Vous êtes sur la page 1sur 257

VINGTIÈME ANNÉE N° 1 PÈVBIER 1931

REVUE TRIMESTRIELLE

t.
ARTICLES :
G. Le Bras. Alger de Liège et Gratien
.......
Cerîaux. Le nom divin « Kyrios » dans la Bible Grecque. 27
5

propriété
NOTES :
.............
C Spicq. La notion analogique de Dominium et le droit de
52

...
M.-H. Laurent; La causalité sacramentaire d'après le Com-
mentaire de Cajetan sur les Sentences
A, Festugière. Notes aristotéliciennes : I. Les méthodes
77

...........
de la définition de l'âme. — IL La théorie du
Premier Moteur
BULLETINS :
G. Rabeau, M.-B. Roland-Gosselin, Th. Bésiade. Bulle-
83

....
tin de Philosophie : — I. Logique. —• IL Méta-
physique. — III. Philosophie sociale

...........
96
P. Mandonnet, L. Misserey. Bulletin des Institutions Ec-
clésiastiques
... .......
G. Rabeau. Le Congrès de Philosophie d'Oxford.
165
185
CHRONIQUE ''.
REGENSION DES REVUES
.,
.... 194
203

PARIS
:-y';: LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN
La Revue des Sciences Philosophiques el Théologiqucs est publiée
sous la direction d'un groupe de Dominicains français, profes-
seurs au collège Ihéologique du SAUJ.CIIOIK, Elle parait tous les
trois mois, par fascicules de 200 pages iiwS 0 raisin.

Autres Pays
Prix du numéro de l'année en cours
.....
PRIX DE L'ABONNEMICNT : Pour la France et la Belgique

.......
.
50 fr.
65 fr.
1S fr.
L'Abonnement est annuel cl part de janvier.
Prix de l'année écoulée*. GO francs, port en plus.
Prix de chaque année antérieure à 1927 : 40 francs, port en plus.

Pour loul ce qui concerne la Rédaction, s'adresser au Couvent des


Dominicains, Le Saulchoir, à Kain (Belgique).
Pour l'Administration, les abonnements, la vente au numéro,
etc... s'adresser à la librairie VKIN, G, place de la Sorbonne, PARIS,V.
— Compte Chèques Postaux : Paris, 10030.
Aux souscripteurs de France qui préfèrent ce mode de paiement, un re-
couvrement postal est présenta, à leur frais, à partir du 15 avril ; le montant
est de ,'5 Ir.
Pour l'Étranger,il ne sera fait aucun recouvrement postal. Le modo dérègle-
ment le plus simple est l'envoi delà somme de 5 lianes en une valeur sur Paris.
(

Bibliothèque des testes philosophiques. Direct.: Henri GOUHIER.


SAINT ANSELME DE CANTOBBÉRY.
FIDES QUiERENS ÏMTELLEGTUM
ID EST
Proslogion, Liber Gaunilonis pro însipiente
atque Liber Apologeticus contra Gaunilonem
Texte et traduction par ALEXANDRE KOYRÉ
Un volume petit in-S de 9« pages 12 fr.

CH. RENOUVIER
LES DERNIERS ENTRETIENS
recueillis par Louis PRAT.
Un volume petit in-8 de 98 pages 12 fr.
Ouvrages parus dans celte collection :

présentée el annotée par Henri Leslienne


.....
LEIBNIZ. Discours de mélapliysiijw; Cdilion collationnée avec le texte autographe,
12 fr,

agrégé de l'Université
............
KANT. Prolégomènes à toute nutaphysique future, traduction par J. Gibelin,
15 fr.
DESCAUTES.
de cours à la Faculté des lettres de Lille
....
liegulae ad directionem ingenii, notice par Henri Gouhier, chargé
. .
15 Ir.
REVUE

DES

SCIENCES PHILOSOPHIQUES

ET

THÉOLOGIQUES

VINGTIÈME ANNÉE
.

1931

PARIS
LlBBAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN
6, PLACE DE LA SOKBONNB
ALGER BE LIÈGE ET GRATIEN

La Concordia discordantium canonum, couronnement de l'ancien


droit ecclésiastique et première partie du Corpus juris canonici,
n'est point, au sens propre du mot, une oeuvre originale. Le mérite
essentiel, le mérite immense de Gratien fut d'appliquer à l'ensemble
des textes dissonants que lui livraient les recueils répandus dans la
chrétienté, particulièrement dans l'Italie centrale, une méthode
dont les principes, depuis cinquante ans, étaient partout accrédités
et dont les canonistes n'avaient encore essayé que des applications
timides et fragmentaires.
Reconnaître les recueils qui fournirent à Gratien les éléments et
le modèle de son ouvrage : telle est une des tâches que peuvent et
que doivent entreprendre les historiens du droit canon. Les nom-
breux travaux parus depuis un demi-siècle, et d'abord ceux de
M. Paul Fournier, ont préparé les voies de cette recherche. Elle se
recommande par un évident intérêt scientifique : les origines d'un'
système canonique et sacramentaire qui a réglé, qui règle encore
tant d'actes et de pensées forment un chapitre essentiel du dévelop-
pement de la civilisation chrétienne.
S'il est aujourd'hui impossible d'énumérer tous les recueils dont
se servit le moine bolonais, parce que plusieurs sont ignorés et beau-
coup sont détruits, il semble du moins possible de fixer la mesure
et la manière de son recours à quelques modèles illustres. On ne
saurait choisir, pour en faire Fessai, oeuvre plus représentative que
celle d'Alger de Liège.
De cet écrivain Q) les Correctores romani n'ont connu qu'un

(1) Né à Liège dans la seconde moitié du xi« siècle, écolâtre de la collégiale


Saint-Barthélémy, puis chanoine de la cathédrale, Alger finit ses jours à Gluny,
veïs 1130, à un âge avancé, après dix ans de profession religieuse. Son contem-
porain, le chanoine Nicolas, nous a laissé un Elogium (P.L., t. 180), qui fournit
ces renseignements biographiques. Cf. Dictionnaire de TMol. cathol., v Alger
(dom BEKLIÈRE). Le milieu liégeois au début du xne siècle a été décrit par A.
CAUCHIB (La querelle des investitures dans les diocèses de Liège et de Cambrai,
lle partie, Paris, 1890) et la part de Liège dans l'histoire des collections canoni-
ques a été par nous appréciée, aux Journées d'histoire du droit de BruxelleSs
1930. (Revue hist. de droit, 1930, pp. 588 ss.).
I) G. LE BRAS

traité : De corpore et sanguine Domini, dont ils ont relevé les ana-
logies avec le De Consecralione. En 1834 seulement, Richter écar-
tait l'hypothèse d'une influence du De Corpore sur le Décret et prou-
vait l'usage fait par Gratien du Liber de misericordia et justitiaQ-).
Hùffer compléta la démonstration et il eut le mérite de découvrir
une nouvelle source du Décret : les Sententiae magistri A contenues
dans le manuscrit,latin 3881 de la Bibliothèque Nationale, qu'il
était enclin à considérer comme l'oeuvre d'Alger de Liège (2). Cette
hypothèse a été reçue avec une certaine faveur. Toutefois, des ré-
serves ont été faites dans ces dernières années (3). Et l'un des auteurs
qui les ont formulées avec le plus de force, M. l'abbé Amanieu,
remet en question la mesure de l'influence du Liber de misericordia
et le problème de l'influence du De corpore sur le Décret (4).
En somme, l'opinion le plus généralement répandue est que le
De corpore doit être rayé de la liste des sources du Décret (dans la-
quelle, toutefois, un auteur récent paraît tenté de le rétablir) ;
que le Liber de misericordia fut largement exploité par Gratien, mais
dans une mesure qu'il reste à préciser ; enfin, que les Sententiae
magistri A, qui semblent être l'une des sources du Décret (encore
que l'on ait élevé quelques doutes) seraient l'oeuvre d'Alger de Liège
(sur ce nom, des réserves sérieuses ont été faites).

Nous nous proposons d'examiner tous les points douteux, à sa-


voir : les emprunts faits par Gratien aux oeuvres incontestables
d'Alger de Liège et aux Sententiae et si les Sententiae sont l'oeuvre
d'Alger de Liège. Enquête dont nous savons mieux que personne
l'inévitable sécheresse, les lentes étapes, toute attristée de chiffres,
de menues comparaisons, et que nous aurions refusé d'entreprendre
si l'étude des origines du Décret ne nous l'avait imposée, si nous

(1) Ueber Algerus von Liittich und sein Verhâllniss zu Gratian, dans Beitrâge
zur Kenntniss der Quellen des canonischen Rechis, p. 1-17.
(2) Ueber Algerus von Liittich und einen noch ungedrucklen liber senlenliarum,
der wahrscheinlich von ihm verfasst und von Gratian benusst worden ist, dan.;
Beitrâge zur Geschichte der Quellen des Kirchenrechts... Munster, 1862.
(3) MAASSEN (Kril. Vicrleljalv., V, 1863, p. 186) et M. Paul FOURNIER (Bibl.
Ec. des Charles, t. 58, 1897, p. 051 et suiv.) tiennent pour plausible la conjecture
de Hiiffer. Réserves dans L. SAI.TET, Les réordinalions, 1907, p. 271 et DE GHEL-
LINCK, Le mouvement théologique du xne siècle, 1914, p. 84, note 1. (Le P.de Ghel-
linck, dans l'ensemble de son oeuvre, n'exclut pas l'hypothèse de Hûffer).
(1) Dictionnaire de droit canonique, v° Alger de Liège (1926).
ALGER DE LIEGE ET GRATIEN I

n'avions l'espoir de libérer les historiens du droit canonique et de la


théologie de quelques hésitations sur la place qu'il convient de faire
à Alger dans l'histoire du xne siècle, si enfin cette monographie
n'avait quelque chance d'offrir de temps à autre quelques vues sur
l'histoire des idées et des pratiques médiévales.

*
* *
Avant tout, il convient de s'entendre sur les règles élémentaires
de la méthode qui permet d'identifier les sources des collections
canoniques et singulièrement du Décret
1. Lorsque d'un texte inséré par Gratien on ne trouve dans une
collection antérieure qu'une partie (*), il semblera quelque peu témé-
raire de supposer que cette collection est la source du Décret (2).
La présomption d'un emprunt direct de Gratien à une collection
antérieure au Décret ne peut être autorisée que si cette collection
contient au moins tout le texte du Décret et d'un seul tenant. Vérité
ingénue ! Beaucoup d'erreurs, pourtant, sont nées de sa méconnais-
sance.
2. Cette présomption d'un emprunt ne saurait être véhémente
que si le texte du Décret ne se retrouve — et sous la même forme —
que dans une seule collection antérieure. Les imica, qui, dans les
collections très anciennes, sont souvent un indice de localisation (8),
leur fonction tardive est surtout de nous permettre de proposer des
généalogies. Qu'un dictum d'Alger devienne un dictum de Gratien,
cela prouve que l'auteur du Décret a fait usage du Liber de miseri-
cordia. Mais cette transcription directe d'un auteur est un cas d'une
trop rare simplicité. En général, le fragment commun au Décret
et à une seule collection antérieure actuellement connue — par
exemple : la Caesaraugustana — sera tiré d'un Père ou d'un concile

(1) Nous disons : un texte, et non pas : un canon. Il peut arriver qu'un ca-
non de Gratien soit composé de plusieurs textes empruntés à des sources différen-
tes. Ainsi, C. I, q. i, e. 23, le texte de saint Jérôme tiré du Liber de misericordia (III,
30) est suivi d'un autre texte d'origine indéterminée.
(2) On ne saurait sans fantaisie admettre que Gratien a exploré certaines col-
lections pour réajuster les morceaux disjoints d'un texte qu'il trouvait entier
en d'autres collections.
(3) H. Steinacker et K. Silva-Tarouca ont défendu ce critère et ils l'ont appli-
qué aux plus anciennes collections canoniques.
8 G. LE BRAS

ou d'une décrétale : qui nous garantit qu'il n'était pas en d'autres


recueils du xne siècle aujourd'hui perdus? On se bornera donc à
signaler la parenté, sur ce point, entre le Décret et la Caesaraugusla-
na, sans affirmer qu'elle est directe : les deux collections ont pu
recourir à une même source ou encore à des recueils différents qui
ont exploité cette source et il n'y aurait alors que parenté collaté-
rale.
3. 11 sera prudent de préférer cette supposition lorsque dans une
Partie du Décret se présente isolé un texte qui ne se trouve qu'en
un seul autre recueil connu. Sans doute, Gratien a pu détacher ce
texte unique pour l'insérer dans la Question qui traite du même sujet :
mais sa marqueterie est, en général, moins raffinée. Il aime à trans-
porter dans son ouvrage des séries de textes : l'identité entre une
série du Décret et une série qui se trouve seulement dans une autre
collection rend très vraisemblable l'usage de cette dernière par
Gratien. Encore ne faut-il point se hâter de conclure (*).
4. Souvent, les textes du Décret se trouvent dans plusieurs col-
lections antérieures, et il n'est pas toujours aisé de reconnaître
celle où Gratien les a pris. Le tableau général des références à tous
les recueils où se trouvent intégralement les textes de la Distinction
ou de la Question laisse parfois découvrir le parallélisme d'une série
appartenant à un de ces recueils et d'une série de canons du Dé-
cret. Alors, la présomption d'un emprunt du Décret à ce recueil est
fondée. Lorsque le parallélisme semble aussi bien établi entre le
Décret et plusieurs autres recueils, c'est que la série a été tradition-
nellement prise à un modèle fameux : ainsi, la Panormie fut exploi-
tée par de nombreux canonistes du xne siècle avant de l'être par
Gratien. Des groupes quasiment identiques se trouvent dans toutes
les compilations tributaires d' Yves de Chartres. Les inscriptions,
les variantes, pourront en général permettre de décider si Gratien
avait sous les yeux la Panormie elle-même ou ses débiteurs : car
ceux-ci ne sont point des copistes serviles. Selon la coutume du
moyen âge, ils prennent avec les textes de leur modèle des libertés,
ils y mettent leur marque, attribuant à Gélase un fragment de Pé-

(1) La vraisemblance est plus grande si la série est composite : canons de


conciles alternant avec, des chapitres de décrétales et des fragments patristiques.
Une série homogène, par exemple dix extraits de S. Augustin, a pu être tirée
d'une source commune au Décret et à la collection où se rencontre la même
série — dans le cas qui nous occupe, d'un florilège.
ALGER DE LIÈGE ET GRATIEN S

lage, supprimant une incidente, un adverbe. Gratien montre plus


de scrupules, mais sans être un transcripteur passif, et comme il a
pu lui arriver, ayant sous les yeux plusieurs collections, de « conta-
miner », reconnaître le modèle qu'il suit n'est pas une besogne fa-
cile.
Proche ressemblance des termes, parallélisme des séries : tels sont
les meilleurs signes de l'emprunt. D'un emprunt possible et rarement
incontestable : trop de collections sont détruites, trop de manuscrits
du Décret et de ses modèles nous échappent pour que nous soyons
bien souvent fondés à conclure sans réserve. Celui qui recherche
les sources du Décret de Gratien doit se rappeler avant toute chose
que rien n'est aujourd'hui plus certain que la formation, dans la
seconde moitié du xie siècle, de dossiers aujourd'hui perdus qui ont
alimenté les collections grégoriennes et post-grégoriennes. Nous ne
saurons jamais quelle place ils tiennent dans le Décret.
Telles sont les règles élémentaires de la méthode que nous enten-
dons appliquer à l'étude des rapports entre le Décret et les trois
recueils qui nous occupent.

Le De corpore et sanguine Domini, dont on sait l'importance dans


l'histoire de la doctrine eucharistique (1), a été édité en dernier lieu
(1847) par Mgr Malou (2). Édition incontestablement médiocre,
sans apparat critique, mais qui reproduit fidèlement sinon toutes les
expressions, du moins la pensée d'Alger de Liège. Les variantes des

(1) Dictionnaire de Théologie catholique, v° Eucharistie (DE GHELLINCK).


Alger prouve par les Écritures et la tradition la vérité de la présence réelle et
•substantielle du Christ dans l'Eucharistie. Son ouvrage, plus ferme et plus
complet que ceux de Lanfranc et de Guitmond d'Aversa sur le même sujet, fut
tenu au XIIC siècle pour le chef-d'oeuvre de la doctrine orthodoxe et la meilleure
réponse à Bérenger. Cf. J. SCIINITZEU, Berengar von Tours, 1890, p. 370-390.
(2) Réimpression dans MIGNE, Palrologia latina, t. 180, col. 743-854. Le titre
crue nous indiquons est celui que nous avons trouvé dans les manuscrits.
10 G. LE BRAS

manuscrits que nous avons pu étudier (*) offrent peu d'intérêt


pour notre recherche (2).
La liste la plus complète de fragments communs au Décret de
Gratien et au De corpore comprend cent trente numéros (3). Sans
doute, en la publiant, M. Amanieu n'a eu la prétention ni de la faire
définitive, ni de préjuger l'utilisation du De corpore par Gratien :
mais cette utilisation lui paraît possible, vraisemblable et il attribue
à Hùffer (qui la nie) des intentions peu dignes d'un savant (4),
encore que trop humaines.
« La question, conclut M. Amanieu,
mérite d'être reprise avec
sérénité et désintéressement. » Il nous sera facile de montrer ces
heureuses dispositions en appliquant avec rigueur les règles ci-dessus
proposées, et qu'il est bien vrai que l'on n'a jamais appliquées au
De corpore.
Des cent trente fragments communs au Décret et au De corpore,
quatre-vingt-treize doivent être éliminés par application de la
première règle : vingt-quatre sont beaucoup plus courts que les

(1) Le ms. 443 de la Bibl. munie, de Troyes et le ms. 562 (520) de la Bibl. munie,
de Cambrai, qui nous ont été obligeamment communiqués à Strasbourg. Les
mss 664 de la Bibl. munie. d'Amis et 24 de la Bibliothèque munie. d'Alençon
contiennent aussi notre ouvrage.
(2) Les divergences entre l'édition Malou et les mss de Troyes et de Cambrai
dans la disposition générale des textes sont de peu d'importance. Dans les deux
mss, chaque Livre est précédé de sa Table ; le sommaire du c. 2, L. I est formé
par la première phrase du Canon ; il y a une interversion de texte à la fin du c.
12, L. I ; la dernière phrase du c. 17, L. I est la première du c. 18 de l'édition
Malou.
(3) Elle a été dressée par M. AMANIKU, dans l'article déjà cité. II s'y trouve
quelques fautes d'impression : col. 393, au lieu de Bomanus Ponlifex, Dist. IV,
de cons., c. 36, lire c. 23. ; — au lieu de Cum scriptura, C. I, q. 1, c. 75, lire : c. 83 ;
— au lieu de In omnibus , C. I, q. 1, c. 98, § 7, lire : § 3 ; —-au lieu de Odit
Dcus, C. I, q. 1, c. 72, lire : c. 62.
(4) Il le suppose négligent ou de parti-pris. « Ce qui a pu tromper le critique
allemand, c'est qu'Alger reprend volontiers une partie restreinte d'un passage
qu'il a cité tout au long précédemment, pour l'expliquer. Cette pratique, en
tenant par ailleurs compte de passages réellement plus courts, peut donner
l'illusion d'où est sortie l'exagération du jugement généralisé... On ne peut donc
pas écarter l'utilisation par Gratien du De sacramentis pour des motifs a priori
ou intéressés. Au fond, en effet, la vraie raison de Hùffer pour éliminer cet ou-
vrage du nombre des sources de Gratien, c'est que cette exclusion lui a paru né-
cessaire pour démontrer que le Liber Scnlenliarum magistri A... est une oeuvre
d'Alger et une source de Gratien ». Op. cit., col. 391.
ALGER DE LIÈGE ET GRATIEN 11

Vingt-quatre fragments du Décret où ils se retrouvent (*), Alger


ayant omis de transcrire soit le début soit la fin du texte que l'on
peut lire dans le Décret ou quelque phrase intermédiaire ou encore
une incidente (2), et comme la portion mutilée du texte transcrit
par Gratien ne se rencontre qu'en un seul endroit du De corpore (3),
ilest incontestable que le De corpore n'a pu fournir au Décret aucun
de ces vingt-quatre textes.
En soixante-neuf fragments du De corpore se retrouvent des élé-
ments de vingt canons du Décret. Par exemple, l'extrait d'une ho-
mélie de saint Grégoire inséré dans le De consecratione, Dist. II,
c. 73, des parcelles en sont disséminées au De corpore, en quatre
chapitres du L. I. Dire, comme nous l'avons fait pour les vingt-
quatre fragments de la première série, qu'aucune de ces parcelles
ne correspond au c. 73, Dist. II, De cons., ne suffirait point : Gratien
n'a-t-il pas pu reconstituer le texte primitif, en joignant les membres
qu'Alger a disjoints? Cette hypothèse est vaine. Les soixante-neuf
fragments dont il s'agit sont dispersés dans un ordre quelconque,
presque toujours en divers chapitres. Leur reconstitution par Gra-
tien eût été tout à fait impossible (4) : encore n'aurait-elle jamais

(1) De corpore, I, 5 ( Unde etiam in fine) ; 7 (Meus est panis) ; 10 (Sanctifi-


camur) ; 11 (In illo sacramento) ; 15 (Qui manducat me) ; 19 (Ergo cum) ; 19 (Ego
• Berengarius) ; 20 (Panem coelestem) et Dist. II, De cons., c. 34, 55, 80, 85, 75,
7, 42, 64. — De corpore, II, 1 (Placuit) ; 8 (Comperimus) et Dist. II, de cons.
c. 54 et 12. — De corpore, III, 1 (Non sanat) ; 1 (Omnes quod) ; 3 (Etiam corde) ;
5 (Si fuerit justus) ; 5 (Baptismus talis) ; 6 (Diaconi) ; 10 (Cum scriptura) ; 10
(Quod quidam) ; 10 (Sicut urgeri) ; 10 (Cum lantum) ; 13 (Haerelici) ; 13 (Sacra-
mento) ; 13 (Si qui apud) et C. I, q. 1, c. 50, 61, 48, 30 ; Dist. IV, de cons.,
c. 26 ; Dist. XCIII, c. 13 ; C. I, q. 1, c. 83, 97, 47 ; Dist. IV, c. 47, 84 ; C. I, q. 1,
c. 34 ; D. IV, c. 28. Ajoutons De corpore, I, 16 (Ojferimus), fragment d'un autre
texte (I, 15 :In Christo semel) qui se retrouve entier dans leDécret et ne tombera
donc point sous notre seconde exclusive.
(2) Par exemple, des incidentes (mises par Friedberg entre parenthèses) sont
dans c. 13, Dist. IV, de cons. et dans c. 12, Dist. II, de cons., qui manquent
dans le De corpore, III, 13 et IL 8.
(3) Sauf le dernierinscrit dans notre liste ; nous avons justifié son classement.
(4) Ainsi, des bribes du c. 73, de cons., D. II se trouvent en quatre citations
du De corpore (I, 11, 12, 16, 20) ; du c. 35 et du c. 92 de la même Dist. en cinq
citations (I, 10, 12, 16 ; III, 8 et I, 9 et 12) ; du c. 87, C. I, q. 1 en six fragments
.
du L. III, c. 11 ; du c. 48, Dist. II, de cons. en sept citations (I, 5, 7, 11, 18) ;
du c. 58, même Dist., en neuf citations. Voici les autres textes fractionnés :
Dist. II, de cons., c. 13 (I, 22) ; 32 (I, 4) ; 36 (I, 3 ; III, 12) ; 44 (I, 11, 14, 21.) ;
45 (I, 9, 10, 11), 47 (I? 8, 11) ; 69 (I, 9) ; 72 (I, 16, 21) ; 82 (I, 12). Dist. IV,de
12 G. LE BRAS

abouti à un texte identique à celui que nous offre le Décret (1),


tandis que d'autres collections que nous connaissons contenaient la
plupart de ces textes (2). On peut supposer que Gratien les a pris
à ces sources, qui lui étaient familières. Le point qui nous intéresse
ici, c'est que de ces soixante-neuf textes, pas un seul n'a été emprunté
par Gratien au De corpore.
Des trente-sept textes qui échappent à cette première expul-
sion, il en est quatorze dont la forme est si différente dans le De
corpore et dans le Décret que malgré la longueur, apparemment égale,
toute présomption d'emprunt de l'un à l'autre doit être écartée (3).
La possibilité d'emprunts de Gratien au De corpore est donc ré-
duite à vingt-trois fragments : onze de la Dist. II, De consecratione ;
six de la Dist. IV, de cons. ; six de la C. I, q. 1.
Les textes communs à la Dist. IL, De cons. et au De corpore ap-
partiennent en majorité à des séries parallèles de la Panormie et
des Sententiae Mag. A. Le tableau ci-dessous montre très clairement
que Gratien a utilisé l'une de ces deux collections (4). Dans cette

cons., c. 34 (III, 7) ; 39 (III, 3, 5). C. I, q. 1, c. 70 (III, 1) ; 98 (I, 21 ; III, 11) ;


54 (111,2, 13).
(1) Nous avons, naturellement, exclu de cette série un texte deux fois repro-
duit dans une forme analogue à celle du Décret (L. I, 7 et 11 : analogues à c. 41,
D. II, de cons.) et les deux fragments In Christo semel et Offerimus (L. 1,15 et 16)
dont le premier correspond exactement au c. 53, Dist. II, de cons. et le deuxième
n'a pu être utilisé par Gratien, étant beaucoup plus court que ce c. 53.
(2) Notamment la Panormie d'Yves de Chartres.
(3) L. I, 3, 6, 8, 11, 15, 16, 21 et Dist. II, de cons.. c. 63, 39, 60, 41, 70, 52, 68.
— L. III, c. 1, 0, 6, 7, 8, 10, 13 et C. I, q. 1, c. 72 : Dist. IV, de cons., c. 24 ;
C. I, q. 1, c. 59 ; Dist. IV, de cons.. c. 7 ; G. I, q. 1, c. 77 et 75 ; Dist. IV, de cons.,
c. 86.
(4) Dist. II, de cons., c. 32 Pan. I, 130 Sent. De corpore
33 131 1,4
34 132 13
35
...
30
...
37 139 31 1,19
38
3!) 123 1

10 124
•11 125 0 1,7
12 126 7
13 127 X
44 133 14
ALGER DE LIEGE ET GRATIEN 13

série, figurent des textes dont nous avons déjà établi qu'ils ne peu-
vent avoir été pris au De corpore et dont plusieurs proviennent cer-
tainement de la Panormie.
Le c. 22, Dist. II, de cons., est également dans la Panormie et
dans les Sentences Q) ; le c. 15, dans les Sentences (2). Rien ne décè-
le l'usage du De corpore.
Exclure toute présomption de parenté directe entre les six canons
.
de la Dist. IV, de cons. et le De corpore sera chose bien facile. Ces
six canons sont dans la Panormie et, sauf le dernier, dans les Senten-
ces, et ils appartiennent à des séries dont le parallélisme avec l'ordre
du Décret ne laisse aucun doute sur l'inutilité d'un recours au De
Corpore (3).
Parmi les six textes litigieux de la C. I, q. 1, il y en a qui ont
certainement été empruntés par Gratien à Alger de Liège : au Liber
de misericordia. Ce sont les c. 33 et 62.

Dist. II, de cons., c. 45 Pan. I, 134 Sent. 15 De corpore


46 135 17 1,21
47 136 18
48 137 19, 20
' 49 138 21 I, 17
50 141 33
51 142 34
52 143 36
53 144 37 1,15
54 145 38
(1) Pan. I, 141 ; Sent, ms. 3881, fol. 216 v°.
(2) Ms. 3881, fol. 217.
(3) Dist. IV, de cons., c.23 Pan., I, 27 Sent. 27 De corpore, III, 6
24 29
...
25 30 ' 28 III, 3
74 13 9 III, 7
75 14 10
76 56 61, 62
77 15
78 57 63
79 58 64
80 60 66 III, 13
81 61 67, 5
82 62 69 III, 13
147 104 126
148 105
149 128
150 110 111,7
14 G. LE BRAS

Restent sept textes qui ne sont ni dans le Liber de misericordia,


ni dans les Sentences, ni dans la Panormie. Nous ne savons leur pro-
venance exacte. Mais ils étaient tous bien connus des canonistes du
xne siècle : deux d'entre eux curent une large diffusion (*) ; trois
autres sont dans le Décret d' Yves ( 2) ; un dans le Polycarpus (s) ;
un dans Deusdedit et il est tiré des Sentences de Prosper (4) ! Ce
sont les seuls textes que Gratien aurait pu prendre au De corpore.
Hypothèse sans grande portée, non dépourvue de fantaisie et qui,
dès qu'on en calcule les chances, s'évanouit. Est-ce dans cet amas
confus de textes et de discussions qui forme le De corpore que Gra-
tien serait allé chercher subitement, pour alimenter une Question
et une Distinction, sept textes dispersés en six chapitres, et que lui
offraient d'autres recueils d'un maniement plus facile, sept textes
minuscules, d'importance secondaire, perdus au milieu de tant
d'autres textes dont il n'eût point manqué de faire son profit s'il
les avait un jour découverts d'aventure. Supposons que Gratien
ait eu sous les yeux ce traité De corpore : par quel prodige a-t-il
manqué de reproduire, outre des textes, quelque bribe des Com-
mentaires, soit par inadvertance •— les manuscrits ne laissant pas
comme nos imprimés apparaître le point précis où un texte s'arrête
et où l'auteur reprend son discours — soit délibérément, la coutume
des auteurs étant, au moyen âge, de s'approprier comme biens sans
maître tout ce que l'écriture a conservé •— l'un des plus beaux
exemples ne nous sera-t-il point fourni bientôt par la translation au
Décret, d'un certain nombre de dicta du Liber de misericordia que
Gratien se borne à transcrire et signer? Que les cent trente textes
communs au Décret et au De corpore soient exclusivement tirés des
Pères, des décrétâtes et des conciles, sans que jamais paraisse une
ligne des raisonnements d'Alger, quel étrange hasard ou plutôt quel
miracle, si Gratien avait connu le De corpore !

(1) De corpore, I, 22 (Si quotiescumque) = Dist. II, de cons., c. 14, avec, ce-
pendant, une inversion. De corpore, III, 1 (Benedictio) = CI, q.l, c. 4. On trou-
vera dans Friedberg le renvoi à quelques-unes des collections où sont ces deux
textes.
(2) De corpore, I, 15 (Singuli accipiunl) = Dist. II, de cons., c. 77 ; 1,10 (Ali-
ter in ecclesia) = C. I, q. 1, c. 68 ; 1,12 (Ncc Moyscs) = Dist. II, de cons., c. 87.
Ces textes sont dans le Décret d' Yves.
(3) De corpore, III, 13 (Ex catholica) = C. I, q. 1, c. 31. — Cf. Pot. III, 10,
52.
(4) De corpore, III, 1 (Extra catholicam) = C. I, q. 1, e. 71. — Cf. Deusdedit,
EV, 128.
ALGER DE LIÈGE ET GRATIEN 15

Cette conclusion peut être, sans risque d'erreur, généralisée. Tout


porte à croire que Gratien n'a point cherché dans les traités propre-
ment dits les textes dont il a formé son ouvrage. Friedberg, dans ses
Prolégomènes, relève une série de textes des écrivains de l'époque
grégorienne dont on retrouve des fragments dans le Décret. Il est
bien probable que ni les traités du cardinal Humbert ou de Pierre
Damien, ni ceux de Lanfranc^ou d'Alger n'ont été, plus que les
Sermons de saint Augustin ou les Homélies de saint Grégoire, ex-
ploités directement par le, Compilateur bolonais. Il a pu, il
a dû les connaître, mais sans leur demander aucun ou presque aucun
texte : d'abord, parce que son but précis était la concordance des
canons discordants, tels qu'il les trouvait dans les collections propre-
ment dites, puis, parce que ces collections, auxquelles il désirait
substituer sa Concordia, lui offraient une moisson suffisante et que
l'examen de ia littérature eût requis les travaux d'une Commission
plus nombreuse que celle qui, jadis, avait préparé le Digeste.
Est-il besoin de dire quel intérêt a pour l'histoire des idées une
telle méthode? Elle implique l'usage des dossiers et des collections
canoniques, plutôt que des conclusions doctrinales, facilite — en
paraissant les prolonger — le dénouement des controverses, l'asis-
milation de tous les éléments fournis par la tradition. Que Gratien
ait utilisé, au De consecratione, des Sentenciaires et des recueils de
canons, non point le De corpore, c'est un fait d'importance pour le
développement de la théologie sacramentaire et plus généralement
pour la détermination des rapports entre théologie et droit canon
au moyen âge.
II

Si le De corpore... nefournit aucun texte au Décret, en revanche,


la dette de Gratien envers l'auteur du Liber de misericordia et jus-
titia Q) (connu par plusieurs manuscrits et par des éditions ancien-

(1) Composé vers l'année 1105, par Alger, au milieu des conflits qui déchi-
raient alors la ville de Liège et pour offrir une solution. Cf. G,LE BRAS, Le Liber
de misericordia et justitia d'Alger de Liège, dans la Nouvelle Bévue historique de
droit français et étranger, 1921, p. 80-118. Dans cet article, que nous ne résume-
rons point ici, le problème qui nous occupe n'est pas discuté. Nous y étudions
surtout la formation du Liber : sa structure et ses sources — complétant et rec-
tifiant les conclusions de Hùffer que M Amanieu reproduit, faute d'en avoir
connu d'autres.
16 G. LE BRAS

nés) i1), n'est contestée par personne. Le premier office du Liber...


fut de fournir à Gratien des textes nombreux.Surtout, il lui offrait
un exemple de méthode.
Friedberg a imprimé dans ses Prolégomènes une liste d'environ
cent-vingt fragments du Liber de misericordia qui se retrouvent
dans le Décret de Gratien (2). A cette liste, on pourrait sans doute
ajouter quelques numéros (3). Mais il convient, probablement, d'en
retrancher davantage, de considérer certains des fragments communs
aux deux ouvrages comme collatéraux, c'est-à-dire, issus d'un même
recueil et non point passés du Liber de misericordia dans le Décret.
Cette discrimination ingrate, que nous avons tentée, donne, au prix
de longues comparaisons et de discussions fastidieuses, des résul-
tats si menus que nous en ferons grâce au lecteur. Elle est d'autant
plus délicate que Gratien a souvent reproduit avec liberté les textes
cités par Alger ainsi que ses dicta (4). Il nous suffira de relever les
séries parallèles, qui établissent l'incontestable dépendance de Gra-

(1) Les manuscrits 443 de la Bibl. munie, de Troyes et 562 (520) de la Bibl.
munie, de Cambrai contiennent, à la suite du De corpore... le Liber... Nous en
ferons usage. L'édition qu'a donnée Martène (Thésaurus anecdolorum, t. 5) n'est
pas toujours correcte et Migne, en la reproduisant (P.L., t. 180, col. 857-968)
lui a infligé quelques légères blessures Les imperfections du texte de la Patrologie
ne doivent d'ailleurs point être exagérées.
(2) Prolegomena., col. LXXVII et suiv.
(3) Les corrections que propose M. AMANIEU (col. 397) aux listes de HÙFFER
et de FRIEDBERG ont besoin, elles-mêmes, d'être corrigées. Les c 77 et 83 de la
C. I, q. 1 correspondent bien au Liber... I 56 et suiv., comme dit Friedberg,
,
non pas II, 57 comme rectifie M. Amanieu. L'addition de six fragments que pro-
pose M. Amanieu est inadmissible : le texte n'est pas le même dans le Liber, II,
53 et dans les canons cités du Décret, qui sont, d'ailleurs, dispersés en cinq Ques-
tions et dont trois sont des paleae. — En revanche, col. 98, M. Amanieu fait
observer que le dictum Gratiani post c. 74, C. I, q. 1 est beaucoup plus long que
le dictum correspondantd'Alger, Liber de misericordia, III, 23 et que « les passa-
ges auxquels fait allusion Gratien dans ses additions à Alger, qu'il les cite ou
non lui-même, se rencontrent De sacram., III, 1 » A la vérité, Gratien ne fait
que reprendre quelques mots dans des textes de S. Grégoire, de S. Cyprien, de
S. Jérôme, de S. Léon, qu'il vient de citer (ibid., c. 72, 70, 61, 68) et qui sont tous
dans le Liber de misericordia (III, 21, 29,19, 20) — encore que Friedberg en ait
relevé seulement deux — et dont un manque au c. I, L. II du De corpore.
(4) M. Amanieu insiste beaucoup sur cette liberté dans le choix et la transcrip-
tion des textes et donne d'intéressants exemples. Pour apprécier la méthode de
Gratien, il faudrait que nous eussions toutes les sources qu'il utilisa : peut-être
n'a-t-il fait qu'en combiner les leçons.
ALGER DE LIÈGE ET GRATIEN 17

tien : elle est particulièrement visible dans la Cause I, question I,


et encore apparente dans la Cause I, question VII et la Cause II,
question VII (*).
Pour apprécier la portée des emprunts de textes, il faudrait suc-
cessivement considérer la valeur propre du groupement, de la pré-
sentation de ces textes dans le Liber de misericordia ; comment s'est
fait leur passage au Décret, dans quel ordre, avec quelles retouches,
quelles omissions ; quelle est, dans la Question où ils figurent, leur
importance relative, les interprétations qu'en a donné Gratien ;
enfin, les commentaires des décrétistes et, si possible, les conséquen-
ces pratiques. Telle est la méthode à suivre dans l'étude des sources,
qui a pour objet de fixer les étapes de la transmission des textes
mais surtout la genèse des idées et des faits. Il est utile de savoir
quels accidents a subis un texte, en passant d'un recueil à un autre,
il est plus utile encore de se rendre compte des circonstances
•—
nécessités pratiques, tendances personnelles d'un auteur
— qui
ont modifié le sens primitif de ce texte, jusqu'au jour où il est entré
dans le Code de l'ancien droit, dans la Concordia discordantium ca-
nonum.
Ce programme ambitieux, dont nous souhaitons de réaliser au
moins une partie, en étudiant les sources du Décret, nous ne l'appli-
querons pas présentement au Liber de misericordia, pour la raison
déjà énoncée et aussi parce que plusieurs des conclusions, non des
moindres, auxquelles conduirait son usage, ont été publiées récem-
ment en divers ouvrages. M. l'abbé Saltet, par exemple, a bien expli-
qué' la confusion de la Cause I, question I, par le mélange de la doc-
trine d'Alger et de celleJd'Urbain II relatives aux ordinations confé-
rées en dehors de l'Église (2).
Les fragments du Liber de misericordia insérés dans la question
VII de la même Cause posent des principes généraux d'interpréta-
~ tion
; les moins dépourvus d'originalité se rapportent à la dispense :
ils ont été, eux aussi, récemment étudiés (s). Sauf les fragments du
Liber de misericordia contenus dans la question VII de la Cause II,

(1) FRIEDBERG, loc. cit.


(2) Op. cit., p. 293. Ajoutons que plusieurs notions importantes, comme la
distinction entre sacramenta dignitatis et sacramenta neeessilatis sont prises
par Gratien à Alger. Toutes ces relations entre le Liber et la Cause I, qu. I, du
Décret sont bien connues.
(3) Cf. BRYS, De dispensatione..., p. 51-54.
REVOE DES SCIENCES. — T. XX, FASC 1.
— 2.
18 G. LE BRAS

qui tracent impérieusement aux évoques le devoir de mener une vie


exemplaire, les séries empruntées à Alger de Liège par Gratien ont
donc été l'objet d'examens approfondis. Il reste peu de chose à dire
sur la contribution offerte par les textes du Liber au Corpus et, en
conséquence, à la doctrine classique. Ces emprunts de textes ont,
en somme, un intérêt capital dans la Cause I question I et seulement
un intérêt secondaire dans les autres parties du Décret. Ils sont
d'autant plus dignes d'attention que certains fragments empruntés
ne se trouvent que dans le Liber (*). Et quant à la doctrine proposée
par Alger de Liège, elle souligne entre les excommuniés et les schis-
matiques d'une part, les simoniaques (et aussi les anti-trinitaires)
d'autre part, une distinction que l'on ne retrouverait pas ailleurs
sous cette forme et avec cette netteté. Mais plus encore que de ces
textes relativement rares et de cette doctrine qu'il mutila, Gratien
est redevable au Liber de misericordia d'un exemple de concordance.
Nous disons un exemple, non une simple leçon de dialectique : il y a
dans les règles d'interprétation qu'Alger rappelle peu d'inédit.
Yves de Chartres les avait toutes posées (2). Mais nul n'avait encore
tenté leur application à un ensemble de textes. Le Liber de miseri-
cordia est le premier essai de ce genre. Il est implicitement subdivisé
en questions (3), qui sont traitées en plusieurs points et couronnées
de conclusions (4).
Dans chacune, Alger groupe les textes qui expriment les divers
aspects d'une même règle, il souligne les accords, il énonce les appa-
rentes contrariétés ( 5) : tantôt une lecture attentive montrera qu'el-

(1) Friedberg en compte cinquante, chiffre qui doit être réduit.


(2) La parenté que M. Amanieu croit établir entre le De praedeslinatione
d'Hincmar et le Liber de misericordia nous paraît, en revanche, douteuse.
(3) Exemple : L. I, c. 27-47. Des règles à observer dans les rapports avec les
méchants. C. 27 : esprit général ; c. 28 : tolérer les incorrigibles ; c. 29-35 : éviter
et admonester les pécheurs, même les prélats. ; c. 36-39 : avec déférence et me-
sure ; c.40 : que la tolérance ne doit point paraître un encouragement au péché ;
c. 41-44 : causes de la tolérance, précautions à prendre ; c. 45-47 : cohabitation
des bons avec les mauvais. Mesures de préservation.
(4) Analyse dans notre article déjà cité et dans celui, plus récent, de M. Ama-
nieu, où l'accusation de désordre est portée contre Alger de Liège avec une
sévérité excessive.
(5) En termes très nets. Ex. : L. I, c. 54 : Sed huic suae sententiae videtur con-
trarius idem Augustinus... L. Il, c. 37, 40, 41, etc.
ÀLG ER DE LIÈGE ET GRATIEN 19

les sont illusoires (1), tantôt la contradiction semble subsister, mais


elle s'explique par la variété des problèmes, des circonstances,
par le recours alterné à la justice et à la miséricorde (2).
Gratien fera-t-il autre chose? Assurément, sa casuistique est plus
riche, son souci même est un peu différent : tandis qu'Alger cherche
la solution de difficultés particulières et que la Chronique liégeoise
permet de préciser, Gratien pose dans toute son ampleur le problème
de la contradiction des autorités ; tandis que le maître liégeois, appli-
qué à résoudre un conflit où il est engagé, dissocie les idées en vue
du résultat qu'il désire, pour vérifier ensuite dans les Pères le suc-
cès de son opération (3), le maître bolonais commence par faire
ressortir les oppositions, dont il se plaît, logicien détaché, à expliquer
le sens et l'issue. La dialectique joue donc un rôle moins discret
dans la Concordia que dans le Liber de misericordia. Si les principes
de solution sont imités de ce dernier ouvrage, la forme des problèmes
rappelle plutôt le Sic et non d'Abélard.
Que l'on compare les c. 19-58 de la troisième partie du Liber
et les c. 3-63 de la Cause I question I, qui, d'une manière générale,
leur correspondent. Alger annonce dans chaque sommaire une
preuve. Et il montre quelle valeur les Papes, les conciles, les Pères
ont attribuée aux sacrements des hérétiques, notamment, des simo-
niaques, pris à partie dès le c. 30 et dont il prouve le crime, la stéri-
lité spirituelle, la malfaisance, avant de fixer le devoir des fidèles
à leur endroit. Puis, il examine la valeur des divers sacrements con-
férés par les hérétiques et il distingue les sacrements de nécessité
et ceux de dignité (qui ne sont valides qu'autant qu'ils sont digne-
ment administrés).
Gratien, lui, présente des thèses successives. D'abord, qu'acheter
les biens spirituels, c'est commettre un péché, que le simoniaque
ne reçoit point le sacerdoce, qu'il est anathème (c. 1-16),qu'il ne
saurait conférer les sacrements (c. 17, 18), qu'il est hérétique (c. 19-
22). Mais l'Ancien Testament n'autorise-t-il point à vendre les dons
du Saint-Esprit (dictum post c. 22)? Saint Jérôme réfute cette
interprétation et les Pères dénient aux simoniaques la capacité
d'être ministres de la grâce (c. 23-29). La théorie objective de saint

(1) II, 43 (col. 918 : In quo nolandum est...) ; III, 23 (col. 942 : Quod de pecca-
tore, et non haeretico...).
(2) III, 24.
(3) I, 83 (col. 893 : Ex qua praeceptorum varietate...) ; I, 37 et 38.
20 G. LE BRAS

Augustin, cependant, ne contredit-elle point cette opinion (c. 30-39)?


Sa part de vérité, la distinction des sacrements de dignité et de né-
cessité la délimite (dictum posl c. 39) et la doctrine augustinienne
vaut seulement pour le baptême (c. 45-47). Et pourtant, saint Au-
gustin lui-même la combat, au sujet, précisément, du baptême (c. 48-
51). C'est que les hérétiques dont il s'occupe, Ariens et Sabelliens
ne conféraient point le baptême dans la forme prescrite par l'Église
(c. 52-57).
Le cheminement de la pensée n'est donc point le même dans les
deux ouvrages. Alger recherche dans les textes variés la part de !a
justice et celle de la miséricorde, dont il est par avance enclin à
fixer la mesure ; Gratien se fait, à travers les diverses masses de
textes, un passage, et la route •— encore qu'il n'aille pas à l'aventure
— paraît lui importer plus que le but. Il y a dans le Liber des conclu-
sions nettes et parfois passionnées ; combien de questions sont réso-
lues dans le Décret après que chaque série de textes a reçu sa jus-
tification? Et Gratien saurait-il s'échauffer? D'un côté, le concret
et la décision, de l'autre, l'enseignement avec ses méandres. Alger
sait et démontre que le simoniaque est hérétique et il invective
contre Pierre Damicn qui s'y oppose. Gratien, plus paisiblement,
présente les deux opinions, s'abstient de toute apostrophe et même
de nommer Pierre Damicn, et enfin de conclure nettement (').
Mais si le but et l'esprit de Gratien mettent entre les deux ouvra-
ges des différences, les procédés que Ton remarque dans l'un et
dans l'autre sont sensiblement les mêmes, plus perfectionnés dans
le Décret qui souligne mieux les discordances, les objections, les
distinctions et rend plus claires les solutions exégétiques (2).
Dira-t-on, pour autant, que Gratien doit à Alger l'idée même
qui a présidé à la composition du Décrets II y aurait dans ce propos
une exagération manifeste. La conception du Décret ne fut pas sug-
gérée par un opuscule mais par tout le progrès des sciences religieu-
ses depuis le pontificat de Grégoire VII. Que l'ouvrage d'Alger de
Liège ait eu dans ce progrès une place à part, il est difficile de le
contester. La méthode suivie par Alger est celle de beaucoup de
maîtres, sans doute. Elle est enseignée par de nombreux et illus-
tres canonistes et théologiens. Mais que l'on nous montre un ouvra-

(1) Dictum post c. 18, C. I, q. i.


(2) Comparer Liber III, 23 et dictum post c. 75, C. I, q. i.
ALGER DE LIÈGE ET GRATIEN 21

ge où elle est aussi clairement appliquée ! La collection d'Anselme


de Lucques, parfois alléguée, ne supporte pas la comparaison.
Lanfranc, Yves de Chartres, Abélard lui-même, quel essai suivi de
conciliation leur peut-on imputer ? M. Amanieu a raison de réhabiliter
Gratien « dont on a coutume de médire plus que de raison ». Une
longue pratique du Décret nous a dissuadé de cette attitude sévère
que nous étions naguère enclin à adopter. Mais que Gratien ait em-
prunté au Liber de misericordia la plus grande partie de sa première
Question et des éléments pour les suivantes, que la méthode d'Alger
Fait inspiré constamment, voilà d'incontestables vérités) La Con-
cordia discordantium canonum n'est point issue de l'opuscule d'Al-
ger : ces deux ouvrages doivent leur existence aux besoins pratiques
et aux procédés dialectiques de la seconde Renaissance ; mais Gra-
tien commença la concordance générale en remaniant, avec une
incontestable liberté, le seul exemple de conciliation qu'il eut sous
les yeux.

III
Aux oeuvres d'Alger de Liège, Hùffer a proposé de joindre les
Sententiae magistri A qu'il avait trouvées dans le manuscrit latin
3881 de la Bibliothèque nationale. Plusieurs autres manuscrits
contenant ces Sententiae ont été, depuis lors, découverts : le Vatic.
lat. 4361, le manuscrit florentin Santa Croce, Plut. V, Cod. 7, le
manuscrit 1317 de la Bibliothèque municipale de Troyes, le manus-
crit latin 2878 de la Bibliothèque nationale 0-). Nous avons étudié
les deux manuscrits parisiens et celui de Troyes, qui nous a été
gracieusement communiqué (2).
Les premières séries de textes de ce sentenciaire ont pour sujet :
la Trinité, les anges, la création et la chute. Puis, dans un ordre

(1) Le ms. lat. 3881 de la Bibl. nat. a été décrit par HÙFFER, op. cit. ; le ms.
1317 de Troyes par PATETTA, dans les A tli délia R: A Cad. délie scienze di Tari-
no, 1897, t. XXXII, p. 455 et suiv. Le Val. lat. 4361 est du début du xne siècle,
sans trace de provenance. Le manuscrit florentin est du milieu ou de la fin du
xiie siècle. Le ms. lat. 2878 de la Bibl.Nat., du xine siècle,nous a été signalé par
M. Paul FOURNIER. Le Catalogue de la Bibl. Nat. porte : Hincmari, Bemensis
archiepiscopi, collectio e sacris Scripturis et orthodoxorum dictis de una et non tri-
na deitale.
(2) Les deux manuscrits italiens, nous ne les connaissons que par les des-
criptions qu'en a bien voulu nous donner M. Paul Fournier.
22 G. LE BRAS

variable selon les manuscrits, sont traités les sacrements de baptême,


Eucharistie, ordre, mariage. Le manuscrit de Florence y ajoute la
pénitence Q). Cette partie sacramentaire — que suivent des titres
purement théologiques — est la seule qui nous intéresse ici.
Nous n'avons pas à en étudier.les sources. Ce sont principalement :
la Collection d'Anselme de Lucques, la Panormie d' Yves de Char-
tres et un florilège patristique où domine saint Augustin (2).
Ce qui donne à ces Sententiae un vif intérêt, c'est que nombre de
leurs textes se retrouvent dans le Décret de Gratien. Friedberg en a
compté une quarantaine dans la Dist. II, une centaine dans la
Dist. IV, de consécrations Une vingtaine n'ont été retrouvés par
lui dans aucune autre collection. Laissant de côté les analogies
isolées (3), nous considérerons les séries parallèles (4).
De ces séries, il en est deux — la seconde et la dernière — qui ne
sont que dans le Décret et dans les Sentences. La forme des textes
y est à peu près identique. Il est donc fort probable que Gratien a
utilisé sur ce point les Sententiae. Toutefois, comme tous ces frag-
ments sont attribués à saint Augustin, on pourrait aussi licitement
supposer que le même Florilège augustinien approvisionna les Sen-
tentiae et Gratien.
Une autre série, la troisième, est plus complète dans les Sententiae
que dans la Panormie. Ici encore, on notera que les textes supplé-
mentaires sont attribués à saint Augustin.
Les six autres séries sont aussi complètes dans la Panormie que
dans les Sententiae et il faut admettre, croyons-nous, que Gratien
avait sous les yeux et utilisait concurremment et non exclusivement,

(1) L'ordre des divers manuscrits est indiqué dans un tableau de M. Paul-
FOURNIER, art. cil.
(2) HÙFFER op. cit., p. 51 et suiv. — P. FOURNIER, loc. cit.
(3) Elles sont, en majorité, dans les séries de matrimonio (ms 3881, fol. 198.
et suiv., Décret, Causes xxvn-xxxv).
(4) D. II, c. 41-54 est parallèle à Sent mag. A, de Corpore... c. 6 et suiv.
D. II, c. 56-67 » » » c 16 et suiv
D. IV, c. 1-8^ » » de baptismo, c 1 et suiv.
D. IV, c. 15-27 » » » c. 18 et suiv.
D. IV, c. 46-541 » » » c. 31 et suiv.
D. IV, c. 61-68^ » » » c. 43 et suiv.
D. IV, c. 76-95 D » » c. 61 et suiv.
D. IV, c. 100-121 D » » c. 84 et suiv.
D. IV, c. 131-146 » » D c. 138 et suiv.
ALGER DE LIÈGE ET GRATIEN 23

les deux recueils (•) conclusion qui offre un intérêt général pour
:
l'étude de sa méthode de travail. La liberté qu'il s'octroie n'est point
celle de retoucher les textes à sa guise, mais surtout celle de choisir
entre les diverses leçons d'un même texte et s'il a moins de scrupules
qu'un éditeur moderne, il semble en avoir beaucoup plus que ses
prédécesseurs et modèles.
En somme, il nous paraît certain que Gratien a utilisé les Senten-
tiae, mais la preuve n'est pas aussi évidente qu'on l'a cru, depuis
Hùffer, et Magister A ne fut point, pour la plupart des textes qui
lui sont communs avec Gratien, le seul modèle et fournisseur du
Décret.
La date et la signature, le fond et la forme, les parentés et le
destin des Sententiae fournissent à Hùffer des raisons de leur assi-
gner pour auteur Alger de Liège.
Puisque les Sententiae magistri A ont utilisé la Panormie (1095)
et alimenté le Décret (vers 1140), elles ont été publiées dans le
demi-siècle qui précède l'oeuvre de Gratien : elles sont contemporai-
nes d'Alger, qui est précisément l'un des rares magistri dont le nom
commence par la lettre A.

(1) Ainsi, dans la série Dist.IÏ, de cons., c. 41-51, le texte de Gratien est par-
fois plus proche des Sententiae que de la Panormie (c. 41, 46), parfois plus proche
de la Panormie : le c. 42 est plus long que dans les Sententiae et se trouve entiè-
rement dans la Panormie ; le c. 48 est en deux fragments dans les Sententiae,
en un seul et plus proche de Gratien dans la Panormie ; le c. 50 a même incipit
dans la Panormieet le Décret, il commence plus haut dans les Sententiae ; le c. 51
a mêmes incipit et explicil dans le Décret et la Panormie, il se prolonge dans les
Sententiae. — Dans la série D. IV, de cons., c. 15-29, les c, 15 et 16 sont plus
proches des Sententiae que de la Panormie, mais les c. 20, 27, 29 ne semblent
venir ni de l'un ni de l'autre recueil. -— D. IV, de cons., c. 46-55, les mêmes canons
sont à la fois dans les deux recueils et Gratien semble associer les deux leçons.
Ex, : c. 46. Nunc autem non... (mag. A : Non autem, Pan. : Nunc autem) ; c. 47,
Gratien comme Yves : nec aequali prudentia sunt omnes praedicti, tandis que
mag. A: nec equaliter sunt prudentes, mais plusieurs mots (et ministerium - quam-
vis) sont dans Gratien et Sent. mag. A, qui manquent à la Panormie. — Le c. 54
est plus court dans les Sententiae : dans la Panormie, il a même mesure que dans
Gratien, mais plusieurs mots sont dans le Décret et dans les Sententiae qui ne
sont pas dans la Panormie telle que Migne l'imprime. — Le c. 61, D. IV, de cons.,
est plus proche de la Panormie que des Sententiae, le c. 62 n'est que dans ce der-
nier recueil, le c. 63 a quelques mots de plus dans le Décret que dans les deux
autres collections. — Le c. 79 a pu être pris à Yves, non à mag. A — D. IV,
de cons., c. 100-121 : tous les textes qui sont dans les Sententiae sont dans la
Panormie et à peu près sous la même forme et dans le même ordre qu'au Décret,
24 G. LE BRAS

Elles supposent chez leur auteur une connaissance égale du droit


et de la théologie — parmi les canonistes : d'Yves de Chartres et
d'Anselme de Lucques — et une façon personnelle de traiter les
textes, qui font penser à la science, aux sources, à la méthode d'Al-
ger.
Enfin, des textes assez nombreux sont communs au De corpore
d'Alger de Liège et au livre de l'Eucharistie dans les Sententiae
magistri A, qui auraient pu être réunies par Alger pour son usage.
Et pourquoi Gratien, de son côté, aurait-il fait tant d'emprunts aux
Sententiae s'il ne les avait attribuées à un auteur qui avait sa con-
fiance ?
Toute cette argumentation est conduite avec force et avec finesse.
Hùffer, d'ailleurs, reconnaît loyalement qu'elle ne permet qu'une
hypothèse, qu'aucune de ses parties n'exclut la réplique. Lui-même
signale des objections, que d'autres ont développées, et dont M.
Amanieu fait la somme, avec un apport personnel et une netteté
persuasive. Pouvons-nous espérer de renforcer encore son opposi-
tion? Tel sera l'objet de nos dernières lignes.
Ni les sources, ni la manière de traiter les textes ne distinguent
bien clairement les sentenciaires. Saurait-on reconnaître dans les
Sententiae magistri A la marque d'Alger plutôt, par exemple, que
celle d'Anselme de Laon ou d'Abélard, maîtres, eux aussi, et pourvus
â la fois de science théologique et de science canonique? L'usage
qu'en fait Gratien ne laisse pas supposer qu'il en ait reconnu l'au-
teur ; et quelle force le nom d'Alger aurait-il ajoutée aux fragments
patristiques ou législatifs qu'offrent les Sentenliael Les emprunts
du De corpore aux Sententiae, s'ils étaient certains, ne justifieraient
pas l'insinuation de Hùffer sur l'identité de magisler A. Recon-
naissons, cependant, que l'utilisation des Sententiae dans la seule
ville de Liège, et presque au lendemain de leur rassemblement, don-
nerait à penser qu'elles ont été composées assez près de la librairie
du chanoine Alger...Mais la seule erreur certaine de Hùffer se trouve
précisément dans cette partie importante de sa démonstration :
nous tâcherons de le prouver en peu de mots.
Les premiers textes dont Hùffer signale la présence à la fois dans
les Sentences et dans le De corpore sont tirés du Liber de sacramen-
lis faussement attribué à saint Ambroise (x).

(1) Dictionnaire de Théologie catholique, v° Ambroise (LARGENT), col. 946,


ALGER DE LIÈGE ET GRATIEN 25

Il est certain que les extraits de ce livre qui sont au De corpore,


Alger ne les a pas pris aux Sententiae magistri A, où ils ont une
forme spéciale (x). Son texte est, en revanche, parfaitement conforme
au texte original du faux Ambroise. (2).
Nous pourrions faire la même démonstration pour les autres
fragments (3). Ainsi, le texte de Paschase Radbert attribué à saint
Augustin par Alger dans ses deux ouvrages authentiques est sous
la même forme dans Gratien, mais dans les Sententiae, il n'y en a
qu'une bribe, et correctement attribuée à Paschase Radbert (4).
Entre les Sententiae et le Liber de misericordia, l'absence de rela-
tions est encore plus indéniable et Hùffer se fit peu d'illusions sur
ce point.
Les Sententiae magistri A n'ont donc point servi de magasin de
textes à Alger. Il n'en a pas tiré une ligne. En revanche, elles con-

(1) DE CORPORE..., I, 7 SENTENTIAE MAG. A


(P.L., t. 149, col. 757) (Ms. 3881, f" 214, ms. 2878, f° 153)
Tu forte dicis : meus est panis usi- .Panis est in altari usitatus ante
talus. Sed panis iste panis est ante verba sacramentorum. Ubi accesserit
verba sacramentorum : ubi accesserit consecratio de pane fit caro Clvisii.
consecratio, de pane fit corpus Chris- Quomodo autem potesl qui panis est
ti. Consecratio igitur, quibus verbis esse corpus Christil Consecratio ou-
est et cujus sermonibus ? Domini tem quibus verbis et cujus sermonibus
Jesu. estl Domini Jesu. (le ms. 2878 ajou-
te : Christi).
Les phrases suivantes ne se retrouvent point ou ne se retrouvent qu'avec
omissions et variantes dans le De corpore. Voici la fin du texte :
Ergo ut Ubi respondeam, non et sic quod erat panis ante consecra-
erai corpus Christi ante consecra- tionem jam corpus Christi est per
tionem, post consecrationem jam cor- consecrationem quia sermo CIvisti
pus est Cliristi. Ipse dixit et factum creaturam mutât et sic ex pane fit
est, ipse mandavil et creatum est corpus CIvisti.
Le second texte du pseudo -Ambroise au De corpore est également conforme
-
à l'original, non point au manuscrit des Sentences. Il ne se termine, d'ailleurs,
pas sur le mot redemit, comme l'indique Migne, mais remplit tout cet alinéa de
la Palrologie. — Gratien adopte (Dist. II, de cons., c. 55) la forme des Senten-
tiae.
(2) P.L.,t. 16, col. 439.
(3) M. AMANIEU, pour sa part, nie que les quatre fragments du De corpore
où HÙFFER est enclin à voir la source du c. 58, Dist. II, de cons. aient pu fournir
son texte à Gratien.
(4)^Ms. 3881, f° 222. Cf. les références à ce texte dans Alger et Gratien, HÙF-
FER, op. cit., p. 47,
26 G. LE BRAS

tiennent plus d'un fragment dont l'esprit s'accorde mal avec celui
du De corpore ou du Liber de misericordia (x).

Notre triple recherche nous a conduit à des certitudes ou à des


convictions raisonnables qui peuvent se résumer ainsi, par ordre de
valeur positive :
1. Les Sententiae magistri A. sont, selon toute apparence, une
des sources du Décret de Gratien : encore que leur influence ait ra-
rement été exclusive ; il n'y a aucune raison décisive de les attri-
buer à Alger de Liège ; il y a des raisons de n'y point reconnaître
sa main. Aux historiens de la scolastique d'examiner les titres de
tous les auteurs qui ont la même initiale qu'Alger.
2. Le De corpore n'a très vraisemblablement pas été utilisé par
Gratien. Rares sont les textes qu'il aurait pu fournir au Décret :
éventualité presque chimérique et de nul intérêt.
3. Au Liber de misericordia, Gratien a emprunté une centaine de
textes et surtout un exemple didactique.
Les matériaux du Corpus s'accumulaient depuis un millénaire.
Les architectes n'avaient point manqué. Alger fut le premier cons-
tructeur. C'est à ce titre qu'il mérite une place de choix dans l'his-
toire des collections canoniques ; c'est pour avoir préfiguré dans une
miniature sans grâce, au milieu des batailles liégeoises, cette oeuvre,
un peu barbare, elle aussi, mais puissante et définitive que l'on put
appeler, comme si elle terminait toutes les angoisses du monde
chrétien, la Concorde.
Gabriel LE BRAS.

(1) On l'a montré ou insinué pour la doctrine de l'ordre (SALTET, loc.cit.),


de l'eucharistie et de la pénitence (AMANIEU). L'enquête pourrait être poussée
beaucoup plus à fond : mais elle ne servirait guère à notre procès, puisqu'un ma-
gasin de textes, surtout s'il est formé par Alger doit ou peut contenir le pro et le
contra, et, par conséquent, ne renseigne point sur l'opinion du compilateur ;
puisque, d'autre part, il est démontré que les Sententiae mag. A ne furent pas le
magasin de textes d'Alger.
LE NOM DIVIN « KYRIOS »
DANS LA BIBLE GRECQUE

Ce titre fait allusion au grand ouvrage posthume de Baudissin :


« Kyrios nom divin dans le judaïsme ; sa place dans l'évolution
religieuse (L) ». Nous étions parti de l'idée d'en écrire un compte
rendu détaillé ; il nous a paru en cours de route que nous servirions
mieux les intérêts des lecteurs de la Revue en discutant la thèse
qui domine tout le travail.
La thèse, la voici. Elle est à deux degrés. Premier degré : le
nom divin Adonâi, que nous lisons dans le texte massorétique ac-
tuel, provient d'un remaniement postérieur à l'ère chrétienne.
Deuxième degré : les traducteurs grecs n'ont donc pu imiter l'u-
sage des Hébreux en choisissant Kyrios comme substitut du tétra-
gramme ; ce sont au contraire les Palestiniens qui, beaucoup plus
tard, calquèrent leur Adonâi sur le Kyrios des Septante.
Dans la rigidité où elle se présente, nous jugeons que la thèse
est fausse ( 2) : l'amputation du texte massorétique à laquelle Bau-
dissin se résout est douloureuse, et nous ne croyons pas que les
' Septante aient eu à chercher dans le monde païen le prototype
de leur nom divin Kyrios. Mais cette thèse met en relief une demi-

(1) W. W. BAUDISSIN. Kyrios als Gotlesname im Judentum und seine Stelle


in der Religionsgeschichte, édité par 0. EISSFELDT ; Giessen, Tôpelmann, 1926-
1929 (4 volumes dont le dernier contient les addenda et les tables, respective-
ment de 602, 316, 710 et 228 pages). — I. L'emploi du nom divin Kyrios dans
les Septante. — IL L'origine du nom divin Kyrios des Septante. — III, Le nom
divin Kyrios dans les Septante et l'évolution de l'idée de Dieu dans les religions
des peuples sémitiques.
(2) Baudissin (Kyrios, II, pp. 236 ss., note),cite un grand nombre de noms, et
des plus notoires, formant consensus contre lui. Nous relevons : Z. Frankel,
Ewald, Schrader, Cremer, Nestlé, Kittel, Kautsch, Dalman, Deissmann, Well-
hausen. Avant lui, la priorité de Kyrios avait été soutenue, pour des raisons
diverses, par Abraham Geiger (1876) et Cheyne (1891). L'hypothèse de Geiger
est plus ou moins admise par Bousset, P. Althaus jun. et J. Halévy (Kyrios, II,
pp. 238 ss.).
28 L. GERFAUX

vérité. Comme Dalman l'avait d'ailleurs très bien montré (1), on


dépasse le texte hébreu primitif, à moins qu'il ne s'agisse peut-être
de livres de basse époque, en considérant Adonâi comme un vé-
ritable nom propre, à traduire en français (voir la bible de
Crampon) par « le Seigneur ». Qu'on prononce Adonâi, ou Adonâi,
avec le pluriel de dignité, ou simplement Adoni, il faut conserver
sa valeur au pronom personnel, considérer le titre comme une
épithète et le traduire par « Mon Seigneur » ; et l'on écrira, sui-
vant les cas, « Mon Seigneur » ou « Monseigneur » (indiquant par
cette dernière graphie que la force du pronom personnel est en voie
de se. perdre). Le texte massorétique porte évidemment cer-
taines traces de remaniement qui nous mènent à une époque
où l'on donnait à Adonâi la valeur d'un titre divin absolu, équiva-
lent pratique du tétragramme. Ce n'est pas une raison pour que les
Prophètes, par exemple, n'aient pu introduire un usage de Adonâi
ou Adoni épithète, s'acheminant déjà parfois vers la fonction
d'un nom propre, qui nous fournirait précisément le chaînon dont
nous avons besoin pour expliquer l'origine du titre Kyrios des
Septante.
Le premier volume de l'ouvrage de Baudissin est fondamental ;
il y pose les bases de toute sa construction, cherchant à établir
deux choses : 1° que les Septante traitent Kyrios comme un véri-
table nom propre ; 2° que le texte hébreu primitif ne connaît pas
le nom propre Adonâi. Ces deux propositions conduiront évidem-
ment à nier toute dépendance du nom hellénistique vis-à-vis de
la tradition palestinienne.
Nous avons voulu suivre Baudissin sur son propre terrain.
Notre tâche fut souvent ingrate ; nous avons été soutenu par
l'espoir qu'elle ne serait pas inutile. On trouvera ici une analyse
détaillée, aussi fidèle que nous avons pu la présenter, du premier
volume de Kyrios. Sous forme de remarques, en plus petits carac-
tères, nous formulerons les critiques ou réserves que nous croyons
justifiées. L'analyse dira au moins une partie de ce que nous de-
vons au travail du grand sémitisant enlevé à la science en 1926.
Nous nous proposons de traiter dans un autre article deS'origine
du titre Kyrios.

(1) G. H. DALMAN, Studien zur Biblischen Théologie. Der Goltesname Adonâi


und seine Geschichle, Berlin, 1889, pp. 20 ss.
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 29

Suivant la division de Baudissin, nous étudierons successive-


ment : le nom Kyrios employé comme substitut des noms divins
du texte hébreu à l'exception de Adon, Adonim, Adonâi; le nom
Kyrios remplaçant Adon, Adonim ou Advnâi.

I. — Kyrios remplace IHVH et d'autres noms divins du


texte massorétique à l'exclusion de Adon, Adonim, Adonâi.
Nous ne pouvons songer à entrer dans toutes les particularités
' d'une enquête extraordinairement patiente et minutieuse qui par-
court la bible grecque livre par livre. Nous espérons d'ailleurs ne pas
trahir la pensée de Baudissin en classant les livres en deux groupes
principaux : le Pentateuque avec les Nebiim (nous désignerons régu-
lièrement par ce terme les prophètes antérieurs et postérieurs réu-
nis), et les Hagiographies (x). A cette division correspondent à peu
près deux manières différentes de traiter Kyrios et son article.

A. — Emploi du nom Kyrios inauguré dans le Pentateuque et


continué par les Nebiim.
L'usage se caractérise en premier lieu par une corrélation par-
faite entre Kyrios et le tétragramme. Kyrios ne traduit jamais
d'autre nom divin que IHVH, et le tétragramme à son tour n'ad-
met pas d'autre substitut que Kyrios. On découvre également, à
cette période primitive, une systématisation assez rigide dans la
façon de se servir de l'article. Ceci surtout retient l'attention.
Baudissin s'efforce d'établir les règles qui ont présidé à l'emploi
de l'article avec Kyrios.
Les LXX, note-t-il pour commencer, sont constants dans leur
façon d'employer l'article avec Theos et se conforment aux règles
classiques. S'ils veulent en effet désigner le dieu d'Israël, ils em-
ploient l'article : d 8soç est le dieu par excellence, le seul vrai Dieu.

(1) Baudissin admet comme hypothèse de travail que la disposition du ca-


non, Pentateuque, Nebiim, Hagiographes a réglé en gros l'ordre dans lequel on en-
treprit la traduction grecque. Il semble du moins qu'on ait un point de départ
très ferme dans l'antériorité de la version du Pentateuque. Le travail de Baudissin
est d'intérêt trop limité pour augmenter beaucoup nos connaissances actuelles
sur la version des LXX ; d'une façon générale il confirme les résultats obtenus.
Cf. H. St. John THACKERAY, A Grammar of the Old Testament in Greek, I, Cam-
bridge, 1909, pp. 6-16.
30 L. CERFAUX

Theos équivaut dans,ce cas, à peu de chose près, à un nom propre.


S'ils omettent l'article, au contraire, c'est qu'il s'agit d'indiquer un
individu quelconque ou des individus pris séparément dans l'espèce
(on désignera ainsi, concrètement les dieux du paganisme), ou
que Theos ne désigne pas un dieu particulier, mais indique le genre
comme tel, opposant par exemple le divin à l'humain (x). Présu-
mons que des règles du même genre ont présidé à l'emploi de l'ar-
ticle avec Kyrios, sous réserve toutefois d'une différence essen-
tielle : à l'opposé de ce qui se passe pour Theos, c'est l'omission de
l'article qui constituera Kyrios en dignité de nom propre. La rai-
son en est fort simple : les LXX traduisent par Kyrios le tétra-
gramme, qui est un nom propre et comme tel ne possède pas l'arti-
cle en hébreu.
On notera en outre que l'emploi de l'article avec Kyrios, — comme
avec les noms propres en général, — est gouverné par une imitation
servile de l'hébreu : au datif et à l'accusatif, les LXX placent un
article qui correspond, dans leur idée, aux particules le et el du
texte hébreu qu'ils traduisent.
Il est même très plausible d'admettre que les Septante ont com-
mencé par ajouter l'article à Kyrios chaque fois qu'une préposition
dans l'hébreu les y invitait ; mais, continue Baudissin, ils se sont
piqués au jeu et ont développé ce premier usage en un véritable
système, par lequel ils indiquaient les nuances spéciales dont ils
coloraient la signification de Kyrios (2).
Et Baudissin se donne donc la tâche de déceler ces intentions
des traducteurs grecs.
1° Au nominatif, l'emploi de l'article est tout à fait exceptionnel

(1) Cf. O. RIEMANN et H. GOELZER, Grammaire comparée du Grec et du Latin,


Paris, 1897, p. 797.
(2) Baudissin paraît attribuer quelque importance aux hésitations qui se
feraient jour, pour commencer, dans la manière dont la Septante du Pentateuque
traite Kyrios. Les traducteurs ne seraient pas tombés de suite sur des règles
fixes dans l'emploi de l'article. M. HEHN (Deutsche Literatwzeitung, 1930, pp.
339 ss.) se déclare impressionné par l'argument. Mais il suffit que les LXX aient
été les premiers à se servir de Kyrios comme nom propre ; rien ne prouve que
Kyrios, épithète ou appellatif, n'ait pas désigné beaucoup plus tôt le Dieu des
Juifs. Même les hésitations se comprendraient mieux si deux usages entraient
en concurrence : l'usage ancien traitant Kyrios comme épithète, et l'usage nou-
veau en faisant un nom propre.
LÉ NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 31

et dépend de la construction de la phrase, Kyrios se comportant


comme les autres noms propres de la version grecque. On écrira,
par exemple, à cause des particules de conjonction : 6 ôè XVQIOÇ
et d yàq xvqtoç (*).
L'usage est élargi dans le Psautier, et étendu à la particule xaî.
Fréquemment, également dans la Psautier, on emploie l'article
quand Kyrios suit le prédicat, surtout si celui-ci est un substantif.
La clarté de la version y gagne (2).
2°. Au génitif (complément déterminatif, ou complément d'un
verbe régissant ce cas), nous nous attendrions à trouver assez ré-
gulièrement Kyrios sans article. En fait, la statistique fournit un
nombre de cas avec l'article dépassant les prévisions normales. Et
sous un certain arbitraire, on finit par découvrir dans l'usage de
l'article une régularité qui correspond sans aucun doute à des
intentions théologiques des traducteurs.
a. — L'article est omis régulièrement ( 3) :
1) Avec les substantifs qui expriment l'essence divine dans
ses manifestations ad extra, c'est-à-dire ôéÇa, ovofia, TIQÔGWTIOV (4).
On rangera dans cette même catégorie nvev/na KVQÎOV (6),
f&ç XVQÎOV (6), vovç XVQIOV (').
On y ajoutera les substantifs indiquant une propriété attribuée
au « Seigneur » et appartenant à son essence, comme ôcxaioavvrj,
ëlsoç, âoe-cat (8). Néanmoins, dans ce cas, l'usage est plus hé-
sitant (9).
2) Avec beaucoup d'anthropomorphismes : ôq>6a?.fiol KVQIOV ;
epoiviq, axôfia, %BIQ, ôeÇla, 5>xa xvqiov, etc. L'emploi de l'ar-

(1) Kyrios, I, p. 62.


(2) Kyrios, I, pp. 226 ss.
(3) Nous ne notons pas les exceptions : Kyrios, I, pp. 66 ss.
(4) Dans la théologie alexandrine, suivant Baudissin, la ôàÇa est l'essence
.
du « Seigneur » sous un point de vue déterminé (I, p. 66) ; le « nom » est une force
propre au nom, ou mie manifestation de l'essence du « Seigneur » (I, p. 66) ; la
« face » désigne
Dieu présent, la Personnalité qui est le « Seigneur » (I, p. 67).
(5) I, p. 136.
(6) I, P- 161.
(7) Une seule fois, Is., LX, 13 (Kyrios, I, p. 161).
(8) I, pp. 138, 161 ss., 214, etc.
(9) L'usage est tout à fait irrégulier dans le Psautier, avec ÊÂeoç, âkrjQeia,
Tegjwo'rjjç ; l'emploi de l'article y est plutôt de règle (I, p. 232).
32 L. CERFAÙX

ticle dans ce cas provient, dit Baudissin, de ce qu'en réalité on né


perçoit plus l'anthropomorphisme, mais que « les yeux » indiquent
l'omniscience divine; «la voix», la révélation; «les mains», la
toute-puissance, etc., de sorte que nous retombons encore dans la
catégorie précédente et que tous ces concepts sont rapportés, comme
des attributs essentiels, à la personne du « Seigneur ». Si on perce-
vait l'anthropomorphisme,il faudrait se servir de l'article, exemple :
fj nâ%aiQa xov KVQIOV Q).
3) Avec les substantifs qui indiquent tout ce qui est censé venir
directement du « Seigneur », comme ses propres sentiments, des
dons qu'il accorde, des institutions qu'il impose ( 2) : or>yi], Ovfioç,
Myoç, qfifia ; vofiàç, èvxoXai, ôiadr/Kï], fiaQXvQÎa, ôixaid>f/,axa,
xQtp:axa, ëgya ; dâfifioç, exaxaoïç ; $ovlr\, amxr\qiov, ocoxrjola,
etc.
4) Pour marquer une liaison étroite
et immédiate avec le « Sei-
gneur », soit d'une personne distincte de lui, soit d'une chose qui
pourtant ne provient pas de lui directement (s) ; ainsi on dira ré-
gulièrement : âyyeXoç KVQIOV ; àovkoç, Ttaïç, %QLGXOÇ KVQIOV ; laôç,
avvayatyi], ènKlnata, xXriQOVojjiia XVQIOV ; et pour les choses :
vaéç, OvoiaGxrjQWV, OÏKOÇ KVQIOV ; axrjvrj xvgîov ( 4) ; ui6hç,na~
qâôeiaoç, âfin,e)MV, qjvxev/j,a KVQIOV.
5) En dépendance de certains verbes, par exemple ôeîoOai.
Il n'y a pas lieu d'insister, tant l'usage paraît irrégulier (5).
En règle générale, par conséquent, l'omission de l'article veut
marquer la plus grande « proximité » d'une chose à l'égard du
« Seigneur ».
b. — Au contraire, l'emploi de l'article indiquera une relation
moins proche avec le « Seigneur ». Nous avons déjà vu qu'on pou-
vait de la sorte écarter l'inconvenance d'un anthropomorphis-
me. On dira de même xo ÔQOÇ XOV KVQIOV par opposition avec
ie temple, l'autel, etc. : Dieu habite dans le temple, tandis que la
montagne lui appartient simplement (e).

(1) I, p. 160.
(2) I, p. 69.
(3) Kyrios, I, p. 71.
(4) Usage très variable avec av.rprf] ; essai d'explication I, p. 134.
(5) Cf. Kyrios, I, p. 72.
(6) A vrai dire, le manuscrit A, soutenu une fois par S et Q mg., emploie trois,
fois l'article avec rà OQOÇ, tandis que B omet l'article aux trois passages Is.
Il, 2, 3 ; sxx, 29 (Kyrios, I, p. 159).
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 33

3°. Datif (ne dépendant pas d'une préposition grecque). Ce datif


répond presque toujours au tétragramme précédé de la préposi-
tion le. En conséquence, la Septante emploie l'article, qui repré-
sente la particule hébraïque. Malgré cela, prétend Baudissin, l'ar-
ticle exprime encore ici une intention des traducteurs analogue à
celle qui a été constatée pour le génitif. Qu'il s'agisse en effet d'une
offrande ou d'une dédicace que les hommes font à Iahvé, d'une
chose qu'ils lui consacrent, du culte qu'ils lui rendent, de la
louange qui lui est adressée, l'activité part de l'homme et n'at-
teint pas Dieu dans son essence. L'article signale que le rapport
n'est pas immédiat (*). A plus forte raison, l'article servira éga-
lement à exprimer qu'une action humaine est hostile à Iahvé (2).

4°. Accusatif (sans préposition). Si l'accusatif Kyrion est le


sujet d'un infinitif, il est naturel que l'on se conforme à l'usage
du nominatif sujet et que l'article soit très rare.
Dans les autres constructions, l'uniformité est loin de régner.
Baudissin peut relever deux expressions qui demandent plus régu-
lièrement l'article : èvsiôiÇeiv et surtout cpo^sïadai x. K. Le
«Seigneur» est encore le terme d'une activité humaine hostile, et
nous retombons sur l'intention signalée pour le datif (3). D'autre
part, du moins dans le Pentateuque, on dira t,r\x&ïv KVQIOV, ce
qui pourrait exprimer le désir d'une relation personnelle immédiate
avec le « Seigneur » (4).
D'une façon générale on emploie l'article avec les verbes mar-
quant la crainte, l'amour, la connaissance ou l'invocation.

5°. Avec les prépositions. Baudissin croit découvrir, par exemple,


que naQà. n'est pas suivi de l'article quand il est question d'une
chose venant immédiatement du « Seigneur », comme la paix, un
signe, un changement de sort, tandis que Kaxd demanderait l'article
pour marquer que les hommes agissent dans une intention hostile
vis-à-vis de Iahvé.

(1) Kyrios, I, pp. 140 ss.


(2) Par exemple, avec le verbe âfiagrâveiv (I, p. 141).
(3) I, p. 144 ; cf. p. 77.
-
(4) I, p. 79. Noter que les Nebiim emploient l'article dans cette expressiou
(I, p. 143), et cf. p. 236 pour le Psautier.
REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. I. — 3.
34 L. GERFAUX

REMARQUE. — Il y a sans doute des constatations très judicieu-


ses et très fines dans ces lois. Nous ne pouvons néanmoins nous
garder d'un certain scepticisme lorsque nous voyons tant d'excep-
tions à côté de la règle. Trois éléments nous paraissent avoir été
négliges trop systématiquement par Baudissin :
1) La langue hellénistique, surtout la langue populaire depuis
les Ptolcmées, a renchéri sur l'usage que la langue classique faisait
déjà de l'article pour indiquer, par exemple, que la personne dont
on parle est bien connue (1). On expliquerait, de cette façon très
obvie, que les LXX aient volontiers employé l'article avec Kyrios.
2) Les traducteurs grecs se sont contentés très souvent d'imiter
l'hébreu (2).
3) Le nom Kyrios possédait une valeur appellative, signifiant
« Seigneur » ou « Souverain ». Baudissin n'a jamais envisagé sérieu-
sement l'hypothèse que l'article raviverait cette signification.

B. — Emploi de Kyrios dans les Hagiographes.


C'est, à l'égard de l'usage dont nous nous sommes occupé jus-
qu'ici, tantôt une dégénérescence avec évolution sur une autre
ligne, tantôt une renaissance.
Pour la correspondance entre Kyrios et le tétragramme, on
remarque une tendance continue à multiplier le nombre des noms
divins qui sont représentés en grec par Kyrios. Le Psautier, Daniel
0', I Esdr., Sirach, Job, Esther prennent l'habitude de traduire
par Kyrios, outre le tétragramme, elohim (elali) ou ha-elohim
(elaha'), el, eloali, shaddaï, etc.
Quant à l'emploi de l'article, le sens classique de la distinction
entre Kyrios sans article et Kyrios avec article est conservé ou
plutôt imité, par suite d'un retour voulu au style du Pentateuque,
dans le Psautier, les Lamentations, Ruth, les Paralipomènes, II
Esdr. Au contraire, Daniel 0', I Esdr., Sirach, Esther (Ire recen-
sion) n'ont plus conscience de ces règles et en introduisent d'au-
tres. Kyrios est devenu à peu près synonyme de Theos, est traité
comme un appellatif avec ce sens et redevient un nom propre
quand il est écrit avec l'article. L'évolution est complète dans le
livre des Proverbes, où IHVH se traduit aussi bien par Theos que

(1) A. DEISSMANN, Der Artikel vor Personennamcti in der spâigriechischen


Umgangssprache, dans Berl. Philol. Wochensclwift, XXII (1902), col. 1467 suiv.
(2) A. DEBRUNNEIÎ. Zur Ucbersetzungsiechnikder Septuaginia. Der Gebrauch
des Artikels bei KVQIOÇ (Marli-Festschrift. Beihefte zur Z. A. "W., 41). Giessen,
1925, pp. 69-78.
LE NOM DI VIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 35

par Kyrios, avec usage identique de l'article de part et d'autre.


Job représente un autre système, qui est une sorte de compromis :
Kyrios est traité tantôt comme un nom propre, s'employant alors
généralement sans article, tantôt comme un appellatif (le « Sei-
gneur» par excellence) soumis à l'usage de la bonne langue classi-
que C).

— Synthèse.
C.

Nous ferons notre possible pour condenser, en la dénaturant


le moins possible, la pensée de Baudissin.
Dans toute cette première section de son ouvrage, il a limité son
enquête aux cas où Kyrios est, en fait ou équivalemment, un sub-
stitut du tétragramme, c'est-à-dire le nom propre du Dieu des
Juifs. Il s'est placé dans l'hypothèse que Kyrios n'aurait par lui-
même aucune signification particulière capable de rejaillir sur sa
valeur de nom propre, et il a développé la sémantique du mot en
fonction de ce postulat.
1°. L'évolution primaire a lieu dans le Pentateuque et les Nebiim.
Il arrive que, tout en demeurant un nom propre, Kyrios prenne
l'article. Le choix que fait le traducteur entre Kyrios avec article
et Kyrios sans article manifestera une intention quelconque (2).
On peut très bien résumer toutes les règles particulières qui ont
été exposées dans les pages précédentes en disant que sans l'arti-
cle Kyrios désigne le « Seigneur » comme il est en lui-même ; avec
l'article, comme les hommes se le représentent, en tant qu'objet
de leur considération et de leur activité. Sans article, Kyrios est
le Dieu personnel ; avec article, il signifie la représentation que les
hommes se font de Dieu pour diriger vers lui leur pensée et leur ac-
tivité. Ou bien encore, Kyrios (sans article) est le Seigneur dans
son essence ou en tant qu'il est actif, d xiQioç est le Seigneur
considéré passive, objet de l'activité humaine (3).
On ne prétend pas d'ailleurs que les traducteurs se soient expri-
mé à eux-mêmes cette théorie qu'on leur prête, mais on con-

(1) I, pp. 255 ss.


(2) Cette intention, explique Baudissin, fait déchoir quelque peu Kyrios de
son rang de nom propre. On pourrait légitimer ainsi la pratique suivie par les
deux éditions des LXX de Cambridge (mais abandonnée par Ralilfs), de ré-
server la majuscule pour Kyrios privé de l'article.
(3) Kyrios, I, p. 96, a. 1.
36 L. CERFAUX

struit une théorie pour extérioriser le sentiment obscur qui les gui-
dait dans le choix de leurs expressions ('). Ainsi, ce n'est tout de
même pas indifféremment que les Septante ont écrit <5dfa KVQIOV
et yofleîodai xov KVQIOV. Les vieux traducteurs avaient un sens
théologique très affiné ; ils se rendaient compte, plus ou moins
confusément, que pour sauver la transcendance divine, il leur fal-
lait empêcher que le Seigneur soit dans son essence le terme de l'ac-
tivité humaine et ils interposaient l'article entre Kyrios et le ver-
be ou le substantif représentant une action humaine. Grâce à ce
procédé, on obtenait une sorte de manifestation de Dieu ad ex-
tra (2).
Un tel raffinement théologique était impossible dans le texte hé-
breu, qui ne dispose pas de ces subtilités dans l'emploi de l'article
et ne se sert jamais de l'article, d'ailleurs, avec les noms propres.De
sorte qu'un trait de spiritualisation, propre au judaïsme hellénis-
tique, a pu se fixer dans sa conception de Dieu et dans sa vie re-
ligieuse, le judaïsme d'Alexandrie séparant des notions unies dans la
représentation plus concrète et presque sensible que les Juifs pales-
tiniens conservaient du divin.
Il y a donc déjà trace dans la version alexandrine de la distinc-
tion philonicnne entre l'essence divine 6 cov et les Puissances supé-
rieures que Philon désignera par Theos (la Puissance créatrice)
et Kyrios (la Puissance royale). Au nom d oev de Philon correspond
dans les Septante Kyrios sans article, tandis que Kyrios avec l'ar-
ticle représente déjà ce que Philon appellera les deux Puissances
Kyrios et Theos (3).
2°. Evolution secondaire. Déjà les premiers traducteurs avaient
développé d'une autre manière la signification du nom Kyrios,
substitut de IHVH. On le voit à certaines formules qu'ils emploient
et qui dépassent l'original hébreu. Kyrios est synonyme de ôeoç

(1) I, pp. 98 ss.


(2) Les expressions de cette dernière phrase sont nôtres, mais nous avons
confiance d'interpréter l'idée de Baudissin.
(3) Kyrios, I, p. 101. La note de cette page, consacrée à DAEHNE. Geschicht-
liche Darstellung der jùdisch-alcxandrinischen Religionsphilosophie, Halle, 1834,
II, p. 51 ss., ne rend pas assez hommage à l'ingénieuse subtilité avec laquelle
le professeur de Halle a scruté la théologie des LXX. Il nous semble que le
travail de Baudissin n'aurait rien perdu à discuter plus attentivement une
étude qui n'a pas encore été remplacée.
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 37

JJLOV, etc. ou bien la formule KVQIOÇ Ô 0eéç est accompagnée


de génitifs qui expriment l'appartenance du « Seigneur» au peuple
d'Israël et à ses fidèles.
Le développement atteint toute sa valeur dans les Hagiographies ;
et cette fois, on aperçoit que le terme Kyrios a pris une nouvelle
valeur appellative, qui se rapproche de la signification plus géné-
rale de Theos, tout en conservant cependant une nuance spé-
ciale : le Kyrios appartient au « genre » dieu et possède la nature
divine ; nonobstant, le terme ne cesse pas d'être connotatif des
.relations du «Seigneur» avec Israël, le « Seigneur» étant la
Dieu qui s'est attaché son peuple. Désormais, par conséquent, on va
rencontrer, dépendant immédiatement de Kyrios, des génitifs
possessifs qui limiteront en quelque sorte la notion de divinité par
l'appartenance du « Seigneur » à son peuple Israël et à ses fidèles.
Désormais également, l'article pourra jouer auprès de Kyrios le
rôle qu'il joue avec Theos, c'est-à-dire que KVQIOÇ, prenant l'article,
deviendra comme un nom propre à la deuxième puissance ; nous
pourrons établir comme suit la série de ses avatars : 1° Kyrios est
un nom propre sans article, correspondant exactement au nom
propre (sans signification) IHVH ; 2° il devient un nom propre
avec nuance appellative (recevant l'article, dans le système du
Pentateuque et des nebiim) ; 3° il acquiert une vraie valeur appella-
tive (sans article), équivalant à Theos ; 4° il redevient, grâce à
l'article qu'il reprend, un nouveau nom propre désignant « le Dieu
d'Israël ».
A ce dernier degré de développement, une distinction s'est faite
dans l'essence divine. Kyrios ne désigne plus toute l'essence, mais
une face seulement de cette essence, l'essence divine en tant qu'elle
est tournée vers Israël. L'expression Kyrios Theos, employée à ce
degré, ' montre bien que Kyrios possède une signification qui le
distingue de Theos. Et ceci prépare la distinction que connaîtra le
judaïsme postérieur entre le Kyrios et le Theos, qui sont deux
manifestations appartenant à des champs différents (*).

(1) I, p. 462. Darin liegt eine Vorbereilung fur die in spàthellenistischer Li-
«
teratw auftretemtc Unlerscheidung des Kyrios als einer bestimmten Manifesta-
tionsweise, die einem anderen Gebiet angehôrl, a(s die des Theos, des Golles der
Welt ». —• L'accord n'est pas apparent avec ce que Baudissin a écrit I, p. 101 :
« In Septuaginta fehll aber ganz die philonische Beslimmung von KVQIOÇ und
Oeôç als zweier Krâfle des ô &v. <°
A moins que l'auteur ne veuille insister sur
38 L. CERFATJX

REMARQUE. L'étude que nous venons de résumer marque évidem-


ment un progrès sérieux dans notre connaissance de la signification
de Kyrios nom propre. Nous voyons enfin réapparaître dans les
LXX les linéaments de la théologie alexandrine, et la vieille analyse
de Daehne en sort justifié:: sur plus d'un point.
A notre avis, Baudissin aurait pu se rapprocher de Daehne beau-
coup plus qu'il ne l'a fait. Celui-ci trouvait en particulier que les
Septante n'étaient pas tellement en désaccord avec Philon pour la
distinction entre une Puissance créatrice (Theos) et une Puissance
royale (Kyrios). Nous croyons aussi que Kyrios évoquait souvent
l'idée de la souveraineté de Iahvé et que cela a fini par aboutir
à la Puissance royale philonienne.

II. — Kyrios traduit Adon, Adonim, Adonâi du texte mas-


sorétique.
Dans la section précédente, Baudissin s'est attaché exclusive-
ment à la sémantique de Kyrios traduisant IHVH ou d'autres
noms divins, sauf ces trois qui indiquent la souveraineté de Dieu.
Comme nous l'avons fait pour la première section, sans nous
croire absolument lié par l'ordre dans lequel Baudissin poursuit
son enquête, nous nous y tiendrons dans la mesure où l'intérêt de
sa démonstation nous semblera l'exiger.

A. — Kyrios traduit Adon el Adonim.


Le nombre des cas de cette espèce est limité. Après les avoir
passés en revue, Baudissin conclut que les Septante traduisent
l'épithète hébraïque Adon ou Adonim (pluralis excellenliae) par
un Kyrios traité, pour ce qui regarde l'article, comme un appellatif
pur et simple (non plus un nom propre), signifiant « Seigneur ».
Nous lui laissons pour le moment le bénéfice de cette constatation.

B. — Kyrios traduit Adonâi du texte massorétique.


Nom propre, Kyrios traduit assez régulièrement le tétragramme.
Cependant il se fait qu'en un certain nombre de cas, à ce même

ce qu'il ajoute : « Unlerschieden wird zwischen y.vpioç und Oeôç auch in Septua-
..
ginta, nur beinahe in einer der philonischen entgegengesetzten Vveise : xvgioç ist,
wie sich uns weiterhin ergeben uird, der Gotl Israels, der sich seinen Verehrern zu
eigen gibt, OEÔÇ, dagegen derselbe eine Gott olme Rucksicht auf dies Gemeinschafls-
verhâltnis » En réalité, nous aurons l'occasion de le montrer, Philon n'est pas
si loin des LXX pour la façon de comprendre Theos et surtout Kyrios.
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 39

Kyrios nom propre des LXX corresponde dans le texte massoréti-


que non pas IHVH, mais Adonâi.
D'autres fois, nous lisons dans le texte massorétique Adonâi
IHVH (très rarement IHVH Adonâi), formule que nos témoins
des Septante rendent de diverses manières.
Par une série de déductions qu'il va nous falloir analyser dans
le détail, Baudissin arrive à ce résultat inattendu de nier l'authenti-
cité de tous les Adonâi (seuls ou en composition avec IHVH) du
texte massorétique, employés à d'autres cas qu'au vocatif. D'après
lui, les simples Adonâi auraient été substitués à un primitif IHVH,
et là où nous lisons aujourd'hui dans le texte massorétique le nom
composé Adonâi IHVH, il n'y aurait eu primitivement que le
tétragramme.
Si Baudissin avait raison, le texte massorétique sortirait de
l'aventure diminué et son discrédit ne se limiterait pas au seul
point en litige (*).
Voici quelle est l'essence de l'argumentation de Baudissin.
Les formes Adonâi et Adonâi IHVH du texte massorétique sont
bien appuyées par le témoignage de la version des LXX pour le
vocatif ; les autres cas sont beaucoup moins bien attestés. Il faut
expliquer cette différence. Elle tient à un état primitif du texte
hébreu qui portait Adoni et Adoni IHVH au vocatif, mais au voca-
tif seul. Plus tard, sous des influences à déterminer, on a remplacé
un certain nombre de IHVH par Adonâi ou bien ajouté Adonâi
à un unique IHVH primitif.
Le texte des LXX servirait donc à démontrer l'intrusion de
tous ces Adonâi. Nous devons suivre la preuve de tout près.
L'attestation de Adoni (non uni à IHVH).
1°.
.
Nous rencontrons Adoni ainsi isolé 14 fois dans le Pentateuque.
Dans chacun des passages, on s'adresse à Iahvé, soit au vocatif,
.

soit dans la formule de politesse à la troisième personne, par exem-

(1) Au moment d'aborder la discussion de l'authenticité de ces Adonâi du


texte massorétique, il n'est pas inutile de rappeler que la lecture conventionnelle
Adonâi ne s'impose nullement. Elle peut s'être introduite à une époque assez
récente, et avoir remplacé soit la lecture Adonâi (a bref) soit une autre lecture,
peut-être plus primitive, Adoni. Le choix entre ces diverses vocalisations n'est
pas indifférent, car, prononçant Adoni (ou Adonâi, avec a bref), nous insistons
sur le suffixe pronominal. Nous nous réservons de choisir, suivant les exigences
de l'exposé, entre l'une ou l'autre des vocalisations.
40 L. CERFAUX

pie Ex., xxxiv, 9, dans la prière de Moïse : « Si j'ai trouvé grâce à


tes yeux, mon Seigneur, daigne mon Seigneur nous accompagner ».
Pour tous ces passages, déclare Baudissin, on n'a aucune raison
de douter de l'authenticité du texte massorétique. Les Septante
ont traduit Adoni par Kyrie au vocatif.
Dans les Nebiim, Adoni vient 44 fois, dont 6 fois au vocatif.
Excepté au vocatif, dit Baudissin, les LXX traduisent Adoni par
un Kyrios traité de la même manière que celui qui répond à IHVH.
// se pourrait donc qu'ils aient lu dans leur texte hébreu, à tous
ces passages, IHVH et non Adoni.
Nous trouvons 76 Adoni simples dans les Hagiographes, dont 36
vocatifs. Sauf au vocatif, si nous ne tenons pas compte de quelques
exceptions (*), on peut toujours se représenter les choses comme si
le Kyrios des Septante correspondait à un IHVH de leur original
hébreu.

REMARQUE. Cet état de choses ne nous permet pas de dépasser


une conclusion purement négative : le texte grec ne soutient pas
l'authenticité de l'Adoni massorétique. Mais il ne l'infirme pas non
plus. Les indices relevés par Baudissin pour jeter la suspicion sur le
terme ne nous paraissent pas probants.
1) L'opposition entre Adoni vocatif (ou formule de politesse à la
3e personne) et Adoni aux autres cas est factice. En effet, les LXX
traitent ces Adoni de la même façon, traduisant en règle très générale
le vocatif par Kyrie, les autres cas par Kyrios avec ou sans l'article.
Les deux ou trois fois où nous ayons KVQIÉ fiov au vocatif (2),
étant donné les incertitudes de la tradition du grec, ne peuvent
absolument rien décider.
2) Les hésitations du texte massorétique, dont les manuscrits,
en assez grand nombre, portent fréquemment la variante IHVH
pour Adonâi, ne prouvent pas davantage.
Baudissin note soigneusement que ces hésitations n'existent pas
pour le vocatif dans les Nebiim. Il cite (I, p 507, n. 1) les 17 passages

(1) Ps. 16 (15), 2 ; 30 (29), 9 ; 77 (76), 3


Néh., iv, 8. Cf. Kyrios, I, pp. 512 ss.
;
Dans ces passages, il faudrait comprendre adoni « appellativement », avec le
sens de « mon Seigneur ».
(2) I, p. 495, n. 1. Adoni est traduit parfois par ôéanora, mais quand il est
combiné avec IHVH, et cela pour éviter la répétition de xégis. Pour traduire
les simples Adoni, on ne rencontre àeanôxi^ç qu'au chapitre IX de Da-
niel O', et c'est là un phénomène isolé qui ne sert qu'à donner du relief à la règle
générale. Le seul cas intéressant en faveur de Baudissin se trouve Ex. xxxiv,
9. Sa rareté fait hésiter Baudissin lui-même (I, p. 492).
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 41

des Nebiim où la Bible de Kittel signale des variantes En réalité


il fait erreur pour 7s., vi, 8 et le nombre est ramené à 16. Le phéno-
mène est moins frappant si nous songeons que nous n'avons dans
les Nebiim que 6 vocatifs. Surtout, il faudrait ajouter que dans le
Pentateuque et les Hagiographes, les variantes se répartissent entre
tous les cas, vocatif compris (*), ce qui prouve bien que le phénomène
signalé pour les Nebiim est dû au hasard.
Étant donné d'ailleurs que IHVH, nom propre, ne s'emploie
généralement pas seul au vocatif, car la formule est irrévérencieuse
excepté dans le style noble, on comprendrait assez que les copistes
aient moins multiplié les variantes au vocatif qu'aux autres cas.
3) Le confirmatur cherché dans le fait que la formule com-
posée Adoni IHVH ne se rencontre qu'au vocatif tombe si nous
n'admettons pas le fait, et nous allons y venir bientôt.
Une raison d'un autre ordre est développée par Baudissin. Il est
vraisemblable, dit-il, que la formation Adonâi avec valeur de nom
propre appartient à une époque plus tardive que la rédaction du
Pentateuque, la prédication des prophètes et l'exil. Nous le pensons
avec lui.
Mais nous croyons en même temps qu'il existe des intermédiaires
qui ont préparé les Hébreux à considérer Adonâi comme un véri-
table nom propre divin. Une étape vers cet aboutissement de la
sémantique est précisément notre Adoni tel qu'il est employé par
les Prophètes.
Les LXX, à notre sens, ont trahi leur original en le traduisant
bonnement par leur Kyrios nom propre. Dans les Prophètes, bien
qu'il soit peut-être en voie de s'amalgamer avec le substantif Adon,
lé pronom personnel n'a pas encore perdu toute sa valeur, et il met
eh évidence la valeur appellative de seigneur ou de souverain, avec
Isi: relation y inclue, marquée par Adon. De par ailleurs, Adoni
va constituer un titre d'honneur qui appartiendra spécialement et
uniquement à IHVH.
Le chapitre VI d'Isaïe est assez caractéristique, parce qu'il nous
fournit Adoni à l'accusatif, au génitif et au vocatif, et que la va-
leur appellative de Adoni est bien marquée.
1. L'année de la mort du roi Ozias, je vis Monseigneur (Héb.
et-Adoni ; LXX rèv xégiov) assis sur un trône très élevé... 8. Et
j'entendis la voix de Monseigneur (Héb. et-qôl Adoni ; LXX : rfjç
(pcovfjç KVQIOV) disant : Qui vais-je envoyer?... 11. Et je dis : Jusques
à quand, Monseigneur? (Héb. Adoni ; LXX : Y.VQIÈ)

(1) Variantes au vocatif: Gen., xx, 4; Ex., xv, 17 (le Samaritain lit
IHVH à ce passage) ; Ps. XXXVIII, 16 ; xxxix, 8 ; XLIV, 24, etc. Comme Baudissin
admet que les Adoni au vocatif sont authentiques, et puisqu'il y a des variantes
dans leur attestation, on ne peut rien conclure non plus de l'existence des va-
riantes, contre les Adoni du style narratif,
42 L. CERFAUX

Dans toute cette vision, le caractère royal de Iahvé est mis en


évidence ; le trône, les séraphins qui forment sa cour ou son ar-
mée céleste (cf. la vision de Michée, I Reg. xxn, 19) insinuent
la comparaison avec un roi terrestre. D'ailleurs, Isaïe donne à Iahvé
le titre de roi, v. 5 : « Car mes yeux ont vu le roi Iahvé des armées ».
Tout le monde le reconnaît, et Baudissin lui-même, Adoni (ou
adonênu) se spécifie volontiers comme formule de politesse adressée
aux rois et comme véritable titre royal. On dira en parlant au roi
ou en parlant de lui à des tiers : Mon-Seigneur le roi, Mon-Seigneur
David ; Notre-seigneur le roi, etc. (1).
Dans ce passage où la dignité royale de Iahvé s'impose à lui d'une
façon si irrésistible qu'il s'écrie : « c'est le roi Iahvé des armées
(célestes) que mes yeux ont vu », n'est-il pas raisonnable de retenir
que le prophète emploie les expressions du style protocolaire royal
avec leur saveur d'épithète royale? Il s'adresse à Iahvé avec la
formule : Mon-seigneur ; il raconte à des tiers la vision qui l'a
constitué le messager de son roi céleste : « Je vis Mon-Seigneur,
j'entendis la voix de Mon-Seigneur.» Les officiers, les ambassadeurs
des rois emploient précisément ces formules pour mettre en avant
les relations personnelles qui les unissent à leur souverain.
Ce contrôle de l'authenticité du terme Adoni par une sorte de vrai-
semblance intrinsèque peut se faire pour un certain nombre d'autres
passages, en particulier lorsqu'un prophète emploie la formule
en délivrant son message (2), ou que l'élégance du parallélisme re-
quiert clans les deux membres un mot différent, IHVH d'un côté,
Adoni de l'autre (3).
Il nous suffit que l'authenticité soit plausible pour un certain
nombre d'exemples ; il est clair en effet, et la traduction manus-
crite en fait la preuve, que les copistes n'ont pas toujours agi avec
honnêteté ou acribie (4).

