'il l'anathématisât lui-même.
concile qu'ils venaient de tenir, qui conte- «Car quand ses amis verront, disaient-ils, ce
naient ceux du concile de l'an 4i i Nous avons . livre anathématisé, non-seulement par des
donné ailleurs le contenu de cette lettre sy- évêques catholiques, mais surtout par Votre
nodale, avec la réponse du pape Innocent. La Sainteté, nous ne croyons pas qu'ils osent
synodale finissait ainsi « Encore ^ que Pe-
*
:
encore parler contre la grâce de Dieu. » Saint
lage et Célestius désavouent cette doctrine et Augustin envoya aussi au Pape une lettre
les écrits produits contre eux, sans qu'on qu'il écrivait à Pelage pour répondre à ce
puisse les convaincre de mensonge; néan- que cet hérésiarque lui avait adressé tou-
moins il faut anathématiser en général qui- chant le concile de Diospolis par le diacre
conque enseigne que la nature humaine peut Canes, priant le Pape de faire tenir cette
se suffire à elle-même pour éviter le péché lettre à Pelage, afin que le respect pour
et faire les commandements de Dieu, se mon- sa personne l'obligeât à la lire. Nous ne
trant ennemi de sa grâce, déclarée siévidem- l'avons plus. Toutes ces lettres furent por-
ment par les prières des saints, et quiconque tées à Rome par un évêque nommé Jules ^ et :

nie que par le baptême de Jésus-Christ les le pape Innocent y fît réponse sur-le-champ,
enfants soient délivrés de la perdition et ob- ainsi que nous l'avons dit ailleurs. Quel-
tiennent le salut éternel. » ques-uns rapportent à ce concile de Milève
9. le mois de septembre de la même
Vers les vingt-sept canons qui se trouvent sous son
année 416, soixante et un évêques de la pro- nom dans les collections ordinaires *. Mais,
vince de Numidie, assemblés à Milève, ayant si Ton en excepte le vingt-troisième qui ne
appris ce que l'on avait fait contre Pelage et se lit point autre part, les autres sont ou du
Célestius dans le concile de Carthage, cru- premier de Milève, ou du concile de Car-
rent aussi devoir écrire au pape Innocent, thage en 418, ou de quelques autres. Encore
pour lui demander la condamnation d'une ce vingt -troisième canon s'observait-if en
hérésie qui ôtait la nécessité de la prière Afrique longtemps avant l'an 416. Il porte ^
pour les adultes, et du baptême pour les en- que si une personne quittant les hérétiques,
fants. Cinq d'entre eux, savoir : Aurèle de c'est-à-dire les donatistes, reconnaît qu'il a
Macomade en Numidie (car celui de Car- été mis par eux en pénitence, l'évêque ca-
thage avait écrit séparément), saint Augus- tholique l'informera avec soin du sujet pour

1 Voyez tom. VII, pag. 5?1 et 522. tem percipere sempiternam, anathema sit. Tom. II
^ Unde etiam si Pelngius Cœlesliusque correcH sunt. Concil., pag. 1555. —
3 Voyez tom. VII, pag. 521.

vel si ista nunquam sensisse se dicunt, et quœcumque ^ Tom.II Concil., pag. 1538.

scripia contra eos fuerint prolata sua esse negahant 5 Placuit ut quicumque conversus ab hœreticis
nec est quemadmodum de mendacio convincantur ; ge- dixerit se apud eos pœnitentiam accipere, unusquis-
neraliter tamen, quicumque dogmatizat et affirmât que cafholicus episcopus requirat ubi et ob quam cau-
humanam sihi ad vincenda peccata et Dei mandata sam apud eosdem hœreticos pœnitentiam susceperit :
facienda sufficere passe naturam, et eo modo gratiœ ut cum documentis ceriis hoc ipsum approbaverit, sibi
Dei, quœ sanctorum evidentius orationihus declaratur, pro qualitate peccati, sicut eidem episcopo catholico
adversarius invenitur; et quicumque negat parvulos visum fuerit, fempus pœniientiœ vel reconciliationis
per bapiismum Christi a perditione tiberari et salu- décernât. Gan. 23, tom. II Concil., pag. 1543.
[V* SIÈCLE CHAPITRE XLI. — DES CONCILES CONTRE LES PÉLAGIENS. 555

lequel il y aura été mis, afin qu'après s'en tius au jour marqué; et voyant qu'il était
être bien assuré, il règle combien il doit de- prêt de se soumettre au jugement du Saint-
meurer en cet état, et quand il faudra le Siège et qu'il condamnait toutes les erreurs
réconcilier. Le vingt-sixième est cité sous le qui avaient été publiées sous son nom, sui-
nom du concile de Milève, par le second con- vant le jugement du pape Innocent, et qu'il
cile de Tours '. Mais, dans la Collection afri- promettait de ce que le
condamner tout

caine, il est attribué au concile de Cartilage Saint-Siège condamnerait, renvoya sansil le

du 1" mai 418. toutefois l'absoudre de l'excommunication

Concile de ^0. Lc popc Innoccnt avait condamné Pé- dont il était lié, mais en lui donnant un délai
orthage, en
\^^q^ Célestius ct Icurs sectutcurs, les décla- de deux mois avant de prononcer définitive-
rant séparés de la communion de l'Eglise, ment, afin d'en écrire aux évêques d'Afrique,
s'engageant toutefois à les y recevoir, s'ils à qui sa cause était plus connue. Il eut moins
renonçaient à leurs erreurs. Mais étant mort de ménagement pour Héros et Lazare, accu-
le douzième de mars de l'an 417, Pelage et sateurs de Célestius. Il les déposa de l'épis-
Célestius n'omirent rien pour se faire réta- copat tout absents, qu'ils étaient, et les ex-
blir. Le dernier, chassé de Constantinople, communia, prévenu contre eux par les
vint à Rome avec diligence, et se présenta plaintes de Célestius ou de Patrocle, qui oc-

au pape Zosime, successeur d'Innocent, pré- cupait le siège d'Arles à la place d'Héros.
tendant poursuivre l'appel qu'il avait inter- Ensuite il écrivit à Aurèle et aux autres évê-
jeté cinq ans auparavant, et se justifier des ques d'Afrique, pour leur faire part de ce
fausses impressions que l'on avait données qu'il avait fait à l'égard de Célestius et de
de lui au Saint-Siège. Il présenta à cet efifet Pelage, dont avait fait lire publiquement
il

une requête qui renfermait l'exposition de sa Aurèle ayant reçu cette lettre qui
les écrits.
foi, et où il s'étendait sur tous les articles du était datée du cr)nsulat d'IIonorius pour la
symbole, depuis la confession de la trinité onzième fois, et de Flavius Constantius, qui
et de l'unité de Dieu jusqu'à la résurrection est Tan 417, s'assembla avec les évêques qui
des morts ^.Venant ensuite aux articles con- se rencontrèrent à Carthage, ou avec ceux
testés, il disait qu'il n'avait point prétendu qu'il y put mander en diligence et de con- ;

à Zosime ^ pour le prier de


les décider, et qu'il ne tenait rien sur ces cert ils écrivirent
matières, que ce qu'il avait tiré des prophètes laisser les choses en l'état où elles étaient,
et des apôtres. Il ne disait rien sur la grâce; c'est-à-dire de ne point lever Texcommimi-
mais, à l'égard du péché originel ^, il avouait cation de Célestius, jusqu'à ce qu'ils eussent
que l'on devait baptiser les enfants pour la eu le loisir de l'instruire plus à fond de cette
rémission des péchés, suivant la règle de affaire : cette lettre produisit l'eftet qu'on
de l'Evan-
l'Eglise universelle et l'autorité souhaitait, et le Pape laissa toutes choses au
parce que le Seigneur a déclaré que le
gile, même état, jusqu'à l'année suivante. Cepen-
royaume des cieux ne peut être donné qu'aux dant Aurèle assembla, vers le mois de no-
baptisés. «Mais nous ne prétendons pas pour vembre, un concile de deux cent quatorze
cela, ajoutait-il, établir le péché transmis par évêques des provinces les plus voisines
les parents, qui est fort éloigné de la doc- c'est-à-dire de la Proconsulaire, de la Nu-
trine catholique, car le péché ne nait pas midie et de la Byzacène, pour concerter avec
avec l'homme, c'est l'homme qui le commet eux. On y fit divers décrets et des constitu-
après sa naissance; il ne vient pas de la na- tions qui furent ensuite approuvées de Rome
ture, mais de la volonté. Nous avouons donc et de toute la terre. On croit qu'ils servirent
le premier, pour ne pas admettre plusieurs de matière à ceux du concile suivant. Mais
baptêmes et nous prenons cette précaution
; ce n'était pas les mêmes, comme on le voit
pour ne pas faire injure au Créateur. » Zo- par le seul qui nous reste, et que saint Pros-
zime *, quoique embarrassé de plusieurs af- per nous a conservé dans un fragment de la
faires considérables, ne voulut pas remettre lettre synodale de ces deux cent quatorze
celle-ci à un autre temps. Il fit venir Céles- évêques, en ces termes « Nous avons' or-
^'
:

< Tom. V Concil., pag. 859, et tom. III, pag. 1132. 6 Prosper., lib. contra Collât., cap. v, niim. 3.
* AugUot., de Peccal. orig., cap. xxm. "
Comliluimus Pelagium atque Cœlestium per
in
3 Ibid., cap. V et vi, et de Grutia Christi, cap. venerabilem episcopttm Innoceniium de beatissimi npos-
xxxui. — ' Voyez tom. VII, pag. 529. toli Pétri sede prolatam matière senientiam, donec
' Zosim., pag. 10, tom. I Décrétai., pag. 974. apertissima confessione fateantur, graiia Dei per Je-
5o6 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
donné que la sentence rendue par le véné- tait que toute personne serait reçue à déférer
rable évéque Innocent, contre Pelage et Cé- aux magistrats ceux que l'on accuserait de
lestius, subsiste jusqu'à ce qu'ils confessent suivre la même doctrine et que ceux qui
;

nettement que la grâce de Jésus-Christ nous seraient convaincus de la suivre en eflet, se-
aide non-seulement pour connaître, mais en- raient envoyés en exil. En conséquence de
core pour faire la justice en chaque action ;
ce rescrit, Pallade rendit son ordonnance
en sorte que sans elle nous ne pouvons rien conjointement avec Menaxius, préfet du pré-
avoir, penser, dire ou faire qui appartienne toire d'Orient, et Agricola, préfet des Gaules,
à la vraie piété. » Dans le temps même que portant que Pelage et Célestius seraient
cette lettre fut rendue au pape Zosime, ayant chassés de Rome suivant l'ordre de l'empe-
égard au zèle que de Rome témoi-
les fidèles reui", et que ceux qui se trouveraient com-
gnaient contre les erreurs de Pelage, il ré- plices de leurs erreurs, seraient bannis à per-
solut d'examiner encore une fois Célestius, pétuité, avec confiscation de leurs biens.
afin de tirer de sa bouche une réponse pré- 11. Dans une affaire d'aussi grande im-
cise. Mais celui-ci craignant cet examen, s'en- portance, les évéques d'Afrique furent d'a^ds
fuit de Rome. Alors le Pape donna sa sen- d'assembler un concile de toutes les provin-
tence ', par laquelle il confirma les décrets ces, et l'indiquèrent à Carthage le premier
du concile de Carthage de 417, et conformé- de mai 418. Ils s'y rendirent au nombre de
ment au jugement de saint Innocent, con- plus de deux cents, de la province de Byza-
damna Pelage et Célestius, les réduisant au cène, de celle de Tripoli, de la Mauritanie,
rang des pénitents -, s'ils abjuraient leurs de Stèfe, de la Césarienne; il y en eut même
erreurs, et les excommuniant absolument, d'Espagne. Le lieu de l'assemblée fut la salle
s'ils refusaient de le faire. Ensuite il éci-ivit secrète de la basilique de Fauste. Aurèle de
aux évéques d'Afrique en particulier, et en Carthage et Donatien de Télepte, doyen de
général à tous les évéques une lettre assez la Byzacène, y présidaient. On ne voit pas
longue, où il leur rendait compte fies erreurs qu'il soit parlé de la Proconsulaire; inais on
dont Pelage et Célestius avaient été accusés, la supposait toujours où était l'évêque de
et où il établissait la foi de l'Eglise sur la Carthage, son chef. Quant à ce qui est dit des
grâce. le péché originel et la nécessité du évéques d'Espagne, ils étaient peut-être du
baptême pour les enfants. L'empereur ayant nombre de ceux qui avaient été chassés de
reçu les actes du concile de l'an 417, donna leurs sièges, ou bien de la Mauritanie Tingi-
un rescrit contre les pélagiens, daté de Ra- tane, qui, depuis la ruine de l'Espagne, pou-
venne le 30 avril 418, et adressé à Pallade, vait être réunie aux autres provinces de l'A-
préfet du prétoire d'Italie ^. Ce prince y dé- frique. Photius, à qui ce concile était connu*,
clare qu'aj-ant appris par le bruit public que y compte deux cent vingt -cinq évéques.
Pelage et Célestius enseignaient contre l'au- D'autres en mettent deux cent quatorze et
torité universelle de la religion catholique, plus; d'autres, moins.
qu'Adam avait été créé destiné à la mort, et 12. Ce concile fit neuf canons contre les
^
qu'il n'avait point transmis de péché à sa pélagiens, dont voici la teneur « Quiconque:

postérité, et diverses autres erreurs qui trou- dira qu'Adam a été fait homme mortel; en
blaient l'union des Eglises et la tranquillité sorte que, soit qu'il péchât ou ne péchât pas,
publique, il ordonnait, pour empêcher que il dut mourir, c'est-à-dire sortir du corps,

