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SCIENCES _PHI-LOSOjPHÏQ,UES
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THÉOLOGIQUES ;
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-BEVUE '-TRÏMBSTRIELtE!-

R. Jolivet. Aristote et la notion de'créai ion 209

............. . . . .
.T. Périrvelle. La doctràie de S. Thomas sur le sacrement
de l'Ordre
NOTES
236

R, Bevreesse. Les premières aimées du monophysisme .


251
M. Gorce. Le problème de l'autonomie dans S. Thomas . .
2CG

BULLETINS
F. M. Châtelain, C. M. Bulletin de Philosophie. — IV. Phi-
losophie de la religion 268
R. Dexa-eesse, G. Dumont. Bulletin d'Histoire des doctri-
nes chrétiennes. — I. Orient 293
G. Dumont, A. M. Avril," G. Rabeau. Bulletin des Lhéologies
chrétiennes non-catholiques
A. Deîorme. Bulletin d'Apologétique ........
:
c
310
389

......
CHRONIQUE - 400
. . . .
REGENSION DES" REVUES 411

'
-
PARIS
LIBRAIRIE, PHILOSOPHIQUE «L VBXN
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E. BRÈTIIER La théorie des incorporels dans l'ancien stoïcisme.
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J. SIRVEN. Les aimées d'apprentissage de Deccaiics (1596-1628), ' '
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MISTÛTE M-M MOîra-lE-ËKEMÎOI::

II. LA QUESTION DE FAIT.

:"v-., i. Lafprinë dtiproblèiïïe. -'

v
II y a d'abord un fait qui est bien acquis r c'est qn-Aristote n'a
jamais parlé explicitement de création^). Dumoins, Âristotë s'ést-
' il élevé implicitement à l'idée de création? Remarquonsqu'implici-
tenienfpeut s'entendre: endeux sens, ou,, si l'on veut, geton deux de-
grés ; une chose petit être implicite, en tant que virtuellement con-
tenue dans les principes,, et implicite^ en tant que virtuellement im-
pliquée par les conclusions.
Or, au premier sens, nous admettons, et nous croyons avoir mon-
tré, que l'idée de création était postulée par les principes du système
aristotélicien : c'est de ces principes inémes qtie; saint Thomas la
déduit avec une logique souveraine. Le second sens du mot implicite
précise la question, telle que nous la posons ici. Ce sont les textes
qui doivent répondre.
Nous écarterons immédiatement, comme n'étant évidemment
pas « ad rem », certains passages que l'on invoque parfois pour prou-
ver qu'Aristpte « insinue » la création et nihilù. Tel est le texte du
de Generatione eLCorruptione, où le Stâgirite,recherchant quelle
est la causé efficiente; de la génération perpétuelle., remarque que

\l) « La pensée grecque/ écrit M. J. Maritairi, n'est pas parvenue au concept


explicite decréatioii (tout le monde, sur ce point, est d'accord avec :M.;Ghevà'.
Hei'i ou, si vous préférez, M. Chevalier, sur ce; point, est d'accord avec tout
le monde » (Les Lettres, Juin 1920, p. 99). —.Même opinion cïezleR.. P, Gârri-
gou-Lagrange(Dict. Apologétiquey Ait. DieUy çoï.''. 1037) : <iJÀrlstotê],ne s'est
pas élevé à l?idée de création (à la production dé tout l'être ou de l'être en
:

tant:qu'être des choses)».—Jean de Saint Thomas lui-même se sépare dé


saint Thomassur ce point.: « Hallucinati sunt antiqui:Philosopln, et Arisioieles.
ipsCj qui aestimantes non dari alïùm modum proâùcéndi resquam per môtum
et-genërationem, inciderunt in Ulud inconvëniens de aeterriitate mundi, non
inyenientes ïnitium, quô res primiim fuerunt produçtâe... » (Phil. nai.,.IÏ, q. 1,
a, 4,-"Vivès, l, H» P- 533),, ."
\
;
REVIJEDESSciBNGES.i—^T.JCIX., FASC. 2. -^-14. :
210 R. JOLIV'ËÏ

c'est le désir du meilleur, c'est-à-dire de l'être (car il vaut mieux'


être que n'être pas), mais que, dans les êtres qui sont loin du pre-
mier moteur, à savoir dans les choses générables et corruptibles,
l'éternité de l'être ne peut se rencontrer. Cependant, comme un
désir naturel ne peut être frustré,Dieu a comblé le désir delà nature
en perpétuant l'être des choses matérielles, par le moyen de la
génération continue^). Or, prétendre à trouver, même seulement
«insinuée » (2), la création dans ce texte, c'est résoudre le problème
a priori, si la génération (yévsaiç),. dans l'esprit, comme dans le
vocabulaire du Stâgirite, s'oppose précisément à la création, en-
tendue comme production des choses ex nihilo (3).
On invoque aussi parfois un texte du livre A de la Métaphysique.
où Aristotë blâme certains philosophes de faire procéder l'être du
non être (4). Mais ce texte ne constitue pas davantage une allusion
à la création ex nihilo, même pour l'écarter : il n'y est question
que des « poètes-théologiens » qui font tout sortir du néant, et non
tout procéder de l'être, ce qui est vraiment inintelligible. Mais de
quelle manière les êtres procèdent de l'être, Aristotë'ne s'en expli-
que pas dans ce passage, où, au surplus, il ne s'agit que de déter-
miner la cause de la génération, parmi les êtres corruptibles. Il se
borne à exclure une solution fausse (5).
Laissons donc ces textes,où l'on ne peut trouver une doctrine ou
l'insinuation d'une doctrine créationniste qu'à la faveur de contre-
sens évidents, et tenons-nous en aux passages sur lesquels saint
Thomas attire lui-même notre attention. Car l'opinion de saint
Thomas n'est pas douteuse. Il ne veut pas admettre qu'Aristotë
ait ignoré la création ; il n'a ignoré que la nouveauté de l'univers

(l)De Gen.et Cor., 11,10,336 b 27: ênel yàq êv ânaaiv àei xov {Sekriôvoç OQÉ-
ysoOai cpa/j-sv rrjv <pvaiv; pélnov ôè rô eîvai rj ro /xf] eïvai.. rovro
b" àôvvarov' iv ânaaiv vndg^eiv âià rô TZÔQQCO rfjç âQxi]ç âçiîaraaSai
râ> XeiTtOfiévo} roônco avvenXi'jQcoas ro oXov ô 0eâg; èvôe7tè%rj noirjoaç
rrjv yèvsaiv.
(2) Comme le lait Gredt, Elemenla philosophiae aristoielico-thomisiicac, t.
II, p. 225 (ad 702).
(3) Cf. Meta., A, 4.- -
(4) Mêla., A, 10,1075 b 14 :ërt ol fièv èx rov fii) ovroç 7r.oiovai.ra ovra
...en ôià ri âsl ïaxai yévsoiç y.al ri aïriov yevéoéoeç, ovôslç teyei.
(5) S.Thomas se garde bien de solliciter le texte du Philosophe : « Alii vero,
scilicet poetae theologi, posuerunt omnia ex non ente; Un de supra dixit,
quod générant mundum ex non ente. Et sic, cum eamdem origiiitm utriquë
assignent omnibus entibus, non possunt causare distinctioncm rerum secundum
corruptibile et incorruptibile » (In Meta., XII, lect. 12, n. 2651.)
.
ÀRiSTOTË ET LA NOTION DE CRÉATION 211
.

et il devait l'ignorer, car elle n'est connue que par la foi (L). Mais
cette opinion, saint Thomas.ne se borne pas à la formuler ; iL s'effor-
ce d'en prouver le "bien-fondé.

2. L'argument de la causalité. ,

A, Metaph, a, 1, 993,b 26-31.

«Les principes des choses qui existent toujours, écrit Aristotë,


sont de toute nécessité souverainement vrais, car ils sont éternelle-
ment-et n'ont pas dé cause de leur être, mais sont causes des autres
choses. Car il en est de la vérité comme de l'être » (2). Saint Thomas
a cru trouver, dans ce texte, implicitement affirmée, l'idée de créa-
tion. Il écrit, en effet, en se référant à ce passage du Stâgirite : « Le
Philosophe prouve/ au livre II de la Métaphysique que ce qui est
souverainement vrai et souverainement être est la cause de l'être
de tous les existants » (3), et il le commente de la manière suivante :
«Par là apparaît manifestement combien est fausse l'opinion dé
ceux qui ont prétendu que Dieu, selon Aristotë, n'était pas cause
de la substance du ciel, mais seulement de son mouvement » (4).
De même, au livre I de Coelo, saint Thomas, s'appuyant toujours
sur le même texte d'Aristotë que nous étudions, en déduit sans hé-
siter la doctrine de la création, ou, si l'on veut, de la dépendance
totale de l'être par rapport au premier moteur : « Il est manifeste,
écrit-il, que tout ce qui est imparfait dérive de ce qui est parfait
au suprême degré, comme il est dit au livre II de la Métaphysique.
Par suite, comme ces êtres (les substances célestes) possèdent la

(1)In VIII Phys., lect. 2, n. 4 : « Sicut ergo si intelliganius rerum productio-


nem esse a Deo ab aeterno, sicut Aristoteles posuit, et plures Platohieorum... »,'
(2)Me'fapft,,ce,l ,993 b 26-31 :coars v.al âlrjBéararov ro roïg.varéooiç aïriov
rov âXrjÔéoiv eïvarôio ràç rcov âelovrcov âgyAç- âvàynaïov âei sîv'ai à%i]-
ôsardraç (ov yào nore â?rf]Qsïç, ôvô' êzEivaiç aïnàv ri sari rov sïvai!
à?J' iaeïvài rolç aXûoiç)} &a6' sv.aarov wç é'/fil rov slvai) ojrw y.al
tijç âXr}d£Îaç.
(3) In VIII Phys., lect. 8, n, 4 : « Probat enim in 17 Metaphys.. quod id quod
.
est maxime Verum et maxime ens est causa èssendi omnibus èxistehtibus : unde
hoc ipsum esse in potentia, quod habet materiâ prima, sequitur derivatum esse
a primo essendi principio, quod est maxime ens ». ,
(4) « Ex Iioc apparet îalsitas opinionis illorum, qui posuerunt Aristoteleiri
sénsïsse quod Deus non sit causa substantiae eoeli, sed soluin motus èjiis».
212 h. JOLIVET

Aie la meilleure et que cette vie est, par soi, absolument suffisante,
comme leur être est éternel,c'est d'eux que dérivent,pour les autres
êtres, et selon des degrés divers, et l'être et la vie» (*). D'où cette
affirmation catégorique de la Physique : « Platon et Aristotë sont
parvenus à connaître le principe de tout l'être» (2), et ce résumé,
d'un si beau mouvement, de l'histoire de la pensée antique : « La
philosophie ancienne,«dans la considération de la nature, s'est dé-
veloppée selon l'ordre de la connaissance humaine. Or, comme la
connaissance humaine part des données sensibles pour aller, de là,
aux réalités intelligibles,les premiersphilosophess'occupèrent d'abord
du sensible et ne parvinrent que peu à peu à l'intelligible. Dans cette
évolution, nous les voyons, au début, ne reconnaître d'autre cause
que la matière, dont ils disaient que provient tout ce qui se rencon-
tre dans le monde corporel : ils étaient donc forcés d'affirmer que
la matière n'a pas de cause et de nier entièrement la réalité de la
cause efficiente. Les philosophes suivants commencèrent à consi-
dérer, en une certaine mesure, les formes substantielles, sans par-
venir toutefois à la connaissance des universaux, mais en bornant
toute leur recherche aux formes particulières ; aussi admirent-ils
quelques causes efficientes, mais non celles qui rendent compte de
l'être universel: d'après eux, loin que tous les êtres procédassent
d'une cause efficiente, la matière était présupposée à l'action de
'l'agent. Enfin, leurs successeurs, Platon, Aristotë etieurs disciples,
s'élevèrent à la notion de l'être universel, et, par là, ils furent en
mesure de poser une cause universelle des choses, dont tout le reste
procédât. La foi catholique est d'accord avec eux sur ce point » (3).

(1) Lect. 21, n. 10 : « Est autem manifestum quod ab eo quod est perfectissi-
mum, fit derivatio ad alia quae sunt minus perfecta, sicut calidum deiivatur
ab igné ad alia quae sunt minus calida, ut dicitur in II Metaphys. Unde cum
ista entiahabeant vitam optimam et per se sufficientissimam, et esse sempiter-
num, consequens est quod inde communicetur aliis esse et vivere ».
(2) L. VIII, lect. 2, n. 5 : « Plato et Aristoteles pervenerunt ad cognoscëndum
principium totius esse».
(3) De Polenlia, q. 3, a. 5, in c. : « Respondeo dicendum, quod secundum ordi-
nem cognitionis humanae processerunt antiqui philosophi in consideratione
naturae rerum. Unde cum cognitio humana a sensu incipiens in intellectum per-
veniat, piiores philosophi circa sensibilia fuciunt occupati, et ex his paulatim
in intelligibilia pervenerunt.—Et quia substantia sufficit ad hoc quod sit ac-
cidentium causa, quae ex principiis substantiae causantur, inde est quod pri-
nii philosophi, praetcr mateiiam, nullam aliam causam posuerunt, sed ex ea
causait dicebant omnia quae in rébus sensibilibus provenire videntur ; unde
ponere cogebantur materiae causam non esse, et negare totaliter causam effi-
ARISTOTË ET LA NOTION. DE CRÉATION ;
213

D'ailleurs, maintes fois, saint Thomas a repris l'argument d'Âris-


tote pour en tirer cette conclusion qu'il existe un être causé de tout
l'être (*), conformément au sens qu'il attribue si nettement au
texte de la Métaphysique : « Le Philosophe tire cette autre conclusion
que les principes des choses qui sont toujours, à savoir des corps
célestes, sont nécessairement souverainement vrais. Et cela, pour
une double raison : d'abord, parce qu'ils hé. sont pas tantôt vrais
et tantôt non, et, parla, ils transcendent,aU point de vue de la vérité,
les choses corruptibles et générables, qui tantôt sont et tantôt
ne sont pas. En second heu, ces principes n'ont pas de cause, mais
ils sont eux-mêmes, causes de l'être de tout le reste. Par suite, ils
transcendent, au point de vue de la vérité et au point de vue de
l'être, les corps célestes, lesquels, tout incorruptibles qu'ils soient,
ont cependant une cause, non seulement de leur mouvement, mais
encore de leur être, comme le Philosophe le dit ici expressément » (2).
Telle est la manière dont saint Thomas comprend Aristotë. Que
vaut cette interprétation ?.
Elle nous paraît plus conforme à la logique interne de l'argument
qu'à la logique vivante du Stâgirite, car le contexte marque assez

Cientem. Posterioresvero philosophi, substantialesformasaliquatenus considcrare


coepérunt ; lion tamen pervenerunt ad cognitionem universalium, sed tota eo-
rum intentiocirca formas spéciales versabatur ; etideoposuer.untquidam aliquas
causas agentes, non tamen quae universaliter rébus esse conferrent, sed quae
ad banc vel illam formam, materiam permutèrent... ; et ideo etiam secundum
ipsos non omnia entia a causaefficienteprocedebant, sedmateria action i causae
agentis praesupponebatur. Posteriores vero philosophi, ut Plato et Aristoteles
et eorum sequaces,pervenerunt ad considerationém ipsius esse universalisa et
ideo ipsi soli posueruiit aliquam universàlem causam rerum, a qua omnia alia
in esse prodirent... Qui cuidem sententiae etiam catholica fides consentit ». — La
Somme Théologique, la, q. 44, a. 2, qui reprend eh abrégé cet aperçu historique,
ne nomme pas Platon, ni Aristotë, parmi ceux qui se sont élevés à l'idée de
création, mais le contexte ne permet pas de douter que saint Thomas, là encore,
les désigne, sans les nommer. - '

(1) Cf. la, q. 2, a. 3 ; Contra Gentiles, r, eh. 13.."'.


(2) In II Metaph. lect. 2, n. 295 : « Ex quo ulterius concluait quod principia
eorum, quae sunt semper, sCilicet corporum coelestium, necesse est esse verissi-
ma. Et hoc duplici ratione. Primo, quidem, quia non sunt quandoque vera et
quandoque non, et per hoc transcendunt in vefitaté generàtilia et conuptibi-
lia, quae quandoque sunt et quandoque non sunt. Secundo, quia hihil est eis
causa, sed ipsa sunt causa essendi aliis. Et per hoc traiicëndunt in veritate
et entitate corpora coelestia ; quia etsi sintincorruptibilia,tamen hâbent caussm
non solum quantum ad suum moveri, ut quidem Opinati sunt, sed etiani quan^
tum ad suum esse, ut hic Philosophus expresse dicit »,
214 R. JOLIVET

clairement qu'il ne s'agit, pour Aristotë, que d'établir que les prin-
cipes (âo%ai) des corps célestes sont causes, non de l'être des cho-
ses, mais de leur être substantiel. En effet, après avoir posé le prin-
cipe que les choses sublunaires ont leurs causes': dans les principes
des corps célestes, il précise aussitôt ce qu'il entend par là, à savoir
que, dans la série dés causes, il est impossible/d'aller À l'infini,
ni verticalement, ni horizontalement: dans cet ordre, nous de-
vrons arriver, en fin de compte, à une matière première/ d'où pro-
viennent, par transmutation, toutes les matières secondes ou tous
les corps ; de même, nous devons parvenir, à un premier principe du
mouvement et à une cause finale universelle et première Ç). Mais,
d'une application à la cause de l'être, en tant qu'être : nulle men-
tion.
Saint Thomas,Napparemment,veut expliquer cette omissiqn,en r e-
marquant que le Philosophe ne donne que quelques applications
du pr'ncipe : « exemplificat ». Ce serait, en effet, plausible. Mais,
dans le chapitre suivant, où Aristotë revient à la cause efficiente,
pour en traiter ex professo, comme principe de l'être, il en réduit
ou en limite l'efficacité à la simple causation du mouvement (E):
Or, ici, l'omission est trop claire par elle-même etvnous contraint
à n'entendre par ces « principes de l'être », dont parle Aristotë, autre
chose que les causes premières de la génération (3).
En somme, l'idée de création nous paraît tout à fait étrangère k
la pensée d'Aristotë, telle que ces divers passages l'expriment. Le
problème n'y est même pas posé (4).

(l)Meiaph.,a, 2,994 a 1 :'AX'kà fifjv on y"ëoriv âg/jj riç y.ai Ova ansiga
rà aïna r&v ovroev ovr' EÎÇ eiQvcootav oërs xar' eîôoçr ôrjlov. OVXE
yàg d>ç il vli]ç xôô" eu xovêe ôvvaxov levai sic âïiéiçov... ôvxs S6si< fi
àgyjl T'7e y.iVqaèaç, ôjioimç ôè ovôè ro oë é'vexa eîç aneigov oîôv xe
..
levai .. y.ai ènl rov xi fjv eïvai ô' chaavroeç.
(2)Ibid.,2,m4al—blO.
(3) On peut se demander comment saint Thomas n'a pas été arrêté, dans son
interprétation d'Aristote, par la pluralité des « principes » auxquels se. réfè-
re ici le Stâgirite. C'est, semble-t-il, qu'Aristote indiquait lui-même le moyen
de ramener ces principes à l'unité. Comme, en matière de cause, il est impossible
d'aller à l'infini, on devait donc admettre une cause première et universelle,
e - par suite unique, de tout l'être. — Quant au problème que pose, eh ello-même,
la pluralité de ces principes premiers, ncus aurons à y revenir plus loin.
(4) Le R. P. Lagraiige (Revue thomiste, Juill. 1926, p. 305) écrit, à propos'
de Meta., A, 10, 1075 b 37 : cbç xo y.ivovv noiEÏ(Aristotë argumente contre
Platon et montre que ni,les Idées, ni les nombres ne peuvent être principes
premiers, parce que, faute d'être susceptibles de la contrariété, ils ne pourraient
ARISTOTË ET LA NOTION/DÉ CRÉATION 215
.

B. Metaph., T 1,1003 a 20-32. S.


La métapl^sique,écrit Aristotë, a pour objet l'être en tant qu'être
et tout ce qui lui appartient comme tél. Elle est donc la science des
causes premières deTêtr.è (I).— UnetellefôrmulesdansIë^:ocabulaire
de saint Thomas, ne risquerait pas d'être mal entendue : là cause
première de l'être, en tant que tel, c'est Dieu. Aussi, certains philo-
sophes se sont-ils- parfois' fondés sur la formule,; ut verba sonaiit,
pour prouver que/selon Aristotë, «il y a des causes de l'être en
tant que tel, et non pas,seulement des causes de changements et
de phénomènes » (2). Or;' cette interprétation, non; seulement le
contexte d'Aristpte ne la justifie pas, mais il la contredit formelle-
ment.
.
En' effet, deux remarques .s'impqsehL D'abord, il est question
non de la cause suprême, mais des causes « les plus profondes » de
l'être en tant que tel (ràg ô)KQOTdtq$:_à,fa{aç), Ensuite, ces causes

produire le mouvement. Or, le moteur produit...) : « Pourtcnt Ariftotè semble


dirS.il dit même en termes exprès, que le.moteur produit ». Ce texte, le R. p.
Lagrahge n'y voit qu'une manière de parler, à né pas prendre à la lettre. Mais
il. est aisé de voir qu'il n'a pas même le sens diminué pu métaphorique qu'il
lui attribue. Aristotë rie dit pas, en effet, que le moteur produit,- purement .et
simplement, dans le sehs.de créer, mais qu'il produit telle chose,/à savoir.-que'
les nombres, ou l'âme et lé corps, ou, en général, la matière' etlafornie, soient un •
eri rivi ol âgiQjiol ëv i) fj y>vxfj y.ai ro acôfia xalbXcog xo ëïôoç se al xo
Tigâytia, opêèv Xéyei.j)iôe]îç (1075b 34-35),-^ Cf.H. G, 1045:a'3p, où Aris-r
totè montre que matière et forme sont ordonnéesl?une àl'àutre et ne requièrent
qu'une cause efficiente (à savoir, cette activité productrice du moteur dont il.
vient d' être question) pour s'unir. .'
Quant au fragment d^Aristpte, rapporté par .Sirhplicius, C'est une approba-
- tien de la doctrine platonicienne des degrés : ;
« En
général, écrivait le Stâ-
girite, là où se trouve du plus ou dumoins, là existe le parfait. Si donc il y a
dans les êtres tel être meilleur que tel autre, il faut qu'il existe quelque chose
de parfait, qui ne peut être que.le divin » (Cf. Fouillée, îa Philosophie dePlàicn,
t. I, p. 66). C'est lieu sur un tel argument que saint Th créas fcndela quartavia,
mais, on lie voit pas que cette application ait été faite par Aristotë.
(VjMêtaph.,.T,l,1003 'a 20-30 :vEcxivètticxtf/j.'iixiçiîjfyoeget xnov ^ cv liai
xà iovxa> vndg%ovxa siaÙ'' avx ënEi:8ëxàçâg%àç xal xàç âxgoxa-i
...
xaç alrtaç Çrjroviisv, djjX^ov cbç (pvàecbç riroç avràç âvayxatov_ sîva
xad' avxijv, el .ovv xaloixà taroi%ela x&v iïvxcov ÇrjXovvxeç xavxaç xàç
ao>Z&Ç êÇifrow, âfdyxii xal rà axoi%eïaxovlOvroçsïvaijirjrxàxà avfîpe-

';"/-.
fifjxoè âXX.' fj ov. ôiô y.ai rjfiïv rov ffvxôç fyov xàç jiQcbxaç alxiaç X^]7i-
xéov. —. Cf. E, 4, 1028 a 2-4;
..(2) A, - D. Sertijlapges/Safnt Thomas d'ig-Kzn, t.> I, p.'281.:
216 R.'jOLIVET

lés plus profondes, qutAristote désigne aussi par le nom. si expressif


de OToi%eïa, éléments ou ingrédients, ce ne sont encore que les
causes de la génération subluhaire,qui rendent compte non que
T'être. soit, mais quil soit tel, c'ést-à-dire substance et telle substan-
ce. Ce ne sont donc même pas lès âo%a!. ou principes extrinsèques
du mouvement qui sont ici en jeu, mais simplement les alxiai ou
causes intrinsèques du mouvement : « l'être, dit Âristote, se dit de
multiples façons, mais tout revient à un principe unique, car l'être
ne se dit que des substances ou par rapport aux substances, à sa-
voir des passions delà substance on. de ce qui est principede passage,
à la substance, ou génération substantielle : corruptions, privations,
qualités, toutes choses qui sont productrices ou génératrices des
substances »(!). Oh ne peut pas être plus loin de l'idée de création,
puisque, ce qu'ils'agit d'expliquer, c'est,conformémentà la doctrine
du de CoeloetdvL.de Generalioneêtèormplione (2), comment les élé-
ments naissent lès uns des autres par le moyen de la génération cir-
culaire, c'est-à-dire, purement et simplement, le devenir (3).

3. L'efficience du premier moteur.

Il y â, dans lé dé Coelo-, concernant le premier moteur un texte


d'une magnifique éloquence : il est, écrit Aristote, la fin qui con-
tient toute la vie universelle, qui enveloppe tout l'être, éternel,et,
de la même manière, fin de tout le ciel, perfection qui déborde l'in-
finitude du temps, dont le nom est l'être éternel, immortel et divin.
C'est de lui que dépendent, dans leur être et dans leur vie, tous-les

(i)Mélaph.t.T,2,1003 b 5-10 :oëxa> ôè xalxoov X.EyÉrâi ïioX.Xwy.wç/lEvâX^X'-


anav ngàç jiiav âgxvv ' rà jièv yàg Sri ovaiai, ovra X^ëyerai} xà ô' ô'xi
ndOti ovaîaç, xàô' oxi oôoç EIÇ ovaiav fj q)Qogaiiî]axegfi"0Eiçfi:-nôi6r
rcrjXEç ?j noïï]Xixà tj yevvrjrix'à opaîaç i) roev ngbiç'rr\v ovàlàv XEyfipe--.
MOT.... : -
(2) Ct.de Coelo, III, 6 ; de
.
Gen: et Cor., II, 4. '"'' '.;£.' ;
(3) M. J. Maritàin simplifie grandement, et/arbitrairement, lé problème/lors-
qu'il écrit (Les Lettres, Avril 1920, p: 97 : « Ces principes ou causes suprérées;-
sont, comme le montre toute la Métaphysique d'Aiïstote, là cause première
et la fin ultime-».'=—Lé contexte,, comme, on vient/dejeyoïr^/nénouslaissé.,
même pas la ressource.d'avancer cette opinion par màhière d'hypothèse, puis-
.
:
qu' Aristote précise ce qu'il entend par « causes dernières » ou f profondes »,
Jt savoirTes principes intrinsèques delà génération, ' '-"J '."
ARISTOTE ET LA NOTION DÉ CREATION ; ;
217
-

autres êtres^.On pense à la parole dé saint.-Paul,dans .son discours,


devant l'Aréopage : « In eo vivimiis, Movemur "et sùnms » (£). Ce
texte,, en effet, pris à part, isolé du mouvement général dé la pen-
sée âiistotéUciènnè, ; pourrait passer pour une affirmation de la
création, et c'est bien ainsi que l'interprète saint Thomas (3). Mais
après tant d'occasions manquées de conclure à l'acte créateur, com-
ment croire qu'Aristote l'ait fait ici avec cette netteté? Certes,
%o eîvai, est opposé fortement à Çrji>,comme la substance à ses
modalités. Texte obscur, malgré tout,et que l'ensemble, de TceUvre
aristotéhcienne frappé d'une légitime suspicion. ;

,/ -"Mais, le sens exact en est-il même obscur ?Ce ^o swat ne désighë-t-


il pasla génération substantielle proprement dite, par opposition
à la mutation accidentelle? C'est en ce sens que nous avons toujours
vu Aristote définir le valeur duv: terme' elyca. Etre, pour lui, ce
n?est jamais, simplement venir à l'être par l'effet dé l'acte créateur,
mais devenir substance et telle substance, car l'être se dit propre-
ment des substances : « Il est nécessaire, d'après ce qui a été/dit,
qu'il y ait plusieurs sortes de chângéjnents, à savoir : lé changement
d'un sujet à un sujet, le changement d'un sujet à un non-sujet,
le changement d!ùnnon-sujet à un ;sujet et le changement d'un
non-sujet à un non-sujet » (4). Or la génération proprement dite,
c'est le passage èit rov f/,rj ôvtoç qjtlçoç sic ovaiav : le passage
de tel non être substantiel à tel être substantiel, c'est-à-dire la; gé-
nération substantielle, « selon laquelle nous disons purement et
simplement qu'il y a génération d'un être.» (5) et le non-être, qui

(1) ï â;22: xal yàg xovxojrovvojia ÔEICOÇ ëq>6syxxai nag à


de Coeto,9,27-9
rtôv àg%alçov. Ta yàg xéXoç xo negié%ov'rov xfjç. êxâàxov Çcorjç xgôvov,,
bî firjdèv ë£cù xàxà tpyaiv, alcbv exdoxpv xéxXrjXài. Kâxà xàv avxbv
ôè X.6yov xal rô rov siavrôç ovgavov XéXoç xal xo rbv'jiâvra xgôvov
xal xfjv âiïeigîav ttegiÉxov réXoç alcov èariv^ ânb,xov âsi slvai EiX.rjqxbç
ri-jv Eitmvv/iîai>:} àQavàroç xal Qeïoç.. "Odév xal iotç âXXoiç êirjgxijXai,....
xçlç jÂfèv âxgifîéaxsgpv, xoïç è' àjxavamç, rô slvai re 'seâl'Zfjv;-
''(2) Actes, XVII, 28, "./
.
(3) Nous avons déjà cité ce passage de son Commentaire, ci-dessus p,212,
:ii,"4.- .'•' -y--''
-
".'''.''': ""
' :
' ,:'.
(4) Phys.,~V, 1, 224 h. 35 :- 'Ensl ôè 7iâaa[iExafJo?iî]£orlvëxrivoçsïçxi...
jj-éxap.dXXoi âv xb jxèxàfïàXXiOv xexga'x&ç • rj yàg êS vnoxEi/iévov EÎÇ
vïioxsî//,evov! i] ~èt; vitoxeipiÉvov eîç fifj vnoxEÎjïevov, fj bvx ef, VTIO-
XÉÎ/XBVOV eîç jur] vnbxsîfievov.
(5) Pliys., V, 1,225 a;16 : xad' fy' dttXmç-yiveoÔql xal ov.rl vîvsâOai Âé*
yàfisv. — Gî.de Qen etCor., 1,2, .'.'.-" "...".--.
218 R. JOLIVET

est le point de départ de la génération n'est pas le néant absolu,


mais ce non-être qu'est la matière première (1).
Ainsi, le texte du de Coelo doit s'entendre non de la création, mais
uniquement de la génération, non de la production de l'être, mais
seulement des transmutations substantielles à partir de la matière
première (2).
On doit faire la même observation touchant le passage du livre A
de la Métaphysique, où Aristote écrit qu'Anaxagore et Hermotimus
de Clazomène se sont élevés à l'idée de la vraie cause de l'univers,
en posant le Novç comme principe d'être des existants (3). Tout
le contexte indique que l'être dont il s'agit ici, ce n'est pas l'être
tout court, mais seulement l'être substantiel. D'ailleurs, saint Tho-
mas, qui aurait pu s'appuyer sur ce texte pour en déduire qu'Aristote -
avait envisagé la doctrine de la création, ne le fait cependant pas :
il ramène très justement la remarque d'Aristote à ses modestes
proportions, telles que le contexte lui-même permet de les définir,
puisqu'Aristote précise que le mérite d'Anaxagore consiste à avoir
découvert la cause des êtres, « c'est-à-dire la cause du mouvement
de la nature » ( odsv r\ ydvqaiç ). (4).

4. La connaissance de l'univers.

Non, vraiment, l'idée de création n'affleure même pas chez Aris-


tote, et nous croyons qu'il n'a même pas pu la nier, comme on l'en
a accusé (5), n'y ayant jamais songé.

-xal ôiàxi rovôe yéveaiv elrai avvs-


(1) De Gen. ci Corr. I, 3,319 a 18
Xâ>; alria coç vX.r) rô vnoxsifievov Sri /.lexafiXiixixbv sic xâvavxia...
(2) Metaph.,A,7, 1072 b 13 :èx roiavnjç âga âgxjjç tjgxijrai o ovgavôç
xal i) qivaiç ne signifie évidemment rien de plus que le texte du de Coelo : il
n'y est pas question d'une dépendance d'être proprement dite, c'est-à-dire de
création.
(3) Metaph., A, 3,984 b 20-22 : ol /lèv... rov xaXoeç rf]V aïrlav àgyjp' sl-
vai r&v ovrcov ëOeaav.
(4) In I Metaph, lect. 5, n. 100 : « Dicit ergo quod post praedictam rationem
apparuit aliquis dicens intellectum esse in iota natur'a... et ipsum esse.causam
mundi et ordinis totius, idest univers), in quo ordine consistit bonum totius, et
uniuscujusque... Unde patet quod illi qui sunt ôpinati sic, simul posuerunt
idem rébus esse principium. quod bene haberent se, et quod esset unde prînei-
pium motus ».
(5) Le texte de ce Coelo, I, 10, 279 b 12 sv., se borne à montrer que, si le
pionde a été engendré à un monient donné de la durée (à savoir, à partir du
ARISTOTE ET LA NOTION DÉ CRÉATION >
219

C'est en fonction de cette absence, de l'idée de création qu'il faut,


à notre avis, interpréter les textes par lesquels Aristote dénie, ou :

semble dénier à .Dieu, toute connaissance du monde. A la, vérité, les


textes du livre A de la Métaphysique ont une tournure catégori-
que, qui paraît ne laisser aucune placé a la discussion. Lé premier
moteur, écrit Aristote, meut à titre d'objet aimé,et ce.qui est mû
par lui meut tout le .reste (i). Principe du mouvement, par l'attrait
qu'il inspire, le Dieu d'Aristote, n'étant pas conçu comme auteur
de l'être, ignore, et doit ignorer tout ce qui n'est pas lui, et jusqu'à
.
ce mouvement qu'il produit, car, immuable essentiellement, s'il
connaissait les choses, il changerait.avec elles (2),et en deviendrait,
d'une certaine manière, dépendant, alors qu'il ne peut être, par sa
nature même, que-souveraine indépendance (3); il ne peut être
qu'étranger à la science du devenir, qui comporte la connaissance
du mal avec celle du bien, ce qui ternirait le pur éclat de la Pensée.
Il se connaît lui-même/et cela suffit. Il est la pensée de la Pensée(4).

chaos, Aristote visant/principalement Flatcli,. dont Jâ position .est résumée


IMrf., IIÎ, 2, 300 b 17:: .xaBdneg êv x@:Ttpaim~ yéygàmXai, TTgîvyè-
i>éa8ai xàv xoa/j,ov êxiVEÎxo rà oxoixsïa âxâxxcoç), il est nécessaire-
ment corruptible. L'hypothèse de la création n'y est.pas envisagée. •—- Quant
à de• Co-lo, III, 2, 3Q1 b 31 : "On ô' oîîrs ndvrmv èarl yéveoiç ovQ' ,
âjtXcoç ovôsvôç, ôjjXov èx x&v TiQOEigrj/iÉvcov'âdvvaxov yàg jiayrbç
a&fiaxoç slvai yivËaiv:, EÎ fir\ xal xsvèv slvai xï ôvvaxbv xe%cogioné-
.
vov} —. le contexte marque à l'évidence "qu'il, ne-.s'agit pas/ de création
•ex nihilo, puisqu'Aristote objecte contré l'hypothèse d'une génération
universelle qu'elle Supposerait le vide à part dès corps, c'est-jà-dire un lieu non
remplipar des corps. Un corps peut provenir d'un corps ; mais s'il ne préexiste
aucune quantité, il n^y a pas de génération possible.-Cette argumentation inlr
plique-t-elie le refus de l'idée de création? Ëh aucune manière. Elle montré
-seulement qu'une telle hypothèse ne s'offrait pas à la pensée du Stâgirite : .

iln^argumente j aurais qu'au point de vue 4e la génération, et, içiï il ne fait que
montrer que la génération est inconcevable à partir; du.néant de tout corps,
Ceux qui soutiennent une telle génération, :dit-il, bjpotEsicntle vide, comme là
substance première dont toutes choses corporelles sont sorties : position/d'une
criante absurdité; '""-
(1) Métdph.,/1,7,107a"-B -3 txïvsî .d>ç sgo)psvov,xivovjxEva,âè' xaX'Xà .xivst.
(2) Ibid., 9, 1074 b 25.:, SfjXov xoîv.vv Sri rb Osiôxaxôv xal xi/j/id)-
xâxov vosï, xal ov pisxafiàXXei • sic %slgov yàg j; fiexafioXij, xal xi-
vrjffiç Xiç jjôf) xb, xoîovxov.
(3)•Metaph.,A, 7* TJ372- a 25 : ov xivovfievov xivsï... .1072 b 7 : âxïvrj-
xov ov- "/'..-
(4) Ibid.,9,1014 b 3i ixalyàg xb vostv xal fj vàrjoiç •vjtdgisi xal.xà
.xsÎQtàro.v voovvrij tû-ffT' et yevxrbv. ravrp (kai yàg pr) SQÂV. ëviq xgej-ç-
.
220 R. JOLIVET

Ces textes sont clairs (l). Nous verrons plus loin que saint Tho-
mas en a fourni une explication compatible avec une doctrine théis-
tique. Mais d'abord, éyitons de ramener à ces seuls textes toute la
pensée d'Aristqte sur la connaissance dans le premier moteur. Il
y en â d'autres, qui ont un autre sens, et qu'il n'est pas permis de
négliger. "
C'est ainsi que, dans un passage du livre B de la Métaphysique,
Aristote critique l'opinion d'Ëmpédoclc, qui, se fondant sur ce
principe que lé, semblable ne connaît que le semblable, en tirait
(ou aurait dû en tirer); cette conséquence que Dieu ne connaît pas
l'un dès éléments dû Cosmos, à savoir la h aine. Voilà donc, rétorque
Aristote, un Dieu, qui est, par définition,-le plus heureux de tous
les êtres ;(2), et qui a une connaissance moins étendue que ses infé-
rieurs (3). Il y a là une contradiction que l'on ne peut admettre (4).
La même doctrine se trouve exprimée dans le de Anima (5).
D'autre part, pn avouera qUelorsqu'; Aristote parle de Dieu comme
du chef d'une armée- ou encore d'un conducteur de peuples (°),
ces expressions semblent bien impliquer qu'il accordaiL au premier
moteur là connaissancede l'univers, Aussi saint Thomas déclare-t-il :
« Il est ainsi évident qu'Aristote regarde comme incompatible avec
la nature de Dieu et comme contraire à la perfection du bonheur

rov fj'ôgm>)} ôvx âv sïr\ xb àgiarov fj vôtfoiç- aprôv agà yoeï}EÏJiBQ êàxl;.:
rô xgàxiarov, xal ëâxïv i) vô-naiç votfascoç vorjaiç. '
(1) Voir, dans le même sens, De Coelo, 292 a 22, b 4, — Èth^ Nie., 1158 b 35/-/-
1159 a 4,1178bip, — PoL1325b28. :, .
(2) SaintThomas (In III Metaph., lect. 11, n. 476) glose: « Dicit qûod cum
Empedocles poneret odium non esse de compqsitione Êei, acçidit secùpdum ra-
tiones ejùs,;quod Deus, qui est felicissimus secundumoniniàxlictà, et'pér.jconse-::
quens maxime cognoscèns », ce qui est tout-à-faitjuste, du point de vue d'Àristôté-
lui-même, puisquele bonheur, selon la doctrine du livre X de VEthiquc à Ni-.-
comaque, consiste en la perfection de la connaissance: /. -. //--/".''.
(3) Metaph., B, 4, 1000b 3 : ôiby.al avj$aivsia.vr&} TOI', eêôaiiiovêa-
xarov ®sov/fjxxov q>gôvi/iov slvai x&v -aXXçov ' ov yàg-yvmgiÇsi. anav-
•xa xb yàg'vEïxoç ovx's%si, tf Se yvmàiç xpv ô/ioipv rçp-bjfioifj}, ,;
" ;.

(4) Cf. la, q. 14, a.'H : « CognOscrere aùtem sirigularià.përtinet ad perfec--


.
;

' tionem nostram,; Unde necessë est quod Deus singularia-coguoscat.. Narii et/
Philosophus pro inconveniënti hàbêt quod aliquid cpgnpscatur a ,npbis, quod.
non cognoscatur a Deo.Unde contra Empédoclem arguit, irtl dëÀninia et in/
III Metaphys., quod accideret Deum esse imperfectissimum, si discordiani ig-
.noràreti». -, :.-,i '.
(5)'410b 4; /": '-. ';- "V"
;;

'/.-;-'''.r
'-"
.. .
(6) Metaph.,A, 1075i .a 14 ; 1076 a 4,
, \
ARISTOTË ET LÀ NOTION BË CRÉATION 221

divimque ie premier moteur ignore quelqu'une des choses que nous


savons» (*).
Il faudrait donc attribuer à Aristote une doctrine contradictoire
sur cette question. On y serait même d'autant plus obligé, que les
deux aspects opposés delà pensée aristotélicienne, touchant la
connaissance que Dieu a du monde, se rencontrent, simultanément
auiivre A de la Métaphysique, lequeL représente une forme très
élaborée du système d'Aristote. —On y serait obligé, disons-nous, à
moins qu'il y ait un moyen de concilier ces textes apparemment
contradictoires. Or, a priori, nous devrions, semble-t-il, l'admettre,
s'il est vrai, selon le mot de Pascal, quetput auteur a un sens auquel
tous les passages contraires s'accordent : Aristote mérite bien de
bénéficier de ce juste principe d'exégèse !—Mais, en fait, plu-;
sieurs considérations nous inclineraient à penser que ces textes
différents s'accordent.
En effet, à trop forcer sur le premier groupe, où Aristote dénie
à Dieu la connaissance de l'univers et l'enferme en sa hautaine
solitude, on risque d'introduire l'incohérence dans la doctrine aris-
totélicienne du premier moteur. On insiste particulièrement sur cet-
te observation du Stâgirite que l'immutabihté divine serait com-
promise par la connaissance du mouvement sublunaire. Mais si le
premier moteur, comme il faut bien l'admettre, nous l'avons vu,
d'après Aristote lui-même, est cause efficiente de ce mouvement,
la connaissance qu'il en a coïncide exactement avec sa causalité
efficiente et n'introduit donc en Dieu aucune mutabilité : de mê-
me qu'il meut sans pâtir du mouvement qu'il communique, il
connaît sans pâtir des choses qu'ilconnaît.
Quoi qu'il en soit de cette possibilité d'accorder les textes d'Aris-
tote, saint Thomas interprète ceux du premier groupe en ce sens
que Dieu, selon le Stâgirite, ne connaîtrait pas les choses" en elles-
• mêmes,
mais dans sa propre essence, seul objet de l'intelligence di-
vine.: « Il faut considérer, écrit-il, que le Philosophe a l'intention
démontrer que Dieu ne connaît autre chose que lui-même... Mais,

(1) In III Metaph, lect. 11, n. 476 : « Sic igitur patet, quod Aristoteles repu-
tat inconveniens, et contra id quod ponitur Deus felicissimus, quod ipse ignoret
aliquid eorum, quae nos scimus ». — On ne peut pas ramener l'argumentation
d'Aristote à un simple argument ad homincm; puisque, précisément, c'est lui,
et non Empédocle, qui déduit cette conséquence que Dieu ignorerait quelque
chose. De cette conséquence fausse, il conclut à la fausseté des prémisses.La
forme de l'argument est donc véritablement apodictique. -
222 R. ,TÔLÏVÉT

il ne s'ensuit pas que Dieu ignore tout ce qui n'est pas lui, car, éli-
se connaissant, il connaît tout le reste. C'est, en effet, évident :
en .Dieu, l'être est identique à la connaissance, et comme cet être
est ce qu'il y a de plus élevé et de plus parfait, il est nécessaire que
sa connaissance soit absolument parfaite. Or, plus un principe est
connu avec perfection, plus ses conséquences sont cpnnaissables
en lui, car les conséquences sont virtuellement contenues dans le
principe. Donc, puisque du premier principe, qui est Dieu, dépen-
dent et le ciel et toute la nature, comme on l'a vu, il est clair que
Dieu, en se connaissant lui-même, connaît aussi toutes choses » (*),
Commentaire d'une magnifique bienveillance f ou, si l'on veut,
d'une merveilleuse logique, fondé tout entier sur les principes les
plus certains d'Aristote. Comment concevoir, en effet, que tout l'uni-
vers soit attaché au premier moteur, et que celui-ci ignore cette
dépendance, même réduite au mouvement? Comment croire que
l'influence du premier moteur soit absolument inconsciente? Un
influx de ce genre serait-il signe de perfection, ou, au contraire,
et plus justement, marque d'imperfection? Car, si le premier
moteur ignore l'influence qui procède de lui, il est impossible dé-
sormais de dire qu'il se connaît parfaitement. Il s'ignore lui-même :
«Pour qu'une chose soit parfaitement connue,écrit saint Thomas,
il faut que l'on connaisse parfaitement sa puissance. Or, on ne peut
connaître parfaitement la puissance d'un être, sans connaître les
choses auxquelles s'étend cette puissance » (2).

(1) In XII Metaph., lect. 12, n. 2614 : « Consideranduhl est àiitem qiïôd Phi-
losophus intendit ostendere quod Deus non intelligit aliud,sed seipsum... Née
tamen sequitur quod omnia alia a se sint ei ignota : nam ihtélligendo se, intelli-
git omna alia. Quod sic patet : cum enim ipse sit ipsum suum. intelligere, Ipsum
autem est dignissimum et potentissimum, necesse est quod, suum intelligere sit
perfectissimum; perfectissime ergo intelligit seipsum.,. Quanto autem aliquod
principium perfectius intelligitur, tanto magis intelligitUrin eo effectus. ejus ;
nam principiata continentur in virtute principii. Cum igitur a primo priricipio
quod est Deus, dependet eoelum et totanatura, ut dictum est, patet quod Deus,,
cognoscendo seipsum, omnia cognoscat. » —Cf. Ia, q. 14, a. 5 : In I Sent.,
d. 35. a. 2 ; de Verit., q. 2, a. 4 ; I C. G., eh. 48 et 49.
(2) la, q. 14, a. 5, in c. : «Necesse est Deum.cognoscërealia a se, Manifes-
tum est euim quod seipsum perfecte intelligit ; alioquin suum essè non esset
perfectum, cum suum esse sit suum intelligere. Si autem aliquid perfecte cog-
noseitpr, necesse est quod virtus ejus perfecte cognoscatur. "Virtus autem ali-
cujus rei perfecte cognosci non potest, nisi cognoscantur ea ad quae virtus se
extendit. Unde, cum virtus divina se extendit ad alia, eo quod ipsa est prima
causa effective entium... necesse est quod Deus alia a se pognoscat».
ARISTOTE ET LA NOTION DE CRÉATION 223

Mais toute cette argumentation, - si pressante soit-elle, re-


pose plutôt sur la logique immanente au système du Stâgirite.
En fait, elle est telle cependant qu'elle nous interdit d'admettre
comme une chose certaine qu'Aristote ait véritablement voulu
refuser au premier moteur la connaissance des choses de l'uni-
vers. Quant à l'opinion contraire, les textes, qui se heurtent,
ne permettent pas davantage de la tenir sans réservés ou
hésitation. Il nous semblerait plutôt que la pensée aristote-'
licienne reste incertaine et n'arrive à se fixer ni en un sens
ni en l'autre. Pour saint Thomas, qui opine que le Stâgirite s'est
élevé à l'idée de création, l'affirmation que Dieu ignore l'univers
apparaîtrait nécessairement comme-un non-sens. Mais, si nous avons
dû reconnaître que la notion de création est étrangère à la pensée
aristotélicienne, l'incertitude ou l'hésitation du Stâgirite touchant
le problème de la connaissance du monde, dans le premier moteur,
nous paraîtront, non seulement moins étranges, mais plausibles. Ce
n'est donc pas de ces doctrines, puisqu'elles oscillent entre deux
thèses opposées, que procède, chez Aristote, l'ignorance de la créa-
tion, mais de l'ignorance de la création que naît, à leur sujet, le
flottement de la pensée aristotélicienne. Faute d'avoir reconnu
.
l'essentielle dépendance de l'être même de l'univers par rapport à
Dieu, le Stâgirite oscille entre deux conceptions qui comportent
chacune, du point de vue si incomplet où il se place, leurs diffi-
cultés : que le premier moteur ignore le mouvement qu'il produit
sa perfection est compromise, car ignorer, c'est être imparfait. Mais,
qu'il connaisse ce mouvement, son immutabilité n'est plus, assurée,
car il en dépend quant à la connaissance, du moins en ce qui est
contingent, c'est-à-dire en ce qui touche à la matière prime, qui,
dans son être, échappe totalement à la puissance du premier mo-
teur. On conçoit, en effet, comme nous le montrions plus haut,
que la connaissance du mouvement nécessaire des espèces sublu-
naires, comme du mouvement circulaire des sphères, n'introduise
aucune mutabilité dans le premier moteur: ici, connaissance et
efficience sont identiques, et, d'autre part, le mouvement circu-
laire équivaut, d'une certaine manière, à l'immobilité. Mais le
pur contingent, l'irrationnel, le mal, tout ce qui est rebelle à la
persuasion de l'Intelligible et du Bien suprême, si Dieu le connais-
sait, il en dépendrait, et changerait avec les choses changeantes ^).

(1) Cf. l'affirmation de. Métcph.,A, 1074, b 32 : « il y a certaines choses qu'il


est mieux de ne pas voir », /
224 R. JOLIVET

Nul moj^en, pour Aristote, de concilier ces points de vue contraires,


et l'hypothèse, que nous faisions d'abord, d'un accord possible,
décidément s'avère fausse à Texâmèn. Plus exactement, ce qui
est faux, ce sont les deux affirmations, unilatérales et exclusives,
soit que, selon Aristote, Dieu connaît l'univers, soit qu'il l'ignore
absolument. Ces deux assertions yâlent également du premier mo-
teur, dans le système dû Stâgirite, mais de points de vue différents :
il y a des choses que Dieu connaît, et d'autres qu'il ne connaît pas
et ne/peut pas connaître;
En somme, que manqùe-t-il à Aristote? Ce n'est pas, comme on
l'a dit, la notion de l'efficience du premier moteur, mais la notion
d'une libre causalité en Dieu. DieU agit, c'est certain, mais nécessai-
rement Le: mouvement qu'il produit,Vil ne peut pas ne pas Je
"produire, et, par là, il lui échappe d'Une certaine manière, car il
n'y a d'indépendance véritable que par la liberté. C'est le point
: sur lequel saint Thomas insiste fortement au livre I de Coelo : « Con-
sidérons, dit-il, que: toute l'argumentation d'Aristote n'atteint "que
ceux qui prétendent que le monde a été fait par génération, et qu'il
est incorruptible, soit par lui-même, soit par la volonté de Dieu.
Quant à nous, hpùs/disons, conformément à la foi catholique, qu'il
a commencé d'être, non par génération, c'est-à-dire par mode de
nature,: mais par dérivation à partir du premier principe, dont la
puissance n'était pas contrainte àiui donner un être d'une durée
infinie, mais agissait librement, en le créant en sa nouveauté ra-
dicale, de telle sorte que iût manifeste l'excellence de la puissan-
ce divine sur la totalité de l'être,, en tant que cette puissance
n'était aucunement enchaînée ou déterminée à la production d'un
tel être » Q).

(1) In I de Est autem considerandumquod pràedictae


CoeZoTect. 29, ri. 12 : «
rationes Aristotelisprocedunt contra positionem ppnehtem mundum esse f actum
per generationem-et.etiam- esse iricôiruptibïlçm vol per se veljp.çr-voluntatém.
.
Dei. Nos autem sècundum îidcih catholicam pdnimus qùodlncpepit essëVpop.
quidem per geueratiOnëm quasi a natura, sed effluens a"primo;priiicipib,.c.ujùs
potentià non erât alligata ad dandùm ëi esse infinito'tempore, sed sècundum
.quod voluit, postquam prius non fuerat, .utmanifestetur excëileiitia ylrtutis
ejus supra totùm élis ;, quod scilicet totuni eus tarittré .deperidet. àb ipsOj «et
ejus virtus non est alligata veldcteiminata ad productionem totius eiïtis»..'/
LecohréientairequesaintThomasfaitdëdé.Coefo,l,9,279bi. '.xal anav'àxav\
ô'j) xivi]Oiv xivsîraïsvXéycoç navra yàg navsxaiHivotijiEva} oxavsXQj]

sic rov oly.slov xônov • '.i'ov d,é,«tf»!Aiù.-<rt6,^-atbç;S'.;'aé,TÔs-'--Tio^p^'/S0^,:'^gV'.


Caro xal sic Sv xeXEvrâ est bien eurieux et suggestif.A la remarque d'Aristpte-
ARISTOTE ET LA NOTION DE CRÉATION 225;

Il est vrai que, dans son commentaire de la Métaphysique, saint


Thomas s'efforce de montrer que le texte d'Aristote conduit à rat-
tacher le mouvement universel à la volonté du premier moteur:
Aristote explique ici, dit-il, que la nécessité du premier mouvement
n'est pas une nécessité absolue, mais cette/nécessité qui vient dé
la fin (c'est-à-dire de Dieu), en tant que :1e mouvement signifie
assimilation à la fin. Or, l'assimilation à ce qui possède volonté et
intelligence, •— et Dieu est tel, comme le montre le Philosophe, :—
se fait par la volonté et l'intelligence, de la même manière que les
oeuvres d'art deviennent semblables à l'artiste, dans la mesure où
la volonté de l'artiste se réahse en elles. Il s'ensuit que toute la né-
cessité du premier mouvement est soumise à la volonté de Dieu(x).—'
Cependant, d'une part, le texte d'Aristote^ que nous avons déjà"
rencontré (2), ne fait aucune mention, même par allusion, d'une
activité volontaire et libre, dans le premier moteur, et, d'autre
part, saint Thomas laisse entendre assez clairement que, cette doc-
trine de l'activité libre, il la déduit du texte d'Aristote, beaucoup
;
plus qu'ilne la trouve exprimée dans ce texte.

que le premier moteur produit un mouvement incessant dans le premier mobile


(le premier ciel), parce, que la nature du mouvement circulaire est telle qu'il
est impossible .d'y marquer un point d'arrêt,saint Thomas ajoute qu'Aristote
ne donne cette raison que pour problable (eëXéywç), car on pourrait dire aussi
bien que la pérennité du mouvement du premier ciel résulte, non de la nature
de ce mouvement, mais de la volonté du premier moteur : « Et est attendendum
quod haec ratio non ex nëcessitate concluait. Potést énim diCi quod motus coeli
non cessât, non propter naturam lpci, sed propter/voluntatem moventis. Et
ideo, non inducit eam tanquam necessariam, sed tanquam probabilem » (In I
de Coelo, L. 21, n. 14). Seulement, cette hypothèse n'est pas d'Aristote : saint
Thomas le dit nettement. Mais elle n'est même pas suggérée par le eontexte,car,
si le terme d'EVP.6y coç laisse la porte ouverte à une autre doctrine, c'est d'une
manière très indéterminée. — En tout cas, on pourrait s'appuyer très légitime-
ment sur des textes de ce genre pour montrer que l'aristotélisme reste ouvert
à un achèvement créationniste : les ponts n'y sont pas coupés et l'ignorance né
s'y fait pas agnosticisme,
(1) In XII Metaph, lect. 7, n. 2535 : « Attendendum est aùtem, quod cum
Aristoteles hic dicat, quod nécessitas primi motus non est nécessitas absoluta,
sed nécessitas quae est ex fine, finis autem principîum est, quod postea no-
mmât Deum, inquantum attenditur per motum assimilatio ad ipsum ; assi--
milatjo autem ad id quod est volens, etintelligens, cujusmodi ostendit esse
Deum, attenditur sècundum voluntatem et intelligentiam, sicut artificiata
assimilàntur artifici,inquaiitum in eis voluntas artificis adimpletur : sequitur
quod tota neeessitas primi motus subjaceat voluntati Dei».
- (2) 1072 b 10. .
REVUE DES SCIENCES. —T. XIX., FASC. 2. —15.
226 R. jôLiVËï

Ainsi, la doctrine d'Aristote, touchant là Connaissance que Dieu


a du monde, ne nous paraît intelligible qu'en fonction de l'ignorance
de la création. Nous ne dirons donc pas qu'elle empêchele Stâgirite
d'aboutirjamais à la notion de l'acte créateur (x), mais plutôt qu'elle
manifeste de la manière la plus certaine le manqué, au sommet du
système d'Aristote, de cette notion capitale.

5. Nouvel aspect de la doctrine de l'éternité du moacle.

C'est encore en fonction de cette ignorance de la création qu'il


faut entendre les textes d'Aristote concernant l'éternité du monde:
La doctrine de l'éternité du monde, nous l'avons dit n'exclurait
nécessairement ni la possibihté,ni la nécessité de la création de tout
l'être par Dieu. Mais il faut aussi considérer la manière dont cette
doctrine se présente, dans l'oeuvre dû Stâgirite.
Saint Thomas a bien yu quel'argumentationd'Aristote hé tendait
pas seulement à démontrer la fausseté des hypothèses dés « natura-
listes », mais qu'elle avait pour but de prouver là nécessité àe l'éter-
nité de l'univers. Si les Commentaires de la Physique et du de
Coelo s'efforcent de décharger Aristote de cette doctrine malencon-
treuse, ailleurs, saint Thomas signale le vrai sens des textes aristo-
téliciens. En effet, si, en soi, comme saint Thomas le remarque
constamment, l'argumentation d'Aristote est décisive contre les
philosophes naturalistes, et, en général, contre tous ceux qui sup-
posent un commencement par mode de génération, il est trop évi-
dent, et il n'a pu échapper a saint Thomas, qu'Àristote ne se borne
pas à discuter ad hominem. Nous avons montré plus haut qu'il
refuse d'admettre (2) qu'Aristote ait présenté l'argument du temps
comme démonstratif de l'éternité dû monde, c'est-à-dire comme
prouvant que le monde est nécessairement éternel. Mais que le
Philosophe ait professé l'éternité du monde, saint Thomas n'en

(1) Contrairement à ce qu'affirme Cl. Piat (Aristote, Àlcari, 1912, p. 115,


note 2).-—Il est vrai que l'interprétation de saint Thomas, disant que c'est
en sa propre essence que Dieu connaît toutes choses, ramène, en un certain sens,
« le ciel des
intelligibles, dont Aristotë ne veut pas ». Mais le « ciel dés intelligi-
bles » de saint Thomas n'est pas celui de Platon, contre lequel (tel qu'il le con-
çoit) Aristote élève de justes critiques, et l'en ne voit pas ce qui aurait piï.ènï-
pêcher Aristote de conclure comme saint Thomas, s'il avait eu la notion de
création.
(2) In VIII Phys., lect. 2, n. 14.
ARISTOTË ET LA NOTION.DE CRÉATION 227

doute pas, et il remarqué que c'est en vain que « certains ont essayé
de démontrer qû*Aristotë n'a pas heurté la M, et n'a pas eu l'in-
tention de prouver dogmatiquement que le nlôûvèment/est éter-
nel))^1). Opinion trop bienveillante, ajoute-t-il, qui ne peut; se
défendre, car la thèse dû Philosophe est tellement certaine qu'il
s'en sert comme d'un principe, auVXII^ livie delà Méi^hysiqûè,
pour démontrer /l'éternité du premier moteur (f). Bien 'plus, « il
est manifeste qu'Aristbte a cru fermement et à regardé comme
nécessaire que le monde fût éternel» (s).
Voilà bien, en effet, le point difficile, Car,pourqudiAristote veut-il',
que lé5 monde soit nécessairement éternel? Parce qûéi p^ùr lui;-

(1) ïbid., n. 16. «Quidam vero frustra conantes Aristotelem ostenderë non
contra fidem locutum esse, dixerunt quod Aristote les non intendit hic probaré
quasi veriïm, quod'motus sit perpetuus, sed/inducere rationem ad 'UtramqUe
partem; quisi ad rem dubiàïn... ». — Saint B.onàVënture;fait.la même observa-
tion : «Quidam moderni dicunt Philosophum nequaquam illud sensisse nec
/fntendis^e, probaré quod ipùndus omnino non coepérit », et,il .y oppose la riiêhïë
fin denôh-recevôir(In-'jî/Sent., d: I, p. 1, a.l. q. 2), Parmi ces* quidam moder-
ni », il faut compter Philippe le Chancelier (J1236), qui écrivait dans sa Som-
me : « Rationes quasponit Aristoteles non sunt ,nïsi ad probanduni inundum
ésse perpetuum et non aéternum » (Texte cité dans l'édition de Alexandre de
JEJalès, Quaracchi, t. I, p. 94, n. 8). •— C'est contre une telle Opinion que s'élevait-
déjà avec une extrême vivacité Robert Grossetête, d'après un manuscrit aiiony-
,
me (ms. 172, fol. 198 v)de la Bibliothèque communale d'Assise; L'auteur ano-
nyme cite l'Hexameron, p,2a, del'évêqué de Lincoln: « Sunt tamëii quidam fno-
derlii, écrivait Grossetête, vanius istis philosophantes, immo dëmentius istis
insipientes, qui diçùht- maxime Aristotelem.non sensisse mundum cârere tëriî-
-poris initio, sed eum in hoc articulo catholicê sensisse et tëmporïs et minidi/
initium ppsuisse, qups arguit manifesta ips.à.LtteraAristotëlis in mediolnductà;.
ad ejus cônclusioneni et ûltima libri sui coriclùsioqua intëhdit probaré denio-
tore primo per motus perpetiiitatem ». Robert Grossetête àffiimé ensuite que
cette opinion apparaîtrait.absolument insoutenable, si l'on :se référait au texte
grec original d'Aristote, au lieu de s'en tenir à des traductions latines eorrom>
pues,. Il çpnclut : « Non igitur se decepiant et frustra dësudent ut Àristôtëlerii
fâciàht càtholicum, ne iniitiliter tempus suum et vires irigériii sui consumant,
" et Aristotelem catholicuré coristituendo se ipsos tiâereticos faciant cité
» (Texte
par E, Luhgprë, dans Arch. d' Hist. doct. et liU. dû.M. A., t. (192,6), p. 270,
note 1),
(2) Ibid. : « Perpetuitàte tëmporis et motus quasi prilicipio utitûr- ad prùbàri-
dum primum principium; èsse... »
(3) In.XII Metaph., lect. 5, n. 2496 : «Ex hoc igitur processU manifestum'
est quod Aristoteles hic fiririiter opinatus est et ci;edidit neeéssârïùréforé, quoi/
motus sit sempiternus et sirniliter tempus. Aliter enim non func'asset super hoc
- intentioriem suam dé inquisitione substantiarum.irnniateriaiium ».
228 R. Joirv'Ëï ,'..';'-./ •'";'-.

éternité est synonyme de nécessité, et de nécessité absolue, incon-


ditionnelle (1). Pour les êtres éternels, dit-il, pouvoir et être: ne
diffèrent absolument pas (2), .Aussi, nécessairë^félernel sont-ils
convertibles : ce qui est nécessaire est éternel, bien entendu ; mais
demême, ce gui est éternel est nécessaire (3).C'èsti30urqùqis Aristote
reprend à son compte.le raisonnement de,Démocrite : 'il-est impossi-
ble que l'ensemble des choses ait été produit par génération, parce
que le/temps est éternel (*). Le monde, dans son être, est donc''né-
cessaire, c'est-à-dire qu'il ne dépend pas de Dieu; mais le mouve-
ment lui-même, s'il est éternel aussi, est également nécessaire, et,
s'il dépend de Dieu, Dieu le produit lui-même nècessairemenL La
nécessité est universelle.
On pourrait dire, il est vrai, comme fait saint Thomas,que,parmi
les choses nécessaires^ il en est qui ont une cause de leur nécessité
même, et dé ce'genre est la génération sublunaire (?) : telle est aussi
la thèse d'Aristote (é). Mais cette doctrine est sans application
possible à l'être comme tel : l'être, comme tel,; n'est pas nécessaire
et ne peut pas être nécessaire ; cette note ne peut lui convenir d'au-
cune manièreVsa contingence est radicale. S'il est conçu comme;né-

(l).De :CoeJo,l,12,282 ;a 25 :~Ag' oëv EÎ xal âyévi)rov}ov àé^rovr'-âvdyxfj ài-


ôiov slvai • 6/xoltaç ôè xal el àq)0agrov} ov' ôé. Xéyco, ôè rô âyÉvrjXov
xal â<pQagroV'xà xvglcoç Xey6/iEva,âyéviriov /J,ÈV S eaxi vvv;y,al ngôxsgov
ovx âXrjOèç tfy.eïviEÎv x.b /irj slvai, 'àyOagxov ôè ô'.vvv dv.jvaXeg.ov jXfi
âXrjOèç ëaxaisiTiEïv .jj-rj.slvai. ':
(2)Pliys., IIIj 4, 203 b 30 : ëvôéxsadai yàg Î; elvài oîôèv ôiacjisgEi
;êv xoïç àïôioiç.- '''"'.'.
(3) De Coelo, i, 12, 282 a 30 :'H eî pèv xavxa âXXtfXolçaxoppvdslxâl
xi xe âyévijxov âq>6agrov xal xà âfdagxov àyévr\xbv>-âvdyxi'i xal ,/rô
aîôiov sxaxêgcp àxoXovQeïv, xal elxe xi âyévr]xov? âîôiov} -slxe rv-pep-
.

Qagrov,_âîôiov. — Cf. De Gen. et Corr., II, 11, 337 b 35 : TS-sÇâvdymjç.


..xal aîel âpa ;. Phys., II, 5, 1.96 b 12.-: Tb si àvdyxys àel oeùayxcoç.
(4)Pi!ï/s.,VlIÏ,l,412 hî :y„al ôià xovxo Érjpôxgiroç rsJôsixvpaiv coç.âôv-
varoi' anavxa yeyovévai ' rov yàg 'XQOVOV âysvfjrov. sù'a^SaintThomas
glose (Ibid., L. 2, n. 11) :. « Democritus probat impossible esse quod pimilasint
facta, quasi de nbvo incoeperini », comme s'il s'agissait dans la pensée de D.émo-
crite d'une exclusion de la création. Or ni Démocrite,ni Aristote ne songent ici
à la création, niêinépour la nier.
(5) In V Metaph., lect. 6,-u. 839 : « Aliquasuntnecessariaduplicifër,Quaedam.
quidem quorum altéra sit causa necessitatis ; qUadalii vero quorum, nulla sit
causa héeessitatis ; et talia sunt necessarià prôpter seipsa»; .•'•:••

(6) Metaph.,A, 5,1015 b 10 : râv fjèv <3?) ëregov aïxiov rov âvayxaïa
eîvai xmv Se ovSêv, âXXà ôià xavxa ëxsgd ëâriv ê,i âvdyx.ijç.
ARISTOTE ET LA NOTION DE CRÉATION 229

cessaire, ce qui est/la doctrine d'Aristote, sa nécessité ne peut être


V comprise que comme absolue et inconditionnelle. V
Qr, si l'on tient compte, d'une part, de cette doctrine, de l'autre,
/ de l'absence constante et totale de toutéidée de création, chez Aris-
tote, On avouera qu'il a fallu toute la chaiité intellectuelle de saint
/Thomas pour voiler le sens que dé telles affirmations conféraient:
à une telle omission. Mais ici encore,évitons de renverserles termes;
du problème. Si Aristote identifie aussi catégoriquement l'éternité
à la nécessité absolue, c'est justement parce que l'idée de création
lui fait défaut. Faute de rintelngibilité qui résulte pour l'univers
dfe sa dépendancetotale par rapport à une cause libre d'une puissance
infinie, Aristote se voyait contraint de faire de Tuniv'ers un être
''; absolument nécessaire. Ce n'était pas laie rendre intelligible, sinon;
; par une sorte de eohp dé force. Mais l'éternité du monde, telle .qu'il."

la professait, voilait, semble-t-il, au Stâgirite, fimiiteffigibilité ra-


dicale de l'univers. Pour lui, ce qu'il faut exphquer, ce qui ne peut,
pas-Se passer d'explication, c'est avant tout ce qui commence d'être/
Or, si le nécessairelui-même requiert, dans certains cas, une raison
,
de sa nécessité, l'étérneL: pour Aristote, est à lui-même sa propre
raison, car, à ses yeux, cen'est pas tant le nécessaire qui est éter-
nel que l'éternel qui est nécessaire.

Devons-nous soulever ici le problème passablement confus des


« dieux astraux » ? On s'est fondé parfois sur l'argumentation d'Aris-
tote, au livre/1 delà Métaphysique Qj, pour lui attribuer une sorte
de polythéisme doctrinal. Duhem observé que, d'après le Stâgirite,
les 47 moteurs des planètes possèdent les mêmes attributs que
le premier moteur, ce qui se comprend, si tout moteur céleste doit
être acte pur : « Une sphère céleste ne/saurait... se mouvoir s'il
n'existait de son mouvement une cause en acte ; d'ailleurs, comme
ce mouvement est éternel, il requiert Un moteur éternel, partant,
une substance qui, éternellement et toujours de la même manière,
soit en acte ; dès lors, en une telle substance, il n'y aûrârieîi'qui
soit en puissance ; ëhe sera Acte pur et séparée de toute matière.
Les moteurs célestes sont forcément des substances immatériel-
les» (2). :_ V'-:

Cette doctrine, selon W. Jaeger, serait une innovation de la


Métaphysique et contredirait la doctrine du premier moteur uni-

(1) «,'1073 a 23 sv. /


(2yLe système du Monde, 1.1, p. 175.
230 '.' I, R. JOLIVET
.

que l1). Or, en; fait, ce n'est pas une innovation, au sens fort, puisque
cette doctrine de la pluralité des moteurs est esquissée dans la par-
tie primitive du livre A, ch.6,1071 b 20, et cette allusion suppose
la démonstration développée au livre V1 ] 1 de la Physique^).—D'au-
tre part, rien né prouve qu'Aristote assimile entièrement les mo-
teurs dès sphères au premier moteur: et môme, contrairement à
l'assertion de Duhem, il nous semble qu'Aristote insinue avec une
clarté suffisante qu'il faut admettre une distinction de nature entre
les moteurs dés sphères et le premier moteur : à la différence du
premier, dit-il, les moteurs suivants ne sont immobiles qu'en'soi,
mais sont mobiles par accident (s). Comme c'est l'absolue immobilité
qui définit pour Aristote le premier moteur, on avouera ,que la
mobilité, même simplement accideiiLellc, conférée à tous les autres
moteurs des sphères, ne peut que les faire différer essentiellement
de l'Acte puri Bien plus, si l'on voulait supposer que tous les mo-
teurs des sphères, ainsi que le premier moteur, sont de nature iden-
tique, il faudrait dire qûifs 'constituent ensemble une espèce, dont
chacun représenteraitl'un des individus, et, par suite, que tous ces
mqteurs,et même le premier, sont composés de matière, car c'est la
matière qui est principe de distinction numérique ( 4) : il est inutile,
pensons-nous^ d'insister sur l'absurdilé de cette supposition et des
conséquence qu'elle implique, dans le système d'Aristote.
Ajoutons que le HyreVII] de la Physique défend la prééminence
absolue du premier moteur, et que la doctrine d'Aristote serait
inintelligible sans cette prééminence : le monde des substances
immatérielles, qui est par excellence le monde de l'intelligible, se
.
trouverait soumis à la pure multiplicité, qui est, pour le Stâgirite,
synonyme de totale irrationnalité : Ixavôv ôè gv (5). C'est assez

(1) Phys. VIII, 289 b 28 : ixavov ôè y.alëv. ";--V


(2) Ch.l, 7,, S et 9. La succession chronologique des écrits d'Aristote.semble^
doncêtre, ici, là suivante ; Pfij/s. VIII, Metaph., A i^,-9'A0:,.Metaph;::A.&j. .-
(3) Metaph., A> 8,1073 a23-b 3 : f\ pèv. yàg âgy.rj xaixb ng&rovi&v
ôvXavâxÇvnipv xal xad' avxô xal xarà avfi,fi,ejli].xô.ç. — Les autres /
moteurs ne sont immobiles chacun que xà6''. avro (34-iÔ), V /// y
(4)Jhid„ 8, 1074 a 33 : ocra âgiOftô) TioX^Xd, SX'nvjEXvi.--., '
(5) L'hypothèse du panthéisme d'Aristote, dëfjfndué/par Ch, AV,erner.,; se
..
heurte à trop d'affirmations du Stâgirite, touchant; l'immatérialité absolue, là
« séparation» (même lés moteurs des sphères doivent être considérés comme-trans-
cendants : contré Zeller, Piat et Jaeger ; cf. Hamëlin, opinait.; pp.' 257-258.et
158 note 1), la qualité de pure Intelligence du premier moteur universel, pour
qu'on puisse la prendre en considération sérieuse, "" V ''"'.".
ARISTOTE ET LA NOTION -DE CRÉATION 231
- .

sans doute que, chez Aristote, l'irrationnel existe à la base de l'échel-


le de f être, dans cette matière première qui est un pur donné, c'est-
à-dire^ en fin de compte, un être sans raison.
Car c'est une autre difficulté que l'on soulève contre Aristote,
en prétendant que sa conception de la v/.i] serait une conséquence
nécessaire de son dualisme, et serait, par conséquent, inassimilablc
à une doctrine créationhiste. Les augustinisants médiévaux l'af-
firmaient, et maints philosophes contemporains font droit encore
à leursarguments f1). — Nous croyons qu'il y a lieu de distinguer.
Il nous semble que la théorie aristotélicienne de la r>7.r\, qui est,
en fait, dualiste, neVUest aucunement en droit. Si saint Thomas dé-
clare la matière prime inmtelligible, c'est en tant qu'en elle-même
elle est pure puissance, indétermination radicale. C'est la doctrine
d'Aristote. Mais en quoi une telle théorie, qui ne concerne que la
matière prime en elle-même, et non en tant que référée au Créateur,
sérâit-èUe nécessairement dualiste?
— 11 y a certainement, nous
le dirons plus loin, un illogisme profond dans le réalisme d'Aristote :
,/la matière étant pour lui, non seulement intrinsèquement, mais
extrinsèquement,_non seulement comme essence, mais comme être,
inintelhgible, devrait passer au rang de phénomène: seul moyen
de lui Conférer (apparemment du moins, car un tel phénomène de-
vrait avoir, lui aussi, sa raison) une certaine intelligibilité exfrinsé-
; que. Mais on peut fort bien admettre, semble-t-iî, que, du point de

;Vue dé l'essence, une chose ne soit pas par elle-même intelligible,


c'est-à-dire ne soit pas susceptible d'exister in se el per se, sans
/impliquer que son existence (caria matière est réelle) soit, du même
coup, inintelligibleV C'est dire que rien n'empêche que la doclrine
aristotélicienne delà matière prime ne passe dans un système créa-
tionhiste, comme celui de saint Thomas.
V Ce qui est vraiy /c'est que la notion de création, introduite dans
le droit çqmmun de la pensée philosophique, va en renouveler à
fond toutes les démarches. Elle va élargir la conception de l'intelli-
gibilité, çn y faisant entrer désormais le détermination rationnelle
qui résulte du jeu (Tune volonté libre, souverainement indépendan-
te. Le contingent,grâce au principe de raison suffisante, norme
et loi de; tout déterminisme rationnel, va se trouver participer
de plein droit, et non plus honteusement, comme dans le système

Romeyer,Saint Thomas et notre connaissance de l'esprit humain,


(1) Çf.B.
.
dans Archives de Philçsophie, vol. VI, cahier.2j'Paris, Beauchesnèi 1928,
.
232 R. jpLiVET //;':/'
du Stâgirite, à l'intelUgibilité (x). —D'autre part,le réâMsme.phiIq-
soplûque, par la notion de création, reçoit un fondement sbhde.
Il est trop certain, en effet, que, dans une doctrine comme celle
d'Aristote, le-réalisme ne peut être qu'une position instable et para-
doxale. Les formes, ou idées immanentes, n'étant/pas rattachées
à Dieu, comme à leur auteur, l'homme, par Une pente logique, es-
sayera de les rendre intelligibles en s'en considérant; comme là
source et la raison, et il fera de sa raison le législateur de l'univers,
ce qui est la position idéaliste. Quant à là matière prime, obstacle
à l'intelligibilité, multiplicité pure, il ne restera qu'à la nier comme
existence positive et à la réduire à la simple apûarencephénoménalê.--':
c'est que,hqrs de là notion d'un Dieu créateur,lé réânsmeih'àjguère
de sens, et il est impossible de fonderi'être au delà du paraître,;
L'être n'est;plus qu'un donné irrationnel. — Enfin, par l'appel è
l'idée de création, le panthéisme se ^trouve écarté,,tandis qu'il se
trouve dans le prolongement logique d'un système comme celui
d'Aristote (2), s'il est le seul mpyen,ia Création exclue ou ignorée:,
de surmonter le dualisme de Dieu et du monde. Remèdèipire que le
mal, solution qui accumule les difficultés, au Âeu-'âë'les^r-ê'spndrè.''':
Mais toute autre issue est;fermée.. : : /
-
La notion de création se trouve ainsi dominerjtoutèvia pensée
philosophique. Qu'on ne s'étonne donc pas, si, comme nous pensons
l'avoir montré, cette notion fait défaut à Aristote, que tant de
thèses sur Dieu et le monde nous apparaissent ;parfois/ïlqt%hté| -
et d'une extrême imprécision. Nous tfouvbns,âu contraire, merveil- \
leux, et bien caractéristique de ce puissant génie, que ses doctrines
sur Dieu et ie mondé soient plus incomplètes /que îausles./ ïileurv
manque un achèvement, mais un achèvement qu'elles semblent:'
appeler, comme la clé de voûte vient s'ajouter àia voûte déjà eoii*
struite. Cet achèvement n'est pas pure adjonction de matériaux;"
nouveaux, accroissement quantitatif, mais, comme la clé de voûte
encore, c'est lui qui va; faire tenir tout l'édifice et en assurer/lav

(1) Cf. J. Chevalier, La notion du nécessaire, p..183 sq.,/et Trois Conférences,


.
d' Oxford, p. 1(3.. ;
.
-':/' ,./„;///»
(2) A savoir, dansle prolongement de l'aristotélisme de fait; et non d'el'aris-
tptélisme de droit, c'ëst-à-dire tel quelë définissent, et quedèyràiêjiti'orienter;
les principes essentiels de sa métaphysique. Voir, sur ceip'ôîrit, une étude-du
R.P. Lagrange,£es Péripaîéticiens jusqu'à l'ère chrétieim,àîLaslMei)ùéjthûjiiis{ei
Mai-juin Î927, p. 196 sq., et La Religion des stoïciens avant J. G.-, /Mrf/3;Jan;v>FéV
vrier 1928, p. 47 sq.
ARISTOTE ET LA NOTION DE CRÉATION 233

solidité. Ainsi, la notion de création opère bien, dans la pensée


philosophique, une véritable révolution. Mais cette révolution chré-
tienne ne fait qu'achever le mouvement de la raison, dans ses exigen-
ces autonomes les plus hautes.

Conclusion.
C'est assurément une chose étonnante que cette ignorance, vrai-
ment sereine et-tranquille, de la création, chez Aristote, et l'on a
peine à comprendre que ce prodigieux esprit n'ait pas su tirer de
ses propres principes les conséquences qu'ils impliquaient. Chose
si étonnante que saint Thomas, et tant d'autres après lui, ont refusé
de croire à ce formidable illogisme. Et cependant, il est : nul texte
formel, pas même une fugitive allusion, touchant l'acte créateur.
Aristote a ignoré la création.

C'est cette ignorance capitale qui donne" leur sens aux textes,
par eux-mêmes, a vrai dire, assez indifférents, sur l'éternité du
temps et du mouvement, sur T impossibilité, pour le premier mo-
teur, de connaître le monde des choses changeantes. Ce ne Sont pas
ces doctrines qui ont voilé aux yeux d'Aristote la nécessité de l'ac-
te créateur, mais l'ignorance de la création qui a donné leur forme
à ces doctrines.
.
Mais justement, cette déficience, dont il ne faudrait pas diminuer
l'importance, n'est cependant qu'accidentelle dans le système du
Stâgirite ; comme le remarquait fort bien M. J. Maritain Q-), elle

(1) Les Lettres, Avril 1920, p. 107— Voir: également, dans le même sens,
une remarquable note de M. Mansiori, dans Bulletin thomiste, Janvier-
Février 1927, p. 14 sv., en particulier, cette conclusion : « .1 suit de là que les
doctrines chrétiennes et thomistes relativement à Dieu et au monde, si elles
n'ont pas trouvé en Aristote un défenseur avant la lettre, n 'ont pas non plus
en lui un adversaire. H les ignore simplement, et ses négations sont surtout i-
gnorance : en tout cas,elles n'ont pas valeur d'affirmation positive, et n'entrent
pas comme élément formel dans la contexture du système métaphysique ».
7

Aussi, est-ce abuser gravement du sens des mots que de parler de contradiction
entre Aristote et saint Thomas : « C'est ignorer la différence entre le" système
philosophique d'un auteur et ses doctrines particulières». Bien plus, si saint
Thomas a innové, c'est dans le prolongelment logique des grands principes.de
la doctrine d'Aristote, considérée en elle-même, et non dans sa forme concrète
: et accidentelle, et Je péripatétisnie trouve dans Je thomisme son açh.èVenient
"234 R. JOLIVET
..

provient de son moi, et non de ses principes, et l'on comprend que


saint Thomas, avec sa raison affinée par le sens chrétien, ait pu
achever l'oeuvre incomplète du Philosophe, en lui donnant, en par-
fait accord avec ses principes, le couronnement qui lui manquait,
et sans lequel ce qu'il y avait en elle de plus fort et de mieux établi
ne pouvait se défendre. C'est pourquoi aucune hostilité de principe,
même chez un chrétien, ne peut se justifier au fond contre Aris-
tote,
Saint Thomas, d'ailleurs, quelle que soit l'étendue de son admi-
ration pour lé Philosophe, « le maître de .ceux qui savent », selon le
mot de Dante, ni ne se fait, ni ne veut faire illusion à son sujet.
Il en connaît les déficiences ; il en a mesuré les points faibles. Témoin
ce passage du'Contra Geniiles, où il écrit qu'Aristote, ayant reconnu
qu'il n'y avait de connaissance, pour l'homme, sur la terre, que par
les sciences spéculatives, doit avouer que le bonheur accessible
à l'homme n'est point le bonheur parfait, mais un bonheur tout
relatif : à savoir celui qui consiste à s'élever, par les démarches la-
borieuses de la raison, à la contemplation si peu rassasiante des
vérités abstraites. Il ajouté, soulignant l'échec de la morale natura-
liste du Stâgirite : «-Il apparaît assez, par là, quelle angoisse éprou-
vaient ces illustres génies de l'antiquité. Mais nous, nous sommes
libérés de ces angoisses » (1). —De même, dans son Compendium
Theologiae, saint Thomas, après avoir brièvement exposé ce qui
concerne l'existence (argument du premier moteur) et les attributs
de Dieu, écrit : « Ce que nous venons de dire, plusieurs parmi les
philosophes de la gentilité l'ont traité avec subtilité, bien que
quelques uns se soient trompés en ces matières. Ceux-là mêmes
qui ont exposé ces questions correctement, n'ont pu qu'à peine
parvenir à la vérité, et encore par de longues et laborieuses recher-
ches » (2). Aristote n'est pas excepté de cette appréciation d'une

normal et légitime. — Gf. Jean Rimaud, Thomisme et Méthode,ipàris, Beau-"


chesne, 1925, p. 195 sv. '
(1) Contra Geniiles, III, c. 48 : «Quia vero Aristoteles vidit'quod non est:
alia cognitio hommis in hac vita quàm per sc'ientias speculàtiyas:, p.osuit homi-/
nem non,consequi felicitateni perféetam, sed suo modo. lii qûo/sàtis/apparet.
quântam angustiam patiebantur hinc indé éorum praclara ingëplâ ; a quibus
angustiis libérabitnurj si ponamus.. liominem ad yeraip felicitatein post/haric
vitam pervenire posse,.anima hqmiiiis immortali existentè», ,,/;..
(2) Compendium Theologiae, c. 36: «Haec autem quae in.^uperipribus dé
Deo tradita sunt, a pluribus quidem gentilnunphilosophjs:$i^tili^-jçoâ'$Mèràt^
ARISTOTE ET LA NOTION; DE CRÉATION / / -235

forme si niodérée. Mais, quelles que fussent ses erreurs, saint Thomas
trouvait chez lui un corps de principes rationnels.qui permettaient
de corriger Aristote par Aristote lui-même. C'est là la cause déter-
minante d'une indulgence et d'une bienveillance systématiques, dont
les uns sont surpris, et les autres scandalisés, — et qu'il ne s'agit
que de bien comprendre.
R. JOXIVET
Lyom Professeur à la Faculté de Théologie

sunt, quamvis nonnuilt éorum circa praedictà erràverint.Et qui in Pis Verum
dixerunt, post Iongam et laboriosfm inquisitïonem ad veritàtem praedictam
vi.x pervenire potuerunt», '.'
-,
/Il BGCIMNE BIS. TÏÏOIAS -
SUR LE ^AGREMENT DE i'GIME ,

En mémoire du P. Paul Raymond Jordan, O.P.


ordonné prêtre le 25'juillet1929:..- /'"-.'
rappelé à Dieu le 11 décembre 1929 .

QueTon ne cherche pas en ces notes un traité tout fait du sa-


crement de l'Ordre. Il s'agit simplement, en quelques paragraphes
courts, précis et aussi pleins que possible, de marquer les lignes,
essentielles de là doctrine de saint Thomas. Eh ce dépouillement
même apparaîtront sa simplicité, sa solidité et sa puissance, son
harmonie avec les conclusions modernes de l'histoire des dogmes,
l'appui qu'elle peut prêter à d'autres doctrines chères aux théolo-
giens contemporains, comme celles de l'Eglise, du ChristVPrêtre ou
du Christ-Roi. V
,

Les textes que résument ces courts paragraphes sont principale--,


ment-:.- '-'; 'V
Le Commentaire sûr les Sentences (1254-1256), liv. ÏV, dist.V
24 et 25, reproduit dans le Supplément de là Somme theoîpgique, ;
quest. 24-40. Saint Thomas qui, dans cette partie du Commentaire
modifie/pour y introduire plus de logique, le plan dé PiërreVLom-
bard, laisse cependant la question de l'épiscopat dans lès questions
annexés, avec celles delà tonsure et des vêtements sacrés. Le Sup-
plément de la Somme rejette tout à la fin du traité/ (QV/XL) ces
questions annexes.
Le Contra Gentes (1256-1260), liv. IV, ch. 74-77,/
Le De articulis fidei et sacramentis Ecclesiae (1261-1262).

Au cours du concile deFlorence, l'Eglise Romaine a rendu corhpte


en un document officiel, le Décret aux Arméniens, de. sa doctrihèV
sur l'Ordre (1439).
Le concile de Trente a déterminé sur ce pointles enseignements
de foi, en face des erreurs protestantes, en sa vingt-troisième session.
Çt5 juillet 1563). '
' •' :
.,
: LA DOCTRINE DE S. THOMAS 23?
.

* ".. I(X)
L'ordre est le sacrement institué par Jésus-Christ pour donner
le pouvoir spirituel. Il établit dans la communauté clu-élienne des
coopërateurs de Dieu ; il lés rend semblables à Dieu par leur influence
•sur les autres; et celte participation, à la causalité divine décore
l'Eglise d'une beauté nouvelle. Qui dit Ordre dit donc principale-
ment pouvoir (2).
A ce pouvoir, et à cause de la grandeur des actes qu'il permet d'ex-
ercer, se trouve liée une prééminence sur le peuple chrétien. L'Ordre
donne donc à la fois office et grade : office, en confiant un rôle public,
officiel, sur la multitude; grade, en raison de la prééminence qu'il
confère. Il organise l'Eglise (3).
L'autorité ainsi créée n'est pas contraire à la liberté à laquelle la
loi nouvelle appelle tous ses fidèles. A la'liberlé-s'oppose l'esclavage;
parce que, dans l'esclavage, le maître use de ses subordonnés à son
profit. Ici, au contraire, le supérieur doit, en exerçant son autorité,
avoir en vue l'utilité de ses inférieurs (4).

IL
Le pouvoir conféré par l'Ordre a pour objet premier la dispehsation
de l'Eucharistie. V'
L'Eucharistie estle premier des sacrements. Elle ne contient pas
seulement une vertu dérivée du Christ, mais le Christ lui-même.
Aussi tous les autres sacrements se groupent-ils autour d'elle, et
s'orientent-ils vers elle comme vers leur fin.
Elle est, en outre, le sacrement du sacrifice du Clirist. La consécra-
tion de la Messe contient et nous donne, sacramentelle ment, le Cal-
vaire (s). Aussi occupe-t-elle le centre du culte chrétien, car c'est du
Calvaire que ce culte prend sa source (°).

(1) S. .th., Suppl., Q. 34, a. 1 et 2.


(2) S. th., Suppl., Q. 34, a. 2, ad 2 : « Ordo potestatem priiicipaliter inipoï-
tat »,
(3) S. th., iia-nae, Q; 183, a. 1, ad 3 ; a. 3 ; IIP P.,
Q. 65, a. 1 : « Perficitur
homo in ordine ad totam communitatem duplicitér : uno modo per hoc quod
accipit potestatem regendi multitudinem, et exercéndi actus publiées : et loco
hujus in spirituali vita est sacramentum ordinis». — S. th., Suppl., Q; 34, a.
2, ad 3 : « Potestas autem prùprie nominat potehtiam activam cum aliqua
praeeniinentia ». •— Ad 4 : « Hic gradus eminens per potestatem spiritualem
ordo nominatur ».
(4) S. th., Suppl., Q. 34, a. 1, ad 1. — C'est bien l'idée évangélique du pouvoir
spirituel (Mt. XX, 25-28 ; XXIV, 45-51 ; Joan, XIII, 13-18).
(5) S. th., ina P., Q. §3, a. 1 : « Per hoc sacramentum participes efficimur -
fructus dominicae passionis... Proprium est huic sacramento quod in ejus cele-
bratione Christus immoletur».
(6)"'S.'ïA.,maP.,Q. 62, a. 5 :« PersuamPassionem.initiavitritumchristianae
religionis, offerens seipsum oblationem et hostiam Deo ».
238' - J. PÉRINELLE

Toute la religion chrétienne, en son dqub le et nécessaire mouvement


de Dieu vers l'homme par la grâce et de l'homme vers Dieu par le
culte, se trouve donc groupée autour de VEucharistie et couronnée
peu- elle. Tout naturellement, dès lors, le pouvoir spirituel de VOrdre
aura pour objet principal et premier la dispensaiion de V Eucharistie.
C'est secondairement et à partir de cette fin première qu'il s'étendra
sur le corps mystique du Clu-ist, afin de le -préparer à participer à
VEucharistie. Toujours en effet il appartient à l'agent qui informe
une matière (ici, la matière ce sont les hommes) de préparer cette
matière, au moins de préparation dernière, à la réception de cette
forme.Q):

nie)
Le pouvoir conféré par le sacrement de l'Ordre est un caractère
imprimé dans Vâme (3). Pouvoir instrumental, ministériel, il dérive
du sacerdoce du Christ ; il g fait participer activement, en permettant
d'accomplir validement,au nom du Christ et en jouant le rôle du Christ,
tous les rites de la religion chrétienne, spécialement les rites eucharis-
tiques. Par sa liaison avec le sacerdoce du Christ dont le fondement
premier est la consécration substantielle de l' Union Hypûsiatiqùë,
il consacre à Dieu (4).
Ce caractère, qui suppose pour être reçu la préexistence du caractère
baptismal (5), est à la fois réalité et signe efficace (res et sacramen-
tum) (°). Réalité spirituelle (res), il prend place dans l'organisme

(1) Contra Genl., iv, 74, par. ult. : « Quia vero potestas ordinis ad dispensa-
tionem sàcramèntorum ordinatur ; inter sacrâmenta autem nobilissimum et
consummativum aliorum est Eucharistiaè sacramentum,.., oportet quod potes-
tas ordinis consideretur praecipue sècundum cpmparationëm ad hoc sacramen-
tum ; nam unumquôdque dominatur a fine. Ejusdem autem virtutis esse.vi-.
detur aliquam perfectionem tribuere, et ad susceptionem illius matëriàm prae-
parare ; sicut ignis virtutem habet ut formam suam transfundat in alterum, et
ut materiam disponat ad formae susoeptionem. Quum igitur potestas ordinis
ad hoc se extendat ut sacramentum corporis Christi conficiat et fidelfbus tra-
dat, oportet quod eadem potestas ad hoc se extendat quod fidèles aptos reddat
et congruos ad hujus sacramenti perceptionem ».
(2) Il nous semble légitime de faire profiter ce paragraphe de la théorie gé 1
nérale du caractère telle qu'elle est exposée dans la Somme théblbgique.
(3) S. th., Suppl, Q. 34, a. 2 ; ma P., Q. 63, a. 2.
(4) S. //i.,iiiaP., Q. 63, a. 3 : « Character sacramentalisspêcialiter est charàc-
ter Christi, cujus sacerdotio configurantur fidèles sècundum sacramentales cha-
racteres, qui nihil aliud sunt quam quaêdam participationes sacerdotii Christi
ab ipso Christo derivatae ».,_•— Ibid., Q. 82, a. 3 : « Ipse (sùcerdos) consecratin
persona Christi ».
(5) S. th., Suppl., Q. 35, a. 3.
(6) S. th., ma P., Q. 63, a 3, ad 2 : « Character sacramentalis est res respec--
tu sacramenti exterioris, et est sacramentum respectu ultimi effectus».
LA DOCTRINE DE S; THOMAS S39V

surnaturel de l'âme. Jl y représente quelque chose de stable, de plus


stable et autonome qu'une vertu. Quidiiverlu dilhàhitviS, c'est-à-dire
/disposition bien assise, 'mais simple disposition d'une puissance de
l' âme. Le caractère,lui, n'est pas un habitus, mais bien une potentia ;
il prend rang parmi les puissances mêmes f1). Toutefois, a la diffé-
rence de la grâce, il rie s'inscrit pas^dans\ïessence de l'âme, mais
seulement dansMne \dé ses puissances, (et en cela il ressemble aux
vertus); dans l'intelligence (2)V En raison de-l'incorruptibilité de
celte faculté, comme en vertu de l'éternité du sacerdoce du Christ
auquel il participe, il'/est indélébile (3), :V'

En même temps qu'une réalité, caractère se présente comme un


ce
signe efficace "(sacramentum) : signe efficace de la présence du sacer-
doce du Christ (cela résulte de sa définition même) ; signe efficace
d'un don de grâce (4). ./;
.
- ./ "
; Effet premier et toujours produit du rite de l'ordination, effet
ineffaçable, il marque et fait reconnaître les ministres du Ghrist-Prê-
trè; Quand il s'exerce (à la consécration dé la Messe, par exemple),
il rend présent, sacramentellement, sous le signe' de l'officiant, le
sacerdoce du Christ. '.
Quant à la grâce, il l'appelle et concourt à là produire (5).
A un grade élève doit, en effet, Correspondre;une éminente bonté..
Sage, libéral, toût-pùissant, Dieu en donne la grâce avec le grade
lui-même. Cette grâce, pour être reçue, suppose, normalement là préexis-
tence dé la grâce de justification, qui rendait digne de faire partie
du peuple fidèlè.Mais, par sa richesse, elle rend apte, moralement, à
s'acquitter de plus hâiitès fonctions que celles du clirétien ordinaire,
à remplir avec les dispositions convenables dans la vie religieuse de
la communauté/le rMe/de collaborateur officiel de ,Dieu (°), Elle

V (1) S-, //î.,nia P.V Q. 6'3y/a. 2 Characterimportat qùâmdàm potëntiamspi-


: «
ritualëm ordinatam ad. é.a quae sunt divlni cultus». ?':'V:" V
(2) Ibid., a. 4, ad 3 : « Character ordinatur ad eà quaè sunt divlni cultus, qui
quidem -est qua'dam fidéi.protestatioper exteriorà signa. Et ideo oportet quod
,
-eharactër sit in eoghîtivà potentia aninia,- in qua, est ïldes». '"":
(ù).Jlbid., a. 5;w:
;
;V :',;';,
(4) S. th., Suppl.:,Q. 34, a. 2, ad 1 : « Unde relinquitur qùpd'ipse character
interlor sit essentiàlitèr et principalitër ipsuin saçramêiitum ordinis ».
(5) '.S. th., uia P.^ Q. 63, à. 3, ad 2 : « Seéundum rationèm sacramenti... est
Vsighuni ihvisibilis gràtiae quae in sacrathento cohfertur».
.
V (6)/Contra Gent.,'rv, 74,/par. 4 : « Ad diyiham autemTibëralitàtem përtlnet
tit cui-cpnfertur potestas, ad aliquid operaudum, cpnferàntur jetiam ea.sine
.
quibus hujusmodr pperatio convenienter ëxërcéri; non jpôtest. Administràtio
autem sacramentorum,; ad quae ordinatur sipritualis potestas, convenienter
non fit nisi aliquisadliocadivina gratia adjuVetur.; etideo in hoc sàcramehto
pônfertur gratia, 'sicut et in aliis sàcraméntis ». — S. th., Suppl, Q. 35, à. ï, ad
'3 : « Pràeëxigitur gratia: quâesufficiàt ad hoc quod digne cônnumerëntur in .
240 p. PÉRINELLË ''-/
.

donne donc, par sa modalité sacramentelle propre, uii plus grand


empire à la veriu-dc religion et au don de pièië,vértu et don p.arlicu-
lièrement utiles dans l'exercice d u culte ; elle donne droit aux secours
actuels qui les mettront eh oeuvre 0-). Ainsi permet-elle/dè faire ver-
tueusement ce que le caractère p ermel de faire vdïidemeni ; elle le
complète; il l'appelle (*). V .,' ' V."
Il l'appelle et concourt, avec le rite extérieur, à la .produire,. Elle -
' .

est, en ce sens, soii effet propre, et si une mauvaise conscience,, chargée


d'un péché mortel, a empêché des ordinaiids de la recevoir au moment
de leur ordination, il la produira .plus tard en/ leur^âmt, quand dis-
paraîtra cet obstacle. Ainsi achèvera-t-il de manifester toute, sa vir-
tualité^), V'4'
.