2°. L'attestation de Adoni IHVH.


Dans le Pentateuque, Adoni IHVH se rencontre 4 fois seulement

(1) J'ai signalé bon nombre d'exemples dans l'article Le titre « Kyrios », dans
Rev. se. phil. théol., t. XI, 1922, pp. 44-47.
(2) III Reg., xxn, 6 ; Is., in, 17, 18 ; vu, 14, 20 ; vm, 7 ; ix, 7 ; x, 12, etc. ;
Am., vn, 8.
(3) Mich., i, 2, etc.
(4) Nous reviendrons plus loin sur le cas des passages postérieurs, où Adonâi
pourrait, être un véritable nom propre. Aux débuts de la période grecque,
lorsqu'on se faisait scrupule de prononcer le tétragramme sacré, sans que la
coutume de le lire Adoni se soit déjà fixée, les scribes devaient avoir la ten-
tation de remplacer IHVH par une autre formule, et Adoni se présentait na-
turellement. Plus tard, lorsqu'on a lu régulièrement le tétragramme Adoni ou
Adonâi, on a pu fort aisément écrire IHVH là où il aurait fallu Adoni,
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 43

dans le texte massorétique, et toujours au vocatif. L'emploi n'est


guère plus fréquent dans les Prophètes antérieurs, 11 fois en tout,
toujours au vocatif également, sauf une fois (III Reg., II, 26). Les
Septante traduisent ordinairement la formule par K-ÔQie KVQIS,
KVQIS fiov KVQIS, ôéaTtoxa. KVQIS.
Changement de décor dans les Prophètes postérieurs, qui usent
de la formule beaucoup plus fréquemment, et très exceptionnelle-
ment, cette fois, au vocatif.
a) Isaïe fournit 25 Adoni IHVH, et toujours dans le style nar-
ratif.
Baudissin prétend montrer que la version des LXX ne soutient
pas l'authenticité de ces expressions. Pour les traduire, nous trou-
vons dans le Vaticanus 10 fois K'ÔQIOÇ KVQIOÇ, 1 fois K'ÔQIOÇ Ô @EOÇ
11 fois le simple KVQIOÇ. Deux fois B omet complètement le nom
divin. Le témoignage de B en faveur du double nom serait donc
relativement faible, et il est encore affaibli du fait que les autres
manuscrits, pour les dix passages où B lit KÛQIOÇ KVQIOÇ, présen-
tent la variante dû simple KVQIOÇ.
REMARQUE. On n'est sûrement pas autorisé à jeter le discrédit
sur la leçon KVQIOÇ KVQIOÇ du Vaticanus rien qu'en enregistrant
brutalement des variantes de la tradition textuelle grecque.Baudissin
' admet lui-même la supériorité du texte du Vaticanus. Il faut évi-
demment raisonner la tradition.
Sur les dix cas où B lit KVQIOÇ KVQIOÇ il est appuyé 8 fois par la
leçon hexaplaire de Q mg. et plusieurs fois par S et F. On peut donc
dire que cette leçon a pour elle une tradition textuelle du meilleur
aloi.
L'accord du groupe SAQ (r) contre le Vaticanus ne revêt pas
une telle signification, car on constate, en particulier par les indices
Orthographiques, que ces quatre manuscrits ont très souvent partie
liée contre B et que, vis-à-vis du texte massorétique, B est générale-
ment plus fidèle que ses opposants (sans qu'on puisse l'accuser
d'avoir corrigé dans ce sens un texte antérieur que le groupe SAQ
(r) représenterait).
Si l'on veut dresser lé Vaticanus contre lui-même, en opposant
aux 10 cas où il lit K. K., les cas où il ne porte que le simple KVQIOÇ,
il s'agira de déterminer dans quel sens a joué, dans la transmission
du texte, la loi du plus difficile au plus facile. La répétition du nom
Kyrios n'avait aucun sens en grec (excepté au vocatif, qui indiquait
une insistance dans la prière) et on devait être tenté ou bien de
laisser tomber un des Kyrios, ou bien de le remplacer par un équi-
valent. Et c'est bien en effet ce qui est arrivé. Baudissin objecte
que l'on avait plutôt intérêt à conserver des noms divins. Si c'est
44 L. CERFAUX

vrai pour des noms différents, ce ne l'est pas dans un cas comme
celui-ci où un scribe ignorant l'état du texte original peut croire à
une dittographie du grec, ou juger inutile d'écrire deux fois la même
chose.

b) Nous laissons tomber ici l'analyse de .lérémie et des XII Pe-


tits Prophètes, la situation étant sensiblement pareille à celle qui
s'est présentée pour isaïc. II nous faut réserver toute notre provi-
sion de patience pour le cas d'Ézéchiel, car celui-ci fournit à Bau-
dissin ce qu'il croit être ses meilleures armes.
r) Ezéehiel.
Baudissin veut démontrer que l'authenticité de la leçon KVQIOÇ
KVQIOÇ, qui devrait être la leçon primitive du grec, est douteuse,
et que le texte massorétique Adoni IHVH est tout aussi sujet à cau-
tion.
1. Le texte grec d'Ezéehiel.
a. — Nous examinons d'abord les chapitres I-XXXIX.
Première argumentation, d'après les témoins du texte B, A, Q.
Pour traduire les quelque deux cents Adoni IHVH du texte
massorétique, B écrit 54 fois KVQIOÇ KVQIOÇ ; 140 fois KVQIOÇ ;
2 fois âôoeval KVQIOÇ. A tous les passages où B porte K. K-, A et Q
(généralement tous les deux, parfois un seul) ont la même leçon (x).
Là où B n'a que le simple KVQIOÇ, A et Q ont multiplié les âôcoval
KVQIOÇ (ils lisent cette leçon ensemble 02 fois ; A l'ajoute 19 fois,
Q 38 fois). Il faut dire encore que les cursifs, surtout les manuscrits
lucianiques de Parsons, ne soutiennent pas toujours le K. K. de B (2).

REMARQUE.
— En somme, c'est la situation du texte grec d'Isaie
qui se représente. Si nous admettons que KVQIOÇ KVQIOÇ est la
leçon plus difficile il n'y a rien que de normal à la voir s'éliminer
de plus en plus dans la tradition manuscrite.

Deuxième argumentation, tirée de la leçon âôoeval KVQIOÇ et du


scholion de Jacques d'Édesse (3).
Jacques d'Édesse explique dans ce scholion, dont le sens à vrai

(1) Kyrios, I, p. 539.


(2) I, pp. 539 ss.
(3) Dans sa traduction des Aùyoi èm&qôvioi de Sévère d'Antioclie (cf.
Z. D. M. G., XXXII, 1878, pp. 481 ss.). Cf. BAUDISSIN, Kyrios, I, pp. 530 ss.
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 45

dire n'est pas très clair, que les LXX ne traduisaient pas le tétra-
gramme et ne changeaient pas ses caractères (hébreux), tandis que
les autres écrivaient âôoeval, dans le texte et KVQIOÇ en marge. Lu-
cien aurait réuni les deux traductions, non pas toujours mais dans
les cas où le texte portait : « Ainsi parle Adonâi le Seigneur », ou
«Ainsi commande,ainsi fait Adonâi le Seigneur » et expressions sem-
blables.
Ceci s'appliquerait précisément aux cas où A, Q et les manuscrits
lucianiques ont la leçon âôoeval KVQIOÇ.
Baudissin avoue que ces données de Jacques d'Édesse ne sont pas
entièrement correctes ; néanmoins il en faudrait retenir que cer-
tains manuscrits grecs distribuaient âôoeval et KVQIOÇ entre le
texte et la marge. La seule hypothèse plausible serait celle-ci :
les scribes qui recensent de cette façon le texte lucianique ont conçu
des doutes sur l'autorité de la leçon Adonâi IHVH de l'original hé-
breu (ils lisaient sûrement, au moins dans une partie de leurs ma-
nuscrits hébreux, la leçon massorétique actuelle) ; voilà pourquoi
ils ne consentent plus à écrire le double nom dans le texte de leur
traduction grecque (1).
On constate d'autre part une relation entre âôoeval KVQIOÇ des
manuscrits lucianiques et la leçon KVQIOÇ KVQIOÇ du Vaticanus. Le
sort de KVQIOÇ KVQIOÇ de B, celui de âôoeval KVQIOÇ et celui de Adonâi
IHVH du texte massorétique sont liés : KVQIOÇ KVQIOÇ de B est en-
traîné dans le discrédit que les manuscrits lucianiques ont jeté sur
Adonâi IHVH.
On pourrait émettre l'hypothèse que la leçon KVQIOÇ KVQIOÇ de
B viendrait des manuscrits lucianiques par traduction de âôoeval.
Ce n'est pas vraisemblable. C'est par le texte hébreu commun que
la relation s'établit (2).
Etudiant ensuite la situation du texte de A et de Q, Baudissin

(1) Dans ce cas, évidemment, ils ont dû écrire KVQIOÇ dans le texte, comme
traduction de IHVH, et placer àôcovai en marge. Comme Jacques d'Édesse
dit le contraire, il faut que celui-ci se soit trompe (Kyrios, I, p. 538).
(2) Pourquoi ne pas se contenter de l'hypothèse très simple que âôoeval
y.éqioç serait une correction savante du KVQIOÇ KVQIOÇ de la première
traduction (conservée par B)'? Baudissin a besoin d'un texte hébreu édité exprès
pour sa thèse, qui n'aurait contenu qu'une cinquantaine de fois l'expression
Adonâi IHVH, là où B et les manuscrits lucianiques sont d'accord pour lire un
double nom.
46 L. GERFAUX

croit que ces manuscrits n'ont pas connu plus de KVQIOÇ KVQIOÇ
que ce qui en est contenu dans B, et qu'ils ont remplacé, sous l'in-
fluence de la recension de Lucien, les KVQIOÇ simples par âôoeval
KVQIOÇ (*).

REMARQUE. Que l'autorité de B,pour les passages où ce manuscrit,


d'ailleurs soutenu très efficacement, porte la leçon xégioç KVQIOÇ,
sorte diminuée de ce débat confus, nous pouvons le nier très à l'aise.
.Nous prétendons de même que la valeur du texte massorétiquen'est
pas atteinte par une conjecture reposant sur le scholion pour le
moins étrange de Jacques d'Édesse.

Troisième argumentation, tirée de la tradition de la Velus Latina (2).


Suivant les témoignages d'ailleurs fragmentaires que nous pos-
sédons sur l'ancienne version latine d'Ézéchiel, V. L. n'avait, pour
représenter soit KVQIOÇ KVQIOÇ soit le simple KVQIOÇ de B, que le
simple dnus.
Or, 1° pour les chapitres XL-XLVIII, V. L. possède la traduction
dominus deus ; 2° elle représente uniformément par le simple dominus
des expressions différentes de la version grecque. Il faut en conclure
qu'elle a connu la version grecque à un stade primitif, quand, pour
les chapitres I-XXXIX, on ne lisait encore qu'une formule unique,par-
tout le simple KVQIOÇ.
REMARQUE. Il est aisé de voir que cette argumentation n'a pas
de valeur si nous supposons que la V. L. a traduit un texte grec
du type du Vaticanus. Elle devait rendre naturellement par domi-
nus deus l'expression XVQWÇ d Oeôç que nous rencontrons dans le
grec à partir du chapitre XL. Pour ce qui regarde les 39 premiers
chapitres, elle se trouvait en présence de deux seules expressions
grecques, xégwç KVQIOÇ et KVQIOÇ. Il est vraisemblable que le
traducteur latin aura représenté KVQIOÇ KVQIOÇ de son original
par dnus dnus ; mais il est tout aussi vraisemblable que ce double
dnus se sera simplifié dans la tradition manuscrite, par ce même
phénomène que nous constatons dans la tradition manuscrite grec-
que ; aucun scribe ne trouvait intérêt à conserver ce même titre
répété ; les plus instruits seuls, s'en référant à l'hébreu, pouvaient
avoir la tentation de réintroduire dans leur texte un double nora, ;
et dans ce cas. ils devaient s'arrêter à dnus deus ou bien à adonâi
dnus.

(1) Voilà ce que nous admettons aussi très volontiers.


(2) I, pp. 541 ss.
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 47

Quatrième argumentation, où l'on émet une nouvelle hypothèse


pour expliquer l'état du texte grec des chapitres I-XXXIX (*).
Ces chapitres se divisent en deux sections, la ligne de démarcation
pouvant passer après le chapitre xx. Dans la première section, B
a presque toujours KVQIOÇ là où les Massorètes ont Adonâi IHVH,
et 5 fois seulement K. K. Dans la deuxième section, on trouve 49
H. % contre 68 n-
De cet état de choses, Thackeray, Schâfers et Hermann ont con-
clu à l'activité de deux traducteurs. En s'appuyant surtout sur V.L.,
Baudissin ne consent pas à se rallier à cette hypothèse plausible.
Il imagine donc qu'il a existé d'abord, aussi bien pour XXI-XXXIX
que pour i-xx, une traduction grecque qui ne lisait que KVQIOÇ,
et correspondait à un texte hébreu qui ne contenait que IHVH.
Le manuscrit B représente encore cette première traduction pour
la section i-xx ; tandis que la deuxième section de ce manuscrit
mélange actuellement deux formes de texte, l'une qui lisait encore
le simple KVQIOÇ, l'autre qui possédait KVQIOÇ KVQIOÇ (ceci s'était
introduit dans la Septante en conséquence d'une altération du texte
hébreu).
.

REMARQUE. — Nous pensons que la complication de ce système


porte sa condamnation. Constatons pour en finir que Baudissin
a deux poids et deux mesures. Nous nous souvenons qu'il considère
comme primitifs et authentiques les vocatifs Adoni et Adoni IHVH.
Or, sur les cinq Adoni IHVH au vocatif que contient le texte masso-
rétique des ch. I-XXXIX d'Ezéehiel, B a 3, fois KVQIE ; une fois KVQIS
KéQie et une fois K-VQIS &sè xov 'lagafâ. C'est exactement la même
variété et la même répartition que dans les passages déclarés inau-
thentiques pour le désaccord entre la version grecque et l'hébreu.
b. — Aux chapitres XL-XVLIII d'Êzéchiel, nous retrouvons Ado-
nâi IHVH 17 fois dans l'hébreu. La traduction KVQIOÇ (Ô) dsôç
de B, généralement soutenue par A, Q et la V. L. (dnus deus) peut
être considérée comme solidement établie. Elle est préhéxaplaire
(à cause de V. L.) et représente un texte hébreu ancien.
Cependant Baudissin n'admet pas pour autant que Adonâi IHVH
soit primitif dans l'hébreu. Les manuscrits de la recension de Lucien
interviennent encore avec leur âôoeval KVQIOÇ : signe que leurs
scribes ont conçu des doutes sur l'authenticité des Adonâi IHVH de
ces chapitres comme des autres.

(1) i» W' 553 ss.


48 L. GERFAUX

REMARQUE. NOUS renonçons au plaisir de montrer la faiblesse


d'une pareille argumentation.
2. Le texte hébreu d'Ezéchiel (x).
Par son étude sur la tradition manuscrite grecque, Baudissin a
voulu établir que le texte primitif des Septante ne portait comme
nom divin, là où le texte massorétique lit aujourd'hui Adonâi IHVH,
que le simple KVQIOÇ. Ce qui équivaut, étant donné l'antiquité de la
version des LXX, à jeter le discrédit sur la leçon du texte massoré-
tique. De par ailleurs, l'argumentation de Baudissin sur le scholion
de Jacques d'Édesse a préfendu ruiner directement l'autorité de
l'hébreu.
A une hypothèse simple, qui est celle d'un texte grec traduisant
d'abord, aussi bien que possible, l'expression Adonâi IHVH par
K. K. ou un peu plus tapi par KVQIOÇ (O) ÔEOÇ, puis ayant peine à
maintenir le double nom dans sa forme K.K. qui s'altère d'abord en
KVQIOÇ, et est enfin ramenée à l'hébreu par diverses corrections, il
substitue une hypothèse compliquée ; il suppose une évolution
parallèle du texte hébreu et du texte grec, celui-ci se transformant
à mesure que le premier s'est altéré. Il est évident qu'il ne pouvait
se soustraire à une enquête sur le texte hébreu. Celui-ci révèle-t-il
des traces d'altération ?
Dans Ezéehiel, comme d'ailleurs, bien qu'avec une moindre régu-
larité, dans les autres Prophètes, Adoni IHVH revient dans des
formules stéréotypées qui révèlent quelque intention de la part de
l'écrivain. Cet écrivain est-il Ezéehiel, ou un remanieur ?
Nous trouvons 122 fois la formule koh amar A. L, et 81 fois
ne'um A. I. (a).
En outre, la formule « vous saurez (ils sauront) que je suis Adoni
IHVH » vient 5 fois ( 3) ; debar adoni IHVH 3 fois (4). On lit une
fois iad Adoni IHVH (6).
D'après Baudissin, Adoni IHVH indique que Iahvé parle avec
solennité. Adoni (il faut lire Adonâi suivant Baudissin) ne signifie

(1) I, pp. 573 ss.


(2) Koh amar n'est employé que 4 fois avec le simple IHVH ; de même ne'um
4 fois. Le texte a des chances d'être incorrect à ces endroits.
(3) 'ani IHVH : 86 fois.
(4) debar IHVH : 57 fois.
(5) iad IHVH: 6 fois.
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 4$

pas « mon Seigneur », mais possède la valeur d'un nom propre par
lequel Dieu se désigne comme le souverain universel (Allherr).
L'intention est plus évidente dans la formule « vous saurez que je
suis A.. I. », qui introduit des menaces.
D'autre part, Adoni IHVH est employé 5 fois au vocatif. Là,
.
Adoni indique la relation du prophète avec Iahvé. Le double nom se
traduira par Mon Seigneur Iahvé (même formule que pour le roi).
Il n'est pas vraisemblable que le même écrivain emploie Adoni
ou Adonâi de deux façons si différentes, tantôt, au vocatif, donnant
sa valeur au suffixe personnel, tantôt, aux autres cas, la laissant
tomber. On conclura de cette remarque que l'auteur des expressions
« Ainsi parle Adonâi IHVH » etc. est différent de l'auteur des voca-
tifs. Celui-ci est Ezéehiel ; l'autre est un remanieur.
REMARQUE. — Tel est le raisonnement. Mais précisément, c'est
raisonner beaucoup. Est-il si difficile d'étendre à toutes les formules
le bénéfice d'authenticité que l'on réserve aux vocatifs? S'il ne
s'agissait que des expressions « Ainsi parle A. I. », ou bien. « Parole
de A. I. », ou bien « la main de A. I. », il faut avouer qu'on les tradui-
rait fort heureusement par « Ainsi parle Monseigneur Iahvé » etc.
Le prophète les prononce pour introduire un oracle, ou il réfléchit
sur l'accomplissement des menaces de « son Maître » ; et comme
un ambassadeur, il proclame la puissance et l'autorité du Souverain
qu'il représente.
Les cinq cas où nous trouvons « Vous saurez (ils sauront) que je
je suis A. I. » sont nettement favorables à l'interprétation de Bau-
dissin. Mais qu'il nous soit permis de faire jouer, une fois aussi,
la question d'authenticité (*). Sur ces cinq cas où nous lisons la
formule, 4 fois la Bible de Kittel, faisant confiance aux LXX, athé-
tise Adoni. Que l'on songe en outre que ces cinq cas sont délayés
dans la masse des 40 cas environ où Ezéehiel emploie l'expression
« Vous saurez (ils sauront, etc.) que je suis Iahvé ». Chaque fois,
une erreur de scribe est vraisemblable à cause du voisinage de
ne'um Adonâi, que les scribes postérieurs comprenaient sûrement
à la façon de Baudissin, en considérant Adonâi comme un nom propre
très solennel.
Le dissentiment qui nous sépare de Baudissin est irréductible
parce que celui-ci n'a pas voulu faire attention à une chose qui nous
semble obvie et qu'appuient toutes les analogies du monde sémiti-
que : que adoni, même employé en parlant de Iahvé par un de « ses
serviteurs les Prophètes », donc autrement qu'au nominatif, peut et

(1) Cf. DALMAN, Der Gottesitame Adonaj, p. 31.


REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. I. — 4.
50 L. CERFAUX

doit se traduire par Monseigneur, et marque encore, eii y insistant


plus ou moins suivant les cas, la relation du prophète avec son Maî-
tre et Seigneur. « Il est une chose remarquable, écrit Dalman, ce sont
précisément les Prophètes qui font mention d'avoir reçu un mandat
spécial ou-une vocation de Dieu, Isaïc I (vi, 9), Amos (vu, 15),
Jcrémie (i, 10), Ezéehiel (n, 3), Isaïc II (XLVII, 10; L, 4) qui ont
une prédilection pour Adoni : signe que leur service les attache per-
sonnellement à Jahvé ; signe aussi que le pronom suffixe de Adoni
garde sa signification (J). »
L'exégèse est plus révélatrice sur ce point que toutes les statisti-
ques du monde. Amos pourrait bien avoir donné la vogue à cette
formule : « Mon Seigneur Iahvé » que tant de prophètes répètent
après lui. Son livre nous fournit Adoni IHVH en 19 passages : dont
deux au vocatif. Si nous laissons de côté les formules stéréotypées,
les autres passages supposent ou marquent ses relations intimes avec
Iahvé. « Son Seigneur » lui donne ses visions (vu, 1 ; vin, 1), parle
par sa bouche, l'oblige à prophétiser. Un passage comme ni, 7 est
très net clans notre sens : « Mon seigneur Iahvé ne fait rien sans avoir
révélé son dessein à ses serviteurs les prophètes ». « Seigneur » et
«
serviteur » se répondent. Le chapitre VII montre clairement
qu'on ne peut séparer la cause du vocatif de celle des autres cas :
Ainsi me fit voir Mon Seigneur Iahvé :
il formait un essaim de sauterelles
quand commence à monter la première verdure ;
— c'était l'année après les coupes royales.
Or, elles allaient achever de dévorer l'herbe du pays,
et je dis :
Mon Seigneur Iahvé, pitié, je te prie (s)...
Les deux expressions « Mon Seigneur Iahvé », l'une au vocatif,
l'autre dans le style narratif ne se correspondent-elles donc pas
parfaitement, au point qu'on ne pourrait toucher à l'une sans at-
teindre l'autre?
d) L'expression Adonâi IHVH dans les Hagiographes.
Ce n'est que pour achever l'analyse du travail de Baudissin
que nous en faisons mention. Les Psaumes seuls sont en cause,
avec 4 fois Adonâi IHVH et 4 fois IHVH Adonâi. Dans le Ps. 71
(70), v. 5 et 1G, la leçon Adoni IHVH du texte massorétique est bien
appuyée par le grec. Baudissin hésite cependant à la conserver telle
quelle.

* *

(1) Der Goliesname Adonaj, p. 34.


(2) Am., vu, 1-2. Cf. VAN HOONACKER, Les Petits Prophètes^
LE NOM DIVIN « KYRIOS » DANS LA BIBLE GRECQUE 51

-
La tâche que nous nous étions imposée est achevée. Regardons
en arrière.
Le point de départ de Baudissin est mal choisi. Peut-on séparer
comme il le fait la cause de Kyrios nom propre, traduisant IHVH,
de celle de Kyrios épithète? C'est, de part et d'autre, le même Ky-
rios. Il n'est pas vraisemblable que les deux usages soient sans rac-
cord.
Baudissin a donc outré une première constatation juste. S'il est
vrai que Kyrios est un nom propre il, est tout aussi vrai qu'il
peut reprendre aisément l'une ou l'autre de ses valeurs appellatives
ordinaires. Ce n'est pas un nom propre qui tombe du ciel.
Il a outré une deuxième constatation, juste elle aussi. Adonâi,
dans le texte massorétique actuel, est traité comme un nom propre.
Mais ce nom propre déguise à peine l'épithète Adoni, et le seul crime
des Massorètes est d'avoir hiératisé leur texte. Ils n'ont pas commis le
faux d'introduire en masse des noms divins.
Grâce à ces deux procédés, un fossé désormais infranchissable est
creusé entre Kyrios et Adonâi. Il faudra trouver à Kyrios une
nouvelle origine.
Louvain. Lucien CERFAUX.
U NOTION ANALOGIQUE BE DOMINHJM
ET LE DROIT DE PROPRIÉTÉ

La présente étude voudrait souligner d'une part la complexité


de la relation de Dominium (*) dans la théologie thomiste, et, en
accusant un aspect de la jurisprudence et de la législation ancien-
nes, mettre d'autre part ces deux ordres en rapport. Il semble
que l'ordre juridique et social ait suivi dans son évolution, et réa-
lisé progressivement dans le fait, les grandes lignes du plan abs-
trait fixé par la réflexion philosophique. Cette concordance du
dynamique et du statique, de l'abstrait et du concret, cette sanc-
tion et cette application des rapports ontologiques et psycholo-
giques par l'ordre juridique pourra peut-être apporter quelques
suggestions sur ce point précis de la philosophie du droit.

Il semble que pour méconnaître la valeur des notions philoso-


phiques, l'on n'ait pas assez remarqué que le domaine, que l'hom-
me, «laissé aux mains de son propre conseil», (Eccli., XV, 14)
exerce sur lui-même, était le paradigme de toute autre propriété.
Nous n'avons rencontré chez aucun auteur moderne ce rapproche-
ment. Il y a là cependant une idée féconde, et que S. Thomas n'a
pas méconnue : « Secundum modum quo dominatur his quae in
seipso sunt, secundum hune modum competit dominari aliis » (2).
De là vient, remarque-t-il ailleurs (8), que l'on a appelé les posses-
sions des « facultés », facullates, parce que, comme les puissances
de l'homme, elles sont soumises à son libre arbitre. Celui-ci a sur
elles un pouvoir d'usage — la faculté se définissant : « Potestas qua
aliquid habetur ad nutum » (4).

(1) Sur le sens du terme Dominium dont l'ampleur analogique ne permet pas
de traduction française, cf. Bcv. Se. ph. th., 1929, pp. 269 ss.
(2) IaP.,q. 96, a. 2. ^
-.j

(3) // Sent, dist. 24, q. I, a. I, ad 2m : « Facultas secundum communêm usum


loquendi significat potestatem qua a'iquid habetur ad nutum, unde et possessio-
nes facultates dicuntur, quia in dominio sunt possidentis. »
(4) la P., q. 83, a. 2, ad 2m.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 53

L'homme est à lui-même sa providence : et de même qu'il exerce


un empire souverain sur ses opérations spirituelles immanentes,
de même sa maîtrise pourra s'étendre sur les choses et les êtres
extérieurs à lui, qui pourront devenir, à titre moindre sans doute,
mais bien réel aussi, sa possession et sa propriété. L'exercice du
droit de propriété de l'homme sur les choses n'est qu'un cas par-
ticulier et dérivé du gouvernement de l'homme sur ses facultés
intellectuelles et sensibles, et sur son corps ; ce n'est que le prolon-
gement,vers un terme extérieur à lui, de son pouvoir sur ses opéra-
tions immanentes : « Per hoc quod aliquis facultatem providendi
habet, potest etiam suos actus gubernare et dirigere.. gubernat
enim se suis actibus et etiam alia » (-1) ; de sorte que, par cette
extension du pouvoir que l'homme possède sur lui-même, les êtres
qui existent en dehors de lui, lui deviendront « propres » d'une
certaine façon, non intrinsèquement et de manière à ne faire sub-
stantiellement qu'un avec lui-même, mais réellement cependant ;
ils tomberont en son appartenance et dépendance, deviendront
« siens », et comme un prolongement de lui-même ; ils lui seront
de quelque manière assimilés et presque « incorporés » ; ne dit-on
pas « ceci est à moi, ceci est mien »? Témoin ce texte où S. Thomas
s'en explique clairement : « Eadem est comparatio rei ad possesso-
rem et partis ad totum, quantum ad hoc quod pars non dicitur
solum pars totius, sed etiam dicitur simpliciter esse totius, sicut
dicimus manum hominis et non solum dicimus quod sit pars ho-
minis : et similiter res possessa, puta vestis, non solum dicitur quod
sit possessio hominis,sed quod simpliciter est hujusmodihominis »(2).
Aussi notre Docteur peut-il définir une possession « de ralione rei

(1) III C. G., cap. 113. C'est ce que D. SOTO a bien noté : « Dominium exter-
narum rerum nemini nisi hac ratione convenit, quod sit ipse suarum actionum
dominus : dominium enim quod quisque habet in suos actus causa est et radix
eius quod habet in alias res, est autem solus homo suarum actionum dominus
per mtelleetum et voluntatem. Eadem ergo ratione jus illi soli convenit ut domi-
nus sit aliarum rerum », De juslitia el jure, liv. 4, q. I, a. 2.
(2) I Polit, lect. 2 (paulo ante finem). P. TISSET, Revue de Métaphysique et
de Morale, 1930, p. 58, a finement noté, au point de vue psychologique, que
<i
dans l'affirmation spontanée du droit, on trouve... en dernière analyse, une
affirmation pure et simple de personnalité — qui semble n'être qu'un aspect de
l'instinct de conservation ». « Pour de pénétrants jurisconsultes etd'illustres
historiens, « la propriété n'est que la périphérie de ma personne étendue aux cho
ses» (JHEKING, La lutte pour le Droit, trad. de Meulenaere, p. 46 ; cf. également
FUSTEL DE COULANGES, Cité Antique, p. 62. Voir, d'ailleurs, Eth. ad Nie., V,
6, §6. Cf. encore ROUSSEAU, Emile, livre II, éd. Auguis, Paris, 1824, p. 157,)
54 c. SPICQ

possessac est quod sit organum activum et separatum » (*), (acti-


vum désignant le caractère instrumental d'utilisation de la chose).
Il y a là non seulement une explication philosophique de ce
pouvoir propre à l'homme de s'étendre en dehors de lui, mais en-
core la justification foncière du droit de possession : « In homine
quodammodo sunt omnia » ( 2) ; être spirituel et matériel, animal
raisonnable, l'homme réunit en lui comme un échantillon des divers
êtres qui se peuvent rencontrer dans l'univers ; il est, selon la
formule traditionnelle, un microcosme ; do même donc qu'il se
commande à lui-même, et qu'il a pouvoir sur telle ou telle partie
de son être, de même, toutes proportions gardées, il pourra domi-
ner sur les êtres étrangers à lui, mais qui participent d'une certaine
manière à la même nature que lui (3). C'est là, disons-nous, ce qui
rend possible l'extension au dehors du domaine de l'homme ; c'est
parce que les êtres étrangers communient dans une même nature
avec lui que l'homme peut s'en servir et y trouver son utilité.
L'aliment est composé des mêmes éléments que celui qu'il nourrit,
autrement il ne serait pas assimilable et ne servirait de rien ; c'est
donc la nature du composé humain, son organisation interne qui
justifie ses besoins et, par suite, fonde ses droits. En tant qu'être
matériel, l'homme a des besoins multiples et complexes ; à ce titre,
les êtres inférieurs sont les biens de l'homme, ils sont bons, pour
lui et par rapport à lui, en tant qu'ils lui servent de moyens, d'in-
struments pour la satisfaction de ses besoins, cette utilité (4), pour
l'homme qui les emploie est donc la cause formelle de la bonté de
ces êtres : Res quae in usum hominis veniunt. En lui, ils atteindront
leur fin extrinsèque, leur perfection simpliciter, ils lui appartien-
nent

La propriété est un prolongement, une projection de la personnalité hors d'elle-


même ; une attaque contre la propriété pourra être ressentie par le propriétaire
comme l'intéressant directement et pourra émouvoir l'instinct de conservation
immédiatement et sans le secours d'aucune considération d'intérêt matériel»
Ibid., note 2.
(1) / Polit, lect. 2 (in fine) ; I» 11^, q. 32, a. 1, ad lm.
(2) laP.,q. 96, a. 2.
(3) « In quo apparet quod tola operatio inferioris naturae terminatur ad homi-
ncm tanquam ad perfectissimum. Videmus enim operationem naturae procedere
gradatim a simplicibus elcmentis, commiscendo ea, quousque perveniatur ad
perfectissimum commixtionis modum, qui est in corpore humano », De Anima,
a. 8.
(4) Ia P., q. 5, a. 6 ; I Eth., lect. 5.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 55

Cette manifestation de la nature et de l'ordre hiérarchique des


êtres est à elle seule une démonstration de la légitimité du droit
de possession, car si l'homme, en tant qu'être sensible, « animal»,
a besoin des biens matériels nécessaires à sa nourriture, à son lo-
gement, etc.. en tant qu'être intelligent, raisonnable, il a pouvoir
sur ces biens, c'est-à-dire qu'il peut, en vertu d'un droit, les uti-
liser pour cette fin. C'est toujours sous cet aspect que S. Thomas
présente le dominium humain : maître de lui-même et aj-ant à
charge d'assurer la conservation et le développement de son être
spirituel et corporel, l'homme aura en conséquence et nécessaire-
ment pouvoir sur les moyens d'assurer cet entretien et cette per-
fection ; et, dans cette mesure même, sur les biens et les êtres ex-
térieurs aptes à ce rôle : « Possessiones ad conservationem naturalis
vitae ordinantur » (*) ; •— les deux pouvoirs sont corrélatifs, le
second est inclus dans le premier, au vrai ils n'en font qu'un,
De sorte,-qu'en définitive, la vraie propriété, la propriété type
— quant au pouvoir exercé et quant aux biens possédés en usage —-
est celle que l'homme a de lui-même.Toute autre en est une exten-
sion et lui est ordonnée.

« L'homme, dit S. Thomas, se commande à lui-même, en qualité


d'être intelligent et doué de volonté » (2). C'est donc par ses facultés
spirituelles que l'homme a le dominium de ses actes ( 3) ; un acte
n'est humain, en effet, au sens moral du terme, que dans la mesure
où la personne qui agit est en état d'agir et possède la maîtrise
de ses actes « : Ita quod habeat dominium sui actus » ; c'est le cas
de tous les actes volontaires,puisque c'est par la volonté que l'hom-
me a le dominium, la maîtrise de ses actes (4). Aussi ce pouvoir

(1) III C. G cap. 123 ; IIa IIae, q. 141, a. 6.


,
(2) IaIIae, q. 17, a. 5, ad 2».
(3). Ia IIae, q. I, a. 1 : « Est homo dominus suorum actuum per rationem et
voluntatem. »
(4) « Sumus domini nostrorum actuum per voluntatuem », De Verit, q. 26,
a. 6.—« Cum voluntatis sit proprium ut dominium sui actus habeat», II Sent,
dist. 35, q. I, a. 4 corp. — « IOud cujus domini sumus dicitur esse voluutariunw,
Ia nae, q. 6, a. 3 ; q I, a. 2 ; II Sent, dist. 21, q. I, a. 2, ad lm ; dist. 25, q. I.
a. 1. « Actus humanus dicitur qui non quoeumque modo in homine vel per ho-
minem exercetur ; cum in quibusdam etiam plantae, bruta et hommes conve-
niant, sed qui hominis proprius est — inter cetera vero hoc habet homo pro-
prium in suq actu, quod sui actus est dominus », De Virlut, q. 1, a. 4,
56 c. SPICQ

est-il un caractère propre à la créature raisonnable et qui la dis-


tingue des êtres irrationnels » Q). Or cet empire que l'homme a
sur ses actes consiste en ce qu'il agit librement, les pose ou s'en
abstient à son gré (2). De cela les animaux sont incapables (3).
Ce trait est important car il met en valeur le caractère spécifi-
quement rationnel du Dominium. En termes propres, une maîtrise,
un domaine n'est pas une possession quelconque, mais une pos-
session qu'on exerce par les facultés d'intelligence et de volonté —
c'est une espèce particulière de possession « per modum dominii ».
I .es animaux qui,en vertu de la loi de la hiérarchie des êtres, auront
bien un certain droit naturel à se servir des plantes pour leur
nourriture, en feront un juste usage, mais seront incapables d'exer-
cer une maîtrise.
Nous pouvons donc affirmer que c'est la volonté qui, en l'homme,
est formellement le siège, le sujet du Dominium : « Nous avons la
maîtrise des choses qui sont soumises à notre volonté » répète
constamment S. Thomas (4), et Billuart explique : « Le Dominium
a une relation formelle avec la volonté, car le dominium est le libre
pouvoir de son droit même. Or, au point de vue formel, la liberté
et le pouvoir de son droit siègent dans la volonté » (5).
Cela doit s'entendre. S, Thomas insiste toujours sur la supré-
matie de la faculté raisonnable : « La raison chez l'homme tient lieu
de souverain » (6). Il s'agit donc bien de la dignité de la puissance in-
tellectuelle qui spécifie et dirige la volonté elle-même en son exer-
cice ; de sorte qu'à considérer la connexion de l'intelligence et de la
volonté au sens,par exemple, où on l'entend dans l'expression « vo-
luntas in ratione » (7), on peut dire indifféremment que le Dominium

(1) III C. G., cap. 148.


(2) la llae, q.109, a. 2,ad lm. » Homo est dominus sui actus, quia habet deli-
berationem de suis actibus», la II3^, q. 6, a. 2, ad2m ; q. 1, a. 1 ;q. 9, a. 1 ; a. 3,
sed c.
(3) « Sola creatura rationalis habet dominium sui actus libère se agens àd
operandum », III C. G., cap. 111. — « Solae substantiae rationaïes habent do-
minium sui actus ita quod in eis est agere et non agere ; aliae vero substantiae
magis aguntur quam agant », De Pot,,q. 9, a. 1, ad 3m ; Ia Ilae, q. 6, a. 2.
(4) « Super ea quae nos trac voluntati subduntur, dominamur », III C. G..
cap. 1. II Sent, dist. 24, q. 3, a. 2.
(5) De Acl. imper., dissert. 3, a. 7. — Cf. SYLVESTBE DE FEERARE, Comm. in
III C. G., cap. 112 ; D. SOTO, De juslitia et jure, liv. 4, q. 1, a. 2.
(6) Ia P., q. 96, a. 1.
(7) « Voluntarium est actus qui est operatio rationalis », Ia 11^, q. 6, a. 1,
sed c. ; a. 2, ad lm ; a. 4 (corpus) ; « principium intrinsecum voluntarii actus...
est vis cognoscitiva et appetitiva », ibid., ad lm, et a. 2, in prineipio.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 57

se trouve dans l'une ou l'autre puissance spirituelle qui, dans


l'exercice, sont inséparables. C'est ce que fait notre Auteur : « Les
êtres doués de raison se meuvent eux-mêmes vers leur fin parce
qu'ils ont le Dominium de leurs actes, grâce au libre arbitre qui est
faculté de la volonté et de la raison » (1). Mais parce que très pro-
prement la volonté est la faculté du libre arbitre et que le Dominium
est un pouvoir d'usage sur les choses qui nous sont soumises, il est
préférable de poser le Dominium dans la volonté libre. « Domi-
nium quod maxime pertinet ad potestatem liberam, formaliter in-
venitur in voluntate eo quod de illo dicemur habere dominium quo
utimur cum volumus » (2).
Il n'y a donc pas d'être humain qui ne soit capable d'un Domi-
nium sur lui-même et par suite ne soit susceptible de droits sur les
êtres inférieurs, car c'est dans la nature même de l'être raisonnable
que cette puissance radicale est fondée. Une incapacité d'exercice
(l'âge, la démence, etc..) ne saurait l'aliéner (3).
Il reste à noter que l'acte de ce Dominium, qui ne peut être qu'un
acte volontaire, l'usage (4), aura la même extension que celle de la
faculté motrice de toutes nos autres puissances.» L'usage d'une cho-
se, explique S. Thomas, comporte l'application qu'on en fait à une
opération quelconque; c'est pourquoi nous donnons aussi ce nom
à l'opération elle-même à laquelle nous l'appliquons... Or, nous ap-
pliquons à leurs opérations nos principes intérieurs d'action, telles
que les puissances de l'âme et les membres du corps : l'intelligence
.à comprendre, l'oeil à voir, tout de même que les choses extérieures,
comme le bâton à frapper » ainsi par extension et analogie avec l'acte
de nos puissances et de nos habitus on dit que « faire de l'équitation,
c'est faire usage d'un cheval, frapper c'est faire usage d'un bâton » (6).
S. Thomas eût pu ajouter : posséder c'est faire usage des riches-
ses, il le fera explicitement à l'art. 3. « A parler proprement et abso-
lument, on dit qu'un homme fait usage de l'argent dans la mesure

(1) Ia IIae, q. 1 a. 2 ; De Virlut, a. 4.


(2) JEAN DTÎ S. THOMAS, Cursus Philosophicus, III P. q. 12, a. 2.
(3) A fortiori la grâce et la charité ne peuvent être le fondement du Domi-
nium ; contre Wiclef (15e prop.) et Jean Huss (30e prop.), cf. DENZIGER, n°
595 et 656.
(4) « Uti proprie est actus voluntatis, » Ia II36, q. 16, a. 1 ; « Per hanc (volun-
tatem) homo est aliorum dominus, per hune aliis uti vel frui potest, per hanc
etiam suis actibus dominatur », De Perfecl. vil. Spirit, cap. 6. Cf. De Verit
q. 17, a. 1.
(5) Ia Ilae, q. 16, a. 1.
58 c. SPICQ

où il le rapporte à s a possession ». Avoir un dominium proprietatis,


c'est donc avoir un pouvoir d'usage sur ses biens. C'est, en effet, cet
usage, cette libre disposition d'une chose qui est le constitutif du
droit de propriété: « Dicimur habere possessionem de qua possumus
quod volumus facere » (x), et c'est à cette simple formule que S. Tho-
mas, définissant la puissance et le droit par son acte, s'arrêtera pour
définir le « dominium proprietatis » : un simple pouvoir d'usage,
« posse uti ». La propriété, « c'est le pouvoir qu'a l'homme d'utiliser
les choses pour son bien » (2).

Nous avons rappelé le siège, la nature et l'acte du dominium que


l'homme exerce sur lui-même, sans nous interdire déjà de signaler
ses rapports avec le droit de propriété dont il est le modèle. Nous
pouvons dès lors énumérer rapidement les différents objets ou
matières sur lesquels l'homme peut exercer sa maîtrise.
« Tout ce
dont nous sommes maîtres, dit S. Thomas, est volontaire ;
(et l'on donne le nom de volontaire à ce qui procède de la volonté) (3),
or il existe deux sortes d'actes de volonté, l'un qui lui est immédiat
et pour ainsi dire émane d'elle : le vouloir, les autres commandés
par elle, mais réalisés par d'autres puissances, sous son impulsion,
tels que marcher, parler ( 4) ». Par suite, notre dominium pourra
avoir la même extension et variera dans les mêmes proportions
que notre pouvoir volontaire.
Or le premier dominium que l'homme exerce et le plus incontes-
table, est celui qui porte sur les actes de ses facultés spirituelles.
C'est par rapport à ce pouvoir que s'établit la gradation « secun-
dum prius et posterius » des autres dominium : « Tout ce qui est
en notre pouvoir, écrit S. Thomas, est soumis à notre commande-
ment, or il n'y a rien qui soit autant en notre pouvoir que les actes
de volonté ; c'est même pour cela qu'ils sont appelés volontai-
res ( 6) » ; ou encore : « Ce que nous faisons en vertu de notre libre
arbitre, nous pouvons le commander ; or nous accomplissons li-
brement les actes intellectuels — c'est librement remarque Da-
mascène que l'homme cherche, scrute, juge et dispose — il y a

(1) De Malo, q. 13, a. 1.


(2) IIa IIae, q. 66, a. 1. — Le « posse vti » est insuffisammentrendu par pou-
voir d'usage, usus en latin serait mieux traduit par utilisuiion, pouvoir se servir
de.
(3) Ia IIae, q. 6, a. 3.
(4) Ibid., a. 4.
(5) Ia II3*, q. 17, a. 5, sed ç.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 59

donc lieu de soumettre ces actes à notre dominium » (*). Rien n'est
donc plus nôtre que la partie rationnelle de nous-mêmes — par
son intelligence et sa volonté, l'homme est « sui compos ».
Remarquons la possession intime de l'objet connu par la faculté
connaissante. La connaissance, en effet, est un acte centripète,
une appréhension qui fait entrer l'objet dans le sujet. Ne parle-t-on
pas de prise de contact et de saisie de l'objet par la faculté connais-
sante, et aussi légitimement, de possession immanente , de prise
de possession etc.. ? L'intelligence, dans l'ordre intentionnel et
intelligible, entre en possession de l'objet connu — et, de fait,
l'intelligence informée et déterminée intentionnellement par la
species impresse aboutit à la production d'un terme intellectuel
distinct de son opération, la species expresse, en la contemplation
de laquelle s'achève l'intellection ; cette species expresse est la
représentation immédiate et actuelle de l'objet connu ; c'est cet
objet même, présent à l'intelligence sous forme d'idée actuelle et
en qui se termine la connaissance. On peut donc dire que par la
species expresse, l'intelligence possède vraiment, en elle, l'objet
connu, se l'assimile, se l'approprie. C'est le cas de propriété le plus
intime qui se puisse concevoir par rapport à un objet extérieur-, le
bien envisagé est immanent au propriétaire: «Comprendre, ex-
prime l'inclusion d'un objet dans le sujet qui comprend ; — com-
prehensio dicitur... stricte et proprie secundum quod aliquid in-
cluditur in comprehendente ( 2) ».
Les actes de l'appétit sensible sont soumis eux aussi à la maîtrise
/de notre volonté « Sub te erit appetitus tuus et tu dominaberis
illius » Genèse IV, 7. Mais déjà en ce domaine le volonté n'a plus
le pouvoir despotique de maître à esclave qu'elle pouvait exercer
fur elle-même, aucune force étrangère ne pouvant la forcer à vou-
loir ( 3) ; ici son empire est plus restreint, car les dispositions cor-
porelles qui se trouvent inévitablement engagées, ne lui sont pas
totalement soumises, elle ne peut donc exercer qu'un pouvoir
politique comme à l'égard d'hommes libres, dit le philosophe, qui
ne sont pas totalement asservis au commandement ( 4) ; la posses-

(1) Ibid., a. 6.
,
(2) Ia P., q. 12, a. 7, ad lm. De là, la propriété des « produits de l'esprit »,
droits d'auteur et brevets d'invention.
(3) Ia Ilae, q. 6, a. 4 et a. 6, ad lm : « Quantum ad ipsum proprium actum
voluntatis non pôtest ei violentia inferri ».
(4) Ia U^,q.l7, a.7 ; q.9,a.2, ad 3m ; / Polit, lect. 3. « Appetitus inferior non
obedit superiori appetitui ad nutum sed interdum répugnât», De Virt, q 1,
a. 4 ; I» IIae, q. 56, a. 4 ; IIa 11^, q. 158, a. 2, ad 3m.
60 C. SPICQ

sion, au sens de soumission pleine et entière à la puissance (*), ne


sera donc pas parfaite.
Parmi les puissances de l'appétit sensible l'homme aura égale-
ment la maîtrise de ses membres et de ses .actions extérieures
« Membrum exterius ad nutum obedit superiori imperanti absque
nulla rcpugnantia secundum naturae ordinem, nisi sit impedimen-
tum aliquod, ut patet in manu et pedc » (2).
Par suite l'homme a le dominium de son corps et de sa vie,
non qu'il en ait un pouvoir absolu et sans contrôle - Dieu seul
s'est réservé ce domaine — « Tu es Domine qui vitae et mortis
habes potestatem » Sap.XVI, 13—mais il en est comme le gardien
et l'usufruitier. C'est donc au total un dominium restreint que
celui dont l'homme jouit sur ce premier bien dont il ait la propriété
certaine cependant : lui-même. Il peut disposer de son corps et
de ses membres (3), en user, mais selon les limites données. Il ne
pourra mutiler ce patrimoine sans cause et a fortiori l'aliéner,
c'est à dire le supprimer (4).
Une première extension à l'extérieur de ce dominium que l'hom-
me exerce sur lui-même est celui qui s'étend à sa réputation et à
son honneur. .Ce sont là, parmi les biens extérieurs qui peuvent
tomber en la possession et dépendance de l'homme, les plus pré-
cieux : « Inter res temporales videtur fama esse pretiosior » (5).
S. Thomas, pesant la gravité du péché qui attente à la renommée
de quelqu'un, dresse en effet le tableau suivant : « La gravité des
péchés commis contre le prochain, doit être jugée en proportion
du dommage produit. Or ce dommage sera d'autant plus grand
que le bien auquel il s'attaque a plus de valeur. Mais l'homme est

(1) « Possessio, id est sicut aliquid perfecle subjacens potenliae sicut dicitur
in I Metaphys. cap. 2. a medio », De Verit. q. 15, a. 1. « Illud proprie dicitur
haberi ut possessio quod liabetur ad nutum », De Verit. q. 7, a. 7.
(2) De Virt. in communi, q. 1, a. 4. < Anima corpori dominatur despotico
principatu quia eorporis membra in nullo rcsistere possunt imperio animae,
sed statim ad appetitum animae movetur manus et pes et quodlibet membrum,
quod nalum est moveri voluntario motu », Ia P., q. 81, a. 3, ad 2m.
(3) Le consentement matrimonial est un cas de translation du droit de pro-
priété sur son propre coprs, en vue des actes ordonnés à la procréation : n Con-
sensus matrimonialis est actus volunlatis quo ulraque pars Iradii el acceptât
jus in corpus, perpetuum et exelusivum, in ordine ad actus per se aptos ad prolis
generalioncm. » Cod. Jur. Can. 1081, § 2.
(4) IIaIIae, q. 64, a. 5, ad 3m. Comment ne pas signaler ici que ces limites et
cette finalité incluses dans le dominium de l'homme sur lui-même justifient déjà
les limites analogues du droit de propriété sur les biens extérieurs ?
(5) lia nae, q. 73, a 2.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 61

maître d'une triple catégorie de biens : les biens de l'âme, ceux du


corps et les biens extérieurs, le bien de l'âme est assurément le plus
grand, mais ne peut nous être enlevé contre notre gré ; quant aux
biens du corps, s'ils dépassent en valeur les biens extérieurs et si,
à ce titre, les péchés par lesquels on nuit au corps du prochain sont
plus graves que ceux qui attentent à ses biens extérieurs... la bonne
réputation est un bien plus précieux que toutes les richesses, car
c'est un bien plus spirituel. L'Ecriture ne dit-elle pas : « Melius est
nomen bonum quam divitiae multae » Prov. XXII, 1? Aussi la
détraction est de soi un péché plus grave que le vol » (*).
Mais elle demeure dans le genre vol, car on soustrait à autrui
un bien qui lui appartient véritablement. Cajetan ( 2) semble mé-
connaître ce « bien » que représente l'honneur, la réputation et la
dignité de la personne humaine et à la possession duquel tout
homme a droit. Pour S. Thomas la bonne réputation est une
chose qui peut s'acquérir par des efforts (s) ; l'honneur est un bien
que l'on conserve par des actes positifs, que l'on peut recouvrer
en justice si quelque étranger y a porté atteinte. C'est en effet
un vol ou une rapine, (un vol si c'est en secret : détraction ; une
rapine si c'est ouvertement: outrages),(4) que de frustrer quelqu'un
de sa bonne réputation ou d'attenter à son honneur ; aussi parle-
t-on d' « enlever » à quelqu'un sa réputation: « Auferre alicui famam
valde grave est » (6), et S. Thomas conclut logiquement que si
on vole ou diminue ces biens légitimement possédés, on est tenu
à.restitution, tout comme en matière d'argent ou de biens maté-
riels, et il faut même dire : plus strictement, car les biens sont plus
précieux (6).
Assurément,ce Dominium réel que l'homme exerce sur ce bien ex-
térieur est le plus faible de tous ceux que nous avons déjà rencon-
trés. On ne fait pas de ce bien ce que l'on veut ; on peut dire qu'il
est fait de l'idée que les autres se font de nous,et trop d'agents exté-
rieurs interviennent ici : On peut en être exproprié involontaire-
ment, mais on ne peut soi-même se diffamer sans cause, car il
nous est demandé de prendre soin de notre bon renom « Habere

(1) Ibid., a. 3.
(2) Comment inl&& 11^, q. 72, a. 1, n° 2 ; q. 73, a. 2.
— D. SOTO, De lus-
titiaet Iure,liv. IV, q. 2, a. 3. prend position contre lui.
(3) IaIIae q. 75, a. 1, ad 2™ 3™.
(4) Ibid.,q. 73, a. 1.
(5) Ibid., a. 2.
(6) Ibid.
62 ô. SPÏCCJ

.
curam de bono nomine » Eccli.XLI, 12. Cependant ce bien si proche
des biens spirituels et qui nous est indispensable pour vivre hu-
mainement (x) (on ne peut vivre dignement sans un minimum de
sympathie, d'honneur, d'amitié, etc..) constitue comme l'atmos-
phère morale, l'air ambiant nécessaire à notre existence propre-
ment humaine, il nous est beaucoup plus propre et nôtre que les
biens matériels auxquels va désormais s'étendre le dominium dans
l'ordre de l'extension du pouvoir ; C'est, en effet, ici que se place-
rait le dominium proprietatis, dominium sur les êtres sans raison
qui existent séparément et indépendamment de nous. Il suffit
d'en marquer la place dans la série des analogues et de noter qu'il
ne peut s'agir ici que d'un pouvoir moral et non plus physique tel
que celui de la volonté sur ses actes ou sur ceux des autres puis-
sances par manière d'impulsion et de motion efficiente.
Enfin un dernier dominium est celui qui s'étend aux personnes
étrangères à nous ; il mériterait une étude développée. Des recher-
ches récentes ( 2) dans les théologiens et les juristes médiévaux ont
révélé, en effet, une confusion fréquente entre le droit de gouverne-
ment public et le droit de propriété. L'erreur s'est-elle produite
par un paralogisme purement verbal comme serait l'application
univoque de la notion de dominium à l'un et à l'autre droit? ou
plus profondément, comme il semble bien, la confusion procédé-t-
elle de principes préalablement élaborés? Quels sont alors ces
principes et si le prince est non seulement chef de ses sujets, mais
encore propriétaire de leurs biens, quel sont les rapports de ces
deux pouvoirs? autant de recherches utiles à entreprendre.
Contentons-nous de noter que selon la qualité des personnes
sujettes, on distingue dans ce dernier Dominium une double caté-
gorie de pouvoirs : « On peut avoir autorité, dit S. Thomas, sur
quelqu'un (homme, épouse, enfant) comme sur un être libre et
on le gouverne alors en vue de son propre bien ou du bien commun.
Mais on peut dominer sur quelqu'un comme sur un esclave, quand
on s'en sert pour sa propre utilité « ad propriam utilitatem sui » (3).
Alors que le premier pouvoir est ce qu'on appelle un « dominium
jurisdictionis, » c'est-à-dire un pouvoir ordonné au bien propre des
sujets que l'on gouverne (4), le second est un véritable « dominium

(1) IaIIae, q. 94, a. 2 (in fine).


(2) Cf. RIVIÈRE, Le problème de l'Eglise et de l'Etat au temps de Philippe le
Bel ; S„ BHOSS, Gilles de Rome et son traité du « De ecclesiastica polestate », ete;
(3) Ia P., q. 96, a. 4 ; q. 92, a. 1, ad 2^ ; III Polit, lect. 3 ; lect. 5*
(4) IIa II86, q. 10, a, 10.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ (33

proprietatis » qui est le pouvoir de disposer d'une chose qui vous


appartient pour sa propre, utilité. Aussi l'esclave est-il considéré
comme la chose de son maître (1), il est ordonné à son bien « servus
ordinatur ad alium » (2), il est objet de propriété au même titre que
les biens matériels et, comme eux, a une valeur marchande ; de
même donc que, par l'usage qu'on en fait, une chose devient « uti-
le », de même un individu par ses actes et ses oeuvres « rend ser-
vice » au maître qui remploie, qui « en use » ; « Servitus est quando
aliquis dominatur ad sui utilitalem subjectis utens » (3). L'esclave,
privé de droits, ne peut plus disposer de lui-même ; en tout ce
qu'il est, il appartient à son Maître, « servus, id quod est, domini
est » (4), il est un objet de possession et de propriété « quaedam
res possessa animata » (5).

Il y a dans le droit romain et le vieux droit français un dévelop-


pement historique qui rappelle et confirme par les faits le rappro-
chement que l'on a esquissé entre le dominium que chacun a sur
soi-même, sur son corps en particulier et celui qu'il peut avoir
sur les biens extérieurs, celui-ci étant comme un prolongement de
celui-là. Ce parallélisme n'est-il qu'une simple curiosité ou révèle-t-
il une application juridique de la notion analogique de Dominium?
Serait-on autorisé à y voir l'expression d'une doctrine vécue ou
latente sinon officielle et précise? C'est ce que l'on essaiera de

(1) IlaIlac, q. 01, a. 3. « Servus in quantum, servus est aliquid domini», Iia
Ilae, q. 57, a. 4, ad 2^ ; q. 58, a. 7, ad 3m ; / Polit, lect. 2 (in fine) ; lect. 3. —
S. Thomas a reçu cette doctrine des Anciens ; ceux-ci, en effet, n'admettaient pas
que l'esclave élant donné sa condition, puisse jouir du privilège de la personnalité
juridique, il ne pouvait être sujet d'un droit. « Servi pro nullis habentur », 32 Dig.
DeRege jur.4-17 UIp.« Servile caput nullum jus habet », 3 et 1 Dig.de Capit.min.
IV. 5 Paul. L'esclave pouvait être vendu,tué, au gré de son propriétaire, la po-
testas de ce dernier était absolue et sans limites comme celle sur les biens ma-
tériels.
(2) Ia P., q. 96, a. 4, et VIII Ethic, lect. 10 : « Domini i.tunlur serves inten-
dendo ad suiipsorum utilitatem » ; néanmoins, à la différence de la possession
des êtres sans raison, si l'esclavage n'est pas contre le droit divin ou naturel
l'homme n'est pas ordonné, par nature, à un autre homme comme à sa fin. —
Cf.-II Sent, dist. 44, q. 1, a. 3.
(3) IV Sent, dist. 24, q. 1, a. 1, qla 1, ad 1^.
(4) IIa IIaP, q. 189, a. 6, ad 2m ; q. 57, a. 4, ad lm.
(5) I Polit, lect. 2 ; « possessio quaedam », ibid.
64 c. SPICQ

juger en conclusion. Au préalable, il faut fixer les principales éta-


pes de cette évolution juridique Q).
Nous étudierons ce développement d'abord dans le droit ro-
main,puis dans le vieux droit français, et pour l'un et l'autre droit
nous poursuivrons nos recherches à la fois dans le droit public
et dans le droit privé, celui-ci précédant celui-là, les deux-coexis-
tant souvent dans la même application, leur distinction précise
étant l'oeuvre postérieure de la jurisprudence (2).
On connaît, d'après les Romains, les trois éléments que suppose
tout droit et qui fondent la distinction des Codes « Omne autem
jus quo utimur, vel ad personas pertinet, vel ad res, vel ad ac-
tiones » ( 3) ; c'est dire qu'il y a toujours une personne, un sujet du
droit qui en est titulaire et peut l'exercer ; qu'il y a un objet, une
chose sur laquelle le droit porte, enfin une action en justice qui
en est la sanction ; d'où une étude particulière du droit des per-
sonnes, du droit des choses et du droit des actions.
Puisque l'action sanctionne un droit antérieur et lui est corréla-
tive, selon la nature de ce droit, la nature de l'action variera ; puis-
qu'il y a des droits de créance et des droits réels (dont le droit de
propriété est le plus caractéristique), le créancier aura le bénéfice
d'une action personnelle et d'une action réelle ; la première s'at-
taque à la personne même du débiteur, pourra la contraindre à
faire ou à donner quelque chose, la seconde a pouvoir sur les cho-
ses mêmes, de là son nom: « in rem actio est, per quam rem nostram
quae ab alio possidetur petimus ; et semper adversus eum est qui
rem possidet » (4).
A une époque antérieure à l'intervention de l'État dans l'ad-

(1) Nous empruntons la documentation de cet exposé à CUQ, Manuel des


Institutions juridiques des Romains, Liv. VI ; GIRARD, Manuel élémentaire de
droit Romain, Liv. IV, titre II, en. III ; BRISSAUD, Cours d'Histoire générale du
droit f rançais, t. II, eh. III.
(2) Ainsi, à l'encontre des obligations naturelles dépourvues de sanction (le
créancier n'ayant pas de recours contre le débiteur, pour recouvrer le montant
de sa créance), l'obligation civile est munie d'action. Cette sanction est même
l'un de ses éléments constitutifs. L'action, en effet, est le droit qu'a une personne
(entendue au sens juridique) de réclamer en justice ce qui lui est dû, elle suppose
donc un autre droit qui lui sert de fondement, elle le sanctionne. Cette action
implique donc.avec l'abandon de la justice privée, l'existence d'un tribunal offi-
ciel chargé de juger les différends entre particuliers.
(3) Instituies Just., liv. I, titre 2 ; Gaius, ,1, 8.
(4) P. 292, TJIpien. Dig.XLiv.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 65

ministration de la Justice, dans la conception la plus primitive du


droit, on constate que dans les procédures d'exécution la respon-
sabilité atteint d'abord la personne, c'est elle qui est le siège des
dettes. Par la manus injectio, le créancier s'emparait du débiteur
insolvable « et simul aliquam partem corporis ejus prehendebat »
Gaïus IV, 21. Si, à l'origine, cette action sur la personne était un
acte de justice privée, une certaine publicité préalable était néan-
moins requise : proclamation par le créancier du montant de sa
dette, manifestation de l'insolvabilité du débiteur etc.. mais le
créancier, cette publication faite, a tout pouvoir sur la personne
qui lui doit une certaine somme d'argent, il met la main sur elle
et se l'approprie acquérant sur elle des pouvoirs discrétionnaires.
1
Ce n'est que par la suite que la présence du magistrat fut re-
quise ; non point que l'objet des droits du créancier fussent limi-
tés, mais pour autoriser celui-ci à s'emparer de la personne même
de son débiteur P~). Si même ses droits sont évidents et que nulle
contestation ne soit possible, il peut exercer cette action de la
Loi sans jugement préalable. C'est la Loi des XII Tables qui fixa
la procédure permettant au créancier de se saisir du débiteur,
d'en faire son prisonnier et de le retenir chez lui enchaîné « in car-
cere privato » G. IV,21. D'extra-judiciaire qu'il était,cet acte prend
alors le caractère d'une action de la Loi. C'est donc la loi des XII
tables qui apporte, pour la première fois, dans la procédure, cet
élément nouveau : le procès. Cette phase historique se marque
aussi par un adoucissement apporté aux rigueurs de la coutume,
et déjà une certaine protection accordée au débiteur ; celui-ci
a devant lui un sursis de 30 jours ( 2) pour acquitter sa dette avant
d'être passible de la manus injectio. Un tiers, le « vindex », peut
même intervenir en sa faveur et s'opposer à la saisie de sa per-
sonne. (Le magistrat ouvre alors un procès) G. IV, 21 ; mais si
nul ne le secourt, si lui-même ne peut payer, le magistrat en ayant
donné l'autorisation, il tombe au pouvoir de son créancier ; celui-
ci en est le maître absolu et peut le tuer ; la Loi des XII tables
dit même « que chacun en prenne son morceau », Aulu-Gelle XX,
1, 48 « partes sectando », qui est à prendre à la lettre, — le
-— ce
réduire à l'esclavage, c'est la « servitude pour dettes », le vendre à
l'étranger (trans Tiberim). Au cas où il y a plusieurs créanciers,

(1) A proprement parler, le Magistrat ne juge pas, il assiste et authentique


la procédure, mais c'est le créancier lui-même qui procède à l'actio legia.
(2) XII tables, 3, X ; AOLU-GELLE, Noct ait., xx, 1.
REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. 1.
— 5.
66 eu SPICQ

la Loi prévoit le partage du cadavre : « Tertiis nundinis partis


secando : si plus minusve secuerunt, se fraude esto » (1).
Ainsi à cette époque, quelle que soit la source de la responsabilité
envisagée (délictuelle, contractuelle) il y a en quelque sorte puis-
sance latente du créancier sur le débiteur et naturellement aussi
sur ses biens, mais par surcroît.
L'exécution sur la personne devait rester usitée pendant toute la
période classique ; cependant la loi Vallia (7e-6e S.) autorisera le
défendeur à la manus injectio, à être son propre vindex (2). Au
5e S. un nouvel adoucissement est apporté à la condition du débi-
teur, la Loi Poetelia Papiria supprime la manus injectio du créan-
cier « ex nexo ». A l'époque du Bas-Empire, l'emprisonnement
du débiteur ne pourra plus avoir lieu dans une prison privée, du
moins en principe, car en pratique certains créanciers continue-
ront à user des privilèges de l'ancien droit. Enfin au temps des
Antonins la servitude pour dettes subsistera elle aussi. Le débi-
teur aura seulement la faculté de s'y soustraire par la cession de
biens. La contrainte par corps demeurera longtemps le résidu de
ce premier état du droit, elle n'a disparu en France qu'en 1867.

Même exclue la cruauté de cette exécution, on saisit les inconvé-


nients qu'elle pouvait présenter. Le débiteur pouvait avoir fait
cession de ses biens à un tiers, le créancier n'avait plus alors d'ac-
tion légale possible ; par ailleurs la saisie de la personne ne faisait
point recouvrer le montant de la créance, elle entraînait même
certains frais d'entretien, encore que fort minimes, mais surtout
le débiteur pouvait être en fuite, se cacher ; or, c'est seulement
une fois le jugement rendu par le magistrat que le demandeur
acquérait le droit de procéder à l'exécution contre la personne.
Aussi dans un deuxième état du droit on voit apparaître un adou-
cissement de l'exécution qui s'étend de la personne à son patri-
moine. Cette action de la Loi appelée « pignoris captio » ou saisie

(1) XII Tables, 3, 6. TERTTJI.LIEN, dont on sait la culture juridique, fait allu-
sion à cette loi : «Judicatos rétro in partes secari a creditoribus leges erant ; con-
sensu tamen publico crudelitas postea erasa est ; in pudoris notam capitis poena
conversa est » Apol. iv, 9.
(2) 11 se produit avec la procédure formulaire une classification des cas de
manus injectio : la manus injectio pura, la manus injectio pro judicato et la
manus injectio judicati. GAIUS, IV, 21-24.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 67

de gage est, comme la précédente, un moyen pour le créancier de


se faire rendre justice, il ne s'attaque plus à la personne même du
débiteur, mais, pour faire pression sur sa volonté, s'empare des
biens qui lui appartiennent, à .titre de gages. Il les conserve jusqu'à
ce que la dette soit acquittée. « Bien que très ancienne et antérieu-
re aux XII tables la pignoris captio révèle une phase du droit plus
récente que la manus inj,ectio. L'idée de saisir une chose apparte-
nant à quelqu'un, au lieu de s'en prendre à sa personne, n'a pu
s'introduire qu'à une époque où l'on a conscience d'un rapport
juridique entre rhomme et la chose » (v).
L'exécution sur les biens, introduite par le préteur Publius Ru-
tilius, date du vne s. Au temps de la procédure formulaire, l'Édit
la réglemente et la Loi. accorde aux débiteurs la faculté de se sous-
traire à l'exécution sur la personne par la cession des biens. C'est
la « bonorum venditio » (2). Le patrimoine est vendu aux enchères
au profit de tous les créanciers, l'acquéreur en devient le nou-
veau propriétaire ; si cette action avait l'inconvénient de pro-
céder à une saisie générale du patrimoine quel que fut le montant
de la dette (Inst. 111,12), du moins, sauf en cas de fraude, le débi-
teur ne pouvait plus être poursuivi par voie d'exécution person-
nelle (3). Au temps du Bas-Empire la vente en masse sera limitée
et adoucie ; elle deviendra une vente de détail « distractio ».
Enfin vient le troisème et dernier état du droit : l'exécution
sur les biens fonds. L'usage de la saisie du gage, quoique très an-
cien ne fut réglementé que par Antonin le Pieux et Caracalla,
(Callist. D. XLII, 1, 31). C'est le « pignus ex causa judicati captum »
mode de coercition servant à l'exécution des jugements dans la
procédure. On saisissait d'abord les meubles « res mobiles », mais
s'ils ne représentaient pas une valeur suffisante, on s'emparait des
immeubles eux-mêmes (praedia, fundi), Ulp. col. 15 § 2, 8, 9.
Cette procédure représente sans doute une nouvelle restriction
des. droits du créancier, car la saisie et la vente sont limitées aux
seuls objets nécessaires pour satisfaire la créance (à la différence
de la bonorum venditio), saisie et vente qui n'ont d'ailleurs lieu,
à défaut de payement, qu'après un délai de deux mois, mais aussi
une distinction juridique du droit de propriété selon l'objet sur

(1) CUQ, op. cit. p. 843.


(2) Elle offre de grandes ressemblances avec la loi française sur la faillite.
(3) Loi 25, § 7, D. 42,8.
ê& b. SPÎCQ

lequel il s'exerce : meubles ou immeubles. Ces derniers sont aussi


sujets à saisie smais en dernier lieu — alors que des meubles et
des immeubles rentraient indistinctement dans l'ancienne classi-
fication des res mancipi et nec mancipi, la distinction entre les
uns et les autres.date du droit impérial et n'aboutit définitive-
ment qu'avec le droit moderne. C'est cette dernière évolution
dans l'histoire des voies d'exécution que consacre l'art, 2091 du
Code civil : Toute la fortune du débiteur est le gage du créancier ;
les dettes mobilières pèsent sur les meubles, les charges foncières
sur les immeubles.
Il semble que l'on puisse dégager de ces quelques éléments, les
conclusions suivantes. Sans aucun doute cette évolution du droit
traduit un progrès dans les moeurs. La préservation de la personne
du débiteur est inspirée par un souci d'humanité, mais cette in-
fluence morale ne doit pas être exagérée, car nous voyons des
lois prenant l'initiative de réforme dans le sens d'un adoucisse-
ment de l'exécution et qui n'ont pas été de suite observées parce
que l'évolution des moeurs était plus lente que le progrès juridi-
que Qj. Celui-ci nous semble manifeste et de grand intérêt ; voici
les principales phases qu'il en faut retenir : à l'origine les Romains
avaient une conception excessivement forte de la propriété •— la
chose possédée appartient à son maître comme étant quelque
chose de lui-même, ne faisant qu'un avec lui. Le Dominium sui
n'est point séparé du Dominium rei ; contracter une dette d'ar-
gent sera donc engager sa personne même ; aussi pour recouvrer
sa créance et rentrer dans ses droits, le créancier s'empare de la
personne du débiteur, et en quelque sorte se l'approprie, c'est la
manus injectio.
Lorsque les notions juridiques se précisent, la distinction du
sujet et de l'objet du droit aboutit à dissocier la personne des
biens matériels (2) qu'elle possède ; en cas de dette l'action de la
loi s'en prend donc a ces biens et non plus à la personne du débi-

(1) Nous ne tenons pas strictement compte de l'évolution de la procédure :


justice privée,régime des actions de la Loi, procédure formulaire etc.. car on.
retrouve des vestiges de l'un ou l'autre système dans les époques postérieures
(2) Pour la science juridique c'est en tant qu'elles sont objet d'un droit que
les choses « res » sont considérées comme des biens « bona » d'où les expressions
«venditio bonorum », « bonorum possessio », « missio in bona » etc..
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 69

teur, c'est l'exécution par mode de pignoris captio. Cette main-


mise sur la personne du débiteur et la saisie à titre de gage de ses
biens appartiennent à une procédure encore très ancienne, elles
subsisteront comme mesures d'exécution à une époque postérieure,
mais en certains cas limités et non sans garder leur caractère ar-
chaïque.
On voit enfin apparaître une dernière et nouvelle distinction
dans l'objet même du droit de propriété, entre les biens meubles
et les biens immeubles ; les premiers sont davantage « nôtres »
et comme plus assimilés à nous-mêmes que les seconds. Ainsi que
disent les vieux textes « mobilia sequuntur personam », aussi
l'exécution sera distincte selon qu'elle porte sur les uns ou sur les
autres. A cette époque les immeubles ne peuvent être engagés
que par un pacte spécial, qui deviendra le contrat hypothécaire.

Parmi les influences qui ont contribué à la formation du droit


français, le droit romain a sans contredit la première place ; il
fut suivi jadis, dans toute la France, soit comme coutume géné-
rale, soit comme « raison écrite » et, de fait, pendant l'occupation
Romaine de la Gaule (50 av. J. C. — 476 ap.) le droit romain a
eu force de loi pour les pays occupés. Lorsqu'avec le règne de Clovis
le droit germanique inaugure une nouvelle phase historique, le
droit romain, au moins le droit privé et pénal, ne disparait pas
pour autant. On est donc surpris de constater dans la vieille lé-
gislation française une évolution des conceptions juridiques pa-
rallèle sinon identique à celle du droit Romain, puisque ce dernier
avait alors achevé son développement. Il n'en est que plus in-
téressant de constater dans cette élaboration nouvelle les mêmes
étapes autrefois parcourues par le droit antérieur.
Dans le très ancien droit français, on retrouve la même coutume
que dans le droit romain primitif : l'exécution sur la personne. La
personne du débiteur insolvable est à la merci de son créancier ;
un vieux proverbe s'exprime ainsi à ce sujet : « qui ne peut payer
de sa bourse, paye de sa peau ». Le corps du débiteur appartient
à ses créanciers ; ceux-ci, comme à Rome, peuvent se le partager ;
on rencontre même un usage plus barbare : en cas d'insolvabi-
lité absolue, la sépulture religieuse est refusée au débiteur dont le
corps est jeté à la voirie.
70 C. SPICQ

C'est déjà un adoucissement de cette loi que celui qu'apporte


en 1358 le recueil de Nouvelles écrit à Florence par Giovanni. On
a noté que le Portia du « Marchand de Venise » de Shakespeare y
fait allusion, lorsqu'il autorise le juif Shylok de se contenter d'une
livre de chair de la personne de son débiteur, au lieu de prendre
le corps tout entier.
La coutume primitive fut sanctionnée par la loi salique (t. 58) ;
si personne ne secourt le débiteur du wergeld (le Vindex romain)
celui-ci appartient au créancier, qui peut le mettre à mort ; mais
en cas d'intervention secourable, il devient l'esclave de ce tiers.
Ainsi dans le vieux droit, l'esclavage pour dettes est le sort normal
de l'insolvable. « Il est admis à la fin de l'époque franque que le_
débiteur remis au pouvoir du créancier ne doit être tué, ni mutilé,
ni vendu ; celui-ci est simplement autorisé à le faire travailler
pour son compte ou à le tenir en charte privée » (1). Ainsi nous
constatons que le régime de la prison privée, « carcer privatus »,
dont l'austérité était à la merci du créancier et qui avait été abro-
gé sous le Bas Empire ( 2) a reparu après les invasions et dure encore
à l'époque féodale (3). Mais à la suite de l'intervention de l'État
dans la procédure apparait le régime, de la prison publique. C'est
alors, substituée à l'exécution sur la personne, la contrainte par
corps. Le détenu était élargi quand il payait son créancier. En
1254, S. Louis prit des mesures telles que normalement cette
contrainte par corps aurait dû disparaître, du moins devint-elle
une voie d'exécution exceptionnelle ; elle ne fut autorisée que sous
certaines conditions, pour certaines personnes et pour une durée
limitée. C'est la Convention qui, le 9 mars 1793, devait l'abolir.
« C'était une honte pour l'humanité, pour la philosophie, qu'un
homme en recevant de l'argent, put hypothéquer sa personne et
sa sûreté » (i).
Il faut signaler ici une coutume qui survécut jusqu'au xve s.
autorisant le créancier à garder jusqu'à l'acquittement de la dette
un otage « obstagium » appartenant à la maison où à la famille
du débiteur. « La caution primitive ne fut qu'un gage vivant, un

(1) BRISSAUD, op. cit., II, p. 1468.


Cod. Just.,9,8.
(2)
Cf. Statut de Toulouse, 1197.
(3)
LINGUET, Théorie des Lois civ., p. 392. Rétablie sous le Directoire, elle fut
(4)
définitivement abrogée en 1867.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 71

otage ; c'est sa propre personne, son corps qui était remis en gage
au créancier par le débiteur « loco wadii », il devenait quasi-esclave ;
aussi était-il pris d'ordinaire parmi les personnes dans la dépen-
dance du débiteur, c'était quelqu'un de sa mesnie, le créancier le
retenait auprès de lui, en charte privée parfois ou même aux fers ;
il était autorisé à se venger sur lui, si le débiteur n'acquittait pas
sa dette à l'échéance, comme il se serait vengé sur le débiteur
(Mort, mutilation, esclavage pour dettes) Q-) ». Le créancier garde
donc sur la caution les mêmes pouvoirs qu'il avait autrefois sur le
débiteur, mais l'évolution juridique consiste en ceci : que l'exé-
cution n'atteint plus la personne du débiteur, mais l'un des siens.
Sans doute c'est toujours une personne dont la satisfaction est
presque équivalente à un payement ; et si le créancier n'a plus d'ac-
tion à poursuivre contre le débiteur, il garde ces mêmes droits sur
la caution, mais il y a déjà une distinction faite entre le sujet et
l'objet du droit. La personne même endettée n'est pas directement
attaquée, mais seulement sa caution comme lui appartenant et
étant quelque chose de lui ; bientôt les biens mobiliers répondront
seuls des obligations du débiteur. Celui-ci ne paiera pas encore
sur la valeur de ses immeubles. Voici en quelques mots le sens de
cette évolution.

« Anciennement, c'était la personne du débiteur qui répondait


de ses dettes ; par voie de conséquence, les meubles qui font corps
avec la personne (ossibus inhaerent) se trouvaient en répondre
aussi. Le débiteur donnait ses meubles en gage au créancier, ou
bien celui-ci les saisissait faute de payement. Les immeubles lui
échappaient parce qu'ils appartenaient à la famille ou à la tribu
plutôt qu'à l'individu ; « qui n'a que des immeubles est insolva-
ble » (Axiome allemand) (2). Le système féodal renforça cette
règle ; en effet, il ne fut pas permis au vassal et au censitaire de
compromettre, en s'endettant, le domaine direct du Seigneur, aussi
disait-on que les fiefs ne portent aucune dette ; ce qui était d'accord
avec la tendance persistante dans le sens de la conservation des
biens fonciers dans les familles. Mais on a déjà vu comment dis-
parurent ou s'atténuèrent ces vieilles idées si contraires au droit

(1) BRISSAUT, op. cit., II, p. 1476.


(2) « Wer nur noch Immobilien hat ist insolvent >
72 c. SPICQ

romain. La conséquence en fut que les immeubles devinrent


saisissables et que les dettes pesèrent sur le patrimoine tout entier
et non plus sur une seule catégorie de biens » (*).
Voici les modes d'exécution sur les biens meubles que l'on peut
relever. En vigueur surtout dans le midi de la France (elle ne
sera introduite dans le Nord qu'au xme s.) la « cessio bonorum »
permet de très bonne heure au débiteur d'échapper à la contrainte
par corps ; à cette époque, comme dans la législation romaine an-
tique, cette cession est totale ( 2) « usque ad sacculum et peram ».
Si au temps de Beaumanoir nous voyons l'abandon porter à la
fois sur les meubles et les immeubles, il est certain que primitive-
ment les immeubles étaient hors d'atteinte, on ne les saississait
qu'au cas où les meubles ne suffisaient point à acquitter le montant
de la dette. Cette division entre la propriété des meubles et celle
des immeubles était si marquée que dans les sucessions l'obligation
de satisfaire aux créancier Incombait au seul héritier des meubles ;
ce n'est, dans ce cas encore, qu'à défaut de meubles que les acquêts
immobiliers qui appartenaient à l'héritier des meubles étaient
atteints.
En possession du gage, le créancier en acquérait la propriété
et pouvait exercer tous les actes que ce nouveau droit lui conférait,
c'est lui qui en,cas de perte ou de vol pouvait le recouvrer ; il de-
vait toutefois restituer le gage à son propriétaire primitif lorsque
celui-ci, à l'échéance, acquittait le montant de sa dette. Lorsque
l'idée d'obligation conventionnelle se dégage, les droits du créan-
cier se réduisent encore ; sans doute, il peut garder le gage tant
qu'il n'est pas payé et même le vendre pour obtenir des dommages-
intérêts ; mais en possession du gage, il ne peut plus s'en servir (3).

On a vu que, pour l'exécution sur les biens, l'évolution de l'an-


cien droit français ne correspond plus au droit Romain ; alors que
celui-ci passe de l'exécution sur la personne à l'exécution sur les
biens de toute catégorie et n'aboutit qu'en dernier lieu à distinguer

(1) BRISSAUT, ibid., pp. 1483-1484.


(2) Cf. Du CANGE, V° Cessio bon.
(3) Dès l'époque franque, l'intervention du juge est requise pour la saisie
des meubles du débiteur ; mais cette autorisation donnée, le gage devient la
propriété du créancier, quitte, pour le débiteur à racheter son bien : « Cette ap.-
propriation est toute naturelle dans un système économique où le payement des
dettes s'effectue volontiers en objets mobiliers ». BRISSAUD, op. cit., II, p. 1488,
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 73

meubles et immeubles ; dans le droit français primitif, si « c'est la


personne du débiteur qui répond avant tout du payement de sa
dette, par extension ses meubles en répondent aussi, car « mobilia
ossibus inhaerent ». En ce sens, il est vrai de dire : qui s'oblige,
oblige le sien. Mais les immeubles du débiteur ne sont pas assez
à lui pour que le créancier puisse les atteindre » (L) ; ils ne devien-
nent sujets de dettes qu'à une époque postérieure, lorsqu'ils seront
définitivement reconnus comme objets de propriété individuelle.
Si donc l'évolution Romaine est davantage juridique et logique,
l'évolution franque est plus psychologique et inspirée par les con-
ditions historiques, sociales et économiques. En effet, la division
des biens en meubles et immeubles ne se rattache, originairement
du moins, à aucune conception juridique ; elle est empruntée à
la nature des choses (les unes se déplacent, d'elles-mêmes ou par
l'action de l'homme, les autres sont fixes (2).
Voici comment M. Brissaut conçoit l'origine de la saisie immo-
bilière : «La saisie immobilière, dit-il, était inconnue de l'ancien
droit, elle s'introduisit dans la législation par une double voie :
1°) les rigueurs de l'exécution sur la personne étaient telles, que le
débiteur ne reculait devant aucun moyen pour y échapper ; on
le vit affecter à ses créanciers- la jouissance de ses fonds, voire
même leur propriété ; ce qu'il faisait par voie de conventions pri-
vées, volontairement, on ne pouvait manquer de le lui imposer
par la force ; 2°) la procédure par défaut, sous les Carolingiens,avait
pour conséquence la missio in bannum, ou confiscation des biens
du débiteur., le débiteur avait un an et un jour pour en obtenir la
mainlevée, à la condition de comparaître en justice ; passé l'an et
le jour, la confiscation était définitive, les biens devenaient la
propriété du roi (3)... A la fin de l'époque franque, si la saisie im-
mobilière n'existait pas encore à proprement parler, on était en
possession d'un procédé indirect qui donnait des résultats analo-
gues ; restreint d'abord à la procédure de contumace, il finit par
s'appliquer dans descas.de fait de plus en plus nombreux et la
pratique féodale dut le généraliser, la confiscation, après en avoir
été une pièce essentielle, disparut pour ne laisser place qu'à la
saisie au profit des seuls créanciers. Malgré ces modifications, le

(1) BRISSAUT, op. cit., II, p. 1462.


(2) Cette division jouera dans l'ancien droit français un rôle important qu'elle
n'a pas eu dans le droit romain.
(3) !Le fisc en abandonnait d'ordinaire une partie aux créanciers.
74 c. SPICQ

très ancien droit contumier part encore du principe de l'insaisissa-


bilité des immeubles, Q-) et longtemps on recourut à des moyens
qui le supposaient en vigueur » (2).
Comme pour les biens meubles, on constate, déjà à l'époque
franque, que les immeubles (fonds de terre, etc..) peuvent être
donnés à titre de gage par le débiteur au créancier, soit pour sim-
ple jouissance (engagement), soit en pleine propriété, c'est
le contrat pignoratif ou vente à réméré. Par cette opération, fré-
quente à l'époque franque, le créancier acquiert, soit dès l'engage-
ment, soit à l'échéance, la propriété du fond engagé par le débi-
teur ; il peut en jouir et en recueillir les fruits, du moins jusqu'à ce
que le débiteur se soit acquitté.
Enfin, à l'époque féodale, on voit apparaître une sûreté nouvelle :
le débiteur, sans être dépossédé de ses biens immobiliers, peut les
affecter d'avance au payement de sa dette. Ce mode d'aliénation,
autorisé par le droit contumier, est connu sous le nom d'obligation
et fut la première forme de l'hypothèque : elle accorde au créan-
cier des avantages à peu près semblables à ceux du gage réel,
puisque, à défaut de payement, le créancier avait le droit de faire
vendre le fonds hypothéqué.

C'est un trait commun à toutes les législations primitives, que


le mode employé pour faire valoir ses droits en justice, fasse corps
avec ces droits mêmes. On ne distingue pas encore le droit des pro-
cédés qui le manifestent et le garantissent. Or, si l'action est la
sanction d'un droit, à chaque droit déterminé correspondra une
action propre ; mais à Rome particulièrement les liens entre l'ac-
tion et le droit sont tels, que celle-là emprunte à celui-ci ses
traits caractéristiques. Non seulement il y aura autant d'actions
que de droits, mais tel sera le droit, telle sera l'action. C'est pour-
quoi nous avons cru pouvoir retrouver dans le développement de
la procédure, l'expression d'une évolution des conceptions juri-
ques. Si l'évolution romaine est plutôt l'expression d'un progrès
dans la science juridique, alors que celle de l'ancien droit français
est davantage conditionné par les influences morales et économi-

(1) Conséquence de leur inaliénabilité — on peut noter encore qu'au m. â..


le roi confisquait les meubles, non les immeubles de certains criminels.
(2) BRISSAUT,op. cit., t. II, p. 1495.
DOMINIUM ET DROIT DE PROPRIÉTÉ 75

ques, dans les deux cas la notion primitive de propriété, se rappro-


chant de l'idée d'un pouvoir physique, a évolué vers une concep-
tion du droit plus intellectualiste, une « faculté morale », conforme
à l'ordre abstrait d'invention de l'esprit dans les, divers analogues
de la notion de Dominium. Parce que, à l'origine, on confondait le
droit de propriété avec son objet, l'action du créancier s'exerça
sur la personne du débiteur ; lorsque pour désigner ce droit,(de même
que pour tous les autres droits réels), on ne put se dispenser d'en
préciser la nature, on aboutit nécessairement à une distinction,
non seulement du sujet, titulaire du droit, et de l'objet auquel
ce droit s'applique, mais à distinguer les objets entre eux, et par
suite à une action différente sur les meubles et les immeubles.
Assurément il faut se garder d'exagérer la connexion entre l'évo-
lution historique des institutions juridiques et la conception tho-
miste du dominium. Ce sont deux ordres distincts. Nous avons
seulement voulu suggérer ceci : si, d'une part, le dominium est
d'abord une maîtrise de nous-mêmes,une maîtrise sur nos facultés,
puis sur notre corps et enfin sur les choses qui nous sont incorporées
et nous deviennent propres, et si, d'autre part, les institutions
juridiques ont d'abord permis que le créancier exécute la personne
de son débiteur, puis que l'exécution porte sur les meubles et enfin
sur les immeubles, il semble bien que la conception philosophique
réponde à la nature des choses, exprime une métaphysique natu-
relle à l'intelligence humaine et que, par conséquent, l'évolution
normale des institutions en reproduise les grandes lignes. Pour
que cette suggestion soit appuyée et fournisse ses preuves, il fau-
drait poursuivre l'enquête dans les droits Grecs, Russes, Chal-
déens (*), Byzantins, Marocains, etc.. Cette étude révèle, ait,
croyons-nous, une approbation, un assentiment de la conscience
juridique universelle à la doctrine philosophique que nous avons
esquissée. Il n'y a là rien qui doive nous surprendre : n'est-il pas
normal, sinon nécessaire, que l'ordre juridique, dans son ontogenèse,
suive les lois de la métaphysique naturelle à l'esprit humain?
«
Lex humanitus posita in tantum habet de ratione legis, in quan-
tum a lege naturae derivatur » ( 2) Ce serait fournir par surcroît
un confirmatur très fort à la thèse du droit positif conçu comme

(1) Cf. les remarquables Etudes sur le droit babylonien, les lois Assyriennes et
les lois Hittites d'Edouard CUQ, Paris, Geuthner, 1929, pp. 77-161 et passim*
(2) 1*11^, q. 95, a. 2.
76 c. SPICQ

une détermination et une application ultime du droit naturel, que


la nature suggère à tout homme raisonnable, « natura menti hu-
manae indidit » (L).
Le Saulchoir. C. SPICQ, O. P.

(1 ) V Iilhic, lect. IIa Ilae, q. 57, a. 2. A titre d'exemple vivant de cette


12 ; cf.
e
interaction de la législation, oeuvre de raison réfléchie, et de la jurisprudence
interprète des moeurs et des coutumes d'un pays, cf. la critique faite récemment
par le Cadi de Tlemcen au projet de codification du droit civil musulman par
le Gouvernementfrançais,d'après Alfred BEL. La codification du droit musulman
en Algérie, dans Revue de l'histoire des Religions, Sept.-Oct. 1927, p. 182. Cf.
sur un thème semblable G. RENARD, Propriété privée et Domanialité publique
dans Rev. se. ph. th., 1929, p. 263. « On parle souvent de l'évolution et du
progrès du droit.N'est-il pas singulier que.sur un certain nombre de points fonda-
mentaux, la raison humaine aboutisse toujours aux même conceptions ?Le mot
de Bossuet sur le droit romain est plus profond qu'il ne le paraît. En disant que
le droit romain est la « raison écrite », l'orateur chrétien entendait exprimer que
certaines règles, formulées par les Romains, étaient aussi vraies de son temps qu'à
l'époque antique. Nous pouvons dire aujourd'hui, à plus juste titre que Bossuet,
qu'il y a une raison écrite, puisque nous sommes en mesure d'établir que plusieurs
règles du droit moderne sont identiques à celles que les Babyloniens ont appli-
quées, il y a 4000 ans ». E. CUQ, loc. cit., p. 388-389.
NOTES

LA CAUSALITÉ SACRAMENTAIRE

D'APRÈS LE COMMENTAIRE DE CAJETÂN'

SUR LES SENTENCES

Le problème de la causalité sacramentaire dans la Somme de


saint Thomas est l'une des questions d'éxégése thomiste qui a,
peut-être, le plus divisé les théologiens modernes. Récemment
encore, diverses études (1), envisageant les textes au seul point de
vue spéculatif, ont essayé de fixer la véritable pensée du Docteur
Commun. Faut-il admettre sur ce point une évolution dans la
synthèse thomiste? Est-il au contraire préférable d'interpréter
les passages de la Somme ( 2) en fonction du commentaire sur les
Sentences (3)? De part et d'autre, on a invoqué le commentaire
que Cajetan a donné de ces articles, soit qu'on ait admis l'interpré-
tation du théologien dominicain, soit qu'on lui ait reproché d'avoir
porté d'acerbes critiques ( 4) contre une thèse que défendit un cer-
tain nombre de représentants de l'école Thomiste.
Il faut cependant remarquer qu'au cours de ces discussions on
a paru ignorer une oeuvre encore inédite de Cajetan : son Commen-
taire sur les Sentences ; aussi bien désirerions nous apporter ici
un élément nouveau dans le débat, et étudier, à son seul point de
vue positif, quelle fut la première pensée du futur cardinal Domini-
cain, lorsque, bachelier, il expliqua l'oeuvre du Lombard.

(1) Il nous a paru mutile de donner ici un inventaire complet de ces articles,
nos lecteurs les trouveront signalés et étudiés dans le Bulletin thomiste, 1929,
n» 516-517.
(2) Sum. Theol. Illa Pars, q. 62, art. 1.
(3) Cette thèse a surtout été défendue par BILLOT, De Ecclesiae Sacramenlis,
Rome 1896, t. I,p. 74. — In IV Sent,d. I, qu. 1, art. 4.
(4) POURRAT, La théologie sacramentaire, Paris, 1910, p. 156.
78 M. H. LAURENT

C'est au printemps de 1491 que Cajetan fut envoyé à l'université


de Padoue, pour y achever ses études commencées à Naples et
continuées à Bologne ; c'est là aussi qu'il fut chargé d'interpréter
les Sentences. Il y remplissait cet office, quand sa nomination de
bachelier l'incorpora à l'Université, le 19 mars 1493 (x).
Son commentaire sur P. Lombard a été conservé dans un manus-
crit de la Bibliothèque Nationale,dont je n'ai pu refaire l'histoire :
le codex 3076 du fonds latin (ancien Regius 428810).Ce manuscrit (2),
d'une écriture que l'on peut facilement dater de la fin du xvie
siècle, comprend en deux volumes l'oeuvre du Frère Prêcheur. Il
présente non une rédaction définitive, faite par son auteur, mais
des notes prises par un élève, ou même un canevas que le bachelier
avait sous les yeux au cours de son explication. Le commentaire
révèle, nous semble-t-il, la méthode du cardinal de Saint-Sixte :
fidélité et recours constant à S. Thomas, critique des écoles qui
se séparent de celle du Maître : celle de Scot en particulier.
La question qui nous intéresse ici a été traitée par Cajetan au
cours du premier article de la distinction première au livre qua-
quatrième. Remarquons cependant, avant d'entreprendre l'exposé
du sujet, que l'auteur ne recherche pas directement quel est l'effet
du sacrement : grâce ou disposition. Son attention est retenue par
le fait de savoir si ces signes sensibles possèdent en eux une vertu
causatrice, et quelle est l'entité de cette dernière. Le titre placé
au début de l'article nous fait connaître, sans hésitation possible,
l'orientation prise par la pensée de l'auteur : Utrum in sacramentis
novae legis sit aliqua virtus gratiae causativa?., c'est donc indi-
rectement que l'effet propre du signe sensible sera étudié.
Cajetan rejette la théorie qui considère les sacrements comme
des causes improprement dites, de simples occasions de la grâce,
des causes « sine qua non ». On sait que divers théologiens du xiue
siècle ( 3) l'avaient défendue. Cette thèse fut adoptée, jusqu'à l'épo-

(1) Sur Cajetan, cf. MANDONNET, dans Dict de Théo l. cathol, Paris, 1905
t. Il, col. 1313-1329.
(2) Deux volumes sur papier avec double pagination : Le tome I comprend
Comment in I et II Sent, pages 1-353 ane. num. ; pages 1-366 nouv. num. —
Le tome II comprend Comment, in III et IV Sent., fol. 353-650 et un cahier de
6 fol. non numérotés ane. num. ; fol. 366-681r nouv. num. — Écriture fin xvie
siècle ; nombreuses tâches d'humidité.
(3) S. BONAVENTURE(In IV Sent, dist. I, p. l,art 1, qu. 4) les appelle : magni
magistri .
LA CAUSALITÉ SACRAMENTAIRE D'APRÈS LES SENT.DE CAJETAN 79

que du concile de Trente,par la plupart des'représentants de l'éco-


le franciscaine, à la suite de S, Bonaventure (*) et de Duns Scot (a)
Les sacrements dès lors seraient semblables à un denier de plomb
qui ne revêt de valeur qu'en raison d'une détermination prise
par le prince. Saint Thomas avait longuement exposé et discuté
cette position au cours de son commentaire sur les Sentences.
Cette thèse, remarque Cajetan, ne peut tout d'abord expliquer
la différence qui existe entre les sacrements de la nouvelle et ceux
de l'ancienne loi. D'autre part, si l'on considère une telle causalité
sous sa raison formelle de cause, celle-ci ne se distingue pas d'une
causalité « per accidens » ; or ce qui est par accident dans un être
n'ajoute rien à son entité ; comment dès lors expliquer les défini-
tions que les Docteurs nous ont laisées?
On ne peut de même retenir l'interprétation proposée, nous
semble-t-il, par des théologiens du xive siècle (3). Il faut, disent-ils,
distinguer deux sortes d'accidents : les uns séparables et n'ajoutant
rien à l'essence d'un être ni à son opération, les autres inséparables
qui, tout en modifiant l'essence, n'atteignent pomt l'opération :
s'arrêter à cette solution serait admettre que le sacrement est
cause, sans l'être en réalité.
II nous est désormais possible de rechercher quelle causalité Tho-
mas de Vio attribue aux sacrements de la nouvelle loi. On ne peut
avoir de doute sur sa pensée : reprenant la thèse,alors courante dans
l'école thomiste, le jeune bachelier padouan admet que le sacre-
ment cause instrumentalement et effectivement dans l'âme un
caractère (baptême, confirmat'on, ordre) ou une disposition qui
la rend telle que Dieu est amené à y répandre sa grâce. On reconnaît
' ici la solution que saint Thomas a certainement défendue dans son
commentaire sur les Sentences, et le futur commentateur, si fidèle

:.(l) S. BONAVENTURE, loc. cit.


— Le P. Rémy a tenté de prouver (Etudes fran-
ciscaines, 1930, pp. 324-339) que le saint avait admis une causalité instrumen-
tale dispositive : sa démonstration ne nous paraît point efficace.
(2) In IV Sent, dist. 1, qu. 4 et 5.
(3) J'ai vainement recherché cette explication dans les écrits des théologiens
,
padouans de l'époque ; de même je n'ai pas retrouvé cette conception de l'acci-
dent dans des écrits philosophiques telle que les In XII libros metaphysicae Aris-
totelis... quaestiones (Cologne 1621) de Dominique de Flandre. On sait que Caje-
tan fut l'élève de Dominique de Flandre durant son séjour à Bologne, cf. MEERS-
SEMAN, Een Vlaamsch Wijsgeer : Dominicus van Vlaanderen dans Thomistisch
Tijdschrift, 1930, p. 390 et 592.
80 M. H. LAURENT

à son Maître, ne laisse point soupçonner que le Saint ait professé


une autre doctrine dans sa Somme.
On remarquera ici qu'une telle réponse est loin d'épuiser le
problème. Elle laisse subsister, dans toute sa force, l'objection
qu'on élèvera plus tard (*) contre la thèse de la causalité dispositive.
N'est-on pas en droit de se demander pourquoi le sacrement peut
atteindre une disposition d'ordre surnaturel, et non une entité de
même nature : la grâce ?
Cajetan compare, dans sa réponse, l'ordre de la grâce à l'ordre
de la nature. De même que certaines formes dépendent directe-
ment de la nature, d'autres nécessitent pour leur production l'in-
tervention d'une intelligence humaine ou même de Dieu. Ainsi
dans le domaine de la surnature, certains habitus, surnaturels
par leur mode, peuvent être acquis par nous-même, d'autres re-
quièrent uniquement l'intervention divine : la grâce et la gloire ;
d'autres enfin admettent la causalité instrumentale d'un être créé :
tel l'« ornatus » qui dispose notre âme à la grâce.
Telle est, dans son commentaire sur les Sentences, la pensée de
Cajetan concernant la causalité sacramentaire. Jeune bachelier
à l'université dePadoue, le futur cardinal a défendu la thèse cou-
rante de l'école thomiste au xive et au xve siècles, sans même lais-
ser supposer que S. Thomas ait pensé autrement. Peut-être
est-ce sous l'influence de la théologie protestante que la pensée de
Cajetan a évolué. C'est là une toute autre question que peut-être
nous étudierons-un jour, mais qu'il l'entre pas dans les limites de
cette simple note d'examiner.
Rome. M. H. LAURENT, O. P.