le mal ne s'augmentât, de les chasser l'un et non par le mérite de son péché, mais par la
l'autre de Rome, supposé qu'ils y fussent nécessité de sa nature, qu'il soit anathème.
encore, car Pelage était en Palestine. 11 ajou- Quiconque ^ dit qu'il ne faut pas baptiser les

sum Christum Domùmm nostrum, non solum ad co- talem factum, ita ut sive peccaret, sive non peccarel,
gnoscendam, verum etiam ad faciendam justitiam, moreretur in corpore, hoc est de corpore exiret, non
nos pe>' actus singulos adjuvari ; ila ut sine illa nihil peccali merito, sed necessitate natwa>, anathema sit.
vcrœ sanciceque pietatis habere, cogitare, dicere, agere Tom. II Concil., pag. 1663.
valeamus. Prosper. lib. contra Collât. , cap. v, 6 Item placuit ut quicumque parvulos récentes ab
,

num. 3. uteris matrum baptizandos negat, aut dicit in remis-


1 Voyez tom. VII, pag. 539. sionem quidem peccatorum eos baptizari, sed nihil ex
2 Prosp., ibid. Adam truhere originalis peccati, quod lavacro rege-
3 Tom. II Cor.cil., pag. 1607 et 1608. nerationis expietur : unde sit consequens ut in eis
* Phot., Cod. 53, pag. 44. forma baptismatis in remissionem peccatorum non
^ Quicumque dixerit Adam primuni hominem mor- vere, seb falso inteUigalur, anathema sit. Quoniam
[V* SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — DES CONCILES CONTRE LES PELAGIENS. 557

enfants nouveau -nés, ou qu'encore qu'on aux enfants non baptisés un lieu de salut et
les baptise pour la rémission des péchés, ils de repos hors du royaume des cieux. Si donc
ne tirent d'Adam aucun péché originel qui ce canon ne se trouve pas aujourd'hui dans
doive être expié par la régénération; d'où la Collection africaine, ni dans Denys le Petit,

il suit que la forme du baptême pour la ré- on ne peut guère douter qu'il n'y ait été au-
mission des péchés, est fausse à leur égard : trefois, et que dans les exemplaires qui ne

anathèrae; car ce que dit l'Apôtre


qu'il soit : comptent que huit canons de ce concile de
Par un homme le péché est entré dans le monde, Cartilage, on n'en ait fait qu'un du second et
et par le péché la mort ; ainsi elle a passé en du troisième.
tous les homjnes, qui ont tous péché en lui: cela Le concile ajoute^ : <( Quiconque dira que
ne se doit point entendre autrement que la grâce de Dieu qui nousjustifie par Jésus-
l'Eglise catholique répandue partout l'a tou- Christ, ne que pour la rémission des pé-
sert
jours entendu '. Photius et l'ancien code de
>) chés déjà commis, et non pour nous aider
l'Eglise romaine mettent pour troisième ca- à n'en plus commettre qu'il soit anathèrae.
:

non, le suivant « Si quelqu'un dit que


: Si quelqu'un dit que la même grâce de Dieu
quand le Seigneur a dit Il y a plusieurs de- : par Jésus-Christ nous aide à ne point pé-
meures dans la maison de mon Père -, il a voulu cher, seulement en ce qu'elle nous ouvre
faire entendre que dans le royaume descieux l'intelligence des commandements ^, afin
il y a un lieu mitoyen, ou quelque autre lieu que nous sachions que nous devons
ce
où vivent heureux les enfants qui sortent de chercher, et ce que nous devons éviter :

cette vie sans baptême, sans lequel ils ne mais qu'elle ne nous donne pas d'aimer
peuvent entrer dans le ciel, qui est la vie encore et de pouvoir ce que nous connais-
éternelle qu'il soit anathèrae. Car puisque
: sons devoir faire qu'il soit anathème. Car,
:

le Seigneur a dit Quiconque ne renaîtra pas


: puisque l'Apôtre dit que la science enfle, et icor-rm,
de l'eau du Saint-Esprit, ne peut entrer dans
et que la charité édifie, c'est une grande impiété
le royaume des deux, quel catholique peut de croire que nous avons la grâce de Jésus-
douter que celui qui ne méritera point d'être Christ pour celle qui enfle, et non pour celle
cohéritier de Jésus-Christ, n'ait sa part avec qui édifie, puisque l'une et l'autre est un don
le diable ? Celui qui n'est pas à la droite ^ sera de Dieu, de savoir ce que nous devons faire
sans doute à la gauche. Outre que ce canon » et d'aimer à le faire, afin que la science ne
est tout-à-fait du style des autres, il est at- puisse enfler, tandis que la charité édifie. Et
testé par suint Augustin dans un ouvrage comme il est écrit que Dieu enseigne à l'homme Psai. icm,
composé sur la fin de l'an 419, où il dit que la science, W est écrit aussi que la charité vient
les conciles et le Pape avaient condamné de Dieu. Quiconque dira que la grâce de la jus-
l'erreur des pélagiens qui osaient accorder tification nous est donnée afin que nous puis-

non aliter intelligendum est quod ait Apostilus : Por proculdubio partem incurret. Ibid. —
' August., lib. II
unum hominem peccatum inlravit in mundum, et ad Bonif., cap. xu.
per peccatum mors, et ita in omues liomiues per- * Item placuit ut quicumque dixerit gratiam Dei,
tranàiit, in quo omnes peccaverunt, nin quemadmo- qua justificamur per Jesum Christum Dominum nos-
dum Ecclesia catholica ubique diffusa semper intel- tru}7i ad solam remissionem peccatorum valere quœ
lexit. Propier hanc enim regidam fidei, elinm parvuli jam commissa sunt, non etiani ad adjulorium, ut non
qui nihil peccatorum in seipsis adhuc committere po- committantur , anathema sit. Ibid.
tuerunl, ideo in peccatorum remissionem veraciter 5 Item quisquis dixerit eamdem gratiam Dei per Je-

baptizuntur, ut in eis régénérât ione mundetur, quod sum Christum Dominum nostrum, propter hoc tantum
générations contraxerunf. Ibid., pag. 1C64. nos adjuvare ad non peccundum, quia per ipsam no-
> Phot., Cad. 53, pag. 41 et 44 et Cod. Rom., ; bis revelntur et aperitur inlelligentia mandatorum,
can. 3. utsciamus quid appelere, quid vitare debeamus : non
* Item placuit ut si quis dicit ideo dixisie Domi- outem per illam nobis prœstari, ut quod faciendum
num : In domo Patris mei mansiones multre sunt, ut cognoverimus, etiam facere diligamus atque valeamus,
intelligutur, quia in régna cœlorum erit aliquis mé- anathema sit. Cum enim dicat Apostolus : Scientia
dius, aut ullus alicubi locus, ubi beale vivant parvuli, inflat, cbaritas vero œdificat valde impium est ut
:

qui sine baptismo ex hac vita migrarunt, sine quo in credamus ad eam quœ inflat, tios habere gratiam
regnum cœlorum, quod est vita œterna, intrare non Christi, ad eam quœ œdificat, non habere, cum sit
possunt, anathema sit. Nam cum Dominus dicat : utrumque donum Dei, et scire quid facere debeamus,
Nisi quis renatus fuerit ex aqua et Spiritu Saucto, et diligere, ut faciamus; ut œdificante charitate
non intrabit in reguum cœlorum quis calholicus : scientia nos non possit inflare. Sicut autem de Deo
dubitet participem fore diabnli eum, qui cohœres esse scripium est : Qui docet hominem scieutiam i7û :

non meruit Christi? Qui enim dextera caret, sinistram e/ia»i scriptum est : Gliaritas ex Deo.
858 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
sions plus facilement accomplir par la grâce '
leur société, et que par cette raison chacun
ce qu'il nous est ordonné de faire parle libre des saints ne dit point : Remettez-moi mes
arbitre, comme si, sans recevoir la grâce, dettes, mais : Remettez-nous nos dettes; en
nous pouvions accomplir les commandements sorte que l'on entende que le juste le de-
de Dieu, quoique ditiicilement: qu'il soit ana- mande plutôt pour les autres que pour lui :

thème ^. Car le Seigneur parlait de leurs qu'il soit analhème. Car l'apôtre saint Jac- jacob. m.s
fruits, lorsqu'il dit Sans moi vous ne pouvez
: ques était saint et juste, quand il disait :

rien faire; et non pas Vous le pouvez plus: Nous manquons tous en beaucoup de choses. Et
difficilement. Ce que dit l'apôtre saint Jean : pourquoi ajoute-t-il, tous, si ce n'est pour
Uoan. 1, 8. Si nous disons que nous n avons point de péché, s'accorder avec le psaume où nous lisons :

nous nous t7vmpons nous-mêmes, et la vérité N'entrez pas en jugement avec votî'e serviteur, psm.cxmi.î.
n est point en nous : quiconque croit le devoir parce que nulle âme vivante ne sera justifiée de-
entendre comme si, par humilité, nous ne vant vous. Et dans la prière du sage Salomon :

devions pus dire que nous n'avons point de // n'y a personne qui ne pèche ; et dans le livre iParai.vi,36
péché, et non parce qu'il est ainsi véritable- de Job // marque
: la main de tous les hommes, job.xixTu,
ment qu'il soit analhème. Car l'Apôtre
:
afin que tout homme sache sa faiblesse. C'est
'"

ajoute Mais si nous confessons nos péchés, il


:
pourquoi le saint et juste Daniel ayant dit
est fidèle et juste pour nous les remettre et nous en pluriel dans sa prière Nous avons péché, Dann, :
5.

purifier de toute iniquité montre assez : ce qui nous avons commis l'iniquité, et le reste, qu'il
qu'il ne le dit pas seulement par humilité, mais confesse véritablement et humblement de ;

en vérité. Car il pourrait dire Si nous disons : peur qu'on ne crût qu'il l'eût dit des péchés
que nous n'avons point de péché, nous nous de son peuple plutôt que des siens, il dit
élevons, et l'humilité n'est poiut en nous. ensuite Comme je priais et confessais au Sei-
:

Mais en disant Nous nous trompons, et la vé-


: gneur mon Dieu mes péchés et les péchés de mon
rité nest point en nous, il montre assez que peuple, il n'a pas voulu dire, nos péchés : mais
celui qui dit qu'il n'a point de péché, ne dit il a dit les péchés de son peuple et les siens,

pas une vérité, mais une fausseté. Quicon- parce qu'il prévoyait comme prophète ceux-
que dira que les saints disant dans l'Oraison ci qui l'entendraient si mal. Ceux qui veulent

Matth.vi,i2. dominicale Remettez-nous nos dettes, ne le


: que ces paroles mêmes de l'Oraison domini-
disent pas pour eux-mêmes ^, parce que cale : Remettez-nous nos dettes, soient dites
cette demande ne leur est plus nécessaire, par les saints seulement par humilité, et
mais pour les autres qui sont pécheurs dans non pas avec vérité qu'ils soient anathè- :

* Hem placuit ut qutcumque dixerit, ideo nohis Dominica ideo dicere sanctos : Dimitte nobis débita
gratiam justificationis dari, ut quod facere per libe- nostra, ut non pro seipsis hoc dicant, qtda non at eis
rum jubemur arbitrium, facilius possinius implere jum necessaria ista petitio, sed pro aliis qui sunt in
per gratiam, tanquam etiamsi gratta non daretur, sua populo peccatores : et ideo non dicere unumqucm-
non quidem facile, sed iamen pnssimus etiam sine que sanctorum : Dimitte mihi débita mea, sed Dimitte
il/a implere divina mandata, anathema sit. De fruc- nobis débita nostra ut hoc pro aliis potius quam
:

tibus enim mandatoritm Dominus loquebatur, ubi non pro se justus petere intelligatur, anathema sit. Sanc-
ait : Sine me difpciliiis potestis facere, sed ait : Sine tus enim et justus erat apostolus Jacobus cum dicebat :
me nihil potestis facere. Ibid. In multis enim offendimus omnes. Nam quare addi-
Item placuit quod ait sanctus Joannes apostolus :
2 tum est, omnes, nisi ut ista sententia conveniret et
Si dixerimus quia peccatum non habemus, nos ipsos Psalmo, ubi legitur : Non iutres in judicium cum
decipimus, et veritas in nobis non est. Quisquis sic servo tuo, quoniam non justificabitur in conspectu
accipiendum putaverit, ut dicat propter humilitatem tuo omnis vivens? Et in oratione sapientissimi Salo-
oportere dici nos habere peccatum, non quia vere ita monis : Non est homo, qui non peccef? et in libro
est, anathema sit. Sequitur enim Apostolus et adjun- sancti Job lu manu bominis signât, ut sciât omnis
:

git : Si autem confessi fuerimus peccata nostra, fi- homo infirmitatem suam? Unde etiam Daniel sanctus
delis est et justus qui remitlat nobis peccata, et et justus cum ifi oratione pluraliter diceret : Peccavi-
muudet nos ab omui iniquitate. Ubi satis apparat mus, iniquitatem fecimus, et cœlera quœ ibi veraciter
hoc tantum humiliter, sed etiam veraciter dici. Pote- et humiliter confîtetur, ne putaretur quemadmodum
rat enim Apostolus dicere Si dixerimus quia non
: quidam sentiunt, hoc non de suis, sed de populi sui
babemus peccatum, nos ipsos extoUimus, ethumilitas potius dixisse pcccaiis, postea dixit : Cum orarem et
in nobis non est sed cum ait : Nos ipsos decipi.
: confiterer peccata mea, et peccata populi mei Do-
mus, et veritas in nobis non est, satis ostendit eum mino Deo meo, noluit dicere peccata nostra, sed po-
qui dixerit se non habere peccatum, non verum loqui, puli sui dixit, et sua : quoniam fuluros istos, qui
sed falsum. Ibid. tam maie intelligerent, tanquam Propheta prœvidit,
* Item placuit ut quicumque dixerit in Oratione Ibid., pag. 1665.
[V« SIÈCLE, CHAPITRE XLI. — DES CONCILES CONTRE LES PÉLAGIENS. 559