' IV

On doit distinguer dans le sacrement de l'Ordre plusieurs ordres,


différents ethiérarchisés, exactement.sept (ceuxde portier^ de, lecteur, ;
d'exorciste, d'acolyihe, le sous-diaconat, le diaconat, le sacerdoce),
parce que sept ordinations donnent, par rapport à ia.dispepsation:de
VEucharislie, des pouvoirs différents et hiérarchisés (?). 'Cette çiivi--
sion, inutile dans, les autres sacrements, parcequèAeur:'effet).princi-
pal ne consiste pas à habiliter à certains actes, vient eh aide ici a la
faiblesse humaine : elle partage les fonctions sacrées entré le. prêtre
et les ministres (6). ;,.
Dans la primitive Eglise tous lés offices inférieurs.se trouvaient
confiés aux diacres. Tous les pouvoirs des ordres inférieurs existaient
cependant, contenus implicitement dans, le diaconat. Puis/,/lorsque.
le culte divin se développa, l'Eglise confia explicitement àâifférents
ordres ce qu'elle possédait implicitement en un séul(6).

plèbe Christi ; sed cohfertur in ipsâ sUseeptioiie ordinis amplius;.;grâtlaeîhU-


lius,per quod ad majora reddanturidonëi». ;
,"

(1) S- lh., iia-iiae;, Q. 81 ; Q. 121, a. 1 ', iiia P., Q. 62, a, 2; V


(2) In I V Sent., Dist.iv, Q.l,a. 1, c. in fine, à propos dû caractère sacramen-
tel en général: « Hoc sigiium nihil aliud estquamquaedampoténtia^ûa.pôtest
in actîohes hierarçhicas, quae sunt îninistrationes et rèceptiPnéssaéràmentorùm.
.
et aliorum quae ad'fjdeles pertinent ; et adhpcqUodhasopèratlpnes b'ene exer-
ceat indiget habitu gratiâe, sicut et aliae potehtiaehabitibus indigent ». ;'_'
(3) Ibid., ad 4 : «Character est causa sacramentalis grâtiae ». •— S. ïh.,ma
P., Q. 69, a. 10 (caractère baptismal) ; Q.'84, a, 1, ad 3 (Res et saçfamerûum
delà Pénitence). ..
(4) S.Ah., Suppl., Q. 37, à.l, ad 1 : « Sècundum diversitatem actuuïri oportet
quod ordinis sacramentum distinguatur, sicut potentiae distinguuntur për
açtus». .; • -
' V-
(5) Ibid., a. 1, c.
(6) Ibid., a. 2, ad 2 : « In primitiva Ecclesia, propter paucitatem ministro-
r.um, omnia inferipra ministeria diaconis committ.ebantte....Nihilhomihuserant
LA DOCTRINE DE S. THOMAS 241

Ces sept'pouvoirs ont tous pour objet la dispensation de l'Eucharis-


tie.
Au sommet,- le prêtre, chargé avant tout de la consacrer et de la
distribuer. Si, secondairement, il efface les péchés, c'est, selon la loi
générale rappelée plus haut, qu'il doit préparer les fidèles à la rece-
voir.
Au-dessous de lui, les ministres, ses ministres. Ils l'assistent, soit
dans la célébration même de VEucharistie,et dans la préparation du
peuple (diacres, sous-diacres, acolythes), soit dans celle seule prépa-
.
ration (exorcistes, lecteurs, portiers). Leurs pouvoirs, plus ou moins .
étendus, se rattachent de plus ou moins près à la fonction eucharistique
du prêtre lui-même. Mais tous, jusqu'au plus humble, leur permet-
tent de collaborer, par un office individuel, à cette jonction (^V
De là cette conséquence : tous ces pouvoirs, jusqu'auplus humble,

omnes praedictae potpstates, sed implicite, iii uha diacohi potestate. Sed pôs-
tea ampliàtus est cultus divinus ; et Ecclesia quod implicite habebat in uno
ordine, explicite tradidit in diversis ».
(1) S. th., Suppl., Q. 37, a 2 ; Contra Gent., IV, 75 : «Quia igitur potestas
ordinis principaliter ordinatur ad corpus Christi consecrandum et fidelibus dis-
,
pensandum et ad fidèles a peccatis purgandum, oportet esse aliquem princi-
palem prdinem cujuspotestas ad hoc principaliter se extendat (et hic est ordo
sacerdotalis) ; alios autem qui eidem serviant aliqualiter, materiam disppnendo
(et hi sunt ordines mînistrantiuni). Quia vero sacerdotalis potestas, ut dictum
est, se extendit ad duo,scilicet ad corporis Christi consecràtionem, et, ad red-
dendum fidèles idoneos per absolutionem a peccatis ad Eucharistiae perceptio-
-nem, oportet quod inferiores, Ordines ei deserviant vel in utroque, vel in altero
tautum ; et manifestum est quod tanto aliquis iriter inferiores ordines superior
jëst, quanto sacerdotali deservit in pluribus vel in" àliquo digiiiori. Infimi igitur
ordines deserviunt sacerdotali ordini solum in populi praeparatione : ostiarii
quidem ai'çendo infidèles a coetu fidelium ; leetores autem instruendo catechu-
menos de fidëi rudimentis, unde eis Scriptuia Veteris Testamenti commititur
légende ; exorcistae autem purgando eos qui jam instruoti sunt, si aliqualiter
a daemone impediuntur a perceptione sacramentorum. Superiores vero ordines
sacerdotali deserviunt et praeparatione populi et ad consummationem sacra-
menti : nam acolythi habent ministerium super vasa non sacra, in quitus sa-
cramenti materia praeparatur, unde eis urceoli in sua ordinatione traduhtur ;
subdiaconi autem habent ministerium supra vasa sacra et super dispositiqncm
materiae nond'um consecratae ; diaconi autem ulterius habent aliquod ministe-
rium-super materiam jam consecratam, prout sanguinem Christi dispensant
fidelibus. Etideo hi très ordines, scilicet sacerdotum, diaconorum et subdiaeono-
rum, sacri diçuntur, quia acclpiûnt ministerium super aliqua sacra. Deserviunt
etiam superiores ordines in praeparatione populi : unde et diaconibus commit-
titur evangëllca doctrina populo proponenda, subdiaconibus apostolica, acoly-
this ut circa ùtrumque exhibeaiit quod pertinet ad solemnitatem doctrinae, ut
scilicet luminâria déférant et alia hujusmodi administrent».'—S. th., na-liae,
Q. 40, a.2 ; IIIaP., Q. 67, a. 1 ; Q. 82, a. 1 et 3.
PiEVtiE DÉS SCIENCES.—T. XIX.'—EASC. 2. 16
242 J. PERINÊLLË

doivent naître du sacrement de l'Ordre, car il appartient ait sacrement


de l'Ordre et à lui seul (c'est sa définition même) de Conférer les< pou-
voirs qui ont pour objet la dispensaiion de l'Eueharistie^Lessepi or-
dinations sont donc vraiment sacramentelles. -
.-/'.
Pour la même raison, le pouvoir qu'elles donnent est vraiment le
caractère de l'Ordre. /Le prêtre en reçoit la plénitude/; les /ministres y
participent ; mais, à tous les degrés, c'est le même caractère, et, par
suite, le même sacrement 0).."
Le tonsuré, lu i, n'a aucun pouvoir de celte Sorte, Il se trouve seule-
ment député à certains offices cultuels collectifs de. la communauté
des ministres d'Eglise. La tonsure n'est donc pas.un.orÉre (z);.
'
V. .:V..~:V ;V" V
..

Le ministre du sacrement de l'Ordre est l'év.êque,,l'évêque seul, ;


Seul, en effet, dans la hiérarchie, il possède entier et parfa.it pou-
voir. Seul, en cette excellence, au même titre que le chef d'état pour les
fonctions civiles, il peut distribuer les divinsministères-(!).'

(1) S.:th.,Suppl.,/Q.'d5, a. 2 : « Per gueinlibet ordiîienLaliqûls côhstituïtM


supra plebem in aliquo; gradu potestàtis ordinatae ad sàcramentorum. dispen-
satiohem. Unde cum character sit sigiium distinctiyum.-ai);;aliis,.:opprtetquod
in omnibus character imprimatur : cujus etiam sighum est/quod perpétuo ma-
nent, et nunquamiterahtùr». *"- Ibid., ad 1 : «Qùilibët ôrdp velliabet'açttim
circaipsum sacramentum, velordinat ad sacraillentôruni dispens^tipriem, sicut
ostiârii habent actum admittendi hominés ad divinorunisâçram.éiïtcruniinspec-
tiônem, et sic dé aliis : et ideo in omnibus requiritur spiritualis .potestas ».//-—
Q. 37, a. 1 ; Ibid., ad 2 : « Divisip ordinis non est totius integralis litsuas partes, '
neque totius universâlis, sed totius pottstatiVi.... Tpta ehim pièhitùdo saèfa-.
menti hujus est in uno ordine, ; scilicet sacerdotio, :sed in aliis est, quaedam
participatlq ordinis... Et ideo omnes ordines sunt ;iinuni sacramentum». \—
Ad 3 : « In.regnOjijuamyistota potestàtis plenitudpresideatpene.siegem,nonta-
meiiexcludunturministrorum potestates,quae suht ./pàrtiçipàtiûnés quaédam
regiae potestates. Et similiter est in ordine». — Ibid., a/2,3, 4.
(2) Ibid., Q. 40, a. 2,: « In cùltu autem divino... qhàedani autem sunt quae
commuiiiter a toto ministrorum collegio fiunt, sicut dicére diyinas laudes ; et
adjipcnonpraeexigitur aliquâ.potestas ordinis, sed solûni quàédam dèputàtio
ad taie officiùm, et hoc fit per coronam. Et ideo non est ordo, sëd prJ,eambu-
liim ad ordînem ». Et de même pour le chantre (Ibid:, Q:/37,/a. 2, ad'5).- /
(3) S. th., Suppl, Q. 38, a. 1 : « Potestas episcopalishabèt se ad potestatem
ordînMnlnîèriorttin, sicut politica, quae conjectat bonunï commune, ad infério-.;
res artes et-virtutes, quae connectant aliquod boiiumspecialé...Politica autem
poiiit, ut dicitur, legem ihferioribus, scilicet quis quam debeâtex6rcer.ë;-et quan-
tum^ et qu'aliter-,- Et ideo ad episcopum pertinet in'pmnibus diVinis mZinisiériis
altos collocare». — Ibid., ad 5 :«Ad communicandum alteri/qùod qùis liabet,/
non exigitur solum proplnquitas sedet Completio potestàtis. Etquiasacerdos
LA DOCTRINE DE S. THOMAS 243

Le pape, qui possède la plénitude de ce pouvoir pontifical, peut,


il est vrai, donner commission à un simple prêtre de conférer les or-
dres inférieurs, dont la fonction n'est pas en relation immédiate avec '
l'Eucharistie, mais pas les autres (x).
Dans les ordinations l'évêque,par une communicaiiohquasiunivo-
que, confère une puissance semblable à la siennemais imparfaite,une
puissance dérivée de la sienne (car l'imparfait dérive du parfait).
C'est de lui qu'il donne ( 2)
Aussi est-ce par lui, et . non, comme eh d'autres sacramenls (le
baptême,par exemple) par la matière employée, que passe principale-
ment la vertu divine ; c'est lui qui principalement la contient et à
litre d'instrument la transmet. Dans les ordinations ce qui compte
donc avant tout c'est son geste, le geste par lequel il signifie sa volonté
de remettre tel pouvoir (3).
Ainsi encore tous les ordres, même le presbytérat, dérivent de
l'épiscopat, qui est l'ordre parfait, l'ordre per Se,l'ordrê premier, l'ordre
principe (4).
VI
Comment, en chaque ordination, sera signifiée (et donc efficacement
opérée) la remise par Tévêque de celte puissance spirituelle dérivée de
la sienne, l'imposition du caractère ? En d'autres termes, quelles sont
la matière et la forme du sacrement de l'Ordre ?
Une puissance ne se révèle que par ses actes. L'évêque commande
donc à chaque ordonné d'accomplir l'acte principal de son ordre (for-
me), et lui remet l'instrument dont i! doit se servir pour cela (matiè-
re). Par ce rite il détermine la nature du pouvoir qu'il veut transmettre
et en exprime (et donc opère) la transmission (5).

non habet complétant potestatem in hierarchicls officiis, sicut episcopus, ideO


non sequitur quod possit diaconos facere, quamvis ille ordo sit sibi propin-
quus», —Contra Gent., IV, 76, par. 1.
(1) S. th., Suppl., Q. 38, a. 1, ad 3.
(2) Ibid.,Q. 34, a. 4, ad 1 : «Alia sàcramenta non ordinanturprincipaliterad
effectus similes potestati per quam sàcramenta dispensantur, sicut hoc sacra-
mentum. Et ideo in hoc sàcramento est quasi quaedam communicatio univoca ».
Ibid., ad 2 : « Quamvis.enim in episcopo, qui est ministrer hujus sacramenti,
non sit auctoritas respectu collationis hujus sacramenti, tamen habet aliquam
potestatem respectu potestàtis ordinis quae confertur per ipsum,inqUantum haec
potestas a potestate ipsius derivatur ».— Ibid., a, 5 : « Illud quod m hoc sàcra-
mento traditur, scilicet spiritualis potestas, deiivatur etiùn ab'eo qui sacramen-
tum dât, sicut potestas imperfecta a perfecta », .
(3) Ibid., a. 5 : EfficaCia hujus sacramenti principaliter residet pênes ëum
qui sacramentum dispensât». — Ibid., ad 2 ; ad 3.
(4) Contra Gent., IV, 76,: par. 1 : « Ipsa sacerdotalis potestas ex episcppali
derivatur».
(5) S. th., Suppl'.,. Q. 34, a. 4 : « In forma ordinis exprimitur usus ordinis per
244: iv PÉRINEELÈ ' V '' /VV/VV /.,,/;";,
.

Pair exemple, et pour prendre la plus haute des ordinations, l'acte


principal diiprêire est la consécration du.corps ei/dusang du Christ.
Le rite essentiel de Tdrdinâiioii sacerdotale consisté donc dans La
remise, avec une formule appropriée, d'un calice contenant du vin
et d'une patène portant du painPar les rites précédents (toujours selon
celte loi générale qu'un même agent, enûonnantune. formeydoii donner/
la préparation prochaine à cette formé) l'évêque prépaiel'ordindnd
à recevoir le pouvoir sacerdotal: il l'instruit de son office, le pénit,
lui impose les mains, l'oint. Que signifient ces dernières cérémonies?
La bénédiction attache au service de Dieu ', aussi/sê donné-bellepour-
tous les.ordres. L'imposition des mains fait descendre la plénitude
de grâce requise dans les grands offices '.; aussi n'existe l-elle que dans
l'ordination des diacres et des prêtres,-avec cette, nuancé que.daiisylà,
seconde, où l'on veut attirer une grâce plus abondante (parce qUè les
besoins de Vofdinand seront plus grands), l'évêque est assisté par
les prêtres présents. L'onction enfin consacre lès)mains'':qui doivent
toucher le corps du -C.hrist (x). V ,:;;";
.
VII. -
'

En quai consiste la supériorité qui donne à VèvêgUe^ dans la hiérar-


chie des ordres, pouvoir entier et parfait!
Dans une puissance plus grande que celle du simple prêtre sur le
corps mystique du Christ. "V
Tous les prêtres possèdent en plénitude le pouvoir suprême sur le
corps vrai du Christ, celui de le consacrer ; ils l'-exei•cent validèmênt
enlouie indépendance. De ce point dé vue le pape lui-même n'a sur
eux aucun avantage, /et. c'est la raison pour laquelle il nëpeùl délé-^

actumquiimperatùr,et:exprimiturtraductiopotestatispeiimperatiyumiiiodum]),
—Ibid},a.5 ; xMateria/autem adliibetur magis ad dènionstraïidam/potéstatéhi
quae traditur particulafiter ab habehte éam complète, /quant ad potestatem
causaridam ; quod patet ex hoc quod materia competit iisîii potestàtis ».
(!) Ibid., Q. 37, a.' 5: «Ejusd'em est foimiam. aliquam/indùceré:etnïatëriàln
dé proximo praepararë ad formain. Unde episcppuslhcpllatiohëîordinumduo '
fàcit : pràeparat enim ordinaridos ad ordinis sûscëptiônem, et ordinis potesta-
tem tradit. Praeparat7qûideni et îiistruendo. eos de proprio ofîicio, et aliquid
circa eos operahdo ut idoiiéi sïnt adpotestatem accipïendam,qiiaêquidemprae-
paratlo in. tribus consistit, scilicet benedictione, manus ihipositiôhe et uhctio-:
ne... SedpotestatiS' cbllatip fit per hoc quod datur eis aliquid qupdadproprium
actuîii pertinet. Et quia principalis actus sacerdotis est consecràre corpus et
sanguinem Christi, ideo in ipsa dâtione calicis sub fbima vèïborumvdetermihâta
i
character sacerdotalis imprimitur », — Ibid, Q.S8, a. 1, ad : «In ihrpo-
sitione maiiuum non datur character sacerdotalis ordinis,;.. sed, gratia, sè-
cundum quam ad exequenduni ordincm sintidonei.Etiqûiàindigent aniplisslma
.
gratia, ideo sàcerdotesmanus cuih ëpiscopo imponunt eis qui ihsàcèidotes prb-
moventur, sed diaconis s olus epîscopus ». — S. th., iïia Pi, Q.. 84, a. 4.
LA DOCTRINE DE S. THOMAS 245

guér à un non-êvêque le droit de conférer lés ordres qui mettent en


relation directe avec ce corps vrai du Christ (î)>
Mais, par contre,, dans l'exercice de. leur pouvoir Second; celui de
préparer le peuple à U Eucharistie, les simples prêtres sont subordonnés
à l'évêque ' ils n'absolvent validemeni que ceux sur quiils ontreçu, de
lui, juridiction, et; en outre, les questions importantes, les cas ardus
lui sont réservés. V
La supériorité d'ordre de l'évêque est donc réelle. L'épisçopai occupe
dans la hierarch iè sacrée un grade supérieur ; iFconsiïiue hiérarchique-
meni un ordre à pari.au-dessus du presbytérat.Cette distinction existait
dès les temps apostoliques (2). V
Ordre hiérarchique, mais non ordre sacramentel, il ne donne en
,-

effet aucun pouvoir nouveau sur la consécration eucharistique. Le


rite par lequel un prêtre y est promu n'appartient donc pas du sacre-
ment dé l'Ordre, car le sacrement de l'Ordre habilite avant tout (c'est'
son effet premier et nécessaire), à une jonction ayant pour objet la
consécration eucharistique. Ici rien de tel.
Ce 'pouvoir d'ordre supérieur de l'évêque ne répond d'ailleurs pas
exactement à la notionde caractère, car Une députe pas/directement et
immédiatement à uiie fonction cultuelle (3). Il'esi cependant inamis-

(1) S. th., Suppl, Q.-3S, a. 1, ad 3 : « Supra quod (corpus Christi) consecran-


dum papa lion habet ihajprem potestatem quam sinlplex sacërdos». V v
.
(2) Ibid.. Q. 40, a. -4;: « Sacërdos habet duos àctus : unum principalem, sci-
licet cpiisecrare corpus Christi ; alterum secundarium, scilicet praepàràre po-
pulum t)ei ad susceptibiiôm hujus sacramenti.,. Quantum autem ad primum
:
actum, potestas sacerdôtis.non.dependetab aliquo superiori pptestatë,.nisi divi-
naj.sèd quantum ad sècundum, dependet. ai)/aliqûâ superiori potestate, et
humana». ^- Ibid., Qi29,/a. 6 ; In IVSent.,Disi. vu, Q, 3, a. î,q,2, ad3 ; q. 3 ;
Dist. xxiri, Q. 1, a. 3, q. 3, ad 1.; Contra Gent., îv, 76, parVl : « Neçêsse est all-
quam superiorem potéêtâtem/esse in ECclesià alicujùs altioris.ministerii, quae
ordinis sacramentum dispen.s.et ; et haec est. episcopalis potestas, quae, etsi
quantum ad consecrâtio.nem corporis Christi/non excédât sacerdotis; potesta-
tem, excedit tamen eàmin his quae pertinent ad fidèles ;namet ipsa sacerdo-
/talis potestas ex episcôpâli derivatur, et quidquid arduum circà populum fidë--
lem e$t agendum episcopis rèservatur, quorum auctoritate etiam sacerdotes
possuhtquod eis agendum committitur».—Quod.m.,%.'Vt, ad 5 ; De perfeclione
vilae spiritualis, ch. "24; In-Ep. ad Philip., ch.i, lect.l(sur v.i);In I ad Tint., -
1 ch, iii,"Ject. 1,
çirca prliic.V In ad TH., ch. i, lect. 2, circa princ, ;.S. th., ïja -ua\
Q. 184,'a. 6,.ad 1 ; iiia:p.,Q,"67, a. 2, ad2.
(o) S., th., Suppl., Q. 40, a. 5 : « Ordo potest accipi dupliciter. Uno modo se-
" cinidunï quod est sacrainehtuni, et sic... ordinatur prdo ad Eucharistiae sacra-

mentum ; unde, cum episcppus non habeat potestatem superiorem sàëërdpte,


quantum ad hoc episcppatus non erit ordo, Aïio modo potest consideràri ordo,
sècundum quod est ôfficium quoddam respectuquarumdam aetionum sâçrarum,-
et sic, cum episcopus habeat potestatem; in actionibus hiërarchicis respectu
.corporis mystici suprà sacerdptem, episcppatus prit prdp », -— |6.id.',,ad 2 : « Or-
246 J. PÈRINÈLLE .

sible, comme les caractères, parce qu'il est donné par une consécra-
tion^).
En outre, comme ceux qui le reçoivent possèdent déjà le caractère
sacerdotal, caractère qui, lui, députe auculte, il leur donne la capacité
de régir ce culte. Les évêques peuvent élever les simples baptisés aux
jonctions spéciales de défenseurs de lareligion et de prêtrès,en adminis-
trant les sacrements de Confirmation et a" Ordre ; ils peuvent consacrer
les objets qui serviront à la consécration eucharistique. {J).

Distinct de leur pouvoir de'juridiction (3), ce pou voir d'ordre su-


périeur contribue; avec lui, à faire d'eux des vie aires du Christ, du
Christ-Roi, chargés, à ce litre, de gouverner le peuple fidèle, soit
en un diocèse, soit dans l'Eglise entière (4),

do, prout est sacramentum imprimons characterem, ordinatur specialiter ad


sacramentum Eucharistiae in quo ipse Christus continetur, quia'per charac-
terem ipsi Christo configùratur. Et ideo licet detur aliqua potestas spiritualis
episcopo in sui promolione respectu aliquorum sacramentoruïh,nen tamen illa
potestas habet rationem characteris. Et propter hoc ëpiscopatus non est ordo,
sècundum quod ordo est sacramentuin quûddam ». •— In arlic. fidei ^Ëpiscopa-
tus autem magis est dignitas qmm ordo ».— S. th., nia P., Q. 63. a. 4, ad 1 :
« Character autem directe et propinquedisponit animam
ad ea quae sunt divirii
cultus exequenda». — Ibid., a. 6.
(1) S. th., Suppl, Q. 38, a. 2, c. ; ibid., ad 2 : « In promotiône ipsius episcopi
datur ëi potestas quae perpetuo manet in eo, quamvis dici non possit character,
quia per eam non ordinatur homo directe ad Deum, sed ad corpus Christi rnys-
ticum ; et tamen indelibiliter manet, sicut character, quia per consecrationem
datur».
(2) Ibid.,Q.40, a.4, c. ; ibid.,ad 3 :« Ad episcopum pertinet manciparë aliquid
divinis officiis, quasi cultum divinum ad similitudinem Christi statuendum».
— Contra Gent., iv, 76, par. 1 : « In bis quae sacerdptes agunt, utuntur rébus
per episcopum consecratis, ut in Eucharistiae consecràtione utuntur cohsecratis
per episcopum calice, altari et pallis». •— S. th., ma P., Q. 65, a. 3, âd 2 : « Per
ordinem et confirmationém deputantur fidèles Christi ad aliqua specïalia offi-
cia quae pertinent ad officium principis ; et ideo tradere hujusmodi sàcramenta
pertinet ad solum episcopum, qui est quasi pripeeps in Ecclesia ».
(3) S. th., Suppl, Q. 40, a. 5, ad 3 : «Potestas episcopalis non est tantum
jurisdietionis, sed etiam ordinis ».
(4) S. th., Suppl, Q. 40, a. 4, ad 3 : « Sacërdos autem répràesentat Christum
in hoc quod per seipsum aliquod ministerium implevit ; sedepiscopus in hoc
quod alios ministros instituit et Ecclesiam fuiidavit... Et propter hoc etiam
episcopus specialiter spohsus Ecclesiae dicitur, sicut et Christus»,-—Contra
Gent., TV, 76, par. 1: «Manifestum est quod summa potestas regiminis fide-
lis populi ad episcopalem pertinet dignitatem». — S. th., ina P., Q, 8, a, 6 :
« Quantum ad exteriorem gubernationem... Christus est
caput Ecclesiae pro-
pria vh-tute et auctoritate, alii vero dicuntur. capita in quantum vicem gerunt
Christi».—Ad 1 « Sècundum quod ratio capitis consideratur ex exteribri guber-
natione, prout dicjtur rex in caput regni sui »,
LA DOCTRINE DE S. THOMAS 247

Ils ont ainsi, par leur dignité même et avant tous autres, la charge
des âmes. En assumant leur office Us s'obligent, comme de bons pas-
teurs,à procurer,fûl-ee,du péril de leur vie,le Salut du prochain. Leur
élévation, étant une consécration, les fixe pour toujours en ce devoir
qui suppose parfaite charité. Ils se trouvent donc, par leur dignité
même, dans un état de perfection, de perfection acquise^),

/-' VIII.
Le caractère conféré par le sacrement de l'Ordre etla supériorité d- or-
dre donnée par la consècrdiionèpiscopale se rattachent tous deux à la
grande catégorie des grâces gratis dâtae, les charismes de saint Paul,
grâces dont quelques unes seulement sont extraordinaires. Ils éta-
blissent en effet dans l'Eglise les ministres dé D ieU par excellence
ayant office et pouvoir, pur l'administration de l'Eucharistie et tout
ce qu'elle implique, d'aider les autres à se .sanctifier (f).

(!) S. th., na-nae, Q. !84,;a, 5 et 6 ; Q. 185, a..4, 5 et S;; Q. 186, a. 5.


(2) In Ep. Ia ad Cor., ch./xn, lect. 1 (sur v./i) : «In lus autem quae per
gratiam Spiritus Sancti cônîeruntur, tria opbrtët considerare : primo quidem
facultatem hominum ad operandum, secundo auctoritatem, tertio executionem
Utriusque. Facultas quidem habetur per donum gratiae, puta per prophetiam
vel potestatem fâeiendi miracula, aut per aliqUodhujusmodi.Auctoritâs autem
habetur per aliquod îninist'erïuni, puta per apostolatum vel àlîquid îrujusmodi.
Executio autem pertinet àd opérationem ». —- In JEp, II? ad Tim., cïi. i, lect.
3 (sur y, 6).; « Gratia Dei est-sïeut ignis qui quando obtegitur einere, non luëet ;:
.
sic gratia obtegitur in hohiihë.per torporem vel humanum timorem. Undé et
Timotheus effectus pusillàhimis torpuerat circa prâedicationem.Et ideo dicit :
Ùtresusciles gratiam sospitam. Et addit : Quae est in te per impositionem-ma-
nuum mearum, a qub se., ordinatus erat episcopusj in qua inanus impositione
data est ei gratia Spiritus Sancti ». — In Ep. ad Rom., ch, xn, lect. 2 (sûr v.
4-7) : « Docet diversarUm grâtiai'um usum. Et primo iii rébus divinis : quantuni
ad cognitioriem quidëm,dicensSiue prophelia... ; quantum ad sàcramenta minis-
trandà subdit Sive ministerium in ministrando, ïdest si qui s accepit gratiam
.
velbfficium;ministerii, putaut sit episcopus vel sâeerdos, qui dicuntur mini-
tri Dëi,., Secundo tangit eà-quae pertinent ad res humanas, in quibus potest
aliquis altefi subvenire», •—S. th., ia-iiae, Q. 111, a. 1 : «Duplex est gratia...
Alia vero per quam unusbpïnb cooperatur alteri adhpc quod ad Deum reducà-
tur. lïûjusmodi autem dbnum vocatur gratia gratis data, sed quia non datur
ad hoc uthomo ipse per eàm justificetur, sed potius ut ad justificaiionem
alteriûs. copperetur, ideo nonvoçatur gratum faciens. Et de-hac dicit ApostOr
lus : Unicuique datur màiufestatio Spiritus ad uiilitatemscilicet, aliùrum».

Le commentaire sur les passages des Epîtres traitant des charismes montré avec
évidence que, pour saint Thomas, certains de ces charismes seulement sont
extraordinaires,
.
248 J. PERINELLE
Ainsi peut se résumer la doctrine de saint "Ehornas sur lé sacre-
ment de l'£)rdre. Qui pourrait en méconnaître;la logi^quê Inter-
ne, l'unité organique et la beauté ? V "V

A cet exposé précis qu'il me soit permis d'ajouter quelques re-


marques personnelles sous forme de suggestions détachées ou même
de simples questions.

A; — 1° H est intéressant de rapprocher le Décret aux Arméniens


du De afliculis fidei. et sacrameniis Ecclesiae (où saint Thomas
résume, pour l'archevêque de Païenne, toute sa doctrine sur les
sacremeats).Voicilespassagesqui traitent spécialement de l'Ordre :

De arliculis fidei Decretum pro Àrmenis


« S extum est
sacramentum Or-
dinis. Sunt autem septem or-
dines : scilicet presbyteratus,
diaçohatus, subdiaçoïiatus, aco-
lythâtus, exbrcistâe, tectoris et
ostiarii- Cléricatus âùtem non Scxtum
est ordo, sedquaedain professio sacramentum est Ordinis, cujus
vitae -dantiûm, se .divino mini- materia est illud per cujus tra-
sterio Episcppatus autem magis ditionem conferLur ordo : sicut
est dignitas quam ordo, Matefia presbyteratus traditur per calicis
autem huius sacramenti est.il-' cum vino et patenae cum pane
lud niateriâle, per cujus tradi- porrectioncm : diaconalus vero
tionem confertur ordo : sicut per libri evangeliorum dationcm :
presbyteratUfs traditur per col-
.
subdiaconatus vero per calicis
lationem calicis, et quilibet ordo "vacui cum patena vacua snper-
traditur per eollatiohem illius posita traditionem; eL simiiiter
rei quae prâecipue pertinet ad de aliis per rcrum ad ministeria
ministerium illius ordinis. Forma sua pertinentium assignationem.
autem huius- sacramenti est-ta- Foima sacerdotii talis esL: « Ac-
lis : « Accipe; potestatem offe- cipe polestatcm offerendi sacri-
rendi sacriîicinm in Ëcclesia pro ficium in Ëcclesia pro vivis et
vivis et mortuis » ; et idem est mortuis, in nominePatris etFilii
dicéndum iirVcbnshnilibus ordi- et Spiritus sancti » : et sic de
nibus. Minister hujus sacramenti alioruinordhmm formis. proutin
est episcopus qui confert or- Pontifical) Romano latc conti-
dines Elf ectus autem ;huj u s s a- netur. Ordinarius minister hujus
.
cramenti est àugmentum gratiae sacramenti est episcopus. EI-
ad hoc quod aliquis sit idonêus îectus àugmentum gratiae, ut
minister -Christi», quis sit idoncus minister »,
LA DOCTRINE DE S. THOMAS 249

L'emprunt est à peu près littéral. En 1439, la doctrine de saint


Thomas est devenue doctrine officielle de l'Eglise romaine.
2° A la session XXIIIe de Trente, les. Pères ènumèrent les sept
ordres, à partir du sacerdoce, dans la partie de l'exposé qui semble
traiter du sacrement proprement, dit ;• ils parlent de l'épiscopat
seulement à propos de la hiérarchie. Mais, réunis pour réfuter les
erreurs protestantes, ils s'abstiennent volontairement de se pronon-
cer entre les opinions théologiques catholiques (*). Leur mention
de l'imposition des mains a valeur de simple citation.
.
3° Le pontifical romain porte, dans les rubriques générales des
ordinations : « Moneat ordinandos quod instrumenta in quibus ca-
.
racter imprimitur tangant ».

B. •— 1° Saint Thomas savait évidemment que le seul rite indi-


qué pour les ordinations dans les Actes des Apôtres et les Ëpîtres
de saint Paul est l'imposition des mains. Il n'hésite cependant pas
à regarder la porrection des instruments comme le seul rite confé-
rant le" caractère sacramentel dans l'Eglise latine de son temps.
On ne voit pas qu'il trouve la moindre difficulté à ce changement,
dont il ne prend même pas la peine de parler. Pour lui l'institution
dû sacrement par le Christ laisse à l'Eglise cette liberté;
2° Même remarque pour les rédacteurs du décret aux ' Armé-
niens et pour les Pères du concile deFlorence.Ils savaient bien cepen-
dant que dans toutes les Églises orientales sauf l'Église arménienne
le rite essentiel de l'ordination sacerdotale demeurait l'imposition
des mains.
3° Une fois admise, en principe, cette liberté de l'Eglise, peut-on
réellement regarder comme une objection décisive contre le chan-
gement la date tardive (10e-12e siècles) et la manière progressive,
par expansion de coutumes locales, dont la traditiqn'des instruments
s'est introduite? D ne lé semble pas.
4° Il n'est pas prudent,en niant cette liberté, d'aller contre le
Décret aux Arméniens au nom du présupposé, purement théologique,
de la fixité absolue du rite essentiel de l'Ordre, alors que l'histoire
d'autres sacrements, comme la Confirmation et l'Extrême-Onction
rend ce présupposé au moins discutable.

(1) PALLAVICINI, Histoire du concile de Trente (trad. Migne,1844-1845, 3 vol).


L. xvni, ch. 12, n. 1 ; ch. 14 n. 5 ; ch, 16, n,"2 ; L. xix, ch',. 6-; L, xxi, ch. 8.
P, 1 ; çh, 12 ; ch, 13, II, 11,
250 J. PÉRINELLE

5° Cette liberté ne peut-elle pas s'expliquer saris^tfop de peine?


Des rites matériellement différents, mais égalémeirts significatifs
de la collation du pouvoir spirituel, demeurent formellement (c'est-'
à-dire comme signes et donc sacramènUllement) identiques, èn/vèr-
tu de leur synonymie.
6° Pourquoi; retirer à la théorie de la matière et, de la forme la
souplesse que lui laissait saint Thomas?
7° Rej eter la sacramentalité des ordres inférieurs apparaît comme
un expédient théologique assez arbitraire. Peut-on adopter cet
expédient sans regret ni malaise quand on connaît la simple et
puissante synthèse de saint' Thomas sur le sacrement de l'Ordre?"

G. —L'épiscopat est vraiment premier. Tout a été donne aux


apôtres etrévêquese présente comme leur héritier. Le presbyterat
dérive de rapqstolat-épiscopat; il apparaît même,après le diaco-
nat, et avec un aspect moins original que lui.

D. — En affirmant que l'Eglise a confié explicitement à des


ordres différents ce qu'elle possédait implicitement dans le diaco-
nat, saint Thomas ne tend-il pas la main à Newmàh?

E.—La notion thomiste de hiérarchie sacrée serait intéressante


à approfondir. Elle ne s'identifie ni avec la notion, plus étroite,
de juridiction, ni avec celle de sacerdoce. Se rattachant à la royauté ;
spirituelle et sacrée du Christ, elle met en relief la valeur de cette
royauté dans là vie de l'Eglise etsa liaison avec le sacerdoce du/
Sauveur. L'ordre hiérarchique diffère de l'ordre sacramentel^ tout
en paraissant l'inclure.
F. —En identifiant les offices hiérarchiques à des grâcesgratis
datae, saint Thomas, écho de saint Paul (II Tim.,:I, 6), marque le
rôle capital de ces grâces dans la constitution même de l'Eghse.
Il souligne par là même la pérennité de ces grâces au cours des siè-
cles chrétiens, et fait entrevoir l'homogénéité foncière, aux temps
apostoliques, entre les, deux organisations, apparemment un peu
antithétiques, de la hiérarchie proprement dite et des offices cha-
rismatiques. *
V

Puissent ces notes, simple théologie in fîèri, susciter dès recher-


ches plus étendues et un travail plus construit.
De Saulchoif. J. P^RÏNËËLE, Ovf. .;
-
NOTES

LES PREMIE1ES. ANNÉES DU I0N0PHYSISME

Une collection antichalcédonienne.

M. Ed. Schwartz a consacré un gros mémoire au Vaticantts


graecus 1431 i1). C'est un manuscrit assez difficile à dater (2) ;
après avoir appartenu à Sirleto, il devint la propriété du cardinal
Ascanio Colonnà, passa, enfin, à la Bibliothèque Vatiçane. Il
a tenté la curiosité de plus d'un chercheur d'àvéxôora, depuis
les éditeurs de là collection romaine des concile d'Ëphèse (1608)
jusqu'à/ H. Lietzmann. Mais, à vrai dire, nul ne l'avait encore
étudié à fond, chacun se contentant d'en extraire ce qui l'in-
téressait. M. Schwartz a passé en revue chacun de ses feuillets,
quelquefois chacune de ses lignes ; il en a publié maint passage
jusqu'alors inédit ou peu connu. Bien mieux.il a essayé de retrouver
quelle idée suivait ie compilateur de cette collection de quatre vingt
pièces dont la première voudrait nous ramener au temps de Paul
de Samosate et dont la dernière, dans l'ordre chronologique; est
YHénoticon de Zenon (482-483).
Pour qu'on se rende compte de la richesse du contenu, j'indique,
dès à présent, sans m'arrêter au détail, l'ordonnance générale du
manuscrit. Il me semble qu'il contient réunis ensemble, six dossiers

....
(1) Codex Vaticanus gr. 1431. Eine antichalkedonische Sammlung aus dcr
Zeit Kaiser Zenos, dans les Abh. d. Bay: Akad. d. Wiss. Phil.-hist.Klasse,
XXXII Bd, 6. Abh. 1927.
(2)Dans so~ ouvrage sur Apollinaire(Apollinarision Làodicea und seiheSchule,
I, Tubingen, 1904, p. 96-97), Hans LIETZMANN datait le manuscrit IX-X^ siècle.
Je né crois; pas qu'on puisse le faire remonter au delà du XII« siècle. On trou-
vera une-reproduction des f' 1.299v et 310 dans les Specimina codicum gr aeco-
tum Vaticanorum de Pio Franchi de' Cavàlieri et Ioh. Lietzmann, tab. 33.
(3) H. Lietzmann Voulait que le manuscrit comprît deux parties seulement,
la seconde ayant son commencement au fol, 310.
252 H. PEYREESSE

ou parties de dossiers dont les limités restent assez faciles à préci-


ser :
1. La prétendue correspondance entre Denys d'Alexandrie et
Paul de Samosate P-), la lettre des six évêques à Paul (-) (ff. 1-22)
2. Les symboles de Nicée et de, Constanlinople suivis des inter-
prétations de S.; Athanase et s, Cyrille d'Alexandrie (fol. 22-38).
3. Des morceaux divers tirés des actes d'Éphèse (fol. 38-206v) :
ce dossier commence par les réponses de Cyrille aux attaques
des Orientaux et de Théodoret contre les anathématismeset s'achè-
ve par la lettre de Cyrille à Jean d'Antioche touchant Théodore!".
('Ëyà> fièv âTto/xâÇaûdài : P; G., LXXVII, 328).
4. TJnesérie de lettres ou mémoires — de Cyrille (3) pour la plus
grande partie -^ écrites à la suite de la paix de 433 (fol. 206'r-233v.
5. La lettre de Proçlùs aux Arméniens, un discours du même
sur le ©eoToPfoÇjles trois lettres échangées entre Atiicus de Constan-
.
tinople et Cyrille au sujet de saint Jean Chrysostomc, un extrait
de S. J. Chrysostome (P. G., LXII, 85-88) sur l'unité et la dignité du
corps ecclésiastique (fol. 233v-253v).
6. Une série de pièces dogmatiques, d'extraits des Pères dont
on se fera une idée en sachant qu'ils sont encadrés, au début, par
trois fabrications appollinaristés, à la fin, par Y Encyclique et VAnti-
encyclique de Bâsilisque et par VHénoficon. Ce ne sont pas les "seuls
articles; qui attirent l'attention ; il faut y joindre trois auLres pièces
apollinarlstes mises au nom d'Athanase et de Grégoire le Thauma-
turge, et deux importants florilèges monophysistes. Quelques
rares pièces, insérées là (fol. 253v-360), vraisemblablement pour
donner le change, sont mises au nom de leurs vrais auteurs : Atha-
nase, Basile, Grégoire le/Thaumaturge, Grégoire de Nazianze, mais
il faut reconnaître qu'elles sont habilement distribuées (4).

1, Foi.-l-18v. On peut la lire dans MANSI 1,1040-1088. Notrë/manuscrit omet/


lès mots <ôri o> jir\v X.eyco fyfiiy—- oi]i nooç, dfiôÔEiÉîv (MANSI, 1041
C1-1053A10). On en trouvera un commentaire dans G. BAnpiv Paiïl de Sa-
.
mosatës, pp. 144-179. : _
(2) Fol.19-22 : MANSI I,Ï0?3-1040. Les deuxlettres;ont été publiée à nouveau:'
d'après le 1431. et le Coislin gr. 299, fol. 190-223V par Ed. ^CHWAKTJZ (iîm,"
fingieric Korrcspondchz mil Paulits dem Sdmosalener dansVies Siiz:'il. Bay./
Ak. d. Wiss., 1927, îasc. 3) ; reproduction du texte de la lettre; des sixëvêques
dans BABDY, op. cit., pp. Ï3-3.9. V'-V
(3)Ce sont les lettres 42-46. 50. .56-58. 67. 68.- 70. 72. 84'. "'./ ;::-VV;
y
(4) On peut laisser de côté, en effet, les deux morceaux delà fin;(fol. 360-369v)
deux écrits d'Hippolyte, "l'homélie contre Noét et 1' ànoè/evKxiy.r\. TCOOC]
'fovôaiovç, ///::/;/::/ "'
LÈS PREMIÈRES ANNÉES:DU; MONOPHYSISME: ; 253

VCette; dernière, partie de la collection suffirait, à elle seule, à


/donner au recueireomplet du Vat. 1431 sa vraie physionomie.
On pourrait la posséder sans tout ce qui la précède, qu'il n'y aurait
aucun doute à garder sûr son origine et sa valeur. Et j'ajouterai
que, dans les pages qui vont suivre, c'est d'elle seule et dé son cadre
historique que je m'Occuperai, le reste du manuscrit devant être
examiné à un autre moment et dans une autre perspective. Mais
puisque M. Schwartz i.à dépensé beaucoup d'ingéniosité ' et
d'érudition à montrer que nous retrouvions du début à la fin (*)
le fil Conducteur qui réliait ensemble les cinq premiers dossiers
entre eux mêmes et tous les cinq avec le sixième,.écoutons son
explication. Le collectionneur du Vat 1431, nous dit-il, est un hom-
/rhe absorbé par une idée fixe : il y a, en effet, dans bon nombre
des documents par lui rassemblés, un mot qui pourrait bieri expri-
mer^ et admirablemehtj tout son plan: ¥ obiovojxia. h'o'xovdfila,
c'est le besoin et la volonté de vivre à travers "l'es difficultés que
sèment les principes ou YâxQÎfieia (exemples ramassés par M.
Schwartz, p. 94). Jean d'Antioche a besoin qu'on use d'omovo/ila
après la paix, ProClu's aussi : ils ne sont pas tout à fait dans la
norme désirable ; avec eux il faut user de modération. Voilà
qui est bien, mais/il me paraît que Y ohiovofica passe, dans la suite,
un mauvais moment. Les lettres à Jean d'Antioche {OVK r\oé-
p/nasv),k Acace, à Làmpon, à Successus sont, plutôt en faveur de
YâHoi^èia, et d'un Cyrille qui ne croit guère à la nécessité de céder
quelque chose à l'opinion des autres. Et l'échange de mots avec
Atticus au sujet de S. Jean Chrysostome? Vit-on jamais plus dure
intransigeance ? Mais ici, M. Schwartz nous arrête: Yohcovo/iia
fait une seconde apparition Voici comment :; Atticus n'avait
1

pas cédé au désir de Cyrille de voir rayé, une fois de plus, le nom
de S. Jean Chrysostomedes diptyques • malgré cela (vertu cachée de
Yolxovopîal) la communion n'avait pas été rompue entre Çonstan-
tinOple et Alexandrie. Quand, en 438, Prôcïus ramena* aux rives du
Bosphore, les restes du saint évêque, CyrMe ne protesta pas.
Nous avons donc, selon M. Schwartz, dans cette correspondance
échangée: entre Alexandrie et Constaritinople: et dans le petit
extrait de s. Jean Chrysostome qui fait suite, une sorte de pont qui
permet de passer des événements qui suivent immèdiatemèrit
.

; (!) A l'exception de la correspondance adrès'séfe à Paulde Sampsate (ci; éi-


dpssùg, pV252, n. 2Ji
. .. -
254 R. DEVREESSE ; '

Ëphèse (tome de Proclus) à la dernière partie du recueil ; par ce


pont, ou grâce à ce tremplin^ nous entrons directement dans le
monde des idées monophysites, qui vont, aussitôt,s'exprimer sans,
grande dissimulation. Ce qui intéresse l'auteur de la collection, nous
dit M. Schwartz, ce ne sont pas les personnages historiques d'Atticus
ou de Cyrille mais bien une situation qui s'est produite une fois au
moins : pour le bien de la paix universelle, deux partriarches, l'un
d'Alexandrie, l'autre de Constantinople, ont laissé de côté de sub-
tiles discussions de principes. Que saint Jean Chrysostome soit ou
ne soit pas inscrit aux diptyques, ou, plus exactement, que cette
inscription plaise ou ne plaise pas à Alexandrie, cela est de minime
importance auprès d'un résultat beaucoup plus riche, savoir l'amitié
officielle entre Constantinople et Alexandrie—Rome et Aritioche
pouvant être négligées — sous la haute bienveillance de l'empereur
et selon sa volonté. Jadis, en effet, l'empereur avait permis que
fût rapportée une condamnation prononcée contre un patriarche,
que la mémoire d'une évêque proscrit par une décision officielle
fût publiquement honorée ; grâce à cela,. une partie de l'Église
(les Johannites) était revenue à l'unité. Or, depuis trente ans
— exception faite de quelques rares instants de paix — par suite
de décisions ecclésiastiques (Ghalcédoine), une fraction importante
du troupeau chrétien était en opposition avec l'autre. Il fallait donc
trouver un terrain d'accord pour ramener les dissidents et grouper,
sous un même drapeau et l'autorité de l'empereurjesfidèles d'Alexan-
drie et de Constantinople. Pourquoi ne pas revenir tout simplement
au statu quo d'avant Ghalcédoine?Tout le monde pouvait s'accorder
sur la foi de Nicée et sur les décisions d'Éphèse ; tout le monde
était d'avis qu'il fallait anathématiser Nestorius et Eutychès.
Que triomphe donc une fois encore, pour le bonheur de tous, Ypî-
xovo/j,la\
Tout cela, dirais-je, est fort bien, niais ne dépend que delà fan-
taisie d'un érudit ; on peut se demander légitimement si lé brave
homme qui nous a donné, à cet endroit du Vai. 1431, la correspon-
dance d'Atticus et de Cyrille avait toutes les finesse cachées que lui
supposé M. Schwartz. Il est facile, à distance, de trouver quelques
lointaines analogies ; il est plus difficile d'établir qu'elles, correspond
dent aux faits constatés. Les relations entre Constantinople et
Alexandrie n'étaient pas, au moment ou, sous la presion populaire,
Atticus se décida à remettre en honneur le nom de Ghrysostome,
ce qu'elles furent en 482.
Pour moi, l'insertion, à cet endroit, de la correspondance entre
LÈS PREMIERES ANNEES DU MONOPHYSISME 255

Atticus et Cyrille s'exphque par une circonstance beaucoup plus


simple. Je pense que notre copiste, ayant depuis le début de son
recueil —; nous sommes ici au dernier tiers — fait un choix assez
large dans les dossiers qu'il avait à sa disposition, s'est décidé à
reproduire cette correspondance par la seule raison qu'elle se rap-
portait à Constantinople. Il venait de transcrire le tome de Proclus,
puis une homélie-de celui-ci. Constantinople, Proclus, ce même
Proclus qui avait ramené au Bosphore les cendres de Chrysostome !
De là à se reporter à des souvenirs plus anciens, intéressant la ville
et le plus illustre de ses évêques, il n'y avait qu'un pas. C'est de
ma part une simple conjecture ; elle me paraît en valoir une autre.
C'est donc à la sixième et dernière partie du Vat. gr. 1431, et à
elle seule, que j'appliquerais le titre de collection antichalcédonienne
du temps de Zenon ; c'est elle seule que nous aurons en vue dans les pa-
ges qui suivent. Pour en saisir l'intérêt et la portée, il est indispen-
sable avant d'aller plus loin, de se représenter le cadre où elle a pu
être rassemblée, mise dans l'état où nous la lisons aujourd'hui, in-
dispensable également de reconnaître à quelles préoccupations elle
répond.

Saint Cyrille se réconciliant avec les Orientaux, en 433, avait


sacrifié au bien de la paix les anathématismes et même la plus
chère de ses formules, un héritage d'Apollinaire : Una naiura
Déi Verbi incarnata. Bien mieux, il avait expliqué aux plus intran-
sigeants de ses amis que l'orthodoxie pouvait s'exprimer,à Antioche;
par un vocabulaire assez différent de celui qui prévalait à Alexan-
drie. Cyrille a-t-il, dans la suite, rompu la trêve? Il est bien difficile
de le dire. Par contre, il est certain que, lui disparu, la lutte reprît,
implacable.Tous cëuxquLà Constantinople, à Alexandrie ou ailleurs,
trouvaient que l'entente s'était faite aux: dépens des anathématismes,
des vieilles autorités citées à Éphèse, aux dépens du concile même,
se remirent au combat. On attaqua,-partous les moyens.imaginables,
la théologie d'Antioche, les deux natures, les maîtres défunts
(Diodore et Théodore) et vivants (Théodoret, Ibas). La déroute des
dyophysites semblait à peu près certaine quand l'orthodoxie
s'aperçut que le moine Eutychès introduisait, sous couleur d'atta-
chement à Cyrille et aux autorités dites traditionnelles (Jules,
Félix, Athanase, Grégoire le Thaumaturge) une nouvelle variété
deTapollinarisme : des deux natures et de l'unique personne, il
256 - R. DEVREESSE

n'était plus question ; après l'union, il n'y avait plus qu'une nature
de Dieu incarné; le corps du Christ n'était plus qu'un quelque
chose d'humain, Flavien de Constantinople et son synode ne se
laissèrent pas prendre au piège; ils déposèrent Eutychès- de sa
dignité d'archimandrite. Celui-ci, grâce à de hautes protections,
grâce à l'appui de Dioscore d'Alexandrie, se releva un moment;
mais son triomphe fut court. Chalcédoine écouta,sans l'interrompre,
l'éloge de Théodore, traita avec honneur Thëodoret et Ibas, pro-
clama le Christ Dieu parfait, homme parfait, deux natures et une
personne, la différence des natures n'étant nullement supprimée
par leur union, chaque nature conservant au contraire sa partie
cularité.
L'autorité ecclésiastique avait été fort clairvoyante, tant à
Constantinople qu'à Rome. Putanl quod possini nostram diligen-
iiam fallere cum aiunt se UNAM VERBI NATURAM crëdere INCARNÀ-
TAM, écrivait le pape s. Léon (x), II semblait donc que l'erreur so-
lennellement condamnée allait disparaître. C'est exactement le cori
traire qui se produisit. L'opposition ne désarma point. On sacrifia,
parce'que trop compromis, lé moine Eutychès, mais on ne voulut
recevoir ni le dogme des deux natures, ni le concile, ni l'enseigne-
ment du pape. Trente ans après le concile, un édit impérial, VHé-
noticon, sanctionnait officiellement la défaite de l'orthodoxie en
Orient et la victoire du monophysisme. Pour comprendre comment
on put en arriver à ces extrémités, il faut passer en revue les princi-
paux faits de l'histoire ecclésiastique entre 451 et 482. Le trame en
sera demandée, en premier lieu, à Évagre et à Libératus, les histo-
riens monophysites ne méritant, pour cette êpoque,qu!untrès faible
.
crédit.

!£ :,--,,

Le concile de Ghalcédoine avait déposé Dioscore, non pas seule-'


ment par mesure de discipline (2), mais parce qu'il refusait de rece-

(1) Ep. 88 : P. L., LIV, £27.


(2) C'est, en effet, ce qu'ont soutenu, de tout temps, les monpphysiteë/et
leurs défenseurs ; il serait facile d'indiquer de nombreuses références à Cette
tentative de réhabilitation. On y opposera, tout d'abord, l'attitude de Dioscore
au brigandage d'Éphèse où le patriarche exigeait qu'on souscrivît à là profession
de foi d'Butychès, puis, le jugement des légats pontificaux à Chalcédoine qui
mettent sui- le même plan Dioscore et Eutychès (Eêioxq rov ôppioîov avrxîs)/:
LES PREMIÈRES ANNÉES DU MONOPHYSISME 257

voir le tome de Léon et parce qu'il avait favorisé les égarements


d'Eutychès. Il fut exilé à Gangres, où il mourut le 4 septembre
454: Quant à Eutychès, nous savons par le mémoire de Pelage pour
les Trois Chapitres (x) qu'il s'enfuit vers Jérusalem, où il fut reçu
par Hésj'chius. Nous ignorons tout de son séjour là-bas, mais il
n'est pas interdit: de supposer qu'il est responsable, en grande partie,
des troubles de Palestine, à ce moment là. Juvénal de Jérusalem,
qui avait souscrit au concile, fut mal accueilli à son retour ; bien
mieux, on lui choisit un successeur qui fut ordonné dans YAnastasis,
Théodose, lequel avait donné de bien pénibles impressions aux
Pères du concile ; en revanche, sachant bien ce qu'il faisait,Théodo-
se avait gagné,sans retard,la ville sainte pour annoncer comment
le concile avait mal tourné. Évagre, qui nous donne ces détails
(II, 5), poursuit en racontant que beaucoup de villes dés trois
Palestines s'adressèrent alors à Théodose pour obtenir un évêque;
parmi les élus, furent Pierre d'Ibérie,qui devint évêque de Maiuma,
et Théodote, qui prit le siège de Joppé (cf. Évagre III, 6). On
devine le mécontentement de l'empereur Martien : il convoqua
Théodose, ordonna à Juvénal de reprendre son évêché et fit expul-
ser des évêques que Pierre d'Ibérie avait déjà consacrés.
A Alexandrie, la situation n'était pas meilleure qu'en Palestine.
Dioscore était en exil et une grosse opposition—appelée par M.
Schwartz « église des vieux croyants » — refusait de voir élire un
évêque, le titulaire étant toujours de ce monde. Malgré cette
opposition, Proterius fut proclamé évêque et intronisé sous l'oeil
bienveillant des fonctionnaires impériaux (Libératùs, 14).
Les meneurs de l'opposition étaient Timothée Elure un ancien
moine, agrégé, dans la suite, au clergé d'Alexandrie et Pierre
Monge ; Proterius ne tarda pas à les excommunier (Libératùs, 15).
Martien mourut en février 457. Dès que fut connue la nouvelle
de sa mort (Évagre n, 8), la faction dioscorienne décida des me-
sures contre l'intrus Proterius. L'occasion était bonne : lé duc Denys
(peut être celui-là qui se trouvait à Antioche au temps du concile
d'Ëphèse) était-en Haute-Egypte; déplus, on savait que Vérine,
T'épouse du nouvel empereur, était favorable à Eutychès (2). Des
partisans de Dioscore débarquèrent à Alexandrie (Libératùs, 15),

(1) Cf. L.DUCHESNÈ,Histobe ancienne de l'Eglise, t. III, p.345 n.


(2) C'est ce que rapporte Pelage dans soii Mémoire pour les Trois-Chapitres.
(Aurelianensis Î3, f. 172),
BÉVUE DES SCIENCES. — T. XIX., FASC. 2.—17.
258 R. DÈVREÈSSE

Timothée Élure fut: consacré évêque (16 mars 457) par Eusèbe
de Péluse et Pierre d'Ibérie. Mais comment se débarrasser de Pro-
terius? Un mémoire adressé à l'empereur par les évêques d'Egyp-
te nous renseigne sur les circonstances affreuses de sa mort (jeudi
saint, 28 mars 457, selon Libératùs; le jour de Pâques d'après les
évêques égyptiens). Son corps fut mis en pièces par ses bourreaux,
brûlé, et les cendres jetées au vent. (Comme on le devine, chez les
auteurs monophysites, Proterius a mauvais réputation : ses excès
auraient exaspéré le peuple d'Alexandrie et il aurait été tué par un
soldat).
Débarrassé de Proterius, Timothée Élure se fit un devoir d'expul-
ser de leurs sièges tous les évêques suspects d'attachement à Chal-
cédoine. Mais quelques-uns d'entre eux, auxquels se joignit un
élément important du clergé d'Alexandrie,firent tenir à l'empereur
une pétition dans laquelle ils demandaient que fût vengé Proterius
et expulsé Timothée ; en même temps, ils se plaignaient a Anatole,
patriarche de Constantinople, des maux qu'avaient causés à l'église
d'Egypte les ennemis de Chalcédoine (Mansi vu, 524, :531). D'au-
tres réclamations parvenaient à l'empereur, /celles dès amis de
Timothée Élure ; pour eux, la cause de tous les maux, c'était le
concile : qu'on le supprime et l'ordre serait rétabli (Mansi vu, 536)
C'est l'attitude dans laquelle s'entêteront les monophysites.
Le parti de Timothée n'eût vraisemblablement pas tenté pareille
démarche auprès de l'empereur, s'il n'avait su Vérine favorable
aux opposants de Chalcédoine. Pelage rapporte (x) ses instances
auprès de son mari, l'empereur Léon, en faveur des réluctanis ;
elle lui représentait que Martien avait fait violence aux évêques
réunis sur la rive d'Asie, afin d'obtenir d'eux la condamnation
d'Eutyçhès et de Dioscùre et l'affirmation des/deux natures ; qu'il
fallait, à cause de cela, revenir sur les décisions du concile. L'em-
pereur hésitait, ne voulant ni contrister Vérine, ni remettre Chal-
cédoine en question ; de plus, il venait de recevoir Un pressant
mémoire du pape Léon, dans lequel la doctrine définie était appuyée
d'un important cortège de citations des Pères(?)..

(1) Ms. cit., î. 173.


(2) Lettre 165. M. Schwartz lui consacre plusieurs pages (137-141) de son
m moire, après en avoir donné (pp. 55-85) le texte grec et; latin. On s'étonne
qu'il n'ait pas mentionné; à une place ou à l'autre, la belle étude de M. Saltet
sur le florilège qui accompagne cette lettre : Les sources de VEgaviar-qç de
Théodorei, dans la. Revue d'Histoire ecclésiastique, t. Yl,ï905, p. 289 ss.
LES PREMIERES ANNEES DU MONOPHYSISME 25Ô

C'est pourquoi, dans le désir de contenter tout le monde, l'empe-


reur adressa une lettre aux métropolitains et à quelques autres
personnages vénérés (cf. la liste dans Mansi vu, 523). Il les mettait
au courant des événements d'Alexandrie, leur communiquait les re-
quêtes des deux partis, leur demandait leuravis sur l'ordination de
Timothée et la revision de Chalcédoine-Q-). Les métropolitains de-
vaient consulter leurs suffragants et répondre.Lepremier (Éyagre n,
10), le pape Léon envoya son rescrit (ép, 156). C'était une défense
du concile et une condamnation de Timothée Élure. L'empereur
fit tenir cette pièce à Timothée, qui répondit en attaquant le pape
et le concile (2). Les évêques consultés écrivirent tous, à l'exception
d'Amphilùque de Sidé (3), dans le même sens que le pape .(*).
Syméon le Stylite, qui avait été jadis interrogé par Théodose le
Jeune le fût, cette fois, par l'empereur Léon : il donna la même
sentence (5). Toutes ces lettres furent soigneusement conservées
par l'empereur qui les désigna sous le nom d'encycliques.
Désormais suffisamment informé, Léon écrivit au duc Stilas,
à Alexandrie, d'avoir à se saisir de Tiniothée pour l'emmener en
Chersonèse, et d'introniser à sa place celui que l'élection aurait
désigné. Le patriarche Ànatolius avisa le pape dé Ces décisions
(Mansi vli, 539). L'élu d'Alexandrie fut Timothée Salofaciol, un
homme doux à tout le monde, même aux hérétiques. Peu de temps
après (458), Anatolius mourait à Constantinople et Gennade le
remplaçait. A partir de ce moment là, nous sommes à peu près sans
nouvelles des é gUsès d'Alexandrie et de Constantinople. Nous ne
retrouvons leur histoire qu'avec les débuts du règne de Zenon.
L'empereur Léon mourut en 474. Son remplaçant fut Zenon,
un Isaurien peu raffiné (Évagre ni, 1). .Mais à peine installé sur le
trône, dès janvier 475, Zenon fut supplanté par Basilisque, frère de
Vérine, l'épouse du défunt empereur. Zenon s'enfuit, pour bientôt
revenir.
Basilisque, peut-être manoeuvré par sa soeur que nous savons toute
dévouée aux monophysites, eut pour premier soin de rappeler

(.1)Évagre ii, 9 ; cf. Libératùs, 15 ; Facundus, Pro defehsione... xir, 3 dans


PL., Lxvii,841C ; Michel le Syrien ix, 5: éd. Chabot, p. Ï44-.145.
(2) Cf. Michel le Syrien, ix, 1 : pp. 126-130.
(3) Michel, p. 145.
(4) Voir les lettres dans Mansi vu, 537-627.
(5) Sa lettre a été conservéepar Évagre n, 10.
260 R. DEVREESSÉ

à Alexandrie Timothée Élure, exilé en Chersonèse depuis dix-huit


ans. Le patriarche passa par Constantinople, voie naturelle du
retour. Fêté au palais, l'exilé triomphant inspira, ou du moins
favorisa et signa (Évagre ni, 4, 5) une formule qui en disait long
' sur les intentions du nouveau gouvernement ; lancée sous le titre
d'Encyclique, cette formule politico-thëologique portait la condam-
nation, sans phrases, de Chalcédoine et du tome de Léon, la cano-
nisation des deux conciles d'Ëphèse (texte dans Évagre in, 4 ;
Schwartz, Cod. Valic. 1431, p. 49) Ç). Les évêques opposants
devaient être destitués, les laïques et les moines, exilés et châtiés.
Les signatures, on le pense bien, ne manquèrent pas ; on remarque
celle de Pierre Foulon. Les plus enthousiastes parmi les signataires
furent, semble-t-il, les évêques de la province d'Ëphèse (Cf. Éva-
gre in, 5). Ils écrivirent à Basihsque une lettre de compliments ;
ils protestaient de leur dévouement sans limite à l'auteur de Y En-
cyclique, le remerciaient d'avoir mis fin aux maux qui duraient
depuis Chalcédoine, d'avoir rétabli l'orthodoxie. Leur lettre se
terminait par certaines insinuations malveillantes à l'adresse d'Àca-
ce de Constantinople (2). Cette petite parade des Ephésiens s'ex-
plique fort aisément, si l'on observe que le triomphe de Timothée
Élure était assez déplaisant pour le patriarche de la ville impériale ;
mais ce n'était pas la seule raison qu'avaient les signataires de la
lettre de manifester tant de joie ; le vrai motif, c'est que Timothée
Élure, passant par Éphèse, avait installé un nouveau pontife
et rendu à Éphèse lé droit patriarchal que lui avait enlevé le concile
de Chalcédoine (cf. Évagre ni, 6).
Débarqué à Alexandrie, Timothée Élure exigea que fut ana-
thématisé Chalcédoine ; il y eut quelques résistances. Salofaciol
se retira à Canope (Libératùs, 16).
A Constantinople, le patriarche Acace reprenait, nettement une
situation que le retour de Timothée avait, un instant, reléguée
au second plan. Aidé des moines, il avait pu faire revenir l'empereur
sur sa première décision, et expédier une Antiehcyclique (Évagre
in, 7; cf. Schwartz, p. 52), qui rendait nulle Y Encyclique. Dans
cette nouvelle lettre, Basilisque déclarait que ce qui avait été
fait par les conciles d'Éphèse et de Chalcédoine était définitif, que

(1) Sur la tradition manuscrite, cf. R. DRAGUET, Le florilège du Vat. gr. 1431,
dans la Rev. d'hisl. eccl, t. XXIV, 1928, pp. 54-61.
(2) Sur le personnage, cf. DUCHESNE, op. cit., p. 490.
LES,-PREMIÈRES ANNÉES DU-MONÔPHYSISME ' -.'261

VNestorius et Eutychès étaient condamnés et resteraient/condamnes,


Acace recouvrait la juridiction qui lui avait été un instant enlevée ;
les occupants actuels des sièges episcopaux était, cependant mainte-
nus en place. -'//
Basilisque n'eut pas le temps de légiférer davantage. En sep-
tembre, Zenon Tlsaurien rentrait-à Constantinople ; un /de ses pre-
miers actes fut d'expulser de leurs éghsës les évêques installés à la
faveur de Y Encyclique. Pierre le Foulon à Ântioché Q-), et Paul d'Ë-
phèse, créatures; de Timothée Élure, durent céder la place (Éva-
gre, iity, 8).
Acacë de Constantinople remplissait, pour le moment, leVrôle
de conseiller orthodoxe. C'est à lui que parvinrent les lettres de
repentir: adressées parles évêques qui, naguère, avaient souscrit
à Y Encyclique. Évagre eh Cite (ni, 9) quelque échantillon, .'•;
-
Zénqit aurait,bien voulu se débarrasser de Timothée Élure;
on parvint à lui/faire comprendre que la carrière du patriarche ne
pouvait se prolonger bien longtemps ; de fait, Timothée mourut
lé 31 juillet 477vV / V\'^;' '"';';V

Les Éluriens ne perdirent pas de tenips. Pierre MOnge, qui avait


rejoint son vieil/ami à, Alexandrie (Ëvagré ni, 11; Libératùs, 16),
fut'appelè à lui succéder; Quant au doux Salofaciol, il était toujours
à Canope. A cette nouvelle, Zenon, écrivit à son représentant à
Alexandrie, l'augustal Anthémius, lui ordonnant: de déposer: P.
Monge et de ramener à la maison patriarchale Timothée Salofaciol
(Cf. Évagre iii,vll). y ;V
Salofaciol envoya une ambassade remercier,Zenon: Les mem-
bres les plus distingués en étaient Genhade d'Hermopolis parent
du patriarche, jadis déposé par T. Élure, et Jean Talai'a, ancien
moine de Canope, devenu économe de l'églisedu Précurseur à
Alexandrie. Jean, nous dit Évagre (iii, 12), avait pour mission de
demander à l'empereur qu'à la mort du patriarche en-fonctions,
les Alexandrins eussent toute liberté pour élire le successeur. L'his-
toire mohophysite aj oute que Talaïa tenta de se faire "désigner et
que Fempereur s'en rendit compte ; pour détruire ce soupçon, Jean
Talaïa aurait juré que jamais il ne serait candidat, Zenon décida,
Conformément aux voeux exprimés, qu'à la mort de Timothée, le
clergé et le peuple seraient les maîtres de l'élection. '
-

(1)Pierre fut remplacé par Etienne, bientôt massacré. Lé siège d'Antioche


passa ensuite à Gaiendion qui persuada aux biens d'anàthémat sér Tiniothéë et
VEncyclique (Évagre III, 10).
262 R. DEVREESSE

Gennade d'Hermopolis demeura à Constantinople, Talaïa rentra


à Alexandrie. A Constantinople, il s'était fait un ami du patrice
Illus-, à qui Zenon devait, en partie, sa réinstalla-Lion sur le trône.
De retour en Egypte, Talaïa entretint cette amitié par des lettres
et des présents, sans s'occuper davantage de Gennade ni d'Acace.
Peu de temps après, Timothée Salofaciol écrivait au pape Simplicius
que Pierre Monge était retranché de la société chrétienne et il
demandait à Zériôh son éloignement d'Alexandrie car sa présence
y restait peu rassurante (1). Il ne faudrait pas croire que le bon pa-
triarche se fût mis,sur le tard,à la poursuite des hérétiques ; il était
si peu acharné contre eux qu'il rétablit, dans les diptyques, le nom
de Dioscore. Le papel'en réprimanda, Timothée Salofaciol dut s'excu-
ser. Il mourut en juin 482.
Le remplaçant de Salofaciol, on le devine, était tout près:
Talaïa fut ordonné. Avait-il oublié son serment à Zenon, était-il
parjure, ainsi que le lui reproche l'histoire monophysite? Nous ne
saurions le dire. On remarque, cependant, que ce n'est point le
fait de l'ordination du nouveau patriarche qui amena des disputes,
puis un schisme, mais bien plutôt la suite immédiate de cette or-
dination (Libératùs, 17). Jean Talaïa avait, en effet, négligé de
faire connaîtreà Acace de GonstanLinople le choix des Alexandrins
le portant au patriarcat. I] s'était contenté de faire parvenir un
message à son ami ïllùs et à Zenon, celui-ci étant prévenu que Jean
s'en remettait à Illus pour l'envoi des synodiques d'usage. L'erreur
de Jean Talaïa fut de croire qu'Illus était encore à Constantinople.
Bien au contraire, Illus venait d'être tout récemment envoyé à
.Antioche par l'empereur, afin de se saisir de Léonce que l'armée
avait proclamé bàsileus et qui était soutenu par Vérine, soeur de
Basilisque (?). Comme l'envoyé de Talaïa ne trouvait pas Illus à
Constantinople, il ne remit de lettres à personne, mais se dirigea
vers Antioche. -:.'.
Irrité de n'avoir .pas reçu d'Alexandrie la lettre synodique,
Acace résolut, de concert avec Gennade d'Hermopolis — le parent
de Timothée Salofaciol resté à Constantinople, —de déconsidérer
Talai'a auprès de l'empereur, en lui représentant que le nouveau
patriarche était un homme sans i'oi et incapable de ramener l'unité

(1) Le pape fit la même requête à Zenon et demanda â Acace de l'appuyer


'de son crédit.;,,.V ' V-.VV-'V
(2) Illus; se mît aux côtés de Léonce, -
"V.V- ,' LES PREMIÈRES ANNÉES DU MONOPHYSISME -" 263
.

tant désirée. Bien plus, Acace n'hésita pas à accueillir chez lui,
puis à présenter à Zenon, des messagers de Pierre Monge.
Comment transformer Monge en patriarche légitime? Ce ne fut
pas difficile. Il fut convenu qu'il signerait une formule de foi qu'on
supposait capable dé ralher tous les suffrages, et qu'il enverrait dès
syhodiques. Monge promit, et sans plus attendre, Acace l'inscrivit
aux diptyques de son église. Quant à Jean, de part 'la volonté im-
périale, il était déposé (Cf. Évagre ni^ 12 ; Libératùs, 17).
Sachant ce qui se passait, Jean Talaïa comprit qu'il n'avait rien
de mieux à faire que de disparaître. L'ambassadeur de Zenon
arrivait, en effet, porteur des décisions prises à Constantinople.
Pierre Monge accepta Ce qu'on en lui demandait : il promit de
bientôt recevoir les Protériens à la communion ; l'occasion d'une
fête se présentant^ îllèsireçut et récitây albrsj dans l'église, la forînnle
de Zenon, YHénoticoh;
,
Le document est assez .connu pour qu'on puisse se dispenser
d'en parler longuement. M. Schwartz en dôhne le teXte, en grec
d'abord puis en latin .(*).On en aura une.idée assez claire, si l'on
veut bien noter que les professions dé foi qui sont caiionisées sont
celles de.Nicée et de Constantinople, les autres étant laissées de
côté. Éphèse est homme en passant! Les anathématismes de Cyrille
sont élevés au rang.de règle de foi ; la partie purement cllristologique
du Credo est,à desseinipeudéveloppée-Ghalcédoineestanàtiiématise;.
de; même, à deux reprises, Nestorius et Eutychès. Le document
s'achève sur l'espOir que tout le monde s'associera, de grand crjeur,
à cette formule d'union. ;
C'est bien ce que désirait le collectionneur de la dernière partie
du Val. 1431. Comme s'il eût craint que YÉènoticon n'indiquât
pas suffisamment Où était la vérité et çë qu'il fallait détester pour
être dans la bonne ligne, il faisait suivre l'édit impérial de trois
pièces où s'affichaitîerreur (xaxo7ti0zia)desadversairesaujourd'hui
abattus : le tome de, Léon à Flavieh, la définition de foi de Chal-
cédoine, la lettre du pape Léon à l'empereur dû même nom (ep. 165).
Si nous voulions^ ïnaintenant, reprendre l'idée mise en avant
par M. Schwartz pour expliquer le dessein dû collectionneur (Yol-
KOvop,ia et YâxQÎfieia), nous arriverions aux résultats suivants.
L'ojxovou-îa, c'est lé parti des silences voulus sur lés définitions

(i) D'après le Val .1481 et Évagre in, 14 (op. étf.,p. :52-54) ;:le latin d'après
Libératùs (p. 54-56),
264 R. DEVREESSE

conciliaires ; quant à YâxQÎfieia, on regrette que, pour les auteurs


de YHénoticon, elle ne.repose plus que sur des articles de foi apolli-
nariste. Notre collectionneur hénoticien du VM. 1431—on l'a
déjà dit plus haut en marquant les limites des dossiers qui forment
l'ensemble — a inséré dans sa compilation une demi-douzaine de
productions apollinaristes au milieu de quelques-sermons ou lettres
authentiques. 'Cela ne lui a pas suffi. Il a, en effet, reproduit deux
séries Q-) de « témoignages des saints Pères orthodoxes », dirigés
contre ceux qui divisent le Christ en deux natures après l'union.
La première série comprend vingt deux XQlqasiç,devant lesquelles
se lisent les noms d'Erechteius, Théodote d'Âncyre, Théophile
d'Alexandrie, Athanase, Jules de Rome, Grégoire de Nysse et
Cyrille d'Alexandrie. Il est à remarquer que la moitié de'ces témoi-
gnages se retrouvent équivalemment dans les deux florilèges que
les traditions arménienne et syriaque attribuenlfà Timothée Élu-
re (a).
La seconde série est beaucoup plus riche ; ^elle comprend, en
effet, soixante sept %qr\asiç. Fait notable, sur-ces soixante sept
témoignages, cinquante deux reviennent à l'Egypte (32 à Cyrile,
17 à Athanase, 3 à Théophile) ; le reste se partage entre Ëpiphane,
Ambroise, les deux Grégoires, Basile, Chrysostome, Amphiloque
et Proclus. Il y aura lieu, quand on voudra entreprendre une étude
complète des florilèges, de se reporter attentivement aux pages de
M. Schwartz; les fragments s'y trouvent, identifiés ou même
reproduits intégralement, quand les citations sont ou trop libres
ou faites de petits extraits bloqués ensemble.
La collection monophysite du Vaticanus léJSlip.. 253^ ss.) com-
prend vingt six pièces. Sur ces vingt-six pièces, une demi-douzaine
sont des falsifications apollinaristes (trois lettres de Jules de Rome,
le traité pseudo-athanasien "Oxi eîç ô Xçiaroç, Yexdeaiç d'Atha-
nase, la xazà./j,éooç itiaxiç. de Grégoire le Thaumaturge), deux sont
des florilèges monophysites, cinq-sont dirigées contre Chalcédoine
et le pape saint Léon. Il n'y a donc aucun doute possible sur la foi

(1) Xor/osiç x&v iJtaxaoiwv xal ôgOoôéÇwv naréowv y.arà r<ôv fxsQi-
Çôvroiv sic ôvo (pvaeiç rov ëva KVQIOV 'Iijoovv Xgiaràv p.'srà rr\v
svmaiv (fol. 299-309v). Xorfosiç âyicov naréocov av/Xfpmvmç. ôtôâay.ovaai
fjiiâç dia<poqàv slôsvai tpvGsmç aoi/iarég Te xal Osôrrjtoç, 'se &v
ô sic y.ai /xàvoç sari XQIOTOÇ sic kvôrirxa (pvaixfjv xal âôiâanaarov
ovvevrjyjiévoç (fol. 310-322).
(2) Cf. op. cit., pp. 98-117 et 117-126.
LES PREMIÈRES ANNÉES DU MONOPHYSISME 265

de l'auteur ; aucun doute, non plus, sur les circonstances qui l'ont
amené à rassembler sa collection. Reste une dernière question qui
sera vite résolue : la patrie du collectionneur. Si l'on' veut bien se
rappeler la place que tiennent les Êg3rptiens dans les iQ-ifoeiç,
noter également que huit pièces sur Vingt-six sont de saint Athanase,
une conclusion s'impose : le collectionneur du Val. gr. 1431 est
un Alexandrin, partisan de Pierre Monge, un des représentants
authentiques de cet apollinarisrne larvé, qui, sous l'étiquette mono-
physite, continuait la lutte contre Chalcédoine et lé dogme des
deux natures.
Rome, Robert DEVREESSE.
LE... PROBLEME -M- L'AUTONOMIE

À. la quest. VI du De Malo de S. Thomas

Les éditeurs du De Malo (Édit. Parme, t. VIIT, p. 310a : Vives,


t. XIII, p, 452a) publient au début du corps de l'article unique de
la question VI ce texte comportant le mot liberwn :
Si enim non sit.liberum aliquid in nobis sed ex necessilatc move-
mur ad volendum, tollitur deliberatio, exhortalio, pracceptum et
punitio et laus et vituperium, circa quac.moralis philosophia con-
sistit.
.
Des manuscrits non directement apparentes peuvent fournir un
texte plus sûr :
Paris, B'ibl.-M-azarinei 805 ; xin° siècle. Texte d'usage à l'Univer-
sité de Paris, soumis au coni rôle des petiae.
Naples,Bibl. Nazionale, VII. B. 23 ; xiv° siècle.
Venise, San Marco, 120 ; -xv° siècle.; calligraphié pour le cardinal
;
B essariôn.
Or, aucun de ces manuscrits ne porte le mot liberum.
Mgr Pèlzer, scrittore à la Bibliothèque Vaticane, a eu l'amabilité
de consulter pour nous lès manuscrits suivants :

Vât. lat,;V779 ;;xiiie-xiv;e siècle.


Ottob. Lat.. 184 ; début du xive siècle.
Bôrghëse, 361';, xiiie-xive siècle.
Ils ne portent pas non plus le mot liberum, en sorte que nous
n'avons point trouvé de manuscrits contenant ce mot.
A nous en tenir à ce multiple témoignage, et sam présumer des ré-
sultats possibles de la critique textuelle, saint Thomas a donc dit :
« S'il n'y à point en nous quelque chose, mais que nous soyons mus
à vouloir par nécessité, il fau t supprimer la délibération, l'exhorta-
tion, le précepte et la punition, et la louange et le blâme, tout ce
en quoi consiste là philosophie morale ».
Certes, il s'agit du problème de la liberté au point de départ de la
morale. Mais il ne s'agit plus, dans l'absence du mot liberum, .d'un
problème restreint de la liberté. Il s'agit du problème général de
l'autonomie, à là fois problème de l'être statique et de la conduite
dynamique : « S'il n'a y point en nous quelque chose, mais que nous
LE PROBLÈME DE L'AUTONOMIE 267

soyons mus.,. » Si l'hOmmè n'est pas source autonome d'action


psychique, il est incapable de « délibération, exhortation, précepte».
Pour qu'il ait Une destinée individuelle, il faut qu'il soit un être
pari'action, un aliquid. '
Pour Thomas d'Àquin, comme pour Lequier et les philosophes
français du xixe siècle, le problème le plus fondamental de la philo-
sophie serait donc moins un problème d'ontologie, comme pour Sua-
rez, pu même un problème de critique de la connaissance,comme pour
Desçartes ou pour Kaht, qu'un problème d'autonomie. En tous cas,
la question se pose.
Il n'y a rien de surprenant à voir Thomas d'Aquin formuler le
problème de l'autonoiniè avec quelque ampleur. La situation his-
torique à Paris,enl260 OU 1270 le voulait ainsi. On allait condamner
à cette dernière date les thèses connexes de l'impcrsonnalité de
l'intellect et du déteminisme cosmique. Siger de Brabant dans sa
« qùaestio naturalis»"": Uïrum aliquid possit moveri a seipsot (Cf. P.
Mandonnet, Siger de Brabant, t. 11, p. 103 et 106) sacrifie au Philo-
sophe qui a dit au VIIfe livre des Physiques : Omne qu od movefur ab
alio movetur, et au IIe livre : Omne movens pysice movelur. Il refuse
à l'opération intellectuelle, qui n'est pas divisle en parties, le carac-
tère de mouvement. Là question VI du De Mlo de saint Thomas
veut au contraire établir les droits d'une philosophie de l'autono-
mie humaine qui brisera le monisme physique averroïste. Immédia-
tetnént après la phrase citée ci-dessus en viennent d'autres qui dé-
,
crivent les manières originales de l'action humaine, spirituelle. Par
rapport au mouvement physique, partim ab eo differi. h'activum
sivemotivum principium de cette action humaine, autrement dit sa
forma; efficiente et finale>: proprie est inielleclus ci volunfas, c'est la
raison à la fois spéculative et pratique. Il est aussi hérétique de niel-
les originalités de cette active forma iniellecliva qu'il serait déplora-
ble de dire en sens inverse : Nihil moveri, quod desiruii principia
sciëntiae naturalis. Mais vouloir avec les faux aristotéliciens que
omnia moveri, c'est user de rationes sophisiicae. La physique a ses
limites,
Selon le P. Synàvë '(Bull Thomiste, 1926, p. 8) et Dom Lottin
(Rev. d'Hist. Ecch, 1928, p.374-375), ce texte serai L exactement con-
temporain de la rédaction du trai té des actes humains de la Ia -llae.
Ilparaît, en tout cas, fondamental pour cette métaphysique psycho-
logique de l'action autonome,qui semble bien être une des principales
créations de saint Thomas,
VV ;/: M, M. GORCE O. P.
BULLETIN. DE PHILOSOPHIE

IY, PHILOSOPHIE DE LA BELIGIQH

L— PSYCHOLOGIE RELIGIEUSE,

Ouvrages généraux. — M. Gonzague TRUC vient de publier


une nouvelle édition de son étude sur Les Sacrements' P). Aucun
changement n'a été apporté à cet essai de psychologie sacramentàire
dontla Revue a soulignél'intérêtlors de la première édition en 1925 (8),
L'ouvrage de M. Erich EICHELE ( 3) est le premier traité systéma-
tique publié eu Allemagne sur la psychologie religieuse à l'âge de
l'adolescence et de la jeunesse. Un tel travail d'ensemble n'eût pas
été possible il y a quelques années. On s'en convainc en lisant
les pages dans lesquelles l'auteur situe son travail dans le champ
des recherches contemporaines en retraçant brièvement l'histoire
de la psychologie religieuse en Allemagne. Dans ce tableau où il
rappelle l'origine, les progrès et les reculs, toutes les vicissitudes
de la nouvelle science, et son renouveau surtout depuis 1922, tous
les travaux importants sont étudiés, jugés avec un sens critique
de très bon aloi dans une matière si délicate. Les méthodes améri-
caines, celle de Starbuck, par exemple, appliquées d'ailleurs en
Allemagne sans adaptation « par des théologiens plutôt que par des
psychologues »,son't dénoncées comme nettement insuffisantes (p. 8-
9).,-
Au terme de cet examen historique préalable qui à déjà servi à
signaler les problèmes à résoudre, les voies sans issue, M. E. traite
'explicitement la question de méthode (Ie partie, p. 29 et suiv.).
Il précise d'abordl'objet de son travail : l'évolution religieuse à l'âge
de l'adolescence et de-la jeunesse (im Iugendaïter.). Sous ce mot
on désigne la longue période qui s'étend environ de 14 à 22 ans che?;
les jeunes gens, de 13 à 20 ans chez les jeunes filles, au cours de

(1) G. TRUC. Les Sacrements. JParis, Alcan, 1925 ; in-12,185 pp.


(2) Rev. Se. Ph. Th., 1925, p.'384-385.
E. EICHELE. Die religiose Enlwicklung im Jugendalièr. Guterslph.Bert.els-
(3).
jpann, 1928 ; in-8, x-358 pp,
V
.
" PSYCHOLOGIE RELiGiEUSÈ...V, ;
,
:,... .- - : :
; 269;

laquelle l'adolescent cesse d'être un enfant pour devenir peu à peu


un adulte. Ala manière d'Otto, M. E. considère l'attitude religieuse
comme un fait psychique original, que l'on ne peut,décrire en lui-
même, tel qu'il est vécu .(p. 32). Le- mot- religieux sera exclusive-
ment réservé aux attitudes qui concernent lés relations de l'individu
.

avec un être «supra-sensible et suprarterrestre» considéré-comme


: existant et tenu pour/ihàîtrè:suprême du monde :(p/-32').. Mv Ë Vehoi-
sit ensuite sa méthode en montrant successivement les inconvénients
considérables de tous les procédés d'introspection et d'observation.
les résultats obtenus. V; '/-/; v/
Pour y remédier II faut corriger et compléter les uns par les autres
Outre les informations surabondantes puisées dans là riche litté-
rature psychologique contemporaine, auprès des parents et de tous
ceux qui s'occupent de la jeunesse, M. E. utilise les renseignements
qu'il a recueillis personnellement, notamment par Unè;.énqùête-as;sez
originale. Il s'agit d'un questionnaire dans.lequel les intéressés Sont
interrogés non sur leurs propres. sentiments —FM, E. rappellera,
avecinsistancequ'ils répugnent à leslivrer — mais surles sentiments
.religieux de telle ou telle, catégorie d'individus. Il est regrettable
que Fauteur ne nous ait pas donné dans une partie documentaire
une bref inventaire des 600 réponses ainsi obtenues ; il nous aurait
permis d'apprécier cette forme spéciale de questionnaire;, de prendre
un contact direct, au moins partiel, ayeclés matériaux/utilisés, en-
fin de j uger de sa manière de les interpréter. La 2 e partie de l'ouvrage
est une étude du sentiment religieux pendant la première enfance
c. à-, d; jusqu'à 11-13 ans éiiviron, puis dànsla période de-transition
qui sépare la première enfance de l'adolescence, M,, E- fait Une
description très fine' de'-cette dernière période toute d'instabilité
et d'inquiétude dans laquelle le pré-adolescent, se désintéressant du
monde extérieur, se replie/avec angoissé surlui-même: période de
«
subjeçtivisme » plutôt que d' « égoïsiné » ;(p 81). Au point dé vue
religieux cette époque de transition est très importante puisqu'il

s'agit pour le jeune adolescent de prendre contact avec les convic-
VtioUs religieuses des adultes et de «passereau crible:» toutes ses ~
croyances, enfantines. ,/:
Dans les trois autres parties de l'ouvrage M. E, nous donne suc-
cessivement : une vue générale de l'expérience religieuse pendant
la jeunesse (3 e partie)"..;' prie: étude des influences, réciproques du :

sentimentreligieux/suries;aUtressentIments'àcettepëriode(4«partie)
enfin un tableau des facteurs intérieurs et extérieurs qui .différen-
cient 1-évolution religieuse chez les différents/individus (5e partie).
-Selon les principes" de l'école psychologique'« àn-ti-atomistiqué»'
et structurale, si répandue aujourd'hui en Allemagne, l'auteur'
considère l'attitude religieuse comme un fait inexplicable par Pana-"
lyse de ses éléments : il faut le considérerd'abord dans sa totalité ;'
ensuite seulement on dëcrirales traitslésplus saillants dans le squéls
il se manifeste. A l'aidé d'Une documentation très riche; et parfois-
270 V BULLETIN DE EHILÔSOPHIE

un peu touffue M. E. esquisse d'abord l'évolution religieuse chez


les jeunes gens etfet lés jeunes filles qui grandissent dans un milieu
religieux. Il croitipoùvoir y dis cerner en général trois phases : l'une
pendant laquelle l'intéressé s'efforce de couler, si l'on peut dire, sa
vie religieuse personnelle dans les formes de la religion reçue ; puis
/c'est la période critique (Sturm- uhd Drangperiode, p. 113), dans
laquelle la plupart remettent en question toutes leurs convictions
religieuses ; enfin Ta solution de la crise, par exemple, le retour à
la religion reçue et personnellementreconquise.
/Chez ceux qui grandissent dans un milieu a-religicux ou anti-
religieux, une évolution différente se produit que M. E. décrit avec
le même souci d'éviter toute généralisation risquée. A plusieurs
reprises, il critiqueles courbes typiques dressées par certains psycho-
logues, et prouve par de nombreux faits, par exemple, la nécessité
de rejeter la courbe de l'évolution de l'intérêt religieux, de Star-
buck : on constaté dés oscillations de l'intérêt, elles n'obéissent à
aucune loi déterminéei(p. 134-148).
Parmi les traits caractéristiques de--.l'attitude religieuse pendant
cette période, l'auteur cite : le refus aux compromis, l'amour des
positions extrêmes régocentrisme, l'inquiétude de la pensée qui se
pose alors toutes sortes de problèmes, la tendance aux scrupules,
un certain mysticisme, l'horreur de/ la contrainte et le besoin de
direction, etc.
•--•Signalons chez M. E, le souci 'constant de ne pas isoler l'évolu-
tion religieuse de tout; le développement spirituel (moral, intellec-
tuel, esthétique, affectif) de l'adolescent el de marquer les réactions
multiples de ces divers processus.-
Quant aux phénomènes physiologiques, leur influence qui n'est
pas méconnue est reléguée au second plan ; non seulement la thèse
.

de Freud est rejetéé mais aussi celle moins excessive de Starbuck.


Un respect profond dès choses religieuses et un effort de sympathie
; et d'impartialité à l'égard dé toutes;lés formes confessionnelles don-
nent à cette étude technique un grand prix. M. E. témoigne à l'égard
des méthodes expérimentales en matière de psychologie religieuse
une circonspection justifiée, et dans l'ensemble l'interprétation qu'il
nous donne des témoignages cités est excellente., Pourtant certaines
citations, remises dans leur contexte confessionnel, prendraient
une signification bien différente, mais elles sont peu nombreuses.
L'auteur a esquissé les différences qui modifient révolution religieuse
dans les confessions diverses, mais cette esquisse est décidément
trop brève étant donné son Importance.
Quant au souci d'explication « tëléologique », très légitime en
soi, il semble parfoisintempestif. Certains appels à la finalité de tels
ou tels processus, s'ils ne sont pas téméraires sont du moins formu-
lés d'une manière "trop affirmative^ malgré la prudence habituelle
de l'auteur.
Un tel ouvragé n'a pas seulement la valeur d'une solide synthèse
;V; .D..VV'v V-.--- PSYCHOLOGIE RELIGIEUSE;;; ,271

technique; il peut être utile à tous ceux-qui s'intéressent


à la cause religieuse de la jeunesse coUtëmpôràihè.
: La religion jugée par la Psychanalysé.'
Dans un petit/livre intitulé « L'avenir d'une illusion», Freud
a modifié sa position vis à vis du problème religieux, lia religion,
déclare-t-il, est une infection de notre vie spirituelle, « làplùs grande
névrose du genre.: humain ». M. Kârl BETH^1),, le directeur .bien
connu dé; là ZeitsChrifl -)ïir Re ligionspychologie, a tenu à répondre
.
lui-même à ce manifeste;.anti-religieux. Dans un article.très .serré,
la religion jugée par le psychanalyse, il montre le caractère fantai-
siste et aïlti-scientifique de la nouvelle /explication que Freud pro-
pose du fait religieux. V. V '--
Dire que la religion est provoquée soit; dans l'individu, soit dans
l'histoire de la société, par le refoulement de tendances qui aboutis-
sent à une névrose (individuelle ou collective),, c'est contredire les
données évidentes de Inexpérience et de l'histoire des religions. Le
fait religieux app"araît au contraire, comme un donné original, irré-
ductible ; du moins/si oh/le considère en lui-même, dans sa totalité..
Freud app elle religion telle manifestation isolée du fait- religieux, et
à partir de cette identification grossière ilt:nte dé résoudre la ques-
tion d'origine t Là encore, les preuves sont; remplacées par dessUp-:
pùsitiôns gratuites, contredites par les faits. M, K. B. relève aussi les
incohérences voireles contradictionsinternes de la thèse freudienne.
/ Cette critique-de Freud, venant d'un des psychologues viennois
les plus en vue,est significative ; elle décelé une réaction importante:
contré le mouvement psychanalytique, dans le milieu qui lui a été
jusqu'ici lé plus propice; La leçon peut servir à un certain public
français, décidément trop enclin à de faciles engouements.
A'prop.os de cet article, signalons la place très importante que
lejeune"Zeitschr'ifl fur Religionspsucholngie (2) accorde .aux pro-
blèmes théoriques et pratiques de psycho-pathologie -religieuse'
AU cours de sa deuxième année, elle a publié de nombreuses enquê-
tes, monographies de çâs, études spéciales dues a dés professeurs^
des médecins, des/directeurs d'âmes. M. VJoharinesiSfEuMANN conclut
d'une longue étude intitulée Eglise, Phychothérqpie, Théolngie, (s) à
la nécessité pourleS;directeurs d'âmes dçs'lnitier à la psychopatho-
logie, « Quelques facultés catholiques de théologie écrit-il, possèdent.

B, 1, pp'. 76-87. f '


Karl BETH. Die Religion im Vrteil der Psychottnalyié. Sigmttnd Freùds
(1)
Kampf gegen die Religion.-pans Zeitsch. f. Religionspsychologie, II (1929),
.././. l'/V"; V-'V : .'/. "''
(2) ZeitsChrifl fur ïieligionspsychologie, Béitrage zur religiûsen /Seleenfor-
schung uni Seelenfûhriïng. Hersg. von Karl BÉTH. Gutersloh, Bertelsmann
1929, IL Jahrgang, 4Hefte, ; •
'--/;^
V:, V
.
:.' (3) J. NEUMANN, Psychothérapie, Théologie, Kirche, loc. cit., "II (1929),
H; L ppVÙ-75 ; H. 2, pp. 45-68.
272 BULLETIN DE PHILOSOPHIE

déjà des cours de psychothérapie », et il invite l'Eglise évangéliqué


allemande à ne pas rester en arrière (II. Jahrgang, Heft 1, p. 45.)
« Le médecin s'est fait directeur d'âmes. Le pasteur d'aines ne se
feta-t-il pas médecin? La théologie et l'église nése mettronfcelles
point à une tâche que les circonstances actuelles leur imposent? »
(Heft 2, p. 68).
En ce même domaine, on connaît déjà un autre recueil allemand,
organe de la « Gesellschaft fur Religionspsychologie, » l'Ârchiv fur
Religionspsychologie und Seelenfùhrung, que dirige le Prof. W,
GRUEHN, de Berlin, organisateur de l'Institut de psychologiereligieuse
de Dorpat. Le premier volume avait été publié en 1914 par Stâhlin
et Koffka ; le quatrième (1929) vient de paraître ,(i).
C'est aussi lé Prof. GBUEIIN, qui, dans la seconde édition, remaniée,
du gros ouvrage de K. Girgensohn, Der seelische, Aufbàu des reli-
giôsen Erlebens (Gutersloh, Bertelsmann, 1930), a ajouté un appen-
dice considérable (pp. 703-898) où il passe enrevue les.Forschungs-
meihoden und Ergebnisse der exaklen empirischen Religions psycho-
logie seil 1921. Nous recenserons dans notre prochain: Vbulletih,
avec l'ouvrage de GirgensDhn, ce très précieux répertoire, instrument
de travail de première qualité.