TEXTE JUSTIFICATIF.

Ainsi que je l'ai dit au cours du bref commentaire qui a précède,


Cajetan n'a pas envisage en elle-même la question de la causalité
sacramentaire. Je détache de l'article cité (In IV Sent qu. I, art, I)
les deux textes, où le bachelier padouan a fait connaître sa pensée
(B. Nat. Paris, fds. lat. ms. 3076, tome II. foll. 537v-540v)

(1) Cette objection a été longuement reprise par les théologiens postérieurs
au concile de Trente : cf. CANO, Relect. de Sacrament, P. IV, 2a concl. (édit.
Serry, 1746, p. 486); VASQUEZ, In III P„ qu. 62, art. 4, disp. 132, cap. 2,
n. 30 ; SUAREZ, In id., d. 9, sect. 2.
LÀ CAUSALITÉ SACRAMENTAIRE D'APRÈS LES SENT. DE CAJETAN 81

Est quoque causa sacramentum novae legis gratiae par aliquam


virtutem in co existentem 'causa, inquam, non sine qua non :
:
sicut denarius plumbeus ; ex pactione Dei ; quoniam talis imagina-
natio non transccndit rationem significati : patet de denario plum-
beo. Et sic sacramenta novae legis non essent nobiliora vetustis
quod.propter praesentiam rei in novis cujus erat promissio in
antiquis. Nobilitas ponatur patet hanc dignitatem non esse
:
sacramentorum, sed conditionem potins scqui temporis [fol. 538r]
in quo est plenitudo gratiae. Un de secundum hoc sine illa nunc aut
ista tunc,nihil nobilitatis intrinscce adderent. Et pre (tcrea) quo-
modo salvantur dicta sanctorum : causa enim sine qua non si
nihil omnino faciat ad inducendum effectum dispositive vel me-
liorative ; quantum ad rationem causalitatis, nihil habet supra
causas per accidens ut album domus, si aedificatio est alba. Id
autem,- quod per accidens est, non ponitur in deffinitionc seu des-
criptione rei ; nec per illud débet poni différent ia inter sacramenta
veteris et novae legis, nec sancti multum curassent hoc dicere, nec
valet referi ad pactionem Dei : quoniam talis pactio nihil dat eis
de ratione causae sed solum de ratione significati : patet de denario
plumbeo.
Nec valet responsio dic(entis) quod duplex est accidens : quod-
dam separabile et nihil faciens ad operationem et etiam notifica-
tionem : sicut album edificatoris et de hoc procedit ratio ; quoddam
vero inseparabilc ad notificationem faciens et causa sine qua (fol.
538v) non operationis et hoc débet poni in deffinitione. Falsum est:
quoniam est in magnum errorem inductiva talis notificatio : sicut si
quis (dicit) quantitatem principium motus et quietis corporumphy-
sicorum... (lacune) : quia sine illa non est et est accidens insepera-
bile. Ita siraile est : sacramentum est causa et tamen in rei veritale
non est causa. In errorem manifeste induceretur.
Est autem sacramentum causa instrumenlalis : effective quidem
ornatus vel caracteris ; dispositive autem gratiae ; quia scilicet
attingit effectum disponentem in quantum in se est ad gratiam.
(fol. 539v) Cum dicitur quia illa dispositio est forma simpli-
citer supernaturalis et quaelibet talis est eque ineducibilis de po-
tentia naturali subjecti recipientis, eque etiam subjectum est in
potentia obedientiali ad quemlibet talc-m formant. Ergo.
Respondetur quod character non est forma simpliciter supernn-
turalis. Sicut enim in processu naturae quaedam sunt in potentia
passiva naturali simpliciter respeetu naturalis (fol ,r>40r) agentis :
scilicet in primi alterantis virtute propria, ut forma non vivons ;
quaedam minus in potentia utpote non potens produci a celo nist
virtute intelligentiae viventis : ut forma vivens ; et quaedam in
sola obedientiali potentia quod nisi virtute sola divina, ut anima
rationalis. Itain processu gratiae : quaedam in potentia naturali
animae ut naturaliter acquisibilia (x) ; quaedam in sola obedientiali

(1) La lecture du texte ne présentant ici aucun difficulté, il me semble qu'il


faut considérer ces habitas dont parle Cajetan comme des liabitus naturels
REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. 1. — 6.
82 M. H. LAURENT.

ut gratia et gloria ; quaedam medio modo, quae possunt a naturâ


virtute Dei produci. Ut sic supremum a solo Deo principaliter et
instrumentalitcr, médium a solo Deo principaliter et a creatura ins-
trumentaliter ; infimum a cretura instrumentaliter et principali-
ter, Deo tamen in suo ordine, ut prima causa concurrenter. Et
hoc merito, eo quod id quod competit uni creaturae facere per
suam naturam, non excedit universaliter limites creaturae ; dis-
ponere autem ad gratiam patet alicui creaturae: puta.homini,
angelo (fol. 5-10V) convenire, et ideo non inconvenit alicui alteri
instrumentaliter communicari ; nec est simile de productione gra-
tiae, ut patuit, quia simpliciter supernaturalis omnino.

quoad substantiam, surnaturels quoad modum : la science infuse dans l'homme


par exemple (cf. CAFETAN, In III P., q. 11, a. 1.)
NOTES ARISTOTÉLICIENNES

L — LES MÉTHODES DE LA DÉFINITION DE L'AME

(De An. I, 1, 402a 10-22).

Le prologue du De Anima (402 a 1-22) accuse tour à tour l'ex-


cellence et la difficulté de l'étude de l'âme. L'excellence, parce que
cette étude s'applique à un objet des plus admirables et qui, du fait
de son immatérialité, peut être en droit connu avec exactitude. La
difficulté,s'il est vrai que les mêmes problèmes qui se posent au sujet
de toute définition scientifique veulent être ici résolus en sorte que
toute la marche de notre traité doit dépendre de la méthode que
l'on aura choisie.
Voilà dès lors le Philosophe induit à nous proposer un discours
de la méthode. Il nous le donne à sa manière, qui est brève, d'une
concision, d'une densité souveraines. L'intelligence en est malaisée
si l'on ne se réfère, presque à chaque mot, à la doctrine des Analy-
tiques et des Métaphysiques. Les derniers commentateurs, Rodier,
Hicks, indiquent bien ces références. Ni l'un ni l'autre pourtant n'a
pris soin de coordonner tout l'enseignement ainsi dispersé en maints
ouvrages pour en faire l'exégèse propre de notre morceau. L'on a
pensé qu'il méritait ce travail.
1. Notre recherche vise l'essence et le xi èaxi, elle est donc une
réponse à la question : qu'est-ce que l'âme, elle veut définir l'âme Q).
2. Par ailleurs, il n'y a de science que du nécessaire, il n'y a de
scientifique que les jugements tels que la relation entre le prédicat
et le sujet y apparaît comme nécessaire (2).
3. Or une telle nécessité, ou bien est immédiatement posée par
l'analyse des termes mêmes mis en relation -— jugements analyti-
ques a priori, objets d'intuition (vovç) : tout plus grand que par-
ties (3), ou bien est la conséquence d'un raisonnement — jugements

(1) De An. 402 a 12.


(2) îers Anal. I, 8-12 ; 2^ Anal. 1,2, 71 b 9 ; 31, 87 b 35.
(3) 2as Anal. I, 19, 92 b 20 ; II, 3, 72 b 18 ; I 33, 88 b 36„
84- A. FESTUGIERE

synthétiques a posteriori, objets de la raison (ôiâvoia) : l'âme est


immortelle (x).
4. La définition de l'âme n'est pas une notion a priori, un prin-
cipe premier de la pensée. Est-elle donc un objet de raisonnement,
peut-elle être démontrée, et, en bref, y a-t-il une « méthode uni-
que » (jjbta jjbéQoàoç) qui s'occupe des essences au même titre que de
leurs attributs, les faisant connaître scientifiquement, c'est-à-dire
dans leurs causes ( 2) ?
5. Cela revient à se demander si, entre la définition x et le dé-
fini « âme »,on peut insérer un ou plusieurs moyens termes qui soient
cause de l'attribution de x à âme, en justifient l'existence, en expli-
quent l'essence (3)? Ainsi l'âme humaine est immortelle parce
qu'elle est spirituelle : cette spiritualité justifie l'attribution (exis-
tence), elle en donne la raison d'être (essence).
Cela revient donc à se demander si, supposé le jugement : « l'âme
est principe moteur dans les êtres qui se meuvent par eux mêmes »,
je puis rendre raison de ce jugement, le montrer comme nécessaire,
en répondant à la question : « pourquoi l'âme est-elle.... etc? » (4).
Or une telle réponse est impossible. Car le dernier fondement de
l'attribution d'un prédicat à un sujet repose sur l'analyse de l'essen-
ce même du sujet. Ainsi je démontre que l'âme humaine est immor-
telle parce qu'elle est spirituelle et qu'elle est spirituelle parce
qu'elle est principe d'intellection : à ce point je ne puis aller plus
loin, j'atteins l'essence même de l'âme humaine, et, me demander
pourquoi elle est principe d'intellection, c'est en somme me de-
mander pourquoi elle est, ou encore pourquoi l'âme •— qui est
principe d'intellection — est principe d'intellection, et donc enfin
pourquoi le principe d'intellection est principe d'intellection. Le
moj'en terme ici n'est et ne peut être autre que le défini lui-mê-
me (6).
En sorte que tout jugement scientifique, c'est à-dire nécessaire,
se ramène en définitive à un jugement analytique, tel que la né-
cessité de l'inclusion d'un prédicat dans le sujet ressorte de l'analyse
même du sujet. Cette analyse est toujours immédiate, c'est-à-dire

(1) 2<*B Anal. I, 24, 85 b 23 ; Il 11, 94 a 20.


(2) 1ers Anal. I, 2, 71 b 9-16, b 30 sq. ; I, 6, 75 a 31-37 ; 1, 14, 79 a 23 sq.
(3) 2ds Anal. I, 24, 85 b 23 ; 11,2, 90 a 6 ; II, 11, 94 a 20.
(4) avkkoyianoç ôetKTixàç alrlaç nal rovôià ri. 2ds Anal. I, 24, 85 b 23
(5) 2<*s Anal. II, 4 ; II, 10,. 94 a 11.
LES MÉTHODES DE LA DÉFINITION DE L!AME 85

que la nécessité de l'inclusion du prédicat au sujet se manifeste dès


là qu'on pose les deux termes, mais cette « immédialeté » objective
peut ou bien être aperçue directement par l'esprit — c'est le cas
des principes premiers •— ou bien être le résultat d'une recherche
— c'est le cas des essences, •— principes premiers et essences
étant les uns et les autres point de départ de la démonstration et,
comme tels, indémontrables Q).
Le jugement : « l'âme est x » n'étant pas un principe premier,
1' « immédiateté » qui lui est propre doit être manifestée par une

certaine recherche qui est précisément la recherche de l'essence,


Çrjxrj/Lià OZSQI xr\v ovalav. Quel est donc le procédé XQÔ%OÇ, la
.
méthode [isQoôoç à suivre dans cette recherche?
6. Aristote, dans ce prologue du JISQI ipv%fjç,&n propose nom-
mément deux : âttéôsiÇlç xiç,ôiaÎQSGiç,l& troisième, xiç âXXrj fiêdo-
ôoç, pouvant comprendre elle-même plusieurs méthodes diverses.
La première fait allusion au syllogisme logique de l'essence (2),
d'où cette atténuation xtç qui marque bien qu'il ne s'agit pas là
de la véritable démonstration. Il faut, tout d'abord, s'en débarras-
ser, car c'est une fausse méthode.
Toute définition, on l'a vu, se ramène à l'analyse totalement
compréhensive du concept à définir. Elle se résout en deux éléments
dont l'un situe le concept dans une famille, dans un genre plus
étendu, à l'intérieur duquel l'autre élément dénote ce qui distingue
précisément notre concept d'avec les autres espèces du même genre.
Genre et différence spécifique sont ainsi la matière et la forme de
la définition,et une définition n'est complète.n'est scientifique que si
elle fait de l'une et l'autre un tout indivisible tel qu'il se manifeste
immédiatement comme l'explicitation réelle du concept donné.
Ainsi, >— la définition supposée exacte, >— quand je définis l'âme
« principe moteur dans les êtres qui se meuvent par eux-mêmes »,
je ne puis séparer les deux éléments, le genre-matière : « principe
moteur», la différence-forme : « dans les êtres... », sans détruire le
concept lui-même et son essence qui est indivisible (3).
Supposé maintenant une définition complète, telle que la forme
s'y présente comme la cause de la matière, par ex. les définitions
de l'éclipsé (perte de lumière •— provenant de l'interposition de la

(1) 2âs Anal. I, 2,72 a 7 ; 3, 72 b 18 ; II, 19, 100 b 10.


(2) Ibid., II, 8, 93 a 15 : ëan Aoyixàç avXloyiafioç xov ri icmv.
(3.) Meta Z, 12, 1037 b 25, 1038 a 5, 18.
SC> A. FESTUGIÈRE

terre — dans la lune), ou du tonnerre (bruit — provenant de l'ex-


tinction du feu — dans les nuages) données par Aristote, défini-
tions dans lesquelles je ne puis séparer la matière (perte de lumière
dans la lune, bruit dans les nuages) de la différence spécifique (pro-
venant de l'interposition de la terre, provenant de l'extinction
du feu), sans détruire ce qui fait l'essence propre de l'un et l'autre
phénomènes, qui ne sont pas n'importe quel bruit ni n'importe
quelle perte de lumière, cette différence spécifique se présentant
comme la cause du phénomène pourra donc donner lieu à un syl-
logisme artifiel (Xoyutéç) et non réel ainsi construit :
L'éclipsé est interposition de la terre entre le soleil et la lune.
Or l'interposition de la terre est perte de lumière dans la lune.
Donc l'éclipsé est perte de lumière dans la lune.
Dans ce syllogisme, le rôle du moyen est joué par la différence
spécifique qui est bien cause du phénomène et, en ce sens, il y a
apparence de syllogisme démonstratif ; on répond à la question
pourquoi : « Pourquoi l'éclipsé est-elle perte de lumière ? — parce
qu'il y a interposition de la terre... »
Le syllogisme n'en est pas moins pur artifice puisqu'il n'a été
obtenu qu'en dissociant des éléments indissolubles sous peine de ne
plus exprimer l'essence, et qu'ainsi il aboutit à une conclusion
incomplète qui n'est pas la définition de l'essence. Pour être con-
cluant, il eût fallu trouver un moyen terme qui fût cause de tout le
phénomène éclipse, matière et forme, et ce moyen terme expri-
mant toute l'essence ne pouvait dès lors que se confondre avec
l'essence elle-même. Pour définir, on partait du défini (*).
Il n'y a donc d'aucune manière syllogisme de l'essence ; la défi-
nition ne s'obtient point par la démonstration ; il faudra recourir
à des méthodes proprement analytiques de résolution, de division,
d'induction qui n'auront plus sans doute la même certitude que
le syllogisme : d'où le mot niaxtç (402 a 11). Ces méthodes, telles
qu'elles se présentent en leur implication mutuelle aux 2ds Analyti-
ques (II, 13), se ramènent à trois principales, qui correspondent
à trois besoins de l'esprit, à trois nécessités logiques.

On se trouve en présence d'un concept confus, « âme », dont il faut


faire un concept clair et distinct, c'est-à-dire exprimé dans une pro-
position immédiate telle que la relation des deux termes apparaisse

(1) Sur ce syllogisme logique, cf. surtout 2as Anal. II, ch. 8-10 et Top. I.
100 a 29,
LES MÉTHODES DE LA DÉFINITION DE L'AME 87

comme nécessaire dès l'instant qu'on les pose (*). Cela ne peut se faire
qu'en résolvant ce concept en des éléments qui en révèlent l'essence
totale, matière et forme, genre et différence.et en manifestant en-
tre les éléments une connexion telle qu'elle exprime l'unité indivise
de l'essence. C'est donc la méthode de résolution ou d'analyse qui
fera le fond de notre démarche, cependant que la méthode de divi-
sion ou d'énuméralion totale assurera la rigueur des connexions éta-
blies entre les éléments ainsi séparés. Maintenant, comment dis-
tinguer ces.éléments du concept, ces espèces à l'intérieur du genre,
et le genre lui-même du genre plus étendu auquel il se ramène
comme à sa matière, il n'y a pour le savoir que le recours à l'expé-
rience, c'est la méthode d'induction. Résolution en éléments premiers,
induction pour faire connaître ces éléments, division pour en permettre
la recomposition selon un ordre rigoureux qui les présente comme
nécessairement liés dans l'essence par eux manifestée, telles seront
donc les trois méthodes logiques de la définition.

Prenons le cas de l'âme. Il s'agit de découvrir les éléments révé-


lateurs de son être et dont l'union exprime son unité d'essence. Or
l'âme,ne m'est pas connue directement. Son essence ne m'est point
manifestée dès là que je la pose. Je ne la connaîtrai donc que par
analyse. D'où me vient ce concept « âme »?
Je me trouve en présence d'une collection d'individus en qui
se découvrent un certain nombre de caractères (croissance, mouve-
ment local, mouvement impliquant discernement et choix, etc.),
lesquels font de ces individus une classe nettement séparée, auto-
nome. Je distingue ainsi des vivants et des non vivants et fais
en gros, de l'âme, le principe spécifique de ces vivants (2). C'est
là mon concept confus de l'âme. Et c'est au sujet de ce concept
confus que je me pose la question : quelle est l'essence de l'âme?
Allant toujours du moins connu au plus connu — quant à nous, —
je résoudrai donc ce concept trop général « âme » d'abord en ses
premières espèces : mais ces espèces elles-mêmes ne pouvant être
discernées qu'une fois résolues à leur tour, j'irai jusqu'aux indivi-

(1) Mêla. A, 1, 981 a 25 ; Z, 4, 1029 b 4.


(2) sari yàg (fj ipv%rf) olov âQ%r} rêâv t,cocov. De An. 402 a 6. Le terme olov
en ce début du prologue, indique justement qu'il s'agit ici d'un concept confus
dont il faut faire un concept clair et scientifique, en démêlant, parmi les éléments
qu'il réunit, les rapports nécessaires qui relient certains d'entre eux (Rodier, D:
An., t. II, p. 188). C'est là toute la tâche de la définition.
88 A. FESTUGIÈRE

dus, simples et indivisibles, qui me sont, eux, immédiatement con-


nus. Telle est la marche de la 2e méthode indiquée 2ds Anal. II,
13 0).
Une fois en présence des vivants, pour les ranger en espèces
distinctes, je n'ai et ne puis avoir à ma disposition que la méthode
d'induction (4e méthode) (2). Parmi tous les caractères des vivants
j'en distingue de plus ou moins communs, de plus ou moins univer-
sels et d'autres plus particuliers à tels ou tels groupes. Tel vivant
est mû du mouvement local, il est bipède, volant, couvert de plu-
mes, etc.. tel autre apode, rampant, sifflant, etc., sans compter
mille autres qualités diverses. Comment discerner en tout cela les
essences de l'accident, ce qui convient au genre et à l'espèce?
Ici interviennent, l'induction nous ayant réparti ces vivants en
un certain nombre de groupes approximativement définis, les
méthodes 1 et 3 qui visent toutes deux, l'une d'une manière toute
empirique, l'autre, dans la mesure où l'on peut l'appliquer, avec
certitude, à classer rigoureusement et suivant des relations néces-
saires ces diverses espèces du genre. La première aboutit à une
collection de caractères qui, pris individuellement, peuvent s'ap-
pliquer à des individus d'espèces différentes, mais dont l'ensemble
ne convient qu'à une espèce déterminée (3). La division enfin n'est
scientifique que parce qu'elle suppose :
1) qu'on a fait le dénombrement entier de tous les caractères des
vivants.
2) que, parmi ces caractères, on a su distinguer ceux qui, réelle-
ment, dénotent l'essence.
3) qu'entre toutes ces parties essentielles d'un même genre on
a établi un ordre tel que, chaque fois que l'on passait d'une partie
à l'autre, on se trouvait en présence d'une différence spécifique
déterminant un nouveau genre.
4) qu'enfin, à chaque passage, les deux espèces distinguées à
l'intérieur du genre en épuisent l'entière compréhension (4).
Ces trois méthodes de résolution, d'induction et de division
dûment employées, il reste, par une dernière induction, non plus
expérimentale, mais dialectique, à dégager, à abstraire des espèces

(1) 96 b 15-25.
(2) 97b7sq.
(3) 96 a 24 - b 14.
(4) 96 b 25 - 97 b 6. Sur la division cf. 1ers Anal. I, 31, 46 a 30 sq. ; 2ÛB Anal.
Il, 5, 91 b 18-32.
LES MÉTHODES DE LA DÉFINITION DE L'AME 89

ainsi discriminées, l'élément commun. Cet élément commun sera


proprement la différence spécifique de l'âme à l'intérieur du genre
principe, la forme qui, déterminant cette matière, révèle, par cette
détermination même, l'essence de l'âme.
Tel est le procédé. On voit tout de suite qu'il vaudra ce que valent
et l'induction qui est au terme de l'analyse, et l'emploi de la division
par quoi l'on assure la rigueur de la recomposition du concept. Or,
quoi que vaillent nos inductions, elles restent toujours un procédé
expérimental, elles ne font connaître que l'existence des caractères
spécifiques sans en donner la raison d'être, sans révéler l'essence.
Impuissantes à manifester la cause, sans laquelle pourtant il n'y
a point de science, leur rôle s'achève quand elles ont posé le fait
brut (x). La méthode dite de division serait plus rigoureuse si l'on
pouvait l'appliquer strictement. Mais c'est tout juste ce qui est
impossible. Car, comment discerner à chaque passage que l'on a
bien affaire à deux parties essentielles et non pas à des caractères
qui, tout en convenant au genre, ne lui appartiennent pas essen-
tiellement, comment le savoir si l'on n'a pas déjà connaissance de
l'essence, et connaissance assez claire et distincte pour qu'elle suf-
fise à garantir avec certitude l'exactitude de la division? C'est
supposer connu le défini. En sorte que cette division dichotomique
peut bien servir, une fois acquises leurs définitions, à classer les
espèces d'un même genre ; elle n'est d'aucun secours quand il
s'agit d'atteindre aux définitions elles-mêmes.

C'est sans doute cette dernière difficulté que visent, à la fin de


notre passage, les mots SK xivoev ôsï Ctjxsïv (2). Car, en définitive,
là gît le noeud. Censés que nous sommes ignorer l'essence, puisqu'il
s'agit de la définir, comment discerner rigoureusement les élé-
ments essentiels qui nous permettront, une fois dégagé leur carac-
tère commun, de définir l'essence ? Quel sera le critère de notre choix ?
Or là est bien le point de départ de notre recherche, point de
départ chronologique (les vivants groupés de telle et telle sorte)
et point de départ logique (principes qui ont commandé ces divers
groupements). Comment faire si ce point de départ, pour être rigou-
reusement déterminé, veut être rattaché à l'essence qu'il s'agit

(1) De là vient que l'induction n'aboutit qu'à la ntaxiç. Cf. 2ds Anal. II, 3,
90 b 14 et de An. 402 a 11.
(2) 402a 21.
90 A. FESTUGIÈRE

tout justement de définir? On comprend dès lors à plein l'observa-


tion d'Aristote : noXXàç ânoQiaç s%si nal nXâvaç.
Il reste que, pour définir l'âme, Aristote, au TISQI ipv%fjç, s'adres-
se, en fait, à l'expérience. C'est en fonction des phénomènes que
l'induction montre comme les plus révélateurs du vivant, et plus
précisément pour expliquer le rôle et la raison d'être de son orga-
nisme physique, qu'on aboutit à la définition fameuse : « l'âme,
acte d'un corps « organisé » ayant la vie en puissance » (1).

IL - LA THÉORIE DU PREMIER MOTEUR.

L'ouvrage de M. MUGNIER (2) est, au sens propre du mot, une


thèse. Il défend une position. Le Dieu d'Aristote est-il immanent,
« substantiellement » ( 3) uni au monde ou transcendant, est-il
mul-
tiple ou unique? Difficiles problèmes, que les travaux récents de
Jaeger ont rappelés à l'attention. M. M. penche, dans les deux cas,
pour le premier terme de l'alternative : et tout son livre s'emploie
à démontrer la justesse de ce choix.
La démarche est double. D'une part il tâche à dégager les princi-
pes de la doctrine. C'est ce qu'il nomme « la question de droit » (4).
D'autre part il se prend à « considérer les thèses ou les textes » et
à « voir s'ils s'accordent ou non avec les principes » (6). C'est « la
question de fait ». Il ne reste plus qu'à « montrer en quoi consiste
le système d'Aristote, théiste ou immanentiste » (%
A la vérité cette méthode étonne. Car l'on ne peut dégager les
principes que d'une étude approfondie des textes, de tous les textes.
Et donc, partir d'une « idée plus ou moins superficielle » ( 7) de l'im-

(1) Pourtoute cette étude, cf. surtout 2ds Anal. II, 1-10 et 13 ; JJEQL ifvyjr\ç
II, 2 début et le commentaire de Rodier ; ROLAND-GOSSELIN, Les Méthodes de la
Définition d'après Aristote, dans Rev. se. ph. th., 1912, pp. 235-252 ; 661-675.
(2) R. MUGNIEH. La théorie du Premier Moteur et l'évolution de la pensée
aristotélicienne, Paris, Yrin, 1930.
(3) Le terme d'« union substantielle » revient à plusieurs reprises et, pour qui
connaît le Stagirite, ne laisse point de doute au sujet de cet immanentisme pré-
conisé par l'auteur.
(4) Introd.,p. 4.
(5) Ibid.
(6) Ibid.
(7) Introd., p. 4.
LES MÉTHODES DE LA DÉFINITION DE L'AME 91

manentisme pour essayer de retrouver ensuite,dans les textes, con-


firmation de cette idée paraît au moins étrange. Cela peut conduire
à des abus assez graves. L'on risque d'imposer au système, non pas
une idée précisément tirée des textes, mais une idée « a priori »,
une sorte de principe premier. Et comme il y a, c'est sûr, chez'Aris-
tote, des textes qui font difficulté, loin de les accorder avec ce qu'on
sait par ailleurs de la doctrine, avec ce qui en fait le noeud et la dis-
tingue des mouvements de pensée antérieurs, c'est au principe arbi-
trairement choisi qu'il faudra bien que ces textes se plient.
Il semble que ce nouveau livre ne soit pas indemne de tels incon-
vénients.M.M. fonde en quelque sorte cet immanentisme sur la né-
cessité de rendre intelligible l'univers. Or « il faut bien, pour que
l'univers soit intelligible, qu'il y ait quelque chose de réel au
monde » 0-). Or, ce quelque chose ne peut être « l'individualité »,
qui « n'existe pas ». Reste que ce soit « Dieu, dont participeraient les
individus. Il n'y aurait pas plusieurs êtres.mais un seul et même
Etre immanent au monde, et les individus n'existeraient que par
Lui et en Lui. Telles sont les conséquences logiques qu'entraîne une
philosophie qui méconnaît l'individualité » (2). On saisit ici à plein
la méthode de M. M., la « question de droit » (3). Mais n'est-il pas
vrai qu'elle inclut une pétition de principe, et,qui plus est, va à la
l'encontre de l'un des enseignements les plus constants du Stagirite?
S'il y a pour lui un point bien établi, c'est que le réel véritable est
l'individu concret, la substance sensible mobile. Tout le secret de
sa révolution à l'égard de l'Académie tient en cette affirmation.
C'est cette substance individuelle, substance première, qui est l'ob-
jet de la science. Qu'on la considère en tant que mobile, elle est l'ob-
jet de la physique ; en tant qu'am'me'e, elle est l'objet des sciences
biologiques dont le traité de l'âme fait partie ; en tant que douée de
raison, elle est l'objet des sciences politique et morale ; en tant que
figure, elle est l'objet des sciences mathématiques ; en tant qu'être
enfin, elle est l'objet de la philosophie première. Maintenant il est
-
clair que la substance sensible étant sujette aux divers changements,
on ne la fera objet de science qu'à la condition de trouver, à l'inté-
rieur de cette substance, un principe de stabilité. Il est clair aussi que
la science ayant pour objet propre le nécessaire, c'est-à-dire, hormis

(1) P. 27.
(2) P. 27. C'est nous qui soulignons.
(3) Ibid,
92 A. FESTUGIÈRE

le cas de Dieu, l'universel, et n'y ayant d'universalité, donc de né-


cessité que dans les essences ou substances secondes, la substance
sensible individuelle ne sera objet de science qu'à la condition de
participer à l'essence. Mais précisément toute la doctrine si authen-
tiquement aristotélicienne de l'acte n'a d'autre effet que d'assurer
à la substance mobile ce principe de stabilité ; et d'autre part l'assi-
milation de l'acte à la forme n'a de sens que si l'on aboutit par ce
moyen à retrouver dans l'individu — car il n'y a d'actués que des
individus — cette universalité de l'essence objet propre de la scien-
ce. En sorte que, tout en admettant que la science n'atteint et n'at-
teindra jamais Socrate dans ses déterminations accidentelles qui
font de lui tel être particulier et non tel autre,il reste qu'elle l'atteint,
lui, Socrate, en tant que substance mobile, en tant que substance
vivante, en tant que substance raisonnable, en tant que figure géo-
métrique, en tant qu'être enfin, et que toute science, d'un mot,
s'écroule si elle n'aboutit point à considérer ses objets propres dans
ce support concret déterminé qu'est l'individu Socrate.
Par ailleurs, précisément parce que Socrate est une substance mo-
bile, composée de puissance et d'acte, ce mouvement même implique
qu'il n'est pas une substance achevée, parfaite, pleinement actuée
dès là qu'elle est. En second lieu, précisément parce que Socrate est
individu d'une espèce et qu'ainsi il ne fait que participer à la nécessi-
té par le détour de l'universalité de l'essence qui s'identifie à son
acte, cette participation même implique que Socrate n'est pas la
Substance pleinement nécessaire, et seule nécessaire dès là qu'elle
est. Ainsi l'existence de Socrate mobile postule l'existence d'un Acte
Pur immobile. Et l'existence de Socrate contingent postulel'existence
de l'Acte Pur nécessaire. Et l'on voit des lors que cet individu seul
nécessaire dès là qu'il est, seul nécessaire en tant qu'individu, fait
l'objet propre et premier de la philosophie première ou théologie.
L'on voit aussi que cet Acte Pur seul nécessaire et nécessairement
immobile se trouve principe premier du mouvement, Premier Mo-
teur. Et, indépendamment du fait qu'il ne meut point par contiguïté
et se désintéresse du monde, toute la doctrine du Stagirite l'induit à
concevoir cette causalité motrice comme une finalité, Dieu comme
un « désiré », et donc à reconnaître au Premier Ciel, terme immédiat
de la motricité divine, une âme capable de désir.
C'est ici la difficulté la plus grave que l'on peut opposer à M. Mu-
gnier, et lui-même l'a bien sentie (x). Car enfin, un désiré n'est point

(l) Pp. 114 ss.


LA THÉORIE DU PREMIER MOTEUR 93

celui qui le désire ni le terme d'un mouvement celui qui se meut


vers ce terme. D'autre part, le Premier Ciel étant mobile selon le
lieu demeure en puissance sur ce point, en tendance à ce bien par-
fait qu'est l'Acte Pur immobile. L'on est donc tout naturellement
amené à distinguer l'un et l'autre et, puisque le Bien est moteur
en tant que désiré, à reconnaître, au Premier Ciel, une âme. C'est,
au vrai, la solution traditionnelle, la plus conforme d'ailleurs aux
données antérieures de la pensée grecque. Que si, par contre, l'on
fait du Premier Ciel le corps de l'Acte Pur, les unissant l'un à l'autre
d'une union substantielle comme tout composé vivant, il faut bien,
pour assurer l'immobilité indubitable de l'Acte Pur et d'autre part
expliquer le mouvement circulaire de ce corps autour de son âme,
concevoir un nouveau mode des rapports de l'âme et du corps.
Mais n'est-ce pas, ici encore, l'un des points les mieux établis de la
doctrine du Philosophe ? Dès là qu'il s'agit du mouvement local
d'un vivant,c'est le vivant tout entier qui se meut.sans nul divorce
entre les parties composantes. Et dès là que ce mouvement est un
mouvement autonome — ce qui précisément distingue le vivant •—,
l'âme en est le principe non pas du tout en tant que fin, comme se
portant vers un bien qui dans le cas présent n'est autre qu'elle-même,
mais en tant que forme du corps, c'est à dire tout justement en tant
que principe efficient du mouvement autonome en un sujet capable
d'un tel mouvement. Tout au plus, pour être « logique », aurait-on
le droit de comparer ces relations du Premier Ciel à Dieu à celles du
corps et du vovç dans un vivant raisonnable. Car enfin c'est le vovç
seul qui peut s'aimer comme un bien raisonnai:le.Mais précisément
ce n'est pas le vovç qui est principe du mouvement local autonome.
Le vovç vient du dehors dans le vivant déjà formé, déjà actué,
déjà capable, de par son âme, de mouvement autonome. C'est l'âme
forme du corps, l'âme « animale » qui est principe d'un tel mouve-
ment. Et cette âme, qui n'est nullement vovç ,et donc ne peut au-
cunement s'assimiler à l'Acte Pur, n'est pas davantage immobile
dès lors que c'est le vivant tout entier qui se meut, corps et âme.
Les difficultés de sa thèse conduisent ainsi M. M. à méconnaître les
>.«
principes » les plus certains de la doctrine du Stagirite.
Nous ne dirons qu'un mot des dernières pages du livre touchant
l'unicité du premier moteur (*). Chacun accorde qu'Aristote a évolué

(1) Pp. 165 ss.


94 A. FESTUGIÈRE

et que Métaph. A 8 marque le terme de cette évolution. Cela veut-il


dire qu'il faille admettre 55 premiers moteurs, également, ou mieux
identiquement premiers? Aristote lui-même le nie, et il ne semble pas
que l'exégèse de M. M. — 55 premiers moteurs spécifiquement dis-
tincts •— rende exactement le sens de cette négation. Bien plus, l'au-
teur renchérit : l'intellect actif lui-même vient s'ajouter à cette
armée (l). Si l'on songe que cette aporie contredit et l'ensemble du
livre A et les principes recteurs les plus évidents de la pensée du
Philosophe, ceux qui sont à l'origine même de cette pensée, si l'on
remarque par ailleurs que la tradition postérieure, et Théophraste
le premier qui dans ses « Apories » reprend le problème théologique
au point juste où son maître l'a laissé, semble résolument favorable
à la notion d'un Premier Moteur unique (2), l'on trouvera peut-être
que l'auteur a bien vite fait de s'accommoder.
Ces critiques mêmes sont un hommage qu'on lui rend. Il s'est
attaqué aux plus hauts problèmes. Quoi qu'on pense de la manière
dont il les résout, ce n'est pas mince mérite que d'en traiter avec
netteté et décision.
Le Saulchoir. A. FESTUGIÈRE, O. P.

(1) Pp. 183 ss.


(2) Ce qui implique évidemment qu'on a résolu la difficulté conformément
à l'ensemble de la doctrine. M. Jaeger le reconnaît lui-même, Arisloteles,
pp. 374, 384. Des deux arguments de Plotin, Enn., v, 1, 9, l'un est celui-là mê-
me qu'emploie le Stagirite contre une multiplicité d'Actes Purs,/1 8, 1074 a 31
ss. Et il faut bien penser que l'autre ne lui a pas échappé, puisque c'est la propre
thèse de A 10. A vrai dire tout le problème est à reprendre.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE

I. — LOGIQUE
Les ouvrages de logique de cette année (et ils sont nombreux)
sont dominés par deux grands noms, celui de M. Edmund Husserl
et celui de M. Canning Scott Schiller. Les traités composés par ces
deux hommes illustres manifestent une pensée puissante, mais nous
avouons de suite qu'ils sont décevants. Autour d'eux se rangent des
livres moins originaux, mais parfois d'une doctrine plus complète
et plus sûre.
Nous avons plaisir à recommander celui de M. Akos VON PAUXER,
professeur à l'Université de Budapest, (*), et qui a été traduit en
allemand par le Dr. Joseph Somogyi. La logique est définie souvent
« science des
lois de la pensée juste ». Définition incomplète, car
qu'est-ce que la pensée juste, sinon celle qui est vraie? La logique
est donc théorie de la vérité, du moins de ce qu'il y a de commun aux
différentes vérités, c'est à dire de la vérité formelle, de sa structure
et de sa manière de subsister..Suit la logique appliquée, qui se divise
en théorie de la pensée (systématique-méthodologie) et critique de la
connaissance. La méthode de la logique ne peut être ni inductive
ni déductive, ni aller des conséquences aux principes,ni des princi-
pes aux conséquences, puisque ce serait présupposer l'induction et la
déduction avant de les avoir légitimées. La méthode doit être la
•« réduction » ( 2) : des convictions tenues pour justes, elle dégage les
lois de la pensée juste, et de celles-ci les premiers principes. C'est;
en somme, ce que nous appellerions en français la méthode réflexive.
En effet, nous ne tenons pour vraie une assertion que d'après son ac-
cord avec certains contenus et avec certaines formes : il s'agit donc
de reconnaître les présupposés que sont ces formes, et les présuppo-
sés impliques dans ces formes, et ainsi de suite. On poursuit le tra-
vail de réduction jusqu'à ce qu'on arrive à des formes qu'on ne puisse
justifier sans les faire intervenir elles-mêmes : par exemple, le prin-
cipe d'identité.
Toute connaissance suppose que la vérité « subsiste », c'est-à-dire
qu'elle vaut, même si elle n'est pas connue. Cette permanence doit

(1) Akos VON PAULER, Logik, Versuch einer Théorie der Walirheit. Berlin-
Leipzig, Walter de Gruyter, 1929 ; in-8, 291 pp.
(2) Méthode régressive que S. Bonaventure appelait déjà reductio.
0G G. RABEAU

n'être pas confondue avec l'existence, qui est source d'opération :


la vérité n'est pas un facteur du devenir, elle n'est pas substance,
mais se rapporte aux substances. Les vérités forment un système ;
elles se développent à l'infini ; elles concernent l'existant et le non-
existant . Impossible de les confondre avec les actes de pensée, elles
ne consistent pas à être pensées : bien au contraire, notre pensée
n'en peut épuiser aucune. Leur système constitue un absolu complet
dont nous ne saisissons que des bribes. Par là s'avère l'insuffisance
du Psychologisme.Entre l'existence et la vérité, le rapport n'est pas
ontologique,c'est un parallélisme.Au système des causes et des effets
du monde réel correspond un système de motifs logiques. Au-dessus
donc du monde temporel des existences se tient le monde intemporel
des vérités. Entre l'un et l'autre, deux rapports : le monde des exis-
tences fait partie (/UÉOEÇIÇ) du système infini des vérités ; et le monde
des vérités fournit l'idéal au monde des existences.
La logique pure étudie la structure de la vérité, laquelle est con-
stituée par quatre facteurs, et repose sur des présupposés. Les
quatre facteurs de la vérité sont la forme, le contenu, l'objet qu'elle
concerne, et le rapport entre le contenu et l'objet, c'est à dire la vali-
dité. La forme est triple : le logisma (ce que nous exprimons par le
concept), la thèse et le syllogisme. L'objet présente trois moments,
que désignait la formule scolastique : omne ens unum, verum, bo-
num. A savoir : pour chaque objet vaut au moins une vérité (exis-
tence) ; tout objet est objet d'une vérité (relation) ; tout objet se
distingue des autres,appartient à une espèce selon une hiérarchie de
perfections (classe). De même, la valeur est triple : subsistance (la
vérité en elle-même),objectivité (valeur pour un objet),sens ou raison
(se fonde sur d'autres vérités). Quant au contenu, il se partage pa-
rallèlement aux divisions précédentes : hylétique (division par indi-
vidus), schématique (par relations), catégorial (par classes).
Après les facteurs de la vérité, ses présupposés. Ce sont naturelle-
ment les premiers principes. Après ceux d'identité, contradiction
et tiers exclu, M. von Pauler énonce celui de cohérence : toute chose
est en relation avec toute autre chose : Ce principe est évident, si
l'on remarque que toute chose se distingue des autres, et que la dis-
tinction est une espèce de relation. Le principe de raison suffisante
(toute vérité a un fondement logique) en est dérivé. Le troisième
principe est celui de classification : toute chose a une nature, donc
appartient à une classe, participe à l'universalité. L'évidence de ce
principe apparaît si on essaie de le nier : nier qu'une chose appar-
tient à une classe, c'est la mettre dans la classe des choses qui
n'ont pas de classe. On remarque que le principe de classification
suppose celui de cohérence, lequel suppose celui d'identité. Ainsi les
trois principes suprêmes forment une série.
Ceci nous amène aux principes qui, pour être dérivés des trois
précédents, sont néanmoins fondamentaux. Ce sont : le corollaire
BULLETIN DE LOGIQUE 97

des séries, celui de correlativité, celui de système et celui d'équiva-


lence. Corollaire des séries : puisque les trois principes suprêmes
forment une série, les choses qui leur sont nécessairement soumises
vont former des séries. Admettons, avec Bertrand Russell, que série
est relation asymétrique et transitive (x). Il est aisé de voir que toute
chose ayant une nature, appartenant à une classe, appartient par là
même à une série, car sa qualité ou sa quantité sont susceptibles de
variation. Ceci appelle le second principe : les variations des choses
supposent un premier terme ou un absolu par rapport à quoi se dé-
terminent les variations. Exemple, la physique ne cherche à for-
muler des lois qu'en les rapportant les unes aux autres, en les rappor-
tant à des lois plus universelles qui jouent ainsi un rôle d'absolu.
A son tour le principe de correlativité engendre celui de système : du
moment que tout appartient à des séries, et que les séries n'existent
qu'entre termes doués d'une certaine homogénéité, tout appartient
à des systèmes (le système est l'ordre entre éléments de même
nature). Par là est exclu de la réalité le chaos absolu. Enfin, le prin-
cipe d'équivalence dit que si deux choses sont semblables à une troi-
sième, elles sont semblables entre elles : car, en ce cas, elles appar-
tiennent à la même classe (principe de classification), et peuvent être
échangées entre elles quand on les considère au même point de vue
Ces quatre principes dérivés, s'appliquant à tout comme les principes
suprêmes, sont transcendantaux.
Loin d'être stériles dans les sciences, les principes suprêmes déter-
minent leur travail. Chaque science doit d'abord étudier ses objets
en eux-mêmes, par description, définition, intuition (principe d'iden-
tité), puis elle en étudie les relations, lois, causes (principe de dé-
pendance), et elle les range en espèces (principe de classification)
Le principe des séries pose le problème des origines ; le principe de.
correlativité pose le problème des points de départ (par exemple,
matière, force, etc.) ; le principe de système exige qu'on découvre
un ordre ; celui d'équivalence veut qu'on cherche des analogies.
Ainsi, par suite de la structure essentielle de la vérité, toute science
est en présence de sept problèmes : problèmes des éléments, des rap-
ports, des classes (ce sont les problèmes fondamentaux), de l'origine,
de l'absolu, de l'ordre et de l'analogie.
On a vu que la vérité se présente sous trois formes : le logisma, la
thèse et le syllogisme. Le mot de logisma a été choisi pour éviter
celui de concept, lequel évoque irrésistiblement l'idée d'une opéra-
tion psychologique. Or, c'est ce dont la logique n'a absolument pas
à s'occuper : le logisma n'a rien à voir avec nos actes personnels,
il est un élément de valeur. Élément de valeur qui se distingue de la
thèse et du syllogisme en ce qu'il vaut en lui-même (la Vorstellung
an sich de Bolzano), en ce qu'il exprime l'identité de la chose à elle-

(1) Nous supposons ces notions connues du lecteur.


REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. 1. -— 7.
y8 G. RABEAU

même. Bien entendu, il y a à étudier, dans le logisma, l'objet, le


contenu, l'extension, la relation de valeur.
Nous espérons, par ce résumé, avoir donne quelque idée de la clarté
panaitc et de la puissance logique du livre de M. von Pauler. Il est
de tout point excellent, et nous ne saurions trop le recommander. Le
lecteur en a reconnu les sources d'inspiration : Platon et S. Augustin,
les grands Scolastiques, Bolzano, l'école phénoménologiste. Nous ne
poursuivrons pas plus loin notre résumé : nous nous contenterons
de signaler quelques points ici ou là.
D'après les trois principes de la pensée, le syllogisme se partage
en trois espèces : syllogisme catégorique (principe d'identité), syllo-
gisme hypothétique (principe de cohérence), syllogisme disjonctif
(principe de classification). — La logique appliquée part d'un donné
inanalysable : l'union de ia vérité éternelle et de la pensée humaine
dans le fait de la connaissance. La structure de la vérité se reflète
dans les fonctions de notre esprit, qui par là comprend sa fin : cher-
cher et trouver la vérité. La présence de la vérité éternelle dans notre
esprit se rend comme visible par cela qu'en tâchant de l'expliquer,
on la suppose. — L'explication est une opération qui consiste à rendre
une chose intelligible par une autre. Elle se fait de trois manières
selon qu'elle explique le tout par les parties, ou un objet par sa rela-
tion à d'autres, ou un objet par la classe dont il fait partie. On re-
connaît les trois principes à l'oeuvre (pr. identitatis, cohacrentiac,
classiiicationis). L'induction n'est traitée par M. von Pauler que
dans la logique appliquée : il estime donc (et nous l'en félicitons)
qu'il n'y a pas d'autre raisonnement que le syllogisme. L'induction
est le jjroeédé qui va d'cicmciiLs à un tout : elle consiste à combler des
lacunes du savoir. Elle prend trois formes : 1°) en histoire, elle re-
constitue un processus dont quelques fragments seuls étaient con-
nus ; 2°) elle constitue la classe d'après l'objet qui en fait partie ;
o") elle constitue une loi de la nature d'après quelques relations sin-
gulières entre phénomènes.Ce comblement des lacunes ne se fait pas
sous l'influence de la causalité, car il est très rare que nous connais-
sions les causes quand nous formulons les lois ; elle se fait sous l'in-
fluence du principe d'identité, qui nous persuade que l'Univers est
un tout e. forme de touts organiques. Mais jamais le principe d'iden-
tité ne joue jusqu'à nous permettre de combler toutes les lacunes :
c'est pourquoi les lois de la nature ne sont jamais qu'approchées,
car nous ne savons jamais, si une loi qui nous paraît simple ne sera
pas réduite par nos successeurs en plusieurs lois plus élémentaires
Arrêtons-nous un peu plus longtemps sur la réduction, qui est,
avec la déduction et 1 induction, l'un des trois procédés fondamen-
taux pour trouver la vériLé. Tandis que l'induction se meut dans le
inonde concret pour trouver des causes, la réduction se meut dans
le inonde des vérités pour trouver des principes. L'une et l'autre
généralisent, et c'est riourquoi si souvent on les a confondues. Mais
elles généralisent de manière bien différente : l'induction par une
analyse, la réduction par l'« autothèse »,c'est-à-dire par ia régression
BÙLLETN DE LOGIQUE 99

de la conséquence à ses conditions. Trois espèces de réduction:


1°) réduction ontologique : la valeur d'une vérité suppose la valeur
d'une autre : par exemple, la constatation de phénomènes dans l'es-
pace implique qu'il y a des corps, ce qui implique que quelque chose
existe ; 2°) réduction mathématique : par exemple, on remonte d'une
définition ou d'une thèse aux axiomes qui la rendent possible ; 3°)ré-
duction philosophique, consistant à dégager, dans les diverses ré-
gions 'd'objets, les derniers présupposés qui les rendent possibles.
C'est la principale méthode de la philosophie. En résumé,laréduction
qui en philosophie se pratique en sa parfaite pureté, est l'opération
qui va du relatif à l'absolu logique correspondant, et elle comprend
trois phases : 1°) dégager les conditions logiques de validité d'une
affirmation ou négation ; 2°) aller de ces conditions aux principes
fondamentaux ; 3°) rattacher en bloc le relatif d'où l'on est parti
aux conditions jusqu'à l'absolu.
L'ouvrage de M. von Pauler se termine par une critique de
la connaissance: quelles sont les limites de notre connaissance?
y.a-t-il des objets en soi inconnaissables parce qu'ils seraient soumis
à des lois opposées à celles de notre faculté de connaître? Un objet
est compris lorsqu'il est saisi par notre intellect selon les lois d'iden-
tité, .;de cohérence et de classification. Nous voyons assez que le
monde où nous vivons est soumis à ces principes, notre science y
découvrant sans cesse des identités, des lois et des classes. La struc-
ture logique du monde et de l'esprit humain se découvre encore par
la triple espèce de la connaissance. Une connaissance a posteriori
a lieu. Une connaissance a priori aussi, et elle consiste à connaître
les lois formelles, celles qui sont communes à l'esprit et au monde
et par conséquent portent sur le réel. Il y a une troisième espèce
de connaissance, « ab interiori », consistant à trouver au delà de
ce qui est clair la connaissance obscure cachée par dessous : on sait
que c'est par excellence la connaissance philosophique. Quant aux
limites de la connaissance, il faut distinguer des limites de fait
relatives à nos sens : l'infiniment petit et le trop lointain ; et les
limites de droit. Supposer des objets radicalement inconnaissables,
c'est-à-dire non soumis aux lois logiques, est une supposition absur-
de, puisqu'on ne peut la faire qu'en usant des lois logiques et donc
en présupposant leur absolue valeur : toute limitation de la valeur
du logique se fonde sur la valeur inconditionnée du logique. La phi-
losophie est donc nécessairement un intellectualisme réaliste.
Essayer de réduire la connaissance à un autre phénomène est
impossible, puisqu'on ne pourrait le faire qu'en usant de la connais-
sance, en la présupposant. Cependant, il est permis de montrer les
analogies entre la connaissance et l'amour. Comme lui, la connais-
sance est une tendance vers un objet, elle est une réception aussi et
elle va à réaliser une union, une union totale et pour toujours.
Comme l'amour, la connaissance a en elle une tendance à l'infini,
et d'ailleurs elle est mise en branle par l'amour. Aussi bien dans ses
100 G. BABEAtJ

fondements que dans son achèvement, la connaissance s'oriente vers


un objet parfait et infini. Hugues de St-Victor avait montré la voie :
« là où est l'amour, là est aussi la
lumière ».

Le lecteur a vu combien la pensée de M.von Pauler est apparentée


à celle de Husserl. Elle est cependant très personnelle, et apparentée
à d'autres doctrines qui en garantissent la valeur. Il semblerait qu'à
venir maintenant à M. E.HussEiîL,nous allons trouver la même clarté
que chez le professeur de Budapest. En réalité, la Logique formelle et
transcendantale, essai d'une critique de la raison pure (1), est un livre
extrêmement pénible. Une terminologie absolument spéciale, l'abus
d'une abstraction que n'illustre aucun exemple, les allusions per-
pétuelles à des problèmes à peine formulés et encore moins résolus,
impatientent le lecteur et même l'exaspèrent. L'ouvrage est cepen-
dant de ceux qui veulent une recension sérieuse. Mais sa difficulté,
la densité de son contenu réclameraient un exposé dont la longueur
dépasserait les limites de ce bulletin. Nous nous contenterons au-
jourd'hui d'en marquer l'orientation générale, et plus tard nous lui
consacrerons un article de manière à faire connaître aux lecteurs de la
Revue la phénoménologie transcendantale, avec ses mérites et ses
déficiences.
Le but de M. Husserl est, comme à peu près pour tous les philo-
sophes depuis Kant, de donner une théorie de la science. Seulement,
au lieu d'accepter naïvement les sciences spéciales constituées et de
réfléchir sur leurs principes, leurs méthodes et leurs objets, la logique
doit partir de l'idée pure. Elle tâchera d'interpréter les sciences en
se mettant directement en face des essences formelles. Elle n'igno-
rera pas le côté subjectif de la science, qui est réalisation dépensée :
mais il ne s'agit pas du subjectif individuel, psychologique. Il s'agit
de la « subjectivité intentionnelle », c'est-à-dire de la conscience
transcendantale en relation avec les essences.
La logique formelle, entendue ainsi au sens phénoménologique,
sera une « analytique apophantique ». En réduisant les jugements
à des formes de plus en plus pures, on est arrivé à la forme primitive
que nous appelons apophansis : expression, opération. Non opération
empirique, mais détermination d'un substrat d'après des lois telles
que l'opération fondamentale en renferme d'autres par subordination
ou modification. L'analytique, au delà des formes du jugement, va
aux formes possibles des vrais jugements : elle englobe donc, avec la
syllogistique, l'étude de la compossibilité de classes de jugements ou
de termes de jugements, y compris l'analyse mathématique formelle.
La question fondamentale de l'analytique est la suivante : quand
des jugements quelconques, en tant que tels, et d'après leur forme,
sont-ils possibles dans l'unité d'un jugement, et en quelle connexion
sont-ils possibles?

(1) E. HUSSERL. Formate und ttahsêendehlate Logik. Halle (Saale), Max Nie-
meyer, 1929 ; in-8, 298 pp.
BULLETIN DE LOGIQUE 101

L'analyse mathématique formelle, nous venons de le voir, entre


dans la logique,puisqu'elle concerne les lois formelles d'objets idéaux,
d'objets indéterminés qui sont « quelque chose en général ». Mais
une théorie des lois formelles des objets ne s'exprime qu'en jugements,
et une théorie des formes des jugements doit s'appliquer à des objets :
mathématique pure et logique se tiennent. Ou, pour mieux dire, la
logique a deux domaines, celui de l'apophantique (lois formelles des
jugements) et ontologie formelle (lois formelles des objets). Mais
l'analytique logique, au delà des formes des jugements et des formes
des objets, parvient à une généralisation plus haute, à une théorie
des théories : une théorie traitant de toutes les formes possibles de
théories en tant que déductibles.C'est le degré le plus élevé de l'ana-
tytique logique.
Essa3'ons de comprendre en quoi consistent les deux domaines
de la logique : apophantique et ontologie formelle. Les jugements
s'organisent, les uns par rapport aux autres, en « syntaxes » (con-
structions). Il y a, en effet, des jugements du premier degré (S
est P) ; des jugements du second degré (« S est P » est regrettable).
Les jugements, se compliquant les uns avec les autres,forment des
synthèses supérieures. L'étude des lois de ces combinaisons for-
melles, de ces « syntaxes » ou ensembles logiques, est du ressort de
l'apophantique. Mais on voit que si, dans les syntaxes supérieures,
les jugements portent sur des jugements ; dans les syntaxes d'ordre
inférieur, ils portent sur des objets, soit sur des « quelque chose »,
soit, plus souvent, sur des propriétés du « quelque chose », sur des
relations, des pluralités,des unités, des séries, etc. Il faut donc, après
les syntaxes, étudier les formes d'essences et les lois formelles des
essences : c'est l'ontologie formelle, qui concerne, non un monde
existant, mais les formes et lois constitutives du monde existant et
des mondes possibles.
Jusqu'ici, nous sommes dans la logique formelle. Or, on ne peut
s'en contenter. Nous avons vu que les syntaxes supposent, au degré
le plus bas de formation des jugements, des « noyaux » (Kerne)
d'objectivité. La logique ne peut se désintéresser de ces matériaux
qui doivent entrer dans les formes a priori : elle est tentée d'y voir
un «apriori synthétique», un « univers de l'être ». Il est évident que
l'étude des noyaux objectifs, de l'univers de l'être, suppose une étude
des évidences, des actes intentionnels qui posent l'objectif, des modes
de conscience. En un mot, la logique formelle s'achève nécessaire-
ment en logique transcendantale. Nous nous arrêterons là. Si nous
avons pu donner, en quelques pages, une esquisse très sommaire
de la première partie de la « logique formelle et transcendantale »,
ce serait absolument impossible pour la seconde partie. Toute la
phénoménologie entre en scène : une théorie de la connaissance aussi
importante, et peut-être nouvelle pour un certain nombre de nos
lecteurs, doit être exposée sérieusement, et ensuite discutée. Nous
renvoyons les lecteurs à l'article que nous consacrerons bientôt à la
logique de Husserl.
102 G. RABEAU

La Logique de M. Alexandre PFAENDTR, qui a paru dans le recueil


de Husserl, le Jahrbuch fur Philosophie und philosophische For-
schung (4e volume), est évidemment conçue sous son influence (*).
Mais elle est composée avec une grande clarté : nous pouvons donc
recommander la seconde édition revue à ceux qu'intéresse l'école
phénoménologique. Dans 1;; préface, M. Pf. délimite les domaines
de la phénoménologie, de la logique et de la théorie de la connais-
sance. La phénoménologie, qui est la discipline préparatoire à toutes
les sciences philosophiques, se place au point de vue du sujet pensant,
et de là, elle vise les objets à l'intérieur du monde objectif du sujet
pensant, tâchant de saisir les pensées et les significations que ce sujet
attache aux objets. Mais elle se garde bien de prendre parti sur ces
significations, sur leur réalité : elle les décrit, elle décrit les manières
d'être donné des objets et les espèces de signification. En somme, elle
décrit quatre sphères : celle des actes de pensée, celle de la conscience
tles objets, celle des significations et celle des objets intentionnels.
Tandis qu'elle étudie les constructions de la pensée (Gedankenge-
bilde. Que le lecteur ne prenne pas « construction » au sens d'« acte
de construire » (en tant que structures d'actes de pensée), la logique
les étudie en elles-mêmes. Quant à la théorie de la connaissance, qui
recherche les fondements de toute connaissance, de la connaissance
de l'être, de celle des valeurs et de celle du devoir, elle ne peut évi-
demment accomplir sa tâche que si auparavant la phénoménologie
a étudié les espèces et les modifications de toute perception, et si
la logique a :'>tudié les jugements, leurs éléments, leur structure, leur
prétention à la vérité, leurs espèces et leurs enchaînements.
M. Pf. commence sa logique par l'étude du jugement, non pas
que les concepts se ramènent à des jugements virtuels, mais parce
que le jugement est plus aisé à étudier que le concept, et qu'on arrive
par là à déterminer certains concepts qui autrement seraient presque
insaisissables. Tout jugement correspond à un état de choses (Sach-
verhalt), mais les parties de l'état de choses ne sont pas des parties
du jugement : l'état de choses est, par rapport au jugement, ob-
jet d'une corrélation intentionnelle, il peut être réel ou formel. Les
jugements se classent selon les états de choses possibles qu'ils ex-
priment. Certains états de choses sont dans l'objet visé, quant à son
être, sa nature, sa détermination (jugements existentiels, attributifs,
déterminatifs). D'autres sont en dehors, et donnent lieu aux juge-
ments relationnels (de comparaison, d'appartenance, de dépendance,
d'intentionnalité).
II n'y a pas lieu de donner une analyse suivie de la logique de M.
Pf. Bornons-nous à signaler quelques chapitres plus intéressants.
Une section excellente (pp. 75-90) est consacrée à la vérité que re-

(1) A. PFAENDER. Logik. Halle (Saale), Max Niemeyer, 1929 ; in-S, 365 pp,
C'est une seconde édition.
BULLETIN DE LOGIQUE 103

vendique tout jugement. La question a été embrouillée par les phi-


losophes, qui ont mélangé le « être tenu pour vrai», les fondements de
la vérité et les motifs du « tenir pour vrai » La vérité n'est pas une
espèce de jugement, ni une détermination de certains jugements,
ni la justesse de l'expression verbale. Elle serait plutôt une relation
à d'autres jugements Seulement, il ne s'agit pas ici de la relation
-
du jugement à d'autres jugements en tant qu'actions d'êtres hu-
mains (de moi, de la société, d'autorités, etc.), car je n'aurais là que
des motifs pour lesquels une conscience tient pour vrai, non les
raisons pour lesquelles le jugement est vrai. Impossible donc de nier
que la relation du jugement vrai à d'autres jugements se fonde sur
les « états de choses » signifiés. La vérité est « adaequatio rei et in-
tellectus », pourvu qu'on traduise « res » par « Sachverhalt ».
La logique classique, dit M.Pf., a eu le défaut de ne s'occuper que
des concepts d'objets. Or, avec des concepts d'objets, on n'arrive-
rait à construire aucun jugement : il y faut, en effet, des concepts
de fonctions logiques, des concepts « purs ». Par exemple : « et »,
« assurément », « à
savoir », ces mots que les logiciens médiévaux ap-
pelaient « syncatégorématiques », n'indiquent ni un objet, ni une
liaison réelle entre des objets.Ils n'acquièrent pas leur sens par celui
des objets qu'ils lient, comme le mot « syncatégorématique » pour-
rait le faire croire ; ils n'indiquent qu'un enchaînement de pensées,
une fonction logique. Ils ont leur sens propre, et seulement par eux
raisonnements et jugements sont possibles. On les classera selon
qu'ils expriment des fonctions aperceptives ou dès fonctions menta-
les : A. Fonctions aperceptives : 1) concepts qui indiquent, soit en
avant (celui-ci), soit en arrière (qui), soit vers un présupposé (celui
qui) ; 2) concepts qui relient : soit en laissant même valeur aux
objets liés (et), soit en rassemblant (en plus), soit en rapportant l'un
à l'autre (est) ; 3) concepts qui séparent : soit simplement (ne, ni),
soit en excluant (excepté, en dehors de), soit en isolant (sans), soit
en mettant en relief (surtout) ; 4) concepts d'échange (à la place de) ;
5) concepts dirigeants (maintenant). — B. Fonctions mentales.
On les partage en trois groupes : 1) demander, désirer, prier,conseil-
ler, avertir, etc. Il n'y a pas de mots spéciaux pour indiquer les fonc-
tions ; le rythme de la phrase y suffit ; 2) affaiblir, renforcer, condi-
tionner, disjoindre (peut-être, forcément, en cas que, ou) ; 3) ex-
pliquer (à savoir), étendre (en général), rétrécir (seulement), accor-
der (certes), opposer (mais), conclure (donc).
Lé principe de raison suffisante a été souvent méconnu : on l'a
pris au sens psychologiste, qu'on admet une vérité pour des motifs
suffisants, ou qu'on la doit admettre pour des motifs suffisants. C'est
là une assertion qui n'a rien à faire avec la logique, et qui d'ailleurs
est fausse.Il faut prendre ce principe logiquement : « tout jugement
a besoin, pour être réellement vrai, d'une raison suffisante ». « Rai-
son » signifie : ce qui fonde le contenu de la signification du jugement
On traduirait le principe assez exactement par la formule : « la vérité
q.'un jugement a besoin nécessairement d'une raison suffisante».
104 G. RABEAU

c'est à dire de quelque chose en dehors du jugement pour le justifier.


Ce principe ne tire pas sa valeur de l'expérience,ni de la nature de la
raison humaine. Ce serait plutôt l'inverse : la raison humaine cher-
che des motifs parce qu'un jUL-ement a besoin d'une raison suffisante
pour être vrai. Le principe déraison suffisante, en dernière analyse,
repose sur la nature de la virile (voir ci-dessus) : un jugement n'est
vrai que si son contenu correspond à la structure des objets.
Mais il faut nous arrêter : ces quelques extraits suffisent à montrer
que le livre de M. Pfànder est un livre hautement recommandable.
M. Oskar FECHNEK, lui aussi, appartient au groupe des philosophes
qui, chaque jour plus nombreux, reviennent à la métaphysique réa-
liste. Il ne comprend pas que, depuis Descartes, on ait conçu l'entre-
prise folle de connaître le monde par le moi :cette folie a conduit
l'Idéalisme allemand tout près de la catastrophe. Nous, au con-
traire, prenons pour devise le mot profond de Bacon : « de nobis ip-
sis silemus, de re autem... » (cité p. 175). Or la pièce maîtresse de
l'idéalismeiantien est la thèse de la spontanéité du jugement consti-
tuant les catégories : M. F. intitule donc son livre : Le rapport de la
doctrine des catégories à la logique formelle (x). Un texte de La Critique
de la raison pure condamne la méthode suivie par Kant et indique
celle qu'il faut suivre :« l'entendement... qui réalise la forme logique
d'un jugement, apporte aussi dans ses représentations, par le moyen
de l'unité synthétique du multiple dans l'intuition en général, un
contenu transcendantal... » (2). C'est dire que, pour dresser une table
des catégories, il faut faire appel à l'ontologie,et par conséquent à la
logique qui en est la base en donnant les formes de l'être. Or, les ca-
tégories sont de trois sortes :de nature idéale-ontologique (par exem-
ple : type, ressemblance), phénoménale-ontologique (par exemple,
les catégories de l'espace euclidien), réelle-ontologique (impénétrabi-
lité, rapport causal).L'ouvrage de M. F., après avoir posé le problème
et indiqué la mSthodc, expose une classification des trois sortes de
catégories. Comme ce tableau se justifie par sa cohérence, par son
caractère d'achèvement, par son aptitude à enclore tout le réel, il
faudrait le reproduire en entier. Malheureusement, il occupe les
pages 41-96 et 137-139, sans compter que les présupposés et les sub-
strats des catégories occupent beaucoup d'autres pages. Nous ne
pouvons que renvoyer le lecteur à l'essai très soigneux de M. Fech-
ner.
L'influence de Lask et de M. Nicolai Hartmann, très sensible chez

(1) O. FECHNER. Das Verhaltnis der Kategorienlelve zur formalen Logik,


Ein Versuch der Ueberwindung Immanuel Kanls. Roslock, Cari Hinstorffs
Verlag, 1927 ;Éin-S, 175tpp.
(2) Cité p. 32.
BULLETIN DE LOGIQUE 105

M. Fechner, est également active dans la Logique de la philosophie


de M.Arthur LUFNEMANN (^.Celui-ci conclut, à la suite d'une longue
discussion sur les théories de la logique, que la logique a pour point
de départ l'expression de cela qu'elle se suppose elle-même. Suit une
étude delà fonction de synthèse créant les catégories,condition trans-
cendentale intemporelle de la pensée qui nécessairement s'exerce
dans le temps. Livre pénible à lire, parce que pensé très personnelle-
ment, et trop mêlé de discussions avec des contemporains (par exem-
ple, avec Losskii). Nous n'avons pas la place de le résumer, ce qui ne
signifie pas qu'on n'apprendrait pas en le lisant.

La logique, ses lois et ses catégories (2), par M. Louis ANDEHSON,


est, nous dit la préface, le résultat de beaucoup d'années de réflexion.
L'objet de la logique est la substance naturelle, la substance spiri-
tuelle et la substance supraspirituelle. Cette situation ontologique
primordiale, à peu près personne n'en tient compte : c'est pourquoi
la logique reste sans fondements et la religion est mal définie. Il
faut reconnaître que la substance supraspirituelle est la « pierre
d'angle » de la pensée logique, puisqu'elle est la règle de la vérité,
de la valeur et du bien.
Tout devenir est mouvement. Or, au mouvement dans la nature
correspond l'action dans l'esprit et l'autorité dans le supraesprit.
Et tout mouvement suppose un principe et un effet. De là, une trinité
de lois du mouvement,del'activité et de l'autorité, et qui se manifeste
comme principe logique, procès logique et effet logique. Principe
logique : la pensée logique est fondamentalement dirigée vers le
principe Procès logique : ordre universel qui est dans la sphère su-
praspirituelle valeur vérité et amour ; dans la sphère spirituelle
vouloir conscient et percevant ; dans la sphère naturelle énergie et
éther. Principe, procès et effet donnent lieu à catégories : la loi du
principe logique implique les catégories d'absolu, objectivité, cau-
salité ; celle du procès logique implique celles de relativité, subjec-
tivité et finalité ; celle de l'effet logique implique celles de défini-
bilité, négativité et positivité. La plus grande partie du livre est
consacrée à l'explication de ces catégories.

Jusqu'ici, nous nous sommes avancés dans un monde de purs


.
métaphysiciens. Avec M. Heinrich RICKERT, nous entrons dans la
société des philosophes qui sont encore métaphysiciens, mais qui
restent sous l'influence de Kant. M. Rickert reprend la fameuse

(1) A. LUENEMANN. Logik der Philosophie. Wien und Leipzig, Wilhelm Brau-
mûller Universitàts-Verlagsbuchhandlung,1929 ; in-8, 127 pp.
(2) L. ANDERSON. Das Logische, seine Gesetze und Kategorien. Leipzig, Félix
Meiner, 1929 ; in-8, 97 pp.
106 G. RABEAU

question posée par Kant à propos de l'argument ontologique : l'être


est-il un prédicat? (*). Question de première importance, à cause de
ses conséquences métaphysiques. L'auteur déclare se rattacher à
Kant et être métaphysicien : car Kant a été mal compris par ses
disciples néo-kantiens, il n'a jamais voulu se borner à une simple
critique du connaître.
En analysant les propositions, on voit que tout sujet suppose le
sujet très général « quelque chose », lequel ne peut être prédicat.
Et tout prédicat suppose un prédicat fondamental qui est être, car
tout prédicat est supposé réel (c'est-à-dire, donné sensiblement, ou
existant idéalement, ou supraréel métaphysiquement). Mais l'être
a trois rôles qu'il importe de distinguer : 1°) il est forme de con-
naissance, c'est-à-dire que le prédicat est réalité ou valeur en général ;
2°) il est copule, c'est à dire qu'il opère la synthèse du sujet et du
prédicat pour qu'il y ait vérité : 3) il est objet posé existant ou
valant et que la synthèse unit au sujet. De ces trois sens d'être, les
deux premiers ne concernent pas l'ontologie : celle-ci ne s'occupe pas
de l'être comme forme de pensée ou comme opération de synthèse,
mais comme forme de connaissance. Mais comment l'ontologie, qui
est doctrine du prédicat du monde, ou, plus exactement, des prédi-
cats du monde en leur multiplicité, atteint-elle l'être? L'atteint-elle
intuitivement ou conceptuellement ? Il est évident que, si le philo-
sophe doit intuitivement tâcher de connaître tout, la question de
l'être de la totalité ne peut recevoir de réponse intuitive. Il faut
d'ailleurs distinguer entre l'être de « l'en deçà » et celui de I'« au delà ».
Quand le métaphysicien essaie de connaître quelque peu l'être de
l'« au delà »,(car il en a le droit), le contenu intuitif lui manque, et il
doit y suppléer par des symboles, pourvu qu'il n'oublie jamais que
ce ne sont que des symboles. Le livre s'achève par une longue discus-
sion sur l'idée du néant, celle d'altérité et celle de négation.
Un peu avant de donner au public cet estimable travail sur l'être,
M. H. RICKERT avait fait réimprimer (5e .édition) son grand ouvrage
sur les limites de la formation des concepts clans les sciences de la
nature (!). Le sous-titre en indique le but précis : « Introduction logi-
que aux sciences historiques ». L'ouvrage ayant paru pour la pre-
mière fois en 1902, nous n'en ferons pas une analyse détaillée, telle
que la mériteraient sa masse et l'importance des idées exposées.
Quelques indications seulement. Après avoir étudié la connaissance
conceptuelle dans le monde des corps et comparé la nature et l'es-
prit, M. Rickert arrive au centre de son sujet : nature et histoire.
Une théorie scientifique est d'autant plus parfaite que ses concepts

(1) SI. KicKuivr. Die Logik (les Prûdikats und (las Problem der Ontologie. Hei-
delberg, Cari Winters Univcrsitàtsbuchhandlung, 1930 ; in-8, 23(5 pp.
(2) If. RICKERT. Die Grenzen der natinwis.senschafilichen Begriffsbildung.
ïubingen, Molir, 1929 (5e Auflage, 6-7 Tausend) ; in-8, 776 pp.
BULLETIN DE LOGIQUE 107

gardent moins de la réalité sensible infiniment. multiple. Sans doute


les concepts valent pour l'individuel, mais ils ne le représentent pas.
Et pourtant on ne peut renoncer à connaître l'individuel, ce qui est
lié à tel lieu et à tel temps. D'où nécessité de l'histoire, qui est la
science de l'individuel, et,par là même, science de la réalité.Non pas
que la réalité ne soit universelle (c'est en tant qu'universelle qu'on
l'appelle nature), mais elle est surtout irrationnelle, débordant nos
concepts ; et l'histoire tâche de la saisir en ses caractères d'individua-
lité.
Déjà, dans les sciences de la nature, il y a toute une partie qui vrai-
ment ne leur appartient pas et qui appartient à l'histoire. Mais, à
mesure qu'on s'installe davantage dans l'histoire autonome, qui est
une science, on se demande comment elle forme ses concepts. Car
elle en use aussi, L'histoire en effet est obligée, sauf rares exceptions,
de construire ses objets d'après ses « sources ». De plus, elle choisit,
parmi les faits innombrables offerts par les sources, ceux seulement
qui sont essentiels. Par exemple, connaître les habits et les tailleurs
de Frédéric-Guillaume IV a son importance pour une histoire des
prix ; mais cela n'en a aucune par rapport au fait que ce roi de
Prusse refusa la couronne impériale. Par cette simplification, l'his-
toire forme des concepts (par exemple, ce qu'était César, ou comment
se sont formés les biens de la chevalerie) qui n'ont pas la généralité
de ceux des sciences de la nature, mais qui renferment un contenu
d'où l'accidentel a disparu. A cette première phase, le concept his-
torique semble encore loin de l'individuel; mais à sa phase dernière,
le concept est connu comme la valeur qui donne l'unité à une multi-
tude de phénomènes.
L'histoire implique donc essentiellement valeur et vie spirituelle.
M. Rickert décrit, d'après la méthode que nous connaissons main-
tenant un peu, la formation des concepts historiques, l'enchaînement
historique, ce qu'il y a de science naturelle en histoire, le processus
de l'intelligence historique, etc. La dernière partie du livre, philoso-
phie de la nature et philosophie de l'histoire, est une métaphysique :
objectivité métaphysique, objectivité des valeurs, histoire et « Welt-
anschauung » sont les trois derniers titres Cette table des matières,
que nous regrettons de faire aussi brève, suggérera au moins l'intérêt
capital de l'oeuvre.

Tout à fait excellent par la clarté, la densité et la justesse de la


pensée, le manuel de logique de MM. Robert LATTA et Alexandre
MACBEATH (X). Si l'on y remarque l'influence de Bradley, de Bosan-
quet et de Joseph, les auteurs ont fait oeuvre originale, tout en '
respectant les enseignements de la logique classique. L'idée fonda-
mentale du livre est que l'opération essentielle de la pensée est le

(1) R. LATTA and Â.. MACPEATH. The éléments of Logic. London, Macmillan,
19^9 ; in-12, 393pp.
108 G. RABEAU

raisonnement : de même que le concept suppose des jugements vir-


tuels, le jugement est un raisonnement implicite En effet juger est
établir une identité sous certains rapports avec des différences sous
certains rapports : c'est là en somme le procédé général de la
connaissance. Or, pour discerner identité et différences dans une
réalité, de quelque ordre qu'elle soit, il faut avoir des motifs : le juge-
ment suppose l'examen implicite de ces motifs, c'est-à-dire le raison-
nement. De plus, le jugement pose identité au milieu de différences,
il établit ce qui est le même sous différentes formes, c'est à dire l'uni-
versel. Raisonner, et raisonner en concepts universels est ce que fait
toujours la pensée humaine.
Cette doctrine fondamentale revient partout dans le livre de MM.
L. et M. et sert souvent à donner la solution des problèmes. Ainsi,
quelle est la nature de la proposition catégorique? Exprime-t-elle
la relation entre deux compréhensions (Mill) ou entre deux exten-
sions (théorie des classes) ? Ni l'un ni l'autre.Elle exprime, comme l'a
bien vu Aristote, la relation entre le sujet en extension et l'attribut
en compréhension, car de cette manière seulement on exprime vrai-
ment l'unité dans la différence. Le même principe de l'unité dans la
différence va fonder une hiérarchie des propositions. Les proposi-
tions catégoriques, sont, en un sens, conditionnelles, car elles sup-
posent un système d'objets de pensée enchaînés, tels que la propo-
sition en question n'est vraie que dans ce système. Seulement, les
propositions catégoriques ne disent rien de ce système que la pro-
position conditionnelle tire au clair : celle-ci est donc d'un degré
plus élevé.La proposition disjonctive appartient à une phase encore
supérieure de la pensée : elle ne se borne pas à indiquer une condition
d'un événement ou d'une qualité, elle en dil la cause déterminante,
puisque nous pouvons conclure de l'affirmation de chaque alter-
native la négation de l'autre, ou de la négation de chaque alternative
l'affirmation de l'autre.Il est d'ailleurs assez rare qu'une proposition
disjonctive soit vraiment exhaustive ; en tout cas, elle ne l'est que
dans un contexte, par rapport à un système déterminé.
Sur les lois de la pensée, enseignements clairs et prudents. Ceux
qui croient que les lois de la pensée sont des lois empiriques confon-
dent deux questions : ces lois sont-elles le principe de toute pensée?
comment arrivons-nous à les formuler? Qu'il ait fallu, pour les for-
muler, un très long travail tout rempli d'expériences, c'est indubi-
table ; mais chacune de ces expériences les supposait, et c'est cela
qui fonde leur valeur. — Le principe de raison suffisante est une
application de celui d'identité : chaque chose est ce qu'elle est pour
des raisons, c'est à dire pour la place qu'elle occupe dans un système.
De sorte qu'en dernière analyse toute connaissance exige le principe
primordial de la nature systématique de l'esprit et des choses.

On a pu reconnaître, chez MM. L. et M. quelques traits pragmatis-


tes, mais sagement interprétés : le jugement opération vitale allant
jà résoudre un problème posé par la pensée systématique. Avec M.
BULLETIN DE LOGIQUE 109

Ferdinand Canning Scott SCHILLER, nous sommes dans le Pragma-


tisme le plus radical (^.Et même, avouons-le d'emblée, nous sommes
dans un Pragmatisme agressif, au ton tranchant et désagréable, et
dont souvent les arguments consistent à. attribuer aux arguments
contraires une signification ridicule. Dans la préface, M. Sch. nous
avertit qu'il n'aurait pu donner à Oxford (il était « tutor » de Corpus
Christi Collège) un enseignement aussi révolutionnaire ; et que
fuyant cette ville où « l'éducation est asservie » il est venu enseigner
à l'Université de Californie (los Angeles).Nous trouvons, pour notre
part, que les étudiants de los Angeles manquent singulièrement
d'esprit critique, s'ils reçoivent comme paroles d'Évangile les
affirmations de M. Schiller. Ces affirmations ne sont jamais prouvées
sinon par la discussion des opinions adverses dénaturées, ou par des
analyses psychologiques très justes, mais qui affectent d'ignorer le
problème logique. La renommée de M Schiller, la valeur psychologi-
que de son livre veulent que nous le fassions connaître un peu en
détail. Malheureusement, il ne nous semble pas apporter beaucoup
de nouveau aux doctrines « humanistes » déjà connues.
Le titre du livre, Logic for use, n'a pas l'intention de suggérer que
M. Sch. rendra bon dialecticien un raisonneur médiocre, mais de pro-
tester contre le préjugé qu'une théorie sans usage n'est pas la pire,et
contre le divorce entre théorie et pratique. De la logique classique,
il ne reste rien, elle n'est qu'un « puzzle » très inférieur aux autres
« puzzles ». Mieux vaut chercher des mots croisés, car au moins ils
ont un sens, tandis que le « puzzle » de la logique intellectualiste
porte sur des non-sens. Cette logique, en effet, a absolument ignoré
ce qu'est la signification (meaning). La tâche principale de la logique
nouvelle sera donc la théorie du « meaning ».
L'origine du « meaning » est à chercher dans. l'attitude animiste
universelle, attitude des primitifs qui attribuent une signification
aux autres hommes et aux objets. Cette attitude paraîtrait contraire
à la nature, car elle arrête l'action, elle considère le passé et l'avenir.
Mais là est justement le rôle biologique de la pensée : extraire de l'ac-
tion des règles utiles,afin de les ajuster aux cas particuliers pour agir
mieux. Cette nécessité vitale, à savoir que les événements doivent
avoir un sens, est la première de toutes : elle l'emporte sur les signi-
fications qu'elle crée et sur toutes les lois logiques qui sont dérivées
d'elle.
La signification des mots est soumise à une antinomie : d'une part
elle doit être fixée, pour être transmissible et reconnue, d'autre part
elle doit varier sans cesse, car ce que l'on veut dire est à chaque fois
absolument nouveau, et, à la rigueur, inexprimable. Heureusement,

(1) F. C. S. SCHILLER. Logic for Use. An Introduction io ihe volunlarisl Thcory


of knowledge. London, Bell and Sons, 1929; in-8, 469 pp.
110 G. RABEAU

les mots sont plastiques, et, avec l'aide des gesLes, des intonations,
on arrive jusqu'à un certain point, à exprimer les significations per-
sonnelles. Car les significations sont strictement personnelles.
Comment décrire la signification personnelle ? Ce n'est ni une chose,
ni une relation entre des choses ; c'est une réaction de l'esprit par
rapport au cours des événements, ou encore une attitude que nous
prenons vis-à-vis d'objets de pensée, qui sont transfigurés quand
nous leur attribuons une signification. Elle est dans l'intime de l'âme,
et les gestes souvent la disent mieux que les mots : l'honnête homme,
lui, tâche de dire ce qu'il veut signifier, tandis que le logicien (classi-
que, bien entendu) est obligé de trouver un sens à ce qu'il dit.On se
rend compte combien profond est ce phénomène de la signification,
quand on cherche en vain un mot, ou que les mots ne nous viennent
pas, ou que nous éprouvons, ce qui est assez fréquent, comme une
aphasie. La signification que nous exprimons n'est d'ailleurs jamais
qu'une partie de celle que nous expérimentons, elle est donc le résul-
tat d'un choix opéré par nous.
En incorporant les significations dans les mots, les hommes les
ont prises pour des choses, au lieu d'y reconnaître des attitudes de
l'âme. Or, en réalité, nos significations, étant chacune pour le pré-
sent, disparaissent pour jamais et cèdent la place à d'autres. Mais
comme notre esprit et le monde restent en présence l'un de l'autre,
nous nous imaginons que les mots, puisqu'on peut les répéter, res-
taurent par leur répétition des idées fixées (universaux), et qu'à ces
idées fixées correspondent des essences. Si nous analysions bien nos
procédés, nous verrions qu'au contraire, quand nous usons de mots
universels, nous négligeons les différences individuelles en vue d'un
certain but, mais cette négligence voulue nous fait toujours courir
un risque. Le but est une situation de fait, une question choisie sur
quoi nous nous concentrons, et nous traitons le cas concret comme
un cas universel,de manière à utiliser ce que nous ont appris d'autres
cas de la même espèce. On voit donc quel est le rôle des idées : c'est
un rôle utile, biologique ; il y a donc des idées utiles ou inutiles, non
justes ou fausses. Toute la difficulté est de savoir les employer pour
exprimer.
La logique classique, qui a ignoré le « meaning », a ignoré un autre
phénomène fondamental en logique, la « relevance ». Ce mot, dont
la législation écossaise la première commence à user au xvne siècle,
est ignoré des législations du Continent : nous n'essaierons donc pas
de lui trouver un équivalent en français. On en devine déjà le sens
quand on se représente un juge traçant une démarcation entre les
circonstances qui sont « relevant» pour son but, et les autres. Dé-
crivons les propriétés de la « relevance » : 1°) La subjectivité: dans un
problème réel, aux données multiples, ou plutôt quand nous igno-
rons quelles sont les données réelles, nous choisissons ce qui est
«
relevant », et nous le choisissons en raison de sa valeur pour nous
et de notre attitude envers lui. 2°) La sélectivité (selectiveness) :
le « relevant » est extrait d'une infinité de faits ; quand l'enquête
BULLETIN DE LOGIQUE lll
est fructueuse, nous le réduisons presque à un point. 3°) Le risque,
qui doit être avoué franchement, avec droiture et probité. En choi-
sissant, on n'est pas sûr de réussir. Les faits « irrelevant » sont sou-
vent semblables à beaucoup de faits « relevant » : toute la différence
consiste en ce que les derniers nous mènent à notre but de connaître.
C'est cela que 1 ancienne logique appelait « essentiel ». Mais entre le
« relevant » et l'« irrelevant», la différence est minime ; un rien peut
faire que l'un devienne l'autre. 4°) Etre toujours discutable et révi-
sable : la « relevance » n'est pas une affaire de forme verbale ou d'im-
plication de mots, elle est toujours une question de comparaison de
valeur entre des prétentions opposées à la vérité.
Il est aisé de voir qu'après cette analyse, il ne reste plus rien de la
logique formelle. La « sélectivité » supprime l'idée d'une vérité to-
tale ; l'arbitraire de la « relevance » supprime la validité formelle des
raisonnements ; le risque supprime l'idéal d'une énumération com-
plète des faits. En somme, c'est le conflit aigu entre deux logiques :
l'une, qui a l'esprit de sécurité et ne trouve rien et ne connaît rien ;
l'autre, qui a l'esprit d'aventure indispensable pour acquérir la con-
naissance.
La théorie de la « relevance », c'est à dire de ce qui mène à la
vérité, nous fait déjà deviner la théorie de la vérité. La vérité est
d'abord affaire pratique : pour vivre, il faut anticiper l'avenir, en
extrayant de la nature des formules de lois invariables. La vérité
est la valeur d'une prédiction. La logique a donc à décrire des va-
leurs : seulement, elle doit distinguer entre « prétention à la valeur»
(value-claim) et « valeur », et entre diverses espèces de valeur. Les
valeurs sont des faits naturels,psychiques,qu'ilfaut considérer comme
tels. Entre « value-claim » et » value », il y a bien des formes de pas-
sage : tout « value-claim » se fonde déjà sur quelques motifs qui le
justifient, et, à l'opposé, aucune « value » ne se légitime par une
vérification exhaustive. Entre les deux, la pensée se meut vers les
vérifications plus complètes. Mais qu'est-ce que vérifier? Comment
définir la vérité, et le critère qui sert à la discerner?
On pourrait définir la vérité : 1° comme valeur logique : le vrai
est ce qu'il est bon de croire ; 2° comme satisfaction d'un besoin
ou d'un désir : nous avons vu que tout jugement répond à une ques-
tion pratique ; il est vrai quand la réponse est satisfaisante ; 3° com-
me « prétention à la vérité » qui sert à travailler "et est utile. Naturel-
lement, on entendra par « utile » tout ce qui conduit à un but. En
somme, la vérité est une utilité. Mais toute utilité n'est pas vérité.
Nous avons donc à distinguer les « prétentions à la vérité » des autres
tendances : par là-même nous distinguerons la vérité qui en est le
terme.
Les « prétentions à la vérité » peuvent se classer environ en sept
classes : 1°) les postulats, qui sont une réclamation immédiate et
presque inconditionnée du succès. Ils se justifient au travail qu'ils
fournissent, à leur « working » ; 2) les axiomes, qui sont des postulats
à qui il ne manquerait rien pour être pleinement justifiés. Ce cas est
112 G. RABEAU

excessivement rare, si rare que le mieux est de le passer sous silence


et de parler, à sa place, des 3) « assomptions méthodologiques »
c'est à dire de suppositions dont on use dans la recherche, faute de
mieux. Comme exemple, Schiller cite les principes des sciences et
ceux de la philosophie. Un peu en dessous des assomptions méthodo-
logiques sont les « fictions » métholodologiques, obtenues par des
simplificalions.etdontl'usage n'a pas encore été reconnu fructueux ;
5) les fictions, considérées en général ; (i) les plaisanteries, qui signi-
fient autre chose que ce qu'elles disent ; 7) les mensonges. Ils se
caractérisent par cela que leur auteur ne réclame pas que son asser-
tion soit tenue vraie pour lui, mais par les autres. Quand un mensonge
réussit, aucun moyen ne permet de le discerner d'une vérité. Ainsi,
nous pouvons conclure que le « triith-claim » devient « truth » par
son « working », qui jamais n'est achevé. Renonçons donc à avoir
pour la vérité un critère instantané, infaillible et unique : il y a
autant de critères que d'espèces de connaissance, car le « working »
qui discerne la vérité est au moins d'autant d'espèces qu'il y a de
sciences.
En voilà assez, croyons-nous, sur la Logic for use. Exposer, d'après
M. Schiller, les méthodes scientifiques et la casuistique de la con-
naissance, serait faire connaître son ingéniosité d'esprit, non appren
dre quelque chose de vraiment nouveau. Il y a longtemps que son
«
Humanisme » a déjà indiqué les grandes lignes de ses théories.
En résumant M. Schiller, nous avons gardé l'allure dogmatique et
dirions-nous, intellectualiste de son livre. C'est en effet un paradoxe
piquant que le contempteur de la logique classique procède par affir-
mations massives, que rarement un exemple illustre, et qu'il présente
sa doctrine comme absolument vraie. L'épithète « true » vient sou-
vent sous sa plume ; visiblement, sa théorie est pour lui une repré-
sentation exacte des choses. Il suppose donc que la connaissance est
une représentation exacte des choses, alors que sa théorie le nie
expressément.
C'est, en effet, une prétention intolérable que de vouloir décrire
la pensée logique uniquement en tant qu'opérations psychologiques,
sans jamais faire allusion à son caractère « intentionnel », à sa capa-
cité d'exprimer des essences ou des rapports indépendants de l'es-
prit. Au fond, c'est ériger en méthode philosophique l'« ignoratio
elenchi ». M. Schiller, avec son tact psychologique et sa finesse d'ana-
lyse en ce qui concerne les activités vitales,ressemble à un ingénieur
des chemins de fer qui serait devenu fou. Cet ingénienr, après avoir
fait une théorie excellente du service de la traction, déclarerait que
cette théorie suffit à tout, puisqu'elle donne les règles du mouvement
des trains, et qu'une théorie du service de la voie, puisque la voie
n'est pas un mouvement, est un « puzzle » portant sur des non-sens.
Nous n'avions pas eu, en France, de traité de logique depuis celui
de M. Goblot et la logique formelle de M. Maritain. Cette année M.
BULLETIN DE LOGIQUE 11$

TRICOT nous en donne un très bon (1). Il renferme un exposé clair


et complet de la logique scolastique. L'auteur, parfaitement au cou-
rant de la pensée française contemporaine, résume et discute les
théories de Renouvier, Goblot, etc. La dernière partie du livre (pp.
305-316) est consacrée à la logistique. Discussions et solutions tou-
jours sages et pondérées. En somme, livre extrêmement recommanda-
ble, mais plutôt pour les professeurs que pour les élèves de l'enseigne-
ment secondaire. De bons élèves travailleurs en feraient cependant
leur profit.
Au contraire, le « petit traité de logique formelle » de M. BAUDRY,
professeur au collège Stanislas, a été composé pour les élèves (2).
Il rendra des services, non seulement à ceux qui prennent la logique
formelle pour « matière à option », mais à tous. Nos élèves ne com-
prennent bien la logique des sciences que s'ils connaissent les procé-
dés élémentaires du raisonnement.Vouloir qu'ils étudient la métho-
dologie sans avoir étudié la logique formelle est aussi absurde que
de vouloir faire étudier l'algèbre à qui ignore l'arithmétique. Es-
pérons donc que le petit livre de M. Baudry sera lu par beaucoup
de nos élèves.

Nous voudrions nous arrêter sur le travail intelligent de M.KOSTEL-


NYCK sur le principe d'identité, fondement de tous les raisonne-
ments (3). Non seulement il traite d'une question fondamentale et
avec sérieux, mais il est ukrainien (son travail a été publié d'abord
dans la revue Bohoslavia), et nous éprouvons une vive sympathie
pour les populations éprouvées de la Galicie Orientale. Nous avons
entre les mains une traduction allemande, faite par M. Sadowskij,
de l'article de M. Kostelnyk. Certains raisonnements, remarquait
déjà la logique de Port Royal, ne peuvent se ramener aux règles du
syllogisme. Par exemple : Thaïes a vécu avant Anaximandre ; Ana-
ximandre avant Anaximène ; donc Thaïes a vécu avant Anaximène.
On trouverait beaucoup d'autres espèces de raisonnements non syl-
logistiques. La théorie de M. K. distingue : 1°) des raisonnements
fondés sur l'identité seule (par substitution, par intelligence de l'ana-
lyse d'un concept, par identité probable),2°) des raisonnements fon-
dés^ sur l'identité avec l'aide de constructions logiques(raisonnements
subsomptifs, hypothétiques, disjonctifs).

M.Mario Govi a l'audace de présenter la logique comme utile à la

(1) TRICOT. Traité de logique formelle. Paris, Vrin, 1930 ; in-8, 316 pp.
(2) L. BAUDRY. Petit traité de logique formelle. Paris, Vrin, 1929 ; in-12, 91 pp.
(3) G. KOSTELNYK. Das Prinzip der Identitàt, Grandlage aller Schlùsse.
Lemberg, Druck von Stauropyg ianischen Institut, 1929 ; in-8, 58 pp.
REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. 1. — 8.
1Î4 G. KABEAU

vie P-). Et il a raison : la vie n'a un sens humain, elle ne va à son but
que si elle est guidée par une pensée impersonnelle, et c'est la logique
qui donne la théorie et les règles de la pensée impersonnelle.Malhue-
reusement, M. Govi est dominé par les préjugés « scientistes : la
mentalité religieuse serait due à la crainte de désordres sociaux et la
mentalité rationaliste du sentiment esthétique. La vraie voie de la
science est l'empirisme . L'ouvrage est divisé en trois parties : logi-
que, épistémologie, critique. Il est écrit de manière prolixe. L'auteur,
bien au courant de l'histoire de la philosophie, donne souvent des
renseignements utiles.

Le manuel de logique ( 2) de M. Arthur DREWS, professeur l'école


technique supérieure de Karlsruhe, est un traité compact de logi-
que formelle de 540 pages in-8°. Il est sérieux, clair, et d'opinions
assez raisonnables. Mais l'antireligion de l'auteur s'y manifeste par
plusieurs dissertations, par exemple, sur le miracle, sur la théologie.
La théologie hait la clarté, la raison, elle préfère le sentiment, l'ob-
scurité des dispositions et des tendances subjectives (p. 533). Qu'on
l'enseigne dans les Universités est la honte de notre temps (p. 534).
Gaston RABEAU.
Nous réservons pour le bulletin de l'année prochaine quelques opus-
cules arrivés trop tard :
W. RIVIEK. L'empirisme dans les sciences exactes. (Archives de la
société Belge de Philosophie). Bruxelles, Perebooms, 1930 ; in-8
13 pp.

Oskar BECKER. Zur Logik der Modalilàlen. Halle (Saale), Max
Niemeyr, 1930 ; in-8, 52 pp.
BARZLN et HERRERA. Sur le principe du tiers exclu. Bruxelles, Ste-
vens, 1929 ; in-8, 26 pp.

IL — MÉTAPHYSIQUE,
I. — CRITIQUE D E LA CONNAISSANCE
ET SYSTÈMES GÉNÉRAUX.
Philosophie allemande, — La Philosophie der symbolischen For~
men de M. Ernst CASSIRER (3) arrive, avec son troisième volume,

(1) M. Govi. Fondazione délia Metodologia. Torino,1929, fratelli Bocca, 1929 ;


in-8, 579 pp.
(2) A. DREWS. Lelirbuch der Logik. Berlin, Georg Stilke, 1928 ; in-8, 540 pp.
(3) Ernst CASSIRER. Philosophie der symbolischen Formen. III. T. : Phaeno-
menologie der Erkenntnis. Berlin, Cassirer, 1929; in-8, xn-559 pp. Cf. R. se.
ph. lh.c t. XV (1926), p. 208.
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 115

à sa conclusion normale, qui est une vue d'ensemble sur les rap-
ports des différentes formes selon lesquelles s'exprime l'activité
de l'esprit, depuis le mythe des primitifs et le langage du sens
commun jusqu'aux précisions mathématiques de la science. Phé-
noménologie de la connaissance, dit l'auteur. Mais'ce n'est pas au
sens nouveau donné à ce terme hégélien par Husserl et son école.
Cassirer reste fidèle à la terminologie de Hegel et à sa méthode
générale. Les manifestations diverses de l'activité spirituelle ne
sont pas la réalité même de l'esprit; phénomènes seuls observa-,
blés, elles permettent cependant à la réflexion philosophique de dé-
gager par l'analyse transcendantale les conditions qui les rendent
possibles a priori. Fidèle à Hegel, C. l'est encore plus à Kant.
Il y a vingt ans, dans son importante étude sur les concepts de
substance et de fonction, C, à l'exemple de Kant, ne considérait
l'esprit que dans son oeuvre estimée la plus parfaite, à savoir la
science. Aujourd'hui encore la science lui parait devoir garder cette
place éminente.Mais.entre temps, il a su apprécier et il a voulu étudier
avec beaucoup de soin les oeuvres spirituelles plus humbles, comme
là perception, le langage, le mythe. A plus d'une reprise, Kant lui-
même avait clairement entrevu la nécessité d'étendre l'analyse
transcendantale à toutes les formes de l'activité théorique de l'es-
prit. Il restait à prendre une conscience tout à fait précise, et
aussi large que possible, de cette tâche complémentaire, et à la
mener à bien en mettant à profit les ressources innombrables, ac-
cumulées, dans le domaine de l'observation et de l'expérience, par
les spécialistes.
Il restait aussi à légitimer dans le détail, et à adapter aux situa-
tions très diverses de la connaissance théorique, le relativisme et
le symbolisme qui, aux yeux de C, caractérisent essentiellement
l'activité spirituelle ; à établir enfin la continuité de l'oeuvre de
l'esprit, si' étrangement multiple et disparate. Tel est le sens de
l'effort entrepris par C.
Une philosophie réaliste admettrait, facilement que la perception
ou le langage, ou même les inventions mythologiques, sont des
approximations diverses, plus -ou moins heureuses, plus ou moins
entachées de subjectivisme et d'erreur, dans l'essai tenté par l'es-
,prit de s'orienter à travers une réalité qui le dépasse et s'impose
à lui. L'idéalisme n'a pas cette ressource. Les essais, les tâtonne-
ments, les progrès de l'esprit, sont de lui totalement. L'on peut
seulement dire qu'il s'exprime lui-même, comme il peut, selon
certaines lois qu'il ignore, et qu'il appartient au philosophe de re-
trouver par l'analyse. Expression, et expression symbolique, voilà
toujours le produit de l'esprit. En chacun de ses actes, en effet, une
relation peut être observée entre une forme et une matière, entre
un sens et un symbole, ( la relation entre le mot et l'idée, entre
l'« âme » et le « corps » en est le prototype) .L'esprit n'est en défi-
nitive^que l'ensemble théorique des fonctions qui déterminent ces
relations.
116 M.-D. ROLAND-GOSSELIN

Dans le détail des recherches de C., et malgré leur orientation


générale, bien des notations curieuses ou intéressantes seraient
à relever : le souci de maintenir l'observation en contact avec les
aspects multiples et l'unité synthétique des faits observés, la pri-
mauté reconnue à la perception de la personnalité d'autrui, qui
s'exprime par le cri, le geste ou la parole ; la critique de l'analyse
bergsonienne de la durée ; certains rapprochements avec la philoso-
phie de Husserl ; etc., etc. Par cette richesse, et l'originalité de
ses vues, C. intéresse le lecteur le moins disposé à reconnaître la
nécessité d'un relativisme aussi radical.

C'est aussi par ce côté que l'on pourrait sans paradoxe essayer
de compléter les observations faites par Cassirer au moyen de cel-
les que présente le récent volume de M. Heinrich GOMPERZ ; Ueber
Sinn und Sinngebilde, Verstehen und Erkldren (1). L'opposition mê-
me de l'empirisme sans rigueur, et plus ou moins pragmatiste, de
H. G. à l'idéalisme de C, ne serait pas sans enseignement utile.
D'après H. G. les modalités de notre intelligence du monde se
ramènent aux deux suivantes : expliquer et comprendre. La science
poursuit l'explication de l'univers ou de l'action humaine (car
il s'agit aussi des sciences morales) en soumettant le fait à la loi, le
concret à l'abstrait. Mais, à un degré quelconque de la connaisance,
nous ne comprenons vraiment que les faits, ou les idées, ou les sen-
timents ou les explications, qui viennent répondre en quelque
manière à nos dispositions, à nos habitudes, en un mot à notre at-
tente. De là certaines oppositions et certaines relations assez com-
plexes, entre expliquer et comprendre ; H. G. les analyse avec finesse.
Les allusions nombreuses de M. M. Pradines à la philosophie
de Husserl, dans l'ouvrage qu'il publiait il y a deux ans, pou-
vaient paraître un signe de l'intérêt suscité par la phénoménologie à
l'Université de Strasbourg. Nous en avons aujourd'hui une preuve
indiscutable dans l'important ouvrage consacré à la Théorie de l'intui-
tion dans la phénoménologie de Husserl, par M. E. LEVINAS, docteur
de la même Université (b). Cette thèse n'est pas en effet seulement
un exposé de la pensée de Husserl, telle qu'on la peut dégager des
études jusqu'ici publiées par ce philosophe ; elle met de plus à pro-
fit ses leçons inédites et des conversations privées ; elle est en-
fin l'oeuvre d'un élève, d'un très bon élève, dont la réflexion per-
sonnelle entend prolonger l'oeuvre du maître, et qui prend parti
dans les interprétations d'école. M. L. se réclame volontiers de M.
Heidegger, l'un des disciples les plus en vue de Husserl.