mes. Car qui peut souflVir celui qui, en priant, d'Honoj'ius. Le quatrième est contre celui
ment non aux honr.mes, mais à Dieu même '
;
qui aura troublé par voie de fait la posses-
qui dit des lèvres qu'il veut qu'on lui remette, sion de son confrère, sans avoir fait aupara-
et dit du cœur qu'il n'a point de dette qu'on vant juger la contestation par des évèques
puisse lui remettre? » ou par ceux que
voisins choisis à l'amiable,
13. Outre ces neuf canons qui regardent le primat leur aura donnés pour juges. Il est
particulièrement les pélagiens, les ëvèques ordonné dans le cinquième que ceux qui ne
du concile de Carthage en firent dix autres se mettront pas en peine de travailler à l'ex-
touchant la réunion des donatistcs. Dans tinction du schisme des donatistes dans les
celui du treizième juin 407, il avait ordonné lieux dépendant de leur diocèse seront ,

que les Eglises et les peuples donatistes con- avertis de leur devoir par leurs confrères les
vertis avant la loi d'Honorius de l'an 405, plus vigilants et les plus voisins; et que si,
dépendraient de la juridiction de l'évèque après cet avertissement, un évêque laissait
qui les aurait convertis, et que les autres écouler six mois sans obliger les schismati-
appartieudiaient à l'évèque de la ville dont ques à se réunir, au cas que l'exécuteur des
ils dépendaient étant dans la communion des lois soit venu dans la pro\'ince de celui qui
donatistes. Ce règlement ayant occasionné pourra les convertir, les aura pour diocé-
diverses difficultés entre les évèques, le con- sains, à moins que celui dans le diocèse du-
cile de l'an 418 crut devoir y apporter quel- quel ils étaient, ne prouve que ces peuples
que changement; c'est le sujet du premier se sont à dessein donnés à l'autre, comme
canon, qui ordonne qu'en quelque lieu que plus négligent, afin qu'il les laissât vivre à
ce fût, les donatistes convertis seraient du leur fantaisie : car alors les juges soumet-
diocèse de Tévêque que reconnaissaient les tront ces peuples à l'Eglise de laquelle ils

catholiques de ce lieu. Le second veut que dépendaient naturellement. Ce canon ajoute


quand il y aura deux évèques dans un même que s'il y a contestation entre des évèques de
diocèse, savoir l'ancien catholique, et le do- ditférentes provinces, le métropolitain de la
natiste réuni, les paroisses qui dépendaient province où est situé le lieu en contestation,
de l'un et de l'autie seront partagées égale- donnera des juges, ou que les parties en
ment entre eux deux, le plus ancien parta- choisiront à l'amiable un ou trois, auquel
geant, et l'autre choisissant. Que sil n'y a cas le sentiment de tous ou de deux prévau-
qu'un seul endroit où les catholiques et les dra. Le sixième défend d'appeler du juge-
donatistes se soient trouvés mêlés ensemble, ment des juges que l'on aura choisis d'un
il appartiendra à l'évèquele plus proche; et commun consentement. Le septième a beau-
s'il également éloigné, le peuple choisira
est coup de rapport au cinquième il y est dit :

celui qu'il voudra à la pluralité des voix et ; qu'un évêque averti de travailler à la réu-
eu cas que les voix soient égales de part et nion des donatistes et qui, six mois après
d'autre, l'évèque le plus ancien d'élection cet avertissement, n'en aura rien fait, ne
l'emportera. Que s'il y a plusieurs lieux qui communiquera avec personne jusqu'à ce
ne puissent se partager également, ce qui qu'il les ait convertis. Le huitième ajoute
arriverait si le nombre des paroisses était que si cet évêque déclare qu'ils sont réunis,
impair, on partagera ce qui se pourra ; et et que cela se trouve faux, il perdra son évê-
pour le reste on fera comme lorsqu'il n'y en ché. Le neuvième porte que les ^ prêtres ou
a qu'une. Le troisième ordonne que l'on ne les autres clercs qui se plaindront du juge-
pourra plus redemander une Eghse après ment de leur évêque, se pourvoiront devant
trois ans de possession, à ceux qui en auront les évèques voisins, du consentement de leur
converti le peuple avant ou après lu loi évêque que s'ils croient en devoir appeler,
;

' Item placuit ut quicumque ipsa verha Dominicce episcoporum suorum quesii fuerint, vicini episcopieos
orationis, ubi dicimus : Diinitte iiobis débita iiostra, audiant : et inter eos quidquid est finiani adhibiti ab
ita volunt a sanctis dici, ut humiliter, non veraciter, eis ex consensu episcoporum suorum. Quod si et ab eis
hoc diculur, anathema sit. Quis eniin ferai oraulem provocandum putaverinf, non provocent nisi ad afri'
et non hotninibus, sed ipsi Domino nienlientem, qui la- cana concilia, tel ad primates provinciarum suarum.
l/iis dicit sibi dimitti veiie, et corde dicit, qute sibi Ad trunsmarina outem qui pulaverit appellandum, a
dimittaniur, se débita non haleve. Ibid. nullo inlra Africam in communionem suscipiatur,
* Placuit ut presbyteri, diaconi tel cœteri inferio- Tom. II Concil., pag. 1667.
rcs clerici, in causis quas habuerint, si de judiciis
560 HISTOIRE Gl^NÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ils porteront leur appel au concile d'Afrique voyée à Rome, et réfutaient toutes les chicanes
ou au primat de leur province mais que ; des hérétiques. Marins Mercator ^, qui parle
celui qui voudra appeler à des juges au-delà aussi de cette lettre synodale, n'en dit autre
de la mer, ne sera reçu à la communion de chose sinon que les évêques de ce concile y
personne dans l'Afiique. On trouve dans le exposaient au Pape tout ce qui s'était passé
dixième une exception de la défense que
' chez eux, dans l'atfaire de Céleslius, soit en
le concile de Garthage ou d'Hippone, en 397, sa présence, soit en son absence, et qu'ils lui
avait faite de consacrer et de voiler une en envoyèrent les actes et les décrets contre
vierge avant qu'elle eût vingt-cinq ans. Ce- l'hérésie de Pelage. Zosime reçut le troisième
lui-ci le permet avant cet âge, lorsque la de ces décrets comme s'il eût été fait par le
chasteté d'une vierge est en danger par la Siège apostolique, et toute l'Eglise écrivit une
puissance de ceux qui la demanderaient en même sentence contre les pélagiens. Merca-
mariage; ou qu'elle demande cette grâce h tor dit que Pelage, poursuivi par les mêmes
la mort, pourvu que ceux dont elle dépend accusateurs qui l'avaient dénoncé au concile
la demandent avec elle. Enfin ce concile, de Diospolis ^, fut depuis condamné dans un 1

pour ne pas retenir plus longtemps tous les concile où présidait Théodore d'Antioche. On I

évêques assemblés, choisit de chaque pro- ne sait en quelle année; mais comme cet au-
vince trois commissaires, pour juger toutes teur ajoute qu'aussitôt après la sentence de
les atfaires particulières, savoir de la pro- ce concile, Prayle de Jérusalem chassa Pelage
vince de Cartilage Vincent, Fortunatien et
: et écrivit contre lui au Pape, on ne peut le
Clarus; de la Numidie, Alj'pius, Augustin et mettre qu'après l'an 417, où, comme nous
Restitut; de la Byzacène, Cresconius, Jocon- avons dit ailleurs ', Prayle écrivit à Zosime
dus et Amilien, avec le vieillard Donatien, en faveur de cet hérésiarque qu'il ne connais-
primat de la Mauritanie; de Stèfe, Sévérin, sait pas bien. Nous n'avons aucune des lettres
Asiatique et Donat: de la province de Tri- de Prayle, ni celle que Théodore écrivit à i

poli, Plautius, seul député^ suivant la cou- l'évêque de Rome, pour lui donner avis de ce !

tume. Ces quatorze commissaires eurent qu'il avait fait contre Pelage.
pouvoir de juger de tout avec Aurèle de
Carthage, qui fut prié par le concile de sous- ARTICLE V.
crire tous les actes et toutes les lettres.
DES CONCILES DE TUSDRE, DE tELLE OU ZELLE, ET
14. Celle qui fut écrite à Zosime, au nom
DE DIVERS AUTRES DANS LA BYZACÈNE.
duconcile,n est pas venue jusqu a nous; mais
lion des dé-
crets contre
les péiagiens.
r -i

il uous cu rcstc quclqucs fragments dans les


il 1. Nous ne connaissons le concile de Tus- ^ .,
Concile
écrits de saint Augustin. On y voit que les dre, colonie assez célèbre dans la Byzacène,
' ./ '
Jf"-"""/ ;
l'an 411, 10

évêques d'Afrique disaient au pape Zosime ^ que par ce qui en est dit dans la préface de f„s°p3g;3^i

qu'il ne suffisait pas, pour les personnes moins celui de Telle ou Télepte, dans laquelle Vin-
éclairées, que Célsstius eût dit en général cent et Fortunatien, tous deux évêques delà
qu'il s'accordait aux lettres d'Innocent ^, mais province Proconsulaire témoignent avoir as-
,

qu'il devaitanatbématiser clairement ce qu'il sisté dans une assemblée des évêques de la

avait mis de mauvais dans son écrit, de peur Byzacène, tenue à Tusdre, et y avoir demandé
que plusieurs ne crussent que le Siège apos- la lecture des lettres de Sirice, évêque du

tolique eût approuvé ses erreurs, plutôt que Siège apostohque. 11 y est dit que Latonius,
de croire qu'il s'en fût corrigé. Ils lui rappe- évêque de Thène ou Ténise, dans la Byza-
laient aussi en mémoire * le jugement du pape cène, fit dans ce concile la lecture d'une des
Innocent sur le concile de Diospolis, où Pelage lettres de ce Pape. C'est, comme l'on croit,
se vantait d'avoir été absous; ils lui décou- celle qu'il écriviten 386 aux évêques d'A-
vraient l'artifice de sa confession de foi en- frique. Nous en avons donné le précis en son

1 Tom. II Concil., pag. 1167. guë detectus, a sanctis quoque ac venerabilibus Jero-
* August., lib. II ad Bonif., cap. m. solymorum locis est deturbutus : ejus denique sancti
3 Idem, ibid., cap. iv. Theodoti ad révérend issimum urbis Romœ episcopum
* Idem, )ib. de Peccato origin., cap. vni. et sanctœ re.cordationis Praylii Jerosolymitani epis-
5 Mercator, in Comtnonit., pag. 138. copi missa scripta testantur; quorum exemplaria ad
6 Sed postmodum evidenfer depre/iensus, i/isistenti- documentunt habemus in manibus. Mercat., tom. X
bus accusatoriàus a posteriore synodo, cui sanctœ me- August., ia append., pag. 72.
"
moriorœ Theodotus Antiochiœ prœsedit episcopus, ai- Voyez tom. VII, pag. 530.
Ive SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — DES CONCILES DE TUSDRE, DE TELLE, ETC. S6l

lieu et montré qu'on ne pouvait douter rai- autre, si ce n'est dans l'Eglise romaine; que
sonnablement quelle ne fut de Sirice, ni de les évêques, les prêtres et les diacres vivront
^

l'authenticité du concile de Téleple, par qui dans la continence que les évêques nommés^
;

celte lettre nous a été conservée. Celui de pour juger d'une atfaire, détermineront le lieu
Tusdre fit deux canons, dont le premier or- de l'assemblée; qu'un ^ évêque qui, après
donne que ceux d'entre les évoques qui, étant avoir été sommé deux ou trois fois de se pré-
avertis de se trouver au concile, n'y viendront senter devant le concile, négligera de le faire,
pas, seront privés de la communion. Il eu ex- sera suspendu de la communion des autres
cepte les vieillards qui ne peuvent plus sortir évêques; qu'un ^ une
clerc n'épousera point
et les infirmes '. Le second défend aux évê- veuve que celui qui, étant laïque, en aura
, et

ques, députés pour le concile universel, d'y épousé.une, ne sera point admis dans le clergé;
admettre l'évèque qui n'y aura point été qu'une '^Eglise ne recevra pas un clerc chassé
député -. d'une autre Eglise; que l'on recevra ", par
^- ^^ ^^ févfier de l'année suivante, 418, l'imposition des mains ceux qui reviennent ,
Concile "e

^pto.êuiis! trente-trois évêques, tous, ce semble, de la de l'hérésie des novatiens ou montagnards;


^1° ic!.'.''"'
'
province de Byzacène^ s'assemblèrent à Telle et que tout '-le monde observera les décrets
ou Télepte, dans l'église des Apôtres. Dona- des anciens conciles.
tien, qui est appelé dans les actes évèque du 3. M. Baluze, qui nous a donné, d'après le Antres cou-

premier siège et de la ville de Télepte, y pré- diacre Ferrand, les canons de ces deux con- Biîul^'ibid!,"
p^^"®*-
sida. Vincent de Culuse et Fortunalien de en rapporte un de celui de Suffétule,
ciles,