Enquêtes expérimentales, — Le travail de M. Eichéle était


une synthèse ; celui de M. E. T. GLAEK (1) est, sousun titre analogue
Une étude surtout documentaire, sur 1' « Eveil religieux » dans un
milieu protestant américain. Éveil religieux n'est point ici synonyme
de conversion ; la plupart des sujets interrogés par M. C. ont reçu
une formation chrétienne, dans des milieux religieux ou du moins
non hostiles â la religion. Aussi l'éveil dont-il s'agit est-il plutôt selon
la définition del'auteur « l'expérience religieuse par laquelle l'indivi-
du entre en relation personnelle avec son Dieu et prend consciemment
envers lui une attitude définie» (p. 23). '
L'étude repose sur une enquête assez large, beaucoup plus large
que celles de Starbuck dont elle s'inspire; en; effet 2.147 per-
sonnes, dont la plupart sont des jeunes protestants de la classe
intelleetuelle,ontété consultées. L'enquête,à l'aide d'un questionnaire

(1) Voici le simmaire :. W. GRUEIIN) Die empirlsche Religionsfofschuilg def


Gegenwart, pp. 6-18 ; C. SCHNEIDER, Sludien zuf Mannigfaliigkcitdesreligiosen
Erlebens, pp. 19-42 ; E. NOBILING, Der Gattèsgedanke bei Rindem und jugend
lichen, pp. 43-216 ; W. KUOTH, Die Psychologie des Konfirmandenalters,pp.
217-298 ; "W. GKUEHN, Seelsorgerlichc AnahjSen, pp. 299-340 ;. F. KAPP, ZUT
psychischen Hygiène, pp. 341-344. (Leipzig, Pfeiffer ; in-S, VIII-410 pp. ;
10 mk.). — On pourra lire plus loin la ïecelisioil de l'enquête d'Ë. Nopiling
(2) E. E. CLARK. The Psychology of religions Awàkening. New York,
Macmillan, 1929 ; in-8, 170 pp.
V PSYCHOLOGIE RELIGIEUSE. V
..
---y .273
précis et intelligent, a été conduite dans d'excellentes conditions
scientifiques (p. 24, 31, 32). Les statistiques qu'on en a déduites
sontlnterprétées avec une prudence et une souci du relatif qui témoi-
gnent du progrès des méthodes expérimentales américaines et du
sens critique de l'auteur.
M. C. distingue tout d'abord trois principaux types d'éveils^ Le
premier consiste surtout dans une crise brusque d'ordre surtout
affectif qui se dénoue dans un changement net de l'attitude religieu-
se du sujet (p. 39). Dans le deuxième appelé l'éveil « avec stimulant
affectif », la crise affective est beaucoup moins intense et parfois
même complètement absente. Il s'agit d'une évolution lente et .

progrèssive,mais dans laquelle l'individu croit reconnaître un évé-


nement saillant qui a servi de stimulant pour éveiller sa conscience:
religieuse et qui, à ses yeux, a été le point de départ d'une attitude
nouvelle plus consciente (42-43). Le troisième type est celui d'une
évolution parfaitement continue et homogène (45).
Pour saisir l'importance de cette distinction sur laquelle est
basée toute l'étude dé M. Cilfaut serappeler que nous sommés dans
un milieu protestant ; qu'un groupe important d'églises américaines
(baptiste, méthodiste de Wesley, presbytérienne (calviniste) a
longtemps considéré les conversions brusques « par crise violente »
— telles que nous les trouvons décrites dans les «réveils» —
comme un mode normal de recrutement; que certaines églises
évàngéliqués n'entendaientrecevoir dans leur seinlés propres enfants
de leurs adeptes que lorsqu'ils avaient subi, à leur tour, l'expérience
de cette «violente crise » religieuse.
M. C. étudie successivement l'âge dé l'éveil religieux (ch. 3),
l'influencé;, de renseignement « dogmatique» (ch,4), celle de l'éduca-
tion religieuse (ch. 5), celle du milieu (çh. 6), enfin.l'actiqn des senti-
ments surtout affectifs qui précèdent, accompagnent ou suivent
l'éveil religieux (Ch, 7). Dans un dernier chapitre il compare les
résultats de son enquête à ceux des enquêtes plus anciennes et dégage
de cette comparaison quelques conclusions.
La première c'est que les réveils accompagnés de crise violente
sont de moins en moins nombreux. Cela est d'autant plus frappant
que ce type était jadis.le plus répandu, on a dit le seul classique, dans
l'histoire religieuse de l'Amérique. Aujourd'hui 7 °/0 seulement dès.
personnes étudiées appartiennent à ce groupe alors que nous consta-
tons 27 % d'éveils « avec stimulant affectif» et 66 % par évolution
continué. La proportion est encore plus faible si l'on considère
séparément le groupe des femmes. '.-"''
Les données recueillies dans les divers chapitres de l'ouvrage
laissent entrevoir les causes de ces changements. Parmi les plus
importantes citons l'évolution théologique et, par contré-coup, la
modification de l'éducation religieuse. L'évolution théologique
porte moins sur les dogmes officiels, « eredal statements », que sur
ceux qui sont effectivement enseignés aux fidèles. C'est le cas par
REVUE DES/SCIENCES. —- T. XIX., FASC. 2. —18.
274' BULLETIN DE PHILOSOPHIE

exemple du dogme du péché originel. Au lieu dé prêcher, comme


autrefois, la complète corruption de la nature humaine, on parle
de plus en plus, à la manière d'Arminius, d'une certaine « grâce
prévenante », d'une possibilité de développement religieux. L'ancien-
ne théologie avait eu une répercussion profonde sur l'éducation
religieuse. Si la nature humaine est essentiellement corrompue, il
n'y a pas à chercher un développement de capacités religieuses qui
n'existent pas; seul un changement radical, un « déracinement »,
une conversion violente peuvent en effet, selon Cette doctrine, dis-
poser à l'a grâce (72-73). Aujourd'hui, la légitimité d'une éducation
religieuse continue et progressive est admise, sauf exception. La
définition qu'on en donne mérite d'être relevée :« une reconstruc-
tion continue de l'expérience avec un sens croissant des valeurs
spirituelles et une connaissance de plus en plus cpnsciehte de Dieu
et Christ dans la vie... » (p. 9.0-91). Ces doctrines théologiques « moins
sévères» jointes à une éducation religieuse plus soignée et plus
adaptée aux besoins psychologiques de l'enfant, contribuent beau-
coup à réduirele nombre des « crises violentes ». Dès maintenant,
d'ailleurs, les églises qui ont conservé la confirmation ne comptent
qu'une portion infime de ce type d'expérience religieuse.
On pourra glaner dans la monographie de M, C, on a pu s'en
rendre compte, des informations précieuses sur l'histoire religieuse
des églises américaines ; au seul point de vue psychologique on y
trouvera — outre une riche bibliographie-—Une documentation
directe de grande valeur. 11 faut remercier M. C; du travail consi-
dérable qu'il a réalisé pour recueillir ces documents, pour les classer
dans ces immenses dossiers — édités sur des planches d'une si
remarquable typographie — ;il faut enfin lui savoir gré d'avoir bien
voulu les mettre à la disposition des travailleurs.

Les Archiv fur Religionspychologie und Séelenfahrung publient


dans leur dernier volume les résultats d'une intéressante enquête
expérimentale de M. E. NOBILING sur La Représentation de Dieu
chez les enfants et jeunes gens de 10 à 20 ans. Cette enquête faite.
dans les écoles de Poméranie appartenant aux trois degrés (pri-
maire, moyen, supérieur) a été conduite de la manière suivante :
Pendant le cours d'instruction religieuse on a distribué aux enfants
une image représentant Dieu le Père :un vénérable vieillard trônant
sur les nuées s'incline paternellement sur un tout petit enfant
agenouillé à ses pieds, sur la terre, dans une attitude exquise
d'ardente prière. Au tableau noir sont inscrites les sept questions
suivantes auxquelles les sujets sont invités à répondre : 1° L'image
te plaît-elle et pourquoi? — 2e Est-ce que tu t'es déjà représenté
Dieu de cette manière ? — quand ? — 3e Comment te représenterais-

(1) E. NoBiuNcDer Goilesgedanke bei Kindern und Jugendlicheh.Dans Archiv


fur Religionspsychologie.Bd. 4. Leipzig, Pleilfer, 1929, p. 43-222.
..PSYCHOLOGIE RELIGIEUSE'" 275

tu Dieu si tu savais dessiner? — 4e Que ferais-tu si Dieu .t'appa-


raissait comme à ce petit enfant? — 5e Où penses-tu que se trouve
la demeure de Dieu et comment te la figures-tu? —6e Est-ce que
tu penses encore d'autres choses sur Dieu? — 7e À "'quoi t'a fait
penser limage de Dieu pendant que tu écrivais ?
L'enquête a été menée avec beaucoup de précision et de soin.
Tout n'a pas été parfait, l'auteur est le premier à le reconnaître,
et il propose une série d'améliorations à apporter dans les enquêtes
de ce genre (p. 184). Ici encore enquête et Interprétation témoignent
des progrès des méthodes expérimentales en psychologie, lorsqu'elles
sont employées — c'est le cas ici — avec prudence et compétence.
L'auteur a eu la bonne idée de nous donner, outre ses conclusions,
une cinquantaine de réponses, estimant avec raison qu'elles aide-
raient à mieux comprendre ses conclusions et qu'elles permettraient
à chacun de les contrôler personnellement, Cette manière de faire
a également l'avantage de mettre le lecteuren contact direct avec
le milieu étudié et il est permis de souhaiter, avec l'auteur, de la voir
se généraliser de plus en plus dans de tels travaux.
Bien que M. N. se soit: donné pour objet dans cette enquête
la représentation de Dieu et non l'expérience religieuse, il ne s'est
pas interdit de.relever au passage les indications que ses matériaux
contenaient à ce sujet. Il est impossible de résumer la méthode
suivie dans l'exploitation de ces 2977 réponses ; notons le souci
de tenir compte des influences multiples, parents, instituteurs,
milieu soçiahetc, influences qui varient d'une école à l'autre, d'une
classe à l'autre, d'un enfant à l'autre et dont il faut tenir compte
rigoureusement, sous peine de fausser dès le principe toute inter-
prétation.
Voici maintenant les conclusions, qu'il est d'ailleurs impossible
de résumer ici sans les généraliser d'une manière un peu arbitraire :
1° Le pouvoir d'abstraire paraît se développer eh 2 périodes
discontinues séparées approximativement par l'âge de la puberté
(15 ans environ). De 9 à 10 ans la représentation de Dieu est toute
« anthropbmorphique ». Lés soupçons sur la nature spirituelle de
Dieu sont à peu près inexistants. Ils augmentent entre 11 et 12 ans
bien que la représentation demeure en règle générale, anthropo-
morphique. L'âge de 13 à 14 ans estl'âge de transition et vers ïa
15e année la faculté de concevoir Dieu d'une manière « abtsraitè »
est généralement conquise (p. 185-187).
2° Pour ce qui concerne l'expérience et le sentiment religieux,
l'enquête permet de constater que les enfants éprouvent une certaine
« expérience» de Dieu, par exemple pendant la prière, la maladie,
l'orage, à l'occasion d'une difficulté, d'un deuil, dans le sentiment de
.son état de pécheur ou de la crainte de Dieu.r A partir dé 15 ans les
jeunes gens refusent en général de révéler leurs sentiments religieux
intimes qu'ils considèrent comme sacrés (p. 197-189).
3° Les influences exercées sur l'enfant par le milieu familial,
scolaire,, confessionnel, social,etc, apparaissent plus ou moins ; celle
de l'école est très apparente (189-191).
276 BULLETIN DE PHILOSOPHIE

4° Le développement religieux peut être caractérisé pendant la


ériode « d'enfance » (jusqu'à 15 ans environ) par la dépendance à
l'égard de l'enseignement reçu. On peut subdiviser cette époque en
4 périodes qui sont caractérisées à leur tour au point de vue de la
représentation plus ou moins abstraite et de l'expérience religieuse.
De 15 à 20 ans, période de «jeunesse», aucune subdivision né peut
être fixée. La vie religieuse apparaît très modifiée alors que r auto-
nomie se dessine et se manifeste par de nombreux caractères.
Le sentiment de l'état de créature «renforcé par l'appréhension
de la grandeur et de la personnalité de Dieu est très apparent surtout
chez les filles » (p. 199).
5° Sauf au point de vue affectif les différences entres les répon-
ses des deux sexes sont peu marquées (195).
Ces conclusions rencontrent en général celles qu'établirent des
enquêtes analogues ; certaines différences, remarque M. N., doivent
tenir au milieu examiné, dont il a constaté l'influence.
Dans quelques pages d'une haute inspiration « pastorale », M. N.
indique enfin les: application pratiques que l'on peut faire de ces
conclusions ; nous souhaiterions à ces pages qui couronnent cette
remarquable enquête une large vulgarisation.
Le Saulchoir. F. M. CHÂTELAIN, O. P. -

II. — PHILOSOPHIE.

Ouvrages généraux. — Si le fait religieux relève de l'histoire


et de la psychologie, il est vrai aussi qu'il intéresse le philosophe,
puisqu'il implique une vue du monde et une morale supposant à leur
base une métaphysique. Aussi n'est-il pas surprenant que la reli-
gion ait été de tout temps un objet particulier de spéculation philo-
sophique, et qu'aucun système, péut-on dire, n'ait manqué de poser
à sa manière les fondements de nos relations avec Dieu, sous quelque
forme qu'on le conçoive. De nos jours plus que jamais peut-être les
philosophes exercent leur sens critique et leur esprit d'invention
sur le terrain de la religion. D'une part les divers courants anti-
intellectualistes et les soucis pratiques de la société moderne ont
mis l'accent sur la question des valeurs, toutéproche de la question
religieuse. D'autre part l'élargissement des horizons de la physique
a donné le goût des vues cosmiques qui posent, tout naturellement
le problème de Dieu. Rien de plus significatif que de voir Whitehead
par exemple couronner sa philosophie de la nature par un exposé
de philosophie religieuse : Religion in the Making.
Deux ouvrages récents, bien différents d'ailleurs d'allure et
de portée, permettent de prendre une vue rapide delà situation
présente en philosophie de la religion. Ecrits l'un en allemand et
l'autre en anglais, «ils reflètent chacun principalement le monde
dont ils parlent la langue.
L'« Introduction à la philosophie de la religion » que publie M. H.
PHILOSOPHIE DE LA RELIGION 277

STRAUBINGER (x),professeur à l'Université de Fribourg en Brisgau,


est ainsi divisée : après un paragraphe sur le concept et l'objet de
la philosophie de la religion, une première partie expose ta méthode
de cette science, ou plutôt les diverses méthodes employées au-
jourd'hui: historique, psychologique, sociologique, phénoméno-
logique, transcendantale ( = critique-rationaliste), rationaliste-spé-
culative. Une deuxième partie donne uh aperçu des formes princi-
pales de philosophies de la religion : matérialiste-athée, positiviste-
pragmatiste, théorie des postulats, théorie, du sentiment, théiste-
spéculative.
Ce tableau des systèmes n'est pas absolument exhaustif, même
pour les écrivains de langue allemande dont l'auteur cependant
s'occupe presque exclusivement (rien sur l'école sociologique fran-
çaise ; Sabatier, Lang, Hôffding etc. ne sont pas mentionnés);
mais cette introduction ne pouvait pas être complète. Telle qu'elle
est, elle est très sérieusement informée, ërudite sans surcharge,
d'une exactitude, d'une objectivité parfaites dans l'exposé des
différentes doctrines. L'ouvrage, premier dans son genre du côté
catholique, est un excellent instrument de travail : il sera parti- :

entièrement utile aux lecteurs français qu'il renseignera sur l'effort


des penseurs allemands.
S'il faut lui faire une critique, ce serait sans doute celle de rensei-
gner assez peu sur l'objet même de la philosophie de la religion.
Il n'apporte pas une idée précise sur la nature dés problèmes qui
se posent ni sur la spécificité de l'objet dé cette science. Sans doute
c'est déjà un mérite d'avoir exactement rendu compte des acquisi-
cions réalisées ou dés tentatives en cours, Mais on aimerait que tous
les exposés particuliers matériellement juxtaposés soient unifiés
par la conception nette d'un objet et d'un point de vue définis.
Nous trouvons précisément cette structure scientifique dans le
livré de MV Fulton SHEEN professeur k, l'Université catholique de .

Washington : Religion without God (2). Cet ouvrage se présente


comme le complément de l'exposé critique de philosophie religieuse
commencé dans God and Intelligence in modem Philosophy. Après
l'aspect formel ûè la religion étudié dans ce premier ouvrage, Sh.
examine ici son objet matériel. Selon la presque totalité des philo-
sophes contemporains, ce n'est plus de Dieu, l'Etre souverainement
.
parfait au sens de la tradition, que s'occupent la pensée et le senti-
': ment religieux. Dans sa première partie, Sh. expose les griefs

philosophiques,psychologiques, sociologiques mis en avant à l'heure


actuelle contre l'ancienne doctrine, en particulier par les philoso-

(1) H. STRAUBINGER, Einfûlwung in die Religionsphilosophie. Freiburg,


Herder, 1929 ; in-8, vin-132 pp.
New-York, Longmaps, 1928 ; in-8,
... (2) F. J. SHEEN, Religion pilhoui Gorf.
xî-368 pp.
278 BULLETIN DE PHILOSOPHIE

phes du inonde anglo-saxon, puis il met eh .regard la notion de


valeur qui passe désormais au premier plan et définit l'objet de la
religion nouvelle. Une seconde partie rattache ces, philosophies
contemporaines à leurs origines historiques : au cours des quatre
derniers siècles, une triple déviation a concouru à satisfaire la ten-
dance générale à rejeter le transcendant au profit de l'immanent.En
pervertissant la juste notion de la grâce, Luther a donné naissance
à la philosophie de l'individualisme ; Descartes, par sa nouvelle
théorie de l'intelligence, a provoqué l'avènement; de la philosophie
du fait ; enfin le volontarisme de Kant est le père de la philosophie
de la valeur. Dans sa troisième partie, Sh. passe Va la critique des
idées modernes, en se plaçant délibérément au point de vue de la
philosophie thomiste : il charge les contemporains de trois accusa-
tions principales : hominalisme, usage univoque de;-"là méthode
scientifique, interversion des relations entre l'esprit et les choses
et entre l'homme et Dieu. Enfin, après un examen de la notion de
valeur, l'auteur expose les notions métaphysiques qui servent de
base, en thomisme, à la religion.
Ce simple schéma peut faire deviner quelques-uns des mérites
et peut-être aussi quelques-unes des imperfections de l'ouvrage.
Il est assurément très sérieux, bien construit, solide. On y sent une
information étendue et intelligente en matière de philosophie mo-
derne et une bonne possession du thomisme. L'auteur sait exposer
une pensée étrangère.Il sait aussi juger vigoureusëment,et ne craint
pas de poser fortement de profondes thèses malheureusement trop
méconnues. Par ces qualités, « Religion -withoùt God » est un excel-
lent manuel de philosophie religieuse, fournissant à la fois un aperçu
très riche sur la position actuelle des problèihçs, et des idées direc-
trices très saines.
S'il faut faire une critique, elle consistera à noter que M. S.
a le défaut de ses qualités. Ses simplifications témoignent de vi-
gueur d'esprit, mais se tiennent-elles toujours dans les limites
d'une parfaite objectivité? On peut craindre que non. La 2e partie
surtout,très satisfaisante pour les esprits qui ont le goût delà classi-
fication et du parallélisme, a-t-elle vraiment valeur historique?
Qu'il suffise de poser, ce point d'interrogation, pUisqu'aussi bien
il ne s'agit pas ici d'histoire de la philosophie. Certains exposés
de S. Thomas demanderaient sans doute aussi à être/quelque peu
nuancés : p. ex. peut-on imputer avec certitude à s. Thomas une
théorie sur la Valeur de la science moderne (p,226 sq.)? La thèse de
la sàcramentalité du monde (p. 303 sq.) prêterait à discussion.
L'augustinisme de S. Th. a tout de même été corrigé par l'esprit
physicien hérité d'Aristote.
Les critiques philosophiques adressées aux théoriciens modernes
de la religion sont fortes et justes du point de vue de Fauteur. Peùt^
être aurait-on souhaité qu'elles fussent plus articulées : les cinq
chapitres de la 3e partie se succèdent sans ordre très apparent;
plus que dans la partie historique, c'est ici qu'on pouvait exiger
des enchaînements et de la logique.
V PHILOSOPHIE DE LÀ RELIGION V'V'/ 279
.

Quoi qu'il en soit, la valeur intrinsèque de eet examen critique


: demeuré, On regretté seulement l'allure un peu brutale de ses juge-

ments. Sans doute cette force est propre à impressionner certains


esprits et à rassurer ceux qui en ont besoin. Mais le livre pourra-t-il
atteindre ceux qui. sespnt laissé séduire par;les Idées nouvelles" ou
qui ont l'esprit façonné par elles à leur insu même ? Il faudrait -
peut-être pour aborder ceux-là un 'minimum de sympathie, <fue
M. S. ne montre guère. S oui de chap ; XVésquissant uiie .transpdsitïoh
thomiste des valeurs chères aux contemporains, semblé chercher
le contact et vouloir exploiter les ressources positives qui subsistent
chez eux malgré les erreurs. On aurait aimé voir l'auteur recourir
davantage à cette méthode. Il n'est pas question d'un abandon des
sains.ét vigoureux principes, mais;d^'ttil'e'utlUsation-'.'.'moiô§l"4lû&c'tt-.
que, plus adaptée au Cas Concret et demandant par conséquent un
effort nouveau pour briser la matérialité des cadres conceptuels
et rejoindre là realité des choses et là vie des autres esprits::;
Il y a dans le livre dé M. S. l'esquisse d'une philosophie religieuse
selon S. Thomas : il suffirait de<réùnirun certain nombre d'exposés
dispersés dans l'ouvrage et '.e dernier chapitre intitulé «/pliilosp-
phicâl basis ôf Religion». Cet exposé, comme tout l'ouvrage, a
surtout des qualités de force et de netteté. Il est très déductif, très
métaphysique, très clair. Trop clair peut être. Lé sens dumystère
..en est presque absent. La religion y parait pour ainsi dire trop rai-
sonnable. Sans doute le sentiment religieux.h'est pas tout, mais il
n'est pas rien, et même au point de vue métaphysique il veut une
explication. Si l'auteur avait insisté davantage sur la transcendance
de Dieu, et les; limites, Vsi fortement poséesVpar S. /Thomas, delà
connaissance que nous avons de'lui (« Non enim de Déo capere
possuhrus quid est, sed quid.non ést,Vet qualiter alla se habeant
ad ipsuin », I G.Gént., cap. 30), 11 auraitpar là mieux marqué ce
qu'ont de tout-à-fait original nos relations avec Dieu-; il aurait aussi,
sans doute, tranquillisé bien des esprits.Car/il en est qui conçoivent
l'existence d'une manière si univôquè que c'est encore de leur part
.rendre hommage à Dieu/que de la lui refuser, Ce qui importé n'est
pas tant de démolir leur « religion;sâhsDieu », que de les amener,
et peut-être au nom de leur religion même, à retrouver le: vrai Dieu
dont il ne sont sans doutepas si éloignés qu'ils le pensent euX-mêrhes,,
Kânt.—-Parmi les systèmes particuliers de philosophie religieuse,
celui dé Kânt est d'une importaiiceinàjeiire, comme l'a bien ex-
pliqué. M. Sheen. "Deux ouvrages récents l'étudient pour lui-même.
Dans son livre sur la philosophie de la religion chez. Kânt (*),
lé P. JANSEN n'a pas fait seulement oeuvre d'historien : il a joint à
son exposé de là pensée de Kantj qui Occupe la première partie de

(1) B, JANSEN, S. Jr Die RéligionsphilosbpliieKanis, geschichtlich âàrgeslellt


undlà,itisch-systemàtisçhgewiirâigt.Berlîn,Fi;D&m
280 ' BULLETIN DE PHILOSOPHIE

l'ouvrage, une critique : il n'a pas conçu cette critique à l'intérieur


du système kantien, comme une simple épreuve de sa cohérence
interne, mais, se plaçant en dehors de ce système, au point de vue
scolastique, il a opposé à la synthèse kantienne les principes d'une
autre synthèse qui tient mieux compte des faits. Cette méthode est
excellente, et elle aura une efficacité d'autant plus sûre que J.
montre partout, à l'égard de Kant, une sympathie, une objectivité,
une admiration qu'il serait injuste aussi bien de lui refuser.
Jansen rattache la philosophie religieuse deKaiit à ses fondements
lointains : Kant, ignorant la théorie aristotéliciennedeTabstraction,
conçoit d'une part l'objet métaphysique à connaître sous la forme
d'un noumèhe, et, d'antre part, la raison humaine comme une fa-
culté de liaison purement discursive. Il suit logiquement de là que
la religion et Dieu ne sont pas affaire de raison ; il y.-àj- aux yeux de
Kant, deux ordres essentiellement différents : l'un, celui de la rai-
son pure, ordre du connaître, qui s'origine au fait de la valeur
de la science mathématique ; l'autre, celui de la raison pratique,
ordre de l'agir,' qui s'origine au fait de l'impératif catégoriqueVLa
religion se réduit à ce dernier ordre ; elle n'a de réalité que com-
me une modalité de la morale : c'est, dit KanL/la connaissance de
tous nos devoirs comme commandés par Dieu. Elle n'apporte pas
d'autres devoirs, d'autres lois et d'autres pratiques que ceux que
dicte notre liberté, pas même le devoir de croire (1).
Le P. J. oppose à ce système les principes delà scolastique (IIe
partie). D'abord (ch. I-IV) il expose le fondement de son réalisme,
et les conséquences de ce réalisme quant à'nôtrè connaissance de
Dieu. Il insiste surtout : d'une part,sur la liaispnde la connaissance
humaine avec l'être existant (ceci contre Husserl aussi bien que
contre Kant), ce qui nous permet dé porter rationnellement des
jugements d'existence; et, d'autre part, sur la valeur de la notion
analogique d'être et des premiers principes : — en vertu de ceux-ci
nous pouvons nous élever à une métaphysique du réel ; — en vertu
de l'unité de celle-là, l'ordre de l'agir et l'ordre .dès valeurs se ratta-
chent à l'ordre de l'être, la religion à la raison. Le P. J. a aussi
(ch. V-VII) le souci de départager dans la religion les éléments non
rationnels et les éléments de raison. Un dernier chapitre, qui aurait
pu être plus approfondi, sur la liberté scientifique et la contrainte
du magistère, achève cette mise au point. -
. équilibré,
Tel est le contenu de cet ouvrage clair, solide, bien .

où la synthèse n'est pas sacrifiée à l'analyse, ni celle-ci à celle-là.


L'exposé de la IIe partie aurait pu être, à notre goût, plus approfon-

(1) Le P. Jansen aurait pu utilement développer davantage la théorie delà


croyance chez Kant. On en trouvera un aperçu dans une étude de Mgr Sentroul.
sur La philosophie religieuse de Kant, parue dans cette revue, t. tV (1910)
p. 49-81 et 233-256,
r PHILOSOPHIE DE LA RELIGION ' 281

di, peut être aussi plus fortement systématisé. Mais le point de vue,
:
la méthode et làrédactiqn sont excellents.
C'est à un tout autre point de vue que s'est placé M. SCHMALEN-
EACH dans une étude: intitulée Kanls Religion (x). Il s'est donné
pour tâche nonp.as d'exposer la philosophie kantienne de la religion,
mais de saisir l'inspiration générale de la philosophie de Kant, avec
sa teneur religieuse,de retrouver l'expérience inlérieure sous-jacente
à cette philosophie.
Ce point de vue est fort intéressanl en lui-même, et, sans aucun
douté, lés résultats auxquels il peut mener ne sont pas négligeables
pour l'intelligence exacte des grandes synthèses philosophiques
eh ce qu'elle oirt/de plus caractéristique.
A la base de la philosophie de Kant, il y a une expérience de valeur
non seulement métaphysique, mais religieuse: c'est l'expérience
V du sublime (Erhabene).: Cette expérience est contenue dans le
sen-
timent de l'infini, éprouyélui-même sous la double espèce mathé-
matique (infini spatial, quantitatif) et dynamique (puissance trans-
cendante). Cette notion d'infini, fournie à Kant par ses premières
études dé cosmologie et son point de départ newtonien, n'a pas
seulement une valeur esthétique, mais religieuse : elle est animée
de la même inspiration religieuse, du même sentiment du divin
qu'on retrouveradàhs l'impératif catégorique et le respect pour la
lpi. Il y a cependant cette différence que, parti du panthéisme
monistè de Newton qui considérait l'espace comme le sensorium de
Dieu, Kant aboutit à uii dualisme où sont sauvegardées à la fois une
expérience du divin et la distance infinie de deux ordres irréductibles :
parla K. se distingueprofondémentdupanthéisme de « la génération
de Gpethe » (dans lequelle S. met en vrac Schelling, Schleiermacher
et..Hegel). — S. montre: aussi avec complaisance comment, par ses
expressions verbales et ses harmoniques sentimentales, celte expé-
rience religieuse de KV vérifie les caractères reconnus par R. Otto
al'expérience du/sacré. Enfin, il étudie le rejet du sentiment fait
par K. au nom dela morale, rejet qui manifeste chez K. une double
tendance : l'une qui le livre au sentiment, l'autre qui l'v oppose
(pvïis). .-.;;:vv;
Tel est le contenu dé cette étude qui, faite d'un point de vue
intéressant, nous paraît'cependant mal réussie. Le slyle d'abord
est d?une obscurité qui ne se dément qu'en deux ou trois paragraphes
moinsmal venus (ainsiles § 5 et 6 de la IIe partie, pp.56-64). L'ab-
sence totale de titres et dé tables est un signe extérieur et peut être
uhé conséquence d-une défaillance dans la composition de l'ouvrage :

(2) îî. SGHMAXENBAGH, Kants Religion (Sbnderiiefte derr deutschènpliiloso-


.phisçttép fesellscuaft, i). Berlin, Junkeret" Mnnhaùpt, 1929;; gr, in-8,l36. pp.
-— Lés deux premières» parties » ont déjà parudans lesBlûttér fiir deutschePhi-
losophie; sous le tit re ; Die re ligiSsen Hintergrùndéderkantisclien philosophie,
282 BULLETIN DE PHILOSOPHIE

l'exposé piétine et se répète ; un paragraphe reprend ce que lé précé-


dent avait déjà dit, avec un peu plus d'étendue, comme des ronds
concentriques dans l'eau. La méthode elle même paraît incomplète :
n'aurait-on pas trouvé quelque lumière dans un peu d'histoire,
quelques témoignages contemporains, une étude un peu ample du
caractère de Kant, de ce caractère rigide et scrupuleux joint à une
certaine exaltation morale sèche et brûlante? (x) .Enfin,l'interpré-
tation donnée par S. (p. 35 ; 36 s ; 77-82) d'un panthéisme primitif
de K , ne ralliera sans doute pas l'unanimité des suffrages, et ne
semble pas s'imposer : Jansen (op. cit., p. 10-13) montre que K.
a toujours conçu Dieu comme personnel et transcendant au monde,
avec tous les attributs que lui reconnaît la théqdicée classique, et
.que cette notion de Dieu se vérifie aussi bien éh 1775 ou 1763
que pendant la période critique. K. a tenu, dans les débuts, les po-
sitions de la traditionnelle métaphysique de Leibniz et de Wolf,
et sa réaction, en face de Newton, a été plutôt de montrer que ces
nouvelles théories ne Contredisaient pas aux attributs traditionnels
de Dieu, mais, au contraire, les mettaient en lumière.

Signalons enfin l'étude de M. F. MORELLÉ : Les idées religieuses


de Kant en 1755-1760 (2). Cette étude met à profit la récente publi-
cation, dans le t. XVI des oeuvres de Kant (Acad. de Berlin), des
notes mises par K., pendant ses premières années d'enseignement,
en marge du livre de. logique en usage à Kônigsberg, I'^luszug aus
der Yernunfilehre de G;F. Meier. La nature de cette source a amené
M. Morelle à procéder par interprétation d'indices plutôt que par
preuves formelles. Mais ces indices sont si concordants que là relati-
vité d'une telle méthode semble être réduite au minimum : on ac-
cueillera donc comme fondées, les conclusions/ de M, M. : K.,
entre 1755 et 1760, considère comme possible la Révélation, et rien
ne s'oppose à ce qu'il ait admis l'autorité de laBible,De plus, ce qui
fonde pour K. une certitude sur la vérité du christianisme et l'ins-
piration dé la Bible, ce n'est pas le témoignage et l'expérience inter-
nes de l'Esprit, mais une sorte d'apologétique rationnelle (K. est
encore wolfién, et n'a pas encore lu Rousseau). Du reste, K. ne se
référait aux affirmations de la foi que par curiosité intellectuelle
et non pour y trouver une principe de vie spirituelle.

(1) Ainsi les témoignages de Boronski et d'autres contemporains sur la loi


de Kant en Dieu (cf. Jansen, op. cit., p. 56 s. et 71 s.). M, P. Festùgièré a jadis
montré (Kant et le problème religieux, dans Annales de philos, clvét,, 1899 ;
tiré à-part, p'; 19 s.) les réactions sur la philosophie morale et religieuse de K.
soit de son naturel morose, soit des restes de loi chrétienne à qui, vers la fin de
"sa vie, il sacrifia un peu de la rigueur de ses conclusions,:,
(2) Rev. néoscol. de philos., XXX (1928), pp, 275-315 ; XXXI (1929), pp. 280-
308,
PHILOSOPHIE DE LA RELIGION -
283

Phénoménologie.— En une étude bien conduite, claire et


méthodique, parue d'abord dans la revue Christentum und Wissen-
schaft, M. J. HEBER expose l'application de la méthode phénoméno- .

logique à la philosophie de la religion P). Cette application n'a pas


été définie par Husserl lui-même, et l'unité n'est pas parfaite parmi
les phénoménoiogues. Certains n'ont-ils pas, au début, cherché
appui du côté de la méthode psychologique? Rien de plus opposé,
pourtant, au mouvement et à la nature propres de la phénoméno-
logie.
A la base de la phénoménologie il y a-la distinction entre le fait,
qui exprime un étaf de choses qui pourrait aussi bien être autrement,
etl'essence (We'sen), qui inclut des rapports nécessaires. Cette essence
n'inplique par elle-même aucune réalité existentielle, mais une
réalité purement eidétique, d'ordre supra-individuel comme supra-
général. Or, tandis que la psychologie reste une science dés faits,
la phénoménologie vise à la connaissance de l'essence: elle ne s'occupe
pas de nos expériences en elles-mêmes, tout comme le mathématicien
ne s'ocèupe pas de savoir si ses ligures existent, mais elle vise à saisir
le contenu de l'expérience religieuse, les propriétés essentielles de
l'objet présent à la conscience. Ainsi, à l'égard du réel objet de notre
expérience, l'attitude du phénomènologue est originale. Il met entre
parenthèses (einklanimern), ou suspend (àufhalten) toute question
d'existence ou de causalité, toute préoccupation théorique sur la
connaissance et son objectivité, et Inaugure une nouvelle manière
de regard et de contact avec l'objet, la WeSenschau. C'est ce que
Husserl appelle la réduction phénoménologique. Cette méthode vise
à saisir l'essence dans le fait ; ainsi, au point dé départ de l'intuition
phénoménologique,il y a une expérience, mais pas à là manière dont
l'expérience est requise pour l'induction : celle-ci veut une quantité
d'expériences ; la phénoménologie;se contente d'une seule, où elle
intuitionnera lé contenu essentiel qui est son objet ; car tel est le
terme de la réduction phénoménologique :: celle-ci n'est qu'une étape
négative et préalable à la réflexion intuitive par laquelle nous sai-
sissons les données premières et essentielles de l'objet présent à la
conscience. On arrive ainsi à saisir intuitivement des données der-
nières et irréductibles qui s'imposent par elles même avec évidence
L'intuition" ainsi obtenue, il s'agit de l'exprimer par une description-:
surtout en matière de religion, on ne pourra pas arriver à une défini-
tion de l'essence saisie par genre prochain et différence spécifique:
on ne pourra que circonscrire, distinguer, décrire.

(1) J; HEBER, Die phenomehologische Méthode in der Rcligionsphilosopliie. Ein


Beiirag Z'ir Méthodologie d".r Wesensbestimmungder Rzligion. Dresde,Ungelenk,
1929; in-8, 60 pp.';—On consultera utilement la thèse présentée par M. J.
HERING pour la licence à la faculté protestante-de théologie de Strasbourg :
Phénoménologie et philosophie religieuse^ Paris, Alcàn, 1926,
284 BULLETIN DE PHILOSOPHIE

Appliquée à la religion, cette méthode conduit à l'intuition et à


la description d'un donné spécifique: le divin. Cette application
se ressentira du caractère propre de la méthode employée : on n'arri-
vera pas à une psychologie étudiant l'acte religieux dans son entité
physique, mais à une noélique l'étudiant dans son intentionâlité,
dans sa tendance à son objet propre le divin (par là, la phénomé-
nologie s'oppose à toute réduction de l'acte religieux à d'autres
catégories, théoriques ou morales) : l'acte religieux, par lui même
transcende le fini, et tend à Dieu : mieux encore, dira Scheler, Dieu
s'y donne lui-même; il s'y livre à notre expérience non seulement
comme objet, mais comme cause : « toute connaissance sur Dieu est
une connaissance par Dieu » P). S/attachant plus au point de vue
méthode qu'au point de vue résultats, M. Heber exposeles procédés
employés par Scheler pour exprimer cette intuition, mais il ne mon-
tre pas le contenu de l'intuition et de la description phénoméno-
essentiel.
Indépendamment de l'impulsion donnée en Allemagne à la pensée
'-;'•'
logiques faites par Scheler de l'acte religieux et de son contenu

religieuse par un Max Scheler, la phénoménologie a le mérite de


répondre à un besoin profond de l'esprit allemand. Celui-ci est,
depuis près d'un siècle, à la recherche d'une synthèse entre l'intui-
tivisme et le transcendantalisme, entre une méthode constructive,
déductive et logique, et une méthode inductive et empirique. C'est
en définitive le problème profond auquel Kant avait cru pouvoir
répondre avec les jugements synthétiques a priori. Or la phénoméno-
logie offre à ce problème une solution tirée de l'étude de la con-
science et des essences qui nous sont accessibles en elle : elle est
« empirique-logique » ou « rationnelle-empirique ».
Certains (ainsi le P. Przywara, S. J.) saluent dans la phénomé-
nologie un retour à la scolastique. Il n'est pas douteux qu'il n'y ait
en effet dans la phénoménologie plusieurs thèses chères au thomis-
me, comme celle del'intentionâlité de la connaissance; il y a surtout
toute une inspiration augustinienne qui peut, comme telle, trouver
sa place légitime dans la vie catholique. Mais, au vrai, la différence
entre S. Thomas et la phénoménologie nous apparaît irréductible,
car celle-ci méconnaît la pièce centrale de la noétique thomiste,

(l).<cAIles "Wissen uber Gott ist Wissen durch Gott» (Vom Ewigen imMenschen,
Bel. I, Leipzig 1921, p. xx s. ; Bd. II, 1923, p. 251). Il semble qu'il y ait ici, chez
M. Scheler, une transposition à toute expérience de Dieu, naturelle,ou surnatu-
relle, de ce que les théologiens affirment de l'expérience mystique. S. Thomas
conçoit cette expérience comme s'opérant-formellement par l'intermédiaire
d'effets surnaturels produits par Dieu dans l'âme et qui sont à la fois id.quod
experitur et id quo experitur Deus : Cf. Garrigou-Lagrange, Rev. thomiste, 1928,
p.'458 s. ; Vz'e Spir., juin 1929, Supplément p. [1351-[138], Cf. aussi Albert le
Grand, Com. delàMystica Theologia deDenys, ch. I, n. 2 ; n. 5, âub, I, adsextupi ;
ch, II, p. 2, dub. II, 2e resp.
PHILOSOPHIE DE LA RELIGION 285

qui est là théorie de l'abstraction. Du point de vue particulier de


son application à la religion, la phénoménologie pourrait aussi se
réclamer d'un certain augustinisme, mais, à coup sûr, pas de S.
Thomas. Scheler suppose que, à partir de toute créature et parti-
culièrement de hous-mêmes, nous pouvons atteindre Dieu d'une
-façon immédiate en ce sens que le caractère symbolique du fini
nous mène à lui par un acte simple, une vue première étrangère
à toute inférence causale. Il dit cela de tout acte religieux, abstrac-
tion faite de son caractère naturel ou surnaturel. Ce point de vue,'
on le pressent, ne peut manquer de soulever des difficultés qu'il serait
trop long d'examiner ici.
Idéalisme. — On. sait
par quelle longue méditation B. Vàrisco
au milieu des idéalistes italiens, s'est dégagé peu à peu du panthéis-
me. En attendant son propre témoignage, dans un ouvrage annoncé
Dali' uomo a Dio, voici celui d'un de ses plus fervents disciples
catholique d'ailleurs. M. GASTELLI, dans Un recueil d'« essais critiques
de philosophie de la religion» P) (dont une partie relève de l'apolo-
:
gétique) revendique pour le croyant, contre la paresse d'Une foi
inactivé et sans souci rationnel, le dévoir de construire une philoso-
phie de la religion. Si, comme son maître, C. sent vivement l'exigence
morale et religieuse qui l'éloigné des conclusions de l'idéalisme,
il considère comme indispensable de partir de la position kantienne
du problème delà connaissance. Témoignage qui appellerait discus-
sion et éclaircissement,/mais qui est digne d'intérêt.

Monographies. — Le Sacré. —Sans doute sera-t-on surpris


que « Das Heilige», Le Sacré, de R. Otto, ne soit pas encore
traduit en français après le succès étonnant qu'il a eu en Allemagne
(1? édition en 1917, 22e en 1929), et alors qu'il est traduit en anglais
(4e éd. en 1926), en suédois, en espagnol, en italien, en japonais.
L'enseignement officiel en France, en effet,a lamentablement négligé,
sinon méprisé, l'étude du fait religieux^ que ce soit en histoire, en
psychologie ou en philosophie. Sans doute aussi le succès de l'ou-
vrage en Allemagne est-il dû en bonne part à l'écho que trouva dans
les âmes accablées la conception du mgsterium tremendum de la reli-
gion de R. Otto.
Voici cependant une traduction, préparée par M. A. Jundt, revue
par l'auteur (2). Simple signalement, car ce n'est pas le lieu de faire

(1) E. CASTELLI. Filosojia e Apologetica. Saggi criiici.difilosofia déliareUgione,


Roma, Signorclli, 1929 ;in-12, 191 pp. —Dans le Giorn. crit. dalla fil. liai.,
nov. 1929, pp. 455-458, B. Varisco se reconnaît en son disciple tout en précisant
quelques-uns de ses propos.
(2) R. OTTO. Le Sacré. L'élément non-rationnel dans,l'idée du.divin etsarela'/
lion avec le rationnel: Trad. franc, par A. JUNDT. Paris, Payot,.l929 ; in-8,
238 pp. :
â86 BULLETIN DE PHiLOSÔPHlÈ
. -

la critique de la théorie de O., où le religieux est réduit au senti-


ment subjectif du sacré, et défini, ou presque, par là seule opposi-
tion au rationnel.
Le culte. — M. Robert Will, professeur à la Faculté de Théologie
protestante de Strasbourg, vient de faire paraître la deuxième partie
dé son étude sur Le Culte p). La première partie, parue en 1925
(cf. Rev. se. ph. ih.,,1928, p. 110) envisageait le culte sous son aspect
spécifiquement religieux, dans le rapport qu'il établit entre le sujet
et Dieu. La troisième partie considérera l'aspect social du culte.
La deuxième se propose ici d'étudier « la relation du sujet religieux
et de l'objectivité phénoménale, en Un mot la phénoménaiité cul-
tuelle ». Elle s'appellerait très justement une phénoménologie du
culte si le terme n'avait été accaparé par Husserl et son école.
C'est une véritable « somme » où se trouvent rassemblées une
foule d'informations positives sur les phénomènes cultuels à travers
l'histoire, mais où une pensée philosophique a essayé d'une manière
très intéressante de mettre dé l'ordre.
C'est une considération « biologique » qui préside à cette construc-
tion (p. 6). « Les expressions sensibles du culte nous intéresseront
avant tout eh tant qu'elles sont le rayonnement d'un fait vital.--»
Quelle est la nécessité vitale du phénomène cultuel ?; Première ques-
tion. Elle est double, d'ordre psychologique et d'ordre métaphy-
sique : « La rencontre effective de Dieu et de l'homme étant le but
du culte, le phénomène cultuel est appelé à être l'intermédiaire de
cette communion d'ab ord en raison de la nature dualiste de l'hom-
me, ensuite pour rendre saisissablès les données transcendantes de
la révélation divine » (p. 27). Partant de là, W. étudie les deux cou-
rants de vie qui se rencontrent ou du moins s'appellent dans le
;

phénomène cultuel : le courant ascendant des forces subjectives


tendant vers un plan transsubjectif, le courant descendant des .

puissances transcendantes tendant à devenir des expériences imma-


nentes. Pour que le culte réalise son but, la commmuhion divine, il
faut qu'il réalise à la fois « l'unité organique du sentiment religieux
et du phénomènequi les traduit, et l'unité organique de la grâce divi-
ne et du phénomène qui lui sert.d'organe » (p. 89).
De ce dualisme fondamental découle l'aspect antinomique des
qualités du phénomène cultuel. Il est à la fois sensible et spirituel,
intelligible et inintelligible, dynamique et stable, un et varié, con-
traint et libre. Ces oppositions empiriques se résolvent sur le plan
supérieur de l'unité idéale et donnent lieu respectivement aux valeurs
cultuelles : caractère symbolique, évidence religieuse; rythme, style,
ordre. C'est par cette convergence que se réalise la fin du culte dans
la rencontre harmonieuse des aspirations humaines avec les démar-

(1) R. WÏLL, Le culte. Elude d'histoire et de philosophie religieuse. Tome II.


Les Formes du Cuite. (Fasc. 21 de la Coll. Etudes d'histoire et de philosophie re-
ligieuse publiées par là Faculté de Théologie protestante de l'université.de Stras-
bourg.) Paris, Alca'n, 1929 ; gr. in-8 , x-558 pp.
PHILÔSÔPHÏÈ DÉ LÀ BELÏGÎQN .28*7

ches de la volonté salvatrice de Dieu. Ainsi s'achève (p. 272) la


partie « principielle » de l'ouvrage.
Dans le livre II : « Les formes de la pliénoménalité cultuel-
le», l'auteur propose une classification inspirée à la fois de la
méthode descriptive et dé la méthode systématique. Il distin-
gue : I: Les apparences cultuelles: a. .phénomènes réif ormes,
b. phénomènes oraux. —^ II. La personne cultuelle. —-III. L'ac-
tion cultuelle. — IV. L'atmosphère cultuelle. C'est la part de la
description, A propos dé/chacune dé ces catégories, il applique sa
théorie des deux courants : c'est la part de la systématique. Ainsi,
selon que le phénomène est orienté vers l'âme ou vers Dieu, il "est
qualifié sacré ou liturgique (au sens étymologique). Par ex., la per-
sonne cultuelle comme intermédiaire dont Dieu se sert pour se com-
muniquer aux croyants sera étudiée à part sous le titre de « personne
sacrée» : puis comme médiateur du culte rendu à Dieu par les croy-
ants, elle sera étudiée sous le titre de « personne liturgique ». Dans
chaque subdivision, la forme cultuelle en question une fois mise en
place du point de vue ascendant ou descendant, on passe en revue
plus ou moins sommairement les principales réalisations que pré-
sente l'histoire des religions. Le Christianisme occupe presque toute
la place, bien que l'auteur ne manque pas d'informations positives
sur les autres religions. L'Église catholique romaine, l'Église orien-
tale, les Églises luthériennes et réformées ont généralement chacune
leur paragraphe. A la fin de l'ouvrage, une brève conclusion rappelle,
une dernière fois le principaux éléments qui intègrent le phénomène
cultuel,et formule l'exigence fondamentale de sa valeur : qu'il « livre
passage aux deux courants de vie qui portent l'âme en Dieu et Dieu
en l'âmé » (p. 554).
Ce rapide aperçu ne peut faire deviner tout ce qui s'accumule
dans cet énorme volume. Tant au point de vue de l'information que
de la construction, il représente un effort impressionnant. Descrip-
tions et analyses de faits innombrables, exposés de théories emprun-
tées à une foule d'auteurs (plus de 1200 notes au bas de pages, plus
de 600 auteurs cités), classifications,synthèses, déductions, dénotent
un esprit vraiment intéressant, puissant même, dont la tentative

originale et audacieuse de constituer une étude organique dès phé-
nomènes cultuels s'impose à l'attention et commande le respect.
Par sa matière l'ouvrage touché à beaucoup d'autres disciplines;
Les faits lui sont fournis par l'histoire des;religions. L'auteur con-
fesse (p. 10) l'impossibilité dé recourir toujours aux premières sour-
ces. De fait, il y aurait aux yeux d'un spécialiste, bien des jugements
Un peu sommaires à mettre au point. Onlitp. ex., p. 296 :«L'histoire
du veau d'or nous fait supposer qu'à,une certaine époquele culte des
taureaux et celui de Jahveh se confondaient. » Dé pareilles insinua-
tions, si elles se multipliaient, rendraient les; conclusions fort tendan-
cieuses. M. W. a signalé lui-même dans'sa conclusion (p. 551)
une autre difficulté de sa tâche : en essayant d'abstraire l'essence dés
phénomènes cuituels ne risque-t-on pas d'oublier que « lé même phé-
nomène... a une signification tout autre, ici et là, selon les instincts
28§ BULLETIN DE PHILOSOPHIE

religieux ou les croyances traditionnelles de la congrégation qui s'en


sert? » Il eût été mieux encore d'éviter Ce qu'il y a de choquant et
de scientifiquement faible dans des raccourcis comme ceux-1 ci :
«
M arie est, tout comme Cybèle, Tanit, Isis, dont elle a emprunté les
traits, la personnification de 1' éternel féminin» (p . 417). « Zara-
thoustra, Solûn, les prophètes d'Israël, l'épîtré aux Hébreux, la
messe catholique repoussent le sacrifice sanglant » (p. 463),
Malgré quelques erreurs, (p. ex., à propos du baiser de paix soi-
disant aboli), l'information de l'auteur sur lé catholicisme est hon-
nête. Elle ne semble malheureusement pas à la hauteur dé sa,con-
naissance dé Luther ou de Calvin. Cependant l'effort de sympathie
très large annoncé dans l'introduction (p. 8) n'est pas démenti par
la suite; il faut en féliciter M. W. Il sait reconnaître sans arrière-
pensée les beautés du culte catholique, et critiquer, parfois sévère-
ment, les excès des spiritualisme protestant. Mais il lui est évidem-
ment plus difficile de comprendre par le dedans les conceptions et
les rites catholiques. Il a hérité des réformateurs certaines répulsions
instinctives qui, à son insu même, modifient quelque peu son regard
(cf. p. 282, à propos de la chose sacrée).
Ce qu'il pourrait améliorer plus facilement, c'est son information
objective. On ne peut juger le catholicisme sur n'importé quel ca-
tholique ; puisque c'est au magistère qu'il appartient de formuler
la foi et de régler la vie, il faut avant tout recourir aux docu-
ments officiels et secondement aux auteurs officiellement recom-
mandés. M. W. est plus à l'aise, on le sent, en face de S. Tho-
mas d'Aquin que devant telle production catholique de moindre
qualité. On aurait aimé qu'il mît toujours en avant — au moins
là où il s'agit de théorie — le catholicisme le plus authentique.
On peut présumer que son effort de sympathie s'en serait trouvé
facilité. Il faut avouer en effet que très souvent ses critiques
tombent à juste titre sur des excès réels, dont les catholiques
se rendent coupables justement parce qu'ils ne se cpnformht
pas au véritable esprit de leur foi. M. W. ne s'y est-il pas laissé trom-
per? Il est regrettable, par exemple, qu'après avoir parlé/du culte
des saints dans le catholicisme et innocenté timidement la Liturgie
officielle du péché de latrie à leur égard, il semble rester sur une
impression fâcheuse. « Tout comme l'Église catholique, le positivisme
ador e ses saints... » note-t-il à la fin du chapitre (p., 427)!
Mais il n'y à pas que de l'information dans l'ouvrage, il y a une
synthèse philosophique — et c'est cela qui nous intéresse surtout ici.
A vrai dire, le point de vue exact de l'auteur n'est pas parfaitement
clair. On retrouve ici des difficultés classiques de méthodologie
scientifique. S'agit-il de décrire ou de déduire , de dégager des lois
de fait ou de tracer des normes ? La première option est tranchée en
faveur de la méthode déductive, la seconde en faveur des « lois vi-
tales ». C'est l'accord de ces deux choix qui semble délicat. Après
s'être défendu (p. 7) de vouloir proférer des jugements dé valeur,
l'auteur « ose espérer » que sa théorie des phénomènes cultuels
« pourrait... utilement diriger les essais de
restauration cultuelle,
PHÏLOSOPHIËDÈ LA RELIGION 289

surtout du côté protestant » (p. 9). De fait, il ne peut s'empêcher de


parler au jussif ou à l'impératif. Prenons par exemple le chapitre sur
le stylé, synthèse de l'unité et de la variété des formes liturgiques.
Il s'achève par un véritable code : « Il faut qu'une idée directrice
d'inspiration religieuse et un principe esthétique se rencontrent (p.
22 ).,. Le style liturgique ajustera avant tout l'une à l'autre ces
deux tendances religieuses (ascendante et descendante) ,(p. 227)...
A cette idée religieuse... s'agrégera un principe esthétique (ibid.)...
L'inspiration religieuse unifiante non seulement n'exclura pas la
.variété esthétique de la forme ou l'originalité de la pensée parti-
culière, mais les réclamera (p. 228)... D'autre part, la particulari- ,
té de la pensée de compromettra pas l'unité de la forme (ibid.), etc.»
Au fond, il est logique d'arriver à dételles conclusions normatives
puisque la loi dans l'ordre humain n'est que la traduction des exi-
gences delà fin, et que précisément ici on se donne cette fin: la
communion divine, comme principe initial à partir duquel on déve-
loppe les déductions.
principes-soient justes et les déductions correctes, '.'.'
Ce qui est requis pour que les conclusions vaillent,c'est que les

Quels sont les principes de M. W. ? Son dualisme psychologique


est de bon aloi. Sans faire la théorie del'union de l'âme et du corps
il en possède les données majeures. Par là il assure à sa doctrine un
équilibre vraiment digne d'éloge entre les diverses tendances oppo-
sées qui entraînenent souvent dans l'un ou l'autre excès les théori-
ciens (et les praticiens) du culte. Mais le phénomène cultuel -— il y
insiste — est médiateur entré l'homme et Dieu. En face des forces
sujbectives il y al'objet divin. M. Will admet d'emblée son existence
et la possibilité de ses relations avec nous (p. 22). Dieu, pour lui,
n'est pas qu'une «abstraction sans portée vitale», c'est «un Dieu
qui entend gagner l'âme,qui veut la toucher soit en l'humiliant ou en
l'épouvantant, soit en la consolant et en la sauvant. C'est ce Dieu
aux intentions salvatrices qui s'incarnera dans te phénomène »
(p. 29). Cette doctrine sur Dieu est somme toute aussi générale que
possible. Les termes de salut, grâce, révélation sont dépouillés des
précisions qu'ils reçoivent dans une dogmatique particulière (cf.
p. 69-79). M. W., cherchant vraiment à dégager l'essence des faits
cultuels, vise l'universel.
Mais comment rejoint-il les réalisations concrètes qu'il à pour
but de classer et d'expliquer? Il lui semble par exemple, que la
conception catholique du sacrement et spécialement de l'Eucharis-
tie ne cadre pas avec les exigences de «perméabilité» du phéno-
mène cultuel: «Nous rejetterons... tout objet ou acte, dans les-
quels les effluves divins se voient endigués sans parvenir jusqu'à
l'Objectif de la grâce qui est l'âme altérée de vie» (p. 77).« L'hos-
tie qui se trouve dans le tabernacle d'une église catholique n'est
pas, à notre avis, une chose sacrée, tant que l'église est vide »
(p'. 285). Est-ce là une « vérité de fait» ou un «jugement de
valeur» (p. 7)? Si la théorie de l'auteur sur le phénomène cultuel
et les courants qui s'y croisent n'est pas capable de s'accommoder
REVUE DES SCIENCES.— T. XIX.,FAsa 1. —-19.
290 BULLETIN DE PHÏLÔSÔPHiË

de la Présence réelle catholique, qui est une pièce essentielle d'une


vie cultuelle à laquelle lui-même rendliommage, oh peut se deman-
der si la dite théorie a le droit de se réclamer des faits. Ce désaccord
ne la condamnerait-il pas plutôt?
On le voit,-'.c'est moins par les principes de sa synthèse que par
leur usage que M. W. prête à la critique. Lès données initiales sur
l'homme et sur Dieu sont assurément d'un vague décevant pour les
esprits habitués aux richesses des doctrines catholiques de la Trinité,
de la grâce, des vertus surnaturelles, — surtout pour ceux qui ont
l'avantage de les étudier dans la synthèse hors pair qu'en a faite .
S. Thomas d'Aquin, — mais le point de vue philosophique de M. W.
le condamnait à cette pauvreté dont il est vrai de dire que « pauvreté
n'est pas vice. »
Est-ce dans la déduction elle-même que sa logique est en défaut?
on pourrait le penser en lisant p. ex. p. 282, ce raisonnement : « ... la
chose sacrée lie peut être la dépositaire de forces divines pour
elle-même, mais seulement en vue'de la consécration d'âmes hu-
maines. Elle ne sera donc sacrée que temporairement. » Que vient
faire ici ce doncl Salva reverentia, nego consequentiam I
En réalité, plutôt qu'un sophisme, il y a là l'intervention sub-
reptice d'une prémisse sous-entendue, à savoir une théorie du sym-
bole et du sacrement qui ne cadre pas avec celle de l'Église catholi-
que. C'est très sensible tout le long de l'ouvrage. Certes, M, W. con-
formément à la liberté protestante-peut avoir ses préférences. Mais
ne leur donne-t-il pas une place injustifiée dans une synthèse qui
veut être obj ective?
A vrai dire on ne saisit nulle part un lien nécessaire entre les prin"

cipes généraux d'où il part et cette théorie particulière de la nature


exclusivement téléologique du symbole. (Cf. Lesymbole cultuel, p.
100 sq. Les qualités dynamiques du symbole cultuel, p. 169 sq.
La chose sacrée, p.282 sq.).
Bien plus, on a l'impression que l'auteur, étant donnés ses princi-
pes, était très bien placé pour mettre en valeur toutes les convenan-
ces de la sàcramentàlité catholique. La stabilité du culte catholique
(p.l64),son unité (p. 210), son style (p. 231), son ordre cultuel (p.
270), le déploiement de son action liturgique (p. 484), son atmosphè-
re cultuelle (p. 489), mériteraient-ils tous les éloges que leur décerne
la belle loyauté de.M. W., si le sacrement eucharistique qui est
absolument central dans le culte catholique manquait Vraiment de
qualités qui sont essentielles au phénomène cultuel? De plus,est-ce
que l'hiatus ontologique et l'hiatus religieux du symbole (p.105-109)
signalés par: l'auteur,n'ont pas dans la théorie catholique une heu-
reuse solution? Est-ce que la possibilité, dans l'ordre dès phéno-
mènes oraux, d'un mouvement descendant sans corrélatif ascen-
dant (p. 395, schéma I), ne doit pas faire admettre une possibilité
analogue dans l'ordre sacramentel (l'hostie consacrée dans l'église
vide) ? En outre, le rôle attribué à la foi (p. 285) ne porte-t-il pas
atteinte au grand principe de l'initiative divine très fortement po-
sé par Fauteur? Après avoir écrit p. 282 :« une chose ne tient pas.
son caractère sacré d'en-bas, du fait de pratiques humaines^ mais
PMLOSOPHIE DÉ LA RÈLIGiON 29Ï

d'en-haut,du fait delà grâce divine »,comment peut-il dire que l'hos-
tie dans l'église vide ne devient chose sacrée «que pour la personne
qui, entrant, dans le sanctuaire, voit en elle un gagelsensible de la
présence divine (p.286) » ? Cette efficacité de la foi n'est-élle pas plus
« théurgique » encorV que la consécration sacramentelle?
On peut donc se demander si l'effort de M. W... n'a pas été en partie
faussé, à son insu nous le croyons, par dés préférences personnelles
dont il n'a pas fourni et ne pouvait fournir une justification à, partir
des principe s explicites de sa construction. Il reste .que dans une très
large-mesure il a fait oeuvre objective. Son ouvrage est d'une grande
richesse, d'une mesuré et d'une compréhension vraiment dignes
d'éloges. C'est un plaisir de pénétrer à sa suite dans le maquis dés
faits et de voir tout s'ordonner, s'enchaîner, se développer comme
par enchantement. Plaisir, le mot est peut-être un peu fort. Du moins,
c'est un plaisir qui se fait payer : la densité massive de l'ouvrage,la
technicité de son vocabulaire imposent un effort. L'auteur, heureuse-
ment, définit tous ses termes. D'ailleurs la nouveautéde sa «science
des phénomènes cultuels » explique son souci de créer une terminolo-
gie appropriée.
De toute manière, on le Voit, c'est un effort original, intelligent,
puissant, qu'il y a lieu certainement --- avec les réserves faites plus
haut — de féliciter et d'encourager. Nous attendons avec intérêt
le troisième volume, sur le Culte comme phénomène social. Il faut
souhaiter que l'auteur poursuive son enquête dans un esprit déplus
en plus large et sympathique, et protégé sa construction contre tout
particularisme, ainsi que l'exige la belle envergure de son propos.

En face de la vaste enquête de Will, voici un essai, dense et bril-


lant à la fois,envisageant par le sommet, par son « esprit » et dans
son essence, le culte liturgique : quelle est la fonction de la liturgie,
quelles sont ses raisons profonde, philosophiques, dans la religion.
Le Prof. R. GUARDINT, l'un des plus actifs et séduisants guides du
réveil liturgique en Allemagne, autour des monastère bénédictins,
l'avait publié dans là collection Ëcclesia Orans (Freiburg, 1918) ;
M. R. d'Harcourt nous en donne une traduction fort élégante, sous
la claire typographie du « Roseau d'Or », avec une longue introduction
sUr là portée du mouvement liturgique en Allemagne (x).
En sept chapitres, la liturgie est définie comme culte officiel (I),
collectif (II) ; son style est décrit (III), son symbolisme analysé (IV),
ses fins déterminées (V : comme un « jeu », selon le mot suggestif en
lequel G. exprime sa finalité toute extra-utilitaire). Puis, pénétrant
jusqu'aux faisons ultimes de cette forme cultuelle par où se légitime
en valeur, religieuse l'esthétique liturgique (VI), G. en arrive à voir

(1) R. GUARDINI. L'esprit de ta liturgie. Tràd. et introd, de R. D'HAECOÙRT.


(Coll. Le Roseau d'or, chroniques, 7). Paris, Pion, 1929 ; in-12,279 pp. 4° série.
292 BULLETIN DE PHILOSOPHIE

en elle un cas typique du « primat .du Logos sur l'Ethqs » (Vil).


Bref, c'est une métaphysique de laliturgie,; 6ù, selon l'Observation
de M. d'H.,comme en l'esprit même de GuardinLs'allient le sens latin
de la forme stylisée et le goût germanique de la pensée évolutive.
Les philosophes ne seront pas les seuls à apprécier ce beau témoi-
gnage de santé et de réflexion religieuses. -
Le Saulchoir. ' C. M.
BULLETIN D'HISTOIRE
DES
DOCTRINES CHRÉTIENNES

I.— ORIENT. ANTIQUITÉ. -

Apocryphes. — M. Cari Schmidt a eu la main heureuse. Au


cours d'un voyage en Egypte, il remarque, chez un antiquaire,
un lot de papyrus dont l'intérêt lui apparaît du premier coup
d'oeil. La bibliothèque d'Hambourg acquiert les précieuses reli-
ques et M,Schmidt nous donne dès maintenant une idée de leur con-
tenu. 11 s'agit, en effet, des Acta Pauli dans leur langue originale,
le grec; de plus — le détail est important—• l'écriture date des
alentours de l'année 300. En attendant mieux, M. Schmidt nous;
offre, aujourd'hui, deux fragments dus au déchiffrement du pro-
fesseur SCHTJBART, le papyrologue bien connu (1). Ces deux frag-
ments confirment de la façon la plus inattendue ce que les anciens
nous avaient rapporté dés Acia Pauli.

Parlant, en effet, de Daniel jeté aux lions, Hippolyte-(in-Dam'e-
lem ni, 29 ; éd. Boirwetsch, p. 176) écrivait : « Si nous croyons que
lorsque Paul fût condamné aux bêtes, le lion lâché sur lui se pro-
sterna à ses pieds et le lécha... ». Au xvie siècle, Nicéphore Calliste
(n, 15; PG., CXLV, 822) raconté d'après les « Pérégrinations .de
Paul » que l'apôtre se trouvant à Éphèse fut mis en prison par le
magistrat Jérôme et qu'on le destinait aux bêtes. Au jour fixé pour
le supplice, un lion lâché dans l'arène, au lieu de le dévorer, vint
se jeter à ses pieds. Un ouragan étant survenu, une masse de gens
et de bêtes sauvages furent écrasées ; le magistrat Jérôme eut une
oreille coupée; le lion prit la fuite dans la montagne et Paul fit
route vers la Macédoine. S. Jérôme (De vir. ill. f) : a Igitur nsoiôôovç
Pauli et Theclae et toiam baptizati fabulam inter apocryphas scrip-
turas computamus ». Je n'ai rappelé ces trois textes, après M.
CARL SCHMIDT, que pour montrer l'intérêt de la belle découverte
de celui-ci. Alors que tout récemment encore, on croyait que S.
Jérôme avait fait,probablement,uneconfusion en parlant du baptê-
me du lion (A. PUECH, Histoire de la littérature grecque chrétienne
I, p. 140), voici qu'un papyrus nous raconte toute l'histqire-que

(1) C. ScHMiDT,ATeuÈFuiidezu den alten UQ^SIÇ IlatiloVs dansles Sifzunsb,


4. preuss. Akad. d, Wiss. phil,-hist. Kl, 1929, VII, p. 176-183,
294 BULLETIN D?HISTOIRE DES DOCTRINES CHRÉTIENNES

Hïppolyte, VNic. Calliste et S. Jérôme avaient devant les yeux.


Paul rencontre le lion baptisé par lui ; ils, se reconnaissent et enga-
gent la conversation. Le lion lui raconte l'ordre donné par Jérôme,
l'ouragan et la mort de tous les animaux, l'accident de Jérôme,
lés cris de la foulé épouvantée invoquant le Dieu du condamné
aux bêtes.Puis Paul:embrassa le lion qui s'était tu et se dirigea vers
là Macédoine.
Le second fragment grec édité par M. Schmidt n'est pas moins
intéressant ; il a trait, en effet, a un passage des Actes de Paul
mentionné par Qrigène (Comm. in Ioh. XX, 12; éd. Preuschcn.
p. 234) : « la paroledu Sauveur rapportée dans les Actes de Paul :
Je dois être à nouveau crucifié». C'est le contexte tout entier de
cet épisode qui nous est rendu par le papyrus dîHambourg. En
pleine nier, le Christ apparaît à saint Paufdurant son sommeil, et
lui ordonne d'aller à Rome. Dans une seconde apparition, « le Christ
lui dit: Je;dois être à nouveau crucifié et Paul lui dit: Non pas,
Seigneur,, que je ne voie pas cela! » Pouvait-on trouver plus belle
confirmation de ce que racontaient les anciens textes?

Les « Clémentines » sont assez connues pour qu'on puisse se


dispenser d'en donner ici une analyse, même succincte. La série
d'études que Vient de leur consacrer M. Cari SCHMIDT (]) pourrait
bien marquer le terme dés recherches que l'on poursuit, depuis
longtemps déjà, sur leurs sources, leur patrie. Qu'il s'agisse des
Reconnaissances (en dix livres, sauvées pas la traduction de Rufin)
ou des Homélies (vingt, conservées; en grec), quelques détails mis
à part, on se trouvé devant deux remaniements d'un même ouvrage
de base.. C'est autour de celui là (Grundschrift) que se disputent
les critiques. WAITZ; distinguait dans cet écrit de base plusieurs
documents: 1. les prédications de Pierre (y.iiQvy/iara Hérnov) sor-
ties, vers les années 135-138, d'un milieu de Palestine ou de Syrie
—peut-être de Césârée — judéo-gnostique ; 2. les Actes de Pierre
noàteiç HérQov, différents de la traduction latine des Vercellcnses
et du martyrium (Lipsius-Bonnet, I, 48-65; 66-103 et [pour le
texte grec] 78-103), dont il faisait Une production chrétienne anti-
gnostique d'origine syrienne remontant au début du ine siècïe ;
3. Les Entretiens de Pierre et d'Appion ; 4. Un écrit de Bardesane
sur le; destini Tei était, selon lui, l'état de l'écrit primitif qu'aurait
mis en formé de roman, sur le thème des «reconnaissances», un
compilateur de la première moitié du ine siècle écrivant à Rome.
M, SçHMmT bouleverse toute cette construction. Pour lui, les
« Clémentines «viennent bien d'un écrit primitif sur lequel on a
jeté là tramé d'un récit, mais cet écrit n'était pas composé de la

C Studien zu den Pseudo-jOlementinen-hébsieitiem Anhangey


1) C. ScHM^tjT,
die atteste romïsche Bisçhofslisie und die^ Pseudo-eZeme/ifmeri,dans les Tesfe ynà
TJntersuchungen, 46, 1.(1929), in-8, v-397 pp.
' V :- ORIENT. ANTIQUITE 295

façon qu'avait imaginé "WAITZ. Il comprenait d'abord les .KrjQvy-


para LlérQov qui doivent remonter aux environs del'ànnée 200, Ces
'Éijgvy/iaz.a occupent la première partie dé l'ouvrage complet,
ce
ce que l'on pourrait appeler l'étape de Césarée (Recog. II, III).
La seconde source est constituée par une manière de traité apologé-
tique, antérieur à l'année 135, où abondent les discussions de
philosophie et de mythologie, les unes et les autres diluées à tra-
vers uh banal ronaan emprunté au thème des reconnaissances
(Recog. VII-X). Telles sont les deux parties principales, pour les
souder ensemble, on inséra (Recog. IV-VI) divers épisodes de la
lutte entre Simon te Magicien et Pierre (dont la composition peut
renlonter aux alentours de 200) et des voyages de Pierre entre
Césarée et Tripoli ; puis on mît un prologue (la lettre de Pierre à
:
Jacques, la Contestaiio, la lettre de Clément à Jacques) et une
introduction (la vie passée de Clément, la rencontre de Clément et
dé Pierre à Césarée : Recog. I).
/Sur tout cela,VM. Schmidt s'étend longuement; il étudié avec
détail la fin des Recogniiiones (x, 66-72) qu'on ne trouve pas repré-
sentée dans le grée des Homélies et suggère qu'elle peutetre le
fait d'un éditeur qui n'avait plus à sa disposition l'écrit primitif;
de longues pages sont réservées à la lettre de Clément à Jacques,
à la dispute philosophique de Laodicée, à là dispute mythologique
de Tyr. On sera frappé par la suite de rapports qui existent entré
la- Didascalie et les « Clémentines ». II en ressort que les auteurs
de ces deux livres sont contemporains, âppàrtiênnéht à la même
province, La date se laissé fixer entre les années 220-230 ; te lieu-
d'ôrigine doit-être la TransJordanie.Après avoir rassemblé les do n-
nées que fournissent les « Clémentines » sûr la communauté chré-
tienne d'où elles sont issues, M. SCHMIDT consacre une cinquantaine
de pages à critiquer un récent mémoire de Erich GAS.PAR sur la plus
ancienne liste épiscppale romaine. Il lui reproché de n'avoir pas
donné l'attention .qu'elle mérite à la lettre de Clément à Jacques
dans laquelle Pierre désigne Clément pour son successeur./ :

Môntanisine. -V Une étude sur Le monfanismé et les Cultes


phrygiens par le D* W. SCHEPELERN P) vient d'être traduite du
danois en allemand; Elle comprend deux parties d'égale longueur
qui sont consacrées, la première, à « la houveHe prophétie », la
seconde aux rapports du montanisme avec les cultes phrygiens.
Une documentation abondante — 58 '-notes- contenant 814 notes'—-
a été reléguce à la fin delà brochure. v-'V VV.;•,•.•'. fe&fe

p) W. SCHEPELBKN,DÈ7' Montanismus und die phrygistiieh Kiiltè, eine feli-


gionsgeschiehtliche Uniérsuchung, traduction du pasteui- "Sy. BÀBR, T.ùbingen,
Mohr (Paul Siebeck), 1929; in-S, n-215 p, .'.-;.'
296 BULLETIN D'HISTOIRE DES DOCTRINES CHRÉTIENNES

Paul de Samosate. — Le livre consacré par M. G. BARDY à Paul


de Samosate a connu un succès peu commun aux ouvrages de ce
genre (1). En voici une nouvelle édition entièrement refondue, pour
laquelle l'auteur a voulu tenir compte de certaines remarques faites
à son volunle de 1923, de l'étude de Loofs notamment, qui suivit
la sienne de peu de temps, d'un mémoire de Harnack sur les Discours
à Sabinus (2). Le plan même de l'ouvrage a été modifié. Livre
imposant qu'on devra consulter à plus d'une reprise, tant il est plein
de faits patiemment recueillis dans les champs les plus divers,
à tel point qu'on se demande si M. Bardy, dans son désir de donner
des documents et des références, a voulu distinguer le bon grain
de l'ivraie. L'enquête ne pouvait être plus complète.
La matière de l'ouvrage est divisée en trois livres : I. Les sources
del'histoire de Paul, 2. L'histoire de Paul, 2. La théologie de Paul (â).
Les sources de l'histoire de Paul sont assez clairsemées. Au pre-
mier rang, se trouve le témoignage d'Eusèbe de Césarée ;. en gla-
nant à divers endroits de son Histoire (livre VII) on aies renseigne-
ments suivants : Paul avait sur le Christ des conceptions terre, à
terre, contraires à l'enseignement ecclésiastique, il faisait du Christ
un homme du commun. Eusèbe ajoute que les premiers évêques du
temps, entre autres Hyménée de Jérusalem, Théotecne de Césarée,
Maxime deBostra se réunirent, convoquèrent Paul afin de l'amener
à se rétracter ; celui qui démasqua le mieux la; fausse doctrine de
Paul fut Malchion ; il discuta avec Paul et des sténographes prirent
bonne note du débat : au temps d'Eusèbe,- on trouvait encore des
copies de leur procès-verbal ; Paul fut déposé ; lés évêques adressè-
rent, alors, une lettre à Denys de Rome, Maxime d'Alexandrie
et à toutl'épiscopat pour les informer de la doctrine et de la personne
du condamné. Cette lettre était écrite au nom d'Hyménée... Théo-
phile, Théotecne, Maxime, Proclus... Bolanus...;Malchiqn ; la plus
grande partie s'arrête à des griefs d'ordre moral ; ce qui nous est
dit de l'hérésie de Paul se réduit à quelques phrases seulement :
quant au fils de Dieu, Paul ne veut pas confesser qu'il est descendu
du ciel... il dit que Jésus-Christ est d'en bas... il se fait gloire
de l'infâme hérésie d'Artémon.
En serons-nous réduits à ce modeste exposé d'Eusèbe sur le
synode d'Antioche de 268? Non pas, nous dit 51. Bard5r, car nous
possédons encore la lettre d'Hyménée et des cinq autres évêques (*)

(1) G. BARDY, Paul de Samosate, Étude historique. Nouvelle édition entière-


ment refondue. Louvain, 1929 ; in-8, x-574 pp. Sur la lro édition, cf. Rev. Se.
Plu Th., 1924, p. 229-231.
(2) Dans la première édition, M. Bardy regardait comme authentiques les
discours à Sabinos relégués, aujourd'hui, parmi les apocryphes.
(3) L'édition de 1923 comportait un livre IV (les survivances du Samosaté-
nisme).
(4) En 1923, M. Bardy reléguait ïa lettre des six évêques parmi les' apo-
cryphes.
ORIENT. ANTIQUITÉ 297

et même des morceaux assez considérables de la dispute avec Mal-


chion. La lettre des évêques, dont on a lu les noms il'y-a un instant,
est adressée à Paul,.avantla déposition ; on y affirme, appuyées par
de nombreux textes scripturaires «la préexistence du Christ avant
l'Incarnation, son éternelle activité auprès du Père, ses manifesta-
tions dans l'A. T. ». Après quoi, on demande à Paul s'il ,croit à ces
divers points de l'enseignement catholique.
Cette lettre des six évêques, inconnue de l'antiquité nous a été
transmise par deux manuscrits, le Coislingr. 299 et le Vat. gr. 1431.
Dans ce dernier,elle se présente de manière peu avantageuse puis-
qu'elle ouvre, avec la lettre de Denys à Paul et une Conteslatio
sûrement apocryphes, un dossier compact d'origine monophysite.
Les quelques pièces qui la suivent dans le Coislin 2£9 n'ont pas,
non plus, été mises à cet endroit sans dessein. Évidemment, ce
sont là, contre l'authenticité de là lettré, des arguments peu déci-
sifs. Il est, d'un autre côté, profondément regrettable que la par-
tie proprement christologique de la lettre, soit mutilée. On
peut, cependant, y relever une phrase qui sonne étrangement:
« le Fils... a été envoyé du ciel par le Père et, s'étant incarné, il
est devenu homme (aaexco9svraêvi]v0ga)7iiyy.svai) » ; et aussitôt après :
«le corps né de la Vierge et contenant corporellemeht tout le
plérôme de la divinité a été uni sans changement à la divinité
et divinisé ». M. Bardy a bien noté que des propositions . équiva-
lentes se trouvent dans Apollinaire et chez les Alexandrins. Ne
fallait-il pas aller au delà?
J'en dirai autant des fragments de la dispute de Paul avec Mal-
chion (1). Ce n'est pas, sans intention — il le dit d'ailleurs —
que Léonce les a mis à cet endroit de son florilège, à côté de ceux
de Diodore, Théodore et Nestorius : il fallait démontrer, en effet,
que tous ceux qui avaient parlé de deux natures avaient pour
ancêtre commun le Samosatéen. Nous n'avons guère le moyen de
contrôler les affirmations mises au compte de Paul, mais il faut
reconnaître que la christologie de Malchion est révélatrice : le
Christ de Malchion n'est pas un homme parfait.
Même si l'on Veut tenter de retrouver dans la dispute avec Mal- -
chion, comme dans la lettre des six évêques un fonds authentique,
il ne sera guère facile de nier que l'une et l'autre de ces pièces aît été,
à tout le moins, retouchée, interpolée par des partisans de la pta
qvaic. Le contexte qui les entoure, certains indices révélateurs
dans la doctrine opposée aux affirmations anti-chrétiennes de Paul
portent à croire qu'il y a lieu de révoquer en doute l'authenticité
de ces deux documents.
Peut être ne faudra-t- il pas, non plus, s'attacher trop à ce que

(1) Le Vaticanus de Mai est legr. %195,PV- 160-162,


298 : BULLETIN D'HISTOIRE DES DO CTR1NES CHRÉTIENNES

nous disent de Paul Timothée Élure (*), Sévère d'Antioche, Pierre


diacre, Innocent de Mâronie (a), Justinicn : ce sont des polémistes
qui ont une thèse à soutenir et auxquels il ne pouvait déplaire de
mettre le Samosatéen au premier rang des théologiens des deux
natures, fussent-ils saint Léon ou les Pères de Chalcédoine.
Le livre. II est consacré à l'histoire de Paul. M. Bardy étudie
successivement le milieu antiochien, le procès de Paul et sa condam-
nation. G'est Une série de chapitres très vivants où se trouvent mis en
ordre les documents les plus variés sur l'histoire politique et religieuse
d'Antioche depuis les origines jusqu'à Aurélicn et. même au delà,
puisque nousVsuivonslé 'destin des derniers disciples de Paul après
Niçée.
Le livre III s'occupe de la théologie du Samosatéen. A juste
titre, lés Pères de 268 rattachaient les conceptions christologiques
de Paul—puisque c'est de cela surtout qu'il s'agit — au grossier
'adoptiahisme d'Artémoh. Jésus, pour lui, n'était qu'un homme,
dans lequel la Sagesse aurait résidé comme dans un temple,comme
elle habitait dans l'âme dé Moyse, des prophètes et des saints ( 3)
Les évêques, ses contemporains, avaient résumé d'un mot la doctrine
de Paul en disant que, pour lui, le Christ était d'en bas. Je ne puis
m'arrêter à relever tous les détails de la théologie de Paul. M. Bardy
n'a rien omis de ce.quipeut nous la.faire connaître. Paul de Samosate
est-il un isolé dans la tradition chrétienne? Il faut avec M". Bardy,
répdndre, résolument, par l'affirmative. La christologie un peu
terre à terre d'Ilermas s'explique aisément si l'on veut bien ad-
mettre que le brave homme a été entraîné assez loin par sa parabole ;
ce serait être injuste à son égard que de le ranger parmi les précurseurs
de l'évêque d'Antioche: "Mais la doctrine du Samosaiécn n'aurait-
elle point produit avec Nestorius, et avant celui-ci, avec Diodore et
Théodore, des rejetons tardifs? M. Bardy n'ose trop conclure en ce
qui concerne Nestorius1 cependant, je ne pense pas trahir sa pensée
,
—quelquefois difficile à saisir parce que très nuancée — - en écrivant
qu'ils s'en tient au jugement de Socrate et de l'auteur du de Seciis
pour lesquels Nestoritis est indemne de toute parenté avec Paul.
1

Mais Diodore? mais Théodore? A plus d'une reprise, M. Bardy,


comme Loôfs d'ailleurs et tant d'autres, a expliqué des fragments
attribués à Paul par d'autres fragments attribués à Diodore et
Théodore (4). Discuter les uns et les autres serait,ici,hors de propos.

(1) Le florilège: de Timothée Élure a été soigneusement .étudié par E,


SCHWARTZ, Valiçanus gr, 1431, pp. 98-117. cf. ci dessus,p.;264. V
(2) La lettre d'Innocent a été rééditée par È. SCHWARTZ, Acta Goncilioriim,
IV 2 (1914), pp. 169-184: "V
-
(3) Il me paraît, en effet, qu'il faut lire:non pas rolg XVQÎOIÇ,, mais TOÏÇ
âyioiç. Cette .dernière expression est mieux attestée dans- lès controverses
.
christologiques.
(4) Là lettre des Arméniens à Proclus citée page 419, n,3, d'aprèslès Actes du
Ve concile est un faux mahifesté.Ce n'est pas à ce factum mëprisah|e/qu5àré=
pondu Pxoçîug.--.
-ORIENT. ANTIQUITÉ- ,299
On remarquera, cependant, que Diodore et Théodoréappàrtenaient,
de leur vivant, à là tradition catholique ; Paul de Samosate, au
contraire, a été,' de son vivant, rejeté de l'Église par un jugement
qui ne condamnait pas seulement se façon de vivre. Si Diodore et
Théodore avaient Soutenu une théologie qui rappelât d'aussi près
celle du Samosatéen, il n'y a guère;de doute que le sens chrétien se.,
serait immédiatement révolté. Nestorius,, qui était autrement subtil
que Paul, vit bien ce qu'il en coûtait de ne pas parler Comme là
tradition. W '/:-. ..V
Je ne crois pas que nous ayons encore l'ouvrage définitif sur
Paul de Samosate. Lès livres I et III. devront, un jour ou l'autre
être repris. Tant que nous seront lie pas fixés sur l'origine, la tradi-
tion et, partant, sur la valeur des fragments dogmatiques attri-
bués à Paul, sonsystème théologiquéhé peut guère être reconstruit
qu'avec Eusèbe et quelques très rares témoignages anciens ;V pas
davantage, ce système ne peut être expliqué où éclairé par celui
d'auteurs dyophysîtés postérieurs d'un siècle ou plus à Paul de
Sa;mosâte,puisque, pour les notables d'entre ceux-là, la question
qui se pose est la même : d'où viennent et quelle autorité prit les
fragments transmis sous leur nom? /
M; Bardy a une lecture immense, une érudition fort enviable O).
A plus d'une reprisé, je me suis trouvé à regretter quêtant de science
ait été dépensée: à étudier un aussi /mauvais cas -—littérairement
parlant — que celui du Samosatéen. Lé volume de M. Bardy restera
précieux, j'en alla conviction bien nette. Il renferme sur l'histoire
de la théologie trinitaire et christoiogiquè; une foulé de matériaux
vraiment imposante : de nous avoir ainsi fait profiter de Ses dossiers
que M. Bardy soit, sans réticence aucune,/profondément remercié.
Aussi bien son liyfe devra-1-il figurer/dans la bibliothèque dés histo-
riens des dogmes.

ëaint Jean Gfcrysbstome. —: Le R. VP. Chrysostome BAUR, O.


S. B,, vient de consacrer à son auguste patron deux beaux volunies( 2)
qui sont le résultât d'une vingtaine d'années detravail.Moïns favo-
risée que nous, l'Allemagne n'avait donné le jour à: aucune vie de
saint Chrysostome, ...après 1848; depuis ce temps-là, l'histoire a
profité de quelques découvertes. Le R. P, a pensé qu'il y avait matière
à une étude d'ensemble sur Chrysostome et son temps. Il a divisé
son travail en deux parties ; dans la prèmièrej il étudiele prêtre, son
activité religieuse, littéraire et théoïogique à Antioche;; la seconde
est réservée aux événements politiques et ecclésiastiques qui enca-

(1) Une petite correction : p. 91, n. 3 ; il faut lire P. G., XLV, 1140 C.
(2) Gh. BAUR, O.S. B.; j.àhannes Chrysosïùmus und seine Zeit.î. : Antiochien,
11: îÇonstmtinopn:M\miéli, Hueber, 1929 ; 2 vol. in-8, is>330 "et 411 pp.
300 BULLETIN D'HISTOIRE DES DOCTRINES CHRÉTIENNES

drent son épiscopat à Constantinople.Onvoit,dupremier coup,cé qui


peut remplir un tel plan : le saint a été mêlé à tant de milieux, de-
puis lés écoles d'éloquences jusqu'aux populations vivant dans la
peur constante des Isaure, bandits de grand chemin ; il a fréquenté
les plus grands de ses contemporains : Libanius, Diodore, Théodore
de Mopsueste ; il a été persécuté par des évêques réputés, Théophi-
le d'Alexandrie, Sévérien de Gabala et même par deux pionniers
de la vérité qu'on est tout surpris de trouver en aussi triste compag-
nie : Acace de Bérée et Ëpiphahe. Il a prononcé dés centaines de
discours, commenté des livres entiers de l'Écriture, écrit de nom-
breuses lettres à des personnages de tout rang. Le R. P. Baur a
fait revivre tout ce milieu où s'est développée l'activité du saint
évêque, replacé dans un cadre vivant les écrits qui nous restent de
lui. Ce n'est pas une oeuvre facile ; il y a tant dé pièces qui ne con-/
tiennent aucune allusion, même fugitive, à un événement précis,
tant d'autres pour l'authenticité desquelles un doute est permis.
Mais on ne pouvait légitimement demander à un biographe
d'entrer dans tous les détails de l'histoire littéraire. C'est un travail
tout autre ; pour le mener à bien, il faudrait parcourir les biblio-
thèques de manuscrits et les anciennes éditions, étudier les collec-
tions d'homéliaires, les florilèges, les chaînes. Nous pourrions nous
réjouir complètement si c'està ce travail que fait allusion le R.P.
Baur quand il nous dit que, pour alléger le poids et lé prix des deux
volumes qu'il vient dé publier, il a dû laisser de cpté bien des re-
cherches dé détail intéressant la chronologie P) ; et la littérature.
Souhaitons donc que, dans un avenir prochain, ce précieux et indis-
pensable complément de la biographie de StJean Chrj'sostome nous
soit donné, égal par sa belle présentation et sa tenue distinguée,
aux deux volumes dont il vient d'être parlé brièvement.
Nestorianisme. — Je ne sais trop à quel genre revient la bro-
chure du R. P. CLÉMENT sur le sens chrétien et la divinité de Marie
aux 4e et 5e siècles de l'Eglise (x). L'auteur a voulu « mesurer l'in-
fluence du sentiment des fidèles sur la solennelle proclamation de
la maternité divine de Marie par le magistère de l'Église ». La tra-
dition est appelée à donner son confirmatur à. une théorie du-R. P.
Marin-Solâ sur le rôle de la communautéchrétienne dans l'a définition
des dogmes. De ceci, je n'ai pas à parler. L'auteur a peut-être un

(1) Le P. Baur consacre une dizaine de pages (t.II, pp.146-160) à la vie de


Porphyre de Gaza par le diacre Marc. Le fil qui permet de se reconnaître dans ce
« labyrinthe chronologique » a été indiqué par le R. P. PEETERS à M. GRÉGOIRE
D'une étude toute récente de ce dernier, il ressort, en effet, que la vie de Por-
phyre est à reporter à la première moitié du VIIe siècle. Le P. Baur n'hésite pas
à adopter ces conclusions.
(2) R. P. CLÉMENT, Le sens chrétien et la maternité divine de Marie ayç 4*
et §* sfèçles de l'Eglise. Bruges, Beyacrt, 1929, in-S, £0 pp.
ORIENT. ANTIQUITÉ / 30Ï
flair théolpgique très sûr, je n'affirmerais pas qu'il: soit aussi bien
doué pour l'histoire. Né confondons pas le sens chrétien avec les
clameurs des mariniers d-Égypte. Etpuis,je le/demande sihçèreniént,
à qui servent ces dissertations où né se relève aucun hidicelittéraife
ou inonumentàl nouveau? Je veux bien qu'on désire atteindre un
public qui n'a pas-h sa disposition desinstruments de travail ûh
peu complets. Du moins, en ces cas, qu'on s'astreigne à donner à ce
public des textes lisibles,qu'on ne lui livre pas une suite de pages
où pullulent les fautes, Quant on les: laisse aussi nombreuses que
l'a fait l'auteur de cette brochure, il est difficile au lecteur, moyen
de les imputer toutes aux typographes./!
L'éditeur de Marius Mercator (PL., XLVIIIj 813-814) avait rap-
proché l'un de l'autre deux textes de S. Cyrille d'Alexandrie dans
lesquels il est question, d'un certain /VICTORJ ^uhe/première fois
qualifie de « fumier », l'autre fois de «saint solitaire ».
à. JSliihl autem. mirUtn si maie de hobis loquantur sterquilininia
çivitaiis Ctiaeremonet VICTOR, et SophronaS; et decottoiisyplavianr
mancipium ; sempér enim et circa Se fuêruni, et erga alios néquam.
Le patriarche d'Alexandrie était, à ce moment,; violemment attaqué
â GohStantinoplej/par des gens venus d'Alexandrie dont il fait,
ahléurs, une description peu flatteuse (lettre KwvacpvàQovai).
b* Rxpertus est mecum, injrenatae lingnO-C jacata eiiain dileAus
soliiariUs VICTOR, Sparsèrant enim de Mo quidam, qui mentiri
consuevèruni, quod is qUàque contra me absurda quaedam nugafus
essetj ut etiam ciim Ephesum apud mê^venissèt^ nonnulli éx sdneta
syhodo plarimum ipsumàccusarent : ùmno vero universi,veluti unum
ex impiorum numéro pérosi, illUm aversaii sint, perstiieruntque
parricidam et fralricidàm aliisque ejusmodi nominibus appéllaré.
Cum autem ille senex hoc intellexisset, multis admodum sanctis
episçopis ipsum circumstahtibus, sublatis in caelum mtXnibus, praeter
moiëmsUUmpersacfosanctumbaplismà,:étvenérànda Christimysièria,
nullius horum scelerum sibi consciUm esse juravit; ac'dêniqUe ojjen-
sorum animos aegre ego et ipse simui hac ratipne placare pqtuimus.
Les accusateurs de •Cyrille à Constantinople purent se maintenir
longtemps en p±ace, même après la. déposition et le premier exil de
; Nestorius ; leurs traits n' allaient plus seulement contre le patriarche
mais encore contre un ennemi de là veille que Cyrille eut grand
mal à sauver devant ses partisans. Cyrille se contenta des serments
de Victor mais, à son ton, il est aisé de deviner qu'il ne se faisait; pas
illusion sur l'attitude passée de celui qu'il appelait maintenant «lé
cher solitaire ». M.VBd. SCHWARTZ Q vient ramener l'attention sur

(1) 13. SCHWARTZ, Cyrillund der Mônçh "Viktors dans les Sîizungsberichte de
1 Académie des Sciences de Vienne, Bd. 208, Abliandl. 4 (1928).
302.; BULLETIN D'HISTOIRE DES DOCTRINES CHRÉTIENNES

ces textes:et ell rapprocher de que nous disent d'un certain Apa
Victor les Actes coptes du concile d'Ëphèse.
D'après ces Actes, Cyrille, sur le point de gagner Ephèse, ordonne
au mbine Victor de quitter son Cloître et de rendre à Alexandrie.
Il lui remet un mémoire sur les thèses principales qu'on doit faire
triompher auprès de l'empereur. A cela est ajouté un récit d'après
lequel Victor quitta s6n.VcpiiV.ehi dé Pbav le 22 mars 431, arriva
à Alexandrie lé 31 du même mois et se trouva à Constantinople le
20 mai.
L'a suite du récit nous montre Apa Victor à Constantinople, pro-
fitant du bon accueil que lui ménage Théodose pour jeter le discrédit
sur ïrénée, Candidien, Jean d'Antioche, faire réserver la première
placé au patriarche d'Alexandrie dans les séances à venir. C'est lui
également qui annonce à l'empereur l'heureuse issue du Concile et
qui guidé de loin les manifestations populaires (*). Jusque là rien de
bien extraordinaire ni de bien nouveau: ces divers succès dus au cré-
dit de Victor avaient été enregistrés avec exactitude par le traducteur
; allemand des Actes coptes, W, Krâatz (2). Mais, il y a une différence
entre Kraatz et Schwartz,. C'est que le premier essayait de réhabi-
liter lés Actes coptes, tandis que le second leur accorde peu de con-
fiance. Il semble que M. Schwartz a raison. Voici, en quelques
lignes, comment peut être reconstituée la légende d'Apa Victor,
les divers éléments en ayant été déjà rassemblés par Kraatz.
En glanant à travers d'autres productions venues d'Egypte,
on retrouve le nom d'un archimandrite, Victor de Tabennes, qui
en compagnie de Cyrille d'Alexandrie et de Schnoudi se serait rendu
à Constantinople avant le concile d'Éphèse ; Victor serait resté à
Constantinople, ses deux illustrés compagnons gagnant Ephèse.
Schnoudi est allé à Éphèse,mais ni lui ni Cyrille n'ont,vers ce moment
là, séjourné à Constantinople.'-.'Il .est fort vraisemblable qu'Apa
Victor n'y fût point davantage, Le rôle qu'on lui fait jouer, là bas,
tient du roman beaucoup plus que de l'histoire. Il faut donc nous
contenter des Acte grecs du concile, les auLres ne nous entraînant
qu'à des conjectures. Toute l'histoire d'Apa Victor s'est bâtie autour
du pardon accordé par Cyrille à un ancien accusateur ; l'auteur de
ce roman apologétique avait devant les yeux les Actes authentiques
du Concile, mais il eh usait assez largement aux dépens des personna-
ges qui lui étaient lé moins sympathiques : Nestorius, ïrénée,Candidien
et Jean d'Antioche. Tout cela pour la plus grande gloire de l'église
copte dont un membre; jadis ennemi acharné de Cyrille, était devenu
auprès de l'empereur, son plus autorisé défenseur !

(1) Lerécit de la plus importante de ces manifestations a-été enrichi d'un

39. " ,.-:'-.


bref commentairepar Mgr Batiffol dans les MélangesSriilumbérger> W24;pp.%8-.