(1) Heinrich GOMPERZ. Ueber Sinn und Sinngebilde, Verstehen und Erklâ-
ren. ïûbingen, Mohr, 1929 ; in-8, VIII-256 pp.
(2) Cf. R. se. pli. th., t. XVIII (1929), p. 297.
(3) E. LEVINAS. La théorie de l'intuition dans la phénoménologie de Husserl
(Bibl. de phil. contemp.). Paris, Alcan, 1930 ; gr. in-8,223 pp.
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 117

La tâche assumée par M. L. n'était pas facile, de faire connaître


au public français, assez peu renseigné jusqu'ici sur les recherches
de Husserl, une théorie de l'intuition, d'apparence claire, mais au
fond difficile dès que l'on en veut voir le vrai sens, c'est-à-dire le
lien très étroit avec une forme nouvelle et subtile de l'idéalisme .Mais
M. L. devait d'autant moins reculer devant la difficulté, qu'il te-
nait surtout, semble-t-il, à mettre bien en lumière ce lien lui-même,
ou, comme il s'exprime non sans équivoque, les attaches ontologiques
de l'intuition husserlienne. Expression équivoque (L., de fait, en
convient) si la réduction phénoménologique a pour but de neutraliser
l'esprit à l'égard de l'être réel, et s la théorie de l'être (et de ses
« régions ») ne prend de valeur absoue que fondée sur la conscience
elle-même.
Précisément, selon M. L., la première démarche, et peut-être
la plus féconde, de la pensée de Husserl fut de revendiquer contre
le matérialisme la diversité de l'être, et la possibilité de concevoir
la conscience et ses actes (Erlebnisse) selon un mode d'être entière-
ment différent de celui de la matière. Le matérialisme, ou natura-
lisme, a contaminé l'idéalisme lui-même. Un Berkeley, par exemple,
imagine au fond la conscience et son rapport à l'objet sur le type
des rapports entre objets naturels. M. L. ne serait pas éloigné de
dire que ce défaut est celui de tous les idéalismes qui attribuent
à l'esprit le pouvoir de constituer l'objet. L'originalité de l'idéalisme
de Husserl est de tenir pour primitif lé rapport concret, vécu, qui
miit dans l'acte de connaître le sujet et l'objet. Sujet et objet sont
dérivés de l'acte de conscience. Considérer l'un ou l'autrj comme
premier est une abstraction illégitime, menant à des impasses. Lors
donc que Husserl attribue l'existence absolue à la conscience tandis
que l'existence du monde est dite relative à la conscience, il entend
déjà par conscience l'intentionnalité, papou il la définit, et qui est
essentiellement rapport à un objet. La conscience, ou la pensée,
n'est pas d'abord substance, comme voulait Descartes, elle est ce
rapport même à l'objet, par lequel l'objet est connu et existe.
S'il en est ainsi, l'intuition est justifiée. Car il n'est pas de manière
plus claire et plus profonde de réaliser en toute sa plénitude le
rapport intentionnel-psi où l'objet est donné à la conscience. L'objet,
quel qu'il soit, est alors vu dans son être propre et par l'intention mê-
me sans laquelle i ne serait pas ce qu'il est.
Mais puisque toute manifestation de la conscience est intention-
nelle,- sans que pour autant l'intuition soit le seul acte possible
de la conscience, ni même la seule manière de connaître, il devient
nécessaire de discerner nettement les uns des autres les actes mul-
tiples de la conscience, et de préciser en chacun d'eux le sens et la
valeur de l'objet. C'est une des tâches auxquelles la phénoménolo-
gie s'est appliquée avec le plus de soin et de subtilité. M. L. indique
les principaux résultats de ses analyses, à propos en particulier
de la perception, de la connaissance significative et des divers de-
grés de l'intuition elle-même.
118 M.-D. ROLÂND-GOSSELIN

M. L. ne dissimule pas que ces résultats demeurent, à plus d'un


égard, insuffisants. S'il cherche à distinguer nettement l'idéalisme
de Husserl de celui de Berkeley, il convient cependant que Husserl
ne s'est pas encore appliqué à justifier la valeur absolue de la con-
science. La conscience demeure un simple fait. Sa nécessité est
obscure. Et, par suite et plus encore, la nécessité de l'objet, dont
Husserl semble parfois dire que la conscience pourrait se passer.
Parmi les divers modes de l'intuition n'en est-il pas au moins un
auquel l'essence est donnee comme nécessaire?
En un autre sens encore, M. L. aimerait voir se développer la
phénoménologie. L,'intentionnalité de la conscience ne se manifeste
pas seulement par des actes de connaissance ; toutes les formes
affectives et actives de la conscience sont l'expression d'une inten-
tion objective. Husserl le reconnaît explicitement. Mais il demeure
intellectualiste par la valeur privilégiée réservée à la théorie, au
sein même de la vie active et affective de la conscience. N'y aurait-il
pas lieu de libérer de l'intelligence l'intentionnalité affective de la
conscience, et de lui donner pleine autonomie? Ne serait-ce pas
dans la droite ligne de la pensée husserlienne pour laquelle, en
définitive, la vie, le vécu, est la source première de toute réflexion
et de toute valeur, même des valeurs logiques?
M. L. semble donc vouloir tour à tour incliner la philosophie de
son maître, soit vers une justification a priori de la conscience,
soit vers une sorte d'empirisme volontariste. Sans doute dans sa
pensée ces deux directions se rejoignent-elles. Mais, que la phénomé-
nologie se prête à l'une et à l'autre et oscille de l'une à l'autre, n'est-
ce pas l'effet de sa position instable? d'un équilibre vainement
cherché entre le réalisme psychologique et l'idéalisme logique,
en dehors de l'être réel?
C'est un reproche analogue qui se trouve adressé à Husserl par
un disciple de Rickert, M. Fr. KREIS. (1). Et l'on ne peut, s'en éton-
ner. Malgré le progrès notable des Ideen dans le sens de l'idéalisme
transcendantal, Husserl n'est point parvenu, remarque K., à se
dégager complètement de l'empirisme psychologique ou métaphy-
sique de Brentano. Pour la philosophie critique de Kant, les re-
cherches les plus rigoureuses et les plus nettement phénoménologi-
ques demeurent à un stade en quelque sorte pré-philosophique. II
leur manque la justification a priori, par voie synthétique et déduc-
tive, de l'intuition et de l'évidence dont elles se réclament.
D'autre part l'on peut se rendre compte par des études du genre
de celles de M. H.LIPPS ( 2) à quel degré de finesse purement logique

(1) Friedrich Knms. Phacnomenologie und Krilizismus (Heidelberger Abhandl.


z.Philos, u. ihr. Gesch. hrsg. v. E. HOFFMANN U. H. RICKERT. 21). Tûbingen,
Mohr, 1930 ; in-8, 68 pp.
(2) Hans LIPPS. Untersuchungen zur Phacnomenologie der Erkenntnis. T. I. :
Das Ding und seine Eigenschaflen. Bonn, Cohen, 1927 ; in-8,107 pp. — II. T. :
Aussage und rjrteil. Ibid., 1928 : m-8,105 pp.
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 119

arrivefa cilement l'analyse phénoménologique. Ce n'est point ren-


contre fortuite, si L. se réfère si souvent à Duns Scot.
Cependant, conteste M. Fr. ROTTER (*) la justification cherchée,
l'école de Bade tout au moins (Windelband, Rickert, Cohn, Bauch,
Lask), malgré, ses travaux de plus en plus satisfaisants, n'est pas
encore parvenue à la donner.
L'intérêt suscité parmi les philosophes catholiques d'Allemagne
par la,conversion à la métaphysique de Nicolai Hartmann n'est
sans doute pas encore près de s'épuiser. Cette année, c'est le direc-
teur de l'Académie Albert le Grand, de Cologne, le Dr G. SOEHNGEN,
qui consacre à l'ontologie critique de l'ancien disciple de l'École
de Marbourg une étude détaillée, pénétrante, et, somme toute, très
sympathique, bien que son intention soit de marquer nettement,
plus nettement encore que Hartmann lui-même, les limites pré-
cises où les voies inaugurées par l'ontologie nouvelle cessent de
coïncider avec les voies anciennes, et s'en écartent. Commentaire
critique très suivi des Grundzùge einer Metaphysik der Erkennt-
nis, et fragmenté en de nombreux paragraphes, ce livre de S. con-
serve, sous son apparente aridité, un intérêt philosophique réel et
une véritable unité de pensée. Par sa manière intelligente de rap-
procher des problèmes modernes les difficultés qui commandent
les solutions données par S. Thomas à la question des rapports de
l'être et de la pensée, et par la connaissance approfondie du thomis-
me dont il témoigne à chaque page, il mérite d'être médité par tous
les disciples de S. Thomas, par ceux mêmes que la pensée de Hart-
mann laisse indifférents. Puisqu'il est manifestement impossible
de l'analyser en quelques lignes, ou d'indiquer sous quels multi-
ples aspects il envisage tour à tour les rapports de l'idéalisme et du
réalisme, que le lecteur veuille bien se contenter de cette recomman-
dation, et l'auteur de cet éloge, sans les mesurer à leur inévitable
brièveté.
Le Prof. Max WENTSCHER, de l'Université de Bonn, essaie de faire
une place à la métaphysique au-dessus des sciences en lui assignant

(1) Friedrich ROTTER. Die Erkennlnistheorie der Wertphilosophie, Eine his-


lorisch-phaenomenologische Unlersuchung. Germersheim, Grabler, 1927 ; in-8,
95 pp.
(2) Qottlieb SOEHNGEN. Sein und Gegenstand. Das scholastische Axiom
ens et verum eonvertuntur als Fundament metaphysischer und theologischer
Spekulalion (Veroeffentl. d. kathol. Instituts f. Philos. Alberlus-Magnus-Aka-
demie zu KSln. Bd. II, H. 4.) Munster i. W., Aschendorff, 1930 ; in-8, xix-334 pp.
— Sur les Grundzùge einer Metaphysik der Erkennlnis de N. HARTMANN,
cf R. se. ph. th., t. XI (1922), pp. 275-277 ; sur l'ouvrage de G. KOEPGEN, Die
neue kritische Ontologie und das scholastische Denken, 1928, cf. R. se. ph. th.,
t. XVIII (1929), p. 316.
120 M.-D. ROLAND-G0 SSELIN

pour objet l'ensemble des rapports généraux qui dominent les lois
proprement scientifiques (*). Substances matérielles, substances spiri-
tuelles et leur action récip oque ; causalité et liberté, rapport des
substances relatives à la substance absolue qui fait l'unité du mon-
de ; tels sont les problème qui relèvent de la métaphysique. W.
.
les traite en s inspirant di Lotze, dont il estompe cependant la
pensée par l'usage d'un envirisme modéré, ennemi de toute affirma-
lion trop certaine. Le moi.isme qu'il n'ose abandonner tout à fait,
incline singulièrement au théisme. Il est peut-être possible, dit-
il, de se faire une idée assez satisfaisante de la substance en se re-
portant à l'expérience que nous avons de nous-même, substance re-
lative.
C'est aussi de la science, et de la critique des méthodes scienti-
fiques, que le Prof. Hugo DINGLER, de l'Université de Munich,
s'élève jusqu'à la métaphysique (2). Ses travaux précédents sur
la méthode des sciences l'avaient conduit à reconnaître l'importance
de la volonté dans l'établissement de la science, et même en géo-
métrie. Dans son dernier livre il veut approfondir cette découverte
et montrer que le vouloir est la réalité dernière supposée par toute
l'activité intellectuelle et morale de l'homme. L'une des voies les
plus originales par lesquelles il aboutit à cette conclusion est l'ana-
lyse de la connaissance en général et de la certitude. Le principe
dont il se sert alors pour juger des questions posées par la philoso-
phie critique est la distiention entre les données de la connaissance
spontanée et vraiment naïve, inconsciente de tout problème, et le
point de vue nécessairement limité et artificiel, de toute réflexion
orientée vers un objet distinct, sciemment déterminé. L'application
de ce principe lui suggère plus d'une remarque intéressante,et mieux
justifiée, semble-t-il, que son appel au vouloir pour fonder la certi-
tude. Ce n'est pas à une métaphysique rationnelle mais bien à une
sorte de contact mystique avec le Premier Vouloir que D. se trouve
ainsi conduit.
D'inspiration volontariste et mystique sont également les con-
sidérations « axiologiques » de M. L. F. ANDERSON sur L'âme el la
conscience(3) et les analyses proposées par M. W. EHRLICH des Degrés
de la personnalité (4).

(1) Max WENTSCHER. Me taphysik ( Sammlung Goschen). Berlin u. Leipzig


Walter de Gruyter, 1928 ; in 16,155 pp.
(2) Hugo DINGLER. Metaphysik als Wisscnscha/t vom Letzten. Mûnchen,
Reinhardt, 1929 ; in 8, 290 pp.
(3) Louis F. ANDERSON. Die Seele und das Gewissen. Leipzig, Meiner, 1929 ;
in-8, 91 pp.
(1) Walter EIIRLICII. Slu/en der Personalilât Grundlegung einer Metaphysik,
des Menschen. Halle (S.), Niemeyer, 1930 ; in-8, 165 pp.
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 121

De son côté, M. E. HARR (x) a recours à Spinoza, à un Spinoza


revu et adapté aux exigences de la critique moderne, pour trouver
les fondements d'une connaissance objectivement certaine.

En conclusion d'une étude historique sur l'attitude orgueilleuse


de l'esprit de l'homme depuis la Renaissance, attitude combative
et dominatrice supposant la maîtrise de l'homme non seulement
sur les sciences de la matière mais sur l'être même, M. V. RUEFNER
note ( 2) que cet orgueil dont la guerre fut le dernier effet et la con-
damnation sanglante, a fait place depuis à des sentiments plus
humbles et plus justes : l'on revient à l'idée d'un univers ordonné et
fini, l'on réhabilite les valeurs morales et la vertu, l'on comprend
mieux les vraies lois sociales et les exigences du sentiment reli-
gieux, l'on est mieux préparé enfin à saisir le sens et l'importance
de la philosophie traditionnelle. Souhaitons que ces dispositions
heureuses soient en effet aussi répandues que semble le croire M.
Ruiner.

Philosophie anglaise et américaine. — Dans un ouvrage


bien ordonné et clair,qui suit les procédés et possède les avantages
d'Un bon manuel, M. J. SALOMAA, professeur à l'Université d'Hel-
singfors, ( 3) confronte l'idéalisme et le réalisme anglais contempo-
rains. D'une part : Bradley, Bosanquet, Me Taggart ; de l'autre
Moore, Russel, Alexander. M. S. apprécie les uns et les autres avec
sagesse et modération. Ses préférences vont au néo-réalisme, dont
il regrette cependant le monisme épistémologique. A noter de bon-
nes critiques sur l'outrance avec laquelle idéalistes et réalistes
opposent, chacun de son point de vue, le caractère interne et
externe des relations.

M. Ph. DEVAUX, de l'Université de Bruxelles, donne une traduc-


tion française des conférences faites par M. B. Russell en 1914 et

(1) E. HAIUI. Vom unendlichen Verstand. Erkenntnislehrc im Anschluss an


Spinoza. (Beitr. z. Philos. 15). Heidelberg, Winter, 1929 ; in 8,276 pp.
(2) Vinzenz RUEFNER. Der Kampf ums Dasein und seine Grundlagen in der
neuzeitlichen Philosophie. Krilische Studie zur Ordnungsidee der Neuzeit (Forsch.
z. neuer.Philos. u. ilir. Gesch. hrsg. v. H. MEYER, 2). Halle (S.), Niemeyer. 1929 ;
in-8, 250 pp.
(3) J. E. SALOMAA. Idealismus und Realismns in der englischen Philosophie
der Gegenwarl (Annales Academiae scientiarum Fennicae, Ser. B, Tom. XIX,
N. 3). Helsinki, 1929 ; gr. in-8, 311 pp.
(4) Bertrand RUSSELL, Méthode scientifique en Philosophie. Traduit de l'an-
glais par Ph. DEVAUX avec une préface de M. BARZIN. (Bibl. de philos, contemp.
étrangère). Paris, Vrin, 1929 ; gr. in-8, xxiy-195 pp. — Cf. R. se. ph. th., t. IX
(1920), pp. 190-194.
122 M.-D. R0LAND-G0SSELIN

publiées en troisième édition en 1926 sous le titre : Scientific Method


in Philosophg, puis une étude synthétique et critique sur Le
système d'Alexander P-). L'intention de M. D. est en effet de faire
mieux connaître au public de langue française les philosophes
anglais contemporains. Il annonce, à la suite de ces premières' pu-
blications, la traduction d'un autre ouvrage de Russell : The Analg-
sis o[ Mattcr (1927), et une étude sur Whitehead. Ces divers travaux
d'initiation seront les bienvenus en France, encore que M. D. exa-
gère un peu l'ignorance où l'on est, même en Sorbonne, de la
philosophie étrangère, et qu'il n'apprécie point avec assez d'équité
la valeur des" travaux semblables (livres, articles ou comptes-
rendus) parus avant les siens.
L'exposé de la pensée d'Alexander, entrepris par M. D., est vo-
lontairement systématique, et autant que possible dégagé de la
lettre et des expressions techniques, sinon toujours parfaitement
limpide ; il laisse au deuxième plan l'histoire et les influences su-
bies, dont M. D. est cependant très personnellement informé. La
division générale adoptée se conforme naturellement aux deux
hypothèses fondamentales sur lesquelles repose tout le système :
hypothèse de l'Espace-Temps, trame homogène de l'univers, et
hypothèse de l'émergence qui permet de restituer au mouvement
toute la diversité des qualités contingentes révélées par l'expé-
rience.
A plusieurs reprises M. D. vante la grandeur de ce système, son
opportunité en regard de tant de recherches et de discussions par-
tielles, et le vigoureux tempérament philosophique qu'il révèle
chez son auteur. M. D. stigmatise même, et non sans passion, le
parti pris de silence où certains milieux voudraient, selon lui,
faire oublier une tentative aussi hardie. Mais lorsqu'il vient, dans
ses conclusions, à formuler les critiques que lui suggère ce beau
système, M. D. n'en laisse à peu près rien subsister. L'hypothèse
de l'émergence lui semble contradictoire, maladroite, boiteuse,
visiblement caduque. L'hypothèse de l'Espace-Temps beaucoup
plus acceptable, est cependant sujette à caution, et elle n'échappe
pas au reproche d'être gratifiée de propriétés contradictoires. C'est
son insuffisance même qui invitait Alexander à introduire dans
son système la théorie de l'émergence élaborée avant lui par Lloyd
Morgan (Emergent Evolution, 1923). Plus profondément, M. D.
semble contester le réalisme extrême du philosophe anglais, non
moins que sa tendance, héritée de l'idéalisme, à poursuivre une
synthèse philosophique peu en accord, malgré ses prétentions, avec
les méthodes de la science.

(1) Philippe DEVAUX. Le système d'Alexander. Exposé critique d'une théorie


néo-réaliste du changement (Bibl. de philos, conlemp. élr.). Paris, Vrin, 1929 ;
gr. in-8, 193 pp. •— Cf. le c. r. de S. ALEXANDJSR, Space, Time and Deity, dans
R. se. ph. th., t. X (1921), pp. 257-259,
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 123

Les deux séries de lectures faites à la Philosophical Union de


l'Université de Californie pendant les années scolaires 1927-28 et
1928-29 ont été consacrées aux problèmes posés par la définition de
la vérité (*). Théoriquement, dans l'intention des organisateurs,
la première série devait surtout poser les problèmes, la deuxième
en indiquer les solutions. En fait cette division, difficile à réaliser,
n'a guère été observée par les conférenciers, dont la majorité ce-
pendant prit part activement aux deux séries. Réunies en volumes,
ces lectures forment une sorte de symposion, (au sens que les Anglais
prêtent à ce terme d'origine platonicienne) où s'accuse nettement
la direction prise par une faction importante de la pensée philoso-
phique américaine.
Si l'on excepte en effet, d'une part, le nouvel exposé présenté
par W. P. MONTAGUE de sa théorie de l'essence (appelée par lui
subsistence) ( 2) et, d'autre part, les conférences de G. H. MEAD ( 8)
(pragmatiste) et de S. C. PEPPER ( 4) (très voisin du pragmatisme),
l'on peut dire que, malgré des nuances individuelles parfois nota-
bles, il y a accord entre les philosophes californiens pour chercher
une définition de la vérité, basée sur un réalisme critique et exemp-
te des inconvénients (sinon des avantages) du pragmatisme, du
rationalisme logique et du mysticisme ; toutes théories partiales,
et par là inexactes, mais dont certaines exigences demandent à
être satisfaites.
Le vrai qualifie le jugement. Le jugement est un acte de croyance,
exprimant sous forme logique, et sous l'impulsion de qui le pro-
nonce, une réalité perçue. Comme y insiste J. LOEWENBERG ( 5) il
n'y aura vérité que dans la mesure où satisfaction sera donnée à
ces divers aspects du jugement, selon leurs valeurs respectives. La
fin du jugement étant la réalité qu'il exprime, l'accord avec le réel
est donc sa valeur première. Mais comment comprendre cet accord,
cette correspondance, et comment la vérifier? Là est l'obstacle,
pour la plupart infranchissable. D. W. PRALL ( 6) ne pense pouvoir

(1), The Problcm of Truth. Lectures delivered before the Philosophical Union
TJniversity of California 1927-1928. ( Univ. of Calif. Public, in Philos, vol. 10)
Univ. o Calif. Press, Berkeley, 1928 ; gr. in-8, 263 pp.). — Studies in the Nature
of Truth. Lectures... 1928-1929. (Univ. of Calif. Ibid. 1929; gr,
... vol. 11).
in-8, 232 pp.
(2) W. P. MONTAGUE. Truth Subsislential and Exislenlial (Problem... pp.
245-263).
(3) G. H. MEAD. A Pragmalic Theory of Truth ( Studies... pp. 65-88).
(4) S. C. PEPPER. Truth by Continuily (Problem... pp. 27-59).
(5) J. LOEWENBERG. The Fourfold Root of Truth (Problem... pp. 209-241);
The Prepositival Nature of Truth ( Studies... pp. 1-32).
(6) D. W. PRALL. The Inacçessibility of Truth ( Studies... pp. 201-232),
124 M.-D. ROLAND-GOSSELIN

éviter le scepticisme. J. LOEWENBERO fait de la vérité un idéal


inaccessible, et il qualifie le réalisme auquel il demeure cependant
fidèle, de réalisme problématique. D'autres font confiance au moins
à la perception, c'est-à-dire en somme à l'empirisme (W. R. DEN-
NES, (!) P. MARHKNKE (2)) ou même sont disposés à admettre, sans
pouvoir il est vrai l'expliquer, la valeur objective des constructions
abstraites de l'esprit (G. P. ADAMS (3)) ; V. F. LENZEN (4) essaie de
préciser plus en détail les conditions de la vérité dans la science
physique. Il paraît clair cependant que dans l'esprit de ces philoso-
phes, amis du sens commun et de l'humour, les préjugés diminuent
à l'égard de la notion traditionnelle de la vérité.

En Angleterre, le réalisme de M. C. E. M. JOAD ( 5) ne connaît


pas tant d'hésitations et poursuit les conséquences de son
principe avec un flegme parfait. Connaître est une activié de l'es-
prit, mais dont le seul et unique rôle est de nous mettre au fait
d'objets réels entièrement indépendants de l'esprit. A aucun prix
il ne faut laisser place à l'intervention du sujet, sous peine d'être
aussitôt victime de l'idéalisme. Qu'il s'agisse de sensations, de
perceptions, de concepts, et même de connaissances erronées, l'ob-
jet est toujours tel qu'il est senti, conçu, affirmé. Les difficultés
faites à l'objectivité des sensations s'expliquent toutes si l'on tient
compte des milieux physiques et physiologiques qui contribuent
à former chaque donnée sensible, celle-ci n'étant vraiment donnée,
et par suite perçue, qu'après avoir traversé tous ces milieux, y
compris le cerveau. La perception, en apparence si complexe, n'est
pas moins simple ni moins directe que la sensation. Loin de supposer
une activité subjective venant unifier les données sensibles, elle
est saisie immédiate d'un tout, qui est lui aussi objet réel, distinct
de chaque donnée sensible, mais à un plan de réalité qui n'est déjà
plus celui de la donnée sensible. Et ainsi de suite. Les innombra-
bles « perspectives » individuelles dont parle un Russel, les « sub-
sistences » de Montague, J. les admet volontiers, sauf quelques
divergences de détail. Il n'est pas sensible au reproche de paraître
infidèle au principe du « rasoir » d'Occam et de multiplier sans li-
mites les êtres réels.

(1) W. R. DENNKS. Practice as the Test of Truih (Problem... pp. 89-11G) ;


Truth mil Perception ( Sladies... pp. 141-1 (HJ).
(2) P. MAKHKNKK. The. Problcm of Error (Problcm... pp. 1 13-174) ; Bclicj and
Facl (S/"'/i>s... pp. 1(19-198).
(3) G. I'. ADAMS. Truih. Discourse, and liealilij (Problem... pp. 177-205);
Truths of Existence and oj Meaniny ( Studio:.... p. 3.ri-(il).
(4) V. F. LKNZKN. Slatistical Truih in Physical Science (Problem..., pp. 119-
140) ; The Nature o/ Srientific Truth ( Studics... pp. 91-113).
(5) C. E. M. JOAD. Maller, Lije and Value. London, Milford, 1929 ; in-8,
XVlii-416 pp.
BULLETIN' DE MÉTAPHYSIQUE 125

J. est en effet un pluraliste décidé, et l'ouvrage où il esquisse sa


théorie de la connaissance est dirigé contre le monisme bien plus
que contre l'idéalisme. Il y envisage le monde comme composé de
trois grands groupes de réalités : la matière, la vie, les valeurs.
Aux deux premiers groupes appartiennent le changement et l'évo-
lution ; au domaine des valeurs (beauté esthétique et bonté mo-
rale) l'immobile perfection. La vie est une activité qui traversé" la
matière en s'individualisant et s'élance vers l'intuition du beau
et du bien. La connaissance est, en effet, une manifestation de la
vie ; et de même que le monde physique est réellement et directe-
ment connu, les valeurs sont l'objet d'une intuition directe, im-
parfaite, il est vrai, au niveau inférieur de notre vie humaine,
mais appelée à se réaliser dans toute sa splendeur, toute individualité
ayant disparu. L'objet de l'intuition mystique, J. hésite à l'appeler
Dieu, par suite, semblé-t-il, de sa répulsion excessive pour toute
apparence de monisme. Sorte de platonisme, on le voit, rejetée
cependant la participation du monde physique aux formes séparées ;
sorte de bouddhisme aussi, où l'activité et le désir garderaient un
rôle'et le changement sa valeur propre. Philosophie, au demeurant,
de type bien anglais, par son mépris de l'unité et son empirisme
imperturbable.
Avec l'allure conquérante de cet ouvrage, contraste heureuse-
ment la modestie, parfois un peu scrupuleuse, des études de psycho-
gie et d'épistémologie réunies par le Prof.STOUT (*) et dont la pu-
blication en diverses revues anglaises s'échelonne de 1888 à 1927.
Dans une brève introduction S. indique ce qu'il n'admet plus
aujourd'hui de ses essais antérieurs, et il annonce un exposé d'en-
semble du réalisme critique, très nuancé, auquel il semble être
arrivé progressivement. Nous aurons donc sans doute l'occasion
d'en parler plus longuement.
Philosophie italienne. - - La philosophie nommée par M. G.
GALLI « Positivisme spiritualiste absolu » ( 2) est un essai de concilier
l'un et le multiple dans l'activité concrète de l'esprit. La réalité
spirituelle, ou simplement la réalité, se présente comme un série
d'actes individuels spontanés, distincts les uns des autres, où sujet
.
et objet, universel et concret, connaissance intellectuelle et connais-
sance sensible, volonté et sentiment, semblent autant de formes

(1) G. F. STOUT. Sludies in Philosophy and Psychology. London, Macmillan,


1930 ; in-8, xin-408 pp.
(2) Gallo GALLI. Spirilo e Realtà. Studio di Filosofia corne Positivismo spi-
ritualistico assoluto. Parte prima. Milano, Roma, Napoli, Soc. edit. Dante Ali-
ghieri, 1927 ; gr. in-8, 245 pp.
126 M.-D. ROLAND-GOSSELIN

diverses et opposées. Il n'y a pas lieu de nier cette diversité ni ces


oppositions ; il ne faut pas I enter deLi fondre dans une unité abso-
lue. Mais d'autre part l'unité de l'esprit est certaine. On résoudra
la difficulté par une dialectique compréhensive indifférente aux
contradictions verbales, assez souple pour distinguer et unir tour
à tour les moments successifs ou simultanés de cette dialectique
concrète avec laquelle s'identifie le réel. M. G. excelle dans ce subtil
exercice.
Y a-t-il mieux qu'une telle suite d'oppositions contradictoires
dans la philosophie deBenedetto Croce? Au dire de M. A. GOFFRE-
DO (L), elle serait au moins, toute remplie de contradictions, et au
point de mériter le nom de philosophie du néant.
Mais si l'on en croit M. F. PARDO (2), faire le dénombrement de
ces contradictions ne servirait de rien pour critiquer utilement une
pensée qui reconnaît, à mesure qu'elle se développe, l'insuffisance
de ses formules antérieures. Aussi, M, P., après un exposé synthéti-
que de la philosophie de Croce, se propose-t-il d'en éprouver la
solidité, de l'intérieur même, comme il s'exprime, sans lui demander
d'autre cohérence que celle à laquelle ses tendances les plus pro-
fondes semblent vouloir prétendre. Pour y parvenir, il modifie
cependant le principe d'immanence, qui est à la base de l'idéalisme
crocien, ou du moins la portée de ce principe ; dogmatique pour
Croce, ce principe devient, pour son critique, hypothétique et de
simple méthode, au point de départ du moins de la recherche phi-
losophique. La question posée est alors de savoir si, en faisant
intervenir les autres principes directeurs de la pensée de Croce, et
en essayant de répondre aux mêmes questions posées par elle,
l'on parvient à transformer l'hypothèse de l'immanence en thèse
certaine. L'auteur conclut par la négative. ' Toute l'activité de
l'esprit fait appel à une véritable transcendance.
Critique intéressante, intelligemment conduite. L'on eût souhaité
que M. Ugo SPIRITO ( 8) si plein de zèle pour défendre l'idéalisme
italien contre les attaques qu'il peut subir, ait eu l'occasion ou la pos-
sibilité, de l'apprécier dans le volume où il vient de réunir les comp-
tes-rendus critiques écrits par lui depuis 1920. Le reproche qu'il fait
à tant d'autres, et sans aménité, de ne pas comprendre l'idéalisme,
1 adresserait-il aussi à M. Pardo?

(1) Alfredo GOFI-'RHDO.LOfilosofia del nulla di /route alla jilosojia dell' essere.
Note critiche aile opère filosofiche di Benedetto Croce. Milano, Soc. edit. « Vita e
Pensiero », s. d. (1929) ; in-12, 445 pp.
(2) Ferruccio PARDO. La filosofia teoretica di Benedetto Croce (Bibl. di Filos.
dir. da A. ALIOTTA). Napoli, Perrclla, 1928 ; g., in-8, 244 pp.
(3) Ugo SPIRITO. L'idealismo ilaliano e i suoi critici ( Studi filos. dir. da Gio-
vanni GENTILE, Sec. Ser., VI). Firenze, Le Monnier, 1930 ; in-8,266 pp.
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 127

Dans le livre que nous citions à l'instant, M. Goffredo fait suivre


sa réfutation un peu simple de la « philosophie du néant », d'un
aperçu rapide de la « philosophie de l'être » considérée théologique-
ment des hauteurs du dogme de la Trinité. D'inspiration théo-
logique est également la Métaphysique du concret écrite par M. C.
OTTAVIANO (*) et présentée par lui comme un essai d'apologétique.
Le dogme considéré ici comme fondamental, est celui de la régénéra-
.
tion divine promise par le catholicisme à la créature enfant du pé-
ché. Seule,cette perspective sublime permet de comprendre l'exigence
d'unité et de perfection d'une poussière innombrable d'êtres indi-
viduels, à peine existant. L'allure de cette thèse, exposée en des
chapitres sans lien toujours bien apparent, est en vérité assez dé-
concertante ; les rapports qu'elle suppose entre individus, dans
leur être même, paraissent d'un réalisme extrême, où se reflètent
curieusement les préoccupations de l'idéalisme italien ; l'exigence
absolue du surnaturel y semble bien être logiquement incluse,
malgré des affirmations très nettes en sens contraire où l'auteur
rétablit la droiture de sa foi ; mais un sentiment religieux profond
anime les recherches et les discussions de cet ouvrage très person-
nel.

C'est à dessein, sans aucun doute, que le R. P. BIZZARRI ( 2) unit


étroitement les deux termes « gnoséologique » et « métaphysique »
pour qualifier le problème « moderne » qu'il entend confronter
avec la philosophie traditionnelle. Le R. P. n'admet pas en effet
que l'on puisse douter d'une façon quelconque, même purement
méthodologique, de la valeur objective de la connaissance, ni que
l'épistémologie, ou gnoséologie, puisse être séparée de la métaphy-
sique. De ce point de vue général il expose largement la philosophie
-traditionnelle de la connaissance, moins attentif aux preuves ou
aux analyses rigoureuses qu;à la critique des opinions adverses.
A celles-ci, à l'idéalisme italien en particulier, il ne ménage pas les
expressions sévères et il ne craint pas de s'attaquer, en ses der-
niers chapitres, aux dispositions morales de ceux qui les soutiennent.
Dans son exposé positif P. se réfère.le plus souvent à S.- Thomas,
mais il entend surtout par philosophie traditionnelle l'ensemble
dès.principes communs aux philosophes et aux théologiens catho-
liques, et sur plusieurs points (par ex. : connaissance du singulier
par l'intelligence, principe de l'individuation, etc.) il suit plus
volontiers la tradition franciscaine.

(1) Carmelo OTTAVIANO. Metajisica det Coilcreto. Saggi di una apologetica


(kl cattoticismo. Roma, Sigiiorelli, 1929 ; in-12, 310 pp.
(2) Ff. Romualdo BIZZARRI (Cappuccino). Il Problema gnoseologico metafisico
mùderno di fronte alla filosofia iradizionale.Fireïi.ze,\rallecchi,1929 ; in-12,374 pp.
128 M.-D. ROLAND-GOSSELIN

M.A. MASNOVO (X) a réuni en brochure quelques articles où il


discute les opinions du cardinal Mercier sur le fondement des
possibles, la définition de la vérité et le point de départ du problè-
me critériologique. II n'indique malheureusement pas leurs dates
respectives, ni les revues où ces articles furent d'abord publiés.
Philosophie française. — Au nombre des ouvrages que M.
Edouard LE ROY a successivement fait paraître depuis 1927, et qui
sont le fruit de son enseignement au Collège de France, celui qu'il
intitule La Pensée intuitive n'est pas le moins important (2). Le
titre même l'indique, et ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on sait
avec quel enthousiasme M. Le Roy accueillit jadis l'intuition berg-
sonienne, ni quel renouvellement philosophique il en attend de-
puis ce jour déjà un peu lointain.
L'on ne voit pas, il est vrai, que jusqu'ici la méthode intuitive
préconisée par M. L., ait apporté à la connaissance philosophique
bien des révélations nouvelles. Ni L'exigence idéaliste et le fait de
l'évolution,m Les origines humaines et l'évolution de l'intelligence ( 3)
n'ajoutent quoi que ce soit d'essentiel aux solutions proposées
à ces problèmes par Bergson, mais seulement des précisions et
des analyses empruntées à la science, des réponses, parfois très
habiles, aux objections rencontrées, et, par dessus tout, peut-être,
une volonté de plus en plus affermie, de maintenir la pensée berg-
sonienne dans la perspective idéaliste. S'il en est ainsi de problè-
mes privilégiés, au sujet desquels il eût été permis d'espérer que
l'intuition du réel, en son devenir profond, nous donnerait quelque
lumière, nous ne nous étonnerons pas que, de l'intuition elle-même,
M. L. n'ait rien trouvé à exprimer en langage discursif (le seul
langage possible assurément) qui ne l'ait déjà été, et supérieure-
ment, par son Maître. Les progrès de la pensée, accusés par cet
ouvrage, sont de l'ordre psychologique et de l'ordre dialectique
beaucoup plus que de l'ordre métaphysique, si l'on veut bien user
de ce dernier terme au sens où le prend M. L. Autrement dit, ils
concernent moins l'intuition elle-même que ses rapports avec les
autres formes de la connaissance et ils paraissent avoir été provo-
qués par le souci de répondre aux difficultés soulevées contre la
philosophie bergsonnienne, en particulier, semble-t-il, par M. Brun-
schvicg et M. René Berthelot.

(1) Amalo MASNOVO. Problemi di Mctufisica c di Criteriologia (Pubbl. cl.


Univ. callol. d. S. C. Ser. prima. Se. filos., vol. xvn). Milano, Soc. edit. « Vita
e Pensiero », 1930 ; gr. in-8, vn-50 pp.
(2) Edouard LE Roy. La Pensée intuitive. I. Au delà du Discours (Bibliolh.
de la Rev. d. Cours et Conférences). Paris, Boivin, s. d. (1929) ; in-12, vn-204 pp.
(3) Cf. R. se. ph. th., t. XVIII (1929), pp. 122-125 ; t. XIX (1930), pp. 136-
150.
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 129

Contre M. Brunschvicg, qui croyait discerner dans la « durée »


substantielle et créatrice, antérieure à l'esprit lui-même, une sur-
vivance du réalisme, M.L., assez affecté semble-t-il de ce reproche,
ne manque pas une occasion d'affirmer la nécessité, pour comprendre
ses vues, de se placer au point de vue de l'idéalisme. La difficulté
est ici que M. L. ne peut se satisfaire de l'idéalisme rationnel pour
lequel l'acte proprement intellectuel du jugement définit la pensée.
Il a besoin d'une forme d'idéalisme plus large, englobant sous le
nom de pensée, ou mieux, de conscience, la sensation aussi bien que
l'idée et le jugement, l'affectivité, le vouloir, la continuité et le
progrès du devenir aussi bien que les actes de connaissance. L'élan
créateur, le flux originel révélé par l'intuition est antérieur aux
aspects divers qui le colorent : sensation, pensée, jugement, con-
science même, autant de modalités secondes, venant diversifier,
sinon briser l'unité profonde de la durée. Et cependant si la pre-
mière saisie du réel est bien dans le Cogito (entendu au sens large
qui était celui de Descartes), et si, d'autre part, il ne peut être
question, comme dit Bergson, d'engendrer la conscience, fait pri-
mitif absolument premier, c'est donc que la durée est avant tout
conscience. Or n'est-ce point la requête fondamentale de l'idéalis-
me? Cependant la science est acte, avant même d'être connaissance,
avant de faire surgir la relation de l'objet au sujet. L'on ne sortira
donc pas de l'idéalisme, estime M.L., et l'on n'évoquera pas l'absurde
« chose » du réalisme, en soutenant que l'activité continue de l'élan
créateur est la réalité première qui définit toutes les autres et leur
donne naissance.
Par là encore on évitera de se représenter cette saisie de l'immé-
diat que doit être 1 intuition proprement dite, sur le mode de la
connaissance réaliste. Il n'y a pas une durée objet que, par intui-
tion, percevrait un sujet. Sujet et objet ne sont pas encore distincts
l'un de l'autre à l'instant théorique (toujours présent au cours
de la durée) de l'acte fondamental, dans lequel intuition et durée
coïncident absolument. Par là enfin on écartera tout soupçon
de subjectivisme, car, à cette profondeur, il n'y a pas d'intelligen-
ce, à plus forte raison de sensibilité, imposant leurs cadres, leurs
formes, à l'objet, il n'y a même pas d'individu, de pensée individuel-
le, se saisissant elle-même. Il y a simplement la pensée, la con-
science, la durée, dont chaque individu conscient n'est qu'âne onde,
un flot...
Une autre critique, plus grave sans doute puisqu'elle ne vient
pas seulement des tenants de l'idéalisme et puisqu'elle tend à
contester la portée réelle de l'intuition bergsonnienne, relève l'il-
lusion possible, et si facile, de prendre pour immédiat ce qui ne
l'est pas, et de se fier aux conditions théoriques et dialectiques im-
posées a priori à l'intuition de l'immédiat pour reconnaître ce-
lui-ci, au lieu de le voir d'abord véritablement en lui-même et l'ex-
primer ensuite tant bien que mal en termes discursifs. M. L. ne
REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. 1. — 9.
130 M.-D_ RQLAND-GOSSELIN

conteste pas, bien loin de là, que la véritable intuition philosophi-


que soit difficile et rare ni que des esprits insuffisamment exercés
à la critique, à l'ascèse intellectuelle et morale (car une véritable as-
cèse est ici indispensable), soient exposés à se méprendre sur ce qu'ils
croient éprouver. Nous connaissons ce thème. L'intuition, disait
Bergson, demande un violent effort sur soi-même et, si proche soit-
elle de l'intuition esthétique, elle en diffère essentiellement par
l'activité intellectuelle qu'elle présuppose. M. L. insiste plus que
jamais sur l'apporti ndispensable de la science, et même du rai-
sonnement philosophique, à l'intuition. Le lien de l'intuition à
la raison logique et au langage est étroit et indispensable Et il
est assuré par 1 intervention de « schèmes dynamiques » (dont il
nous est donné une ingénieuse description). L'intuition a besoin
de la raison, comme la raison de l'intuition, bien que celle-ci soit
première. Mais précisant quelques-uns des sens du mot intuition,
M. L. a soin de marquer la relativité essentielle de toutes les vues
intuitives auxquelles recourent les sciences et les philosophies.
Aucune n'est vraiment saisie de l'immédiat, ni du simple. Elles
ne portent jamais que sur des ensembles, non analysés et produits
plus ou moins complexes de l'activité pratique, au travail en toute
manifestation de la science. Elles expriment cependant un mouve-
ment de retour, conduit plus ou moins profondément selon les cas,
vers les données vraiment primitives, et elles tendent à l'intuition
parfaite comme à leur limite.
M. L. veut-il dire par là que ces intuitions relatives acheminent
l'esprit vers l'intuition parfaite? Il ne le semble pas. Science et
philosophie rationnelle se constituent à l'aide d'intuitions relati-
ves dont le mouvement de réflexion et de concentration préfigure
en quelque sorte dynamiquement celui de l'intuition parfaite, mais
elles ne concourent à préparer, à rendre possible cette dernière,
que moyennant une critique sévère, se servant de la raison et de
la dialectique pour défaire et liquéfier l'oeuvre de la science et
du sens commun. L'intuition philosophique fondamentale et, en
somme, vraiment unique, est bien toujours, pour M. L., celle de
la durée ; elle seule ne trompe pas et ne peut pas tromper sur rira-
médiation qui la caractérise, puisqu'en elle seule sujet et objet
coïncident identiquement dans l'acte propulseur du devenir.
Mais une telle intuition est-elle possible ? Est-elle donnée en
fait? M. L. en appelle à Bergson et à son oeuvre, sans oser peut-être
invoquer son expérience personnelle. L'intuition exige, il est vrai,
une préparation intellectuelle et morale, dont tous ne sont pas
capables, et un idéal accepté, le seul d'ailleurs qui la « préforme
réellement », à savoir « celui d'une connaissance entièrement revivi-
fiée, convertie en action vive, revenue de l'abstraction symbolique
à la perception concrète ». Car cet idéal gouverne la phase d'épura-
rition critique nécessaire pour nous remettre en état de perception
pure (pp. 134, 135).
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE i3l
Retenons cet aveu, qui traduit bien le préjugé fondamental
sous-jacent à toute l'oeuvre philosophique de M. L.

Retenons aussi, à la fin du premier volume de cette étude sur la


Pensée intuitive, les trois manières indiquées, selon lesquelles l'intui-
tion, inexprimable en soi, se traduit dans le discours, et comparons-
les à ce qui est dit par M. L., dans une autre étude sur le Problème
de Dieu (!), touchant, l'affirmation de l'existence de Dieu. D'une
part l'intuition se manifeste dans le discours d'abord négativement,
par des exclusions, ensuite pragmatiquement, « au moyen de for-
mules qui traduisent l'immédiat sous les espèces des réactions
intérieures qu'il suscite en chaque théorie conceptuelle », et enfin
direciivêment, « au moyen de formules qui dessinent, en le jalon-
nant de. prescriptions méthodiques, le chemin de pensée vers
l'immédiat, et qui définissent dynamiquement ce dernier par la
série des conceptions à travers lesquelles il faut passer pour y par-
venir » (pp. 198-201). D'autre part, l'affirmation de Dieu signifie
trois choses. Elle a d'abord un sens négatif, « à savoir que Dieu
n'est pas au-dessous de l'existence réelle ». Elle a ensuite un sens
directeur, « à savoir que Dieu est au-dessus de toute existence
réelle, qu'il doit être pensé dans la direction que marque le con-
cept positif d'existence, comme un au-delà infini ». Elle a enfin
un sens pragmatique, « à savoir que Dieu est principe universel
et premier d'existence et qu'ainsi nous avons à nous comporter
par rapport à lui comme par rapport à la source où nous devons
puiser en effet notre propre existence et notre propre réalité ».
(p. 275).
A une inversion près, celle des deux derniers termes de l'énuméra-
tion (inversion cependant peut-être significative), l'affirmation de
Dieu est assimilée aux modes d'expression de l'intuition. Elle est
sur le même plan de pensée. Qu'elle résulte d'une réflexion morale,
proche du sens commun, ou d'une philosophie savante (dont M. L.
dit vouloir ici s'abstenir) elle suppose une intuition, et elle relève
immédiatement, au niveau de pensée où elle se produit, de cette
déformation introduite dans l'esprit par les besoins de la vie pra-
tique, de ce « morcelage » conceptuel, inséparable du sens commun
et de la science. Pour le « métaphysicien », l'affirmation de Dieu,
ainsi comprise, n'est donc en quelque façon que relative et provi-
soire. Elle tient sa valeur d'une intuition de Dieu, déjà possédée
ou vers laquelle on cherche à s'orienter. Dès lors, du point de vue
moral, et plus encore du point de vue religieux, le problème fonda-
mental auquel M. L. ne peut se refuser, est de préciser les rapports
de l'intuition philosophique et de l'intuition religieuse ou mysti-

(1) Edouard LE ROY. Le Problème de Dieu. Paris, L'artisan du livre, 1929 ;


in-12, 350 pp.
132 M.-D. ROLAND-GOSSELIN

que, et au-delà encore, les rapports du continu mobile et créateur


perçu par l'intuition philosophique, avec la réalité divine objet de
l'intuition religieuse.
Or, si l'on continuait à noter les rapprochements possibles entre
La pensée intuitive et Le problème de Dieu, l'on s'apercevrait peut-
être que M. L. est loin encore d'avoir exprimé sur ce point sa pen-
sée avec toute la précision désirable. Les satisfactions qu'il propo-
se à plusieurs reprises à l'expression traditionnelle des rapports en-
tre Dieu et le monde, entre Dieu et l'homme, entre Dieu et les pro-
grès du monde ou de l'homme, entre la Pensée et la pensée indivi-
duelle, entre la Volonté et la volonté empirique, etc. semblent souf-
frir d'une perpétuelle équivoque : acceptables peut-être (?) dans le
langage d'une philosophie intellectualiste, quelle consistance gar-
dent-elles, après la critique bergsonienne de la raison, et devant le
primat absolu de l'intuition telle que la comprennent, et disent l'a-
voir éprouvée, Bergson et M. L. ? Quel sens leur donne la perspec-
tive idéaliste où les maintient énergiquement M. L. ?
Du point de vue religieux, du point de vue catholique qui, pour
M. L. comme pour nous, en est inséparable, l'inquiétude est permise,
et d'autant plus vive que l'on s'intéresse davantage aux efforts ma-
nifestes tentés par M. L. pour rassurer les âmes croyantes (et se
rassurer peut-être lui-même) sur la valeur théologique de ses théo-
ries. S'il est regrettable que M. L. ait publié de nouveau, au com-
mencement de ce volume sur Le problème, de Dieu, sa critique si plei-
ne de préjugés et d'incompréhensions, des preuves thomistes de
l'existence de Dieu, il est regrettable plus encore de voir sa pensée
toujours orientée vers une forme peut-être inédite, mais qui ne se-
ra pas acceptée plus que d'autres par l'Église, du monisme évolution-
niste.

Le mot Intuition, écrit M. Le Roy, si fréquemment employé,


«
si rarement défini d'une manière quelque peu précise, est un des
plus dangereux, mais aussi des plus essentiels, que contienne la
langue philosophique ». Le petit livre de M. J. VIALATOUX, intitu-
lé Le Discours et l'intuition (1), et qui se présente sous la forme de
leçons classiques « introductives à l'étude de la logique et de la
métaphysique », apprendra aux jeunes gens auxquels il s'adresse
la richesse dangereuse de ce terme séduisant plus qu'il ne les aidera
à s'en faire une idée précise. « Le vovç et la vôqcnç chez les Grecs,
Vintellectus et l'intellectio chez les Scolastiques, Vinluitus mentis
et l'évidence chez Descartes, le coeur, le sentiment et l'instinct chez
Pascal, l'intuition et la sympathie intellectuelle chez Bergson, ne
diffèrent que de nom » (p. 36). C'est bien contestable Cependant
1

(1) J. l'intuition. Leçons philosophiquessur la con-


VIALATOUX. Le discours et
naissance humaine et la croyance,introductives à l'élude de la Logique et de la
Métaphysique. Préface de Jacques CHEVALIER . Paris, Bloud et Gay, 1930 ; in-12,
124 pp.
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 133

M. * V. a d'excellentes pages sur le rôle de l'intuition (en l'un de ses


sens) dans la déduction : « connaître c'est toujours voir intellectuel-
lement ; et il n'y a pas de connaissance là où il n'y a pas de vision-
etc... » ; sur la connaissance de l'être, sur la fonction des habitus ;
toutes pages thomistes, singulièrement mêlées, il est vrai, à d'au-
tres pages bergsoniennes. Par ailleurs, malgré la prédominance de
l'intuition, « nous ne faisons jamais au fond, que croire, c'est-à-
dire tendre vers l'intuition véritable.... » qui est la vision béati-
fique (pp. 119 ss.). Ces leçons, personnelles et suggestives, ne craig-
nent pas, on le voit, de soulever les plus difficiles problèmes.
C'est un fait intéressant, mais ce n'est plus aujourd'hui un fait
remarquable, que des étudiants préparant l'agrégation de philoso-
phie aient manifesté le désir d'entendre exposer à leur usagé les
principales thèses de la philosophie thomiste, et par un disciple
connu de S. Thomas, sans attaches officielles avec l'Université. Le
R. P. DE TONQUÉDEC a accédé à ce désir. De l'enseignement donné
par lui en de si excellentes conditions, un premier ouvrage est^né,
traitant de La critique de la connaissance (1).
Comme on pouvait s'y attendre de la part d'un travailleur actif
et exigeant, le livre ne reproduit pas simplement les leçons faites.
Il les développe, les complète, les approfondit, les justifie. Élémen-
taire d'intention, l'exposé est ainsi devenu à bien des égards, et
surtout par la centaine de pages d'appendices et de notes qui le
terminent, très utile au maître- et au spécialiste. Sa très grande
clarté, une allure vive, nerveuse et souvent éloquente, attesteraient
seules, peut-être, son origine parlée, si l'on ne savait que ces qua-
lités d'exposition se retrouvent dans tous les ouvrages de l'auteur.
Le R. P. de T. répondait sans doute à l'attente de ses auditeurs,
mais il obéissait aussi à de fortes convictions personnelles, en adop-
tant dans ces leçons une attitude de fidélité parfaitement loyale,
et même exclusive et intransigeante, à l'égard de la pensée de S.
Thomas d'Aquin. Fidélité de l'interprétation historique, aussi ri-
goureuse que possible ; fidélité du jugement, persuadée de la véri-
té de l'enseignement du Maître, et ennemie décidée de tout compro-
mis, de toute refonte, de tout abandon inspirés par l'estime ou
l'admiration de la philosophie moderne. Nous ne sommes pas sûrs,
à la vérité, que le R. P. n'excède pas en condamnant avec sévérité
des recherches philosophiques qui paraissent indispensables à la
vie du thomisme, et qui ont acheminé vers lui (plus ou moins près
sans doute) nombre d'esprits contemporains. Mais dans l'intérêt mê-
me de ces recherches, plus hardies et plus exposées à l'erreur, il
n'est peut-être pas inutile qu'un avertissement se fasse parfois
entendre. Nous ne regretterons pas que l'un des esprits les plus dis-

(1) Joseph de TONQUÉDEC. Les Principes de la Philosophie Thomiste. La Cri-


ligue de la Connaissance. (Biblioth. des Arch, de philos.). Paris, Beauchesne, 1929 ;
in-8, xxx-565 pp.
134 M.-D. ROLAND-GOSSELTN

tingués de la Compagnie de Jésus ait bien voulu se charger de le


donner, et aussi clair.
Le R. P. de T. ne veut pas dire d'ailleurs que le thomisme ne
doive pas s'inquiéter des philosophes modernes. Lui-même a donné
l'exemple en critiquant l'un ou l'autre. Il ne prétend pas non plus
qu'en exposant la pensée de S.Thomas chacun ne soit fatalement con-
duit à mettre un peu de la sienne propre. Mais s'est-il entièrement
rendu compte de la mesure exacte dont lui-même a subi sans le vou-
loir l'influence de son temps ? Tellement il est difficile d'y échapper !
Nous ne voulons point dire que le R. P. ait manqué à son programme
en considérant la philosophie de S. Thomas en elle-même sans faire
état de ses attaches théologiques. Ses remarques à ce sujet semblent
au contraire très pertinentes. Mais le R. P. serait-il en mesure sans
faire appel à des considérations très modernes, de justifier le point
de vue général où il se place dès le début de son ouvrage et où il fait
effort pour se maintenir jusqu'à la fin, selon lequel la critique de la
connaissance doit éviter autant que possible de se confondre avec
la psychologie et la métaphysique? Le R. P. établirait-il, textes
en mains, que les généralités sur la connaissance de son premier
chapitre, la critique de la connaissance sensible et de la connaissan-
ce intellectuelle des trois chapitres suivants, reproduisent simplement
ce que S. Thomas estimait être du domaine de la logique? Certes,
le R. P. limite nettement ses apparentes concessions en refusant
non seulement de mettre en doute, par un souci de méthode, le réa-
lisme de la pensée, mais aussi en écartant toute question (ce qui n'est
pas la même chose) au sujet de cette position fondamentale.Le réalis-
me de l'intelligence et du sens est pour lui une évidence indiscutable.
Il admet cependant, et c'est l'objet même de son livre, que l'on
peut « faire l'inventaire et la révision critique des connaissances
humaines » (p. 447) en côtoyant peut-être constamment la psy-
chologie et la métaphysique, mais sans faire autre chose que de la
critique proprement dite. Nous ne pensons pas que S. Thomas ait
connu ce procédé.
Cette inconséquence ne va pas sans quelque dommage. On a
souvent l'impression que, dépourvues de leur base et de leur Sens
métaphysique, les analyses et les preuves de S. Thomas sont éner-
vées. Elles semblent superficielles et lâches, plus proches d'un sens
commun facile à satisfaire que d'une critique rigoureuse. Les étu-
diants auxquels s'adressait le R. P. ne s'en sont peut-être pas
plaints. Il est possible, au contraire, que, pour un premier contact
avec la pensée de S. Thomas, cette méthode soit excellente. Servie
surtout, comme c'est le cas, par un style extrêmement ferme et
lucide. En tout cas l'inconvénient disparaît entièrement dès que
le R. P. aborde l'exposé des questions, proprement logiques (ch.
VII à XI). Mais nous devons laisser ici de côté ces chapitres, les
BULLETm DE MÉTAPHYSIQUE Î35

plus intéressants, à notre avis, de tout l'ouvrage, et ceux qui ren-


dront le plus de services aux étudiants et à leurs maîtres (1).
La position prise par le R. P. de Tonquédec à l'égard de la cri-
tique de la connaissance n'est pas de nature à encourager beaucoup
les thomistes contemporains, qui, à l'exemple du Cardinal Mercier
et de quelques autres, croient devoir poser nettement le problème
de la valeur de la connaissance. L'article publié par M. Etienne
GILSON sous ce titre : Le réalisme méthodique, dans la Festgabe
offerte au Prof. Geyser achèvera-t-il de les décourager ( ) ?
-
Selon M. G., en effet, la question de la valeur de la connaissance
ne peut être posée à l'entrée de la philosophie que si l'on accepte
le point de vue et la méthode de l'idéalisme, et il est clair que dans
ces conditions l'on n'arrivera point à établir le réalisme, ni à passer
de l'épistémologie à l'ontologie. Mettre d'abord en doute le réalis-
me de la pensée, raisonne M. G., c'est à l'exemple de Descartes
partir de la pensée et s'efforcer ensuite de rejoindre l'être. Or de
la pensée, constatée dans le Cogito, l'on ne déduira rien sinon l'être
connu, le percipi, et il est vain de croire que l'on ira jamais au-delà.
L'histoire en témoigne d'ailleurs assez clairement. Le réalisme
inconséquent de Descartes, à plus forte raison celui de Kant, ont
été l'un et l'autre abandonnés par leurs disciples, en vertu même
des principes posés et de la méthode suivie. Il serait insensé de
vouloir refaire le. même chemin dans l'espoir d'aboutir ailleurs.

(1) Devant faire court, nous ne pouvons discuter, comme il serait intéressant
de le faire, quelques opinions du R. P. de T. — La solution qu'il donne aux dif-
ficultés opposées à l'objectivité des sensations n'est-elle pas d'un spiritualisme
excessifparaissant séparer en quelque sorte le sens de son organe ? N'oblige-t-elle
pas aussi à mettre la qualité sensible réellement perçue à l'intérieur de l'organe
externe ou même interne ? Et n'est-ce pas là s'éloigner à peu près autant que le
subjectivisme de l'instinct du sens commun, aussi bien que s'exposer aux critiques
légitimes de la science? — Les pages consacrées à la logique du probabilisme
(app. VI, pp. 493 ss.) seraient à rapprocher des études si intéressantes de M.
l'abbé BAUDFN, parues dans la Vie intellectuelle (déc. 1929, février, avril, mai et
juin 1930. — Cf. R. se. ph. th., t. XIX (1930), pp. 720-721.) Je doute fort que
le R. P. de T. exprime la pensée de S. Thomas en disant que la vraisemblance
ne nous tient aucunement lieu de vérité, et que, devant les probabilités les plus
fortes, notr.' assentiment reste libre de se porter où il veut. — D'autres points
ont été relevés avec beaucoup de précision et de sûreté par le R. P. SIMONIN,
0. P. dans le Bulletin thomiste de janvier 1930, pp. 1-16, et l'un d'eux étudié
plus à fond par le môme auteur dans Angelicum VII, 1930, pp. 218-248, sous
le titre : L'identité de l'inlellect et de l'intelligible dans l'acte d'intellection.
(2) Etienne GILSON. Le réalisme méthodique dans Philosophia perennis. Ab-
handlungen zu ihrer Vergangenheit und Gegenwart. Festgabe Josef Geyser
zum 60. Geburtstag. Hrsg. v. Fritz-JoachimVON RINTELEN. Regensburg, Hab=
bel, 1930, Bd. II, pp. 743-755.
136 M.-D. ROLAND-GOSSELIN

Faut-il donc avouer que l'idéalisme est irréfutable? Il n'est


pas réfutable directement, concède M. G. En commençant à phi-
losopher, l'on peut indifféremment se placer au point de vue de la
pensée ou au point de vue de l'être. Aucune raison à priori ne
permet de choisir ou de condamner l'une ou l'autre méthode. Mais
le travail commencé, et p< ursuivi, l'on peut se rendre compte s'il
avance, s'il progresse véritablement, s'il répond à l'idée que le phi-
sophe se fait de sa tâche, et qui est de se mettre d'accord avec
soi-même et avec les choses. Or, nous savons assez maintenant que
l'idéalisme n'aboutit à rien, sinon à des problèmes artificiels et
à des contradictions insolubles. Si l'on veux critiquer utilement
l'idéalisme, que l'on mette donc en lumière son échec, son inuti-
lité flagrante. L'on se débarrassera ainsi de l'obsession épistémo-
logique. Le problème critique n'aura plus de raison d'être. Et
puisque, au contraire, la méthode réaliste réussit, que l'on s'y tienne
avec fermeté. Une théorie de la connaissance devra encore être
entreprise, qui soutiendra l'ontologie, mais qui d'abord sera
soutenue par elle. Ce réalisme fut instinctivement celui des Grecs,
et, plus consciemment, celui de S. Thomas. Ce n'est pas un réalis-
me naïf, pour nous surtout qui constatons la faillite de l'idéalis-
me, c'est un réalisme méthodique. Le seul acceptable en philoso-
phie, le seul possible.
Ce qui achève de donner à ses réflexions tout leur sens et leur
confère certaine allure de manifeste, c'est que M.G. les présente com-
me une réponse directe aux travaux de Mgr. Noël, actuellement
Président de l'Institut de philosophie de Louvain, et, comme on
sait, l'un des disciples les plus remarquables et les plus en vue du
Cardinal Mercier. L'éminent historien de la philosophie médiévale
réussira-t-il à persuader aux disciples modernes de S. Thomas la
nécessité d'un changement de front, dans leurs luttes contre l'idé-
alisme? Pour son entrée en lice sur le terrain des discussions pro-
prement philosophiques, ce serait à vrai dire un beau succès l
Mgr. Noël est plus qualifié que tout autre pour en juger. S'il nous
est cependant permis d'exprimer franchement notre impression
personnelle, nous estimons qu'il y faudra plus et mieux que l'es-
quisse assez hâtive hardiment jetée par M. G.
Même admis en effet, que les systèmes philosophiques soient tous
l'expression d'« essences métaphysiques » aux propriétés nécessaires
(p. 748) (termes qu'un historien aussi averti ne peut prendre en un.
sens bien strict), il resterait à établir : 1) que le problème de la
connaissance, posé au seuil de la philosophie, implique nécessaire-
ment (non pas historiquement) le point de vue et la méthode de
l'idéalisme; 2) que l'on est mieux en accord avec le réalisme de S.
Thomas lui-même en adoptant, à cause de ses conséquences, la
méthode réaliste, qu'en croyant possible une réflexion de l'intelli-
gence sur son acte, assez clairvoyante pour discerner en lui l'évi-
dence de l'être. Sur ce dernier point, ceux des thomistes qui ne
consentent pas à poser le problème critique, parce qu'ils pensent
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 137

voir avec évidence la valeur objective de l'intelligence, conteste-


ront le bien fondé de l'interprétation proposée par M. G. Ils y
verron, teux aussi, une trace de scepticisme, un reste, non, éliminé
encore, de l'influence idéaliste.
Ceci dit, nous accueillerons cependant, avec une joie réelle, la
décision que semble annoncer M. G. de partager désormais ses tra-
vaux entre l'histoire de la pensée et la réflexion philosophique.
La critique des philosophies idéalistes est, en toute hypothèse,
une tâche extrêmement utile, en France surtout où elle n'est
pour ainsi dire pas commencée. En s'y consacrant, M. G. mé-
riterait une fois de plus, et grandement, du thomisme.
Le diligent éditeur de la Festgabe Geyser, qui est le Prof. F.-J.
von Rintelen, n'a sans doute pas rapproché sans intention cet
article de M. Gilson de l'article donné au même recueil par le R.P.
R. KREMER Sur la notion du réalisme épislémologique (1). S'est-il
rendu compte que, par delà la ressemblance des titres et des sujets
traités, ce rapprochement se légitimait aussi, et prenait une sa-
veur assez piquante, du fait que le P. K. se réfère .manifeste-
ment à ces préoccupations de justifier et d'expliquer le réalisme
immédiat que M. Gilson déclare à Mgr Noël inutiles et sans issue?
-Il est même remarquable que certaines phrases du P. K. semblent
s'opposer directement à M. G. Par exemple : « On ne peut qu'être
heureux de constater que les scolastiques contemporains sont
unanimes à réclamer une épistémologie entièrement sincère » (p.
734). Ou encore cette autre phrase, qui semble une allusion directe :
« L'idée fondamentale du réalisme est l'indépendance de la réalité
par rapport à l'esprit. Mais cette idée doit devenir plus explicite.
Remarquons que chez les anciens scolastiques elle est plutôt im-
posée ou énoncée par allusion que formulée explicitement. Elle
se définira mieux par opposition à l'idéalisme. « Esse est percipi »
est depuis Berkeley la devise de celui-ci. Phraseé quivoque, malgré
sa limpidité apparente ; craignons que le réalisme qui s'y oppose
ne souffre de la même obscurité » (p. 738). Et plus loin, après
avoir indiqué les points de contact et les oppositions entre l'idéa-
lisme objectif et le réalisme thomiste : « Nous avons passé insensi-

(1) René KREMER, C. SS. R. Sur la notion du réalisme épistémologique,


.ibi"d.,pp. 731-742.
(2) Cf. L. NOËL. La présence immédiate des choses, dans R. néo-sc. d. philos.
1927, pp. 179-1 96 ; La présence des choses à l'intelligence, ibid., mai 1930, pp.
145-162 ; La présence de l'intelligible à la conscience selon S. Thomas et Cafetan,
dans Philosophia perennis. Bd. I, pp. 159-166 — Voir aussi : M.-D. ROLAND-
GOSSELIN, O. P., Sur la notion de présence en épistémologie dans R. se. ph. th.
XVII, 1928, pp. 77-81 ; Peut-on parler d'intuition intellectuelle dans la philoso*
phie thomiste, dans Philosophia perennis, Bd. 11,709-730,
138 M.-D. ROLAND-GOSSELrN

blement de la simple épistémologie à la métaphysique générale et


spéciale. La solidarité de ces deux disciplines est frappante »
(p. 741). Comme il est peu probable que le P. K. ait pris connais-
sance de l'article de M. G. avant d'écrire le sien, ces rencontres ne
sont pas sans intérêt. Qu'il nous suffise de les signaler sans entrer
dans le détail de l'article du P. K. et sans analyser non plus les
études récentes de Mgr. Noël. Sur ces dernières, comme sur l'article
très suggestif du P. K., nous aurons sans doute l'occasion de reve-
nir ailleurs.
L'idée d'une continuité, sinon d'une identité, entre l'épistémologie
et l'ontologie n'est pas absente non plus de la thèse importante de
M. l'abbé JOLIVET sur La notion de substance (*•). « La question
capitale, écrit-il, sera... pour nous de savoir si l'affirmation de
l'être... peut conserver encore un sens et une valeur, si elle n'est
pas l'affirmation de la vérité, de la réalité de l'être substantiel »
(p. 6). Et les premières lignes de son introduction sont pour re-
marquer, non sans une pointe d'exagération ou de paradoxe, que
«
la période qui s'étend de Descartes à M. Bergson apparaît comme
l'âge d'or des ontologies » (p. 1). En fait la méthode « historique
et critique » suivie par M. J. lui permettait de passer facilement
du point de vue ontologique d'Aristote et des Scolastiques au point
de vue épistémologique de 1 idéalisme moderne, tout en montrant
les attaches de l'ontologie avec la théorie de la connaissance et
les difficultés insolubles où s'embarrasse l'idéalisme en essa3^ant
de discréditer la notion de substance. L'on entend bien d'ailleurs
que l'histoire, si sérieusement qu'elle soit envisagée et décrite
par l'auteur, n'a de rôle ici que pour faciliter et motiver l'étude
doctrinale. Les trois chapitres intitulés : Arislote et la Scolastique,
La philosophie moderne, Les embarras de l'idéalisme, ne pouvaient
en quelque 300 pages embrasser une période aussi vaste sinon en
la réduisant à ses données essentielles. Le troisième en particulier
ne s'occupe guère que de la philosophie française contemporaine,
et plus spécialement du réalisme bergsonien.
Le mérite le plus certain de cet ouvrage, solidement informé
et d'un style très agréable, semble être de mettre en bonne lumière
la valeur propre du point de vue métaphysique, la nécessité de
se ma' ntenir à ce point de vue pour avoir une intelligence exacte
de la notion de substance élaborée par Aristote et perfectionnée
par S. Thomas, et, en conséquence, les méprises auxquelles se
condamne l'empirisme sous ses formes les plus rudes comme sous
les plus subtiles, dès qu'il veut juger d'une notion qui dépasse ma-
nifestement le plan physique et ses moyens propres de contrôle.

(1) Régis JOLIVET. La notion de substance. Essai historique et critique sur le


développemenldesdoctrinesd'Arislote à nos fours. (Biblioth. d. Arch. d. philos,).
Paris, Beaucliesne, 1929 ; in-8,335 pp.
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 139

L'inertie, la stabilité absolue, l'isolement que reprochent les empi-


xistes à ce support matériel des accidents, que la substance semble,
être uniquement pour eux, tous ces fantômes de l'imagination'
s'évanouissent dès que l'on a saisi par l'intelligence l'unité réelle,
l'unité concrète de l'être substantiel, unité dont la substance est
précisément le principe. Toutes réflexions excellente est qui pro-
cèdent d'un esprit très heureusement en garde contre les excès du
réalisme maladroit, naturellement engendré par les philosophies à
tendances nominalistes.
Je ne voudrais pas assurer cependant que les expressions données
à sa pensée par l'auteur soient toujours suffisamment précises.
Plus d'une fois elles laissent 1 esprit incertain et hésitant, comme
si une préoccupation étrangère à la philosophie qu'elles veulent
traduire en estompait les nets contours.
Or, la nature de cette préoccupation n'est pas mystérieuse. La
doctrine thomiste de la substance, écrit M. J.,' gardait « deux
points faibles, à savoir ceux-là même où l'esprit chrétien de S.
Thomas dut imposera la doctrine aristotélicienne une rectifica-
tion que le Docteur Angélique voulut concilier avec le maintien
le plus exact possible de la lettre : la théorie hylémorphique et
la théorie de la connaissance qui en dépend.... Or, soucieux avant
tout d'intellection concrète, les systèmes nouveaux renverseront
en quelque manière la position thomiste, et, faisant de la matière
quelque chose d'intelligible par soi, comme doit l'être, à leur sens,
tout ce qui sort des mains du Créateur, ils feront du singulier
même l'objet propre et direct de l'intelligence » (p. 65). Et plus
loin à propos de la doctrine de Suarez : « Cette doctrine va ainsi
poser avec une netteté parfaite la question de savoir si le thomisme
peut s'accorder, sans se renier en ses thèses capitales, à la tendance
de plus en plus forte de la philosophie vers le singulier et le con-
cret » (p. 92). M. J. ne pense d'ailleurs pas que Suarez ait réussi à
approfondir le thomisme en ce sens. Il parle avec netteté de l'échec
où aboutit son essai d'une « sorte de synthèse de forme éclectique »
(ibid. et p. 109). II estime cependant que Suarez, tout en « faus-
sant, en somme, la théorie thomiste de l'abstraction, par le
refus systématique des distinctions réelles» est resté « fidèle au sens
/le plus certain de la doctrine thomiste » de la connaissance (p.
109) ; et, en même temps, M. J. s'efforce lui-même de donner sa-
tisfaction à la tendance qu'il vient de signaler dans la philosophie
moderne, par sa manière de comprendre l'enseignement de S. Tho-
mas sur l'intelligence indirecte du singulier matériel. Cette con-
naissance est une intuition véritable bien que « médiate », c'est-à-
dire « réalisée par l'intermédiaire de la sensation » (p. 2, note) ;
« dans sa réflexion spontanée, l'intelligence atteint l'objet concret
lui-même, dans sa singularité même (qu'elle n'épuise d'ailleurs ja-
mais), à savoir tel qu'il est donné, intelligible déjà, quoique à un
degré inférieur, dans le sens » (p. 70, note).
140 M.-D. ROLAND-GOSSELIN

S'il s'agit, non plus des substances matérielles, mais de la subs-


tance de l'homme telle que chacun la peut percevoir par la conscien-
ce, à plus forte raison M. J. parle-t-il d'intuition, se référant à Des-
cartes, dont il loue l'« intuition magnifique du Cogito»;p. 141)
tout en critiquant sa théorie de la substance. Et, sous l'influence,
semble-t-il, de M. Jacques Chevalier, (influence sensible en plus
d'une page de ce livre) cette même tendance d'esprit le porte à
trouver dans l'intuition bergsonienne, non pas peut-être telle
qu'elle a été pratiquée par Bergson lui-même, mais telle qu'on la
peut dégager de l'orientation foncière de sa critique de Kant et
de l'empirisme associationniste, un retour décisif au réalisme de
la connaissance, et le fondement d'une métaphysique expérimen-
tale.
En suivant cette pente, très prudemment, M. J. ne renie pas
les thèses capitales du thomisme. Faut-il dire qu'il les modifie?
Disons plus justement qu'il en atténue la vigueur en les rapprochant
des données du sens commun, au point de les confondre presque
avec elles. Le même traitement, mais beaucoup plus radical, in-
fligé au bergsonisme, permet de concilier les deux doctrines. Con-
ciliation utile certes aux bons rapports des tenants du thomisme
et du bergsonisme, profitable même peut-être à l'intelligence dès
deux doctrines, mais qui n'est pas, semble t-il, un progrès propre-
ment philosophique si l'effort du philosophe est de rendre intelli-
gible et d'unifier l'expérience commune et non pas simplement de
s'y tenir. M. J. ne se croit-il pas un peu trop solidaire de l'empiris-
me psychologique lorsqu'il admet avec Maine de Biran qu'il suf-
fit pour opérer un rapprochement entre les divers systèmes de
métaphysique de « constater la nature des faits primitifs du sens
intime » ? (p. 302). Je le crois meilleur philosophe lorsque, dans les
belles pages qui terminent sa conclusion, il décrit les rapports in-
dispensables de l'idéalisme et du réalisme, « L'être substantiel,
qui est le réel même, est un donné, et, à ce titre, il ne peut être
l'oeuvre de l'esprit humain. Mais, essence, idée, en son fond le
plus intime, et d'autant plus riche d'être qu'il est plus pleinement
idée, il est intelligible, car ce que l'esprit humain retrouve en lui
et lit en lui (intus légère) c'est l'idée divine qu'il réalise. Ni l'être
ne serait réel, s'il n'était idée, ni l'idée qu'il est ne serait réelle
si elle n'était divine » (p. 304).

C'est aussi une métaphysique expérimentale, la métaphysique


expérimentale, et fondée sur une intuition, que pense avoir dé-
couverte M. DURAND-DOAT. Mais nous sommes ici sur l'autre
versant du cartésianisme, car il s'agit de l'intuition de l'étendue
pure ; seule réalisation possible d'après M. D., du pur rapport
qu'est l'être universel. Nous avons déjà eu l'occasion de signaler
cette curieuse tentative, sur laquelle l'auteur revient, pour la
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 141

défendre, dans une petite brochure intitulée: La Question ulti-


me (i).

IL — QUESTIONS SPÉCIALES.

Principes de causalité et de raison suffisante. — L'ouvrage


du Prof. HESSEN, de l'Université de Cologne, sur le principe de
causalité ( 2) attire de nouveau l'attention des philosophes et des
théologiens catholiques sur un problème déjà depuis longtemps
discuté entre eux et, comme le remarque justement H., avec une
rigueur et une exigence de précision logique dont ne paraissent pas
se douter les philosophes non catholiques. Comment se justifient
ces principes? Quelle est au juste leur valeur et leur nécessité? Et,
par suite, de quel usage peuvent-ils être au philosophe et au théo-
logien pour établir, à partir du monde, l'existence de Dieu? Ques-
tions importantes, difficiles, et dont la solution est étroitement
solidaire de la théorie de la connaissance.
H. fait précéder l'exposé de son opinion personnelle, déjà indi-
quée dans ses ouvrages, antérieurs, d'un aperçu historique (où l'on
s'étonne de ne trouver aucune mention de Malebranche) et d'une
critique détaillée des positions prises, ou des arguments invoqués,
par les philosophes contemporains' de langue allemande (H. ne
lit sans doute aucune langue étrangère...). Critique solidaire, bien
entendu, des principes directeurs de sa propre pensée, et où il
faut déjà chercher la justification de l'opinion hardie développée
dans la dernière partie de son livre.
Pour lui, les premiers principes, soit le principe de non contra-
diction et le principe de raison suffisante, auxquels le principe de
causalité est évidemment subordonné, ne sont pas des principes
analytiques et l'on ne peut les justifier ni immédiatement, ni mé-
diatement, par l'évidence. D'une part en effet, ce sont des prin-
cipes synthétiques a priori. D'autre part, l'évidence ne peut être
admise comme dernier critère d'une véritable nécessité objective,
car l'évidence objective elle-même, que l'on cherche à distinguer
de l'évidence subjective, se ramène en définitive à cette dernière
sans laquelle elle n'est point connue, et l'on est ainsi prisonnier
du psychologisme. Les principes de non contradiction et de rai-
son suffisante sont des lois nécessaires de la pensée parce qu'ils
sont impliqués nécessairement dans l'exercice de la pensée, et

(1) Jacques DURAND-DOAT. La question ultime. Paris, Vrin, 1930; in-16,


130 pp. — Cf. R. se. ph.th., t. XVIII (1929), pp. 299-300
(2) Johannes HESSEN. Das Kausalprinzip. Augsbourg, Filser, 1928 ; gr. in-S,
291 pp.
142 M.-D. ROLAND-GOSSELIN

même dans le jugement qui tenterait d'exprimer leur fausseté ou


leur contingence. La pensée d'ailleurs dont ils expriment ainsi les
conditions a priori, ne doit pas s'entendre en un sens subjectif et
purement humain : l'on veut parler de la pensée objective, du logos,
auquel toute pensée individuelle est soumise.
Pas plus que ces tout premiers principes, le principe de causalité
ne peut se justifier, soit médiatement soit immédiatement, par
l'évidence. Tous les efforts tentés pour montrer qu'il est analytique
ou qu'il peut se réduire analytiquement au principe de raison et
au principe d'identité ont échoué ; et c'est à découvrir les péti-
tions de principe commises en la plupart de ces essais que tâche
la partie critique de l'ouvrage de H. Du moins le principe de cau-
salité possôde-t-il la même nécessité a priori que les premiers prin-
cipes? Non pas affirme H., car il n'est pas, comme eux, impliqué
en tout acte de l'esprit. A ne considérer que l'activité purement
logique de l'esprit, le principe de causalité ne s'impose pas, et
l'on peut penser abstraitement le mouvement et la contingence
sans être contraint de les relier nécessairement à un principe. Ce-
pendant le principe de causalité est une loi, ou un postulat, de la
connaissance réelle, celle qui porte sur les choses mêmes, parce
que l'expérience et la science ne peuvent se constituer sans l'usa-
ge de la causalité. --
Dans quelle mesure ce postulat est-il nécessaire? Dans la mesure
même où le réalisme s'avère lui-même nécessaire. Or, selon H.,
si l'on peut apporter de bonnes raisons probables en faveur du
réalisme, l'on ne peut se persuader de sa nécessité que par un appel
à l'expérience intime et aux tendances vitales. Cela même est un
avantage de première importance lorsqu'il s'agit de limiter le
déterminisme et de faire place à la liberté. Mais il faut reconnaître
aussi que l'on doit renoncer à vouloir prouver la nécessité d'un
principe du monde par cette voie de la causalité. D'une manière
générale, d'ailleurs, le seul point de vue ontologique est impuissant
à nous faire rencontrer, par le moyen des concepts et des raisonne-
ments, le Dieu personnel de la religion. La pensée conceptuelle
a bien une certaine valeur directrice, qui ne se réduit pas au symbo-
lisme pur. Mais la transposition qu'elle fait subir aux choses pour
les adapter à l'esprit est très éloignée de la ressemblance qui nous
ferait connaître leur vraie nature.
Comme on le voit donc, toute une critique de la connaissance
est incluse dans l'opinion défendue par H. au sujet de la causalité.
Peu de philosophes et de théologiens catholiques la jugeront ac-
ceptable. Parmi les contradictions qu'elle a déjà soulevées en Alle-
magne, signalons celle du R. P. Bern. FRANZELIN, (X) toujours

J. Sind die Gruiidlagen unserer Golleserkenntnis


(1) Bernhard FRANZELIMJ S.
erschâlleril Zum Kamp/e Hessens gegen die Grundlagen und erkennlnis theore-
BULLETIN DE^MÉTAPHYSIQUE 143

attentif à discuter avec précision et rigueur les concessions faites


à l'idéalisme, et celle assez agressive et âpre (en partie pour des
motifs d'ordre personnel) du Dr. S. L. VON SKIBNIEWSKI (*).

Au nombre des essais critiqués par Hessen, et avant lui déjà par
Franzelin, ceux du Prof. GEYSER sont peut-être les plus importants,
d'autant qu'après avoir cru possible de ramener analytiquement le
principe de causalité au principe de contradiction, G. reconnut le
bien fondé des observations qui furent opposées à son raisonne-
ment, et, admettant désormais le caractère synthétique du prin-
cipe, tenta de le justifier par un appel à la « vue » intellectuelle
des relations nécessaires données dans l'expérience.
Une nouvelle étude de Geyser ( 2) parue peu après celle de Hes-
sen, reprend le même problème, mais de plus haut, c'est-à-dire
en lui donnant pour base une discussion approfondie du sens et de
la valeur du principe de raison suffisante. De même que H., G.
fait précéder la partie positive de son travail d'une partie critique,
mais son enquête s'étend au-de là des frontières allemandes, et il
parle avec estime des travaux du P. Descoqs, du P. Garrigou-La-
grange, etc. Il ne fait pas mention cependant de H. lui-même, sans
doute parce que le livre de son collègue de Cologne parut après
la rédaction du sien.
G. distingue avec soin le sens et l'application du principe de
raison, selon qu'il s'agit de l'ordre logique ou de l'ordre réel.
Dans l'ordre de la connaissance, l'assentiment donné à un juge-
ment n'est légitime que si l'esprit voit dans les termes mis en re-
lation une raison de les attribuer l'un à l'autre ; qu'il s'agisse d'ail-
leurs de l'évidence d'une liaison nécessaire, immédiate ou médiate,
ou de motifs plus ou moins rigoureux sur la valeur desquels, bien
entendu, devra toujours se modeler la fermeté de l'assentiment.
Mais dans l'ordre ontologique sommes-nous en droit d'affirmer
que tout être quel qu'il soit possède nécessairement une raison
suffisante de son existence, de son essence, ou de son devenir?
Avons-nous l'évidence immédiate ou médiate, que tout objet,
tout être soit en relation nécessaire avec un autre et qu'il en dé-
pende comme de sa raison? Nous n'avons pas cette évidence,

iischen Voraussetzungen des kosntologischen Gotlesweises grundsatzliehe Erijr-


lerungen. (Vortr. u. Abhandl. d. Oeslcrr. Leogesellsch. 35). Wien, Mayer, 1929 ;
in-8, 52 pp.
(1) Stephan I.eo VON SKIBNIEWSKI. Kausalitàl. Paderborn, Schoningb, 1930 ;
in-8, 128 pp. — Voir aussi : Ludwig FAUI.IIABER. Zum augenblicklichen Stand
-

des Kausalproblems dans Philosophia perennis. Bd. I, pp. 411-430; et Lorenz


FUETSCHER, S. J., Der Salz vom hinreic.hcnden Grund und die Begreifbarkeit
des Seins, ibid. Bd. II, pp. 759-771.
(2) Josef GEYSER. Das Prinzip vom zureichenden Grund . Ein logiseh-onlolo-
gische Unlersuchung. Regensburg, Habbel, s. d. (1929) ; gr. in-8, 136 pp.
144 M.-D. ROLAND-GOSSELIN

soutient G. Peut-être cependant, si au lieu de considérer l'être


ou l'objet engénéral nous envisageons séparément et successivement
les différentes manières d'être, peut-être pourrons-nous alors véri-
fier que l'une ou l'autre d'entre elles suppose nécessairement une
raison de son être. Il n'est pas douteux, en effet, que les relations,
par exemple, ou les accidents et propriétés d'une substance fassent
appel, par nature, à une raison distincte d'eux-mêmes : la relation
à ses termes et à son fondement, l'accident à la substance. Mais les
essences considérées en elles-mêmes ? Mais encore la réalisation
ou l'existence de l'être contingent? La possibilité réelle des essen-
ces (G. analyse avec soin tous les aspects de ce cas un peu subtil)
est assurée par cela seul qu'elles ne sont pas contradictoires, et il
n'y a pas lieu pour les comprendre en elles-mêmes, de se reporter
à une existence idéale ou à une pensée distincte d'elles. Ce recours ne
peut paraître s'imposer que s'il s'agit de la réalisation des essences
contingentes, indifférentes par nature à être ou à n'être pas. Par
suite de cette indifférence de nature à l'égard de l'existence, l'être,
et tout aussi bien le non-être, du contingent, ne peut nous être
intelligible que si nous le mettons en relation avec un être,
avec une pensée, qui soit la raison de son existence ou de sa
non existence. Il y a bien là une nécessité analytique. Et il sem-
blerait donc que le principe de raison fût par là justifié dans son
application aux êtres réels ; et, en conséquence, le principe de
causalité, puisque celui-ci n'est autre que le principe de raison
appliqué aux exigences de l'être réalisé.
Cette conclusion cependant demeure hypothétique. Elle est
nécessaire si l'être contingent doit nous être intelligible. Or, il
n'est pas évident, et ici Geyser rejoint Hessen, que tout être nous
soit nécessairernent intelligible. A moins de présupposer l'existence
de Dieu, et logiquement on ne la doit pas présupposer dans l'étude
du principe qui permet de la démontrer, l'on ne voit pas, à la seule
inspection intellectuelle de l'idée d'être ou d'objet, que l'intelligi-
bilité en soit une propriété nécessaire.
Comme par ailleurs, de l'avis de G., ni le kantisme, ni aucune
des modalités plus modernes de l'idéalisme, ne peuvent être scien-
tifiquement prouvés, il reste possible et il devient inévitable de
fonder la nécessité du principe de causalité sur l'expérience. Et
ce n'est pas nous condamner à l'empirisme ni à une formule pure-
ment probable du principe. Car il nous est donné de constater, au
moins dans l'expérience de nos actes, la réalité de la relation cau-
sale, et de voir, grâce à ce cas privilégié, que, par nature, la réalisa-
tion de l'être contingent est liée à l'action d'une cause. G. s'arrête
à cette solution, déjà proposée par lui, et étroitement liée à sa
manière de comprendre la nature de l'esprit et de ses évidences.
Beaucoup plus proche, cela va sans dire, du thomisme que la
position prise par Hessen, l'opinion de Geyser serait intéressante
à discuter. G. accepterait peut-être de la modifier si, comme il
BULLETIN DE MÉTAPHYSIQUE 145

n'est pas impossible, on parvenait à établir rigoureusement la


liaison nécessaire de l'être à l'intelligence et à éclairer le sens pre-
mier du principe de raison suffisante par sa formule la plus voisine
de celle du principe d'identité.
Lorsque Geyser s'interroge sur l'évidence du principe de raison
suffisante, il fait allusion à la tendance de l'esprit de l'enfant et
de l'homme à se poser des questions, i- demander le pourquoi des
choses. C'est du point de vue de ce fait indiscutable que M.W.HEUER
aborde le problème de la causalité. D'où vient, demande-t-il, que
l'on se pose cette question : pourquoi? Warum fragen die Menschen
warum 1 i1).
Ce besoin d'expliquer et de trouver une cause est une consé-
quence de la nature même de notre connaissance, telle qu'elle se
révèle à l'observation scientifiquement conduite. Notre connais-
sance est faite d'expériences actuelles, disons de sensations, mais
aussi de souvenirs, parmi lesquels certains prennent la valeur de
concepts, et ont pour fonction d'interpréter l'expérience selon le
besoin fondamental de l'esprit. D'autre part, c'est la tendance
impérieuse de l'intelligence de chercher à connaître des objets
par delà les données diverses de l'expérience. Primitivement l'in-
telligence voit un objet derrière chaque sensation ; des objets di-
vers derrière des sensations diverses. Mais il arrive que deux per-
ceptions différentes, opposées même ou contradictoires, semblent
se référer à un même objet. Or c'est précisément pour lever cette
difficulté que l'esprit s'interroge: quel objet inconnu rendra comp-
te de la contradiction perçue ? Autrement dit, quelle est la cause
de cet aspect inattendu de l'expérience? La réponse sera donnée
lorsque sera trouvé le concept permettant de penser l'objet nou-
veau vers lequel les apparences orientent le besoin de l'esprit.
Le réalisme de l'intelligence et, entre elle et le réel, la médiation
de l'expérience, telles sont donc les raisons de nos pourquoi.
Conclusion intéressante, que l'on aimerait à voir plus profondé-
ment exploitée. H. procède dans ses analyses avec clarté, bon
sens, et de multiples précautions pédagogiques. Il critique pertinem-
ment Hume et l'idéalisme. Son réalisme cependant reste un peu
élémentaire, et le point de vue psychologique, très acceptable d'ail-
leurs, qui commande ses recherches aurait besoin d'être plus nette-
ment complété par une étude proprement logique ou métaphysique.
Ses remarques, d'un tour personnel, et souvent très solides, pren-
draient alors toute leur valeur.

Liberté. — M. Piero MARTINETTI, professeur à l'Université

(1) Wilhelm HEUËR. Warum fragen die Menschen waruml Erlcenhlnistheore-


tische Beitrâge zur Lôsung des Kausalitâtsproblems. Zweite, vôllig neu bearb,
Aufl. Heidelberg, Winter, 1929 ; in-8, x -321 pp.
REVUE DES SCIENCES. — T. XX» FASC 10 — 10.
14o' M.-D. HOLAND-GOSSELÈN

royale de Milan, a une trop longue expérience, et trop étendue, des


systèmes philosophiques pour ignorer la complexité du problème
de la liberté (x) et ne pas tenir compte des solutions diverses qui
lui ont été données au cours de Ihistoire. Pour plus dé la moitié,
l'ouvrage qu il vient de consacrer à ce problème, traite de son his-
toire depuis Aristote jusqu'à nos jours, sans oublier, loin de là,
les théologiens auxquels son exposé fait avec justice une assez
large place.
Personnellement M., l'un des représentants en Italie des premiers
essais de réaction (bien dépassés aujourd'hui) de l'idéalisme contre
le positivisme, adopte une théorie de la liberté assez voisine de celle
de Kant. Sa préoccupation fondamentale est de ne point faire
brèche au principe de la nécessité causale exigé, dit-il, par l'intelli-
gence et forme a priori de la pensée, et, en conséquence, d'exclure
de la liberté toute contingence. A cette condition il se fait fort, et
cela devient en effet assez facile, de concilier la nécessité et la
liberté, et même de prouver que la forme la plus haute de la liber-
té, qui est la liberté morale, fait appel à la forme la plus haute de
la nécessité, qui est celle de l'action pleinement raisonnable. De
ce point de vue, en effet, toute activité est libre qui ne rencontre
point d'obstacle à son développement spontané ; et d'autant plus
libre que sa nécessité propre est victorieuse des nécessités . L'hom-
me, dans ses actions les plus fréquentes, ne parvient guère à se
libérer du déterminisme de sa nature inférieure. Mais dans la mesure
où la raison domine en lui et impose sa nécessité supérieure, dans
cette mesure l'homme est vraiment libre. Idéal divin, concède M.,
car la Raison est Dieu. Pas plus en effet qu il n'y a en l'hom-
me de libre arbitre proprement dit, il n'y a non plus au-dessus de
l'homme un Dieu personnel dont la science et l'action toute puis-
sante viennent contraindre la liberté. L'idéalisme critique, dont
s'inspire M., simplifie merveilleusement les problèmes. En appa-
rence du moins...
Thorenc, Sanatorium S. Luc. M.-D. ROLAND-GOSSELIN, O.P.

III. — PHILOSOPHIE SOCIALE.


La magistrale étude du R. P. J. Th. DELOS, O. P. sur La Socié*
lé internationale et les Principes du Droit public ( 2) est le premier

(1) l'iero MARÏINETTI. La Libéria (Coll. « Isis »). Milano, Libr. edit. Lombar-
da, 1928 ; in-8, 500 pp.
(2) J. Th. DELOS, chargé du cours de Droit international public à la Faculté
libre de Droit et à l'École des Sciences sociales et politiques de Lille, La société
internationale et les Principes du Droit Public. Paris, A. Pedone, 1929 ; in-8,
gx-344 pp„
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 147

numéro des publications que nous annonce la Revue générale de


Droit international public ; elle est parfaitement digne de servir
d'introduction aux études qui vont suivre.
Dans une très solide et très dense Préface (pp. V-XVIII), M. Louis
LE FuR,dont les principes s'accordent avec ceux de l'auteur lui rend
un très beau et très juste hommage auquel nous sommes heureux
de souscrire pleinement.
Deux choses ont particulièrement frappé M. Le Fur : « le con-
stant recours à l'histoire et à la sociologie pour éclairer la situation
politique et juridique actuelle » (p. vu). M. Delos-connaît à fond
l'histoire des doctrines j:>olitiques de ces derniers siècles, de leur ge-
nèse et de leurs conflits (1). M. Le Fur le félicite surtout d'avoir sou-
ligné l'extrême importance du lien qui existe entre" le droit et
la sociologie, « cette science modeste et prudente qui cherche à con-
stater comment naissent et vivent les sociétés humaines », surtout
les sociétés actuelles, qui étudie leurs institutions et leur droit, avec
leurs rapports réciproques, (pp. v-vi). Car le but de toute construc-
tion juridique, c'est de mettre l'autorité du droit et sa formula-
tion positive au service des exigences de la vie en société, que la
sociologie découvre au juriste (pp. x-xn). « La tentative de M. De-
los pour relier le droit et la sociologie et pour préciser leurs
rapports, est, dit M. Le Fur, l'une des plus réussies que je connais-
se, etc'est, me semble-t-il, dans l'analyse plus exacte et plus ap-
profondie de la véritable nature de la Société internationale que
résident surtout l'originalité et l'intérêt de son étude (pp.vi. xiv,
XVIII). M. Delos représente avec raison « la méthode juridique
comme une combinaison nécessaire des deux méthodes, déductive
et inductive, qui sont de préférence celles de la philosophie et de la
sociologie (p. vi) et l'emploi constant de cette méthode lui permet
de jeter de vives lueurs sur maintes questions actuellement fort
discutées. Les principes rationnels, de valeur immuable, permet-
tent à l'esprit de dominer les faits que la sociologie l'empêche
d'abandonner jamais (p. vu). Le droit doit partir de l'observation
des faits, pour les dépasser et rejoindre ainsi la métaphysique.La
sociologie constitue son infra-structure et la métaphysique, son
couronnement (p. xvi) (2). M. Delos n'a d'ailleurs aucunement la
prétention que sa méthode soit une innovation ; il cite fréquem-
ment les juristes contemporains et il remonte, par Vitoria, à S. Tho-
mas d'Aquin et à Aristote. C'est un des mérites de son livre que
ce rattachement du présent au passé, signe de vérité de ces théo-

(1) M. Le Fur regrette que M. Delos ait négligé Grotius, qui a eu le grand mérite
de reconnaître de nombreuses formes de société humaine entre l'individu etl'État
et qui a le premier, semble-t-il, dégagé la théorie du droit naturel social.
(2) M. Le Fur enseigne que le droit est encastré entre une discipline méta-
juridique (idée directrice et barrière) et des disciplines infra-juridiques, sans les-
quelles il ne serait qu'une forme vide.
148 TH. BÊSÏADE

ries qui apparaissent comme le fruit d'une lente évolution de l'es-


prit humain (pp. xi, xn). Le lecteur attentif sera sensible à la cohé-
sion interne et à l'unité de cet ouvrage profondément médité, que
nous avons lu, comme M. Le Fur, « avec autant de plaisir que de
profit » (pp. xiv, xvin).
Le R. P. Delos étudie d'abord, en trois chapitres (x), les Nations
et la société organique des Nations ou Société internationale de fait
(Ire partie, pp. 7-121).
Puisque les constructions positives et techniques du Droit inter-
national gravitent autour des droit naturels des Nations, donc, pour
fixer les bases premières de la communauté internationale, il faut
commencer par rechercher ce que sont les Nations et d'où dérivent
leurs droits naturels. Le Ch. I (La Nation et la Nationalité) considère
la Nation, non comme un corps social politiquement organisé, au-
quel l'état confère la personnalité morale, mais comme une formation
sociale naturelle, un status rei, un donné de fait, prépolitique et
préjuridique, d'où l'auteur remontera par degrés jusqu'à l'État et
à la Société internationale qu'organise le Droit international (pp.
7 et 8). La Nation est un donné sociologique complexe, mais un.
Quel est le principe de l'unité nationale? Race, territoire, langue,
moeurs, croyances, dynastie, politique, hasard, temps, opportunis-
me... peuvent avoir leur part d'influence sur la genèse d'une nation,
mais la question de sa genèse ne se confond pas avec la question de
sa nature, qu'elle nous aide néanmoins à comprendre. Puisque la
Nation est un mode de groupement humain, sa nature distinctive
dépend donc non pas des causes qui influent sur son origine, mais
de la nature du lien social qu'elle établit entre les hommes et qui la
constitue ; c'est par rapport à l'homme qu'il faut la définir. Nation
dérive de nasci, naître. L'homme étant un être qui naît, la Nation
est essentiellement un milieu social générateur, composé de tous les
éléments objectifs : race, territoire, langue, moeurs, passé histori-
que, etc., des réalités physiques, physiologiques et spirituelles des
hommes, des choses et des institutions, du présent et du passé, qui
déterminent la génération physique et spirituelle de l'individu hu-
main, qui le forment, en le marquant, au plus intime de son être,
de caractères distinctifs ; c'est par ces caractères communs aux in-
dividus engendrés et nourris par le même milieu social que se con-
stitue le lien de l'unité nationale.Les caractères nationaux apparais-
sent comme des formes, des déterminations, des « habitudes », qui,
en donnant aux corps et aux âmes certaines tournures et en leur im-
posant certaines manières d'être, les préparent et les habilitent à
certaines manières d'agir. La Nationalité est une communauté de
formes, qui, inscrites dans les corps et les âmes, modifient les ma-
nières dont les individus pensent, agissent et se comportent. Elle

(1) Chaque chapitre de l'ouvrage est précédé d'un sommaire, où sont coordon-
nées et numérotées les idées maîtresses qu'il expose et développe.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 149

évoque l'idée de culture (mise en valeur de nos ressources originelles


et condition de notre plein rendement humain) et d'éducation (l'édu-
cateur cherche à imprimer des habitudes physiques, intellectuelles
et morales, à donner une seconde nature). Comme tout fait social,
la Nation est pour l'individu un fait extérieur (extra-individuel),
objectif et contraignant,qui le détermine du dehors (pp. 20, 26, 84).
La Nationalité porte la marque du déterminisme, en raison de sa
cause, qui fait large appel aux éléments physiques et physiologiques,
et de la manière contraignante dont le milieu social agit du dehors
sur l'individu, et de son essence même, comme forme inscrite dans les
profondeurs physiologiques et psychologiques de notre être, où elle
détermine, fixe, canalise le jaillissement de notre vie individuelle
Le fait de la Nationalité a une valeur humaine, qui est pour la Na-
tion le principe et la mesure de son droit ; car il joue un rôle néces-
saire dans la vie humaine ; en enrichissant nos puissances psychiques,
de soi absolument indéterminées, pur potentiel, de formes qui les
actualisent, les déterminent, en les habilitant à l'action. Mais, en
nous enrichissant, la Nationalité nous borne ; elle est et un perfec-
tionnement par rapport à l'indétermination de la nature humaine,
et une restriction, une limitation, par rapport à l'amplitude indéfi-
nie de nos puissances naturelles (p. 25). S'il n'est pas au pouvoir de
l'homme d'échapper entièrement aux préformations du génie na-
tional, si le sentiment national est d'abord en lui une force d'essen-
ce passionnelle instinctive (pp. 21, 27), il dépend de l'homme, con-
scient et libre, de réagir sur ce déterminisme, de l'accepter volontai-
rement, de s'appliquer à en perpétuer les valeurs et à les accroître.
C'est à cet acte vraiment humain, d'essence spirituelle, que le R.P.
D. réserve le nom de nationalisme, au sens humain du mot. Les théo-
ries nationalistes ne voient que l'aspect enrichissant de la nationa-
lité et oublient son aspect limitatif et restrictif, avec ce qu'il y a
d'illimité dans notre nature spirituelle; elles confondent génie na-
tional et génie humain, culture nationale et civilisation, d'où leur
caractère égo-centriste (I). Au vrai, notre culture nationale n'est
qu'une valeur humaine relative au besoin humain qu'elle satisfait
en nous, et elle nous invite à sympathiser avec toute culture natio-
nale qui remplit pour les autres la même fonction bienfaisante.
Ainsi, d'une part, cette fonction humaine remplie par la Nation,
milieu social procréateur et éducateur, nous amène à l'étude des
droits des Nations,dont elle est le fondement ; d'autre part, les for-
més nationales, parce que trop étroites, provoquent, au-dessus des
Nations, un essor, que l'homme réclame comme son droit, vers une
société plus vaste qui réponde aux besoins, aux aspirations et aux
ressources illimitées de la nature humaine.

