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Abstract
Objective knowledge and knowledge valid for everyone can be envisaged, according to the statement in the Prolegomena, as
interchangeable concepts (Wechselbegriffe). The Allgemein gültigkeit in which the objectivity of the object is then resolved
supposes that its synthesis is effectuated by a subject invested with a public function and acting according to rules which are
themselves public. Categories, schemes and principles of pure understanding can be interpreted as the whole of the dispositions
of an original contract — there is no need to see in it an historical fact — instituting, in the critical sense, the function of the
transcendental subject and, correlatively, the form of the transcendental object. It is a priori that men must be able to reach an
agreement about what they understand by an object valid for everyone and about the point of view which they keep to in the
synthesis of this object. It is likewise a priori that the rules of this aperceptive synthesis must be capable of being represented.
Résumé
Connaissance objective et connaissance valable pour chacun peuvent être envisagées, d'après le mot des Prolégomènes,
comme des concepts interchangeables (Wechselbegriffe). L'Allgemeingültigkeit en laquelle se résout alors l'objectivité de l'objet
suppose que sa synthèse soit effectuée par un sujet investi d'une fonction publique et agissant selon des règles elles-mêmes
publiques. Catégories, schemes et principes de l'entendement pur peuvent être interprétés comme l'ensemble des dispositions
d'un contrat originaire — il n'est pas besoin d'y voir un fait historique — instituant, au sens critique, la fonction du sujet
transcendantal et, corrélativement, la forme de l'objet transcendantal. C'est a priori que les hommes doivent pouvoir s'accorder
sur ce qu'ils entendent par un objet valable pour chacun et sur le point de vue auquel ils se tiennent dans la synthèse de cet
objet. C'est a priori également que doivent pouvoir être représentées les règles de cette synthèse aperceptive.
Canivet Michel. La déduction transcendantale de Kant au point de vue social. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième
série, Tome 75, N°25, 1977. pp. 49-73.
doi : 10.3406/phlou.1977.5921
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1977_num_75_25_5921
La déduction transcendantale de Kant
au point de vue social
1. La déduction de 1781
saire des représentations de lourdeur et de rougeur (p. 113) (A 100-101). Par ailleurs,
tout concept implique en outre la possibilité de lier de façon nécessaire des mots et
des choses (ibidem).
27 C.r.pure, p. 118 (A 105).
28 C.r.pure, p. 119 (A 106).
29 C.r. pure, pp. 120-121 (A 107).
La déduction transcendantale de Kant au point de vue social 57
33 Cf. C.r. pure, p. 1 16 (A 104) : «Cette conscience peut souvent n'être que faible»
et, p. 131, note (A 117): «que cette représentation soit claire (conscience empirique)
ou obscure, cela ne fait rien ici ».
34 Bien concrètement, ceci signifie que notre rapport à l'objet ne peut être assuré
que si la philosophie transcendantale kantienne est possible... Kant admet, bien
entendu, que les hommes n'ont pas dû l'attendre pour avoir affaire à de véritables
objets.
La déduction trans cendantale de Kant au point de vue social 59
les yeux » non seulement son acte synthétique mais encore « l'enchaîne
ment d'après des règles a priori», un problème difficile se pose :
comment l'esprit peut-il se représenter absolument a priori son activité
synthétique en tant que réglée? Synthèse réglée a priori, soit, mais de
quoi?
L'apparition de ce dernier problème fait rebondir la déduction.