(2) Koptische Âkienz. çphes. Konzil, dans Texleund Untersuchungen,; Neuè;


- Folge, XI, 2 (1904),:p)p! 134-142 et 148-171. -'
ORIENT. ÂNTIOÙITÉ 303

Ëutv-cïiianisme. —- A la veille d'achever la publication des di-


verses collections ou pièces du concile d'Éphèse P), M. SCHWARTZ
nous présence, dans l'un des derniers compte-rendus des séances du
l'Académie de Munich, un recueil et une dissertation sur le procès
d'Eutychès (2). Rien d'inédit, mais seulement un groupement de
textes établis d'api es les divers témoins de la tradition grecque et
latine et débarrassés des additions qu-s leur donnèrent les assistants
dû second concile d'Éphèse devant lesquels ils furent relus.
Ce «procès »-comprend des libelli, des récits et des lettres:
1. Le libelle d'accusation d'Eusèbe de Dorylée produit devant la

VI, 652-656). .y
aôvoôoc, érôn/iovaa le 8 nov. 448 et la discussion qui suivit (Mansi

2. La première citation (12 nov.) adressée à Eutychès et son ré-,


sultat : troisième séance du concile de Flavien, 15 nov. (Mansi
697, 701). _."".../
3. La seconde citation (13 ou 14 nov.) à Farchimandrite : sixiè-
me séance du concile^ 20 nov. (Mansi 725-729).
4. La troisième citation (15 nov.); sous peine d'être condamné
par contumace, Eutychès devait se présenter au synode deux jours
plus tard; un délai de quelques jours fut demandé et accordé
(Mansi,-716-717). '
5. Eutyhcès devant le synode:-22 nov. (Mansi, 732, 736-748).
6. Eutychès ayant, par la suite, suspecté l'exactitude du compte
rendu établi par les notaires de Flavien de la séance du 22 jiov.,-
il y eût lieu (8-13 avril 449) à une lecture contradictoire (Mansi,
797-820).
7. Le libellus appellaiionis d'Eutychès au pape Léon; le libellus
jidei remis par Eutychès à Flavien ; une déclaration du même au
peuple de Constantinople..
8. La lettre d'Eutychès au pape Léon et une seconde confession
dé foi du même.
9. La première lettre de Flavien à Léon.
10. La seconde lettre de Flavien à Léon.
11. Six lettres du pape Léon (J. K. 418, 421, 420, 455, 422, 430).
La doctrine d'Eutychès s'exprime sans ambages dans ces différents

(!) Le dernier fascicule paru des Acta cinciliorum I 1, 7, contient, après le


sommaire des mss. Coislin-32 [S] et Leningrad 785 [D], le texte de la collection
d.Athènes [A]. Alafin de son Introduction, M. SCHWARTZ aréimprimé(pp.xxxvii-
XXXVIII) ce qu il appelle le fragmentum Garnerianûm, du nom du premier éditeur,
dont il rappelle le nom d'une façon choquante. Ce fragmentum comprend
deux lettres de Dalmatus auxquelles j'ai fait une brève allusion(iîey.Sc.P/i.T/i.,
1929, p. 412, n.). Elles ont été publiées par Garnïer (P. L., XLYIII, 731-734),
Banduri (Imperium Orientale II, pp. 708-709), puis reproduites par BALUZE
Nov.Coll., 653-656 ; MANSI IV. 1258. Garnier, comme Bandur, les puisait à un
exemplaire de la vie de Dalmatus, le Vat. gr. 1671 (s. X), ff. 56v-59.
(2) Philos.-hist. Abtcilung, 1929, Heft 5:. Der prozess des Eutychès.
.
304 BULLETIN D'HISTOIRE DÉS DOCTRINES'CHR^TÏËNN'ES.

documents. Qu'il réponde à la demande de Flavien ou qu'il écrive


au pape, c'est toujours la même affirmation: la chair de Notre
Seigneur Jésus-Christ n'est pas consubstantielle à la nôtre; après
l'incarnation, il n'y a qu'une seule nature. Le plus fort argument
d'Eutychès était emprunté a la tradition ; le vieil hérésiarque s'au-
torisait des témoignages de Jules dé Rome, Félix, Grégoire le Thau-
maturge et Athanase, quatre textes de fabrication apollinariste
par où s'exprimait la pia <pvoi.ç rov Aôyov oeauQxojfiévii. En les
produisant en public et en paraissant lès canoniser, Cyrille avait jeté
la semence mauvaise dans la théologieVEt quand,pn s'aperçut que
Cyrille, consciemment Ou sans le savoir, avait été victime de ces
faux, il fallut déployer une exégèse des plus subtiles pour démontrer
que chez lui tous ces vocables qui exprimaient la nature, l'hypostase,
la personne était interchangeables. Il était trop tard, le mal était
fait. Le concile de Chalcédoine, le petit concile de 532^533 à Constan-
tinople, essayèrent bien de faire une distinction èntre'les écrits de
Cyrille, mais ceux qui s'abritaient derrière l'autorité du patriarche
demeurèrentinébranlables. Il était bien difficile de leur faire accepter
les deux natures puisque leur formule de ralliement commençait
par affirmer qu'il n'y en avait qu'une, quelques fussent les expli-
cations ajoutées ensuite. Et peu à peu s'insinua l'idée que lé concile
de Chalcédoine et le pape Léon avait failli à la vérité; la politique
s'en mêlant, on aboutit au schisme,voirêmême à l'hérésie. Le dossier
d'Eutychès nous fait assister aux débuts de ces querelles. M. Schwartz
a accompagné sa publication de textes d'une longue dissertation
sur les événements qui suivirent immédiatement la paix de 433
jusqu'au jour où le pape Léon prît l'affaire en main. Ce sont des
pages bourrées de renseignements de tout ordre. Il n'y aurait qu'à
les louer sans réserves, quitte à se plaindre détour, peu d'élégance,
si, là comme dans la plus grande partie de ses études sur ces questicns,
l'auteur é'numérait ou classait des documents sans aller au delà.
Mais depuis plus de quinze ans, M. Schwartz répète que Nestorius
n'a pas dit autre chose que ses devanciers, que toute la lutte engagée
à partir de 428 n'est que la suite de querelles de personnes ou d'in-
fluences politiques et ecclésiastiques. C'est aller un peu vite et les
textes rendent un autre son.
Sévère d'Antioche. — Le cardinal A. Mai avait publié dans le
tome X de ses Classici Auctores, pp. 457-470, un commentaire sur
le début du IIe chapitre des Actes qu'il estimait pouvoir être tiré
d'un ouvrage de Sévère sur ce livre. Selon sa méthode ordinaire,
le cardinal n'indiquait point d'où il tirait ces pages et je dois avouer
n'avoir pu, jusqu'alors, retrpuver le manuscrit qu'il avait devant
les yeux. Le R. P. MARTIN P) vient de consacrer quelques pages à
ce texte et de démontrer que Sévère n'a sur lui que bien peu de droits.

(1) Un prétendu commentaire de Sévère d'Antioche sur les Actes des Apôtres
dans la Revue d'Histoire ecclésiastique, t. XXV,. 1929, pp. 708-715.
ORIENT. ANTIQUITÉ 305

Sévérien de Gabala, S' Jean Chrysostome, Nicolas d'Ancyre se


partagent, avec le fameux patriarche, la plus grosse partie de ces
pages sur la Pentecôte; Au fond, le prétendu âvéxôorov de Mai
n'est autre chose qu'une chaîne sans lemmes, c'est à dire une série
de citations patristiques dont on a perdu les noms d'auteur. Le
Coislin grec 25 permet de retrouver quelques uns de ces noms avec
-l'indication des sources qui ont fourni les extraits. A cet excellent
ms., je m'étonne que le R; P. Martin n'ait pas ajouté le Barber, gr. 582
qui est, lui aussi, un excellent témoin. Mais sa démonstration était
suffisamment appuyée même sans ce luxe d'information et on ne.
pourra plus parler, en se référant à MaL'd'un commentaire de Sévère
sur la Pentecôte. .
On serait curieux de s'avoir d'où vient ce morceau de chaîne sans,
lemmes. Si on n'en trouve aucun manuscrit ancien, je proposerai
une hypothèse (elle garderait, d'ailleurs, une partie de sa valeur
dans l'autre alternative): Le prétendu commentaire de. Sévère
n'est autre chose qu'un morceau détaché de la compilation dite de
Théophylacte sur les Actes des Apôtres. La plus grande partie peut
en être lue dans PG., CXXV, 529 A5-544.D 13. Et, à l'intérieur de.
cette compilation, on lit précisément trois lemmes qui se trouvent
dans Cramer pp. 16 et 30. Théophylacte ne donne guère plus que
Cramer. C'est à dire, tout compte fait, une chaîne dont le fonds
est représenté par le commentaire de S.> Jean Chrysostome^).
Tout ou à peu près tout le passage édité par Mai se retrouve
dans Cramer. Trois fragments, cependant, ne s'y lisent point:
ce sont Mai, p. 458, 8-10 et 10-11 ; 458,11-459, 4 ; 459,15-461, 14.
Or ils ont trouvé place dans Théophylacte 528 B3-7 (Sewngiavov) ;
529 B7-C8 ; 529 D3-532 A7. On les retrouve, sous une forme un peu
différente dans un commentaire (de Niçetas de Naupacte ?) que
renferme le Reg. gr. 6,1. 188.

Liturgie. — L'article Lexique liturgique grec de H. LECLERCQ (2)


est dépourvu de toute référence. Néanmoins, la source mise : à profit
est facile à retrouver : c'est le Dictionnaire grec-français des noms
liturgiques en usage dans l'Eglise grecque par LÉON CLUGNÉT, Paris,
.
1895. On se rendra compte des emprunts faits à ce petit volume et
de la manière de H. L., en comparant quelques notices choisies au.
hasard..

(1) Polir plus de détails, je me permets de renvoyer à mon article, Chaînes


exégéiiqucs grecques dans le Supplément au d ici. de la Bible I, col. 1206.
(2) Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, fasc. XCII, col. 1-14.

REVUE DES SCIENCES.—T. XIX., FASC. 2. —20.


3Ô6 BULLETIN D'HISTOIRE DES DOCTRINES CHhÉTIENNËSi V

CLUGNET, p.7-8. 'Ava@aQu.oL.. LECLERCQ.


2° Dans le nagayj^xixi),. livre Dans le livre
liturgique des Grecs, on appelle liturgique appelé Paracletieé, on
âvafiad/xoi une série de tropaires donne le nom d'âvajiaQ/iot à une
pu plutôt de versets de compo- série de tropaires
sition ecclésiastique qui appar- :
appar-
tiennent à l'office de l'aurore, tenant à l'office de l'aurore.
OQÔQOÇ. Il y a huit séries de cette If y a huit Séries de cette
.
sorte. Chacune d'elle est chantée sorte et chacune, d'elle est chantée
suivant l'un des huit modes de suivant l'un des huit niodes de
la musique religieuse et se divise la musique religieuse et se divise
en trois groupes appelés âvrt- en trois groupes appelés àvrl-
qjcova, excepté celle du quatrième q?a>và,excepté celle du quatrième
mode plagal, qui est divisée en mode plagal, qui est divisée; en
quatre âvriqocova... quatre âvriqoaiva..
CLUGNET, p. 11. 'Avaaraai- LECLERCQ,::/
p,ardoiov. Livre liturgique con- Livré liturgique con-
tenant le texte noté des orixVQÙ tenant le texte des stichères
âvaardaifia qui se chantent le chantés" le
dimanche à Vêpres et à Laudes... dimanche à Vêpres et à Laudes.
CLUGNET, p. 12. "AvGoç. La 5^LECLERCQ. Fleur.-L'eniploiides
liturgie grecque comporte l'em- fleurs est prévu à certains jours,
ploi des fleurs dans certaines en particulier le
circonstances. Ainsi le troisième troisième
dimanche de carême, à l'Adora- dimanche du carême, à l'Adora-
tion de la Croix... De. même, le tion de la croix; ' le
Vendredi saint, le Tombeau du Vendredi saint, au Tombeau du
Christ... A l'issue de ces céré- Christ. Après la céré-
monies toutes ces fleurs sont monie, les fleurs sont
distribuées au assistants. distribuées aux assistants.
CLUGNET, p. 158. 'Ynsgirr\ç. LECLERCQ
Serviteur laïque chargé de net- Rat d'église [c'est moi qui sou-
toyer l'église, d'allumer les lam- ligne] chargé du nettoyage. ;,.
pes, etc.
Cela se poursuit, pendant quatorze colonnes. On trouverait, à
n'importe quel endroit.des articles signés Henri Leclercq, ces mêmes
procédés d'un copiste sans scrupule ; il est vrai que, depuis bien-
tôt vingt ans, le public s'est fait son complice.
Rome. Robert DEVREESSE.

ÏI.— ORÏENT. APBÈS LE SGHÏSME.


Ouvrages généraux.— La lourde charge assumée par le
R. P. JUGIE en prenant la succession de Mgr Petit dans l'édition
dés OEuvres de Georges Scholarios p) pouvait faire "craindre que la

(1) Cf. Rev. se. ph. th., 1929, p. 716.


ORIENT, APRÈS LE SCHISME 367

publication de sa Theologia Dogmatica Christianorum Orientalium


ab Ëcclesia Catholica Dissidentium ne subiSse une interruption assez
longue. Aussi, est-ce avec joie que nous avons salué la parution du
Tome troisième (précédant de peu, nous l'espérons, le second)
Consacré à la Théologie Sacramentaire de l'Eglise Gréco-Russe (x)
L'objet de son étude imposait à l'auteur son plan. Un premier cha-
pitre est consacré aux sacrements en général, l'étude de chaque sacre-
ment en particulier fait ensuite l'objet des chapitres suivants.
Le travail est conduit avec le soin et la probité que nous
connaissons à l'auteur. Sur certains. points, son exposé venant
après les travaux que nous avons eu l'occasion de signaler ici, en
particulier ceux du P. SPACIL sur le Baptême et l'Eucharistie (2),
a perdu quelque chose de l'intérêt que donne la nouveauté. A ces
dernières études cependant il apporte quelques rectifications de
détail.
L'esprit dans lequel est conçue cette partie de l'ouvrage est celui
que nous avons noté à l'occasion du premier tome ; le souci d'évi-
ter toute polémique déplaisante est peut être encore ici plus marqué.
Le bref exposé de la doctrine catholique, fait à l'occasion de chaque
question, souligne les divergences entre la tradition occidentale et
la doctrine des théologiens orientaux, sans toutefois prendre la
forme d'une étude de théologie comparée. Lepoint de vue historique
du travail est ainsi mieux marqué.
Nous ne pouvons analyser ici en détail l'ouvrage de J. ; nous y
renvoyons le lecteur qui aura bientôt entre les mains une petite
«somme» de la théologie orthodoxe. Regrettons seulement que le
R. P. Jugie n'ait pas cru opportun de tenir compte du désir qui
lui a été exprimé, de divers côtés, de pouvoir lire en russe les réfé-
rences aux ouvrages écrits en russe, sans préjudice de la traduction
latine qu'il en donne.

Monographie d'auteurs. — Procopovië. — Le règne de Pierre


lé Grand marque une époque dans la théologie russe. Peut-être,
en effet, la fermentation des idées qui se produisit à Kiev au
temps de Moghila et de ses successeurs sous les influences occiden-
tales qui s'y exerçaient, tantôt dans un sens catholique romain,
tantôt, au contraire, dans un sens protestant, peut-être, disons-nous
cette fermentation des idées aurait-elle eu moins de portée et de
'moins durables conséquences, si le tsar réformateur n'avait succes-
sivement appelé près de lui et honoré de sa confiance deux représen-
tants insignes de l'une et de l'autre de Ces tendances : Stefan Javprs-
kij et Théophane Prokopovic. M. HANS KOCH dans Une brève mais

(1) M. JTJGIE, Theologia Dogmatica Cliristianorum, Orientalium ab Ëcclesia


catholica dissidentium. Tomus III, Thcologiae dogmaticae Graeco-Russorum
expositio de Sacramenlis seu mysteriis. Paris, Letouzey 1930; in-8, 510 pp.
(-2) Cf. Rev. Se. Ph. Th., 1927, p. 211, et 1929, p. 724.
308 BULLETIN D'HISTOIRE DÉS DOCTRINES CHRÉTIENNES

claire et substantielle monographie^), s'efforce de nous mettre


au fait de cet important moment de l'orthodoxie russe.
Une introduction rapide replace cette étude dans son cadre
historique soulignant surtout l'activité de Prokopoviô, habilement
favorisé et utilisé par le tsar dont il partage les points de vue, en
particulier en ce qui concerne l'élaboration du nouveau statut
ecclésiastique réglant les rapports entre les deux pouvoirs, temporel
et spirituel. En face de Propokovic, Javorskij, dans sa demi-disgrâce,
successeur, moins le titre, du dernier patriarche, fait petite fi-
gure à la tête du parti conversâteur, impuissant à sauvegarder les
droits esssentiels de la hiérarchie ecclésiastique.
Une première partie de l'ouvrage de K. est consacrée à l'état de
.

la Théologie orientale, et plus particulièrement russe, au seuil de


l'époque qui nous intéresse. L'auteur y caractérise l'attitude de
l'orthodoxie russe vis-à-vis du catholicisme d'une part (à l'égard
duquel on se tient en défiance systématique pour des motifs d'ail-
leurs souvent plus politiques que purement religieux), et vis-à-vis
du protestantisme, (d'abord mal discerné des autres «hérésies latines»,
mais à l'égard duquel on est au début plus accueillant, ayant,
moins à en redouter, semble-t-il, sur le terrain politique, jusqu'à
ce que les travaux d'Ivan Nasedka précisent le danger et déter-
minent de la part de l'Église une attitude d'opposition et de lutte).
En réaction contre le protestantisme, les polémistes, et parmi
eux au plus haut point Stefan Javorskij, font profession de théories
qu'ils ont empruntées, souvent mot pour mot, aux théologiens
latins de la contre-réforme. Mais leurs travaux demeurent, peut-on
dire, exclusivement polémiques. Nous n'avons pas en Javorskij
un constructeur de système ; pas même un penseur original. L'auteur
du cKamen Vëry » trahit souvent quelque embarras à concilier la
doctrine de son Église avec celle, toute romanisante, qu'impliquent
les arguments qu'il emploie. K. souligne cet embarras en ce qui
concerne la question de la satisfaction des péchés après la mortet
celle du mode et du lieu de l'expiation (p. 169-173). Au contraire,
Procopovic est un bâtisseur de système ; ses exposés visent plus
à construire qu'à détruire. Et cette construction est à base de théolo-
gie protestante. L'auteur en fait une analyse attentive en l'oppo-
sant aUx théories de Javorskij en ce qui concerne les points fon-
damentaux suivants : la doctrine de l'Écriture Sainte et son
autorité (chap. IV), — la conception de l'Église (chap.V), —la doc-
trine du salut et de la justification.
Les conclusions de K. ne sont pas nouvelles (2). Le caractère net-

(1) Hans KOCH, Die Russische Orthodoxie im Pcirinischcn Zcitalter. Breslau


u. Oppeln, Priebatsch, 1929 ; in-8, 191 p.
(2) Parmi les études sur Prokopovic accessibles aux lecteurs occidentaux
Citons: GAGARIN, Das theologische Lehrsyslem i. d. russ. Kirche; BTJKOWSKI,
A.f Zur Frage d. Abhângigkeil d. russ. orlh.Theologie v. Proiesiantismus, in
ORIENT, APRÈS LE SCHISME 309

tem'ent protestant de l'enseignement de Prokopovic est un fait


acquis depuis longtemps à l'histoire des doctrines. Lés précisions
qu'il apporte et surtout l'étude comparative qu'il en fait avec l'en-
seignement de Javorskij, éclairent et complètent sur plus d'un point,
les conclusions jusqu'ici admises. Le fait principal qui s'en dégage
est que Prokopovic ne tient pas balance égale entre la théologie
réformée et la théologie luthérienne comme un premier examen le
pourrait faire croire, mais qu'au contraire dans les fragments
authentiques des oeuvres connues sous son nom (x) la tendance
réformée est nettement prédominante.
Le travail de K. est intéressant, il a surtout l'avantage de complé-
ter'heureusementles études publiées jusqu'ici eh Occident sur cette
période très importante de l'histoire de la Théologie russe. On
regrettera seulement que l'auteur ait quelquefois été un peu plus
dur qu'il ne convient à l'endroit de Javorskij (p. ex. Fexégèse
relevée dans les sermons, p. 92, devrait être jugée compte tenu
du genre et dé l'époque) ; et que son exposé de la doctrine catholique
sur les points qu'il touche n'ait pas toujours toutes les nuances qui
en assureraient la parfaite exactitude, et la correcte interprétation.
La monographie de K. porte d'aiUeurs sur un objet relativement
limité et il reste beaucoup à dire sur Prokopovié, même au point
de vue de cette influence protestante dont il fut le principal agent.
Lille, Séminaire russe. C. DUMONT, O. P.

Zeiisclrr. f. kath. Thcol., 19.13, p. 678 sqq. ; PALMIERI, Theologia Dogmatica


Orihodoxa,Florence, 1911, t.l, p. 159 sqq. ; JTJGIE, Theologia Dogmatica Chrisiia-
norum Orientalium, Paris, 1926, t. I, p. 587 sqq. et pâssini.
(l)-On sait qu'une grande partie de ces oeuvres est formée de reportalions
d'étudiants et que les travaux inachevés du maître ont été complétés par certains
de ses disciples/ en particulier Samuel Mislavsldj.
DES

THÏQLÛOTS GIlilTIENNES PS-CÂTH01IQUIS:

ï. — THÉOLOGIE ORTHODOXE.
I. — OUVRAGES GÉNÉRAUX.
Il vient d'être réédité à Berlin, à un très petit nombre d'exem-
plaires, parle procédé anastatique, un ouvrage important paru
en Russie peu de temps avant la guerre, et que la censure avait
aussitôt fait retirer du commerce, obligeant l'auteur à en supprimer
quatre chapitres. Il s'agit du travail du prêtre orthodoxe P. FLO-
RENSKIJ, intitulé : La colonne et le soutien de la Vérité p), La réédi-
tion qui vient d'en être faite par les soins' dé la librairie s Rossica »
reproduit le texte primitif intégral et ramène pour un temps à un
prix relativement raisonnable cet ouvrage dont on se disputait
durant ces dernières années les rares exemplaires à des prix invrai-
semblables.Importante par son volume (huit cent pages de texte et
de notes, dont un très grand nombre en petits caractères), l'étude
de F. l'est surtout par la mentalité qui l'imprègne et par l'influence
qu'elle exerça sur les esprits. À ce double titre ilnous a semblé
opportun d'en rendre compte ici, d'autant que sa publicationn'éveilla
guère d'écho, en son temps, dans lés-milieux théologiques occiden-
taux.
L'ouvrage porte en sous-titre : Essai de théodicée orthodoxe en
douze lettres. Et, de fait, il se présente comme une tentative faite
pour justifier, aux yeux des esprits de notre temps,les points fonda-
mentaux de l'enseignement chrétien: l'existence d'un seul Dieu
en trois personnes*—-- qui appelle sa créature au partage de sa pro-
pre vie — dans la constitution d'un même corps mystique, l'Église.
A un exposé abstrait de forme didactique l'auteur a préféré le ton

(1) P. FLORENSKJJ, Stolp i utvreêdenie Istiny, opyt pravoslavnoj Feodicej, u


dvënadcati pismaldi, Berlin, Rossica, 1929; in-8 , 812 pp.
ïpÉOLOGIE ORTHODOXE 311

plus libre de la lettre qui s'accommode mieux des expansions


affectives et des considérations personnelles.
Une courte introduction met le lecteur dans Tatmosphère de
l'ouvrage : il s'agit, non point d'un système, mais de pensées expo-
sées suivant la logique Interne de leur progression psychologique.
Tout ce livre est le fruit d'une expérience religieuse. Il trouve en
elle son fondement et sa justification, sans demander l'appui d'une
autorité extérieure, fut-ce celle d'un homme ou d'une organisation
hiérarchique, comme dans le catholicisme, pu celle d'un livre, com-
me dans lé protestantisme. Cette expérience n'est d'ailleurs pas
purement subjective et personnelle, c'est l'expérience collective
des âmes vivant à plein la vie spirituelle de l'Église; c'estTexpé-V
rience de la CerkovnosfP-).
Les premiers chapitrés prennent l'allure d'une Véritable rèchefehe
épistéïhOlogique. —- En ce monde tout passe, et l'âme éprouvé un ,

irrésistible besoin de s'appuyer sur quelque chose qui ne passe pas,


sur la colonne et le soutien de la Vérité (I Tim. 3,15). Mais Comment
reconnaître cette «colonne», et cbinment y accéder? Un examen
minutieux du mot vérité dans les grandes familles de langues:
grecque,; latine, sémitique; slave, une discussion laborieuse des
critères dé la certitude, conduisent à faire ressortir les exigences
antinomiques de l'entendement humain que son propre effort
scientifique condamne au doute absolu, Pour sortir de l'impasse
qù il est engagé, l'auteur examine lés conditions que doit rem-
plir la vérité pour ,exister. Il en.trouve trois qui se laissent fina-
lement ramener' aux deux suivantes : là vérité, doit être à la fois
intuition et discours;, c'est à dire qu'elie;doit réaliser: en soi la
conciliation de ces deux contraires : la position de l'objet en lui-même
et pour lui-même (qui Correspond à l'aspect statique, conceptuel,
intuitif de la pensée), et sa position comnie autre,que soi (qui cor-
respond à: faspect dynamique, rationnel, discursif delà pensée).
Il faut donc que l'objet se retrouve en dehors de soi-même dans un
autre soi-même, tandis qu'un troisième assurera l'intime unité
:
deces deux premiers. Le Moi se retrouvera êii tin Toi et tous deux
ne feront qu'un en un Lui. Eh d'autres termes la vérité, si elle
existe, doit consister en l'unité de trois hypostases.
Mais là raison affirmant les conditions delà vérité qu'elle recher-
che affirme par le fait même l'impossibilité où elle se trouvé d'y
atteindre^ La foi seule, qui nous fait dépasser les limites de l'enten-
dement, et triompher de ses antinomies, nous y fait accéder. Com-
ment se; produit cet acte de foi? Quel apaisement donné-t-il à la
raison? Voilà ce sur quoi l'auteur ne s'e&plique guère. Selon lu

(1) Ce mot est difficile à tràduire.C'est un ternie abstrait dérivé de Çerkov'


(Église) et qui désigne le caractère propre de ce qui appartient à la société spi-
rituelle qu'est l'Église ou entre en sa composition. On pourrait peut-êtfé îç
rendre par ce néologisme : ëcclésiasticité.
312 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

la paix, la lumière que procure à l'âme cet acte de confiance en


la Vérité, cette résolution en faveur de l'Un des termes du «pari»,
sont pour cet acte, au regard de l'âme, une garantie et-une justifi-
cation suffisantes. La foi n'est possible d'ailleurs que pour une âme
purifiée, détachée d'elle-même et aimante. La vérité demeure
cachée aux sages et aux prudents tandis qu'elle se révèle aux petits.
Bienheureux les coeurs purs car il leur est réservé de voir Dieu.
C'est désormais sur le plan théologique, au sens fort large du mot,
(nous serions tentés de dire : théosophique) que se poursuit le déve-
loppement de la pensée de FI.,variations sur quelques uns des thèmes
fondamentaux de la Révélation :Trinité consubstantielle," Amour de
Dieu et du prochain, Paraclet, péché, enfer, créature, Sagesse divine
(Sophia). Ces thèmes, il les traite d'une manière tout-à-fait person-
nelle, en dépit des multiples citations des Pères qu'il appelle à
témoigner en faveur de ses manières de voir. Sa pensée toutefois
n'est pas originale, car nous y retrouvons, en un curieux assemblage,
des conceptions familières à l'historien des doctrines chrétiennes
ou simplement à l'historien de la philosophie : depuis la prédilection
d'Heraclite pour le feu, jusqu'aux théories les plus modernes, en
passant parle gnosticisme, les doctrines palamites, là mystique
allemande du xvie s. et l'idéalisme des disciples plus ou moins
fidèles de Kant. Oserons-nous esquisser la « "Weltahschauung" »
del'auteuf, la conception qu'il a du monde en son ensemble, créature
et Créateur? Au centré Dieu en son « économie », vivante
unité coiisubstaiitielle des Trois Hypostases. En Dieu, quoique
non; consubstantielle, mais admise dans le commerce intime de
la divinité, la Sagesse divine personnifiée. Celle-ci étant la pensée
que Dieu a du monde, pensée vivante et Subsistant éternellement,
constitue ce qu'il y a de plus réel dans la créature, son élément
« esprit ». Cet élément, ainsi considéré dans la créature, a perdu son
intégrité parle fait de la chute originelle (entendons : le péché des an-
ges, péché dont l'existence même de notre inonde, en l'état où il
fût créé, est une conséquence). En Marie, la Vierge très pure, cette
intégrité s'est retrouvée en perfection. Cette Sagesse est aussi
l'esprit de Dieu, l'esprit de Jésus. C'est encore l'Église, c'est à dire
l'universalité des êtres en qui se réalise, par leur communion à
la vie divine, une sorte d'unité consubstantielle, recouvrement de
la primitive intégrité. Le péché est essentiellement lésion de cette
intégrité spirituelle. L'enfer éternel le punit en ce sens que ce qui
dans la créature n'est point à l'image et à la ressemblance de Dieu,
y doit brûler sans fin, tandis que cette image et cette ressemblance
trouveront leur éternelle béatitude, en Dieu, (curieuse façon de
concilier le dogme de l'enfer éternel avec le désir du salut universel).
Du Verbe Incarné, Jésus, il est fort peu question dans cet ouvrage.
Nous nous croirions revenus à l'époque des spirituels. A l'ère du
Père a succédé l'ère du Fils, mais voici que se prépare l'ère de l'Esprit.
Sous le souffle de cet Esprit la libre spéculation 'mystique prend le
pas sur l'interprétation traditionnelle.du dogme chrétien, L'auteur
est certes loin de la rigueur doctrinale du catholicisme fopiain,
THÉOLOGIE ORTHODOXE V 313

L'estril moins de l'enseignement commun de son église? Nous ne le


pensons pas, eh dépit de la faveur dont jouit l'ouvrage de FI. dans
certains milieux orthodoxes qui ne comptent pas parmi les moins
influents. Construction fragile, de la fragilité même des théories
philosophiquesqui lui servent de-fondement. Rationalisme à rebours,
d'une raison qui s'affirme en se suicidant, frappant d'une irrémédia-

ble stérilité son propre effort. On ne peut pas cependant ne pas
reconnaître la belle et profonde inspiration religieuse qui a dicté le
plus grand nombre de ces pages, ni l'impressionnante érudition
dont fait preuve l'auteur. A l'endroit du catholicisme toutefois,
de-ci, de-là, une remarque tout à fait inattendue. Citons un exemple :
FI. distingue en l'homme trois parties : la poitrine (ou le coeur).,
la tête, le ventre. La prédominance accordée à l'une ou l'autre de
ces parties caractérise trois sortes.de mystique : la mystique nor-
male, celle du coeur ; la mystique de la tête, en faveur chez les hin-
dous et les théosophés ; la mystique du ventre, qui est celle
des cultes orgiaques dé l'antiquité et en partie celle du Catholicisme,
On ne voit pas bien ce qui a pu amen'er l'auteur à faire un tel rap-
prochement.
En somme la pensée religieuse de. FI. quelle que soit son éléva-
tion, et en dépit de l'usage qu'il fait des thèmes principaux de la
Révélation, n'est pas proprement chrétienne. Nous en relevons
la remarque sous la plume d'un orthodoxe, le Prof. G. V. Florens-
kïj : « Par son contenu,, cette mystique n'est rien de moins qu'une
mystique chrétienne » P). —Interprétation libre des données, tra-

ditionnelles dont on conserve les formules en [leur donnant un
tout autre sens, et cela en fonction du progrès de la philosophie
et des sciences, n'est-ce pas là précisément ce qui caractérisait les
tendances modernistes? C'est bien Ce que nous retrouvons dans la
pensée de FI.

S'il n'est point de l'école de Florénskij (car il s'oppose à lui sur


des points fondamentaux, et d'ailleurs sa pensée est trop personnelle
pour qu'on puisse le dire d'une école), M. BÉRDJAEVlui est cependant
bien apparenté. Ce que nous allons avoir l'occasion de dire au sujet
de son dernier ouvrage : Philosophie de l'esprit libre: Problématique
et apologie du christianisme (2); éclairera en bien des cas le trop bref
résumé que nous avons donné du livre précédent.
Cette fois, nous avons à faire à un exposé didactique, suivi, rigou-
reusement construit. L'auteur nous avertit cependant que tout
en présentant le plus souvent sa pensée sous forme positive il
n'entend pas proposer à l'assentiment de ses lecteurs des solutions
toutes faites et irréformables ; il voudrait surtout poser des problèmes,

(1) Dans la revue Put', n° 20, février 1930, p. 106 *. « Po soderfailiju ego inîs-
tik.a vsègo menée mistikaKbrista. •> '
.
(2) N. BEEDJAEV.Filosofijq svobodnagoduMia, problemafikà i apo logija Ithri^
tianstva, Paris, YMCA-Press, s. d.} 2 vol. in-12, 271 et 236pp.
314 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

faire ressortir les difficultés auxquelles le p enseur chrétien doit faire


face aujourd'hui, car il estime que c'est déjà faire oeuvre utile que de
rechercher en quels termes précis les problèmes se posent. Son
apologie du christianisme vise à émouvoir les esprits contemporains,
ceux-là surtout qufaprès avoir abandonné les enseignements de l'É-
glise, ont vainement cherché dans les philosophies les plus diver-
ses la satisfaction de leurs profonds désirs de connaître.
Le titre de l'ouvrage: Philosophie de Vesprit libre, et le dessein
apologétique de l'auteur pourraient faire penser qu'il convient peu
d'enrendre compte dans Un bulletin de théologie. La place qu'occupe
le dogme chrétien dans la pensée de B. justifie cependant, semble-
t-il, le parti que nous avons pris de l'y faire figurer. Aussi bien, d'une
façon générale, la pensée russe n'est pas accoutumée à notre rigou-
reux partage entre sciences philosophiques et sciencesthéologiques ;
bien plus, elle le rejette comme aussi anti-philosophique qu'anti-
théologique. Ses spéculations sont à la fois philosophiques et
religieuses, et l'enseignement chrétien eh fournit la matière et la
base. C'est pourquoi elle préfère parfois les: désigner, comme le
fait B., sous le terme plus large de théosophie, en •dépouillant ce
mot de la signification restrictive et quelque peu péjorative qu'il
a reçu en ces derniers temps.
L'auteur commence par préciser ses positions et sa méthode.
Avant toute chose il s'élève contre toute forme de rationalisme,
qu'il soit réaliste ou idéaliste, subjectiviste Ou objectiviste. La
pensée conceptuelle, rationnelle, ne peut en effet atteindre la réa-
lité, la substance de ce qui dans le monde est offert à notre connais-
sance. C'est une erreur de considérer comme fondamentale (comme
le font d'une manière on d'une autre toutes, les philosophies) la
distinction entre esprit et matière, l'opposition du psychique et
du physique, La distinction faite par la métaphysique religieuse
et la théologie entre créature et Créateur, ordre de la nature' et
ordre de la grâce, est déjà plus profonde, mais elle-demeure insuf-
fisante, car distinguer ces deux termes c'est déjà les supposer com-
parables l'un à l'autre, c'est ramener l'un au niveau de l'autre,
naturaliser le Créateur, et réduire en l'homme l'élément divin à ce
qu'il y a en lui d'action de Dieu par la grâce. En réalité, la distinc-
tion, l'opposition fondamentale est celle delà natore et de l'esprit
le mot esprit désignant ici un élément de vie proprement supérieur
correspondant, chez l'homme par exemple, à une activité transcen-
dant l'ordre normal ef ordinaire des autres; activités de l'âme;
en somme quelque chose d'analogue à la distinction pauliniennè
entre spirifuale etanimale, distinction àlaquelléB. se réfère du reste.
En traitant rationnellement et en distinguant naturel et surnaturel
la scolastique fausse l'intelligence,de ces catégories ctui ne sont pas
des catégories métaphysiques, mais des catégories religieuses. Celles-
ci sont objets, ou plutôt faits, d'expérience, et c'est aux mystiques,
et non pas au rationalisme théologique, qu'il faut en demander la
plus exacte expression: Ti importe avant tout de comprendre que
l'esprit n'est pas une substance ou une réalité objective au même
THÉOLOGIE ORTHODOXE 315

titre et sur le même plan que les autres réalités. L'esprit est vie,
expérience, et non pas objet, c'est pourquoi nous n'en pouvons
prendre vraiment connaissance que par l'expérience concrète que
nous en avons, par le fait même que nous vivons notre destinée.
La vie de l'esprit n'est pas objet de connaissance, elle est la connais-
sance même, étant essentiellement conscience de soi. Dans cette vie
les réalités spirituelles sont directement expérimentées, c'est pour-
quoi il n'y a pas lieu de se demander comme le fait un réalisme naïf
si quelque chose répond effectivement aux idées que nous en
avons. «La vie spirituelle n'est pas le reflet ou l'écho de quel-
qu'autre réalité, elle est la réalité même» (I, p. 36).
Nature et esprit se distinguent parce qu'ils sont d'un autre ordre,
et cela.même empêche de les comparer. Mais dans l'esprit, la nature
se retrouve. Abstraite en elle-même, elle se Concrétise en lui. Figée
et inerte, en lui elle prend vie. La réalité que nous lui connaissons
et qu'atteignent nos sciences n'est que le symbole de cette réalité
autrement profonde et d'un autre ordre qu'est la vie de l'esprit.
Et cet esprit dont nous parlons, ce n'est pas seulement l'esprit
considéré dans l'homme, ce n'est point non plus seulement l'esprit
de Dieu ; c'est à la fois l'un et l'autre, l'un en l'autre, l'un demeurant
distinct de l'autre, maïs tous deux trouvant dans leur immanente
interactionl'achèvement, sil'on peut ainsi s'exprimer, de leur propre
personnalité. On demeure donc à égale distance d'un dualisme ex-
trinséciste et d'un monisme idéaliste qui conduirait au panthéisme. .
Ni objectivisme naïf, ni subjectivisme contraire à l'expérience.
Nous dépassons le naturalisme, nous écartons toute vue abstraite
et nous atteignons en cet esprit qui est vie le fond même de l'être.
En nous, nous retrouvons l'être tout entier : Dieu, nous-mêmes et la
nature ; le présent et le passé s'unissent dans la plénitude d'une
expérience qui se vit en dehors du temps, comme en dehors de toutes
les autres oppositions et distinctions conçues par la métaphysique
abstraite.
Ce passé condensé dont nous éprouvons la réalité dans l'expérience
spirituelle n'est pas autre chose que la tradition. L'élément autorité
n'a donc pas à intervenir sur ce plan de l'esprit. H ne se justifie
qu'au plan inférieur de la nature, la grande masse des hommes étant
incapable en fait de vivre de cette vie de l'esprit.A céux-cï la vérité
est dispensée sous forme de symboles tels que, par exemple, le
récit biblique de la chute originelle. En réalité la chute originelle
est un événement du monde de l'esprit : elle n'a pas pu s'accomplir
dans le monde de la nature qui est lui-même une suite du péché. Ce
qui ne veut pas dire qu'il faille rejeter la réalité historique de cet
événement rapporté par la Bible : il faut simplement le dépasser,
lui reconnaître sa valeur de symbole d'un événement, autrement pro-
fond et autrement réel, delà vie spirituelle dû monde. Il en va de
même d'ailleurs de tout l'ordre des événements de l'histoire, en
particulier, mais non pas exclusivement, de l'histoire religieuse.
Ces événements réels du temps que sont la naissance, la vie, la pas-
sion, la mort et la résurrection du Christ, ne prennent toute leur
316 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

véritable valeur qu'à titre d'expression symbolique des réalités


qui s'opèrent dans les profondeurs de la Vie de /'l'esprit.
Le caractère complexe de l'homme, qui est à la fois esprit et nature,
impose à sa destinée individuelle et sociale une complexité correspon-
dante. De là deux excès possibles: négliger en l'homme l'aspect
nature (c'est l'erreur des faux mystiques), ou, en réaction contre
ce premier excès, nier pratiquement le côté esprit. C'est de ce
dernier excès que proviennent le caractère naturaliste de la théologie
dans le catholicisme, et même dans l'orthodoxie, le fondement
ascétique de la vie spirituelle, l'organisation juridique de la société
ecclésiastique à l'imitation des institutions humaines, politiques ou
autres, l'établissement d'une autorité doctrinale extérieure, sorte
de contrôle permanent et obligatoire des manifestations de la vie
et de l'esprit, toutes choses qui ont dans une large mesure leur raison
d'être, qui même, telles qu'elles sont, peuvent correspondre à un
stade du développement de l'humanité dans la voie spirituelle
où elle est engagée, mais qui doivent être dépassées.; faire place, en
se modifiant, à un plus libre exercice de l'activité créatrice qui est
la grande prérogative, sinon la vie même, de l'esprit.
Nous nous sommes étendus assez longuement sur les prémisses
philosophiques de la conception de B., il nous sera plus facile dés-
ormais de résumer sa pensée sur les différents points du dogme
chrétien.
Et d'abord là notion même de dogme. Elle est examinée dans, un
chapitre intitulé : Symbole, mythe et dogme (I, p. 88-134). Le sym-
bole est à la fois intermédiaire, signe et lien ; il distingue et Unit deux
inondes dont l'un trouve en l'autre son sens, manifesté par ce
ss7mbole. Le récit biblique de la chute nous a déjà fourni un exemple
de la pensée de B. à ce sujet. Les réalités dites objectives ne sont
que des réalités de second ordre, des réalités symboliques et non
des réalités en soi. Non pas que le monde spirituel soit chose en soi
et le monde de la nature phénomène ; ce serait retomber dans une
conception naturaliste et métaphysique. Le symbolisme atteint en
sa réalité mêmela vie de l'esprit, Le symbole développé en mythe est
le seul moyen que nous ayons d'exprimer les profondeurs de vie
auxquelles atteint l'expérience spirituelle. Ce que le concept ne
peut rendre, le mythe l'exprime. Or c'est précisément en un mythe
que consiste le dogme. Il n'est pas une théorie du une doctrine,
mais un ss'mbole exprimant des faits absolus et d'importance capi-
tale de la vie de l'esprit. Il ne faut donc pas identifier le dogme aux
formules dogmatiques ni le confondre avec les doctrines théoldgïqUes ;
il ne faut pas non plus lui accorder, comme certains modernistes
catholiques, un sens purement moral pragmatique. Il a un sens
religieux, mystique ; il exprime l'essencp delà vie de l'esprit. S'il
est nécessaire au salut ce n'est pas parce que pour être sauvé il faut
croire telle ou telle doctrine, mais parce que la réalité impliquée
dans telle ou telle doctrine est nécessaire au salut. Les formules
dogmatloues, les expressions abstraites du dogme dans les systèmes
tbéplpgiques, sont nécessaires-pour la conduite religieuse despiassess
THEOLOGIE ORTHODOXE
317

mais d'une nécessité imposée par la nature sociale de l'humanité,


et non comme une condition ou un caractère de la vérité religieuse
considérée en elle-même. Leur sens peut toujours être approfondi,
se présenter dans la lumière d'une gnose nouvelle, et d'autres
événements de la vie de l'esprit peuvent trouver leur expresssion
symbolique dans de nouvelles formules dogmatiques. Un progrès
.
est possible, non seulement dans l'expression du dogme, mais même
dans la révélation.
Cette notion de révélation a pour B. une extension beaucoup
plus large que dans la théologie traditionnelle. Nous la trouvons
exposée dans le troisième chapitre : Révélation, foi, degrés de con-
science (I, pp.135-173). Ce serait une erreur de restreindre la révéla-
tion aux cadres que lui assigne la Bible. La division des religions
en révélées et non-révélées est artificielle et fausse. Toutes les
religions sont révélées, car est révélé tout ce en quoi se manifeste
le divin. Cependant le christianisme est la révélation universelle,
les autres révélations .n'étant qu'anticipation et pressentiment de
celle-ci. La révélation est essentiellement un événement qui s'ac-
complit dans les profondeurs de la vie de l'esprit. Sans la lumière
du dedans les faits extérieurs qui la traduisent ne pourraient même
pas avoir valeur de révélation. Celle-ci suppose que la divinité est
immanente à l'esprit de l'homme (à son esprit, non pas à son âme),
et c'est sur cette immanence que se fonde la ressemblance de
l'homme avec Dieu. Il s'agit ici, non pas de l'irnmaiientisme des
philosophes modernes qui n'est que phénoniénalisme et positi-
visme, mais d'un immànentisme mystique, fondé sur l'immanence
de la conscience à l'être qui est vie spirituelle illimitée, La révéla-
tion est Une accession de la conscience à la sphère du subconscient
ou du surconscient. Elle représente une démarche de Dieu vers
l'homme à laquelle doit répondre en l'honimme une libre réponse
par la foi, acte essentiellement libre de l'esprit, affaire de libre choix
et de libre amour. Exiger pour la foi des témoignages, des garanties,
des preuves, c'est méconnaître sa nature, car il n'y a pas de liberté
là où s'exerce la contrainte des arguments, ou la contrainte équi-
valente d'une autorité extérieure. Cette dernière peut répondre à
une nécessité sociale, mais elle est toujours un pis aller, un signe de
faiblesse pour la foi. Elle est d'ailleurs parfois un obstacle au pro-
grès de la révélation. Car la révélation doit progresser. Si elle n'a
pas à se corriger, elle doit du moins se compléter, s'approfondir.
Déclarer la révélation close c'est nier la nature essentiellement
dynamique de l'esprit.
Ce rôle de la liberté dans l'acte de foi amène l'auteur à traiter
le sujet qui a inspiré le titre de l'ouvrage: La liberté de l'esprit-(})._.

(1) Les pensées contenuesdans ce chapitre ont été exposées en français par
l'auteur au congrès national polonais de philosophie en septembre 1926. Sa con^
Jérence a été publiée une premièrefois en russe dans la revue Put',n° 9 (janvier.
318 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQÙÈS

(I, p. 174-229). L'esprit est essentiellement liberté ; la liberté s'op-


pose donc à la nature au même titre que l'esprit. En conséquence,
ce n'est pas dans la nature qu'il faut chercher le fondement de la
liberté. Pour ne l'avoir pas compris on s'est engagé, au cours des
siècles, en d'interminables querelles sûr la question des rapports de
la liberté et de la grâce. N'étant pas de l'ordre de la nature, le
problème de la liberté ne peut s'exprimer eh termes de philoso-
phie rationnelle. La liberté n'est pas une catégorie métaphysique
figée, elle est le dynamisme intérieur de l'esprit, le "mystère irra-
tionnel de l'être. Mais il y a deux sortes de liberté. Une liberté
fondamentale prééexistant au bien et au mal et décidant du choix
qu'on en fait, et une liberté rationnelle s'exerçant dans le bien et
la vérité une fois que l'on s'y est fixé. Le choix du-Men et de la
vérité que rend possible la première liberté ne peut-être le résultat
d'une nécessité quelconque, d'une contrainte exercée du dehors,
fût-ce par la grâce. Cependant, chacune de ces deux libertés peut
à sa manière engendrer la nécessité, et de la sorte se nier et se
détruire elle-même : le/ première engendrera l'anarchie, la se-
conde une des formes àutoritaristes de la société, théocratie ou
socialisme. Paradoxe sans issue naturelle. Nous ne trouvons de
solution que dans le Christ en qui se révèle une troisième liberté
unissant en soi les deux premières. La grâce du Christ triomphe et
de la liberté du mal et dé la nécessité dans le bien. Étant à la fois
honime et Dieu, le Christ possède cette liberté qui rend possible
une libre réponse de l'homme à l'appel deDieU. — Le problème de
' .l'autorité est étroitement lié à celui de la liberté : en définitive il
n'y a d'autorité efficace-que l'autorité librement acceptée,
« La liberté n'est pas créée, parce qu'elle n'est pas une nature.
La liberté préexiste au inonde, elle a sa racine dans le néant pri-
mordial. Dieu est tout puissant sur l'être mais il ne l'est pas sur le
néant, sur la liberté. C'est pourquoi le mal existe » (p.233), Aussi le
problème du mal sera-t-il insoluble rationnellement au même titre
que le problème de la liberté. — De la rédemption non plus on ne
doit pas se faire une conception rationnelle. Elle est affaire de libre
amour, non de justification juridique. Il ne s'agit pas de pardon,
de rachat, de rançon, mais de triomphe remporté sur le mal, de
transfiguration de l'homme, stade nouveau dans le développement
de l'oeuvre créatrice, sorte de huitième jour de la création, pro-
cessus cosmogonique et anthropogonique, étape nouvelle pour la li-
berté de-l'homme. La conception d'un Dieu assoiffé de vengeance et
de sang est propre à l'Ancien Testament, et le christianisme se doit
de l'abandonner.
Avec le chap. VI nous abordons le problème central du christia-
nisme : Dieu, l'Homme-Dieu et l'homme (II, p. 522). Le phénomène

1928), pp.41-53, puis enfra'nçaisdans Der Russische Gedanke, Heft'.I, pp.l8r28,


sous le titre Le problème métaphysique de la liberté. Cf. 'Rev. se: fih. th., 1928.,
p. 851.
THÉOLOGIE ORTHODOXE 3lâ

religieux fondamental étant la rencontre de Dieu et de l'homme,


il conviendrait de mettre au principe de toute recherche philoso-
phique et théologique, contrairement à ce que l'on à fait jusqu'ici
non pas Dieu, ni l'homme, mais l'Homme-Dieu. Le mystère de la
création relève de. la vie intime de la divine Trinité. C'est en effet'
à la fois comme Dieu et comme homme que le Fils est engendré de
toute éternité. Par la génération du Fils dans l'éternité toute la
race spirituelle humaine, tout le monde contenu dans l'homme,
microcosme, répond à l'appel d'amour de DieU. L'homme est au
centre de l'être. Au dessus de lui, Dieu, au dessous, le monde,
l'un et l'autre lui étant nécessaires pour sa propre réalisation
comme homme. Mais par la chute originelle l'homme s'est détourné
de Dieu et il s'estretrouvé inférieur au monde qu'il devait dominer.
D'esprit il est devenu nature, participant à l'état de dispersion
de la vie de l'esprit. Il a perdu
- auquel est soumise la nature privée
conscience de sa qualité de microcosme et/la vie intime dû cosmos
lui échappe. Au lieu d'une vie éternelle, d'une plénitude de vie
personnelle, c'est désormais pour l'espèce un fractionnement en
générations successives soumises au cycle naturel de la naissance
et de la mort. L'homme a perdu son intégrité primitive, sa forme
androgine, image de l'être divin. Dans son état d'intégrité, la nature
féminine était incluse dans l'homme ; mais la chute a dissocié ces
deux éléments/masculin et féminin, et les a rendus extérieurs
l'un àl'autre tout en les maintenant nécessaires l'un pour l'autre.
D'où l'attrait réciproque des sexes dans lequel s'exprime la ten-
dance foncière à cet état premier d'intégrité. CetteIntégrité primitive
cette éternelle virginité spirituelle, c'est la Sagesse divine, « Sophia ».
Celle-ci nous est apparue en quelque sorte en la personne de Marie,
engendrant de l'Esprit tout en demeurant vierge. Marie nous
indique le chemin à suivre pour restaurer en nous cette intégrité
première, la voie de l'amour mystique. Mais cette voie est plus
complexe qu'on ne le pense d'ordinaire. Le christianisme' qui a
toujours profondément élaboré la doctrine et développé le culte de
la virginité, n'a malheureusement pas suffisamment approfondi le
sens mystique du mailage, qui lui aussi,peut conduirel'homme à la
restauration de son intégrité première. Ce n'est pas le seul point
d'ailleurs sur. lequel il reste encore beaucoup de conséquences
nouvelles à déduire du dogme christologique ; p, ex. on a jusqu'ici
peu étudié la valeur religieuse de l'inspiration prophétique,- du
génie créateur de l'homme, et cependant c'est là un élément impor-
tant du problème du mysticisme. A côté d'une mystique à base
ascétique, B. revendique en effet une placé pour une mystique à
tournure prophétique qui ne s'appuierait pas forcément sur l'ascèse
et ne serait pas liée au degré de sainteté du sujet, mystique d'un
Dostoievskij, d'un Fr. Baader, d'un J. de Mâistre, d'un VI. Solovièv.
L'ascèse, étant essentiellement renoncement au monde, ne pourra
jamais conduire à la réalisation^ du dessein créateur de Dieu, à
l'Union intime de l'esprit et du cosmos. Le prpphétisme doit done
de toute nécessité compléter l'ascétisme.
320 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUÈS

Nous ne nous ;arrêterons pas au chap. VII qui est une critique
de la théosophie moderne et qui précise en quel sens l'auteur se
dit théosophe et favorable jusqu'à un certain point aux théories
gnostiques. Le chapitre suivant : Le développement spirituel et le
problème eschatologique (II, p. 158-189) insiste sur le caractère non
pas évolutif au sens moderne du mot, mais essentiellement dyna-
mique, du christianisme. Celui-ci demande à être repensé sans cesse
en fonction de l'expérience humaine qui s'enrichit chaque jour.
C'est une entreprise vaine et dangereuse de présenter aux esprits
contemporains le problème de la destinée de l'âme-et du monde
à la manière de la théologie officielle. La conception métaphysique
de l'enfer et de ses peines éternelles est désormais un scandale
aussi bien du point de vue de l'homme que du point de vue de Dieu.
Quant à la doctrine du salut, il n'est plus possible de la considérer
sous son aspect purement individuel. Nous ne pouvons savoir
sans doute si tous seront sauvés, mais nous devons tendre de tous
nos efforts à ce que tous le soient. Le christianisme conduit l'huma-
nité tout entière sur une voie de développement spirituel, il l'ache-
mine progressivement, avec des alternatives d'avance et de recul,
mais de recul préparant des étapes nouvelles, vers une transfor-
mation, une transfiguration, dont l'achèvement plénier s'identifiera
avec l'avènement du Royaume de Dieu.
Cette emprise progressive du divin sur l'univers, se-réalisant
par la libre réponse de l'homme à l'appel de Dieu, constitue le
mystère de l'Eglise (chap. X : L'Eglise et le monde. II, p. 190-236).
L'Église a des éléments visibles, quoiqu'en pensent les protestants,
mais ce ne sont pas ces éléments qui déterminent sa nature. Spi-
rituelle, elle ne peut être atteinte que par l'expérience spirituelle,
expérience d'ailleurs supra-individuelle, collective, débordant les
cadres de l'espace et du temps. Vivre dans l'Église c'est vivre
en commun l'esprit, l'amour et la liberté du Christ. L'Église- c'est
le cosmos « christifié ». Elle est plus large et plus compréhensive
que ce que nous voyons d'elle extérieurement le laisserait supposer,
et les possibilités de développement qui lui restent dépassent de
beaucoup ce que nous pouvons constater en elle de réalisation.Sans
doutel'Église étant humaine a un aspect matériel, une organisation,
mais il faut se garder d'identifier le Royaume de Dieu avec l'orga-
nisme ecclésiastique. On y voit trop exclusivement d'ordinaire
ce que l'homme y reçoit de Dieu et l'on néglige ce que l'homme peut
donner à Dieu, c'est à dire son activité libre, sa spontanéité cré-
atrice. Il y a en effet dans l'Église deux éléments : un élément
strictement humain se référant à l'activité propre de l'homme, et
un élément ministériel constitué par la hiérarchie sacerdotale.
Ce dernier élément par sa nature même se rattache à l'ordre ang é-
lique. La réalité de son action d'ordre charismatique n'est pas en
dépendance des qualités humaines des individus qui l'exercent.
La hiérarchie des valeurs humaines dans l'Église s'oppose donc
à la hiérarchie ministérielle ou angélique. Le thomisme, en plaçant
l'homme au degré inférieur de la hiérarchie des êtres spirituels
THEOLOGIE ORTHODOXE 321

et en faisant de l'ange un être supérieur à l'homme, était fatalement


amené à domier plus d'importance à la hiérarchie sacerdotale qu'à
la hiérarchie proprement humaine. Mais c'est là un renversement
des choses, car l'ange ne peut être supérieur à l'homme, sinon le
Christ ne serait pas Homme-Dieu, mais Ange-Dieu. Donc il. importe
de rétablir l'ordre véritable, et sans méconnaître la nécessité de la
hiérarchie ministérielle (comme d'ailleurs de toute la hiérarchie
angéliqué) dans la vie religieuse de l'humanité, il faut restituer à la
liberté créatrice de l'homme sa dignité et sa suprématie, Un des
trôles de la hiérarchie sacerdotale a été de conserver et de transmet-
tre le christianisme par voie quasi-héréditaire, la foi étant donnée
à; l'homme, dès sa naissance, par le baptême. Mais cet état de cho-
ses disparaît de jour en jour. La foi devient de plus en plus person-
nelle, fruit d'une laborieuse recherche et terme souvent d'une pé-
nible crise intellectuelle et morale. Ce fait modifie le caractère du
christianisme, diminue l'importance de la hiérarchie sacerdotale et
oriente là société chrétienne vers la réalisation de ce sacerdoce,
royal commun à tous dont parle l'apôtre Pierre.
L'Église est par nature une et universelle. Son universalité ne
doit pas cependant être appréciée de façon géographique, en sur-
face, conception chère au catholicisme, mais verticalement, en
profondeur. Cette dernière manière de concevoir peut seule con-
cilier l'unité essentielle et l'universalité de l'Église avec son état
extérieur de division et de séparation. En fait l'Universalité de
l'Église ne s'est pas encore pleinement manifestée. Il existe quelque
chose d'elle dans chacune des confessions chrétiennes et ce n'est
qu'en s'identifiant à tort, partie, avec le tout, que l'une dé ces
confessions peut s'attribuer le privilège de la réalisation visible de
cette universalité dans l'unité. II ne peut s'agir ici que d'uiie unité
extérieure, unité d'un royaume de César, et non pas unité du
Royaume de Dieu. -
En terminant son ouvragé l'auteur revient sur l'importance de
l'élément prophétique qui est en elle facteur de progrès, tandis
que l'élément proprement hiérarchique est facteur de stabilité, de
préservation des massés. Ces deux éléments sont nécessaires l'un à
Fautre, ou plutôt l'un et l'autre sont nécessaires au progrès de la
société chrétienne qui s'oriente sous leur commune action (à condi-
tion qu'aucun d'eux ne s'oppose à l'influencé del'autre), vers la
« christification », la
déification plénière du monde, vers l'avène-
ment du Christ dans la puissance et la gloire.
Telle est dans ses grandes lignes la synthèse de B. Nous l'avons
suivie d'assez près, car elle est caractéristique d'une, mentalité
.dont l'auteur n'est pas le seul représentant, et nous aurons sans
doute plus d'une fois l'occasion de nous y référer dans la suite. Quelle
que soit la position prise à l'égard des opinions de B., une chose
' est certaine, c'est qu'on ne peut lire.son ouvrage sans y prendre
un très vif intérêt et sans sentir naître pour l'auteur une ardente
sympathie. Son exposé (parfois un peu long, il est vrai, et encombré
d'assez fréquentes redites) est toujours calme ; sa pensée s'efforce
REVUEBES SCIENCES. — T. XIX.,i?Asc.i.—'21.
322 THÉOLOGIES. CHRÉTIENNES NON-ÇATHOLIQUES

constamment de demeurer dans une exactemesure etd'éviter


les erreurs qu'elle serait exposée à commettre pu-.par'.excès ou par
défaut. A l'égard dé l'enseignement catholique,B. fait preuve d'une
réellebienveillance encore qu'il ne semblepas toujours encômprendre
le sens profond. Il nous en prête assez gratuitement mie interpré-
tation fort semblable à celle d'une scolastique de basse époque.
L'aspect « organisation » du catholicisme lui masque souvent, parce
qu'il s'y laisse lui-même trop arrêter, les profondeurs de vie spi-
rituelle que cette organisation non seulement sauvegarde, mais
favorise beaucoup plus qu'ii ne le croit. Nous ne nous arrêterons,
d'ailleurs pas à dicUter par le détail chacune; de ses opinions. C'est
l'ensemble de sa construction qu'il faut admettre ou rejeter, sui-
vant que l'on accepte ou que l'on rejette les fondements giiqséoiq-
giques sur lesquels elle est édifiée. Par ces fondements, on l'aura
remarqué, B, s'oppose radicalement à Flprenskij. Celui-ci parti
du doute absolu tombait dans le fidéisme ; le symbolisme-réaliste
de B. s'il s'oppose au rationalisme, sauvegarde toutefois dans sa
pensée la valeur radicale de l'esprit humain.Si différents que soient
leurs points de déiiart, leur commun mysticisme crée entre ces
deux auteurs une étroite parenté. Comme Floreiiskij,B. aime à se
référer aux mystiques allemands du XVIe S., en particulier à J. Boh-
me. Au fond de leur construction il y a cette vision mystique gran-
diose de l'« économie » divine, dé cet. étemel jaillissement divin
qui s'opère au sein del'abime, et qui est source de création en même
temps que principe de vie trinitaire. Mais cet abîme de néant irra-
tionnel impose en quelque sorte ses conditions à l'activité divine
et lui marque des; limites, encore que Dieu doive finalement; se
rendre maître de ces conditions et triompher de ces limites. C'est en
cela que consiste tout le tragique de la destinée divine et de notre
propre destinée. De solution aux grands problèmes qui tourmentent
l'humanité : mystère deF-homme, de son origine^ de sa déchéance,
de. sa destinée, mystère du. mal, mystère-du temps,' mystère"du
salut, il ne nous en est offert que dans le mystère plus profond
encore de la divinité, mystère d'autant plus profond qu'il semble
être un mystère pour la divinité elle-même.L'iiiiage et Iaressemblance
de Dieu en l'homme porte à concevoir Dieu à la ressemblance de
l'homme, anthropomorphisme-mystique plus proche de la vie,
nous dit-on, et par conséquent de la vérité, que les conceptions
rationalistes de la théodicée traditionnelle qui, voyant en Dieu
l'Acte Pur,le prive -de toute vie et le. ;cbndamnè/à/Une/stërile
immutabilitéj conceptions inconciliables avec lés dogmes mêmes ,

delà vie trinitaire, de 1"Incarnation du Verbe et de la Rédemption.


Ce ne sont pas là des points de we nouveaux, si originale que soit
la manière de. les. présenter; et;nous ne sommes pas encore résolus
à nous avancer sur ce terrain, encore que notre «rationalisme »
soif prêt à faire son profit des critiques justifiées qui de-ci, de-là, lui
sont faites, de celles qui, du moins, ne le visent point en son essence
mais en ses déviations. Sans méconnaître ses limites nous
continuerons d?avoir confiance en notre esprit ainsi que dans les
THÉOLOGIE ORTHODOXE -
323

ressourcés que Dieu met à sa disposition par don de nature et don


de grâce.

' II. — MONOGRAPHIES,


Esprit-Saint. — Une fort brève étude du Métropolite ANTOINE
intitulée :' La doctrine de l'Eglise sur le Saint-Esprit p), "nous
donne l'occasion de signaler, au sein de l'orthodoxie, une tendance
"doctrinale nettement différente de celle que nous venons de ren-
contrer. C'est à n'en pas douter aux représentants delà mentalité •
que nous décrivions tout à l'heure (Florenskij est' d'ailleurs:, un peu
plus loin pris personnellement à partie), que s'adressent lés
premières lignes de l'auteur : « Il est en ce moment beaucoup
d'écrivains et de penseurs qui, sans y être le moins du monde pré-
parés, ont la démangeaison de théologiser sur les sujets les plus
subtils et les plus abstraits. Chacun: veut dire quelque chose dé
nouveau et de profond, et plus encore tient à souligner l'insuf-
fisance dé la doctrine; de l'Église, doctrine qu'ils ne connaissent
d'ailleurs pas, ou, en tout cas, ne comprennent point » (p. 3). Contre
eux et contre ceux qui, à la suite deTplstoj, reprochent à l'Église de
«répandre une doctrine de l'Esprit Saint abstraite et Sans vie »,
contre ceux aussi qui, Sous l'influence"de là scolastique, donnent
effectivement dans ce travers d'un exposé purement abstrait de
l'enseignement révélé, l'auteur s'applique à faire ressortir comment
l'Église, dans son enseignement traditionnel, et surtout dans ces
véritables leçons de foi que sont les offices liturgiques, a toujours
marqué de façon très vivante la personnalité" de l'Esprit-Saint et
l'action constante de ses dons dans la vie morale, individuelle et
/sociale, des fidèles du Christ. Par son peu d'étendue et par la
manière dont elle est conçue, cette petite brochure est plutôt une
pieuse exhortation à portée apologétique, qu'une; véritable étude
théologique.
Rédemption. -—Plus importantes sont les pages consacrées par '
le même auteur au Dogme de la Rédemption (2). Elles visent à sub-
stituer à la théorie « juridique », introduite en Russie sous des influent
ces occidentales, latines (école de Kiev) pu protestantes,; une théo*
lie nouvelle que lemétr. A. estime être suffisamment établie sur la.
.Bible et là tradition patristique. Les travaux récents des théologiens
Tusses ont/montré"en effet : 1) que la théoriej ùridique de la rédemption
est entièrement empruntée aux doctrines latines formulées par
Anselme de Cantorbéry, Thomas d'Aquin et.Pierre Lombard;—^

(1) Mitropolit ANTONII, Vcenie Cerkvi o Svjatom DukhS. Paris, YMCA-Press,;


;
s. d.;in-16, 40 pp.
(2). Mitropolit ANTONII, Dogmat Iskuplenija, Karlovtsi, 1926 ; in-12, 60 pp.
324 THEOLOGIES CHRETIENNES NON-CATHOLIQUES

2) qu'elle ne se trouve pas dans la Bible ni chez les Pères où l'on ne


rencontre ni le terme de mérite, ni celui de satisfaction; concepts
juridiques sur lesquels repose la théorie jusqu'ici communément
enseignée ; — 3) que cette doctrine n'est conciliable ni avec la justice
ni avec la miséricorde divines. — Plus encpre qu'au droit romain
elle paraît empruntée aux moeurs féodales. Il semblé d'autre
part définitivement établi, à la suite des travaux du prof. Svëtlpv
et de l'archevêque Serge, que « la rédemption, n'est pas autre chose
que le don qui nous est fait par grâce de la capacité d'accomplir
notre salut^ et ce salut c'est l'acquisition, par le moyen de là lutte
morale et du commerce de l'âme avec Dieu, d'un:état de perfection
spirituelle» (p. 16). — Ces préliminaires; achevés, l'auteur entre-
prend d'exposer sa propre théorie, basée sur l'unité ontologique
(et non pas seulement abstraite et logique) de la nature humaine.
C'est en vertu de la charité compatissante que le Christ nous a.té-
moignée par son incarnation, sa vie, son agonie et sâmort douloureuse,
que notre nature, si notre libre volonté s'y pfête et s'oriente vers le
bien, recouvre cette capacité de parvenir au salut; —-Il est curieux
de constater que dans son explication du péché originel l'auteur ne
s'appuie pas sur cette unité de la nature humaine tout entière enga-
gée dans la conduite d'Adam. A son sens ce n'est pas polir le/péché
d'Adam que nous sommes punis, mais pour /notre proprépéclié:
personnel. Car ce n'est pas.en Adam que nous avons péché, mais
après lui et comme lui. Le mot de S, Paul aux Romains (5, 12) doit
en effet se traduire ainsi : « demême que par un seulVhonune le
péché est entré dans le inonde, de même la mort est entrée dans tous
les hommes pour autant (ou attendu) que tous ont péché ». Adam
étant le premier homme, c'est par lui, en fait, que le péché est entré
dans le monde et avec le péché la mort ; si le -péché et lalnort ont,
par la suite, atteint et frappé tous les autres hommes, ce n'est pas
parce que ceux-ci auraient péché en lui, mais simplement parce
qu'ils ont péché comme lui, ce que Dieu avait d'ailleurs? prévu en
les créant. --- Il n'est pas besoin de faire ressortir à quelles difficul-
tés se heurte une pareille théorie du seul point dé vue dogmatique.

Ecclësiologie. — Il y a lieu de signaler un certain nombre d'ar-


ticles intéressants au point de vue des théories ecclésiolpgiques de
l'orthodoxie russe. Le P. S. BULGAKOV, professeur à l'Académie
ecclésiastiques. Serge de Paris, a 'publié dans la revue-Rù*' (LaVoie)
une série d'études intitulée : Esquisse d'un traité de l'Eglise p). -.
Successivementl'auteur montre les deux aspects, visible et invisible,
del'Église, —: l'Église dans le dessein créateur de Dieu, -V- sàréàli-
sation progressive depuis la chute originelle,— son établissement
définitif par le Christ, — sa nature essentiellement spirituelle et

(!) PROT. S. BÎXLGAKOV, Olerki uôcnija o Cerkvi. PuP, n° 1, pp. 53-78 ; n° 2


pp.47-48;n"4,pp.3-26;hol5;pp.39-S0;iiol6,pp.lS-4S. V
THÉOLOGIE ORTHODOXE ' 325.

le rôle qu'y joueleS.Esprit, — le caractère divin de sa fondation, —


son unité intérieure, — son unité extérieure. A ce dernier propos,
B. marque nettement ce qui différencie,et opposela doctrine catho-
lique et la conception orthodoxe. Selon celle-ci l'autorité suprême
a été'donnée par le.Christ au collège des apôtres et non pas per-
sonnellement à Pierre. C'est collectivement que les successeurs des
apôtres ont hérité de ce pouvoir. Ceux-ci pourraient d'ailleurs,
s'ils le jugeaient convenable; en confier l'exercice à l'un d'entre eux,
l'évêque de Rome n'étant point forcément exclu de leur choix.
Mais ce pouvoir, en toute occurence, demeure délégué par l'Église,
et ne peut être revendiqué de droit en vertu d'une prétendue insti-
tution divine, par aucun des successeurs des apôtres, serait-ce
;
l'évêque-de Rome. En ce qui concerne le privilège de l'infaillibilité,
B. ne le reconnaît à aucun organe ecclésiastique, mais à l'ensemble
de l'Église. Le caractère obligatoire des définitions conciliaires ne
leur est reconnu qu'après coup, en raison de leur conformité avec
le sentiment commun et la foi commune de l'Église. — L'Église
est une et unique, ce qui ne veut pas dire que ceux qui sont en.dehors
de l'organisme ecclésiastique (par suite de séhisme ou d'hérésie)
ne peuvent en faire partie à quelque titre. À ce propos l'auteur traite
longuement la question de la réalité des sacrements dans les con-
fessions chrétiennes non-orthodoxes. Celle-ci est reconnue, dans
un grand nombre de cas, par la pratique de l'Église (plus large dans
l'orthodoxie russe que dans l'orthodoxie grecque). Pour justifier
cette pratique il recourt à la théorie de 1' « économie», et rejette
la doctrine du caractère sacramentel. Les deux derniers articles qui
composent l'enseihblé de cette étude sont consacrés au Dogme du
Vatican. Après un ensemble de considérations historiques que nous
avons déjà résumées ici P), B. critique le dogme lui-même. Celui-
ci (d'ailleurs adroitement exprimé en des formules ambiguës et
élastiques) serait contradictoire en lui-même. Il tiendrait sa force
obligatoire d'une décision conciliaire qui, par le fait même qu'elle
le proclame, nie sa propre autorité. Les interprétations restrictives
des théologiens catholiques sont injustifiées. En fait, « toute défi-
nition que le pape prononce en vertu de son plein pouvoir, est
ex cathedra, car il„est impossible de séparer dans la personnalité du
pape, le prêtre, l'évêque de Rome, le patriarche italien et le pontife
universel ( 2) ». Le dogme du Vatican est une conséquence inévitable .
du développement de l'ecclésiopapisme ; il n'ajoute rien, en fait,
à la puissance progressivement acquise par la papauté. Il est, en
tout cas, le grand, sinon l'unique obstacle à l'union du catholicisme
et de l'orthodoxie, -y- Les traits caractéristiques de l'orthodoxie
russe, l'auteur les décrit avec concision et en formules souvent heu-
reuses, dans un article publié en français dans un numéro spécial

(1) Cf. Rev. se. ph.lh. 1929, p. 587.


(2) Put'i n° 16, niai 1929, p. 28,
326 ' ', '- THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES
.

consacré à l'iÉglisë d'Orient par la revue Una Sancia P). On s'y


reportera avec intérêt,/"Citons dans la même publication, en langue
.allemande;cette fois, deux autres articles intéressant l'ecclésiologie
l'un de N. BÉRDJAEV : Orthodoxie cl Oecuménicilé p), l'autre du
Prof. G. V. FhoROVskiJ ( 3) : La Maison du Père. — Enfin les décla-
rations faites à la conférence de Lausanne (') par les divers repré-
sentants des églises orthodoxes pourront compléter et préciser les
données relevées plus haut. Citons en particulier l'exposé de l'An-
CHEVÉQUE D'ATHÈNES, CHRYSOSTOME sur La Nature de l'Eglise,
.
celui du Prof. ST. ZANIÇOV, de l'université de Sofia, sur La Confes-
sion de Foi de l'Eglise et enfin celui du Prof. S. BULCAKOV sur Le
Ministère de l'Eglise.

Sacrements. — Les thèses exposées par le P. naguère


NALIMOV,
professeur à l'Académie ecclésiaslique de Leningrad,.et relatives à
La discipline pénileniielle contemporaine (5), sont caractéristiques
de tendances religieuses nouvelles en Russie soviétique. Elles vi-
sent en effet à promouvoir la communion fréquente et reprennent
dans ce but l'exameh de la discipline pénitentielle dans l'Église pri-
mitive et la critique de la pratique actuelle de l'église orthodoxe.
Sans adopter la distinction faite par la théologie catholique entre
péché mortel et péché véniel, distinction qu'il rejette explicitement,
l'âuteUr distingue cépeiidaht le péché qui nous sépare du Christ
et de son Église (peccatum ad mortem), de celui qui ne nous en
sépare pas ;'ou plus exactement, il distingue une conscience qui
se sait dans le péché et s'jr complaît (encore que ce péché J'éloigne
du Christ), d'une conscience qui demeure, en dépit de son péché,
foncièrement attachée au Christ et orientée vers lui.Dans ce dernier
cas, l'usagé du sacrement de pénitence est complètement inu-
tile, car il n'a été institué.que pour donner au chrétien tourmenté
par là conscience de Son attachement au péché un témoignage indu-
bitable et sensible que ce péché lui est remis et n'existe plus Les
querelles antiques relatives à la pénitence (montanisme etc.) ne
portaient pas sur la possibilité pour tel ou tel péché d'être pardonné,
mais sûr le moyen parlequel il pouvait l'être : intervention directe
de Dieu (réyélâtion, faveur du martyre) ou intervention équiva-
lente de l'Église par le sacrement. Ceci, toutefois, uniquement en

(1) S. BVLGAKOY, Le ciel sur la terre dans Die Osikirche, Sonderheft der Vicr-
teljajirssçhrift/Una:-Sancia, Stuttgart, Frommann, J 927, pp. 42-63.
(2) N. RERVJATLV,-Orthodoxieund Ockumcniziiâl. Ibid., pp. 3-16.
(3) G.. V. FLonoVSKiT, Des Yaters llaus. Ibid., p. 16-42. — Cet article avait
déjà paru en russe sous une forme plus complète dans Pu/', n" 7.
(4) Foi et Gonstitiition.. Actes officiels de ta conférence mondiale de Lausanne
3-21 août 1927. Version françaiseipubliée sous la direction de J. Jézéquél. Paris,
Attihger, 1928 ; in-S<>, xyiii-è26;pp.
(5) Tezisy dokladov p sovremennojpokajannof discipline Professora Pctrograds-
Içpj Dulchovnoj Âkademii Protoiereja O, Nalimova, dans Put', n" 18, sept. 1929,
pp. 79-87, '-.:...:'. '"-:'
V //-: V THÉOLOGIE ORTHODOXE :// 327

ce qui concerne les péchés qui ne pouvaient être remis par les seules
dispositions subjectives du pénitent pupàr la prière cte la cpinmuhâur
.té. —L'dbïigatiohfaite aujourd'hui à tout;chrétien de se confesser
avant de recevoir.lé sacrement de l'eucharistie a pour conséquence
prâtique.d'èloignériesfidèles de la Communion dont ils ont Cependant
un si grand besoin, EUe: est d'ailleurspréjUdiçiabïe au sacrement
de pénitence lui-même qui se trouve,: dans bien dès cas, sans objet
et devient une simple direction spirituelle..—: Sans doute, N. s'op-
pose nettement à l'enseignement delà théologie catholique sur des-
points importants^ éii particulier sur lé caractère objectif dé la
distinction entre péché mortel eti)échë vénieLêt sur la raison d'être
du sacrement de pénitence pour une âme qui n'a pas perdu l'état de
grâce ; cependant îl/pfécOnise une pratique qui est celle du catholi-
cisme en invitant à la communion fréquente lés âmes qui ne sont
pas retenues par lés liens du péché. — Lé fait est d'importance.
Il n'est pas étonnant qu'il ait retenu l'attention du/Prof. S. BÛLGA-
EOV P) .qui y consacre d'intéressantes pages dans la revue Put'
que nous avons déjà eu l'occasion de citer plusieurs fois. B. séréjouit
de voir se dessiner un mouvement en faveur d'un Usage plus fréquent.,
de la sainte communipnV cependant if tient à marquer les limites
normales dans lesquelles doit rester cet Usagé (éii dehors des cas
exceptionnels que-la persécution peut faire naître). La préparation
Soigneuse de l'âme à lâVcommunionVtelle ;que la conçoit l'église
orthodoxe, avec assistance aux offices qui précèdent la messe, rend
pratiquement impossible la communion quotidienne ; d'autre part
;.s'il n'est pas absolument nécessaire que chaque communion Soit"
précédée d'une confession, en ce sens qu'une âme bien disposée peut
être autorisée par son confesseur à s'approcher plusieurs fois de suite
du sacrement de l'eucharistie sans avoir à se confesser à nouveau,
toutefois les fidèles hé peuvent être euxVmêhxes juges dé'la gravité
de leurs fautes, etpar conséquent ne peuvent se dispenser de rece-
voir l'absolution sacramentelle avant/de communier au: Corps et
Vau Sang du Christ, Le sacrement de pénitence déhieure en tout cas
/ nécessaire, de soi, pour la. remise des fautes -gravés/, si bonnes que
soient .redevenues,lés dispositions du-pénitent. N.-dans l'une de/Ses
thèses parle d'une interdiction qui serait faite au fidèle dé changer
de confesseur ; B. s'étonne justement dé cette réflexion, une pareille
interdiction n'existant ni dans le catholicisme ni dans l'orthodoxie.
Là ppsitipn de B. est certainement plus proche dé là tradition et de
l'esprit de l'orthodoxie /<jùe celle dé N..; eh pratique,, comme/èh
théorie, ne serait-ee pas/le catholicisme; qui tiendrait ici le juste
: milieu?; ;
~" :
-

Nous nous contenterons de signaler, car nous les avons déjà briè-
vement résumés dans cette revue, les articles de S, TROICEU sur Le

(1) S, BULGÀKOV, È voprosu o disciplinepokajanija i pri$às'£enifo:j, dans £«£',


»°19,noV. 1929, pp. 70-78,/ '-V V '•-:
'"'.'
!
328; THÉOLOGIES CHRÉTIENNESNON-CATHOLIQUES

/Mariage ( 1) Les conceptions qu'ils expriment pourront paraître


:
/curieuses au théologien occidental, elles se rencontrent cependant
assez fréquemment dans la théologie orthodoxe, sous l'influence
de quelques Pères; grecs.

Mariolpgie.-^-L'église,orthodoxe rend à la Mère de Dieu un


culte filial qui se manifeste d'une manière émouvante aussi bien
dans la simplicitéet la spontanéité delà dévotion populaire que dans
la majesté des cérémonies liturgiques. C'est un essai de commentaire
dogmatique des éléments .principaux de ce culte que le P. S. BUL-
GAKOV nous Offre dans un ouvragé intitulé : Le Buisson ardent (2).
En réalité,conçue d'abord comme une critique du dogme catholique
de la conception: immaculée de Marie, cette étude a pris peu à peu
sous la plume de l'auteur la forme d'un exposé positif d'une théorie
.qu'il croit plus exacte et qui, sans tomber dans ce qu'il appelle
l'exagération romaine soustrayant sans réserve la Vierge Mère à
la souillure du péché originel, permet de rendre à Marie un homma-
ge plus éclatant encore que celui quelui rend le catholicisme. Com-
me le note justement B., le problème qui se pose à propos de Marie,
relativement au péché originel, dépend étroilement d'autres problè-
mes théologiquès : la question du péché originel en général, et celle de
l'origine de.l'âme. Mais c'est bien au delà de ces questions que nous
entraîne l'auteur, et c'est toute une conception de Dieu, de l'homme
et du inonde "que son étude implique. Noux devrons nous conten-
ter de signaler ici les traits les plus caractéristiques de sa pensée.
L'état de justice dans lequel fut créé l'homme ne doit pas être
conçu comme la conséquence de dons supernaturels ajoutés comme
du dehors à sa nature et empêchant celle-ci de subir le sort que lui
imposeraient ses propres lois : le décomposition et la mort. Dieu
n'a pas créé la inprtj/affirme rÉcfiture, donc Dieu n'a pas créé
l'homme inortél. Fait à l'image de Dieu, l'homme devait, en usant
de sa liberté, développer cette image en ressemblance, marqué
qu'il était de la Sagesse divine. Adam dans son état d'intégrité
^représentait, non pas juridiquement, à titre de premier dont la con-
duite engagerait le sort de toute sa descendance,mais ontologiquc-
ment, toute la nature humaine..En lui était en quelque sorte ioutela
; plénitude deliiumanitè ; H était tout l'homme, l'homme universel.

D'ailleurs, avec l'homme, Dieu avait créé la femme, et'c'est dans


ce couple que se réalisait l'image parfaite de Dieu, non seulement

(If S. T-ROicraJ,Bmk i Cerkov' (Le mariage]et l'Eglise) danspuiy-,ïi°îljum_


1928,pp. 3L58 ; Brak i grëkh (Le mariage et le péché), I. Brak dogrëlcffa, II. Brak
poslë.grëkha (Le mariage avàpt et après le péçhé)ïbid.,ia:15j fëv, 1929, pp,/3^3?;
.
etnol7, julli:1929,pp. 3-24/,/Cf.. Rev. seph; th., 1929,:pp. Mi i ;B86-S87V et
1930, dans ce fascicule, rec. des i*evues, plus loin. V"
: .-'-".- -''.
-". (2) S. BULGAKOV,'Kupiiïà 'riéOWlimàjà. Paris, YMÇA-Prëss, V§27-i 'ip-lg,»;:;
388 pp. V'V ' ' -:"/''/''" •'-'. ":':'v:-
THÉOLOGIE ORTHODOXE 329
.

de son être divin, mais de sa vie, de ses processions divines. Adam


et Eve étaient par nature en dehors et au dessus de tout sexe, et.
c'est par des voies tout autres que celles que nous connaissons, que
devait s'effectuer à partir du premier couple la propagation de
l'humanité. Le monde participait à cet état d'intégrité, et reprodui-
sait à sa manière l'image divine. -— Le péché détruisit tout Cela.
Avec le péché la mort entra dans le monde.".Le premier couple fût-
soumis aux conditions de la sexualité. L'homme universel s'indi-
vidualisa, et la plénitude d'humanité, créée dans la pensée deDieu,
dut se réaliser en individus multiples et en générations successives:
Le monde entier participa à la déchéance de l'homme en qui l'i-:
mage de Dieu fut défigurée, la volonté affaiblie. L'homme ne put
plus transmettre à sa postérité qu'Une nature appauvrie et toute la
race d'Adam hérifa des suites de son péché.
Cependant il ne s'agit pas seulement d'une tare de'la race; il
s'agit proprement d'un péché qui nous- est personnellement, indivi-
duellement imputé. Comment cela se fait-il? Pour l'expliquer,
B. recourt à une théorie assez curieuse de l'origine des âmes. Celles-
ci, sans préexister à la manière origéniste, c'est à dire sans exister
dans un temps qui précéderait leur incarnation, existent toutefois
en dehors des conditions du temps dans une sorte d'état séparé.
L'acte de volonté par lequel elles se décident à entrer dans/un corps
marqué pas le péché et pour le péché, les rend responsables de la
souillure originelle et faite de celle-ci pour elles une véritable faute. —
Ainsi, la mort est une suite du péché et,,sauf dans le cas du Christ,
ne peut se concevoir dans un être qui n'aurait aucunement été
coupable de péché. La Vierge Marié, puisqu'elle a été soumise à la
mort, n'a donc pas pu échapper complètement au péché. Si elle n'a,
durant sa vie terrestre, commis aucun péché purement personne],
elle n:'a pas, pour autant, échappé à la loi générale du péché originel.
Elle a été toutefois préservée par grâce de certaines suites du péché ;
en particulier,elle a échappé aux conditions de la sexualité,.reprodui-
sant par là l'intégrité primitive dé l'humanité, et elle est apparue
comme une manifestation de la Sagesse Divine. La grâce de la mater-
nité divine surtout a opéré une véritable transformation de son
être en un être nouveau plus élevé en nature que toute autre créa-
ture, y compris les anges. -
Telle est, trop brièvement résumée, la pensée de B. On voit
combien elle s'éloigne des conceptions courantes reçues non seule-
ment dans le catholicisme, mais dans l'orthodoxie. Bien des choses
y demeurent surprenantes et inexpliquées, p. ex. le premier couple
humain,-homme et femme, sans différence de sexe, la rédemption
appliquée à Marie comme aux apôtres le jour de la Pentecôte et
sa sanctification dès sa naissance, cet état nouveau de la Vierge
après l'annonciation, etc. On est étonné d'une aussi audacieuse
construction sur d'aussi fragiles basés théologiques. Si les Pères de
l'Église sont cités, ce n'est ordinairement pas sur les points où leur
pensée est commune, et du sentiment général et traditionnel de
l'Église il est tenu assez peu de compte. Par contre il est fait un
330 /THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

fortlarge usage dés thèmes iconographiqueset des textes liturgiques,


expressions authentiques, npus dit-on, de la vie, cl. donc de la foi
dé l'Église. Il est hors de doute que ces thèmes et surtout ces textes
représentent un lieu théolpgique, mais de quel ordre? Et dans
quelle mesure leur données s ont-elles directement utilisables par
la spéculation théologique? C'est là une question préalable de
première importance qu'il conviendrai! de traiter tou( d'abord.
Nous né pouvons séparer de l'ouvrage précédent l'étude de mê-
me caractère que lé même auteur consacre au culte du Précurseur,
-L'Ami de l'Epoux Ç-), "comme le second panneau du dyptique qui
encadre souvent'..dans l'iconographie byzantine'et russe l'image du
Christ. Sans nous arrêter aux nombreux points sur lesquels, ici
encore, B. fait preuve dé pensée très personnelle, nous nous conten-
terons de signaler le plus important, à notre sens : son interprétation
du baptême du Christi II ne faut pas voir en cet événement, selon B.,
,uniquement la manifestation de la divinité de Jésus, et une leçon
d'humilité de sa part. Il y eut là beaucoup plus, à savoir l'Onction
qui acheva de faire dé Jésus, en sa nature humaine, le véritable
Fils de Dieu, le Christ dans le plein sens du mot. Si, en effet, la
personne du Verbe reçoit au sein de la Trinité la plénitude du Père
à lui manifesté dans et par le S. Esprit, ce mystère s'accomplit en
l'unité indivisible de la nature divine. Par l'incarnation la seconde
"personne de la S*e Trinité et elle seule, assume une nature hu-
maine-dans l'unité dé ses hypostases. Celte nature humaine hy-
ppstatiquèment unie à la personne du Verbe a besoin de recevoir
ultérieurement, pour achever sa filiation divine, communication des
deux autres personnes. Jusque là le Verbe incarné était, dans sa
nature humaine, gratifié (d'ailleurs d'une manière croissante, comme
en témoigne l'évàngilé) des dons du S. Esprit. Au baptême, cette
nature humainereçoitl'Esprit lui-même et avec l'Esprit la personne
du Pire, Onction définitive qui le fait en plénitude Homme-Dieu.
« La théophanie du baptême est une nouvelle et définitive filiation :
l'Esprit-Saint descendant sur le Fils de Dieu baptisé témoigne
devant le Père de son caractère de Fils et parachève cette filiation »
(p. 82-83). Hâtons-nous de dire que B. n'entend pas présenter cette
théorie comme un enseignement de l'église orthodoxe, s'imposant
aux fidèles, mais simplement « comme une opinion théologique per-
sonnelle, ou, pour ainsi dire, comme une hypothèse dogmatique, dans
un domaine d'ailleurs-difficile et peu exploré » (préface). Nous pre-
nons volontiers note de cette déclaration.
Angélolôgie. — Éiifin, c'est encore au P. S. BULGAKOV, dont
l'activité littéraire eh ces dernières années a été considérable, que
nous/devons un ouvrage sur les anges: L'Echelle de Jacob (2).

(1) S. BULGAKÔV, Drùg Teniklià. Paris, 1927 : in-12, 276"ppVV ' "}''.
(2) S, BuLGAKoy,..tesft>z'ca Jakovlja. Paris, 1929 ; in-î.2; 229,-pp,
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE 331

Comme il nous serait difficile de résumer en quelques lignes les


théories que ce sujet donne à l'auteur l'occasion d'exposer, nous nous
proposons de revenir sûr cet ouvrage dàlïS-fiotre prochain bulletin.
Séminaire russe^ Lille, G, DUMONT, O, P,
.

IL — THEOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE.


Il n'existe en France, à notre connaissance, aucun ouvrage per-
mettant de se donner une vue d'ensemble de la pensée théologique
contemporaine dans les pays de langue anglaise. Aussi croyons-nous
devoir signaler, en commençant ce bulletin, celui où le Dr. VOLL-
RATH, . professeur à l'Université d'Érlangen, s'est proposé de faire
connaître cette pensée en Allemagne (1).-'-
V. a pris part aux célèbres entretiens de Cantorbéry, qui mirent en
contact les sciences allemande et anglaisé.Xe livre qu'il présente
est avant tout un livre d'information ; on y trouve classé et très
succinctement analysé un nombre assez considérable de produc-
tions anglaises, concernant d'ailleurs tout le domaine des sciences
religieuses. Après de judicieuses notations psychologiques et quel-
ques pages consacrées aux encyclopédies, revues et conférences,
voici deux chapitres sUr les travaux d'exégèse en Angleterre ; les
auteurs qui ont traité de l'Ancien Testament sont caractérisés jiar
la position qu'ils: prennent à l'égard de Wellhausen et de l'école-
critique; en ce domaine, les chercheurs anglais sont tributaires de
la science allemande ; ils ont, en revanche, l'initiative pour tout ce
qui concerne le Nouveau Testament.
Vient ensuite un exposé de la théologie historique en GrandeBre-
tagne, exposé difficile à établir, car il n'existe en Angleterre aucun
organe périodique de quelque valeur voué à l'histoire des reli-
gions. Ce qui est très net, c'est la grosse influence qu'exercèrent
outre-Manche les penseurs allemands ; si on négligea quelque peu
Schleiermacher, sa pensée néanmoins pénétra par l'intermédiaire de
l'école de Ritschl. /Ritschl lui-même n'attira l'attention qu'une fois
connus ses disciples Hermann, Kaftan, Hariïack, Schultz et "Wéndt.-
Parmi les contemporains, les influences les plus marquantes sem-
blent être celles d'Otto PJleiderer; d'Ernst Troeltsch, et de Rudolf
Otto. '""'
V. discerne dans la théologie systématique anglaise deux direc-
tions : l'Église Anglicane a placé au centre de ses développements
dogmatiquesle fait de l'Incarnation et la Traditipn ; les Églises dis-
sidentes, elles, insistent sur la Rédemption, la réconciliation avec
Dieu et l'expérience religieuse, tout ce que caractérise « the atene-
ment ».

(1) W. VOLLKATH. Théologie der Gegenwàrt in Grossbritannien. Giitersioh,


Bertelsmann, 1928 ; in-8, xvi-334 pp.
332 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

Il y aurait eu lieu d'observer- en outre que des courants "nou-


veaux se dessinent lentement, qui ne coïncident plus avec les dé-
nominations ecclésiastiques : en l'ace des tendances que l'on peut
grouper spus le nom de modernisme, s'unissent les esprits qui en-
tendent maintenir ou restaurer le christianisme traditionnel. 11 est
vrai que ce reclassement est surtout remarquable en Amérique, et
que V. n'a point envisagé les théologiens de ce pays. C'est par eux
que nous allons commencer:
Le livre où M. AMES, professeur de philosophie à l'Université de
Chicago, traite de la religion '(*), pourrait plus convenablement
peut-être figurer dans un bulletin de philosophie de la religion,
yoifé de soeiplogie. Néanmoins, avec M. H. W. Schneider, qui fait
de cet ouvragé une longue recension dans le Journal of Philqsopliy,
nous pouvons y reconnaître « un exposé systématique des idéals
du protestantisme libéral, lorsqu'on les porte à leurs conclusions
logiques, sans compromis » (2). A ce tilre, il nous fournit un exemple
instructif (rien/ne renseigne mieux sur un mouvement que son
terme) des formes dans lesquelles la théologie non catholique tend
à se-résorber, à mesure qu'elle se dissocie progressivement de la
Révélation apportée par le Christ.
Les chapitres centraux de l'ouvrage (via à xn) parlent de Dieu.
Mais qu'est-ce que Dieu, pour A.? Cet «le processus vital lui-
même, idéalisévet personnifié » ; c'est « l'Esprit d'un peuple», évo-
luant en même temps que les formes sociales, et « dans la mesure
où ïLy a un monde de l'humanité, Dieu est l'Esprit du monde»
(p. 132). Dés lors, plus de difficulté concernant son existence : Dieu
!
est donné dans l'expérience vivante, et sa réalité est de même
ordre et de même degré que la vie d'une cité, d'une nation, de
l'humanité (p. 133).
Panthéisme? Point tout-à-fait. Ce que A. identifie avec Dieu,
ce n'est pas tout ce qui est, mais i, l'être idéal qui cherche la réalisa-
tion du.bien» (p. 146), «la réalité du monde en certains de ses
aspects et fonctions » (p. ITIJ), «la réalité idéalisée » (ibid.), tout
ce qui, dans le monde, est Ordre, Intelligence, Amour. Et de même,
dans la mesure où il y/a dans 3e monde (incluant l'homme) de la
personnalité, Dieu peut être dit personnel.
Il est clair que d'une telle conception de Dieu ne peut procéder
qu'une religion purement human.ilaire, une religion du progrès
social. Pour mieux dire, Dieu est un produit de la religion, et celle-
ci est:la réalité fondamentale qu'A, éiudie en premier lieu. Or la
religion est identique à l'expérience sociale elle-même, à son plus
haut degré d'universalité et d'idéalisation, et surtout clans sa tendan-
ce àù mieux être. Car A. est avant tout un empiriste et un pragma-
tiste : il se place lui-même dans la ligne de Stuart Mill, auquel il

(1) È: S. AMESV RcligionMavi-York, Holt, 1929 ;te8,ynï^32£p|i,:


(2) Tfic JournalofPhilo$0phu,24pet;. 1020,-p.dBO7,
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE 333

rend hommage comme au premier philosophe qui « commença à


cprisidérer la religion comme un processus social naissant des émo-
tions et des désirs humains dirigés vers des fins idéales » (p. 2G), et
son attitude s'apparente aussi à celle de W. James et, de Dewey ;
mais au premier il reproche de s'être égaré dans la voie des recher-
ches métapsychiqùes.
Pour lui, A., c'est le «social» qui rend compte de tout.
Néanmoins ce n'est pas tant la religion considérée comme fait so-
cial qui l'intéresse premièrement ; il se contente d'en décrire les
origines en termes empruntés sommairement et sans critique
aux conclusions de l'école sociologique Durklieknienne. Son sou-
ci est bien davantage de mettre eii lumière lés « valeurs » reli-
gieuses, toujours conditionnées par « la vie économique et cul-
turelle», et dont les plus caractéristiques,dansles sociétés modernes,
lui paraissent être «l'acquisition du savoir; le développement de la
personnalité, et la jouissance de l'expérience la plus riche qui soit
possible » (p. 33), D'où la comparaison, qui s'étend sur plusieurs
chapitres (iv à vu), de la religion avec la philosophie, la science, la
morale et l'art : elle se distingue surtout de ces disciplines particu-
lières par son enveloppement universel(inclusiveness) de la vie
humaine et par ce qu'A, appelle son « caractère cesmique », qui demie
a l'hemme le sentiment de communier avec un infini.
La même préoccupatipn pratique commande encore la troisième
partie de l'ouvrage, où A. passe en revue les attitudes et les
activités religieuses de-l'homme, avec lés institutiPiis qui en Sent
à la fpis le support et l'effet. Le'"mysticisme, PU ce qu'il nom-
me ainsi, lui semble naturellement une aberration, due le plus sou-
vent à une éducationirratipiinelle, à moins toutefois que l'on entende
par «mystique » la qualité affective de toute expérience, même
commune: il faut reconnaître alors que cette qualité s'attache à
l'expérience religieuse plus intenséînent qu'à toute autre. Cest le
«Mnilder îriysticism » (p. 203).
A. maintient la nécessité et la bienfaisance de la prière, car
étant une conversation, c'est-à-dire quelque chose d'éminem-
: ment sPcial, elle esWuhe expression naturelle de l'esprit humain;
Elle n'est pas détruite par une vue athée du 'monde» (pV217).
En réalité elle s'adresse à l'âme commune du groupe, à « une divinité
qu'on sent présenté dans les coeurs de ses fidèles » (p. 215).
• Quant aux églises,(il ne faut pas dire l'Église, sinon au sens où l'on
dit :1a maison, ou l'école, pour désigner des entités très variables),
ce sont « des associations volontaires d'individus pour la culture des .
plus hautes formes de Vie qu'ils peuvent concevoir» (pp. 276-282) ;
l'union'entre elles ne peut se faire que sur le terrain pratique, car
.«on: se rend compte de plus en plus que le Christianisme n'est pas'
premièrement une doctrine ou une théorie, mais un système d'.attitu-'
des et d'aspirations » (p. 281). L'avenir semble être aux- unions
locales, sans doctrine bien définie et sans exclusivisme, multiples
selon les circonstances et selon les besoins divers dé leur membres,
et coopérant en bonne entente.
334 " THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLÎQ ÛÉS

Nous ne npus attarderons évidemment pas à discuter de telles


positions. Notons seulement qu'à s'en tenir au seul point de vue
empirique, il y a dans les conceptions d'A. une énorme lacune : le
problème du mal et celui de la souffrance sont complètementesquivés.
Sans doute il a un court chapitre qui traite « du bien et du mal »,
mais c'est pour leur reconnaîtreà l'un et à l'autre une valeur relative ;
et s'il fait allusion aux « maux réels et poignants qui jettent une
ombre sur le monde humain», il ne s'y arrête point, préfère se
tourner vers « la joie de vivre » (p. 255), et se complaît à décrire le
sentiment religieux comme « le sentiment d'un monde fraternel.»
(cf. p. ex. p.158, 168). Sa religion est une religion ppur gens heureux:
Aussi bien y a-t-il quelque naïveté â penser que « la terreur de
la mort a disparu en grande partie lorsqu'on s'est .rendu compte
que la nature adoucit souvent l'acte final du drame humain »,
(p. 221) eu encore que l'homme fait désormais bon marché de l'im-
mortalité personnelle, en faveur d'une survie idéale dans « ses en- _
fants, ses oeuvres, les idées qu'il développe et l'influence qu'il ex-
erce » (p. 228 cf. pp. sv.).
Signalons pour terminer le chapitre consacré à «l'éducation re-
ligieuse » : sans doute A. a-t-il raison de soutenir que l'enseigne-
ment religieux .doit être maintenu en contact étroit avec la vie,
mais pour obtenir ce résultat il supprime tout ce que nous appe-
lons «religion»: « la vie religieuse n'a pas de contenu particulier
qui lui soit 'propre» (p. 302); le programme qu'il propose, et
qu'il déclare avoir expérimenté, de morale « laïque » et de prépa-
ration purement pratique à la vie sociale, est d'une lecture sin-
gulièrement attristante pour quiconque a gardé quelque teinte: de
christianisme.