(1) Et matérialiste, parce que négateur de l'esprit et de son amplitude infinie.


1.50 TH. RÉSIADE

Dans le ch. II, le R. P. D. traite du droit des Nations, en face de


leurs nationaux et en face des États et des autres nations (face interne
et face externe d'ui seul problème de philosophie sociale) (p. 33).
La sociologie découvre, d ins la vie des Nations, un stade primitif,
présocial, prépersonnel, pr juridique, où elles ne sont pas encore
des sociétés, mais des états le fait. « des masses sociales La société
>•.
exige l'idée d'un but ou bnm commun, un vouloir-vivre commun,
une autorité qui, par des lois de but,assure la convergence et la coor-
dination des efforts. (Tel est l'État) Les hommes incorporés à leur
milieu procréateur par les mêmes préformations physiques et mo-
rales qu'ils en reçoivent, et rendus de ce chef solidaires les uns des
autres, forment une masse sociale, consistante et homogène, aux
contours plus ou moins délimités, mais assez nettement différenciée
pour trancher sur les autres ; elle a une unité durable,une individua-
lité. Mais les solidarités nationales dérivent d'un fait auquel, origi-
nairement, le vouloir n'est pour rien, et elles s'imposent à eux com-
me des lois de cause . Dans la Nation, il n'y a que le fait passif et
subi d'une dépendance foncière qui attache les individus au milieu
procréateur ; donc pas d'autorité ni de liens juridiques. L'homme est
quelque chose du milieu qui l'engendre et le nourrit, comme il est
quelque chose de son père. Aussi les devoirs envers la Nation sont-ils
des devoirs de piété filiale (*) (culte et service). Car, si la justice
règle les rapports de deux sujets dont les droits s'affrontent et cher-
chent un équilibre générateur d'indépendance, le national est en
dépendance foncière, irrémédiable, de la Nation. Le pouvoir de la
Nation n'est pas un pouvoir politique, qui s exerce sur des hommes
libres, à leur profit, par des lois, en vue de leur Bien commun, mais
un pouvoir moral de domination sur des enfants qui lui appartien
nent.
Cependant, le milieu national est un milieu sur lequel se développe
une vraie société. Les hommes nés du même milieu prennent con-
science des solidarités qui les unissent et qui deviennent, parce qu'ils
les veulent, des relations sociales ; ils se rapprochent volontairement
pour mieux communier et participer au patrimoine collectif natio,
nal, pour mieux remplir leurs devoirs envers les valeurs nationales
qu'ils regardent et acceptent, comme leur Bien commun. Il y a donc-
cette fois, une vraie société. L'homme spirituel se dégage mentale-
ment de l'incorporation réelle subie par l'individu, tout en recon-
naissant ce qu'il doit à la communauté nationale ; il s'affirme com-
me une personne, sujet de droit, obligé envers elle par la justice sociale.

(1) Le territoire joue un rôle important dans les déterminations culturelles.


La patrie, c'est la nation en tant qu'incorporée au sol ; il faut qu'une nation
soit liée à un territoire, pour devenir « substance humaine de l'État » (pp. 29-;'0).
-— Donc le patriotisme se ramène non point à la
justice sociale, mais à la piété
filiale (pp. 41-42).
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE Ï51

C'est sous cette forme sociétaire que le Droit public considère la


Nation qu'il organise rationnellement. Cette analyse montre com-
ment l'État se distingue de la Nation, le politique du national, bien
que l'État puisse, en son nom propre, déterminer et sanctionner
nos devoirs envers la nation, parce que le patrimoine national est
une part importante du Bien commun, dont il a la charge (p. 48).
En face des autres groupes sociaux, la Nation n'est ni personne
morale, ni sujet de droit ; elle est une situation de fait, qui s'impose
au respect d'autrui et dont le droit positif doit tenir compte, car
elle est une valeur en soi, proportionnée à sa valeur culturelle, donc
Une situation de droit, en raison du rôle enrichissant et nécessaire
qu'elle joue dans le développement de la vie humaine. Le droit de
tout groupement national, —comme de tout groupement social —
est fondé sur sa finalité ou sur la fonction naturelle qu'il exerce, au
profit de la personne humaine (x). C'est une conclusion de la Socio-
logie, qui réagit sur le Droit public. Les droits de la Nation dérivent
de la personne humaine, terme de l'action du milieu culturel, et ils
sont inégaux, parce que les appoints des milieux culturels sont de
valeur inégale.
C'est à la lumière de la finalité qu'il faut juger le problème des
minorités nationales et le principe des nationalités. Est-i-I vrai que
toute Nation ait le droit de former un État distinct ? 'Non. La Na-
tion tire tous ses droits de sa mission culturelle ; or, sauf en des cas
très rares, elle peut remplir sa fonction, sans l'indépendance poli-
tique, au sein d'un cadre politique qui n'est pas fait pour elle seule
ni strictement à sa taille. L'indépendance politique est un droit de
l'homme et du citoyen, plutôt que de la Nation et du national (2).
Le principe des nationalités, c'est donc le droit de l'homme, du ci-
toyen, de tenir compte de sa nationalité dans l'organisation politique
de sa vie (p. 54). Un groupe de citoyens n'est admis à l'organiser
politiquement,sur la base de la nation, que si l'État futur est via-
ble (apte à remplir sa fonction politique), en tenant compte soit des
intérêts vitaux de ceux dont on se sépare,soit du bien international.
Du moins, l'ordre national a le droit d'être respecté et protégé par
la politique. D'ailleurs les minorités nationales ( 3) doivent se plier
et s'adapter aux cadres politiques de l'État qui doit garantir leur
mission culturelle et en favoriser l'accomplissement. Mais le contrôle

(1) Les théories raciques et nationalistes aboutissent au contraire à une


conception subjectiviste, volontariste des droits de la Nation (pp. 51, 27,28, 76
142), puisqu'elles placent le principe des droits de la Nation dans le groupe eth-
nique et dans ses volontés ou dans l'autonomie du vouloir national.
(2) Cf. infra.
(3) Groupements d'individus et de familles, unis par un vouloir-vivre com-
mun et séparés, par leur culture (race, langue, religion), de la majorité des fa-
milles et des individus dont l'État est composé.
152 TH. BÉSIADE

de l'action protectrice de cet État (État national et nationalisé,


organe d'une culture et d'une civilisation nationales auxquelles sont
étrangères les minorités dont il faut garantir les droits) appartient
à la Société de culture et ce civilisation ou Société des nations (*).
Qu'est donc la Société or /unique des Nations ou Société interna-
tionale de fait? Ch. III.
Le juriste,en quête des principes d'organisation internationale,doit
avoir recours à la philosophie politique ou politique théorique et à la
sociologie (pp. G4, 73), deux sciences qui, distinctes de la sienne,
lui sont nécessaires pour la confection du droit, synthèse d'un prin-
cipe rationnel et d'un donné sociologique. La philosophie naturelle,
en partant de la fin nécessaire de l'homme, dégage le type idéal,
universel, de toute société politique, avec les fins et règles idéales
dont le juriste doit se rapprocher autant que possible. C'est elle qui
trouve le fondement de la Société internationale et du Droit inter-
national, dans la sociabilité humaine, contituée par deux traits
essentiels de la nature humaine : le droit (général, indéterminé)
de tout homme sur tout l'univers, l'égalité et la fraternité univer-
selles ; et elle en déduit les droits de société universelle de la personne
humaine, qui se transforment en droits et devoirs de la vie interna-
tionale, dès qu'intervient la notion d'États. Mais la société inter-
nationale est composée de groupes sociaux, très variables, dont la
sociologie précise la nature et la mission. Ce sont d'abord des forma-
tions sociologiques de fait, que le juriste doit connaître comme telles,
avant de les organiser juridiquement. D'ailleurs les analyses de la
sociologie, poussées à fond,en recherchant la cause des faits sociaux,
remonte, par les besoins et les appétits, par le but et l'idée directrice,
par les exigences de la nature humaine,jusqu'à h individu humain,
point de départ de la philosophie spéculative, principe et but de
toute société et de tout ordre juridique.
Employant l'analyse sociologique pour définir la Société interna-
tionale de fait, le R P. D. montre comment la culture, dont la Na-
tion a charge, fait appel à la civilisation, comment l'internationa-
lisme est la synthèse de la culture et de la civilisation, comment
l'institution internationale, fille de la civilisation, qui s'adapte aux
particularités des milieux culturels, est l'élément typique de la So-
ciété internationale de fait.
La culture humaine est une analogie empruntée à la culture du
sol. Comme le sol, la nature humaine est d'abord un donné poten-
tiel, indéterminé, que la culture enrichit d'une forme nouvelle,
d'une seconde nature et met en état d'agir aisément, parfaitement.
Le degré de culture d'un individu mesure son degré de perfection.
Mais la nécessité de la culture suppose l'imperfection foncière de la
nature humaine, puisqu'elle la corrige. D'autant plus que la culture

(1) Les Traités conclus depuis la guerre s'inspirent de cette doctrine.


BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 153

affirme nos dépendances par rapport au groupe social dont l'influen-


ce nous envahit du dehors, aux éléments physiques : race, territoire,
climat,du milieu culturel,et au dynamisme obscur du génie national.
C'est que l'homme est un individu dont la matérialité l'incorpore à
un ensemble organique d'éléments physiques et spirituels. La cul-
ture est donc liée aux imperfections, aux indigences et dépendances
de la nature humaine immergée dans la matière. — La civilisation
répond à un autre trait de l'homme, qui, en tant qu'esprit intelli-
gent et libre, émerge et s'affirme indépendant de la matière, maître
de soi et de ses actes, donc aussi du milieu extérieur, qu'il façonne
à son goût et selon ses besoins, au lieu d'en subir les influences. Les
deux portions, immergée et émergeante, de la nature humaine,
où elles sont substantiellement unies, restent distinctes ; chacune
a ses exigences et ses pouvoirs propres (pp. 78-79). L'homme, intel-
ligent et libre, « réifie » ses idées dans le milieu extérieur ; l'oeuvre
ainsi produite, c'est la civilisation, qui s'incarne en oeuvres propre-
ment dites et en rapports sociétaires. Ces rapports et ces oeuvres
tendent à s'objectiver en institutions, qui se pénètrent et s'organi-
sent en un vaste corps social, grâce auquel l'humanité civilisée
devient une société et le nom de civilisation, le synonyme d'état so-
cial.
Le R. P. D. prend l'institution dans son sens le plus général et la
définit : « une idée qui a pris existence objective, en s'incorporant
à sa matière propre» (pp. 80, 81). Cette incorporation n'est qu'un
phénomène d'organisation. Les divers éléments de l'institution
sont organisés selon une idée directrice, idée de l'institution (x),
grâce au lien organique que l'idée directrice établit entre les élé-
ments jadis indépendants. Ces éléments deviennent autant d'or-
ganes internes de l'institution et leur action propre devient dans
l'institution une fonction. L'institution est une idée incorporée.
Sous cet aspect, la civilisation consiste dans la transformation d'idées
en faits sociaux, en faits objectifs en éléments du monde extérieur.
Expansion de l'esprit au dehors, elle s'accomplit de haut en bas, par
les oeuvres (2), où elle manifeste sa domination sur la matière, sur
le temps et l'espace, dont elle ignore ou recule autant qu'elle peut
les limites, pour rassembler tous les hommes dans un état de société
objectif et universel ; elle se fait aussi horizontalement,d'homme à
homme, par des échanges d'idées et de sentiments qui s'objectivent
en laboratoires, instituts, églises, etc.... Ainsi, tandis que les milieux
culturels, divers, irréductibles, nous montrent le monde et l'état
de choses engendrant, dominant l'individu et lui imposant leurs for-

(1) Par ex. idée de profit pour l'entreprise industrielle.


(2) Toute oeuvre de civilisation (par ex. entreprise industrielle) étant une
idée incorporée, s'adresse à l'homme en tant qu'homme, donc à tout homme ;
elle est universaliste, supranationale, indifférente aux particularités nationales,
extérieure à l'iadividu ; elle a une existence propre.
1 54 TH. BÉSIADE

mes, au contraire, la société de civilisation, une et uniforme, a pour


principe la personne humaine, dominatrice et organisatrice, qu'elle
nous montre façonnant le monde, objectivant ses idées dans un état
de choses. — Mais, si différentes qu'elles soient, la civilisation, fruit
de la personne et la culture, nécessaire à l'individu, sont connexes,
parce qu'elles répondent aux exigences de la nature de l'homme,
individu et personne à la fois. D'abord, la civilisation ne peut réa-
liser l'unité mondiale, l'unité de simplicité, où elle aspire. L'idée se
plie aux conditions individuelles de In matière où elle s'incorpore ;
elle ne crée pas, elle met en valeur, en s'y adaptant, les virtualités
du monde qu'elle façonne et organise. Les échanges intellectuels
et moraux relient moins des hommes que des individus, avec leurs
prédéterminations propres. Ainsi les cadres nationaux imposent
leurs particularismes à la civilisation, dont ils brisent l'unité et qui
se réalise de fait dans les civilisations locales. Cependant, comme
l'unité de nature sous la diversité des hommes, l'unité de civilisation
demeure sous la diversité des civilisations ; un idéal rationnel et
unique domine chaque type particulier de civilisation. D'une part,
les milieux culturels s'orientent vers la civilisation, qui leur marque
leur but objectif ; car si la culture se réalise dans l'individu, c'est
pour le rendre apte à tous les actes et oeuvres de la vie civilisée et
capable de jouer dans le monde son rôle de personne humaine ;
creuset d'où sort la civilisation, pour mieux remplir leur fonction
préparatoire, les milieux culturels doivent cultiver eux-mêmes leurs
ressources propres (race, sol, sous-sol, génie), en fonction d'un idéal,
unique et commun, qu'ils s'incorporent : cette communauté d'idéal
d'idée directrice, de but objectif, attractif et unifiant, crée entre eux
un lien social (*). D'autre part, l'élan spirituel de la personne hu-
maine, rendu possible par la culture nationale, profite aux civilisa-
tions nationales, dont les oeuvres du génie humain, réalisées au sein
des milieux culturels, augmentent la valeur. II y a donc une circu-
lation incessante qui va des milieux culturels aux oeuvres de civi-
lisation et de celles-ci retourne à ceux-là, en accélérant et amplifiant
son rythme. La vie organique des sociétés consiste en ce mouvement
interne qui va des membres au but et du but fait retour aux mem-
bres, l'ensemble constituant un système clos. La synthèse de la cul-
ture et de la civilisation, du nationalisme et de l'universalisme dans
l'internationalisme, deux notions qui se coordonnent et s'harmoni-
sent, donne à la société des nations sa contexture originale. L'atta-
chement à la patrie et le goût des relations internationales ont, dans

(1) Vraie force sociale, cet idéal attire et conduit l'appétit de civilisation, le
besoin de transcendant et d'universel, énergie motrice qui pousse l'homme et
les nations à s'unir organiquement, en dépassant leur milieu, sans rompre avec
lui. Énergie motrice et but objectif : deux facteurs de la naissance et du dévelop-
pement de tout organisme social.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 155

la nature humaine, le principe d'une connexion, grâce à laquelle ils


se renforcent mutuellement. Il faut des nations fortement consti-
tuées, pour que s'épanouisse la vie internationale et que prenne corps
la Société organique des Nations.
La synthèse du nationalisme et de l'universalisme se manifeste
d'abord dans l'Institution internationale (l), élément typique, cel-
lule de la Société organique des Nations. L'institution, consciente
de son but, maîtresse de ses moyens, est pleinement formée, quand
le groupe intéressé prend conscience explicite de ses solidarités et
s'organise en vue de son but. D'après M. Hauriou, l'idée directrice
de l'institution en est la forme immanente, qui, au point de vue de sa
genèse et de sa durée, assure la cohésion et l'ordre des organes : le
but, c'est le résultat obtenu. Or, d'après le R. P. D.,idée et but coïn-
cident dans le Bien commun (pp. 101-105), qui, d'une part, en tant
que Bien commun visé, adopté, constamment voulu, donne sa
forme à l'institution, l'organise, fonde sa loi, quand elle naît et tant
qu'elle dure, et qui, d'autre part, estpoursuivi et obtenu par 1 ins-
stitution, comme Bien commun distribué aux associés qui en béné-
ficient. Le Bien commun exerce une double fonction : en tant que
pôle attractif et centre d'agrégation (transcendant) et en tant que
bien réversible et partagé (immanent).
L'institution internationale (fédération, entente, cartel, etc.)
n'est pas un groupement privé d'entreprises particulières dont elle
aurait pour but direct d'accroître les bénéfices particuliers, mais un
groupement corporatif d'institutions nationales (d'organisations
nationales, par ex. de telle branche économique) qui tire de l'idée
de civilisation son idée directrice et son but. Ce but, ce n'est pas la
somme des intérêts privés des entreprises particulières, c'est le Bien
commun à toutes et à chacune, un ensemble objectif de conditions,
de règles, de moyens externes, généraux, internationaux, nécessai-
res et propres, par ex, à telle branche économique et aptes, par na-
ture, à profiter à tous les participants, supposés égaux et indépen-
dants, concurrents, convergents et connexes. Transcendant aux
entreprises particulières, dont il exprime les besoins communs et
auxquels il donne une loi extérieure et supérieure,il leur est imma-
nent, puisqu'il existe en elles et se reverse sur elles, à leur profit.
A la requête de l'idéal humain, chaque institution internationale
entreprend d'organiser internationalement un service humain
autonome, répondant à un même besoin humain, une même fonc-
tion civilisatrice (idée directrice et but objectif), qu'il munit de ses
moyens propres. Elle a pour organes constitutifs et instruments les
institutions nationales, qu'elle suppose fortement organisées, con-

(1) Elle commence à poindre dans les faits de groupement institutionnel,


trop diffus, trop peu consistants, pour avoir une vie autonome (phénomène de
masses, groupes d'intérêts solidaires).
156 TH. BÉSIADE

scientes de leurs buts, maîtresses de leurs moyens, et dont elle res-


pecte l'individualité. Réalité objective, ayant ses buts et ses moyens
d'action, vrai corps social nouveau, 11 est une création à fondem nt
naturel, avec un pouvoir de réglementation et d'ordre, avec un prin-
cipe d'autorité et de droit sur ses membres (Bien commun).
Or, plus elles se multiplient, plus il est nécessaire que les institu-
tions internationales s'organisent entre elles, selon la hiérarchie des
valeurs, économiques et politiques, matérielles et spirituelles, qu'el-
les incarnent, en regard de l'idéal humain, en un corps social natu-
rel, qui protège leurs droits, harmonise leurs fonctions, stimule leur
activité, en vue du bien de l'ensemble. Si l'institution internationale
est l'institution des institutions nationales, la Société internationale
est donc l'Institution des institutions internationales. Formation
sociologique de type institutionnel, à fondement naturel et objectif,
à laquelle s'incorporent librement individus et groupes, en adhérant
au but naturel et objectif qu'elle poursuit, elle établit entre eux un
ordre impératif, normatif, autoritaire, expression des exigences de
la civilisation, c'est-à-dire du suprême épanouissement de la person-
ne humaine.
Mais les institutions nationales ne doivent-elles pas aussi se grou-
per autour de l'État,qui peut servir ou entraver leur expansion inter-
nationale? Ainsi se pose la double question de l'État et de sa souve-
raineté, de la nature institutionnelle de la Société des États et du
Droit international, objet de la IIe Partie (ch. IV- ch. VIII).
Le ch. IV nous offre l'esquisse d'une théorie de l'Etat. On passe
de la nation, formation sociologique naturelle, état social de fait,
à l'État, pouvoir unifiant, pouvoir de force, mais d'abord pouvoir
de droit, par une connexion naturelle qui respecte leur différence
essentielle (pp. 130, 156).
Qu'est-ce donc que le droit? Pour que l'homme, qui est d'abord
une intelligence, soit obligé, il faut que sa raison se déclare liée. La
force obligatoire est celle d'une lumière qui convainc la raison et 1'
enchaîne. Le droit, règle de conduite rationnelle, c'est ce qu'en saine
raison, il faut faire (l). Le R. P. Delos insiste sur le fondement objec-
tif cl rationnel que sa philosophie juridique assigne au droit. C'est
notre raison qui définit notre nature, en reconnaît la destinée et
les exigences, et en déduit a règle de conduite obligatoire ou rè-
gles de droit. Dans le Bien commun de la société politique ou société
parfaite et de l'État (société politique personnifiée),notre raison voit
pour l'homme, dont la perfection ne se réalise que dans un état de
communion où il reçoit et donne incessamment, l'ensemble complet
des conditions matérielles et morales de sa vie et de son développe-
ment selon l'état actuel de la civilisation, le bien complet de la vie
humaine, transcendant aux biens particuliers, attachant les individus

(1) La volonté n'a qu'à exécuter ce que la raison lui propose comme obliga-
toire.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 157'

à l'État par une nécessité de fait et par un lien de droit. De la trans-


cendance du Bien commun, dérive la transcendance ou souveraineté
de l'État, qui assure le protectorat général de la vie individuelle, la
plénitude harmonique des biens privés.
L'État commence avec l'éveil, chez les hommes libres, de l'idée
d'une destinée commune proprement humaine à assurer par l'en-
tr'aide(Bien commun) et avec la volonté d'unir les vies individuelles
dans tout leur ensemble, comme l'exige leur développement inté-
gral. La conscience commune ou collective nécessaire à la naissance
de l'État et dont la psychologie sociale étudie les manifestations,
n'est que la conscience d'un but commun (car la conscience se définit
par son objet) ; elle est multiple par les sujets qui lui servent de sup-
port (seuls les individus pensent et agissent), une et collective par
son objet, le Bien commun, spécifiquement distinct des biens privés
(pp. 138-139). L'État est un ensemble de personnes humaines, con-
scientes de leur destinée et des solidarités mutuelles qu'elle leur im-
pose et qui s'organisent librement dans l'ordre politique, en vue d'y
satisfaire (*). De là viennent les deux traits qui donnent à l'État
sa physionomie propre : la personnalité morale et la Puissance
publique.
La personnalité morale désigne pour les sociétés quelque chose de
réel, une qualité réelle, un mode d'être réel et c'est par nature que
l'État la possède (p. 144). La sociologie et la philosophie nous mon-
trent dans l'État un corps social individualisé qui s'est personnifié.
L'individualité implique unité intérieure et distinction d'avec au-
trui, avec possibilité d'être incorporé à un tout plus vaste et d'en
dépendre. La personnalité, notion métaphysique, qui d'ailleurs se
manifeste dans le fait de l'action autonome, ajoute à l'individualité
Vindépendance de l'être qui subsiste seul, par lui-même, parfait,
achevé en lui-même, conscient et artisan de sa destinée, maître de
son action et de ses moyens. Donc seul, l'être doué d'intelligence
est une personne, portant en soi le principe de tous ses actes : idée
d'un but,énergie volontaire,motrice et réalisatrice, et liberté de choi-
sir ses voies. Cette indépendance fait des êtres intelligents des su-
jets de droit, entre lesquels règne la justice : les priver de ce qu'ils
possèdent, ce serait s approprier ce qui est à autrui. La Nation,
corps social cohérent et différencié, se personnalise, en s'étatisant

(1) Le R. P. D. oppose cette conception humaine de l'État à la conception


«nationaliste ». L'État moderne tend à s'incorporer à la Nation, à personnifier
la Nation (l'union de ces deux facteurs fournit aux citoyens un surcroît de for-
ces morales). Mais l'État doit organiser plutôt qu'uniformiser les éléments de la
culture et il faut que, création volontaire d'hommes libres, il reste distinct
de la Nation, formation en partie déterministe, sans quoi la personne humaine,
avec les libertés publiques, serait sacrifiée aux obscures puissances de la race et
du génie national (pp. 142-143).
158 TH. BÉSIADÉ

en devenant un groupe qui subsiste par soi, conscient de son but,


doué d'énergie motrice et maître de ses actes. Un dernier trait
distingue l'État des autres personnes morales : son but est un but
naturel et qui rejoint la destinée humaine dans son ensemble, pour
lui fournir toutes les conditions sociales qu'elle exige. Homme et
État sont très exactement des personnes,parfaites et indépendantes
dans l'ordre d'être et d'action, maîtresses de soi devant leur destinée
naturelle. La notion de personne a pour les deux le même sens.
Mais le qualificatif diffère. Le lien du groupe social politiquement
organisé n'est pas un lien physique (comme chez l'homme, per-
sonne physique) mais un lien purement moral, un lien rationnel,
obligatoire, un lien de droit, qui assujettit les hommes libres au
Bien commun et qui assure l'unité morale de l'État, personne mora-
le.
La personnalité réelle suppose un être réellement existant. La socio-
logie montre dans le fait social une relation (mode d'être réel, irré-
ductible à tout autre),rapport réel, supposant et reliant deux termes
distincts,procédant réellement d'un sujet réel et se terminant réelle-
ment à un autre (pp. 154, 156). La relation sociale ne peut se dé-
tacher des sujets qu'elle relie, mais elle s'en distingue réellement,
bien qu'elle ait en eux son sujet et sa cause. La société, ce sont les
hommes, en tant qu'unis par leurs relations physiques, intellectuelles
et morales, et constituant ainsi une unité (unité d'ordre), un corps
réellement un. Ce corps n'est pas la somme des individus ; il n'exis-
te que par l'adjonction d'un élément nouveau : les relations sociales.
L'État a pour éléments constitutifs, des choses, des individus, des
groupes, unis entre eux par certaines relations qui ont le Bien com-
mun pour principe et pour objet. Cette formation réelle spéciale
donne un corps moral, mais réel, objectif, à la personnalité morale
de l'État.
Quel est le principe animateur du corps social ? La Puissance pu-
blique dont la sociologie nous dévoile la nature (p. 160). La puissance
ou énergie qui, inséparablement inhérente, immanente au groupe, en
assure la marche et le fonctionnement, c'est l'ensemble des énergies
individuelles dépensées volontairement (*) par chacun de ses mem-
bres dans la poursuite du Bien commun. Cette énergie, réalité psy-
chologique et certaine, est une et homogène en soi, parce que, chez
tous les individus : citoyens, fonctionnaires, gouvernants, elle tend
au Bien commun, mais elle se différencie en chacun des membres
du corps social, selon sa fonction. Car la société-organisme ne se
conçoit pas sans la différenciation des fonctions exigées par le but
objectif et unique. La Puissance publique se concentre, par le fait
d'une organisation consciente et volontaire, conditionnée souvent
par des forces historiques, psychologiques, économiques, etc. en un

(1) Au moins sous la forme du coactus volui, sed tamen volui.


BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 159

Ou plusieurs membres du groupe qui deviennent ses organes d'au-


torité ; alors apparaît la Puissance publique organisée, objet du
Droit public (pp. 160-i62). D'après le R. P. D., la communication
de la Puissance publique aux gouvernants se fait par une double
adhésion volontaire au Bien commun : celle des gouvernants ou
fonctionnaires, qui, en prenant la fonction, prennent la charge du
Bien commun,pour lequel la fonction "existe et dont ils dicteront
les exigences, selon les conditions concrètes du milieu historique, et
celle des gouvernés, qui nomment ou agréent ces ministres du Bien
commun, dont ils les regardent comme les organes suffisants et né-
cessaires. Car le corps social peut se constituer les organes différen-
ciés, que le Bien commun requiert ; or, le gouvernant est l'organe
différencié (*) auquel le groupe confie la charge du Bien commun
(phénomène d'organisation qui a pour idée-mère la fonction à rem-
plir) (»).
Cette conception sociologique se traduit en Droit public par cette
affirmation fondamentale, base de toutes les Libertés publiques :
le droit pour le corps social de s'organiser lui-même et de régler
et contrôler sa marche, de se donner à lui-même sa loi. Cette loi est
d'abord un ordo, ordre statique et dynamique, immanent à la
masse armorphe,dontil fait une société au fonctionnement harmo-
nieux, et ensuite un jussus, parce que le corps social est une per-
sonne morale qui commande à des personnes physiques et qu'il n'y
a, entre personnes, qu'un lien de droit et de justice, l'obligation de
se rendre l'une à l'autre ce qui lui est dû (3).
L'État est donc un organisme (contre les doctrines individualistes
et subjectivistes), mais ce n'est pas un organisme physique, aux réac-
tions physiques et instinctives (contre Duguit), absorbant l'indi-
vidu dans le corps social (contre Durkheim), mais un organisme mo-
ral, doué d'une unité d'ordre, qui résulte de l'organisation d'élé-
ments hétérogènes et d'un principe organisateur (Bien commun)
qui fait des éléments différenciés un tout nouveau, supérieur en va-
leur intrinsèque à chacun d'eux et à leur somme.
Mais, en affirmant la transcendance de l'État par rapport aux in-
dividus et groupes subordonnés, qui en reçoivent les conditions géné-
rales de leur existence et de leur développement,^ conception orga-
nique et morale du R. P. D. affirme aussi la transcendance de la
personne humaine et de sa finalité ultime, et elle les soustrait à la
tyrannie de l'État.C'est aux utilités de la personne humaine et de sa

(1) Incorporé au groupe.


(2) Cf. pp. 237-238.
(3) Cette conception sociologique, base ferme des Libertés publiques, rejoint
la philosophie sociale de S. Thomas d'Aquin, pour qui la Tota multitudo (ensem-
ble des personnes humaines dont elle est composée) possède, de droit naturel,
par essence, en qualité de personne collective, douée de raison (p.166), le pouvoir
de disposer d'elle-même, en vue de ses buts naturels (Libéra multitudo).
100 TH. BÉSIADÈ

destinée spirituelle que sert l'État, oeuvre de la raison humaine, en


revêtant des formes techniques du Droit public, les relations de jus-
tice qui rattachent les individus à la société et la société à la
personne humaine. L'État, personne de Droit public, existe, dès
qu'est établi cet ordre juridique. La théorie sociologique du R. P. D.
aboutit, en Droit public, à une définition de l'État, comme état de
droit et de légalité, et à la théorie institutionnelle du Droit positif.
Le Droit international sera aussi un droit institutionnel, placé sous
le signe du Bien commun. Mais n'y a-t-il pas contradiction entre la
théorie moderne de la souveraineté de l'État et sa soumission natu-
relle à un ordre international, objectif et obligatoire?
Le R. P. D. cherche dans le passé (ch. V et VI),sans vouloir écrire
une histoire des doctrines sociologiques et juridiques, une meilleure
intelligence des principes qu'il adopte pour leur valeur intrinsèque.
Il jette un coup d'oeil préliminaire sur la période antérieure à Fran-
çois Vitoria. 11 fait ensuite, des doctrines contraires de Vitoria et
Suarez (x), un exposé lumineux et pénétrant, d'où nous nous bor-
nerons à extraire quelques idées particulièrement notables.
Relevons d'abord les rapports que le R.P. D. établit entre le
Droit positif et la sociologie (pp. 271-272), entre le Droit positif et
la morale (pp. 234, 235, 278, 47). Le Droit construit sur un terrain
qu'explore la sociologie et dont elle réclame la propriété. La socio-
logie, science normative, lui fournit les principes d'organisation
sociale rationnelle et lui indique la fin à atteindre par la technique
juridique ; la sociologie, science d'observation, renseigne le juriste
sur l'état concret de la réalité sociale. Le Droit est le construction
positive, la détermination progressive, rationnelle, de données so-
ciologiques antérieures, idéales ou concrètes, matière qu'il revêt
de formes juridiques et munit de sanctions. Car le Droit positif n'est
que la loi du groupe organisé.
La doctrine du droit objectif ne confond pas les domaines du droit
public et de la morale. Le Droit n'est pas une morale, mais une
science autonome : son objet est de donner une forme positive et
technique aux exigences du Bien commun, de déterminer les pro-
cédures et les sanctions les plus efficaces. C'est pourtant une « scien-
ce morale », car le Bien social, expression de l'idéal social naturel de
l'homme, oblige l'homme, au nom de sa nature même, donc morale-
ment ; les rapports sociétaires, dont le Bien commun est le centre et
le pivot, ont, aux yeux des moralistes, une valeur morale ; le mora-
liste appelle « vertus morales » la justice sociale et la justice distri-
butive (morale sociale, soubassement du Droit positif) et il en dé-
clare les actes moralement obligatoires ; aux règles juridiques distinc-
tes des règles morales, il reconnaît une force d'obligation qui lie les

(1) Il relève des similitudes frappantes entre îa doctrine de Suarez et la con-


ception moderne (non pas contemporaine) du Droit international.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 161

consciences. Le juriste accomplit une oeuvre morale, en organisant


la destinée sociale de l'homme et en obligeant en conscience là per-
sonne humaine, naturellement sociale.
Au fond, le conflit du Droit à fondement objectif (Vitoria) et du
Droit subjectif (Suarez) est le conflit de deux sociologies. L'erreur
introduite par Suarez est l'erreur individualiste et volontariste
sur la nature des sociétés. Les relations sont nouées sans intermé-
diares, d'individu à indiyidu (l'individu étant le terme direct du
rapport social). La société et les institutions sociales sont une simul-
tanéité, une coalition, un entrecroisement d'actes privés, sous la
pression des nécessités physiques et del'obligation morale (justice
interindividuelle ou commutative, amour et miséricorde), qui pèse
sur l'individu et elles résultent du consensus des volontés individuel-
les. Cette conception sociologique, où aboutit la philosophie volon-
tariste (l'homme est d'abord une volonté), conduit au volontaris-
me juridique (*) et à la conception individualiste qui, méconnais-
sant le Droit naturel social,donne une forme technique à des rapports
intêrindividuels et se borne à faire respecter les droits subjectifs
des individus en passant sous silence les obligations de justice socié-
taire (sociale et distributive.)
Dans la conception du droit à fondement objectif, le but, l'idée,
la finalité joue le rôle décisif, pour la genèse des relations sociales
et la formation des groupes (but objectif, transcendant et immanent,
existant en dehors des individus, mais non sans eux, terme direct
et règle normative des relations sociales, dont l'individu est le terme
médiat et le bénéficiaire ultime) Les liens de justice sociale et de
justice distributive,qui tiennent à la transcendancedu Bien commun
et à son immanence, répondent au fait sociologique de l'incorpora-
tion du membre à la société et à la double relation caractéristique
de toute société, qui va du membre à la Société et de la société à la
personne humaine ; ils sont la substance du Droit positif, qui les
revêt de formes techniques et autoritaires
Or, cette conception du droit à fondement objectif affirme aussi
l'existence et l'inviolabilité des droits subjectifs. Car tout part de la
personne humaine, seule source originale d'énergie et de conscience,
tout lui fait retour, pour qu'elle réalise son idéal humain, mais « en
passant par le transformateur qu'est le Bien commun » (p. 318).
L'édifice social, dont le Bien commun est la clé de voûte objective,

(1) La Loi, expression d'une volonté, tire sa force obligatoire d'une volonté
supérieure commandante ; la Puissance publique, dont le propre est de faire
la Loi,est formellement le pouvoir d'un vouloir qui est le fondement de l'obliga-
tion, bien qu'il doive, dans son exercice,respecler les règles morales (condition).
Les rapports des gouvernements et des gouvernés, les rapports mutuels des États
sont régis par la justice contractuelle : pacta et conventa justa sunt servanda.
Toutes- les volontés étatiques étant égales et ultimes, la puissance publique
n'est soumise à aucun pouvoir supérieur de même ordre.
REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. 1. — 11.
162 TH. SÉSIADE

et qui forme un ensemble objectif, suppose à la base les individus


sujets de droit ; la société, qui incarne le Bien commun, est, au
sommet, une personne morale, sujet de droit (*) Cette harmonie des
droits subjectifs, inaliénables, de la personne et de sa soumission à
un principe objectif transcendant, établit l'ordre de droit, au sein
de toute société
Au ch. VII (p. 283) le R.P.D. écarte la théorie moderne, la"fausse
idée claire de la souveraineté externe des États, comme périmée (con-
traire à tout essai d'organisation internationale) et il la remplace
par l'idée de Liberté, qu'il définit d'abord au point de vue philoso-
phique, avant de l'appliquer aux corps sociaux. (Le problème de la
souveraineté est un problème philosophique et la doctrine classique
de la souveraineté absolue est,en science politique, l'application de la
doctrine philosophique de l'autonomie absolue de la volonté ).
La liberté, propriété naturelle de la volonté,consiste dans le pouvoir
psychologique, qui rend la volonté maîtresse de son choix entre
agir ou ne pas agir, entre agir dans tel sens ou agir dans tel autre, en
vue d'un but (notre bien total), prédéterminant et nécessairement
voulu (2). Le vouloir social n'étant que les vouloirs individuels,
orientés et tendus vers le Bien commun, la liberté, appliquée aux
corps sociaux, c'est le pouvoir psychologique de fait, immanent au
groupe, de choisir lui-même la loi interne de son organisation et la
ligne politique extérieure, conformes à ses buts naturels. En tout
homme, la volonté spirituelle veut nécessairement la vie sociale, en
général, que la raison lui propose comme une condition nécessaire
à son bonheur ; mais elle est indéterminée devant toutes les formes
particulières de vie sociétaire, qui ne satisfont que partiellement et
où elle concrétise, en les choisissant d'elle-même, son vouloir-
vivre social, force motrice qui provoque toutes les manifestations
particulières de la vie sociale. Si elle les choisit, c'est pour atteindre
les buts visés, dont la raison lui dicte les exigences. La liberté du corps
social suppose les fins sociales rationnelles et elle consiste dans le
pouvoir de s'arrêter à des décisions particulières, conformes ou non
à ces fins. Ces décisions tirent leur valeur de droit, non de la liberté
qui s'y arrête, mais de leur finalité, de l'idéal social prédéterminé
qu'elles servent. Ce pouvoir est, pour le corps social, un pouvoir na-
turel, dont l'exercice constitue un droit naturel.
La souveraineté nationale est donc, pour le corps politique, le
droit de choisir, par lui-même, les institutions qui, à un moment
donné, répondent aux exigences du Bien commun. La souveraineté

(1) En niant la personnalité physique et morale, Dttguit rend impossibles le


Droit social et le Droit international. Sans personne physique ou morale, point
de Bien commun, force unifiante et normative.
(2) Elle est compatible avec l'obligation morale de sujétion rationnelle à un
but et elle suppose psychologiquement une volonté déjà fixée à un but ultime.
BÙLLETINjDE PHILOSOPHIE SOCIALE 163

ne prend son sens plein et exact qu'appliqué à l'État, personnifica-


tion du corps social, dans ses rapports avec ses subordonnés ; elle
dénote le caractère suprême de l'autorité étatique (en raison de la
transcendance du Bien commun, poursuivi par l'État, sur le bien
privé des individus), et elle consiste dans la liberté que l'État exerce
sur les individus et les groupes subordonnés et qui lui permet de
fixer de lui-même ce qu'il leur fera faire ou ce qu'il fera, en vue du
Bien commun, but préfixé, dont l'attirance explique qu'un choix
soit possible, dont la force d'obligation morale donne aux décisions
prises une force de droit.
Or, les éléments réels de la liberté, dominée par la finalité, se re-
trouvent dans la vie des États, personnes morales du Droit interna-
tional, et c'est cette liberté qui assure le respect de leurs droits, dans
la communauté internationale. Ici, la fin, c'est le Bien commun
international (ensemble des conditions générales nécessaires à la
vie privée : conservation, prospérité et fonctionnement des États)
auquel une nécessité de fait et de droit force les États à recourir.
L'État national est social par nature, car, ayant la charge d'assurer
à ses nationaux tous les biens requis par le plein développement de
leur personnalité, il doit demander à une Société plus vaste ce qu'on
ne trouve pas dans son territoire limité (1). Le Bien commun inter-
national (avec les institutions où il s'incarne : règles juridiques, voies
et moyens de sociabilité), réalité objective immanente et transcen-
dante aux États (2), est l'idée-mère de la société organique des États,
le fondement objectif des règles de son droit interne et la finalité
naturelle et nécessaire qui répond au vouloir nécessaire et illimité
de vie commune. La liberté des États se développe, à partir de ce
désir naturel (non libre) de groupement universel, sous la pression
de communs besoins, en fonction d'un idéal ultime de vie sociale,
qui n'est ni psychologiquement ni moralement, objet de liberté.
Elle s'exerce, d'abord, comme un pouvoir psychologique de fait
par lequel les États arrêtent d'eux-mêmes les types d'institutions
internationales qu'ils jugent préférables, tout en étant moralement
obligés de choisir ceux qui conviennent au Bien commun interna-
tional ; ensuite, comme un pouvoir psychologique de fait qui permet
aux États d'agir ou de ne pas agir,d'adhérer ou de ne pas adhérer
aux règles et injonctions les plus impératives. Sous ce double mode,
la liberté est une propriété naturelle de l'État, personne morale, et
la jouissance de cette liberté est, pour l'État, au sein de la Société
internationale organisée, un droit subjectif.
Dans le mode qui consiste à se déterminer par soi-même à agir

(1) Membre de cette société,il n'est complet et parfaitement lui-même qu'en


elle (p. 264). Sans elle, l'ordre politique serait incomplet.
(2) Qui sont sa cause efficiente, son support et sa cause finale, et que leur
nature même place sous sa dépendance, parce qu'elle est nécessaire à tous et à
chacun.
164 TH. BÉSIADE

ou à ne pas agir, le R.P. D. voit le rempart de la souveraineté inter-


ne de l'État, contre les empiétements de la Société internationale ;
car si l'État est tenu (devoir moral, obligation juridique), de faire
siennes, en les adoptait! et ratifiant, les mesures fixées par le Droit
international, de les appliquer et les adapter à ses nationaux, comme
législateur, administrateur et juge, c'est son droit ; et c'est aussi son
devoir, qui fonde le droit d'un contrôle et d'une sanction interna-
tionaux. Il n'y a pas absorption d'un pouvoir par un autre, mais
activité libre de l'État, qui, prenant pour point de départ de ses
libres initiatives les règles du droit international et les buts qu'il
lui fixe, agit envers ses nationaux, comme une personne morale,
consciente de ses obligations et maîtresse de ses actes.
Le mode qui consiste à agir en tel ou tel sens, se réalise, pour l'É-
tat, dans le pouvoir, le devoir et le droit subjectif naturels de choisir
les formes les meilleures d'organisation internationale et de parti-
ciper à la gestion de la communauté internationale, selon la place
et les charges qui lui reviennent ; car l'égalité des États, personnes
morales, ne supprime pas leurs inégalités individuelles. C'est ce que
le R. P. Delos appelle les Libertés publiques de l'État.
Cette doctrine ouvre des horizons nouveaux et indéfinis aux libres
énergies des États, pour l'assimilation intelligente des normes inter- •
nationales, d'ordre économique, social, politique, humanitaire, in-
tellectuel, et pour l'organisation et l'administration de la Société
internationale.
Enfin, dans le ch. VIII (p. 316), le R. P. D. prouve d'abord que les
États, soumis au droit objectif, sont, en qualité de personnes morales,
titulaires de vrais droits subjectifs naturels, de droit, fondamentaux,
qui, tout en étant des droits personnels, portent la marque de la
sociabilité inhérente à la nature de l'État et appellent un ordre so-
cial où les États s'intègrent, en les exerçant. Droit à l'existence (le
premier de ses droits) et droits qui en dérivent, y compris le droit de
souveraineté interne, dont l'État peut se prévaloir à l'égard des
autres, comme de vrais droits subjectifs, sont fondés sur sa fonction
civilisatrice et l'incorporent à la société interétatique (ou société
de civilisation, seule capable de procurer le bien complet de la
vie humaine, accessible à un moment donné) dont il devient l'or-
gane, l'agent libre et conscient, dès qu'elle est organisée (*). L'État
particulier atteint son but, en reliant ses membres à la société de
civilisation, d'amplitude universelle, dont les bénéfices, grâce à lui,
se reverseront sur eux. Réclamer l'indépendance politique, c'est
poser sa candidature à ce rôle d'intermédiaire et se déclarer apte
à le remplir ; se constituer en État, c'est se faire agréer comme

(1) Le droit de guerre offensive n'est pas une prérogative de l'autorité étati-
que (réglée par la morale interindividuelle), mais le droit d'accomplir organique-
ment une procédure internationale d'exécution forcée. — Le R. P. D. ramène
le droit de souveraineté externe de l'État au droit de protéger le droit des
nationaux au Commerce international.
BULLETIN DE PHILOSOPHIE SOCIALE 165

fonctionnaire de la civilisation.—Ainsise concilientharmonieusement


et les droits subjectifs des États et les liens sociétaires qui les ras-
semblent, puisque les États, en faisant valoir leurs droits, se ran-
gent sous le signe de la civilisation, dont ils sont les organes, et sous
la loi du groupe international, dont ils sont les membres.
Par conséquent, l'ordre juridique international, instauré par le
Droit international (loi de groupe et non expression de volontés
qui s'affrontent et s'accordent), n'est pas un ordre individualiste,
qui assure la juxtaposition pacifique, l'ajustement de sujets indé-
pendants, mais un ordre sociétaire et organique, qui repose essen-
tiellement sur la justice sociale internationale et sur la justice dis-
tributive internationale. Le Droit international, comme tout droit
positif, revêt de formes juridiques les devoirs et les droits des États
au sein de la Société internationale, en tenant compte de leur éga-
lité personnelle et de leurs inégalités individuelles (pp. 333-337).
Les relations de justice commutative fournissent au Droit interna-
tional une partie de sa matière ; car l'ordre interindividuel, "l'état
d'équilibre qu'elle établit, est à la fois la base et le terme, la condition
et l'un des buts de la vie sociétaire.Sans le respect des droits indivi-
duels, la vie commune serait impossible ; et la protection, la sécurité
des droits individuels est un des éléments constitutifs du Bien com-
mun, qui fait retour, d'abord sous cette forme, aux individus, Mais
quand le droit international s'en occupe, c'est comme d'un donné,
qui est le point de départ et le terme de retour de l'ordre sociétaire,
sous l'angle du Bien commun, son but objectif,qui mesure, même en
cette matière, son aire d'application. C'est dans les règles de la jus-
tice, ou sociale ou distributive, internationale qu'il a ses règles
propres et caractéristiques.
On peut donc définir le Droit international un droit à fonde- »
ment objectif, de nature institutionnelle, et non pas consensuelle,
contractuelle et volontariste, qui a pour matière tout ce qui, dans
la vie internationale, influe sur le Bien commun international et cela
seulement (p. 339).
Nous félicitons chaleureusement le R. P. D. d'avoir mis en
oeuvre avec, une haute sagesse et un art consommé, la doctrine
intemporelle et toujours moderne de S. Thomas d'Aquin. Il ne
lui a pas demandé des solutions toutes faites, mais des prémisses
aptes à éclairer des situations,dont les formes contingentes évoluent
sans cesse et qui pourtant répondent à des besoins humains perma-
nents (pp. 174, 187). Il a ouvert ainsi des voies lumineuses et sûres
où il est grandement souhaitable que le Droit international, qui,
soiis la pression des faits, y entre en tâtonnant, s'engage d'un pas
résolu (1).
Amiens. TH. BÉSIADE, Q. P.

(1) M. Georges RENARD, l'un des plus brillants et des plus vigoureux cham-
pions du Droit à fondement objectif, vient de publier le 1er volume de la Théorie
de l'Institution ; ce volume forme la partie juridique ; le second représentera
la partie philosophique. Nous en rendrons compte plus tard à nos lecteurs.
BULLETIN DES INSTITUTIONS
ECCLÉSIASTIQUES

I. — GOUVERNEMENT DE L'ÉGLISE.

Hiérarchie. — M. B. H. STREETER a publié le résultat de ses


études sur l'organisation hiérarchique des communautés chrétien-
nes primitives (x). Selon lui, l'examen des documents des deux
premiers siècles et en particulier des Actes des Apôtres révèle une
diversité assez notable entre les organisations de chaque commu-
nauté, selon que le fondateur est tel ou tel apôtre. S. Ignace, d'au-
tre part, a joué un grand rôle et a contribué à l'établissement de la
monarchie ecclésiastique à Rome. Malheureusement M. Streeter
insiste beaucoup sur les circonstances qui ont entouré la fondation des
diverses communautés chrétiennes et pour marquer les différences
d'organisation qui ne sont qu'accidentelles, il oublie trop les traits
communs qui sont l'application du principe essentiel, à savoir la
succession du Christ et des apôtres. Si donc de nombreuses remar-
ques de l'auteur sur le rôle des circonstances et de certains person-
nages sont fondées, l'idée principale qui dans l'établissement du
Christianisme est celui de son'unité par la communauté de foi et
de vie religieuse et la succession apostolique se trouve, en fait,
éludée. Mais G. nous a prévenu que son dessein prédominant est de
marquer, plus qu'on ne l'a fait, la diversité qui existe dans les égli-
ses primitives, afin de montrer que les Ëpiscopaliens, les Presbyté-
riens et les Indépendants peuvent découvrir, chacun de leur côté,
le prototype du système auquel ils adhèrent. On ne peut être plus
charitable, plus libéral et moins dogmatique que le savant chanoine
de Hereford. Son livre est d'ailleurs très agréablement écrit, plein
de vues ou de suggestions personnelles que l'auteur ne cherche pas
à imposer.

Papauté. — Depuis lapublication de son livre sur Cyprien et


le Primai romain, en 1910, M. Hugo KOCH a pris une place impor-
tante dans la question de l'origine de la Papauté.Ses vues histori-
ques et le mouvement de discussions et de critiques qu'elles ont

(1) B. H. STRE ETER. The primitive Church studied with spécial référence to
the origins of tfte Christian mjnistry. London, Macmillan, 1929 ; in-8, xn-312 pp,
BULLETIN DES INSTITUTIONS ECCLÉSIASTIQUES' * 167

soulevées depuis lors ne sont pas elles-mêmes étrangères à îa notoriété


acquise par l'auteur du nouveau volume que nous présentons.
Depuis vingt ans K. n'a cessé, à diverses reprises, de maintenir
sa thèse première et de la mettre au point, sinon dans ce qu'elle a
de foncier, du moins en quelques-uns de ses détails. Elle nous re-
vient aujourd'hui, très en forme peut-on dire, sinon plus intransi-
geante que par le passé (*). La dernière phrase du livre en dit tout le
contenu et la démonstration dans la pensée de son auteur : « L'église
du nre siècle ne connaît dans le texte de Matthieu (xvi, 18 sq.)
que la création de l'office épiscopal ; une Papauté point. »
Après un avant-propos et une introduction, K. divise le contenu
de son livre en trois parties : I. La question du Primat chez Ter-
tullien ; IL La question du Primat chez Cyprien ; III. Le dogme de la
Papauté. Les deux premières parties relèvent avant tout de la cri-
tique historique et la dernière, sans quitter ce terrain, vise spéciale-
ment à une interprétation d'ensemble des données multiples qui en-
trent d'ordinaire en ligne de compte dans les discussions sur l'ori-
gine du Primat.
On ne peut méconnaître que K. possède une grande connaissance
de son sujet, une remarquable clarté d'exposition et l'habileté d'un
- bon polémiste mais il est d'une grande raideur dans l'interprétation
\

des textes, ce qui profite à l'unité de sa thèse, sans doute ; mais ce


qui causera quelque défiance à plus d'un critique. Les polémiques
ne toucheront pas à leur fin, si je ne m'abuse, avec Cathedra Pétri.
En tout cas, les positions de K., comme celles de Caspar, obligeront
les historiens qui entreront dans la lice à serrer les questions de près.

M. E. CASPAR commence une Histoire de la Papauté de ses com-


mencements à sa suprématie universelle et ce premier volume traite
de «
L'Église romaine et l'Empire romain ». Il comporte un court
avant-propos et une table analytique de ses douze chapitres, le corps
de l'ouvrage, des notes bibliographiques à chaque chapitre, une table
des noms de personnes et de lieux, et finalement la liste des lettres
de papes citées dans l'ouvrage.
Le travail de C. ne laisse rien à désirer dans sa présentation en ce
qui concerne les exigences d'un travail scientifique historique bien
conduit. L'érudition en est très étendue et précise, la disposition des
parties claire et logique, la rédaction élégante dans sa sobriété et
son exactitude, si bien que nous avons affaire à une oeuvre savante
qui est en même temps une oeuvre d'art. La lecture du livre de C. est

(1) Hugo KOCH. Cathedra Pétri. Keue Unlersuchungen ùber die Anfânge der
Prïmatslehre. Giessen, A. Topelmann, 1930 ; in-8, xn-188 pp.
(2) Erich CASPAR, Geschichte des Papsllums von den Anfângen bis ZUT Hohe
der Weltherrschaft. Erster Band. Romische Kirche und Imperium romanum.
Tubingen, J. Ç. B. Mohr, 1930 ; in-8, xv-633 pp.
168 P. MANDONNET

entraînante, passionnante même, et cela n'est pas dû seulement à la


grandeur du sujet qui est abordé, mais aussi au savoir et à l'art
avec lesquels il est traité. La présentation matérielle du livre est
d'ailleurs excellente.
A tout point de vue l'oeuvre de C. est une oeuvre de grand style.
Il est extrêmement intéressant de voir un historien non catholique
attiré par la vue du rôle éminent joué par la Papauté dans l'histoire
du catholicisme ou, plus exactement, dans l'histoire de l'Église.
C. s'en est expliqué clairement dès le début de son bref avant-propos,
et il souligne non sans admiration qu'aucune autre institution éta-
blie parmi les hommes n'a pu subsister pendant vingt siècles. Un
h'storien catholique, ou tout au moins un apologète, trouverait
l'explication d'un tel ordre de choses dans le fait que le Christianis-
me, quoique constitué avec des hommes et pour des hommes qui su-
bissent les conditions communes de l'humanité, possède en lui un
principe de vie supérieure, d'ordre divin. En tout cas, la constatation
du cas exceptionnel de la Papauté nous fait entendre qu'avec C.
nous ne sommes pas en présence d'un historien qui méconnaîtrait
la grandeur de l'institution dont il aborde l'histoire,ou en entrepren-
drait l'étude avec des préoccupations étroites ou viciées de partisan.
Bien plus, C. nous déclare, avant de se mettre en route, sa pensée
sur la position où se trouve l'historien en face de la Papauté. En tant
que l'idée de la Papauté a pris un corps dans l'Église romaine et
ses conducteurs, elle tombe, comme toute idée, dans le champ de
l'observation historique ; mais en tant qu'elle est une vitalité inté-
rieure, ou une foi religieuse, elle est suprahistorique, parce que pour
les croyants elle est une vérité éternelle et immuable, par suite, sans
développement et c'est pourquoi l'idée spéculative du contenu de
vérité de cette idée est hors du domaine de l'histoire. Par contre,l'in-
corporation de l'idée pontificale dans la Papauté est soumise aux
lois historiques d'établissement, de développement et de vicissitude.
C'est pourquoi une considération d'ordre historique ne peut pas
embrasser le thème « Papauté » dans son ensemble et encore moins
l'épuiser. Elle demeure, comme tout ce qui est humain, une oeuvre
faite de pièces et de morceaux. Elle demeure telle aussi, en un sens
étroit, parce que plus elle remonte en arrière dans les temps passés,
plus elle est liée au matériel toujours en ruine de la transmission des
sources. Mais ici la discrétion doit intérieurement et extérieurement
guider l'historien et il doit résister à la tentation d'imposer une
conviction aprioristique à des sources insuffisantes, ou, sous ce même
prétexte, de les rejeter dans le domaine de la spéculation. C'est entre
ce double danger que se trouve en grande partie placé celui qui veut
écrire l'histoire de la Papauté : ce qui a été fait jusqu'à présent le
démontre.
Nous avons tenu à traduire à peu près intégralement et littérale-
ment les déclarations de principe de C. Il est aisé d'y reconnaître
une attitude de respect à l'égard de l'institution de la Papauté et
BULLETIN DES INSTITUTIONS ECCLÉSIASTIQUES 169

des convictions catholiques et, d'autre part, l'affirmation d'une saine


méthode historique. Il était utile, croyons-nous, de signaler cette
position de l'historien au début d'une oeuvre trop étendue et trop
complexe pour que nous songions à en donner même une simple
analyse. On pourra au moins en pressentir l'esprit.Quelques-uns, H.
Koch l'a déjà fait, critiqueront les déclarations que nous venons
de transcrire ; d'autres discuteront quelques unes des solutions pro-
posées par C.,au cours de son oeuvre,car elles sont depuis des années
à l'ordre du jour et l'auteur de la nouvelle Histoire de la Papauté
y a pris une part importante. Il n'y a guère à espérer que l'unité
de vues parvienne à s'établir sur un certain nombre de problèmes
relatifs aux premiers siècles de l'histoire de l'Église : l'état de la
documentation, la diversité des esprits et de leur formation critique
et même leur culture générale, sans faire appel à des convictions ou
à des préjugés préalables, tout cela rend difficile, sinon impossible,
un « credo » historique unique. Mais une oeuvre supérieurement tra-
vaillée comme celle de C. rend toujours service par ses qualités de
facture à ceux qui se livrent aux recherches historiques et à ceux
plus nombreux encore qui désirent simplement s'informer.
Le volume de M. Giovanni SORANZO (X) sur La papauté, l'Europe
chrétienne et les Tartares, est constitué par une courte préface, le
sommaire analytique de l'ouvrage qui comprend treize chapitres
et une conclusion, une liste des sources et de leur publication, la
bibliographie afférente à la partie historique, un index des noms de
lieux et de personnes et une série de cinq tableaux dont quatre sont
consacrées aux généalogies des princes mongols et un à la géographie
de l'empire tartare vers 1300.
L'orient médiéval, comme tant d'autres sujets historiques, est à
l'ordre du jour et les publications grandes et petites se multiplient.
M. Soranzo a entrepris l'étude des rapports de la chrétienté avec
l'Asie au xme et au xive siècle. Il nous avertit lui-même dans sa
préface du point de vue où il s'est placé pour aborder son sujet, car
c'est par là, juge-t-il avec raison, qu'il est nouveau : c'est le rôle de
la 'apauté et de la Chrétienté en face du péril mongol et musulman.
.S. nous présente un bon exposé d'ensemble de ce problème histori-
que, ni trop bref, ni trop développé, ce qui est une excellente condi-
tion pour se faire lire. La rédaction du livre est d'ailleurs agréable
et son auteur paraît bien informé.
Je ne puis toutefois féliciter S. de son esprit critique, au moins
quand il croit pouvoir affirmer que le récit de la mission d'Aicelin
de Lombardie, écrit par Jean de Saint-Quentin et inséré en addition
par Vincent de Beauvais à son Spéculum hisloriale, est une oeuvre

(1) Giovanni SORANZO. Il Papatn. VEuropa chrisliana e i Tartari. Un secolo


di Penetrazione occidentale in Asia. Milano « Vita e Pensiero », 1930 ; in-8, xn-
(324 pp.
170 P. MANDONNET

apocryphe (p. 116-120). II n'est venu à l'idée d'aucun des nombreux


historiens ou critiques qui se sont occupés de ce récit de voyage
ou qui l'ont édité qu'il pût n'être pas authentique. (Voy. Paul Pel-
liot, Les Mongols et la Papauté, dans Revue de l'Orient chrétien,
t. IV (XXIV), 1924, pp. 200-280 ; extrait, pp. 06-84).
Je profite de l'occasion pour fournir une contribution à la question
« Aicelin » qui a été étudiée par M. Pelliot avec un soin et une acribie
au-dessus de tout éloge (loc. cit..pp. 202-335 ; extr., pp. 66-139).
On possède encore le sceau d'Aicelin confectionné pour la mission
d'Orient dont il avait la direction. II est appendu au « vidimus »,
sans date, d'un acte de Simon de Montfort de 1214. Il se trouve
aujourd'hui aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône
(Chartrier de Mondragon.n0 151) et a été jadis décrit et reproduit
par Louis Blancard (Iconographie des sceaux et bulles de Provence,
Marseille, 1860 ; p. 220 du vol. de texte, et planche 90, n° 4 du vol.
de planches). C'est un sceau ogival et la légende en capitales romai-
nes, mélangées de majuscules gothiques, entre cordon, est celle-ci :
S. Fratris Aicelini de Cremona. — Dans le champ, le Christ, au
nimbe croisé, sur une croix accostée en chef du soleil et de la lune —
au-dessus de la tête du Christ, trois lettres placées verticalement
SCS (sanctus). — Parmi les trois signataires du vidimus : El ego
fratcr Aicelinus subprior fratrum predicatorum Awz'nzonfensium].
On a souvent corrompu la forme du nom d'Aicelin et l'on a aussi
discuté en des sens très divers la question de son pays d'origine et
Pelliot a soumis à une critique serrée ces deux points controversés.
Il admet avec raison qu'on doit accepter la donnée de Ptolémée de
Lucqucs : Frater Azelinus Lombardus. Le sceau et le document si-
gnalés nous apprennent qu'Aicelin se désignait lui-même en latin
par le nom Aicelinus et qu'il était non seulement lombard, mais
encore qu'il était de Crémone, tout comme frère Guichard qu'il
prit avec lui en passant à Tiflis.
Le champ du sceau, qui est occupé par un Christ en croix au na-
turel, nous montre aussi que nous ne sommes pas en présence du
sceau d'un simple particulier. Nous ne connaissons à Aicelin aucun
office ou grade qui l'autorisât à avoir un sceau ; mais eût-il ce droit,
il ne pouvait avoir un Christ dans ses armes. Ce privilège était ex-
clusif pour le maître général des Prêcheurs. Le chapitre général,
tenu à Bologne en 1240, porte cette admonition : Nullus faciat sibi
sigillum fieri, nisi predicator fuerit generalis, et qui aliter habent,
usque ad instans capitulum provinciale reddere suis prioribus te-
neantur. — Item. Nullus sigillum habeat curiosum, nec excepto
magistro ordinis, in sigillo suo faciat fieri crucifixum ( icta cap. yen.,
éd. Reichert, Romae, 1898, p. 17). On possède les sceaux de la plu-
part des maîtres généraux de l'ordre et, depuis Saint-Dominique
jusqu'en plein xvi° siècle, ce sceau est un crucifix. On ne s'explique
les conditions du sceau d'Aicelin qu'en y voyant|le sceau qui lui fut
concédé à Lyon par l'autorité pontificale pour les actes officiels
BULL ETIN DES INSTITUTIONS ECCLÉSIASTIQUES 171

qu'aurait à délivrer l'ambassade à la tête de laquelle se trouvait


Aicelin. L'importance de sa mission et sa nature, car c'était là une
façon de croisade pacifique, firent concéder à ce religieux des armes
similaires à celle des généraux de son ordre.
Revenu d'Orient, Aicelin garda l'usage de son sceau et, au temps
où il l'emploie, il reste encore vraisemblablement au service ponti-
fical pour les missions d'Orient. C'est pour se tenir à la disposition
du pape qu'il s'est retiré à Avignon, non loin de la curie qui est
encore à Lyon. Pour honorer sa personne et ses mérites, ses confrères
l'ont nommé sous-prieur de leur couvent, bien que lui, lombard,
n'appartînt pas même à leur province.
Le volume, édité par les soins du Rev. R. H. Murray, contient
sept conférences données jadis par J. B. BURY (*), sur La Papauté
au dix-neuvième siècle, en réalité sur quatorze années du pontificat
de Pie IX, et elles envisagent exclusivement le mouvement doc-
trinal qui va du Syllabus à la définition de l'infaillibilité pontificale,
ou plus exactement à la chute du pouvoir temporel. Elles sont l'oeu-
vre d'un écrivain très connu en Angleterre par ses travaux sur l'his-
toire de la Grèce et de Byzance, et à qui M. Murray consacre une im-
portante notice biographique au début de l'ouvrage qu'il nous pré-
sente. Un savant rompu aux méthodes historiques peut transporter
parfois honorablement le champ de ses investigations très loin de
celui qui fait l'objet de ses recherches ordinaires et dans les confé-
rences de B. on trouve une étendue suffisante d'information et un mo-
de de présentation agréable et rapide ; mais nous sommes en présence
d'un récit historique très unilatéral. Nous avons ici, sous les yeux, l'ex-
posé des oppositions faites au mouvement doctrinal contemporain
du règne de Pie XI et B. se constitue visiblement l'historien-avocat
des résistances dans l'ordre des faits et des idées. Au reste, nous
sommes avertis dès la première page par la déclaration de B. qui
aurait dit à son éditeur : « Je considère l'histoire de la Papauté
comme lefrevers de l'histoire de la liberté de penser ». Encore que
cette formule puisse s'entendre puisque le catholicisme est une reli-
gion d'autorité et non de libre examen,nous sommes suffisamment
avertis sur le point de vue prédominant de cet ouvrage.
Conciles. — Avec le tome IX, l'Histoire des Conciles entre dans
un nouveau « cours ». Nos lecteurs savent que cette Histoire des
Conciles, due à Héfélé et continuée par Hergenroether jusqu'en
1536, a été traduite en français par Dom H. Leclercq qui l'a enrichie
de notes personnelles. Nous sommes à partir d'aujourd'hui, non plus
en présence d'une traduction, mais d'un travail individuel. La tâche

(1) J. B. BURY. History of the Papacy in the 19lh century (1864-1878). Loiw
çlon, Macmillan and Co, 1930 ;Fin-8, Lxi-175^pp.
172 P. MANDONNET

de M. RICHARD (*) ne peut dès ses débuts aller sans grandes diffi-
cultés, car c'est une maîtresse pièce que l'histoire du concile de
Trente. La documentation déjà publiée concernant ce célèbre con-
cile est énorme, peut-on dire, et la difficulté n'est plus de manquer
d'informations, mais plutôt d'être submergé par la masse d'écrits
de tout ordre qui peuvent ou doivent entrer en ligne de compte aux
yeux d'un historien consciencieux.
M. Richard semble s'être rendu compte des difficultés de sa tâche
et il a résolu le problème par un procédé qui, je le crains et surtout
je le souhaite, ne lui vaudra pas les félicitations des historiens et
moins encore celles des théologiens. De l'histoire d'un concile qui a
joué dans l'âge moderne le plus grand rôle doctrinal nous ne savons
presque rien. Le travail théologique qui a préparé les canons du
concile a été l'oeuvre des théologiens présents à Trente et secondaire-
ment à Bologne, et on y trouve le point de départ des positions
prises ultérieurement par les différentes écoles théologiques et les
premières agressions contre les doctrines classiques. Non seulement
M. R. procède par omissions, mais à l'occasion il a des expressions
fort discourtoises pour les théologiens qui à ses yeux sont surtout
des ergoteurs qui arrêtent la marche du concile. Notre historien a
d'ailleurs des qualificatifs malheureux pour les théologiens qui ont
ou n'ont pas ses sympathies. Pour lui, Cajetan est un « théologien
discuté » (p. 328), mais Ambroise Catharin est « l'illustre professeur
Ambrosius Catarinus, bien classé dans la Renaissance chrétienne »
(p. 251), ou simplement « le grave théologien Catarinus » (p. .353)
a toutes ses faveurs. Et cependant si le xvie siècle a connu des théo-
logiens médiocres et plus encore des théologiens suspects, Catharin
est le premier, car beaucoup de ses doctrines ont été condamnées.
Quel qualificatif en effet peut-on donner à un théologien qui a sou-
tenu tout de go que Dieu ne connaît pas le nombre des prédestinés ?
Malgré ses extraordinaires faiblesses et ses impardonnables audaces,
Catharin a tenu une place considérable dans les deux premières pé-
riodes du concile de Trente où il était l'animateur des nouvelles
doctrines élaborées par des humanistes qui n'avaient pas étudié la
théologie. C'est que les deux légats Del Monte et Cervini étaient ses
protecteurs et ses fauteurs. Le premier avait été jadis, à Sienne,
l'étudiant de Lancelot Politi, professeur de droit civil, devenu sous
le froc dominicain frère Ambroise Catharin, et ce dernier était
assez libre avec Cervini, qui était d'ailleurs l'ami intime de l'un de
ses frères, pour que, en 1520, il cherchât à attirer le futur légat près
de lui dans la congrégation dominicaine de Saint-Marc (2). C'est au-

(1) P. PaciiARD, Docteur es Lettres. Histoire des Conciles, t. IX, Première


partie, Concile de Trente. Paris, Letouzey, 1930 ; in-8, 527 pp.
(2) J. SCHWEIZEU a consacré une excellente étude à Catharin : Ambrosius
Catharinus Politus (1484-1553). Sein Leben und seine Scliriflen, Munster i. W.,
1910 ; in-8, xvi-308 pp.
BULLETIN DES INSTITUTIONS ECCLÉSIASTIQUES 173

tour de Catharin que se cristallisa au concile de Trente et de Bologne


la résistance aux doctrines de Saint Thomas ; et les premiers jésuites
présents au concile, Lainez en particulier, étaient ses compagnons
d'armes. Lainez se compromit assez dans les discussions sur la
justification pour que saint Ignace rappelât 'de Trente ses trois su-
bordonnés. Salmeron se contenta d'adresser à son supérieur une apo-
logie pour lui et ses deux collègues : tout ce qu'ils faisaient de bien
ne leur permettait pas de se rendre à cet appel. C'est sur cet auto-
panégyrique que reposent surtout les exagérations de beaucoup
d'historiens touchant le rôle exceptionnel qu'auraient joué les pre-
miers jésuites à Trente ; et quand M. R. lui-même, à propos des dis -
eussions des théologiens sur la messe et le sacrement de l'ordre,
écrit que « les jésuites commençaient à faire la loi » (p. 484), donnant
à entendre qu'ils ont continué à le faire, il tombe dans une double
erreur : une erreur historique, parce que son affirmation ne corres-
pond pas aux données documentaires, et une erreur théologique,
parce que ce ne sont pas les théologiens qui font la loi dans les con-
ciles, mais les évêques qui votent les décrets.
Mais si la nouvelle histoire du Concile de Trente nous éclaire peu
ou point sur l'histoire de la théologie conciliaire, que représente donc
ce fort volume qui conduit les événements jusqu'au pontificat de
Paul IV? C'est l'exposé des faits matériels relatifs au concile et même
à l'histoire de l'Église en tant qu'ils peuvent se référer aux grandes
assises de Trente. L'entreprise conciliaire et sa poursuite se heurta
à des difficultés de tout ordre et M. R. ne nous en a rien laissé igno-
rer. C'est à ce point de vue surtout que la nouvelle histoire de Trente
intéressera les lecteurs.
Ce résultat sera d'autant plus aisé que M. R. a rendu non seulement
facile mais encore agréable la lecture de son livre. La rédaction est
claire, élégante même sans aucune prétention littéraire. Il y a du
mouvement et de la vie et finalement beaucoup de choses. Tout cela
évidemment ne va pas sans mérite et je me plais d'autant plus à sou-
ligner la chose que je n'ai pas ménagé la critique et je dois encore
la poursuivre.
Même en acceptant le point de vue où s'est placé M. C. pour écrire
son ouvrage, on est en droit de lui demander quelle base documentaire
supporte sa rédaction historique. Les auteurs de la partie antérieure
de l'Histoire des Conciles avaient habitué leurs lecteurs à de nom-
breuses références qui dans leur pensée justifiaient leurs affirmations.
Ce sont là les exigences élémentaires de l'histoire. La nouvelle suite
de l'Histoire des conciles inaugure une nouvelle méthode. Les ren-
vois aux sources documentaires — et on sait si elles sont nombreuses
aujourd'hui — y sont si réduits qu'on peut les considérer comme à peu
près inexistants. On n'y trouve pas davantage l'indication de tant
de travaux spéciaux exécutés sur des sujets particuliers, même lors-
qu'ils concernent directement l'historique du Concile. Un nom toute-
fois apparaît fréquemment en bas des pages comme un leit-motiv,
c'est celui de Pastor, l'auteur de l'Histoire des Papes depuis la fin da
174 L. MISSEREY

moyen âge. Il ne peut venir à personne l'idée de méconnaître les


mérites de la grande oeuvre de Pastor ; mais la prendre comme un
Évangile dans l'ordre historique semblera excessif à plusieurs.
C'est pourtant ce que fait M. C. dans son introduction quand il dé-
clare s'asservir à Pastor et juge que « la documentation.. . ne laisse
pas place à d'autre programme que le sien » (p. 18 ). Dont acte.
Le Saulchoir. P. MANDONNET, O. P.

IL — SACREMENTS ET CULTE.

Mariage. — M. GENESTAL vient de rééditer le livre classique


d'ESMEIN dans l'histoire du Mariage au point de vue du droit
canonique (l). Ce manuel fut autrefois le premier essai de synthèse
historique sur la législation matrimoniale. La réimpression n'allait
pas sans de réelles difficultés et deux méthodes s'offraient à M. Ge-
nestal : ou bien reproduire purement et simplement l'oeuvre origi-
nale, ce qui pouvait paraître un anachronisme, étant donné les nou-
veaux travaux faits dans ce domaine depuis 1891, ou bien refondre
totalement l'oeuvre première et faire alors un livre tout nouveau
avec l'ancien. M. G., par un scrupule qui l'honore, n'a pas voulu
choisir la seconde méthode, mais s'est fait un devoir de ne pas modi-
fier la pensée du maître, ses développements, ses conclusions. Il a
choisi la première méthode mais en la corrigeant par l'adjonction
des notes nécessaires, des indications bibliographiques, de quelques
développements sur le résultat des recherches nouvelles et enfin
de quelques discussions d'opinions divergentes. Encore est-il que
toutes ces additions et modifications sont placées entre crochets
pour ne pas défigurer l'oeuvre primitive. Certes, M. G. ne s'est pas
mépris sur les inconvénients d'une telle réédition. Il connaît les
lacunes du livre d'Esmein qui avait sacrifié la première période de
l'histoire du mariage, c'est-à-dire des origines à l'an mille, parce que
selon le célèbre historien du droit, « le droit canonique ne s'était pas
encore séparé de la théologie et c'était cette séparation seule qui
devait le constituer à l'état de véritable système juridiques. Inu-
tile de montrer comment ce préjugé d'Esmein et ce parti-pris contre
la théologie nuit beaucoup à la valeur de ses appréciations sur la
législation de l'Église. Dans le tome premier, seul réédité jusqu'à
présent, Esmein étudie d'abord l'histoire de la juridiction et de la
législation de l'Église sur le mariage, puis, dans une deuxième partie.

(1) A. ESMEIN. Le Mariage en droit canonique, 2e édition mise à jour par R.GE-
NESTAL, Tome Ier, Paris, Recueil Sirey ; 1929, in-8, 477 p.
BULLETIN DES INSTITUTIONS ECCLÉSIASTIQUES 175

le droit du mariage jusqu'au Concile de Trente. Malgré les défauts


de l'oeuvre, M. Genestal a pensé avec raison que ces pages d'histoire
pouvaient toujours être citées et il faut le remercier d'avoir accepté
ce rôle ingrat : grâce à lui, l'étude d'Esmein pourra devenir le point
de départ de travaux plus modernes.

Un des effets du mariage, c'est-à-dire l'obligation qui incombe


aux époux de mener la vie commune, a été l'objet d'une étude com-
plète de M. LE PICARD. Le livre est intitulé : La Communauté de la
vie conjugale, obligation des époux (l). En quoi consiste cette commu-
nauté? Sur quel fondement repose-t-elle? telles sont les premières
questions posées|par l'auteur. Après avoir alors^montré que le de-
voir de cohabiter était une obligation de droit naturel,quand bien
même il ne se concrétiserait pas jusque dans certains modes de vie
conjugale, l'auteur prouve que la vie commune des époux n'est pas
seulement une obligation d'ordre privé, mais intéresse au contraire
toute la société, parce qu'elle est nécessaire au maintien de l'ordre
et au développement des individus. Aussi, c'est à l'autorité sociale
seulegqu'il appartient de dispenser les époux de ce devoir de la
vie commune pour des raisons graves. Mais comme cette obligation
est essentielle au mariage, l'Église seule a donc le droit de se réserver
les causes de séparation et d'en juger. M. Le Picard montre alors
dans des pages fort documentées comment sur cette question de com-
pétence un conflit s'est élevé entre l'Église et l'autorité civile et il
indique toutes les causes du conflit ainsi que le seul moyen de le
résoudre. Bien que l'auteur n'ait pas voulu écrire un ouvrage his-
torique, il a su, comme d'ailleurs il se le proposait,utiliser l'histoire
pour expliquer ou corroborer sa thèse. Ainsi relève-t-il dans les
théologiens du xme siècle, S. Thomas en particulier, de nombreux
passages affirmant cette vérité à savoir que la vie commune est obli-
gatoire entre époux, qu'elle ne se restreint pas à la cohabitation, puis,
que ce devoir est imposé par le droit naturel et intéresse le droit pu-
blic, avec cette réserve que quelques modalités de cette communauté
de vie sont, elles, d'ordre privé, comme le remarque S. Thomas à pro-
pos des rapports conjugaux. Les mêmes théologiens anciens ont re-
connu le caractère illicite des séparations par consentement mutuel.
On trouvera donc dans le volume de M. Le P., à côté des preuves
d'ordre juridique, les preuves historiques de la plus grande valeur.
Ordre. — Les usages anciens qui concernent le sacrement d'ordre
ne doivent pas être oubliés quand on veut comprendre les formules
actuelles du Pontifical. Très instructif à cet égard est le commentaire
que vient de publier Dom DE PUNIET dont on connaît la compétence

(1) R. LE PICARD. La Communauté de la vie conjugale,obligation des époux


Paris, Recueil Sirey 1930 ; in-8, xvn-467 pp.
176 i. MISSEREY

en ce domaine (1). Pour le savant historien, il s'agissait moins « dé


tenter une reconstitution des formes du passe que de rendre plus
vivantes les institutions telles qu'elles se présentent aujourd'hui ».
Dans une première partie, D. de Puniet étudie d'une façon brève
mais précise les phases successives qu'a connues le Pontifical au
cours de sa formation depuis les origines jusqu'au terme dernier de
son développement. Après cette introduction nécessaire, l'auteur
commente les formules du pontifical dans la partie qui concerne la
confirmation et les ordinations. L'analyse approfondie des formules,
jointe a l'étude historique des usages et rites anciens, lui permet de
préciser la portée des cérémonies, d'en faire apprécier très justement
la richesse doctrinale. A propos de chacun des ordres, l'auteur après
avoir, comme on vient de le dire, expliqué les textes liturgiques (2)
ne manque pas de parler des obligations et des pouvoirs annexés
à la réception de ces différents ordres. De nombreux textes anciens
corroborent les arguments du commentaire ;enfin les notes et appen-
dices fournissent les pièces les plus importantes des anciens rituels
de l'ordination. Dans un second volume, D. de Puniet expliquera
les formules de consécrations et de bénédictions soit des personnes,
soit des objets liturgiques. Ce sera le couronnement de ce premier
tome.

Communion des enfants. —• A quel âge les enfants étaient-ils


admis à la communion aux premiers siècles de l'Église ? M. ANDRIEU
montrait, il y a quelques années ( 3) que la communion des enfants,
alors même qu'ils n'avaient pas l'usage de la raison, était une prati-
que obligatoire dans l'Église primitive. M. BAUMGAERTLER a repris
l'étude de cette question (4). A son avis, l'examen des documents
et des témoignages historiques impose une conclusion différente.
Dans ces textes, il n'est pas question d'une communion proprement

(1) Dom P. DE PUNIET. Le Pontifical romain. Histoire et commentaire, tome


Ier.Paris, Desclée, de Brouwer, 1930 ; in-12, 300 pp.
(2) Les explications de Dom Puniet au sujet de l'onction des mains dans l'or-
dination sacerdotale pourront être utilement complétées par les remarques de
M. Michel ANDRIEU dans une note de la Revue d'histoire ecclésiastique. Relevant
une omission involontaire de Mgr Batiffol, à propos de l'onction des mains dans
le sacre épiscopal, M. Andrieu fait remarquer que cette cérémonie eut lieu tout
d'abord pour les prêtres et que c'est « comme élément de l'ordination presbyté-
rale qu'au premier quart du xe siècle le rite apparaît dans la consécration épis-
copale elle-même à titre de complément éventuel. » Revue d'histoire ecclés.
avril 1930, pp. 343-347.
(3) Cf. Rev. se. ph. th., 1912, p. G17.
(4) J. BAUMGAERTLER. Die Erst Kommunion der Kinder. Aus der Geschichte
der kalholischen Kommunionpraxis. Mûnchen, Kôsel und Pustet, 1929 ; in-8,
250 pp.
BULLETIN DES INSTITUTIONS ECCLÉSIASTIQUES 177

dite des enfants. Le baptême et la confirmation sont les seuls sacre-


ments que l'on administre aux petits et il n'y.a pas de communion
après le baptême. Cependant, il reste vrai que dans l'Église d'Afri-
que, au moment des controverses pélagiennes, la réception de l'Eu-
charistie est considérée comme obligatoire pour le salut et pour
tous : d'où se propage cette pratique africaine de donner le viati-
que aux enfants, puis l'usage de les faire communier tous sous l'es-
pèce du vin. De par l'autorité de S. Augustin cette coutume se pro-
page et se généralise jusqu'au concile de Latran en 1215. On règle
alors l'âge de la communion obligatoire ; c'est l'âge de discrétion.
Selon M. B., à partir de ce concile on distingue deux âges de discré-
tion, l'un requis pour la réception de l'Eucharistie, l'autre pour la
réception du sacrement de pénitence. Le premier est de 10 à 11 ans.
Contrairement à l'auteur, nous ne pensons pas que cette distinction
des deux âges remonte si haut : ce sont les théologiens postérieurs
qui l'ont trouvée et mise en vogue. II semble, d'autre part, que M. B.
ne réussit pas à nier l'usage de la communion pour les petits enfants :
les nombreux textes apportés déjà par M. Andrieu ne peuvent s'in-
terpréter en un autre sens. II ne resterait alors qu'à refuser le nom
de communion à la réception de la seule espèce du vin. Mais jamais
personne n'a osé le prétendre. La thèse de M. B. provoquera sans
doute des études nouvelles sur le même sujet.

Vie chrétienne. — La vie et le rôle de Bonizo, évêque de Sutri,


dans la question des réordinations, ses démêlés avec le pape Urbain II,
ses rapports avec la comtesse Mathilde de Toscane étaient connus
grâce aux travaux de M. Paul FOURNIER qui, en 1915 et 1917, don-
nait la biographie de ce personnage, auteur du Liber de vita chris-
tiana, témoin de la législation qui réglait la vie chrétienne au xie
siècle Q-). M. P. Fournier montrait l'usage que Bonizo avait fait
dans son livre des textes de collections canoniques antérieures (2).
L'oeuvre de Bonizo vient d'être heureusement éditée dans une nou-
velle collection de textes et M. E. PERELS s'est acquitté avec succès
de ce long travail (3). Dans l'introduction, M. P. étudie d'abord la
personnalité puis l'oeuvre de Bonizo : sur certains points, il est en
désaccord avec M. P. Fournier. Mais tous deux indiquent les mêmes
années pour le Liber de vita christiana, c'est-à-dire les années entre
1090 et 1095. Cette nouvelle édition est faite d'après deux manus-

(1) P. FOURNIER. Bonizo de Sutri, Urbain II et la comtesse Mathilde, dans la


Biblioth. de l'École des Chartes, tome 76, 1915 ; pp. 265 à 298.
(2) Les sources canoniques du « Liber de vita christiana », ibid., tome 78, pp.
117-134.
'(3) E. PERELS. Bonizo Liber de vita christiana. (Texte zur Geschichte des ro-
mischen und kanonischen Rechts im Mittelalter, vorbereitet von Emil Seckel.
Herausgegeben von der Preussischen Akademie der wissenschaften. I. Band).
Berlin, "Weidmannsche Buchhandlung, 1930 ; in-8, LXLVII-402 pp.
REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. 1. — 12.
1^8 t. MlSSEREY"

crits indépendants, le Vatican Rossianum (1130) et le Brixianuht


(1150), minutieusement décrits dans la même introduction. Deux
appendices suivent la reproduction soignée du texte de Bonizo :
le premier indique les sources, le second établit la concordance entre
le « Liber » et les collections canoniques antérieures. Ce beau volume
inaugure très brillamment la nouvelle collection de l'Académie des
Sciences de Berlin et fait honneur à ceux qui, comme Emile Seckel,
ont préparé cette édition et à celui qui l'a terminée
Indulgences. — La publication des indulgences au cours des
xive et xve siècles dans le diocèse de Breslau, l'organisation de cette
institution, les abus qui en résultèrent, tel est l'objet de la monogra-
phie dressée par M E LASLOWSKY (*); Il a puisé les renseignements
qu'il publie en des sources inédites conservées dans les archives lo-
cales. Avec raison, il s'est étendu sur l'étendue de l'indulgence de la
croisade au xive siècle, de l'indulgence accordée par le concile de
Bâle en 1446 et d'autres encore qui ont eu une grande répercussion
en Silésie. C'est une contribution importante à l'histoire des indul-
gences.
Une autre étude du même genre pour la région des Pays-Bas a été
faite par M F. REMS (3). Celui-ci montre le succès de l'indulgence du
jubilé qui attire dans Rome un grand nombre de fidèles. L'auteur
ajoute à ce travail d'ensemble, le premier qui ait été consacré à cette
question pour les Pays-Bas, quelques renseignements sur des indul-
gences spéciales et locales.
Dimanche. — M. W. THOMAS a entrepris l'étude du précepte domi-
nical (3). Il montre d'abord les observances qui se rattachent à ce
jour solennel : choisi pour commémorer la résurrection du Christ,
le dimanche était marqué par la célébration solennelle du sacrifice.
Le devoir de vaquer au culte divin entraîne l'abstention des oeuvres
serviles et la pratique des oeuvres de charité. Dans la réglementation
de ce jour de repos, l'ancienne législation sabbatique entre pour
une grande part, mais l'inspiration change et introduit plus de li-
berté. Pour expliquer tous ces caractères M. W. Th. recourt à une
explication fantaisiste : un emprunt aux religions païennes, à la
théorie du « jour tabou ». C'est substituer l'obscur à ce qui paraît
si clair, c'est-à-dire le sentiment de respect pour l'anniversaire de la

(1) E. LASLOWSKY. Beitrâge zw Gesehichte des spâlmiltelallerlichen Ablass-


wesens, dans les Breslauer Sludien zur historischen Théologie, t. XI. Breslau,
Mùller et Seiffert, 1929 ; in-8, vn-149 pp.
(2) F. REMY. Les grandes indulgences pontificales aux Pays-Bas, à la fin du
moyen-age 1500-1535. Louvain, Uystpruyst, 1928 ; in-8, xxi-230 pp.
(3) "W. THOMAS. Der Somitag im frùhen Milielaller. Gottingen, Vandenhoeck
et Ruprecht, 1929 ; in-8, 120 pp.
BULLETIN DES INSTITUTIONS ECCLÉSIASTIQUES 179

résurrection du Christ et le besoin de consacrer un jour spécial au


culte divin, comme l'avait bien montré, il y a quelques années, M.
Dumaine (x).

Liturgie. -—Dans une thèse de doctorat, M. Rudolf LORENTZ ( 2)


étudie l'ordonnance ecclésiastique égyptienne attribuée au prêtre
Hippolyte de Rome, martyr de Sardaigne. Après une introduction
générale sur la vie d'Hippolyte, l'auteur formule ainsi la conclusion
dont il donnera les preuves : L'ordonnance ecclésiastique égyptienne
est d'un auteur inconnu. Pour lintroduire plus sûrement dans
l'Église, ce dernier l'a éditée à la suite du LTegt xaQ^aMarco"
d'Hippolyte, ayant soin de changer l'épilogue de cette oeuvre et
d'en faire le prologue à son propre ouvrage. M. Lorentz montre
donc que cette ordonnance ecclésiastique est toute autre chose que
l'oeuvre connue d'Hippolyte intitulée : âicoarohxr] nagâdooiç.
En outre, les cérémonies du baptême décrit dans ce code, de prove-
nance orientale et même gnostique, n'ont pas pu être introduits à
Rome par Hippolyte, traditionnaliste rigoureux et fervent défenseur
des usages romains. Cette étude de M. L. n'est qu'un résumé et il
faut souhaiter qu'elle soit suivie de travaux plus amples et plus
démonstratifs sur certains points, en particulier sur les relations
entre Calixte et Hippolyte.
M. J. DOELGER, dont les travaux archéologiques sont bien connus,
vient d'entreprendre la publication de recueils périodiques où il
étudie certains points d'archéologie et de liturgie. Dans le premier
recueil, le seul reçu par la Revue (3), on pourra lire une étude sur
les emblèmes dont on marquait les hosties aussi bien dans les cultes
païens que dans la religion chrétienne. Une seconde note a pour
objet les enseignements liturgiques qui se dégagent d'un texte de
S. Paulin de Milan. Enfin l'auteur cherche à définir le sens exact
de la formule du pape Etienne : Nihil innoveiur nisi quod tradilum
est. Un point doit être placé après le mot innovetur.

La traduction française des oeuvres liturgiques de son Éminence


le Cardinal SCHUSTER, archevêque de Milan, se poursuit activement.
Trois nouveaux volumes viennent de paraître et contiennent le com-
mentaire du Missel romain de la Septuagésime à l'Avent (4). La tra-

(1) Cf. Rev. se. ph. th., 1924, p. 411.


(2) Rudolf LORENTZ. De Egyptische Kerkordening en Hippolytus van Rome
[1929] ; Haarlem, Joh. Enschedé en Zonen, in-8, 187 pp.
(3) F.J. DOELGER. Antikè und Christcntum. (Kultur- und Religionsgeschicht-
liche Studien. I, 1). Aschendorff, Munster in W\, 1929 ; in-8, cvi-80 pp. et 10 pi.
(4) Card. SCHUSTER, O.S.B. Liber sacramenlorum. Notes historiques et litur-
giques sur le missel romain. Tome III. La Sainte Liturgie de la Septuagésime à
180 t. MÎSSÈREY

duction claire, précise, élégante du texte italien permet de suivre


avec plaisir les explications de l'auteur sur chacune des messes du
carême et du Temps pascal, ce qui facilite l'intelligence de la litur-
gie romaine et de son développement. Un intérêt particulier s'atta-
che aux explications données sur les stations et sur des jours plus
solennels comme la veillée de Pâques. Cette édition soignée est d'au-
tant plus précieuse qu'elle est illustrée par des reproductions d'an-
ciennes fresques des catacombes ou de monuments primitifs. Enfin,
chaque volume contient des appendices euchologiques où sont men-
tionnées et étudiées des anciennes prières ou hymnes soit de la litur-
gie romaine, soit de la liturgie milanaise ou de liturgies orientales,
telle que la liturgie arménienne. Quand cette traduction sera ter-
minée, les liturgistes français auront entre leurs mains une année
liturgique complète qui pourra prendre place à côté de l'oeuvre de
dom Guéranger.

Bréviaire. — L'étude de Dom BAUDOT sur le bréviaire résume


les conclusions qui se dégagent des travaux parus en ces dernières
années sur l'Histoire du Bréviaire (x).
Dans les premiers chapitres, le savant bénédictin explique la for-
mation de l'office romain des origines jusqu'au'au xne siècle puis
les transformations du bréviaire entre le xme et le xvie qui aboutis-
sent à la réforme de S. Pie V que tentera d'imiter aussi Benoît XIV,
mais vainement. La réforme de Pie X inaugure une nouvelle période.
Dans une seconde partie, Dom Baudot étudie le contenu du bré-
viaire, la coordination de ses différents éléments, et dégage enfin
la conclusion naturelle en faveur de la beauté du Bréviaire.
Missel. — C'est à l'histoire du Missel Romain que le R. P. Juan
FERRERES s'est appliqué et on trouvera dans le livre qu'il vient de
publier le résultat de ses études sur les manuscrits liturgiques et
les missels conservés dans les bibliothèques capitulaires des provinces
de Tarragone et de Valence (2). De tous les textes recueillis il a ex-
trait les formules caractéristiques concernant l'Ordinaire de la
Messe, le Temporal, le Sanctoral.
Un chapitre spécial est consacré aux messes votives et l'auteur
termine par un résumé sur l'histoire du missel depuis Saint Pie V.
On remarquera surtout dans ce livre la description, importante pour
l'histoire, des rites médiévaux de la messe en Espagne.

Pâques. Bruxelles, Vroraant, 1929 ; in-8, 294 pp. — Tome IV. La Sainte Litur-
gie durant le Cycle pascal, 1929, 231 pp. — Tome V. Du Dimanche de la Trinité
à l'Avent, 1930, 246 pp.
(1) Dom BAUDOT. Le Bréviaire. (Bibl. cathol. des Sciences relig.). Paris,
Bloud et Gay ; in-12, 172 pp.
(2) J. B. FERRERES, S. J. Historia del Misai Romano. Barcelona, Subirana
1929 ; in-8, cxxiv-425 pp.
BULLETIN DES INSTITUTIONS ECCLÉSIASTIQUES 181

On connaît les travaux de M. BAUMSTARK sur le Missel (*) et ses


idées particulières sur les sacramentaires. Dans une nouvelle étude (2),
M. B. décrit l'évolution du Missel romain sous ses diverses formes.
Les questions examinées sont les suivantes : canon et prières du
vendredi saint ; lecture de la Bible et récitation des psaumes ; le
gacramentaire léonien ; la tradition gélasienne ; le développement
de la liturgie à Rome au vne siècle ; les livres liturgiques de la messe ;
la réforme de Charlemagne ; le missel de la Curie et la réforme du
concile de Trente ; le développement des fêtes mobiles du vie au
xvie siècle. Sur tous ces points l'auteur mentionne les différents
problèmes qui se posent et les diverses solutions qui ont été déjà
apportées.
Liturgie gallicane. — Les positions actuelles des critiques sur
la question d'origine de la liturgie gallicane se ramènent à trois que
l'on peut résumer ainsi : origine orientale, origine milanaise, origine
romaine. Le R. P. J.-B. THIBAUT dans un travail très documenté
montre l'insuffisance de ces différentes théories (s). Pour lui, c'est
vers l'Orient qu'il faut regarder, mais cette liturgie n'a pas été
importée directement d'Orient, « elle est plutôt le résultat d'imita-
tions successives des usages de l'Église d'Éphèse adoptés par les
Églises chaldéennes et aussi des usages de l'Église de Jérusalem.
Nous sommes amenés à lui donner pour initiateur et pour père Jean
Cassien de Serta, en Gordyène, le fondateur de l'abbaye de Saint-
Victor de Marseille, l'ami et le conseiller de l'archevêque d'Arles,
...
saint Honorât, fondateur lui-même du grand monastère de Lérins....
c'est historiquement de l'Église métropolitaine d'Arles, appuyée
par les grands monastères provençaux de S. Victor de Marseille et
des îles bienheureuses de Lérins, que la liturgie gallicane rayonna
bientôt dans toutes les Gaules... » (p. 100).
Ces conclusions toutes nouvelles ne paraissent pas assez sûres à
Dom CABROL qui dans une Note spéciale ( 4) montre les lacunes du
travail du P. J.Thibaut.Dom Cabrol tient pour l'origine romaine de
cette liturgie gallicane.
Pour répandre la connaissance des livres liturgiques, Dom Cabrol
a composé une sorte de manuel où se trouvent condensés tous les
renseignements utiles sur les livres de la liturgie latine (B). Après

(1) Cf. Rev. se. ph. th., 1929, p. 325.


(2) A. BAUMSTARK. Missale Romanum. Seine Enlwicklung, ihre tvichtigsten
Urkunden und Problème. Nimègue, Van Eupen, 1929 ; in-8, 238 pp.
(3) J.-B. THIBAUT, des Augustins de l'Assomption. L'Ancienne Liturgie gal-
licane, son origine et sa formation en Provence aux Ve et VIa,siècles sous l'influen-
ce de Cassien et de S. Césaire d'Arles. Paris, Bonne Presse, 1929 ; in-8, 117 pp.
(4) Dom F. CABROL. Les origines de la liturgie gallicane, dans la Revue d'his-
toire ecclésiastique, de Louvain, octobre 1930, pp. 950-962.
(5) Dom F. CABROL. Les livres de la liturgie latine. (Bibl. cathol. des Sciences
relig.). Paris, Bloud et Gay ; in-12,165 pp.
1 82 L. MISSEREY

avoir établi une classification de tous les recueils composés pour


servir aux divers offices de la liturgie, et qu'on appelle sacramen-
taires, épis'oliers, évangéliaires, missels, vespéraux diurnaux, anti-
phonaires, rituels, etc.. l'auteur retrace l'origine et l'évolution des
livres liturgiques du ier au vie siècle, puis la genèse de chaque caté-
gorie. II s'occupe ensuite du contenu de ces livres selon la liturgie
ancienne à laquelle ils appartiennent. On lira enfin avec intérêt
le chapitre sur les livres extra-liturgiques, tels que les obituaires, les
rouleaux des morts, etc..

Liturgie cistercienne. — Dans une série d'articles parus de


1925 à 1928 dans la revue Cisterzienser Chronik, le R. P. G. MÙLLER
avait fait une savante description de la Messe cistercienne. Le R. P.
F. SCHNEIDER présente en langue française cette étude légèrement
remaniée (1). C'est un aperçu historique sur le rite cistercien qui of-
frait de nombreuses ressemblances avec le rite gallo-romain du moyen
âge. En beaucoup de cérémonies, la messe cistercienne se rapproche
des liturgies des autres ordres, de la liturgie dominicaine, par exem-
ple, ce qui peut faire conclure à l'origine commune. Mais en ressort
aussi l'originalité du rite cistercien pour quelques détails. Avec le
R. P. Schneider, on ne peut s'empêcher de regretter la suppression
de ces vénérables usages après l'introduction du rite romain dans
l'ordre cistercien.
Adoro te. — L'A doro te est une des plus belles expressions de la
piété catholique et bien souvent des protestants en ont goûté la
beauté (2). Aussi est-on heureux d'en voir traiter la question d'attri-
bution et la tradition textuelle par un érudit de la qualité de Dom A.
Wilmart (3). Après avoir établi l'état de la question et avoir situé
l'Adoro dévote (car tel est le texte original) dans le genre des prières
d'adoration, W. montre comment, très rare au xive et au xv° s.,
cette prière doit son succès à son insertion au Missel romain de
S. Pie V, insertion qui en fixa aussi le texte ; puis Dom W. établit
le texte critique d'après 30 mss. Au point de vue de l'attribution
trois mss. seulement,mais qui représentent des témoins indépendants,
remontent au xive siècle, et peut-être l'un d'eux reproduit-il une
version antérieure à 1323. Pour une pièce de ce genre, c'est déjà
beaucoup. D'ailleurs Dom W. s'est gardé de donner une conclusion
trop absolue et sans nuances. D'autre part, il ne dissimule pas les
garanties de l'attribution traditionnelle. Aussi est-on étonné de voir

(1) F. SCHNEIDER, 0. C. R. L'Ancienne Messe cistercienne. Tilboui g (Hollan-


de), Abbaye N. D. de Koningshoeven, 1929 ; petit-in-8, 261 pp.
(2) F. HEILER, dans Die Ilochkirche, XII (1930), p. 253.
(3) Dom A. WILMART. La tradition littéraire et textuelle de VAdoro le dévote
dans les Recherches de Théol. anc. et médiév., 1929, pp. 21-40, pp. 149-176.
BULLETIN DES INSTITUTIONS ECCLÉSIASTIQUES 183

M. A. GAUDEL (x) considérer l'étude de Dom W. comme une contes-


tation de l'attribution susdite. M. Gaudel croit apporter contre cette
attribution un argument théologique de valeur : le « visus, gustus,
tactus in te fallitur » de FAdoro te est contraire au « sensus non deci-
pitur » de la Somme (IIIa P., q. 75, art. 5 et q. 77, art. 7), Mais
l'objection est déjà vieille et il y a longtemps qu'on y a répondu (a).
L'Adoro te envisage l'ensemble du mystère bien plus que l'objet
particulier des sens, et S. Thomas en prière ne se croyait pas astreint
à garder la minutieuse exactitude des formules qu'il recherchait
dans l'exposé théologique.

Elévation. — Dans cette même étude sur VAdoro te dévote, Dom


WILMART donne raison à M. DUMOUTET dont on connaît les travaux
sur l'Élévation de la Messe. « L'Élévation, écrit dom W., ne s'expli-
que point adéquatementjSelon l'histoire,par une réaction contre l'en-
seignement de Pierre le Chantre, comme on l'a cru naguère, mais bien
plus simplement par l'instinct qui poussait les fidèles à contempler
l'hostie consacrée, et, si l'on veut, en dernière analyse par une révolte
du sens chrétien devant les funestes doctrines de Bérenger » (3).