Naples y assistèrent en qualité de députés de dans la Byzacène, qui défend d'élever '^ un
la province Proconsulaire , et ils y deman- laïque à l'épiscopat, à moins qu'il n'ait passé,
dèrent, comme ils avaient déjà fait à Tusdre, durant une année entière, par tous les degrés
qu'on lût deux lettres du pape Sirice, qu'ils du ministère ecclésiastique; deux du concile
présentèrent. Les évêques en ordonnèrent la de Macriane, dont le premier porte que le '*
lecture, et un notaire lut celle qui, comme suti'rage de l'Eglise matrice suffit pour l'élec-
nous venons de le dire était adressée aux , tion d'un évêque, et le second '^, que l'évèque
évêques d'Afrique. C'est tout ce que nous sa- interventeur, c'est-à-dire qui gouvernait une
vons de ce concile, a qui l'on attribue diverses Eglise vacante, obligera le peuple à travailler
ordonnances, qui sont la plupart tirées de la pour avoir un évêque, et qu'au cas qu'il né-
lettre de Sirice. Elles portent que l'on ^ n'ad- glige de le faire il restera sans évêque jus-
,

mettra point dans le clergé celui qui, après qu'à ce qu'il en cherche un lui-même, pen-
le baptême, aura été enrôlé dans la milice dant lequel temps l'évèque interventeur se
séculière; que l'évèque ^ sera ordonné par retirera.
trois évêques, du consentement des autres Le même nous en a donné six du con-
4.
en 418.
par écrit, et du métropolitain ou primat; cilede Seplimunique. Le premier ordonne ciles,
^li^'^*;'

qu'un ^ seul évêque ne pourra en ordonner un p»e-^^^-


que le jugement de la ville matrice suffira

* Ut exceptis senibus, qui loco moveri non possunt conventus fuerit et venire contempserit , ab episcopo-
et infirntis episcopis, qui admonilus ad concilium non rum consortio suspendatur. Ibid.
occurrerit, communione privetur. Tom. I Coneil. Ba- 9 Ut niulierem clericus non ducat uxorem,et ut qui
luz., pag 366. laicus viduam duierit non admittalur ad clerum.
* Ut episcopus qui non suscepta legatione univcrsali Ibid.
concilia interesse prœsumpserit, ab eis episcopis qui "* Ut abjectum clericum alia Ecclesia non admittat.
legationem suscipiunt, ad ipsuin concilium non ad- Ibid.
mittaiur. Ibid. n Ut venienfes a novatianis vel montensibus per
Ut qui post baptismum sœculari militiœ nomen
' manus impositionem suscipiantur. Ibid.
dederit, ab ordinatione arceatur. Ibid., pag. 367. 1* Ut coneil iorum statuta priscorum ab omnibus ob-
* Ut episcopus a tribus ordinetur, consentientibus serventur. Ibid.
aliis per scripta, cum confirmations metropolitani vel 1' Ut quicumque laicus ad episcopatum eligitur,
primatis. Ibid. prius annum in miîiislerio ecclesiastico per omnes
5 Ut unus episcopus episcopum non ordinet, excepta gradus transent. Ibid., pag. 366.
Ecclesia romana. Ibid. 1* Ut ad eligendum episcopum sufficiat malricis ar-

6 Ut episcopi, presbyteri et diaconi ab uxoribus ab- bifrium. Ibid.


stineant. Ibid. 15 Ut interventores episcopi conveniant plèbes quœ
^ Ut episcopi qui in digna causa judices dantur, ip- episcopum non habent, ut episcopum accipiant. Quod
sum audientiœ locum diligant. Ibid. si accipere neglexerint, remoto intervenlore sic rema-
8 Ut episcopus qui secuuda tel tertio auctontate nennt quamdiu sibi episcopum quœrant. Ibid.
VIII. 3G
,

562 HISTOIRE GÉNÉRAI.E DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


pour l'élection d'un évêque ', en sorte qu'il ne tabli ;
qu'un '- évêque ni un prêtre ne pour-
sera pas besoin d'y appeler ni le clergé ni le raient transférer ailleurs les choses qui se
peuple des autres Eglises du diocèse. Le se- trouvent dans les lieux où ils ont été ordon-
cond veut -que les évêques nommés pour ju- nés, à moins qu'auparavant ils n'en eussent
ger une affaire, en connaissent dans un temps donné des raisons que les évèques '^ tourne-
;

limité. Le troisième est le même que le premier ront au profit de l'Eglise ce qu'ils auront ac-
de Tusdre. le quatrième défend au peuple quis en leur nom mais qu'ils pourront don-
,

d'excommunier un clerc ^, que révéque soit ner à qui bon leur semblera ce qui leur aura
présent, ou qu'il soit absent. Cela ne peut été donné; que l'évéque ** n'usurpera pas en
guère s'entendre que du refus que ferait le faveur de l'Eglise matrice ou métropolitaine
peuple de communiquer avec ce clerc. Le ce qui aura été donné aux autres Eglises de
cinquième * ordonne de faire deux fois l'obla- son diocèse; que les évêques ne vendront
tion le jour du Jeudi-Saint. Le sixième défend point, sans l'avis du primat, les choses qui
de ^ jeûner dans les cinquante jours du temps appartiennent à leur Eghse et que les prê- ,

pascal. M. Baluze en met trois du concile de tresne pourront non plus vendre les biens
Thènes ou Thénise, dans la Byzacène. Il est de l'Eglise sans l'aveu de l'évéque.
dit, dans le premier ^, que s'il y a appel des

juges que le primat aura nommés, on en ARTICLE VI.


nommera un plus grand nombre, et que s'il
DU CONCILE DE CARTHAGE DANS L'AFFAIRE
y a encore appel, l'affaire sera portée au con-
d'apiarius.
cile pour y être jugée. Le second est le même
que le premier de Tusdre. Le troisième ne 1. Apiarius, prêtre de Sicque, dans la Pro-
Concile
veut pas que celui qui est coupable de crimes consulaire, s'élant rendu coupable de plu-
Tcm. IT puisse servir d'accusateur Le concile de
''.
sieurs fautes considérables, fut déposé et ex- Conc;
t6:0
.,

et
rnnc.l., pag.
Cartilage, de l'an 407, avait défendu aux évê- communié par Urbain, son évoque, qui avait
ques, sous peine d'être privés de leur dignité, autrefois été disciple de saint Augustin. Soit
de demander à l'empereur des juges civils ;
qu'ily eût faute de formalité ou non dans la
celui de * Marezène leur permet, ce semble, procédure, Apiarius appela de cette sentence
de recourir à ces juges, loi'squ'il s'agit d'ob- au Pape, quoique cela eût été défendu par
tenir d'eux quelque chose contre les héréti- plusieurs conciles d'Afrique, et que celui de
ques. Le même concile défend ^ aux clercs Nicée eût ordonné que les affaires des ecclé-
de se répandre parmi d'autres peuples sans siastiques seraient terminées dans leur pro-
l'aveu et une lettre formée de leur évéque. vince. Zosime, comme l'on croit, reçut l'ap-
11 ordonne aussi que dans toute la Byzacène
'*^
pel; mais, informé que les évêques d'Afrique
on observera une même discipline dans la se plaignaient qu'en recevant Apiarius, il avait
célébration des sacrements. Il fut ordonné, de la discipline ecclésiastique,
violé les règles
dans celui d'Hippone, que si un " évêque ex- qui ne permettent pas qu'un évêque admette
communié par le concile méprisait cette cen- à la communion celui qui en a été séparé par
sure, il n'aurait aucune espérance d'être ré- le sien propre, il envoya en Afrique trois

1 Vt ad eligendum episcopum sufficiat matricis ar- 9 17 clerici sine formata et conscientia episcopi per
bitrium. Ibid.^ pag. 367. aliénas plèbes non vagentur. Ibid.
2 Vt episcopi qui in causa judices dantur 10 Vt una sit in sacramentis per omne Byzatium dis-
definito
iemporis die cognoscant. Ibid. ciplina. Ibid.
3 Vt non liceat clericum a populo excommunicari, " Vt si quis episcopus a synodo fuerit excommuni-
sive prœsenie, sive absente episcopo. Ibid. catus, communicare non audeat; et si fecerit, spem
Vt die quintœ feriœ septimanœ sanctœ Paschœ se-
* restitutionis non habeat. Ibid.
cundo offerntnr. Ibid. 1^ Vt episcopi sive presbyteri ea quœ sunt in locis
5 Vt ante Pentecosten nullus audeat jejunare. Ibid. ubi ordinantur, ad
alia loca tion transférant, nisi cau-
« Vt si judicibus quos primas dederit, appel laverit, sas ante reddiderin'. Ibid.
alii judices amplioris numeri décernant ur. Vt si et 13 Vt episcopi quidquid nomine suo comparaverini,

ab ipsis appellaverit, ad sentent iain concilii differa- cogantur Ecclesiœ refundere. Quidquid autem eis do-
tur. Ibid. natur, cui voluerint conférant. Ibid.
" Vi qui aliquibus sceleribus inventus est, vocem 1* Vt episcopus matricis non usurpet quidquid dona-
accusandi non habeat. Ibid. tum fuerit Ecclesiis quœ in diœcesi constituta sunt.
* Vt liceat uuicuique episcopo preces constituere Vt episcopi rem hcclesiœ sine prit7iatus consilio non
quando de judiciis publiais contra hœreiicos aliquid vendant. Vt presbyteri rem Ecclesiœ sine conscientia
est petendum. Ibid., pag. 367. episcopi non vendant. Ibid.
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XLl. — DU CONCILE DE CARTIÎAGE. 563
légats : Faustin, évêquc de Potentia, dans lu les évèques pussent appeler au Pape et ,

Marche d'Ancône; Philippe et Asellus, prêtres les clercs aux évèques voisins dans leur pro-
de Home. Ils étaient chargés des lettres de vince. Ils écrivirent ^ sur cela une lettre au
ce Pape et de traiter suivant ses ordres, de, pape Zosime, qui n'est pas venue jusqu'à
diverses atlaires avec les évèques d'Afrique. nous. Quant au quatrième chef, les évèques
Carthage, Au-
.\ussilôt qu'ils furent arrivés à y satisfirent en accommodant l'atiaire d'Apia-
rèle, qui en
évèque assembla pour les
était ,
rius en la manière qu'on le dira ci-après.
entendre les évèques les plus proches avec 2. Zosime mourut le 26 décembre 418, mais siTèm«
'
concile do
ceux qui se rencontraient en cette ville. Il ne sa mort ne rappela point d'Afrique les légats ^l'^'^^'J^'
î"

nous reste rien de cette assemblée qui se tint ,


qu'il y avait envoyés. Ils étaient encore à Car- uJoItlim
'

apparemment sur la fin de l'an 418, mais elle thage le 25 mai 419, où ils assistèrent au con-
est marquée dans celle du 25 mai de l'an-
'
cile qui s'y tint ce jour-là dans la salle de la
née suivante 419. Les évèques demandèrent basilique de Fauste. Aurèle y présidait avec
aux légats la commission dont le Pape les Valentin. primat de Nuraidie; ensuite étaient
avait chargés, et, non contents qu'ils l'expo- assis Faustin de Potentia, légat du Pape, puis
sassent de vive voix, ils les pressèrent de la les députés des diverses provinces d'Afrique,
faire voir ^ar écrit. Elle fut lue et insérée savoir des deux Numidies, de la Ryzacène,
:

dans le procès-verbal du concile. Par cette des deux Mauritanies, de la Tripolitaine et de


commission Zosime les chargeait de quatre
, la Proconsulaire, au nombre de deux cent
choses, dont la première regardait les appel- dix-sept évèques; et après eux tous étaient
lations des évèques au Pape; la seconde, les deux autres légats du pape, Philippe
assis les
voyages fréquents des évèques à la cour; la et Asellus, qui n'étaient que prêtres. Les
troisième, les causes des prêtres et des diacres diacres se tenaient debout. Aurèle voulut cao.i.pag.

devant les évèques voisins , en cas que leur commencer par des canons de Ni-
la lecture
évèque les eût excommuniés témérairement; cée tels qu'on les avait en Afrique et des ,

la quatrième, l'excommunication portée par constitutions des conciles précédents touchant


Urbain; on proposait de l'excommunier ou les ecclésiastiques de tous les degrés; mais
même de le citer à Rome , s'il ne corrigeait ce comme le notaire, nommé Daniel, commen- 2.

qu'il semblait avoir fait mal à propos. Zosime çait à lire lesymbole de Nicée, le légat Faus-
faisait cette demande sur les accusations qu'A- tin en interrompit la lecture, demandant qu'on
piarius avait formées contre Urbain. Les évè- lût auparavant l'instruction que lui et ses col-
ques d'Afrique ne trouvèrent aucune difficulté lègues avaient reçue du pape Zosime. II sou-
sur le second chef, parce qu'en 407 ils avaient tint en même temps qu'on devait observer
eux-mêmes fait un règlement portant défense non-seulement les canons écrits de Nicée,
aux évèques et aux prêtres d'aller à la cour mais aussi les ordonnances non écrites et éta-
sous de légers prétextes. Mais sur le premier, blies par la coutume.
qui autorisait les appellations au Saint-Siège, Les évèques n'eurent aucun égard à la der- 3.

et sur le troisième, qui voulait que les prêtres nière de ces demandes. Aurèle fit donc lire
et les diacres pussent faire examiner leur l'instruction des légats où était inséré le ca-
cause devant les évèques voisins, ils ne purent non qui permet à un évèque déposé par le
se rendre aux prétentions du Pape ^; et comme concile de la province, d'appeler au Pape e^
il se fondait sur des canons du concile de Sar- de demander la révision de son procès devant
dique, qu'il citait sous le nom du concile de les évèques de la province voisine et un légat
Nicée, les évèques d'Afrique dirent qu'ils ne du Pape. Ce canon était cité sous le nom du
trouvaient pas ces canons dans leurs exem- concile de Nicée, quoique ce lût le cinquième <.

plaires. Néanmoins, pour le respect qu'ils de Sardique; c'est pourquoi saint Alypius,
portaient au concile de Nicée, ils consentirent interrompant le notaire, dit « Nous avons :

à observer ces canons jusqu'à ce qu'ils fus- déjà répondu sur ce point dans nos lettres
sent mieux informés des véritables décrets précédentes et nous promettons de garder
,

de Nicée, c'est-à-dire qu'ils consentirent que ce qui a été ordonné par le concile de Nicée.