Par quelle courbe le protestantisme a-t-il abouti à cet athéisme


pragmatiste, M. G.-B. SMITH, autre tenant de la « Chicago position»,
nous le révèle dans son étude sur l'état actuel de la pensée chrétienne
en Amérique^). /
Il situe d'abord les camps : après avoir sommairement décrit
le catholicisme romain comme une «religion d'autorité» (ch, I),
il examine « le sens de la révolte protestante » (ch. Il) ; puis,
en face de l'orthodoxie tant protestante que catholique, il dressé
le modernisme (ch. III), défini comme « une tentative pouf
interpréter les croyances religieuses de manière à faire entrer
les idées modernes au service de la religion » (p. 44). Le cathP-

(1) G. B. SMITH. Current Clirislian TMnking. Chicago,The University of Chi-


cago Press, 1928 ;in-12,ix-209 pp. Ce livrefàitpartie d'une collection(T/îe Uni-
versity of Chicago Publications in Religious Education. Handbooks of Ethics and
Religion) qui est destinée au grand public (ce qui est caractéristique des tendan-
ces et des ambitions de l'Univ. de Chicago), et qui espère « aider à montrer que
la méthode expérimentale et critique contribue à renforcer la foi religieuse et
l'idéalisme moral. »
"THÉOLO.GIËS DE LANGUE ANGLAISE ./. " 3 35

licisme a pu éliminer le modernisme en raison de sa discipline


ecclésiastique (ch. IV) ; dans le protestantisme, lès « fondamenta-
listes » (ch.V) voudraient agir de même, mâiSj là seule autorité qu'ils
puissent invoquer étant celle de la Bible, ils se trouvent en fait
démunis en face des nouvelles tendances.
Celles-ci sont caractérisées principalement par « l'appel à l'ex-
périence chrétienne » (ch. VI) et par « l'appel au Christ (ch. VII) ;
en quoi se font sentir les influences respectives de Schleiermacher et
de l'école Ritschlienlié, influences qui n'ont pénétré l'une et l'autre
en Amérique que vers la fin du 19° siècle. L'appel à l'expérience a
entraîné « une réduction considérable du contenu de la théologie.
L'attention se porte sur les questions pratiques,^ et les discussions
métaphysiques d'autrefois sont de plus en plus abandonnées à la
simple" considération historique, ou complètement laissées de côté»
(p. 93). Mais S, insiste surtout sur l'influence Ritschlienne, dont
il célèbre « les conséquences émancipatrices » (notamment à. l'é-
gard de la Bible); il estime cependant que cette théologie
« christocentrique », qui est aujourd'hui la fprme la plus répandue
du libéralisme, sera bientôt dépassée et qu'on se préoccupera plu-
tôt «de penser d'une façon créatrice entérines de vie moderne,
que de rendre la pensée conforme à. un modèle faisant autorité »
(p. .125). :: .'.'
«L'interprétation théologique du monde naturel» (ch.VIII) qui s'im-
pose déplus en plus est celle de l'immanence ; elle apparait comme
« une nouvelle Réforme,comparable en signification au mouvement
protestant » (p 132). Aujourd'hui, c'est la conception même de Dieu,
après celles de la Bible et du Christ, qui doit être modifiée (ch.IX :
The modem quest for God): Ici la pensée de S. se fait sinueuse et
nesemblé pas vouloir se fixer : le théisme, affirme-t-il, n'est pas
« essentiel à la religion » ; maispar quoile remplacer ?« l'antithéisme»,
s'il a des avantages intellectuels, notamment en ce qu'il « échappe
à la métaphysique de la théologie apologétique » (p. 159); présente
aussi des dangers, celui peut-être de «conduire à l'indifférence
morale » (p. 161), La solution « humaniste » proposée par Ames est
séduisante, mais elle laissé en dehors de ses prisés lé monde extra
humain. S. propose de concevoir plutôt la religion comme «une
relation avec le grand mystère cosmique». «La croyance en Dieu
signifie qu'on peut trouver, non seulement dans le cercle de la
société humaine, mais aussi dans le milieu non-humain dont nous
sommes dépendants, une qualité du processus cosmique apparentée
à la qualité de notre propre vie spirituelle. Par une communion à
cet aspect qualitatif du iiroçessùs cosmique, la vie humaine atteint
à une expérience de dignité et à uii renforcement de puissance spiri-
tuelle. La qualité de ce renforcement ne peut s'exprimer adéqua-
tement que par la conception d'une Divine Présence dans l'or-
dre cosmique »(p. 168).
Deux derniers chapitres traitant de « la controverse sur révolu-
tions/et de « l'esprit du christianisme évangëlique » sont dans la
même ligne de pensée.
336 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

S. a reconnu lui-même plus haut que l'évolution dont nous tenons


ici le point d'aboutissement apparaît au catholique romain 'comme
« une
inévitable désintégration philosophique» à partir de la pre-
mière négation, par Luther, de l'autorité de J'Église (p. J48).
Ajoutons que ce modernisme s'avère spécifiquement protestant
en ce que précisément il s'insurge moins contre l'autorité de l'Égli-
se (déjà détruite), que contre l'autorité de la Bible conçue à la
manière protestante, dans son indépendance absolue et son infail-
libilité normative de tout le savoir humain, même en matière
profane (1).
C'est aussi contre la « bibbolâtric » que proteste Je Dr. EAKIN dans
un volume où pourtant il se propose, — mais il faut l'entendre,—
de « rendre une valeur » aux Écritures (2). La valeur qu'il leur
reconnaît n'a plus rien d'unique et de surnaturel ; elles ne sont
plus à ses yeux qu'un monument privilégié de l'expérience religieuse
du passé. La doctrine d'un livre divinement inspiré, d'origine supra-
humaine, d'infaillibilité absolue, canal parfait de la Révélation
divine, ou dépositaire en plénitude de l'Esprit divin, doit être aban-
donnée : elle « n'a jamais été tenable » (p. 55), (ou alors .il faut
admettre un interprète infaillible), elle « aide à nourrir et à perpétuer
.l'esprit d'intolérance» (p. 56), elle apporte «une sérieuse entrave
à une éducation religieuse et morale effective» (ibid.) ; elle « barre
la route à l'expérience religieuse de première main et par suite à la
croissance spiriluelle et morale» (p. 57) ; enfin elle est «fondamen-
talement fausse» (ibid.).
Aussi bien, mieux vaut laisser les Écritures «parler avec leur
propre voix ». « C'est un douteux honneur qu'on leur accordait
lorsqu'on prétendait en iaire les censeurs de ]a pensée humaine en
général » (p. 96). «Elles doivent êire lues et comprises à la lumière
des meilleures connaissances scientifiques et des intuitions spirituel-
les les plus profondes de chaque époque » (p. 86). C'est à ce prix

(1) Qu'une telle conception de rmérraiice bibliquesoitiénçbré défendue/par:]r


certaines écolésprôtestahtesyil.s^
à Un article de ï>. E: KRETZMANN, dans The Princeton-Theologicaï Rèbîéw, ayriï-X
1929, pp.L227-244 ; UMùâernyiews aboht îhspirationjXanàfffie ir-iith b'f ScrtjÙu-;:{_
res ». (cf. recensiondans la présente Revue, oçt.l929,;p.- 825);ileleyonsnotam-/
; ment, p/243,ces affirmations : « La Bible'ii'estjJas-un manuel d'histoire, et:ce-/:
pendant/tout énoncé,concernant tant le peuple deT.Dieu qiïe: les autres nations ./
/du moiïdè est vrai.La'Biblen'estpas un manuel d'histoire naturelle;etcépèh-Zi
dànt touténonçé, même toute remarque Inciùenté, dans le domaine de la géolo-; :

gie, delà cosmologie/de râstron'omie et delà biologie^ est vràï.>,éfc:i. Ï^Voirï


également plus loin la recension des oeuvres.de Warfleld^En revaîïche,Smitli :;.
présente comme une découverte de là critiqué libëraie îevcâràcterë: progressif /
de la Révélation daiïsl'A. T,(pï 97). ."
.;.* /• -;-..;iV 'i. .*?'.?-
(2) F. EAKIN, Ph. D. Revaluing-Scriplure.'.New-.'ï^pr)i, The Mâçmillan Çoiil-1:
.
pany, 1928 5 ln-12,:^249 pp./ :
^,
'"''] '%/. ;';/: /';/.: / ,\f~
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE 33?
.

seulement, qu'elle pourront continuer à exercer une influence sur


la religion de demain. Il faut reconnaître d'ailleurs (et ce sont
les derniers mots du livre) que « les Bibles ne sont pas les seules
ressources de la religion... Dieu parle à l'homme par beaucoup
de voix. Les stimulants possibles de l'attitude religieuse à l'égard
de la vie Sont aussi nombreux que les expériences delà vie. C'est à
nous d'entrer pleinement dans ce riche héritage » (p. 241).
La méthode suivie par E. est la méthode comparative, et toute
une partie de son ouvrage est consacrée à l'étude des livres sacrés
des religions non chrétiennes : Brahmanisme,ZofoastrismejBouddhis-
ine, Confucianisme, Islam. Étude très sommaire (on ne saurait de-
mander àE. d'être un spécialiste en toutes ces branches de la science
des religions...) destinée évidemment à mieux retenir sur le plan
purement humain la « Bible judéo-chrétienne», en la présentant
«dans ses relations à des phénomènes similaires » "(Prêt, p. 7). Au
reste.E. se déclare un adhérent de cette Bible (p. 5) auquel il recon-
naît un certain nombre de supériorités. Mais Jésus n'est polir lui
que «la figure la plus expressive de l'histoire religieuse», et s'il le
préfère à Mahomet, qui fut un « prophète guerrier », c'est seulement
parce que Jésus « refusa de tirer l'épée et pria pour, le pardon de ses
ennemis » (p. 206).

Nous trouvons une forme de modernisme moins radicale peut-être


que celle qui s'exprime dans les ouvrages précédents, mais fondée
sur le même principe prâgmàtiste, dansle livre que M. le professeur
BROWN à intitulé : «.Croj'alices qui importent » (1). B. constate que
les chrétiens sont divisés de croyances. Or, selon lui, « il est un
critère qui,dûment appliqué, simplifierait grandement la question.
C'est celui de la pratique ».I1 permettra de « séparer la foi vivante
du vêtement changeant de la théorie et du dogme, dont les spécia-
listes, d'époque en époque, l'ont habillée » (p. vin) et par là-même
de trouver peut-être un terrain d'entente et, d'union.
Nous nous contenterons de donner quelques exemples de la
façon dont B. entend cette simplification de la foi chrétienne.
Son livre a dix chapitres. Dans le premier, il se propose de mon-
trer que la religion ne peut se passer de croire. Puis il se demande
successivement ce qu'il faut croire sur soi-même, sur le monde
où nous vivons, sur Jésus, sur la Croix, sur Dieu, sur l'Église, sur
la Bible, sur les sacrements, sur l'immortalité. Une assez abon-
dante bibliographie et un index complètent le volume.
B. exprime la règle générale de sa méthode à l'occasion du premier

(1) "W. A. BROWN, Ph. D., D. D. Reliefs that tnailcr. [A theology for laymen.
New York, Scribner, 1928, in-l;2, xiv-333 pp.-^ L'aUteUr, professeur de théologie
systématique à l'Union TheologicalSeminary(New York), « occupe, du consente-
ment général, la première place, depuis la mort de "W. N. Clark, parmi les théo-
logiens américains ». (D'après The Journaloj Religion, jan. 1929, p. 145, réeen»
sion de J. W. Buckham.)
" RÉVCEDESSCIEKCÉS.—T. XIX.5FASC.I.
— 22.
$38 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUËS

problème grave qui se présente, celui dé la liberté et du détermi-


nisme: «la chose importante n'est pas de savoir quelle théorie
de la liberté nous adoptons, mais quelles conséquences pratiques
nous en tirons » (p. 40). L'expérience nous met en présence de choix
à faire : tâchons de nous rendre aptes à choisir le plus librement et
le plus efficacement possible. :

De. même les doctrines religieuses sont « des symboles intellec-


tuels qui résument en une forme concise et technique dès siècles
d'expérience intellectuelle... Elles sont vraies, non parce qu'elles
nous offrent des définitions qui doivent être acceptées: sans chan-
gement comme signifiant la même chose pour tous les hommes,
mais comme nous orientant vers une réalité qui transcende toute
définition, et que chaque génération doit ' expérimenter pour elle-
même » (pp. 103-104). Ce sont des « poteaux indicateurs » (p. 134).
Dès lors c'est la réalité expérimentée qui importe, et nul-
lement son'expression intellectuelle. Ainsi, quelle que soit la
forme théologiqùe revêtue par la doctrine de l'Incarnationj son
intérêt est «d'appeler notre attention sur le fait que Dieu èt:
l'homme sont en telle relation que Dieu peut se révéler à l'homme
par l'homme » (p. 103). « La doctrine de la divinité du Christ nous
affirme qu'à travers cet homme particulier Dieu nous montre à
quoi il ressemble et ce qu'il fait» (ibid., cf. p. 113). S'agit-il de la
Trinité? B. conte une anecdote : un « catholique romain » essayait
d'expliquer ce dogme à un mahométan en termes de substance
et de personne,— sans succès. Lui, B., suggéra qu'il n'y avait point
là « un mystère caché concernant la nature de Dieu en lui-même,
mais le résumé de certainsfaits dont nous avons révidence immédiate
dans l'expérience»: l'Etre Suprême se révélant à nous en-Jésus
et agissant en nous par son Esprit. Nous nous séparâmes, ajoute-
t-il, « en reconnaissant mutuellement que, si grandes que fussent
nos différences, il y avait un terrain:commun d'expérience religieuse
sur lequel nous pouvions nous rencontrer » (p. 171).
Même attitude bien entendu en ce qui concerné: l'Église, qui
doit se montrer «inclusive», «comprehensive », de façon que «cha-
cun des tj'pes de chrétiens existants puisse s'y trouver chez
soi» (p. 200);— laBible: «l'important n'est pas de savoir com-
ment nous interprétons la Bible en détail, mais de savoir si notre
interprétation rend Dieu plus vivement présent à notre conscience
et plus complètement maître de notre conduite » (p. 233) ; — les
sacrements : c'est justement parce qu'ils sont: susceptibles de si-
gnifications multiples et variées qu'ils retiennent leur vitalité pé-
rerinelle ; comme la Bible, le sacrement « touche chacun à l'en-
droit de son plus grand besoin et lui parle le langage qu'il-ëst le
mieux préparé à entendre» (p. 275).
Mais pourquoi multiplier les exemples? Nous connaissons dès
longtemps cet anti-intellectualismepour qui la foi est une expérience
principalement affective, et nous savons aussi que c'est le plus sûr.
dissolvant de la croyance, au sens vrai du mot. Que cette attitude
puisse s'allier, comporté même de soi; si l'on veut, une certaine
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE 339

chaleur et tendresse de piété, le livre, de B. en fournit un nouveau


témoignage : le nom de Jésus, qui apparaissait peu chez Ames et chez
Smith, est ici à toutes les pages; mais Jésus n'est que le grand
«leader» de l'humanité--et « celui qui nous aide à réaliser notre
meilleur moi» (p. 110).-Le danger de cette religion du coeur est
justement dans l'émotion, dont elle s'enveloppe. B. sait encore la
rendre attirante par un style concret, des notations personnelles,
des comparaisons prises des événements contemporains, en un mot
un souci constant de maintenir sa pensée en contact avec la réalité
vivante. Quand nous aurons dit que, poète lui-même, il se plait à
citer lès poètes, nous aurons achevé de donner Une idée du contenu
et du ton de cette « théologie pour laïques ».
En face de ces ouvrages modernistes, nous n'avons à présenter
aucun livre nouveau qui reflète le courant dit «fondamentaliste».
Voici, pour en tenir lieu, une réédition d'un certain nombre des
travaux de WARFIELD. Exégète et théologien, professeur de « théo-
logie didactique et polémique » à Princeton Semiiiary (Église pres-
bytérienne), durant trente-trois ans, W. était l'une des autorités
calvinistes les plus en vue dans les pays de langue anglaise. Outre
une quinzaine de volumes, il publia de très nombreux articles dans
des Encyclopédies ou périodiques divers, principalement dans The
Princeton Théologital Revïew, dont il était l'un des fondateurs.
Après sa mort, survenue en 1921, un comité s'est formé pour réunir
ces contributions diverses, qui ne rempliront pas moins de dix
volumes/dont trois ont. déjà paru (x).
Le premier contient deux articles sur l'idée de Révélation, et une
dizaine d'autres sur l'Inspiration Scripturaire. — Le deuxième réu-
nit des essais de théologie biblique, notamment sur la prédestina-
tion, la Trinité, la Personne du Christ, sa Mission, son Sacrifice,
la Foi, la terminologie de l'amour dans le N. T. .— Dans le troisiè-
me, intitulé : « Christologie et Critique» («Les deux natures et la
spéculation christologique récente, le Christianisme sans le Christ,
l'Essence du Christianisme et la Croix du Christ»), le dessein de
l'auteur se révèle plutôt apologétique, toujours sur le terrain scrip-
turaire, .-—Quelques-uns de ces articles ont été recensés dans lapré-
sente Revue (2).
W. est très représentatif de la vieille « orthodoxie » protestante,
fondée exclusivement sur la Bible, et liée par suite à une concep-
tion assez étroite de son inspiration verbale et de son inerrance. Or
cette unique et transcendante autorité de l'Écriture est, nous l'a-

:
(1) Benjamin Breclaiiridge„WAftFieLt>. I. Révélation and Inspiration.—11.
ËiblicalDoctrines.—III. Christologg and Criticism. New-York,Oxford Univer-
sity Press, (HumphreyMil£ord),1927-1929; 3 vol.in-8,xiv-456,vi-665, vi-459 pp.
(2) Ct.Rev. se. ph.ih., 1911, p. 425,673 ; 1913,~p. 623, Voir aussi 1912, p. 193 j
1920, p. 318, 510, 715.
.
â4Q THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES
-

vons remarqué, l'un des points contre lesquels s'exerce le plus


vivement la critique libérale; nous ne nous étonnerons donc
point que The Journal of Theological Studies désigne à ses lecteurs
le premier volume de cette collection comme un cas typique de « la
pathologie mentale du fondamentalisme» (*).
Pour nous, soulignons plutôt l'intérêt historique de cette pu-
blication, qui est de constituer comme un corpus autorisé des
principales thèses du Calvinisme moderne. Au surplus nous n'avons
pas à nous réjouir, croyons-nous, de voir démolir par une partie de
ses occupants le vieux bastion où nos frères séparés, plutôt qu'ils
ne menacent désormais l'Église Mère, abritent encore leur foi en
la divinité du Christ. Des préjugés disparaissent; mais avec eux
s'en vont bien des parcelles de vérité qui n'avaient point cessé d'y,'

adhérer et, tant que la critique indépendante se montrera impuis-


sante à reconstruire, c'est un malheur pour tout le monde : quoniam
diminuiae sunt veritaies afiliis hominum...
Revenons maintenant en Angleterre. Nous y trouvons encore le
modernisme, au sein même de l'Église établie. M. BETHUNE-BAKERi
professeur à Cambridge et l'un des chefs les plus en vue de ce mouve-
ment, a réuni en un petit volume (2) neuf conférences pu sermons,
prononcés de 1920 à 1927, dont l'ensemble, espère-t-il,'« pourra
offrir pour notre génération une voie d'approche vers cette synthèse
de vieilles idées et de savoir npuveàu qui a été, dans tous les âges,
le but du « modernisme » (Note liminaire).
Voici les titres de ces essais: La voie du modernisme, L'usage
actuel de l'Écriture Sainte, Faits ou valeurs, 'L'Évolution et la
Théologie chrétienne, l'Évolution et l'Incarnation, Jésus en tant
qu'humain et divin, Pourquoi nous croyons en Jésus-Christ, la
doctrine chrétienne de l'homme, Nos formulaires traditionnels.
Nous y retrouvons la conception pragmatiste de la vérité, l'appel
à «l'expérience totale des chrétiens » à rencontre de l'histoire et de
l'Écriture, la description du monde et de Dieu en termes de panthé-
isme et d'immanence. Mais une idée surtout revient sans cesse : celle
d'évolution, ou plutôt d'un évolutionnisme qui n'est d'ailleurs jamais
clairement défini, (à moins qu'on ne se contente des mots d'« épi-
génèse » et de «synthèse créatrice»), mais que l'auteur, avec un
enthousiasme qui ferait sourire si ce n'était profondément choquant
pour des chrétiens, met constamment en parallèle avec l'Évangile :
c'est une nouvelle Révélation (cf. pp. 50 et sv.), « l'Évangile;de l'iâge
nouveau » (p. 90), mie « révélation de vérité qui marque une nou-
velle ère dans l'histoire du progrès humain, aussi sûrement que le

(1) Recension, par C. Ahderson SCOTT, J. of Th. St.1928, p. 4â0.


(2) J. F. BETHÙNE-BAKËE, D. D., F. B. A., Lady Margaret'sProfesser 6f
Divinity, Cambridge. The wag of modernism and other essays. Cambridge/
University Press, 1927; in-12,150pp. '
THÉOLOGIES DE LAKGUE ANGLAISE 341

fit l'apparition de Jésus» (p. 121). C'est à la lumière de ce dogme


nouveau que sera jugée la tradition chrétienne tout entière : tout
ce qui ne sera pas d'accord avec la conception évolutionniste dite
scientifique sera rejeté comme « survivances pré-chrétiennes »,
présuppositions philosophiques, «excroissances,parasites » (p. 60),
« contes de fées » (p. 28 et passim). Ainsi le requiert une attitude
vraiment religieuse.
Cette méthode conduit B. à ne retenir de tout le N.-'T. que
le Prologue de S. Jean : il interprète en effet le Logos, -— sans
demander l'avis des exégètes, — comme le principe d'organi-
sation à l'oeuvre dans le inonde, et qui, en ce sens, est sa lumière
et lui donne la vie. L'homme vit dans les ténèbres tant qu'il ne prend
pas conscience du dessein qui se développe et dont il'est-lui-même,
en sa réalisation idéale, le« secret » et le but. Mais il a aussi le pouvoir
de collaborer à ce dessein et c'est ainsi qu'il peut devenir « fils de
lumière » et « enfant de Dieu ».En Jésus cet idéal humain s'est « in-
carné » en plénitude et il est apparu, « plein de grâce et de vérité,
dans toute sa puissance d'attraction et son pouvoir de révéler aux
hommes leur vrai moi... » (p. 59).
Assurément cette « traduction », que nous n'avons pas reproduite
en tous ses détails, est bien déplaisante elle aussi. Le procédé est
voulu: pour B., en effet, les doctrines ne sont que des «hiérogly-
phes », des symboles, qu'il ne faut pas changer sans nécessité.
« Nous les étirons, pour y inclure les nouvelles idées ou le nouveau
savoir qu'apporte une expérience plus longue ou plus étendue.
Nous infusons, pour ainsi dire, un contenu et un sens nouveau
dans le vieux terme. C'est une manière très convenable de mainte-
nir la continuité...» (p. 75-76). Nous pensons que c'est aussi une
équivoque perpétuelle. Mais, sachant cela/nous ne nous étonne-
rons pas d'entendre maintenir, après les déclarations les plus
subversives du Credo traditionnel, que Jésus est « le Fils Incarné
de Dieu, vrai Homme dé vrai Homme et vrai Dieu de vrai Dieu»
(p.120). Il suffit de savoir interpréter ces formules. Ainsi, par exem-
ple, de la divinité de Jésus : « Dieu représenté pour moi les plus hau-
tes valeurs de la vie, et parce que je crois que ces Valeurs furent
actualisées dans la personne et la vie de Jésus, je peux lui don-
-

ner le titre de « Dieu» (p. 110).


Aussi, parlant au plus fort de la querelle dû Prayer Book, B. se
montre opposé à toute modification des textes reçus. A quoi bon?
Mieux vaut garder les vieux « termes techniques » où chacun est
libre de verser « le sens qui correspond au savoir et à l'expérien-
ce d'aujourd'hui », garder aussi «l'imagerie» traditionnelle : « Nous
garderons celles de nos légendes et dé nos images qui sont aptes
à suggérer le vrai, pour stimuler l'imagination dé nos enfants et
rafraîchir la nôtre. Nous les garderons... pour ceux qui sont encore
au niveau de pensée et de croyance auquel elles correspondent»
(pp. 146-J47).
Il y aura donc une foi pour le peuple et une foi pour les gens éclairé^
342 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES .:.
Néanmoins,B. pense qu'il faut propager hardiment les coiinaissahces
nouvelles auprès de ceux qui sont capables de les: Recevoir ; il trouve
que le clergé a été trop circonspect en cette matière, trop peu consé-
quent aussi, et exhorté les pasteurs à cesser d'enseigner en chaire ce
qu'ils nient dans leurs conversations ou leurs ôuvragesr(p|).2Q;21).;
/
Aureste il .estime,et\il s'en félicite, que dàils l'Église d^Angleterré"- .

la tradition de liberté est trop, forte et les positipùs doctrinales trop /


incertaines pour qu'on puisse songer à prendre dès mesurés contre
le modernisme (pp. 16-17). Il va même jusqu'à affirmer que seul le
modernisme est capable de sauvegarder le caractère distijictif et
unique de l'Église angliçanejqui est de «retenir tous les.traits çàrac^
téristique du christiaiiisme historique, tout en adaptant en diverses
manières sa constitution et son enseignement aux-nouvelles condi-
tions et idées du temps » (p. 140), et il s'écrie :,« Sorte qui voudra
de l'Église d'Angleterre, lés modernistes ne le/dolyént: pas ; car_
elle est leur « home » naturel...» (p.141). Il est probable que de telles:
déclarations feraient bondir nombre d'anglicans, mais le désordre
-
semble profond, et l'on peut douter que des remèdes d'ordre ad-
ministratif,, même énergiques, puissent, suffire àii'enrày.erK1) ^ >
Il semblé que ce qui manque le plus à la"pensée, théologique
anglicane, c'est une base philosophique solide et communément
acceptée, au moins-dans ses grandes lignes.
L'aveu de cebesoin est fréquentdela part d'anteùrs appartenant
.

à des écoles diverses et se plaçant à des points? dé vuedifférents:,"


et c'est pour y répondre quele Dr. TENNANT, professeûr-à Cambridge,
a écrit. $a.,,Théolàgie[philosophique (2). Ce titré désigne lin ^traité de
,

philosophie qui doit s'achever en théodicée ; destiné principalèinènt,


aux étudiants,en théologie,il vise à leur fournir lès notions qu'il leur
est nécessaire déposséder en psychologie et en thëbrle de la con-
naissante, concernant aussi les faits et les thébïîes, les méthodes et:
les limites des sciences naturelles, enfin les principaux systèmes de
métaphysique. .:/
: "

Telle est en gros la matière du premier tome, qui seul a paru,


et s'intitule : « L'âme et ses facultés ». L'ouvrage achève en "coih-

(1) Cf. Theologg. Août 1929, p. 61. Editorial : La soînbré'nuitidel'Ëglisé^


Le Dr SELWYN protesté: avec véhémence contre des sermons modernistes pro-
noncés à -Westminster par le Dr Bàrnes, évêquè de Birmingham et le'D 1 Charles/
archidiacre de Westminster. Et il préconise, à défaut du « âésétablissémént;»
bu de l'obtention d'un statut autonome, une scission à l'intérieur même de
l'Église, qui grouperait, â rencontre des modernistes, le:s:écples « Centrale et
»
«
Évangélique » avec les « Anglo-Catboliques », sur le terrain de « la foi enseignée :.
dans l'Écriture et les Credos. » '""'",-",' '.
(2) F. R. TENNANT, D. D,,B, Sc.,Fellow of TrinityCollegearid-Lfecturerlnthe-
UniversityoïCambridge.Pliilosophical Theologg. Vol, l:_ The soûl and iisfacul-i
tics. Cambridge, tJniyersity Press, 1928 ; in-8, xyi-422;p|>, ,// --/. /
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE 343

•portera un second, qui aura pour objet « l'interprétation théiste


du monde» et s'appuiera sur les conclusions atteintes dans la pre-
mière partie.—Le présent voluirie,de par son contenu entièrement
philosophique, échappe donc au cadre de ce bulletin. Nous nous
contenterons d'en indiquer eii peu de mots la méthode, et de signaler
un ou deux points qui permettent de préjuger la position qu'adopte-
ra l'auteur, — ou du moins celles qu'il n'adoptera pas, — lorsqu'il
abordera le problème de Dieu. •'./..,.,•. ,
T. estime qu'il faut suivre l'ordo cognoscendi, et c'est pourquoi
il part de l'étude du fait de conscience et du moi, qui lui semblent
être ce qu'il y a de mieux et de plus immédiatementconnu. S a métho-
de est résolument analytique et génétique; il est ennemi déclaré
de l'intervention de la métaphysique en science psychologique,
et le meilleur éloge qu'il croie pouvoir faire des Psychological Prin-
cipes de Ward, auquel il déclare avoir emprunté beaucoup, c'est
que cet ouvrage « peut se lire de bout en bout, sans que le lecteur
soit capable de deviner, d'après lui, quelles sont les convictions
métaphysiques de l'auteur » (p. vu).— Peut-être T. s'exagère-t-il
l'apriorisme de la psychologie même la plus «rationaliste»?
Notons que, sur le terrain où il s'est'placé, il postule, comme une
nécessaire explication des faits, l'existence, en chaque individu,
d'un moi substantiel, permanent, actif, d'une âmé en un mot,
s'opposant par là nettement aux théories atômistes du moi (sériai
theorij). Les catégories de substance et de cause, que T. appelle
« réelles » (par opposition aux catégories mathématiques et
logi-
ques, qui sont «formelles») ne sont ni purement subjectives, ni
purement objectives. Elles nous font atteindre les chôses-én-soi
à travers les phénomènes, mais nous n'avons pas l'évidence que les
choses-en-soirépondrontnécessairement et toujours à nos catégories.
Enfin l'expérience religieuse (« normale » ou « mystique ») n'assure
nullement une appréhensionimmédiate de la Réalité divine, et donc
est inapte à servir de fondement à la théologie. La «philosophie
des valeurs », en tant que disjointe de celle de l'être, est ainsi dé-
boutée de ses prétentions.
T. s'est donc fermé plusieurs des «voies» les plus fréquentées
des anciens et des modernes vers l'existence de Dieu. Il ne lui
reste guère, semble-Ml, que l'argument de « l'ordre du monde». Com-
ment l'interprétera-t-il 1 Son affirmation très nette des limites
de la science fait penser qu'il saura utiliser avec.modération les
« conceptions scientifiques modernes », et n'en point
faire les prin-
cipes régulateurs suprêmes de la religion et delà théologie. Il est
avéré d'ailleurs que le Dr. Tennant, qui a des relations étroites avec
le groupe moderniste de l'Église anglicane, n'est point inféodé à
toutes ses idées, surtout en cette matière. Nous attendrons avec
intérêt son second volume.

Le souci d'une doctrine construite, et construite selon des fprT


344 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

mules nouvelles, est manifeste dans l'oeuvre importante du Rév.


;
Père THOBNTON : Le Seigneur Incarné (x).
Lebutdel'auteuriï'âpas été simplement d'écrire un traité de
l'Incarnation, mais encore de vérifier les fondements du théisme
chrétien ; et les deux sujets lui ont paru inséparables en ce sens que
« la foi en l'Incarnation vient en aide aux croyances plus générales
du théisme, en éclairant les deux concepts mutuellement dépendants
de Dieu et dé création ; et l'illumination de ces deux concepts ter-
minaux est à son tour le point de départ d'où nous pouvons espérer
prendre une meilleure intelligence du mystère du Verbe fait chair
pour notre salut » (p. 9). Conformément à ce dessein, T. a divisé
son livre en deux parties : dans la première, il étudie « les domaines
de l'expérience et la nouvelle création dans le Christ», c'est-à-dire
en somme les relations de Dieu avec le inonde, qui trouvent leur
couronnement .dans le fait de l'Incarnation ;dans la seconde, il
applique les/conclusions obtenues à la doctrine de l'Incarnation et
même, « pour être complet », à celle de la Trinité.
La philosophie qui est àla base de cette vaste synthèse esLdans ses
grandeslignes, celle du Professeur "Whitehead. que le Dr. Sehvyn ap-
pelle assez curieusement, dans Thcologij, « a Cambridge Plalom'sm »
« parce qu'elle est chez soi à Cambridge et qu'elle prend son origine
(comme celle de Platon) dans les mathématiques et la science» (2).
Il ne nous appartient pas de l'exposer ici pour elle-même. Disons
seulement que, dans l'utilisation qu'en fait T.,(il reconnaît l'avoir
interprétée et modifiée sur certains points), elle se présente comme
une «conception organique de l'univers », c'est-à-dire la reconnais-
sance de degrés d'être disposés en série ascendante et de complexité
croissante, les plus élevés assumant les autres dans une unité supé-
rieure.
Pour chaque'organisme, le principe d'unité est « la plus haute
loi de son être»., Au sommet se trouve l'homme, « organisme spiri-
tuel », qui résume en soi la série tout entière, et dont le privilège
est de pouvoir se dépasser lui-même et tout le monde physique, pour
atteindre à un « ordre éternel », quelque chose comme Je monde des
Idées de Platon^ mais immanent dans le cosmos, car T. est résolument
réaliste en ce sens que, pour lui. « la seule théorie delà connaissance
qui ne conduise pas au scepticisme et à la banqueroute de la rai-
son est celle qui affirme l'immanence de la réalité transcendante
dans l'expérience, de sorte que nous connaissons le monde réel et
que nous pouvons déceler dans son ordonnance une révélation de son
éternel fondement » ;(p, 83).
Cette incorporation de l'ordre éternel dans la série cosmique

(1) L. S. THORNTON, M. A.,oï the Community of the Résurrection, tthejh--


carnate Lord.An Essayconcerningthe doctrine vf the Incarnation in ils relation
/
toorganicconceptions. Lohdbn, Lpiigmans, 19'28 ; iii-8, xxxvï-490,pp. ! "'--..

:'''i^W/."'-
; (2)Theologu, August, 1929, p. 77. ' --.':-
.
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE 345

s'identifie avec l'activité créatrice, car c'est elle salis cesse qui
« tisse de nouveaux patrons » sur cette chaîne d'« événements »
(events), dont la répétition indifférenciée constitue la « matière
neutre » de l'univers ; noii qu'il y ait dualisme pourtant, à la manière
du Tiniée, car' cette « énergie de répétition » (répétitive energy)
n'a aucune signification pour la raison en dehors de son apparte-
nance à l'ordre éternel, et donc dépend entièrement de celui-ci,
aussibien que « la nouveauté » qui lui impose ses rythmes ascendants.
Une telle conception est évidemment dirigée contre tout évolution-
nisme moniste (celui par ex. du professeur Alexander), qui ferait
« émerger » les formes nouvelles de la série même en devenir, dont
l'ultime signification serait ainsi rejetée dans le futur. Mais d'autre
part elle ne conclut pas immédiatement à l'existence d'un Dieu
personnel : Dieu en effet n'est premièrement atteint que dans l'expé-
rience religieuse proprement dite. Or, si la coordination des multi-
ples expériences humaines s'est faite peu à peu par une appréhension
progressive de l'ordre éternel et de la réalité qu'il nous révèle, c'est
seulement dans le monde hébraïque que cette « rationalisation »
s'est cristallisée autour de l'expérience religieuse. Là toutes les autres
formes de« révélation » ont été absorbées dans la révélation religieuse.
Et sur ce terrain se trouvent accentuées à la fois l'opposition et
l'affinité qui existent entre Dieu et sa créature.
Déjà eh effet la série cosmique qui, d'étage en étage, se développe
avec continuité jusqu'au « niveau de l'esprit » se manifestait irré-
.

médiablement inachevée. L'homme, son terme historique, ne saurait


être son terme métaphysique,carla plus haute loi de son être est un
principe de libertéetde« transdendancedesoi»quilerend«étranger
au lieu de son origine », et cependant il reste impuissant à rencontrer
la vérité totale aussi bien que la perfection morale ; c'est le
problème du mal : «la tragédie de là création est son incapacité
à atteindre sa finalité en Dieu ; l'homme est le pont de cette fina-
lité, mais il ne peut franchir le gouffre. Le mal n'est pas un illusion,
ni un accompagnementinévitable de la création finie, mais un arrêt
de son mouvement vers Dieu, arrêt dû à ï'éloignement de l'homme
par rapport à Dieu » (Sommaire, p. xx).
La révélation: religieuse donne à cette brisure son véritable
nom: le péché ; mais elle apporte en même temps la solution de
l'antinomie, car elle n'est pas seulement communication d'une con-
naissance,elle est « le corollaire de la création », « elle est l'activité de
Dieu tirant l'homme en la sécurité de sa vraie fin en Dieu » (p. 151),
et par suite elle prend la forme d'une activité rédemptrice.
De là un «nouvel ordre», dont le N. T. développe l'expérien-
ce, qui s'exprime en la doctrine paulinienne de la « nouvelle créa-
tion», et qui se réfère au Christ à la fois comme à son objet trans-
cendant, à son contenu immanent et au but vers lequel l'humanité
régénérée, et toute la création en elle, s'avancent sous l'impulsion
intérieure de l'Esprit, et dans lequel elles trouveront leur achève-
ment. Jésus-Christ est «l'actualité absolue de Dieu incorporée-dans
la succession historique» (p. 164 etpassim). En lui toute s les lignes
346 ' THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

convergentes de l'expérience se rencontrent ; à la fois créateur et


fin, il enveloppé en lui-même l'ordre éternel et tous ses principes
d'unité, et donc ne fait qu'un avec Dieu.
Après avoir ainsi montré comment l'Incarnation donne le mot
de l'énigme posée par la création, T. entreprend d'éclairer, autant
que faire se peut, le mystère de-l'incarnation, à la lumière des « con-
ceptions, organiques ». La formule qu'il propose est la suivante:
« l'Actualité absolue, telle qu'elle existe dans la Personne du Verbe
Éternel, devient le principe d'unité d'un organisme humain »
(p. 232), application analogique de la loi selon laquelle, dans la série
cosmique, les organismes, à chaque degré, assumentles combinaisons
inférieures en leur imposant Un nouveau principe d'unité. Mais il
faut bien prendre garde, T. y insiste longuement, que le «niveau
de la déité », auquel se trouve élevé l'organisme humain, est totale-
ment en dehors, de la série : c'est ici un ordre nouveau et le modo
d'existence propre au Verbe Éternel. Point donc de distinction entre
hypostase et nature : l'humanité, en Jésus-Christ, est un organisme
spirituel complet,possédairt tous les principes d'unité qui existent
dans les autres organismes humains ; mais « la plus haute loi de son
être » n'est plus la loi propre à l'humanii é, c'est la loi propre à l'être
divin (cf. pp. 237-238).
T. éprouve ensuite la valeur de cette conception en la con-
frontant avec les deux, grandes hérésies chrisfologiques opposées :
l'adoptianisme et le monophysisme, ce qui l'amène à étudier
le principe d'individualité : c'est pour lui un principe d'unité
transcendante, qui ne trouve son absolue expression qu'en Dieu
seul et qui correspond dans la série créée au don progressif du Cré-
ateur ; sa forme la plus haute est dans! a faculté qu'a l'homme de se
dépasser lui-même dans l'acte de religion, mais il ne s'actualise
complètement que dans le don total du Verbe en son Incarnation.
Nous ne saurions suivre T. dans tous les développements ultérieurs
de sa;" christologie, qui concernent notamment le corps mystique,
les relations du Verbe et de l'Esprit et, la mission du Paraclet.
Notons seulement une dernière application du principe d'individua-
lité au dogme de la-Trinité : dans les limitations de ce principe chez
l'homme, T. discerne une pluralité qu'il nomme spirituelle, qui lui
est essentielle et se traduit socialement en don de soi. Il pense que
cette pluralité doit nécessairement se transposer d'une façon ana-
logique dans les relations personnelles et incréées du Père et du Fils
en l'Esprit, et propose les formules suivantes: «Trois Personnes
en une Individualité absolue » ou encore : Trois Centres personnels
<•
d'une Actualité absolue » (p. 415).
Nous nous sommes attardés assez longuement à 'J'analyse de cet
ouvrage qui nous a paru intéressant pour le lecteur catholique à
plus d'un titre; d'abord en.ee qu'il s'efforce sincèrement de conser-
ver dans son intégrité le donné révélé ; puis en ce qu'il nous présente
un type d'év.ôlùtionnisme qui non seulement ne rejette pas le Dieu
transcendant, mais prétend le postuler ; enfin et surtout en ce qu'il
constitue un vaste essai de synthèse théologique à partir d'une plu-
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE 347

losophië des plus modernes et des plus « scientifiques ». Or nous avons


l'impression que cettetentative est une réussite dans la mesure seule-
ment (plus large d'ailleurs que ne pourrait le faire croire l'hétéro-
généité de la terminologie et des cadrés) où T. a conservé des élé-
ments épars de la théologie scolastique traditionnelle, ou s'est guidé
à sa lumière.
Ses insuffisances sont trop visibles pour que nous y insis-
tions: la distinction du naturel et du surnaturel y est sans
doute (équivalemment) affirmée, mais nullement réclamée parla
logique intérieure du système : Création, Incarnation, Rédemption
apparaissent comme des aspects divers du même processus d'incor-
poration, dans la série créée, de « l'ordre éternel ». Là git l'écueil de
toute théologie pïatonisante, et l'emploi que fait T. du terme de
« révélation », pour désigner aussi bien-les acquisitions de la science
et de l'expérience humaine que la Révélation proprement dite,
suffirait à indiquer qu'il n'a pas su l'éviter.
Du reste, le concept de nature lui a bien manqué : il se trouve
notamment contraint, de par cette lacune, à concevoir l'unité du
Verbe Incarné à la manière d'une unité formelle, non d'une simple
unité de réalisation existentielle ; et dès lors il faut admettre que
« l'organisme humain » étant, du fait de l'Incarnation, élevé au des-
sus de lui-même jusqu'au « niveau de la divinité » subit une vérita-
ble transformation. Mais dans ces conditions peut-on dire encore
que le Christ est homme comme nous ? .Pour éviter de tomber dans
un excès équivalent à celui du monophysisine, T. doit élaborer ce
concept d'individualité limitée, inachevée, qui ne se réalise qu'en
se dépassant soi-même,-en s'élançant, pour ainsi dire, librement, à
la rencontre de l'individualité divine,- Et inversement, quand il
s'agît de la Trinité, comme il s'est interdit de parler d'une unité de
nature, il lui faut se donner beaucoup de peine pour découvrir dans
le concept même d'individualité une pluralité interné. Tout cela,
c'est le moins qu'on puisse dire, est difficilement intelligible.
Ajoutons que T. n'a point fait effort pour en faciliter l'intelli-
gence : son livre tout entier est d'une lecture assez laborieuse, la
pensée s'exprimant le plus souvent ' dans une rigueur abstractive
tout algébrique, et se compliquant- d'incessantes répétitions et re-
tours sur soi-même (T. va jusqu'à citer son propre texte !) Le lec-
teur est aidé cependant par des index bien faits et une table des
matières abondante qui constitue un véritable sommaire.
La doctrine des sacrements, en dépendance et en prolongement
de celle de l'Incarnation, est de celles qui suscitent le plus d'intérêt
chez les théologiens anglais ; et cela s'explique aisément par le re-
nouveau catholique du siècle dernier, dont le contre-coup s'est
fait sentir, au cours de la dernière génération, jusque dans la vie
sacramentelle des églises dissidentes. Voici d'abord, sur cette ques-
tion, deux études générales, bien différentes d'ailleurs par l'ampleur,
le but et la méthode.
348 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-OATHOfltQUËS ?

La plus récente est le recueil des conférences données par le Réy:


A. L. LILLEY, dans les: cathédrales dé Cantèrbury et d'LIèrefordj
durant le carême de 1928 (*), —conférences,- soit dît en passant,
qui supposaient un auditoire assez spécialisa L'auteur se 'proposait
de défendre la théologie.qu'on accuse trop souvent d'être une marâtre
étouffant la spontanéité généreuse de la religion, il s'efforce d-abord
de rétablir leur vraie relation. La religion, pour lui,/est à la fois
une appréhension ( 2) spirituelle de là Réalité divine, et une commu-
nion avec cette même Réalité, communion qui s'exprime et se sou-
tient par le culte extérieur et se développe par suite dans une
atmosphère d'émotion. Il en résulte des dangers : celui d'Un forma-
lisme qui revêtirait aisément valeur magique, celui d'une affectivité
déréglée où le moi, et non pas Dieu, serait pris pour fin. Le rôle de
la théologie est double : elle est d'abord une mise en ordre intellec-
tuelle des vérités religieuses, qu'elle organise en système et relie à
toutes les vérités autrement connues ; mais elle est aussi,ài'encontre
des aberrations dénoncées, un témoignage constant âla spiritualité
réelle de la religion.
C'est cette dernière fonction de la théologie que h. a eu pour dés-
sein de mettre en valeur en montrant comment « à certains moments
critiques, elle travailla à conserver dans sa plus entière spiritualité
la théorie des sacrements chrétiens.» Les « moments » choisis par
lui sont ceux que commandent les noms de S. Augustin; des Vic-
torins, de S. Thomas d'Aquin et des scolastiques ultérieurs.
D'une façon générale, L. montre le passage d'une Conception,
symboliste (S,, Augustin, lès Victbrins) à une conception instru-
mentaliste (S. Thomas) des sacrements, l'une et l'autre en dépen-
dance de systèmes philosophiques différents, niais; toutes/deux
également inspirées par le souci de sauvegarder la spiritualité du
sacrement, soit en distinguant soigneusement le sacramenium et
la res ou virlus qui ne peut être reçue que dans la foi, soit éh éla-
borant une théorie de la causalité sacramentelle «qui préserve et
renforce là nature pleinement spirituelle des relations entre Dieu
et l'homme, entre esprit et esprit» (p. 90). v
,"*^
L'information historique de cette étude est sérieuse, malgré
l'inévitable rapidité d'Un exposé oral. Notons cependant une recti-
fication à faire : L. attribue sans réserve à S. Thomasi l'opinion que
le sacrement cause non pas la grâce, mais un certain Qrnalus qui est,
seulement une disposition à la grâce. Il est exact que telle .est la
théorie soutenue par S. Thomas dans leCommentairè des Sentences ;
.
mais dans la Sommé il n'est plus question de cet ornatus et lé dernier

(1) A. L. Tj,iixEY,Canoii resid'entiary, Chanceïlor and Prâeïector of Hèreford.


Sacramenis, A siudg of some moments in the altempt io define Iheir meaning for
Christian worship. London, Sfudent Gbristian Movenient, 1928 ; in-12,::159 p|>.
(2) lîestregrettabïequërauteurnefasseaucto .-'••"
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISÉ 34Ô

état de la pensée de S. Thomas est bien que le sacrement est cause


instrumentale de la grâce elle-même.
' L. a joint à ses conférences une étude supplémentaire sur la
doctrine de la transsubstantiation: il y voit un cas particulièrement
typique, surtout chez S. Thomas, de la spiritualisation, par la
théologie, des croyances populaires.
Mais le chapitre le plus personnel du livre est celui qui s'intitule :
les sacrements et l'esprit moderne. L. y constaté que le renouveau
de vie sacramentelle coïncide avec le progrès de la critique biblique,
qui a révoqué en doute le fait de l'institution des sacrements par le
Christ. Il s'ensuit qu'on se rabat sur « une divine autorité inhérente
a l'Église » (p. 122). Mais en même temps se manifeste une tendance
à un symbolisme universel, et l'Église elle-même est acceptée non
plus en vertu d'une Révélation divine, mais comme le symbole
de l'oeuvre de Dieu dans l'histoire, un fait qui s'enracine dans les
besoins les plus profonds du coeur de l'homme et dont les sacrements
sont l'expressionlà plus naturelle.Il y a 1 à une orientation dangereuse
à certains égards, dont la théologie moderne, à l'exemple des grands
scolastiques et des Pères, devra tenir compte dans la révision né-
cessaire de la doctrine des sacrements, de l'Église et, plus profon-
dément, de la Révélation.
Il n'est pas indifférent de constatera propos d'un tel ouvrage,que
la théologie médiévale, et singulièrement celle de S.Thomas, éveille
quelque intérêt chez les théologiens anglicans. Mais on souhaiterait
qu'une étude plus approfondie leur permît de dépouiller le préjugé'
qui lie indissolublement cette théologie dans son ensemble à une
conception du monde «depuis longtemps vieillie et insuffisante»
(p. 159), et d'y découvrir plus qu'un exemple « capable de nous
faire honte » de réflexion intelligente sur la foi : une pensée toujours
Vivante, qui n'a pas épuisé ses virtualités et qui, parce qu'elle se
fonde sur ce qu'il, y a de permanent dans l'esprit humain, peut
faire face aux problèmes d'aujourd'hui comme à ceux d'hier: ne
sont-ce pas d'ailleurs des aspects différents dés mêmes mystères?
Le livre du Rév. 0. G. QUICK sur les Sacrements chrétiens (x)
est le premier d'une collection qui s'intitule : « Bibliothèque de
théologie constructive »(2), dont les éditeurs « désirent mettrel'ac-
cent sur la valeur et la validité de l'expérience religieuse et déve-
lopper leur théologie sur la base delà conscience religieuse » (p. vin).
-
Aussi Q.,délaissant, contrairement à Lilley, l'étude historique, s'est
placé « au double point de vue de la philosophie et de l'expérience

(1) O. C. QUICK, M.,A., Canon of Carlisie Cathedra!.27ie Christian Sacrements.


London,Nisbet,1927 ; réimp. 1928 ; in-8, xvi-264pp.'
(2) The Library of Constructive Theology. Theological Editors : W. R. MAÏ*
THEWS, D. D.,H. W.ROBINSON,D. D.-GeneralEditor:'Sir J. MARCHANT, IC.B.E,,,
h. L. D.
350. THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

générale» (p. xi). Il permet cependant au lecteur «qui ne saurait


tolérer ce qu'il pourrait appeler la métaphysique », (p. xn) de sauter
les trois premiers chapitres, où précisément il jette les fondements
philosophiques de sa doctrine. Nous n'avons pas usé de cette
licence, et à vrai dire, nous aurions désiré en ces chapitres un peu
plus de «ce que nous appelons métaphysique». L'auteur analyse
et distingue^ souvent avec finesse et pénétration, les notions d'instru-
ment,et "de symbole, agite des questions d'esthétique et de morale
d'une façon personnelle et suggestive, mais l'ensemble reste flou,
faute d'une philosophie de l'être et d'une théorie définie de la
connaissance.
Il aboutit à une antithèse entre le « sacramentalisme esthétique))
etle« saçramentalismemoral», qui impliquent deux conceptions
différentes du monde et de Dieu, l'une plus statique, l'autre plus
dynamique: « le théologien qui pense en termes d'instrumentalité
insistera sur cette vérité que,dans quelques sacrements particuliers,
Dieu réellement agit et fait quelque chose ; en revanche celui qui
pense en ternies de signification (symbolisme) enseignera plutôt
que, dans les sacrements particuliers, la présence et l'activité
universelles de Dieu sont plus immédiatement appréhendées et
connues » (p, 17), Ces deux conceptions doivent secompléter l'une
l'autre.
La vie, dû Christ est, en ce double sens, le sacrement suprême,
et c'est à dire qu'on y trouve « exprimé de façon unique et agissant
de façon unique le plus-haut dessein de bonté que la vie et la nature
tout entières, sont destinées à-.accomplir. Ce dessein est divin dans
son origine et son Ultime réalité. Son auto-révélation ou expression
dans le Christ;est affirmée par la doctrine de l'Incarnation ; son
opération instrumentale dans le Christ en vue d'atteindre sa fin
est affirmée par la doctrine de la Rédemption» (p. 57). Autre-
ment dit, le Christ comme symbole est expressif de la beauté, de
la bonté, de la raison divines ; le Christ comme instrument est
«le seul sacrement parfait de la puissance par laquelle, à la fin,
ou dans l'ensemble, tout le mal est racheté, et la perfection ration-
nelle de l'univers, défendue et réalisée» (p. 84).
On voit assez que, dans là pensée de Q., la vie et la mort du
Christ sont considérées seulemen f comme le résumé, la concentration
suprême, de principes qui s'expriment et sont à l'oeuvre partout
dans l'univers et dans l'expérience humaine. L'inlerprétation de
la Résurrection est, à cet égard, significative : elle ne fut pas ce
que les Apôtres, «par une malheureuse erreur» (p. 95) s'imaginè-
rent ; mais elle est «l'assurance que |le Christ] a. dans sa propre
personne, parfaitement-accompli et démontré la loi, qu'il avait prê-
chée, de la vie [obtenue] en passant par la mort» (p. 98).
Cette conception naturaliste se retrouve dans la définition des
saterements proprement dits. Ceux-ci ne font que «représenier »
une relation déjà existante et réelle entre celui qui les reçoit et Dieu ;
et cependant il faut maintenir en un autre sens que le sacrement
réalise la relation : mais son rôle se borne à «éliciter» ce qui était
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISÉ 351

déjà contenu en germe dans le. sujet'(p.. 112 et ch. VI, passim).
L'auteur est visiblement très embarrassé pour justifier l'aspect
d'efficience du sacrement; et son embarras augmente lorsqu'il en
vient à l'étude des sacrements particuliers, du baptême surtout,
parce qu'il se heurte à de multiples affirmations de l'Écriture et de
la Tradition. Ne'pouvant se résoudre à admettre que le baptême
cause une nouvelle relation de filiation de la créature à Dieu, il
se retranche assez piteusement derrière «la logique de Nicodème »,
pour qui « la nouvelle naissance d'une âme déjà existante... est tou-
jours une contradiction » (p. 168), et avouant qu'il déplace l'accent
de la théologiedu N. T,il s'en excuse sur ce que le N. T. fut compo-
sé pour répondre à dés conditions particulières et nécessairement
transitoires (p. 179)'Nous n'insisterons pas sur le traitement de
l'Eucharistie. Q. n'ose plus, ici, subordonner l'aspect instrumental
à l'aspectsymbolique,mais il reste dans sa doctrine beaucouji d'obs-
curité et de confusions.
,
L'ouvrage contient encore un chapitre assez curieux sur « l'Église,
les Ordres et l'unité». Faisant état de la distinction catholique
(qu'il attribue à S. Augustin) entre la validité des sacrements et
leur efficacité, Q.nê voit pas comment on peut concilier cette distinc-
tion avec l'unité de l'Église : si en effet un groupe schismatique
possède encore des sacrements valides, ne continue-t-il point de
'faire véritablement partie du corps de l'Église, et dès lors l'Église
visible n'est-elle pas intérieurement divisée? La remarque est inté-
ressante en ce qu'elle souligne les liens réels de vie surnaturelle et
sacramentelle qui peuvent subsister entre l'Église et des schisma-
tiques de bonne foi. Mais elle oublie qu'en tant que société visible
l'Église est formellement unifiée non par le pouvoir d'ordre, mais
par sa hiérarchie de juridiction, sous l'autorité, suprême du Souve-
rain Pontife. Q. préfère recourir à une conception selon laquelle
«l'autorisation» de l'Église serait essentielle à la validité du sacre-
ment dé l'ordre. Il en résulte que, l'Église étant selon lui divisée,
aucune de ses fractions ne possède le sacerdoce dans son intégrité :
et il voit dans cette situation à la fois un appel à l'union et, si elle
était reconnue de tous, un terrain d'entente. On peut se demander
assurément ce que représenterait cette « mise en commun » d'élé-
ments parfaitement hétérogènes... Au reste Q. reconnaît que ses
vues ne sont guère partagées, même, par les «églises libres».

V enonS-en aux études particulièrement consacrées à l'Eucharistie


Le petit livre du Professeur BOUQUET sur« la Présence Réelle » i 1)
h'est:gùèrê qu'un pamphlet,quoiqu'il cherché à se donner des appa-
rences de rigueur et d'objectivité scientifiques.Il confond volontai-

(1) A. C. BOUQUET,'!). D. Trinity Collège, Cambridge, Hulseah Lecturei1


1924--5. The Real Présence or the localisation in cullus of the divine présence,
Cambridge, University Press, 1928 ; in-12, 98 pp.
352 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES SON-CATllOLiQUBSi.'

rement le culte eucharistique avec le culte des images et rfy voit


qu'un cas spécial de « localisation de la divinité ». L'origine et l'ex-
plication en-sont à chercher,'selon lui, dans les «Tépàs sâÇfâinentels »
et la « vénération d'aliments» qui se rencontrent chez des peuplades
rjrimitives (anciens mexicains) et dont il reconnaît une probable
survivance dans une sorte de « course à la crêpe », qui se pratique,-
le. mardi-gras, à "Westminster Sch.ool. ! (p..-30, note ï). B. se/livre
aussi à une comparaison de l'hindouisme et du: catholicisme. Sa
conclusion semble être que la « localisation » est tolérahle à un ni-
veau intellectuel et religieux inférieur. Mais le vrai but ;de ce libel-
le est de battre en brèche lés « dévotions éxtra-ïiturgiques » à l'é-
gard du S. Sacrement, qui cherchent à s^ntroduire/dansl'église:
anglicane (cf. pp. 1 et 84).
,

C'est au contraire la profession de foi eucharistique d'une impor-


tante fraction de cette église que l'on trouve dàils le compte-rendu
du « Congrès Anglo-catholique» tenuà Londres, du 4 ou 10 "juillet
19.27 X1). Ce Congrès, qui réunit plus de 21 niillé adhérents, avait
en effet-choisi pour sujet d'étude l'Eucharistie, tjn grand nom-,
bre de rapports/furent lus, un grand nombre dé sermons^rohûhcés,
dont le présent volume a recueilli seulement lés principaux, au nom-
bre dé 25 environ.
L'Eucharistie y est envisagée sous tous ses aspects,/dans ses"
présupposés philosophiques, son « contexte » en/dehors du
Christianisme, ses rapports avec-la Révélation, iiyec;l?idée: dé Sacri-
fice, en elle-même enfin, coinine sacrifice et comme sacrement
(Présence réelle, Goinmunion, sainte Réserve),; la liturgie, ;le:;cillte^
et les questions pastorales ne sont pas oubliés. Toutes ces: études hé
sont point sans doute de même valéurj,et toutes në-sont'pas égalée
nient «catholiques»,. Néanmoins il .s'y rencontre, surtout; dans les
rapports centraux, bien des pages où s'exprime, avec une précision: .

qui n'exclut pas l'originalité, une doctrine en accord avec celle


de l'Église.
Glanons ça et. là quelques remarques : lé TAéy.E. G, SEL^VN,
dans son mémoire sur le sacrifice eucharistique^ s'est visiblement
inspiré du Mtjsleriiim Pidei du R, P. de la Taille. 11 nientioniie
d'ailleurs cet ouvrage, dans une courte bibliographie, ainsi que celui
de M. Lepin : « V Idée, du Sacrifice de. la Messe />".Le Rev/Ç;BARWÉLL
STONE suggère que là doctrine de la transsubstantiatiôh îut-rejetée
par les 28 Articles « en un sens charnel, non au sens desrthéologiens
scientifiques » (p. 105), tandis que lé Dr. À. E, TÂYLOR et/M. '-"Wr
SPENS font des efforts pour justifier, au moins lèiterme, lie.Réy,
A. Ë. J.TIAWLINSON a:des considérations intéressantes sur le rôle
de l'Esprit Saint et sur l'épiclèse, quoique ses, conclusions né puis-

(1) Report of the Àhglo-catholicCongress. Subject : The ïîoly Éacharist. Zoft--


don, Juhjl927. The Society of SS. Peter and Paul, 1928 ; in-8, xrv-23S/K>. v
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE 369

Dieu.Et par conséquent il n'y a aucun moyen de compter que nous


sommes élus.
Rien à ajouter de plus. Seulement ce cercle de la moralité est
coupé par un autre cercle : celui de la foi, de la Révélation, de Jésus-
Christ. Là est la voie qui Vient de Dieu à l'homme, et aucune voie
ne mène à cette voie. : Jésus est la voie.
Corruption radicale de la nature humaine, aussi violente que chez
Luther, Calvin et Dostoiewski ; chute originelle qui semble bien n'être
autre que l'origine naturelle de l'homme ; l'Impossibilité des morales
rationnelles jetant l'homme désespéré au pouvoir de la Parole in-
compréhensible et improbable de Dieu : ces idées que nous connais-
sions déjà (*), apparaissent chez Barth avec un relief plus saisissant
que chez Brunner. Elles sont liées avec une autre idée au moins aussi
fausse et dangereuse,celle d'une spiritualité pure, d'une spiritualité
qui, pour notre expérience humaine, serait absolument non-existence.
Le lecteur, en effet, a dû remarquer que/selon Barth, la religion,
dès qu'elle se réalise, devient idolâtrie : les valeurs, quelles qu'elles
soient, sont nécessairementinexistantes, leur réalisation les nierait.
Préjugé étrange qui tend à se répandre parmi nous, et qui est le fond
du spiritualisme de M. Brunschvicg : la Pensée pure, c'est à dire
Dieu, étant le principe immanent du jugement, ne peut être objet
d'un jugement. Affirmer l'existence de Dieu est le nier. La catégorie
du divin n'est pas l'être,mais l'Un. Même attitude dé la part des grands
chefs de l'Idéalisme italien : la Philosophie de l'Esprit de M. Croce
ne va pas au-delà d'une description rationnelle de l'histoire de là
pensée humaine ; tout est création de l'Esprit ; mais sur la subjecti-
vité créatrice de l'Esprit, absolument rien ne saurait être dit, car
l'Esprit ne se distingue pas de son progrès. Même attitude de M. Gen-
tile. En somme, ces doctrines qui se targuent d'un Idéalisme ab-
-
solu, d'un spiritualisme où tout se résout en l'activité de là Pensée,
nous refusent d'étreindre quoi que ce soit en dehors dés constatations
empiriques. Barth lui aussi veut en religion une spiritualité pure : il
la met si bien au delà de l'histoire, au delà de l'existence, que les dog-
mes chrétiens sont annihilés, et il ne reste rien d'autre qu'une aspi-
ration confuse et contradictoire s'exhalant d'un empirisme déses-
péré. •
C'est surtout cette opposition d'une spiritualité pure tr.anshisto-
rique et d'un pessimisme empiriste qui frappe et émeut le lecteur
du recueil de conférences intitulé «la Théologie et l'Église » (2).
Conférences vraiment émouvantes, qui révèlent des tendances reli-
gieuses profondes ; conférences d'une formé souvent tourmentée et
provocante, mais toujours nobles, cherchant à pénétrer jusqu'aux
sources les plus profondes du désaccord des âmes. L'une d'elles,
en particulier, prononcée à Munster en Westphalie, devant des étu-

(1) Voir, dans cette Revue, nos bulletins précédents.


(2) Die Théologie und die Kirche. Mûnchen, Kaiser, 1928 ; in-8, 391 pp.
REVUE DES SCIENCES. — T. XIX., FASC. 2. — 24.
ci70 THEOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHÔLIgUÉS

diânts catholiques, a cette grandeur de poser clairement les questions


qui séparent à j amais les âmes (1).
« Vous m'avez invité à parler devant vous,
dit-il aux jeunes gens du
Centre. Invitation qui est un risque : tout ce qu'on en peut espérer,
c'est que nous sachions exactement pourquoi nous ne nous compre-
nons pas. Les uns et les autres, nous devons nous prendre au sérieux,
c'est-à-dire, non pas écouter avec bienveillance un adversaire qui
soutient certaines thèses, mais nous rendre compte que nous ne
sommes pas unis dans le Christ, là. où "l'union est plus que partout
exigible, et « prendre les uns et les autres sur nous le fardeau total
de l'opposition comme fardeau et comme fardeau d'une opposition »;
« A ce point de vue qu'il nous arrivera
peut-être de nous prendre au
sérieux les uns les autres, j'accepte la responsabilité dé prendre ici
La parole »
Entre nous, il-y a, sur l'Église, entente apparente : symboles
catholiques, symboles protestants emploient les mêmes mots, et
l'on peut ,avec ces mots identiques, poursuivre très loin l'exposé de
la doctrine. Croire l'Église, c'est croire que le fils de Dieu rassembla,
de toute la race humaine, pour la vie éternelle, par son Esprit"! et sa
parole, en l'unité de la vraie foi, une communauté élue (Gatéch. de
Heidelberg) ; c'est croire « congregatio fideliuin qui ad lucem verità-
tis et Dei notitiam per fidem vocati sunt » (Cat. Rom.). Nous croyons,
les uns et les autres, que F Église est une, corps et âme ; que 1* aban-
donner est abandonner Dieu (Calvin, Insl.,-"IV, i, 10) ; qu'elle est
sainte; qu'elle est catholique, c'est à dire au dessus'de toutes lès
races; qu'elle est apostolique. Nous croyons, les Uns et les autres,
qu'elle est objet de foi: fide solum intelligimûsiii eéclesia clayes
caelorum esse... (Cat. Rom.).
Mais si nous énonçons les mêmes dogmes, nous les comprenons
différemment. Tout dépend de là manière de comprendre le fide
solum inielligimus. La foi, c'est, accomplie par Dieu, la réception en
l'homme de la grâce de Dieu, grâce absolument gratuite; par la
parole elles sacrements, l'homme connaît, expérimenté cette grâce,
sans avoir sur elle aucun pouvoir. L'Église est le Heu de la grâce, elle
en est le moyen : seulement, le rapport entre Dieu et nous n'est pas
symétrique, nous n'avons pas entre les mains un instrument qui
nous livrerait la grâce. De cette manière seule; nous/comprenons
FÉ£lise, comme spiritualité pure, comme action de Dieu : : en elle
absolument rien qui soit possession de l'homme, moyen livré à l'hom-
me. En ce sens on peut dire qu'elle est fondée par Dieu, communauté
des Saints : irruption de Dieu dans le temps. En elle, Dieu nous pos-
sède, ce n'est pas nous qui le possédons. Elle est une, non enrendant
visible sa propre invisibilité par des paroles ou des oeuvres, mais
en ce que « Dieu lui-même en elle et par elle rend le témoignage-dé

(1) Conférence tenue le 11 juillet 1927* sous le titre : Der Bêgriff dér Kiiche
(ôp. cit., p. 285-301),
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE 371

l'Esprit et de la puissance, qui sert à la gloire de Dieu, non à la gloire


de l'Église. Elle est sainte, non en se constituant dans le monde,
car par là elle se ferait monde ; non eu possédant une constitution,
une structure, car Dieu la constitue ; non en promulguant des paroles
fixées qui seraient infaillibles, car « abdicata onini sua sapientia a
spiritu doceri per vérbum Dei patitur. » (Calvin, Inslit.,IV, 8, 13).
Elle cherche l'infaillibilité dans ce que Dieu lui dit, non dans ce qu'elle
dit sur la terre. Elle est catholique, non en comptant les siècles, à la
manière de l'antique Égypte,ou les pays possédés, à la manière de
l'Empiré britannique, mais par la promesse : « là où il y en a deux
ou trois rassemblés en mon nom... ». Catholicité qui est simplement
le contenu d'une promesse que « personne^ par aucun moyen et par
aucune garantie, ne joeufréaliser sur terre : a son sujet, on ne peut
que prier. » L'Église est apostolique, servant la parole à l'exemple des
Apôtres. « Ainsi comprenons-nous le fide so lum intelligimûs en_ ce qui
concerne l'Église...Les auteurs du Catéchisme Romain ont dû com-
prendre ces trois mots un peu différemment. »
Comme la spiritualité du Dieu de M. Brunschvicg est au-delà de
L'existence, l'Église de Karl Barth est si purement l'action de Dieu
par la parole, que nul enseignement, nul acte, nulle institution ne
:„
sont l'Église : ce qui est visible est humain, et l'action de Dieu ne
peut être ainsi livrée à nos prises. Cette Église est littéralement au-
,
delà de l'existence: spiritualité pure, Un qui surpasse l'Etre.
A la spiritualité pure de l'action divine, de la Parole, s'oppose la
grossièreté des réalisations humaines, la corruption du péché viciant
:
totalement la nature, le malheur de l'existence. Barth y insiste dans
d'autres conférences, par exemple dans celles « Église et Théologie»
: et « L'Église et la Culture. » Selon Erik PETERSON (1), la théologie
argumente en se fondant sur l'autorité concrète de l'Église qui a
reçu pouvoir de Dieu : la Révélation serait niédiatement présente
dans l'Église par le dogme. Barth couvre de sarcasmes cette con-
ception qui d'abord sa heurte à la pratique réelle des Églises protes-
tantes. Il faudrait d'abord que l'Église déterminât le dognie, et elle
ne le fait pas, encore qu'elle charge des professeurs d'enseigner la
dogmatique. Elle se conduit tout comme Nabuchodonosor, lequel
demandait à ses sages, non seulement d'interpréter ses songes, mais
de dire ce qu'il avait rêvé (p. 308). En réalité, le dognie ne peut s'im-
poser en tant que donnée historique, car l'histoire est « l'état inter-
médiaire, totalement inintelligible, dans lequel nous nous trouvons,
entré la Création et la Rédemption»(2). L'Église, telle qu'elle se mani-
"" feste dans l'histoire, n'a qu'une autorité relative, elle ne fait que re-

présenter l'autorité du Christ dans la gloire : elle reçoit la Parole


qui a.'jus divinum et la traduit en des expressions pour lesquelles elle
ne peut revendiquer que fus humanum. C'est pourquoi notre théo-

(1) E. PETERSON. Was ist Théologie. Bonn, Cohen, 1925. Voir plus loin à la
fin du bulletin.
(2) Citation de Thurneysen,p. 310.
3*72 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQÙÈS

logie « viatorum, peccâtorurn », est nécessairement dialectique, pa-


radoxe: chaque réponse y est question,et toutes, « au-delà d'elles-
mêmes, renvoient à l'ineffable plénitude de la réalité du Parler di-
vin » (p. 319).
Quel rapport y a-t-il entre l'Église et la culture? « L'Église est la
communauté, établie par Dieu même, delà foi et de l'obéissance
d'hommes pécheurs, foi et obéissance qui vivent dé la Parole » (p. 364).
Foi et obéissance qui éclairent ce que sont les hommes, leur état-de
péché, sans le supj)rimer. « La culture est la tâche, établie par la
Parole de Dieu, de la destinée de l'homme à réaliser dans l'unité de
l'âme et du corps »(p. 368). On peut l'envisager à trois points de vue.
D'abord, au point de vue de la création : là se troùvele droit de Dieu
et sa promesse : perfection, unité, intégrité de l'homme comme créa-
ture. Sans douté, l'effort humain en lui-même est l'action vaine de
puiser dans le tonneau sans fond des Danaïdes ; mais il peut.êtrele
témoignage de la promesse faite par Dieu et il est cela dans le Christ.
Second point de vue, celui de la Rédemption : la culture est alors
la loi selon laquelle le pécheur justifié doit exercer sa foi et son obéis-
sance. Enfin, au point de vue du salut, la culture est la limite au
delà de laquelle Dieu recréera tout. L'attitude de l'Église devra être
eschatologique : une culture qui donnerait à l'action humaine des
fins en dehors de la foi serait idolâtrie. L'Église doit se refuser à être.
dans une tour de Babel qui prétendrait toucher le ciel, « non pas
par mépris du travail de la culture, mais au contraire par estime pro-
fonde de la fin à laquelle elle voit tendre tout le travail de la culture»
(p. 384). En somme, la culture est promesse, foi, limite. On oublie
surtout qu'elle est limite, et c'est ce qu'il faut rappeler.
Nous avons cru devoir analyser ces conférences, pour donner une
idée dé la prédication tumultueuse, à la fois prophétique et rationa-
liste de Karl Barth. Peut-être les expressions y sont-elles plus para-
doxales que la pensée. Nous ayons tâché, tant jiien qUeànal, d'en
faire passer l'éclat inattendu et les heurts dans un texte français.
Ainsi le lecteur pénétrera-t-il dans des états d'âme si éloignés des
.
nôtres.
États d'âme auxquels tout de même on pourrait donner des ex-
pressions plus didactiques et moins opposées à ce que nous appelle- .
rions le sens commun religieux : la toute petite esquisse d'une théo-
logie que nous donne Paul ALTHAUS en est une preuve (a) On sait
qu'Althaus, professeur de théologie à Erlangen, appartient. quelque
peu à l'École « dialectique». La première partie de Cette esquisse,
seule parue, renferme les prolégomènes à la Dogmatique, à savoir une
théorie de la Révélation. Ce sont les doctrines de Barth et de Brun-
ner, débarrassées desformules trop compromettantes, par conséquent
faisant plus de place à l'intelligence et acceptant davantage les don-
nées du Christianisme.

(1) P. ÀiTHÀtrs, Grundriss der Oogmaiik. Erlangen, R. Merkel, 1929 ; in-S,


74pp4-
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE 373

La Révélation suppose un témoignage antérieur de Dieu (Rom.,


1-2 ; Ad. 14, 16 ; etc.), lequel n'est pas une démonstration ration-
nelle, mais une preuve pour le coeur. Notre volonté foncière de vie
et de joie manifeste, dans l'expérience de la mort, une relation à la
vie éternelle. Notre savoir limité exige une unité absolue, une réalité
absolue. Le caractère inconditionnel, incompréhensible, concret de
notre destinée est comme une mainmise de Dieu sur nous. Les étran-
ges finalités de la nature phj'sique, le nrystère de l'histoire qui est
celui de la nature servant aux fins de l'esprit, posent inévitablement
le problème du sens de notre action.
Connaître Dieu donnerait une signification à la vie. Mais le péché
met tout en doute. La Révélation, apportée par l'histoire biblique,
manifeste la situation de l'homme, créature totalement corrompue
par le péché, livrée à la mort. Elle annonce l'Amour pardonnant à
tous ceux qui, par la foi, reçoivent la justice, l'Esprit Saint et la
certitude de la vie éternelle. La Révélation est histoire concrète,
événement qui a lieu une fois, contingente, étrangère,puisqùe le
péché a détruit la possession des vérités éternelles ; elle est contem-
poraine* présente à nous dans l'Église. Ne croyez pas pourtant que-
l'histoire soit révélation, car elle est humaine, livrée à tous les doutes.
Mais dans l'histoire, Dieu absolumnt caché se révèle, pour que nous
l'acceptions par décision personnelle : « Dieu se révèle, en tant qu'il
parle et en même temps nous donne d'entendre la foi». Ahisila Révé-
lation est Transhistoricité (Uebergeschichtlichkeit). Delà, ses carac-
tères paradoxaux : elle nous est présente et a eu lieu une fois ; elle
est un fait et elle est la Parole ; elle est un devenir et elle est l'Esprit
de Dieu; elle n'est qu'un événement, et c'est le miracle de la foi.
En somme, la Révélation n'est pas une idée rationnelle (Idéalisme),
ni un miracle (Supranaturalïsme, qui équivaut à Paganisme), ni
une expérience (Psjfchologisme). Elle est Parole.
Les paradoxes de la Révélation posent de manière aiguë le pro-
blème de l'histoire biblique. Séparer radicalement histoire et foi est
impossible ; si l'histoire est neutre, et si la foi seule comprend les
faits, les fantaisies de la critique auront vite ruiné la foi. Or, l'his-
toire, même comme pure science, suppose une intuition, qui tantôt
consiste à pénétrer dans des âmes étrangères (Einfûhlung), tantôt
à-saisir dans les événements une idée générale, tantôt à faire con-
fiance à un témoin. Cet acte de foi personnelle qu'exige l'histoire
s'oppose au discours fragmentaire des méthodes de l'érudition. La
foi religieuse atteindra Jésus par une intuition à la fois historique
et transhistorique. Il ne s'agit pas de retrouver, par un travail cri-
tique impossible,un Jésus-Christ historique en dehors de la foi de
l'Église primitive, qui a mêlé ses récits inextricablement aux faits
réels. Il s'agit uniquement de savoir si nous avons bien là une foi,
une réalité venant de Dieu, ou un produit de désirs humains et d'in-
fluences extérieures dépeuples étrangers. La foi tranche, elle décide :
« celui qui expérimente en lui-même comment le message du juge-
ment et du pardon de Dieu dans le Christ le contraint à la plus coura-
geuse véracité, de la/vie »,. celui-là croit aux témoins ôe ce message
374 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON CATHOLIQUES /
(p. 24). A travers ce message, par un acte vivant d'intuition, il sai-
sit l'unité de l'image de Jésus et voit clairement que la personnalité
de Jésus, en sa parfaite unité, n'est pas lé résultât d'une fabrication
littéraire. ; /
Ce qui vient d'être dit renferme implicitement la doctrine
de i

l'Écriture Sainte. L'autorité de la Bible est celle dé Dieu/qui s'y


,
manifeste. Seulement,la vérité de la Bible n'est pas celle d'un oracle,
une vérité de choses: elle est la manifestation personnelle de
Dieu à l'homme. L'autorité de la Bible ne se justifie donc pas: par
des arguments, puisque ces arguments seraient Jiuniàins et sans va-
leur (autopistie) : l'autorité de la Bible suppose la foi, et à lfin-
verse le témoignage de l'Esprit-Saiht n'est connu que par la Bible :
cercle vicieux dont on ne sort pas. Mais ce cercle vicieux,ne di-
minue pas l'autorité de la Bible, car l'inspiration est au-delà de
toute donnée historique. En tant qu'histoire, la Bible esttotalement
humaine : niais la foi y voit l'action divine salyifique présente.
Puisque cependant la Révélation traverse liïistôire,,-:ï'ÉgiiSe pos-
sède une certaine autorité, elle s'interpose entre le croyant et le
Christ. Seulement, ce n'est là qu'un point de vue. Car là Réyélation
est transhistprique, le fidèle est en rapport immédiat avec le. Christ,
d'où la liberté de son obéissance. L'Église, en: somme, à. ce rôle
instrumental de fixer le Canon des Écritures et de hous fournir des
symboles uiie tradition qui nous serve à interpréter là/Révélation.
Mais, en dernière analyse, chaque fidèle reste absolument libre en
son adhésion. C'est ici, note Althaus, la plus profonde divergence
avec Rome : « Pour-chaque génération, le Christ est à l'Églisèlârègle =
pour affermir ou pour réviser la forme du Canon de l'ancienne Ë-
glise» (p,.3:8l. """', ';/'
Il semblerait que la foi, ainsi décrite comme saps appui, soit tota-
-
lement un saut dans l'inconnu. Althaus reconnaît cependant qûelè
croyant, ne peut';éviter de discuter la .réalité de là Révélation. Et
ad moins de manière négative, il est en mesuré d'établir cette réa-
lité. En effet, les théories qui font de la Réligioii une;/illûsiou se.
trompent :on peut prouver qu'elles se trompent, car le Christianisme
présente des exigences qui vont tout à l'inversé de ce que supposent
ces" théories,. SiJe Christianisme sortait des besoins naturels de:1-h.om-:
me et de là société, s'il était le produit de l'angoissé où de l'amour
humains, il ne prêcherait pas la colère de Dieu et son pardon, telle-
ment étrangers à nos tendances.'Bien plus, on peut'même, en un
certain sensi montrer la réalité de là Révélation : fonder hi foi est
montrer ce que signifie la question de la foi, c'est poser une question,
c'est la Parole qui réclame de nous l'obéissance eùVers la VolOnté
suprême. .L^obéissance pratiquée réalise à son tour une expérience.
qui décide sur lé témoignage de l'Esprit : nous constatons/en effet
que la Révélation s'accorde avec le témoignage de Dieu dans/notre
:
vie, nous nous découvrons sains, libres, vrais, nous voyons notre des-
tinée réelle. Expérience que cependant il importe dé ne pas prendre
poUr une norme psychologique qui apprécierait lès choses dé Dieu :
nous ne mesurons pas la foi à dés idées précédentes, C'eçt la: foi qui
THÉOLOGIE PROTESTANTE. ALLEMANDE B75.

donne la mesure,-'En croyant, nous savons que nous sommes sains,


libres, vrais,que nous réalisons notre destinée. La foi continue d'ail-
leurs en chacun à avoir Une histoire vécue* qui donne force pour la
nouvelle décision dechaque instant, car « chaque instant est nouveau
et sérieux et difficile comme le commencement» (dialectique de la
foi). L'Église également est une force pour la décision. Ainsi nous
recevons du courage pour nous attacher au iéstimoniumSpiritus
Sancti, sans que les influences extérieures nous fournissent de nou-
veaux motifs. Notre attachement demeure sur la « ligne intérieure »,
il fournit seulement des expressions nouvelles à la Révélation qui
réclame l'obéissance de nôtre foi.
Nous avons cru faire oeuvre utile en-résmiiant, de manière trop
schématique, il est vrai,: une apologétiqueprotestante dialectique. Ce
bulletin risque déjà d'être si long par l'abondance des matières,que
nous n'osons pas entreprendre une discussion des thèses delà Théo-
logieïdialeçtique. Le lecteur a remarqué par lui-même combien il
est malaisé d'entendre ces thèses : on se demande toujours si l'on est
en face d'une contradiction in lerminis,ou siles affirmations en appa-
rence contradictoires ne vont pas adoucir leur tranchant et se con-
cilier dans une synthèse inattendue. Il nous semble pourtant hors de
doute qu'ici ou là, c'est bien la contradiction totale, massive, <jui
-s'affirme, et qui par conséquent doit être rejetée,' si l'on ne veut pas
renoncer à la pensée. Il est bien évident aussi, comme nous allons le "

voir par les objections des adversaires, que la théologie dialectique


sujiprime une port-ion essentielle du message chrétien et, ce qui est.
encore pire, la contredit.Nous nous contenterons ici de signaler une
difficulté qui est au coeur du système, et qui en fend toute interpré-
tation impossible,
La Révélation doit n'être ni idée, ni miracle, ni expérience. Aussi
bien l'Idéalisme rationaliste, que l'Orthodoxie supranaturaliste et
que le Psycholbgisme sentimental sont rejetés. La Révélation est la
Parole. Mais il faut bien tout de même mettre quelque chose sous la
Parole. Que voulez-vous que soit la Parole de Dieu, sinon un système
intelligible de vérités qui apparaîtraientpar elles-mêmes à la raison,
ou des événements dé ma vie intérieure, ou des mystères que Dieu
testifiefàit par son action souveraine? Je sais bien que/selon Barth,
Dieu étant au dessus de toute affirmation et de; toute réalité, aussi
bien les vérités intelligibles que les expériences psychologiques et :
que les interventions historiques sont des choses finies, temporelles;
pécheresses, condamnées. Il reste quand mênie que Certaines de ces
choses, idées, sentiments' ou miracles de l'histoire, doivent être le
'véhicule: de la Parole et donc avoir avec elle une relation-essentielle
et qu'en: ce sens Dieu nous parle. Ou bien lé Christianisme n'est qu'un
complexe de symboles, sans signification intrinsèque, et qui fout au
plus suggèrent la limite inaccessible du Dieu caché. Mais alors il n'y
a pas de Parole de Dieu, Il n'y a qu'un néant divin, un Nirvana.
Selon M. Gerhard :KEHNSCHERPER,_ cette seconde iaiterprétation
serait la vraie. Dansun opuscule très bien composé, niais peut-être
jm peu trop systématique, il soutier-1 Cniela théologie de Barth con-
376,:, THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES'
,

siste à envelopper d'un langage propliétiqUé/et luthérien là philo-


Sophie de Plotin -C1). Il "demande avant tout quel estle sens moralïde
la théologie dialectique : n'aura-t-elle pas pour résultat 4e supprimer
toute action morale, d'opposer aux besoins sociaux ùhë attitude:de
contemplationpassive/et de résignation charitable? Mais ce problème
moral dépend du problème religieux. Or, malgré beaucoup d'affir-
mations agnostiques, Barth a de Dieu une conception positive:
Dieu est pour toutes choses « leur premier moteur et leur dernier
repos, la Cause qui soulève tout et la Fin qui fonde tout. » (2)- Cette
Cause et Fin suprême produit mie action qui est une 'dégradation :
le péché est la chute, cosmique, c'est-à-dirè la création, déchéance
:

antéhistùrîque d ont la faute d'Adam n'est que le; premier effet. Au


ïond,le péché est simplement l'existence finie.Et naturellementl'op-
position est tellement radicale entre l'existence temporelle pécheresse :
et l'Infinité divine que de l'une à l'autre nul passage, n'est possible.,
M. Kehnscherper montre aisément qu'une semblable conception
est absolument opposée au Nouveau Testament, selon lequel le,
péché est une résistance personnelle, consciente;volontaire, à la
volonté de Dieu. Pour substituer à la notion néotëstahientairé; du
péché l'idée de la création-déchéance, il a fallu emprunter cette idée
-
antichrétienne à une philosophie. Au processus de dëchéàuce s'op-
pose un processus de retour vers l'Unité divine: là encore Barth
donne le même enseignementque Plotin. Et sile péché est cosmique,
la rédemption aussi est un processus cosmique : la morale consiste
en ce que l'homme se délivre de la multiplicité, dél'aitérité,,en reve-
nant à l'Unité delà synthèse. Quant à une action humainequi s'es-
saierait à créer dés valeurs sociales, elle mériterait lés mêmes;condam-
nations que lès entreprises impies des Titans. M. K, a raison devoir
dans cette morale une réapparition des philosophies païennes:
Mais s on interprétation de Barth est-elle sûre? Ille faut'croire.
Car M. Albrecht OEPKE, qui pose le problème/de tout autre fa-
çon (3), aboutit aux mêmes conclusions. M..-Oepjke distingue 'deux
genres de mystique : l'une, affective, tendaiicé à; s'unir à Dieu,: à
s'absorber en son unité, mais maintenant Dieu personnel distinct
du moi humain : l'autre^ intellectuelle, beaucoup-plus/radicale, ab-
sorbant le-moi humain dans un Dieu immanent, ce Dieu Imminent
- restant néanmoins inçommensurablement transcendant par rapport
au moi empirique; Ceserait une ironie des choses si Earth, tellement:
dédaigneux de la mystique affective et du « Psychologisrne »,;ën--;
seignait en réalité une mystique beaucoup plus radicale que celle qu'il
condamna.

(1) G. KBHNScHERpER.XJz'e dialektische Théologie XKarl>ÏBarths imXichtè der,


sozial-ethischen Aufgaben der christlichen Èirche. Berlin, Trowitzsçii, 1928. "
(2) Rômerbrief, pj 11. /'
(3) A. OEPKB, Karl Barth und die Mystik. Leipzig, Dprîflïng und Frapke,
1928; in-8, 92 pp, :/' .
-/ /: " '
/:;;
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE 377

Or, continue Oepke, c'est précisément ce qui a lieu, et il se charge


d'en fournir les preuves.
L'idée centrale de Barth est que « Dieu est Dieu », qu'il est absolue
origine. Le rapport d'une conscience individuelle à Dieu signifie que
tous les.prédicats de cette conscience sont supprimés, « même celui
d'identité à soi-même » X1). Sans doute, Barth affirme la personnalité
de Dieu,imais par là il entend que Dieu nous impose une loi. Quand
Barth se met en face de la nature et de l'histoire, loin d'y voirl'action
de la Providence, il y note seulement avec sarcasme les curiosités
d'« un jardin zoologique». En ce qui concerne Dieu, seule vaut la
éméthodê négative. Dieu est ce qui met en question notre vie, ou
ne va à lui qu'en passant « le fil de fer barbelé, chargé électriquement,
de la ligne de la mort. » Là cesse toute valeur humaine. Bien plus, le
moi méteinpirique (c'est à dire le nouvel Adam, le Christ Esprit) est
l'Esprit de Dieu : « Jésus-Christ est — ce n'est pas moi — mon mo i
existentiel, le moi que je suis en Dieu, dans la liberté de Dieu. Grâce
à Dieu : par Jésus Christ Notre-Seigneurje ne suis pas le malheureux
homme que je suis. » (2). De ces textes si étranges pour un chrétien,
M. Oepke en rapproche un de Plotin : « il est devenu un autre et
n'est plus lui-même. »(s) C'est le lat tvam asi des Hindous, «tu es
cela ».
La Révélation va donc prendre l'apparence mystique des religions
de l'Asie, négation de tout pour se perdre en Dieu. La Révélation
est transhistorique : l'action de Dieu n'a rien à faire avec « une my-
thologie, un pragmatisme, des récits historiques. » (4). « Les radia-
tions ou plutôt les étonnants gouffres» (E) et vides ne sont pas,
même quand ils s'appellent vie de Jésus, un autre inonde qui en
Jésus toucherait le nôtre. Notre monde,en tant qu'il est touché en
Jésus par l'autre monde, cesse d'être historique, temporel, substan-
tiel, directement intuitif. » (6). Sur la Rédemption, les formules sont
aussi inquiétantes :« Nous croyons notre identité avec l'invisible
-homme nouveau, apparaissant au-delà de la mort de la Croix.
Nous croyons notre existence éternelle fondée dans la connaissance
de la mort, dans la Résurrection, en Dieu. » (7). Formules qui auraient
pu être celles de Spinoza. M. Oepke estime qu'elles ont le même sens
que les formules hindoues : Aham brahma asivi, « je suis Brahman ».
L'Eschatologie, sur laquelle Barth insiste tant, n'est qu'une ima-
gerie apocalyptique pour décrire les rapports du fini à l'Infinï.Médî-
tez ce texte :« Les: choses dernières, en tant que telles, ne sont pas les
choses dernières, quelque grandes et importantes qu'elles puissent

(1) Die Auferstehung der Tolen, p. 272.


(2) Rbmerbrief; p. 252.
(3) Enn., VI, 9,10.
(4) RSmerbrief, p. 260.
.
(5) Einschlagstrichter, mot qui ne nous paraît pas traduisible,
(6) RSmerbrief, p. 5,
(7) Ibid./p. 182, .:
378" THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES -

toujours être. Celui-là parlerait des choses dernières, qui parlerait,


en l'entendant absolument, ondamentalemeiît, de la fin de toutes
choses, de leur fin, d'une réalité si radicalement supéfieure à toutes
choses, que l'existence de toutes choses serait fondée en elle seule;
et qui parlerait de leur fin de telle manière qu'en vérité cène serait
pas autre chose que leur Commencement »(1). Àprèseelà, ilestpermis
de dire, avec Althaus,qu'une telle eschatologie est. simplement «la
tautologie du rapport dialectique du temps et de l'éternité. »
Avouons-le, dans la dogmatique de Barth, le Bpuddhisme se mêle
au Christianisme. Citons la conclusion de Oepke : « La lutte entré
l'Évangile et l'Asie est engagée sur toute la ligne,.. Qû*on ne se
représente pas là chose, comme s'il s'agissait d'un tournant absolu-
ment nouveau dans l'histoire de l'esprit humain. En réalité" là lutté
est aussi ancienne que le Christianisme lui-même, et déjà au commen-
cement de son histoire elle a été engagée avec une non moindre vio-
lence. Elle durera autant que durera l'histoire:»: (p. 9).
La théologie de Barth, on le voit, renc ontre des adversaires. Lès
uns, comme Oepke, lui reprochent de mettre à la/place du message
évangéliqué une philosophie de l'Un ineffable, dé Verser dans le vase
chrétien là liqueur des mystiques de l'Asie. D'autres lui reprochent
de se dire chrétienne, alors qu'elle supprimel'essence même dÙjChris-
tianisme : le Pieu miséricordieux, le Père, rami,tout près de nous et
plus intérieur à nous que nous-même. M. Bernhàrd DÔRRIES à inti-
tulé son livre : «Le Dieu lointain et le Dieu proche » (è). Et il fîiut re-
connaître que le langage de M. Dôrries, encore que moins chargé de
mots bibliques q ue celui de Barth, est autrement plus chrétien. Le
Christianisme, dit-il, est la religion de tous, la religion qui pénètre
la vie, la religion de tous les jours. « Le « chaque jour » ne peut pas
être sans le dimanche. Autrement il ne serait pas un jour, ilsérait
sans lumière et sans chaleur. Mais le dimanche est pour le « chaque
jour ». Le.«chaque jour» remplit la semaine.; Le« châqUè/Jour » est
la vie. Le dimanche doit être la source delà force pour cette vie.
En chaque jour trouver Dieu, en chaque jour servir Dieu, le Dieu.:
proche.le Dieu qui n'est pas loin de:chacun, c'est cela qui lait là vie »
(p. 115). Or la prédication de Barth ignore déïiberémèntle « chaque
jour » : elle annonce,le dimanche,le Dieu uniquement et effroyable-
ment lointain. Pour l'existence ordinaire, elle laisse chacun sans se-
cours dans sa solitude, t conception; delà
M. Dorries rappelle d'abord cette extraordinaire,
religion comme d'une intrusion en nous d'unpouvoiftotalement
extrinsèque;: «l'existence de Dieu élève comme qui dirait le mur
obstruant toute vue, d'im voisin ennemi, elle entré au milieu dé notre
vie comme tin poing serré » ( 3) Pour Barth, le sens de la relîgîonest'
la mort, son rôle est de mettre l'homme hors de lui-même. Pour qpi

"(1)Die Aujerstehung der Tofcn, p. 59]


(2) B. DÔBRÏES, Der ferme und der nahe Gott. GotKa, Kïotz^;1927 ; inJ8,146 pp.
(3) Romerbriet, p. 299. ,;
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE 379

aie sens de l'Évangile, de semblables textes font horreur. Barth a


beau ajouter ensuite que la justice de Dieu est pardon, que la mort
est vie, que la « 'maladie mortelle » de l'humanité est la despcratio
fiducialis et la résurrection, nous nous rendons compte qu'il y a,
dans ces affirmations, bien autre chose que la doctrine luthérienne
de la corruption de l'homme et de la fustitia forensis. Il y a le Pessi-
misme hindou, le Vouloir d'échapper aux illusions de la Maya en se
réfugiant dans le néant divin. M. Dôrries examine successivementles
conceptions de Barth sur Dieu, sur la foi, sur le monde, sur l'Écriture
Sainte, sur Jésus-Christ, sur la morale, sur la loi, sur la prédestina-
tion, sur la vie destinée à l'honneur de Dieu, sur le Millénarium, sur
la famille, l'État, la guerre, l'économie. Partout là, aux paradoxes
désolants de Barth, il oppose l'Évangile réel.
Dans ce bulletin consacré à la théologie dialectique, nous croyons
avoir le droit de placer le travail de M: Georg HOFFMANN, « le problème
des fins dernières dans la nouvelle théologie évangélique» (1). En
effet, le renouveau des études eschatologiques est dû en partie/à l'Écoie
de Barth. Tandis que les écoles protestantes du xixe siècle tenaient
l'eschatologie pour un accessoire, l'intérêt actuel des théologiens
y revient. D'une part les historiens ont remis en lumière la part
qu'avait la fin des choses dans la pensée de Jésus : « Toute la pensée
néotestamentaire, écrit Brunner, est orientée eschatologiquement
vers la fin de l'histoire. » ( 2) Et voilà que les plus grands noms de la
théologie évangélique, un Wobbermin, un Reinhold Seeberg, un Alt-
hatis, sans compter d'autres de moindre notoriété, se sont mis à
enseigner une théologie des fins dernières. M. Georg Hoffmann en-
treprend d'abord d'exposer les diverses S3'stèmes eschatologiques qui
ont cours ; dans une seconde partie, il expose le sien.
La première eschatologie examinée est celle qui est fondée sur la
Bible. M. Hoffmann estime que l'entreprise est irréalisable de bâtir
sûr l'Écriture une doctrine des fins dernières. L'Écriture présente-
rait des traits inconciliables, on n'y saurait distinguer ce qui est
figure de.ce qui est réalité ; même les paroles de Jésus seraient à ce
point influencées par les circonstances historiques qu'on n'en pour-
rait extraire des données s'imposant à là foi. Alors se présentent les
eschatologies spéculatives,parmi lesquelles la plus significative est
celle de R. Rothe (3). Selon Rothe, la pensée de Dieu est immédiate-
ment donnée avec celle du moi, et la piété peut se confier sans aucune
crainte à la spéculation a priori, parée que Dieu ne fait qu'un avec
la nécessité logique, et que le monde réel représente une idée divine
déA^eloppée génétiquement par une spéculation absolue. Or, la créa-
tion est un processus qui va à une fin divine, et par ailleurs la
création, en tant que telle, est incapable d'atteindre la perfection

(!) G. HOFFMANN^ Das Problem der letzten Dirige in der neueren evangelisçhen
TfteoZosz'e. Gôttingen,Yandenhoeck, 1929 ;in-8,120pp.
(2) Die Mgsiik und das Wort, p. 268. '.
(3) Theologische Ëlhik, 2* éd.,'5 volumes, 1867-1S7Î.
380 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

de l'Absolu. Pour résoudre cette antinomie, on admet qu'il y a une


pluralité unitaire, organique, de cycles fermés, dans lesquels l'idée
divine se réalise progressivement. De là, une double eschatologie:
là perspective de la série infinie des mondes finis, formant l'organis-
me des mondes spirituels ; et celle de chaque monde ayant sa propre
fin. Dans nôtre mondé à nous, la fin,qui est la réalisation du Roy-
aume de Dieu, est obtenue, malgré le péché, par la Rédemption,
puis par la victoire du Christ à la fin des temps : après quoi l'huma-
nité conrmenceraiiiie existence nouvelle dans une sph ère supérieure.
A ce sytème spéculatif de Rothe M. Hoffmann reproche : 1°) de ne
mettre un terme à l'évolution du fini que par un coup de force philo-
sophiquement injustifiable ; 2°) qpe le fini ne peut tendre vers l'éter-
nité qu'à notre point de vue ; l'éternité reste en elle-même inaccessible
au temporel. D'ailleurs, ajoute-t-il, la Critique kantienne a pour j a-
niâis établi que de telles spéculations sont illégitimes.
Il accepte, au contraire, le principe de l'eschatologie à laquelle il
donne le nom à'unterhauende,. et qui consiste à s'appuyer sur la
substruction delà foi pour affirmer^ à titre de postulats, ce qui est
nécessairepour achever l'édifice. Seulement, la méthodeici employée
sera forcément, ou biblique, ou spéculative. « L'espérance d'éternité
de la foi chrétienne dit seulement que pour chacun et pour l'humanité
il y aura une consommation, que la réalisation en sera un acte de
puissance du Christ glorifié, et que par rapport à lui la destinée de
chacun se décidera. L'espérance de l'éternité ne contient rien de plus
en fait d'énoncés sur le processus de la fin » (p. 19). L'eschatologie,
énoncé de foi, non de spéculation, se bornerait, pour les uns, à af-
firmer la vie de chacun après la mort-et la consommation du Royau-
me de Dieu (V) ; d'autres se risquent jusqu'à parler d'une catastrophe
terminant le monde actuel et d'une résurrection des morts (2). Or
.
l'idée de consommationévoqueiiTésistiblèmentl'idée d'un achèvement
total de l'oeuvre divine valant par elle-même.Mais une oeuvre créée
peut-elle valoir quoi que ce soit par rapport à Dieu ?
La question ainsi posée appelle là réponse de Barth, d'une escha-
tologietranstemporelle (.?). Inutile de la décrire : nous la connaissons.
Elle a, dit M. Hoffmann,le mérite déposer l'impossibilité d'un espoir
humain qui se fonderait sur l'homme ; mais elle méconnaît l'essence
de la foi chrétienne, 7qui est d'espérer Vraiment et d'espérer une réa-
lité. A la place du Ciel, Barth a mis « l'illumination transcendantale
du moment- présent » (p. 35). Et assurément l'éternité spinoziste
goûtée dans l'instant ne compte pas pour le chrétien qui attend de
posséder le Dieu vivant/Dans Un excursus, M. Hoffmann compare
les concepts d'eschatologie téléologique (traitant d'une fin objective

(1) Schulze, Girgensolm.