Symbole romain, — Quel est son origine? C'est à M. Lietzmann


que l'on doit la découverte d'un symbole plus court, ancêtre du sym-
bole romain. Dom CAPELLE prit acte de ce fait pour corriger quelques-
unes de ses affirmations (4). Il reconnaît donc que le Symbole ro-
main est issu d'un texte où ne se trouvait point le développement
christologique du deuxième article. D'autre part, il considère comme
probable, que cette transformation en symbole plus long existait
avant la fin du ne siècle, et même avant S. Justin, et que l'auteur
de cette addition a voulu rendre plus explicite le profession de foi
baptismale.
Précédemment Dom Capelle avait établi que l'insertion du Credo
à la messe était due à la crise adoptianiste (5). A la suite du concile

(1) A. GAUDEL. A propos de la controverse touchant l'attribution de VAdoro te


à S. Thomas, dans la Revue des Sciences relig., 1930, pp. 258-260.
(2) BAINVEL, DU désaccord entre S. Thomas poète et S. Thomas théologien, dans
les Recherches de Science relig., 1913, p. 579. — Voir aussi la note de E. RICHARD
sur le même sujet et dans la même revue, 1914, p. 162. — Encore : V. GRUMEL
Te Trina Deitas, dans les Recherches de Science relig., 1927, pp. 324-326. '
(3) Dom A. WILMART, art. cité, p. 30.
(4) Dom B. CAPELLE. Les origines du Symbole romain, dans les Recherches de
théol. anc. et médiév., janvier 1930, pp. 5-20.
(5) Dom B. CAPELLE. L'origine anliadoptianiste de notre texte du symbole de
la Messe, dans les Recherches de théol. anc. et médiév., janv. 1929, pp. 7-20,
184 L. MISSEREY

antiadoptianiste d'Aix-la-Chapelle, en 788, sous Charlemagne,


probablement à la suggestion de Paulin d'Aqui!ée,grand adversaire
des adoptianistesje Credo fut inséré après l'Évangile : on substitua
d'autre part au texte espagnol la version latine de Paulin d'Aquilée.
Culte des morts. — Quelle est l'origine des jours-souvenirs con-
sacrés au culte des morts ? M. E. FREISTEDT a cherché à s'en rendre
compte (2). Il établit d'abord les faits certains : soit en Orient, soit
en Occident on célèbre le troisième jour après la mort : ce jour pour
les anciens marquait la séparation définitive de l'âme et du corps.
Le repas sacrificiel pris sur le tombeau a été remplacé dans le chris-
tianisme par le sacrifice eucharistique. La célébration du neuvième
jour a-t-elle été inspirée par l'usage romain des novemdiales ou jours
expiatoires? Le choix du trentième ou quarantième jour s'explique
t-il par des idées eschatologiques ? M. Freistedt émet des hypothèses
et prudemment expose les diverses solutions plausibles de ce pro-
blème des jours anniversaires. Avec lui, on doit reconnaître les liens
qui existent entre les pratiques païennes et juives et la religion chré-
tienne.

Ouvrage général. — Le 6 juin 1929, la Société d'Histoire du


droit offrait à M. Paul Fournier, jubilaire, un beau volume de Mé-
langes où de nombreux juristes ont écrit des notes précieuses pour
l'histoire des institutions (2). Faute de place, nous ne donnons ici
que les titres des articles qui rentrent dans l'objet du présent bulle-
tin : Mgr LESNE, Le sens primitif du terme prébende. — E. CHAM-
PEAUX, Quelques observations qui doivent précéder une étude du Per-
sonal au xie siècle. — Dom BERLIÈRE, Le droit de gîte épiscopal
lors d'une joyeuse entrée. — G. BO.YER, Notes sur la jurisprudence
toulousaine du XVe siècle en matière de privilegium fori. — C. G. MOR,
Di un traltato di Floro di Lione sui privilegi de chierici. — P. P.
VIARD, Les protestants français et la dîme au xvii 0 siècle. — G. LE
BRAS, Les deux formes de la Dacheriana. — J. TARRÉ, Sur les origines
artésiennes de la collection canonique dite Hispana. —Ce volume con-
tient aussi la précieuse bibliographie de tous les travaux de M. Paul
Fournier : on y trouvera la liste des nombreuses études de l'illustre
historien du droit sur des points d'histoire de la théologie et de la
liturgie.
Le Saulchoir. L. MISSEREY, O P

(1) E. FREISTEDT. Altchrislliche Tolengedâchtnistage und Hue Bezeihung zum


Ienseilsglauben und Tolenkullus der Antike. Munster, Aschendorff, 1929 ; in-8,
x-214 pp.
(2) Mélanges Paul Fournier. Paris, Recueil Sirey, 1929 ; in-8, LXIV-812 p.
LE CONGRÈS DE PHILOSOPHIE D'OXFORD.

Le VIIe Congrès international de philosophie s'est réuni à Oxford


le 1er septembre dernier, à neuf heures du soir. Après quatre jours
de séances (2-5 septembre), il se séparait. Environ 500 congressistes
étaient venus du monde entier. Malgré cette affluence, un ordre
parfait régna pendant les quatre jours. Les séances avaient lieu dans
les beaux bâtiments neufs de VExamination School. Les journées
se partageaient en deux parties. Le matin, de neuf heures à midi,
on travaillait en sections, A, B, C et D. Sous la présidence d'un maître
anglais, trois conférenciers, quelquefois quatre, cinq ou même six,
développaient, ou plus souvent résumaient une communication
auparavant imprimée sur un « paper ». Après quoi on procédait à
une discussion. Le soir, de cinq heures à sept heures quinze, session
générale : des professeurs, d'ordinaire plus notables que ceux du
matin, résumaient leurs « papers », chacun encore pendant vingt
minutes. Suivait la discussion.
Pour mettre les congressistes en relations personnelles les uns
avec les autres, deux réunions furent organisées : l'une, dans le
décor merveilleux du Hall de Christ Church, et où, pour ne pas
déshonorer un lieu aussi aristocratique, l'habit de soirée était de
ligueur ; l'autre, dans les jardins de Magdalen Collège. Ajoutez une
réunion d'affaires (pour fixer le siège du prochain congrès) et celle
d'inauguration. Enfin, deux excursions en auto-car, l'une à Wind-
sor et Eton, l'autre, à Nuneham Park par la Tamise, eurent lieu,
l'une, le mercredi, l'autre, le vendredi, et diminuèrent beaucoup
le nombre des assistants aux séances.
On devine que les grands philosophes jugèrent inutile, pour une
communication limitée à vingt minutes, d'apporter autre chose
qu'un résumé d'idées déjà émises dans des livres ou des articles.
Avant qu'ils eussent ouvert la bouche, on pouvait prévoir, d'après
le titre, ce qu'ils allaient dire. De plus, le comité avait posé à l'avan-
ce certaines questions, d'ailleurs vagues, et auxquelles il eût fallu
de longs développements pour répondre, par exemple : « Sous quels
rapports la philosophie a-t-elle fait des progrès? » ; « la valeur de la
philosophie morale et politique comme guide pour la pratique » ;
« les progrès récents dans la physique ont-ils une importance méta-
physique? » Il est probable que le comité, en posant ces questions,
désirait que les réponses fussent, non une doctrine valant définiti-
186 G. RÂBEAU

vement, mais l'amorce d'une discussion. C'était évidemment im-


.possible, parce que chaque philosophe répondait en fonction de son
système : une discussion qui s'engage vite sur des données rapide-
ment présentées n'est possible qu'entre gens qui sont d'accord sur
les principes. Mais la discussion, d'ordinaire, ne portait pas directe-
ment sur le thème proposé par le comité : les orateurs qui interve-
naient avaient beaucoup moins le désir de continuer une argumenta-
tion inaugurée par d'autres que de présenter leurs propres idées.
C'étaient, en réalité, des communications nouvelles qui étaient faites
sous couleur d'examiner les communications précédentes, et elles
leur étaient d'habitude inférieures. En somme, communications
peu originales ou sans valeur, discussions en désordre et confuses,
tel nous est apparu le congrès d'Oxford. Il nous semble aussi que
le Comité eut tort de le réduire à quatre journées : quand cinq cents
personnes viennent des extrémités du monde pour traiter de ques-
tions les intéressant, hait jours ne seraient pas de trop. Bien sou-
vent, il fallait se décider à passer la matinée dans telle section, et
l'on regrettait de ne pouvoir assister, dans telle autre, à une discus-
sion d'un problème capital.
Bien entendu, le congrès d'Oxford avait quand même son intérêt,
non seulement celui de vivre pendant quelques jours dans la poé-
sie des vieux collèges et d'y évoquer toute l'histoire de la pensée
anglaise, mais celui de se plonger dans les courants vivants de la
philosophie contemporaine. Beaucoup de communications étaient
d'excellentes mises au point : elles résumaient des années entières
d'un travail fécond. Nous ne croyons pas utile, pour les motifs que
nous venons de donner, d'écrire un long compte rendu du Congrès ;
nous croyons impossible, d'autre part, de disperser le compte rendu
sur toutes les sections du Congrès. Nous nous bornerons à décrire
les séances les plus importantes parmi celles auxquelles nous avons
personnellement assisté.
Bien que nous n'ayons pas été présent à la réunion d'ouverture,
nous en dirons quelque chose, en raison de sa signification interna-
tionale. Les paroles prononcées par M. Léon BRUNSCHVICG, au nom
de la France, doivent être rapportées :
« Aux heures tragiques de l'histoire, qui ont semblé compromettre
la grande espérance de l'humanité, il n'était pas question de rom-
pre les liens de chair et de sang entre nous et ceux qui, à côté de
nous et pour nous,acceptaient d'une âme résolue l'épreuve des souf-
frances et de la mort. Le respect mutuel d'un héroïsme égal est ce
qui nous permet à tous de nous aborder de plain-pied sans gêne et
sans arrière-pensée. Mais cet héroïsme pose un problème au delà
de lui-même : quelles sont les raisons véritables de vivre et de mou-
rir? Nous touchons alors, chacun pour notre compte, au fond
universel de l'être ; et c'est sous un aspect nouveau que se présen-
tera l'idée d'internationalité. On ne se contentera plus d'un rap-
prochement encore extérieur, d'un équilibre toujours momentané
entre des tendances que la tradition de l'histoire, que l'influence de
LE CONGRÈS DE PHILOSOPHIED'OXFORD 1 87

l'enseignement ont marquées d'un caractère national. L'idée d'inter-


nationalité exprimerait plutôt cette universalité de droit, cette ca-
pacité d'humanité intégrale, inhérente à chaque centre de con-
science. L'internationalité, dont les gouvernements à Genève font
un généreux et difficile effort pour fixer l'organisation juridiqu e,
est à base d'éléments nationaux ;celle-ci est à base d'éléments uni-
versels. Distinction nécessaire dans les tâches et dans les moyens,
mais qui risquerait de nous égarer, si elle nous masquait l'identité
du but, si l'idée d'une communion réalisable au plus intime de notre
être, cessait de provoquer et d'orienter le progrès et l'accord des
communautés temporelles. Platon a fait place à la fois dans son
oeuvre et dans sa carrière aux dialogues comme le Parménide et aux
dialogues du type de la Bépublique. Or, le problème qu'il s'est posé,
trop tard peut-être et dans un cercle trop restreint pour arrêter la
chute de la civilisation proprement hellénique, c'est celui-là même,
mais porté au format de l'humanité tout entière,qui fait la grandeur
périlleuse de l'heure présente. Nous ne concevons plus quelle tour
d'ivoire mettrait le moins distrait des Archimèdes futurs à l'abri
de son destin. Seulement, nous apercevons aussi qu'il ne suffirait
plus de rêver le miracle d'un roi devenant philosophe ou d'un philo-
sophe devenant roi. Les peuples ont pris en main la charge de leur
avenir ; c'est à eux de se rendre perméables à la sagesse, d'acquérir
la conscience de notre unité fondamentale » (*).
De son côté, M. Hans DRIESCH, au nom de l'Allemagne, reprenait
la thèse de M. Brunschvicg.que la philosophie est une pensée com-
mune à toute l'humanité. Paradoxe à l'apparence étrange, car aussi-
tôt après, M. Ralph PERRY, parlant au nom des États-Unis, décla-
rait que les philosophes d'écoles différentes sont incapables de se
comprendre. Mais il ajoutait avec raison que s'ils ne se comprennent
pas, ils pensent par le même effort, et ils sympathisent, et même
leurs luttes mutuelles ne sont possibles que grâce à une certaine
conscience commune. Et en effet l'intérêt pris par les congressistes
aux manifestations de toutes les doctrines, la courtoisie des discus-
sions, l'effort commun vers la précision, les conversations rappro-
chant tout le monde, allaient montrer que le Congrès dePhilosophie
avait bien quelque chose d'oecuménique : les philosophes peuvent
travailler pour la paix, leur internationalisme raj'onne toujours
autour d'eux.
Afin de ne pas trop disperser l'attention du lecteur, au lieu de
suivre les séances jour par jour, nous suivrons les divisions de la
philosophie, en commençant par la logique et la théorie de la con-
naissance.

(1) Nous empruntons ce texte au feuilleton de M.Frank Abauzit dans le Jour-


nal des Débats du 10 septembre.
188 G. RABEAU

Quel rapport y a-t-il pour nous entre la pensée scientifique et


l'idéal de la connaissance? A cette question, posée par le comité,
ont répondu M. Léon Brunschvicg, M. Bruno Bauch, M. Dupréel.
^ M. BRUNSCHVICG fait d'abord cette constatation paradoxale,
qu'après les extraordinaires progrès de la science expérimentale,
nous sommes presque déçus et nous nous demandons si la science
ne nous a pas éloignés de l'idéal qui nous avait inspiré la recherche.
Ily a là un reste de la mentalité puérile ou primitive. Nous oublions
que la physique réussit par le calcul, non par déduction conceptuelle,
et qu'elle ne réussit pas davantage en éliminant des antécédents
empiriques, mais en intégrant des facteurs qui ne sont pas fournis
à notre échelle. La philosophie, qui aurait dû rejeter l'idéal archaï-
que d'un réalisme déductif ou d'un réalisme inductif, a continué
à poser des problèmes qui ne répondent plus aux conditions effec-
tives de la recherche de la vérité. Elle devrait se libérer de l'héritage
du passé, se faire contemporaine de la science, abandonner l'idéal
d'une déduction fondée sur des premiers principes ou d'une expé-
rience s'attachant à des « faits cruciaux ». La théorie des ensembles
en mathématiques, celle de la relativité en physique ont ruiné défi-
nitivement la conception de points de repère absolument extérieurs
à la science : « le monde eiristeinien ne se réfère qu'à lui-même, grâce
à la connexion intrinsèque des formes mathématiques et des faits
d'expérience, sans offrir désormais la moindre prise à la tentation
de les dissocier ». Par conséquent, les philosophes se trompent quand
ils essaient de définir l'être par une hiérarchie d'essences et de qua-
lités : car il ne se définit qu'« au niveau proprement humain,
par une coordination des perspectives prises de centres différents,
et reliées les unes et les autres grâce à des formules de transforma-
tion qui font surgir de la multiplicité des perspectives individuelles
l'harmonie d'un système mathématique. » L'être se constitue par
une « fonction de réciprocité ».
Le lecteur a reconnu les idées qui sont le fond des grands ouvra-
ges de M. Brunschvicg, concentrés en un raccourci saisissant. Cette
interprétation de l'histoire des sciences, pour séduisante qu'elle soit
au premier abord, ne suppose-t-elle pas des conditions de sa vérité
qui la rendent impossible? Comment le progrès de la physique ma-
thématique nous donne-t-il conscience de ce que l'esprit apporte
de lui-même dans la vérité du monde,si la connexion des formes ma-
thématiques et des faits d'expérience est indissociable? Et si désor-
mais tout terme de référence extérieur nous est refusé, comment
exprimer et concevoir une philosophie qui décrit l'union del'esprit
et du réel ? N'est-elle pas obligée, malgré elle, de se placer à un point
de vue de l'absolu, de construire une phénoménologie de la subjec-
tivité et de l'objectivité?
C'est précisément ce que soutint, après M. Brunschvicg, M. Bruno
BAUCII : pour résoudre le problème du rapport entre la science et
l'idéal de la connaissance, il faut d'abord résoudre celui du rapport
entre la science et la vérité. Or, entre la science et l'idéal de la science,
LE CONGRÈS DE PHILOSOPHIE D'OXFORD 189

il semble qu'il y ait un cercle vicieux : l'idéal implique un plan que


seule la pensée scientifique en exercice a pu concevoir, et la science
n'a pu se constituer que si la recherche était inspirée par un idéal.
En réalité, il n'y a pas de cercle vicieux. Simplement, l'idéal de la
science est déterminé, c'est-à-dire conçu et compris par la pensée
scientifique ; et si à son tour il détermine la pensée scientifique
c est en ce sens qu'il en est la condition et le but.Nous n'avons donc
pas affaire à un cercle vicieux, mais à une « structure dialectique »
à plusieurs degrés : le plus haut de ces degrés est l'idée de la vérité ;
l'idéal scientifique est entre la pensée et la vérité. Décrire les divers
degrés dialectiques est maintenant le problème qui se pose à nous.
La pensée scientifique, qui est un fait, est le degré le plus bas.
Son sens et son but sont de connaître la vérité. On serait tenté de dire
que l'idéal de la pensée est d'exposer la vérité, la connaissance étant
une projection de la vérité sur la pensée. Mais on n'aurait pas par là
déterminé l'idéal de la pensée scientifique.Car celle-ci n'est pas seule-
ment connaissance de la vérité, elle est connaissance qui fonde, qui
cherche et trouve des fondements. Fonder par des raisons est à la
fois la condition et le but de la pensée scientifique, c est la projection
de la vérité sur elle. Que ce soit condition et but n'est évidemment
pas un rapport doriné dans le temps : il y a là un rapport ultratem-
porel, qui annonce le caractère ultratemporel de la vérité.
Fonder par des raisons est un travail inachevable. Par là se révèle
la nature de la vérité comme enchaînement de relations objectives,
et c'est cela qui confère à la pensée scientifique sa structure ob-
jective, et sa tendance vers l'infinité. L'idéal est exposé par la pensée
sous la forme d'une esquisse, d'un plan ; à son tour ce plan exige
qu'on suive une voie pour parvenir au but. Cette voie est la méthode.
.
La méthode n'est pas le plan, qui est un projet dirigé selon la mé-
thode. En somme, entre la pensée scientifique concrète et la vérité,
s'élève tout un escalier dont les marches, à mesure que l'on monte,
ont de moins en moins le caractère du réel et de plus en plus le carac-
tère de l'idéal-objectif. Ainsi, réel et vérité doivent être distingués
mais non séparés : la vérité, comme enchaînement de relations ob-
jectives, n'est pas une abstraction, elle est la puissance fonctionnelle
intemporelle de l'idée pour constituer le réel. Entre vérité et réalité,
la relation est existence, c'est-à-dire Se-Tirer-Hors-De-Soi.
Serait-ce une malice injustifiée de dire que la communication du
-
professeur de la Sorbonne et celle du professeur d'Iéna, avec leurs
qualités et leurs défauts, étaient des exemples typiques de pensée
française et de pensée germanique?
Celle de M. Hans DRIESCII, sur la phénoménologie et son ambi-
guïté, fut, à ce qu'il nous paraît, une des meilleures du congrès. En
dehors de certaines autres tendances plus ou moins contestables
le mot « phénoménologie » recouvre aujourd'hui trois formes de
recherche : une psychologie descriptive, une ontologie en tant que
doctrine des catégories, et un système de définitions de concepts
empiriques. La premièfe livre à la psychologie un bon travail pré-
190 G. RABEAU

paratoire, mais qui devrait préciser davantage aussi bien les élé-
ments que les totalités de la vie psychique ; la seconde et la troisième
sont également fructueuses.Husser la raison aussi de voir dans le
réel les « états de choses » qui sont des types d'ordre : ce n'est pas
nous, comme le croyait Kant, qui imposons ses lois à la nature. Seu-
lement, les Phénoménologues prétendent qu'ils voient les essences
des choses empiriques : ils sont comme les grandes personnes sans
psychologie, qui s'imaginent percevoir en bloc la « chose », l'autre
personne et la troisième dimension, parce qu'elles oublient le travail
de construction de ces notions opéré par elles dans l'enfance. Ensuite
les Phénoménologues, avec leur doctrine du « se donner, être donné »,
sont si bien persuadés que le réel leur est totalement accessible,
qu'ilsfont du monde phénoménal le monde en soi. En somme, ils
affirment, sans le prouver, des voies nouvelles du connaître, ils
tiennent pour science ce qui n'est que foi, et c'est là un grave danger
pour la philosophie.—Ces remarques de M. Dr. sont assurément de
très grande portée, en particulier sur le pouvoir qu'a l'intuition de
connaître des types d'ordre et sur son incapacité de saisir des essen-
ces telles quelles.Il y aurait intérêt à rapprocher ces vues de celles
émises par le P. Roland-Gosselin dans son travail profond sur l'in-
tuition (x).
La communication de M. LALANDE, malheureusement absent, fut
lue par un ami : « Formalisme et valeurs logiques ». S'il est impossible
de définir correctement la logique en tant que système formel, tout
s'éclaire quand on voit en elle un système de valeurs ou d'obliga-
tions : les apories accumulées depuis des siècles disparaissent, si
les énoncés logiques sont simplement des préceptes de pratique in-
tellectuelle. Mais très peu de gens sont disposés à accepter que la
logique soit simplement un système de valeurs ; ils ont ce préjugé
que les valeurs doivent être fondées sur l'être, sur des faits : ils ne
comprennent pas que, pour chaque génération, les faits sont cons-
stitués par les valeurs de la génération précédente. Ce n'est pas à
dire que les valeurs ne soient fondées sur rien : elles sont fondées sur
la « raison constituante », par opposition à la « raison constituée »,
celle qui a intégré l'expérience. Il est sans doute difficile d'isoler à
l'état pur la « raison constituante » : on pourrait cependant la défi-
nir : 1° par la recherche de l'identité comme valeur ; 2° par la recher-
che de l'assimilation des esprits entre eux, des choses entre elles et
des choses aux esprits.
Nous devons mentionner encore, parmi les communications de
logique, celle de M. LOSSKY, sur « Les principales caractéristiques
d'un système de logique basé sur l'intuitivisme en épistémologie

(1) M.-D. ROLAND-GOSSELIN. Peut-on parler d'intuition intellectuelle dans


la philosophie thomistel, dans Philosophia perennis, Festgabe Joseph Geyser
zum 60 Geburtstag. Regensburg, Josef Habbel, 1930.
LE CONGRÈS DE PHILOSOPHIE D'OXFORD 191

et l'idéal-réalisme en métaphysique ». Nous ne la résumons pas :


M. Lossky est bien connu en France, où il a exposé ses idées à une
séance de la Société Française de philosophie.
Le comité avait posé la question : « Les récents progrès de la
physique ont-ils une importance métaphysique»? M. Zygmunt
ZAWIRSKI, de Poznan, soutint, malgré le fameux principe de Hei-
senberg, que nous avons le droit de maintenir la valeur du principe
de causalité : si les lois de la nature sont des lois statis iques,il reste
cependant qu'un effet apparaît plus souvent qu'un autre. Il y a
lieu d'en chercher la raisons ui'i'isante, et c'est là une causalité. De
plus, la nouvelle théorie, en admettant le chaos pour le monde mi-
croscopique et l'ordre à notre échelle, pose une énigme que l'intel-
ligence doit résoudre par le vieux principe de causalité. M. Jorgen
JORGENSEN, de Copenhague, dénonce la confusion philosophique
dont le principe de Heisenberg est l'occasion : on l'interprète comme
si notre connaissance subjective apportait une perturbation dans le
phénomène à étudier, et par conséquent comme si sujet et objet
étaient la même réalité. C'est là une confusion intolérable. « Ce
n'est pas de voir l'électron qui trouble sa marche, mais la collision
entre lui et un quantum de lumière. » Toute la conclusion qu'on en
peut tirer est qu'un phénomène indépendant de nous et un phéno-
mène provoqué par nous interfèrent, ce qui suppose objectivité et
causalité, loin de les supprimer.
Très intéressante séance consacrée à la méthode et au rôle de
l'histoire. M. Jacques CHEVALIER, si avantageusement connu en An-
gleterre, traite de la signification des faits en histoire. Un fait his-
torique n'est pas le phénomène extérieur qui apparaît, mais la réa-
lité totale indiquée par les phénomènes : réalité spirituelle qui ren-
ferme les sentiments cachés, les motifs secrets, les tendances à peine
conscientes. Le fait historique se ramifie dans toutes les directions,
il est le produit de toutes les activités humaines. Le comprendre ne
consiste donc pas à noter un événement brut, mais à interpréter un
complexe infini. Pour le penseur, le fait historique ne fait qu'un
avec son interprétation. Or, la science phénoménale, abstraite, dé-
coupant des séries d'événements, s'imagine expliquer les faits. Elle
n'y réussit pas, parce que le fait est le résultat de la rencontre im-
prévisible de plusieurs séries ; il a en lui un élément de hasard ; en
d'autres termes, il est individuel, il est déterminé par les «petites
causes », les « causes accidentelles ». « L'accidentel, en histoire, est
la règle, et, pourrait-on dire, l'essentiel ». De là le devoir pour l'his-
torien d'étudier l'individualité en sa réalité interne, de découvrir les
initiatives. Or, en constatant les initiatives,il s'aperçoit qu'elles ne
s'agitent pas en un désordre absolu. Les faits de l'histoire s'enchaî-
nent en un ordre inattendu, « mais en un ordre véritable, et tel qu'une
moyenne de justice finit toujours par s'établir à la longue, sur des
motifs qui n'en sont pas la cause prochaine, et par des voies qui ne
sont pas celles que nous prévoyions ». Or, si l'histoire a ainsi une di-
192 G. RABEAU

rection qui se dessine peu à peu, direction inconnue des individus


qui ont réalisé les faits, en elle se révèle une activité transcendante
qui la conduit.
M. Nicolai HARTMANN reprend la tentative naguère essayée par
Simmel : tracer les catégories de l'histoire. Naturellement, il se place
au point de vue phénoménologique : décrire ces catégories. Il en
décrit deux principales : l'esprit objectif, réalité spirituelle que nous
font connaître les langues, littératures, arts, moeurs, etc., et l'esprit
individuel. L'un et l'autre collaborent, et progressent l'un par
l'autre. Mais l'esprit objectif n'est pas lié à une conscience : Qui
<;

connaît le droit tout entier dans lequel il vit ? Qui est renseigné adé-
quatement sur le style de vie qui est le sien et celui des autres? »
Le résultat de ce paradoxe est que nulle part une conscience ne
pénètre les situations et les nécessités totalesjorsqu'ily a à prendre
de ces grandes décisions qui intéressent la vie des peuples ou le salut
spirituel de beaucoup d'âmes. Ceux qui décident agissent donc for-
cément d'après des pensées inadéquates : le cours de l'histoire est
déterminé par de petites causes individuelles. « La conséquence en
est : la destinée politique des peuples demeure en grande partie
livrée au hasard, c'est-à-dire à des forces inconnues. L'homme ne
peut le gouverner qu'en une très petite mesure. En dehors de lui
et au-dessus de lui il n'y a personne pour le gouverner ».
Sur la philosophie religieuse, à noter plusieurs communications,
et, m'a rapporté un ami, des conversations particulières qui suivi-
rent. M. Ph. KOHNSTAMM, d'Amsterdam, nous dit qu'à l'époque de
sa vie d'étudiant, lui et ses amis auraient défini les rapports
entre religion et métaphysique comme les rapports entre deux
superstitions en train de mourir. La situation est maintenant tota-
lement retournée : si la métaphysique est la limite qu'approche la
connaissance de l'univers quand elle prend de plus en plus de faits
en considération, n'est-il pas évident que tout philosophe est méta-
physicien? Quant à la religion, elle est, par rapport à l'univers,
une attitude suprathéorique, concernant non seulement l'intelli-
gence, le vouloir et le sentiment, mate la personnalité entière, et
attitude par laquelle l'individu pense et reconnaît sa dépendance
d'un pouvoir souverain. Telle est la conception de la religion que
nous devons accepter de la psychologie contemporaine. La crainte
respectueuse est donc essentielle à toute religion. Par conséquent tou-
tes les théories(Heymans, Max Stirner, les matérialistes),qui veulent
que la pensée humaine s'assujettisse tout, négligent les plus puissants
sentiments humains, et sont fondés sur « un système pathologique
d'axiomes ». Et ces théories, loin d'être le résultat de doctrines
rationnelles, expriment une volonté irrationnelle de domination,
et s'efforcent de supprimer les arguments qui les gênent. Plusieurs
métaphysiquessontpossibles qui seraient d'accord avec les sentiments
religieux, mais aucune autant que la métaphysique chrétienne,
voyant « dans l'univers l'expression d'une volonté personnelle, et
LÉ CONGRÈS DE PHILOSOPHIE D'OXFOKD 193

reconnaissant qu'elle a rencontré Celui en qui l'Autorité et l'Amour


de Dieu sont entrés dans le temps et l'espace en prenant une forme
humaine. »
L'unité de la conscience et la religion, tel est le sujet traité par
M. Edgar Sheffield BRIGHTMAN, de l'Université de Boston. Il y a
une unité de la conscience, c'est le fait de l'expérience présente et
de ses souvenirs, interprété par une fonction de la pensée qui dépasse
le temps. Si l'on a échoué à faire de cette unité une forme fixe a
priori aussi bien qu'une addition d'événements empiriques, c'est
qu'elle a deux aspects également réels : l'unité synthétique de l'aper-
ception est un fait aussi bien que les phénomènes d'association.
Aussi bien l'interprétation rationnelle que la perception sensible
sont justifiées. Or, si l'unité consciente est une unité concrète de
facteurs transcendantaux et empiriques, elle rend immédiatement
la conception théiste de l'univers beaucoup plus probable que toute
autre. De plus, elle suggère la possibilité d'une vie immortelle en
rapport avec notre vie présente, sans impliquer que cette vie sera
liée à une expérience sensible.
Ces idées-là, diront maints lecteurs, n'ont rien de nouveau, et il
ne valait pas la peine de les résumer. Nous répondrons que si elles
ne sont pas nouvelles, il était peut-être nouveau qu'on les présen-
tât à un congrès de philosophie et qu'elles parussent recevoir l'as-
sentiment général. Une atmosphère plus spiritualiste, plus propice
à l'épanouissement des convictions religieuses, se répand incontes-
tablement dans le monde philosophique. Il est vrai que les décla-
rations de foi positive étaient d'ordinaire assez enveloppées, et
c'est pourquoi M. LUTOSLAWSKI, impatienté par cette réserve, vint
déclarer que personne n'avait abordé le problème véritable, celui
des rapports avec Dieu : comment se fait-il que dans cette assemblée
personne n'ose nommer Celui dont tous devraient parler? Quant
aux philosophes, ajouta-t-il, qui traitent des rapports entre méta-
physique et religion, ils devraient d'abord connaître la réalité reli-
gieuse qu'atteint une expérience indubitable. Faute de quoi, ce qu'ils
disent'n'a pas de sens.
Ces quelques extraits, faits un peu au hasard, suffiront sans dou-
te à donner une idée des discussions du congrès et de leur atmosphère
mentale; Nous ne résumons pas les grandes discussions sur «.la va-
leur de la philosophie morale et politique comme guides pour la
pratique » ni celle « sous quels rapports la philosophie a-t-elle pro-
gressé? «bien que fort brillantes, parce que les pensées présentées
sont assez faciles à conjecturer. Nous regrettons de n'avoir pas assis-
té à d'autres discussions profondes oùl'on s'attaquait aux problèmes
fondamentaux : la distinction entre le Lien et le mal moral est-elle
une distinction dernière ? (MM. LAIRD, MI.DICUS, PARODI, SCHILLER).
Nous regrettons aussi de n'avoir pas entendu la claire et convain-
cante communication de Mgr NoëL sur « La théorie de l'intelli-
gence selon la tradition aristotélicienne » : le prestige du maître de
Louvain compensait un peu l'absence des Universités catholiques
de France et d'Italie. Mais le lecteur trouvera ces discussions, avec
beaucoup d'autres dignes d'être mentionnées,dans les Actes du Con-
grès. Gaston RABEAU.
REVUE DES SCIENCES. — T. XX> FASC. 1. — 13.
' CHRONIQUE

ALLEMAGNE. — Revue. — Les Annalen der Philosophie viennent de se


changer en une nouvelle revue, à la suite de l'affiliation de la Gesellschaft fur
empirische Philosophie de Berlin à la Verein Ernst Mach de Vienne. Le nouvel
organe, publié à Leipzig, chez Félix Meiner, est dirigé par Rudolph CAKNAP
et Hans REICHENBACH, Le titre qu'ils ont choisi exprime leur but, qui n'est
pas de collectionner les nouveautés conceptuelles ou les systèmes complets, mais
de chercher à connaître. Erkenntnis paraîtra six fois l'an, au prix d'abonnement
de 20 RM. Rédaction : Prof. H. Reichenbach, 45 Schûtzallee, Berlin-Zehlen-
dorf.
' Voici le sommaire du premier fascicule : Moris SCHLICK, Die Wende der Philo,
sophie ; —• Rudolf GARNAP, Die aile und die neue Logik ; — Walter DUBISLAV,
Ueber den sogenaimlen Gegenstand der Malhematik ; — Hans REICHENBACH,
Die philosophische Bedeutung der modernen Physik. — Le second fascicule con-
tient le texte des conférences données à la première Tagung fur Erkenntnislehre
der exaklen Wissenschaften tenu à Prague en 1929.

Publication. — M. F. WIEGAND vient de donner une réédition partielle des


Analekten zur Geschichte des Franciscus von Assisi de H. Boehmer. Tout en
s'efforçant de garder son caractère personnel à l'oeuvre de H. Boehmer, F. W.,
qui vise un public d'étudiants, l'a allégée de toute une partie de son appareil
d'érudition critique. Éditeur : Molir, Tubingue, 1930.

Décès. — Mgr A. BLUDAU, évêque d'Ermland, est décédé à l'âge de 67 ans.


Il avait été professeur d'exégèse à Munster de 1897 à 1908. On lui doit divers
travaux sur le prophète Daniel dont il avait en particulier donné une traduction
allemande (1897).
— On annonce la mort à Salzberg (Autriche) du Dr. Ludwig STEIN
professeur à l'Université de Berne puis à celle de Berlin, membre de l'Aca-
démie Royale des Sciences. Il laisse une oeuvre philosophique importante : Die
Willensfreiheit (1880) ; Die Psychologie der Stoa (1886) ; Die Erkenntnistheorie
der Sloa (1888) ; Leibniz und Spinoza (1890) ; Friedrich Nietzsche (1893) ; Der
Sinn des Daseins (1904) ; Philosophische Strômungen der Gegenwart (1908) ;
Dualismus oder Monismusl (1910). Il s'occupa également de sociologie et diri-
gea plusieurs périodiques: Archiv fur Geschichte der Philcscphie, Arihiv fur
Systematische Philosophie, Die Berner Sludien zur Philosophie und ihre Ge-
schichte.

ANGLETERRE.— Conférence. — En juin dernier les évêques anglicans,


au nombre de trois cents environ,s'étaient réunis au Palais de Lambethà Londres.
CHRONIQUE 195

Les conclusions de leurs travaux, qui étaient demeurés secrets, ne furent com-
muniquées que vers le milieu d'Août avec une lettre de l'Archevêque de Cantor-
béry à toutes les églises anglicanes et épiscopaliennes. Ces conclusions,formulées
en 75 résolutions, sont d'une importance qui n'a échappé à personne. L'autorisa-
tion d'user de pratiques anticonceptionnelles dans le but de limiter le nombre
des naissances a tout particulièrement attiré l'attention. Nous renvoyons pour
ce qui regarde cette conférence de Lambeth et ses résolutions aux articles des
numéros deSeptembre, Octobre et Décembre de Theology dont nous avons donné
la recension. Signalons également que Les Documents de la Vie intellectuelle
(Juvisy, Seine et Oise) ont publié dans leur numéro du 20 octobre une traduc-
tion française des 75 résolutions de l'épiscopat anglican.

Revue. — On annonce la publication, à partir du début de 1931 d'une


nouvelle revue catholique destinée au clergé anglais. La rédaction en sera diri-
gée par Mgr Canon MYERS, président de St. Edmund's Collège à Ware, et le Rev.
T. E. FLYNN, vice-recteur de St.Joseph Collège, Upholland, Wigan (Lancashire),
sous la présidence de Mgr Richard DONWEY,archevêque de Liverpool. The Clergy
Reviem semble destinée surtout à satisfaire les besoins pratiques du ministère
pastoral. Il comportera cependant, outre les renseignements canoniques et homi-
létiques, les résumés de science ecclésiastique et les recensions de livres, des ar-
ticles de fond d'une notable étendue. Prix d'abonnement : une Livre par an.
Adresse : 1, Arundel Street, London W. C. 2.

Décès. — A Oxford vient de mourir, âgé de 81 ans, Mgr BARRY. Son activité
s'était déployée à la fois dans les domaines de la philosophie,de l'histoire et de la
littérature. Il a laissé notamment une Histoire de la monarchie pontificale, des
biographies de Newman et de Renan et La Tradition de l'Écriture.
— La mort du Professeur Cuthbert Hamilton TURNER prive l'Université d'Ox-
ford d'un de ses plus distingués professeurs et la science religieused'un travailleur
auquel elle doit beaucoup. Né en 1860 à Londres, professeur d'histoire ecclé-
siastique puis d'exégèse, Fellow de Magdalen Collège à Oxford, premier direc-
teur (1899-1902) puis membre du comité de direction (jusqu'en 1912) et collabo-
rateur assidu jusqu'à sa mort de The Journal of Theological Studies, éditeur des
Ecclesiae occidentalis Monumenta Juris antiquissima dont le premier tome com-
mença de paraître en 1899 et que sa mort laisse inachevés, collaborateur du
Dictionnaire de la Bible de Hastings (articles Chronology of the New Testament
et Greek Patristic Commentaries of the Pauline Epislles) et de celui de Murray
(article Text of the New Testament), auteur d'un nombre considérable d'articles
et de plusieurs ouvrages, notamment The Sludy of the New Testament (1883 et
1920), The Historij of Creeds and Anathemas in the Eearly Centuries of the Church
(1906), et l'étude de S. Marc dans le New Commentary, il a concentré la part
principale de son activité, qui fut immense en dépit d'une santé précaire, sur le
christianisme primitif étudié à la lumière des diverses disciplines positives : his-
toire, exégèse, patristique, droit. Croyant sinci're, appartenant à l'Église angli-
cane sans s'être engagé dans l'état ecclésiastique, il se tenait jusqu'à preuve du
contraire aux positions traditionnelles. Les hypothèses brillantes ou les négations
hasardeuses n'étaient point son fait. Il s'appliquait surtout à l'étude patiente des
196 CHRONIQUE

documents, soucieux de ne rien avancer qui ne lui parût vérifié de la manière la


plus minutieuse. Ses études sur les collections de manuscrits latins des canons
en cours de publication dans The Journal of Theological Sludies (le n° d'octobre
1930 en contient encore une), sont un exemple caractéristique de cette préci-
sion et de cette conscience professionnelle.La haute valeur de ses travaux et
l'esprit scientifique qui s'y exprime assureront à son nom le respect durable des
savants.

AUTRICHE. —• Congrès. — Un Congrès international de psychologie reli-


gieuse se tiendra à Vienne du 26 au 31 mai 1931. On y discutera sous différents
points de vue (éducation, expérimental, sociologique, psychiatrique, patholo-
gique, théologique, etc..) les grands problèmes de psychologie religieuse en se
donnant toutefois pour thème principal : la base psychologique de l'incroyance
de nos jours. Pour toutes informations concernant ce congrès, s'adresser à M.
KARK BETH président de la Société internationale de Psychologie religieuse et
professeur de théologie protestante à l'Université de Vienne. Zitterhofergasse
8, Vienne VII.

— Le sixième Congrès des Orientalistes allemands s'est tenu à Vienne du 10


au 14 juin 1930 avec un plein succès. Des rapports qui y furent présentés, rete-
nons en ici trois qui apportent ou annoncent du nouveau.
P. KRETSCHMER (de Vienne) entretint l'assemblée du Dictionnaire du grec
médiéval dont M. Phaidon KUKULES et l'Académie d'Athènes ont récemment
repris l'initiative. On ne possède jusqu'ici en cette matière que le Greek Lexicon
of the Roman and Byzantine Periods, de E. A. Sophoclès (Boston, 1870), et cet
ouvrage, qui d'ailleurs ne dépasse pas l'an 1100, n'est plus au fait des études
helléniques renouvelées par Krumbacher depuis 1890.Après hésitation, on s'est
arrêté pour la période qu'embrassera le nouveau travail à 300-1500 ; de même
on est résolu à tenir compte des possibilités et à ne rechercher qu'une minutie
et une abondance compatibles avec l'état des textes publiés, le nombre et les
ressources des travailleurs. Les dernières précisions n'ont pu être arrêtées qu'au
Congrès d'Athènes (12-18 octobre 1930).
M.H.GRÉGOIRE (de Bruxelles) rencontra un succès particulier avec une com-
munication sur la conversion de Constantin. Cette étude, qui paraîtra dans la
Rev. d'Hist. des Religions sera recensée en son temps.
M. N. A. BÉES (d'Athènes) empêché au dernier moment.n'ayant pu lire son
mémoire sur ses travaux préparatoires à une reprise de l'Oriens christianus
de LE QUIEN, fut remplacé par M. F. DÔLGER (de Munich) qui donna un aperçu
des travaux relatifs aux chartes byzantines.Ces travaux, rendus très difficiles
par les difficultés d'après guerre, se poursuivent grâce à l'acharnement de cher-
cheurs infatigables. En 1924 et 1925 ont parûtes deux premiers fascicules des
chartes impériales (565-1204) ; de grosses difficultés de texte ou de chronologie
ont retardé la publication du fascicule suivant ; mais on pense l'éditer cette année
avec le fascicule 4. M. Dolger détaille les efforts accomplis et les démarches qu'il
reste à faire pour rassembler l'énorme matériel de cette précieuse collection.

Décès. — Le 19 octobre est décédé à Vienne le R. P. Léopold FONCK, S. J.


ancien président de l'Institut Biblique de Rome.
CHRONIQUE 197

Né à Wissen, près de Dûsseldorf, en 1865, le R. P. Fonck avait enseigné les


sciences bibliques à l'Université d'Innspruck, puis à l'Université Grégorienne à
Rome. Il fut alors le premier président de l'Institut biblique de Rome.
Le R.. P. Fonck avait publié dans les Biblische Studien un fascicule estimé sur
la Flore biblique : Streifziige durch die biblische Flora, Fribourg-en-Brisgau,
1900 ; il avait tracé les règles du travail scientifique dans un ouvrage, qui fut
ensuite adapté au public français : Wissenschaftliches Arbeiten, Beitr&ge zur
Methodik des akademischen Studiums, Innsbruck, 1908 ; on n'avait malheureuse-
ment pas admiré la même sérénité scientifique dans s'a contribution à l'his-
toire et à la critique de-l'exégèse : Der Kampf um die Wahrheit der H. Schrift
séit 25 Jahren, Innsbruck, 1905, et le P. Lagrange marqua à juste titre ses réser-
ves dans la Revue biblique (1906, pp. 148-160).
Mais l'ouvrage du R. P. Fonck, qui restera le plus cité et qui a eu plusieurs
éditions, est son étude des Paraboles dans les Évangiles : Die Parabeui des Herrn
im Evangelium exegetisch und praktisch erlâutert, Innsbruck, 1902. On sait que
l'auteur s'y montrait partisan de la thèse de justice sur le but des paraboles :
Le Christ a parlé au peuple en paraboles afin d'en cacher le sens à la foule ; les
-paraboles sont destinées à aveugler et à endurcir les Juifs.

BELGIQUE. — Nominations. — M. Lucien CERFAUX, professeur au grand


séminaire de Tournai, a été nommé professeur d'Écriture sainte du Nouveau
Testament à l'Université de Louvain et M. G. RYCKMANS professeur de langues
orientales.

Publication. — Le Muséum Lessianum se propose d'éditer une oeuvre pos-


thume du P. X. M. Le Bachelet : La controverse sur la prédestination et la grâce
efficace dans la Compagnie de Jésus au temps d'Aquaviva (1610-1613). Histoire
et documents inédits. Cette publication comprendra deux volumes, gr. in-8°
de 400 p. environ. L'édition ne sera entreprise que lorsque l'on sera assuré de
grouper un nombre suffisant de souscripteurs.
—La revue Byzantion prend l'initiative de la création d'une nouvelle collection :
le Corpus Bruxellense. Cette collection sera consacrée à une réédition des his-
toriens et chroniqueurs byzantins, ainsi que des principaux textes hagiographi-
ques grecs ayant une valeur historique. La direction de Byzantion fait appel
aux historiens et aux philologues qu'elle espère voir venir en grand nombre lui
apporter leur concours pour cette grande entreprise. Les éditions du Corpus
Bruxellense comprendront en général :
1°) Une introduction;
2°) le texte avec apparat critique ;
3°) une traduction en langue française, allemande, anglaise ou italienne ;
4°) un commentaire plus ou moins succinct ;
5°) des indices très complets.
Voici la liste des publications déjà confiées ou promises :
La Chronographie de Pachymère par le R. P. V. LAURENT. La Chronique de
Muntaner par M. N. d'OLivER. Eunape Vie des Sophistes, texte revu par M. J
BIDEZ, traduction par M. P. THOMAS. Une édition de la Vie du patriarche Ignace
par Nicétas par M. A. VOGT. Les Miraeula S. Demetrii par M. F. DVORNIK.
198 CHRONIQUE

ÉTATS-UNIS. •— Congrès. — L'American Catholic Philosophical Associa-


tion tiendra les 29 et 30 décembre 1930,à Loyola University, Chicago (Illinois),
son sixième meeting annuel. On trouve au programme, à côté de travaux di-
vers sur la métaphysique, la philosophie des sciences, la morale, un groupe de
conférences sur S. Augustin et trois études sur La preuve de Dieu (J. B. Culemans),
L'Immanence de Dieu (J. F. Yvalsh), La Transcendance de Dieu (W. B. Collins).

FRANCE. — Revue. — Sous le titre de Archives de Philosophie du Droit et


de Sociologie juridique va paraître une nouvelle Revue consacrée toute entière
à la philosophie du droit. La direction en sera assurée par M. LE FUR professeur
ù la Faculté de Droit de Paris, assisté de MM.DAVY,recteur de l'Université de
Rennes, F. GÉNY, professeur à la Fac. de Droit de Nancy, LÉVY'-ULLMANN, pro-
fesseur à la Fac. de Droit de Paris, MATTER, membre de l'Institut, G. MORIN,
professeur à la Fac. de Droit de Montpellier, G. RENARD, professeur à la Fac. de
Droit de Nancy, G. RICHARD, professeur à 1 a Fac. des Lettres de Bordeaux, TEIS-
SIER, membre de l'Institut.— Secrétaire général de la Revue : M. G. GORVITCH.
Principaux collaborateurs : P. DE LA BRIÈRE, M. ROUSSEAU, CUCHE, J. CHEVA-
LIER, R. P. DELOS, R. HUBERT, GOUVOT, etc.. — Collaborateurs étrangers :
MM. GARNER, KAIRKS, MENDIZABAL, RADBRUCK, DEL VECCHIO, LEIBHOLZ, etc.
La Revue paraîtra par cahiers autonomes, de nombre variable, dont l'ensemble
formera un volume de 600 pages au minimum par an. Éditeur : Sirey, 22 rue
Soufflot, Paris.

Société. — Il vient de se créer récemment à Toulouse une Société Saint Tho-


mas d'Aquin. Elle groupe des universitaires désireux de connaître et faire
connaître de manière précise la philosophie thomiste. La société publie un Bulle-
tin d'information composé de notes courtes et substantielles. Abonnement : Aux
Beaux Livres, 2 bis, rue d'Alsace-Lorraine, Toulouse. Abonnement : 4 fr. par an.

Séances d'études. —Le groupe, lyonnais d'études médicales, philosophiques


et biologiques a organisé cette année dix séances autour du sujet : Les rythmes
et la vie. Secrétariat du groupe : 16 rue du Plat, Lyon.

Publications. — Du rapport présenté le 29 juin dernier à l'Assemblée géné-


rale de l'Association Guillaume Budé nous extrayons les informations suivantes
touchant les publications entreprises sous le patronage de cette société. Les pre-
miers volumes de la Collection latine du Moyen Age et ceux de la Collection ar-
chéologique paraîtront incessamment. Les volumes épuisés appartenant aux au-
tres collections seront améliorés ; c'est ainsi que le tome Ier des discours de Cicé-
ron sera réédité avec le Concours d'un juriste : M.E. CUQ.

— La collection Buddhica (Geutliner, Paris) publiera annuellement une Biblio-


graphie des éludes bouddhiques. Le premier tome a paru en 1930. Le comité de
patronage comprend MM.L. FINOT, L. DE LA VALLÉE-POUSSIN, Mrs Ruys DAVIDS,
M. WlNTERNITZ, M = lle M. LALOUE.

— Deux volumes de mélanges ont été remis par ses anciens élèves et ses amis
CHRONIQUE 199

à M. Charles DIEHL, professeur d'histoire byzantine à la Sorborme. Ces volumes


oeuvre de 46 savants français et étrangers, sont consacrés, le premier à l'histoire,
le second à des questions d'art.

Pris. — L'Institut international d'Anthropologie, réuni en Assemblée géné-


rale à Porto, a décerné son « prix Hollandais » (10.000 fr.) au R. P. TEILHARD
DE CHARDIN. Le distingué explorateur français s'est vu attribuer cette récom-
pense à la presque unanimité du jury international de l'Institut.

— L'Académie a décerné le prix Gegner (5.000 fr.) destiné à un écrivain


philo-
sophe auteur d'un travail pouvant contribuer au progrès de la science philo-
sophique à M. GUÉROULT, maître de conférences à l'Université de Strasbourg,
A la même séance, le prix Delbos (2000 fr.) réservé aux oeuvres propres à faire
connaître et promouvoirla vie spirituelle et la philosophie religieuse a été attri-
bué à M. P. ARCHAMBAULT, rédacteur des Cahiers de la Nouvelle Journée.

Décès. — Le 24 octobre est décédé à Grenobleà l'âge de 70 ans M. Pierre TER-


MIER, membre de l'Académie des Sciences. Longtemps professeur à l'École des
Mines de Paris, il remplit également les fonctions de directeur de la Carte géo-
logique de France. Sa disparition qui laissera un si grand vide dans le domaine
des recherches géologiques ne sera pas sans atteindre celui de la pensée philo-
sophique à laquelle P. Termier a consacré tant de pages vigoureuses et originales.

— Le même jour mourait à Paris un autre grand savant français, M. Paul


APPELL, ancien recteur de l'Académie de Paris, membre de l'Institut. Outre ses
célèbres travaux de mécanique, il avait publié un recueil d'articles intitulés :
Education et enseignement (Alcan), et une biographie de Henri Poincaré (Pion).

— Mgr de la VALETTE MONTBRUN est mort le 29 octobre. Il était l'auteur de


diverses études sur Maine de Biran dont il était le parent. En 1927 il avait com-
mencé la publication du Journal intime de ce philosophe.

—-M. Pierre LASSEBJSE est décédé le 8 novembre. Il était né à Orthez le 31 mai


1867. Nous n'avons pas ici à faire l'éloge de l'homme de lettres mais nous ne
pouvons passer sous silence ses études bien connues sur La jeunesse d'Ernest
Renan et Renan et son temps.

— On annonce la mort de M. l'abbé Joseph BRICOUT, né en 1867, à Boussières-


en-Cambrésis(Nord).Il avait été secrétaire de Mgr d'Hulst ; depuis 1893, il
exerçait à Paris les fonctions du ministère paroissial.
Pendant près de vingt-cinq années, il avait dirigé la Revue du clergé français
et y avait publié de nombreux articles. II avait dressé le plan et mené à bonne
fin la publication du Dictionnaire pratique des connaissances religieuses. On lui
doit aussi les deux volumes importants qui portent le titre : Où en est l'histoire
des religions 1! Paris, 1911 (avec la collaboration de nombreux spécialistes).
Citons encore : Jeanne d'Arc d'après M. Anatole France,Paiîs, 1909 ; Les mer-
veilles & Lourdes, Paris, 1909 \ La vérité du catholicisme, Paris, 1910 ; Ce qu'on
200 CHRONIQUE

enseigne aux enfants dans nos écoles publiques, Paris, 1910 ; L'histoire des religions
et la foi catholique, Paris, 1910 ; Mgr d'Hulst apologiste, Paris, 1919 ; L'enseigne-
ment du catéchisme en France, Paris, 1922 ; L'éducation du clergé français, Paris,
1922.

GRÈCE. — Congrès. — Le IIIe Congrès des Etudes byzantines s'est tenu à


Athènes le 13 octobre et les jours suivants. Il groupait 200 participants ; la
France était particulièrement P présentée par M. Ch. DIEHL, à qui fut confiée
la présidence de la séance de clôture. Les travaux du Congrès avaient été ré-
partis entre quatre sections : philologique, historique, archéologique et juridique.
L'un des caractères les plus marquants pris par les études byzantines depuis
la guerre est l'extension de leur domaine, au-delà de l'horizon de Byzance, dans
les régions circumvoisines et particulièrement dans les pays balkaniques. Les
communications faites au congrès ont révélé tout l'intérêt que présentait pour
l'histoire de l'Orient cet élargissement, correspondant à une réalité de fait, du
byzantinisme. A ne considérer par exemple que la Grèce on commence, grâce
à ces nouvelles perspectives, à s'apercevoir qu'entre l'antiquité classique et
l'époque médiévale il y a eu évolution progressive et non pas rupture brusque.
Tout un horizon de recherches qui promettent d'être très fructueuses s'ouvre
donc pour les Études byzantines. — Le prochain congrès se tiendra à Sofia
et le suivant en Italie.

ITALIE. •— Revue. —• Les PP. Capucins du Collège de S. Laurent de Brin-


disi à Assise se proposent de fonder une nouvelle revue : les Collectanea francis-
cana. Cet organe aura pour objet l'étude scientifique de l'histoire et de la doc-
trine franciscaines en général et plus spécialement de l'histoire et de la doctrine
capucines ; son activité s'étendra aux questions de vie spirituelle, de doctrine
théologique et philosophique, d'activité apostolique et culturelle.
Les Collectanea franciscana paraîtront quatre fois par an : en janvier, avril,
juillet et octobre, chaque fascicule devant comprendre environ 145 pages de
format in-8. Conditions d'abonnement : pour l'Italie 25 L, pour l'étranger 35 1.
Direction et administration : Collegio S. Lorenzo da Brindisi dei Minori Cappuc-
cini, Via S. Francesco 23, Assisi (Perugia).

Publication. — L'Université Grégorienne entreprend une nouvelle édition


des oeuvres du Cardinal Bellarmin. Son Explanatio in Psalmos est déjà sous presse.

Concours. — Sujet proposé par l'Académie romaine de Saint-Thomas : La


transcendance divine : Déterminer et démontrer la distinction essentielle entre
Dieu et la pensée humaine et le monde. Date limite à laquelle devront être dé-
posés les travaux : 31 janvier 1931. Prix : 5000 1.

Prix. — L'Académie Royale des Sciences de Turin conférera en 1931 un prix


(fondation GAUTiERi)à une oeuvre de philosophie ou d'histoire de la philosophie
publiée en 1927-1929. Cette oeuvre devra être d'un auteur italien et écrite en lan-
gue italienne. Le prix est de 1500 I,
CHRONIQUE 201

SYRIE. — Alphabet cunéiforme. — Au cours des fouilles pratiquées sur


la côte de Syrie, à douze kilomètres au norâ de Lattaquié, à Ras-Shamra, tell
voisin du petit port de Minet-el-Beida, MM. SCHAEFFER et CHENET ont décou-
vert.en mai 1929, un certain nombre de tablettes cunéiformes. M. Ch. VIROL-
LEAUD, en en présentant la copie dans Syria (1929, fasc. 4, pp. 304-310), écrit
que ces textes cunéiformes « comprennent deux espèces de documents nettement
distincts: les uns appartiennent à une langue bien connue, qui est' l'accadien
ou assyro-babylonien ; les autres, de beaucoup les plus nombreux, sont rédigés
en un cunéiforme entièrement nouveau ».
M. Virolleaud a discerné que, dans ce second groupe de textes de Ras-Shamra,
« nous n'avions pas
affaire à une écriture idéographique ou syllabique,mais
bien, sans aucun doute possible, à un alphabet. C'est un cunéiforme extrêmement
simplifié, réduit au minimum et qui est, par rapport au syllabaire accadien, à peu
" près ce que l'alphabet phénicien paraît être au regard des hiéroglyphes de
l'E-
gypte » (Syria, ibid., p. 305).
Le P. Paul DHORME, directeur de l'École biblique de Jérusalem, et M. le pro-
fesseur H. BAUER, de l'Université de Halle, se sont appliqués à découvrir cet
alphabet. Le premier réussit, d'abord, à lire le mot b'I (ba'al) qui se répète à tou-
tes les lignes de la tablette n° 14 (Revue biblique,!"1 oct.1930, p.573) ; le second
reconnut dans l'inscription qui est gravée sur les herminettes découvertes dans
les fouilles le mot grzn (garzen, hache), vieux terme sémitique qui se trouve dans
l'inscription du canal de Siloé et dans la Bible (Das Unterhaltungsblatt, 4 juin
1930, n. 128). Parallèlement, le P. Dhorme et M. Bauer ont continué leurs ef-
forts ; aidé par le premier déchiffrement de M. Bauer, le P. Dhorme a reconstitué
l'alphabet de Ras-Shamra (Rev. bib., loc. cit., p. 574) en identifiant vingt-trois
signes (trois seulement n'avaient pas encore leur équivalence) ; cet alphabet
lui permettait de donner un premier aperçu sur le contenu des tablettes. De son
côté, M. Bauer fournissait des précisions sur l'alphabet de Ras-Shamra (For-
schungen und Fortschritte, 20 août 1930) ; M. Bauer différait d'interprétation
avec le P. Dhorme, pour la lecture de trois signes.
M. VIROLLEAUD s'est attaché, lui aussi, au déchiffrement des tablettes de Ras-
Shamra. Dans la séance de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres du 25
octobre 1930, il a annoncé que le document essentiel, dont il n'a pas encore
publié la transcription, est une sorte de poème épique, dont le personnage prin-
cipal se nomme Taphon et qui compte, dans son état actuel, près de 800 li-
gnes. A eif juger parles documents archéologiques qui ont été recueillis au mê-
me niveau, les tablettes de Ras-Shamra datent des derniers siècles du deuxième
millénaire avant Jésus-Christ,du temps des Ramsès sans doute. Or, c'est l'épo-
que même à laquelle la tradition antique faisait vivre le poète phénicien San-
choniathon.dont quelques lignes seulement nous ont été conservées dans une tra-
duction grecque des débuts de l'ère chrétienne. La trouvaille a donc la plus
grande importance pour l'histoire des religions orientales comme pour la philolo-
gie sémitique. Elle apporte, en outre, un élément nouveau à la discussion du
problème des origines de l'alphabet.
Le P. DHORME fera paraître dans le numéro de janvier 1931 de la Revue Bi-
blique la Première traduction des textes phéniciens de Ras-Shamra,
202 CHRONIQUE

TCHÉCOSLOVAQUIE.— Congrès. — On a lu plus haut le compte-rendu


du 7e Congrès International de Philosophie. La prochaine session du Congrès est
annoncée pour 1934 : elle se tiendra à Prague, sous la présidence du Président
MASARYK.

TURQUIE. — Publication. — On annonce que la maison d'études byzan-


tines des Augustins de l'Assomption de Constantinople entreprend la publica-
tion d'une Bibliothèque byzantine et néo-grecque.Eludes et textes. Premiers tra-
vaux : Histoire du Monolhélisme par le R. P. V. GRUMEL ; Introduction à l'étude
des listes épiscopales des cinq premiers conciles oecuméniques par E. GERLAND ;
L'épiclèse eucharistique. Etude de théologie et de liturgie par le R. P. S. SALAVILLE.

VATICAN. — Saint-Oîrice. — Un décret de la Sacrée Congrégation du


Saint-Office, en date du 8 novembre 1930, met à l'Index les livres publiés par
l'abbé Joseph TURMEL SOUS les pseudonymes et les titres suivants : Louis
COULANGE, La Vierge Marie, 1925 ; La Messe, 1927 ; The life of the Devil, 1929 ;
Catéchisme pour adultes (2 vol.), 1929-1930. — Henri DELAFOSSE, Le Quatrième
Evangile, 1925 ; Les Ecrits de S. Paul : L'Epîlre aux Romains, 1926 ; Les Ecrits
de S. Paul : La Première Epître aux Corinthiens, 1926 ; Les Ecrits de S. Paul :
La Seconde Epître aux Corinthiens. Les Epîtres aux Galates, aux Colossiens, aux
Ephésiens, à Philémon, 1927 ; Les Ecrits de S. Paul : L'Epître aux Philippiens.
Les Epîtres aux Thessatoniciens. Les Epîtres pastorales. L'Epîlre aux Hébreux,
1928 ; Lettres d'Ignace d'Antioche, 1927. — André LAGARDE, The Latin Church
in the Middle-Age, 1925. — Edmond PERRIN, S. Thomas d'Aquin. Somme
théologique. Vol. I-II : Dieu, 1927-1929.

Index. — En date du 16 décembre la Sacrée Congrégation du Saint-Office


a inscrit au catalogue de l'Index l'article Messianisme paru dans le Dictionnaire
de Théologie catholique (coll. 1404-1568) et le livre intitulé Le Messianisme
(Paris Lctouzey, 1919), oeuvres de M. l'abbé Louis DENNEFELD, professeur d'Écri-
ture Sainte à la Faculté de Théologie de l'Université de Strasbourg.
RECESSION DES REVUES <*

ANTHROPOLOGIE (L') XL. 3. — H. BREUIL. Premières impressions de


voyage sur la Préhistoire sud-africaine. (Séjour de onze semaines dans le Sud de
l'Afrique. Sauf quelques exceptions, les civilisations sud-africaines se rapportent
toutes à la pierre taillée; si, probablement, ses origines sont aussi lointaines
qu'en Europe, ses derniers faciès se sont prolongés jusqu'à une période avancée
du xrxe siècle. Entre ces extrêmes, on trouve des outillages qui s'apparentent
plus ou moins étroitement à notre Paléolithique et Mésolithique européens ou
nord-Africains ; puis viennent des civilisations mixtes ; à une date plus récente
se placent divers stades du Laiestone âge ; à signaler aussi une grossièreindustrie,
plus ou moins comparable à celle de l'Asturien des Cantabres. — Classement
dés cultures: Age du la Pierre ancien ; Age de la Pierre moyen ; Age de la Pierre
supérieur. — Gravures et peintures diverses, d'une grande beauté.
— L'évo-
lution de l'âge de la Pierre dans le Sud de l'Afrique a suivi une marche sensi-
blement identique dans les grandes lignes à celle du Nord de l'Afrique, de l'Eu-
rope occidentale et méridionale, de l'Asie Mineure et de l'Inde. Toujours on a
l'impression que l'on n'a pas quitté ce monde dont l'Europe est le coin Nord-
Ouest, et l'Inde le coin Nord-Est.) pp. 209-223. — R. DE MECQUENEM. Outillage
préhistorique d'un nouveau sondage profond dans l'acropole de Suse. (Descrip-
tion des trouvailles faites dans le niveau Suse I et dans le niveau Suse II ;
au-dessus se trouvent la civilisation de la dynastie d'Agadé, puis les dépôts cor-
respondants à la troisième dynastie d'Our (2300 avant notre ère), et d'Hammou-
rabi vers le xxe siècle. Il ne paraît pas téméraire d'avancer que la plus ancienne
couche de Suse est antérieure à la moitié du IVe millénaire.) pp. 225-232.

E.-B. RENAUD.ies plus anciennes cultures préhistoriques du Sud-Ouest améri-
cain. (I. L'Homme de Folsom, au Nouveau-Mexique ; IL La culture des « Fu-
marales » ou monticules d'origine volcanique, au Nouveau-Mexique et dans
l'Oklahoma ; II. La culture des grottes : grottes de Kenton, dans l'Oklahoma ;
grottes volcaniques du Nouveau-Mexique.) pp. 233-258. — R. ANTHONY. Doit-

Q-) Tous ces périodiques nous sont parvenus au c ours du quatrième trimestre
de 1930. Seuls les articles ayant un rapport plus direct avec la matière propre
dé la Revue ont été résumés. On s'est attaché à rendre aussi exactement que
possible la pensée des auteurs en s'abstenant de toute appréciation. —Les Re-
vues catholiques sont marquées d'un astérique. — La recension a été faite par
les RR. PP. CHÂTELAIN, COURTOIS, DEMAN, FÉRET, GARDEIL, HERIS, PERINELLE,
MISSEBEY, "SYNAVB (Le Saulchoir), DUMONT (Lille), LAVERGNE (Le Havre),
SIMONIN (Rome).
204 REGENSION DES REVUES

on regarder l'évolution organique comme étant une marche dans le sens du progrès.
(" Il est contraire à l'esprit de la science de regarder l'évolution comme ayant
un sens progressif».) pp. 259-265. — P. DEFFONTAINES. Essai de géographie
préhistorique de la Tchécosl vaquie. (Les époques paléolithiques,néolithiques,
et énéolithiques, l'âge du Bronze dans les différentes régions de la Tchécoslo-
vaquie.) pp. 275-283.

*ANTOWIANUM. 1930. 4. — V. DOUCET. Magister Aegidius Carlerii


(t 1472) ejusque quaeslio de Immaculaia Conceptione B. Mariae Virginis. (Gilles
Charlier : esquisse de sa vie, ses oeuvres, influence et doctrine ; sa Q. de Immac.
Conc. : édition du texte d'après Paris Mazarine 959.) pp. 405-442. — L. MEIER.
De Schola Franciscana Erjordiensi saeculi XV (fin). (Méthode et attitude à
l'égard des autorités ; structure scolastique des traités ; langue latine et cul-
ture'; occamisme et scotisme ; do cilité à l'égard de l'Église.) pp. 443-474. —
L. OLIGER. Summula Inquisilionis Auctore Fr. Angelo de Assisio 0. M. (1361).
pp. 475-486.

ARCHIVES DE PSYCHOLOGIE. 1S30. Juil. — Richard MEILI. Re-


cherches sur les formes d'Intelligence. (Y en a-t-il plusieurs ou une seule? A
l'aide d'expériences faites sur 900 sujets environ (au moyen de 6 tests diffé-
rents), M. discerne dans l'acte complexe d'intelligence de multiples facteurs :
analytique, ' inventif, abstrait, concret visuel et entraînement. Mais ces fac-
teurs, « tels qu'ils se révèlent dans les analyses statistiques, sont des qualités
de l'acte d'intelligence unique en lui-même ». M. se sépare de Spearman qui
n'admettait que deux facteurs.) pp. 201-284. — André REy. Contribution à
l'étude de l'illusion de poids chez les anormaux. (Description d'un dispositif
expérimental destiné à mesurer, non plus seulement la fréquence du signe de
Demoor, mais la grandeur de l'illusion. Examen de 42 anormaux de 7 à 15 ans.
Conclusion : « un certain degré de développement mental est une condition
importante pour que l'illusion se manifeste ». ) pp. 285-297. •— Jeanne ALPHONSE
et Pierre BOVET. L'échelle canadienne de composition française. (L'échelle ca-
nadienne (qui va de 1 à 17) à été établie par le professeur Trabue suivant la
méthode de Thorndike. Sur 32 compositions corrigées par 4 personnes, cette
échelle s'est montrée supérieure à l'échelle ordinaire (variabilité moindre et
plus constante), pp. 298-305.

*ARCHIVUM PRANCISCANUM HISTORICUM. 1930. Oct. —


A. STROICK. Ver/asser und Quellen der Collectio de scandalis Écclesiae (fin).
(Autres sources : Pierre de Blois, Etienne de Tournai, Jacques de Vitry, Hu-
gues de Saint-Viclor. Aucune dépendance par rapport à Humbert de Romans.
Conclusion : marche générale et forme littéraire de la Collectio.) pp. 433-
466. — W. LAMPEN. De Fratribus Minoribus in Universitate coloniensi tem-
pore Medii Aevi. (Notes biographiques, en grande partie inspirées de H. KEUS-
SEN, Die Matrikel der Universitât KôlnÇBonn, 1892-1919), sur les Frères Mi-
neurs ayant appartenu à l'Université de Cologne depuis le xiv° siècle jusqu'
au début du xvi°s.) pp. 467-487.
RECENSION DES REVUES 205

*BIBLIGA. 1930. 2. — A. MALLON. Les fouilles de l'Institut Biblique Pon-


tifical dans la vallée du Jourdain. Rapport préliminire de la deuxième campagne.
(Le mobilier archéologique atteste que l'histoire de la grande cité située à Te-
leilat Ghassul s'arrête brusquement vers le xxe siècle av. J.-C.) pp. 129-148. —
E. POWER. The Site of the Pentapolis. (Philon est un témoin de la tradition qui
situe la Pentapole au nord de la Mer Morte ; examen et rejet de la tradition
contraire.) pp. 149-182. — P. JOIÏON. Noies philologiques sur le texte hébreu de
Prov. (10, 14 ; 11, 21 ; 12, 20 ; 15, 10 ; 15, 28 ; 19, 29 ; 25, 13 ; 25, 23 ; 29, 21.)
pp. 183-187. — P. OLIVO OLIVIERII. Sinlassi , senso e rapporto col conteslo
di Rom. 2, 17-24. (La construction est régulière et l'apodose attendue commen-
ce dès le v. 176 ; le sens est donc : tu autem, quia Iudaeus cognominaris, idcirco
etc. ; la péricope ne constitue qu'un élément secondaire du chapitre, dont le
centre se trouve aux versets 11-13.) pp. 188-215. — H. WIESMANN. Israels
Einzug in Kanaan. Jos. 3,1 — 5,1. (Rétablissement de l'ordre du récit du Pas-
/
sage du Jourdain.) pp. 2lè-230. — P. A. VACCARI. palinsesli biblici di Beu-
ron. (Le P. Dold y a déchiffré un texte byzantin d'un passage de s. Matthieu
et un texte grec hexaplaire d'un passage de la Genèse ; le ms. doit provenir
du Sinaï.) pp. 231-235. = 3. — R. NEUVILLE. La nécropole mégalithique d'el
'Adeimeh (TransJordanie). (Immense nécropole de nomades des environs du
xvie siècle probablement : une centaine de dolmens, de petits tombeaux, des
faux cromlechs, une vaste enceinte mégalithique.) pp. 249-265. •— K. PRÙMM.
An Quellen griechischen Glaubens. Die « Mutterreligion » des âgàischen Kreises
in neuester Sichl. (Critique des diverses théories des archéologues et historiens
modernes sur l'origine du culte de la terre-mère.) pp. 226-290. — A. SKRINJAR,
Le but des paraboles sur le Règne, et l'économie des lumières divines d'après l'E-
criture Sainte (à suivre). (I. L'aveuglement pénal dans l'A. T. 1. sa nature ;
2. ses fins et ses causes ; 3. l'aveuglement pénal dans Is. 6, 9-10. II. Les pro-
cédés divins dans la communication des lumières : 1. d'après Eccli. 4, 11-19 ;
2. d'après Prov. 1, 20-33.) pp. 291-321. — P. JoiioN, Notes philologiques sur
le texte hébreu de Job. (1, 5 ; 9, 35 ; 12, 21 ; 28, 1 ; 28, 27 ; 29, 14.) pp. 322-324.
—: E. POWER, The decipherment of the inscriptions of Amathus. (Les points
séparent les mots ou les groupes de mots ; le lapicide s'est trompé quelquefois ;
les formules des inscriptions phéniciennes se retrouvent en chypriote ; la lec-
ture du P. Power est confirmée par l'histoire et la géographie, et par les lois
de la philologie.) pp. 325-349. — A. VACCARI. La sloria d'una Biblia araba.
(La Bible arabe éditée en 1617 par la Congr. de la Prop. reproduit une copie
' faite par un Père Jésuite à Tripoli de Syrie en 1578-1579 (Vat. arab. 468) sur
un ms. de l'A. T. fait à Damas en 1236-1238 (actuellement à Leningrad) qui
dépend pour II Macc. d'un archétype écrit à Antioche en 1021-1022.) pp.
350-355.

*BOHOSLOVIA. 1930. 3-4.— A. ISCAK. De Zacharia Kopystenskyj ejus-


que aPalinodia ». (I. Notice bio-bibliographique. IL La « Palinodia ». Questions
préalables sur le nom de l'ouvrage, son occasion, ses motifs, ses versions, sa
disposition, sa méthode.) pp. 161-196. — N. DE BAUMGARTEN. S. Wladimir
et le baptême de la Ruthénie. (Étude biographique sur S. Wladimir et notes sur
l'évangélisation de la Ruthénie.) pp. 238-250.
206 RECENSION DES REVUES

*BULLETIN DE LITTÉRATURE ECCLÉSIASTIQUE. 1930. Juil.-


Oct. — L. SALTET. Robert Lawson-Turmel et la « Revue du Clergé français ».
(Contribution à l'histoire du modernisme apportée par La doctrine de l'Eucha-
ristie chez saint Augustin de G. Lcordier. L'intrusion des modernistes dans
les Revues catholiques.) pp. 151-157.

*CIENCIA TOMISTA. 1930. Sept. — A. COLUNGA. La Teologia mistica


en los Evangelios sinopticos. (Commentaire du sermon sur la montagne, avec
l'aide de Saint Jean Chrysostome, de Saint Augustin et de Saint Thomas : les
béatitudes, le règne de Dieu, l'accomplissement delà Loi et son achèvement
dans l'amour de Dieu le Père et de son Fils, Jésus-Christ.) pp. 145-168. — V.
BELTRAN DE HEREDIA. Estudios teresianos. (Note sur Jean Calvo de Padilla
(1520-?-?), d'abord missionnaire entreprenant mais volage, puis réformateur
indiscret des ordres religieux en Espagne, qui dut rendre compte de son zèle
intempestif et de ses erreurs de langage devant l'Inquisition en 1578. Dans la
réforme carmélitaine, il fut en rapport avec Sainte Thérèse qui, tout en soup-
çonnant les défauts de son caractère impulsif,lui montra cependant une certaine
confiance.) pp. 169-198 .— P. BROCH. Preparacion inleleclual para la fe (suite).
(Les principes réflexes dans la formation des jugements ordinaires de la vie ;
leur application dans la recherche de la vérité religieuse ; erreur et inconsé-
quence des incrédules sur ce point.) pp. 199-221. = Nov.—A. COLUNGA. La
Teologia mistica en San Pablo. (L'Évangile de Saint Paul : Miséricorde de Dieu
le Père, anéantissement de son Fils ; la foi, le baptême, l'habitation du Saint-
Esprit dans l'âme, ses dons et ses fruits, conformation au Christ dans notre
vie.) pp. 289-308. — J.M. PALACIO. La pena de muerle anle el Derecho natural.
(Légitimité de la peine de mort selon les principes du droit naturel, selon l'en-
seignement de l'Église, en particulier selon la doctrine scolastique : S. Thomas,
Banez, Soto, Médina, Suarez, Molina.) pp. 309-326. — V. BELTRAN DE HERE-
DIA. Los manuscritos de los Teologos de la Escuela Salmantina. (Les manuscrits
des étudiants salmantins nous fournissentles plus précieuses indications sur les
noms des maîtres de l'université de Salamanque au xvie siècle ; la date et le sujet
de leur enseignement ; l'auteur nous renseigne ainsi sur 25 d'entre eux, Vito-
ria, Soto, Cano, Médina....) pp. 327-349. — V. BERECIBAR. La legislacion ci-
vil Mosaica y el Codigo de Hamurabi.(On ne craint plus d'admettre que la Foi
mosaïque a assimilé des lois et des institutions humaines : ses affinités remar-
quables avec le Code d'Hammourabi ; sa supériorité quant au monothéisme et
à la morale.) pp. 350-363.

*GIVILTA CATTOLICA. 1930. 4 oct.— Il pensiero sociale di S. Agostino


(suite,à suivre).(Le devoir de l'aumône s'impose aux riches, mais cette bienfai-
sance doit être circonspecte et prudente.) pp. 20-30. — Le profezie messianiche.
(La méthode suivie par M. Dennefeld dans l'interprétation des prophéties
messianiques est nouvelle et peu sûre.) pp. 31-38. = 18 oct. — Il tenialivo dii
riunione délia chiesa copia sotto Clémente VIII. pp. 108-123. •— Il jenomen
paramistici in S. Paolo. (Quels sont les faits extraordinaires de la vie de S.
Paul et quelle est leur chronologie selon les Actes des Apôtres et l'Epître aux
Galates?) pp. 124-135. = 15 Nov. — Il pensiero sociale di S. Agostino. Il la-
RECENSION DES REVUES 207

pp. 303-316. —L'esito negativo délia tentata Unione copta solto Paolo V. pp.
i)oro.
317-330. = 6 Dec. •— L'ignoto e la religione naturale secondo il senaior Gentile.
pp. 412-433. — La catastrofe del caso Turmel e i melodi del modernismo critico.
pp. 434-445.

*CRITERION. 1930. An. VI, n. 22. — Miquel D'ESPLUGUES. Crisi de


la idea filosojica de personalitat. (En marge des livres récents : L'origine des
êtres vivants de L. Vialleton et Essai sur les limites de l'espace et du temps d'A.
Jakubisiak. — Toutes les tentatives faites, avant, par et après Kant, con-
tre la personnalité ont manqué leur but et cela renforce la conviction que
les bases de la philosophie de sens commun sont éternelles.) pp. 219-234. —
M. M. GORCE. S. Thomas métaphysicien, psychologue et moraliste. (Dans la
Somme Théolôgique, S. Thomas précise les liaisons de sa métaphysique noé-
tique avec les données de l'expérience et fait découler tout l'exposé de la morale
chrétienne de son principe acquis de l'autonomie de l'intellect agent.) pp.
235-240. — F. Carmona NENCLARES. Notas para un ensayo sobre Edmundo
Husserl pp. 241-256. •— Miquel SOY. Logistica i Filosofia matematica (suite,
à suivre). (Concepts logiques des idées fondamentales des mathématiques et
principes de logique qu'elles utilisent ; opérations mathématiques ; nombre
ordinal ; définition du nombre rationnel, positif et négatif ; la continuité ; l'ex-
pression logistique du nombre irrationnel ; la quantité continue ; la grandeur
en général.) pp. 266-287. — P. M. VÊLEZ. La Filosofia de son Aguslin. (I. Le
nombre augustinien en général : son aspect mathématique et métaphysique ;
II. Le nombre dans les choses, dans l'âme et en Dieu.) pp. 290-304. •— Samuel
d'ALGAiDA. Documents per a la Historia de la Filosofia catalana : Fra Ramon
Strauch, fra Menor i bisbe de Vie. (Biographie et bibliographie du fransciscain
évêque, né le 7 oct. 1760 et mort martyr de la Religion le 15 avril 1823.) pp.
305-311.

*DIVUS THOMAS (Fribourg). 1930. Sept. — M. A. VAN DEN OUDEN-


KDN. Ein armenische Ubersetzung -der Summa Theologica des hl. Thomas im
' 14 Jalwhunderl (à suivre). (Étude sur les circonstances qui ont présidé à cette

traduction arménienne de la Somme faite particulièrement à partir du colo-


phon d'un des trois manuscrits témoins de cette traduction : le mss. Bibl. Vat.
(Arm. Borg. 45.) V. d. O. donne le texte original du dit colophon.) pp. 245-
278. — M. HALLFELL. Zûge zum Clirislusbild beim hl. Thomas von Aquin
(suite, à suivre). (V. Le Christ Jésus, dans sa propriété d'Image de Dieu, notre
idéal de formation et d'éducation.) pp. 279-304. — M. PENIDO. Conversion,
Subconscience et Surnaturel. (« L'explication de la conversion par une incu-
bation subconsciente supprime-t-elle l'intervention divine? » M. P. résout ce
problème par la distinction en surnaturel essentiel et surnaturel modal et il
conclut que sauf dans le cas du miracle on peut recourir pour expliquer les con-
versions aux lois psychologiques naturelles : la grâce ne supprime pas la nature.)
pp. 305-316. - - B. EING. Thomislische Grundsâtze und Newton'sche Gesetze. pp.
317-328.

*DIVUS THOMAS (Piaeenza). 1930. Sept.-Dée. — A. FERNANDEZ. Na-


208 RECENSION DES REVUES

turale desiderium videndi Divinam Essentiam apud D. Thomam ejusque Scho-


lam (fin). (Touchant notre désir naturel de voir Dieu, CajetanetBanezont trahi
la pensée de S. Thomas ; le premier table sur notre connaissance des effets
surnaturels et notre désir de voir Dieu auteur de la grâce pour conclure à la
possibilité positive de la vision béatifique ; le second ramène notre désir à une
simple velléité, à un désir conditionnel de voir Dieu et considère donc comme
hautement convenable l'obtention effective de la vision béatifique. Seuls,
Capréolus et le Ferrarais nous livrent l'argument authentique de S. Thomas :
il ne peut se faire qu'une élévation de notre esprit à la vision divine soit contra-
dictoire, car, si elle l'était, le désir de la nature serait inintelligible. Que ce désir
inefficace ne soit pas vain, l'existence de la puissance obéiientielle suffit à en
rendre compte.) pp. 504-527. — Th. TASCON. Foi et don d'intelligence d'après
S. Thomas. (L'acte du don d'intelligence qui consiste en une pénétration ins-
tinctive et savoureuse des vérités révélées, allant jusqu'à donner à l'âme le
sens pratique de sa fin surnaturelle, élimine les imperfections de la foi, en puri-
fiant, en illuminant, en affermissant la connaissance et en accroissant l'amour
de la volonté.) pp. 528-559. —- A. M. PIROTTA. Disputatio de potentia obe-
dientiali juxta thomisticam doctrinam (fin). (En face de Dieu, auteur de la grâce,
la puissance obédientielle dans l'être créé, est formellement surnaturelle.)
pp. 560-575. — J. LE ROHELLEC, De genuina humanae cognitionis ratione ad-
versus idealismum hodiernum. (Étude critique de quelques doctrines profes-
sées par Gentile.) pp. 576-587. — E. NEVEUT. De la grâce actuelle élevante.
(Aucun acte entitativement surnaturel ne peut Nêtre produit sans vertu surna-
turelle infuse et rien ne peut remplacer cette vertu.) pp. 588-599. •— G. BOIARDI.
Una teoria intorno al Santo Sacrifico délia Messa (fin). (Contre la théorie de
Mgr Bernardi.) pp. 600-616. —• E. NEVEUT. Formules Augustiniennes : la dé-
finition du péché. (La définition Peccalum est dictam, vel factum, vel concupi-
lum aliquid contra legem aeternam, S. Augustin l'a entendue des seuls péchés
contre la nature et s'en est servi pour défendre contre les manichéens la mora-
lité des Patriarches.) p. 617-622.

*EPHEMERIDES THEOLOGICAE LOVANIENSES. 1930. Oct. —


L. CI-IARLIER. Puissance passive el désir naturel selon saint Thomas. (Le fonde-
ment dernier et adéquat du désir naturel est la capacité passive de l'intelli-
gence et de la volonté par rapport à la vision bienheureuse.) pp. 639-662. —
P. DE VOOGHT. A propos de la causalité du sacrement de Pénitence. Théologie
thomiste et théologie tout court. (Réponse aux objections faites à l'auteur à pro-
pos d'un article précédent sur la justification dans le sacrement de Pénitence
d'après saint Thomas d'Aquin.) pp. 663-675.'— G. VROMANT. De actibus per-
sonae moralis collegialis ac Superioris. (Etudie, d'après le Droit Canon, les rap-
ports du Supérieur avec son Chapitre ou son Conseil.) pp. 676-688.

*ESTUDIOS ECLESIASTICOS. 1930. Oct. — L. TEIXIDOR. La liber-


lad humana en San Aguslin. (Vraie doctrine de saint Augustin sur la liberté,
dégagée des interprétations jansénistes ; explication de deux textes difficiles :
De libero arbitrio, 1. 3, c. 3 ; De civitate Dei, 1. 5, c. 10.) pp. 433-461. — F. PEL-
STER, Estudios sobre la iransmision manuscrita de algunas obras de Pedro
RECENSION DES REVUES 209

Aureoti,- O. F. M. (1322) (à suivre). (Première rédaction de son commentaire


sur le premier livre des Sentences, donné sans doute à Paris en 1317. On en pos-
sède quatre manuscrits, à Toulouse, à Padoue, à Berlin, à la Vaticane. Index
des 64 questions traitées dans ce commentaire.) pp. 462-479. — E. SAZ. El hi-
lemorjismo y la ciencia quimica moderna. (La théorie de la matière et de la forme
s'accorde avec la science chimique moderne.) pp. 480-517.

*ÉTUDES FRANCISCAINES. 1930. Nov. — C. P. C. P. Le Jésus-Christ


du Magistère papal (à suivre), pp. 641-666. — H. FELDER. Les éludes dans l'Ordre
des Frères Mineurs Capucins au premier siècle de son histoire (suite, à suivre).
(V. Achèvement de l'organisation des études, 1575-1643.) pp. 667-687. — P.
MARIE-BENOÎT. Nos Maîtres de spiritualité : le P.. Benoît de Canfield. (Publi-
cation, avec compléments, d'une note du P. UBALD D'ALENÇON sur le P. Be-
noît de Canfield, 1562-1610, et sur sa spiritualité, telle qu'elle se révèle dans la
Règle de Perfection, le Chevalier chrétien, la Méthode d'Oraison et les Lettres.)
pp. 688-707. — P. PHILIBERT. Le Monde, moi\.... Oscillation pendulaire ou le
salut dans une formule b ologique. (A propos des Perspectives sur les relativités
humaines de M. Jacques Moreau.) pp. 708-724.

GIORNALE CRITICO DELLA FILOSOFIA ITALIANA. 1930. Sept.


— A. CORSANO. Misiicismo e volontarismo nelle carlesiane Regulae ad direc-
tioiiem ingenii. (Relève ces caractères dans les Règles de Descartes ; discute
les interprétations d'Espinas, Gilson, Blanchet.) pp. 337-362. — G. GALLI.
Là realtà spiriluale e il problema dell' oggetto (à suivre). (La condition finie
du sujet pensant, et donc l'obligation d'affirmer quelque chose au-delà de ce
sujet, demande à être conciliée avec l'impossibilité d'affirmer une réalité trans-
cendant le sujet, — impossibilité qui naît de ce que cette réalité, dans l'acte
même où on l'affirme transcendante, est introduite dans le cercle d'existence
du sujet qui l'affirme.) pp. 363-383. — C. OTTAVIANO. I problemi del realismo.
(Une réalité ou un objet extérieur est inconnaissable. Critique spécialement
le réalisme thomiste en montrant impossible l'identification entre la speeies
intelligible et la forme de l'objet.) pp. 384-391.

*GREGORIâ.NUM. 1930. Juill.-Août-Sept. -^ R. GALDOS. De Bellar-


miniani in Psalmos Commentarii scientifico valore. (Etudie l'authenticité des
autographes de Bellarmin, en donne une description ; fait ensuite l'historique
de la composition du Commentaire sur les Psaumes, et indique les critères sui-
vis, par B. dans l'étude textuelle et exégétique des Psaumes.) pp. 299-316.
— O. MARCHETTI. La perfezione cristiana seconda il S. Card. Bellarmino. (Etudie
la doctrine de Bellarmin sur la perfection chrétienne.) pp.317-355. — H. VAN
LÀAK. Martyres Angli et S. Bellarminus. (A propos des martyrs anglais qui
viennent d'être béatifiés ou dont le procès de béatification est en cours, l'au-
teur expose l'inflenee que Bellarmin exerça sur eux, de leur vivant ; ce qu'il
fit pour eux après leur mort ; l'ardeur de charité que cette mort excita en son
âme.) pp. 336-370. —A. VERMEERSCH. Pro justifia et aequitate. (En tout ordre,
efforçons-nous vers le meilleur ; ne refusons aucune lumière, aucun secours
ne soyons ni les aveugles adulateurs, ni les téméraires contempteurs du temps
REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. 1. — 14.
210 RECENSION DES REVUES

passé ; et n'offensons pas, par nos paroles, ceux qui ont travaillé avant nous
et ont voulu bien faire.) pp. 371-379. — B. JANSEN. Nicolaus Cusanus, philo-
sophas antinomiarum. (Expose les idées dominantes de Nicolas de Cuse.) pp.
380-397.

JOURNAL OF PHILOSOPHICALSTUDIES. 1930. Oct. — A. WOLF.


The Earl of Balfour. (Sa vie et sa philosophie. B. adopta un « point de vue »
plutôt qu'un système philosophique, le point de vue théiste et spiritualiste,
qu'il défendit contre le naturalisme scientifique, et qui commande ses apprécia-
tions sur la vérité, la beauté, la bonté morale.) pp. 503-515. — S ALEXANDER.
Science and Art (suite,fhi). (Science et art n'existent l'un et l'autre qu'en tant que
l'esprit possède la réalité avec laquelle il agit. Tous deux créent de nouvelles
réalités dans le monde. Mais i'intimité et le genre de cette rencontre de l'esprit
avec la chose est très différent dans les deux cas. La science est une oeuvre d'art
contrôlée par la Nature, et qui n'est accomplie qu'en obéissant à celle-ci. Dans
les beaux-arts, il y a un double contrôle, du côté de l'esprit et du côté de la
matière. En morale, le contrôle est aussi unilatéral, mais venant cette fois de
l'esprit et non de la nature.) pp. 516-532. —L. ARNAUD REID. The problem of
arlistic production. (Qu'est-ce qui donne à un artiste le désir de produire
une oeuvre d'art et le fait travailler jusqu'à ce qu'il l'ait produite?) pp. 533-
544.'— J. E. TURNER. Causal déterminations : its nature and types. (Contre l'o-
pinion de certains physiciens que la causalité ne vaut plus pour les événements
atomiques : entre la causalité et la corrélation organique il n'y a pas nécessaire-
ment contradiction — comme il n'y a point contradiction entre les modes les
plus élevés de causation interne et une réelle et substantielle liberté.) pp.545-
558. — Cl. C. J. WEBB. God and man. (Étudie la relation de l'homme avec
Dieu en fonction de la théorie que lorsque nous parlons de Dieu, c'est notre
propre nature, objectivée en quelqu'un de ses aspects, que nous avons réelle-
ment dans l'esprit.) pp. 559-507. — R. H. THOULERS. The psychology of reli-
gious dogma. (Ne pas considérer les dogmes comme une matière purement in-
tellectuelle. Mais étudier l'ensemble des pratiques religieuses à la lumière des-
quelles on interprétera le dogme, dans une société donnée.) pp. 568-574. —
J. JOHNSTONE. The conception of excess-value in biology. (L'auteur entend par
excess-value la persistance chez un vivant d'une tendance qui a déjà atteint
son effet normal. Sa présence dans les différentes fonctions animales ; ses con-
séquences.) pp. 575-581. — W. G. DE BURGH. Right and good : the contr. diction
of morality (suite, à suivre).(La contradiction de la moralité est qu'il nous est
impossible de connaître ce qui est réellement juste cependant que nous nous
sentons obligés de faire le juste. La solution de cette contradiction doit être
cherchée en dehors de la morale, dans la relgion.) pp. 582-593.

JOURNAL (THE) OF PHILOSOPHY.1930. 25 Sept. — V. J. Me GILL,


An Analysis of the Expérience of Time. (Présente, en regard des théories de
Russell, Me. Taggart et Bergson, l'analyse faite par Husserl de notre expérien-
ce du temps.) pp. 533-544. — J. LOEWENBERG. An Alleged Escape from the
Paradox of Judgmenl. (Maintient, contre D. W. Gotshalk (J. of Ph. 1929 ; pp.
C45-657),que l'acte même du jugement présente un véritable paradoxe du fait
RECENSION DÉS REVUES 211

qu'une référence au réel et une description de ce réel s'y trouvent inséparable-


ment unies.) pp. 544-553. = 9 oct. — K. E. AUBREY. The Place of Définition in
Religious Expérience. (Ce sont les définitions de la théologie qui nous rendent
capables de qualil'i-r et d'organiser l'expérience reli àeuse. Elles cherchent à
enfermer dans leurs symboles la richesse vivante des attitudes religieuses. La
philosophie, elle, réfère ces données à celles des autres domaines de l'expé-
rience : elle contribue par là à les intégrer à la vie totale, mais elle laisse échap-
per leur contenu primitif d'émotions et de vie. Ainsi apparaissent la nécessité
et les limites de la définition en matière religeuse.) pp. 561-572. —• F. P. Hos-
KYN. The Relalivily of inertial Mass. pp. 572-575. = 23 oct. — BRAND BLANS-
HARD. The Sevenlh International Congress of Philosophy. pp. 589-609. = 6 nov.
— A. O. LOVEJOY, The Dialectical Argument against Absolute Simullaneity (I).
(La théorie relaliviste de la simultanéité, outre qu'elle prétend donner seule
l'explication de certains faits, s'appuie sur un argument dialectique présup-
posant uniquement la non infinité de la vitesse de la lumière. Après avoir
exposé en quatre étapes cet argument, L. entreprend sa réfutation. Il lui re-
proche d'abord de chercher une définition spéciale de la simultanéité pour le
cas de phénomènes éloignés dont la constatation ne peut se faire instantané-
ment. Cette recherche implique l'idée que l'extension d'un concept, ici celui
de simultanéité, doit se restreindre aux seuls cas où sa réalisation peut être
vérifiée expérimentalement, idée erronée, dont l'application va contre Je
sens commun.) pp. 617-632. — F. C. S. SCHILLER. HOW « Propositions » Mean.
(Défend le pragmatisme contre les objections de W E. Hocking, J. of. Ph.
1930, pp. 225-238. Rappelle en particulier la distinction de la proposition d'avec
le jugement.) pp. 032-635. —- S. HOOK. In Dcfence of an Impression. (Contre
D. Cairns, qui avait contesté, J. of. Ph. 1930, pp. 393-396, l'impression de H.
sur la philosophie allemande contemporaine, ibid. pp. 141-161). pp. 635-638.
= 20 nov. — A. O. LOVEJOY. 27K Dialectical Argument against Absolute
Simullaneity(II). (Seconde critique : même admise la définition spéciale qu'Ein-
stein donne de la simultanéité-à-distance, il faut la tenir pour arbitraire,
n'étant astreinte à rien d'autre qu'à fournir le moyen de reconnaître expéri-
mentalement s'il y a ou non simultanéité. Ce qu'on démontre sur la relativité
de la simultanéité ne vaut donc que dans la mesure où celle-ci est entendue au
sens défini. — 3) En définissant autrement les conditions d'observation des
phénomènes distants simultanés, ou donnerait également satisfaction à l'exi-
gence formulée par Einstein sans aboutir à une simultanéité relative. — 4)
Le désaccord des deux observateurs supposés par Einstein prouve seulement
qu'ils ne parlent pas de la même chose. — 5) En tout cas la conclusion est beau-
coup plus générale que ne le permet son point de départ. — 6) L'idée primitive
de temps se trouve de fait impliquée dans la définition d'Einstein.— 7) Sous
peine de ne pouvoir poursuivre ses raisonnements, Einstein lui-même est bien
obligé de faire abstraction de ce relativisme.) pp. 645-654. — F. P. HOSKYN.
The Adjectival 'Theory of Matler. (La théorie de la relativité ne s'applique di-
rectement qu'aux phénomènes macroscopiques ; les mouvements atomiques
ne sont pas essentiellement fonctions des coordonnées espace-temps, ils sont
donc, comme tels, indépendants des systèmes de référence. Ainsi comprise, la
relativité garde une valeur physique réelle, à rencontre de Russell, pour qui
elle n'est qu'une expression mathématique commode, et de Whitehead, pour
212 RECENSION DES REVUES

qui le continuum espace-temps est indépendant de la matière, et le mouvement


physique défini par rapport à ce continuum.) pp. 651-667.

JOURNAL DE PSYCHOLOGIE. 1930. Juil.-Oct. — E. MEYERSON. La


pensée el son expression. (L'insuffisance du langage symbolique à l'égard de
la pensée mathémathique, l'absence de définitions des notions pourtant univer-
sellement comprises.la « solidification » du perpétuel devenir psychologique,
l'impuissance où nous sommes souvent de faire partager à un interlocuteur in-
telligent et bien intentionné un raisonnement pour nous parfaitement clair,
et par suite, l'impossibilité d'une vulgarisation du raisonnement mathématique
ou philosophique, manifestent combien la croyance à l'adéquation parfaite
entre le langage et la pensée, encore qu'elle réponde à une tendance intime de
notre esprit, demeure une chimère.) pp. 477-543. — M. GRAMMONT. La Psycho-
logie et la Phonétique. III. La phonétique impressive. (La Psychologie joue un
rôle important dans les phénomènes, onomatopée, liaison et hiatus, rythme,
qui relèvent de la phonétique impressive. — Nombreux exemples tirés des poè-
tes et des auteurs littéraires illustrent la thèse.) p. 544-613. — M. PONZO. Le
Dynamisme psychique dans les recherches de l'école de Psychologie de Turin.
(Tout événement est l'expression d'un dynamisme potentiel. Ce dynamisme
est quelque chose que nous vivons, sentons, comme une tension qui nous domine
et nous pousse, malgré certaines forces antagonistes, à prendre les attitudes
psychiques et psycho-motrices les plus appropriées aux réactions particulières
que nécessite la réalité.) pp. 614-645. — R. LENOIR. Les réflexions sur les beaux-
arts et la politique citez Beyle. pp. 646-667.

JOURNAL (THE) OF RELIGION. 1930. Oct. — H. F. WARD. IS Jésus


superjluous ? (La personne de Jésus, au point de vue même de la science moderne,
garde une valeur sociale considérable. Il demeure l'idéal des possibilités futures
de l'humanité.) pp. 471-486. — L. HODOUS. The Anli-Cliristian movemeni in
China. (La lutte contre le christianisme qui a toujours existé en Chine s'est faite
plus active depuis la guerre. Menée jusqu'en 1922 sur un terrain spéculatif, elle
a pris dans les années suivantes un caractère plus pratique et plus efficace. La
vague du nationalisme chinois.) pp. 487-495. — W. CREIGHTON GRAHAM. Reli-
gion and Human Worth. (Une religion est une efflorescence de vie et non un
ensemble de formules. Elle apporte avec elle une conception particulière du
monde, un idéal de vie meilleure et de culte. De ces trois aspects le plus im-
portant est le second, car il se ramène en définitive à la foi que l'humanité a
dans sa propre excellence et dans l'espérance que cette excellence lui procurera
un avenir meilleur. La vie moderne avec son machinisme semble menacer cet
idéal ; il est pourtant la seule force qui puisse sauver notre époque de l'esprit
de cynisme et de défaitisme.) pp. 495-514. — St. D'IusAy, Cliristian Medicine
und Science in the ihird century. pp. 515-541. — D. W. RIDDLE. The Occasion
of Luke Acts. (Les Actes, oeuvre apologétique de caractère surtout politique, fu-
.
rent rédigés en prévision de la persécution de Dioclétien, dans le but de l'empê-
cher.) pp. 545-562. — M. M. DiiiîMS.ÎVie Place of Ascelicism in the Stabitization
of the Church. (L'ascéticisme chrétien primitif s'est organisé et développé sous
l'influence des Églises qui, en s'organisant elles-mêmes, lui ont reconnu un ca-
RECENSION DES REVUES 213

ractèré social.) pp. 563-577. —- W.H. RANEY. Who Were the « Sinners »? (âfiag*-
tcoXoi désigne dans les synoptiques une classe de juifs qu'il faut identifier avec
les Am-hâ-âretz de la tradition rabbinique, qui échappaient à l'influence des
prêtres sous le double rapport rituel et financier. Cela explique la condamna-
tion de Jésus qui s'était montré favorable à certaines de leurs revendications.)
pp. 578-591.

JOURNAL (THE) OF THEOLOGICAL STUDIES. 1930. Oct. — C. H.


TURNER. Chapters in the History of Latin Mss of Canons : VII. The Collection
named after the MS of St. Maur (F), Paris lat. 1451. pp. 1-11. — H. H. ROWLEY
The Historicity of the Fifih Chapter of Daniel. (Le R. P. Dougherty, dans son
livre récent Nabonidus and Belshazzar, n'a pas réussi à montrer l'exactitude
historique du chapitre V de Daniel, qui présente à tort, selon l'auteur, Belshaz-
zar comme un fils de roi et comme le fils du roi Nabuchadnezzar et qui rapporte
un récit fantaisiste sur la mort du roi Belshazzar.) pp. 12-31. — W. E. BARNES.
Cyrus the « Servant of Jehovah », Is., XLII, 1-4 (7). (Depuis trente ou quarante
ans, beaucoup de critiques ont considéré comme un tout, sous le nom de
« Chants du Serviteur de Iahvé » les passages suivants d'Isaïe : XLII, 1-4- (7) ;
XLIX, 1-6 ; L, 4-9 ; LII, 13- LXIII, 12. Dans ce Serviteur ils ont vu d'abord
un personnage collectif, puis un individu, avec des nuances très diverses d'inter-
prétation. L'auteur pense que ces quatre passages ne forment pas un tout. Le
Deutéro-Isaïe a voulu dépeindre dans XLII, 1-4 (7), le roi Cyrus sous les traits
d'un serviteur de Iahvé : la description convient bien au roi perse ; même ce
qui est dit de Dieu ; la théologie de XLIX, 1-6, est tout autre, c'est la théologie
.
hébraïque,au moment du retour de la captivité ; le Serviteur dont il s'agit dans
ce dernier passage peut être le Deutéro-Isaïe lui-même.) pp. 32-39. — A. J.
MACDONALD. Eadmer and the Canterbury Privilèges. (Maintient que Lanfranc,
archevêque de Cantorbéry, n'est pas l'auteur des documents copiés par Eadmer
et William de Malmesbury ; ces documents sont probablement différents de ceux
que Lanfranc a présentés en 1072 et ont été peut-être fabriqués par Eadmer lui-
même aux environs de 1120.) pp. 39-55. — WATKTN WILLIAMS. The firsl
Cistercian Era. (Étudie les Instiluta Generalis Capituli apud Cistercium, qui
sont contenus dans le ms. 82 (114) de Dijon. Ces Instiluta remontent,en sub-
stance, à Raynald, cinquième abbé de Cîteaux, mort en 1151, mais ont été ap-
prouvés au chapitre général tenu sous son successeur. Ils représentent la vie
cistercienne, cinquante ans environ après la fondation de Cîteaux.) pp. 56-61.
— H. F. STEWART. Pascal. (Rend compte et critique le livre du Prof. Clément
WEBB, Pascal's Philosophy of Religion, Oxford, 1929.) pp. 62-68. — P. KAHLE.
The reputed ancient Hebrew Bible at Cambridge. (Ce Ms. Hebr. 12 de la Bibl.
de l'université de Cambridge porte un colophon qui le fait dater de 856 après
J. -G. Mais il est difficile de faire remonter le ms. plus haut que le xne ou le
XIIIe siècle.) pp. 69-71.