> Tom. Il Concil., pag. 1171, 1140, 1589. ticle du concile de Sardique, tom. VU, pag. 537.
Les prétenlions du Pape mais , en recevant les
^ ; [L'éditeur.)
appels, il exerce un droit qu'il tient de sa primauté s Tom. II Concil., pag. 1671, 1140, 1589.
même. Voyez sur les appels, la uole insérée à l'ar-
564 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Ce qui nous retient, c'est qu'en considérant absolument, et que s'ils ne s'y trouvaient pas,
lesexemplaires grecs de ce concile, nous n'y on assemblât un concile pour délibérer sur
trouvons pointées paroles; nous vous prions ce qu'il y aurait à faire.
donc, saint pape Aurèle, d'envoyer à Cons- 4. Après qu'on eut lu les canons de Nicée
tantinople, où l'on dit qu'est l'original de ce et le symbole qui y fut dressé, on convint tom. II I

fiL.pag.
concile, et même aux vénérables évêques d'insérer dans les actes du concile de Car- el seq.

d'Alexandrie et d'Antiocbe, afin qu'ils nous tbage trente-trois canons faits dans les con-
l'envoient avec le témoignage de leurs lettres, ciles précédents. Le premier n'est qu'une ré-
et qu'il ne reste plus aucun doute.» Il ajouta flexion d'Aurèle sur les canons de Nicée tels
qu'il fallait prier aussi le vénérable évêque qu 'ils se trouvaient dans les exemplaires qu 'on
de l'Eglise romaine, Boniface, de faire les avait produits, et qu'on convenait devoir être
mêmes diligences de sa part, promettant, observés. Le second est une profession de
comme on l'avait déjà fait, qu'en attendant foi de du Père, du Fils et du SaiiU-
la trinité
on observerait ces canons. Le légat Faustin Esprit en une unité de substance, sans aucune
dit qu'il suffisait que le pape fit cette enquête, ditlerence. Tous les évêques convinrent l'a-
et qu'en user autrement ce serait blesser la voir appris ainsi, et qa'il était de leur devoir
charité et occasionner la division entre les de l'enseigner de même
au peuple. On con-
Eglises. Sur quoi Aurèle répondit que si le firme, dans le troisième le règlement déjà
*,

concile en convenait, on écrirait au pape pour fait toucbant l'obligation où sont les évêques,

l'informer de ce qui s'était passé et tous en ,


les prêtres et les diacres de garder la conti-
convinrent. nence. Les Pères remarquent qu'en cela ils
3. Ensuite, à la réquisition de ?^orat, dé- doivent se conformer à ce que les apôtres ont
puté de Mauritanie de Stèfe, on lut le se-
la enseigné et à ce qui a été observé dans l'an-
cond canon produit encore par Zosinie comme tiquité. Le légat Faustin, évêque de Potentia,
étant de Nicée mais qui est le quatorzième
, demanda, pour le quatrième canon, que l'on
de Sardique, permet à un prêtre ou à
et qui confirmât de nouveau ce qui avait été réglé
un diacre, excommunié par son évêque, d'a- par le troisième touchant la continence des
voir recours aux évêques voisins. Saint Au- clercs. Le cinquième leur défend d'anticiper
gustin promit qu'on l'observerait jusqu'à ce sur le territoire de leurs confrères et d'aller
que l'on eût des exemplaires plus corrects du au-delà des bornes posées par les anciens,
concile de Nicée. Jocundus évêque de Suf-
,
comme aussi de prêter à usure, cela n'étant
fétule,député de la Byzacène, dit qu'il n'était même pas permis aux laïques. On renouvelle,
permis à personne de violer ce qui avait été dans le sixième, la défense qui avait été faite
établi dans le concile de Nicée; et Aurèle aux prêtres de consacrer le saint chrême, de
ayant demandé l'avis de tous, on convint una- réconcilier publiquement les pénitents et de
nimement d'observer tous les décrets de ce consacrer des vierges. Mais le septième per-
concile. Le légat Faustin approuva ce qu'a- met aux prêtres, en cas d'absence de l'évê-
vait dit saint Augustin touchaut les appella- que, de réconcilier un pénitent qui l'aura
tions des ecclésiastiques aux évêques voisins, demandé et qui se trouvera en danger. Il est
proposant d'en écrire au pape; mais tout le dit, dans le huitième, que l'on ne recevra

concile, sans s'arrêter à cette demande, dit point, contre un ancien ni contre un évêque,
qu'il fallait lire et insérer dans les actes le l'accusation d'un homme coupable de crime.
symbole et les canons de Nicée, suivant On voit, par le neuvième, que saint Augus- '

l'exemplaire de Cécilien de Cartbage qui y tin demanda que si quelqu'un après avoir
,

avait assisté. Ensuite il fut résolu, d'après la été cbassé de l'Eglise pour ses crimes, était
proposition de saint Alypius, qu'Aurèle écri- admis à la communion par quelque prêtre ou
rait aux évêques d'Antiocbe, d'Alexandrie et quelque évêque étranger, ceux-ci fussent dé-
de Constantinople pour avoir les véritables
,
clarés coupables du même crime que cet ex-
canons de Nicée, afin que si ceux que Faus- communié. Le dixième est contre les prêtres
tin alléguait s'y trouvaient on les observât
, qui, étant repris par leurs évêques, ont la

1 Cum prœterito concilio de continentia et castitatis necnon et levitas, vel qui sacramentis divinis inser-
moderatione trnctaretur, gradus ùti t^es, qui cons- viunl, continentes esse in omnibus, quo possint sim-
trictione quadam castitatis pei- consecrationes adnexi pliciter quod a Domino postulant intpetrare : ut quod
sunt, episcopos, presbyteros et diaconos, ita compta- Aposfoli docnerunt, et ipsa servavit antiquitas, nos
cuit, ut condecct sncros antistites, ac Dei sacerdolcs, quoque cuslùdiamus, Gan. 3, pag. 1032.
[V« SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — DU CONCILE DE CARïHAGE.
témérité d'offrir séparément des sacriflces h corrompre parla faveur. Le même
s'être laissé
Dieu, ou d'ériger autel contre autel, au mé- canon ordonne que l'on ne pourra appeler du
pris de la foi et de la discipline ecclésiastique. jugement rendu par des juges choisis du con-
^»" "• Le onzième permet à un prêtre qui aura été sentement des parties quand même ils se-
,

repris par son évêque, de porter ses plaintes raient en moindre nombre qu'il ne faut. 11
et sa cause devant les évêques voisins mais ; défend aussi aux enfants des prêtres de don-
il ordonne contre lui la peine de l'anathème ner des spectacles publics, ou d'y assister,
et de la déposition, s'il fait schisme avec sou cela ayant toujours été défendu à tous les
évêque et s'il offre séparément le sacrifice. chrétiens à cause des blasphèmes dont ces
,

'-•
On ordonna, dans le douzième ', conformé- spectacles sont accompagnés.
ment aux statuts des anciens conciles, qu'un 5. Dans le seizième ^, il est défendu aux Soitedeces
dnons.
évêque accusé doit être jugé par douze évê- évêques, aux prêtres et aux diacres d'être Cio. 16.

ques, un prêtre par six évêques, avec sou fermiers ou procureurs, ou de gagner leur
propre évêque, et un diacre par trois seule- vie par des commerces sordides, puisqu'ils
'^-
ment. Le treizième porte que l'on ne pourra doivent se souvenir de ce qui est écrit, que
ordonner un évêque sans l'aveu du primat celui qui est au service de Dieu, ne doit point uxim. n, 4.

.de chaque province, et que trois évêques au s'embm^rasser dans les affaires séculières. On y
'*• moins assisteront à son ordination. Le qua- oblige les lecteurs parvenus à l'âge de pu-
torzième a rapport au douzième, et veut qu'à berté, de se marier ou de faire vœu de con-
cause de la rareté des évêques dans la pro- tinence. On y défend aux clercs de tirer du
vince Tripolitaine, un seul évêque puisse être profit de l'argent ou de toute autre chose
député et qu'un prêtre accusé puisse être
, qu'ils prêtent. Il y est dit que les diacres ne
jugé par cinq évêques, et un diacre par deux, seront point ordonnés, ni les vierges consa-
'5- en présence de l'évcque du diocèse. Dans le crées avant l'âge de vingt-cinq ans et on y :

quinzième -, il est défendu aux clercs, sous défend aux lecteurs de saluer le peuple,
peine de déposition, de se pourvoir devant c'est-à-dire d'adi-esser la parole au peuple,
les juges civils quand ils sont cités devant
, lorsqu'ils liraient, comme les évêques avaient
les juges ecclésiastiques quand même ils
, coutume de faire en prêchant. Par le dix- aa.n.
gagneraient leurs piocès; mais le canon ne septième, on accorde à la province de Stèfe,
prononce cette sentence de déposition qu'au qui avait été séparée de la Numidie, le droit
cas qu'il s'agisse duue affaire criminelle. Si d'avoir son primat ou métropolitain. Le dix-
c'est une affaire civile, il veut qu'on leur fasse huilième enjoint aux évêques d'instruire ceux
perdre ce qu'ils auront gagné. Il ajoute que qu'ils ordonnent des canons des conciles, afin
si la sentence des premiers juges ecclésias- qu'ils n'y contreviennent pas par ignorance.
tiques se trouve inQrmée par un jugement Il défend de donner l'eucharistie aux morts, ,8.

supérieur, cela ne portera aucun préjudice les cadavres ne pouvant ni boii'e ni manger,
aux premiers juges, à moins qu'ils ne soient comme aussi de baptiser les hommes qui
convaincus d'avoir jugé par passion ou de sont morts •*.
11 renouvelle le canon du con-

i
Si luis episcopus in reatum aliquem incurrerit, quam constitutum est, non liceal provocari. Can. 15,
et fuerit einimin nécessitas non posse plurimos con- pag. 1056.
gregare : ne in crimine rémanent, a duodecim episco- 3 Item placuit ut episcopi, presbyteri et diaconi non

pis, et presbyter a sex episcopis cut)i proprio suo epis- sint conductores, aut procura tores, tieque ullo iurpi
copo audialur, et diaconus a trihns. Can. 12, p. lOoC. negotio et victum qucerant, quia respicere
inhonesto
* Placuit ut quisquis episcoporum, presbyterorum et debent scriptum esse : Nullus luilitans Deo implicat
'liaconorum, seu clericorum, cum in Ecclesia ei fuerit se negotiis saecularibus. Item placuit ut lectores cum
crimen institutum, vel civiliscausa fuerit commota, ad annos pubertaiis pervenerint, cogantur aut uxores
si relicto ecclesiastico judicio, pufilicis judiciis pur- ducere, aut continentiam profiteri. Item placuit ut cle-
gari voluerit, etiumsi pro ipso fuerit prolala senten- ricus, si commodaverit pecuinam, accipiat, si speciem,
tia, locum suum amittat ; et hoc in critninali actione : quantum dederit accipiat : et ut ante viginti quinque
JH civili vero perdat quod evicit, si locwn suum obti- annos cetatis nec diaconi ordinentur, nec virgines con-
nere maluerit. Hoc etiam placuit, ut a quibuscumque secrentur; et ut lectores populum non salutent. Cau. 16,
judicibui ecclesiasticis ad alios judices ecclesiasticos, pag. 1057.
ubi est major auctoritas, fuerit provocalum : non eis * Placuit ut corporibus defunctorum Eucharistia
obsit, quorum fuerit soluta sententia, si coniinci non non detur; scriptum est enim Accipite et édite. Ca-
:

potuerint, vel inimico animo judicasse, vel aliqua cu- davera autem nec accipere possunt, nec edere : et ne
vidate aut gratia depravati. Sane si ex consensu par- jam mortuos homines baptizari facial presbyterorum
tium electi fuerint judices, etiam a pauciore numéro ignavia. Can. 17, pag. 1051.
,

566 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.


cile de Nicée touchant la célébration annuelle devait appeler six évêques voisins, et trois
des conciles provinciaux, atin que les causes seulement pour juger celle d'un diacre. A
ecclésiastiques ne soient point négligées, ce l'égard des autres clercs, il en laisse le juge-
qui ne se pourrait faire qu'au détriment des ment à l'évêque seul. Dans le vingt et unième can. 21

peuples. il est défendu aux des clercs d'épouser


fils

Voici ce qu'on lit dans le dix-neuvième '


: des femmes hérétiques ou païennes. Le vingt- 22.