: -,
(2) KAFTAN, Dogmatik^ p. 671. — (3) Nous traduisons" ainsi juperzeiliiche.-
Hypertemporelle serait un mot hybride ; supertéinporeile donneraitl'idée que
l'éternité est le temps et plus que Ifli, :"
; '';/ '!./<
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE 381

des choses) et d'eschatologie axiologiqué (qualifiant la valeur pré-


sente des choses par rapport à l'éternité), et il déclare, avec raison,
qu'une eschatologie axiologiqué est un succédané dépourvu dé toute
vertu.
Dans la seconde partie, il établit sa propre doctrine. Elle repose
sur ce principe que le futur éternel vers lequel tend la foi de l'huma-
nité n'est pas autre chose que la « pleine, illimitée union à Dieu, par-
ticipation à saplénitude de vie, domination de Dieu sur tout et en
tous (p. 53) ». Or cette aspiration de la foi est immédiatement pré-
sente dans la promesse divine du salut. On pourrait donc essayer dé
fonder l'eschatologie, soit comme postulat de l'indestructibilité du
salut, soit comme postulat de la consommation du salut, soit comme
postulat de la certitude de la justification, soit enfin comme postu-
lat du « fait du Christ ». Mais ces procèdes particuliers pour fonder
l'eschatologie ne donnent pas son plein sens à l'espérance de l'éter-
nité,Il faut penser les choses dernières en une perspective plus com-
préhènsive : l'union présente avec Dieu indique un accomplissement
futur, le salut présent est un provisoire qui ne peut être que provi-
soire. Il est donc essentiel à la foi d'être beslimmende Blickrichtung,
elle dirige le regard de l'âme pour.préciser les espérances. Delà le
doublé caractère de l'eschatologie, qualifiant le présent et détermi-
nant l'avenir. Elle a une fonction critique: tout ce qui.est donné
dans le temps est soumis à la loi de la mort. Elle a une fonction téléo-
logique : rapporter ce qui est donné dans le temps à sa consommation,
lui assigner une fin. L'éternité est au-delà de la ligne du temps et à
chaque instant également proche.Mais elle est aussi derrière la ligne
du temps, il y aura une fin du temps. L'avenir éternel est aussi bien
consommation que rupture du temps.
Tel est l'effort, bizarre et compliqué, de M. Hoffmann, pour tirer
de la foi des fidèles ce que nous estimons devoir être tiré de l'Évan-
gile. Le lecteur aura remarqué que cette eschatologie est en partie
axiologiqué au sens de Barth; mais elle est, heureusement, téléolo-
giqûe en plus. Le préjugés philosophiques issus de Kant, l'absence
d'une autorité qui garde le sens de l'Évangile, produisent ce résultat
que le théologien évangélique'doit trouver les dogmes chrétiens dans
la conscience religieuse. Il faut bien pourtant que cette conscience :

religieuse, si elle est chrétienne, ait reçu ses croyances de Jés us-Chiist.
A travers cette série d'ouvrages inspirés par Barth ou destinés à
lui répondre, il nous semblait voir la Théologie dialectique .'envahis-,
sant tout le Protestantisme allemand. Les apologètes qui défendent
un donné révélé contre une doctrine adverse sont souvent amenés à
traiter le problème, dans les termes où l'a exprimé l'adversaire, et
après avoir imposé les données, celui-ci finit par imposer sa solution.
Gardons-nous cependant de croire que l'église évangélique entière
adore aujourd'hui le Dieu totalement inaccessible, et que son unique
espérance est d'illuminer l'instant présent des clartés transcendan-
tales de l'éternité. Voici l'oeuvre de Wilhelm KOEPP : elle ne propose
pas, à la place du Dieu de Jésus-Christ, l'Un ineffable de Plotin ;
elle ne condamne pas la vie~humaine comme identique au péché;
382 THÉOLOGIES CHRETIENNES NON-CATHOLIQUES

elle veut être une métaphysique de la foi chrétienne authentiqué^1).


Nous devons retracer lès principales phases 4è cette construction,
théologico-mëtâphysique, laquelle prend absolument le contrèpied
de Barth. 'V-..,.-;.. .''
La foi chrétienne, dit Koepp, est essentiellement un Réalisme, La
révolution de Copernic a eu beau isoler le. monde 'créé/dès mystères ,
invisibles ; la philosophie a eu beau transformer lé Dieu réel eiî no-
uions idéales ; la foi, depar sa nature, Veut tout expliquer. Impossible
au chrétien de lie pas fonder sur saf oiùiie doctrine du réel. M- Koepp,
eii développant sa foi en métaphysique, suivra doiic lès tendances
dé safoi et sera-lidèle àlâ Révélation : rà yàoMv.evjna ndvTaiQEvvâjxal
xà fiddi] tov &Eoë\ Ces paroles de Paul sont l'épigraphe du
;
livre, et en marquent bien la manière une métaphysique qui a pour
fondementune phénoménologie de la conscience religieuse chrétienne.
Il faut d'abord savoir jusqu'à quel point une métaphysique est
possible. La pensée rationnelle n'atteint jamais l'absolu: on tâche
bien de la purifier des éléments préràtionnels^ mais/il ensubsisté
toujours. Cependant, si les connaissances portant sui" le Was;(sur
la nature) sont relatives, celles portant sur le dass (sur l'existence)
peuvent être absolues. On donnera à ces connaissances absolues le
nom de Bewussiwerdung, (prise de conscience). Au-delà deTôxpé-:
riencé proprement dite, au-delà des objets delà raison dont l'exis-
tence est une sorte d'absolu, il y aies idées, sphère qui a sa nature
proprè,sa valeur et ses traits particuliers.Le itlohde des idées se'dis- 1

tingue par quatre; caractères du monde de la logique discursive


3 °) tout y est déterminé en une absolue unilinëàrité, 2°) tout y est
irrepréseiitabîe, 3°) il a Sa réalité a Lui, car tout, y à valeur de réalité
et recouvre du réel ; 4°)i on n'y arrive pas seulement p-ar abstrâçtiori
de l'expérience et par enchaînement logique, mais par intuition. Ce
monde des idées a sa mystique : il n'est pas empiriquevet pourtant il
s'impose à l'expérience. Le lecteur s? aperçoitquehOùssomiïies à là
fois dans un réalisme critiqué et dans la méthode phénoménologique :
l'objet de la foi va être saisi par une -WesensschauMardàhsla folse
présentent les idées, suprêmes, et.-le croyant réaliste doit ensuite met-
tre en rapportl'idée que la foi a de Dieu avec les idées du monde.
Pour analyser l'objet de la loi, il est sans douté légitime d'entre-
prendre une description des Croyances des; fidèles d'aujourd'hui.
Mais M. Koepp déclare avec raison que là source essentielle de la foi
chrétienne est l'Écriture, et avant tout Jésus connu dans l'Écriture.
Jésus a parlé eh images': le théologien doit lès ràssènïblèr et ïnettre
en lumière les principales pour en extraire le sens Orlès images em-
1.

ployées par Jésus pour manifester Dieu s'ordonnent autour de/deux


Conceptions centrales : Dieu est le Père, (l'ami, le maître de maison^

(1) W. KOEPP, Pctnagape, eine Metaphysikdes ChristehtumSi Gûtèrsloh,,Ber-


telsmann, 192S ; 2 vol. in-8, — Gruhdlègung der indukliven Théologie, Ibidem,
'."'.""" '."
6? Pp. .' ;.:
.
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE Î58§

le propriétaire bon au-delà de toute justice; le j uge,celui qui compte les


cheveux et vêtit les lys—11 aime, pardonne, suit,prévoit,aide, sau-
ve) et le Roi (le juge, le maître juste qui exige tout, celui qui possède
le bonheur et le donné, à qui il veut). Jésus n'explique pas les rap-
ports entre ces deux idées centrales, encore qu'il donne visiblement
la prééminence à l'idée de l'amour paternel. Il n'a pas à expliquer,
parce qu'il est en présence d'une réalite concrète, non d'une abstrac-
tion. Par ailleurs, il affirme l'accomplissement, la consommation
(prédication à Nazareth,béatitudes, parabole des noces, rapport entre
la Loi et l'Évangile) ; dans l'enseignement de Jésus tout est « présen-
ce, réalité, vérité,/accomplissement, perfection» (tome I, p. 74).
Cette conception de la vie est parfaitement une ; et si quelque part
l'éternité;descend dans le temps, elle; apparaît dans l'universelle
valeur des imagés de Jésus.
Paul continue Jéus : il montre Dieu comme majesté sainte de
puissance, comme grâce miséricordieuse. Mais, aux âges suivants,
les penseurs s'attacheront davantage, les uns à l'idée du Père/d'au-
tres à l'idée du Roi, et les deux images dominantes sont le principe
d'un conflit qui va jusqu'à nos jours. Sans se laisser influencer par
cette bataille d'opinions humaines, le théologien doit revenir aux
sources chrétiennes pour y analyser une phénoménologie de la foi.
L'acte simple, primitif (Urph ânomeii)de la foi /st la prière, et
laprière implique également la présence de Dieu pleinement vivante,
son pur Amour tout puissant, sa sainteté... Ces différents traits qui
caractérisentl'objet de la foi se réfèrent à soii origine : la Révélation.
Chacun d'eux est ce qu'il est, et peut comme tel être considéré à
part. Mais c'est là un morcelage abstrait : en réalité Chacun d'eux est
conditionné par tous les autres, ils constituent une unité dynamique
unité du vouloir de l'amour divin.
Cette analyse phénoménologique fournit-elle au penseur des ma-
.
tériaux pour édifier une métaphysique? Elle lui en offre, sinon la
nécessité, du moins la possibilité : la foi chrétienne s'achève en une
philosophie qui est simultanément la contradiction et l'accomplis-
sement des autres religions. Pour cette philosophie, l'amour est to-
talement Dieu, au delà delà sphère subjective de lafoi; en cet amour
s'absorbent tous les autres traits de l'image divine pensée par la foi ;
cnfinl'amour est l'Idée suprême. La sainteté de Dieu est un aspect
sous lequel son amour se manifeste à nous en raison de la limitation
de notre esprit (p. 332). « Pour l'homme moderne qui conçoit cette
philosophie, l'opposition théisme-panthéisme disparaît » (p. 308).
Même doctrine, ati moins en apparence, chez M.. Herniann
SCHWARZ, professeur à l'Université de Grêiîswald. Le livre est bien
intitulé : Au delà du Théisme et du Panthéisme (*), En réalité, il
enseigne ce que l'on a coutume d'appeler Panthéisme.Rejetant tout

(1) H. SoHWAnz, Golt, Jenseiis von Theismus und Pantheismus. Berlin, Jun-
ker and Dùnnhaupt, 1828 j ia-S, 212 pp.
384- THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

ontologisme (et il entend par là toute doctrine qui affirme un


Dieu existant Immuable), il affirme que Dieu est devenir, création
de lui-même : nous expérimentons la Divinité créatrice dans les phé-
nomènes transindividuels, connaissance de la vérité, admiration
de la beauté, etc.
Ein Gott der Liebe gibst du dich im Lieben.
.
Wem tief die Menschheit in das Herz geschrieben,
Schaut dich in ihr, in jeglicher Gestalt.
« Dieu de l'amour, tu te donnes dans l'amour. Celui qui a l'Hu-
manité écrite dans le coeur, il te voit en, elle, en toute forme. » Ces
vers, placés à la première page, indiquent ce que vaut le livre : une
pensée généreuse et dont l'élan devrait aboutir beaucoup plus haut
que là où elle vise en effet, une doctrine religieuse <jui ne dépasse
pas beaucoup une sociologie sentimentale et panthéiste. La recension
en serait mieux placée dans un bulletin de métaphysique.
L'opuscule de M. SCHMIDT-JAPING, privatdozent à l'Université de
Bonn, sur Les conceptions chrislologiques de la théologie dialectique Q-),
est plus dense et plus précis.Sur plusieurs points de première im-
portance, il traite le problème de Dieu et montre l'impossibilité des
thèses de Barth. C'est comme la discussion partielle d'une fonction
où l'on établirait l'irréalité de certaines Valeurs. Discussion bien
conduite et que nous allons résumer. .'""•
La théologie de la Réforme a ce caractère fondamental d'opérer
une réduction extrême des objets auxquels s'intéressaitla spéculation
médiévale. Pour Un Thomas d'Aquin, le monde entier, celui de la
nature et. celui de la grâce, est offert, comme un vaste panorama, à
la raison. Pour Luther, la lumière ne vient que d'une perception
concrète, de la figure de Jésus-Christ qui révèle Dieu. Tous les nua-
ges d'erreurs disparaissent in liice clarissima de Jésus et de l'Écri-
ture. Cette réduction,, « qui paraît inintelligible au catholique (et
pas seulement à lui) (p. 89) » est l'essence même delà Réforme : désor-
mais anima est remplacée par consciehtia, forme par personne, dog-
mes par Parole, Ecclésia par communauté des Saints. Or, c'est cela
même, cette essence de la Réforme, qui est anéanti par Barth.'
L'objet de la foi n'y est plus Dieu se manifestant en Jésus, puisque
l'histoire n'est rien et ne manifeste pas Dieu, et que la vie de Jésus
ne se distingue pas d'événements quelconques. La vie de Jésus est
tout au plus l'occasion grâce à laquelle vient à nous le Dieu totale-
ment autre ; en elle-même, cette vie ne révèle rien. Et bien plus,
Jésus est tout près de devenir un fantôme (p. 108). Le Christ qui
demeure pour. Barth-. un objet religieux est aussi loin de là réalité
concrète qu'il l'est pour Hegel. Il n'est qu'« un symbole ati sens
strict» (p. 107), On ne peut pas être plus loin de Luther. Par là

(1) SCHMIDT-JAPING. Die cliristlichlogischen Anêchauungen der dialeklischen


Théologie. (Extrait de l'Apologetische Jalvbuch, 192.5), Gùtersioli, Berteismànn,
sans date.
" THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE 353
-.-

sent être admises par nous. Le Rév. C. S. GILLETT réfute avec force
les griefs protestants contre le sacerdoce, et le R. P. THORNTON ap-
porte de solides arguments pour l'adoration et le culte public du
T. S. Sacrement en dehors delà messe. Le rapport intitulé « Commu-
nion avec l'homme », par le Rév. D. SYMON offre un tableau, très
suggestif de ce que doit être la pénétration par l'Église de la société
moderne. Deux études sur les « rites » et les « cérémonies » euchari-
stiques témoignent que le « ritualisme » reste l'un des traits carac-
téristiques du mouvement « High Church». Enfin des «vicars»
de paroisses font part d'expériences de leur ministère, émouvantes,
et révélatrices d'uiie réelle dévotion populaire.
Tout cela, pénétré de piété, d'esprit religieux et de zèle aposto-
lique, éveille assurément la sj'mpathie du lecteur Catholique ; mais
en même temps il ne peut se défendre d'une tristesse trop justifiée :
car il ne saurait reconnaître la validité des ordinations anglicanes,
ni par conséquent de l'Eucharistie célébrée par des ministres angli-
cans. Est-ce à dire que ce culte est sans fruits ? Non certes, et notis
pensons qu'il constitue la plus intense des prières. A ces âmes qui
le cherchent et proclament par toute leur conduite la faim qu'elles
ont de lui, Dieu veuille dispenser un jour, avec la lumière totale, le
véritable Pain de vie !
Avec le livre du Professeur MACINTOSH sur « l'Expérience chré-
tienne du pardon»^1), nous quittons le courant sàcramentaliste,
et nous abordons un aspect bien différent de la pensée théologique
anglaise, celui que le Dr. Vollrath, dahs l'ouvrage analysé en tête
de ce bulletin, donnait comme caractéristique des églises dissiden-
tes : la rédemption du péché, la réconciliation (the Atonement).
Voici comment se présente cette étude, d'après le plan qu'en trace
l'auteur lui-même dans s'a préface : « Le point de départ est pris
dans l'expérience chrétienne individuelle, et le sens qu'y revêt
le pardon, aussi bien que le besoin qu'on en a. Puis on fait voir en
la personne de Jésus la garantie suprême du pardon pour le pécheur,
et l'attention est appelée sur les grandes convictions qu'il inspira
à des croyants comme S. Paul et les Réformateurs. Le pardon en
tant qu'acte divin est analysé ensuite, potir la conception de Dieu
qu'il permet de former ; la réconciliation est étudiée en ce qu'elle
signifie le prix que coûte à Dieu le pardon ; un chapitre est consacré
à la question psychologique : comment l'homme reçoit le pardon ;
enfin l'on dit quelque chose des effets que produit le Sentiment du
pardon reçu, dans là vie individuelle et sociale » (p. xi).

(1) H. R. MACKINTOSH, D/Pkil., D. D. Professer of Theology, New Collège,


Edinburgh. The Christian Expérience of Porgivencss. Loiidott, Nisbet, 1927;
in-8,xvi-295 pp. Cet ouvrage appartient àla collection TheLibraryof Constructive
27îeoZog7/,inaugurée par le livre du Rev. 0. G. Quick, recensé ci-desstis (cf. p,
349).
REVUE DES SCIENCES. — t. XIX.,FASC. 1.—-23,
354 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUÈS

M. avoue que l'orbe suivi présentait seulement c une certaine


convenance », et en e .ton s'aperçoit, à la lecture, que le livre tout
entier tourne autour d'une seule idée contemplée de différents
li oints de vue, sans qu'il y ait une véritable progression delà pen-
sée, du début à la fin: l'idée luthérienne delà justification par la
foi seule. Le terrain de la discussion est aussi d'un bout àl'autre
celui de l'expérienceaffective. La foi dont il s'agit est évidemment
la foi-confiance. Si l'auteur affirme l'universelle corruption de la
nature, ce n'est point au nom d'une doctrine théologiques fondée
sur la Révélation : « la réalité et le caractère de la Chute, la nature
du péché originel, la genèse dupéché », tout Cela «peut être mis de
côté comme étant en somme étranger à notre dessein» (p. 51) ; il
suffit de «regarder dans notre propre poitrine» (p. 52) pour y
trouver « la mauvaise conscience » qui témoigné que notre volonté
est viciée et que le péché est en nous, ou plutôt que nous sommes
pécheurs.
La culpabilité est décrite également en termes de conscience et de
sentiment : c'estl'aspect ou la qualité du péché qui « nous force à
nous condamner nous-mêmes, avec en même temps la conscience
que Dieu nous condamne » (p. 65); sa réalité n'est pas condition-
née par « quelque solution imaginable, mais problématique, de la
question du libre-arbitre » (p. 66) ; elle ne saurait se prouver ra-
tionnellement, mais elle existe indiscutablement à la lumière de
la conscience morale et de l'expérience religieuse.
Le problème du libre-arbitre est pourtant posé, mais sur le plan

de l'expérience morale : « Soutenir que tous les hommes ont be-
soin quotidiennement d'être pardonnes, c'esL/ au fond, soutenir
que le devoir ne peut être accompli, et que l'effort pour l'accomplir,
puisqu'il est nécessairementvain, est superflu ». C'est probablement,
ajoute M., « le plus formidable argument qu'on puisse opposer à
«la doctrine évangélique du pardon», et une bonne partie du li-
vre n'est autre chose qu'une réponse, directe ou indirecte, à cette
difficulté (p. 16).
M. ne veut pas entendre parler d'une solution qui ferait intervenir
le mérite. Cette idée du mérite, qui très tôt, selon lui, évinça de
l'Église l'idée de la justification par la foi, est « étrangère au N.T. »
(p. 138), en dehors de la morale ou du moins à sa place seulement dans
une morale utilitaire ; elle n'appartient pas à notre expérience la
plus haute, mais à l'ordre des notions courantes, légales et semi-
morales (p. 139) ; eh aucun cas il ne saurait y avoir de mérite devant
Dieu (p. 141) et d'ailleurs «la conception évangélique de la foi
(fiducia) tient l'esprit à un niveau auquel la pensée du mérite est
sans aucune signification et même nous répugne » (p. 142).
Enréalité, M. se fait une idée assez étrange du mérite ; celui-ci -
consisterait à pouvoir « faire plus que notre devoir et parla réclamer
récompense » (p. 132) ; il confond aussi le mérité et la satisfaction,
parle du transfert des mérités comme d'une doctrine catholique et
-fait intervenir à ce propos les indulgences (pp. 137-138). Que le mé-
rite puisse s'accorder avec la grâce et même dépendre d'elle, c'est
THÉOLOGIES DE LANGUE.ANGLAISE 35S

une conception qu'il rencontre, en esquissant la pensée augusti-


nieniie, mais qui n'entre pas dans son esprit. '
Ati reste sa pensée n'est pas très claire en ce qui concerne la
nature et lès effets de l'opération de grâce. Nous pouvons lire
d'une part des phrases comme celles-ci: «... ceux qui sont en-
core pécheurs quoique; pardonnes... » (p. 145) ; « En cette grâce
de pardon, Dieu traite l'homme comme s'il était déjà juste ; il
ne lui impute pas le péché qu'il a, mais lui impute uhe droiture
qu'en lui-même il n'a pas » (p. 146). Et d'autre part il nous est af-
firmé que la grâce, au sens de Luther, est « effective aussi bien
que déclaratoire », car « la présence de la foi est la présence d'un
coeur nouveau » (p. 149). Au fond, ce sur quoi M. veut insister, c'est
que la foi n'est pas condition de la justification, mais qu'elle est
la justification même. C'est là le leit motiv auquel il revient sans
cesse.
L'attitude de Dieu à l'égard du pécheur est exposée à l'aide de
l'analogie, qui court à travers tout le volume, du pardon accordé
d'homme à homme. Le procédé est légitime certes et même fonda-
mental de toute théologie, mais son application demande du discerne-
ment si l'on veut éviter des anthropomorphismes regrettables. Or
ici M', necraintpas déparier, et à plusieurs reprises,d'un changement
réel en Dieu « si les conditions se sont modifiées », et cela sous prétexte
que Dieu veut et agit (cf. pp. 163, 178). Bien plus, ayant discerné
justement que l'homme qui'pardonne (Vraiment, c'est-à-dire par
amour) s'identifie en quelque façon avec l'offenseur et souffre de sa
faute, il construit à partir de cette remarque psychologique toute
l'économie de la Rédemption, parle sans précautions suffisantes de
la souffrance de Dieu, va même jusqu'à approuver l'expression:
« le sacrifice du Père » (p. 209) et conclut : « la souffrance intem-
porelle de Dieu du fait de la malice humaine devient visible dans là
passion du Christ » (p. 216).
Aucune allusion n'est faite, en revanche, aux exigences de la
justice divine; cette idée lui apparaîtrait sans doute, comme
celle de mérite, d'ordre «légal et commercial » (p. 137). «<Léga-
lisme » aussi la doctrine selon laquelle la justification, une fois
reçue, peut se perdre, et c'est la grande objection à faire au sa-
crement de pénitence, qui suppose que chaque péché.mortel
enlève au pécheur la qualité d'enfant de Dieu (p. 247). L'assurance
du pardon n'est pas distincte de la foi ; elle se trouve dans le regard
confiant vers Jésus. Aussi le rôle de l'Église dans la médiation du
pardon est simplement de rendre possible Ce regard : 1° par la prédi-
cation de l'Évangile ; 2° par l'exemple du pardon : pour que le par-
don de Dieu soit croyable il faut qu'on puisse en faire l'expérience
dans une société humaine ; le rôle de l'Église, par son attitude de
pardon, est de donner confiance en celui de Dieu.
Le livre se termine ainsi, toujours sur la même note. En somme
il nous offre un luthéranismeadouci, attendri dirions-nous volontiers,
qui ne pose plus les problèmes difficiles, et se contente de prêcher
à l'homme pécheur, avec une émotion religieuse qu'il faut recon-
BS6 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHÙLIQÙÊS

naître et qui peut être bienfaisante, une attitude d'humble confiance 1

envers un Dieu paternel et misécordieux.


Nous ne pouvons que passer rapidement -^sur un petit livre_de
G. E. TARNER (X), qui contient des choses bien diverses : dés consi-
dérations apologétiques, parfois assez inattendues, sur les Évangiles,
le Christ, la Création, la préhistoire (les hommes de l'âge de pierre
ne seraient que des chimpanzés un peu supérieurs), voisinent avec
des listes de noms et de dates qui représentent «les progrès, et
l'établissement du Christianisme». Un dernier chapitre est consacré
à «l'Église mystique, moisson de la Rédemption du monde».
L'auteur, qui semblé avoir un zèle ardent pour lâT diffusion de
l'Évangile, invite les « branches de la Chrétienté » à s'entendre sur
un Credo «fondamental», afin de favoriser l'oeuvre missionnaire.
Il nous reste à examiner deux ouvrages qui s'occupent, en sommé,
chacun à leur manière, de l'autorité de l'Église. Leur différence
serait assez bien caractérisée par la distinction scolastique d'objet
matériel et d'objet formel : cela suffirait à expliquer que l'un est
fort gros, et l'autre assez menu, que le premier est abondamment
fourni de notes et d'index, tandis que l'auteur du second déclare
avec bonhomie qu'il a autant que possible évité même les références
au N. T. : « Si les lecteurs ont quelquefois à leur « faire la chasse »,
a ils auront peut-être l'avantage de trouver plus qu'ils.ne cherchent.
En tout cas, il existe des concordances» (Pr'éf. p.lv).
Le contenu du livre du Dr. C. S. CADOUX (2) est presque entière-
ment d'ordre négatif et polémique. C'est la raison pour laquelle
nous ne l'analyserons pas longuement. Il passeen revue, dans une
première partie, les «prétentions» du catholicisme, c'est-à-dire
principalement la doctrine de l'infaillibilité de l'Église et du Souve-
rain Pontife, et le j ugementp orté p ar l'Égliseromaine sur les chrétiens
qui sont en dehors de sa communion (hérétiques et schismatiqties).
Cet exposé est déjà tendancieux. Il se termine par un chapitre où
C, non sans de multiples précautions oratoires," et sans avoir soin
de jeter discrètement des ombres à côté des lumières, énumère
« les avantages et les
mérites du catholicisme ».
Ce devoir d'impartialité rempli (en 17 pages), il pourra se per-
mettre toutes les violences dans le reste du volume. Nous y voyons,

(1) G. E. TAKNEH. Christianily and tlie Church mysiieal. The Harvest of the
World's Rédemption. Cambridge, Deighton, Bell and Co,1928 ; jn-12, iv-149 pp.
(2) G. J. CADOUX, M. A., D.D. (Lond.), M. A. (Oxon.), Prqï. of New Testa-
ment Criticism,Exegésis àild Theology and of ChristianSoçiology, in the York-
sliire United Independent Collège, Bradford. Çalholicism and Chrislianiiy.
A vindicalionof Progressive Proieslaniism. With à Fpreword byJ. V. BARTLET,
M. A., D. D., Professor-Emeritus oî Church Histary, Mansfield Collège, Oxford,
f.ondou, Alleu and XJnwiii, 1928 ; in-8, XL-708 pp.
THÉOLOGIES PE LANGUE ANGLAISE 357

rangés en bel ordre de, bataille (et c'est ce qui pourrait faire l'inté-
rêt du livre pour ceux qui seraient tenus de soutenir des controver-
ses), tous les arguments ou chefs d'accusation dressés contre l'Égli-
se depuis l'avènement du protestantisme. G. les a groupés en trois
corps : réponse de la philosophie chrétienne, réponse du témoi-
gnage del'histoire,.réponse de la justice humaine. Il serait trop long
et sans intérêt d'en faire un inventaire détaillé.
Dans le premier groupe sont revendiqués les droits de la raison
contre le dogme, de la « lumière intérieure » contre toute autorité
s'imposànt du dehors (Bible ou Église), delà critique contré le « tra-
ditionalisme », la nécessité de recourir toujours en dernière analyse
au jugement privé ; On rejette l'infaillibilité de l'Écriture, de l'É-
glise, du Christ lui-même, qui n'est plus qu'un « législateur moral »
et « le pionnier de notre foi » ; on nie la légitimité de tout credo
obligatoire.
De la partie historique, il nous suffira d'indiquer les titres des
chapitres pour donner une idée de leur contenu : le catholicisme
et les Écritures..,, l'A. T..., les Évangiles (opposition à la lecture
de la Bible, hostilité à l'égard de la critique, commentaires immo-
raux, erronés, puérils etc..) ; la Mère de Jésus (culte de la T. S.
Vierge et naissance virginale de Jésus) ; la Fondation de l'Église ;
Jésus et les Sept Sacrements ; l'Apôtre Pierre et l'Église de Rome ;
les prérogativespapales dans l'histoire ; merveilles fictives (légendes
et reliques de saints, culte du Sacré Coeur, etc..) ; catholicisme et
véracité (subordination de l'histoire au dogme, fausseté, attitude
à l'égard de la science [Galilée], de la philosophie, de la culture in-
tellectuelle [le Syllabus, l'Index]). "]
Enfin, en troisième lieu, C. manifeste sa réprobation de la doc-.

trine des châtiments éternels, s'élève contre les «persécutions»


(les Albigeois, l'Inquisition, la Saint Barthélémy, etc..), et contre
la morale catholique en général.
Le livre se termine par une cinquième partie sur « l'avenir de.
l'Église chrétienne » : les divisions sont regrettables, mais valent
mieux, à tout prendre, qu'une uniformité d'organisation.Le vérita-
ble esprit d'unité est à chercher dans les « Églises: libres » : « le
Congrégationalismerendpossible ce que nile Rbmanisme ni l'Angli-
canisme ne peuvent faire, à savoir : inclure dans l'Église, en tant
qu'organisée, tous ceux qui ont un juste titre à y être inclus»
(p. 681). ;.
C. se félicite, dans ses premières pages, de ce qu'un nouvel esprit
de tolérance et de sympathie se répand dans la littérature polémique
de notre temps (p. 15). Souhaitons qu'il.ait raison et que son livre
ne soit réellement qu'un exemple anachronique de protestantisme
agressif et hargneux. Tel quel, avec l'impressionnant appareil
d'érudition dont il s'enveloppe, il peut faire beaucoup de mal aux
âmes de bonne foi.qui'ne sont point munies d'antidote, et c'est
la grande majorité sans doute de nos frères séparés.
358 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

/Le second ouvrage auquel nous avons fait allusion (x) « n'a point
été écrit dans un esprit de polémique», nous dit. l'auteur, le Rçy.
T. A LACEY, chanoine de Worcester, et il faut l'en croire. Ce
petit livre,en effet, qui ne veut être qu'une « étude de principes»,
traduit un jugement droit et un esprit modéré. Non toutefois que
nous puissions être d'accord avec lui sur tous les points, sur celui
surtout qui restera toujours le critère dernier : la primauté du Siège
Apostolique. Mais beaucoup de ses vues sur l'Église sont saines,
et sa position même, du problème romain est loyale.
La méthode qu'il a suivie en cette brève étude est principale-
ment historique: «Si l'on trouve de claires tracés d autorité
dans l'Église de ce temps [les origines], il se peut que nous soyons
capables de reconnaître la même espèce d'autorité à l'oeuvre dans
lés circonstances, extrêmement différentes, d'aujourd'hui. C'est no-
tre dessein » (p. 6). •
L. commence par distinguer très justement l'autorité morale et
l'autorité légale ; mais dans la suite il aura tendance àlrop diminuer
la seconde au profit de la première. L'autorité des premiers grands
conciles, par exemple, était, selon lui,.« essentiellement morale»
(p. 23) et devait recevoir la sanction du «consentement catholique »,
En revanche, il montre bien que, dans sa distinction progressive
d'avec la synagogue, l'Église ne fut jamais une masse inorganisée :
à l'autorité indivise des Apôtres, à lafois « prophètes »' et. administra-
teurs, succéda sans interruption un épiscopat monarchique et
localisé.
L. étudie ensuite les limites du pouvoir apostolique ,et d'a-
bord celles qui sont « inhérentes à sa nature même ». C'est ici qu'il
rencontre le problème de la « cathedra Pétri ». Sa position à cet
égard est -intéressante par son inconséquence,, même. En effet,
d'une part il admet pleinement la concession à Pierre, par lé Christ,
du pouvoir des clefs, et cela au sens catholique.D'autrepart il recon-
naît que les papes,dans leurs premières revendications delà suprê-
me autorité, se fondent sur le privilège accordé à Pierre et sur leur
qualité de successeurs du Prince des Apôtres.Néanmoins, parce que
ces revendications sont tardives (il assigne la première au milieu
du 3e siècle, avec le pape S. Etienne) (2), il conclut que là:primâtité
de Pierre ne fut qu'un motif invoqué après coup, et qu'en réalité
les évêques de Rome obtinrent la suprématie en raison des « trois
immenses avantages » de leur église : « sa fondation apostolique,
la grandeur de la cité qui était le rendez-vous du monde entier, et

(1) T. A. LACEY, D. D., Canon of Worcester. Auihorily in the Church. ASltidy


of Principles. London, Mo wbray, 1928 ;in-12,! VIII-124 pp.
(2) Le Rev. Lacey a longuement étudié ces problèmes dans son ouvrage
Untty and Schism (Paddock Lectures, 1917, au Tbeological Seminary de New-
York), et dans sa préface aux Select Epistles of St. Cypriqn trealing of the Ep is-
copaie (S, P, C. K., 1922).
THÉOLOGIES DE LANGUE ANGLAISE 859

la garde des reliques des deux Apôtres » (p. 76). Il s'oblige ainsi
â soutenir que le privilège des clefs, réellement conféré à Pierre par
le Christ, disparut presque aussitôt, et que cette disparition est
inexplicable ! (cf. p. 45, 59, 79).
Ainsi la primauté romaine apparait à L. comme le terme naturel
(et d'ailleurs justifié) du développenient hiérarchique de l'Église.
Il ne la range point parmi les «limitations» imposées au pouvoir
apostolique par l'institution même du Christ. De ces dernières,
il retient surtout le caractère exclusivement spirituel de la mission
des Apôtres, et prend texte de certaines paroles dû Seigneur comme :
« Mon Royaume n'est pas de ce monde », et : « ceux qui se servi-
ront de l'épée périront par l'épée», pour refuser à l'Église le pou-
voir coercitif.
Autorité et liberté s'unissent dans la notion même de discipline,

:
qui ne signifie point «punition», mais « formation de disciples ».
Or « nul homme ne peut être obligé, par quelque force que ce soit,
à devenir un disciple ; mais accepter la discipline et refuser ensuite
la direction n'est ni raisonnable ni honnête» (p. 106).
Un dernier chapitre s'efforce d'établir le bilan de la prédication
évangélique, réalisations et insuccès : «l'Église, tandis qu'elle fait
des conquêtes au loin, semble laisser échapper à ses prises le peu-
ple longtemps confié à sa charge... (p. 121). Lé contact parait
?>
perdu ; l'hostilité diminue, mais l'indifférence là remplace. Et de
terminer sur cet appel vibrant et quelque peu angoissé : « Il y a
certainement des époques où il est convenable que l'Église s'appli-
que à de la culture intensive. Mais la jungle aujourd'hui se fait
envahissante. Et puis en auctin temps iln'estperniis des'entenir àla
défensive. La mission de l'Église n'est point de se garder en vie
dans un monde hostile, mais d'amener toute pensée captive à l'obé-
dience du Christ » (p. 124).
En somme ce petit livre est bien fait pour montrer comme s'est
réveillé, chez nombre de chrétiens anglicans, le sens de l'Église,
avec le désir dé la voir forte et organisée; en même temps qu'il
témoigne de la difficulté qu'éprouve une âme, même bien intention-
née, à se rapprocher, par des voies humaines, de l'infaillible vérité.
Le Saulchoir. A. M. AVRIL, O. P.

III. — THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE


L'ÉVANGILE, DOSTOIEWSKI ET L'ASIE.

La théologie,: ayant à enseigner la doctrine.biblique, doit perpé-


tuellement se défendre contre la vie humaine de l'esprit, contre la
tendance de l'esprit humain à Sc-dire-soi-même (Sich-selbst-sagen).
Car notre manière de comprendre consiste à nous assimilerles ttres,
360 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

à les penser comme pensés par nous, construits par nous. Lé théo-
logien, par le fait qu'il exprime la parole de Dieu,la transforme en
une construction humaine. C'est pourquoi tous les grands théo-
logiens se sont rendu-compte qu'ils pensaient et disaient ce qu'il
fallait si ce n'était pas l'homme, mais Dieu quipensait et parlait (a).
Or, cela est absolument impossible. C'est pourquoi la théologie con-
sciente de sa tâche est une théologie « dialectique ».
Telle est la thèse fondamentale de l'école dont Karl Barth est le
chef. Si certains disciples, comme nous le verrons, émoussent le
tranchant de la thèse, Barth l'affile davantage. Il faut parler de
Dieu. C'est absolument impossible. L e théologien doit donc nier cha-
cune de ses affirmations et affirmer chacune de ses négations. Par
exemple, il n'affirme la misère de l'homme qu'en disant sa gloire ;
il lie connaît le péché qu'en sachant que le péché est pardonné. «En
tant quel'impie sait et entend qu'il est cela etrien d'autre, il apprend
que précisément il:est un juste» (2). Si ces contradictions formelles
épouvantent l'honnête bourgeois, ou simplement l'homme reli-
gieux du commun, voici la réponse de Barth : « Mon ami, ; j'ai fait
ce que je pouvais pour te rendre attentif à cela que mon affirma-,
tïon comme ma négation ne prétendent pas être la vérité de Dieu ;
elles prétendent témoigner de la vérité de Dieu, qui est au mi-
lieu, au delà de tout oui et de tout non. » (3). Mais avec la
théologie, c'est toute l'histoire et toute la Bible qui cessent de
dire la vérité de Dieu : elles y renvoient seulement. Tout, le Chri-
stianisme se borne à ces deux mots : Dieu parle. D'une part, le
Dieu au delà de toute pensée ; d'autre part, le néant de l'univers
et de son histoire. Cependant la nécessité de joindre sur Dieu des
propositions contradictoires permet de constituer toute une doctrine
formelle ; et Barth, homme d'une culture universelle et d'une imagi-
nation âprenient puissante, enveloppe ces contradictions dans les
somptueuses images des prophètes. Reste qu'au fond des choses, il
ramène tout à un double mouvementi analogue à celui dé la pro-
cession et du retour chez Plotin :1a corruption du péché et « la résur-
rection des morts » (4). Mort et résurrection qui ont lieu en chaque-
instant, non dans un au-delà. Mort et résurrection qui sont en même'
temps la misère morale et le pardon. Car l'influence de Dostoievreki
a été très grande sur Barth et son école ; touteleur morale consistèà
dévoiler le péché et à en 'prêcher la rémission.L'influence de Dos-
toiewslri? Né faudrait-il pas dire l'influence de l'Asie bouddhiste?
Se déprendre du malheur inhérent à l'existence finie pour se perdre
dans l'éternité du Dieu totalement inconnu, cet idéaLa beau être
présenté sous les mots de l'Évangile, c'est l'idéal des sages de l'Inde.

(1) F. GOGARTEN. Thcologische Tradition und iheplogische Ârbeit. Leipzig,


Hinrichs, 1927, p. 28-29. /
(2) BARTH. Das Wort Gottes und die Théologie, p. 172.
(3) Jbid,, p. 173.
(4) C est le titre d'un des livres de Barth : Die Aufefstehung der Toten,
THÉOLOGIE PROTESTANTE -ALLEMANDE' ,3151

La théologie de Barth est un épisode de ce mouvement de désespoir


qui, après la guerre, a emporté une partie des jeunes générations alle-
mandes vers les mystères de l'Orient.

Cette nouvelle théologie soulève en Allemagne tant de discussions,


que nous avons voulu lui consacrer spécialement ce bulletin. Cepen-
dant, pour mieux la situer par rapport aux doctrines qu'elle prétend
remplacer, examinons d'abord le système religieux d'un des plus
fameux chefs de la génération précédente, Ernst Troeltsch.
M. le Dr Emil SPIESS, catholique, consacre à Ernst Troeltsch
un gros in-8°de 604 pages (1).C'est un travail composé à l'Université
de Fribourg en Suisse, sous la direciton du P. Manser et du P. De
Munnynck, et qui fait le plus grand honneur à l'Université catholi-
que de Suisse. Le livre est dédié à Mgr Georges Schmid von Grunck,
évêque, de Coire. L'auteur lui-même doit être suisse, si nous en ju-
geons par l'imprimatur, ausl bien que par le lieu où est signée la
préface, Sonnenbêrg (Thurgovie).
A parler franchement, il y a du mérite à lire le livre, qui est effroya-
blement ennuyeux.Le personnage étudié, malgré sa réputation, est
peu original : il accepte et ramasse en un système toutes sortes de
thèses que nous connaissions par ailleurs. En ce qui concerne l'his-
toire du Christianisme,il est totalement l'esclave des préjugés de la
critique libérale avancée. De plus, M. Spiess, pour nous permettre
de juger Troeltsch, pièces en mains, a fait de très longues citations.
Or, les pages citées de Troeltsch sont toujours démesurément ab-
straites et donnent une impression grise de pensée livresque. Ces
pages, empruntées à divers ouvrages, disent parfois les mêmes choses.
Mais, quel que soit le morne ennui dégagé par ce désert abstrait,
on gagne tout dé même à le parcourir. Le personnage de Troeltsch
est représentatif : il concentre en lui la pensée de toute une époque,
en extrait le problème qu'implicitement elle se posait à elle-même.
D'une part, le Christianisme, ne pouvant être connu que par l'his-
toire, en a la relativité. D'autre p art, seul il réclame vraiment le pri-
vilège d'être la religion absolue et prétend en posséder les titres.
Peut-on dire, et en quel sens pourrait-on dire que le Christianisme
est la religion absolue? Personne, autant que Troeltsch, n'a vécu la
crise intérieure du Protestantisme et n'a travaillé à une apologie de
,
la foi. A envisager son cas comme typique, le personnage et le livre
vont offrir un intérêt considérable.
Né à Augsbourg en 1865, étudiant à Gôttingen, Erlangen, Berlin,
vicar à Munich 1888, privatdozent à Gôttingen 1891, Ernst Troeltsch
enseigne la théologie à Bonn, Heidelberg, Greifswald. A partir de
1915, c'est l'histoire de la culture et de l'histoire qu'il enseigne à Ber-
lin. II meurt en 1923. Disciple des philosophes idéalistes Lotze, Dil-

f (1) E. SPIESS. Die Religionstheorie vqn Ernst Troeltsch. Paderbprn, Schoni ngh,
1927 ; gr. in-8, Ç04 pp.
362 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

they, Rickert, Eucken, il s'est demandé toute sa vie si le Protestan-


tisme contemporain à bien Compris la tradition.'théologique et s'il
répond bien aux situations actuelles.D'où un double travail:.analyse
de l'ancienne dogmatique protestante, analyse delà civilisation et
de la mentalité contemporaines. Et à mesure que Troeltsch vieillis-
sait, il estimait que pour le Christianisme, les questions pratiques,
c'est-à-dire sociales, seraient le principal. Il éprouvait un besoin
intense de la foi, mais sans arriver à l'adhésion dogmatique. Touché
par la poésie des fêtes chrétiennes, il regrettait de leur donner un
sens inverse de celui qu'elles avaient pour les premiers Chrétiens.
Pour ceux-ci, elles exposaient le miracle qui garantissait leur foi:
pour l'homme moderne, écrivait Troeltsch, « la puissance et l'inten-
sité de sa propre intériorité religieuse est la garantie de toute réa-
lité du monde suprasensible» (cité, p.19). En relations suivies avec le
baron Frédéric von Hiigel, Troeltsch étudia avec soin les contro-
verses modernistes. Il estimait que. Protestantisme et Catholicisme
sont l'un et l'autre «les ingrédients forts et Vivants de toute notre
vie contemporaine ». C'était d'ailleurs être fidèle à ses conceptions
de religion immanente. Sous l'influence des mêmes conceptions; il
crut que l'encyclique Pascendi était une catastrophe qui ramènerait
l'Église au Moyen Age.
Deux conceptions sont possibles, selon Troeltsch, de la science de
la religion. L'une, purement descriptive, à la manière dè.!W. James.
La seconde, normative, rattache la religion, comme une fonction
normale, à l'Organisation a priori de la conscience. Tr. est pour la
seconde. Mais il veut qu'on commencé par une description psycholo-
gique ; on arrivé ainsi à une théorie de la conscience religieuse ; la
troisième partie est une philosophie de l'histoire religieuse.; une quar
trième partie rassemble les conclusions sur l'idée de Dieu. •

La théorie de la conscience religieuse dégage un a priori. Il se


trouve dans une relation de substance absolue, sortant de la nature
même de la raison..Par cette relation a priori,-toute réalité, et eh
particulier toute valeur est rapportée à Une substance absolue, com-
me point de départ et comme mesure. Or, si la religion est une exi-
gence a priori de là pensée, elle touche d'autres exigences a priori,
et peut-être même les touche-t-elle toutes/puisqu'elle va à un Ab-
solu. Par conséquent, la religion doit être intégrée dans l'unité totale
de la conscience, et par là même nous avons un critère pour appré-
cier et systématiser les faits religieux : un fait religieux, une idée
religieuse valent dans la mesure où ils s'harmonisentavecles exigen-
ces a priori de la conscience, exigences logiques, morales, etc. Mais,
pour être fidèle à Kant, Troeltsch n'en vit pas moins en un temps où
le sentiment de la relativité des normes et de la vie créatrice se ré-
pand partout: il estime que'lés catégories sont, jusqu'à un certain
point, plastiques, elles se modèlent d'après les circonstances socia-
les ou autres. Le critère d'appréciation des formes religieuses: est
donc, lui aussi, plastique : on n'a pas droit de l'appliquer conime
un étalon fixe dans les divers domaines religieux. Cependant nous ne
demeurerons pas au stade purement descriptûâes phénomènes i^i-Iâ
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE J 363

religion ne s'exprime pas en une formule unique, nous pouvons du


-moins en tracer les limites et établir qu'elle est une donnée indépen-
dante et irréductible.
.
Le lecteur a déjà compris en quoi consisté la méthode de Troeltsch
et à quelle théorie de la connaissance elle âboutit.La méthode est la
méthode transcendant aie de Kant : dégager l'a priori par une ana-
lyse de l'expérience qui en met en lumière les conditions nécessaires.
Au delà de tous les a priori que dégage successivement la Critique,
il s'en trouve un suprême qui supporte tous les autres, l'exigence
d'une loi de la conscience, en tant que cette loi irait à une réalité
transcendante, en tant qu'elle poserait une Substance absolue. Cette
loi autonome n'en sup2iose aucune autre, et elle donne consistance
à toutes les autres lois formelles de la pensée : elle est donc comme le
germe de la raison, et vouloir la rejeter serait vouloir penser en se
passant de la raison. Elle se manifeste, non seulement de manière
implicite dans toutes les Catégories de la pensée, mais dans des phé-
nomènes spécifiques : conversion, prière, contemplation, extas.e, etc.
Trop fondamentale sans doute pour constituer le phénomène indi-
viduel, elle ne fournit pas les moyens de fonder objectivement une
appréciation religieuse. La foi du croyant est un fait personnel, une.
décision que la raison abstraite est impropre à justifier: elle ac-
cepte, dans la nuit, les risques d'erreur. Elle n'a donc rien à
faire avec une conviction de nature intellectualiste, ce qui pourtant
ne la rend pas arbitraire, car elle dépend d'éléments subj ectifs de
valeur et elle est déterminée par un sentiment de nécessité objective.
En somme, la religiosité chrétienne est foi, pensée exprimant une
élévation personnelle vers Dieu et reposant sur une certitude inté-
rieure.Les autres religions reposent sur des données seulement objec-
tives-extérieures.Seul, le Catholicisme, intermédiaire, voit dans la
religion un rapport subjectif-objectif avec Dieu. L'oeuvre des Réfor-
riiateurs etde la Philosophie Critique a été de montrer que seule est
"

vraie la religion de l'Esprit.


Après l'étude de la conscience religieuse, vient celle de l'histoire,
donc celle des formes de la religion, de leur évolution. Et pour nous,
c'est la question del'avenir du Christianisme et de sonrapport avec
les religions orientales. Ne serait-on pas chrétien, que cette question
-
se poserait quand même nécessairement, car l'histoire est «l'expé-
-
rience d'ensemble de liotrerace », et son but suprême est de compren-
dre le présent. Elle procède donc nécessairement par abstractions
ënormes,tâchant de formuler en concepts universels les grandes for-
ces qui dirigent la vie sociale et les influences causales que ces grandes
forcés exercent les unes sur les autres. Une telle abstraction suppose
à la fois une divination artistique du tout vivant et un travail d'éru-
dition sur les matériaux isolés. Et elle exige une double méthode :
rassembler les traits généraux de ce qui se reproduit (conditions phy-
siques, forces psychiques) ; pénétrer, par une intuition intellectuelle,-
les individualités collectives (états, classes, tendances, etc.). Natu-
.
rellement, l'histoire ne se peut faire qu'avec une autre connaissance
-
'préalable, celle de l'individuel,
,364 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

L'histoire, ainsi comprise, appliquée aux diverses religions, ne


saisit qu'un flux mouvant. Affirmer un progrès et uneloi de l'his-
toire est une foi, non une constatation ou une déduction. Cependant
l'étude des grandes religions positives permet d'extraire quelques
idées fondamentales et d'énoncer certaines lois qui permettront en-
suite d'apprécier les formes religieuses et leur évolution. Il importe,
pour cette comparaison, de ne pas se fonder sur dés phénomènes
périphériques, mais sur les conceptions de la Révélation qui préten-
dent s'imposer absolument et qui sont le noyau central des religions.
La comparaison historique des religions, poursuivie: par cette
méthode, donne pour résultat les lois suivantes :
1°) Loi de la spiritualisation et delà moralisation de l'idée de
Dieu. Plus cette idée se manifeste à la conscience, et plus il apparaît
à la conscience que tout le fini dépend de Dieu. La pensée humaine
.se dirige donc nécessairement vers la Personnalité divine; Et à mesure
qu'elle conçoit davantage la personnalité divine, davantage elle
individualise et en même temps universalise la religion..
2°)Loi de la surnaturalisaation de la religionJAprès avoir traversé
la phase polythéiste, qui consiste à faire dépendre les événements
de la fatalité de hasards supérieurs, l'humanité reconnaît dans le
monde la volonté de Dieu qui agit : elle rapporte à Dieu le monde
comme son oeuvre et par là sépare absolument le monde de Dieu.
Il en résulte que la religion prend des caractères supracosmiques
(Ueberweltlichkeit), et, par une réaction naturelle, le inonde est
déspiritualise : on remarque- de plus en plus les déficiences du
créé, le mal, la douleur, surtout le péché.
3°) Loi de la réalisation de l'objet de la foi. La représentation de
l'âme, qui a aussi pour source un a priori, s'oppose à celle du corps :
ici se reproduit, sur un autre plan, l'opposition de Dieu et du inonde.
Delà l'exigence d'un au-delà.
Ces trois lois, que la science des religions découvre, et qui réalisent
dans l'expérience les exigences les plus profondes de la conscience,
nous montrent en quel.sens se fait l'évolution normale de la religion.
Elles nous fournissent ainsi un critère pour apprécier les religions et
pour marquer la place du Christianisme. L'évolution religieuse nor-.
maie se fait dans la direction du Christianisme, vers une religion de
salut àlàfois individualiste et tiniversaliste ; et aucune religion, au-
tant que le Christianisme, ne correspond aux exigences que la con-
science manifesté de plus en plus clairement dans l'histoire. Le Chris-
tianisme est « le plus puissant et' le plus riche développement de
l'idée religieuse».
Inutile de faire remarquer au lecteur qu'une pareille démonstra-
tion du Christianisme né concerne que les idées chrétiennes fonda-
mentales, ou du moinslesidées chrétiennes que Troeltsch tenait pour
fondamentales, c'est-à-dire, en somme, une philosophie théiste.
Quant aux mystères chrétiens, il n'en est pas question : Troeltsch
estimait que lès dogmatiques dès Églises étaient destinées à périr.
Inutile aussi de faire remarquerqu'une pareille démonstration n'abou-
tit pas au Christianisme comme relgîpm absolue. PourquoiTévolu-
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE 365

tion religieuse ne continuerait-elle pas au-delà ? Sur cete éventualité,


Troeltsch cependant fermait lesyeux ; et, par Un bizarre argument;
il maintenait qu'au moins en fait le Christianisme reste religion ab-
solue. Il ne faut pas, disait-il, majorer la valeur des démonstrations
qui passent pour absolues Car ce qui est suprême est indémontrable,
puisqu'on ne le peut tirer d'un principe supérieur ; et si on le pou-
vait tirer d'un principe supérieur, il ne serait plus suprême. ;
On n'attendra pas de nous un examen de cette philosophie reli-
gieuse, qui, sur presque tous les points, s'attache aux dogmes péri-
més du Protestantisme post-kantien, pour ne pas dire tout crûment
de YAufkl&rung. Ilest entendu à l'avance, comme un postulat
évident, qu'il n'y a pas de surnaturel : ni mystères de la vie de Dieu,
ni événements historiques qui seraient le signe et la preuve d'une
révélation de ces mystères. La religion n'est plus qu'une philosophie.
Jésus est bien le fondateur, et la foi doit s'attacher à lui ; mais déjà
Paul aurait forgé une figure du Christ qui n'est plus authentique. Ce
qui reste de renseignement de Jésus dans les Églises est bien peu de
chose ;aussi Troeltsch n'ose même plus dire que ce quelque chose est
éternel. Il lui paraît impossible dé croire que « l'Église chrétienne
marque le centré éternel du salut pour la durée totale de l'huma-
nité» Q-).
Le renouveau calviniste et luthérien de la « Théologie dialectique »
paraît d'abord, à des catholiques, beaucoup plus près d'eux que la
religion purement rationaliste de Troeltsch. Le langage emprunté
aux Prophètes et à Paul, la place immense faite à la Parole et à la
Foi, tout semble annoncer un Christianisme authentique. Et, dans
notre précédent bulletin, nous constations, chez Emil Brunner,
Une croyance assez chrétienne pour s'élever jusqu'à la divinité de
Jésus-Christ. Malheureusement, les sources de eè mouvement sont
étrangement mêlées : avec Calvin et Luther, il y. a Kierkegaard et
Dostoiewski. Non seulement toute certitude rationnelle est rejetée,
etl'acte de foi n'est qu'un risque sans garantie aucune ; mais le sens
même des dogmes disparaît pour faire place à une idéologie de philo-
sophe. C'est ce que nous aurons la tristesse de voir à peu près à toutes
les pages des deux volumes de conférences du chef des théologiens
dialectiques, Karl BARTH.
Ces conférences sont admirablement vivantes : une arde ur sombre
et brûlante s'en dégage qui d'abord touche et ensuite serre le coeur.
Nous analyserons les plus caractéristiques de ces discours.

Danslerecueilparuen 1925, « la parole de Dieu et la théologie » (2),


prenons la conférence donnée aux étudiants d'Aarau : « questions
bibliques ».
.

(1) Die Bcdeulung der Gcschichttichlceit Jésûjûr deti Gtaubèh, p. 15 (Tûbin-


gen, 1911).
, .
(2) K, BARTH, Das Wort Goiies und die théologie. Mûiicheti. Chr. Kaiser, 1925 }
_

|tt-8, 212 pp".


366 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NÔN-CAÏHÔLÏQUES

Nous cherchons Dieu inévitablement. Inévitablement aussi, nous:


résistons à cette recherche et opposons un « non ». Aucune explication
lie rend compte de cela. La Bible, qui nous a posé là question dé
Dieu, dont nous vivons,nous laisse en cette alternative « quelacon-,
naissance de Dieu est le problème éternel de notre existence person-
nelle, l'origine dont nous vivons et ne vivons pas, dontiious sommes
séparés et ne sommes pas séparés. » « Qui peut le nommer ? qui peut "

confesser : je le crois? Et qui peut constater, et oser dire: je ne le


crois pas? » (p. 75).
La Bible, document oriental, que les historiens étudient et dont ils
connaissent la relativité, présente, comme au-delà de l'histoire,
des hommes tels qu'Abraham... Paul.. Jean... qui voyaient et enten-
daient ce que nous ne percevons pas. Ces hommes ne pensaient pas
être en face d'une religion, mais d'une réalité ; non d'une histoire,
mais d'une vérité. Sans doute, toutes les religions connues ont Une,
certainetendance vers un au-delà, mais toutes estiment posséder des
valeurs supraliumaines et les monnayer à l'usage des hommes. Or,
« dès l'instant où la religion devient religion consciente, où
elle de-
vient dans le inonde une grandeur saisissable dans la psychologie et
l'histoire, de sa tendance la plus profonde et de sa vérité elle est
tombée à l'idolâtrie. Sa vérité est son caractère ptir d'au-delà «f1);
(p. 81). Il n'y a que la Bible,-parmi les livres saints de l'humanité
qui fasse sa place à Dieu : en elle, le mystère auquel tend toute reli- :
g ion oppose une résistance victorieuse aux essais humains pour le
trahir et le compromettre. -
En effetjla piété biblique «vit complètement de son objet et pour
son objet. Pour l'expérience biblique, rien n'est plus indifférent que
l'expérimenter en tant que tel. C'est ordre, obligation, noii; fin et
accomplissement» (p. 82). Les hommes bibliques iie sont pas pour
eux-mêmes : leur tâche, l'oeuvre qui leur est confiée est tout. L'his-
toire "biblique n'est pas Une histoire, c'est une série d'actions de
Dieu. L'Église n'est qu'une tente de voyage : si par malheur elle
se fait temple, elle n'est plus qu'un objet de risée, et de haine, La
source d'un tel enseignement est au delà de nos oppositions, c'est
« une
pensée qui vient du Tout et qui va au Tout. » Pour cette pen-
sée, il ne s'agit absolument que de Dieu, qui ne veut pas être « quel-
que chose à côté d'autres, mais-le totalement Autre, le contenu de
toute altérité purement relative ». « Il ne veut pas fonder une his-
toire religieuse, niais être le maître éternel de notre vie, le "maître
éternel du inonde » (p;85). Telle est la ligne de feu qui court à travers
toute la Bible, s'y mêlant à l'histoire, mais s'en dégageant etla spr-

(1) Je traduis par une périphrase Jenscitigkeii. Inutile de faire remarquer le


paradoxe qui consiste à définir comme religion ce que tout le monde tient pouf
superstition : la Religion est essentiellement tliéocentrique. Barth se réfère déjà
ici à sa conception de la nature humaine corrompue jusqu'au fond et incapable
d'adorer Dieu.
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE 36?

montant. Car entait d'histoire, d'expérience ou de métaphysique,


notre temps sait là relativité de la Bible.
La Révélation de Dieu se fait donc aux limites de lliistoire, aux
limites dé l'humanité. A vrai aire, elle se l'ait dans la mort, elle est
myslerium tremendum. L'enseignement du Nouveau Testament est
tout entier dirigé vers le Royaume de Dieu, c'est-à-dire vers la fin
des choses: par là s'expliquent et se justifient le rejet de la loi,
la puissance de la grâce, le mépris de la grandeur humaine, l'exalta-
tion de la misère, la condamnation de la richesse, la rénovation par
la pénitence. Cette sagesse est une « sagesse de mort ». Il est vrai
qu'elle est censée nous mener à la vie. Mais ne nous hâtons pas de
croire qu'elle nous mène déjà à la vie, et que nous ayons à réaliser
cette vie par des constructions spéculatives ou par une action so-
ciale : « au nom des souffrances de millions d'hommes, au nom de
tant de sang répandu qui crie contre nous tous, au nom de la crainte
du Seigneur, non, pas cela I » (p. 92). Non, car l'obéissance à l'appel
divin est «un saut dans un gouffre», « un risque de conséquences
inouïes, une entreprise éternelle» (ibid.). Ne nous flattons pas d'avoir
en nos prises une « prétendue possession éternelle », attendons-nous
plutôt à « chercher, à prier, à frapper dans l'angoisse» (p. 92).'
Mais derrière ce qui est dernier pour l'homme, se trouve ce qui est
premier pour Dieu, l'amour, le salut, la grâce.Encore une fois, cela
est uniquement de Dieu, inintelligible à l'homme. « Jésus avec la
religion n'a absolument rien à faire. Le sens de sa vie est l'actualité
de ce qui n'est actuel dans aucune religion, l'actualité de l'inappro-
chable,de rinsaisissâble,del'inintelligible, la réalisation de l'impossi-
ble. C'est la résurrection èv â-càpcpM&is la résurrection,« était-cehier ?
est-ce aujourd'hui? est-ce demain? est-ce toujours? est-ce jamais?
Nous pouvons à tout cela répondre par oui et par non... La résurrec-
tion du Christ, ou, ce qui signifie la même chose, son retomyn'est pas
pas un événement historique». C'est le grand miracle, lequel n'a
aucun rapport avec les questions d'historicité et de possibilité, le
grand miracle du pardon des péchés : « découvrir le sens du monde,
c'est la vie qui sort de la mort... un processus révolutionnaire', qui
n'est pas prolongement d'un donné, d'un devenu, d'un existant spi-
rituel ou naturel, niais nouvelle création (p. 95). «Cette existence
nôtre venant de Dieu, et qui ne s'est pas encore manifestée, cette
expérience nôtre, mienne et tienne, qui ne pourrait que devenir
expérience de Dieu, c'est Pâques » (p. 98).
Dans cette conférence apparaissent, aussi bien que les qualités
et que les défauts,les principales thèses deBarth : néant delà philo-
sophie et de l'histoire," le Christianisme appelé par nos aspirations
et heurtant notre raison, le témoignage de Dieu dénué des preuves
liumamesj'abandon des dogmes historiques du Christianisme,le rôle
unique de la Parole pour révéler intérieurement-un inonde spirituel
nouveau. Nous allons éclairer ces thèses en analysant la conférence
donnée à Wiesbaden pour une réunion de pasteurs (septembre 1922)
sur le problème de la morale au temps présent.
' Nous nous demandons ce qu il faut faire: notre destinée est un,
368 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

problème. G'est là le fait primordial à constater: notre existence est


mesurée à une mesure qui n'est pas quelque chose de donné, elle est
mise ainsi eh connexion « avec un non-existant qui serait la vérité du
vrai ». Ce principe suprême et inconnu de la moralité résiste à toute
critique, parce'qu'il'lui-préexiste et lui survit, parce qu'avant toute
critique il critique toutes les idéologies. Problème posé à l'avance,
comme a priori : vivre est agir, vivre est chercher la vérité de notre
action.
Aujourd'hui, la question qui réellement nous presse n'est pas d'éta-
blir âcadémiquehiènt la morale et la dignité de l'homme ; c'est « que
devons-nous faire ?» Car nous constatons la misère de l'homme beau-
coup plus que sa dignité : le problème moral est la maladie mortelle
del'homme. Du côté du sujet conscient, impossibilité de l'autonomie
spirituelle, impossibilité du devoir. Du côté de l'objet, c'est presque
pire. Car, si l'on prend au sérieux la question morale, il faut vouloir
réaliser un Royaume de Dieu, un millennium terrestre.Or, cela est
impossible, et d'autant plus impossible qu'en pratique les buts les
plus hauts deviennent les-plus grands obstacles. Par exemple, la
religion en tant qu'action humaine.Car « ce que l'homme peut faire,
c'est le plus haut développement de lui-même, ce n'est pas l'Amour.
L'amour possible à l'homme est Eros. La justice possible à l'homme
est justiiia. civilis. Même la prière possible à l'homme est l'expansion
d'un sentiment, qui est un sentiment comme les autres et qui n'est
même pas un sentiment très sympathique» (p. 145). En somme,
péché originel, corruption de la nature humaine, qui sans doute est
apte à, évoluer et à s'améliorer ; mais elle reste, devant la tâche
morale, comme 1 dévâlit °°. Telle est la réponse au problème moral,
et l'homme ne peut vivre de cette réponse
D.élà, le « hiouvèmént dialectique» : à cette limite où l'homme se
voit condamne à mort, il trouve Dieu. Le jugement est vérité, s'y
soumettre est salut: « parce que Dieu seul est notre possibilité de vie
il nous est devenu Impossible de vivre » (p. 147). Dans le jugement
paraît l'amour de Dieu ; dans la connaissance du péché, le pardon.
L'huiiiilité, la pénitence, la desperatio fiducialis réalisent ainsi un
rapport positif avec Dieu, rapport qui est pardon, grâce. Non pas
que i'éloîgnement infini dé Dieu soit supprimé," bien au contraire,
il est Connu plus profondément : car il n'y a que promesse, non ac-
complissement ; signification, non réalisation ; justice imputée, non
justification. Alors nous obéissons, ce qui consiste plus à défaire
qu'à faire ; nous pardonnons aux autres, sans avoir rien à leur don-
ner ; nous nous livrons à un travail technique dont le rôle n'est pas
d'Utiliser un ordre dé là création mais tout au plus de refléter un or-
dre caché. dans l'au-delà.
Ne prenons pas ces affirmations pour des propositions suscepti-
bles d'être prouvées : «ne nous faisons pas d'illusion, au point de vue
logique, Cela se tient sur le même plan que les postulais de Kant ou
que l'idéal d'une finalité historique » (p. 152). En somme, il n'y a pas
•.
de solution dû problème moral, pas de voie qui aille de l'homme à
Pieu: le dieu qui serait au bout d'une voie humaine ne serait pas
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE" 385

est abandonné le mystère chrétien du péché et du salut : le péché


n'est selon Barth que la finitude de la créature, c'est une absence,
ce n'est pas la faute morale qui offense le Dieu vivant et doit être
compensée. Barth « passe à côté de la véritable sainteté de Dieu et
demeure prisonnier dans la dialectique formelle du fini et de l'in-
fini» (p. 111). .:
Le gros livre de M. Torsten BOHLIN, professeur à Abo, est une ex-
cellente introduction à l'étude de la théologie dialectique,puisqu'il
nous fait connaître Soren Kierkegaard, si fréquemment cité par
.
Barth.
.
L'ouvrage, écrit en suédois, a été traduit en allemand .
par Use
Meyér-Lûne (*). L'exposé de la doctrine religieuse de Kierkegaard
est poursuivi selon son développement historique. Étrange destinée
que celle de cet homme qui a voulu employer toutes ses forces à
montrer aux hommes qu'ils ignorent le Christianisme et à les déci-
der à vivre chrétiennement ! Car cet homme, qui veut ne vivre que
de la foi chrétienne, né croit pas que le Christianisme soit la religion
absolue : le Christianisme, en effet, a reconnu la relativité du Ju-
daïsme, et pourtant il s'appuie sur lui ; il participe donc à sa rela-
tivité. Tout en Kierkegaard est paradoxe : et sa vie, et son attitude
religieuse, et sa doctrine. Les aperçus profonds y abondent :/on di-
rait un Pascal à la fois radicalement fidéîste et radicalementratio-
naliste. Quoi de plus juste que la comparaison qu'il institue entre
la foi et la « résignation infinie ». L'une et l'autre renoncent aux cho-
ses du monde pour gagner le Bien suprême. Mais la « résignation
infinie » est ici-bas Comme une totalement étrangère, elle met toute
la vie dans la pensée del'éternité. Au contraire, la foi, après avoir
traversé idéalement la phase de la résignation, revient au monde
pour le conquérir. La résignation du bouddhiste peut bien s'élever
à l'amour de Dieu, mais cet amour n'est pas conimensurable avec
la vie. La foi chrétienne, au contraire, croit que Dieu peut faire cet
impossible de rendre tout et au delà de ce qu'elle lui a offert. Nous ne
pouvons pas, malheureusement, glaiier.dans.ee livre les idées saisis-
santes qui y sont si nombreuses.Une seulement : « Revenir au cloî-
tre d'où Luther s'est enfui,c'est avant tout la tâche du Christianisme ».
Ce texte de Kierkegaard étonnerait sans doute Luther, s'il reve-
nait dans le monde et y connaissait seslointains disciples(2). Ne serait-

(1) T. BOULIN, Kierkegaards dogmaiische Anschauùng in ihrem geschichtlichèn


Zusammenhange. Gûterâloh, Bertelsmann, 1927 ; in-8, 592 pp.
(2) Un autre ouvrage récent expose la pensée et souligne l'influence de
S. Kierkegaard: "W. RTJTTENBECK, S. Kierkegaard, der chrisiliche Denker und
sein WerkjBerlin,Trcwitzsch, 1929 ; in-8, 392 pp., 18 mk. (dans les Neuen Slud.
z. Gesch. d. Theol. u. d. Kirche, Bd. 25). En voici le plan : I. Le penseur (biogra-
phie, milieu, méthode); II. L'oeuvre et la doctrine ; III. K. et la théologie
allemande (vis-à-vis de la théologie du xix6 siècle ; Ritschl, Herrmann, etc. ;
vis-à-vis de la théologie contemporaine sous l'influence de K. : Schrempf,Héimf
REVUE DES SCIENCES.— T. XIX., FASC. 2. — 25.
§86 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUES

il pas beaucoup plus étonné de voir ceux de ses disciples qui se tar-
guent davantage de lui être fidèles, ignorer et même déprécier la vie
humaine de Jésus, et verser, dans les vases de l'Évangile, Vies liqueurs
les plus mortelles de l'Asie? Le spectacle qu'offre aujourd'hui le
Protestantisme allemand est extrêmement intéressant et instructif.
On aurait pu croire, après les interprétations symboliques que K'ant
et Hegel donnèrent du Christianisme, la course terminée de la Réfor-
me à l'incrédulité. Il nous était réservé cette surprise de voir',un
renouveau du luthéranisme primitif, une prédication de là fin des
choses teintée des images des prophètes, nous annoncer le Dieu de
Plotin et l'extase du Nirvana. Mais d'autres systèmes s'opposent
à celui-ci. Et dans tous d'ailleurs, il y a un effort pour repenser
certains éléments du Christianisme ; et il y a, venant de cette source,
une vie spirituelle.
Nice. Gaston RABEAU.

Les ouvrages dont nous allons rendre compte en quelques mots ne


sont pas placés ici parce qu'ils auraient moins de valeur que ceux
analysés dans notre article: ils entraient moins aisément dans le
cadre que nous nous étions tracé ; et il faut bien achever Un bulletin
déjà trop long.

Ernst ZUR NIEDEN,L'idée de la mission dans la théologie systéma-


tique depuis Schleiermâcher (*). Extrêmement intéressant. On y
voit comment la notion d'une activité missionnaire était ruinée à
la fois par la doctrine de Schleiermacher sur la foi (Dieu est atteint
par le sentiment de dépendance dans toutes les religions) et par celle
sur la continuité (la prédication individuelle est une rupture du de-
venir, un hasard). Mais Schleiermacher lui-même, dans la seconde
partie dé sa vie, insista sur l'originalité du Christianisme et reconnut
le bien fondé de l'activité missionnaire. Le Protestantisme ultérieur,
plus pénétré du caractère unique de la religion de Jésus,plùs attentif
à éyeiller la conscience du péché et à provoquer la conversion, fit la
place qu'elle mérite à l'évangélisation.
Hans Emil WEBER, Foi et Mystique (2). L'auteur distingue, parmi
les différents genres de mystique, une mystique évangélique qui est
la mystique de la foi : elle se concentre autour delà présence de Dieu
connue par la parole.La mystique catholique est bien aussi une mys-

Barth, Gogartett, Bruhiier, Bultmanh, Petersoh,lâ théologie catholique^eS


interprètes Scandinaves de K.).
(1) Der Missionsgcdanke in der systemaiischen Théologie seit Schleiermacher.
Gtitersloh, Bertelsmann, 1928 ; in-S, 150 pp.
(2-.) Glaube und Myslik. Ibid., in-8 ,74 pp.
THÉOLOGIE PROTESTANTE ALLEMANDE ' 38? .-'

tique de la présence de Dieu, mais elle tend à prendre cette présence


pour une « chose ». L'auteur est au courant de la littérature catholi-
que ascétique et mystique.
Friedrich GOGARTEN, Tradition théologiqûe et travail théologique (1).
'Le sous-titre de la brochure (histoire dé l'esprit? ou théologie?)
en indique le but. Nous en avons mis en lumière l'idée essentielle
(voir plus haut, p. 360), nous n'en pouvons reproduire les applica-
tions intéressantes.

Arvid KUNESTAM, professeur à Upsal, Psychanalyse et Cliristia-


nisme (2). Le pasteur peut faire son profit de la psychanalyse pour
la cure d'âmes. Mais les psychanalystes proposent un idéal de santé
et annoncent une rédemption qui n'ont rien de commun avec la
santé chrétienne et la rédemption de Jésus-Christ: ils ignorent la
responsabilité, le péché, le Dieu vivant.

Erik PETERSON, professeur à l'Université de Bonn, Qu''est-ce'que


la théo logie ? Opuscule qui mériterait beaucoup mieux qu'une mention
en quelques lignes, de même que celui sur U Eglise (s). Peterson montre
le châtiment de la théologie dialectique : partant d'un effort de sé-
rieux qui est vide, elle n'aboutit jamais au sérieux. Il n'y a théologie
que là oùla révélation est au moins en partie connaissable. Nous en-
gageons lé lecteur à voir, dans la Vie intellectuelle (février 1929)
l'étude consacrée par le P. de Lanversin à la conception de l'Église
chez Peterson.

Fr. W.SCHMIDT, professeur de théologie à Munster en 'Westphalie,


La question fondamentale de la théologie (*).La théologie n'est pas
du tout une portion delà science des religions, car elle ne consiste
pas à décrire des phénomènes religieux, elle concerne la vérité delà
religion. La théologie est indissolublement théologie de la révélation
et théologie de la foi.
H. E. EÎSENHUTH, Le problème de la certitude de la foi chez Itarl
Heim (6).^Karl Heim prend le point de départ de sa théorie de la
connaissance dans les Logische Untersuchungen de Husserl. L'analyse
des relations fondamentales de la connaissance aboutit au problème
de la foi ; les problèmes posés ainsi par la philosophie reçoivent leur

(1) Theologische Tradition und theologische Arbeit. Leipzig, Hinrichs, 1927 ;


in-8, 55 pp."
(2) Psychanalyse und Christehtum. Gûtersloh, Bertelsmann, in-8, 85 pp.
(3) Was ist Theologiel Bonn, F. Cohen ; in-8, 32 pp. Die Kirche, Mûnchen,
Beck, iri-8,19 pp.
(4) Die Grundfrage der Théologie. Gûtersloh, Bertelsmann, 1929 ; in-8, 23 pp.
(5) Das Problem des Glaubensgewissheit bei Karl Hem, Gôttingen, Vanden-
hoeck und ituprecht, 1928 ; ïn-8, 78 pp.
388 THÉOLOGIES CHRÉTIENNES NON-CATHOLIQUÈS

réponse de la religion, et la religion absolue est le Christianisme.Cette


analyse logique transcendentale, où philosophie et théologie se mê-
lent, quoiqu'un peu pénible à lire, est très suggestive. C'est un peu
le genre de M. Gabriel Marcel dans son récent «journal métaplry-
siq e ».

Gustav MENSCHING, Problèmes cultuels du catholicisme (^.L'au-


teur, après avoir décrit le renouveau liturgique d'Allemagne parmi
les catholiques, en dégage l'esprit d'après les travaux de Guardini,
Herwegen, Casel, etc. Par l'analyse de la piété catholique, il prétend
arriver à l'essence même du Catholicisme. La piété catholique et la
piété protestante représentent deux « pôles » Opposés de la religion :
l'une va à concrétiser l'action divine, à la réifier, à se l'approprier ;
l'autre maintient l'absolue inconditionhaiité de Dieu. Mais le Pro-
testantisme lui-même doit toujours « protester contre sa propre ten-
dance à réifier et à saisir pour lui l'action divine ».
Le baron Edouard VON DER GOLTZ, La théologie évangélique, son
état actuel : la Théologie pratique (2). Précieux recueil, qui renseigne
sur les problèmes pratiques agités par les Protestants d'Allemagne :
constitution de l'Église, culte divin, éducation, cure d'âmes, action
chrétienne, mission intérieure, rapports entre les Églises. ']
Werner GRUEHN. La théologie de Karl Girgensohn .(»)'. Nous ren-
voyons à notre bulletin de 1928. G. étudie la psychologie religieuse
de Girgensohn-, sa théorie de la connaissance religieuse et enfin sa
Welianschauung chrétienne. L'effort de Girgensohn pour fonder le
Christianisme sur une psychologie religieuse est l'un des,plus puis-
sants de ces derniers temps : nous, catholiques,pourrions beaucoup
y prendre. Nous espérons étudier Girgensohn dans un autre bulletin.
A. TITIUS, Théologie allemande. Compte rendu du premier congrès
ihéologique allemand à Eisenach 1927 (i). Du plus haut intérêt, comme
bien l'on pense. Les tendances les plus opposées s'affrontent. Aux
séances générales prennent la parole K. L. SCHMIDT (le problème de
l'Église dans le Christianisme primitif), Erich SEEBERG (la conception
de Dieu chez Luther), M. SCHULZE et G. HEÏNZELMANN (la question
du Christ au temps présent). Suit le compte rendu dés travaux des
sections (Ancien Testament, Nouveau Testament, histoire de l'É-
glise, etc.). G. R.

(1) KalholischeKullprobleme, Gotha, Klotz, 1927 ; in-8, 96 pp.


(2) Die evangelisclie Théologie, ihr jelziger Stand und ihre Aufgaben. 5.. Teil.:
Die praktische Théologie. Halle, Buchhandhing des Waiseiihauses, 1929 ; iij-S,
70 pp.
(3) Die Théologie Karl Girgensohns. Gûtersloh, Bèrtélsman, 1927; ln-8j
132 pp.
(4) Deutsche Théologie. Bcrichl iiber deh ersten deuischen Théfilogehtag zà
Eisenach. Gôttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1928 ; in 8, 2S0 pp.
BULLETIN D'APOLOGÉTIQUE

I. — OUVRAGES GÉNÉRAUX.

M. SÙLLEROT, Professeur à l'Ecole Saint François de Sales de


Dijon, nous donne sous ce titre: Le Problème de la vie devant la
raison et devant le catholicisme (1), un fort volume, le premier
d'un ensemble plus vaste qui doit comprendre, d'après les déclara-
tions de son auteur à la Retraite de Juilly, trois parties : 1 La vie
chrétienne, doctrine catholique de la vie, 2° Le Maître de la vie,
apologétique historique, 3°-L'apologétique du seuil. C'est celle-ci
qui vient de paraître la première. Dans cette oeuvre considérable
M. S. s'offorcera de résoudre le difficile problème de l'enseignement
religieux des jeunes gens.
Le plan qu'il en à esquissé à Juilly et qu'il commence d'exécuter
est intéressant à plus d'un titre. Il dénote chez lui une connaissance
avertie des besoins de la jeunesse contemporaine. Le point de départ
est excellent parce que vérité incontestable et dont les jeunes ai-
ment à prendre conscience : la vie, le fait qu'ils vivent et que la vie
pose un problème. '

Ce problème M. S. l'aborde de front dans cette apologétique du


.

seuil. L'ouvrage se divise en trois parties principales : le problème


de la vie, le chemin de la vie, qui est la religion catholique, le chemin
de la mort,qui est le rationalisme. Le libre s'ouvre par une intro-
duction où est exposée la méthode, et se termine par un épilogue
intitulé : « A qui irons-nous ?»
Après nous avoir dit pourquoi il.abandonne ce qu'il appelle la
méthode traditionnelle — apologétique descendante — M. S.
explique sa position : « Nous partirons du fait même de la vie pré-
sente, que personne ne peut nier et dont personne ne peut se désin-
téresser ; nous en dégagerons le problème qtie ce fait pose inévita-
blement, problème pratique, vital au premier chef, et nous prouve-
rons que ce problème n'a qu'une solution possible : la foi.au Dieu des
chrétiens, la pratique de la religion chrétienne ».
La première partie, intitulée «Le problème de la vie», est une.
sorte d'inventaire qui nous met en face des contradictions auxquelles
nous nous heurtons : mort, souffrance, péché, doute, tout cela,
pose des questions douloureuses et qu'il nous faut résoudre
.

(1) L.JSUIAEROT.Leproblèmede laviedevantlaraisonetdepantleÇqtholicisme.


Itfarseilîe, Publiroei, 1928 jin-8,270 pp.
390 BULLETIN D'APOLOGÉTIQUE

Suit une étude des deux attitudes possibles : optimisme ou ^pessi-


misme païens, selon que nous laissons dominer en nous l'inquiétude
ou l'espérance. L'une et l'autre solution sont fausses : il faut garder
l'inquiétude et F espérance, et choisir rationalisme où religion.
Un exposë,un peu trop rapide, à notre avis, nous conduit au dilemhe :
athéisme où foi catholique, l'un et l'autre utilisent la raison :;c'est
au nom de la raison qu'il nous faut j rger.
Nous étudions tout d'abord — et c'est la deuxième partie —la
solution religieuse : la raison ne peut pas par ses propres forces
répondre aux questions posées. Rien dirigée, elle nous apprend l'exis-
tence de Dieu et l'immortalité dé l'âme ; «lié né peut résoudre
ni le problème de la mort, ni celui dé la souffrance,, du mal; ni du
péché; elle ne peut nous mettre en relation avec Diêù, ni nous
assurer la possession de la divinité à laquelle ho lis aspirons : son
insuffisance nous conduit à une impasse.
C'est alors qu'il nous faut prendre connaissance dé l'enseignement
de l'Eglise Catholique : l'expérience humaine nous montré quels
magnifiques résultats sont dus à la doctrine qu'elle enseigné.
Entrant plus profondément dans l'étude ;de;cette doctririë,
Mr. S. nous en fait un exposé intéressant et nous montre comment elle
résoud admirablement tous les problèmes de là vie, tels que notis
les avons posés. Un beau Chapitre sur la raison et le Dieu d'amour
termine cette deuxième partie.
Nous quittons alors le chemin de la vie pour le chemin de là mort :
le rationalisme. Après nous avoir rappelé que tout rationalisme
se fonde sur un a^priori : l'impossibilité du surnaturel, et nôûsavoir
montré que la connaissance du dieu naturel est insuffisante à nos
besoins, l'auteur repousse avec vigueur les attaqùesdu rationalisme.
Toute cette critiqué du monisme scientifique est'parfaitement con-
duite.
Les derniers chapitres traitent des diverses formés du panthéis-
me : fatalisme, idéalisme, finàlisme ; enfin .4u''çr'ag.nt'^tisnié" et du
^modernisme. \
La conclusion se trouve -dans l'épilogue : ; A qui Irohs-hOtis-?
À celui qui a les paroles éternelles.
Le rapide résumé qu'on vient de lire suffit a montrer combien
un tel ouvrage est considérable. La grande difficulté était évidem-
ment d'organiser avec méthode et clarté tant d'éléments divers\k
on peut dire que M. S. y est parvenu, et celan'eSt pas son moindre
mérite. S'adressant à de jeunes croyants à qui il veut;faire mieux
connaître la doctrine catholique afin qu'ils sachent en vivre, s'of-
forcant en même temps de les munir d'argumentsi sérieux, encore
qu'abordables à dés intelligences de dix-sept'-à dix-huit ans, l'auteur
a été amené à traiter d'abord du chemin dé la Vie: C'est d'un excél-
lent procè&é pédagogique : il vaut beaucoup mieux montrer, aussitôt
après l'exposé des problèmes, les solutions dé l'Église, catholique ;
.
elles, ont a une valeur propre qui n'est pas seulement : valeur
de refutatiou, pan? ces discussions, c'est le catholicisrne qui est;.
/OUVRAGES GENERAUX. d»!
premier, puisque c; est lui qui a les meilleures réponses. Pourquoi
donner le:pas sur lui aux erreurs?
Cette méthode h'est pas cependant sans comporter quelques
mcOny.éhients au point de vue apologétique ;élle nous laisse,â là fin
d'un tel traité, plutôt:en face des objections; que des solutions;
Mr S. a évité en grande partie cet inconvénient par son épilogue;
mais il ne pouvait reprendre tout ce qu'il avait si bien dit dans la
première partie : il-së contente de quelques pages qui résument et
qui discutent encore. :
L'ouvrage aurait peut-être gagné en clarté si M., S. avait organisé
autrement sa deuxième partie : les quatre premiers chapitres sont
consacrés à une étude delà raison humaine, dans sa recherche des
solutions du problème:de la vie, et lés trois derniers contiennent
l'exposé de la doctrine catholique. Puisquél'auteur part d'une étude
psychologique de l'homme, on ne voit pas pourquoi il n'a pas mis
cette analyse de la raison humaine dans sa première partie et pour-
quoiil âplacé dans celle-ci des résumés -^ïort bienfaits d'ailleurs—
des solutions qu'il développe ultérieurement. Il semblé qu'il
aurait éti avantage à bien détacher l'étude des éléments du problème,
puis à étudier les deux solutions : religion et rationalisme.
Il y aurait peut-être des réserves à faire sur certaines affirmations
théologiques de M/: S, Par exemple, il répète à plusieurs reprises
quela souffrance et la mort sont entrés dans le monde parle péché
originel. Cette affirmation.de S. Paul ainsi présentée peut prêter
à une équivoque. Lés animaux ont précédé là Venue de l'homme
sur la-terre: ils mouraient, ils souffraient. L'immortalité conférée
à Adam était un privilège; Cette distinction est nécessaire, car cette
question de l'apparition tardive de l'homme sur la terre trouble
souvent — bien à tort, d'ailleurs — les jeunes intelligences. Sépa-
rons bien ce qui est dé foi de ce qui n'en est pas.
Enfin, nous regrettons que M. S. n'ait pas réservé dans son livre
une placé à l'étude de la vertu chrétienne, comme;maîtresse de vie ;
il y a grand avantagé à montrer aux jeunes gens qu'ils sont respon-
sables de leur vie, qu'elle leur a été donnée par Dieu pour aller à
lui, et que l e seul moyen d'y parvenir est la vertu.
Mais ce regret est sans doute superflu;: M. S. né, fait que de
commencer. A tous les apologètes, à tous les éducateurs, qui le
liront ce premier ouvragé donneralé désir de voirbientôtle second;
La petite brochure que nous offre Mgr. LALIEU (*) est un excellent
résumé, bien conduit et bien composé, des preuves de l'existence
de Dieu. Elle se divise en six chapitres pu; démonstrations. Ces
démonstrations prennent successivement pour base : la raison, la
COBscience, l'enseignement, l'histoire, l'homme, Dieu, L'Église. Le

(1) Mgr. LALIEU. Dieu existe. Paris-Bruges, Descjée-De Broutrerj }929 ; in


\%r 104 pp. --.-;
.
392 BULLETIN D'APOLOGÉTIQUE

premier chapitre contient à lui seul plus de la moitié du volume "


c'est non seulement l'exposé des preuves de l'existence d'un Créa-
teur, mais aussi la recherche de ses principaux attributs et là réfu-
tation des systèmes matérialistes. Les autres chapitres sont très
résumés: au"quatrième commencé la démonstration de la divinité,
du Christ. :" / _'-.
L'ouvrage est résumé dans les trois affirmations;quile terminent :
il est certain qu'il y a Un.Dieu;; il est certain que Jèsùs-Christ est:
Dieu; il est certain que l'Eglise catholique romaine est l'organe
de.Dieu. .';:.::, ;-(;-;- .; '

Ecrit dans un style alerte, clair, facile, ce petit volume très inté-
ressant rendra de grands services dans les cercles d'études.-
Les ouvrages de M. TRUC sont;toujours d'un tour original, et,-
par cela-même, captivant. Le livre qu'il vient de nous donner (1)
qui porte en sous-titre : Apologétique d'un incroyant, ne manqué
pas de cette qualité, non plus .que de D'ieh"d'''.au^s/Éan-.S--sa:.èp^ciu7v
sion — dont il dit qu'elle pourrait servir de préface :—Fauteur
a un mot qui résume fort bien tout l'ouvragé :;« Lé Catholicisme
reste la seule, puissance spirituelle de ces temps». .;. :
;,:
,
Ce n'est pas la thèse, on le voit qui est originale, c'est la
.
façon
dont elle nous est présentée. Après nous .avoir" démontréj par l'irré-
ductibilité de la matière à l'esprit, la nécessité de l'existence d'un
Esprit supérieur, M. T. attaque vigoùreusementlès liiëthodès scielW
tifiques modernes : l'abandon de la métaphysique^ le monisme dé
Descartes, l'effort de vouloir tout réduire au quantitatif;:"autant
d'erreurs qui détournent l'esprit de son véritable Objet. Car
l'esprit veut avant tout savoir pourquoi il est, pourquoi l'être
est; et pourquoi il va, dans tous ses actes, vers uneHn. Aucun; des
soi-disants savants modernes n'a pu lui répondre. « Il y a de l'être,;
donc il y a un être »,telle est la formulé ontologique de -M. T. L'exis-
tence d'un Dieu de l'ordre de la Pensée est d'une « éblouissante
vraisemblance ». Or, il se trouve que, seuleja philosophie de l'Eglise,'
en particulier la philosophie thomiste, a arraché la Créature à l'em-
pire de la matière et l'a rendue àsori vrai destin « qui est de s'orienter
par la connaissance et la prstique des vertus dans une voie dont
l'esprit. 1 oui: seul ne saurait trouver l'issue, mais qu'il sait devoir
tracer ». (p. 96). La recherche scientifique n'est qu-uii piétinement
sur place. M. T. n'est pas plus indulgent pourlà raison humaine
que pour la science moderne. Des défaillances de la Raison, il
conclut —un peu vite-—au surnaturel, à la Révélation, à la
;

Foi. En quelques pages d'une excellente venue, M. T. nous expose


la parfaite prudence et la merveilleuse intèïngehce de l'Église dans
la doctrine du surnaturel. Toutl'ensemble de cette doctrine -dé

(!) G. TRUC. Les raisons perpétuelles de croire. Paris,' Nouvelle Revue Criti-
que, 1929 | in-12, 209 pp. \-.v-
OUVRAGES GÉNÉRAUX 393

•l'Eglise catholique forme un bloc irtattaquab1e parla raison hu-


maine. Sa morale non seulement est supérieure à toutes les autres,
mais encore, elle est;la seule morale existante, la seule possible.
Nulle autre n'a su organiser la vie humaine.
Dans sa conclusion, M. T. après nous avoir rapidement rappelé
l'évolution de sa pensée tout occupée à se dégager des liens d'une
formation laïque, revendique le droit pour l'incroyant de profiter,
puisqu'il est un homme, des bienfaits intellectuels et moraux du
Catholicisme. Seule l'Église catholique a une métaphysique, seule
elle restitue les vraie valeurs ; seule, elle peut sauver lé monde de la
barbarie menaçante.
Ecrit âans un stylérapide et élégant, '.cet ouvrage vaut plus par
la présentation des idées "que par le fond même de la pensée. Cer-
tains problèmes très délicats, comme celui des rapports de la raison
et de la foi, sont traités de façon superficielle. De même on ne peut
conclure aussi rapidement que fait l'auteur.des déficiences de la raison
humaine à l'existence du surnaturel. Le mépris insolent qu'il montre
pour les tendances delà pensée moderne est d'une expression un
peu forcée. D'autre part, si M. T. a raison de nous montrer l'insuffi-
sance de tous les systèmes métaphysiques modernes auprès de la
pensée thomiste, encore faut-il ne pas faire de l'Eglise seulement
une maîtresse de philosophie.
Si intéressantes que soient les assertions de M. T. elle ne peuvent
,

conduire à une. conviction religieuse. Tel qu'il est c'est un livre


très suggestif et entraînant. Si son auteur a voulu simplement nous
expose^ son admiration pour l'Eglise, il y a parfaitement réussi.
S'il a voulu bâtir un argument de crédibilité, on ne peu t pas dire
qu'ily soit parvïnu.
Voici, dans la «Bibliothèque catholique des sciences religieuses »,
un ouvrage de première valeur. Son auteur, M. l'abbé RABEAU,
n'est pas inconnu, de nos lecteurs (*). Dans l'avant-propos, il nous
prévient « qu'il a cherché sous le plus, petit volume possible à pro-
poser beaucoup d'idées». Si c'était là son but principal, on peut
dire que son livre est une réussite merveilleuse.il y a tant d'idées
dans ces pages, qu'on en est un peu ébloui, et qu'il n'est pas d'une
besogne facile de résumer un ouvrage aussi concis dans ses expres-
sions qu'abondant dans les idées qu'il suggère. Heureusement pour
nous; M. R. veut bien nous y aider par le souci qu'il met à nous
indiquer les principaux jalons du développement de sa démon stra-
tion.
Après avoir rejeté comme insuffisante une notion de l'apologéti-
que qui ne tendrait qu'à en faire une « réponse aux objections »,
l'auteur nous annonce qu'il entend simplement « nous montrer

(1) G. RABEAU. Apologétique. (Bibl.cath.des Se. réf.) Paris, Bloud, 193(1;


fn-12. 176 pp.
394 BULLETIN D'APOLOGÉTIQUE

la vérité du christianisme qui est le catholicisme». Il s'adresse


à tops mais d'abord aux catholiques, car l'apologétique « n'a pas
à s'établir sur le doute méthodique » ; elle est:l'a pensée chrétienne;
qui vit et qui expérimente ; il s'agit de faire réaliser aux gens
eux-mêmes l'expérience de la pensée infaillible de l'Eglise : ainsi
comprise, l'apologétique catholique est un témoignage fondé -. ar
l'expérience d'uiu sincérité.
M. R.' nous montre ensuite la nécessité de l'apologétique et en
distingue deux formes principales : «les apologétiques accidentelles,
et l'apologétique essentielle»; cette dernière se .divisant en deux
sortes : l'apologétique des simples et l'apologétique scientifique.
Les apologétiques accidentelles sont celles qui ne sont pas fondées
sur le contenu de la foi, mais sur des vérités et des faits accidentels
à la foi : leur nombre est indéfini, et leur classement difficile. M. Rh
propose le suivant: 1° Expériences de faits qui prouvent, s'ils
sont réels, la vérité du christianisme, et l'affirmation qui en résulte
est décisive ; 2e Expériences prouvant l'inanité des préjugés qui
empêchent de connaîtreJe Christ : évidemment celles-ci ;aie peuvent
aboutir à une semblable affirmation.
L'apologétique des simples est celle des catholiques «moyens»:
ils voient la sincérité de l'Eglise—et l'auteur insiste avec juste
raison ici, et ailleurs, sur la valeur de cet argument apologétique—:.
Il se rendent compte que le Christianisme explique tout, ils corn'
prennent l'argument du miracle, du triomphe de la foi, etc...
Nouspassons alors à l'apologétique scientifique, qui est la partie
la plus importante de l'ouvrage : elle exige évidemment la connais-
sance de certaines notions philosophiques, qui nous sont rappelées.
.
M. R. nous montre fort bien qu'une apologétique ne peut être ni
radicalement extrinséciste, ni radicalement inimaiientis^e. Le pro-
blème se présente comme une antinomie à résoudre : nous sommes
faits pour Dieu pleinement, nous n'y avons "pas droit et cela dé-
passe nos forces. D'où la nécessité d'un apport extérieur qui n'est
pas une intuition humaine. La révélation nous vient;du dehors,
Celle de Jésus-Christ se donne comme la parole de Dieu et a des
titres à s'imposer à nops : elle s'acCompagnede miracles et de pro-
phéties.
Après ces explications, M. R. peut nous proposer sonplan d'apo-
logétique scientifique : il faut d'abord rendre impossible une atti-
tude d'indifférence vis-à-vis du problème religieux : cette partie
de la tâche de l'apologète, l'auteur l'appelle « préapblbgétiqiié:»;
La recherche religieuse ainsi-stimulée doit s'orienter Vers le catho-
licisme, il n'y a plus alors qu'à exposer les.preuves de l'Eglise et
de Jésus.
C'est à l'histoire, à la sociologie et à la psychologie, que M. M.
demande de nous démontrer que le problèmereligieux est nécessaire-
ment posé par la science : leur étude nous montre en effet que les
phénomènes religieux sont irréductibles à 'n'importe quel autre
et requièrent: une solution religieuse. On né peut se refuser à les
étudier. Une'étude de la vie nous conduit à la même conclusion,
; OUVRAGES GÉNÉRAUX 395

Ici, M. R. se contenté de résumer avec beaucoup d'adresse la doc-


trine de M. Rlondel, telle qu'elle est exposée dans L'Action. Il re-
connaît d'ailleurs qti'à l'heure actuelle sous l'influence de la laïcité,
l'indifférence est telle que cette analyse de l'action humaine n'attein-
dra pas de nombreuses âmes, incapables de sentir la moindre inquié-
tude au sujet de leur destinée : pour celles-là, il faudra employer
au commencement d'autres moyens.« L'analyse de l'action n'en sub-
siste pas moins absolument ». Toutes ces études orientent néces-
sairement la recherche vers un mystère, et plus précisément vers
le catholicisme qui historiquement et psychologiquement apparaît
comme en ayant donné des solutions.
Mais nous ne sommes pas encore au bout de notre route. Gomme
le dit fort bien notre auteur : « Si le christianisme est mystère et
Révélation, il est proposé par la parole de Dieu, il n'est pas consé-
quence d'exigences de la raison et de la vie humaines. Entre la
démonstration qu'il faut chercher la vraie religion et la vérité du
catholicisme, il y a donc un fossé à franchir ». 1} faut reconnaître
la vraie Religion : nous étudierons le catholicisme au point de vue
scientifique et au point de vue de la vie. Cette.double étude nous
conduit à cette conclusion que le catholicisme présente les marques
sociales visibles d'une religion surnaturelle : société parfaite, re-
ligion de l'Esprit, sainteté, piété, doctrine mystique, miracles,
etc..
Maïs cette démonstration est encore insuffisante : il nous faut
voir que cette Eglise nous conduit à Jésus, d'où la preuve de la
continuité de Jésus et de l'Eglise. M. R. réfute les thèses de S ohm,
Harnack, Holstein, Loisy, etc.. Nous aboutissons enfin à Jésus,
«qui est toute l'apologétique». Authenticité des Evangiles, entou-
rage de Jésus, son témoignage, sa personnalité, ses miracles, ses
prophéties, sa résurrection, la diffusion de l'Eglise. Tout cela est
est passé en revue avec une exactitude et une Concision remarqua-
bles. Quelques pages sur la connaissance que peuvent avoir de
Dieu les ignorants de bonne foi, terminent cet intéressant ouvra-
ge, qui marqueraparmiles oeuvres apologétiques contemporaines.
On s'en rendra peut-être compte par cet insuffisant résumé : nous
n'avions pas tort de dire qu'il y avait beaucoup d'idées dans toutes
ces pages.Oserions nous dire qu'il y en a trop ?Ce plan d'apologétique
est original, et dans l'ensemble, il peut être adopté avec profit:
c'est une combinaison brillante de la méthode ascendante et de la
méthode descendante. On trouve dans ce livre les grandes qualités
de documentation, d'érudition scientifique, de clarté, déloyauté,
à quoi M. R. nous a depuis longtemps habitués. Mais l'organisa-
tion de ce traité ne laisse pas, il faut l'avouer, que de surprendre.
L'auteur nous donne lui-même l'itinéraire de sa marche : vers la
religion, vers ia vérité intrinsèque de la religion, vers le surnaturel,
vers l'Eglise catholique, et on aboutit ainsi à Jésus. Mais dans son
dernier chapitre, M. R. ne nous parle plus que de Jésus, comme d'un
argument apologétique immédiat pouvant s'imposer directement
396 BULLETIN D'APOLOGÉTIQUE

à n'importe quelle intelligence de bonne volonté, et nous croyons


en effet qu'on peut aborder ainsi le problème de Jésus. Mais en ce
cas, il faut traiter de l'Eglise catholique après avoir établi les titrîi
de son foniateir.
Il est vrai que toute organisation apologétique peut prêter à-
quelque critique, et ce n'est pas un manuel didactique qu'a voulu,
faire l'auteur, il prend soin de nous prévenir. Tel qu'il se présente
à nous, c'est un ouvrage de grande valeur, qui nous change un
peu des banalités où l'apologétiquesemble trop souvent se complaire
depuis quelques années.