LOGOS. 1930. Sept. — G. CARBONARA. Léon Brunschvicg (suite, fin). (« B.


appartient à cette catégorie de philosophes novateurs,qui sententla responsa-
bilité et en même temps l'autonomie de la vie humaine en son continuel devenir,
C'est pourquoi il nie toute substance et résout l'esprit en une pure activité.
214 RECENSION DES REVUES

dont l'élément premier serait l'acte même où elle se manifeste, à savoir le juge-
ment. C'est pourquoi il nie la vérité comme position statique d'idées,mais il la
maintient comme développement infini, selon les principes d'un vrai et propre
relativisme idéaliste. C'est pourquoi Dieu n'est plus pour lui une substance
absolue, mais une Valeur imm.meule à l'esprit humain, et qui va s'actuant à
mesure que celui-ci poursuit soi. devenir. De cette position— voisine du moder-
nisme par quelques aspects —- dérive cet optimisme moral et eschatologique
qui, s'il ne s'appuyait sur une base philosophique, pourrait sembler le fruit d'une
utopique idéologie libérale». Parenté intellectuelle de B. et d'Aliolta. Bi-
bliographie de B.) pp. 199-210. — G. CAPONI; UIIAGA. Il rapporta tru filosofia
ed arte net Fedone di Platone. (La tendance à unifier philosophie et poésie et la
tendance à destituer de toute valeur la poésie au nom d'un intellectualisme
rigide — deux interprétations possibles du texte du Phédon —sont cohérentes
entre elles si l'on considère la date de composition de ce dialogue.) pp. 211-219.
—• M.
GIOUGIANTONIO. La dotlrina délia volontà in J. Duns Scoto. (Mémoire
lu au V° Congrès International de Philosophie, Naples, 1924.) pp. 220-238. —
R. CAMPANINI. L'indirizzo psien-sociologico in Carlo Cattaneo e in Roberto Ar-
digo. (Parlant des faits sur lesquels avait insisté la réflexion aiguë de C, A. abou-
tit à la fusion des deux termes antithétiques, individu et société, considérés
comme les deux aspects divers d'une unique et complexe réalité.) pp. 239-260.
— E. RIGNANO. Il concetlo di fine in biologia. (L'article est daté de janvier 1930.
Défense d'une conception finaliste de la nature.) pp. 261-267.

MIND. 1930. Oct. — R. E. HOBART. Hume withoul Sceplicism II (fin). (Pour


IL les notions de cause, de nature, sont introduites dans le monde par le phi-
losphe qui en a besoin pour pouvoir se l'expliquer. En soi, la causalité n'est qu'une
succession. Mais cette doctrine de II. sur la causalité n'entraîne aucun scep-
ticisme quant à la validité de l'induction. Hobart cherche pour son compte le
fondement de celle-ci.) pp. 409-125. — CD. BUOAD. The Principles of Démons-
trative Induction II (fin).(Cherchantles « lois de variation corrélatives de(valeurs)
déterminées » B. en analyse les postulats et expose les « Figures de l'Induction »
de Mr. Johnson.) pp 426-439. — E. J. NELSON. Intensional Relations. (« Les
conditions nécessaires pour qu'une inférence soit praticable ne sont pas atteintes
par une logique de l'extension.... Comme a dit le Prof. Lewis : « L'inférence
dépend... du contenu logique, de la compréhension » (inlension).) pp. 440-453.

C. H. LANGFORD. Olherness and Dissimilarity. (Logiquement on peut concevoir
des choses parfaitement semblables, même dans leurs relations extrinsèques, et
qui soient autres, et qui apparaissent telles à l'esprit.) pp. 454-461.
— D. 15.
DUFF. An Enquiry concerning the Logic used in Psychoanalysis. (La preuve en
psychanalyse a un caractère dialectique et pragmatique, plutôt que rigoureu-
seusement scientifique et vérifié par l'expérience.) pp. 461-465.

*NEW (THE) SCHOLASTICISM. 1930. Oct. — F. A. YVALSH. The


Humanistic Theory of Error. (A propos du dernier volume de F. C. S. Schiller,
Conlemporary Brilish Philosophy, l'auteur expose les déficiences du système
humaniste dans sa théorie de l'erreur.) pp. 337-348.
— F. M. FESTUGIÈRE. Les
Origines de l'idée de Dieu chez Platon. (Trace brièvement l'image que l'on se
RECENSION DES REVUES 215

orgeait de la Divinité avant Platon, et discerne trois courants de pensée : un


courant religieux, sous la forme traditionnelle, avec les tragiques et Pindare ;
un courant philosophique ; un courant mystique, dans les doctrines orphiques
et pythagoriciennes.) pp. 349-377. — R. G. BANDAS. The Theistic Arguments and
Contemporary Thought. (L'auteur montre sur quels fondements la pensée
moderne établit sa critique des preuves traditionnelles de l'existence de Dieu.
Il conclut que la démonstration de l'existence de Dieu est en elle-même plus
rigoureuse que les démonstrations scientifiques : elle n'établit pas simplement
que le monde requiert une cause infinie parfaite, mais encore pourquoi il re-
quiert une telle cause et pas une autre. ) pp. 378-392.

NIEUW THEOLOGISCH TIJDSCHRIFT. 1930. 4. — M. C. VAN


MOURIK BROEKMAN. Zin der Geschiedenis. (Signification de l'histoire. L'His-
toire, phénomène humain, nous fait connaître la vie. La vie trouve sa significa-
tion en Dieu. La signification de l'histoire n'est donc autre que la signification
de la Vie humaine en Dieu.) pp.293-312. — N. WESTENDORP BOERMA. Ethiek en
Waardeleer. (Éthique et la théorie des valeurs. L'auteur passe en revue les opi-
nions de Kant, More, Russell, Scheler et plusieurs autres modernes et y ajoute
quelques remarques critiques.) pp. 313-339. — J. LOOSJES. Een belangrijk
gedenkboek. (Recension du livre du Dr Diferee : « Trois siècles d'histoire ecclé-
siastique », paru à l'occasion du troisième centenaire de l'Église remonstrante
d'Amsterdam.) pp. 340-352. — G. SCHLAEGER. Das àngstliche Harren der Krea-
tur. (L'attente anxieuse de la création, Rom., vin, 19 ss. L'apôtre ne s'occupe
pas de la création inintelligente, qui vraiment ne peut attendre la révélation
du Fils de Dieu,mais il jette un regard rapide sur le monde des païens, qui, selon
lui, attend comme les chrétiens, l'apocalypse du Fils de Dieu, cf. 9-11.) pp.
353-360.

*.. NOUVELLE REVUE THÉOLOGIOUE. 1930. Juffl.-août. —


Encyclique de S. S. Pie XI sur S.Augustin. (Résumé analytique.) pp. 529-537.
— R. CLAUDE. La dialectique de l'action humaine d'après M.Blondel. (A l'occa-
sion des deux livres sur B. de F. Lefèvre et d'Archambault. De l'Action, trois
thèses semblent émerger : 1. Le primat philosophique de l'action (action au sens
blondélien évoquant « l'idée d'une pensée de la pensée qui vit ». 2. Une dialec-
tique immanente destinée à la recherche de l'équilibre entre la volonté voulante
et la volonté voulue. 3. Cet équilibre ne peut être réalisé dans l'ordre naturel.
Ayant pour guide l'orientation naturelle de la volonté voulante, la dialectique
de B. consiste à montrer que la volonté qui a choisi de s'en tenir au néant, ou au
sensible, ou aux sciences, possède quelque chose de ce qu'elle est poussée à cher-
cher, mais pas tout ce qu'elle cherche : d'où inquiétude et nouveau départ pour
plus avant. Cette saisie plénière de l'être est à la fois nécessaire et impossible,
à moins que le divin ne descende à la rencontre de la volonté qui le cherche. La
dernière option, c'est le renoncement de la volonté et l'humble attente ; renoncer
à être dieu sans Dieu pour l'être avec Dieu.) pp. 538-565. — CH. BOURGEOIS.
Les Gréco-catholiques en Russie subcarpathique. (Le peuple Roussine (Ruthènes)
— un million d'âmes — s'est constitué en nation par le moyen de son rite orien-
tal catholique slave. Pour sauvegarder son catholicisme, il a dû se tenir à l'écart
216 RECENSION DES REVUES

de la Russie ; pour garder sa nationalité, il a dû se défendre contre les ingérences


latines. Un enseignement se dégage de ces contradictions, souvent tragiques,
depuis Tarasovic jusqu'à Duclmovic et Fenzik, c'est qu'on peut être Russe et
catholique et que le plus profond attachement à la culture russe trouve satis-
faction et harmonie dans le ril oriental à forme slave.) pp. 560-584. — J. A-
RENDT. L'Eglise et les oeuvres d 'ducalion populaire. (Le milieu où se développe,
dans les cités industrielles de l'Europe occidentale, la vie ouvrière est cause de
l'apostasie des neuf-dixièmes dt.-; .jeunes. L'adversaire de l'Église c'est le cinéma,
le dancing et les sports. En Belgique, la propagande socialiste est peu efficace.
La JOC s'est donné pour mission de transformer peu à peu le milieu même.)
pp. 585-591. = Sept.-oct. — R.KREMER. Prêtres de Belgique dans l'enseignement
philosophique et théologique. (Travaux de développements de la théologie, ma-
nuels des Pères Schouppe, De San, Broone, Devivier, Dummermuth, Castelein,
Vermeersch, de Mgr Janssens ; mais surtout la grande activité philosophique et
théologique des cardinaux Dechamps et Mercier), pp. 683-709. = Nov. —•
J. DE GHF.LLINCK. L'édition de saint Augustin par les Mauristes. (Histoire de
l'édition critique des oeuvres de saint Augustin due aux Bénédictins de la Congré-
gation de Saint-Maur,dans les 20 dernières années du xvne siècle, son élaboration
scientifique et ses préparatifs, les essais antérieurs, sa réalisation et son succès.)
pp. 746-774. — J. VAN DER MF.KRSCH. Note sur la Dévotion au Coeur Apostolique
de Jésus.(La dévotion au Sacré-Coeur : l'objet et les actes du culte ; ce culte n'est
pas en opposition avec la doctrine théologique qu'admet l'Église catholique.)
pp. 775-783. = Dec. — C. BOYER. La philosophie auguslinienne ignore-t-elle
l'abslraciionl (Si la théorie de la connaissance sensible est différente chez saint
Augustin et chez S. Thomas, on ne peut en dire autant de la théorie de la con-
naissance intellectuelle : il y a en effet vraiment place chez S. Aug. pour l'ab-
straction en laquelle se résume la théorie de la connaissance intellectuelle de S.
Thomas.) pp. 817-830. — A. VERMEERSCH. La Conférence de Lambeth el la morale
du mariage. (Après une vue générale sur les travaux de la conférence anglicane
de Lambeth, le P. V. indique quelles furent en matière sexuelle et matrimoniale
les décisions de ce congrès : absence de critique pour les Églises qui acceptent
le divorce et surtout porte ouverte à l'onanisme conjugal. Impression et appré-
ciations des catholiques et des protestants. ») pp. 831-859. — M. C. BOÛÙAERT.
La pénitence salutaire. (Pour que la pénitence soit acceptée volontiers, que le
confesseur la montre, la fasse sentir efficace et la fasse désirer : pour cela qu'il
représente au pécheur le mal fait par lui. Il faut considérer la pénitence sacramen-
telle du point de vue humain. Exemples de cette méthode.) pp. 860-868.

*ONS GEESTELIJK ERF. 1930. Oct. — A. STRACKE. Over bekeering en


doopsel van Chlodovech (suite, à suivre). (La conversion et le baptême de Clovis.
Suite de l'étude critique du manuscrit Vita Vedastis.—Le voyage de Clovis et de
Vedastes. — Vedastes sacré évèque par Henri.) pp. 405-427. — J. HUIJBEN.
Nog een vergeten mystieke groolheid (fin). (Encore une mystique inconnue. In-
fluence de l'école mystique des Pays-Bas sur l'école française. Bérulle et la Perle
Évangélique.) pp. 428-469.

*PHILOSOPHISCHES JAHRBUCH. 1930.4.— M. HORTEN. Der Kampf


um die Gottesbeweise. (Le passage du monde créé et sensible au monde transcen-
RECENSION DES REVUES 217

natal et divin est-il valable ? C'est la question centrale dont dépend la philo-
sophie traditionnelle qui est une métaphysique de l'être. En admettant un
être suprême et transcendantal, elle répond affirmativement. Avant d'être qua-
lifiée comme illusoire par les sylèmes î.ntiméiaphysiques modernes, cette con-
viction profonde de l'humanité mérite d'être bien comprise.) pp. 433-444. —
J. K. HOLZAMER. Der Bcgriff des S innés cntwickelt im Anschluss an des « irreale
Sinngebildc » bei Heinrich Rickerl (fin). (Poursuite de la critique sur la manière
de voir de R. ; conclusions définitives.) pp. 445-473. — F. PELSTKR. Hand-
schriftliches zur Uebcrliejcrung der Quaesliones super libros Metaphysicorum und
der Collationes des Duns Scotus (à suivre). (Une étude critique des manuscrits
nous assure de l'authenticité des livres I-IX des Quaesliones super libros Mc-
taph.) pp. 474-487. — KEMPF. Die nalûrliche Gluckseligkeil des Menschen nach
Franz Suarez S. J. (Pour résoudre le problème de la béatitude naturelle S.
s'inspire de l'ancienne tradition scolastique. Il faut qu'il soit possible que l'hom-
me atteigne sa fin ultime en quoi consiste sa béatitude. Pour être objectivement
parfaite elle doit consister dans la vision intuitive de Dieu.) pp. 488-498 H.
NEWE. Die Philosophie Friedrich Schlegels in den Jaliren 1804-06 (fin). (IV.
Philosophie de la nature. V. Théodicée. VI. Ethique. Résumé du système : le
système de S. est une philosophie idéaliste du devenir, du « moi » divin qui s'é-
volue, dont tout émane, dans l'unité duquel tout retourne par un processus de
dématérialisation.Affinités de la philosophie de S. avec les autres grands sys-
tèmes antérieurs ou postérieurs au sien.).pp. 499-509.

PUT. 1930. Avril. •— PROTOIERF.J S.BULGAKOV.Evkharistiieskij dogmdt (fin).


(Le dogme eucharistique. L'erreur de la théorie de la transsubstantiation est de
concevoir le terminus a quo et le terminus ad quem comme deux réalités apparte-
nant au même plan physique. En fait il s'agit d'un changement d'ordre méta-
physique. Le pain et le vin ne perdent rien de leur être naturel, et il n'y a pas à
.
distinguer ici une substance qui disparaîtrait et des accidents qui demeureraient,
Ce qu'il faut voir,c'est un lien nouveau qui s'établit entre ces choses de ce monde
et le corps glorifié et spirituel du Christ qui n'est plus de ce monde. Ce pain et ce
vin, le Christ les fait soi en vertu de sa toute-puissancesur la créature matérielle.
Cette théorie ne peut se comprendre qu'en dépendance de la doctrine chrislo-
logique et cosmologique de la Sophia et de la double corporéité du Christ. Toute
la créature matérielle est foncièrement appelée à la divinisation par union au
Logos. Cette divinisation s'est partiellement réalisée et manifestée dans l'In-
carnation sous des modes et avec des aspects différents avant et après la Ré-
surrection, avant et après l'Ascension. L'eucharistie est une nouvelle expression
de cette emprise possible de la personne du Logos sur la matière. ) pp. 3-33. —
N. BERDJAEV. IZ eljudov o Iakovë Berne. (Extraits d'études sur J. Boehme.
II. Doctrine de la Sophia et de la forme originairement androgyne de l'homme.
L'homme, créé de toute éternité dans un état d'intégrité, de virginité, perd
par la chute el son entrée dans te monde cette forme androgyne qui sera restaurée
dans et par le Christ, nouvel Adam. La sophiologie de B. est avant tout une
anthropologie.Elle est également une mariologie, très voisine de la dcctiïne ca-
tholique de l'Immaculée Conception, quoique prise d'un point de vue fort dif-
férent. B. est du nombre d.es rares penseurs qui ont compris le sens métaphy-
218 RECENSION DES REVUES

sique profond de la sexualité. La pensée de B. sur l'homme est apparentée à


la Kaballe, mais elle est profondément pénétrée de christianisme ; d'ailleurs
sa théorie de la sophia est originale et tout à fait étrangère aux spéculations
de la Kaballe. Influence de B. dans les pays occidentaux et en Russie. Traits
qui distinguent B. et VI. Soloviev dans leur conception respective de la sophia.
Le P. S. Bulgakov se sépare à la fois de l'un et de l'autre. Il faut voir en B. non
pas un théologien mais un théosophe au bon sens de ce mot, et le juger comme
loi.) pp. 34-62. — 15. VYSESI.AVCEV. Vnusenie. i religija. (Suggestion et religion.
C'est à bon droit que l'on considère le phénomène religieux comme un cas par-
ticulier d'inspiration. Mais il est un point que la psychologie expérimentale ne
peut nier sans sortir de son propre domaine, c'est qu'à l'origine de l'inspiration
religieuse il y a de toute nécessité un principe transcendant et absolu, Dieu.
La science, d'ailleurs, peut analyser le mécanisme de l'inspiration, elle est inca-
pable d'en fournir le contenu, ce qui est le propre de la religion.) pp. 63-75. —•
J. SAZONOVA. Religioznyia iskanija v otrazenii sovetskoj literatury. (Echos d'as-
pirations religieuses dans la littérature soviétique. Dans les oeuvres athées des
meilleurs écrivains soviétiques, on sent une sorte d'inquiétude et de recherche
de Dieu. ) pp. 76-93. — N. BERDJAF.V. Pamjati Kn. G. N. Trubeckogo. (A la mé-
moire du Prince N. G. Troubetzkoj.) pp. 94-96.— S. BEZOBRAZOV. Novyja knigi.
Kniga o semi pecalakh.( Livres nouveaux. Le livre aux sept sceaux. Recension
très développée de quatre ouvrages récents sur l'apocalypse, dont celui du R.
P. Allô.) pp. 97-128. — DM. CIZF.VSKIJ. Ja. Berne v Rossii. (J. Boehme en Russie.
A propos d'un ouvrage deR. M. BLUETH sur l'influence exercée par B. sur Mic-
kiewiez.) pp. 129-130. Juin. — PROT. S. CETVERIKOV. Evkharistija kak sre-
dotocie khrislianskoj zizni. (L'Eucharistie, centre de la vie chriétenne, au titre
de sacrifice et de sacrement. Exhortation à la communion plus fréquente, soi-
gneusement préparée par la confession.) pp. 3-23. — A. KARPOV. A. M. Buk-
harev. (L'archimandrite Théodore Bukharev, 1824-1871. Brève bibliographie
caractéristique de son tempérament, de sa pensée et de son enseignement, ses
difficultés avec la hiérarchie ecclésiastique, motifs de sa sécularisation et de son
mariage.) pp. 24-51. — I. GOFSTETTER. Bogoborcestvo. V cem. doblest' Jakova
i pravota lova. (Théomachie. En quoi consiste le mérite de Jacob et le bon droit
de Job. Dieu sut gré à Jacob et à Job de lui avoir résisté. La meilleure attitude
en face de l'épreuve ce n'est pas la pure résignation,c'est une réaction virile qui
nous conduit à une plus haute intelligence de Dieu et de notre destinée.) pp.
52-66. — M. KURDJUMOV. Pravoslavie i bolsevizm. (Orthodoxie et bolchévisme.
Traits caractéristiques du tempérament russe, son attitude vis-à-vis de la. re-
ligion et de l'église anémiée par son asservissement au pouvoir impérial. Justi-
fication de l'attitude prise par l'église orthodoxe vis-à vis du pouvoir soviétique.
Séparée-de l'état dont l'appui faisait sa faiblesse l'église a retrouvé la voie;
fidèle à l'enseignement du Christ, à la force et à la violence elle n'oppose d'autres
armes que la patience et la charité.) pp. 67-92. — Pis'mo iz Rossii N. A. Berd-
jaevu. (Lettre de Russie à N. A. Berdjaev. Récit de l'évolution philosophique et
religieuse d'une âme qui dit au prof. B. sa reconnaissance pour l'influence qu'il
a exercée sur lui.) pp. 93-96. — L. SESTOV. V. V. Rozanov. (Influence de Hegel
sur le penseur russe Rozanov qui, comme lui, rejette le Dieu de la Bible incom-
patible avec le caractère absolument nécessaire des lois de la nature. Par un é-
trange paradoxe, c'est en quelque sorte son amour pour le Dieu des savants qui
RECENSION DES REVUES 219

entraîna R. à lutter contre le Dieu des chrétiens, et partant, contre le christia-


nisme même.) pp. 97-103. — JA. MEN'SIKOV. Dusa vescej. (L'âme des choses.)
pp. 104-115. — V. ZENKOVSKIJ. Sczd v Afinakh. (Congrès d'Athènes, 25-28 fév.
1930 où les représentants des églises orthodoxes se rencontrèrent avec les délé-
gués de 1' YMCA et où s'affermit leur commun désir de collaborer dans un véri-
table esprit oecuménique à la sauvegarde religieuse et morale de la jeunesse.)
pp. 116-125. — V. IL'IN. Po povodu vloroj vyslavki ikon. (A propos de la seconde
exposition d'Icônes organisée à Paris du 25 déc. 1929 au 5 janv. 1930 par la
société russe Ikona.) pp. 126-128. — Novyja knigi. (Livres nouveaux, recensions.)
pp. 129-139. = Août. — B. VYSESLAVCEV. Etika subtimacii kak prcodolnëie
moralizma. (La morale de la sublimation, moyen de triompher du moralisme.
.
La loi du péché que l'apôtre Paul découvre en ses membres a pour domaine pro-
pre la sphère du subconscient. Cette sphère est impénétrable à la raison, mais
on peut l'atteindre par des voies détournées. La psychanalyse nous en indique
le chemin.Cependantce serait une erreur de réduire, avec Freud, le subconscient
àl'âppétit sexuel. La psychanalyse s'éclaire à la lumière de la notion platonicien-
ne d'eros, conçue au sens le plus large de vouloir vivre, de soif de plénitude, d'as-
piration à la transfiguration,à la réalisation en soi du Théandrisme. Platon nous
donne un exemple très élevé de cette sublimation que cherche Freud. Nous la
rétrouvons chez Paul à un degré plus élevé encore. L'amour sexuel se sublime
dans le Christ et dans l'Église, c'est là un grand mystère et c'est un sacrement.
Autre exemple dans la Hiérarchie céleste du Pseudo-Denys. Rôle de l'imagina-
tion dans cette oeuvre de sublimation. Cette faculté est intermédiaire entre le
subconscient et le conscient. La loi ne peut avoir de prise sur le subconscient
que par l'imagination. Et cela n'est possible que si la loi se concrétise en un mo-
dèle sensible. Platon avait Socrate,le chrétien a le Christ.) pp. 3-24. —A. KARPOV.
A. M. .Bu/c/wrey.(L'archimandrite Th. B. fin.) pp. 25-47.' — R. PLETNEV. Dos-
toevskij i Evangelie. (Dostoevskij et l'Évangile. Influence de la Bible et en par-
ticulier de la pensée du Christ sur l'esprit de D. d'après sa biographie et ses oeu-
vres.) pp. 48-68. — S. TROICKIJ. Pccemu zakryvajutsja cerkviv Rossiil (Pourquoi
ferme-t-on les églises en Russie ? Étude documentaire sur la législation et la
jurisprudence soviétiques en matière religieuse.) pp. 69-96. — N. BERDJAEV. Vos-
tok i Zapad. (Orient et Occident. Conférence lue en français au Studio franco-
russe de Paris le 27 avril 1930.) pp.97-109. •— N. ARSI N'EV. O religioznom zna-
cenii sovremennago igermanskago « dvizenija molodeii ». (De la portée religieuse
du mouvement de la jeunesse dans l'Allemagne contemporaine, « deutsche Ju-
gendbewegung ». L'auteur note en particulier, un enrichissement et un élargis-
sement que peut favoriser l'influence de l'Orient orthodoxe.) pp. 110-119. -—
Novyja knigi. (Livres nouveaux. Recensions. Entre autres, C. R. par V. V. Zèn-
/ kovskij de l'ouvrage de PRIBILLA, Um kirchliche Einheit. Stockholm, Lausanne,
Rom.) pp. 120-129. = Oct.— V. ZÏ'NKOVSKIJ. Preodolënie platonisma sofijnoj
tvari: (L'auteur expose une conception philosophique du monde qui s' appuie
sur le système des idées de Platon, mais le corrige et le dépasse. Pour éviter
tout reproche de panthéisme il affirme fortement le caractère créé du fondement
z"<féaZdumonde.)pp.3-40.— P. PROKOF'EV. Religioznaja ulopija Al. A. Ivanova.
(L'Utopie religieuse du peintre Ivanov (1806-1858) auteur de L'apparition du
Messie.) pp. 41-57. — R. PLETNEV. Dostoevskij Evangelie (fin). (Dostoevskij
et,l'Évangile. II.Traçes de texte et de doctrine évangélique relevées dans les
220 RECENSION DES REVUES

oeuvres du grand écrivain.) pp. 58-86. —• A. KARPOV. Anglo- russkaja Konferen-


cija v High. Leigh. (Conférence anglo-russe de High-Leigh, 25-30 avril 1930,
honorée de la présence du Métr. Euloge et de la visite de l'Arch. de Cantorbéry.
Physionomie du congrès, brève analyse des rapports qui y furent lus, échanges
de vues auquels ils donnèrent lieu.) pp. 87-97. — N. N. ALERSCEV. Religiozno-
filosofskija idei i liénost' B. N. Ciccrina v svéfë ego vospominanij. (Les idées
philosophico-religieuses et la personnalité de P>. N. Tchitchérine à la lumière
de ses souvenirs : Deux volumes de souvenirs récemment publiés à Moscou ré-
vèlent chez ce philosophe juriste une mentalité très éloignée de l'hégélianisme
professé dans ses oeuvres.) pp. 98-110. — S. FRANK PAMJATI L. M. LOPATINA.
(A la mémoire du philosophe Lopatine, 1920.) pp. 111-114. — Novyja knigi.
N. BERDJAEV. O novëjsikh tecenijakh v nêmcckoj filosofii. (Livres nouveaux.
Les tendances actuelles de la philosophie allemande, à propos de l'ouvrage de
G. GURVITCH paru récemment sous ce titre.) pp. 115-121.

«RECHERCHES DE SCIENCE RELIGIEUSE. 1930. Dec. — C. BOYER.


Le Système de S.Augustin sur la Grâce d'après le De corruptione et gratia.
(« Dans notre traité, la grâce qu'Augustin considère est celle qui donne l'effet ;
le don de persévérance, c'est celui qui procure la persévérance même ; la volonté
salvifique, c'est la volonté de Dieu absolue. Ainsi le voulait la nature de la con-
troverse. Mais la grâce suffisante, le pouvoir de persévérer chez ceux qui pé-
rissent, la volonté salvifique universelle se trouvent impliqués dans les raisonne-
ments du saint docteur, et parfois confessés publiquement. Les traductions
jansénistes de la pensée augustiniemie sont des trahisons ».) pp. 481-505. —
R. CADIOU. Origène et les « Reconnaissances clémentines ». (Depuis l'étude de
C.Schmidt, il est certain que les deux citations des écrits pseudo-clémentins dans
l'oeuvre d'Origène proviennent d'Origène lui-même. Ce témoignage d'Origène,
qui a des idées communes sur l'astrologie, la prophétie, avec le roman pseudo-
clémentin, contribuera peut-être à remettre ce dernier à sa place, dans la lit-
térature de la fin du deuxième siècle.) pp. 505-528. — G. DE JERPHANION. La
vraie teneur d'un texte de S. Alhanase, rétablie par l'ëpigraphie. (L'Epistula ad
Monachos ; histoire de ses éditions. Les fragments d'une inscription découverte
en 1914 à Thèbes et publiée en 1926 à New- York sont favorables à la vieille
version latine et défavorables au texte grec publié par Montfaucon.) pp. 529-
544. — P. JOUON. Mathieu V, 43. pp. 545-546.

* RECHERCHES DE THÉOLOGIE ANCIENNE ET MÉDIÉVALE.


1930. 4. — F. CAVALLKHA. La doctrine de Saint Augustin sur l'Esprit-Saint à
propos du « De Trinilale » (à suivre). (Les noms du S. Esprit chez A., spirilus,
donum, munus, pignus, digilus Dei, etc. ; pour fixer la propriété de la troisième
Personne, A. considère surtout ses activités de communication et l'analogie
psychologique de l'amour est plus une conséquence, de ce point de vue qu'une
systématisation bien définie à partir de la procession par voie d'intelligence et
par voie d'amour.) pp. 365-387. — B. CAPELLE. « Adhuc Virgo » chez Saint Irénée.
(Remarques tirées de textes d'Irénée et d'une comparaison très nuancée avec
d'autres témoins de la tradition pour défendre contre H. Koch (Adhuc Virgo.
Mariens Jungfrauschafl und Ehe....) qu'Irénée a admis la virginité de Marie in
RECENSION DES REVUES 22Î

pariu et post pattiim.) pp. 388-395. — O. I OTTIN. Alexandre de Halès el la


« Summa de anima »
de Jean de la Rochelle. ( Critique des arguments du P. Min-
ges (Franzisk. Stud., 1916, 367-372) en faveur de l'antériorité de la Somme
d'Alexandr. ; L. relève des indices en faveur de la thèse inverse et pose la ques-
tion plus générale de l'authenticité de la Somme d'Alexandre.) pp. 396-409. —
B. CAPELLE. Le progrès de la connaissance religieuse d'après S. Augustin. (Mise
en oeuvre des Tract. 9"6-98 in joan. : il faut donner aux parfaits et aux simples
l'enseignement des mêmes vérités, mais dans la connaissance de cette doctrine,
il-y' a place pour le progrès de la connaissance théologique et contemplative.)
pp. 410-419. — O. LOTTIN. Pierre de Tarentaisc a-i-il remanié son Commentaire
sur les Sentences'! (Le ms. Paris B. N. 14307 contient la seconde rédaction du
deuxième livre de son Commentaire sur les Sentences faite par P. de T. à la
suite des critiques de la première rédaction exprimées par S. Thomas, Responsio
de CVIII art.) pp. 420-433.

REVUE ANTHROPOLOGIQUE. 1930. Juil.-Sept. — P. BOSCH-GIMPE-


RA. Le néo-énéolithique en Europe occidentale et le problème de sa chronologie.
(Les différentes civilisations de la péninsule ibérique pendant la période néo-
énéolithique ; le proto-néolithique se place vers 6.000 ; le néolithique avancé
ou final vers 4.000 ou avant ; l'énéolithique entre 3.700 et 2.500 ; l'âge du Bronze
I entre 2.500 et 1,700, avec survivances énéolithiques.) pp. 244-253. — A. FE-
BOROVSKY. Les fouilles archéologiques dans les environs de Kharkov ( Ukraine).
(Ensemble de monuments typiques pour la civilisation slave desxi-xnesiècles.)
pp. 254-261. — H. G. VAN LOON et R. THURNWALD. Questionnaire psycho-phy-
sio- morphologique pour l'étude de la psychologie des races. (Publications de trois
questionnaires.) pp. 262-277. — F. BENOÎT. Survivances des civilisations méditer-
ranéennes chez les Berbères (à suivre). (I. Le mystère de la « nuit de l'erreur »
qui est en réalitéde mystère de la renaissance végétale ; description des rites
relatifs à ce mystère, dont-la célébration antique avait été qualifiée d'obscène
par les Pères de l'Église.) pp. 278-293.

*REVUE APOLOGÉTIQUE. 1930. Oct. — L. ROURE. AUX origines de


la science, science orientale et science hellène. (Présentation 'des origines de la
science et de la pensée d'après les travaux de Paul Tannery sur l'a Histoire de
la science hellène » réédités par M. Diès, et l'ouvrage de M. A. Rey : La science
orientale avant les Grecs.) pp. 385-404. — V. GAUTIER. Un poète philosophe :
Paul Valéry. (La position intellectuelle de V., les principaux problèmes qu'il
traite ; son panthéisme, son scepticisme, sa morale toute intellectuelle qui
conduit à un égoïsme cynique.) pp. 404-425. —• E. DEHOVE. La théorie de
la religion chez Dwkheim. I. Exposé. (Théorie éminemment sociologique. La
définition de la religion d'après D. ; étant donnée cette conception sociologique
de la religion, le totem sous la forme duquel est représentée la force collective
du clan, —• ou la force religieuse — occupe dans la vie religieuse une place de
premier plan.) pp. 428-446. — G. NEYRON. Littérature el Liturgie. III. La vic-
toire de la liturgie romaine. (!.e mouvement liturgique au 19° s.) pp. 447-461. —
L. ENNE. L' Union de l'Orient avec Rome. Une controverse récente. (Correspon-
dance mi-religieuse, mi-politique entre S. B. Mgr. C. Papadopoulos, archevêque
222 RECENSION DES REVUES

orthodoxe d'Athènes, et Mgr. Calavassy, évêque catholique des grecs du rit


Byzantin, correspondance tout à l'avantage de ce dernier.) pp. 462-469. =
Nov. — J. RIVIKRF.. Saint Augustin et l'Eucharistie. (Étude sur l'ouvrage scien-
tifique et consciencieux de l'abbé Lecordier : « La doctrine de l'Eucharistie
chez Saint Augustin ».) pp. 512-531. — H. DKHOVIÏ. La théorie de la religion chez
Durkheim. II. Quelques remarques critiques. (Sur la façon dont il entend l'évo-
lution de la technique transcendante ; la conception organique de toutlesystème
n'aurait-elle pas influencé plus que de raison les enquêtes et analyses de D. ;
cette hypothèse sociologique oH're-t-elle des faits qu'elle a retenus une interpré-
tation recevable en elle-même ; que vaut-elle? De toute façon la sociologie n'est
pas de taille à remplacer Dieu.) pp. 533-557. — V. LENOIR. Un pseudo-pacifiste
au XVIIe s. : Thomas Hobbes. pp. 558-564.

*REVUE D'ASCÉTIQUE ET DE MYSTIQUE. 1930. Oct. — J. DE


GUIBERT Oraison mentale de prière pure, II. (Sont de vraies prières le travail
.
coûteux de l'intelligence dans la méditation et les actes intérieurs de vertus
orientés vers la pratique) pp. 337-352. — A. WILMART. Le triple Exercice d'E-
tienne de Sallai. (Texte de trois méditations inédiles de cet abbé cistercien des
premières décades du xm» siècle.) pp. 355-374. — M. VILLER. Le Praecordiale
sacerdotum de J.Philippi (1497). (Ce prêtre de Bâle apparaît en ce livre de prières
comme un des tenants de l'école de la dévotion moderne.) pp. 375-395. — P. Du-
DON. Les leçons d'oraison du P. Lallemanl ont-elles été blâmées par ses supé-
rieurs^ (Nuances particulières à ces leçons, notamment que sans la contempla-
tion il n'y a point de parfait service de Dieu, ni d'apostolat fécond. Le nuage
entre lui et ses supérieurs a été vite dissipé.) pp. 396-406.

*REVUE BÉNÉDICTINE. 1930. Oct. — DE BRUYNE. Le texte et les ci-


tations bibliques de la Vita S. Augustihi de Possidius. (Examen critique du texte
de la Vita S. Auguslini établi par Weiskotten. A quelle Bible Possidius em-
prunte-t-il ses citations?) pp. 297-300.— A. WILMART. Le sermon de S. Augus-
tin sur les prédications de l'Evangile. (Ce sermon que les Mauristes ont compris
dans la série des Sermones ad populum (n. CI) est authentique. A l'aide de tex-
tes plus anciens A. W. contrôle le texte des Mauristes.) pp. 301-315. —• DE
BRUYNE. La première règle de S. Benoît. (La Régula secunda Auguslini est la
première Règle qu'ait écrite S. Benoît.) pp. 316-342.

REVUE BIBLIQUE. 1930. Oct. — P.DHORME. Le déluge babylonien. (Les


fouilles faites à Ur et à Kish nous attestent l'existence d'une vaste inondation,
qui a atteint les proportions d'un gigantesque déluge. Ce déluge, on peut en
fixer la date aux environs de 3.300 av. J.-C. Dans un texte découvert à Nippour
et publié en 191 1, nous avons une sorte de Genèse chaldéenne, en sumérien, qui
remonte probablement au xixc siècle avant notre ère. Par de nouvelles traduc-
tions, le P. D. nous montre que « depuis le vieux récit du Déluge retrouvé à
Nippour.... jusqu'aux dires du prêtre Bérose qui vivait à Babylone au temps
d'Alexandre le Grand, en passant par le poème assyrien incorpo i é à la tablette IX
de l'Épopée de Gilgamès, nous tenons le fil d'une tradition continue dont les
derniers échos se feront entendre dans la chronique d'Eusèbe de Gésarée ».)
RECENSION DES REVUES 223

pp. 481-502. — Dom DE BRUYNE. Le texte grec du deuxième livre des Macha-
bées. (D'une comparaison entre le grec et le latin,l'auteur conclut : « Il me semble
qu'il y a deux textes très anciens : a représenté par le vieux-latin, par Sinaî-
ticus, parfois par Vendus, et fi qui se sous-divise en Alexandrinus et q (= un
certain nombre de minuscules grecs). Lucien a connu les deux textes, il va tan-
tôt avec a, tantôt avec fi ; tantôt il les unit, tantôt il crée une nouvelle leçon.
J'en concluerais que l'accord a/3 doit prévaloir ».) pp. 503-519. — J. CANTINEAU.
Textes funéraires palmyréniens (Transcription et traduction de 14 textes.)
pp. 520-551. — P. DUVIGNAU. Une industrie acheuléo-mousléricnne en Palestine.
La station d"Aïn-Mousa. (Station située aux environs de Nazareth. Caractère
général de l'industrie. Description des pièces : pygiloïdes, racloirs, grattoirs,
pointes et nucléi, hachoir, burins, divers.) pp. 552-565. — F. M. ABEL. Épi-
graphie grecque : •/. Inscription funéraire de Kérak ; II. Le nom de Zonainos ;
III. Un rescrit impérial sur la violation de sépulture et le tombeau trouvé vide.
(Ce rescrit est gravé en caractères qui rappellent ceux de l'inscription de Théo-
dote, découverte par M. Weill à Jérusalem et qui se date avec la plus grande
vraisemblance aux abords de l'an 15 de notre ère. La prohibition de violatio
sepulchri, évoque S. Matth., 28, 11-15.) pp. 565-571. — P. DHORME. Un nouvel
alphabet sémitique. (C'est l'alphabet utilisé dans les documents découverts à
Ras-Shamra et que le P. D. a réussi à reconstituer.) pp. 571-577. — A. BARROIS.
Aux mines du Sinaï. (Travaux scientifiques de l'expédition de février-mars
1930, dont faisait partie le P. B.) pp. 578-598.

*REVUE D HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE. 1930. Oct. — R. DRA-


GUET. Le Juif Josèphe témoin du Clirisl. (A propos du livre de M. Eisler étudie le
spassages de la version slave de la « Guerre Juive » inconnus à la version grecque.
Contrairement à la solution simpliste et tendancieuse de M. Eisler, nous aurions
affaire à une interpolation chrétienne.) pp. 833-879. — J. LEBON. Le Pseudo-
Denys VAréopagile et Sévère d'Antioche. (Repousse l'identification que le P.
Stiglmayr s'efforce d'établir entre ces deux personnages.) pp. 880-915.— E.
DHANIS. Quelques anciennes formules septénaires des sacrements (suite). (Montre
la parenté du Traclatus de septem sacramentis Ecclesiae et du Tracialus de Sa-
cramento de Maître Simon. Tous deux seraient plus récents que les Sentences
de Pierre Lombard.) pp. 916-950. — J. DE GHELLINCK. La carrière scientifique
de Harnack, pp. 962-991.

*REVUE D'HISTOIRE DE L'ÉGLISE DE FRANCE. 1930. Juil. —


M. LE GRAND. Le chapitre cathédral de Langres (suite, à suivre). (Les fonctions
spirituelles du Chapitre « Sede vacante ».l. L'élection de l'Évêque. 2. Le droit de
régale du chapitre.) pp. 373-384.

REVUE DE MÉTAPHYSIG UE ET DE MORALE. 1930. Avril. — E.


MEYERSON. Le sujet el le prédicat. (Pages extraites d'un livre qui paraîtra pro-
chainement intitulé Du cheminement de la pensée. E. M. étudie tout d'abord
rapidement l'influence d'Anthistène . La notion qui fait le fond de sa doctrine
« à savoir le fait que la proposition affirmative implique une identité entre le
sujet et le prédicat » se retrouve sous diverses formes chez bien des logiciens.
224 RECENSION DES REVUES

Puis, E. M. s'efforce de rendre compte de la manière selon laquelle se constitue


la notion qui lui paraît fondamentale de l'identité du divers.) pp. 149-180. —•
R. BERTHELOT. Sur quelques philosophes des sciences dans la France contempo-
raine. (1. Exposé rapide de quelques théories contemporaines des sciences : La
philosophie des mathématiques et de la physique mathématique de L. Brun-
schvicg ; la philosophie des sciences sociales de M. Bougie ; les vues personnelles
de R. B. Conclusion : Tendances convergentes de ces théories.) pp. 181-221. —
J. MILMAN. La théorie psychologique et logique du jugement. (Étude tendant à
prouver que «toute la théorie du jugement ne peut être édifiée sur une base psy-
chologique... La pleine indépendance de la logique par rapport à la psychologie
se réalise.... en ce que nous construisons la logique du jugement sur les jugements
de la logique, en d'autres termes,que nous construisons la logique sur la logique».)
pp. 223-241. — J.HERBRAND. Les bases de la logique hilberlienne. (Cette nouvelle
doctrine se caractérise en ce « qu'elle a pour objet d'étude non pas les objets dont
s'occupent habituellement les mathématiciens, mais les phrases mêmes qu'ils
peuvent prononcer sur ces objets ». Les résultats sont encore assez maigres,
mais les tenants de la doctrine se croient sur la voie de réalisations importantes.)
pp. 243-255.— H. URTIN. La crise du jury criminel, pp. 257-277. = Juil. —
L. BRUNSCHVICG. De la vraie et de la fausse conversion (à suivre). (I. Doxogra-
phie et Philosophie. B. entreprend de justifier l'attitude qu'il a prise particuliè-
rement dans Progrès de la Conscience dans 'a Philosophie occidentale : attitude
qui lui a valu diverses remarques et critiques II pense montrer comment « il
est permis d'envisager que l'histoire de la philosophie ne soit pas uniquement
un exercice de philosophie rétrospective, une revue de croyances mortes,...que,
bien plutôt, elle s'apparente à l'histoire de la science et s'offre, au même titre
qu'elle, comme une histoire de la vérité. ») pp. 277-297. — V. DELBOS. La prépa-
ration de la philosophie moderne. (Deuxième leçon). (III. La fondation de la
science moderne. Les précurseurs : maîtres de Paris au XIVe s., Léonard de Vin-
ci, Kepler. L'évolution décisive (début du XVII 0 s.) : Galilée. IV.La politique
et la philosophie du droit : Machiavel, Thomas Morus, Jean Bodin, Althusius,
Grotius.) pp. 299-335. — TH. RUYSSEN. Le Dieu lointain et le Dieu proche. (A
propos de l'article de D.Parodi, Le rationalisme et l'idée de Dieu. T. R. conclut
que par deux voies nous pouvons nous acheminer vers le divin : « D'une part,
au plus haut sommet de l'objectivité, la réflexion sur les sciences qui constituent
pour nous le plus haut degré d'objectivité, mathématiques.... nous amène à con-
cevoir une intelligence qui soit la source active et permanente de la vérité....
D'autre part, dans les profondeurs de la subjectivité , l'expérience religieu-
se, ou simplement le recueillement intime nous donnent le sentiment d'une pré-
sence extérieure au moi.... » le Dieu intérieur. Y a-t-il un lien entre le Dieu in-
térieur et le Dieu géomètre d'Aristote »? il y a là une énigme qui nous dépasse.
«
Eu fait, du monde géométrique et mécanique au monde des valeurs morales
nous n'apercevons aucune gradation ».) pp. 337-366. —J. Bois. A proprs de
l'idée de Dieu et du rationalisme. (Réflexions provoquées par les travaux que
Brunschvicg et Parodi ont fait paraître sur ce thème. J. B. opte pour un théisme
personnaliste capable de satisfaire à la fois le besoin proprement religieux,
le besoin plus nettement philosophique et le besoin moral. « Le Dieu du per-
sonnalisme est tout à la fois individu et personne, pensée suprême et sources de
toutes les pensées, réalité de l'idéal, beauté, vérité, bonté, — non pas certes en
RECENSION DES REVUES 225

soi, ce qui ne voudrait rien dire en langage idéaliste, — mais pour soi. ») pp.
367-382. — G. GRUA. Un critique du transformisme Louis Viallelon. (Analyse
les idées sur le Transformisme de L.Vialleton, puis éclaire la conception de l'é-
volution en la rapprochant des travaux de quelques philosophes et naturalis-
tes, notamment de Le Roy et Cuénot.) pp. 383-421.

«BEVUE NÉO-SCOLASTIQUE. 1930. Nov. — M.DE WULF. L'Age de la


Métaphysique, communication présentée au Congrès Int. de Philos., Oxford,
1-15 Sept. 1930. (Tableau d'ensemble des principales thèses de la scolastiquela-
tine au XIIIe s.) pp. 389-395. — L. NoëL. L'Intelligible, communication pré-
sentée au Congr. Int. de Philos., Oxford, 1-15 Sept. 1930. (Exposé des grandes
lignes de la théorie aristotélicienne et thomiste de la connaissance intellectuel-
le, ses points de contact avec le kantisme.) pp.396-402. —• F. VAN STEENBERGHEN.
Siger de Brabant, d'après ses oeuvres inédites, titre emprunté à un ouvrage à
paraître prochainement dans la collection : Les Philosophes belges. (Rappel des
principales conclusions du P. Mandonnet jugées définitives. Annonce de la
publication des Quaesliones in libros très de Anima d'après les Mss. : Munich
latin 9.559 et Merton Collège 275.) pp. 403-423. •— L. NoëL. Le nouveau pro-
gramme légal et la philosophie, pp. 424-428. — R. KREMER. Le VIIe congrès
international de Philosophie, pp. 429-432. — R. KREMER. Bulletin d'Epistémo-
logie, pp. 469-479.

REVUE PHILOSOPHIQUE. 1930. Sept. — Fr. SIMIAND. La « théorie


expérimentale » en science économique positive. (L'étude positive porte bien sur
« la réalité du fait » considéré objectivement, mais elle exige, comme toute scien-
ce, l'explication de ces faits. L'esprit doit saisir la valeur des liaisons constatées
entre les faits, distinguer les conditions des causes et le plus possible tout com-
.,prendre rationnellement.) pp. 161-176. — J. LARGUIER DES BANCELS. Les ten-
dances instinctives. (Après un bref aperçu historique de la conception et de la
classification des instincts. J. L. des B. décrit les différentsinstincts de l'homme :
instincts alimentaires, instincts de défense, de curiosité, instinct sexuel, ins-
tincts parentaires, instincts sociaux, impliquant à la fois des tendances à l'imi-
tation et à la subordination, instinct d'appropriation et instinct de jeu.En termi-
nant, il distingue l'instinct de l'émotion, qui en est le raté.) pp. 177-229. — Ch.
EISENMANN. Deux théoriciens du droit ; Duguii et Hauriou. (Étude critique des
principes et de la structure de leurs théories sur les problèmes fondamentaux
de la scLnce juridique. Duguit, dominé par le problème de la limitation de l'État,
veut que le droit positif soit réglé par un droit objectif. Hauriou, pour éviter
la souveraineté absolue du peuple, veut que le droit individuel et naturel s'im-
pose juridiquement à l'État, et soit supérieur au droit positif. C. E. leur repro-
che d.'avoir résolu des problèmes de théorie juridique, en fonction de doctrines
politiques et sociales.) pp. 230-279. — N. DOBJ<OVOLSKAIA-ZAVADSKAIA.Les ba-
ses biologiques d'une nouvelle conception de la vie. (Les expériences récentes
conduisent à une nouvelle conception de la vie, que l'on peut formuler ainsi :
«espèces stables avec des individus isolés variables, comme source des formes
nouvelles ». Cette théorie met en lumière l'importance, pour le progrès du
monde, du principe conservateur de la vie, et le rôle actif réservé, dans révolu
tion , à l'individu.) pp. 280-294. = Nov. — R. LE SAVOUREUX. Recherches sur
REVUE DES SCIENCES. — T. XX, FASC. 1 — 15.
226 RECENSION DES REVUES

la nature de l'acte et sur sa relation à l'expression. (R. Le S. étudie « la notion très


abstraite de l'acte à la façon d'un objet donné dans le champ de notre percep-
tion ». Il est formé d'un système d'images et de mouvements adaptés au but
proposé. Il comporte le discernement du réel et du possible, un sentiment de
nécessité et une forte impression de tension. En terminant R. Le S. signale
le rôle qu'y joue l'attention.) pp. 321-371. — J. L. DUYVENDAK. Eludes de
philosophie chinoise : Siun-Tseu, ChangYang,Han Fei-Tsen. (Siun-Tseu, de l'école
confuséenne, insiste surtout sur les rites. La nature humaine, mauvaise en soi,
est capable de se perfectionner par l'éducation. Les légistes Chang Yang et
Han Fei-Tsen, opposés à ce traditionalisme, substituent aux rites la loi. Ils
veulent un étatisme entièrement amoral où l'homme ne compte pour rien, où
la puissance de l'état soit tout et où le seul ressort soit la loi avec les récompen-
ses et les châtiments.) pp. 372-417. — A. METZ. La nature du monde physique
par A. S. Eddington. (Dans ce livre, Eddington traite tous les grands problè-
mes de la Physique contemporaine, notamment ceux de la relativité et de la
théorie des quanta, et il examine leurs rapports avec la philosophie et la reli-
gion. A. M. fait quelques réserves en particulier au sujet des passages consacrés
à la gravitation, et, s'inspirant de M.Meyerson, il critique fortement son idéa-
lisme.) pp. 418-447. — A. DANDIEU. Le, conflit du réel el du rationnel dans la
psychologie du temps et de l'espace. (S'appuyant sur les observations sociologiques
de MM. Hubert et Mauss, épistémologiques de M. Meyerson, psychologiques de
M. Minkowski, A. D. admet l'existence de la continuité de la durée concrète, et
parallèlement celle d'un espace concret discontinu opposé à l'étendue abstraite
et infinie. Ces deux aspects de l'espace correspondent aux deux tendances fon-
cières de l'esprit qui affirme l'existence de l'objet concret et cherche à tout
unifier.) pp. 448-471.

*REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES. 1930. Nov. — P.


HUMBERT. Pour qu'on lise les mathématiciens grecs. (M. P. Ver Ecke nous offre
la traduction des ouvrages d'Archimède, dont cinq traitent de la géométrie, —
d'Apollonius de Pergame sur les coniques,— de Serenus d'Antinoë et de Théo-
dore de Bithynie. —• VIniroduction à VArithmétique de Nicomaque de Gérasa, —•
les Arithmétiques et les Nombres Polygonaux de Diophante d'Alexandrie.) pp.
381-389. — TEILHARD DE CHARDIN. Le Phénomène humain. ( Le fait expéri-
mental de l'apparition dans notre Univers, du pouvoir de réfléchir et de penser.
I. Les caractères : sa puissance se mesure à ce fait qu'en quatre ou cinq mille
ans il a envahi la terre, l'a dominée, organisée et transformée : il tient « tête
dans le mouvement qui entraîne les êtres organisés vers des possibilités de con-
naissance et d'action plus glandes » ; « avec l'Homme le développement, jus-
qu'alors régulier de la Vie a atteint un point critique », par l'apparition de la
vie de la pensée et de la conscience. —-II. L'interprétation : Tandis que l'énergie
matérielle va toujours se dégradant, la Vie « dégagerait, sans limite scientifi-
quement assignable , la portion vraiment progressive du monde ». —
III. Applications : nécessité pour le développement parfait de l'Univers de sou-
tenir et développer le goût de la vie, d'où intervention de la morale et de la Re-
ligion dans le cosmos.) pp. 390-406.
RECENSION DES REVUES 227

*REVUE DES SCIENCES RELIGIEUSES. 1930. Juil. — M. ANDRIEU.


Règlement d'Angilramne de Metz (768-791) fixant les honoraires de quelques fonc-
tions liturgiques. (Édite ce règlement d'après le ms. 15222 du British Muséum.
De ce texte, il ressort que Metz pratiquait la liturgie grégorienne. Suivent quel-
qû.es remarques sur la façon dont s'acclimata, à Metz, l'institution romaine des
,
Stations, et sur les tarifs indiqués par ce document.) pp. 349-369. —- J.-B. CO-
LON. La conception du salut d'après les évangiles synoptiques (suite, à suivre).
(Les enseignements contenus dans les nombreux livres apocalyptiques qui pré-
.
cédèrent la naissance de Noire-Seigneur, peuvent se ramener à trois courants
-principaux : 1° la notion d'un royaume sur terre ou sur une terre renouvelée,
royaume procurant un bonheur d'ordre matériel ou physique ; 2° la notion d'un
royaume temporaire, à la fin duquel aura lieu le jugement, prélude d'un monde
éternel ; 3° la notion d'un royaume futur établi directement dans l'autre monde.
A la première conception se rattache davantage le Livre d'Hénoch, et aussi,
Certains passages du Livre des Paraboles d'Hénoch, d'ailleurs plus spiritualiste ;
à la deuxième, le Livre des Songes ; à la troisième, les Testaments des 12 Patriar-
ches, (pp. 370-415. — J. RIVIÈRE. De la divinité du Rédempteur chez les Pères
latins. (D'après H. Gallerand, la divinité du Christ aurait, dans l'économie ré-
demptrice, un rôle très différent selon les divers Pères latins : « elle n'aurait
aucune place dans le pensée de S. Augustin, qui en cela serait très fidèlement
suivi par S. Léon ; à peine S. Grégoire, non du reste sans beaucoup d'embar-
ras, commencerait-il à s'en détacher ».L'auteur réfute cette thèse par des textes
tirés de ces trois Pères.) pp. 416-459. — M. M. GORCE. Le sens du mot probable
et les origines du probabilisme. (Réponse au P. de Blic, sur le sens du mot pro-
bable au xvie siècle.) pp. 460-464. = Oct. — R. DEVREESSE. Le florilège de
Léonce de Byzance. (Après quelques notations sur la biographie et l'influence
du Chalcédonien résolu que fut L. de B., l'auteur publie et annote le florilège de
L., c'est-à-dire l'ensemble des textes patristiques mis par L. à la fin de chacun
de ses livres. Suivent un index des auteurs et ouvrages cités par L., et une table
indiquant la source probable de quarante de ces fragments.) pp. 545-575. —
J. RIVIÈRE. Mort et démon chez les Pères. (Prenant occasion d'une affirmation
de H. Gallerand, l'A. montre chez les Pères latins, puis chez les Pères Grecs,
l'existence d'une tradition identifiant plus ou moins explicitement le démon
et la mort. En conclusion, émet l'hypothèse que c'est en fonction de cette assi-
milation littéraire qu'il convient de lire nombre de textes où la Rédemption est
conçue comme une rançon payée à Satan.) pp. 577-621. — P. GLORIEUX. Le
mérite du Christ selon S. Thomas. (Il s'agit du mérite du Christ-Tête du Corps
mystique. Pourquoi le Christ, seul, peut-il mériter de condigno pour autrui? Pre-
mier groupe de textes de S. Th., se ramenant à ceci : una persona mystica, en-
tendu au sens fort. Plus profondément, il ressort d'un autre groupe de textes é-
pars : 1° que le Christ a exercé une action réelle sur la nature en tant que na-
ture ; 2° qu'il l'a exercée en Lui, non sur une entité abstraite ; 3° que, pour ce.
motif enfin, son mérite est réel, de condigno, universel.Cette doctrine ne suppose
t-elle pas cette autre thèse que le Christ englobe dans sa personne notre nature,
:
qu'il existe entre lui et le genre humain .une union essentielle ?) pp. 622-649. •—• J.
ZBILLER. Le site de Justiniana Prima. (La thèse d'Evans, jadis reprise par l'au-
teur, se concilie avec la thèse plus récente de M.Vulic ; Justiniana Prima s'iden-
tifie à Scupi, et cependant était en Dacie Intérieure.) pp. 649-658. — P. DE BLIC.
A. propos des origines du probabilisme.(Réponse au P. Gorce.) pp„ 659-663,
228 RECENSION DES REVUES

REVUE THOMISTE. 1930. Nov .-Dec. — R. GARRIGOU-LAGRANGE.La


volonté salvifique chez S.Augustin. (S. Augustin n'a pas nié la volonté salvifique
universelle, qui reste inefficace pour beaucoup. L'auteur compare le point de
vue augustinienà celui de Dam;, cène el de. S. Thomas.) pp. 472-186. — Fulbert
CARRÉ. La Cité de Dieu. (Essaie de préciser le concept même de « cité de Dieu »,
et de dégager plus particulière!!.", ni son aspect théologique et mystique. Étudie
la Cité de Dieu dans son terme, le Ciel ; dans sa préparation directe, l'Église ;
dans sa préparation indirecte, la cité chrétienne.) pp. 187-507. — M. T.-—L.
PKNIDO. « Cur non Spiritus Sanclus a Paire Deo Gcnitus ». Saint Augustin cl
S. Thomas. (Cherche à déterminer avec précision en quoi S. Thomas est tribu-
taire de S. Augustin, en quoi il a corrigé ou développé les vues de son Maître,
sur un point précis de la doctrine Irinitaire : la différence entre la première et
la deuxième Procession. S. Thomas n'a fait que prolonger, mener à son achève-
ment le De Trinitate. « 11 ne faudrait pas croire, pour cela, que son originalité
soit moindre. Non seulement il a développé les vues d'Augustin, mais encore il
leur a donné une valeur et une portée toute neuves. Avec lui, nous quittons
décidément la psychologie, pour aborder la métaphysique du dogme en ce qu'elle
a de plus profond... Et si l'on nous demande pourquoi saint Thomas est parvenu
à hausser la pensée augustinienne jusqu'à ces hauteurs insoupçonnées, nous
répondrons que c'est parce qu'il sa-- ait manier avec une habileté consommée cet
instrument précieux entre tous pour le théologien, l'Analogie ».) pp. 508-527. —
R. JOLIVET. Hellénisme et Christianisme. (Le platonisme et I'aristotélisme, en
tout ce qu'ils ont de viable, ne se sont survécu et ne se sont développés qu'à
l'intérieur de la pensée chrétienne. Laissés à eux-mêmes, ils n'étaient même pas
capables de sauvegarder tant de vérités qu'ils avaient découvertes ou magni-
fiquement exploitées, parce que, faute d'une notion parfaitement pure de Dieu
et d'une doctrine intelligible de l'univers , ils portaient en eux un principe
d'instabilité et de ruine. Au contraire, par leur incorporation au droit commun
de la pensée chrétienne, ils ont acquis une valeur d'immortalité.) pp. 528-554. —
Gilles MEEUSE.MAN. A propos de deux écrits de spiritualité attribués à saint
Thomas. (L'auteur conclut que le De divinis moribus et le De Beatitudine ne
sont pas de S. Tl omas, mais d'un même auteur, dominicain, et écrivant à la fin
du XHIème siècle; il n'é ait p: s thomiste en tout, et, jusqu'en 1490, ces deux
traités semblent n'être connus que dans les seuls pays du Nord.) pp. 560-570.

RIVISTA DI FILOSOFIA. 1930. Oct. — G. ZUCCANTE. Platane : Cratilo


Eracllleo, primo maestro di filosofia ; allri probabili influssl extrasocratici.
(Outre Cratile, le maître de sa jeunesse, et Socrate, Platon a été au contact de
nombreuses tendances philosophiques.) pp. 289-306. — G. SOLARI. La polilica
religiosa di Spinoza e la sua dollrina del jus sacrum. (Contre la dictature du sa-
cerdoce impliquée dans le calvinisme S. défendit avec les luthériens le jus sacrum
du souverain, mais à la condition qu'il servît à maintenir, à défendre une foi
qui, dans la pratique du bien, révélât vraiment sa catholicité.) pp. 306-344. —
A. PASTORE. Il principio d'amore di S. Agostino nel problema del rapporta fra
la liberté umana e la grazia. (Liberté humaine et grâce divine sont deux termes
inconciliables sur le plan notionnel. S. Augustin les accorde dans la considé-
ration de l'amour, en quoi l'âme s'unit avec Dieu. ) pp. 345-368,
RECENSION DES REVUES 229

*RIVISTA DI FILOSOFIA NEO-SCOLASTICA. 1930. Mai. (fasc. dou-


ble).— C. KHZANIC. Grandi lottatori contro l'averroismo. (Un précurseur: Tho-
mas d' York, et cinq disciples de S. Bonaventure dans la lutte contre l'averrois-
mo : Guillaume delà Mare, Jean Peckham, Matthieu d'Acqua^parta, Richard
de Middleton et Pierre de Trabibus. L'idée franciscaine, profondément religieu-
se et nettement théologique, est par excellence anti-averroïste.) pp. 161-207. —
G. LA PIRA. Il concetlo di lege secondo San Tommaso. (Exposé de cette notion
avec ses divisions, d'après la Somme Thcologique.) pp. 208-217. — B. RUTKIE-
WICZ. L'anti-intelletlualismo di Bergson ed il finallsmo biologico. (Exposé cri-
tique, deTanti-finalisme bergsonien : cette attitude dérive de I'anti-intellectua-
lismé et, plus précisément, de la théorie de l'intuition et de l'évolution créatri-
ce : critique de ces doctrines fondamentales et défense du finalisme.) pp. 218-
229. s— G. BRUNI. Catalogo dei manoscritti Egidiani Romani (à suivre). (Catalo-
gue et description des mss. de Gilles de Rome existant à la Vaticane et dans les
bibliothèques publiques de Rome.) pp. 230-249. = Sept.
-— P. Rossi. Sulla
criticw al determinismo dei fenomeno fisici. (II peut se présenter des exceptions
apparentes au principe du déterminisme en ces phénomènes qui, à cause de leur
caractère statique, ne permettent que des prévisions probables. Les récentes
théories Ses quanta conduisent à un principe d'indétermination qui ôterait la
possibilité de décrire les phénomènes comme causés par d'autres. En fait, il
n'est pas nécessaire de renoncer au principe de causalité.) pp. 325-338. — G.
ZAMBONI. Percezionismo immediato e realismo critico. (Contre une critique de G.
Cantagulilsur un ouvrage de l'auteur.) pp. 339-370. R. MARTINI. La soluzio-

ne abelardiana del problema degli universali. (Montre, d'après les textes publiés
parGeyer, combien Abélard a approfondi le problème des universaux et com-
ment, grâce à une claire intelligence de l'abstraction, il est arrivé à une solution
qu'on peut tenir comme déiïnitiye. A. reconnaît une valeur objective aux con-
cepts et peut prendre place parmi les réalistes modérés.) pp. 371-378.

*SCHOLASTIK. 1930. 4. — J. KOCH. Die Verurteilung Olivis aaf dem Kon-


zil von Vienne und ilire Vorgeschichte. (Après quelques mots sur les sources, K.
fixe,les principales étapes du procès d'Olivi jusqu'à sa condamnation au concile
de Vienne (1311-1312) en s'attachant surtout au côté théologique ; détermine
les principaux traits de cette doctrine qui inaugure le règne du nominalisme en
théologie et fait pressentir la justification forensique.) pp. 489-522.
-— F. M.
SLADECZEK. Die verschiedenen Bedeutungen des Seins nach dem hl. Thomas v?
Aquin. .(2e art., fin). (L'être considéré comme quelque chose (Dingsein) est ce qui
rend un être prédicable, et dont l'acte est la réalité : on arrive à cette conclu-
sion en considérant l'être ut quid, soit dans son contenu ou son étendue, soit dans
son rapport au concept d'essence, soit dans sa relation à la réalité ou actualité.
•— S. Thomas fonde, à partir de la connaissance sens ble,une connaissance
métaphysique de l'être et une connaissance analogique de Dieu.) pp.523-550.—•
K. PRUMM. Zur philosophischen Welt- und Lebensanschauung des Hellenismus.
(Revue critique des articles publiés ces quatre dernières années par le P. La-
grange (Rev. thomiste ; Eph. Lovan. 1928) sur les tendances et doctrines spi-
rituelles'du monde gréco-romain.) pp. 551-569. — F. PELSTER. Das vermeint-
liche Original der Sentenzen des Petrus Lombardus. (Arguments contre l'idée
230 RECENSION DES REVUES

reprise par A. Landgraf (Rech. théol. anc. méd., 1930, 80-99) que Langton au-
rait eu en sa possession et légué à l'Église de Paris l'original des Sent, de P. L.)
pp. 569-573. — H. WEISWEILF.R. Hat Benedikt Statller die. Gotteschau Christi
geleugnetl (Stattler (f 1797) a été impressionné par le rationalisme et par
les difficultés que soulève la vision béatifique du Christ: il ne l'a pas absolument
niée, mais il est resté hésitant.) pp. 573-578. — F. HUERTH. « Revoluiionierung
der Ehe ». (A propos d'un article de M. Laros paru sous ce titre dans Hochland
(1930, 193-207) et pour qui les questions que soulève le mariage — finalité du
mariage, divorce, limitation des naissances — n'ont pas encore reçu de solu-
tion apaisante ; ce qu'on doit tenir pour certain et décidé.) pp. 578-588.

*SCUOLA (LA) CATTOLICA. 1930. Sept. — ARMINIO DE MONACO. Nel


cenlenario di S. Agostino 430-1930. L'uomo e l'opère. (S. Augustin fut un g.'nie
et un génie chrétien ; dans les siècles suivants, aucun per seur ne pourra se
soustraire au rayonnement de sa doctrine.) pp. 161-177. — P. SCOTTI. L'Admi-
nistrazione dei Sacramenti agit adulli durante la vita residua e latente. (L'auteur,
après avoir rappelé les données scient fiques au sujet de la vie latente, croit
pouvoir affirmer que l'obligation grave d'administrer les sacrements existe dans
les cas normaux, une demi-heure environ après la mort apparente ; une heure
après , dans les cas de mort subite ; dans certains cas même, plus spéciaux, dé-
terminés par la science ou le jugement du médecin, l'obligation peut s'éten-
dre jusqu'aux premiers indices certains de putréfaction.) pp. 178-197. — D.
GALLUCCI. Filosofia greca e sapienza ebraica nel Libro dei Proverbi. (La sagesse
des Proverbes n'est pas un concept philosophique, mais une personnalité di-
vine, principe coopérateur de la création, de ses fins, et de ses destinées.) pp.
198-213. = Oct. — G. CERIANI. « Le Confessioni ». Nel cenlenario agosliniano.
(La survivance et la grandeur du livre des Confessions résident dans ce fait
que l'ouvrage manifeste le travail et le triomphe de la grâce, d'une grâce qui
ne violente pas, mais qui attire, qui ne détruit pas la nature, mais l'élève à la
dignité de fille de Dieu, unie intimement au Christ.) pp.241-259. — G. Bo. Il
peiisiero di S. Tommaso d'Aquino sull'origine délia sovranilà. (Aucune raison va-
lide ne permet d'interpréter en un sens théocratique la philosophie de l'autorité
chez S. Thomas.) pp. 260-278. — D. GALLUCCI. Filosofia greca e sapienza ebrai-
ca. (Étude exégétique de Sagesse, vin, 23-31.) pp. 279-293.

THEOLOGY. 1930. Août. — A. E. TAYI.OR. Some Thoughts on Process and


Reality. (A propos de Process and Realily, du Dr Whitehead,T.montre combien
les nouvelles conceptions de la physique se rapprochent de l'ancienne métaphy-
sique. 1. Les physiciens du dernier siècle ne tâchaient qu'à découvrir des for-
mules qui permissent de calculer et de prévoir. Ils se refusaient à comprendre.
Tout l'univers se réduisait à des combinaisons d'atomes exactement interchan-
geables. Mais cette vue du monde, aux yeux de W., est « tout à fait incroyable »
pour trois raisons : a) A réduire tout phénomène à un schème général, on sup-
prime ce qui fait précisément la réalité propre de ce phénomène, b) Les phéno-
mènes ne sont pas des unités égales juxtaposées : chacun dépend des autres. Et
tout de même il faut bien qu'il y ait en eux quelque trait commun, sans quoi
point d'universel, et donc point de science, c) Pas de science non plus sans in-
duction, et nulle induction n'est possible si « toutes nos perceptions constituenr
des unités distinctes» sans lien essentiel. Il faut donc quitter la quantité puet
RECENSION DES REVUES 231

pour la qualité, le fait pour la loi : « une révision des premiers principes devient
absolument nécessaire : il faut construire à nouveau une philosophie de la na-
ture.— 2.Cette philosophie implique trois conditions : a) L'abstraction est né-
cessaïrejmais un compiexus d'abstractions ne restitue pas le fait concret, b) Au-
cun fait n'est isolé, mais ils dépendent tous l'un de l'autre, c) Une ph. de la na-
ture ne vaut que dans la mesure où elle rend l'induction intelligible. — 3. La
clé de cette «ph. de l'organisme» est le retour à la notion aristotélicienne du
devenir. Tout processus implique identité et nouveauté. Or la physique quan-
titative, dès là qu'elle « sépare ces deux caractéristiques inséparables de tout
événement réel, persistance de l'ancien, émergence du nouveau», manque à
rendre compte de la réalité. Mais, en ce cas, ce retour à l'ancienne notion du
mouvement, laquelle relie dans le phénomène passé et futur, rend possible et
intelligible l'induction. Du même coup l'on revient aux causes efficiente et
finale et à l'action de cette dernière pour le passage de la puissance à l'acte. —
4. Cette'dernière résurrection ramène au concept de Dieu. Il faut au terme un
Acte Pur, qui ne soit qu'acte. Sur ce dernier point les idées de W. manquent de
clarté du fait qu'il mêle à ses déductions « aristotéliciennes» tout un bagage
spindziste. Voici la conclusion de T. : « Je crois sérieusement que l'ouvrage du
Dr W, eût été meilleur encore s'il avait suivi un peu plus S. Thomas et un peu
moins Spinoza. ») pp. 66-79. — J. W. C. WAND. Buchmanism. (Quelques pages
sur ce ministre luthérien américain et sur son influence.) pp. 79-84. — W. K.
LOWTHER CLARKE. Thomas Bray, 1656-1730. (A propos du bi-centenaire de ce
personnage, bref résumé de la biographie qu'en donne un ouvrage de 1746
Publick Spirit, illuslrated in the Life and Designs oj the Révérend Thomas Bray
D. D„ laie minister of S. Bololph wilhout Aldgate. ) pp. 85-89. — NEVILLE
PORTSMOUTH. The influence and work of the Church of England. (Proteste con-
tre l'accusation de paganisme qui se multiplie de tous côtés à l'égard de l'Angle-
terre contemporaine.) pp. 89-95. = Sept. — BISHOP OF LONDON. The Lambeth
Conférence of 1930. (Résumé des travaux de la Conférence sur l'Existence de
Dieu, la Communion Anglicane, les Ministres de l'Eglise et des résolutions
qu'elle a prises au sujet de l'Inde du Sud,du Mariage et de l'éducation .religieuse
de la jeunesse ) pp.131-137.—A. J. HUBBARD. Physics and the Modernist : Wath
is truth ? (Discussion de l'ancienne notion d'atome en fonction des derniers tra-
vaux qui le dissocient. H. distingue le travail propre du physicien—reconnais-
sance des faits, inférences qu'on en tire — de celui du philosophe. Le carac-
tère d'instabilité, d'incertitude de la physique moderne n'atteint pas la
philosophie.) pp. 138-146. — E. L. MASCALL. The divine Logos and the
Universe. (Étudie, en fonction de la science moderne, les relations entre le Lo-
gos divin et l'univers créé. L'ordre mathématique du monde est une abstraction,
qui ne change rien à la création en tant qu'action continuelle du vouloir divin
rien non plus au sentiment religieux que nous en avons.) pp. 146-151. — R.
MARTIN POPE. Latin Hymns of the early period. (Commente,d'après les Early
Latin Hymns, Cambridge Patristic Texts, de A. S. Walpole, une série d'hymnes
qui s'échelonnent entre Hilaire de Poitiers (f 358) et Charlemagne (f 814).
S'arrête principalement aux hymnes d'Augustin, d'Ambroise, de Prudence, de
Fortunat. Un prochain article considérera l'hymnologie du Moyen Age.) pp.
151-160. •— Evelyn HUNDERHILL. God and Spirit. (Essai sur le mystère qu'im-
pliquent ces mots : Dieu est esprit.) pp. 160-170.
232 RECENSION DES REVUES

* VIE (LA) SPIRITUELLE. 1930 Oct. — A. SAUDREAU. Comment faire


vivre el régner Jésus en nous. (Pratiquer le renoncement total ; se livrer amou-
reusement à l'action des grâces unissantes.) pp.5-18. — ET. HUGUENY. La revi-
viscence des mérites dans le pécheur converti. (Selon S. Thomas le degré de la ré-
compense essentielle (vision béatifique) correspond au degré de charité habituel-
le au moment de la mort ; les actes vertueux faits avant lepéché donnent au ciel,
comme ceux faits après, une joie qui fait partie de la récompense accidentelle.)
pp. [1]-[15J. — R. GARRIGOU-LAGRANGE.S. 2'homas et S. Jean de la Croix. (Ré-
pond aux critiques de l'Amour de Dieu et la Croix de Jésus faites par le P. Hu-
gueny dans Bull, thomiste de mai.) pp. [16]-[37J. = Nov. — R. BERNARD.
Pensées préliminaires sur les grands actes de la maternité de grâce. (Ces actes
s'expliquent par la dignité de Mère de Dieu et la parfaite sainteté de la Sainte
Vierge ; prodigieuse idée que la foi nous donne de cette maternité de grâce, en
ses deux plans, le terrestre de jadis et le céleste.) pp. 97-108. — R. GARRIGOU-
LAGRANGE. La grâce de la bonne mort. (Don spécial, mais dont sont privés seule-
ment ceux qui le refusent ; on ne peut le mériter car il est la grâce continuée,prin-
cipe même du mérite, mais on l'obtient par la prière.) pp. 109-130. — A.-D.
SERTILLANGES. Les appuis intérieurs de la parole de Dieu. (Bonne vie, silence et
solitude, prière du prédicateur.) pp. 131-146. — H. BRÉMOND. Bossuet maître
d'oraison. (En faisant ressortir dans ses Instructions spirituelles le mysticisme
de Bossuet, le P. DE CAUSSADE, S. J., ne fait que substituer au Bossuet d'un mo-
ment (controverse contre Fénélon) le Bossuet de toujours.) (pp. [49]-[78]. —
J.-Ch. DIDIER. L'imitation de l'humanité du Ciirist selon saint Bernard. (L'imi-
tation des vertus du Christ en sa vie terrestre est pour ce saint un prolongement
de la dévotion à son humanité.) pp. [79]-[94].

ZEITSCHRIFT FUER DIE NEUTESTAMENTLICHE WISSEN-


SCHAFT. 1930. 1. — E. LOHMEYER. Problème paulinischer Théologie. III.
Sûnde, Fleisch und Tod. (Étudie le péché, la loi et le péché, l'opposition entre
Juifs et Gentils, la chair, la chair et le péché,la vie et la mort, la chute d'Adam.
Pour S. Paul, il y a deux mondes qui s'opposent : le monde divin transcendant,
réel et actif, et le monde où règne le démon ; cette opposition se rencontre dans
l'homme lui-même qui est capable de vie divine et en qui domine aussi souvent
le péché lié à la chair et menant à la mort. C'est le Christ qui a triomphé de cet
assujettissement de l'existence humaine à la chair et à la mort. On saisit dès lors
pourquoi la pensée de la résurrection du Christ est devenue pour Paul le fonde-
ment indispensable, début, milieu et fin de son Évangile.) pp. 1-59. — E. HIRSCII.
Petras undPaulus. Ein Gcsprach mit Hans Lietzmann. (L. a émis l'hypothèse que,
si Paul a écrit aux Romains une lettre où il traitait les mêmes sujets que dans son
Epître aux Galal.es (la foi et les oeuvres, la vraie et la fausse justice, la loi et la
liberté), c'est qu'il se trouvait devant une siluation semblable : Pierre faisant une
propagande judaïsante à Rome. L'auteur répond qu'il y avait dans le cercle
judéo-chrétien une double tendance : la tendance judaïsante, la tendance miti-
gée telle qu'elle apparaît dans le décret des Actes, ch. xv. A cette tendance
mitigée appartenait Pierre. Paul, en écrivant aux Romains, a voulu montrer que
le Christ était la fin de la Loi même pour les Juifs.) pp. 63-74. — A. VON HAR-
NACK. Fine nichtclvistliche Inselvrift mil dem Namen « Novatian » aus der Um-
gegend von Rom. pp. 76-78.
Supplément au N" de Février 1931.

OUVRAGES ENVOYÉS A LA RÉDACTION

PÉDAGOGIE

HUBERT et GOUHIER. Manuel élémentaire de Pédagogie Générale. Paris,


Delalain, 1930 ; in-8, 322 pp.
.Sous une apparence modeste —• il s'intitule a manuel» et même «manuel
élémentaire » de Pédagogie générale,— l'ouvrage de MM. Hubert et Gouhier est
une oeuvre originale vraiment attachante. Les auteurs s'adressent aux futurs
maîtres de l'école primaire avec le dessein de les éclairer et de les aider dans leur
tâche. Maïs ce dessein ne suppose-t-il pas que les auteurs aient pris position
relativement au problème pégagogique ? Quelle est donc leur position visrà-vis
des programmes, des méthodes, de la réorganisation de l'enseignement en France ?
La plupart des manuels, il est vrai, se soucient peu des problèmes que pose
à l'heure actuelle l'évolution des faits pédagogiques ; à plus forte raison se sou-
cient-ils moins encore des solutions préconisées. Le problème pourtant en vaut
là peine. Le double intérêt de l'oeuvre de MM. Hubert et Gouhier est d'avoir
accepté ce problème dans toute son « extraordinaire complexité » et d'avoir
cherché à le résoudre en tenant compte de toutes les recherches, de tous les
efforts réalisés dans le domaine de la pédagogie aussi bien à l'étranger que
. chez nous.-
.
Une partie historique, parfois contestable, semble-t-il, nous explique du moins
ïés imperfections et les défauts du système pédagogique actuel (surcharge des
programmes, manque de coordination entre les 3 degrés d'enseignement, man-
que d'unité d'esprit,, etc.).« L'édifice, vieux dans certaines de ses parties de plu-
sieurs siècles, transformé à maintes reprises au cours des cent dernières années,
alourdi de bâtiments multiples ne répond plus entièrement ou ne répond pas
encore complètement aux besoins divers d'une société comme la nôtre » (61 ).
Les défauts de l'organisation pédagogique actuelle sont rappelés avec dis-
crétion : on ne s'attarde pas à critiquer, on veut construire. En attendant une
réorganisation désirable et sur laquelle on trouvera ici des vues très judicieuses,
il faut à l'intérieur des cadres actuels améliorer notre éducation notamment en
tenant davantage compte de la psychologie de l'enfant.
Il faut ici féliciter sans réserve les auteurs d'avoir présenté aux éducateurs
français les travaux considérables réalisés à l'étranger notamment dans les do-
maines de la psychologie infantile et de la pédagogie expérimentale ; de leur
avoir donné une vue d'ensemble si objective et si précise en général, du mouve-
ment des « écoles nouvelles ».
Tout en se montrant fort accueillants à l'égard de ces efforts, de ces tentatives,
les auteurs se montrent très préoccupés d'apprécier à leur juste mesure les ré-
sultats de procédés dont la nouveauté a été souvent exagérée. « Tout n'est pas
également original dans le programme des écoles nouvelles. Bon nombre de
leurs procédés sont déjà en usage de façon plus ou moins étendue dans nos
écoles publiques » (84). La plupart des principes dont s'inspire l'école nouvelle
*<ont passé dans les instructions officielles» (311). Les auteurs s'efforcent de
commenter ces instructions en s'aidant de toutes les expériences, de toutes les
récherches entreprises, depuis quelque trente ans surtout, pour « renouveler »
l'école.
Nous ne pouvons ici.qu'indiquer l'esprit de cet ouvrage dont les qualités
maîtresses semblent un souci aigu d'objectivité, de documentation, et une cir-
conspection fort louable dans ce domaine. Parfois cette prudence semble
exagérée ; on aurait pu s'inspirer plus largement des méthodes nouvelles pour
l'éducation morale par exemple, pour le jeu ; quelques lacunes ou quelques
légères erreurs d'information. Menues imperfections d'un ouvrage dont l'inspi-
— 2*~
ration est très hautes. Si l'on tient compte de sa destination (instituteurs pri-
maires), il y a peu de réserves à faire. La foi dans la mission de l'éducateur, le
respect et l'amour de sa tâche animent cette oeuvre qui s'impose à tous ceux qui
s'intéressent aux sciences de l'éducation ou simplement aux écoliers.
F. W. FOERSTER. Morale sexuelle et Pédagogie sexuelle. Fondements
nouveaux de vieilles vérités. Paris, Bloud et Gay, 1930 ; in-8, 270 pp.
En présence d'une littérature pédagogique qui se répand de plus en plus
et derrière laquelle se cache une « nouvelle morale » nettement naturaliste,
l'oeuvre du grand éducateur protestant apparaît comme une « protestation »
dont on ne peut méconnaître la portée. Avec vigueur et fermeté F. dénonce le
manque de valeur éducative de cette morale qui méconnaît l'« expérience de la
vie». Confiante — jusqu'à l'aveuglement — en l'efficacité de l'enseignement,
elle est tombée dans une «manie d'initiation aussi exclusive que dangereuse».
En séparant l'éducation sexuelle de la formation du caractère elle s'est rendue
radicalement impuissante.
Seules une morale et une pédagogie objectives, c'est-à-dire basées sur une
connaissance profonde de la nature humaine peuvent tenter avec succès une
pédagogie sexuelle : une éducation des instincts par l'esprit. S'appuyant, selon
sa méthode, sur des observations irrécusables, ce maître en psychologie montre
que la morale chrétienne et la pédagogie qui s'en inspire, s'imposent, au nom
de l'expérience, à tous ceux qui veulent lutter contre le laisser-aller et la dépra-
vation sexuels. Pas d'éducation de la nature par l'esprit, sans l'affirmation
préalable des valeurs spirituelles ; pas d'apaisement des instincts sans ascèse.
Ce souci d'une éducation sexuelle efficace conduit souvent le grand éducateur
protestant aux conceptions de la morale et de la pédagogie catholiques. « Tous
tant que nous sommes, écrit-il, nous avons, pour l'organisation éducative de la
vie sexuelle, énormément à apprendre auprès de l'antique Église et quant à sa
connaissance de l'âme et quant à son expérience pédagogique. On pouvait
d'ailleurs s'attendre a priori à ce qu'une institution spirituelle qui non seulement
a sauvé l'humanité de la dépravation sexuelle où sombrait l'antiquité païenne
finissante, mais qui, en outre, a été i'éducatrice des masses de peuples in-
domptés du Moyen Age, on pouvait s'attendre, disons-nous, à ce qu'une telle
institution eut à nous offrir beaucoup de hautes et importantes vues sur la
dynamique éducative à imposer aux puissances d'instinct » (p. 7).
A l'heure où beaucoup de pédagogues se font avec une bonne foi indiscu-
table (qui ne les rend pas moins dangereux, remarque F.) les apôtres de la coé-
ducation,tous les éducateurs se doivent d'entendre le témoignage du grand maî-
tre en éducation, témoignage impartial qui vient confirmer la haute valeur pé-
dagogique de l'Encyclique de Pie XL
H. SCHWARTZ. Padagogisch.es Lexikon. Bd. III. Leipzig, Velhagen und
Klassing, 1930 ; in-8, vin pp.1428 Col.
Le 3 e vol. du Dictionnaire pédagogique de M. H. Schwartz, dont la publica-
tion avance rapidement, va de Kl. à Pe. Il est inutile de revenir sur les caractères
généraux de ce dictionnaire, son but, ses qualités, qui se retrouvent intégrale-
ment dans ce vol. (cf. liev. se. phil. théol, XV1I1 (1929), pp. 2* et 33*). Il
faut signalei particulièrement le groupe des articles gravitant autour du mot
«
Lehren », (surtout : Lebrer (par l'éditeur), Lehrfâcher-Lehr stoffe (Dr. Grau),
Lehrformen(édit.), Lehrgegenstand (cd.it.), Lehrziele (édit.), Lernen und Lehren
(édit.), les deux articles Kullurkunde (Dr. Sprengel), Kultur und Erziehung
(Dr. Leisegang), qui, avec les deux notions apparentées de « Bildung » et « Erzie-
hung », forment un ensemble de questions fondamentales en pédagogie.
Cependant, ce qui frappe de plus en plus dans cette publicati on, c'est une
certaine unité d'esprit, une sorte d'orientation foncière, qui en fait, sinon le
dictionnaire d'une école, — le mot est certainement trop fort, — du moins
le témoin d'une mentalité scientifique, qui dépasse le domaine strictement
pédagogique.
L'élément le plus apparent en est l'unité d'une méthode simple et objective
qui consiste pour les articles spéculatifs p. e. à partir de la définition concrète
et historique du terme en question, à exposer les opinions philosophiques ou
scientifique en présence, à conclure (souvent d'une manière énergique comme
dans « Materialismus ») après une discussion rapide mais serrée. Finalement
on applique ces conclusions à la pédagogie, s'il y a lieu.
3*
— —
Ainsi apparaît dès l'abord ce qu'on pourrait appeler le caractère réaliste de
cette méthode, son souci d'attaquer le sujet dans sa complex té et sa richesse
réelle, de poser le problème dans la vie, et non en soi, dans une spéculation
factice, (cf. p. e. les art. Logik, Monismus, Mystik, Phénoménologie, Psyhologis-
• mus und Logizismus etc.). Cette manière de faire permet de débrouiller rapi-
dément le terrain et de mener l'analyse complète dans l'espace assez limité

offert à chaque collaborateur. Peut-être le souci d'être bref a-t-il amené de-ci
de-là du travail un peu trop écourté pour un Dictionnaire (p. e. la partie histo-
rique de l'art. « Logik, » ou le xix° siècle manque complètement) ; mais dans
l'ènsémbleil a obligé les collaborateurs à être très clairs et très précis.
Plus profondément cet esprit « réaliste » se manifeste par le sens très vif de
là richesse objective du sujet, de sa vie propre, par le respect de ses lois réelles
multiples, souvent incohérentes ou contradictoires en apparence, (voir p. e
en .psychopathologie les art. « Psychopathische Konstitution » (V. During)
Psychothérapie (V. During), etc. — pour le problème de la race, de la nation
et de ses rapports avec les autres nations l'art. « Nationale Erziehung (Dr.
Schwartz). D'où évidemment place très grande faite à l'expérience et à l'expé-
rimentation, à l'enquête positive, à l'analyse psychologique en matière histori-
que (voir p. e. «Luther» col. 523-534, Meister Eckchart col. 618-619 etc.);
en allant trop loin on aboutirait à la simple description littéraire, dont se con-
tentent à peu près certains articles très courts comme « Liebe » « Pietât ».
Mais le même esprit « réaliste » exige la confiance en la valeur de la, raison, en
la construction scientifique et même métaphysique, en la légitimité des vues
normatives, (voir entre autres articles : Lehrserfahren, col. 371 ss. ; Méthode,
col; 5633), confiance en la spéculation qui laisse intact le sens du réel. Le point
de vue religieux, ce qu'on a appelé le caractère confessionnel, affleure souvent,
un peu partout ; on peut lé regretter, mais il faut reconnaître que jamais il
n'empiète sur la discussion proprement technique et scientifique. M. Schuster
sera peut-être étonné de nous voir formuler ce jugement ; c'est que, quoi qu'il
en dise (col. 1257 ss.), le catholicisme ne rejette pas « toute entente avec la
science moderne, c'est-à-dire la science libre. La terreur continuelle, avouée
ou secrète, en présence de la science, l'indignation contre Kant qui a démoli
es belles preuves de l'existence de Dieu » sont peut-être le fait de certains
esprits, mais non de l'enseignement officiel de l'Eglise catholique De même
.
encore est-il gravement inexact de prétendre comme le fait M. V. Walter (art.
Luther, col. 534), que les fameux vers : « Sobald das Geld im Kosten klingt,
die Seele in den Himmel springt » expriment d'une manière absolument précise
l'enseignement de l'Eglise sur l'indulgence plénière ». (Pour toute cette question,
nous nous permettons de renvoyer au Dr. N. PAULUS : Johann Tetzel, der Ablass
Prediger, Mainz, 1899, et au compte-rendu qu'en a fait le R. P. MANDONNET,
Revue Thomiste, VII, 1899, pp. 481 ss. et VIII, 1900„ pp. 178 ss.). Ce sont là
avec d'autres insinuations du même article : p. e. col. 5 5, des taches qu'on
aurait pu éviter complètement. Tout en disant la vérité, on aurait pu garder
la sage et bienfaisante discrétion qui est celle du Dr. Seeberg, p. e. dans son
art. « Legalitât und Moralitàt », col. 288, fin. Mais ces excès isolés n'enlèvent
rien à la valeur de l'ensemble, publication vivante, solide et en même temps
facilement abordable grâce à une langue simple et claire
.
Dr. F.-X. EGGERSDORPER. Jugendbildung.Allgemeine Théorie des Schujun-
terrichts. 2. unverandertc Auflage. Mûnchen,
1929 ; gr. in-8, XIII-444 pp.
J/ Kôsel und F. Pustet,

L'Institut des recherches scientifiques de pédagogie, de Munster, commence


la publication d'une oeuvre de très grande envergure, d'une encyclopédie catho-
liquée de la pédagogie.27 vol. sont prévus, de 240 pp. environ. Ils se répartissent
en cinq parties comme suit: Ie Partie: Pédagogie générale (4 vol.);—IIe
Partie: Sciences auxiliaires (3 vol.); IIIe Partie: Pédagogie et didactique
appliques aux degrés d'âge (7 vol) ; — IVe Partie : Enseignements spéciaux
(10 vol.) —Ve Partie : Histoire de la Pédagogie et des théories pédagogiques
(3 vol. environ). Le vol. paru, dont nous présentons Ja 2e édition, est dû à
M. F-X. Eggerdorfer. IL traite de la «Théorie générale de l'enseignement».
D'après le dessein primitif il devait être précédé d'un premier volume sur les
théories fondamentales de la pédagogie, et d'un deuxième, sur la Jugendpflege
et l'organisation de l'éducation. Ces 3 volumes forment un seul tout avec le
quatrième. Il est donc diffici e e se rendre compte exactement de la position
dé l'auteur qui suppose un peu partout les problèmes exposés dans l'un ou
l'autre des ouvrages cités. Attendons leur publication, tout en regrettant ce
_4* —
départ qui paraît malencontreux. Il est permis de s'étonner que dans une telle
oeuvre de pédagogie scientifique on n'ait pas commencé par les problèmes
fondamentaux, ceux qui inspirent et commandent toute théorie pédagogique :
le problème des fins, des buts de l'éducation, et le problème fondamental aussi
de la psychologie de l'enfant.

E. KRIECK. Erziehungsphilosophie. — Dans Handbuch der Philosophie (18 et


' 19). Mûnchen-Berlin, Oldenburg, 1930 : in-8, 1-56, 57-12 3 pp.

Le travail que M. E. Krieck vient de publier dans la colection de M. M. Baeum-


ler et Schroder (Handbuch der Philosophie) est une oeuvre qui relève de la
philosophie, mais qui s'adresse surtout à ceux qui s'occupent des sciences de
l'éducation. L'auteur procède à une analyse proprement philosophique des
concepts d'éducation et de «formation» (Bildung). Il ne s'agit pas d'analyse
logique; l'auteur part de i'histoire et étudie les diverses conceptions de l'édu-
cation en les rattachant aux courants culturels et aux organisations sociales
qui leur ont donné naissance. Avec une insistance qu s'explique par le désir
de réagir contre une conception étroitement individualiste de l'éducation, K.
met notamment en lumière, sa portée sociale. « L'éducation, écrit-il, est au plus
profond une fonction vitale de la société » (70). C'est principalement sous cet
angle social que sont analysés les concepts de « formation », et les notions qui
s'y rattachent (Bildungsziel, Bildungsgut, Bildungsprinzip, Bildungsmethode,
etc.).
F. M. CHÂTELAIN, O. P.

MARIO CASOTTI. •— La pedagogia di Raifaëlo Lambruschini. Milan, éd.


Vita e Pensiero, 1930 ; in-8, X1-263.
Lambruschini est avant tout un pédagogue ; mais il a senti le besoin d'un
principe régulateur, d'une conception générale qui lui permit de dominer le
sujet tout entier de l'éducation.
Il a d'abord été séduit par les parcelles de vérité qui brillent ça et là dans
j'oeuvre de ses contemporains Girard et Naville ; puis il a reconnu que ces vé-
rités demeurent chez eux à l'état erratique, bien pis qu'elles sont en contra-
diction avec l'âme secrète de leur système. Les découvertes de pédagogie moder-
ne sont le fait d'un empirisme heureux, non d'une recherche dirigée par une théo-
rie quelconque ; elles manquent d'efficacité parce que la pédagogie modems est
toute viciée par un principe corrosif : le Cogito de Descartes. Appliqué, en
effet, à la pédagogie, le cartésianisme aboutit, dans l'ordre intellectuel,aù ver-
balisme et au mnémonisme, par l'abus du raisonnement ; dans l'ordre moral
au désarroi de la conscience, privée de toute certitude objective et qui demande,
en désespoir de cause, ses motifs d'agir à un socialisme oppresseur. Telle est
pour Lambruschini, la faillite de la pédagogie moderne et son explication.
C'est une autre âme qu'il faut donner à la pédagogie. Des vérités de bon sens
et d'expérience sont vouées à la stérilité — elles devraient même être
rejetées— par l'idéalisme cartésien; mais elles prendraient une signification,
une efficacité certaines, sous la lumière d'une philosophie qui n'est en somme
qu'une systématisation du bon sens et de l'expérience.
L. commente à ses disciples les article de la Somme où s. Thomas expose
la psychologie naturelle de l'intelligence (q. 84, la P., a. 3 et5 en particulier).
L'intelligence humaine n'est pas acte pur, ni créatrice de son objet, mais elle
le reçoit du dehors par l'intermédiaire des sens; elle l'appréhende d'abord
«indistincte sub quadam confusione », puis, à l'aide de comparaisons et de
divisions, elle parvient à le connaître avec précision, « distincte et determina-
te ».
Ces principes appliqués à la pédagogie l'orienteraient vers une tout autre
voie que celle où Descartes l'a engagée. Parce que l'intelligence travaille sur
des matériaux fournis par les sens, il importe de veiller au bon fonctionnement
de ceux-ci et. à l'élaboration claire et précise des images. Parce que la connais-
sance procède de la notion d'être aux premiers principes, des premiers principes
aux universaux, des universaux aux concepts particuliers, il importe des res-
taurer en pédagogie la priorité de l'intelligence sur le raisonnement ; c'était
renverser l'ordre, de mettre le « ratiocinari » avant la « simplex apprehensio »,
Ainsi Lambruschini rattache-t-il à un principe philosophique sa méthode
de gradation : aller des notions latentes et confuses aux notions claires et dis-
tinctes ; ainsi condamne-t-il le rationalisme didactique avec sa confiance exclu-
sive en l'analyse et sa prétention de recréer l'une après l'autre toutes-les véri-
tés. Et c'est, du même coup, la justification doctrinaîef et la coordination fé-
condé de ces lueurs dé vérité qu'a entrevues la pédagogie pioderne.
— 5* —
Si l'exégèse de Lambruschini n'apporte aux philosophes proprement dits
aucune vue nouvelle, si elle ne fait pas avancer d'un pas la réfutation théorique
de l'idéalisme, son application au terrain pédagogique n'en constitue pas moins
une manoeuvre intéressante. II faut seulement regretter qu'ayant mis l'accent
avec trop de force sur la passivité de l'i ntelligence (par réaction contre le ration-
nalisme et sous l'influence des philosophes innatistes), Lambruschini en vienne,
lorsqu'il est question d'éducation morale et religieuse, à une sorte de fidéisme
qui s'apparente, bien qu'il en ait, à la. « Critique de la Raison pure ».
J. JAOUEN.