« Celui qui accuse un évêque, le déférera au deuxième fait défense aux évêques
aux et
primat de la province, qui citera l'accusé à clercs de donner leurs biens à ceux qui ne
comparaître dans un mois devant lui et de- sont pas chrétiens catholiques, quand même
vant les juges choisis à cet effet; pendant ce ils seraient leurs parents.
temps l'évêque accusé ne sera point privé de Le vingt-troisième défend aux évêques 23.

la communion au bout du mois de la cita-


; d'Afrique de passer la mer sans l'avis du
tion, s'il allègue de quoi s'excuser de n'avoir primat de chaque province, de qui ils doivent
point comparu, on lui donnera encore un recevoir une lettre formée, ou de recom-
mois de délai; s'il ne comparaît pas à cette mandation. On trouve dans le vingt -qua- ^''^

seconde citation, il demeurera séparé de la trième le catalogue des divines Ecritures,


communion jusqu'à ce qu'il se soit justifié ;
attribué aussi au concile
de Carthage de
et ne ^ient pas ensuite au concile général,
s'il l'an 397, et entièrement conforme à celui
afin que sa cause y soit jugée, il sera censé qui est aujourd'hui en usage dans l'Eglise.
s'être condamné lui-même.» Quant à l'accu- Les évêques ^ disent aussi à la fin de ce ca-
sateur, le canon déclare qu'il ne doit point non qu'ils ont appris de la tradition de leurs
être séparé de la communion, s'il comparaît pères que les livres marqués dans ce cata-
à tous les jours marqués mais que s'il se re- ; logue doivent être lus dans l'Eglise, et quil
tire, il en sera privé, sans néanmoins que faut en envoyer la teneur à l'évêque Boniface
cela lui ôte le pouvoir de poursuivre le pro- et aux autres évêques d'Italie, afin qu'ils le
cès. Mais il défend d'admettre pour accusa- confirment. Le vingt-cinquième renouvelle ^^'^

teur une personne notée, à moins que ce ne la loi du célibat pour les évêques, les prê-
soit pour ses propres intérêts qu'elle forme tres et les diacres, et l'étend jusqu'aux sous-
une accusation, pourvu que ce ne soit pas diacres '. Quant aux autres oiercs, il ne veut
en matière ecclésiastique. point qu'on les y oblige, s'ils ne sont dans
Le vingtième prescrit les mêmes forma- un âge plus mûr. Il est défendu par le ^*

lités et les mêmes détails pour les prêtres et vingt-sixième de vendre * les biens de l'E-
les diacres accusés, avec cette différence que glise, sans la permission du primat de la
l'évêque pour juger la cause d'un prêtre province, si ce n'est en cas de nécessité pres-

Çuisquis episcopum accusatur, ad primaiem pro-


1 arguendum non admittatur, nisi proprias causas, non
causam déférât accusatnr, nec a commii-
viticiœ ipsius tamen ecclesiasticas, asserere voluerit. Can. 19, pag.
nione suspendntur, cuicrimen intendi1ur,nisi ad cau- 1060.
sam suam dicendam elcctorum judicum die stahita 2 Hoc etiam fratri et consacerdoti nostro Bonifacio.
liiteris evocatus minime ocurrerit, hoc est infra spa- vel aliis earum partium episcopis, pro confirmando
tium mensis ex ea die qua eum litteris accepisse cons- isto cannne innotescitt, quia a Patribus ista accepimus
titerit. Quod
alignas veras necessitatis causas pro-
si in Ecclesialegenda. Can. 24, pag. 1061.
baverit, quitus eum occurrere non potuisse manifes- Placuit quod et in diverso condlio firmatum est,
3

tum causœ dicendœ intra alterum mensem inte-


sif, ut suhdiaconi qui sacra mysteria contrectant, et dia-
gram haheat facuUatem ; verum tamdiu post mensem coni et presbgteri, sed et episcopi secundum priora
secundum non communicet, donec purgetur. Si autem statuta etiam ab uxoribus se contineanf, ut tnnqunm
ad concilium universale anniversarium occurrere no- non kabentes videantur esse. Quod nisi fecerint,nb ec-
luerit, ut vel ibi causa ejus terminetur i se in se .-
clesiastico removeantur officio. Cœteros autem clericos
damnationis sentenfiam dixisse judicetur, iempore ad hoc non cogi. nisi mafuriori œtate. Can. 25, ibid.
sane, quo non communicaf, nec in sua Ecclesia, vel pa- * Placuit ut resn Ecclesiœ nemo vendat quod si :

roecia communicet. Accusator autem ejus , si nunquam reditus non habet, et aliqua nimia nécessitas cogit,
diehus causœ dicendœ defuerii, a communione non re- hoc insinuandum esse primati provinciœ ipsius, ut
nioveaiur. Si vero aliquando defuerit subsfrahens se, eum statuto numéro episcoporum, utrum faciendum
resfiluto in communione episcopo, ipse removeatur a sit arhitretur. Quod si tanta urget nécessitas ut non
communione accusator : ita tamen ut nec ipsi facul- possit ante consul ère , saltem vicinos testes convocet
tas causœ peragendœ adimatur, si se ad diem occur- episcopos, curans ad cnncdium omnes referri suœ Ec-
rere non noluisse, sed non potuisse probaverit. Placuit clesiœ nécessitâtes : quod si non fecerit, reus Deo et
illud vero, ut eum a gère cœperit in episcoporum ju- concilia venditor, honore amisso teneatur. Can. 26,
dicio , si fuerit accusatoris persona culpabilis, ad ibid.
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XLl. — DU CONCILE DE CARTHAGE. 567
santé ; et alors il veut que l'évêque prenne ques, les prêtres, les diacres et tous autres
conseil de ses collègues les plus voisins, et clercs qui, ne possédant rien lors de leur or-
qu'il ait soin de faire un rapport au concile dination, ont depuis acquis des fonds de terre
de tous de son Eglise, le tout
les besoins en leur nom, si, en étant avertis, ils n'en font
sous peine d'être privé de l'honneur de sa pas une donation à l'Eglise. Mais il leur ac-
dignité. Le vingt-septième porte que si un ' corde la disposition du bien qui leur sera
prêtre ou un diacre sont convaincus de quel- donné par quelqu'un ou qu'ils auront hérité
que crime considérable qui oblige à les éloi- de leurs parents, pourvu qu'ils en disposent
gner du ministère, on ne leur imposera pas d'une manière conforme à leur état. Il est
les mains, comme on faisait à ceux qui défendu dans le trente-troisième aux prêtres can. 33

étaient mis en pénitence publique, ou comme de vendre le bien de l'Eglise sans le consen-
à des fidèles laïques ; et qu'on n'élève point tement de l'évêque, et à l'évêque sans l'aveu
au degré de la cléricature ceux qui auront du concile ou de ses prêtres. Il ne veut pas
été rebaptisés. Le vingt-huitième défend aux même que le primat s'approprie quelque
prêtres, aux diacres et aux autres clercs in- chose de ce qui appartient à l'Eglise ma-
férieurs qui ne seront point contents du ju- trice.
gement de leur évêque, de cbercher des ju- Ce sont là les canons faits ou renouvelés
ges au-delà de la mer et bors de l'Afrique ;
par les deux cent dix-sept évêques qui as-
mais il leur permet de porter leur cause de- sistèrent au concile de l'an 419, que l'on Tora. Il
il., pag.
vant les évêques voisins, néanmoins avec le appelle ordinairement le sixième de Car- iôëj

consentement de leur propre évêque et au ;


thage ^. On lut aussi dans cette même ses-
cas qu'ils ne fussent point contents de leur sion cent cinq canons de dix-sept conciles
jugement, d'en appeler ou au métropolitain, précédents, dont le premier est celui d'Hip-
ou au concile universel. Le vingt-neuvième pone en 393, et le dernier celui de Cartbage
porte que celui-là s'est condamné lui-même tenu le premier mai 4! 8 de ces dix-sept
:

qui, étant excommunié pour avoir négligé de conciles il y en a quatre que nous ne con-
comparaître, ne laisse pas de communiquer naissons que par ce qui en est rapporté en
avant que d'avoir été entendu. Il est marqué cet endroit, savoir: celui de Cartbage du 26
dans le trentième que si l'accusateur ^ a juin 394, où il fut résolu d'envoyer des évê-
quelque cbose à craindre dans le lieu de ques de la Proconsulaire au concile d'Adru-
l'accusé, de la part d'une multitude témé- met; celui de Cartbage du 26 de juin de l'an . II

raire, pourra choisir un endroit voisin


il 397, où il fut ordonné qu'un évêque ne pas- losi

où il ne lui soit pas difficile de produire ses serait pas la mer sans une lettre formée de
témoins. Le trente et unième ^ prive du mi- son primat ce canon avait déjà été fait dans
:

nistère de leur grade les clercs qui refusent le concile d'Hippone en 393, et c'est sous ce
d'être élevés par leur évêque à un degré su- titre qu'il est cité dans le concile de Cartbage

périeur, dans le cas de nécessité. Le trente- du vingt-huitième août 397 celui de Car- ;

deuxième * veut qu'on regarde comme dé- tbage du quinzième juin 409, qui défendit à i°°a

tenteurs injustes du bien de l'Eglise, les évê- un évêque d'entreprendre de juger seul. Les

* Confirmatum est ut si quando presbyteri vel din- pore episcopatus vel clericatus sui, agros vel qucecum-
coni in aliqua gravioîi culpa convicti fuerint, qua eos que pradia nomine suo comparant, tanquam rerum
a ministerio necesse sit removeri, non eis manus fan- dominicarum invasionis crimine teneantur , nisi ad-
quam vel tanquam fidelibus laicis im-
pœnitentibus, moniti in Ecclesiaot eadem ipsa contulcrint. Si au-
ponatur neque permittendum ut rebaptizati ad cle-
: tem ipsis proprie aliquid liberalitate alicujus vel
ricalus gradum promoveantur Caii. 27, pag. 1064.
. successione cognationis obvenerit, facianf inde quod
* Plaçait ut accusator in eo loco unde est ille qui eorum proposito congruit : quod si a suo proposito
nccusatur, si metuit aliquam vint tcmerariœ multitu- retrorsum exorbitaverint, honore ecclesiastico indigni,
dinis, locum sibi eligat proximum, quo tion sit diffi- tanquam reprobi, judicentur. Can. 32, ibid.
cile testes producere, ubi causa finiatur. Cai). 30, !»
Ou a retrouvé une très-courte lettre du pape
pag. 1064. Boniface, aux trois légats, en Afrique, pour les féli-
3 Placuit ut quicumque clerici vel diaconi pro ne- citer de la bonne intelligence quils y avaient réta-
cessitutibus Ecclesiurum non obtemperaverint episco- blie et leur demander de plus amples renseigne-
ad honorera umplioreni in sua
pis suis, volentibus eos ments. D'après celte lettre, qui est du 26 avril 419,
Ecclesia promovere, nec illi ministrent in gradu suo, on voit que les différends antérieurs avaient été
unde recedere noluerunt. Can. 31, ibid. conciliés. Mausi, Concil., tom. IV, col. 431. [L'édi-
*Placuit ut episcopi, presbyteri, diaconi vel qui- teur.)
cumque clerici, qui nihil habentes ordinantur, et tem-
568 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
autres conciles et les canons que l'on y fit Le quatrième déclare que ceux qui ne peu-
sont connus d'ailleurs. vent accuser, ne peuvent non plus être té-
6. Le trentième du même mois de mai moins*; que l'accusateur ne peut produire
419, les évêques s'assemblèrent dans la sa- des témoins de sa maison, ni qui soient au-
cristiede la basilique nommée Restituée et , dessous de quatorze ans. Le cinquième ajoute
Faustin de Potentia fut encore présent à cette que si un évêque dit que quelqu'un lui a con-
séance avec les autres légats de l'Eglise ro- fessé un crime à lui seul, et que l'autre le
maine, Pbilippe et Asellus. On y termina di- nie ^, l'évêque ne doit pas trouver mauvais
verses affaires dont nous n'avons point de s'il et que s'il dit
n'en est pas cru tout seul ;

connaissance. Mais comme il restait encore que sa conscience ne lui permet pas de com-
beaucoup à examiner, plusieurs évêques re- muniquer avec l'accusé, les autres évêques
présentèrent qu'étant pressés de s'en retour- ne communiqueront point avec cet évêque ,

ner à leurs Eglises, il fallait choisir des com- afin qu'un évêque se donne de garde d'a-
missaires pour terminer les affaires qui res- vancer contre des personnes quelques re-
taient encore. On en nomma vingt-deux, dont proches dont il ne pourrait les convaincre.
les plus célèbres sont Vincent de Culuse pour Ce dernier canon est partagé en deux dans
la Proconsulaire, saint Augustin, saint Âly- la Collection africaine; ce qui fait que l'on en
pius et Possidius pour la Numidie, Jocundus compte six; le Père Labbe n'en met que
de Sutfétule pour la Byzacène, et Novat de cinq. Tous les évêques souscrivirent, le légat
Stèfe pour sa province. Le même jour les Faustin après Aurèle de Carthage. Celui-ci 1. U
Conci
évêques du concile trouvèrent à propos d'a- conclut la séance en disant qu'on enregistre- 1136.

jouter six canons à ceux qu'on avait lus, pour rait tous les canons rapportés et tout ce qui
déterminer les personnes qui ne pouvaient s'était passé ce jour-là. Il remit au lendemain
être admises à accuser un ecclésiastique. Le la réponse qu'on devait faire au pape Boni-
premier défend de recevoir pour accusateur face. Elle est au nom du concile.
celui qui, après avoir été excommunié *, n'est 7. Aurèle de Carthage; Valentin, primat de Lettre sy-

pas encore délivré de cette censure, soit qu'il Numidie, et les autres deux cent dix-sept Bo-
niface , t

soit clerc ou laïque. Le second ne veut pas évoques, après y avoir marqué au pape Bo- n Cun
pag. 1137
que l'on reçoive pour accusateurs les escla- niface combien ils avaient eu de peine à ter-
ves, les affranchis et les personnes infâmes-, miner, quoique sans altérer la charité, les
comme les farceurs et les comédiens, non affaires dont il était question dans le mémoire
plus que les hérétiques, les païens et les instructif que Zosime leur avait communiqué
juifs. Il est dit néanmoins dans ce canon par ses légats, viennent à celle d'Apiarius,
que toutes ces sortes de gens-là pourront dont l'ordination et l'excommunication pro-
accuser dans leur propre cause et pour leur duisirent tant de scandale dans toute l'Afri-
intérêt particuher. Le troisième porte que si que; et disent qu'elle avait été du commun
l'accusation contient plusieurs chefs 3, et que consentement des parties ce prêtre ayant ,

l'accusateur ne puisse prouver le premier, il demandé pardon de ses fautes, et Urbain,


ne sera point admis à proposer les autres. évêque de Sicque, n'ayant point fait de diffi-