Après avoir démontré que l'objet renvoie à l'aperception transcendan-
tale, que celle-ci opère selon certaines règles ou concepts et que, par
conséquent, les catégories ont en principe une valeur objective, Kant
conclut en disant «c'est là proprement ce que nous voulions savoir»
puis enchaîne aussitôt par un « mais ». « Mais la possibilité et même la
nécessité de ces catégories reposent sur le rapport que toute sensi
bilité et, avec elle, aussi tous les phénomènes possibles ont avec
l'aperception originaire»35. Comment en effet concevoir absolument
a priori la synthèse catégoriale? Toute synthèse étant synthèse de
quelque chose, il est indispensable de pouvoir se représenter en même
temps a priori un minimum de matière nécessaire à la représentation
de la synthèse intellectuelle. V Esthétique transcendantale offre la
solution: une diversité pure donnée par les formes a priori de la
sensibilité. Celles-ci ont justement, d'après Kant, la propriété remar
quable d'être à la fois des formes de l'intuition (qui sont nécessaires
pour toute intuition empirique) et des intuitions formelles (qui sont
déjà représentables en elles-mêmes). Des formes en question, c'est le
temps qui doit être retenu ici en premier lieu parce qu'il vaut tant
pour notre sens interne que pour nos sens extérieurs36. Ce sera donc
la structuration catégoriale a priori du temps qui assurera la valeur
objective des catégories, non seulement parce que les catégories sont
par là applicables à tous les phénomènes, mais encore parce que cette
structuration permet à l'esprit de se mettre «devant les yeux» tout
à fait a priori l'identité de la fonction aperceptive37.
L'interprétation in ter subjective paraît possible et éclairante dans
le cas des catégories et de leur structuration temporelle si l'on admet,
comme plus haut, que l'aperception est une «commune fonction de
3. La déduction de 1787
telle chose, tel autre avec telle autre chose; l'unité de la conscience
dans ce qui est empirique n'est, par rapport à ce qui est donné,
ni nécessairement, ni généralement valable {nicht notwendig und all-
gemein geltend)»*9. La simple affirmation d'un état de conscience
associatif ne confère qu'une valeur particulière à la liaison : observer
simplement que moi ou tel autre associons un mot et une chose,
c'est tout différent de désigner, pour tous, la chose par le mot.
Nouvel à-coup, le sens de l'objectivité comme Allgemeingùltigkeit
est intégré à une définition forte du jugement. Le jugement authent
ique, d'après Kant, n'est pas le jugement où j'affirme une simple
association de mes états représentatifs, en disant par exemple que
«quand je porte un corps, je sens une impression de pesanteur».
Le jugement authentique permet au contraire de dire « que le corps
lui-même (er, der Kôrper) est pesant; ce qui revient à dire que ces
deux représentations sont liées dans l'objet ou ne dépendent pas de
l'état du sujet (ohne Unterschied des Zustandes des Subjekts) et que
ce n'est pas simplement dans la perception (aussi souvent qu'elle soit
répétée) qu'elles sont accouplées»50. Dans ce passage, où l'on retrouve
le jugement d'expérience des Prolégomènes, on retrouve également la
nécessité propre à l'objectivité expliquée en termes d'indépendance
par rapport à l'état de conscience individuel.
Le troisième moment de l'intégration des thèmes intersubjectifs
des Prolégomènes est celui de la mention explicite du Bewusstsein
ùberhaupt. L'expression ne figure que dans un passage, qui toutefois
est d'importance puisque Kant y accomplit, en un tour de main,
la démonstration de principe de la valeur objective des catégories par
rapport aux intuitions. D'une part, nous apprenons que la fonction
logique du jugement — du jugement objectif et universellement valable
défini à l'instant — est qu'il «ramène à l'unité de la conscience en
général {in einem Bewusstsein ùberhaupt)» le divers de l'intuition51.
D'autre part les catégories sont précisément déclarées «fonctions du
jugement, en tant que le divers d'une intuition donnée est déterminé
par rapport à elles » 52 .
Mais jusqu'ici la déduction n'est effectuée qu'en principe. Reste
le problème de la pertinence des catégories par rapport à notre
* * *
résolus, c'est dans la mesure où ils sont posés dans leur dimension
juridique. Le tribunal de la Critique ne s'occupe pas des objets mais
de la légitimité des prétentions intersubjectives en ce qui les concerne.
S'il n'y a pas de problème insoluble, c'est en raison du vieux principe
selon lequel «le juge ne peut refuser de dire le droit»63. Mais ici,
dire le droit, c'est plus que dénouer des litiges particuliers, c'est encore
satisfaire à l'exigence de publicité que le droit comporte en lui-même 64.
À cet égard il ne suffit pas de dire que nul n'est censé ignorer la loi.
Il est donc essentiel, dans un commentaire de la Critique de la raison
pure, de tenir compte du fait, apparemment banal, que Kant a publié
ce livre.