Raccolta di scritti in memoria di Giuseppe Toniolo, nel primo decenm'o


délia sua morte. Milano, Soc. éd. « Vita e pensiero», 1929; gr. in-8,
VIII-480 pp. — 25 lir.
L'Université catholique du Sacré-Coeur à Milan nous offre ce recueil de Mé-
langes, à l'occasion du dixième anniversaire de la mort de G. Toniolo. L'idée
eh est heureuse, car la figure de l'éminent économiste catholique ne mérite
pas de tomber dans l'oubli. Et la réalisation n'est pas indigne de l'idée. Les
collaborateurs les plus divers : italiens, français, belges, allemands, au-
trichiens, américains, se sont donné ici rendez-vous pour témoigner unanime-
ment de l'influence vraiment catholique que le maître pisan sut exercer.
Les sujets traités rendent hommage, eux aussi, par leur variété, à ce génie com-
préhensif, merveilleusement ouvert et fécond. Les unes mettent en relief cer-
tains traits plus remarquables de la physionomie de G. Toniolo. M. F. MBTA
nous rappelle le prestige du professeur ; le P. A. BRUCCOLERI ses luttes ardentes
ail service de la démocratie chrétienne. Pour M. G. LEGRAN", l'originalité la
plus précieuse de Toniolo consiste dans l'harmonieuse unité qu'il sut maintenir
entre sa vie de recherches scientifiques et sa vie de réalisations concrètes. Les
autres contributions se présentent comme des monographies relatives aux ques-
tions économiques et sociales. M. E. DL'THOIT s'efforce de dégager ce qu'il y a
d'acceptable au point de vue des principes chrétiens dans les nouveautés de
l'Économie industrielle, notamment dans le phénomène universel de ratio-
nalisation. M. G. RJAN, Mgr S. WAITZ, M. J. O'GBADY exposent successivement
lès diverses interventions de l'Église dans les questions économiques, la position
de l'Église en face de l'industrialisme et de la question sociale, et quelques
procédés dont se servent certains curés américains pour résoudre pratiquement,
sur le plan paroissial, les difficultés économiques et sociales que rencontre
le ministère apostolique. L'historien des doctrines économiques ne saurait
négliger l'étude de M. A. MAURI sur un précurseur possible d'Adam Smith,
.Pjetro Verri, ni les pages excellentes que M. F. MARCONCINI consacre à l'ana-
lyse des deux homélies célèbres de S. Basile et de S. Grégoire condamnant le
prêt à intérêt. Un ingénieux procédé statistique présenté par M. A. UGGÈ, en
vue de mesurer la mobilité du travail ; une étude de M. J. MAZZEI sur les évasions
et exceptions permettant d'échapper à la clause de la nation la plus favorisée ;
un essai monographique de M. R. VIGORELLI sur la petite propriété agricole en
Italie; une justification rationnelle de l'impôt élaborée par M. H. LECHTAPE ;
telle est, dans ce recueil, la contribution de la science économique. Enfin, le P.
GEMÈLLI publie le rapport qu'il lut en septembre 1928 au Congrès de la Société
pour le progrès des sciences, à Turin, sur la nature et sur la détermination
expérimentale de l'habileté manuelle.
.
Encore incomplète, cette simple énumération'donne une idée suffisante de
.l'intérêt que présente ce recueil. Nous n'insisterons pas sur quelques incorrec-
tions typographiques, particulièrement nombreuses dans les textes cités en fran-
çais. Nous préférons louer comme elles le méritent la tenue scientifique et l'heu-
reuse diversité des travaux recueillis. On peut estimer que Toniolo lui-même
y eût reconnu toutes ses plus chères idées. Ou plutôt presque toutes, car on est
un peu déçu de ne trouver, dans des Mélanges dédiés à ce fondateur de la dé-
mocratie chrétienne, aucune étude de princip'e, touchant les grandes théories
politiques qui méritèrent d'occuper si longtemps l'activité de Toniolo. Il n'est
fait à cet ordre d'idées que quelques allusions, sur le ton détaché de l'histoire,
dans l'exposé du P. BRUCCOLERI. NOUS ne nous permettons pas de critiquer
cette omission, car certaines contingences s'imposent aujourd'hui à l'attention,
que seuls les éditeurs pouvaient apprécier. Mais on nous permettra de la regret-
ter,.. I.-M. TONNEAU, O, P,
.
— 6* —•

Gesammelte Auîsaetze zur Kulturgeschichte Spaniens. 2. Band. In Ver-


bindung mit K. BEYERLE und G. SCHREIEER herausgegeben von H. FINKE
(Spanische Forsch. der Goerresgzsellschaft). Munster i. W., Aschendorff,
1930 ; in-8, 402 pp. — 18 Mk.
La Société Gorres publie un nouveau volume d'Études hispaniques. Le sim-
ple énoncé des articles qu'il renferme suffit à donner une, idée de sa richesse et
du grand intérêt qu'il présenle. — F. STREICHER. Die Heimal des Kolumbus.
(Plusieurs documents notariés, dont les passages importants sont reproduits
en trois phototypies, viennent témoigner en faveur de son origine génoise). —
L. WOHLER. Bischof Pacianus von Barcelona und sein Gegner der Novalianer
Sympronianus (Sempronianus). (Mit einer Sammlung der Fragmente Sympro-
nians). (Ces derniers fragments, extraits des lettres mêmes dans lesquelles Pa-
cien réfute son adversaire, nous permettent de reconstituer en partie la figure-
de celui-ci). — W. NIÏUSS. Eine katalanische Bilderhandschrift in Turin. (Der
Beatus J II der Bibliolec.a Nazionale). Mit 13 Abbildungen. (Il s'agit d'un com-
mentaire de Beatus de Liehana sur l'Apocalypse, dont les miniatures semblent
empruntées à un manuscrit identique de Gerona. Nous sommes en tout cas en
prjsencc d'une oeuvre d'origine catalane.) — C. SANCHEZ AI.BOUNOZ. La Redac-
cion Original de la Cronica de Atfonso III. — P. WAGNER. Untersuchungen
zu den Gesanqstexlen und zur responsorialen Psalmodie der altspanischen Liturgie.
(C'est principalement le relevé des chants liturgiques de la messe mozarabe
des dimanches ordinaires et des nocturnes de la semaine, suivi d'une étude sur
la psalmodie responsoriale. En hors-texte deux reproductions de manuscrits.)
— J. VINCKE. Die Errichlung des Erzbistums Saragossa. — P. LETUHIA. El
reqio Vicariato de Indias y los comienzos de la Congregacion de Propaganda. (Ar-
ticle intéressant à la fois l'histoire des missions et l'histoire des rapports entre
l'Église et le pouvoir royal.) — Von spanischer Medizin im Mitlelaller Leit-
linien, gezogen von K. SUDIIOFF. — O. MA AS. Zum Konflikt der spanischen Mis-
sionarc mit den franôzsischen Bischofen in der chinesischen Mission des 17. Jahr-
hunderts. (Une page un peu triste de l'histoire des missions). — A. ALLGF.IER.
DIS afrikanisehe Elément im altspanischen Psalter. (Étude très minutieuse des
caractéristiques des psautiers mozarabes, comparés spécialement au texte du
codex Veronensis, permettant d'établir l'existence d'un ancien psautier espagnol
dans lequel les éléments africains jouent un rôle important). — M. SCHLUETER-
HERMKES. Dz'e Philosophie des Jaime Balmes und ihr Zusammenhang mit der
ùbrigen enropâischen Philosophie. (L'article le plus long du recueil ; étude cri-
tique des doctrines fondamentales de la philosophie de B. et comparaison avec
la pensée des philosophes contemporains du reste de l'Europe). — J. FROBF.PGER.
Das Entslehen und der Aujslicg der spanischen Romantik. — Los libres de los
Macabeos. Auf Grund der von Léo VVIESE nach dem Cod. I-j-6 des Escorial
angefertigten Kopic herausgegeben von Th. HEINERMANN. (Publication d'une
version castillane du xni° siècle, la plus ancienne que l'on connaisse). •— O. MASS.
Das Indiasarchiv in Sevilla. —- G. SCIIRFIBFIÎ. Kulturclle Dcuischtumspflege
in Spanicn. Ein Bcilrag zur Seelsorge der deulsclien Kalholiken im Ausland.
— F. VAI.I.S TABERNIOR. El sentit allemany de la llegcnda d'Olger Catalo. —B.
KÏ.EINSCHMIDT. San Francesco und das Purgatorium. Eine ikonographische Notiz
mit 2 Abbildungen. A. V.

Festgabefuer Tùeodor Zahn. Leipzig, Deichert, 1928 ; in-8, 238 pp. •— 10 Mk.
Le 10 ctobre 1928, M.Théodore Zahn atteignait ses 90 ans. L'Université d'Er-
langen, à laquelle il appartient, a voulu faire une manifestation de sympathie
en son honneur et, d'accord avec la librairie Deichert, lui a offert une Festgabe
de dix monographies, qui portent sur des sujets très divers, mais dont l'inspira-
tion demeure souvent confessionnelle.
M. Philippe BACIIMANN marque en quelques traits La place et tes caractéristi-
ques de la théologie d'Erlange.n (pp. 1-17). Sans verser dans le traditionalisme
et sans prendre les allures de la philosophie, la théologie d'Erlangen a cherché,
avec Harlcss. Hofmann et. Frank, à unir de plus en plus le salut personnel à
l'événement historique qui le concerne et à faire ressortir la puissance des
grandeurs et des forces surnaturelles. Elle a travaillé à mettre en valeur les don-
nées positives de l'évangile, tout, en visant à faire l'accord entre la vie intérieure
et Je travail scientifique. Elle n'est entrée dans les vues systématiques de
l'École de Tubingue et d'un Ritschl. pas
Nous avons déjà parlé (cf. ftev. se. ph. th., 1930, p. 153) de la monographie
de M, O. PROCKSCH sur le Roi Josias (pp. 19-53).
— 7* —
M.' Hermann STRATHMANN se pose le problème suivant : Le serment légal est-il
encore à retenir 1 II conclut négativement ; tant du point de vue de l'indivi-
dualisme religieux, que du point de vue positivement chrétien, il faut le rejeter.
' Luther le réclamait comme un acte d'obéissance envers l'autorité ; c'est à l'au-
-
torité à l'abolir (pp. 55-103).
M. Hans PRKUSS recherche quels étaient les livres de la Bibliolhèque de Bach
(pp. 105-129) et trouve qu'un grand nombre de ces livres appartient à la litté-
ture luthérienne. Cette littérature a exercé une grande influence sur l'art de Bach.
En retraçant L'histoire de la morale guerrière (pp. 131-150) de Luther à
Scharnhorst, M. W. ELERT insiste sur la manière morale dont Luther s'est préoc-
cupé-du service des armes et a déterminé, sous ce rapport, un courant bien-
-faisant. Si, dans maints sermons de la dernière guerre, on se trouve en présence
d'une identification entre l'Allemagne et le Royaume de Dieu, cela tient à des
influences qui se sont marquées au cours du xix° siècle et qui venaient d'autres
courants confessionnels.
M. Fr. ULMER cherche à préciser La Nature et les limites de la Liturgie (pp.
151-164). L'Homilétique, l'Hymnologie, l'Architecture et l'Ornementation re-
ligieuses, tout en ayant des rapports certains avec la Liturgie, ont leur disci-
pline propre. La liturgie consiste essentiellement dans les relations immédiates,
à caractère solennel,entre leDieu miséricordieux dans le Christ et sa communauté
pécheresse, mais sanctifiée dans le Christ.
M. Paul ALTHAUS fait à grands traits L'Histoire de l'exégèse de Jacques S,16
depuis S. Augustin : « Confessez vos péchés l'un à l'autre » (pp. 164-194) et montre
les différences d'interprétations auxquelles ont abouti les commentateurs.
«Ta langue te trahit » (pp. 195-209) est le titre original d'une étude de M. Wil-
helm VOLLRATH sur l'esprit anglais. La langue anglaise a marqué son empreinte
sur la vie religieuse et scientifique du pays.
L'une des monographies les plus contestables est celle de M. Fr. HAUCK sur
L'amitié chez les Grecs et dans le Nouveau Testament (pp. 211-228). Les Grecs
ont eu l'idée d'un noble humanisme : tout ce qui revêt une beauté humaine, ils
en recherchent l'épanouissement dans la vie, telle l'amitié dans les relations
humaines ; ils en sont même venus à admettre la possibilité d'une amitié avec
Dieu. Mais l'auteur, par contraste, établit que, dans le N. T., par suite de la
force de la révélation eschatologique de Dieu qui prend toute la vie, l'amitié,
comme réalité purement humaine, est tout à fait à l'arrière-plan, et même l'ami-
tié avec Dieu serait étrangère aux livres sacrés, encore qu'ils parlent d'une ma-
nière commune, inconnue des Grecs, de l'amour de Dieu.
Sur Amos 7, 10-17 (pp. 229-236), M. L. ROST exerce sa critique et rattache le
verset 11 au verset 6 du chap. 2. De cette façon le début et la fin du livre d'Amos
se trouvent réunis très étroitement et le discours sur les nations est à placer non
pas au commencement, mais à la fin de l'activité du prophète dans .l'Israël du
Nord.
. Dans les deux dernières pages du volume (pp. 237-239), M. Fr. HAUCK a ras-
semblé tous les titres des publications de M. Zahn de 1919 à 1928 et complète
ainsi la Bibliographie donnée en 1918. On remarque que le jubilaire continue
avec ardeur son travail déjà si fécond. P. S.
Bibliothek Warburg. Vortrâge. Herausgegeben von F. SAXL. Bd. Vï (1926-
1927) et Bd. VII (1927-1928). Leipzig, Teubner, 1930 ; gr. in-8, xi-248
pp. mit 102 Tafeln, et ix-341 pp. mit 42 Tafeln. — 25 et 20 Mk.
Édités avec un luxe qu'on ne connaît plus en France pour les ouvrages de
cette sorte, les Vortrâge de la Bibliothek Warburg continuent de nous offrir de
bons travaux. Le t. VI est consacré à un ensemble d'études d'histoire de l'art.
SCHMOSSER décrit les statues des grands hommes modernes qui ornent ou plutôt
défigurent tant de places publiques. SCHWARZENSKI fait connaître l'une des sour-
ces.de Ghiberti, TIETZE montre le lien entre l'art lombardo-roman et la Renais-
sance, HENKEL, en un mémoire très suggestif, expose l'évolution d'un type,
l'illustration des Métamorphoses d'Ovide, dans, l'art de la gravure du xv° au
xviie siècle, cependant que SALOMON analyse un curieux manuscrit illustré d'un
clerc avignonnais du xive siècle.
J3?ùn intérêt plus vif par l'ampleur, la nature et le lien logique des contribu-
tions, le t. VII présente un groupe de recherches «sur l'histoire du drame».
Signées de maîtres éminents, on y remarquera tout particulièrement les études
de PREUSS : « La substructure du drame », de GEFFCKEN : « La conception de la
tragédie dans l'antiquité » et de KROLL : « La descente du Christ aux Enfers ».
C'est l'un des problèmes les plus compexes, en même temps que des plus pas-
sionnants, que celui des origines de la tragédie. Comment, du choeur des chè-
vre-pieds, aussi burlesque sans doute que proprement «tragique», en est-on
venu à la représentation sublime de héros luttant contre la destinée, mystère
non expliqué, encore et, au vrai, à peine exploré. On connaît sur ce point le livre,
d'une fantaisie géniale, de Fréd. Nietzsche. Quels qu'en soient les défauts, évi-
dents, on a plaisir à voir un philologue aussi sûr que Geffcken y rendre hommage.
Car c'était un noble essai, et qu'il faudra bien reprendre, sur d'autres bases. On
regrette qu'en son beau travail, G. lui-même passe trop vite sur ce point. Ce pro-
blème des origines commande en effet toute la suite de l'évolution et permet seul
de l'entendre. On fait fausse roule, ce semble, à suivre ici les indications d'Aris-
tote. Ce qui frappe surtout, chez Eschyle, c'est le caractère religieux de la tragé-
die. G. le remarque fort bien, les personnages sont ici tout d'une pièce. En eux,
point de conflit moral, de lutte entre des passions. C'est qu'ils sont menés, do-
minés. Les véritables protagonistes habitent une autre région, au vrai « surna-
turelle ». C'est l'invincible Destinée, mystérieuse, incompréhensible : et c'est
en face, l'éclairant, et peu à peu la pénétrant de raison, d'intelligibilité, la Jus-
tice. Agamemnon tue Iphigénie, ClytemnestreAgamemnon,OresteClytemnestre :
nul des trois n'est coupable. Une force les pousse, qui vient d'en haut, et dont
nous sentons au terme qu'elle est l'expression vivante de la juste Divinité. Mais
si tout ce théâtre est de la sorte si foncièrement, si essentiellement imprégné de
divin, n'est-ce pas qu'à l'origine le propre choeur des chèvre-pieds signifiait
autre chose que jeux et mimes? C'est ici que des études comme celles de Preuss
sont d'un précieux intérêt: Elles mettent, il semble, sur la voie. P. décrit, chez
un certain nombre de peuplades, les formes primitives du drame tel qu'il se dé-
gage de la danse religieuse el des fêtes de culte. Le drame apparaît ainsi, dans son
origine, comme un phénomène liturgique. Après bien des siècles, c'est dans la
liturgie aussi qu'en l'Église chrétienne les représentations dialoguées prendront
source. Et quoi de plus « dramatique » à vrai dire, au sens propre du mot, que
telle cérémonie de culte? Ainsi se pose le problème : le drame n'est-il pas, dans
son jet premier, une explication de la geste du dieu ? N'y a-t-il point correspon-
dance entre la naissance et l'évolution de la tragédie et la naissance et l'évolu-
tion des formes du sentiment religieux et du culte ? Et enfin ne voit-on pas,
dans la Grèce elle-même, le rationalisme s'introduire dans la tragédie dans la
mesure exacte où il pénètre la religion? N'est-ce pas là tout justement ce qui
caractérise le mouvement de, la tragédie d'Eschyle à Euripide? Voilà, croyons-
nous, ce qu'il vaudrait la peine d'analyser à cette heure. La philologie ne peut
ici se séparer de l'histoire des religions. Le rapprochement des deux belles études
de Preuss et de Geffcken mène droit à cette conclusion. Heureux qui reprendra,
sur ces bases nouvelles, l'étude du grand problème dont s'enchantait Fréd.
Nietzsche. A. M. FESTUGIÈRE.

Acta Academiae Aboensis humanïora VI. Abo 1930 ; 240-178-175 pp. —


50 Mk.
Outre deux monographies d'histoire moderne ce volume contient une longue
«
Étude littéraire de Michée » (en allemand) parle Prof. J. LINDBLQM. C'est un
commentaire sérieux et instructif de ce livre difficile. Il est dommage que l'au-
teur se soit laissé dominer par l'idée que l'espérance messianique en Israël ne
date que de l'exil. Il est ainsi amené à rejeter comme interpolé tout ce qui sem-
ble promesse de restauration, c'est-à-dire une bonne partie du livre.
R. DE V.

G. BRUNO. Cause, principe et unité. Traduction de E. Namer. (Collection:


Textes el traductions pour servir à l'histoire de la pensée moderne, dirigée
par A. REY.) Paris, Alcan, 1930 ; in-12, 218 pp.
Après Machiavel et Pétrarque (voir Rev. se. ph. th., 1930, Suppl. pp. 5*-6*),
après Césalpin et Nicolas de dise (voir ibid., Supp., pp. 18*-20*), voici, de Gior-
dano Bruno, l'oeuvre la plus philosophique : les cinq dialogues De la Causa,
Principio et Uno, publiés en 1584. Le texte en a été établi sur les éditions de
Lagarde, Goettingue, 1888 (parfaite copie de l'original de la bibliothèque de
cette ville), et de Gentile, Bari, 1907. Ce vieil italien et ce style incorrect ont
fait sans doute plus d'une fois le tourment du traducteur : celui-ci, scrupuleuse-
ment, met entre crochets les additions qu'impose le français et reporte en notes
les textes ambigus. Des notes historiques et philosophiques accompagnent la
__ Q*
traduction. Une introduction la précède où M. N. expose les lignes maîtresses
du système de B., et tel qu'on peut le tirer de l'oeuvre entière du philosophe.
Le problème csntral de la philosophie brunienne est d'expliquer l'essence de
l'univers et ses rapports avec Dieu. La matière, la forme, le principe, la cause et
l'unité sont les notions caractéristiques de cette spéculation. Sur la nature de la
matière, M. N. tient, contre des historiens de B., que l'atomisme est professé tout
au long de cette carrière philosophique, et non pas seulement dans les derniers
écrits. Et il lui paraît que B. ne s'affirme qu'en fonction de son antipathie
pour Aristote et pour les scolastiques. Nous relèverons du moins qu'il est assez
rudimentaire de présenter la matière, telle que l'a conçue Aristote, comme un
« non-être », voire comme un « non-être méprisable ». Pour résoudre la difficulté
que créent ces deux affirmations coexistantes de B., que la matière est incor-
porelle et que la matière est composée d'atomes, M. N. énonce l'hypothèse que
B. signale ainsi deux degrés de la matière, le degré primitif seul vérifiant l'idée
d'une matière absolue et sans dimensions : celle-ci serait le sujet des atomes,
lesquels représentent déjà une expression physique de la matière. La forme des
choses est commune à toutes les choses : car les âmes individuelles ne subsistent
pas, comme ont pensé les historiens déjà critiqués, séparément de l'âme du mon-
de : elles ne sont de celle-ci que les expressions transitoires. La forme constitue
avec la matière le principe des êtres. Leur cause est l'Intelligence. Celle-ci a
pour fonction de produire, de produire selon un plan préconçu, de produire tout
cedont elle est capable : elle est la vraie cause de la diversité infinie des formes
dans la matière. L'Intelligence n'est pas substantiellementdistincte de la forme
universelle ou âme du monde : elle n'en est qu'une fonction. Les deux principes
qui subsistent donc, la Matière et l'Intelligence, B. à leur tour les identifie, et
en spiritualisant la matière : M. N. note ici une influence de David de Dinant sur
le philosophe nolain. « Cette unité absolue de la substance, exclusive de tout
autre chose, être ou non-être, est affirmée dans tous les livres de B., avec une
richesse qui ne laisse pas de doute sur sa conception rigoureusement moniste...
L'univers et Dieu sont deux points de vue différents de la même substance »
(pp. 2-3, 37).
En cet exposé systématique d'une philosophie en elle-même assez confuse,
peut-être M. N. prend-il précipitamment position contre ses prédécesseurs et
n'est-il pas assez attentif à sauvegarder les finesses de la pensée originale. Du
moins ses affirmations sont-elles plus nettes que ses preuves n'ont été décisives.
La collection nous a habitués à des introductions soignées qui nous ont rendus
sans doute difficiles. L'influence de la philosophie de B. sur la pensée moderne,
qui eût été l'objet propre, semble-t-il, d'une introduction en cette collection,
est indiquée en quelques lignes.
On notera l'épître liminaire et le premier dialogue qui, d'un moindre intérêt
philosophique, constituent une diatribe satirique contre les adversaires de B. :
l'université d'Oxford et les grammairiens font les frais de cette verve tantôt
crue et tantôt redondante. Th. D.

Dr. J. MAUSBACH. Katholiscbe Moraltheologie. Band 3 : Spezielle Moral ;


Teil 2 : Der irdische Pflichtenkreis. 6te u. 7t0 vermehrte Aufl. Mun-
ster, Aschendorff, 1930 ; gr. in-8, VIII-260 pp. — 5 Mk. 85.
L'excellent traité de théologie morale de Mgr Mausbach a atteint sa 7e édi-
tion. Ce 3e volume traite des Devoirs envers soi-même et le prochain, c. à d.
de tout ce qui concerne les sept derniers commandements, dont l'ordre est d'ail-
leurs adopté pour la distribution des chapitres ; mais les objets mêmes, biens
et fins morales, sont mis au premier plan et commandent tout l'exposé. On con-
naît la manière précise et substantielle de l'auteur : elle lui permet de porter la
lumière dans les problèmes les plus actuels de la morale sociale et économique.
H. D.

G. MOLLAT. Introduction à l'étude du droit canonique et du droit civil.


Paris, Beauchesne, 1930 ; in-16, 71 pp.
Dans ce petit nombre de pages, on trouvera une multitude de renseignements
très utiles surtout pour les débutants dans l'étude du droit canonique ou du droit
civil. La lecture et la consultation des recueils de droit canonique, ou des ma-
nuscrits et imprimés' de droit civil ou de droit ecclésiastique, demandent une ini-
tiation : il faut comprendre les abréviations ou les sigles employés, les citations
du Corpus, les noms des glossateurs, des commentateurs, situer dans le temps
ÎO*
—- —
les différents ouvrages importants dans l'histoire du droit. On trouvera dans ce
petit volume toutes les indications relatives à ces questions. Ce lexique complet
est précédé d'un chapitre sur la composition du Corpus furis canonici et sur ses
glossateurs : M.Mollat en est l'auteur. Un second chapitre préliminaire rédigé par
M. G. LE BRAS concerne le Corpus juris civilis et ses interprétateurs. Selon le
voeu de ces maîtres, ce recueil contribuera « à la renaissance des études canoni-
ques, caractéristique de notre époque ».
F. CIMETIER. Les sources du Droit Ecclésiastique. (Bibl. calh. des Sciences
religieuses). Paris, Bloud et Gay, 1930 ; in-12, 204 pp.
M. CIMETIER vient de combler une lacune. Son livre est un excellent résumé
de tout ce qui concerne les collections de droit canonique. Chacune des collec-
tions importantes est non seulement mentionnée mais décrite et analysée d'après
les travaux les plus récents.

J. B. SAEGMULLER. Lehrbuch des katholischen Kireh.enreeb.ts. I Band.


Dritter Teil. Die kirchlichen Personen. Die Kleriker im Allgemein
4 Auflage. Freiburg i. B., Herder, 1930 ; in-8, pp. 279-459.
Le savant professeur de l'université de Tubingue qui a entrepris le commen-
taire du Code de droit canonique, explique dans ce volume les canons 87 à 214
relatifs au statut des personnes en général, puis aux clercs. Chaque paragraphe
est précédé d'une bibliographie très abondante, source de renseignements pré-
cieux, puis d'une notice historique bien développée qui permet de suivre le déve-
loppement des institutions dans l'histoire. II faut signaler en particulier l'his-
toire des privilèges des clercs. Enfin l'auteur commente avec clarté et préci-
sion les principales positions du droit canon à propos de chaque point de disci-
pline. En appendice on trouvera une bibliographie nouvelle à ajouter aux vo-
lumes précédents.
G. GOCCIII, C. M. Commentarium in Codicem Juris canonici ad usum
scholarum. Liber IV : De Processibus. Rome, Marietti, 1930 ; in-12,
666 pp.
Le livre quatrième du code est un des plus difficiles à commenter : c'est donc
un service précieux que le professeur du collège de Brignole-Sale a rendu aux
étudiants en mettant à leur portée les questions de procédure judiciaire de
l'Église : des tableaux synoptiques aident à comprendre la suite des canons :
le commentaire est bref mais suffisant et de nombreuses références renvoient
aux explications d'auteurs plus détaillées. Comme tous les volumes précédents
celui-ci répond bien au but poursuivi par le professseur.

J. LAISNEY. Mariage religieux et mariage civil. Paris, Spes, 1930 ; in-8,


224 pp.
Dans cette thèse pour le doctorat soutenue à la Faculté de droit de l'Univer-
sité de Paris, l'auteur établit un parallèle entre la conception « civile » et la con-
ception scoiastique du mariage, pour conclure à la supériorité et à la bienfai-
sance de cette dernière et démontrer la justesse des revendications de l'Église.
La seconde partie de cette thèse étudie la législation civile du mariage dans tous
les pays et contient de ce fait des renseignements utiles.

R. P. G. VROMANT, Missionn. de Scheut. Jus Missionariorum. Tomus II ;


De Personis. (Éditions du Muséum Lessianum). Louvain, Desbarax,
1929 ;435 pp.
Nous connaissons déjà les traités pratiques de droit canonique, rédigés par
le R. P. Vromant à l'usage des missionnaires : ce nouveau volume, comme les
précédents, vient augmenter la collection entreprise par le Muséum Lessianum
au service des missions. Il contient les notions générales que les missionnaires
ont intérêt à connaître sur la S. Congrégation de la Propagande, sur la S. Con-
grégation pour l'Église orientale, sur les pouvoirs, les privilèges,les obligations
des vicaires et préfets apostoliques, sur les quasi-paroisses, leurs curés, sur les
missionnaires religieux ou membres d'une Congrégation sans voeux. C'est un
excellent exposé systématique de la législation contenue dans le code.
S. UCCELLO. Epitome morale-asceticum de Sacramenti Poenitentiaé
ministerio. Rome, Marietti, 1930, in-16, 513 pp.
M. l'abbé Uccello publie en latin l'ouvrage qu'il avait déjà composé en ita-
lien à l'usage des confesseurs. Le succès de l'édition italienne a fait penser qu'il
serait utile de mettre le livre à la portée de tous les confesseurs. En effet, ce
résumé de théologie pastorale pourra rendre service à tous ceux qui s'occupent
dé la direction des âmes au confessionnal. Les premiers chapitres traitent des
qualités que doit posséder le confesseur : l'auteur très expérimenté donne
d'excellents conseils à suivre dans l'administration du sacrement de pénitence.
Dans les derniers chapitres on trouvera les règles à suivre au confessionnal
à l'égard de chaque catégorie de pénitents. De nombreux avis sont empruntés
à S. François de Sales.

R. P. FANFANI, O. P. De Rosario B. M. Virginis. Historia. Legislatio.


Exercitia. Rome, Marietti, 1930 ; in-12, 215 pp.
Voici un manuel pratique qui sera très utile non seulement aux directeurs de
confraternités, mais encore à tous les membres de la confrérie : il contient en
effet les renseignements d'ordre canonique ou liturgique concernant le Rosaire,
mais traite aussi des moyens de bien réciter les prières et des avantages spiri-
tuels attachés à toutes les dévotions du Rosaire, en particulier à la réception
dans la confrérie du Rosaire. Un formulaire liturgique termine le volume.
P. L. M.

W. STEINBERG. Grundîragen der Sozialethik. Munich, Reinhardt, 1929 ;


in- 8, 140 pp.
L'auteur examine les questions fondamentales de morale sociale qui comman-
dent tant d'intérêts pratiques. Travail tout objectif, où il expose d'abord la
théorie de l'autonomie de l'individu, sous son triple aspect : comme idéal so-
cial (Cyniques, stoïciens), comme fait psychologique (Hobbes), comme méta-
physique (Leibnitz). Puis il recherche l'origine de la morale sociale dans Pla-
ton, Hobbes, Bentham, ou même dans la métaphysique de Spinoza. A signaler
le chapitre où il montre comment les valeurs sociales-éthiques sont créatrices
de vie, en s'inspirant de Bergson, Guyau et Spengler. Il envisage enfin les con-
clusions intéressantes que Tônnin et Spann ont tirées de l'idée de communauté
opposée soit à la société soit à l'individu. Exposé parfois difficile dans sa brièveté.
On regrette que l'auteur ne prenne pas plus fermement parti sur des questions
aussi vitales. P. B.

Dietrich VON HILDEBRAND. Die Ehe. Mùnchen, J. Millier, 1930 ; petit in-12
46 pp.
Dans cette plaquette élégamment éditée, se trouvent rassemblées, sous une
forme élevée, de nobles pensées sur l'amour humain et chrétien dans le mariage.
De superbes reproductions des principaux chefs-d'oeuvre que la peinture ou
la sculpture ont composés à la gloire du mariage ajoutent encore au cachet
artistique de l'impression.

Mgr TISSIER. Les Puissances morales et surnaturelles des femmes. Paris,


Téqui, 1930 ; in-12, xxn-208 pp. — 9 fr.
Dans ce nouveau recueil adressé au public féminin, Mgr Tissier présente quel-
ques conférences qui viennent ajouter de nombreux traits à l'étude de la psy-
chologie de la femme chrétienne, étude à laquelle l'auteur a déjà tant app'orté.
Pour résister au «laïcisme inconscient » qui menace de ruiner le pur esprit
chrétien, la femme chrétienne doit vivre selon ses incomparables puissances mo-
rales et surnaturelles : puissances de la vertu,de la Foi, de la douleur, de la dou-
ceur, de la charité, de l'éducaton, du sacrifice. Ces simples titres laisseront diffi-
cilement soupçonner la richesse de ces pages et tout le bien que les lectrices en ti-
, reront. A. D.

J. COPPENS. Le Ministère des femmes dans l'Eglise. Extrait de La Femme


Belge, 1929, p. 307-320,
La tendance moderne de certaines Eglises protestantes à admettre la femme
12*
— —
au ministère sacré est contraire à la Tradition et à la coutume de l'Église. Le
vrai rôle de la femme, et sa grandeur, est la dispensation du « mystère de la
charité ». A. D.

J. COPPENS.Le Ministère des Femmes dans l'Eglise. Une controverse


dans l'Eglise Anglicane, Extrait de La Femme Belge, Mars-Avril 1930.
Les arguments présentés en faveur des aspirations féministes au pouvoir
sacerdotal ou pastoral par Miss Edith Picton Tuberville et M. B. H. Streeter
sont jugés insuffisants par le comité des Scholars, comité institué par l'Ar-
chevêque de Cântorbéry. 11 est heureux pour l'Église l'Angleterre que les tra-
ditions conservatrices l'aient emporté dans cette controverse. A. D.

P. J, CHAMBELLAND. De l'art d'être malade. Paris, Téqui, 1930 ; in-16, vi-


66 pp. 4 fr.
L'auteur a dépouillé l'oeuvre de Saint François de Sales,en particulier sa corres-
pondance, moins connue,et il le laisse exposer lui-même sa pensée sur les mérites
de la souffrance et sur les conditions d'obéissance, de patience et d'abandon
qu'elle requiert. 11 montre aussi comment le saint — qui estimait la santé —
a su souffirr et mourir. V. D.

CAPELLE (Rme Dom) B., O. S. B. Le prêtre et la liturgie (La liturgie catholi-


que n" 1) Louvain, Abbaye du Mont-César, 1929 ; in-16,16 pp.
Conférence où dom C. rappelle avec clarté et force que le prêtre est essen-
tiellement l'homme de l'Église ; d'où pour le prêtre le devoir de se pénétrer de
la valeur, sanctificatrice des grands actes de son ministère : la Bréviaire et les
Sacrements. S. J. S.

Léon DE GRAEF, O. S. B. La Dédicace des Eglises. Plan et sens des Cé-


rémonies. (La liturgie Catholique, n» 3) Louvain, Abbaye de Mont-Cé-
sar, in-16,16 pp.
Indications sommaires qui laissent deviner toute la richesse doctrinale que
recèlent les formules de prières et les rites de la consécration des églises.

M. DUPORTAL. Tradition et progrès. Paris, Lethielleux,1920 ; in-16, 43 pp. 3 fr.


Dans une chaude conférence, M. D. nous montre que c'est mal comprendre
la tradition et le progrès que de les opposer. Le progrès doit s'appuyer sur la
tradition ; et, celle-ci, sous peine de s'amoindrir, doit accepter que ses virtua-
lités se déploient. C'est la loi même de la vie. Nous le voyons au point de vue
matériel, social et spirituel. V. D.

G. BOUYX. L'Eglise de l'ordre. Paris, Spes, 1929 ; in-12,194 pp. — 12 fr.


C'est une « introduction à l'histoire de l'A. F. ». Le positivisme d'A. Comte
rechercha toujours l'alliance de l'Église, oubliant que le catholicisme ne saurait
être que chrétien et maintenir la supériorité de la personne humaine, fin ultime
de la société. Confusion qui s'est continuée jusqu'à nos jours, rendant vaines
toutes les tentatives de rapprochement, notamment celle de l'A. F. C'est sur
cette dernière qu'insistera un prochain volume. OEuvre utile, dégagée des polé-
miques, et qui, en recourant à l'histoire, permet de juger plus clairement du
mouvement d'A. F. P. B.

P. Mariano MAGGIOLO, O. P. B. Dottorato eattolïeo. Chieri, Premiata Officina


Grafica Gaspare Astesano, 1930 ; in-16, 65 pp.
Étude déjà présentée, en partie, au Congrès thomiste de Rome, 1925. Le
doctorat, chose commune aujourd'hui, rend-il tous les services que l'Église en
attend? Pour y aider, l'auteur s'efforce de restituer la notion authentique du
Doctorat conféré dans l'Église, en s'inspirant de S. Thomas et du Code. Titre
honorifique? Certificat de science? Grade académique? Mieux : un office ecclé-
siastique. Et plus précisément : le degré suprême de la hiérarchie scolaire dans
—13* —
l'Église, relevant directement du S. Siège, et dont la fonction essentielle est
l'étude technique des choses sacrées pour le développement, l'enseignement et
la défense de la Foi. Une brève étude de ses origines, une note sur les autres
doctorats sacrés ou profanes, achèvent de faire valoir la mission du Doctorat
catholique.

H. DE LA SELLE, La Défense de ï' Intelligence. Paris, Téqui, 1930 ; in-8, 189


pp. — 8 fr.
L'auteur voit « deux partis dans le monde. L'un rangé derrière Luther, qui
hurle à l'intelligence et la traite de « Bestia », de « Fiancée du Diable » ; l'autre
groupé autour de S. Augustin, qui répète amoureusement avec le docteur de la
Cité lumineuse : Intellectum valde ama » (p. 17). Pour « concourir efficacement
à la défense de l'intelligence » ainsi contestée (p. 14), il envisage successivement
la Notion de l'Intelligence, le Droit de l'Église à la défendre, la lutte pour l'In-
telligence au temps des Pères de l'Église, le Thomisme,enfin le développement de
la lutte aux temps modernes... Avouons notre malaise à voir d'aussi grandes
choses expédiées si lestement ; le talent brillant et aisé du conférencier, voire
l'entrain du chevalier n'y peuvent donner le change : ce sont questions qui s'ac-
commodent mal du genre lyrique et sommaire. Le « bon sens thomiste » invoqué
en exergue a aussi ses exigences. H. D.
PEDRO ANISIO. A philosophia tnomista e o agnosticisme contemporaaeo.
Parahyba, Imprensa Officiai, 1929, in-8, 362 pp.
C'est une « synthèse philosophico-historique ». Une première partie étudie
les « philosophes agnostiques », Kant, Bergson, James, et montre qu'ils con-
duisent au modernisme. C'est un exposé inévitablement'schématiqueet'dépour-
vu des nuances souhaitables, notamment sur Bergson. En regard, l'auteur ex-
posé la doctrine thomiste sur le problème de la connaissance et la valeur de la
science. Questions ardues,qui sont traitées avec une grande clarté et avec le sou-
ci de correspondre aux doctrines modernes. Il reste cependant que la simplicité
même de l'ouvrage exclut tout effort d'approfondissement et d'originalité.
P. B.

Dr. Franz J. DÔLGER. IXQYE. IV Band. Die Fischdenkmâler in derfrûh.-


chxistlicûen Plastik, Malerei und Klein Kunst. Tafeln. Munster,
Aschendorff, 1928 ; gr. in-8, 187 Tafeln. — 28 mk.
LeTrofesseur DOLGER poursuit son beau travail (cf. Rev. des Se. ph. et th.
1922,p. 527 ; 1923, pp. 220-122, 387-388 :1929, p. 531). II cite dans la préface'de
ce tome IV, un apologue des Recognitiones Clémentines qui symbolise sa vie.
Moins loin de nous, l'on songe au mot de La Fontaine : « Petit poisson devien-
dra grand ». Ce tome IV contient près de deux cents planches de documents
empruntés à l'antiquité païenne et chrétienne. Dolger allègue, à juste titre, qu*
en de tels travaux, on ne peut séparer les deux courants. C'est l'évidence. Une
étude plus détaillée de ces monuments ne se peut faire'avant l'apparition du
tome V, commentaire des planches. A la vérité, il semble bien que,5dans son dé-
sir d'être complet, l'auteur ait reproduit ici telle statuette par exemple (cf. pi.
124. Amour et dauphin du Musée de Naples) dont la valeur religieuse laisse
sceptique. Il est clair aussi que dans le vase au trident "et aux deux dauphins
du Vatican (p. 123), le motif, archiclassique, a passé du domaine religieux à
la décoration pure. Tout n'est pas dans tout, et c'est affaiblir la portée de l'ou-
vrage que d'offrir un peu pêle-mêle n'importe'quelle image piscigère.'Mais ce
sont là critiques de détail. L'inconvénient serait bien pire à pécher par défaut.
On sera reconnaissant au prof. Dôlger de nous "faire connaître le document des
pi. 125-126 qui fait songer tout naturellement à Atargatis, et de belles photo-
graphies d'inscriptions catacombales (p. 169 sq.). A.-M. F.

R. JANIN. Les églises séparées d'Orient. (Bibl. cath. des se. rel.). Paris, Bloud
et Gay, 1930 ; in-16, 200 pp.
La"cpmpétence du R. P. Janin en ce qui concerne Les Églises orientales et
les. Rites orientaux faisait bien augurer du volume annoncé sous son nom dans
ïâ.Bibl cath.. des se. rel. L'événement n'a pas trompé notre attente et nous avons
retrouvé dans Les Églises séparées d'Orient l'abondante et sûre documentation
— 14* —
de l'auteur. Il n'est plus ici question de Rites, si ce n'est incidemment, et par
là se trouve supprimé l'objet des petites chicanes que les critiques pointilleux
n'avaient pas manqué de chercher au P. J. lors de la publication de son premier
ouvrage. Par contre, l'exposé de l'histoire et de l'organisation des diverses égli-
ses orthodoxes est repris sur un plan identique. Avec plaisir toutefois on con-
state que l'auteur a complètement refondu ces chapitres, les a condensés sans
en rien laisser perdre, et surtout les a mis à jour, point fort important lorsqu'il
s'agit d'églises comme l'église russe et généralement les églises slaves, qui ont
été soumises en ces denières années à de nombreuses vicissitudes. On regrette-
ra cependant que les limites imposées à son ouvrage ne lui aient pas permis de
nous entretenir davantage de la vie liturgique et de l'histoire doctrinale de ces
églises, et parla, de nous en faire pénétrer l'âme.C'est grand dommage. La cause
de l'Unité, qui est chère à l'auteur, y aurait certainement gagné. C. D.

Lexikon fur Théologie und Kirche, zweite Aufl. des Kirchl Handlexikons
herausg. von Dr. M. BUCHBERGER, Bischof von Regensburg. Bd.II : Bar-
tolomaus bis Colonna. Freiburg in B. ITerder, 1931 ; in-4,16*-1024 pp.
Le deuxième volume remplit bien le programme qu'a fixé la direction : on a
visé à constituer une encyclopédie pratique à l'usage des prêtres auxquels le
ministère ne laisse pas les loisirs de la recherche scientifique : d'où multiplication
de courtes notices et compression du point de vue théologique proprement dit :
pas de citations, mais de rapides bibliographies, plutôt un schéma d'étude
qu'un résumé de monographie. Aussi certains articles ont-ils une allure un
peu sèche, voire purement bibliographiquetpar. ex. Bulgakov). Par topographie
ailleurs, on
a donné un développement et un soin particuliers aux articles de
biblique, de missiologie, de géographie, et de statistique religieuses ; noter aus-
si de bonnes gravures concernant l'archéologie et quelques reproduction d'au-
tographes.
Signalons quelques articles nouveaux ou renouvelés, ou qui nous ont paru
heureux : Batiffol ; Bekenntnisschriften (confessions religieuses) ; S. Bellarmin
(L. Koch) ; Beruf (vocation, mis au courant des récentes controverses) ; Bol-
chevismus (J. Schweigl) ; Buss ; S. Canisius (Metzler) ; China (Schmidlin) ; Chry-
sostomus (Baur). Relevons aussi l'art. Cajefan (J. Mayer) qui constitue un bon
résumé, avec une légère erreur : il y a eu des éditions des opuscules de Cajetan
avant celle de Paris 1530 (à savoir 1511, 1514 et 1529), — et l'art. Chardon(E.
Krebs), courte notice mais qui, grâce à la récente mise en valeur de ce théologien
par M. Brémond, répare l'oubli où on l'a laissé jusqu'ici (ni Hurter ni le Dict.
de Théol. Cath. ne le mentionnent).
Il ne serait pas impossible cependant, de relever quelques oublis : Maurice
Blondel, Berdjaev par ex. : légers défauts dans un ouvrage qui, dans ses limites
pratiques et malgré le schématisme excessif de certains articles, est bien informé,
bien équilibré, bien imprimé. M.-J. C.

SS. E. HIERONYMI et A. AUGUSTINI Epistulae mutuae, edidit, prolegomenis


et notis instruxit J. SCHMID. (Florilegium patrislicum, f. XXII). Bonn,
Haustein, 1930 ; in-8, 128 pp. — 5 mit. 60.
On aimera à trouver rassemblée dans cette édition d'une présentation excel-
lente la correspondance échangée entre S. Augustin et S. Jérôme. Elle est en-
richie de notes nombreuses et de prolégomènes où sont étudiées brièvement, mais
d'une manière très précise, la chronologie des lettres et l'histoire des problèmes
qui y sont principalement agités : valeur des Septante et utilité d'une version
de la Bible sur l'hébreu ; interprétation de l'incident d'Antioche ; origine de
l'âme, interprétation de Jac. 2, 10. À. V.

DR. J. GOLEGA. Studien uber die Evangeliendichtung des Nonnos von


Panoplis. Ein Beitrag zur Geschichte der Bibeldichtung imAl-
tertum. (Brcslauer Studien zur hist. Theol., XV). Breslau, Mûller et
Seiffert, 1930 ; in-8°, xvi-1 54 pp. — 15 mk.
Nonnos de Panoplis, auteur d'une épopée en l'honneur de Dionysos, est-il
également l'auteur d'une paraphrase en vers de l'Évangile selon S. Jean? G. le
démontre par l'étude de la tradition manuscrite et par une minutieuse compa-
raison des deux ouvrages. Deux parties sont ensuite consacrées à la chronologie
de Nonnos et au texte que suppose la paraphrase. Cet ouvrage est d'un grand
intérêt tant pour l'histoire littéraire que pour l'histoire de quelques courants
—15* —
syncrétistes et des doctrines chétiennes au début du ve siècle, ainsi que pour
la critique textuelle du N. T. Trois index permettent d'utiliser les matériaux
abondants rassemblés par l'auteur, matériaux qu'au cours de son ouvrage il a
su ordonner avec une telle clarté qu'on n'a aucune peine à le suivre dans le
détail de son argumentation. A. V.

Samuel RosENBLATT.The Mgh ways to perfection oî Abraham EtëaïmoniâeSc


(Vol. XXVII des Etudes Orientales de la Columbia University). New-
York, Columbia University Press, 1927 ; in-16, 213 pp. — 3 Doll. 50.
Sous ce titre, M. R. publie pour la première fois un extrait du « Guide complet
dès serviteurs de Dieu », le grand oeuvre d'Abraham Maïmonide (1186-1237),
'fils du célèbre philosophe juif. Ces « hautes voies » sont les vertus, qui nous con-
duisent au « but », qui est la perfection, conçue à son plus haut degré comme un
rapt de l'esprit en Dieu. Le texte (arabe transcrit en caractères hébreux) est
reproduit accompagné d'une traduction et précédé d'une longue introduction
qui fait l'intérêt principal de l'ouvrage. Abraham M. y apparaît à la fois comme
un Juif d'une piété sincère, presque mystique, observateur exact de la Torah
et aussi comme un rationaliste en garde contre le merveilleux et soucieux d'une
exégèse littérale du texte biblique. Son système philosophique n'est pas original.
C'est l'aristotélisme néoplatonisant emprunté aux Arabes par les philosophes
juifs; Personnellement, il a subi fortement l'influence des confréries Soufites
florissantes alors en Islam, mais il met davantage l'accent sur le côté intellectuel
de l'union à Dieu. La partie encor e inédite du Traité semble devoir être la plus
intéressante. R. DE V.

M. GRABMANN. Mittelalterlicbe lateinische fJbersetzungen von Schrif-


'.' ten der Aristoteles-KommentatorenJohannes Philoponos, Alex-
ânder von Apbrodisias und Tbemistios. (Sitzungsber. d. bayer. Ak. d.
Wiss. Phil.- hist. Abt. 1929, Heft. 7). Mûnchen, Oldenbourg, 1929 ; in-8,
72 pp. — 5 Mk.
Notations, particulièrement riches, au sujet des traductions gréco-latines des
trois commentaires majeurs d'Aristote. Mgr G. place en 1248 la traduction du
commentaire de Philopon sur le IIIe livre du De Anima et se refuse à l'attribuer
: à Guillaume de Moerbecke ; ceci reste, à notre sens, très contestable. On nous
fait connaître aussi une nouvelle version latine du De fato ad imperalores d'Ale-
xandre d'Aphrodise et du chapitre final du deuxième livre de son De Anima.
Enfin, Mgr G. nous offre quelques remarques, d'ordre secondaire, sur les traduc-
tions latines des commentaires de Themistius sur les Analytica posteriora et le
De Anima. A. R.

P. RUF u. M. GRABMANN. Ein neuaufgefundenes Bruchstûck der Apologia


- Abaelards. (Sitzungsber. d. bayer. Ak. d. Wiss. Phil.- hist. Abt. 1930,
; Heft 5). Mttnchen, Oldenbourg, 1930 ; in-8, 41 pp.
.Requis par S. Bernard d'avoir à désavouer 18 propositions devant le concile
de Sens de 1141, Abélard en appelle au Pape et écrit une apologie dans laquelle
il défend pied à pied les doctrines incriminées. Cette apologie n'était point par-
venue jusqu'à nous, exception faite de son début recueilli par Othon de Freising
et de quelques fragments cités dans la Dispuialio anonymi abbalis. C'est une
. partie de cette apologie qu'édite aujourd'hui P. RUF
; le ms. en question, cod.
28363, nouvellementacquis par la bibliothèque de l'État de Munich, ne comporte,
. helàs,
que l'introduction, la réfutation de la première condamnation et un
exposé partiel de la deuxième proposition. Mgr M. GRABMANN à son tour, exa-
mine la doctrine trinitaire d'AbéIard,telle que ce nouveau témoignage la révèle ;
. il n'ose justifier entièrement Abélard des accusations portées contre lui. Seule
là découverte intégrale de l'apologie apaiserait là-dessus nos doutes.
A. R.

R. HOLTZMANN. Der Kaiser als Marschall des Papstes. (Schriften der


Strassburger wissenschaftlichen Gesellschaft in Heidelberg. Neue Folge,
: >
Heft 8). Berlin, De Gruyter, 1928 ; in-8, x-50 pp. — 1 Mk. 50.
Partant de la fameuse rencontre de Hadrien IV et de l'empereur Frédéric
-
Barberousse à Sutri en 1155, H. tente une étude historique sur l'existence, la
—16* —
fréquence avant et après 1155, la signification juridique, l'origine de Vofficium
stratoris et de Vofficium marscalei exercés par les empereurs à l'endroit du Pape.
Travail intéressant, qui reproduit en la développant une conférence donnée par
l'auteur au xvie congrès des historiens allemands à Graz. L. G.

Dr. J. BIRKNER. Augustinus Marius (1485-1543). Ein Lebensbild. (Refor-


malionsgeschichlliche Studien und Texte, Heft 54.) Mùnchen, Aschen-
dorff, 1930 ; in-8», xn-126 pp. — 6 Mk. 55.
Tout en retraçant el en rectifiant sur quelques points, à l'aide de documents
assez laconiques, la vie mouvementée du chanoine régulier Augustin Marius
(étudiant et finalement doyen de la Faculté de théologie à l'Université de Vienne,
prédicateur à Ralisbonne, évêque coadjuteur à Freising, prédicateur et polé-
miste à Bâle, enfin évêque coadjuteur à Wurzbourg), l'auteur fait revivre l'état
intellectuel, politique, social et religieux des différents centres, où s'est exercé
l'activité de son personnage. Une fois de plus on est frappé de l'extrême com-
plexité des circonstances qui ont conditionné la Réforme, sa naissance aussi bien
que sa diffusion dans les États de l'Empire. Tel est l'intérêt de cette monogra-
phie, solide, d'une critique consciencieuse, mais qui ne manque pas de finesse,
quelque peu terne cependant pour ce qui est de la « vie », de l'analyse psycholo-
gique. L. G.

Dom MARTÈNE. Histoire de la Congrégation de S. Maur. Publiée avec


introduction et notes par Dom G. CHAUVIN de Ligugé. T. II et III. Paris
Picard, 1929 ; 2 in-8, vi-295 pp. et iv-283 pp. — 30 Fr.
Dans la collection Archives de la France monastique, Dom Ch. continue de pu-
blier l'ouvrage manuscrit de D. Martène.
Le T. II est consacré à la période qui va de l'élection de Dom G. Tarrisse
comme supérieur général, jusqu'à la rupture de l'union avec Chmy (1030-1645).
Pendant ces quinze années, sous l'impulsion de Dom T., la réforme mauriste
s'affermit et s'étend à plus de quarante nouveaux monastères dont certains
comptent parmi les plus célèbres : S. Germain-des Prés, S. Denys-en-France.
Marmouticr. C'est alors, aussi, que se réalisent l'incorporation de la Congréga-
tion de Chezal-Benoît et l'union avec Cluny. Union qui, malheureusement, ne
fut que temporaire et ne devait pas survivre à son plus illustre promoteur, le
cardinal de Richelieu, abbé de Cluny. Le rôle de celui-ci est étudié et mis au point
par D. Ch. en des notes dont ou appréciera la sereine objectivité.
Les événements qui vont de cette rupture au nouvel essai d'union tenté par
Mazarin, abbé de Cluny, sont rapportés dans le T. III. Période de prospérité
pour la Congrégation qui va comprendre quelque 115 maisons et des religieux
tels que Dom H. Ménard ou Dom Luc d'Achery, et ceci malgré les troubles ex-
térieurs : émeutes, guerres, pillages ; et les difficultés intérieures, telles les intri-
gues d'un Dom Faron de Challus ; et, surtout, malgré la mort de Dom Tarrisse
survenue en 1648. On comprendra mieux la fécondité de l'oeuvre de celui-ci
lorsqu'on aura médité la notice qui lui est consacrée pp. 85-126. A noter aussi
dans ce volume, qui s'achève avec l'année 1655, un intéressant décret de mise
en garde contre le Jansénisme pris par le Chapitre général dès 1651 (p. 177).
Quelle que soit l'importance de la Congrégation de S. Maur, l'intérêt de ces
ouvrages la dépasse encore à cause des personnages qui furent en relation avec
elle. L'abondante documentation critique ajoute à l'attachante narration de
Dom Martène une valeur qui sera appréciée des spécialistes, mais qui fera aussi
la joie de tout homme cultivé. D. F.

DR. SCHMIDLIN. Swami Upadhyaya Bradamabandhav. Ein katholischer


Wahrheitsucher des Ostens. (Weckruf an die Gebildete Well, n. 2).
Munster, Aschendorff, 1925 ; in-8", 21 pp. — 0 Mk. 30.
Ce récit de la vie d'un brahmane converti et de ses efforts à moitié heureux
pour montrer que la civilisation hindoue et le catholicisme sont compatibles
pose le problème de l'attitude qui s'impose à l'Église,
, en dos pays dont la civi-
lisations est différente de la nôtre, pour se montrer vraiment catholique.
A. V.
_ 17* —
V. HOSTACHY. Défense et Illustration du XIXe siècle Littéraire. Paris,
Desclée, s. d. ; in-8, xv-236 pp.
Cette défense et cette illustration, M. H. les présente en quinze cours. Les
six premiers contiennent une apologie du Romantisme faite, souvent, par maniè-
re de confrontationavec les classiques. Cette méthode ne va pas, nous semble-t-il,
sans quelques inconvénients. Il nous souvient qu'après guerre, le Paris littéraire
se partagea sur la question de savoir s'il fallait faire de Claudel un classique ou
un romantique. La seule conclusion certaine de ce débat fut que personne ne
s'entendait sur la portée de ces mots et qu'au delà d'un certain classement chro-
nologique ils n'avaient pas grand sens. Tenir une discussion littéraire à ce point
de généralité ne va pas non plus, pour si habile que l'on soit, sans risque de com-
parer des choses qui ne sont guère commensurables. Pour peu que l'on prétende
réagir contre de certaines outrances, — et le titre de cet ouvrage suggère assez
à quoi il veut s'opposer, — il est bien difficile de toujours garder la stricte mesure.
Il est vrai que cela peut apporter un élément de vie ! mais, tout en admirant beau-
coup le lyrisme des grands Romantiques, on pourra trouver que des chants
désespérés ne sont pas spécifiquement chrétiens et s'étonner quelque peu de voir
préférer, à la voie de Pascal, l'itinéraire de René (p. 95).
Aussi, aimons-nous davantage les chapitres suivants, où l'auteur s'attache à
étudier de façon plus concrète et objective, Chateaubriand, Lamartine, Hugo,
Musset, Faisant oeuvre de philosophe et de théologien, il excelle à marquer leur
contribution positive au renouvellement de la sensibilité chrétienne. En cinq
dernières chapitres sont étudiés, avec ce souci d'évaluation religieuse, le Natu-
ralisme, les Savants (Balzac, Flaubert, Zola), les Parnassiens, le Symbolisme et
l'éclosion de la littérature catholique de Verlaine à Claudel, Jammes et Péguy.
D. F.

Nomenclature des Journaux et Revues en langue française paraissant


dans le monde entier. Paris, Argus de la Presse, 1930-1931 ; in-8,1102 pp.
L'Argus de la Presse vient d'éditer la Sixième Édition de sa Nomenclature,
C'est un volume très documenté, de plus de 1.000 pages, renfermant plus de
15.000 noms de publications différentes. Il rendra des services à tous ceux qui
s'intéressent à la Presse et à la Publicité.

Le Congo belge et les sciences. Numéro spécial de la Revue des Questions


s scienlifigues. Mars-Mai 1930.
Ce volume de 300 pages nous présente d'abord la géologie et la p hysiographie
~ du Congo, puis la langue, les moeurs, l'art, les origines et la mentalité des indi-
gènes. La flore et la faune, les problèmes agricoles, les mines et les moyens de
transports font l'objet de cinq articles très intéressants et détaillés malgré la
place limitée. Puis l'état progressant des sciences médicales concernant les ma-
ladies spéciales au Congo et enfin les récentes modifications au sujet de la répar-
tition des terres. L'ensemble de ce travail témoigne de l'immense effort réalisé
et des succès déjà obtenus, très encourageants pour l'avenir du Congo Belge.
A. R.

Ansii. TH. Gedanken ûber die Weise. (Extrait de Studia Calholica, nov.
1930). Nijmegen, Uitgave van N. V. Centrale Drukkerij, 1930 ; in-8, 31 pp.
Acta
,
Gonventus Pragensis pro Studiis Orientalibus anno 1929 celebrati.
Olomuci, sumptibus Academiae Velehradensis, 1930 ; gr. in-8, 258 pp. —•
38 ce.
ALEKSEEV N. N. Religija, Pravo i Nravstvennost'. Paris, YMCA-Press, 1930 ;
in-16, 106 pp. — 0,50 doll.
D'ALÈS A. De Verbo incarnato. Paris, Beauchesne, 1930 ; in-8, xvi-490 pp.
— 45 fr.
ARCHAMBAULT P. S. François de Sales. (Les moralistes chrétiens). Paris,
Gabalda, 1930 ; in-12, 319 pp. — 20 frs.
ARSENIEV N. Pravoslavie, Katolicestvo, Protestantizm. Paris, YMCA-
Press, 1930 ; on-16, 175 pp. — 0,80 doll.
AVERROES. Tahafot-at-Tahafot. Texte arabe établi par M. BOUYGES S. J.
(Bibliolheca arabica scholasticorum, série arabe, T. III). Beyrouth, Impri-
merie catholique, 1930 ; in-8, xi.-680 pp. •— 105 fr.
BAUER K. Die Wittenberger Universitâtstheologie und die Anfânge
der Deutschen Rêîorttiation, Ttibingen, Mohiy 1928 ; x-159 pp.
BAYOT A. Le poème moral, traité de Vie chrétienne. (Publications de l'Aca-
démie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, Textes
anciens, Tome I). Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1929 ; in-8, cevm-
304 pp. — 50 fr.
BECKER O. Zur Logik der Modalitâten, Sonderdruck aus : Jahrbuch fur
Philosophie und Phânomcnologische Forschung, Bd. XI. Halle (Salle),
Niemeyer, 1930 ; gr. in-8, 35 pp. — 4 Mk.
BELT. G. K. A. et DEISSMANN A. Mysterium Christi. Londres, Longmans
Grcen and Co, 1930 ; gr. in-8, x-288 pp. — 15 sh.
BEVENOT H., O.S.B. Die Beiden Makkabâerbûchei*. (Die Heilige Sclwift
des Alten Tesfamentcs, IV. Band, 4 Abteilung). Bonn, Hanstein, 1931 ;
in-8, xn-260 pp. — 9,60 Mk.
BIARD J. Les Dons du Saint-Esprit. Avignon, Aubanel fils aîné, 1930 ; in-8,
205 pp. — 20 fr.
BISSEN J.-M., O.F.M. L'exemplarisme divin selon Saint Bonaventure.
(Etudes de Philosophie médiévale. IX). Paris, Vrin, 1929 ; gr. in-8, 304 pp.
— 35 fr.
BLONDEL M. Une énigme historique le Vinculum
: « substantiale d'après
»
Leibnitz et l'ébauche d'un réalisme supérieur. (Bibliothèque des
archives de Philosophie). Paris, Beauchesne, 1930 ; in-8, xxiv-148 pp.
— 30 fr.
BOHL F. M. T. Das Zeitalter Abrahams. (Der aile Orient. Bd. 29). Leipzig,
Hinrichs, 1930 ; in-8, 56 pp. — 2 Mk. 10.
BOLLEY A. Gebetsstimmung und Gebet. Dûsseldorf, Pâdagogischer Verlag,
1930 ; in-8, 248 pp.— 12 Mk.
BONIZO. Liber de vita christiana. (Texte zur Geschichte des Rômischen und
kanonischen Rechls im Miltelalter, I. Band). Berlin, Weidmann, 1930 ;
gr. in-8, r.xxxxvn-4 02 pp.
BOUTROUX E. La Philosophie de Kant. (Bibliothèque d'Histoire de la Philo-
sophie). Paris, Vrin, 1926 ; gr. in-8, 37C pp. — 35 fr.
BRAUN H. Gerichtsgedanke und RechJertigungslehre bei Paulus. (Un-
iersuchungen zum Neuen Testament, Heft 19). Leipzig, Hinrichs, 1930 ;
in-8, 120'pp. — 6,50 Mk.
BRroHTMAN E. S. The problem of God. New- York. The Abingdon Press, 1930 ;
in-8, 210 pp. —2 sh.
BRoss ST. Gilles de Rome et son traité « De ecclesiastica potestate ».
Paris, Beauchesne, 1930 ; in-8 , 84 pp. — 15 fr.
BROWNE S. A Pragmatist Theory oî Truth and Reality. Princeton, Pr. Univ.
Press, 1930 ; in-'\ 83 pp. — 1,50 Doll.
BHUDER K. Die Philosophischen Elemente in den Opuscula sacra des
Boethius. (Fors'-I ungen zur Geschichte der Philosophie und der Pàdagogik,
III. Bd., Heft 3). Leipzig, Meiner, 1928 ; in-8, iv-86 pp. — 5 Mk.
BIUJNRMANN .T., S.V.D. Kirche und Gottesglaube. Zweite ergânzle und ver-
besserte Auflage. S. Gabriel bei "Wicn, Missionsdruckerei, 1930 ; gr. in-8,
520 pp.
BURY J. B. Rïstory oî the Papacy in the XÎXth Gentury.(l 864-1878).London,
Macmillan, 1930 ; in-8, r.xn-176 pp. — 10 sh.
BUSTON. History of Buddhism. I. Part. Translated from Tibetan by E.
Obermiller. (Materialirn zur Kunde des Buddhism. 15. He.fi). Leipzig
Harrassowitz. 1931 ; in-8, 188 pp. — 15 Mk.
CARROT. F. (Dora). Les livres de la liturgie latine. (Bibliothèque catholique des
.

sciences religieuses). Paris, Blond et Gay, 1930 ; in-8, 165 pp. •— 12 Fr.
CAMM (Dora BEDK) O.S.]S. De l'anglicanisme au monachisme. Journal
d'étapes d'un converti. Traduit de l'anglais par Ch. Grolleau.( Coll.
Pax. Vol. XXXII). Paris.Desclée de Brouwer et Co, 1930 ; in-12, 112 pp.
— 5 Fr.
CANTECOR G. Comte. (Les Philosophes). Paris, Mellottée, s. d. ; in-12, 175 pp.
— 12 Fr.
CAYRÉ F., A. A. Précis de Patrologie. II. Paris, Desclée, 1930 ; in-12, 922 pp.
CHAIX-RUY J. Le Jansénisme. Pascal et Port-Royal. Paris, Alcan, 1930 ;
in-12, 167 pp. — 15 Fr.
CHRISTIANSEN B. Die Kunst. Ruchenbach i. Br., Felsenverlag, 1930 ; in-8, 260
pp. — 6 Mk., 80.
COLI.IN R. Réflexions sur le Psychisme. (Cahiers de Philosophie de la Na-
ture, III). Paris, Vrin, 1930 ; in-8, 228 pp. — 20 fr.
Con.TON G. G. Life in the middle Ages. 2» éd. 4 vol. London, Cambridge
Uiiiversity Press, 1928, 1929, 1930; in-8, xvi-266, xiv-170, XLIV-184,
XVf-396pp. — 7j 6 s,, 6 s., 6 s., 10„ 6 s.
— 19* —
Credo Ecclesiam. Festgabe zum 70. Geburtstage des D. Wilhelm Zoellner.
Herausgegeben von Hans EHRENEERG. Gùtersloh, Bertelsmann, 1930 ;
gr. in-8, xvi-415pp. — 18 Mk.
CRISÔGONO DE JESTJS SACRAMENTADO. La Escuela mistica carmelitana.
Madrid, Mcnsajero de Santa Teresa, 1930 ; in-8, 456 pp. — 8 Pes.
DANNENBAUER. Luther als Religiôser Volksschriîtsteller 1517-1520. (Samm-
lung Gemeinverstandlicher Vortrage). Tûbingen, Mohr, 1930 : in-8, 42 pp.
— 1,80 Mk.
DELACROIX H. Le Langage et la Pensée. (Bibliothèque de Philosophie contem-
poraine). 2e éd. Paris, Alcan, 1930 ; in-8, vm-624pp. — 60 fr.
DESCAMPS P. Etat social des peuples sauvages. (Bibliothèque scientifique).
Paris, Payot, 1930 ; in-8, 288 pp. avec 23 hors-texte. — 30 fr.
DIEKAMP F. Katholische Dogmatik, nach den Grundsâtzen des Heiligen
Thomas. 2. Band. Munster, Aschendorff, 1930 ; in-8, x-585pp. —13,70 Mk.
DOMBART T. Der Babylonische Turm. (Der A lie Orient, Bd. 29). Leipzig,
Hinrichs, 1930 ; in-8, 36 pp. mit iv Tafeln. — 1 Mk. 90.
DREYER K. Die Religiôse Gedankenwelt des Salomo Ibn Gabirol. Leipzig,
Pfeiffer, 1930 ; gr. in-8, 158 pp. — 9 Mk.
DROEGE TH., C. SS. R. Der analytische Charakter des Kausalprinzips.
' Bonn a. Rh., Hofbauer-Verlag, 1930 ; in-8, 107 pp. 4 Mk.


DUDON S., S. J. Le Gnostique de Saint Clément d'Alexandrie. Opuscule

inédit de Fénelon. (Etudes de Théol.hist. sous la direction des Prof.de théol.


à l'Institut caihol. de Paris). Paris, Beauchesne, 1930 ; in-8, xi-299 pp.
— 50 fr.
.DUMÉZIL G. Légendes sur les Nartes. (Bibl. de l'institut français de Lenin-
grad, T. XI). Paris, Champion, 1930 ; in-8, xn-214 pp. — 40 fr.
DUPRÉEL E. Le renoncement. (Archives de la société belge de philosophie, fasc. 2.)
Bruxelles, Perebooms_, 1930 ; in-8, 36 pp. — 4,50 fr.
EATON H. O. The Austrian philosophy of values. Norman, University of
Oklahoma Press, 1930 ; in-8, 380 pp. — 5 Doll.
ESCHWEILER K. Joh. Adam Môhlers Kirchenbegrifî. Das Hauptstùck
' der kathol. Auseinandersetzungmit deutschen Idealismus. Braunsr
bergPr., HerderscheBuchhandlung, 1930 ; gr. in-8, vn-175 pp.—• 4 Mk.50.
FARNER A. Die Lehre von Kirche und Staat bei Zwingli. Tiibingen, Mohr,
1930 ; in-8, xn-140 pp. — 9,50 Mk.
FENNERF. Die Krankheit imNeuen Testament. (Untersuchungen zum Neuen
Testament. Heft 18). Leipzig, Hinrichs, 1930 ; in-8, 117 pp. — 9 Mk.
FLEURY E. Saint Grégoire de Nazianze et son temps. (Etudes de Théologie
- historique). Paris, Beauchesne, 1930 ; in-8, xn-384 pp. — 54 fr.

-
FOUCAULT M. Premières leçons de psychologie expérimentale à l'usage
,

des candidats au baccalauréat. Paris, Delagrave, 1930 ; in-8, 94 pp.


FOUQUEAU E. L'âme de St. Augustin d'après ses «confessions». Orléans,
Secrétariat des oeuvres, 1930 ; in-8, 48 pp. — 3,50 fr.
FRANK S. L. Dukhovnyja osnovy obscestva. Paris, YMGA-Press,1930 ; in-12,
320 pp. — 1 doll.
FUETSCHER L., S. J. Die Frage nach der Môglichkeit der Metaphysik
bei Kant und in der Scholastik. (Zeitschrift fuer kathol. Theol., 1930,
Heft 4.). Innsbruck, Rauch, 1930 ; in-8, 20 pp.
GAÉTAN DU SAINT NOM DE MARIE (P.) P. P. Oraison et ascension mystique de
Saint Paul de la Croix. Louvain, Muséum Lessianum, 1930 ; in-12,
xxiv-290 pp. — 20 fr.
GALVANO DELLA VOLPE. Il Misticismo Spéculative di Maestro Eckhart.
Bologne, Cappelli, 1930 ; in-8, VIII-292 pp. — 20 1.
GARDINER S. Obédience in church and state. Three political tracts. Edited,
with an Introduction, translation and notes by Pierre Janelle. London
Cambridge University Press, 1930; in-8, LXX-222 pp. — 15 s.
GRABMANN-MAUSBACH. Aurelius Augustinus. Cologne, Bachem, 1930 ; gr. in-8,
xi-438 pp. — 26 Mk.
GRENSTED L. W. Psychology and God. (The Bampton Lectures for 1930).
London, Longmans, Green, and Co, 1930 ; xn-257 pp. •— 10 sh.
GUÉRLTN H. L'Esthétique. (L'art enseigné par les maîtres). Paris, Laurens, 1930 ;
in-8, 167 pp. — 10 fr.
GUTNASSI E. A., O. P. Problemi Filosofici. Bologne, Studio di San Domenico,
1930 ; in-8, 192 pp.
GURVITCH G. Les Tendances actuelles de la Philosophie allemande. (Bi-
bliothèque d'Histoire de la Philosophie). Paris, Vrin, 1930 : gr. in-8, 234
pp. — 25 Fr.
HAGGERTY KRAPPE.. A. Mythologie universelle.. (Biblioihèque scientifique),
Paris, Payot, 1930 ï in-8,455 pp.--40 fr.
— 20* —
HAAS A. Das Interdikt nach geltendem Recht mit einem geschichtlichen
Ueberblick. (Kanonistische Studien und Texte. Bd. 2). Bonn, Schroeder,
1929 ; gr. in-8, xn-130 pp. — 5 Mk.
HAAS H. Bilderatlas zur Religionsgeschichte. Lief. 15 : Die Religion des
Mithra. Einleitung von .1. LV.IPOI.DT. Leipzig, Deichert, 1930 ; xix pp.
— 50 Bilder auf 23 Tafeln. — (i mk. 60.
HRRMANN. Krankhafte Seelenzustande beim Kinde. (Pacdagogisches Ma-
gazin). I.angensalza, Beyer, 1930 ; in-8, xv-252 pp. — 7 Mk. 80.
HOFFMANN E. Das Universum des Nikolaus von Cues. (Cusanus Studien. I).
Heidolberg, Winlcr, 1930 ; in-8, 15 pp. -- 7 Mk. 30.
HOI.ZAPFEI, H. Katholisch und Protestantisch. Fribourg i. Br., Herder, 1930 ;
in-8, vi-196 pp. — 3,40 Mk.
ITOOPEII G. H. The îallacies of fatalism or the real world and the rational
will. London, Watts, 1930 : in-8, x-211 pp. — 10 sh. 6.
HOYLE R. B. The Teaching of Karl Barth. An exposition. London, Student
Christian Movemenl, 1930 ; in-12, 286 pp. — 7 sh. 6.
HUSSERL E. Jahrbuchfûr Philosophie und phnâomenolcgischeForschung.
Halle (Salle), Niemeyer, 1930 ; gr. in-8, x-570 pp. — 28 Mk.
Id. — Nachwort zu meinen « Ideen zu einer reinen Phanomenolo-
gischen Philosophie ». Sonderdruck aus Jahrbuch fuer Philosophie und
Phaenomenologische Forschung. Bd. XI. Halle (Saale), Niemeyer, 1930 ;
gr. in-8, 20 pp. — 1,50 Mk.
HYNCK \V. Konnersreuth à la lumière de la science médicale et psycho-
logique. Paris, Téqui, 1929 ; in-12, 197 pp. — 9 fr.
IL'IN. V. N. Sest dnej tvorenija. Biblija i nauka o tvorenii i proiskhoz-
denii mira. (Les six jours de la création.—L a bible et la science en.ce qui
concerne la création et l'origine du monde.) Paris, YMCA-Press, 1930 ;
in-12, 232 pp.
IWAND H. J. Rechtfertigungslehreund Christusglaube. Leipzig, Hinrichs,
1930 ; in-8, vr-128 pp. — 5 Mk.
JANF.T C. Concordance de l'arrangement quantique, de base, des élec-
trons planétaires des atomes, avec la classification scalariforme
hélicoïdale des éléments chimiques. Beauvais, Imprimerie Départe-
mentale de l'Oise, 1930; gr. in-8, 55 pp. et 6 planches.
JEANS J. The Mysterious Universe. Cambridge University Press, 1930 ; in-12,
154 pp. — 3 sh. 6.
JEREMIAS A. Das Alte Testament im Lichte des Alten Orients. 4e éd. Leip-
zig, Hinrichs, 1930 ; gr. in-8, xvi-852 pp. — 42 Mk.
Id. — Der Antichrist in Geschichte und Gegenroart. Leipzig, Klein, 1930 ;
in-8, 32 pp. — 1 Mk. 20.
Id. — Muhammedanische Froemmigkeit. Leipzig, Klein, 1930 ; in-8, 52
pp. — 1 Mk. 75.
JERPHANION (DE) G., S. J. La voix des monuments. Paris et Bruxelles, Van
Oest, 1930; in-8, 332 pp.
JOUEON P.. S. J. L'EvangiledeN.-S. J.-C. (Verbiim salutis, V). Paris,Beauches-
ne, 1930; in-12, xxm-617 pp.
JOVY E. La « Sphère infinie » de Pascal. (Eludes pascaliennes, VII). Paris,
Vrin, 1930 ; in-12, 232 pp.
JUENGER N. « ...und hâtte der Liebe nicht Ein Pfarrerlcben aus dem An-
fang des Jahrhunderts. Leipzig, Klein, 1930; in-8, 344 pp.
JUREVICS P. Le Problème de la Connaissance dans la Philosophie de
Bergson. Paris, Vrin, 1930 ; in-8, 282 pp.
KAUPEL II. Die Dâmonen im Alten Testament. Augsburg, Filser, 1930 ;
gr. in-8, VIII-150 pp. — 8 Mk.
K LINGE G. Lessings Bedeutung fur die Geschichte und den Neuauîbau
der christlichen Ethik. (Universilas Archiv, liierarhislorische Ableilung)
Munster, Helios-Verlag, 1930 ; gr. in-8, 133 pp. — 6 Mk.
KOHLER W. Gestalt Psychologie. London, Bell and Sons, 1930 ; gr. in-8,
xi-302 pp. — 15 sh.
KRETSCHMER E. La structure du corps et le caractère. Traduit de l'allemand.
(Bibl. médicale). Paris, Payol ; gr. in-8, 254 pp. — 40 fr.
LALANDE A. Les illusions évolutionnistes. (Bibliothèque de philosophie con-
temporaine). Paris, Alcan, 1930 ; in-8, x-464 pp. — 50 fr.
Id. — Précis raisonné de Morale pratique. 3e Ed. Paris, Alcan, 1930 ; in-12,
xn-87 pp. — 10 fr.
LAMA (DE) FR. Konnersreuth en 1928. (trad. fr. par A. Desguigues). Mulhouse,
Éditions Salvator, 1930 ; in-8, 312 pp. — 15 fr.
LANG A, Die Wège der GIaub©:as;begrùB.(iuiig faai den Scholagtikefii de§
âi^
— —
14. Jahrh.underts. (Beitraege zur Geschichte der Philosophie des Mittet-
allers, Band 30, Heft 1-2). Munster, Aschendorff, 1930 ; in-8, xx-261 pp.
.— 14,20 Mk.
LANG H., O.S.B. Die Lehre des Hl. Thomas von Aquinvon der Gewissheit
des ubernatùrlichen Glaubens. Augsburg, Filser, 1929 ; in-S, vm-
204 pp. — 10 Mk.
LA TOUR DU PIN LA CHARCE (DE). Aphorismes de Politique sociale. 3e éd.
Paris, Beauchesne, 1930 ; in-8, 104 pp. — 5 fr.
LATTEY C, S. J. St. Paul and His Teaching. Edimbourg, Sands and Co, 1930 ;
in-12, 15 pp. — 3 sh. 6.
LEVESQUE (Abbé). L'origine du culte du Sacré-Coeur de Jésus et son ob-
jet. Avignon, Aubanél Père, 1930 ; in-8; vm-332 pp.
Ll Gi. Das Buch der Sitte des alteren und jûngeren Dai. Aufzeiclmungen
iiber Kultur und Religion des alten China. Aus dem chinesischenverdeutscht
und erlâutert von R. WILHELM. Iena, Diderich, 1930 ; in-8, xvin-450 pp.
— 14 Mk.
LINDNER D. Der TJsus Matrimonii. Mûnchen, Kôsel u. Pustet, 1929 ; in-8,
-
244 pp. — 5 Mk.
LINDNER P., O.E.S.A. Die Erkenntnislehre des Thomas von Strasburg,
(Beitrâge zur Geschichte der Philosophie und Théologie des Mittelalters,
Band 27, Heft 4-5). Munster, Aschendorff, 1930 ; gr. in-8, x-139 pp. —
7,80 Mk.
LONGPRÉ E., O.F.M. Le B. Jean Duns Scot O.F.M. Quaracchi, Typ. du Col.
de S. Bonaventure, 1930 ; gr. in-8, 38 pp.
LORTAL R., P. S. S. La Certitude sur l'existence de Dieu. Avignon, Auba-
nel Fils Aîné, 1930 ; in-12, 64 pp. — 4,80 fr.
LUCKEY H. Die Bestimmung von « gut » und « bbse » bei Thomas von
Aquin. Kassel, Oncken, 1930 ; in-8, 62 pp. — 2 Mk.
LUMBRERAS P., O. P. Estudios Filosoficos. (Biliboleca de Tomistas Espanoles).
Madrid, Real Convento de Atocha, 1930 ; in-8, viu-116 pp. — 3,50 pes.
LUSSEAU H. Essai sur la Nature de l'Inspiration Scripturaire. Thèse sou-
tenue devant la Commission biblique le 22 nov. 1928. Paris, Geuthner,
1930 ; in-8, xix-243 pp. — 40 fr.
H. LUSSEAU et M. COLLOMB. Manuel d'Etudes bibliques. Tome V, lre partie.

Les Actes des Apôtres. Les grandes épîtres de Saint Paul. Paris,
Téqui, 1930 ; in-8, 612 pp. — 30 fr.
Lutherana VI. Sechstes Lutherheft der Theologischen Studien und
Kritiken. 102." Band, 1-2 Heft. Gotha, Klotz, 1930 ; in-8, 210 pp.
LUTOSLAWSKI W. W. The Knowledge of Reality. London, Cambridge Unver-
sity Press, 1930 ; in-12, xvn-203 pp. — 7 sh. 6.
Marburger Theologische Studien. Heft I et III. Gotha, Klotz, 1931 ; in-8,
78 et viii-44 pp. — 3,50 et 2,40 Mk.
MARGOLIS M. L. et MAUX A. Histoire du Peuple Juif. Trad. de l'Anglais par
J. ROBILLOT. Paris, Payot, 1930 ; gr. in-8, 750 pp.
MARTIN R. M., O.P. La Controverse sur le Péché originel au début du
XFtf"e siècle. Textes inédits. (Spicilegium Sacrum Lovaniense. Etudes
et documents, fascicule 10). Louvain, Spicilegium Sacrum Lovaniense,
1930 ; gr. in-8, xvi-428 pp.
MATÎTIN V. Les congrégations romaines. (Bibliothèques catholique des scien-
ces religieuses). Paris, Bloud et Gay, 1930 ; in-8, 210 pp. — 12 fr.
Id. — Les cardinaux et la Curie. (Bibliothèque catholique des sciences reli-
gieuses). Paris, Bloud et Gay, 1930 ; in-8, 210 pp. — 12 fr.
MAUSBACH J. Dasein und Wesen Gottes. Erster Band. Munster in West-
falen, Aschendorff, 1930 ; in-8, xvi-524 pp. — 4 Mk. 25.
MAYLAN C. E. Freuds tragischer Komplex. Mûnchen, Reinhardt, 1929 ;
in-8, 215 pp. — 7Mk. 80.
Meditatio Pauperis in solitudine auctore anonymo saec. xm. edidit F. M.
DELORME, O.F.M. (Bibl. Franciscana Ascetica medii aevi. Tom. VII).
Quaracchi, Collège S. Bonaventure, 1929 ; in-16, LI-371 pp.
MESSINA G., S. J. Der Ursprung des Magier und die Zarathustrische Re-
ligion (Scripta Pontificii Institua Biblici). Roma, Pontificio Instituto
Biblico, 1930 ; gr. in-8, 102 pp.
MIOHELITSCH A. Allgemeine Religionsgeschichte. Graz, « Styria », 1930 ;
in-8, xv-930 pp. — 30 Mk.
MIEHLE A. u. PAGEL FR. Religiôse Kindheitserlebnisse. Breslau, F. Hirt,
1930 ; in-8, 200 pp. — 6,40 Mk.
MÔHLER J. H. I. Gesammelte Aktenstùcke und Briefe. Herausgegeben
— 22* —
ben von S. LOSCH. Mûnchen, Kosel, s. d. ; in-8, xxiv-552 pp.
MUGNIER R. La Théorie du Premier Moteur et l'Evolution de la Pensée
Aristotélicienne. (Bibliothèque d'Histoire de la Philosophie). Paris, Vrin,
1930 ; gr. in-8, 232 pp. — 30 fr.
Id. — Le sens du mot ©eioç chez Platon. (Bibliothèque d'Histoire de la phi-
losophie). Paris, Vrin, 1930 ; gr. in-8, 152 pp. — 20 fr.
MURCHISON C. Psychologies of 1930. (The international university séries in psy-
chology). London, Oxford University Press, 1930 ; in-8, xx-498 pp. —
6 s h.
A History of Psychology in Autobiography. I. Edited by C. MURCHISON
Worcester, Clark Univ. Press, 1930 ; gr. in-8, xvin-516 pp. — 5 Doll.
NATHAN M. Les psychoses évitables. (Bibl. des connaissances médicales). Pa-
ris, Flammarion, [1929] ; in-12, 245 pp. — 12 fr.
NARBERHAUS J. Benedikt von Aniane. Munster, Aschendorff, 1930 ; in-8,
vi-80 pp. — 4 Mk. 40.
NINK C, S. J. Grundlegung der Erkenntnistheorie. Frankfurt a. Main,
Carolus-Druckerei, 1930 ; in-8, xn-292 pp. — 10 Mk. 50.
id. — Kommentar zu Kants Kritik der reinen Vernunft. Frankfurt a.
Main, Carolus-Druckerei, 1930 ; in-8, xvi-310 pp. — 10 Mk. 50.
NISTERS B. Die Christologie des Hl. Fulgentius von Ruspe. Munster,
Aschendorff, 1930 ; gr. in-8, 115 pp. — 5 Mk. 80.
ODDONE A., S. J. La Figura di Christo nel pensiero di S. Agostino. Torino,
Soc. Edit. Internaz., 1930 ; in-8, xn-138 pp. — 5 Lire.
Opus Epistolarum Des. Erasmi Roterodami. Denuo recognitum et auctum
per P. S. ALLEN et H. M. ALLEN. Tom. VII. 1527-1528. Oxford,Clarendon
Press, et London, H. Milford, 1928 ; in-8, XIH-560 pp. — 28 sh.
PARIS G. M., O. P. Dissertatio de Donis Spiritus Sancti in genere.Tau-
rini, Marietti, 1930 ; in-8, xii-114 pp. — 6 Lire.
PARPERT F. Das Mônchtum und die Evangelische Kirche. (Aus der Welt
christlicher Frômmigkeit. Band 10). Mûnchen, Reinhardt, 1930 ; in-8,
80 pp. — 3,80 Mk.
PÈGUES T., O. P. Commentaire français littéral de la Somme Théo-
logique de S. Thomas d'Aquin. XIX. Les Sacrements : Pénitence.
Extrême-Onction. Toulouse, Privât, 1930 ; gr. in-8, vni-618 pp.
Id. —• L'Autorité Pontifical et la philosophie de S. Thomas. Quelques
mots de réponse au R. P. de Tonquédec. Toulouse, Privât, 1930 ; gr.
in-8, 29 pp.
PICARD C. Les Origines du Polythéisme Hellénique. L'art créto-mycé-
nien. (Art et religion). Paris, Laurens, 1930 ; in-8, 186 pp. 24 planches
hors texte. — 20 fr.
PIERRE H. L'union de l'Orient avec Rome. (Orientalia christiania, XVIII-1).
Rome, Pont. Instit. Orient. Stud., 1929 ; gr. in-8, 157 pp. —• 26 Lire.
PIMENTA A. Estudos filisoficos e criticos. Coimbra, Imprensa da Universi-
dade, 1930 ; in-8, XLII-600 pp.
PLUS S. J. La sainteté catholique. Paris, Bloud et Gay, 1928 ; in-12, 148 pp.
POTTER CH. F. Les fondateurs de religions. Ed. franc, de G. Lepage. Paris.
Payot, 1.930 ; in-8, 428 pp. — 25 fr.
POYNTER J. W. Inside the Roman Church by one who was there. London,
Epworth Press, 1930 ; in-12,160 pp. — 2 sh. 6.
Pravoslavnaja mysl' Irudy pravoslavnago bogoslovnago Instituta v Parize v. II.
(La Pensée orthodoxe, travaux de l'Institut de théologie orthodoxe à Paris,
cah. II). Paris, 1930; gr. in-8, 210 pp. — 1 doll.
Quaestio de universali secundum viam et doctrinam Guillelmi de
Ockham. Édité par GKABMANN (Opuscula et textus historiam ecclesiae ejus-
que vitam alque doctrinam illustrantia. Séries scholastica, fasc. X). Munster,
Aschendorff, 1930 ; in-10, 40 pp. — 0,95 Mk.
RASHDALL H. God and Man. Oxford, Blackwell, 1930 ; in-8, 264 pp. — 6 sh.
Religion und Seelenleiden. Vortràge des Kath. Akademikerverbandes in
Kevelaer. Herausgegeben v. W. BERGMANN. Augsburg, Haas, 1929 ; in-8.
204 pp. — 7 Mk.
ID. — 1930 ; in-8, 135 pp. — 4 Mk. 50.
RENIÉ J., S. M. Manuel d'Ecriture Sainte. Tome I : Introduction générale
et Pentateuque. Tome 11 : Livres historiques. Livres didactiques.
Paris, Lyon, E. Vitte, 1930 ; in-12, 480 et 558 pp. — 20 et 24 fr.
RINTELEN (VON) F. J. Philosophia perennis. 1er Band. Abhandlungen
uber die Geschichte der Philosophie. 2e* Band : Abhandlungen
23*
— —
zur systematischen Philosophie. Regensburg, Habbel, 1930 ; gr. in-8.
vn-1244 pp. — 37 Mk.
RIVIER W. L'Empirisme dans les sciences exactes. (Archives de la société
belge de Philosophie). Bruxelles, Peerebooms, 1930 ; gr. in-8, 13 pp.—2fr.
ROTTA P. Il Cardinale Nicolo di Cusa, la vita e il pensiero. (Pubblicazioni
délia Universita cattolica del sacro Cuore. Série prima : science filosofiche).
Milan, Vita e Pensiero ; gr. in-8, xvi-454 pp. — 20 1.
RYBTNSKI J. Der Mal'akh Jahwe. Paderbom, Schbningh, 1930 ; in-8, 123 pp.
— 6 M.
SCHAERER R. Etude sur les notions de eonnaissance'et^ d'art d'Homère
à Platon. Maçon, Protat, 1930 ; gr. in-8, XII-216 pp.
SCHEEL O. Martin Luther. T. I et II. Tubingen, Mohr, 1921 et 1930 ; gr.in-8,
vin-340 et xn-694 pp. — 12 et 33,60 Mk.
SCHILLING H. Das Ethos der Mesotes. (Heidelberger Abhandlungen zur Phi-
losophie und iltrer Geschichte). Tubingen, Mohr, 1930 ; gr. in-8, iv-103
pp. — 6 Mk.
SCHILLING O. Die Staats- u. soziallehre des Hl. Thomas von Aquin. 2e
éd. Mûnchen, Hueber, 1930 ; in-8, vin-360 pp. —13,50 Mk.
SCHMIDT "W. Handbuch der vergleichenden Religionsgeschichte. Ur-
sprung und Werden der Religion. Munster, Aschendorff, 1930 ; gr.
in-8, xvi-296 pp. — 6,80 Mk.
SCHNEIDER C. Die Erlebnisechtheit der Apokalypse des Johannes. Leipzig,
Dorffling u. Franke, 1930 ; in-8, 146 pp. —. 6,50 Mk.
SCHNEIDER E. Psychoanalyse und Pàdagogik. (Paedagogisches Magazin),
Langensalza, Beyer, 1930 ; in-8, 72pp. — 2 Mk. 30.
SCHNEIDER W. Die Quaestiones disputatae de Veritate des Thomas von
Aquin in ihrer philosophiegeschichtlichenBeziehungen zu Augusti-
nus. (Beilraege zur Geschichte der Philosophie und Théologie des Mittel-
alters, Band 27, Heft 3). Munster, Aschendorff, 1930 ; 97 pp. — 5,20 Mk.
SCHRADER F. O. Der Hinduismus. (Religionsgeschichlliches Lesebuch). Tu-
bingen, Molli-, 1930 ; gr. in-8, vn-87 pp. — 3 Mk. 80.
SCHULEMANN G. Aesthetik. Breslau, Borgmeyer, 1930 ; in-12, 238 pp.
SCOTT C. A. A. New Testament Ethics. An Introduction. London, Cambrid-
ge University Press, 1930 ; vi-147 pp. — 5 sh.
SCHWEITZER A. Die Mystik des Apostels Paulus. Tubingen, Mohr, 1930 ;
gr. in-8, xvi-407 pp. —-19 Mk.
SEGOND J. Le problème du génie. (Bibl. de Philosophie scientifique). Paris,
Flammarion, [1930] ; in-12, 283 pp. — 12 fr.
SEEBERG R. Lehrbuch der Dogmengeschichte. Dritter Band. Die Dogmen-
geschichte des Mittelalters. (Sammlung Theologischer Lelvrbiicher.)
Leipzig, Deichert, 1930 ; vi-797 pp. — 27 Mk.
SELBIE W. B. Religion and Life. London, Oxford University Press, Milford,
1930 ; in-8, vi-136 pp. — 6 sh.
SIEDEL G. Theologia Deutsch. Mit einer Einleitung ùber die Lehre von
der Vergottung in der dominikanisehen Mystik. Gotha, Klotz.
1930 ; in-8, xi-198 pp.— 7 Mk.
SILBERT G. Moderne Willensziele. Dritte Aufl. Leipzig, Deichert, 1920 ; in-8,
64 pp. — 2 Mk. 30.
SrwEK P. L'âme et le corps d'après Spinoza. (Collection historique des grands
philosophes). Paris, Alcan, 1930 ; in-8, xxvm-204 pp. — 25 fr.
Id, — La psychophysique humaine d'après Aristote. Paris, Alcan, 1930 ;
in-8, vn-210 pp. — 30 fr.
SMURLO E. Le Saint-Siège et l'Orient orthodoxe russe. 1609-1654. (Publi-
.
cation des archives du ministère des Affaires étrangères. lre série, n" 4)
Prague, Editions Orbis, 1928 ; gr. in-8, vm-353 et 225 pp. — 70 fr.
SOLLIER P. La répression mentale.' (Bibl. de Phil. contemporaine). Paris,
Alcan, 1930 ; in-12, 218 pp. — 15 fr.
SORANZO G. Il papato, l'Europa cristiana e i Tartari. (Pubblicazioni délia
Universita cattolica del Sacro Cuore, Scienze storiche, vol. XII). Milan,
Vita e Pensiero, 1930 ; gr. in-8, xn-624 pp. — 50 L.
STODDARD L. Twelve years in the Catholic Church. London, Burns Oates,
1930 ; in-8, 174 pp. — 1 sh. 0.
STEINERR. Der Philosophie des Thomas von Aquino. Dornach, Am Goethea-
num, 1930 ; in-8, 131pp.
SURIN J.-J. Questions importantes à la vie spirituelle sur l'amour de Dieu.
Texte primitif revisé et annoté par es PP. A. POTTIER et L. MARIÉS,
S. J. Paris, Téqui, 1930 ; in-12, xv-237 pp. — 12 fr.
.
TANNERY P. Pour l'histoire de la science hellène. De Thaïes à Empédocie
(«j 2e éd. par A. DrÈs. Paris, Gauthier-Villars, 1930 ; gr. in-8, xxiv-435 pp.
TAROZZI G. L'Esistenza e l'Anima. (Biblioteca di Cultura moderna). Bari,
Laterza, 1930 ; in-8, xvi-240 pp. — 15 L.
TAYLOR V. The Gospels : A short introduction. London, Epworth Press,
1930 ; in-12, 128 pp. — 2 sh. 6.
TERNUS J., S. J. Zur Vorgeschichte der Moralsysteme von Vitoria bis
Médina. (Forschungcn zur chrisllichen Lileratur- und Dogmengeschichle.
XVI. Band, 3. i/e/O.Paderborn, Schôningh, 1930 ; in-8,116 pp. — 7,50 Mk.
THIELSCHER P. Unser Wissen um Jésus. Ein neuer Weg zur Quellenunter-
suchung. î. Die Selbstentfaltung des Stoffes in den vier Evangelien.
Gotha, Klotz, 1930 ; in-8, 442 pp. — 12 Mk.
THONE P. (Abbé). Vers une vie réparatrice. Tome III. L'esprit de la répara-
tion. Lille, S.I. L. 1. G, 1931, in-18, vi-202 pp. — 7 fr. 50.
TITIUS A. Natur und Gott. Ein Versuch zur Verstândigung zwischen,
Naturwissenschaft und Théologie. Zweite Aufl. Lieferung 4. Gottingen,
Van den Hoeck und Rupreclit, 1930 ; in-8,160 pp.
UMBERG J. Systema Sacramentarium. OEniponte, Rauch, 1930 ; in-8, vm-
122 pp. — 2 Mk. 40.
VAGANAY L. L'Evangile de Pierre. (Etudes Bibliques). Paris, Gabalda, 1930 ;
gr.in-8, xxm-357 pp.
VAISSIÈRE (DE LA) J., S. .1. La Théorie psychanalytique de Freud. Etude de
psychologie positive. (Archives de philosophie. Vol. VIII. Cahier I).
Paris, Beauchesne, 1930 ; in-8, 131 pp.
VAN HOVE A. De Legibus Ecclesiasticis. (Commentarium Lovaniense in
Codicem iuris canonici. Volumen I. Tomus II). Malines-Rome, Dessain,
1930 ; gr. in-8, XVIII-382 pp. — 40 fr.
VAN HOVE L. La joie chez Sainte Thérèse d'Avila. Bruxelles, Devrit, 1930 ;
in-8, 477 pp. •—• 40 fr.
VF.RMEERSC.II A., S. J. Pratique et Doctrine de la Dévotion au Sacré-Coeur.
7e éd. Tome I, La Pratique ; Tome II, Partie Doctrinale. Tournai.
Casterman, 1930 ; in-16, xvi-806 et 283 pp.
VEKNET F. La Spiritualité Médiévale. Paris, Bloud et Gay, 1929 ; in-12,216 pp.
VOGELSANG E. Luthers Hebraerbrief-Vorlesung (1517-1518). (Sammlung,
Gemeiiwerstander Vortrage). Tubingen, Mohr, 1930 ; in-8, 26 pp.—1,80 Mk,
Vues sur la Psychologie animale par H. ANDRÉ, F. J. J. BUYTENDIJK
G. DWELSHAUVERS, M. MANQUÂT. (Cahiers de Philosophie de la Nature,
IV). Paris, Vrin, 1930 ; in-8, 175 pp. — 20 fr.
WARRAIN F. La matière, l'énergie. Paris, Alcan, 1930 : in-8, 180 pp. — 20 fr.
WKBB C. C. J. Our knowledge of one another. From the proceedings of the
British Academy. Vol. XVI. London, H. Milford, 1930 ; gr. in-8, 18 pp. —
1 sh. 6.
WEINBERG S. Erkenntnistheorie. Eine Untersuchung ihrer Aufgabe
und ihrer Problematik. Berlin, Heymann, 1930 ; in-8, 134 pp. — 6 Mk.
WILPERT J. Erlebnisse und Ergebnisse im Dienste der christlichen Ar-
chaologie. Freiburg, Herder, 1930 ; in-8, ix-209 pp. mit 102 Bildern. —
15 Mk.
WINTERNITZ M. Der Mahayana-Buddhismus. (Religionsgeschichlliches Lese-
buch). Tubingen, Mohr, 1930 ; gr. in-8, vi-88 pp. — 3 Mk. 60.
"WOLFSONH. A. Crescas' Critique of Aristotle. (Harvard semilic séries, vol. VI).,
Cambridge, Harvard University Press, 1929 ; in-8, xvi-760 pp.
ZIEHEN TH. Die Grundlagen der Charakterologie. (Paedagogisches Magazin)
Langensalza, Beyer, 1930 ; in-8, VIII-372 pp. — 9 Mk.
..liiïbraiîrie J. VRliST, 6, place de "la ^orbonne, 6,
— JPikBIS (V<s)
f^ETUDES DE PHILOSOPHIE MÉDIÉVALE
.
A Directeur : ETIENNE GILSON.
,'•;:
;', '
- " professeur à la Sorbonne,
Directeur d'études à l'Ecole pratique
;:' ;- des hautes études religieuses.

.VOLUMES PARUS: ,-
I. Etienne GILSON. Le Thomisme. Introduction au système
,

r
c;
'.''•".
de saint Thomas d'Aquin. Troisième édition revue et
augmentée. Un volume in-8° de 315 pages
.-II. Raoul CARTON. L'expérience physique chez Roger Bacon ...
(Contribution à l'étude de la méthode et de la science
32 fr.

'/'
:- ;"''
'
189 pages
............
expérimentale au XIIIe siècle). Un volume in-8° de

\\\. Raoul CARTON. L'expérience mystique de l'illumination.


15 fr.

intérieure chez Roger Bacon. Un vol. in-8° de 367 p. 30 fr.


>™\
IV. Etienne GILSON. La philosophie de saint Bonaventure.
:r-<-.': Unfort,volumein-8°de482p.; 50 fr.
. . ^. . ..
v-.. V. Raoul CARTON. La synthèse doctrinale de Roger Bacon
A".. Un volumein-8° de 150 pages 12 fr
VI. Henri GOUHIER. La pensée religieuse de Descartes.Vïi
v?- "'
- demie française) ............
volume in-8° de 328 pages (Couronné par l'Aça-

-VU. Daniel BERTRAND-BARRAUD. Les Idées philosophiques


.;- " de Bernardin Ochin,de Sienne.Un vol.in-8° de 136 p.
30 fr.

>,^VJÏI-I. Emile BRÉHIER. Les idées philosophiques et religieuses

'~\ de Phildn d'Alexandrie. Un vol. in-8° de 350 pages 30 fr.


V: IX. J.-M. BISSEN. L'exemplarisme divin selon saint Bona-
""'.,-' ventûre. Un volume in-8° de 204 pages . . 35 fr.
. .
; X. J.-Fr. BONNEFOY. Le Saint-Esprit et ses dons selon
[.Z saint Bonaventure. Un volume in-S° de 240 pages 30 fr.
•'•.... XI. Etienne GILSON. Introduction à l'étude de saint Augus-
.

:"•' tin. Un volume in-8° de 350 pages sur papier pur fil 60 fr.
,.:~," Édition ordinaire 40 fr..
.. . . . . . . . .Lulle, .
^XII. Car. GTTAVIANO. L'ATS compendiosa de Raymond
"-,
h[ de- Lulle. Un volume in-8° de 164 pages
....
avec une étude sur la bibliographie et le fond ambrosien
XIII. E. GILSON. Eludes sur le,rô-t/i de la pensée médiévale, dans
40 fr.

':'..:_

A- * 336 pp.
^/r. •' SOUS PRESSE:
.............
la formation du système cartésien. Un vol. in-8° de
40 fr.

W? et XVI. G. THÉRY. Etudes Dionysiennes.


-A A PARAITRE PROCHAINEMENT:
XIV, A. FOHEST. La structure métaphysique du réel selon saint
'&* ': Thomas d'Aquin.
ÏDES PRESSES DE J. DE MEESTER ET FILS WETTEREN (BELGIQUE)
libraire S. imm, 6, Plaee de la Sorboan©, 6 — fcâ-felS (t 6)
BIBLIOTHÈQUE THOMISTE
Directeur : PIERRE MANDONNET, O. P.
VOLUMES PARUS:
I. P. MANDONNET, O. P., et J. DESTREZ, Bibliographie tho-
miste . . . . . . . . . . . . .., . .
" 20 fr.

III. Mélanges thomistes ....


nel d'après S. Thomas
...
II. J.-B. KORS O. P. La Justice Primitive et le Péché origi-
. . . . .
(ne se vend
IV. B. KRUITWAGEN, O.F.M. S. Thomac de Aquino Summa
30 fr.
qu'en collection)
Opusculorum, anno circiler 1485 typis édita 15 fr.

.
1 20

Dînant.
...............
V. P. GLORIEUX. La littérature quodlibétique de 12G0 a

..............
.

VI. G. THÉRY, O. P. Autour du décret de 1210 : I. David de


.

35 fr.

16 fr.

d'Aphrodise ...........
VII. G. THÉRY, O. P. Autour du décret de 1210 : II. Alexandre
VIII. M.-D. ROLAND-GOSSELIN, O. P. Le o De ente et essentia »'
de S. Thomas d'Aquin.
. . . . . . . .
16 fr.

40 fr. '

IX. P. GLORIEUX. Les premières. polémiques'


Le Correctorium Corruptorii « Quare »
...
thomistes : I.
50 fr.

Trente et d'après S. Thomas d'Aquin


.....
X. J. PÉRINELLE, O. P. L'attrition d'après le Concile de
XI. G. LACOBIBE. Preposiiini Cancellarii Parisiensis opéra
18 fr.

Prévosihv ..............
omnia : I. Elude critique sur la vie et les OEuvres de

........
XII. Jeanne DAGUILLON. Ulrich de Strasbourg, O. P. La
« Summa de Bono ». Livre I.
25 fr.

40 fr.
XIII et XIV. Mélanges Pierre Mandonnet. Deux volumes. 150 fr.
SO US PRESSE :
M, T. L. PENID'O. Le rôle de l'analogie en théologie dogmatique*
A PARAITRE:
P. GLORIEUX. Les premières polémiques thomistes : II. Le Correcto-
rium Corruptorii « Sciendum ».
Cath. CAPELLE. Autour du décret de 1210: III. Amaury.de Bène,
H. IVIEYLAN. Philippe le Chancelier.
Marthe DULONG. Etienne Langlon.
Ed.BAUER etG. LACOMBE. Preposiiinioperaomnia : III. Quaesliones,
Dom LOTTIN et Dom A. BOON. La u Summa » de Godefroid de Poi-
tiers.
J. GUILLET. Essai sur l'activité intellectuelle d'après S, Thomas
d'Aquin.
Pour tout ce gui concerne la Direction de la Bibliothèque thomiste
s'adresser à M. P. MANDONNET, Le Sauïchoir, Kain (Belgique).
Les Souscripteurs à toute la Collection de la Bibliothèque tho-
miste, les Abonnés de la Revur des Sciences Philosophiques et Théo-
logiques et les Membres de la Société Thomiste bénéficient d'une
réduction de 20 %.

Vous aimerez peut-être aussi