M. NEGUERUELA publie un résumé du grand ouvrage en deux


volumes dont nous avons donné un compte-rendu dans notre dernier
bulletin (1). Précisément^ parce qu'il est plus concis, ce cours d'apo-
logétique de présente beaucoup mieux : bien des questions ont été
éliminées, à juste raison, par l'auteur. Nous trouvons dans ce traité
les trois parties classiques : le Spiritualisme (Dieu, l'homme, la re-
ligion) ; le Christianisme (la Révélation, le Christianisme, les er-
reurs contraires) ; le Catholicisme (le plan de Jésus-Christ, son exé-
cution, les notes de l'Eglise). Les leçons sont courtes, l'ouvrage se
présente plutôt comme un aide-mémoire que comme un traité
complet ; mais à ce titre, il peut rendre aux étudiants et aux pro-
fesseurs de grands services.

Le R. P. BRUNSMANN, professeur au Collège Saint-Gabriel, près


de "Vienne.réédite son manuel d'apologétique(E).Lapremièrepartie
(qui correspond au De Revelatione des classiques) est originale ;
il y a là une masse de faits qui fournit aux démonstrations une base
objective très appréciable. La nouvelle édition qu'il présente utilise
les plus récents travaux de la science ethnologique et s'inspire des
derniers travaux de Schmidt et de Schebesta. Les rcpértoires bi-
bliographiques sont aussi mis à jour.

M. le Pasteur BOEGNER publie sousle titre : Dieu, l'éternel tourment


des hommes ( 3) les conférences qu'il a données au cours du Carême
1929, à l'église réformée de Passy. Nous avons retrouvé avec plaisir
les qualités que nous avons déjà remarquées dansla série précédente :
connaissance avertie des pensées et dés besoins du monde contempo-
ràin.analyse psychologique très poussée, élégance du style, documen-
tation abondante. Mr. B. commence par poser comme un fait ce

(1) N. M. NEGUERUELA. POT quésoy Catolico ? Barcelone, Casais, 1929 ;in-12,


192 pp.
(2) J. BRUNSMANN. Religion und Offenbarung. S« Gabriel bei Wien,193Ô ;
gr. in-8, 459 pp.
(3) Pasteur BOEGNER. Dieu, l'éternel tourment des hommes. Paris,Fischbaclier,
1929; iîi-12, 212 pp.
ÔUV'RAGES GÉNÉRAUX â9f

besoin de Dieu qui, dans l'âme humaine, va jusqu'au tourment,


et il l'analyse avec vigueur et clarté ; puis il cherche quels apaise-
ments l'humanité a pu apporter par ses propres moyens à cette
souffrance. Les réponses de la philosophie sont groupées en trois
systèmes ; agnosticisme, idéalisme immanentiste, réalisme spiritua-
lis'te. L'échec auquel l'humanité arrive nous montre cependant
que la solution ne petit être trouvée qu'en nous, par l'étude de ce
que nous sommes! Bien conduite, Cette analyse nous oblige à affir-
mer l'existence d'Un Dieu transcendant. Puisque ni les dieux des
philosophes, ni ceux de l'humanité ancienne nepeuVent nous conten-
ter, abordons celui de la Bible et de l'Evangile. Le Christ est la Révé-
lation même de Dieu par sa personne vivante, comme par son ensei-
gnement et par son action. «L'éternel tourment» n'est apaisé que
par le Dieu de l'Evangile.
On sera peut-être étonné de nous entendre dire que nous n'avons
presque aucune réserve à faire sur cet ouvrage du président de la
Confédération des Églises réformées de Frahce.Nulle attaque contre
l'Eglise Catholique, à peine ici où là une expression ou"un rappel
de gloires protestantes exigeraient-ils de là part d'un censeur sévère
une mise au point. Mais que de qualités dans ces conférences <

II. — ECCLÉSIOLOGIE.
Ouvrages catholiques. — Mgr. D'HERBIGNY publie la troisième
édition de son célèbre traité théologique de l'Église^).Elle ne diffère
des précédentes en rien d'essentiel. Certains textes ont été revus.
Là nécessité d'une réédition est le meilleur et le plus agréable
hommage que puisse recevoir un auteur. Celui-ci est tout particu-
lièrement mérité. Nous n'avons évidemment pas à rendre compte
d'un ouvrage aussi connu. Contentons-nous de dire que lés arguments
par lesquels l'auteur s'oppose à la division du traité de l'Eglise
en apologétique et théologique ne nous ont pas convaincu.
Réédition du traité De Ecclesia du R. P. DE GUIBERT, S. J. ( 2)
Ici nous avons la division très nette : traité apologétique, traite
théologique, et l'ouvrage y gagne certainement en clarté. Il est
un excellent résumé, bref et concis des principales thèses que com-
porte tout traité de l'Eglise.
Du R. P. E DORSCH, S. J. voici la seconde édition du deuxième
tome de ses Instilutiones theologiae fundamentalis : De Ecclesia

(1) M. d'HERBiGNY, Theologica de Ecclesia. 3° édition. Paris, Beauchesne,


1927 ; 2 vol. in-8 332 et 402 pp.
(2) J. DE GUOEERT, De Clirisli Ecclesia. Rome, Université Gregorienne,1928 ;
ili-S
$98 BULLETIN D'APOLOGÉTIQUE

Christi Q). L'ouvrage.se divise en quatre parties : I. De Ecclesiae


Christi ihstitutionë et Constitutîoné ; II. De Ecclesia in se constituta ;
III. De proprietàtibus Ecclesiae; IV. De Ecclesia fonte revela-
tionis, sive dé Traditioné.
Nous ne trouvons dans ce long traité rien de bien nouveau, sinon,
comme onapu s'en apercevoir, que l'Eglise est,comme lieu théologi-
que, identifiée à la tradition, ce qui'paraît discutable. Car l'Eglise est
gardienne de la tradition, mais n'est pas la tradition : elle est source
de la révélation, du fait qu'elle est chargée d'expliciter cette révéla-
tion sans en changer essentiellement le contenu. D'autre part, le
R. P. D. n'a pas su éviter de continuelles confusions entre le traité
théologique et le traité apologétique de l'Eglise. Toute une étude,
sûr le corps mystique du Christ est en dehors de l'apologétique.
Les divisions sont très compliquées ; parties, sections, chapitres,
articles, arguments, disputes, chevauchent les uns sur les autres;
cela ne laisse pas que d'être un peu déroutant.

Une série de onze conférences faites à la Semaine d'études catholi-


ques de Cambridge, en août 1927, est publiée par les soins du R. P.
LATTEY, S. J. (x),Sans vouloir former un traité complet de l'Eglise,
elles traitent cependant d'une manière très objective, des différentes
questions que les esprits modernes se posent le plus généralement
en ce domaine. La préface donne le plan général de cette semaine
d'études : l'Eglise à reçus trois pouvoirs du Christ : pouvoir d'en-
seignement, de gouvernement, d'ordre. Des membres connus du
clergé séculier et régulier ont développé autour de cette idée centrale
des considérations fort intéressantes, sous les titres suivants : l'an-
nonce été l'Eglise dans l'Ancien Testament ; sa réalisation dans le
Nouveau ;le corps mystique du Christ ; puis viennent quelques aper-
çus historiques sur l'idée d'Eglise avant le Concile de Nicce, et ses
développements sous Léon I et Grégoire I. Les notes et les propriétés
de l'Eglise sont ensuite étudiées, puis sa juridiction. Enfin trois
exposés historiques nous parlent des schismes des Donatistes,
de Byzahce et des Anglicans.

M. l'abbé DEDIEU nous donne une étude profonde et très intéres-


sante, encore que brève, sur la grande faiblesse du protestantisme,
parfaitement exposée dans son avant-propos (8). < La foi protes-
tante, éçrît-ilj a obéi non pas à la loi de l'évolution, développement
interne et harmonieux de l'être qui tend à s'épanouir, mais à l'in-

(1) Ë. Da-Rsen'.De Ecclesia Christi. Editib altéra. Ihhsbruclç, Rlluch7192&T


iti-8, ' 72 pp. ..'.;.::-.;:. .,„.:>
(2) The Church. Edited by the Rev. C. LÂTTEV; S.-J. painbridge, Héffer,
1928 ; ili-12, 303 pp. :'' -.
:'- : .'.":

(3) J.DEDIEU. Instabilité du protestantisme. {Bibi.calh.âcssc,fil.)..'Psxxii


Bloud, 1928 ; in-12,196 pp. : : ^ '
ÈCCLÈSIÔLÔGIÈ 399

stabilité de ses principes, livrés à la pression, voire, aux caprices


de forces extérieures ».
Telle est la thèse qtie développe l'auteur en ce petit volume d'une
lecture très attachante, plein d'une documentation riche et exacte.
.Après nous avoir peint un triste et courageux tableau de l'état
de l'Eglise" au-XVIe siècle, M. D. nous montre que la réforme était
déjà commencée et en bonne voie de progrès quand Luther afficha
ses thèses à Wit-tenberg. Pour lui, c'est à l'influence prépondérante
du moine en révolte qu'est due la réforme protestante, beaucoup
plus qu'à l'état moral de l'Eglise. Une étude fort bien conduite du
caractère et des doctrines de Luther est suivie d'un exposé de l'état
actuel du luthéranismeoù nous signalerons comme particulièrement
intéressant, un récit historique des luttes engagées en Allemagne,
à la fin du XIXe siècle^ entre le luthéranismesocial et le gouvernement
d'empire, luttes dont le souvenir n'est pas encore effacé. En France,
la séparation a été funeste à l'église luthérienne qui cherche toujours
l'appui du pouvoir civil. Avec juste raison, M. D. signale chez les
luthériens une nostalgie des liturgies symboliques, et un besoin
d'ordre: bons arguments apologétiques pouf l'Eglise Catholique.
Le calvinisme est étudié beaucoup plus rapidement. Moins nom-
breux que les luthériens,les calvinistes ont l'avantage dé grouper
des élites intellectuelles et d'avoir des. oeuvres sociales très intéres-
santes. Quelques pages d'un grand intérêt historique montrent
l'influence, mal déterminée encore, du caivinisme sur l'institution
de l'école laïque en France : les trois principaux collaborateurs de
Ferry : Pécaut, Steeg, Buisson appartenaient à la secte de Calvin.
Où en est, à l'heure actuelle, le protestantisme? Il devient d'une
part, de plus en plus individualiste : c'est le modernisme qui triom-
phe et l'orthodoxie dogmatique n'en est plus à compter ses défaites ;
peut-être cependant, les jeunes marquent-ils une certaine réaction
contre la doctrine de la foi, expérience individuelle. D'autre part,
et en réaction contre le danger que comporte cette tendance,
les églises protestantes s'efforcent de. s'unir. Mais les tentati-
ves de rapprochement échouent les unes après les autres : ni à
Stockholm, ni à Lausanne, on n'a pu aboutir.
M. D. nous montre, avec des statistiques à l'appui, la vitalité
du protestantisme : ses missions, par exemple, sont nombreuses
et présentent un .'vrai danger pour les missions catholiques; les
pays anglo-saxons, les Etats-Unis, en particulier, fournissent un
très gros effort. Ce dernier chapitre vient d'ailleurs en hors-
d'oeuvre, et nous eussions préféré qu'il fut placé ailleurs. L'ordre
manque un peu dans Cet ouvrage, intéressant, instructif et auquel
devront recourir tous ceux qui s'intéressent à un titre quelconque,
à l'état actuel et à l'avenir des églises protestantes.

Ouvragés protestants* — Les églises protestantes sont de pltië '


en plus préoccupées d'unité : elles sentent quelle cause dé faiblesse
est pour la religion chrétienne la division dont elles sont responsables.
400 BULLETIN D'APOLOGÉTIQUE À

A chaque instant, on annonce de futurs congrès des églises dissi-


dentes. L'église orthodoxe orientale ne va-t-ellè pas tenter, dit-on,de
réunir un concile oecuménique? Le livre que vient de publier Melle
Louise COMPAIN est une nouvelle preuve de cet état d'esprit. Elle
nous décrit la vie, la liturgie, le culte des principales églises entre
lesquelles se partage la chétienté : église romaine, église protestante
orthodoxe, église protestante libéralej église orthodoxe grecque, église
anglicane. Et cette partie dé l'ouvrage n'est pas sans grandes
qualités ; Melle C. a fort bien vu les traits essentiels des églises et
fait un effort intéressant d'impartialité objective. Elle n'est pas
arrivée cependant à laisser de côté tout parti-pris contre l'Eglise
romaine, encore qu'elle demeure toujours très respectueuse et, dans
l'ensemble, modérée. Toute sa sympathie est acquise au protestan-
tisme libéral; et elle nous donne sur Ménégoz, Sabatier, etc...
quelques pages qui sont les meilleures de son livré. Affiliée à l'église
catholique libre, elle trouve dans ce petit groupe dissident, le
message pour les grandes églises.
Dans une longue conclusion, Melle C. s'efforce de nous montrer
la voie qui, à son avis, conduira à la synthèse des églises. Disciple
de la religion de l'esprit, elle voit une possibilité d'union dans l'abandon
par chaque église de la formule dogmatique trop rigide et dans la
communauté de l'adhésion à la foi au Dieu Créateur et au Christ.
C'est l'idée'du congrès de Lausanne. Oserons nous dire à l'auteur
que sa bonne volonté évidente et son désir sincère d'union des égli-
ses, ne va pas sans une certaine candeur? Gomment croire qu'une
formule si lâche et si imprécise puisse être le fondement d'une union
si difficile à réaliser? Et quand elle nous dit : «Les protestants des
diverses communions peuvent à l'occasion communier ensemble »
a-t-elle oublié la triste constatation du Congrès de Lausanne?,
Melle C. a du talent littéraire, encore que son st3Tle soit à certains
endroits assez négligé, beaucoup d'élévation dans la pensée, une
conviction sincère et entraînante. Mais il lui manqué, semble-t-il,
une vision nette des difficultés à résoudre. C ependant son oeuvre
est à retenir,précisément parce qu'elle est oeuvre de bonne volonté,
et il en faudra beaucoup à ceux qui s'efforcent à cette tâche si
belle de l'union des églises. Signalons dé très nombreuse fautes
d impression.
Pasteur MONOD est, tout le monde lé sait, un écrivain, de
M. le
grande valeur, et telle ou telle page du livré qu'il vient de faire 1

paraître sont d'une beauté littéraire indéniable (2). Malheureusement


sonincontestabletalent est au service d'un cause condamnée d'avance.
Disciple de Sabatier, fidèle de la religion de l'esprit, il tâche à.'-nous
démontrer que le protestantisme, parce qu'il est l'expression reli-

(1) L. CAMPAIN. La robe déchirée. Paris, Figuière, 1926 ; in-12,190 pp.


(2) W. MONOD. Du Protestantisme. Paris, Alean, 1928 ; in-12, p.
ECCLÉSIOLOGIÈ 4Ô1

gieuse du spiritualisme, est le véritable catliolicisme.'L'église, pour


être universelle, doit abandonner tout ritualisme, toute conception
« cultuelliste » (cet affreux néologisme est fréquemment employé
par M. M.). Dans la mesure même où elle s'en dégagera, elle s'uni-
versalisera. M.M. cherche à donner à cette thèse une base historique.
Pour lui l'histoire de la religion juive, comme de la religion chré-
tienne, est celle delà lutte des spiritualistes et des ritualistes : Amos
contre Amatsia ; Jésus contre Cai'phe, Paul contre Pierre, etc..
L'Eglise prit^une fausse direction par un véritable schisme moral,
« en interprétant Jésus:par la métaphysique hellène au lieu d'inter-
préter Christ par le messianisme hébreu ». M. propose une définition
du chrétien — car il n'admet pas, est-il besoin de le dire, que le
chrétien soit le baptisé.— Pour lui, le chrétien est « celui qui croit
en Jésus-Christ vivant dans l'Eglise et présent dans l'humanité
par son Esprit. ». Or Jésus est présent dans l'église universelle,
qui est l'église catholique, celle qui est -— où à peu près—-sans
dogme ; c'est-à-dire, en somme, pour M. M., l'église protestante,
telle que la comprend l'école de Sabatier. Il vide la doctrine de tout
son contenu, et, pour employer la terminologie actuelle, tient pour
Stockholm contre Lausanne.M ais n'est-il pas surprenant de constater
que de tels esprits ne se rendent pas compte que l'union ne peut
être solide qu'autour d'une doctrine ferme et précise : plus on la
diminue, plus l'union se relâche : on ne s'unit pas autour d'Un néant.
On pourrait dire aussi que le néant n'a pas la pouvoir de séparer.
Mais est-ce ce résultat négatif que poursuivent les églises protes-
tantes? '
Dans cet ouvragé certaines pages contiennent d'assez violentes
attaques contre l'Eglise catholique ; par moment cela touche au
pamphlet, ce qui n'empêche pas M. M. de terminer par un appel,
de style apocalytique, à l'unité de la croyance en Christ.

îil.— MONOGRAPHIES,

Miracle.—Lé R. P. URBANO, O. P., fait paraître tihé série dé


conférences données à Madrid pendant le Carême 1928, sur un sujet
qu'il connaît bien : Le miracle (*). On sait; que le R. P. U. jouit à
juste titre d'une réputation scientifique très méritée : nous trouvons
dans son oeuvre une grande clarté d'exposition, une analyse loyale
de toutes les difficultés, des solutions scientifiques neuves, une
abondante bibliographie. On se rend compte que l'auteur possède
à fond son sujet. Un'est pas d'ailleurs hoinine à se laisser tromper
pardes apparences; on a appris à connaître son bon sens et sa science
dans la question des-miracles de Limpias, C'est un guide sûr en

(1) L. ÙRSANO.Etmitagto. Madrid, Bruno del Anio, 1928 ; in-12, 215 pp.
REVUE DES SCIENCES.—- T. XIX., FASC. 2.: — 26.
402 BULLETIN D'APOLOGÉTIQUE

cette matière si difficile : on ne peut que gagner à l'écouter et à le


suivre.
•-M..O. LEROY, déjà bien connu par ses études sociologiques, nous
donne sur La lévitation un ouvrage de toute première valeur (x). On
sait qu'on appelle ainsi le phénomène du soulèvement sans-appui
du corps humain au-dessus du sol. Les Actes des Saints en signa-
lent de nombreux cas; d'autre part, les fidèles du spiritisme ont
à différentes reprises affirmé que plus d'un médium a été le sujet
de lévitations caractérisées. Quelle part de vérité contiennent de
telles .affirmations? Peut-on en contrôler la véracité? Telle est la
question à laquelle M. L. a répondu avec une méthode scientifique
parfaite.
Il commence par faire l'inventaire des phénomènes : il ne prétend
pas, certes, que la liste qu'il a dressée soit exhaustive, mais nous
ne croyons pas qu'avant lui personne en ait-établi une aussi com-
plète. Seul le R. P. Thurston s'était occupé de cette question en
deux très remarquables articles parus dans le Monih. Après avoir
ainsi recueilli les traditions diverses en dehors du christianisme,
puis dans l'Eglise, enfin dans l'Eglise catholique, M. L. passe tous
ces faits au crible d'une critique merveilleusement méthodique,
modérée et nuancée. Il arrive ainsi à cette conclusion, scientifique-
ment établie, qu'il faut rejeter toutes les affirmations des spirites
et ne conserver comme authentiques que quelques cas de l'hagio- v
graphie catholique. Cinq d'entre eux lui paraissent particulièrement
intéressants : Ste Thèièse d'Àvila, BernardinoRéalino, François
Suarez, Cottolehgo, et surtout S. Joseph de Cppertino. La concor-
dance des documents, l'impossibilité de la fraudé, la bonne foi et
le jugement droit dés témoins ne peuvent laisser aucun; doute sur
la réalité des lévitations des saints. Il a pu y avoir peut-être, en
certains cas, une hallucination d'origine surnaturelle ou encore une
contrefaçon d'origine 'démoniaque. Mais il ne peut s'agir là que de
cas exceptionnels, et l'explication la plus obvie et la plus scientifique
demeure celle de l'Eglise catholique, qui voit en ces phénomènes
une sorte d'emprise divine sur la personne qui en est le sujet. Elle
s'impose à quiconque ne nie pas à priori l'action des forces surnatu-
relles.
Cette monographie nous parait lé type parfait de.l'étude conscien-
cieuse, loyale,scientifique, d'un ensemble de phénbmèhes miraculeux
bien classés. Il serait à souhaiter que se multiplient de tels travaux :
par exemple sur la stigmatisation, la vision à distance, le déplace-
ment des objets, etc.. Ce serait un excellent-moyen de montrer,
comme vient de le faire M. L., la prudence de l'Eglise et la vérité
de ce qu'elle nous enseigne. ,

(i) O. LEROY. La lévitation. Paris, Valois, 1928 ; jh-12, 388 ppt


C
MONOGRAPHIES 403

Sainteté et conversion. — Notre époque qui peut paraître à


certains égards si éloignée de tout idéal religieux, s'intéresse cepen-
dant comme aucune autre, à l'hagiographie, La sainteté l'attire :
elle demande aux saints de lui apprendre les règles de la vie supérieu-
re. Or, l'Eglise catholique n'est-elle pasla Seule qui ait donné à
l'humanité;des saints? Il y a par conséquent dans là sainteté uli
argument apologétique qui de nos jours peut être puissant. L'étude
que vient de publier le R. P. PLUS est donc fort opportune (x).
Elle se divise en deux parties : dans la première, exposé théorique,
l'auteur établit ce qu'on pourrait appeler le canon de la sainteté.
Le modèle à suivre, l'exemple à imiter, c'est le Christ. Etre saint,
c'est le reproduire dans sapropre vie, et nous devons surtout, comme
lui, obéir âù Père. Pour nous 3' aider, nous avons un guide merveil-
leux : l'Eglise. Par sa doctrine équilibrée, cohérente, adaptée à
nos besoins, elle éclaire notre route ; par les secours surnaturels,
qu'elle met à notre disposition, elle soutient nos forces détail-,
lantes et nous apporte l'aide nécessaire à notre marche.
Dans la deuxième partie, beaucoup plus longue, le R. P. P. nous
présente des saints, saints d'aujourd'hui et saints d'autrefois. Il
les groupe sous deux rubriques : sainteté commune et sainteté
éminente. Il fait défiler sous nos yeux toute une théorie de saints
et de saintes : religieux et religieuses, prêtres et missionnaires, laies
de toutes les classes, de toutes les éducations, de tous les milieux.
Ce n'est qu'un rapide aperçu, une notation très brève de ces diffé-
rentes formes de la sainteté. Dans son dernier chapitre, l'auteur
insiste sur ce qui lui parait la caractéristique de celle de notre
époque : la qualité doctrinale. Enfin, une rapide conclusion réfute
l'objection classique des ennemis de l'Eglise fondée sur l'insuffisan-
te vertu des catholiques. . . -
On peut regretter que le R. P. P. ait trop sacrifié la partie doctrinale
à l'autre. Certaines pages de cette dernière ne sont qu'une nomencla-
ture : les deux premiers chapitres semblaient annoncer une étude
plus sérieuse. Je sais bien que l'empereur Nicolas II n'est donné
qu'à titre d'exemple d'une sainteté « commune », mais cela paraît
déjà un peu exagéré. Bien des noms placés sous la rubrique de la
sainteté « éminente », soldats morts à la guerre, évêques, prélats,,
etc.. ne semblent pas mériter un tel excès d'honneur.
L'influence de Charles Péguy, qui ne fut pas très considérable
sur ses contemporains, serait-elle déjà en régression? C'est pour
l'empêcher de s'effacer que M. QUONIAM nous décrit les étapes suc-
cessives de la conversion du puissant et étrange écrivain (1). Dès sa
jeunesse, P. s'affirme comme un apôtre inspiré par là charité:

(1). R. P. PLUS, S. J. La sainteté catholique. (BiVb. cath. des. Se. rclig.) Paris,'
Bloud, 1928 ; in-12 146 pp.
(2) Th. QUONIAM.DÊ ta sainteté de Péguy, Paris. Alcan,1929 ; ih-12,185ppj
404 BULLETIN D'APOLOGÉTIQUE C

l'inquiétude du salut de l'humanité le dévore : il rêve d'une société


où régneraient la; justice parfaite et la charité ; il combat la haine,
le mensonge, le sectarisme, il est un chrétien avant la lettre : il
veut sauver. La charité est bien le point de départ de sa conversion
qui fut retardée par la répugnance que lui inspirait toute autorité
ou formule dogmatique en général, et plus particulièrement, le
dogme des peines éternelles. Pendant longtemps, Dieu-ne lui appa-
rut que comme une création de l'imagination humaine, manifes-
tation éminente de la tendance de l'homme à tout unifier pour
expliquer. P. subit fortement l'iniluénce de la philosophiebergsohien-
ne, qui lui sembla s'attaquer aux idées toutes faites, dont il avait
horreur, et conduire la raison à « l'étreinte dé la volonté ». Mais bien-
tôt il s'aperçut que le dogme chrétien est avant tout une promesse
de vie. D'autre part, il ne connaissait guère dans Son action so-
ciale que des désillusions ; il voyait que son socialisme se heurtait:à
trois obstacles qu'il était impuissant à détruire: là croyance à la
toute-puissance dé la raison, la politique, l'argent. Le Jdésdrdré dés
intelligencesle frappait et il l'attribuait à la science moderne. Il
était témoin dénia décomposition de la mystique républicaine par
la politique » ;il se rendait compte que la lutté désolasses avilissait
le travail ; et bientôt il écrivait : « Ce qui manque le plus à l'heure
actuelle aux chrétiens, c'est la charité ». L'espérance chrétienne le
souleva enfin ; les dogmes chrétiens le conquirent, et il s'avançait
dans les voies dé la perfection, sous la spéciale protection de la
Dame de Chartres, pour qui il avait cette dévotion qu'il a su si
bien exprimer, lorsqu'au début de la grande guerre, une balle vint
l'abattre.
Il est certain que P. n'a eu, ni de son temps, ni après/sa mort,
l'influence qu'il rêvait et que lui méritaient peut-être son caractère,
son intelligence, et son talent. Serait-ce parce qu'il fut toujours
« hors cadre »
? Pour être un chef, il lui a manqué quelque chose.
Quoi? Peut-être le charmé qui attire, l'indulgence qui sourit aux
faiblesses humaines, la souplesse qui se plie aux exigences du mo-
ment. Mais tel qu'il est, il intéresse, précisément parce qu'il est
unique. Remercions M. Q. de nous le faire mieux connaître: on
sent qu'il l'aime beaucoup, et sans doute certains catholiques trou-
veront-ils qu'il l'aime un peu trop. Le livre se termine par. le départ
de P, p'our la guerre et la mort. « Il est dans la Vérité de la Vie,
il va mourir dans là-Vérité du Sacrifice, il va naître à la Vérité du
Ciel ». Peut-être une telle conclusion, qui semble tout-à-fait exacte
quand on ferme ce livre si plein de piété touchante, semblera-t-ehe,
à la réflexion, sauf le dernier cri d'espérance, un peu forcée.

Le livré de M. VON ÀDÎÙAN-WERBURG(*) n'est pas une étude

(1) Von ADR1AN-Y\7ÈRBURG.Ihre Wegènabh Rom. Paderbbih, Schôning, 1929 J


gr.m-8,320pp.
MONOGRAPHIES 405

théologique de la eonversion,mais la mise en oeuvre,en vue d'une


apologie de la foi catholique, des exemples et des récits présentés
par les convertis eux-mêmes. L'auteur utilise près de trois cents
exemples de conversion empruntés presque exclusivement aux
milieux protestants anglo-saxons et Scandinaves des XIXe et XXe
siècles. II nous fait entendre, de leur propre bouche, les raisons qui
les ont amenés à la véritable Église par tant de chemins divers :
l'inquiétude humaine, le chemin de l'art, la voie de la science,
surtout des sciences positives, celle de la libre recherche qui est le
principe même du protestantisme, l'étude de la Bible ou-celle de
Luther, l'approfondissement logique de tel ou tel point des posi-
tions déjà acquises (mouvement d'Oxford), la vue des vies ou
des oeuvres catholiques ;'enfin dans tous les cas, par le moyen
souverain de la grâce de Dieu, soit qu'elle illumine dans une irrup-
tion soudaine (Ratisbonne), soit qu'elle enlève tout d'un coup une
décision que de nombreuses années d'études avaient préparée.
Livre apostolique plutôt que scientifique, où les âmes droites
Vérifieront par tant d'émouvants témoignages, qu'« il y a assez de
lumière pour ceux qui veulent croire » (Pascal).
Le Saulçhoir, A. DELORME, G. P.
CHRONIQUE

ALLEMAGNE. — Publications.— Lé Prof. J. .KLATZKIN, rédacteur en


chef de ï'Encgclopaedia judaica, auteur d'une anthologie des pliUosophes.hè-'
breux, a entrepris la publication d'un Thésaurus philosôphicus linguae hébraiçaç
_
et veleris et récenlioris, dont les deux premiers .vôlmneslsont parus .(Berliiiï
Eschkol-Verlag, 1928 ; 2 vol., Aleph-Mem,.-in-8," 338 et 329 pp.,;62 njk.). Cë:pre-
mîer dictionnaire de l'hébreu philosophique sera particulièrement apprécié
des historiens de la philosophie .médiévale, qui trouveront;Ià,un~excêlleiitinstru-":
ment dé travail pour étudier l'Influence des philosophes juifs au moyen âge.
.
M, K. a dépouillé lion seulement les ouvrages imprimés, mais aussi les sources;
inédites ; les notices se terminent par l'indication des équivalents latins, grecsi
et s'il y a Heu, arabes. r

— Sous la direction du Prof. H.RITTER, paraît, àlaoe Deutsche Morgen"


lândische Gesellsclïaft », une collection de textes arabes, intitulée; Bibliotheca;
islamica. Le.premier volume contient,: Abu l-llqsan al-As'ôri, Mqgôit&t- al-
islamijin (Die dogmalischen Leliren der Anhânger des Islafn)j édite par Ritter
lui-même. Viendront ensuite Ibn Ajàs: Ta' rih nïisr (Die Lûcke flir die Jahre.
90Ô bis 922 "(Ï500-Ï516), par Muhammed. MusTAFÀ,éû collaboration avec. M.
SOBERNHÉIM etP.KAHLE-; As-Safadi, al-wàji bil-wafqjàl,_parKvisXii'RiFÀTet
H. RITTER ; etc. .:.: .'",;.

Déoès. — M. Max ÊTTLiNGBR, professeur de philosophie et de pédagogie


scientifique à l'Université de Munster, depuis 1917, est mort le 12 octobre der-.
nier, à l'âge dé 52 ans. Il avait fondé en 1921 et dirigeait le DeUisches Jnsliiut
fur wissenschafiliche Pâdagogik; c'est avec lé concours de cet Institut et en
collaboration avec les Prof. F. X. Eggers.dorfer ;et .'G. Raèderschéidtqu'il
avait conçu le plan' d'un vaste Hqndbuch der Erziehurigswissénschaft, .collec-
tion de 28 volumes embrassant toute la philosophie-de l'éducation, ?daiis ses
présupposés généraux (4 vol.), dans ses divers aspects (philosophie, psychologie,
sociologie, 3 vol.), dans ses étapes (7 vol.), dans les disciplinés particulières
(10 volumes), dans son histoire (4 vol.). Le premier volume yient dé paraître
-. (Munchen, Koseï ; 10 marks le vol.). Ettlinger y préparait le:voIume îiïtitiilé::
Pâdagogische-psychologischeJugendkunde. On lui devait déjà un ouvrage :; Die
philosophische Zusammenhânge in der Pâdagogik der jûngsten Vergàngenheii
und Gegenwdrt, 1925. Autres publications : Untersuchuligchûbér die: Bèdéutung
der Descendenziheoric fur die Psychologie, 1903 ; Ëinfùiv-ungiridie'Tierpsycho-
logié, 1921 -, LelirevonderTierseele,1925. ',_.'.
— Le 29 janvier, est décédé à Munich, Mgr Nicolas PAÛLUS, né à KraMer-
-
gershehn (Alsace) en 1853, Ses nombreux ouvrages sur lès origines de IsfRéfQr-;
CHRONIQUE 407

me témoignent d'une érudition minutieuse et d'une connaissance étendue


de la littérature doctrinale des xve et xvie siècles. Il s'en tenait d'ailleurs au
domaine des monographies ; en voici les principales : Johann.Hofmeisler,
-.1891 ; Barihold Arnoldi von Usingen, 1893 ; Der Slrassburger Reform und die
Gewissensfreiheit, 1875; K. Schatzgeyer, 1898; Johann Tetzel, 1899 ; Die deut-
sche Dominikaner im Kampfe gegen Luther, 1903 ; Proleslantismus und Toleranz
imlô. Jahrhunderl,l91l. Sa Gcschichle des Ablasses im Mittelalter, 3 vol., 1922-
1923, quoique ne dépassantpas ce caractère analytique, est un ouvrage magistral,
qui témoigné d'une longue familiarité avec l'immense matériel documentaire
.
où est enregistré le développementdes indulgences au moyen âgé. De nombreux
articles dans les revues avaient préparé ce travail définitif de Paulus.

•— Mgr Augustin BLÙDAU, évêque d'Errnland depuis 1909, décédé le 8 février


dernier à l'âge de 67 ans; avait été professeur d'exégèse à l'Université
de Munster de 1897 à 1908. Après sa thèse de doctorat, De AUxandrina inter-
pretaiionc libri Danielis indole critica et hermeneulica, 1891, il avait publié :
Die aléxandrinische Uebersetzungendes Bûches Dqnicl,1897 ; DiebeideErasmus-
ausgaben des N. T. und ilire Gegner, 1902 ; Die Schrififàlschungen der Haerefiker.
Èin Beitrag zur Textlcritik der Bibel [il n'est question en fait que du N. T.],
1925 ; Die erslen Gegner des Johannesschriften [les Aïoges], 1925.

AUTRICHE. — Centenaire. — Pour donner un intérêt scientifique à la


célébration du 15e centenaire de S.Augustin, la Société académique e Logos »,
de Vienne, a organisé une série de cours sur la doctrine du grand docteur ; ils
ont été confiés au Prot H. Eibl.,

CANADA. — Sociétés savantes. — Sous l'inspiration de Mgr L.-A. Paquet,


doyen de la faculté de théologie de l'Université de Québec, et aveçT approbation
du Card. Rouleau, arcnevêque de Québec, a été fondée une «Académie cana-
dienne de Saint-Thomas d'Aquin », en vue de promouvoir les études de phi-
losophie et de théologie. Font partie du conseil administratif de la société,
avec Mgr PAQUET, président, le R. P. FOREST, O. P., doyen de la faculté de phi-
losophie à l'Université de Montréal, secrétaire, M. A. ROBERT et Mgr "W. LEBON
professeurs à l'École supérieure de philosophie de l'Université de Québec,
le R. P. R. VILLENEUVE, professeur de théologie à l'Université d'Ottawa, M. L.
PusrEAULT,professeur de philosophie à l'Université de Montréal.Les membres
de l'Académie seront prochainement nommés par le conseil.

FRANCE, — Université. —Au mois dé janvier, a été inaugurée à l'Institut


catholique de Paris une nouvelle chaire, fondée grâce à la générosité de la famille
Nisard, sous le nom de « Chaire de la Papauté ». Le titulaire en est pour cette
année le R. P. EMEREAU, àssoinptioniste, qui a pris pour- sujet : La Papauté et
V Union des Eglises au concile de Florence.

Décès. — Mgr CHAUVIN, évêque d'Evreux, est mort à l'âge de 71 ans. Après
ses études au Séminaire de Mayenne et à Saint-Sulpice,il avait enseignél'Écriture
Sainte au Séminaire dé Laval pendant quinze ans. Les deux volumes qu'il
publia: L'inspiration des Ecritures, 1896, et Leçons d'introduction générale
(aix Saintes Écritures, 1897, présentent une partie des fruits de son ensei-
408 GHRQNIQUE ':].

gnement, clair, méthodique, bien informé pour Son temps. Il avait été nom-
mé membre de là Commission biblique par.Léon XIII en 1903, ,

ITALIE.-—Publications.-—Dans là Rivisia di' Filosofia nëo-scolasliçaj,


sept-déc. 1929, p. 331, M. Romaiio AMERIO, prof! de philosophie au .lycée dé.
Lugario, annonce la publication prochaine d'une édition critiqué àél&TMologia
deCanrpanella.y. Spampanato avait forme leprojet de publier, .sinon la totalité
du moins des extraits de cette oeuvre volumineuse, demeurée jusqu'iciInédite,
et même considérée longtemps comme perdue. Cl. Giorn. crit. délia filas, ital. .,
1927, pp. 398-406. M. A. reprendleprojet,abâlidonnésdepùisla:mort|deSpanipa- :
nato, et se propose de publier l'oeuvre en entier, malgré son étendue, d'aprèsMes
deux mss. connus, Paris, Mazarine, 1077 -1078 et Archives des Frères Prêcheurs
àRome,ser. XIV, C, 1-6. Dans un autre article,dont le titre dit assez la tendance,
Riiraliaziohe déll'oriodossia campanelliana(Riv; di filos. neo-scol., ibid., pp.410-;
430), A. indique en quel sens il interprète quant à lui là doctrine de Canïpanèlla. ;

Décès. — Le 15 décembre 1929, est mort à l'âge de 60 ans, Gustave BALSAMO;


CRivELLi,profèsseur de lettres au lycée Ricaldone de-Turin depuis .3:7;ans.\En
dehors.de ses occupations professionnelles et de ses, travaux littéraires, il avait,
entrepris, sur là demandedu Conseil communal de Turin, le catalogue,des lettres
de Gioberti conservées à.la Bibliothèque (Cf. Le carie giôbertiàne fnélla Bibl.
civicadi Torino, 1928), et collaborait activement à la pùbliçatipn.de;!', ^pîstoïario
de Gioberti par Spampanato (1927 et ss., 5 vol. parus).Il avaiten outre préparé
des éditions de plusieurs ouvrages de G. et la publicationdu Cdrlèggio Gioberti-y
Massdri, 1920. < -;: ...
,

— M. Eugène RIGNANO, professeur. de philosophie à l'Université de Milan.


•membre del'Institut lombard des sciences et deslettres,correspondâhtdel?Insti-
tut de France et de l'Académiedes sciences morales de Madrid,est décé.déàMilàh:
le 9 lévrier à l'âge de 59 ans. Sans doute trouvera-t-on dans là.rëyué;SciÈ;i/i'a,:.
dont il fut l'un des fondateurs (Rioista di scienza, Ï907), fit dont il était le direct .
teur, l'image la plus représentative de son esprit et de ses aspirations-scientifi-
ques;: souci de réagir contre le particularisme des spécialisations outrancières,


volonté de tendre à une synthèse où, dans l^unité de la pensée, la philosophie
interprète les problèmes posés par les.sciences,depuis lesvmathématiquè:s"jusqu'à-'
la sociologie, et critique théories et" méthodes,au delà des formes .particulières
de la recherche. Ainsi, faire oeuvre de philosophie scientifique, sans cepeiidant '
s'enfermer dans des constructions morales, politiques ou métaphysiqiies. : '
Ce dernier trait nous-révèle lé caractère foncier de R. et de son oeuvre. Formé:
dans, le positivisme, R. ne parviendra pas à en surmonter entièrement les pré-
jugés et à en franchir leslimites : incessamment-entraînévers là métaphysique:,
en laquelle il reconnaît une réponse à l'aspiration la plus profonde dé l'esprit :

humain, il en dénonce cependant l'inanité, au moment même.où il est.leprison-


nier d^unèincônseiente solution métaphysique. En biologie, parti de Hàeclcel
il se dégage du mécanisme et insisle sur les manifestationsyfinalistesidela vie
pour aboutir à une théorie intermédiaire'.qu'il dénqmme:vitâlis,me énergétique
(et non pas animiste). Cf. Sur la Iranstnissibilité des caractères acquis, Paris,
1906 > en italien et en allemand, 1907 ; en anglais, 1,911 fLa^fnoireMotqaique
CHRONIQUE 409

Paris, 1923 ; en italien, 1922 ; en anglais, 1925 ; Qu'est-ce que la vie, Paris, 1926 ;
en italien, 1927.
Eu psychologie,ilrestelié à un associationnismedont l'insuffisance est de plus
en plus manifestée par les théories récentes (Gestaltheorie. Cf. la discussion avec
Kôhler, dans Scientia, 1927-1928). Dans sa Psychologie du raisonnement, Paris,
1920 ; édit. italienne, 1920 ; anglaise et espagnole, 1923, il s'applique à marquer,
jusqu'à l'excès, le rôle dans la vie intellectuelle de l'affectivité, unique et effec-
tive constructrice de la pensée.
Le même'finalisme se retrouve dans la morale et la sociologie de R. ; mais sa
formule d'une harmonie de la vie », empreinte d'un ardent idéalisme, ne dépas-
<t

se pas en définitive les postulats éthiques de l'empirismemoral et du libéralisme


économique. Cf. Un socialisme en harmonie avec la doctrine économique libérale.
Paris, 1904 ; édit. italienne, 1901 ; La sociologie dans le Cours de philosophie
positive d'Auguste Comte,'Paris, 1902 ; édit. italienne, 1904 ; Problèmes de psy-
chologie et de morale. Paris, 1928 ; édit. italienne : Il fine delle'uomo, 1928
(sommaire d'une morale qu'il se proposait de développer, comme couronnement
de ses divers travaux). .
Ces thèmes doctrinaux, repris jusqu'à la monotonie dans de nombreuses pu-
blications en plusieurs langues (Cf. encore le recueil d'Essais de synthèse scienti-
fique. Paris, 1912 ; édit. anglaise, 1918 ; espagnole, 1925), sont en même temps
temps que.le fruit d'une digne activité intellectuelle, le témoignage des insuffi-
sances du positivisme et de son dogmatisme négatif, aujourd'hui bien vieillot,
même eh psychologie expérimentale.

NORVÈGE. — Institut. — M. Alf. SOMMERFELT nous fait connaître, dans


le Bulletin de l'Association G. Budé, janv. 1930, pp. 36-47, l'orientation et le
développement des travaux de I'« Institut pour l'étude comparative des civilisa-
tions », inauguré à Oslo en 1924-1925, dont le Revue avait jadis signalé l'activité
(1926, p. 273). Désormais, en plus des conférences organisées avec le concours
de savants de tous pays sur les problèmes généraux bu particuliers des civilisa-
tions (linguistique, préhistoire, religion, art, etc.), l'Institut concentrera ses
efforts sur les trois tâches suivantes: étudier l°les traditions populaires, le
folklore des divers pays ; 2° les civilisations des pays arctiques ; et 3° entre-
prendre une description, et, si possible, une grammaire comparée des langues
càucasiques. La Fondation Rockfeller a accordé à l'Institut une subvention de
20.000 dollars pour lès années 1929-1930, afin d'entreprendre des recherches
archéologiques dans la partie septentrionale de là Norvège ; au cours de ces
recherches, M. Nunimedal vient de constater, dans le Finnmark, l'existence
d'une civilisation datant de l'âge de pierre et tout à fait différente de celle que
Ton connaît delà Scandinavie méridionale. Quant aux études de folklore, l'In-
stitut ne fait que demeurer fidèle à la tradition scientifique de la Novège, qui
possédait dès 1848 un enseignement sur le folklore à l'Université d'Oslo, et y
créait une chaire dès 1866,occupée depuis lors par des savants de grande valeur.

SUISSE. — Institut. — L'Institut Jean Jacques Rousseau de Genève


vient de prendre des développements nouveaux qui sont de nature à intéresser
tous les instituteurs. Fondé en 1912 par un groupe privé, cette École des sciences
de l'Éducation faillit être entraînée dans la débâcle financière de l'après-guerre',
4-10 ' CHRONIQUE -

L'Institutfut sauvé par ses anciens élèves et en particulier par les instituteurs
primaires de là Suisse Romande qui se cotisèrent pour lui venir en aide et qui
acceptèrent de participer...à sa direction administrative. Depuis, de nouvelles
étapes ont été franchies. L'État de Genève, que les circonstances avaient amené
à supprimer son École normale ou plutôt ce qui en tenait lieu, confie depuis
deux ans à l'Institut la préparation professionnelle de ses futurs instituteurs
et institutrices pour les classes enfantines et primaires. D'autre pari, l'Institut
vient d'être rattaché à la Faculté des Lettres de l'Université de Genève comme
Institut des sciences; de l'Éducation. Genève entre ainsi dans la voie de cette
préparation universitaire du Corps enseignant primaire qui a fait récemment
l'objet de tant de discussions. Lés élèves de l'Institut ont la possibilité de passer
des examens universitaires et, s'ils le veulent, de pousser jusqu'au doctorat.
Le nombre des élèves de l'Institut s'est notablement accru au cours de ces deux
dernières années. Ils sont plus de 100, représentant plus de 20 pays.Un bâtiment
scolaire entier a été affecté à l'Institut et à deux centres d'études qui sont avec
lui en relation très étroite, la Laboratoire de psychologie et le Bureau inter-
national d'Éducation.
RECENSION DES BEVUES:o
.

ANTHROPOLOGIE (L'). XXXIX.S-6. —- D. PEYRONY. L'industrie et l'art


de la couche des pointes en os à base à biseau simple de Lau gerie-Haule. (Industrie
qui est apparentée à celle de Predmost en Moravie et qui suggère que des
tribus tchécoslovaqueSjChassées parles Solutréens venant de Hongrie,se seraient
établies à Laugerie-Haute, après avoir supplanté les Aurignaciens supérieurs.)
pp. 361-371. — Marthe et Saînt-Just PÉQUART. La nécropole mésolithique de
Téviec (Morbihan). (Description des sépultures, avec leurs morts et leur outillage.
Pas d'orientation déterminée. Croyance dans une vie future:) pp. 373-400.—
S. ROUDENKO. Les sépultures de l'époque des Kourgaiies de Minoussinck. (Sépul-
tures de l'âge du Bronze. « La foi dans la vie d'outre-tombeet le.culte des défunts
étaient très répandus, ainsi quëleprouventlesobsèquessecondaireset des festins
funéraires ».) pp. 401-430. — E. TORDAY. Le fétichisme, l'idolâtrie et la sorcellerie
des Banlou occidentaux. (Observations faites sur les Bantou qui occupent la
partie occidentale de l'Afrique s'étendant de la côte jus'qau'au vingtième degré
de longitude E., entre les deuxième et huitième degrés delatitiideS., à l'exclu-
sion de l'jenclave de Batéké et leurs congénères.) pp. 431-454. — M. BOULE. Le
« Sinanthropus». (Découverte récente d'une boîte crânienne à Chou-Kou-Tien,
prèsdePékin, par M. Pei. Le gisement est duvieux pléistocène. Pas de trace de
travail humain, ni de feu. Le crâne appartient au « Sinanthropus ». Le P.Teil-
hard de Chardin écrit : .» En somme, le Sinanthropus se présente en ce mo-
ment comme faisant une transition morphologique extrêmement précise
entre le Pithécanthrope et l'Homme de Néanderthal'«.) pp. 455-460.

*ANTHROPOS. 1930. Janv.-Avril. — Kaj BIRKET-SMITH. Ueber die Her-


kunft der Eskimos und ihre Stellung in der zirkumpolaren Kulturentwicklung.
(Distingueles différentescouches de civilisations, en montrantle degré de primi-
tivité de chacun ; l'auteur conclut à une civilisation commune, primitive, dont
" il reste des traces, dans le nord de I'Eurasie et de l'Amérique.) pp. 3-23.
— M.
VANOVERBEHGH, C. I. C. M. Negriios of Northern Lugon again. (suite, à suivre).
(La musique et le chant.) pp. 25-71. — J. MEIER, M. S. C. Kritische Bemer-

(1) Tous ces périodiques nous sont parvenus au cours du premier trimestre
de 1930. Seuls les articles ayant un rapport plus direct avec la matière propre
à la Revue ont été résumés. On s'est attaché à rendre aussi exactement que
possible la p ensée des auteurs en s'abstenantde toute appréciation. — Les Revues
catholiques sont marquées d'un astérisque. — Le Recension à été faite par les
RR. ,PP. CHÂTELAIN, CHENU, DELORME, DEMAN, GORCE, HÉRIS, PÉRINELLE,
SPICQ, SYNAVE (Le Saulçhoir), DUMONT (Lille), LAVERGNE (Le Havre), Sï-
jioNrN (Borne),
412 RECENSION DES REVUES

kungen zu J. Winlhuis'Biich « Das Zweigeschlechlerwesen». (Critique la thèse


de.Winthuis et montre à quel point il est faux de s'appuyer sur les Gunantuna.)
pp. 73-135. — j. DE ANGULO and L. S.. FREELAND. A praclical Schcme for a
semantic Classification: (A cet essai Fr. ANTONI présente quelques modifications
et "W. -SCHMIDT, son maître en linguistique, ajoute quelques remarques.) pp. 137-
146. — H. PLISCHKE. Giu'tèlinvesiilurpolynesischer Oberhâupllinge. (Description
de ce rite.) pp.147-162. —• D.DOUTRELIGNE. Contributionsà l'étude des populations
Dioy du Lang Lùng:(Proy. Koui Tcheoù méridional, Chine) (suite, à suivre).
(Les Dioy et l'ait ; le Mariage chez.,les Dioy.) pp. 163-172. —F. KERN. Die
Well, worein die Gricchen iratcn (suite). (Reconstitution de l'esprit crétois.)
pp. 195-207. — H. M. DUBOIS, S. J. Le caractère des.Beisileo (Madagascar).
(Décrit cette race au point de vue physique, moral et social. Si elle est déprimée
actuellementc'est qu'elle à été contrainte et asservie. On peut l'assainir morale-
ment et physiquement.) pp. 209-237: — Mgr. J. SCHRIJNEN. Volkskunde
und religiose Volkskunde. (Définit le folklore en général et le folklore religieux.)
pp. 239-254. —Dr F. ROCK. Die Kuliurhistorische Bedeulung von Ortungs-
reihen und Orlungsbildern. (Les divers arrangements des quatre points cardinaux
les uns par rapport aux autres ; leurs couleurs symboliques ; leurs figures symbo-
liques. Les cycles de directions ou points cardinaux ont une importance cultu-
relle.) pp. 255-302. — H," S. DARLINGTON. The probable origin of some North
American dice.games: pp. 303-310.— P. SCHEBESTA, S: V. D. Die Eîe-Pygm&en
(Premières communicationssur ce groupe de Pygmées qui appartient à la race
des Pygmées Balese.) pp. 311-314,

AUSTRALASÏAN (THE) JOURNAL OF PSYCHOLOGY AND


PHILOSOPHY. 4929. Sept. — E. V. MILLER. The world of truth and
tlie worldof enjoyment. (A propos de l'ouvrage du Prof. Alexander, Space,
Time and De ty, et de sa théorie de la connaissance.) pp. 161-176. — F. E.
BROVN. The quest of the good life. An essay towards a philosophy of religion. II.
(La découverte de Dieu; La contribution de Jésus.La morale de la maîtrise
spirituelle.) pp. 177-187. — W. A. MERRYI.FES. Participation. II. The logical
significanceof participation. (Sens de la théorie platonicienne, dans le Parmënide
et le Sophiste.) pp. 188-203. — Dec. — E. MORRIS MILLER. The beginnings of
philosophy in Austialia, and the work of Henry Laurie. (à suivre). (La
.
philosophie en Australie dans la seconde moitié du XIXe siècle.) pp. 241-
251. — W. M^ KYLE. British ethicql théories;, the place and importance of bishop
Butler. (La morale en Angleterre au 18e siècle.) pp. 252-262. — M. MACMAHON
BALL, The righis of Ihe Individual. (En domaine politique.La théorie des droits
.
'. • naturels, là théorie utilitaire, la théorie idéaliste.) pp. 263-277. — A. C. Fox.
An èxamiiialion of realism. pp. 278-285. — F. LIONS. Odour. (Conditions
d'exercice de la perception de l'odeur.) pp. 286-293.

*BIBLICA. 1929. 4. — H. HâNSLER. Die biblische Chronologie des 8. Jahr-


hunderls y.G7;r,^incohérence de la chronologie biblique du VIIIe s.av. J.-G.
ne tient pas à des fautes de copiste : lé texte primitif a été rétouché ici et là par
un « synehrohiste » malavisé pour lui appliquer un système faux que l'on peut
rétablir et que l'on doit élnniner.) pp. 377-393. — E. POWER. The House of
Çaiphas and the Church of St. Peter. IL Archqeological proof of the authenticité
RECENSION DES REVUES '
4là

of the site. (Trois arguments d'ordre archéologique pour prouver que le Palais
de Caïphe occupaitlé terrain fouillé naguère par les PP. Assomptionnistes :
1° le tombeau aménagé en prison juive et près duquel on croit reconnaître une-
salle de corps de garde, où Jésus aurait été flagellé par les Juifs ; le pilier qui
manquepourrait bien être celui que vénéraientles chrétiens : des taches d'oxyde
de 1er auraient été prises par eux pour des taches de sang ; 2° le linteau portant
le mot « qorban»; 31- un certain nombre de mesures de capacité juives, avec
.
quelques poids et quelques monnaies du Ier siècle) pp. 394-416. — P. JoiioN
Notes philologiques sur le texte hébreu de Osée 2, 7, 11 ; Joël 1,7 ; 1, 15 (= Is.
13, 6) ; Jonas 1, 8 ; Habacuc 2, 2 ; Aggée, 2, 11-14 ; Zacharie 1, 5 ; 3, 9 ;Malachie
1, 14) pp. 417-420. — H. LUSSEAU. L'inspiration et Vintelligence (Cest «par
une illumination de l'intèllect-agent et par une motion de l'intellect-possible
de l'hagiographeque le divin Inspirateur des écrits canoniques s'assure le titre
d'auteur principal des jugements destinés aux livres saints et de leur rédaction ;
cette doctrine s'accorde avec celle de S.Thomas sur la prophétie (2a 2ae, q. 171-
174), mais l'écriture intègre le fait de l'inspiration au lieu que la parole n'est
qu'une fin secondaire du charisme de prophétie) pp. 421-444. —A. LANDGHAF.
Zur Méthode der biblischen Textkriiik im 12. Jaluhundert.;(l. On invoque or-
dinairement les textes de S. Augustin et .de S. Jérôme sur la supériorité récipro-
'
que des autorités hébraïques, grecques ou latines ; 2. Gilbert de là Porrée, dont
la science de la langue grecque semble assez maigre, recourt à S. Jérôme, à
l'Ambrosiaster,à Pelage et à Haymon, quand il rencontre une difficulté textuel-
le ; Etienne Langtonrecourt aux textes liturgiques, à la glose interlinéraire et à
Pierre Lombard, sans s'expliquer autrement sur sa méthode.) pp. 445-474.

*BÏBLtSCHE gEÎTSdHRÏFT, 4626. 3-4. — A. DOLD, 0. S. B. Neue


Palimpsest-Bruchslùcke der griechischen Bibcl. (Décrit deux nouveaux palimp-
sestes trouvés à B euroli ; l'Un du début ou de la fin du x° siècle contient un frag-
meht de la Genèse, l'autre du milieu du IXe s. contient un fragment des Évan-
giles ; un troisième palimpseste, de la fin du XIe siècle, conserve aussi un frag-
; ment d'Évangile ; il appartient à la Bibl. de Wolfenbuttel. En appendice, l'au-
teur, rectifie la lecture du palimpseste, utilisé par Tischendorf, Saint-Gall 18.)
pp. 241-270.— A. ALLGEIER. Lehrreiche Fehler in den al tlateinischen Psalterien.
(Montre par quelques exemple qu'il y a deux traditions parallèles .du Psautier î
l'une africaine, l'autre européenne, les deux traditions remontent peut-être à
une seule traduction ancienne-latine du psautier.) pp. 271-293. — S. LANDÊRS-
DÔRFER. Das Daemoniummeridianum (Ps. 91 [90], 6). (Voit dans le verset du
psaume l'allusion à un démon de la fièvre, le-démon de midi, qui correspond
au démon de la nuit ; deux démons traditionnellement connus en Orient.)
pp. 294-300. —P.-M. BAUMGARTEN. Francisco de Borjas Plan einer Ribelaus-
gabevom Jalve 1-563. (Il s'agit d'un plan d'édition de la Bible avec l'impression
des gloses et de certaines interprétations d'auteurs graves.) pp. 301-307.

*BO&DsîiÔVN'ï VBSTNîK. 1930,1, —F. GRIVËC. Vzhodne cerkve in


bzhbdhi obfédi. (Classification, avec notice sommaire, des églises et des rites
de l'OrientChrétien, catholique ou orthodoxe.) pp. 1-50.

*BQHQStOVÎÂ.."4929. 4. —- J. SLIPYJ. lîirecliones quaédam progressant


414 ."'•' ".' ' RECENSION DÈS REVUES: ;
:'^ .>,:
.

iheologicmn in Oriente spéctantes. (Conférencedonnée àb congrès pour les études


orientales, Prague, août 1929. I.. Les obstacles .à l'Union venant d'Une rnésiri- -
teiligenceréciproque dès Orientaux et des Occidentaux : les préjugés dés Occi-
.
dentaux contre la culture byzantine. II, Gomment se doit accomplir Téyôlutipn ' ,.
doctrinale et rituelle des Églises orientales; elles en sont capables; et on les
y incitera à partir-de leur propre tradition primitive;) pp. 209.-226. "'

«'BULLETINDELITTERATURE ÉGGLÈSlAstlQÏJEi 4>929,Noy;T-^


G, BRETON. La formation de la théologie. (Discours prononcé à la séance solen-
nelle derentrée de!'Institut catholique. Lés éléments, làpréparation^^^ la construc-
tion définitive de la théologie du XIIÏ0 s.) pp.;193-222.—,—-L. SALTET. L'oeuvre
pseudonyme et le silence de M. J. Tunnel, (suite, à suivre).:(Continuation de
l'enquête. Nouveauxtémoignages et documents.)pp. 213-223.3= 4930..Janv.-—
J. RIVIÈRE. Le démon dans l'économie rédemptrice d'après les apologistes,et les
premiers. Alexandrins. (Contre Turinel, établit que, dans : là : sotériolôgie de ;
S. Justin et dans celle de S. Clément, le démon ne joue que le rôle;normal que.
lui attribuait la pensée..chrétienne du temps, et;que la théorie du:«rachat,au;
diable» n'est qu'une déformation de la pensée des Pères.): pp; 5-20,—F.
CAVÀLLÈRA. Notes chronologiques et hagiographiques sur quelques: sermons de
S. Augustin. (Établit qu'il y a connexion entre les sermons 1,;50 et 12 '; dé .même
entre les sermons 23, 53 et 277, lesquels ont"été prononcera Cartilage après •

411 ; le sermon 37 est des débuts de la prédication d'Augustin'; les sermons


326 et 325 concernent tous deux les mêmes vingt martyrs ; lesermon De pturi-
bus marlyribus (P. L., 46,988-9.91) a pour objet lés martyrs récemment indiqués
parles AA. SS-. au4nov. Enfin le sermon, 345 serait dU3Ô juinet41ï.)pp.21-30.
— L. SALTET. Le silence de MM: P. L. Couçhbud, R. DusscïudçpA. Lbisyspf
M. J. Tuimel. (Sollicités de défendre, s'il y:avait erreur, les auteurs que M..
Saltet avait proclamé être des pseudonymes;deM. T., les personnalités ci-dessus
n'ont rien répondu.) pp. 31-36. ~ ., ; :

*GlVlBTA:eAÏ'TOLÎGA.iôSo, 1S.fév- — La qmsHohùstôricâ nelta eôn-


troversia dél «.Filiqqucv'(k suivre). (A tïàvers cinq siècles. 'L'adjonction delà
formule.-.Jpi./iq.îuc dans le symbole, au cours des controverses, de Phofins ;au
concile de Florence.) pp. 301'317. = 45 mas. — La «mcntalita» dèPLàtinï
c.dei Greci al concilia ecumenico di Firenze:(iu\) (Comment:1e fait delladjohè- :

tion dû Filioque dans le symbole par lés Latins brouille lès deux mentalités,
sur la doublequestion delà licéité et dé la vérité de l'adjonction.) pp. 518-527.

*CRÎTERïQN. 4929, ©et. — À. BERTOMEU. Là:pase'melafisicadel:dret.


(De Duguil à S. Thomas) pp. 383-392. — M.-M. GORCE. Lecentre.inlernalional
de synthèse et la,première semaine de synthèse historique. (Eji ;étuaiant;en mai
1929 les notions complémentairesde civilisation et d'évolution,les collaborateurs,
de H. Berr, comme M. Mauss, ont marqué leurdesseinde rie point échaîfauoer
Une synthèse des sciences sur des généralisations, ïnaisfle se bornera une pru-
dente étude des faits généraux historiques.) pp.393-laC-^MiQUEtB'É?pteGûES
Petits problèmes d'inlrpspecçio. (Sur l'âme et la Vie.) :pp..:405-417,:r^ J. ZA-RA-, :

GUETA. Oricntacion doctrinal del CàrdinapMercier.(s\M<$


enrichir la cosmologie thomiste avec des sciences .physiques expérimentales,
.'•,". RECENSION DES REVUES "
215

enrichir la psychologie traditionnelle avec de la biologie, et introduire en crité-


riologie des vues historiques), pp. 418-435. — J. B. MANAYA. El talent i l'or-
ganisme segons ta doctrind de Sont Tomàs. (suite). (Selon S. Th., il y a une cer-
taine relation entre l'excellence intellectuelle et la complexion corporelle.)
pp. .436-448. — J. BELTRAN I GÛELL. — Documents per a la historia de la filo-
sofia catalana. (à suivre).(Description du système combinàtoire de Raymond
Lull qui eut une influence sur la philosophie cartésienne.) pp. 449-460.

*DIVUS THOMAS. (Fribourg). 1929. Dec. — G. M. MANSER. Das Wesen


des Thomismus. (Valeur scientifique de la méthode analogique considérée en
elle même et dans ses applications à la connaissance de Dieu.) pp. 373-398. —
M. DE MUNNYNCK. Notes sur l'abstraction. (L'abstraction sensible s'affirme à
tous les degrés de la vie sensitive : dans la sensation, dans la perception exter-
ne,dans lés images et jusqu'à l'extrême limite avec le schème.Parmi les abstrac-
tions intellectuelles on peut distinguer la simple abstraction précisive qui écarte
un aspect du tout, l'abstraction mdéterminative qui fait classer les choses en
espèces et genres, l'abstraction déterminatiyepar où on saisit ce qu'est un être
dans l'Etre, et l'abstraction intégrative qui s'attache à la limitation d'un être
pour l'écarter.) pp. 339-413. :—G. PÛNTENER. Das Vqiikanische Konzil und
die Veraniwortlichlceit des Glaubenabfalles eines Kaiholiken. (Tel est l'enseigne-
: ment du 3 e chapitre de la « constitutio de fide cathOlica » : les deux éléments
qui conditionnent le jugement de crédibilité, à savoir objectivement les signes
extérieurs de la véritable Eglise et subjectivement le secours de Dieu, sont à
cepoint efficaces que le croyant,pleinementresponsable, ne peut sans culpabilité
mettre en doute sa foi; On requiert pour une pleineresponsabilité une connaissan-
ce directe dès motifs'de crédibilité.La gravité de la faute n'est point appréciée
par le concile.) pp. 414-445! —: G. VAN DEN PLAAS. Des ht. Anselm « Cur Deus
homo » auf dem Boden der fudisch-clirislliehen Polemik des Mitlelalters. (11 est
important de connaître les disputes doctrinales entre Juifs et chrétiens pour
saisir l'enseignement de S. Anselme dans le « Cur Deus homo ».) pp. 446-467.

*DTVTJS THOMAS (Piacenza). 1629. Nov, — E.; NEVEUT. Des actes


eniilaiivemenl surnaturels (fin). (III. Doctrine du deuxième concile d'Orange :
l'oeuvre denotre conversion est un bienfait de Dieu; nos oeuvres antérieures
àla justification ne peuvent pas être bonnes devant Dieu; le commencement
de la foi, au sens des pélagiehs, ne peut être en nous que par la grâce sanctifiante.)
pp. 537-562. — J. LE ROHELLEC. De genuina humanae cognitionis ratione
adversus idealismum modernum. (à suivre). (Notés de cours. Notion de connais-
sance, d'après S. Thomas. L'erreur de Gentile surla nature de l'acte de connaître)
pp. 563-573. -— A. M. PIRQTTA. Disputatio dé «.potentia obedicntiali» juxta
thomisticqmdoclrinam. (à suivre). (Art. I. Existence de la puissance obédientiehe
en général, dans tout être créé, vis'à-vis de Dieu. Développement de la thèse en
forme scolastique.) pp. 574-585.

*EÛHOS. D'ORÏENT. 4930. Jaiiv. — J. DESLANDES. Le prêtre oriental


ministre de la Confirmation. (Eli Occident, dès les premiers temps, là Confirma-
tion est réservée aux Évêques alors qu'en Orient elle est très tôt conférée par
de simples prêtres. Mais historiquement et théologiquemeiit, il faut admettre
216,. ' RECENSION DES REVUES .'. -

que ceux-ci n'agissent que par délégation implicite oh explicite du Saint Siège.)
pp. 5-15. —.V. GRUMEL. DU monénergismeau monothélisme. 5. L'Ecthèse. (suite)
(En 638, Sergius, libéré par la mort de S. Sophrone et d'Honorius, veut, par la
publication de l'Ecthèse, rétablir, au profit de Byzance, l'unité entre chalcédo-
niens dyéiiergistes et chalcédoniens monénergistes, non, comme on l'a dit, entre
les Chalcédoniens et les irréductibles monophysistes. A cause de ses tendances
..monénergistes et même monothélistes, l'Ecthèse ne fut acceptée ni du synode,
réuni à Byzance par Sergius, ni du Concile de Latran présidé par le nouveau
pape Séverin. Mort de Sergius (638). Le seul résultat de l'Ecthèse fut de donner
à l'unique volonté non plus le sens moral qu'avait accepté Honorius, mais le
sens physique qui, quarante ans plus tard, devait être condamné) pp. 16-28.—
V. LAURENT. Une princesse byzantine au cloître: Irëné-Eulogie. Choumnôs
Paléologine, fondatrice du couvent de fcmmesTov &iA.avOQmnov 2a>rijQOg.(Bio-
graphie, d'aprèsdes documents nouveaux, de la fille de Nicéphore Chohmnos,
devenue l'épouse du despote Jean Paléologue en 1304, veuve en 1308, restaura-
trice du couvent du SauveurPhilanthrope,morte en odeur de sainteté vers 1360.)
pp. 29-61. —R. JANIN. Les Francs au service des Byzantins, («...témoignages
les plus intéressants fournis par les historiens byzantins sur là-présence des
Francs dans les. armées impériales » du IVe" au XIVe s.) pp. 62-72. ^- E. STEPBA-
NOU et K. STRÀNNIK. Quelques figures de byzanlinistés : SpyridonLambroS
(1851-1919), Xénophon Sidéridès (1851-1929), Théodore Ivanovitch Ouspenskij
(1845-1928) pp. 73-91. — V. GRUMEL. Recherches récentes ,sur l'iconoclasme,
(A propos de l'ouvrage de M. Ostrogorsky, Sludien zur Geschichte des byzaniini-
schen Bilderstreites. Breslau, Marcus, 1929.) pp. 92-10 0.

*EFHEMERÏDËS THËÔLÛGICAE LOVANÏËNSES, 1930. Janv.—•


L, CHARLIER, O.P., Puissance passive et dèsit naturel selon S. Thomas. (Il existe
en îlotré âme une réelle capacité passive Vis-à-vis delà Vision de l'essence divine.;
cette capacité est distincte de la puissance obédientielle ; elle n 'est pas une puis-.
Salice prochaine, mais éloignée), pp. 5-28.— J. NEVEUT. De la nécessité de la foi.
(Expose l'enseignement de l'Église à ce sujet, et la doctrine de S. Augustin
et de S. Thomas), pp. 29-45, — J. DE BLIC, Barthélémy de Médina et les origines
du probabilisme: (Cite à ce sujet les textesde Médina et de quelques-utis de ses
devanciersd dé ses premiers lecteurs.) pp. 46-83.

^ESTUbïÔS EeeLËSÎASTïeOS, IÔ29. Ôct. —. Gard. Pf. ËHRLÈ. LbS


manuscrites vaiicanos de los teologos salmaniinos delsiglo xyi. (suite, à suivre.)
(Suite de la traduction de l'ancien travail de E. :Diego de Chavés, Domingo de
las Gueyas, Ambrosio deSalazar, Juali de.la'Pefla, Pedro deSbtpmayor, .Mancio,
B. de Médina, Pedro Hernàndez. On se reportera aux riches .compléments four-,
nis par une recension de F. Stegmilller, dans Theologische Revue, 1930, col.
55-59.) pp. 433-455. — J. M. BOVER. El cpnsulado de los Géminos y elaho delà
Pasion. (Énoncé, valeur critique, interprétation du témoignage qu'apporte la
date du consulat -des deux frères pour fixer l'année de la passion du Christ.)
pp. 456-470. —- D. DoMiNGUEZ. Es censurdblc et ectectismo folosofico suare-
zianol (à suivre). (S. ne tombe pas dans le scotisme. Quel est spn:écleetisme.)
pp. 471-486. —-; A. M. ELORRIAGA, No cabe fe divina en ningun virlualinclusivo,
ahtes de su cxplicaciÔn infaliblé dada par la Iglesial (fin;) (Conclusion ; les
phases du développement du dogme. La doctrine de S. Thomas et du Cohc,
'- RECENSION DES
;
REVUES 417

dit Vatican sur l'infaillibilité et sur son rôle dans J'assentiment de fob)< pp
487-514.

*ETUDES FRANCISGAOT5S. 4930. Jànv. ••*- J. BITTREMIEUX, L'Etre


pur et ses perfections. Une contemplation métaphysique de S. Bondoenture.
(Analyse une page dû ch. V de l'Itinerarium mentis ad Deum où S, Bonaventure
c contemple » les perfections de l'Être divin.) pp. 5-17.— P. PAUL; L'Inde
moderne. Perspectives de conversion au Gluristiànisme. (L'orgueil nationaliste
la haine de l'Anglais et, en lui, de tout Européen sont les obstacles à îà conver-
sion deï'Inde,) pp. 45-75,

GIORNALE CRITICO DELLA FILOSOFIA ITALIANA. 4929. Nov.


— B. YARISCO. L'apologeticâ. (Il n'y a que deux interprétations possibles delà
réalité, laquelle n'est point; spécifiquement autre que la pensée humaine. Ou
elle se réduit à la pensée humaine actuée (ou actuelle) : idéalisme. Où elle se
réduit à la pensée divine,vers laquelle tend la pensée humaine-à là manière
d'une asymptote, De ces deux interprétations possibles, l'idéalisme, excluant
la personnalitéde Dieu, ne peut fonder une apologétique de la religion chrétien-
ne; « donc, notre doctrine est l'unique fondement possible d'une apologétique
rationnelle»:) pp. 455-458. — D. SEVERGNTNI. L'eslética in Plotino. (Pour Plo-
tin, l'art éstgénération de formes données ab aeterno dans le monde intelligible.
Bien que cette théorie ruine la liberté delà création artistique, c'est en cet am-
ple concept de génération que l'esthétique de l'antiquité atteint son sommet.)
pp. 459-468: •— G: GABRIELI. Intorno a Nicola Antonio Slelliola, fjlosofo e
linceo napoletano. (Notes et documents inédits sur cet auteur, mortà Naples
- en 1623.) pp. 469-485. = 4930. Janv. — J. Huszti. Téndenze plàtonizzanti
alla cortèdi Maltia Gorvino: (à suivre). (En quelle forme et par quelles voies le
platonisme a été redécouvert en Hongrie dans là seconde moitié du xve siècle;
dans quelle mesure il à introduit dans là culture hongroise des valeurs spirituel-
les: nouvelles et ignorées. I : dispute sur là priorité d'Aristote ou de Platon;
IL Giano Pannoriio, initiateur du mouvement platdnisant hongrois.) pp. 1-37- ;
— ¥: MELI,- L'idèalismo diArturo Collier. (Un contemporain et compatriote
de Berkeley. L'originalité de sa position philosophique.) pp. 38-49. — S. DEL
BOCA. Studi Berkeleyani. (I. Sur lès luttes deBerkelèy contreles libres-penseurs.
Leur signification d'après dés ouvrages récents. Critique de cette interpréta-
tion : « les ressemblances de B. aVec les libres-penseurs ou, plus généralement,
avec le courant del'illuminisme,ne sont pas aussi étendues et aussi importantes
que lé'voudraient Metz"et- surtout l'auteur d'où celui-ci s'inspire, Jôimston.
II. Lareligion dans le système deB. : «Le Dieu mystérieux du Moyen âge est
descendu au niveau de la conscience humaine. Toutefois, il conserve encore
assez de son ancien prestige pour être choisi comme l'unique dépositaire et ga-
rant des valeurs d'infinité et d'absolu, que B. ne pouvait confier aux esprits,
conçus -mcorc comme finis, à la manière traditionnelle».) pp. 50-71.

*GREGORIANUM- 4929. Dec. — L. LoHK. Doctrina S. Basilii M. de


proçessionibus divinarum personarum. (Étude critique du commencement du
troisième livre contre Eunomius ; synthèse de toute là doctrine de S. Basile
sur lés processions divines.) pp. 461-500.—A. TEIXÎDOR. Démente S.Augusiini
REVUE pps SCIENCES.—T,XIX.,FASG.2, — 2J,
418 :: RECENSION DES: 1REVUES .''/'.'

eircatimorem servilem. (Étudie la doctrine de la crainte dans les divers ouvrages


de S, Augustin, et conclut que l'on a tort de s'appuyer sur -le saint Docteur pour
nier là bonté de la crainte servile, comme le firentlés Jansénistes.) :pp.: 501-536.;
•—Â. M. DE.ELORRIAGA. De la afirmqcion del objecto formai en el acio defê'di-
vina. (Recherche de quelle manière doit s'affirmer l'objet formel dans l'acte
de foi divine : l'autorité de Dieu révélant prise en élle^inêmé,,;sous la raison de
cause"exemplaire ou de pur objet formel qup, suffit, et; son application,se: fait
dans l'acte formel de foi, même si on lie l'affirme pas ut qwdefsuper amnia,}
pp..5J7-574,.;... :;" -\K :-;;
;-]<-
.

"JOURNAL OF PHILOSOPHÏGAL STUDIES. 4930. Jànv. — J. C.


NUNNS. Themeaningofclass distinctions. (Le «haut» et le «bas »-signifiés par
la distinction des .classes sociales sont une réalité sm'.<?eneris. Lavulgarité,, avec
ce qu'elle comporte de laideur et de grossièreté, semblé en rendre raison. Celte
différence d'ordre esthétique est dérivée d'uneMifférencééconomiqueen vertu
.
.
.de ce principe qu'un homme ou un groupe, plus élevé,à un titre qûelcoùque,
devient plus attentif à éviter tout ce qui est de nature à le-rendre ridicule ou
méprisable, fût-ce dans un autre ordre que celui de 'son élévation.) pp.. 3-16. ---
J. ..S. MACKENZIE. Our présent outlook.in spéculative philosophy. (L'objet de la
philosophie spéculative ou pure métaphysique peut être désormais confiné
définitivement dans la théorie générale delà connaissance et. la structure de la. .
réalité que l'on peut à partir de là connaître. Principaux problèmes posés au-
joud'hui devant cette philosophie et directionsprincipales ôùj'oh -en peut tenter
.la solution.) pp. 17-23. -—H. H. PRIÇE, The appeàlip commun sénse.(h'-/suivre):-.
(Examen critique.de.la valeur des principes de sens comriiùn, dont on retient'
ici ceux qui ont un intérêt métaphysique ou épistémologiqUe.) pp. 24-35. --T.
,E. JESSOP. ThemélaphysicsofPlaid. (La théorie des Formes nous laissé eh/trois
points dans une profonde obscurité : la relation des Formes ayee les choses,
qualités et événements particuliers ; leurs relations .entre elles•;fies; genres d'ob-
jets .desquels il y;a lieu de poser des Formes. Et puisque ices. trois pomtsrecou-
.vrent la théorie entière, celle-ci est tout entière obscure. Nous: pouvons corri-
.prendre pourquoi -Platon construisit cette théorie, si nous- entrons. avec: sym-
pathie dans son esprit.appréeiant la force etTentreçroisement des mtérêts.dlvers
qui font sa personnalité si riche ; mais la théorie elïe-même, considéréeindépen-
damment de l'esprit, quiTa conçue, demeure inintelligible, à -jn.oihs que, en 'dépit
destextes, on ne réduise les Formes à.un seul dé leurs trois aspects r-^;: logique
éthique, métaphysique.) pp. 3 6-50. — H, VODEHOHSE, Social machinery and '
the social spirii. (Défense: de la «machinerie'!) sociale : coutùines,institutions
et lois.) pp..51-61.,—- Kà;li PRASAD. V'edanta solution,of.the problem o/.ei>;l.:(Éh
lui-même et définitivement, Maya—:1e principe du mal—ri'est rien; du tout.
Il représenté uniquement les phases successives de. la crôissahcé.du rn.oi. :I1 est
lemoi Iui-même;en son ^spect dynamique. Aussi .lôngtemps.qu'ily àievolution,
Maya est nécessairement présent, puisqu'il est principe, de dynamisme et d'hi-
dividuation.) pp, 62-7Ï. — G. B. BRO-WN. the prpgress oj'physicql science. (Vue
d'ensemble sur l'évolution de la physique dans le.passé; -prévisions, pour l'a-
venir.) pp; .72-83.— L. J. RUSSELL. Science and abstraction (à suivre)/ (Toute
caràctérîsation, soit-en vue de fins pratiques dans la vie ordinaire, soit -en vue . .-

d'une connaissance théorique jdans la science,: comprend l'isolement relatif dé


certains traits pris "d'une situation concrète, en regard âes<pels cette sltuatioiî
RECENSION DES REVUES 4ÎÔ
. .

; est caractérisée ; on n'accomplit cet acte que moyennant une autre sorte d'ab-
straction où l'on remplace provisoirementla situation concrète par un modèle
simplifié. Ces deux sortes d'abstraction sont indispensables ; chacune a ses
dangers. Mais ni l'une ni l'autre n'implique falsification ni né conduit -néces-
sairement à la falsification.) pp. 84-93.

-JOURNAL (THE) OF PHILOSOPHY. 4929. 5 Dec. — W. T. Busiï. •

Art and Culture (Aperçus et réflexions sur les idées émises pari' UnilyHistory
School à sa septième conférence, à Vienne, en 1923, et reproduites en volume
sous le titre Art and Civilizalion (Oxford Univ. Press, 1928). B. résumeplus en
détail l'étude de Mr. Holroyd sur l'art grec, celles de M. L. Binyon sur l'art
asiatique et de M. StrazygoWski sur l'art-chrétien primitif et médiéval.)-pp.
673-692. —-M. S. HXRRIS.The dilemma oj an experieniialEsihetician (Réponse
- aux
objections faites par M. Léo Stein à un précédent article) pp.-692-695. =
49 Dec.J. •— DEWEY. The sphère of application of the excluded middle. (Lesprin-
cipes formels de logique, tels le principe du tiers exclu, puisqu'ils sont purement
formels, sont applicables seulement à l'ordre formel, non-existentiel, et non
à laphilosophiephysique. Nous ne pouvons combiner la métaphysique impliquée
dans la logique aristotélicienne avec la métaphysique impliquée dans notre con-
.- naissance scientifique de la réalité.) pp.
701-705. — E. NAGEL, Can logic. be di-
vorced fromoniology ?. (Réflexions sur l'article précédent de J. Dewey.) pp. 705-
:
712. = 4930, 2 jany. — !W. T. BUSH. Religion and art. (Encore à propos de AH
and Civilization. Quelle contribution apporte l'art à la civilisation? Ne faut-il
pas déterminer, outre la valeur proprement esthétique des oeuvres d'art, leur
- «
grandeur »: la signification humaine profonde selon laquelle elles s'imposent
à tous partout et toujours et entrent comme composantesdans le monde où se
meut l'imagination collective? L'art religieux a mie importance particulière à
cepoint de vue, soit à cause du contenu essentiel commun de ses représentations,
soit par le développement qu'il donne à la-conscience collective de l'espèce:)
-pp. 5rl4. = 46 janv. — E. W.HALL, Of whai use are Whitehead'sEternal 06-
fects ? (Les « objets éternels ».de A. N. Whitehead ont pour but d'expliquerl'iden-
tité; la permanence, l'univèrsàhté, l'abstraction, la possibilité dont doit rendre
compte toute théorie delà connaissance. Bien que théoriquement cette fonction
.ne soit pas remplie par les «occasions actuelles», on peut se demander si les
:
derniers ouvrages de W, lie reviennent pas pratiquement àattribuer les carac-
; tères susdits aux « occasions ». Les « objets éternels ».ne sont-ils pas simplement
des aspects des «occasions actuelles»? La réponse de W. semble tantôt .oui,
tantôt non, tantôt oui et non. Cela tient à une conception somme toute « exter-
naliste » des occasions, insuffisamment corrigée par un recours à la nature divine.
: 11 faudrait modifier, la. théorie des occasions en distinguant dans les choses le
foyer spécifique (focal identity) et les détails qui intègrent la chose totale, de
manière à rendre compte à la fois et sans appel aux objets étemels, de l'identité
et de la différence, de la permanence et du changement,de l'universalité-etdelà
particularité, de l'abstrait et du concret, de la potentialité: et de l'actualité.)
pp. 29-44. — 30 janv. — Ch. M. PERRY. Essences sublimqied. (A propos d'un
'.. article de C. Kling, P. précise sa conception des essences et la défenddes objec-

:=
fions présentées.Il critique à la fois les neo-réalistes et les réalistes critiques pour
leur « machinerie épistémologique», et croit trouver un principe de solution plus
profond dans le principe de l'implication mutuelle de l'identité et du change-
.
4-SÔ
RECENSION DÉS REVUES-

ment. Selon son «réalisme dialectique » les essences:ne sont pas rejetées dans
l'autre monde, ni réduites à une signification simplement épistémologique, mais
universalisées et, au sens freudien,« subhmées »). pp. 57-65.—I.KNOX. Tôlsioy's,
esthetic définition of art. (L'art est une communication, —- non une Simple ex-
pression, contre Véron et Ducàsse—•; une communicationïpar contagion, — ce
qui exige l'originalité du sentiment, transmis, la netteté de la transmission, la
sincérité de l'artiste — ; une communication dés émotions; — ou mieux, des
expériences, c'est-à-dire des synthèses spirituelles de pensée et de sentiments
qui sont le fond de la vie.) pp. 65-70. — 43 Fév. —.L. E. AKELEY. Meihpdoiogy
in physics and psychology wiih philosophie implications. (Si l'on prend le mot
atonie comme un terme commun, susceptible de s'appliquer à divers types
d'unités plus ou moins larges, il faut conveinr que le monde est orgaisé atomi-
quement. C'est ce qui fonde le principe de spécialisation dégagé par "W. Ostwald
de la méthode suivie par J. W. Gibbs en thermodynamique. L'auteur montre,
sur l'exemple du courant électrique, qu'un phénomène donné peut être étudié
scientifiquement sans présupposer la connaissance ni la mesure d'aucun autre
phénomène.) pp. 83-96. — Y. H. KRISKORIAN. 27ie meaning of purpose. (Le
but d'un acte est le résultat attendu de cette espèce d'actes. Lé résultat attendu
est le principe d'unité et de direction de l'acte. Les actes subordonnés mos'en-
nant lesquels le résultat est atteint conditionnent à leur tourtout le processus.
En outre l'idée de but inclus une référence au futur et une certaine contin-
gence.) pp. 96-105.

JOURNAL DE PSYCHOLOGIE, 4929. Noy.-Déc. -=- I. MEYERSON. Les


images. (Étude d'ensemble sur les images, leur nature, leur fonction. M. expose
d'abord les nombreuses recherches, surtout contemporaines (chez lès Gestal-
tistes, chez James, Bergson, Brentano, Husserl, "Watt, Ach, Messer, Buhler,
Binet, Bradley, Delacroix,etc.), sur les images et leur rôle dans l'ensemble de
là vie mentale. S'efforce ensuite de dégager de ces travaux les caractères de
l'image (son apparence sensible et sa subjectivité) et sa nature. L'image « con-
tenu de conscience sensible» est «également de la pensée ». « Elle est à mi-
route de la pensée, elle est du sensible transformépar la pensée ». Propose enfin,
provisoirement,trois classifications d'images,selondes points de vue différents.)
pp. 625-709. — H. WALLON. Sélection et orientation professionnelles. (Chapitré
détaché de l'ouvragePrincipes de Psychologie appliquée, Paris, Colin. Avantages
de la sélection etde l'orientation professionnelles. Méthodes pour discernerles
aptitudes, l'intérêt.) pp. 711-725. —H. PIÉRON. Sens statique et géotropisme
chez les limaces. (Critique des expériences de Wolf sur le géotropisme des limaces,
et de la notion de tropisme d'après Loeb.) pp. 729-731. •— G. H. LUQÙET.
Sur l'origine des notions mathématiques. (Par quelques exemples empruntés à
la vannerie ancienne, se propose d'établir, contre le nativismé, que lès notions
mathématiques peuvent fort bien provenir de l'expérience.) pp. 732-76.1.—-
P. ALPHANDÉRY. De quelques documents médiévaux relatifs à des étais psychas-
ihéniques. (Études des troubles « psychaslhéniques» décrits, depuis Cassien
jusqu'à S. Thomas, sous le nom d'qcedia. Traits principaux de l'acedia ; étio-
logie, symptomatologie, thérapeutique.) pp. 762-788. — P. MÂSSON-OURSEL,
Les images selon la pensée indienne. (Brève esquisse de la notion d'image dans
l'esprit'indien. L'imagination selon la psychologie indienne,;«ne se distingue
RECENSION DES REVUES 421

ni du penser, ni du sentir ». « Elle ne se discrédite pas parce qu'elle implique du


factice : tout est artificiel dans l'Inde, qui ne s'avise 'jamais"que nous fussions
i

dotés de « raison ». Mais artificiel ne signifie pas nécessairement arbitraire» ;


l'imagination est consciente de ses normes.) pp. 789-796. — J. PÉRÈS. Sur une
certaine sorte de représentations libres. (Essai d'explication de certaines réap-
paritions soudaines, non préparées, et surtout extrêmement brèves,d'images
souvenirs.) pp. 797-802^
,

JOURNAL (THE) OF RELIGION. 4930. Janv. — Sh. MATHEWS. Doc-


trines as social paiterns. (Les doctrines ne sont pas des systèmes indépendants
de vérité ; elles sont fonction du milieu social ; ce sont des efforts pour inter-
préter rationnellement l'expérience religieuse à l'aide d'analogies auxquelles
on donne une valeur dé réalités (patterns). Ainsi, par ex. la notion de souverai-
neté est un « patron » pour la conception des relations entre l'homme et Dieu.
Cette analogie ne vaut plus aujourd'hui, et avec elle perdenttoute signification
les idées dé chute, dépêché, de rédemption, de châtiments, et les problèmes qui
s'ensuivent. La foi chrétienne est essentiellement une «attitude». Si on veut
la légitimer, il faut chercher d'autres « patrons » empruntés aux sciences natu-
relles et à l'expérience sociale du monde moderne.) pp. 1-15. — J. A. BEWER.
The Christian Minisier and the Old Testament. {L'étude de l'A. T. est nécessaire
pour comprendre Jésus et comme aliment de notre vie spirituelle. Le mal qu'il
a fait quelquefois est dû à une doctrine rigide et étroite de l'inspiration. Il faut
comprendre que la Révélation y est progressive,l'apprécier en fonction del'es-
prit du Christ et distinguer entre la vérité permanente et son expression tempo-
raire.) pp. 16-21. — D, EVANS. « Through ail to Godk. (Il faut aller à travers le
monde matériel, l'homme et le Christ lui-même, à Dieu.) pp. 22-36. —- G. LAW-
TON. Spiritualism — a contemporary american Religion. (Aspect religieux du
spiritisme: doctrine enseignant Pimmortalité de l'esprit et du corps spirituel
(«âme») dans un «monde des esprits» analogue au monde terrestre, divisé en
sphères à travers lesquelles le progrès humain continue. La philosophie du spi-
ritisme a précédé les faits sur lesquels elle prétend s'appuyer. Organisation des
églises spirites,fort nombreuses en Amérique ; description des «services», qui
consistent essentiellement en «communications» par médiums. Causes de suc-
cès.) pp. 37-54. •— S. J. CASE. Popular competiiors of early Chrisiianity. (Les
religions anciennes n'étaient pas exlcusives. Le grand brassage de peuples et
de races qui se fit dans le monde méditerranéen aux environs du début de l'ère
chrétienne créa le besoin de religions universalistes. Les divers « mystères i
y répondirent. Leur attrait émotionnel. Leurs effets sur la civilisation romaine.)
pp. 66-73. — N. W. LUND. The présence of chiasmus in the New Testament.
(Nombreux chiasmes au parallélisnies inversés, dans le N. T. Bibliographie
du sujet. Influenceprépondérante de l'A. T.. Exemples commentés, empruntés
à S. Paul.) pp. 74-93. — E. T. SCOTT. -The supernatural in early Cliristianily.
(A propos d'une livre du professeur Case (Expérience -with the Supernatural
in Early; Christian Times) montrant que le monde ancien était pénétré de la
croyance en des forces surnaturelles.On doit tenir compte de cette observation
historique pour interpréter l'Évangile, mais elle ne diminue pas la valeur du
Christianisme. Les croyances mythologiques répondaient à des réalités expéri-
mentées ; d'ailleurs, à l'époque chrétienne, elles étaient transformées et spirf-
tualisées par la réflexion philosophique;surtout ; Jes mêrnes grgricjs problèmes
-
422 RECENSION DES; REVUES }i/-[[:/;--

se posent en tousles temps ; la valeur delà réponse religieuse hé dépendpas d'un


système de..connaissances, toujours relatif, mais de:certaines:grandescohcép-
tionsidu sens delà vie,, delà justice et dei'amouivdepieuïdelalibèrtéacqùise:
parla société avec Dieu. Ces conceptions,teîles quele Christiânismêles enseigne
sont-elles valides ? C'est ta seule question.) pp. 94-108,;—:C}-CLEMEN;; Missio-
nary aciiviiy in the non-cluisiian religions. (Étude de .l'àctiyitè,missionnaire -

des Juifs (prosélytisme), des religions orientales dansl'Empire romain, du Boud-


dhisme ancien et moderne, de l'Islam et des sectes qui en dérivent, ainsi-que dé
quelques autres mouvements religieux moins importants.) pp. 107-126;.