1 Placuitque ,
quoniam superioribus conciliorum quo prias egerit, probare non valuerint, ad cœtera
decretis de personis. qiiœ admittendœ sunt ad accusa- jam non admittantur. Can. 3.
tionem clericorum, jam constitutum est, et quœ per- * Testes autem ad testimonium non admittendos,
sonœ non admittantur^ jam expressum non est : id- qui nec ad accasationem admitti prœcepti sunt, vel
circ.o definimus eum rite ad accusa fiotiem non admitti, etiam quos ipse accusator de domo sua produxerit.
qui postea quam excommunicatus fuerit, in ipsa ad/iuc Ad testimonium autem , infra annos quatuordecim
excommunicatione consiitutus, sive sit clericus, sive œtatis suce non admittantur. Can., pag. 1604.
laicus, accusare voluerit. Can. 1, pag. 1G04. 5 si quando episcopus dicit aliquem
Item plaçait ut
* Item plaçait ut omnes servi, vel proprii liberti sibi soli proprium crimen fuisse confessum, algue ille
ad accusalionem non adtnittantur, vel omnes, quos ad neget; non palet ad i»juriam suam episcopus pertinere,
accusanda publica crimina leges publicœ non admit- qaod illi soli non creditur et si scrupulo propriœ
:

tunt. Omnes etiam infamiœ maculis aspersi, id est, coriscientiœ se dicit neganti nolle communicare, quam-
hisiriones, ac turpitudinibus subjectœ personœ, hœre- diu excommunicato non communicaverit suas episco-
tici etiam, sive judœi. Sed tamen omnibus, quibus pus, eidem episcopo ab aliis non commanicetur epis-
accusatio denegatur, in causis propriis accusandi li- copis, ut magis caveat episcopus, ne dicat in quem-
centia non est deneganda. Can. 2, pag. 1004. quam, quod aliis documentis convincere non potest.
3 Item plaçait, quotiescumque clericis ab accusato- Et subscripserant. Can. 5, ibid.
ribus multa crimina objiciuntur, et unum ex his, de
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — CONCILES DE RAVENNE, DE CARïHAGE, ETC. )t)9

culte de corriger ce qu'il pouvait y avoir de plaires apportés de ces illustres Eglises de la
défectueux dans sa procédure contre Apia- Grèce, qui se trouveront conformes, puisque
rius: «Nous avons donc, ajoutent-ils, rétabli c'est dans la Grèce que le concile de Nicée a

Apiarius dans la communion et dans le sa- été assemblé. Nous promettons en attendant
cerdoce. Mais parce qu'il fallait pourvoir à d'observer ce qui nous a été allégué dans
la paix et au repos de l'Eglise, non-seule- l'instruction de vos légats touchant les appel-

ment pour le présent, mais pour l'avenir, lations des évêques à l'évêque de l'Eglise
nous avons ordonné qu'il fût ôté de l'Eglise romaine, et le jugement des clercs devant
de Sicque, gardant l'honneur de la prêtrise, les évêques de leurs provinces. A l'égard

et qu'il reçiit une lettre en vertu de laquelle des autres choses qui se sont passées dans
il exercerait les fonctions de son ministère notre concile, ou qui y ont été confirmées,
partout où il voudrait et où il pourrait. » Ils nos frères Faustin, évêque; Philippe et Asel-
marquent qu'Apiarius avait lui-même de- lus, prêtres, en emportent les actes, par où

mandé cette grAce par une requête, et qu'on vous pourrez les apprendre ^. » Ces légats
la lui avait accordée aussitôt. Ensuite ils di- se chargèrent aussi de la lettre du concile
sent quelque chose de la lettre qu'ils avaient pour le pape Boniface.
écrite l'année précédente touchant l'instruc- 8. 11 y en eut une autre du même concile à Aiilres let-
tres dii sixiè-
tion donnée aux légats par le pa])e Zosime saint Cyrille, évêque d'Alexandrie, dont le me concile de
;
Car h a se
t

prêtre Innocent fut porteur; et une à Atlicus


,

puis ils ajoutent « Nous demandons que


:
lom. II Con-
cil., p. tlU.
Votre Sainteté nous fasse observer ce qui a de Conslantinople, qui lui fut rendue par le
été ordonné au concile de Nicée, et que vous sous-diacre Marcel. C'était pour les prier
fassiez pratiquer chez vous ce que ces légats d'envoyer des copies authentiques des ca-
ont apporté dans leur instruction c'est-à- ,
nons du concile de Nicée. Les évêques d'A-
dire les deux canons du concile de Sardique. frique consultaient encore saint Cyrille sur

dont l'un permettait aux évêques d'appeler la fête de Pâques de l'année suivante. On ne

à Rome , et l'autre voulait que les prêtres sait point s'ils firent une députation à Antio-

fussent jugés par les évêques de leur pro- che mais on n'en a point de réponse; nous
:
ibid.p.uu

vince. Si ces dispositions, continuent-ils, se avons celles de saint Cj-riile et d'Atticus, qui
trouvent dans les canons de Nicée, et obser- firent l'un et l'autre délivrer des copies fidè-

vées chez vous en Italie, nous ne voulons les du concile de Nicée. Elles furent envoyées

plus en faire mention, et ne nous défendons au pape Boniface le 26 de novembre de la


pas de les observer nous-mêmes. Mais s'il y même année 419, par ceux mêmes qui les
a autrement dans les canons de ce concile, avaient apportées en Afrique, Innocent et
nous croyons avec la miséricorde de Dieu
,
Marcel.
,

que tant que vous présiderez à l'Eglise ro- ARTICLE VII.


maine,'"nous ne souffrirons plus cette vexa-
tion, et que l'on nous traitera suivant la des conciles de ravenne [419], de carthage
charité fraternelle, que vous connaissez si [421, 426], d'hippone [436], de constanti-
bien selon la sagesse et la justice que le NOPLE [426, 429], d'Egypte et de rome [430].
Très-Haut vous a donnée. » Ils témoignent
néanmoins douter toujours que ces deux ca- 1. Après la mort du pape Zosime, arrivée Concile de
Rave nue, en
nons fussent du concile de Nicée, et ne dis- le 26 décembre de l'an 41 8, il y eut de grandes 419.

simulent pas qu'ils écrivaient en Orient pour contestations dans le clergé de Rome, au su-
avoir les véritables canons de ce concile. jet d'un successeur; les uns choisirent le

« Nous vous prions même, disent-ils à Boni- prêtre Boniface, les autres l'archidiacre Eu-
face, d'écrire aux évêques d'Alexandrie et lalius ce qui causa un schisme dans l'Eglise
,

de Conslantinople et aux autres qu'il vous romaine. L'empereur Honorius en ayant pris
plaira,de nous envoyer les canons de Nicée. connaissance, et voulant le terminer, convo-
Car qui peut douter de la vérité des exem- qua à Ravenne plusieurs évêques de diverses

1 Ou voit, par la lettre des évêques, qii'ils étaient l'observation de canons très-légitimes, qu'ils ne de-
péniblemeut afîectés. Il est possible que le légat vaient pas ignorer. On explique leur ignorance parce
Faustiu y fût pour quelque chose^ eu agissant d'une que les donatistes avaient substitué le faux concile
manière peut-être trop impérieuse; mais la princi- de Sardique à la place du véritable. Robrbacher,
pale faute en aux évêques d'Afrique eux-mê-
était Histoire ecclésiastique de l'Eglise catholique, tom. VII,
mes ; car, après tout, le Pape ne leur demandait que pag. 553 de la troisième édition. (L'éditeur.)
570 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
provinces. Ils s'y assemblèrent en concile et * , avouer. Marguerite confessa la première et ,

il y d'abord ordonné^ avec l'agrément de


fut Eusébie, qui, interrogée séparément, avait
ce prince, que les évèques qui avaient assisté prétendu être vierge, fut convaincue par Mar-
et souscrit aux deux ordinations contestées, ne guerite de ne l'être pas. 11 est marqué dans
seraient reçus ni comme juges ni comme té- les actes qu'elle fut Adsitée par une sage-
moins. Cette précaution paraissait nécessaire, femme, comme elle l'avait demandé. Possi-
dans la crainte qu'il y avait qu'au lieu de ren- dius dit qu'on écrivit tout ce qui fut répondu
dre un jugement, ils ne confirmassent celui dans cette procédure de la part des mani-
qu'ils avaient porté, les uns en faveur de Bo- chéens; à quoiil ajoute que le zèle et la vigi-

niface, les autresen faveur d'Enlalius. Le lance des évêques en celte rencontre donnè-
concile se trouva néanmoins trop
divisé pour rent de nouveaux accroissements au troupeau
terminer le différend qui l'avait assemblé ;
du Seigneur et tle nouvelles armes pour le
comme la fête de Pâques approcbait, car elle défendre conti-e les voleurs et les loups.
tombait, en 419, au 30 mars, et le concile se 3. Apiarius, qui n'avait été rétabli dans le
tenait dans le mois de février, l'empereur, sacerdoce qu'cà condition de quitter l'Eglise

de des évêques et du consentement des


l'avis de Sicque et de se retirer ailleurs s'en alla, ,

parties, ordonna que Boniface et Eulalius ce semble, à Fabraca, ville dans la Procon-
sortiraient de Rome, et n'y rentreraient pas, sulaire ^. Mais les nouveaux crimes dont il
de peur qu'ils n'occasionnassent quelque sé- s'y souilla obligèrent les habitants de le pour-
ditionparmi le peuple, et qu'Achille, évêque suivre. Il fut privé de la communion, et, au
de Spolète, qui n'avait pris aucun parti dans lieude travailler à sa justification, il partit
cette affaire , célébrerait à Rome les saints pour Rome, feignant d'avoir appelé au pape.
mystères pendant les fêtes de Pâques. Ce- Le pape Célestin l'entendit, et, ajoutant foi à
pendant Honorius, pensant toujours à termi- ses paroles, le rétablit dans la communion et
ner ce difierend dans un concile, en indiqua le renvoya en Afrique avec l'évêque Faustin,
un pour le l" mai où il appela les évêques
, qui y avait déjà été comme légat du pape
de l'Italie, de l'Afrique et des Gaules, leur Zosime. Il écrivit en même temps deux lettres
envoyant à cet effet une lettre d'invitation. aux évêques d'Afrique, dans lesquelles il leur
Mais la témérité d'Eulalius empêcha la tenue témoignait sa joie d'avoir vu Apiarius et de
de ce concile, car étant entré dans Rome dès l'avoir trouvé innocent. A son arrivée les ,

le !8 mars, et ayant occasionné de l'émotion, évêques d'Afrique s'assemblèrent à Carthage


il fut obligé d'en sortir par un rescrit de l'em- et y tinrent un concile universel. Mais de tous
pereur, daté du 25 du même mois, et Boni- ceux qui s'y rendirent, nous n'avons les noms
face eut la liberté d'y rentrer pour y prendre que de quinze. Aurèle de Carthage et Valen-
le gouvernement de l'EgUse. tin primat de Numidie
,
présidèrent à cette ,

fouciie de 2. Possidius 2 met une assemblée d'évéques assemblée. Apiarius s'y présenta avec Faus-
canhage, en
^ Carthage, vers l'an 421. Saint Augustin en tin; mais ce dernier, faisant plutôt le person-
dit aussi quelque chose dans son livre des nage d'avocat que de juge, s'opposa à tout le
Hérésies. Voici ce que nous en savons Un : concile d'une manière injurieuse, sous pré-
tribun, nommé Ursus, qui avait été employé texte d'établir les privilèges de l'Eglise ro-
par l'empereur Honorius à la démolition du maine. Car il voulait que les évêques d'.^frique
temple de Céleste, à Carthage, en 421 trouva , reçussent à leur communion Apiarius, parce
le moyen d'arrêter en cette ville quelques-uns que pape l'avait rétabli, croyant qu'il avait
le

de ceux que les manichéens appelaient leurs appelé, ce que toutefois il ne put prouver. Les
élus, hommes et femmes, entre autres une évêques demeurèrent fermes, et quand, après
fille nommée Marguerite, qui n'avait pas en- trois jours de contestations, on vint à exami-
core douze ans, et Eusébie, une de leurs pré- ner les crimes infâmes dont Apiarius était
tendues vierges. 11 amena à l'église ces élus, accusé et dont Faustin voulait le justifier, ce
où ils furent interrogés par divers évèques, prêtre, pressé des remords continuels de sa
du nombre desquels était saint Augustin, qui, conscience, avoua tout d'un coup les crimes
plus au fait que les autres des abominations dont on l'accusait, qui étaient si effroyables,
de cette secte, obligea ces hérétiques de les que les assistants ne les purent entendre sans

' Baluz., toru. I Concil., pag. 369. Voyez ci-dessus, * Possid., in Vit. August.. cap. xvi, et August.,
pag. 6. Hceres. 46. — » Tom. Il Concil., pag. 1146 et 1148.
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — CONCILES DE IIAVENNE, DE CARTHAGE, ETC.
en gémir. Faustin, sou avocat, fut obligé de seur d'heureuse mémoire. Au reste, qui que
céder ci l'évideuce de la vérité, et Apiariiis, ce soit qui vous prie d'envoyer de vos clercs
privé du miuislère ecclésiastique et re- pour exécuter vos ordres, nous vous prions
tranché absolumeut du corps de l'Eglise '. de n'en rien faire, de peur qu'il ne semble
Cette affaire terminée de la sorte, les évêques que nous introduisions le faste de la domina-
du concile en envoyèrent les actes au pape tion séculière dans l'Eglise de Jésus-Christ,
Célestin, avec une lettre synodale - où ils le qui doit montrer à tous l'exemple de la sim-
conjurent de ne plus admettre à sa commu- plicité et de l'humilité. Car, pour notre frère

nion ceux qu'ils auraient excommuniés, puis- Faustin, puisque le malheureux Apiarius est
qu'il ne le pouvait faire sans contrevenir au retranché de l'Eglise, nous nous assurons sur
concile de Nicée. « Si cela, ajoutent-ils, y est votre bonté que sans altérer la charité fra-
,

défendu à l'égard des moindres clercs ou des ternelle, l'Afrique ne sera plus obligée de le
laïques, combien plus a-t-il entendu qu'on soutfrir ^. »

l'observât à l'égard des évêques? Ceux donc 4. On mot quelquefois au rang des conciles Concile
d'dippone «a
à qui la communion est interdite dans leurs l'assemblée où saint Augustin pourvut à son
provinces, ne doivent pas être rétablis par successeur *. Elle se fit dans l'église de la

Votre Sainteté prématurément et contre les Paix, Hippone, le 26 septembre de l'an 426.
.1

règles; vous devez rejeter les prêtres et les Il y avait avec lui deux autres évêques, Re-
autres clercs qui ont la témérité de recourir ligien, Martinien; et sept prêtres, Saturnin,
à vous; car aucune ordonnance de nos pères Léporius Barnabe Fortunacien Rustique,
, , ,

n'a fait ce préjudice à l'Eglise d'Afrique, et Lazare et Héraclius. Le peuple d'Hippone s'y
les décrets de Nicée ont soumis au métropo- rendit en grand nombre. Alors saint Augus-
litain les évêques mêmes. Ils ont ordonné tin ayant représenté que dans l'âge avancé

avec beaucoup de prudence et de justice, que où il était, il ne pouvait espérer qu'un petit
toutes les affaires seraient terminées sur les nombre d'années; combien les Eglises sont
lieux où elles ont pris naissance, et n'ont pas ordinairement troublées après la mort des
cru que la grâce du Saint-Esprit dût manquer évêques, quand il s'agit de leur donner des
à chaque province pour y donner aux évê-
,
successeurs; que Sévère, évêque de Milève,
ques la lumière et la force nécessaires dans pour n'avoir désigné le sien que devant le
les jugements; vu, principalement, que qui- clergé, sans en avoir parlé au peuple, avait
conque se croit lésé, pourra appeler au con- occasionné quelques troubles après sa mort,
cile de sa province, ou même au concile uni- ajouta « Afin donc que personne ne se plaigne
:

versel, si ce n'est que l'on croie que Dieu de moi, je vous déclare à tous ma volonté,
peut inspirer la justice à quelqu'un en parti- que je crois être celle de Dieu je veux que :

culier, et la refuser à un nombre infini d'é- le prêtre Héraclius soit mon successeur. Le

vêques assemblés. Comment le jugement peuple approuva ce choix avec de grandes


d'outre-mer pourra-t-il être sûr, puisque l'on acclamations, et les notaires de l'Eglise en
ne pourra pas y envoyer les témoins néces- dressèrent un acte. Toutefois saint Augustin,
saires, soit à cause de la faiblesse du sexe ou pour ne point contrevenir au concile de Ni-
de l'âge avancé, soit pour quelqu'autre em- cée, auquel il avait contrevenu lui-même par
pêchement? Car d'envoyer quelqu'un de la ignorance, s'étant laissé consacrer évêque du
part de Votre Sainteté, nous ne trouvons au- vivant de Valère sou prédécesseur, voulut
,

cun concile qui l'ait ordonné. Pour ce que qu'Héraclius demeurât dans l'ordre de prê-
vous nous avez envoyé par notre confrère tre, en se déchargeant néanmoins sur lui de
Faustin, comme étant du concile de Nicée, tout le poids de ses occupations, et en priant
nous n'avons rien trouvé de semblable dans le peuple de s'adresser à Héraclius dans toutes
les exemplaires les plus authentiques de ce les affaires qui surviendraient, afin qu'il les
concile, que nous avons reçus de notre con- terminât par ses lumières, ou qu'il eût re-
frère l'évêque d'Alexandrie, et du vénérable cours à lui comme à son père, quand il le
Attirus de Constantinople, et que nous avons jugerait nécessaire.
envoyés ci-devant à Bouiface, votre prédéces- 5. Après la mort d'Atticus, évêque de Cons- Concile de
ConsUDtino -
pie, en 426.

» Tom. II Concil., pag. 1149. — * Ibid. 1148. * August., Episf. 213, et tom; I Concil. Baluz..
3 Voyez l'article de saLat Célestin, ci-dessus, p. 127, pag. 371.
note 2. (L'éditeur.)
, ,

572 HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.


tantinople, arrivée le 10 octobre 425, il y eut fit venir un étranger , natif de Germauicie
de grandes disputes touchant l'élection de nommé Nestorius. 11 avait été baptisé et élevé
son successeur '. Sisinnius, quoique moins à Antioche, et fait les fonctions de catéchiste,
éloquent que Philippe et Proclus, sur qui expliquant la aux compétents, et la défen-
foi
beaucoup de personnes jetaient les yeux dant contre les hérétiques. La manière dont
leur fut néanmoins préféré parce qu'il s'é- , il s'acquitta de cet emploi lui attira une grande

tait rendu célèbre par sa piété par sa chas- , réputation de doctrine et d'éloquence. Il pas-
teté et par sa charité envers les pauvres. Il sait même pour avoir beaucoup de vertu. Mais
fut ordonné le 28 février de l'année suivante la conduite qu'il tint depuis qu'il eut été fait

426, par un grand nombre d'évêques que évêque etlaça bientôt la bonne opinion qu'on
,

l'empereur Théodose avait assemblés pour avait conçue de lui. Le prêtre Philippe et
ce sujet, entre lesquels était Théodote d'An- beaucoup d'autres du clergé et du peuple re-
tioche. Sisinnius donna dès ce moment des noncèrent à sa communion, après l'avoir re-
preuves de son zèle pour la conservation de pris hautement des erreurs qu'il enseignait.
la foi catholique. Car il écrivit, conjointement Nestorius, pour s'en venger, fit accuser Phi-
avec tous cesévêques,une lettre à Bérinien, lippe par Célestius ^, disciple de Pelage, qui
métropohtain de Perge, en la seconde Pam- était alors àConstantinople.Célestiusprésenla
philie 2, à Amphiloque de Side ^, métropoli- donc une requête où il accusait Philippe de
tain de la première Pamphilic, et aux autres manichéisme. 11 était défendu, par les canons,
évèques de la même province, contre l'hé- à un excommunié tel qu'était Célestius, d'ac-
résie des messaliens, qui s'y était répandue cuser un prêtre. Mais Nestorius, passant par-
dès la fin du iv® siècle. On rapportait et on dessus des règles cita Philippe devant l'as-
,

confirmait, ce semble, dans cette lettre, le semblée de son clergé. Philippe ne fit aucune
sentiment de l'évêque Néon, qui, au rapport difficulté de comparaître, prêta rendre raison

de Photius, voulait que si quelqu'un, àl'ave- de sa foi et à répondre aux chefs d'accusation
nir, était convaincu, par paroles ou par effet, formés contre lui. Mais Célestius, qui n'avait
d'être suspect de cette hérésie, il fût déposé, aucune preuve de ce qu'il avait avancé, n'ayant
quelque promesse qu'il fit d'accomplir sa pé- osé se présenter devant le concile, Nestorius
nitence; et que celui qui le recevrait, soit demanda à Philippe " pourquoi il avait tenu
évêque ou autre, se mettrait lui-même en des assemblées particulières et ottcrt le sa-
danger de perdre sa dignité. C'est tout ce que crifice dans sa maison. Tous les ecclésiasti-

nous savons de ce concile dont les actes , ques qui étaient présents, se déclarèrent pour
furent lus, approuvés et confirmés dans celui Philippe, protestant qu'il n'yavait aucun d'eux
d'Ephèse *. qui ne célébrât ainsi dans les maisons parti-
6. Sisiuniusn'occupapaslongtempslesiége culières lorsque l'occasion et la nécessité le
constuntino - épiscopal do Constantinople, étant mort le 24 demandaient. Nestorius, sans avoir égard à
ou*23. décembre de l'an 427. Alors les brigues re- cet usage prononça une sentence de dépo-
,

commencèrent ^, et plusieurs demandèrent sition contre Philippe.


pour évêque Philippe, d'autres Proclus, les 7. C'est ce que nous lisons dans un mé- d E-Ti^te" _
""'^••^
deux qui avaient été en concurrence avec moire que saint Cyrille d'Alexandrie donna 'I30.

Sisinnius. Proclus avait depuis été fait évêque à Possidonius, son diacre, lorsqu'il l'envoya
de Cyzique, mais ceux de Cyzique n'avaient à Rome vers le pape Célestin, en 430. Ce fut
pas voulu le recevoir. L'empereur Théodose, en suite d'un concile des évêques d'Egypte,
résolu de ne conférer l'évêché de Constanti- assemblés à Alexandrie la même année. Tous
nople à aucune personne de l'Eglise même, y avaient été d'avis qu'il fallait écrire au pape.

1 Socrat-, lib. VIT, cap. xxvi et xxvii. s Socrat., lib. VII, cap. xxix, et Baluz., tom. I

« Photius, Cod. 35, pag. 40. Concil., pag. 375.


3 Le tome LXXVIl* de la Patrologie grecque con- « Cj-rill., in Commonit.. ibid., pag. 739.
tient :une notice sur Amphiloque de Side, tirée
1° Dicebat PUilippo : c Aliguo consilio conventus fe-
de VOn'ens chrislianus ; 2" un court fragment d'une cisti et in tuisœdibus oblationem peregisti. » Cumque
lettre à l'empereur Léon contre le synode. Ce frag- omnis clerus diceref, quisque nostrum id in tempore
ment est reproduit d'après Mansi, tom. VII Concil., et data opportunitate efficit, adversus virum deposi-

col. 839. [L'éditeur.) fionis sententiam tulit. Cj'rill., in Commonit. ad Pos-


'-
Tom. m Concil., pag. 809. sid., tom. I Concil., Baluz., pag. 735.
[v<= SIÈCLE.] CHAPITRE XLI. — CONCILES DALEXANDRIE, D'ÉPHÈSE, ETC. 573

pour lui représenter les progrès que faisait ARTICLE VIII.

l'erreur de Nestorius, et combien il était né- DES CONCILES d'alexandrie [431], d'éphèse [431]
cessaire d'en prévenir les suites. Ils voulaient ET DE QUELQUES AUTRES.
aussi qu'on com-
demandât au pape s'il fallait 1. Le pape
^'^
Célestin écrivit aussi à Nesto- ^ .,
Concile
marque à Nestorius J^sphèse.c»
muniquer avec Nestorius ou se séparer ou- rius et à saint Cyrille. 11

vertement de sa communion. Saint Cyrille se que si dans dix jours, à compter depuis la riiie^'ooinm^s

chargea d'écrire à Rome sur tous ces cliefs date de cette lettre, qui était du 11 août 430, [;"» sente""

et pour mettre Célestin au fait de la doctrine et qui devait lui servir de troisième moni- t'o^us.'Tss'^m-

de Nestorius, il lui envoya ses homélies, ses tion,il ne déclare nettement et par écrit la c'ie à"ÂieM"n'-
'*"°' "" *""
lettres et des tomes divisés en chapitres, qui croyance des Eglises de Rome, d'Alexandrie
contenaient les sentiments des Pères sur l'in- et de toute l'Eglise catholique touchant Jé-

carnation. Possidonius, arrivé à Rome, con- sus-Christ, et ne condamne les nouveau-


firma de vive voix au pape ce que saint Cy- tés impies qu'il avait enseignées, il sera
rille lui marquait dans sa lettre louchant les exclu de la communion de toute l'Eglise
erreurs de Nestorius. Saint Célestin trouva catholique. Dans la lettre à saint Cyrille,
lui-même dans les lettres de Nestorius des '
le pape ^, après avoir loué son zèle et sa
blasphèmes visibles et une doctrine évidem- vigilance, et déclaré qu'il était entièrement
ment opposée à celle de l'Eglise catholique. dans ses sentiments touchant l'incarnation, le
Ses homélies ne lui parurent pas plus ortho- charge d'exécuter le jugement rendu contre
doxes, quoiqu'il y eût parlé d'une manière Nestorius par l'autorité du Saint-Siège; « en
plus embrouillée; et, ne voyant point d'autre sorle, dit-il, que si, dans l'espace de dix jours,
moyen de conserver la pureté de la foi qu'en à compter depuis cette monition, il n'anathé-
condamnant publiquement Nestorius et en se matise en termes formels sa doctrine impie,
séparant de sa communion, il assembla un et ne promet de confesser à l'avenir, touchant

concile à Rome - dans le commencement du la génération de Jésus-Christ notre Dieu, la

mois d'août de où, après l'examen


l'an 430, foi qu'enseigne l'Eglise romaine et votre ,

des lettres et autres écrits de Nestorius, il fut Eglise, et toute la chrétienté. Votre Sainteté
ordonné que si, dans dix jours de la signifi- pourvoie aussitôt à l'Eglise de Constantinople,
cation de la lettre du pape, Nestorius ne dé- et qu'il sache qu'il sera absolument séparé
clarait clairement et sans équivoque quil re- de notre corps. » Saint Cyrille, en exécution
cevait la foi enseignée dans les Eglises de de la commission du pape, assembla les évè-
Rome et d'Alexandrie,par toute l'Eglise et ques d'Egypte h Alexandrie, où, au nom de
catholique , il de la
serait dès-lors séparé ce concile , il écrivit à Nestorius une lettre
communion de l'Eglise et privé de tout le synodale pour servir de troisième et der-
^,

pouvoir qui appartient à la dignité du sacer- nière monition, lui déclarant que si, dans le
doce. Le concile menaça de la même peine terme marqué par le pape saint Célestin. il
tous ceux qui avaient suivi Nestorius dans ne renonce à ses erreurs, ils ne veulent plus
son erreur et maintint au contraire dans le
, avoir de communion avec lui et ne le tien-
ministère tous ceux que

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