JOURNAL (THE) OF THEOLOGICAL STUDIES, 4930. Janv.—


J. B... MOZLEY. A newlexi of the Slory of the Cross.; (Les mss. dèJa*-Vitâ Adae*
qui .contiennent-cette histoire de.la Croix sont nombreux.; Tauteur^en donne-
1

une édition, non d'après-le texte delà; Légende d'Adam, mais û'apres.deux mssi
de-Cambridge et de Hereford.) pp. 113-127. —C. H. TURNER:; Arôles oh the
Appstolic Constitutions..(Continue ses études devi'914 ét/de lQtepar-uhïlroi-.
sième article : III.Tlietextofthé EighthBook.Quelques données sur Ies.:éditions,
.
le texte, la théologie, le lieu et la date-de composition.duviiie livré;) ;pp, :I28-.
141.— W, TELÈER. The latin Life of St Gregory.Thaûmqlurgus: (Cétte'yié; qù?
utilise Rufin, est postérieure- au début du Ve siècle. Les mss.fixenttalïn dû.x?
: s. comme.extrême .limite de composition.) pp. 142-155..--- J.-.A. SMITH.-The'
meaningof KvgiO(,-.(C'estlesensimpliqùédanslemotanglaiS'«Iorç[»;ildésigne
aussibiènle propriétaire par rapport à son bien, lepère parrapp.or.fàsës..enfànts
et leroi par rapportaies sujets.) pp. 155-16Q. •— F. É. BRrGHTMANîî7ié Ana-
phora of .Théodore.- (Montre que l'anaphore attribuée ;â, Théodore de Mopsuesté
.
et incriminée par Léonce de Byzance est bien de Théodore.) pp, 160464. —
WATKIN WILLIAMS. A Dialoguebetwecna Cluniac and a Cistercian.(Étude du;
Dialogue édité dansle Thésaurus de Martène et Durand ; cerDialogue-ést.à
placerentre 1153 et,117.3.) pp. 164-175. — J, M. X^Ev:.;Tlm:'Goticlusion:of:tlie
Gospel accqrding.iq saint. Mark. (Marc a ajouté :iè;verset;7à saisource:: ,cette
addition, a provoqué l'adjonction-d'un nouveau chai non,, la finale 9-20). pp..
175-180.:—G; LÀTTEY. The Praetorianï of Pïfafe,; (L'Antonifi étaitlà-résidence
-- régulière des .gouverneurs, romains ; et -du...palais d'Hérodé,;,où: il y eut toujours,
quelques soldatsy ilsn'usèrent qu'en des occasions sp:éciales.)pp,:180-182. —ï.
W". SLOTKI. Thcmcire andtextaf PsalmXXXI,\3,4yj9 and- :EzecMel:%2%^
186-189.. '-". ',' V :,,-:'.';;:
- .
;

LOGOS. 4929. Oct. —- C. CÀRBONARA. Léon Brunschvicgy/Xi'rémiërepartie-:


l'infinité de l'esprit et la loi de l'unité ; la •spiritualisatioh;de la Vie intérieure,)
pp. 319-331.—A, POGGI. Dio cl'uomo nel pensierodél Malebranchç^ .(Deuxième
partie. Pour n'avoir point rejeté l'élément irrationnel et pour àVpiryoulù
l'unir aux subtilités scolastiques, Mâlebranche n'a su se-délivreralesfpius dou-
loureuses contradictions.) pp. 332-355. — E. CATALANO, Don Bosco edùçqlorè
(La pédagogie de D. B. tient la voie moyenne entre l'autoritarisme grégaire
•— excès du :moyen âge— et l'individualisme anârchiquê -1- éxcèsmoderhé,)
pp., 35.8-390, — R. PAVESE. Per un', interprelazione «/centrale» déliailogiêa.
(Sommaire d'un système logique quel'auteur.doit développer dEins.ùn prochain,
ouvrage,: rationalisme synthétique, a posteriori, « pour lequel laréaîité, placée
ayantl;out dansle centre^iyant del'intuition-iffl
RECENSION DES: REVUES 423

gnoséologiquement a posteriori par rapport à l'expérience et, de ce fait, détermi-


natrice à là fois du sujet et del'ob jet, a l'avantage de constituer une vision syn-
thétique et nécessaire et non fragmentaire et successive, déductive et inductive,
et non dogmatique, de cette expérience ».) pp. 391-411.

MLND. 4930. Janv.—B. JACKSON. Locke's Version of the Doctrine of Repré-


sentative Perception. (La doctrine de Locke sur la connaissance est une forme
delà théorie de la « perception représentative ». Eh effet, cette théorie s'exprime
certainement dans certains passages de l'Essai. Et si en d'autres occasions, no-
tammentlorsqu'il se réfère aux «idées de qualités primaires», Locke emploie
lelangagedu« réalismenaïf », celapeuts'expliquerpardes influences auxquelles
il céda d'autant plus facilement qu'il n'appréhendait aucun malentendu.) pp.
1-25. — D. W. GOTSHALK. Me. Taggarl on Time. (Me Taggart soutient que le
temps n'est pas réel. Critique de son argument qui comporte deux affirmations :
1. la série passé-présent-futur est essentielle au temps ; 2, une telle série ne peut
exister. G. objecte que 1 implique une conception du changement qui n'est pas
exacte; à 2 il répond que, contrairement à ce que prétend Me T., le changement
des relations dans la série peut être expliqué de façon satisfaisante sans postuler
l'existence d'une entité intemporelle X ; et que les caractéristiques temporelles
de la série ne sont pas contradictoires, non plus que les explications qu'on en
donne.) pp. 26-42.-— M. B. FOSTER. The Contradiction of « Appearanceand Reali-
ty ». (Critique de l'ouyrage de Bradley : « Apparence et Réalité ». Contradiction
fondamentale : «B.part de la thèse que rien de ce qui est déterminé par une
relation n'est réel, et il est incapable d'éviter la conclusion que la Réalité elle
même est déterminée par une relation, à savoir sa relation à l'Apparence».
Sa doctrine des « degrés de réalité» est une tentative "pour échapper à cette
contradiction, mais sans succès. Cause : considération insuffisante des objets
delà psychoolgie et des sciences physiques. La clef de voûte du système est le
principe d'identité des âmes finies. Or, ce principe tel que B. le formule est ina-
déquat et surtout contradictoire : il attribue, en effet, aux âmes une identité
abstraite qui d'après ses propres prémisses né peut appartenir qu'aux objets de
nature. Ceomment sortir de cette contradiction : en reconnaissant aux âmes
Une identité propre, opérative.) pp. 43-60. — J. E. BOODIN. Cpsmology in Plalo's
thought (II.) (suite). (Analyse du Timée, du Philèbe, des Lois. La-cosmologie
de, Platon est une tentative loyale pour donner une explication cosmique de
l'expérience humaine. Elle atteint son apogée dans le Timée, où le mal est
représenté, comme la résistance d'un monde « paresseux » à l'activité divine,
créatrice d'ordre et de beauté. Dans les Lois, P.revient en arrière en personni-
fiant le mal.) pp. 61-78." — H. M. MACDONALD. Discussion : The modem Theory
of Relativily. (Brève histoire du développement de la théorie de la relativité ;

•81. ; c
'
elle n'est pas nécessaire à.l'explication de l'effet Miçhelson-Morley.) pp. 79-
''..
-

-
NIEUW THEOLOGISCH TIJDSCHRIFT. 4930. 4. — R. FRUIN. Vier
verlellingen uil den Babylonisçh-PerzischenTifd. (I. Que penser delà divergence
des livres des Rois et des Chroniques. La captivité du Roi Manassé à Babylone
[2 Rois, 21. •— Chroniques, 33]-— II Les réponses à l'énigme des trois gardes
du corps de Darius. [3 Esdras, 3, 4}. — III. Les puritains et les laxistes. [Néhé-
424 RECENSION DES REVUES

mie, 13, 6.] — IV. Alexandre le Grand à Jérusalem.; [Josèphe. Ântiq., VII,
302].) pp. 3-24. — H. HACEMANN. Das wahre Gèsichl des Bûches Hiob. (L'aspect
véritable du livre de Job.) pp. 25-35. — H: A. VAN BAKEL. Tyçonius,Auguslinus
anie Augustinum. (Ce que S, Augustin doit à Tyconius.) pp, 36-57.

*NOUVELLE REVUE THEOLOGIQUE. 4929. Dec, — Numéro ju-


bilaire 1869-1929. — P. CHARLES. La théologie dogmatique [hier et aujour-
d'hui. (Au xixe s., la théologie dogmatique est mal représentée ; c'est la
lourde rançon d'une apologétique batailleuse; le problème delà position de l'É-
glise dans la société civile n'est lui-même abordé que d'un point àe vue pure-
ment sociologique. Néanmoins, depuis la fin du xixe s. l'apologétique se fait
moins envahissante: les motifs principaux en sont l'influence de Ritschl qui
ramène les esprits à l'étude de l'histoire chargée de doctrine, la condamnation
du modernisme et les exigences des fidèles.Au xix° s. la concentrationdes forces
intellectuelles va se faire autour de la réalité du corps mystique: christo-
logie et doctrine de l'Église.) pp. 800-817. •—J. LÉVIE. Xa crise de l'An-
cien Testament. (La s311the.se théologique de l'ancien Testaments'est estom-
pée dans la littérature exégétique et il en est résulté une moindre estime de là
Bible antique dans la. prédication et l'enseignement ; d'autre part la synthèse
historique, inexistante il y a soixante ans, ne s'est pas développée comme elle
l'aurait dû : on n'ose encore aborder les oeuvres d'ensemble.) pp. S18-839. —
J. DE GHELLINCK. Les études patristiques depuis 1869. (Progrès: considérable
réalisé dans la connaissance des textes, la méthode critique, la détermination
de la chronologie, la fixation de l'authenticité et l'étude de la pensée antique)
:pp. 840-862. — A. VÈRMEERSCH. Soixante ans de théhplogie morale.(Étude sur
les auteurs, le domaine et les exigences de la théologie morale contemporaine),
pp. 863-887. — J.-CREUSEN.UH concile du Vatican au Code de Droit canonique;'.
(Le Codex Juris canônici, sans être parfait, soutient la comparaison avec les
meilleurs codes modernes.) pp. 885-901.

*ONS GEESTELIJK ERF. 1930. Janv. — J. HUYBEN, O. S. B. Nog eeh


vergelen mystieke grootheid. (suite, à suivre). (7. La traduction française de La
Perle. Ce que Bérulle doit à la mystique des Pays-Bas. 8. Le traducteur.) pp."
5-26.-— P. HILDEBRÀND, O. Cap. P. Bonavenluravan Ooslende. 11771. (Un grand
propagateur de l'Oraison. 1. Sa vie. 2. Ses écrits. 3. Ses sources. 4. Sa doctrine.)
pp. 27-45. — D. STRACKE, S. J. Over bekeering en doopsel van Çhlodovech. (à
suivre). (Pourquoi n'y a-t-il presque jamais de concordance, et très souvent une
contrariété flagrante entre les historiens des premiers Mérovingiens. Le p. S.
donne des preuves à l'appuie de la thèse : 1) Ils suivaient trop servilement cerr
tains morceaux de l'histoire par Grégoire de Tours. 2) Avec une imagination
très riche ils ajoutaient beaucoup ce qui leur paraissait à peu près comme cer- =

tain.) pp.46 83.-Î-D»' J.VAN MIERLO Jr.,S.J.DC Ânonymi uil denKatalogusvanlIss


van Rookloosier (à suivre). (Publication d'un manuscrit très intéressant de Roo-
klooster contenant un catalogue des manuscrits des bibliothèques des PayS-
Bas.) pp. 84-102,
RECENSION DÈS REVUES 425

*FHILOSOPHISGHES JAHRBUGH. 4929. 4. — F.- PJNKUSS. Moses


Mendelssohns Verhàltnis zur englischen Philosophie: (Méndelsso.hn est un des
témoins intéressants de lapensée philosophique allemande à la veille de Kant.
Pour des parties importantes de son système, particulièrement pour sa méta-
physique, il est encore disciple de Leibnitz et déWolff. Mail il a lu les anglais
et les écossais, et s'il n'aboutit pas au scepticismedes premiers,du moins adopte-
t-il dans sa théorie dé la connaissance plusieurs de leurs vues particulières.
A signaler parmi ces influences anglaises surtout celles de Hume et de Locke),
pp. 449-490. — H. KIESSLER. Zur Geschichie des hypoietischen Urieils in der
-
àlieren Philosophie. (Revue rapide des auteurs ayant traité des jugements hy-
pothétiques, des pré-socratiquesà Descaries. Aristote plus occupé de la logique
scientifiquementcertaine n'a pas fait la théorie de ces jugements. Ils retiendront
surtout l'attention dés stoïciens et plus tard de Boèce.) pp; 491-505.--- A. LE-
VASTI. Skaius Eriugena und der ht. Anselm. (Traduction du premier chapitre
du S. Anselma, Vita e Pensièro de Levasti.) pp. 506-r509. — H. EBERT, Augusti-
nus Steuchus und seine Philosophia perennis (suite, à suivre.) (Analyse métho-
dique des dix livres de la Philosophia perennis de S. Les livres 1-6 offrent une
théologie ; 7-8 étudient les mondes matériels et spirituels ; 9 est consacré à l'an-
thropologie et 10 à la morale.) pp. 510-526.

PRINCETON (THE) THEOLOGIGAL REVIEW. 4929. Oct. — Avant


de disparaître, la revue publie, comme dernier fascicule, les tables de sa collec-
tion, de 1900 à 1902 (sous le nom de Presbylerian and reformed Review) et de
1903 à 1929 : tables des articles, des auteurs, des livres recensés, par W. P,
ARMSTRONG. pp. 491-587.

PUT'. Jiiil. — S.TKOICKIJ. Brait, i grëlïh. Brak poslë grckha. (Le mariage et
le péché. Le mariage après le péché. Étude sur la nature de la concupiscence
et son aspect moral. Critique de la position de S. Augustin estimée fausse du
triple point de vue anthropologique, psychologique et moral. Les processus
physiologiques de la vie sexuelle ne rentrent dans le cadre de la moralité que
par l'élément de connaissance qui s'y ajoute.) pp. 3-24. — Ieromonakh IOANN
(SAKHOVSKOJ). Svoboda ot mira.(Liberté à l'égard du monde. Pensées sur l'atti-
tude du Christ vis-à-vis du monde et sur son enseignement à ce sujet.) pp. 25-
39, — M. KURDJUMOV. Y favorskom svëtc. (Dans la lumière du Thabor. Sur le
renouveau de la conscience religieuse dans l'église russe sous le coup de l'épreuve
de la révolution. )pp. 30-53. — N. S. TIMAÊEV. Kodifikacija sovëiskago cerkov-
nago prava. (La codification du droit ecclésiastique soviétique.) pp. 54-61. —
I. STRATONOV. Krisis cerkovnoj smuty v Rossii i dalt nêjsij eja rosi za rubezom.
(Sur les dissensions dans l'église, en Russie et dans l'émigration : à l'heure où
elles s'apaisent là, elles né font que s'accentuer ici.) pp. 62-80. — U. IVACK.
Prolelarii i Masina.( Les prolétaires et la machine. Le double processus de pro-
létarisation et d'industrialisation qui marque notre époque peut amener un
renouveau, même au point de vue chrétien ; de ce renouveau le peuple russe et
lui seul peut être l'artisan au profit de l'univers entier.) pp. 81-95. —Ë. BELEN-
SON. Put' neispovëdimyj. (La voie incompréhensible. A propos du livre d'Emile
Dërmenghem : La Vie admirable et les Révélations de Marie clés Vallées.) pp.
96-103. — Novyfa knigi (Livres nouveaux. J. WAHL. Le mallieur de la conscience
426 RECENSION'.'DES REVUES ': ;

dans là philosophie de Hegel, recension par N: BERD JAEy:; K; Hôll;GesOmmellè


Aufs&lzezûr .Kirehengcscîiiehlé,Bd. IL Der Oslen, recension par.G. Floroysldj s-
G. Grabbe, Aleksej Slepanivic Khomjakov recension par S[. Berdjaev.). pp.: 104-
= Sept. — .N. F,. FEDQRÔV. IZ posmertnykhrukopisej:lE±tr£àt;àem
posthumes. Réflexions sûr les « obydennye khramy»; Sortes .de; cli.apellès yotives : :;
construites en trois jours par la dévotion populaire, )pp. 2-24. —^M, A. GEOR- :.
GIEVSQIJ, Drevne-klwistianskij kommunizm. (Le cominunismè éhrétien prhriitif.
Les paroles du Christ au sujet d6s richesses n'ont rieii décomiriuii.ayecla ;doç- ' „
trine socialiste. L'exemple donné par la communauté deJérusalêm etrapporté
par S. Luc semble avoir peu duré et n'avoir pas suscité d'imitateurs.. "H se pré-
sente comme Un cas particulier dû au souci des disciples çle continuer:un,gehre
.

de vie adopté par le Seigneur en'compagnie de ses àpôtrés,:àrhùîtalion-d'àfl- :;


leurs,.semble-t-il, des prophètes de l'A. T. Du reste.jparleurs principes-inêmes,,-.,
amour et haine, le christianisme et-lé socialisme sont en. opposition radicale.)
pp. 25-53. — Dm. REMÉNICO, Religiozlioe osnovàniëcuda: (LeTfondemént reli-
gieux du miracle. Le miracle se.distingue delà magie et des:phénomènes rële-^
vant de l'occultisme. Il est une intervention directe du libre vouloir divin-mar-
.quànt Un commencement absolu en- un point-donné du-cours normal dés-lois- ;-;
de là nature." Le. miracle ne se laisse rattacher à aucune autre càuseqùë.cette: :

efficience première du libre vouloir de Dieu. De. par sa nature,» il n'apparaît


coimne tel-qu'à l'âme religieuse.et croyante. Pour cette :âme;d'âiïleurs tpjit, en - ;

un certain sens; estihiraclepuisquetout se rattache eh définitive àiuheantërvën-


tion première créatrice de Dieu.) ;pp. 54-78.—: Tezisy.doklqdov^QSpvremennqj
pokajannoj discipliné professora petrogradskoj' dukliovnpf: qkadëmii Protoiereja
O. Nalimova. (Me la. discipline pénitentielie contemporaine,;:Thèsës; soutenues;,
parle O, Nalhnûv, professeurà l'Académie ecclésiastiquedePétrograd.^oïr'un.;
résumé de ces thèses.dans notre Bulletin: de. Théologie orthodoxe.) pp, :79-87.>-
N. BERDJAEV. brevo iiziii i drevo po'znanija.. (L'arbre devie.et l'arbre delà con-
naissance. Critique sévère du récent ouvrage dé L.; Sestoy•: -Nd vésakh lava.,
Stranslvovanie po dusam. Sur la.balance: de Job, -Voyage;de^ar,ïes âmes;)::
pp. 88-106. — G. V. FLOUQYSKIJ.ProlivorëçijaOrigenizmq.(Les:contradictions
de l'OrigéniSmè, à propos du livre de E. de Faye : "Ùrigèhéyisàvie, spn^osuvré, ;

sa pensée.) pp. 107-115, — Novyja ,knigi.\£hivreâi: nouveaux. A., Koyré,;-£a ;

Philosophie de Jacob Bochmc. Recension par N. Ber.djaeVopp. 116-122.:Yfiéder- ,


begegnwig von Kirclie und Kullar in Deutschland. Èine Beslgqbe fur LtàrïMuth .

recension par V: v;. Zèn' kovskij.) pp. 122-123. = Nov.^;G. V: FLORPVSJSIJ-


Evkharistija ispbornost'. (Eucharistie et communauté, L'eucharistie est mystère.,:;,
d'unité. Parla communion.au Corps et au Sang:du Christ nous-devenons, non ":.

pas seulement psychologiquement et moralement, mais"réellement et phïblogi- :

quement, participants de, la vie même du Seigneur; et en Lui,:partl^ipants;âe


la vie des uns des autres. Le sacrifice eucharistique est avant tout-ûne prière :;
commune, c.-à-d. prière des fidèles eri tant qu'ils forment une;communauté,:.
Cette prière embrasse daiis.son objet l'umyersalité;;des;besoins;deTIiurnanit«5--
Elle unit vivants et morts, et associe l'homme aux choeurs angéliqués.Ëlle;
préfigure et préparé 1 avènement du royaume de Dieu, suprême achèvement et
épanouissementde l'Église.) pp. 3-23. — DM. .GIZEVSKI.T, FjlosofifcvGyiS. Sko--
vorody. (La philosophie, de .Skovorada, 1722-1794. La diversité des-jugements .
portés sur l'oeuyre du philosophe ukrainien s'expliquepar la:difficuité «l'en
pénétrer le véritable sens. En réalité, sil'onyeut se donner la peine d'anal^seF
BECENSION PES REVUES 427

soigneusement le style et la manière propre de S., il est possible de retrouver


dans son oeuvre un système de pensée très coordonné. Ses concepts ont valeur
de symboîes,et ce symbolisme est largement inspiré par la Bible et toute la phi-
losophie grecque, depuis les présocratiques jusqu'à Plotin. S. est un précurseur
du romantisme, en réaction contre l'Aufklarung. Sa méthode est très apparentée
à la dialectique antique. Deux principes à sa base : La structure antithétique
est de l'essence même des. choses, et tout dans le monde se meut d'un mouvement
circulaire entre deux opposés. Ce mouvement réalise la conciliation des contrai-
res. Le thème fondamental de la métaphysiquede Sk. est ce qu'on peut appeler
son monodualisme ; le monde est composé de deux éléments, l'un divin,l'autre
matériel, non pas juxtaposés mais formant vraiment un tout. Ces deux « natu-
res» sont en elles-mêmes antithétiques jusqu'au paradoxe, mais l'antithèse se
résout dans la « vie » qui est cycle de désagrégation et de réintégraion.Demême
en l'homme, deux principes : l'homme vrai et l'homme de chair. L'essence du
premier c'est Dieu même, car l'abîme qu'est le « coeur» de l'homme se retrouve '
en l'abîme de la divinité. Le « coeur» humain peut tomber dans la servitude de
la « chair » mais il peut se délivrer de cet esclavage par la conquête morale de
soi-même, purification conduisant à la divinisation. La joie est le symptôme
.
de cette possession de Dieu. Le monde entier d'ailleurs échappera un jour au
tourment de l'antithèse. La pensée de Sk. en ce qui concerne l'eschatologie de-
meure, obscure, quoique d'un très bel accent prophétique. Sk.itrouve dans les
dogmes religieux une réponse aux problèmes"philosophiques. Théosophe, il est
à mi-chemin entre les théosqphes moralistes (S. Frank) et les représentants de
la métaphysique spéculative (J. Boehme). A la ressemblance d'ailleurs de cer-
: tains mystiques occidentaux (Maître Eckehardt) il s'inspire des Pères de l'église
oriehtaleet n'est pas sans connaître, grâce à la tradition de Kiev, les Pères la-
tins.) pp, 23-53. •— I. K. SMOLiè, Velikif Starec Nil Sorskif. (Le grand « starets »
Nil Sorskij. Sa vie, ses conceptions ascétiques et mystiques (hésychasme), son
influence sur la pensée religieuse et sur la vie monastique russes.) pp. 57-69.
—-Prot, S. BULGAKOV, Kvoprosu o discipline pokajanija i pricasçenifa. (Sur la
-question de la discipline de la pénitence et de la communion, à propos des thèses
du P. Nalimov. Comme N.-le. prof. B. est favorable à là Communion fréquente,
il maintient cependant contre lui là nécessité de la confession sacramentelle par
laquelle doit s'opérer la purification de la conscience du, fidèle.) pp. 70-78. •—
V. GHINEVIC, Religiozno-FilOsovskafa mysl' Anglii. (La philosophie religieuse
.
en Angleterre. Aperçu des principales tendances philosophiquesreligieuses chez
quelques représentants du « modernisme» protestant.) pp. 79-92. — S. BEZO-
BRAZÔV; Vostoëno-zapadnaja nauéno-bogolsovkafa Konferencifa v Novom Sadu.
(Comte rendu du congrès interconfessionnel de théologie.tenu à Novy-Sàd en
Jougoslavie les 9 et 10 août 1929) pp. 93-103. -- G. FEDOTOV, Khaj-li. (Cpn'pte
rendu du congrès anglo-russe de la jeunesse, tenu en avril 1929 ) pp 104-108.
— S. FRANK, Filosofija Vetkhozavëtnago mira. (La philosophie du monde de
TA .-T.; critique de l'ouvrage d'O. Goldberg Die Wirklichkeif der Bebràer. Ein-
léitung in das System des Penlateuch.) pp. 109-113. = 4930. Pev. — Pfot. S.
BULGAKOV.: EvkharistUeskif dogmat. (à suivre). (Le dogme eucharistique..Cri-
tique de là conception catholique; la théorie de la transsubstantiation, liée
: étroitement à la métaphysique périmée d'Aristçte, non seulement ne répond plus
aux exigences de-la pensée moderne, mais n'est qu'une forme déguisée de la
théorie de Fimpanation. Le problème eucharistique est en dépendance étroite
428 RECENSION DES REVUES

du problème chrfslologique; on ne peut le résoudre qu'-en prenant en .considé-


ration î 'état, actuel du Christ, non seulement ressuscité, mais monté aux cieux
et assis à la droite du Père ; ici encore la théorie catholique est d'un matérialisme
grossier.) pp. 3-46. — N. BERDJAEV, IZ etjudov o Jakové Berne. (Extraits d'études
sur Jacob Boehme. I. La doctrine de l'Ungrund et de la liberté. Caractéristiques
de la pensée de Boehme, symbolisme-réaliste. Le problème du mal et de la souf-
france tourmente l'âme de B. ; comment Dieu aurait-il pu créer le monde les
prévoyant? La théorie de l'Uugrund,du néant primordial, de là liberté irration-
nelle où s'originent toutes choses y compris Dieu en tant que Trinité. Conception
àntinomiste, et non point dualiste, qui rend compte de la chute (antérieure à •
notre monde) et du salut. Influence de B. sur l'idéalisme allemand qui malheu-
reusement a déchristianisé sa doctrine. Son influence sur les penseurs russes
de la fin du xix° s. et du début du xx°, sur l'auteur de cet article en particulier.
Du point de vue orthodoxe il n y a pas lieu de se défier'de cette doctrine,-moins
préjudiciable que le rationalisme platonicien ou-aristotélicien.)" pp. 47-79. —
Fr. GOVEN, Khristianslvo v Amerikë. (Le christianisme en Amériqu . Étude
par le Rev. Frank Govin sur les divers mouvements protestants ) pp. 80-87.
— N.ARSENIEV, Religionznyc sësdy v N'jukastlë i KembridZc. (Congrès r<-ligi3ux
de Newcastle et Cambridge.) pp. 88-92.-— Prot. S. BULGAKOV, Pravoslavie u
soc£ai,îsm.(L'orthodoxieet le socialisme,Iettre du P. Bulgakov à la Rédaction
à propos d'un article de B.Kandidov publié dans le journal soviétique « L'An-
tireligieux ».) pp.93-95. — N. BUBNOV, Ponfatic Boga i teorifa cënnosiej. (Le
concept de Dieu et la théorie des valeurs.-A propos de l'ouvrage de H. Schwarz :
Goil jenseits von Theismus und Paniheismus.) pp. 96-101. — Novyja Knigi.
: (Livres nouveaux.- Recensions, en particulier deux recensions
de FLORENSKIJ,
Stplp i ulverzdenie isliny, 1 une de G, V. Floroyskij, pp. 102-107, l'autre' de V,
N. il'in.) pp. 116-139,

•^RECHERCHES DE SCIENCE RELIGIEUSE. 4929. Dec. — Ch. DE


MORÉ-PONTGIBAUD, Sur l'analogie des noms divins. (Dans ce premier article
l'auteur pose le problème de l'analogie dans son application à Dieu et examine
« l'attitude fondamentale d'esprit que suppose la notion
d'unité analogique ».

Cette, attitude, selon lui, est l'orientation perpétuelle de l'esprit vers un terme
supérieur, «l'idée d'être, objet formel et pôle» : étude construite à partir des
théories de la connaissance selon les Pères Maréchal et Rousselot.et qui désire
«
s'attacher finalement aux conceptions de S. Thomas ».) pp. 481-512. — P.
DUDON: Gallicanisme politique et Théologie gallicane. (A l'occasion dulivre de
Mgr!-'-Martin sur le « Gallicanisme politique et le clergé de France», P. D.étudie
brièvement les opinions de quelques théologiens de la première tradition gal-
licane,'montrantque de ces opinions à celle de Èellarmin il y a moins de dislance
que lie le laisse supposer Mgr. Martin, concluant par là à une moins grande ho-
mogénéité de ce que l'on a appelé la «tradition gallicane».) pp. 513-529. =
Féyr. — M.COMEAU. La vie intérieure du chrétien d'après les « Traclatus in Joqn-
liehï » dé S'. Augustin. (On y trouve de précieuses indications sur la spiritualité
de S. Augustin, mais non une théorie complète de la contemplation. Joie par-
îàitedela vérité, vision divine, éternelle béatitude, c'est la fin du chrétien.
Dès cette vie il peut en ressentii'Tavant-goûfparl'union à Diéu,grâce aurecueil-
lemënti L'intellectualisme de cette contemplation par l'intermédiaire dés idées
RECENSION DES REVUES 429

est inspiré par le néo-platonisme et doit être distingué de la contemplation in-


fuse de la mystique chrétienne.) pp. 5-25. — L. JALABERT. L'Arabie occidentale
avant l'Hégire. (Analyse de plusieurs mémoires du P. Lammens : influence exer-
cée par les chrétiens de la Mecque et par les juifs duHigâz sur les débuts de l'Is-
lam. Les vieux cultes païens, notamment la litholatrie, ne sont pas" entièrement
détruits par Mahomet. Le caractère religieux de la vendetta chez les bédouins
avant l'hégire.) pp. 26-41, —. J. LEBRETON. Le centuple promis. (La promesse
du Christ peut s'entendre dans le sens littéral (fraternité religieuse) et dans le
sens spirituel : n'ayant plus rien, on possède tout : la création entière nous est
soumise quand nous nous détachons de tout.) pp. 42-44, — G. HORN. Convoient
Denys le pseudo-Aréopagite interprète l'Ecriture. (Lamatérialité des comparai-
sons bibliques humilie l'intelligence .qui s'abandonne au Dieu inaccessible.
Son pouvoir de suggestion la rapproche aussi de l'immatériel.) pp. 45-48. -v-
J.-B. FREY. Signification des termes/tovavÔQOS et « univira». (Ils signifient,
dans les inscriptions juives ou païennes, l'exclusion du remariage des veuves
de l'adultère ou du divorce, et dans les documents chrétiens la chasteté gardée
pour l'amour de Dieu.) pp. 48-60. — A. D'ALÈS. Qua celsitudo ilironi processit.
(Ces mots de l'antienne du BenedictUs de la Nativité de la Ste Vierge signifient
qu'en ce jour le trône est préparé où Dieu s'incarnera.) p. 60.
. . ..

*REVUE APOLOGETIQUE.4930. Janv. — H. BoUASSE. De ta science.


(Indiqué à larges traits le rôle joué dans l'élaboration deS théories physiques
par le raisonnement déductif, rôle trop souvent minimisé au profit d'une in-
duction fondée sur la seule expérience. Les deux éléments évoluentindépendam-
mentl'un de l'autre au cours de la construction d'une théorie. Us ne se touchent
qu'au point de départ, l'expérience permettant de présumer le principe dont il
convient de partir —• la « majeure du sorite»—, et au terme, l'expérience se
bornant à attribuer ou à refuser une valeur d'adéquation au réel à un développe-
ment mathématique qui conserve par ailleurs sa valeur propre.) pp. 5-31.—
J, CHAÎNE. Les théories du P. Jousse et leurs applications à la Bible. (Expose
là théorie du P. J. : Au sujet de la « traduction du geste » il souligne l'importance
que revêt la « traduction décalque », reproduction de l'attitude mentale primi-
tive. D'où l'extrême utilité de la restitution du N. T. en araméen. Du style
oràlrythmique, le P. J. a multiplié les appheationsà la Bible ; critiquehistorique
et critique littéraire n'ont rien à faire dans le système de l'auteur.) pp. 32-50.
.-^r- P. BONNETALN. Le Baptême de N. S. : II. La manifestation céleste. (Lé bap-
tême de Jésus comprend mie manifestation extérieure de l'Esprlt-Saint qui ré-
pond à Une effusion de grâces actuelles sur Lui, en vue de son ministère, et une
déclaration du Père accréditant sa mission : il inaugure et manifeste la vie nou-
velle dont Jésus est le principe.) pp. 51-63. —: È. CHARLES. Le problème toujours
aigu de la communion précoce et fréquente des enfants. II. Lâcommunjon fréquente.
.(La réception fréquente de l'eucharistie pour porter ses fruits chez les enfants
exige de leur part un effort de progrès moral et d'instruction religieuse qui soit
la réalisation effective d'une intention droite.) pp. 64-71. = Févr. — J. VIA-
LATOUX. Raison naturelle et religion surnaturelle. (La raison et la foi se présen-
tent toutes deux comme deux principes d'unification de vie intellectuelle.
Leur opposition semble cependant radicale : îa Foi ne supprime-t-elle pas l'au-
tonomie de la raison en lui imposant certaines solutions dans les problèmes
REVUE DES SCIENCES. — T. XIX., FASC. 1. — 28.
430 RECENSION i>ÈS REVUES

où la Foi est engagée, et ne propose-t-elle pas un objet sans proportion avec la


Raison? La solution se trouve non dans la limitation de leurs pouvoirs respec-
tifs, mais dans la pleine compréhension des essences, de la Foi d'une part qui,
universelle, embrasse toute notre vie naturelle et surnaturelle et ne demande à
la raison que de bien travailler, •— de la raison d'autre part, finie dans sa capa-
cité naturelle, .mais dont la tendance vers l'être infini ne sera comblée que par
la surnature.) pp. 129-154. •— G. DESGRIPPES. L'oppositipn du spirituel et du
temporel chez M. Benda. (M. Benda, dans La trahison des clercs, niait que la
pensée puisse avoir quelque influence dans le monde temporel. Nous ne pouvons
le suivre, car la vie entière est soumise à la morale que la raison seule atteint.
Nous ne suivons pas davantage son critique M. Berl qui ne voit dans la pensée
que pure négation.) pp. 155-171. — J. CHAÎNE. Les théories du P. Jousse et leurs
applications à la Bible: II. Appréciations. Ce n'est pas un travail scientifique,
mais un fratras de faits et de citations, des exagérations nombreuses et mani-
festes, des généralisations outrancières ; beaucoup d'affirmations et très peu
de preuves, parfois aucune; méconnaissance des civilisations et de l'histoire.
Style oral et procédé rythmique loin d'être induits des textes scripturaires leur
sont imposés. La théorie du P. J. 1. suppose à tort ou affirme sans preuves que
îe N. T. appartient à un milieu de style oral ; 2. préfère un texte hypothétique
araméen au texte grec inspiré. Ni l'apologétique moderne, ni les études bibliques
-
n'ont à gagner à la suivre.) pp. 172-192.—A.TmcoT.Les idées religieusesdu monde
juif palestinien au temps de N. S. (Tableau des croyances juives : le monothéis-
me, fondement de la religion juive, d'une inspiration très élevée ; mais d'un
exclusivismejaloux ;la torali « incarnation de la volonté divine» ; les esprits bons
et mauvais; la rétribution et la vie future auxquelles tout le monde croyait
dans ce milieu palestinien) pp. 257-270. — P. CASTILLON. Amitiés des nations
et christianisme. (A l'occasion des livres de M. Romier et de M, Ferrero. Le Chris-
tianisme fournit pour l'unité du monde les éléments les plus solides et les
plus durables en donnant à cet édifice son fondement moral.) pp. 271-286. —-
M. GORCE. Néo-Thomisme et simple philosophie. (L'apport j>enhanent de S.
Thomas à la philosophie humaine est constitué en premier lieu par son traité
de l'acte humain et les traités qui y font suite dans la la 2ae. S. Thomas oppose"
.

unepyschologie aux deux courants de son époque : physique averroïste, mystique


augustinienne. Ce thomisme psychologique ne passera pas, parce que chacun
peut retrouver en soi ses analyses introspectives ; il n'a rien à voir avec ce que
des primaires de droite, dénoncés par P. Lassei-re, appellent thomisme.) pp.
-287-295.

*RÈV"ÙË D'ASCETIOUÉ ET DE feËTIQUE. 4930. Janv. ^- J.-B.


SAINT-JURE. Lettres inédites à la M. Jeanne des Anges: (1645-1653). (suite, à
suivre.) pp. 3-16. —- R. DAESCHLER. Le p. Judde et là «tradition mystique»
(fin). (Est mi représentant assez original de cette tradition dans-la Compagnie
de Jésus (1661-1735), apparenté à l'école du P. Lalïemânt, et disciple du-P.
Surin.) pp. 17-36. — H. MONIER-VINARD, La prière du p.'de Foucauld d'après.
ses « Ecrits spirituels ». (Est l'attention amoureusedé-raine à Dieu s'exprimant
aux heures occupées ailleurs par de fréquentes élévations, et aux heures spécia-
lement consacrées (et le plus fréquentes possible) par "un entretien ; est orientée
yers la perfection pratique : l'effort volontaire y joue un tôle.) pp. 37-62;
RECENSION DÉS REVUES 431
:

PREVUE BENEDICTINE. 4930. Janv.— A. WILMART. Un sermon afri-


cain sur les noces de Cana passé sous le nom de S. Augustin. (Il s'agit du sermon
publié par A. Mai dans son Spicil. Rom., t. VIII, pp. 718-722, et par Migne,
PL. XLVII, col. 1144-1147. Par la collation, des témoins connus, D. W. propose
le texte qui lui paraît le plus vraisemblable. Contre Mai, il refuse d'y voir un
sermon de S. A., tout en lui reconnaissant une origine africaine.) pp. 5-18.—
U. BERLIÈRE. Le nombre des moines dans les anciens monastères, (fin), (2. Alle-
magne. 3. Bavière, Souabe, Autriche. 4. Angleterre. 5. Italie, Espagne. 6. Con-
clusions. Courbe descendante du xine au xivc s., ascendante du xvie au xvnG
s., puis horizontale jusqu'à la Révolution. Causes principales : fondation des
nouveaux Ordres religieux; épidémies ; guerre de Cent Ans ; Grand Schisme
puis Protestantisme ; exclusivisme nobiliaire ; prébendes prises pour des étran-
gers sur les biens du monastère et entraînant la restriction du nombre des reli-
gieux.) pp. 19-42. — A. "WILMART. Manuscrits de Tours copiés et décorés vers le
temps d'Alcuin. pp. 43-54.— P. VOLK. Die Stellung der Bursfelder Kôngregation
zum Abstinenzindult von 1523. (Malgré le soin que met la congrégation de Burs-
feld à défendre l'usage de la viande dans les monastèresJe chapitre de la province
de Mayence-Bamberg-.demande à Rome en 1521 une dispense d'abstinence.
Dissensions qui s'en suivirent à l'intérieur"de la congrégation.) pp. 55-72. —
A. "WILMART.- L'exemplaire lyonnais de l'exposition de Floïiis sur les épîtres et
ses derniers feuillets. (Description des fol. 72 bis et 73 du fr agment n. 4 du ms
270 du fonds Baluze de la Nationale, qui sont visiblement les deux derniers
feuillets manquant au ms 484 de la Ville de Lyon.) pp. 73-76. — A. WILMART.
Effigies des Apôtres vers le début du moyen âge. (Fol. 201r du ms 11561 du fonds
latin de la Nationale où se lit la façon conventionnelle dont une tradition ro-
maine représentaitles Apôtres.) p. 76. — C. LAMBOT. Un « ordo officii» du v£ s.
(Les heures canoniales prévues par un texte de la Régula Secunda.) pp. 77-80.

PREVUE BÏBLI§UË. 1Ô3Ô. Jaiiv. — P. MONTÊT. 'ï'ahis, Avârts et Pi~


Ralnsès. (Les égyptologues modernes refusent l'ancienne identification de Tanis
avec là capitale des Hyksos et la résidence des Ramsès.; c'est cependant cette
identificationqui est la plus probable, grâce aux documents nouveaux découverts
par P. M. en 1929, au cours de fouilles entreprises sur l'emplacement de Tahis,
dans le Tell de San el Hagar.) pp. 5-28. — M.-j' LAGRANGE. Jean-Baptisie
et Jésus d'après le texte slave du livre de la. Guerre des Juifs de Josèphè. (Juge-
ment sur i'article de S. Reinach : Jean-Baptiste et Jésus suivant Josèphe; dans
.Revue des Eludes Juives, avril-juin.) pp. 29-46. — D. BUZY. La brebis perdue.
(Analyse des deux paraboles : Luc, xv, 17 et Matthieuxvm, 12-14, et examen
des problèmes que soulève leur comparaison.)pp. 47-61. •— P. DHORME. L'ancien
hébreu dans la vie courante. (Chapitre d'un livre : L'hébreu au cours dés âges,
qui paraîtra prochainement. Examen de^s documents extra-bibliques du xe-xi°
siècle, (Ostraea, tablette de Gézer, sceaux, etc..) qui permettent de saisir la
physionomie de l'ancien hébreu.) p. 62-73. — L.H.VINCENT. Un nouveau
Sinaï biblique. (Critique de la localisation du Sinaï à Pétràpar M. Ditlef Nielsêh.)
:. '
.
.:.-
pp. 73-83. — A.-E. MALVER, Les fouilles allemandes au Râmet et Qhàlil. pp.'
84-117. '"
4d2 RECENSION DES REVUES
.

REVUE DES ETUDES JUIVES. 1929. Juïl.--BoazCOHEN. Une légende


juive de Mahomet. (Édition et traduction d'un manuscrithébreu datant proba-
.
blement du XVII0 siècle en Italie.) pp. 1-17. — L. BLAU. La transcription de l'An-
cien Testament en caractères grecs. (Cette transcription est certaine, prouvée
notamment par lahttératuretalmudique; cpntreM. M, Ginsburgerdans : Revue
des Études Juives, 1929, pp. 40-42), pp. 18-22. — J. BAUER, L'Ecole rabbinique
suite, à sùivre).(La translation de l'École rabbinique devenue, à Paris, le « sémi-
naire Israélite»; Les nouveaux règlements, les vicissitudes de la vie scolaire
etc.) pp. 23-47. — V. ÀPTOVITZER. La doctrine de la valeur éternelle de la Tara
dans la littérature rabbinique. pp. 48-50.—A. MILANO. Documents pour l'histoire
de la Communautéjuive d'Ancone. (Publication de la Pragmatique d'Ancônë de
1739,) pp. 51-58. — Julien WEILL, Noie sur les Maranes d'Espagne après l'édil
de 1492. (d'après la publication d'extraits des livres de « Gédules et Provisions »
des Archives municipales de Madrid aux xve-xvie siècles, par M. A. Millares
Carlo, dans la Revisia de Bibliotecas Archivos y Musëos, Juil. 1929.) pp. 59-61
.
'— M. LIBER. Sur la composition du psaume XCI. (Ce psauine « est, dans sa ma-
jeure partie à la deuxième personne du singulier, mais ne s'adresse pas à Dieu .
Ce n'est pas une prière, c'est un discours. On peut le résumer ainsi : Te confiant
en Dieu, tu n'as à redouter aucun malheur ».) pp. 62-63,

* REVUE D'HÎSTÔÎâE ËCâLËSÏÂStïOuË. — 493Ô, Jâiiv. — j. DE


GHELLINCK. Quelques appréciations de la dialectique et d'Aristote durant les
conflits trinitàires du ive s. (Témoignages de l'oppositionde la plupart des Pères
de cette époque à la dialectique, c. à d. surtout à Aristote, niais aussi à l'école
stoïcienne de Chrysippe. L'emploi de la dialectique —; et de Ta sophistique —
par les hérétiques, notamment par les Anoméens (Aetios, Eunomios) et l'anti-
pathie des Pères à l'endroit d'Aristote auquel ils préféraient Platon, expliquent
cette opposition. Absolue chez un S. Athanase.ou un S. Épiphane, elle est déjà
plus atténuée chez les Cappadociens et chez Didyme, lesquels,bien qu'à contre-
coeur, emploient la dialectique contre les hérétiques. En s'accentuant, ce chan-
gement aboutira aux éloges de S. Augustin à la disciplina disciplinarum.) pp.
5-42. —- L. DE LACGER. La primatie et le pouvoir métropolitain de l'archevêque
de Bourges au xin» s. (L'auteur étudie« quelëtait le mode de promotion des pri-
mats de Bôm'ges et quelle part le Saint-Siège y prenait, quelle espèce d'hommes
furent ces prélats, de quels droits la papauté les fit jouir, comment ils s'ac-
quittaient de leur office, enfin par qui fut abolie leur autorité ».) pp. 43-65.— A.
TEETAERT. Un compendium de Uiéologie pastorale du: XIIp-XIVe-siècle. (Étudie
d'aprèsla tradition manuscrite et littéraire, puis d'après la critique interne, la
Summa de ddminisirationesacrqmenlorum ourSumma de sacrameniis, ou Dialo-
gus de septem sacrameniis. En attribue le paternité à Guillaume de Paris, O. P. 1

(t vers 1312-1313), dont il tracé ime biographie rapide.) pp. 66-102.— E. PER-
ROY. Un évêque urbaniste protégé.par l'Angleterre(Épisode local du grand schis-
me d'Occident.) pp. 103-109. — P. DEBÔNGNIE. Uniémoignâgcméçpnnu en far
veur deThamas a Kempis. (Au sujet de l'Imitation. Le ms. 4338 de Vienne) pp.
109-115. : -,':-;.;
REVUE IVJ&rsTOÏRE Et DE RElLÔ SÔÎ?HlE RÊLi&IÈtjêË.
4929. Juil.-Oct.—- S, COOK. L'arrière-plan historique de l'Ancien Testament.
!..

;BËÇENSION PES REVUES .-.'; -v. #8
(Quelques principes dont il faut tenir comptédans l'étude historiquedudéyeîop-
pement religieux d'Israël, Il faut établir une théorie propre de l'évolution reli-
gieuse. Un principe de continuité n'implique pas un développement rigide îles
institutions et des doctrines ; ily a des solutions de continuité dues à l'infIuence
de religions plus primitives; application à l'histoire du prophétisme.) pp.295-
318, — J. HERING. La pensée d'Origène. (Présentation, surtout doctrinale, de
l'ouvrage d'Eugène de Faye : Origène, sa vie, son Oeuvre, sa!pensêe.) pp. 319-340.
—- E. EHRHARDT. Idéologie communiste et phristihnismp. (T.B cnirirriiiTiismft se
rattache, au moins par quelques racines, à. l'évangile'; l'histoire témoigne de
l'effort de là pensée et delà piété chrétienne « en vue de donner corps à l'idée
dé fraternité dans dés organisations communistes; deS' Basile et StAnibroise
au christianisme social moderne. De leur côté, les socialistes depuis Jaurès se
rappellent ÎCant, rejettent lé matérialisme théorique et pratique de Marx et
aboutissent à une religion.Malgré lé divorce absolu du christianisme et du com-
munisme actuel, on peut réconnaître la pénétration dans les masses de la tradi-
tion et deTesprit chrétien. «En la personne de quelques-uns de ses représen-
tants les plus éminents, (lé communisme) demande des ailes à l'esprit du Christ.
Qui sait si le. mouvement restera confiné dans iinè élite?») pp. 341-365. —• J.
MAKry,;Etude des textes cultuels de prière contenus dans. le. N„T; (fin). (Hymnes,
ou fragments d'hymnes, dansles épîtres et les évangiles (Le. r, a).) pp. 366-376.
^— J. GAGÉ, Une épitaphechrétienne d'Afrique. (Copie d'un modèle africain du
iv-v° s., trouvé à Hippone au cours d'une campagne de fouilles en 1928.) —
R, WILL, Le culte du Sacré-Coeuren Alsace. (Analyse et discussion de là mono-
graphie de Médard BARTH : Die Herz-Jesu Yerehrung im Elsdss vqm 12. Jahr-
hunâertbîs auf die Gegénwart, qui «prétend démontrer que leçultedu Sacré-
Coeur est d'origine mëmëvale et de filiation germanique».) pp. 382-393.
Noy. — E. LEHMANN. L'évolution de l'histoire des religions. (Conférence
inaugurale du Ve Congrès international d'Histoire des religions, réuni à Lund,
août 1919. Née de la philosophie, l'histoire des religions_; à progressé grâce aux
contributions, de valeur inégale, de la philologie grecque, puis orientale, de la
mythologie, de la méthodë'Comparative,de l'archéologie et déTefhnographie, de
réyolutionisme, de làméthôde psychologique et de la sociologie.) pp. 421-427.
— Gh. Gxjipi<is.BBB.T, Remarqués sur quelques conceptions chrétiennes antiques
touchant Vqrigine et la nature de l'âme. (Rapport présenté au congrès de Lund.
Jésus rii Paul n'ont donné dé cette doctrine un enseignement net, non plus que
laBibleètlâréfIexion:juive,lespIiilosophesgrecs elles religions â mystère. Un
inyentairede quelques témoignages chrétiens du IIe, m? s.permet de constater
leurImprécision et leur incohérence.) pp. 428-450. —- C, ALPHANDÉRY.Traces de
Manichéisme dans le moyen âgé latin (yie-xii» sj<»cfe),(Rapport présenté àiiCon-
grès de Lund. Un examen de la littérature des visîoris,dahsle haut moyen âge,
décèle des influencesmanichéennes, et confirmerait une survivance continue,
diffuse, du manichésime en Occident.) pp. 451-456, — J. JACOBSEN, A propos
de Proverbes vin, 22-31. (La figure de femme, qui se trouve sous le bras gauche
dû Créateur dans le tableau de Michel-Ange représentant la création d'Adam
surla yoûte de la chapelle Sixtine, doit être identifiée avec la descriptiondela ...
Sagesse, Prov. vin, 22-31. Pour interpréter cette figuré, il faut analyser le te'xte
biblique, tel que Michel-Angel'a lu.) pp. 468-473. r-:P. LEUILLOT, Aini Bosf((
Stfaspourg (1819-1821). pp. 474-478. : ; ;\
;
434' '.- '- RECENSION DES REVUES.-;;

*REVUE MABILLON. 4930. Janv. — G.-A.^ SIMON. Dom Nicolas Le


Guédois,'prieur d'Aunày (1652-1658), abbé de Barbéfy^(m59-ÏQ77j (à: suivre). 1;

(Contribution à l'histoire des mystiques normands; au xyîie siècle, autour, de


Jean Eudes. Biographiede dom Le G., disciple de dom L;: Quihet, mystiquelui-:
même, dont M, Simon a récemment écrit la biographie.), pp. 15-26, /"- r
,

* REVUE WEO-SGOLASTIQUE, 4930. Fév. — Ov LOTTIN,Le traité sur


l'Ame et les Vertus de Jean de la Rochelle. (Le traité de viriutibus (encoreinédit)'
attribué à J. de la R. fait partie d'un ouvrage d'enseniblësur t'âniej sa nature
et ses facultés, dont il constitue la troisième ef dernière partie.Ce;traciqtus,
rédigé vers 1226 serait un ouvrage de jeunesse de J. de la R,.Les différences que
l'on remarqué entre le tracialus et la Summa de Anima du même.auteur; notam-
ment celles qui conceriient l'utilisation des écrits d'Aristote, -s'expliqueraient
par un écart suffisant entré les dates de composition des deux ouvràgés.Eneffet
Aristote fut de nouveau Condamné par GrégoireTX en 1231). pp. 5-32, — J:.
HENRY. Pour le réalisme indirect. (Malgré certaines objections récentes, je réa-
lisme indirect apparaît comme l'une des formes possibles de répistéinolQgie.thô-
miste.Il prend son point de départ dans l'activité pensante gu'illnterprètë en
fonction de la distinction de puissance et acte. Puis l'analyse du contënurde là
.

pensée et sa relation nécessaire avec un donné sensible permettent de conclure


à l'existence d'une réalité matérielle extérieure.) pp. 33-47. — E, PIALAT.' Une
nouvelle concepiion.de lavie spychique, la « Gesta Itlheorie» (fin). (Nous percevons ;
moins des qualités absolues que des. rapports, des ensembles, des formés, des
structures, la vie psychique consiste perfectionner ces formes au moyen de l'at-
tention et de la mémoire.) pp. 48-74. — A. DE IVÀNKA./SUT la composition du
« de Anima »
d'Aristote^ (Contre les critiques de W. Jaegèr et en liaison avecles
travaux de A.Mansion, de I. établit l'unité du de Anima. On retrouve dans les .
IIIlivreslesihem.es préoccupations fondamentales touchant là définition de
l'âme tant comme principe du mouvement que comme principe"de la/connais-
sance.) pp. 75-83.— G, LEGRAND. La théorie de:l'Etat. (Analyse de l'ouvrage :
Traité général de l'État, de M. de la Bigne de Villeneuve;) pp. 83-91. —^ N. BAL-
THASÀR, Le VÏIe congrès national italien de Philosophie.pp.,92-96,

REVUE DE PHILOSOPHIE.4929. Nov. — L. LOUBERS:: Lés premiers


*
éléments de la philosophie mathématique. (Pour constituer.une philosophie ma-
thématique selon l'esprit thomiste. L., en s'appuyant.surladivisiondes sciences
mathématiques, dégage d'abord les notions qui les commanderit^Cësont.celles
de quantité, de figure ou d'espace, de nombre, et aussi de môuveïïient et de
temps. Puis iï les analyse et distingue leur fondement réel, très pauvre, de tout
ce que l'activité de l'esprit y ajoute. Par là il justifie du même Coup là «'Valeur »
des mathématiques et leur, insuffisance.) pp. 587-625.-4- M,: DE MONTMO'RAND.
Essai sur l'inquiétude métaphysique et religieuse (fin). (Après avoir "montré lès \
formes différentes'de l'inquiétude religieuse au xviiè et xviïie siècle. M.: de M. ;

donne quelques arguments du « spiritualisme moderne» pour l'immortalité de


l'âme et finit en donnant ce que nous dit l'Évangile sur ce:sujet.) pp. 626-647.
— E, PEILLAUBE. Avons-nous l'expérience du spirituel'! (Réponse au P. Romeyer
sur la conscience du spirituel, la distinction thomiste de Ylntélleçtus et de "1§
'.' 1: RECENSION DES-"REVUES •"•'-. 435 •
.

ratio, le rôle de l'intellect agent, la place du jugement de réalité, la connaissance


''qÛe'.râm'è.a'â'eî}e-mènï;e.).pçi,''';648-685,"

REVUE PHILOSQPHi9uE.4929.Npy. ---M. HALBWACHS. Le suicide


.
et lés maladies mentales: (Il n'y a pas deux catégories de suicide,suivaht que les
causes sont sociales ou physiologiques, « Tout suicide peut être envisagé à deux
points de vue. Suivant qu'on se place à l'un ou à l'autre, on y verra l'effet d'un
trouble nerveux » ou « d'une rupture de l'équilibre collectif».) pp. 321-360.—
L. PLANTEFOL. La biologie végétale. (Elle tend de plus en plus à se distinguer de
la morphologie et aussi de la physiologie. Elle « regardé l'être vivant çohlme un
élément du monde vivant, une petite partie de la biosphère». Elle étudie donc
« les forces
du monde, forces physiques et vie concurrentes » qui favorisent ou
contrarient sa vitalité, et « recherche les lois de transmission » de ses caractères,)
pp.3Ql-3Si.:— A. METZ. La théorie du champ Unitaire;de M, Einstein. (Montre
le souci constant de M. E. d'unification toujours plus grande. Après les travaux
de 1912 à 1919 « une-sorte dé dualité subsiste entre le champ de gravitation » et
« le champ électromagnétique». Après quelques tentatives vaines inspirées par
M. Weyl et M. Eddington, M, E. vient donc de reprendre le problème deTuni-
ficatiôn des deux champs, dans une autre direction. A. M. en tire des conclusions
philosophiques.)pp. 388 - 405. — CL. ESTEVE. La poésie magique dans Novalis.
(La poésie représente «l'irreprésentàble» et donne à ce «qui est ordinaire un
aspect de mystère». Elle est «la révélation intégrale: de l'esprit, par laquelle
l'univers « devient » jeu .poétique et le jeu poétique, univers »,) pp. 406-418. —
S, GRIOLET.Sur la loi de l'oubli et sur l'arbitraire possible des formules-mathéma-
tiques en psychologie. (Décrit «la méthode d'épargne» imaginée par Ebbinghàus,
pour évaluer les degrés de l'oubli. E. substitue à la « quantité », inaccessible en
elle-même, de souvenir perdu, le temps mesurable nécessaire pour réapprendre *
au bout d'un certain intervalle, ce qu'on a appris une première fois. Il expose
ensuite les différentes manières dont on peut l'utiliser.) pp. 419-427. — G.;BÉ-
NEZÉ. Notes sur la loi de Fecjmer. (Propose d'améliorer la Ioi,en substituant à
«la formule logarithmique»:«la formule àfc tangente».) pp. ,428-432, =
4930. Janv. —L. LAPIQUE; L'orientation actuelle de la physiologie. (Montre
d'abord comment la physiologie est devenue une science spéciale, en se séparant
de ranatômie. Puis, après quelques mots sur la vivisection, établit, à l'aide des
études récentes sur « l'influxsnerveux », quela physiologieactuelle tend déplus
;en plus à réaliser le programme de Cl. Bernard : «réduire les fonctions vitales
à des phénomènes du monde inorganique».) pp. 5-22. — Lïeuténant-Coloriéï E.
MAyER.fXa Psychologie militaire. (Décrit la psychologie originale du militaire,
très différente de celle du civil, et montre ensuite,-par quelques exemples,les
graves problèmes psychologiques que soulèvent, les changementsd'armements.
Les officiers doivent donc posséder, en même temps que la technique, le sens
psychologique. La solution des problèmes psychologiques doit souvent en effet
précéder et commander celle des problèmestechniques.) pp. 23-42. — E. LE-
ROUX. La philosophie morale en France depuis la guerre. (Les diverses tendances
delà morale française «dont les principales: peuvent êtreàppelées : tendance
sociologique, tendance rationaliste, tendance sentimentale et tendance reli-
gieuse. ») pp. 43-78. —FCh. PÉREZ. Quelques aspects de la biologie. (Expose d'à-,
bprdla-féhdançe généraie dé la biologie actuelle. Puis établit ' %. que «ï'ëmbryo»
"436 '; iRECË^SION DES.REVUES' ,:;

lôgïe expérimentaleconduità faire revivre la théorie de la préformation:sous la


forme moderne delainosaïque.embTyonnaireet de ïâdêtêrniinatioii dans l'oeuf » -;
2, que la génétique «tendà substituer à la personnalité .globale del'individuune-
mosaïquede caractères distincts, ayant chacun leur sub.strafummaférielpropre :

et manoeuvres par les lois du hasard ».) pp. 79-96. — H. WALLON. Lq.psycîior
logic appliquée. (Oppose la iisychôlpgie apphquëe à la psychologie «idéologique»
et « à base d'introspection »,et en montreles avantages. Les effets de l'activité. :
psychologique en effet sont mesurables, et donnent donc une base précise,sahs :
i

toutefois dissocier l'individu. Propose ensuite une division d'après. lès! éléments
même de «l'activité réalisatrice de l'homme»:) pp. 97^107,-.: :

* REVUE DES QUESTIONS SCIENTIPIOUES. Ï930: Janv, — P. ;

TEILHARDDE CHARDIN, S, J. Que faut-ilpenser du transformismeÏ(Reproductipn ,


d'un article paru dans les Dossiers de la commission synodale^, de Pékin, t. II,
juin 1929, dont le but, selon l'auteur,n'est pas de donner une solution définitive
du problème du trànsformisttie, mais de préciser l'attitude:du chrétien en face
du transformisme admis comme plus probablementvrai. Ne pasconfùndre dans
le transformisme ce. qui-est vue fondârnentale et ce qiii est. éxplicalions secon-
daires ; ne.pas confondre le plan scientifique-(succession-expérimentale:dans ;
le,temps) et le.plàn philosophique (causalité profonde) ; placërrexactenientla- '
difficulté de la 'cohéiliatioh entrëîa représentation,.Scientifique etla-reprësehta-
tion catholique des origines ;• construire lin éyolutiohhishie spirituâliste plus
probable que TéVolutionnisnie matérialiste.) pp;" 87-99. i ;"
..

', «vREVUEDESSGpNGESRELIGIEUSES.4930. 'janv.—rJ.-B. Cou-


LON. La concej)lion du salut d'après les évangiles synoptiques (suite, à suivre).
(Les éléments-communs: aux trois synoptiques présentent;Seulement là-notion
de Régne ou Royaumede Dieu, réalité à la fois terrestre, dontles.Apôtres.dbi- ;
vent être le centre, et transcendante, s'ideiitifiant à lavie éternelle promise à -
.

chaque juste. Dans les-dorinéës prôpresà Mt.j Ce Royaume:est explicitement "


appelé Église et est conçu comme une nouvelle sociétémessianique constituée ;
avec les païens convertis, remplaçant lé Royaume d'Israël infidèle àsamission,
-et devant affronter les siècles venir. L'interprétationnon catholique de ces deux:
tableaux.) pp. 1-39.— A. PUECH.' Quelques observations sur les écrits psëàdo-
clémenlins. (Notes surl'ouvrage, de C. Sçhmidt. Siudièn zwdemPsëudoJClehien-.
tinen, 1929) pp. 40-46.,— P, ï^viimsw;chA.VB'E. A prpds. du: commentaire sur
Isaie attribué à S. Basile. (Contre Garnier (PG, ti XXrV,.coi: 226-230);: défend;
l'attribution de ce commentaire à S. Basile.. Explique l'infériorité;;du;style^dë :
cet ouvrage en, y voyant un simple brouillon n'ayant-pas reçu de rédaction;:
définitive.) pp. 47-68.::

.REVUE DE SYNTHESEHISTORIQUË.a929,;Bê^
et son milieu. (A propos du Mai-tin Luther de L. Febvre, 1-9.29.: C'est une biogra-
phie psychologique. Plus que cela, étude de L. dans son mï&çâ, ëtliniqUev-tehi-.
poraire, social, logique. Réflexions de méthpdologië,histoi'iqUe.)Pp..5-13,.—- :
H. SJÉE. La philospphie de l'histoire de Herder. (Présupposésde saphilosophie:;
de l'histoire : entre la nature etl'histoire il n'y a pas de solution de-continuité,:;
car I hommeest mi produit;d.ela naturé;;cependanttratt^^
îtECENSION DES REVUES 437

Son histoire de l'humanité : caractère concret, sens de révolution, détermination


(trop bnprécise) des lois générales des phénomènes historiques.) pp. 21-36. —
M. NATHAN. Notes.de psychologie à l'usage des historiens ; Néo-romantisme et
freudisme. (A proposée 1 ouvrage d'E. Seillière, Le néorotnaiitisnie en Allemange.
psychanalyse freudiémie pu psychologie impérialiste, Paris, 1928. Libido freu-
dienne et instinct depuissànce (impérialisme) ne s'excluent pas. En quelle me-
sure le freudisme favorise Je mysticisme,,en favorisant l'instinct.) pp. 57-64,

REVUE DE THEOLOGIE ET DE PHILOSOPHIE. 4929. "6et. Dec.


-— H. HUMBERT. Larcligiqn d'Amos. Sa religion a « un point de départ objectif
et même très précis » qui commande tout. Dieu l'a « pris » et l'a envoyé prophé-
tiser contre son peuple. Le trait dominant de cette «religion catastrophique
et tragique » est donc le « dynamisme». « C'est que, pour Amos, un Absolu,
aVec ses exigences absolues au s si, est à la base de toute vie spirituelle : « la justice
divine « souveraine et universelle ».) pp. 242-255. — A. LECERF. La doctrine de
de l'Eglise dans Calvin. («Elle tient le milieu entre le sociologisme catholique
et l'individualisme du protestantisme radical. «L'Église visible» et «l'Église
inivisible » sont les deux aspects d'une seule et même réalité », le « Corps Mys-
tique du Christ ». L'une est la manifestation et l'instrument nécessaire de l'autre
Le calvinisme en restant « une école d'ordre et de vie sociale » maintient donc à la
foi personnelle un «réduit irréductible ») pp. 256-270. — G. NAGEL. Samarie
à l'époque israélite. (Esquisse les résultats des fouilles entreprises par l'univers-
sité Harvard au « site de Samarie », pour la période qui précède 722. Elles nou s
renseignent sur les palais d'Omri, d'Akhab, de Jéroboam II, et « Sur le mur d'en-
ceinte et la porte de la ville ». De plus -elles nous donnent des textes Israélites
de l'époque d'Akhab «très intéressants au point de vue épigraphiquë, géogra-
phique et économique. ») pp. 271-293.— J. DE LA HARPE. Le conflit du nationa-
lisme et l'internationalisme.(Après une introduction méthodologique, J. de la H.
.
montré comment les «forces novatrices» utilisées par les «forces conservatri-
ces » ont formé, au cours du xixe siècle, le « nationalisme politique » ;. tandis
que le progrès économique établissait un internationalisme de fait. Du conflit
de ces forces est né la guerre de 1914. La solution du.problèmé ne consiste à re-
jeter ni « le national », ni « l'international », mais à transformer les rapports « de
rivalité » en « efforts de coopération» sur tous les domaines.) pp. 294-318. —
E.BUONAIUTI. Le montanisme et le dogme trinitaire. (Décrit d'abord les tendances
des églises d'Asie mineure, préparant au montanisme un terrain favorable. Puis ,
après quelques mots sur Montanus et ses disciples, montre comment Tertullien
en particulier, guidé parles mêmes aspirations « spiritualistes » et « eschatologi-
ques », soutient la'cause de la théologie « économique », seule transcription théo-
logique possible de la'foi dans la continuité des charismes et dans la révélation
du Paraclet.) pp. 319-333.

* REVUE THOMISTE. 1929. Nov. — M.-J. KELLER et M. B. LAVAUD .


La charité comme amitié d'après S. Thomas. (Recherche ce qu'on trouve dans la
Sainte Écriture,les Pères et les Docteurs antérieurs à saint Thomas surla charité
considérée comme amitié ; quelle est sur ce point la vraie penséedu Docteur An-
gélique ; quelle est là place de cette doctrine dans l'ensemble du traité de la cha-
rité.) pp. 445-475. -^ B. AUGIER. Le sacrifice du pécheur. (Le mal de la coulpe e\
438 RECENSION DES.REVUES
.

le mal de la peiné constituent le passif du péché, la double dette qui vient gre-
ver son sacrifice. Or, en face des exigences divines, le pécheur, laissé à lui-même,
est un débiteur insolvable.) pp. 476-488. •— P. MANDONNET, Clironologie des écrits
scripluraires de S. Thomas d'Aquin. (Rien ne s'oppose à ce que la Caiena aurea
ait été l'objet des leçons ordinaires de S. Thomas, et la chronologie des écrits:
scripluraires, telle que l'auteur l'a établie, semble bien conduire à cette conclu-
sion.) pp. 489-519. •— • A, GARDEIL, A propos d'un cahier du R. P. Romeyer.
,
(Réponse au P. Romeyer à propos de la perception de l'âme par soi.) pp. 520-
532. = 1930. Janv. — F.-X. MAQUART. L'espace et le temps, règles universelles
et a priori de la sensibilité. (Réponse au P. Maréchal au sujet delà nécessité et
de la possibilité d'un a priori psychologique de la sensibilité. L'essai du R. P.
ne cadre en rien avec les principes de S. Thomas ni avec ses doctrines les plus
explicites, et est incapable d'expliquer les faits constatés dans la connaissance
sensible.) pp. 3-23. — O. LACOMBE. La critique des théories de la connaissance
chez Dans Sçol. (Expose les critiques adressées par Scot à Godefroy de Fontai-
nes, à Henri de Gand et surtout à S. Thomas d'Aquin, au sujet de l'objet propre
de l'intelligence, et de la structure intelligible de la chose comme.) pp. 24-47.
— A. D. SERTILLANGES.La notion de création. (Réponse àl'article de M. Thyrion,
paru dans cette même Revue.) pp. 48-57. — M.-B. LAVAUD. Quiélisme et pur
amour; Ascèse et prière pure. (Étude critique du tome IV de la Spiritualité
clurélicnne de M. Pourrat et de l'Introduction à la Philosophie de la Prière, de
M. BRÉMOND.) pp. 58-74. — M.-B. LAVAUD. Moïse et saint Paul ont-ils eu la vi-
sion de Dieu dès ici-basl (Un thomiste n'est aucunementinfidèle à l'esprit et
à la solide doctrine de son maître en gardant sa liberté d'opiner autrement
que lui sur ce point, et même en pensant que, si le saint Docteur vivait de nos
jours, se sentant plus libre à l'égard de l'autorité toujours exceptionnelle de
saint Augustin, il n'en soutiendrait pas aussi nettement l'opinion, mais interpré-
terait autrement les textes de la sainte Écriture.) pp. 73-83. — Mars. — H. D .
NOBLE. Le tempérament passionnel d'après saint Thomas. (Étudie la nature, les
causes et les variétés du tempérament ; ses rapports avec la .moralité.) pp. 97-
127. — E. HUGUENY. L'qmour de bienveillance dans l'attrition. (La doctrine de
Tattrition suffisante, sans commencement d'amour de bienveillance, tolérée
pratiquement parce que l'attrition souveraine est toujours accompagnée, en
fait, de cet amour de bienveillance, mais en désaccord manifesté avec le chapitre
VI de la Vie Session du Concile de Trente, fondée sur une interprétation inexacte
du chapitre IV de la XIV« Session, est spéculativement peu probable et prati-
quement moins utile aux âmes que celle delà nécessité d'un commencement
d'amour de bienveillance dans l'attrition qui nous prépare à l'absolution.) pp.
128-143. — O. LACOMBE. Mécanisme et nature de la connaissance. (Expose les
critiques de Scot au sujet de la doctrine de Pierre de Trabibus et de celle de Gode-
froy de Fontaines.) pp. 144-157. — A.-D. BOULANGER. Le « semi-agnosticisme »
du P. Sertillanges et le thomisme du R. P. Romeyer. (Met en regard les textes du
P. Sertillanges et ceux de S. Thomas, en vue de répondre aux allégations du P.
Romeyer.) pp. 158-189.

RIVISTA DI FILOLOFIA. 4930. Janv. — P. MARTTNETTI.: Sul valore


cbbicttivo délia filosofia. (Dans l'histoire de la philosophie, à travers la lutte et
les contradictions des systèmes, s'affirme quelque chose qui a une valeur ab-
solue, qui était déjà préformé dès îé début du développement, qui lui est toii®
RECENSION DES REVUES 439

jours immanent, et confère de ce chef, à chacun des moments, sa place et sa


valeur.La vision de l'histoire traduit pour nous, de la manièrela plus convena-
ble à nos exigences, la réalité métaphysique,inaccessible en soi-même.) pp. 1-13 .
•— G. GRASSELLI. Tubinga nel présente e nelic suc memorie.
(Évocation de la
vieille'ville universitaire et des lieux où ont passé leur jeunesse Hôlderlin, He-
gel, Schelling.) pp. 13-28. •— L. FOSSATI. Conoscenza e volonlà nel Suarez. (Ex-
posé de ces doctrines et confrontation avec S. Thomas d'Aquin et autres sco-
lastiques. La théorie de la connaissance de S. Thomas doit être préférée : mais
celle-ci même souffre du vice radical de toute cette gnoséologie aristotélico-sco-
lastiqué de concevoir la plus haute des facultés humaines comme essentiellement
passive : la complication des opérations qu'elle décrit ne fait que masquer l'ab-
surdité d'une matière agissant sur un esprit. Théorie suarézienne de la liberté ;
des rapports de la liberté avec l'action divine : le problème de la liberté demeure
toujours un mystère chez les Scolastiques, quandles explications qu'on en essaie
ne tournent pas à l'absurde), pp. 29-57. — R. RINALDI. La contradizzione dia-
lettica. (Pendant qu'il postule l'indéfini devenir de l'esprit et la « storicité »
de toute certitude, le « dialectisme » subjectiviste, par une manifeste contradic-
tion, ne peut s'empêcherde poser une vérité fixe et immobile, se niant ainsi dans
l'acte même où il s'affirme.), pp. 58-65. -— P. TRÊVES. La teoria délia Legge in
Tommaso Campanella. (Quelques traits de cette théorie. Il y a dans C, une anti-
cipation de certaines doctrines politiqpes de l'Aufkldrung.) pp. 66r71,

* RIVISTA DI FILOSOFIA NËO-SCOLASTICA. 4930. Janv. — M.


GRABMANN. La doltrina di Jacopo Capocci da Yilerbo (f 1308) a proposito delta
reallà dell'essere divinp. (Les sources de cette étude. Examen des Quaesiiones
Parisiis dispuiatae de praedicamcnlis in divinis et notamment de la première :
Utrum Deus dicalur vere ens. Opposition de cette thèse -et du concept cher à
Eckhart sur le caractère négatif de l'être de Dieu.) pp. 13-30. — A. GEMELLI .
Emozioni e Sentiménli. (Expose les recherches et les observations conduites
selon la méthode de l'introspection provoquée, par où il est arrivé à une inter-
prétation fonctionnelle de la vie affective. Les deux catégories fondamentales
d'états affectifs : simples sensations affectives et sentiments -proprement dits :
leurs différences et leurs relations. Importance de l'instinct dans le sentiment.
La fonction des sentiments dans le mécanisme de la vie psychique : ils règlent
l'activité humaine et concourent avec les autres éléments de la conscience à
procurer à la vie psychique un état d'équilibre. L'interprétation fonctionnelle
des états affectifs permet en outre de distinguer l'émotion du sentiment : l'émo-
tion peut être considérée comme un état affectif excessif,peu utile dès lors dans
la régulation de l'action, mais auquel peut correspondre une signification et une
valeur objectives.) pp. 31-53. •— E. DI CARLO. JJn discorso accêdemico di P. Gal-
luppi su Alfonso de Liguori. (Texte inédit du fragment subsistant de ce discours
(1816). L'orientation spiritualiste et chrétienne delà pensée de Galluppi y est
déjà très sensible.) pp. 54-61. — V. SINISTRERQ. La disiinzione jra esscnza ed
esisienza in A. di Hplès. (Logique chez les créatures. C'est pourquoi, en vue de
marquer la distance de l'Infini à la créature, A. recourt à la composition hylé-
morphique qu'il attribue à tous les êtres créés.) pp. 61-72,
440 RECENSION DES REVUES

* SÇHOLASTIK. 4930., 1. -4; P. BROWE, S. J. Die Kinderkommunion im .


",'

MittelaUer. (L'usage de donner la communion au baptême; -comment il s'est


perdu ; évolution de la pratique quant à l'âge de la première communion.) pp.
1-45, — F. PELSTER S. J. Literargeschichtliches zur Pariser theologischer Schule
.. ,
aus den Jalu-en.1230 bis 1256.(Contenu du ms, 257 de la bibl. de l'Université de
Munster ; problèmes posés par la comparaison de ce qu'il contient d'Alexandre
de -H.-avec, d'autres ms. d'Aet ;. précisions concernant les disputes ordinaires,
quodlibétiques: là delerminatio avait lieu le même jour que la disputaiio ; le
créateur de la.dispute quodlibétiquen'est ni S, Thomas, ni Gérard d'Abbeville :
le Cod. 138 d'Assise, de là.1" moitié du xiire s., et le Cod. Vatic." Cal. 4245 con-
tiennent des quodl, antérieurs à ëeux de S. Thomas. Contenu du ms. 257 quant
aux premiers maîtres dominicains de Paris.) pp. 46-78. — M. GIERENS, S. J.
Goliesbcweise aus den ubernqturlichen Wefken Gottes und ihre Bedeutung und
Ëigenart im Ganzen unserer Gotleserkenntnis. (Les faits surnaturels : miracles,
existence de l'Église, manifestations divines témoignées par les Écritures, peu-
vent,; selon la tradition chrétienne et en Vérité, donner lieu à une preuve de
Inexistence et des principaux attributs de Dieu.) pp. 79-101. — H. LENNERZ,
S. J. Kann die Vérnunfi die Mûglichkeit der beseligenden Anschauung Gottes
&eroei'sen?(Laraison peut montrerla non-répugnancede la vision béaliîique,mais
non sa possibilitéinterne et positive.ypp. 102-108.

*SeuGLA (LA) .CATTOLIGA. 4929, Bec.— F. BERTOGLIO. Osservazioni


sul contcnuto pedagqgico délia regola e delta vïta benedeitina. (Expose, d'après
S. Benoît, quels sont les devoirs de l'éducateur et ceux de l'élève.) pp. 401-422.
— A.MANCINI.. Il SacrifiCio nel primitivo culto cristiano. Contributo alla teologia
paolina. (Étude du sacrifice chrétien dans S. Paul, d'après I. Cor., 10, 14-33,
"et Héb. 13, 7-17.)-pp. 423-432. — P. DE AÏIBROGGÏ. i'« Ilala» versione latina
.
o grecà. (Du contexte logique, il résulte .que S. Augustin parle d'une version
latine dérivée du grec.) pp. 433-451. = 1930. Janv. — L. ALLE'VI. Scoperte e
confermcdellapenuia diSanPietroin Roma. (Les fouilles de la basilique de Saint
Sébastien sont venues apporter une confirmation de la venue de S. Pierre à
Roine.) pp. 3-21. — A. PORTALUPPI. La spiritualità dcl Beato Don Bosco.
(Étudie lés principaux caractères de la spiritualité de Don Bosco.) pp. 22-36.
...
— E. PASTERIS. Astrglogia e libertà nella Divina Comedia (II). (Comment,
d'après Dante, l'activité des cieux se différencie de celle de Dieu, et comment
elle s'exerce surles choses.) pp.-37-5.6. — Fév. •— E. PASTERIS. Astrologia c li-
bertà nella Divina Comedia.(III). (Recherche quelle influence, d'après Dante,
les cieux exercent sur les hommes.) pp. 119-139.

THEÔLOGY. 4930. Janv. — C. H. TURNER. Jewish Cliristianity : the


Apostolic Dèci-ee of Acîs XV. and the Aposlolic Church Orders. — I. (Caractères
delà communautéjudéo-.chrétiennedeJérusalem. Sa crainte, en face de l'apos-
tolatpaulinien, était que la loi morale de l'A. T. ne fut rejetée par les convertis
du paganisme en même temps que les prescriptions cérémonielïes. C'est dans
cet esprit qu'il faut interpréter le décret du « Concile de Jérusalem» (Aet. xv) :
il aurait une portée purement morale, et constituerait une sorte d'abrégé du
Décalogue. T. pour ce motif,"préféréje texte « occidental » qui omet la mention
.
dçs yjjmdes étouffées et par « sang s il entend tt sang versé *>. Ces préoccupations
..
RECENSION DES REVUES Ait
judéo-chrétiennes d'ordre moral se retrouvent dans quelques documents de la
littérature chrétienne primitive : Didachè. etc.) pp. 4-14. — A. H. Me NEILE.
Reunion. (Apropos des projets d'union dans l'Inde du Sud, réflexions sur l'u-
nion et l'unité : c'est l'unité intérieure qui importe, et ce n'est pas une organisa-
tion extérieure qui la procurera.) pp. 14-21. — W. H. HUTTON, Some letlers
on missions in India. (Documents sur l'histoire des premières missions anglaises
dans l'Inde (1707-1708) témoignant d'une opposition du gouvernement à l'oeu-
vre des missionnaires, accusée d'être partiellement cause de révoltes.) pp. 21-28 .
— A. E. MORRIS. Confirmation and South India.— I. (à suivre). (A propos dès
projets d'union dans l'Inde du Sud, qui prévoient d'autres formes que la confir-
mation pour la pleine admission dans l'Église, étude des relations de là Confir-
mation au Baptême et à la Communion ;, discussion de la pratique des églises
orientales et de l'Église romaine; en quoi la grâce de la Confirmation se dis-
tingue-t-elle de la grâce du baptême? discussion des données scripluraires) pp.
28-40.-^Fév.—A.E.MORRIS. Confirmation in South India.ïl (suite).(Pas de dif-
férence réelle entre la grâce duBaptême et celle de la Confirmation.«Les deux
sacrements sont moyens de grâce, non en ce sens qu'ils nous apportent la grâce
du dehors, mais en ce sens qu'ils mettent en activité la grâce déjà résidant en
nous ». Caractère traditionnel de la Confirmation; il ne faut pas s'en départir.)
pp. 71-76.— N. P. WILLIAMS. A note on Confirmation. (« On peut dire que la
Confirmationest d' « institution dominicale » en ce qui regarde la grâce intérieure
et d'«institution apostolique » ou «ecclésiastique» en ce qui regarde le signe
extérieur et la connexion entre intérieur et extérieur». Sa désirabilité dépend
donc de la façon dont on conçoit la fonction de l'Église), pp. 76-52. — T. J.
HARDY. The neglected mandate. (Le Christ n'a pas commandé seulement d'enseig-
gner, mais de « faire des disciples » (paOnrevcare). Ce mandat de soumettre les
hommes à l'espritdu Christ a été bien négligé par l'Église.) pp. 83-89). — L. DE-
WAR. TheMind and the Heart. I (à suivre). (Relations entre « l'esprit » (facultés
de connaissance) et«le coeur «(facultés d'appétition).a)Le coeur est d'abord tou t-
puissant ; la fonction essentiellede l'esprit est de l'amener à se conformer à la
réalité, b) Le coeur est une multiplicité d'instincts.) pp. 90-96. = Mars. —
L.DE-wAR.TAe Mind and the Heart (II), (suite). (Applications des principes au
cas de la conversion. Deux conclusions : a) La conversion doit impliquer l'uni-
fication du coeur ; b) Elle doit impliquer le contact avec la réalité, par l'esprit.
Ce dernier effet manque dans beaucoup de « conversions » méthodistes. Au con-
traire, la prédication du Christ, si eUetenait compte de lapriorité du coeur, n'omet-
tait pas l'illumination de l'esprit. Applications pratiques), pp..123-130.— F. P:
HARTON. Noies on mental Prayer. (Certaines âmes ont besoin de dép asser
là méditation ignalienne pour atteindre à une prière plus simple. 1. Simplifica-
tion intellectuelle ; méthode de Saint Sulpice. — 2. Prière affective, consistant
en l'émission d'actes d'adoration, d'humilité, de pénitence, et des vertu s théo-
logales. — 3. Prière de simple regard. Ce n'est ni quiétisme, ni rêverie égoiste.)
pp. 130-141. —• J. C. Du BUISSON. Four new Prayer Books. (Analogies et diffé-
rences des trois PrayerBooks publiésrécemment par trois églises de la Communion
anglicane (Anglaise, Écossaise, Américaine) ; auxquels est venu se joindre de
façon assez inattendue un quatrième Prayer Book de « l'Église libre ».' Conclu-
sion : « Un examen impartial... placerait le livre écossais au premier rang pour,
la richesse de soircontenu, son style et sa doctrine. Ceci soit dit sans nullement
dénigrer les deuxautres, dont chacun possède naturellement, ses mérites pro-
pres «.) pp. 141-152.
442 : RECENSION DES REVUES

«VIE (LÀ) SPIRITUELLE. 1029. Oct, — H. PETITOT. Le Rosaire, école


de la plus haute contemplation. (La récitation même machinale du chapelet,


puis les diverses manières de méditer le Rosaire (réflexion analytique,considé-
ration synthétique et âff ectùeu se, ado]; lirn cordiale el muette) élève progres-
sivement Tâmejusqu'àla vie contemplative.) pp 5-34. — F.-D. JORET. Dieu
contemplé dans son image: (suite). (La Sagesse infinie, le Premier Amour, la
sainte Trinité.) pp. 35-55. —B. LAVAUD. L'obéissance religieuse d'après saint
Ignace de Loyola. (Analyse et versi on nouvel le de sa lellre du 26 mars 1553, sur
la nécessité et la perfection de] 'obéissance de jugement.) pp. 82-114. •— Dom
A. WILMART. Prières à S. Michel cl à S. Martin sous le nom de S. Anselme
(Littérature de dévotion dépendant des livrets anglo-saxons.) p. f1f-[l4].—
G. MOLLARD. Efficacité de la prière.(suivre.) (La foi maintient l'efficacité delà
prière et l'immutabilité de 1 a volonté 'de Dieu.) pp. [15]-[29 ]. — Mgr PAULOT.
Pour fixer la terminologie mystique. La contemplation est une connaissance
d'amour, infuse;, simple, due soit à la connaturalité de l'âme avec Dieu,
fruit de l'exercice prédominant du don de Sagesse, soit à la grâce actuelle
opérante, correspondante à ce don) pp. [30]-[37].— ]NTov. —Prince Vladimir
GHIKA. La Sainte Yiergc et le S* Sacrement, (à suivre). (Lien créé entre Jésus et
Marie par la maternité humaine de l'Etre divin ; valeur du Fiat de l'Annoncia-
tion.) pp. 129-144. — B, MARÉCHAUX. Le salut par la prière. (Double appui i
Toute-Puissance et Miséricorde divines.) pp. 145-151. — F. DE LANVERSIN
: Le Bx Claude de la Colombièrc. (Don sans réserve, el maintenu
dans la vie
commune, et dans un dépouillement méthodiquement poussé jusqu'à ses plus
extrêmeslimites^)pp. 185-211. — A. CABASSUT. L'impeccabiliiédans l'état d'unipn
transformante d'après saint Jean de la Croix. (S. Jeande la Croix en l'affirmant
et sainte Thérèse en la niant formulent des opinions appuyées pour chacun sur
leur expérience personnelle.) pp. [57]-[75]. — G. MOLLARD. Efficacité de la
prière dans s. Augustin:(ËUi!te). (Dieu nous donne la première grâce sans aucune
; prière; et en suitejaous fait prier) el s. Thcmcs
d'A qvin (La prière tire sa force
d'impétratioh de Dieu et est placée par Lui à un endroit dtLeimmé dans toute
;
l'organisation des causes secondes.) pp. [76f-[90]. — F.-D. JORET. Pour fixer la
terminologie mystique. (Dans notre organisme surnaiurel lui-mCme se trouve
;
inscrite la classificàtiondes oraisons en simples méditations (vertus morales)
méditations contemplatives (vertus théologales) et pures, infuses ou mystiques
contemplations (dons du -S. Esprit). L'amour infus est l'élément essentiel de
l'état mystique.) pp. [91j-[lÛl], — Dec, — Prince Vladimir GHIKA. La Sainte
Vierge et le St-Sacrement. (Un). (Fruits du Fiai de Marie. Présence spirituelle
-dé Marie près de l'Hostie.) pp. 233-252. — C. SPICQ. Le peuple juif au cours de
la captivité babylonienne, (Modèle d'espérance procédant d'une contrition et
d'une humilité véritables,) pp. 274-296. —MARIE DE L'INCARNATION.Exiraits.
(Le rnariage spirituel.) pp. 316-333. — Dom A. JAMET. Marie de l'Incarnation
et ses écrits spirituels de Québec. (Le fait mystique s'y déroule Iout entier dans
sa réalité concrète;) pp. [lÔ5j-[i21]. — G. MOLLARD. L'efficacité de la prièie.
(suite), (Il faut rejetefla pensée molinisle ; causalité morale de la prière vis-à-vis
de sou objet. Rien ne semble empêcher que par ] a prière tel ordre paiticulier de
causés inférieures né soit modifié par l'action de Dieu.) pp. [122]-[143], — M.
ST. MQRARD. La stigmatisée de Konnersreulh.(Lesiaitssont authentiques et donc
miraculeux,)pp, [144]-[152].:— TKÉOTIME DE ST-JUST. Pour fixer la terminologie
mystique^ (L'état mystique est constitué essentiellement par une connaissance
a
amoureuse infuse de Dieu, provenant du plein épauouissement des dans de
l'Esprit-Saint et tout particulièrement du don de sagesse. C'est à tort qu'on
a parlé â'mi abandon 4© ta doctrine traditionneUe du 17e à la fin du 19e siècle,
RECENSION DÉS REVUES 44§

et accusé la spiritualité ignatienne.) pp. [152-156].'== 4930. Janv.— A. LE-


MONNSER. La vie de Dieu,'modèle de la nôtre. (Devenus par la grâce sanctifiante
participants de la propre nature divine, nous devons par notre Vie selon la grâce
deyenirparticipants delà vie deDieu : 1° desayieintra-trinitairede connaissance
et d'amour, vie essentiellement contemplative, par notre vie contemplative,
fond nécessaire en toute âme chrétienne de la vie surnaturelle, et qui trouve
danslafoietlacharitésesprincipesinlmédiats;2udesavie extérieurede Créateur
et de Sanctificateur(vie active qui procède de sa vie contemplativeet s'effectue
sous l'influence souveraine de ses Perfections), par notre vie active, liée à notre
vie contemplative par la direction de la prudencequi transforme en principes
d'action les lumières de la foi et les affections de la charité, et exercée par les
vertus morales, qui nous font participer aux Perfections divines.) pp. 5-19. —:
R. GARRIGOU-LAGRANGE,L'objet propre de la dévotion au Coeur aucharislique de
Jésus. (Est le Coeur de Jésus en tant qu'il nous a donné l'Eucharistie et non en
tant qu'il est présent dans l'Eucharistie.) pp. 40-51. •— R. BEAUSSART. Confes-
sion et direction des enfants et des adolescents. (Discernement des vocations, selon
que l'intéressé manifeste ou non son désir ; conduite des vocations.) pp. 89-101.
—-M.B. LAVAUD. «Philosophie de la prière». A propos de l'Introduction à la
philosophie de la prière de M.BREMOND.' (M.B. n'évite pas suffisammentl'excès
opposé à ceux qu'il signale sous le nom d'ascéticisine, et attribue à tort, à toute
prière la passivité delà prière mystique ; il semble en outre oublier parfois que
la prière est formellement un acte de religion et non de charité.) pp. [25]-[33].
; —
F. X. MAQUART. Pour fixer la terminologie mystique. (Le désaccord sur la
nature des grâces mystiques est théologique, et dépend du désaccord sur la
nature de la grâce efficace. Pour les thomistes la vie mystique peut se spécifier
parl'action prépondérantedes dons (contreles héo-molinistës) et est dans la voie
normale de la vie de la grâce (contre les molmistes). La contemplation acquise
est possible.) pp. f34]-[41].—Févr. —R. BERNARD. Considérations sur le péché
originel, (à suivre) (Importance capitale de ce péché : théologie de saint Thomas
et vérités de foi.) pp. 113-13p. — J. PÉRINELLE. Conseils à des âmes angoissées.
(S'adressentà certaines âmes dominées intérieurementpar des forcesqui semblent
échapper à leur volonté, pour les aider à guérir.) pp. 146-150. -^ V. MÉZIÈRE.
Le message duPère AlexandrePiny. Comment fairede toute notre vie une vie d'amou-
reuse prière, pure et continuelle. (Par le Fiat à l'égard de la divine volonté, dit '
avec sincérité en toute sorte de rencontre.) pp. 151-164.—- G. PICARD. «Saint
Ignace et les Exercices ». (L'étude de M. Bremond est faussée d'un bout à l'autre
par sa théorie de la prière pure ; les nombreux aperçus intéressants qu'elle con-
tient, notamment sur le rôle de la consolation dans le discernement des esprit
et l'élection, en sont rendus suspects et dangereux.) pp. [49]-[79]; — R. P. MA-
RÉCHAL. Pour fixer la terminologie mystique. (Adhère à la note conciliante de
A. Saudreau de juin 1929 ; ne croit pas (et c'est aussi l'avis de A. Saudreau)
qu'il faille admettre la prédétermination physique pour admettre la doctrine
mystique de celui-ci.) pp. £91]-[92]. ~

«ZEïTSGHKIFT PUER E&THOLISCHE THEOLOGIE. 1929. 4.—


P. BROWE.D/Ê Kommunion in der Pfarrkirche. (A propos de la communion des
fidèles, voici un aperçu historique delà législation ecclésiastique au Moyen-Age
et des querelles qu'elle occasionna. Le principe qui prévaut est qu'à l'intérieur
de la paroisse les fonctions pastorales sont réseivées au curé ; à lui bu à son
représentant revient d'administrer le sacrement d'Eucharistie, si possible dans
444 RECENSION DES REVUES

l'église paroissiale. Si des privilèges sans nombre adoucirent aux 14e et 15e siècles
l'exclusivité de ce droit, on ne peut en dire autant en ce qui concerne la commu-
nion pascale.) pp. 477-516. —B. JANSEN. Beilrâgezur geschiehllichenEnlwicl.iung
'der Distinctj.0 formalis (fin). (De S. Bonaventure à Scot et à son contemporain
,
Alexandre d'Alessandria, il est loisible de suivre le développement historique de
la doctrine de la distinction formelle actuelle, antérieure à toute opération
mentale. Les noms de Matthieu d'Aquasparta et d'Olivi marquentles étapes de
ce progrès, Olivi àla même position que Scot, mais, à une époque peu critique,
on accorda à Scot la paternité de la distinctio tormalis parce qu'il avait plus
heureusement que tout autre formulé la doctrine.) pp.517-544.— F.PELSTER. Li-
icrargeschichllicheBeiirâge zu Robert von Melun,Bishof von Herejord. (Description
d'un exemplaire anonyme et jusqu'ici inconnu de la Somme de Robert de Melun
exemplaire conservé dans les mss. Digby 187 et 168 delà Bodléienne. P. établit
que l'auteur de la transcription abrégée de cette Somme n'est pas Robert de
Melun et présume que la rédaction de la Somme elle-même fut commencée à
Oxford vers Tan 1158.) pp. 564-579.-—J. A. JUNGMANN. Beobachlungen zum
Forileben von Hippolyls « Apostolischer Uberlieferungs ».(Tandis" qu'en Orient
la « Tradition apostolique » gagne en crédit parce qu'on croit qu'Hippolyte est
un disciple direct des Apôtres, le livre en Occident est vite voué à l'oubli. Toute -
fois deux textes d'Hippolyte ont pris place dans le Pontif ical Romain, Lepremier
concerne la consécration des diacres ;on le trouve déjà dans les « staluta ecclesiae
antiqua » recueil canonique composé au début du 6e s. dans la région d'Arles ;
des influences orientales auraient fait connaître Hippolyteà Arles ; nous aurions
donc un texte revenu d'Orient à Rome par l'intermédiaire de la liturgie Gallica-
ne. Le second texte d'Hippolyte, relatif à la consécration des saintes huiles,
serait passé par contre directement dans la liturgie romaine.) pp. 579- 585 =
4930.4..—C. FECKES.Wz'ssen, Glauben und Glaubenswisscnschaftnach Alberldem
Gressen. (Étude générale sur la position d'A. le G. dans les problèmes touchant
les rapports de la science et de la foi. I. Avant A. deux courants dépensée avan-
tageant l'un la science au détriment de la foi, l'autre la foi de préférence à la
science. II. La connaissance et la science chez A. Solution aristotélicienne.
L'intellect agent est situé dans l'homme : importance de cette révolution.
III. La foi selon A. Ses trois éléments : objet, lumière, tendance volontaire,
Importance particulière attribuée à la tendance affective. IV. Rapports de
la foi et de la science : elles ne s'opposent pas, chacune a son dom aine,mais la
foi est supérieure.V. La science de la foi. Constitution de la théologie comme scien-
ce grâce aux principes aristotéliciens. Conclusion : A.a déjà pour l'essentiel
la position de S.Thomas. Il donne cependant plus d'importance que lui à l'élé-
ment volontaire dans l'acte de foi et en conséquence il fait de la théologienne
science pratique), pp. 1-39. —B. GRIESSER. Beiirâge zur Texlgeschichte der
ExposilioIV Evangeliorum des Ps.-Hiei-pnymus.(Pour-jeter un peu de lumière
sur les difficultés diverses soulevées par cet ouvrage,G. distingue et compare
méthodiquement deux rédactions différentes que nous livrent les manuscrits
carolingiens.) pp. 40-87. —P. GAECHTER. Zur Exégèse von Rpm 6,5, (Comment
définir les expressions avpqmroi, et tq> opoio'ipaxirpvOavârov aêrovet com-
ment les accorder dans le texte du verset.) pp. 88-92. —J. B. ÙMBERG. « Sacra-
menla efficiunt quad significanl ». (Réponse à l'article publié dans le Jahrbuch
fur Lilurgiewissenschafi, S (1928), par O. Casel.) pp. 92-106.
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